ARCHIVES
LE
NEUROLOGIE
ËYREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HÉRISSËY.
ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
REVUE .
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
PUBLIEE 9 0 U 8 I. A D I Illï C T 1 0 N 1)1 !
J.-M. CIIA1VCOT
AHC LA COLLABORATION DU
1151. BABINSICI, BALLET, BITOT (l ? A.), 81..1NCIIAItU, BLOCQ, BO\NAlltlr ;1 : .).
BOUCHE ! OEAU, BITIAND (11.), BRICOX (P.). BIIISSAIID
B))OUA)tDEL (P.), CATSARAS, CHARPENTIER, C.IIASUN, COTA11O, DEUOVE (M.)
11ELAS1AUVE, DIÎNV, UUVAL (111ATRIIAS), l'LIIIIIEI, GILLES DE L1 'POUItETTL,
GLOVEB, G011BAULT, GRASSET, JOEFROY (A.), (P.), LASDOUZV,
LEGRAIN, 111ABILLG, MAGNAN, MARIE, MEMJELSSOHN, MIEHZEJEWSICY,
llllS61t : 1V1 : -CLA1', NGU\IANN,PA1POUKIS, PAlll\AUU,PfEI11111T,PITItES,
POPOFF, HAOULT, RAYMOND (F.), RAYMOND (P.),
11ECiNAItl) (À.), REGNAI ! » (P.), H1CUER (P.), ROUBI10VISCH, W. ROTII,
ltOUSSI : LET (.1.), SIiGLAS, SEGUIN (E.-C.), SOLL1EH, TALA110\,
(IS.), TIILILII : (IL), TItOISIlit (r.),
1'IGOlIItOIIX (11.), VOISIN (J.).
Rédacteur en chef : BOtJ)tI\ËV)).).E
Secrétaire de la rédaction : Cil. Déité
Dessinateur : LEUBA.
Tome XVI. - 1888.
Avec 2 planches et 20 figures dans le texte.
PARIS
BU 1» EAUX DU PHOUHÈS MÉDICAL
i'i, rue des Carmes.
1888
Vol. XVI. Juillet 1888. N" 46
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
ÉTUDE PATuOGËNIQUE ET EXPÉRIMENTALE
SUR LE VERTIGE MARIN';
Par 1C D P.-S. P1\IPOUILIS,
En mission scientifique par l'Université d'Athènes.
DEUXIÈME PARTIE.
Expériences sur notre appareil à vertige marin.
Avec la table à vivisection nous avons obtenu seule-
ment des mouvements antéro-postérieurs. Mais ce
n'était pas suffisant, attendu que notre but était d'étu-
dier surlout les mouvements d'un navire au moment
de tempête pendant laquelle se produisent des mouve-
ment de tangage (antéro-postérieurs), ou de roulis (la-
téraux) ou mixtes (de tangage et de roulis). Il fallait
donc inventer un appareil qui nous donnât ces mou-
vements. Après une étude laborieuse de la question,
nous sommes heureusement parvenu à la résoudre.
' Voir drck. cle \'ctcrol., t..TV, y. 393.
Archives, t. XVI. 1
2 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Nous avons, par conséquent, fait construire un appa-
reil, dont voici l'ensemble.
On voit par ces croquis que les mouvements cher-
chés sont entièrement obtenus par la rotule qui est
encastrée à son centre dans une calotte de même dia-
mètre. La rotule faisant pièce unique avec une co-
lonne haute porte la table à expérience. Cette table est
fixée à sa partie inférieure par six vis à doubles an-
neaux articulés, trois de chaque côté. A chacun des
anneaux inférieurs est fixé un boudin en caoutchouc
Fig. 1. -Appareil à vertige marin du D' P. S. l'ampoukis.
bU VERTIGE lIiARIN 3
creux, à couronne épaisse ou de petit calibre. Ces tubes
en caoutchouc par leurs extrémités inférieures sont
fixées également et de la même manière à l'entable-
ment inférieur, qui supporte tout l'appareil à l'aide
de solides équerres. Sur les côtés du support de la
table à expériences sont placées deux poignées en fer,
au moyen desquelles on imprime à l'appareil les mou-
vements imitant les mouvements du bateau.
Notre appareil a été construit en bois de charme. Mais
nous aurions pu le faire construire en fonte, si nous
avions eu la certitude de réussir aussi bien qu'avec le
bois. Toutefois, si nous n'avions pas recherché la sim-
plicité, nous aurions pu compliquer le mécanisme en'
ajoutant une double articulation sphérique à l'extré-
mité inférieure de la rotule, mise en mouvement par
une transmission à angle droit sortant par le côté la-
téral dans le- sens de la longueur; cette transmission
aurait été alors actionnée au moyeu d'une manivelle.
Mais nous avons obtenu le même résultat par les deux
poignées placées de chaque côté du support de la table
à expérience. Nous relatons les dimensions de notre
appareil.
4 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
ments aussi vastes que nous voulons, et qu'en outre,
par l'action de la rotule, nous obtenons tous les mou-
vements désirables. Chacun devine l'action des tubes en
caoutchouc. D'abord, l'appareil est toujours rappelé à
son équilibre normal ; ensuite, tout le poids de l'animal
est supporté par la traction des tubes en caoutchouc
opposés aux mouvements que nous exécutons, et
par conséquent le maniement de l'appareil est rendu
facile. Ayant réussi à imiter parfaitement les mouve-
ments du bateau à l'aide de notre appareil, nous
avons commencé les expériences.
a). Lapins. D'abord nous avons fixé, au centre de la table
une grande cage dans laquelle nous avons placé un lapin. Après
cinq minutes de mouvements d'évolution complète de l'appareil,
le lapin ne peut plus se tenir sur les pattes, et il se met à plat
ventre ; il refuse de manger; ses pupilles se dilatent; la respira-
tion devient fréquente-, les oreilles se dressent; un léger tremble-
ment apparaît.
Alors nous le plaçons par terre. Le tremblement continue ; les
pattes, surtout les postérieures, sont écartées en dehors; le lapin
s'assied sur les cuisses; il ne mange pas; bien que nous le
poussons à marcher, il reste en place. Nous pinçons la peau, mais
pas de réaction ; cependant nous savons que les lapins ont la
peau très sensible et qu'au moindre tâtonnement ils réagissent
par des mouvements. Le lapin reste dans cet état de stupeur
pendant quelques minutes et, peu à peu, il reprend ses habitudes.
Après un repos de dix minutes, il revient à l'état normal, ne
supportant pas.le pincement, etc.
Nous reprenons les expériences sur d'autres lapins que nous
balançons, sans arrêt, pendant trois quarts d'heure. Nous obte-
nons les mêmes résultats : les lapins avaient l'air d'abord inquiet,
puis triste; les pupilles ne ,se contractent plus à la lumière
pendant les mouvements, ni après.
b). Cobayes. ? Nous les plaçons dans la même cage ; nous les
balançons; ils étaient inquiets ; ils faisaient des mouvements de
mastication. Mais, en somme, ils n'avaient pas l'air de bien souffrir.
c). Chiens. Enfin, nous avons balancé des chiens.' Pendant les
mouvements, un petit chien 'gémissait tout doucement ; il était
inquiet ; il tremblait ; il changeait de place, mais de préférence
DU VERTIGE MARIN. 5
il occupait la place opposée à la chute de la tête ; notons que la
cage a été placée à une des extrémités de la table.
Après un balancement d'une demi-lieure nous le mettons par
terre; il n'a pas la démarche cérébelleuse ; nous remarquons
seulement une faiblesse des membres postérieurs ; il a souvent des
secousses générales ; après un repos de deux à trois minutes, il
reprend son état normal. Alors nous balançons des chiens pen-
dant une heure; ils souffrent de plus en plus; ils ne peuvent plus
se tenir sur leurs jambes; ils s'asseoient sur leurs membres pos-
térieurs et ils restent immobiles; ils ont l'air triste et abattu.
Sur un chien de race terrier mâtiné, les phénomènes ont été
plus accentués. La bouche reste entr'ouverte comme chez le
chien qui vient de courir et la respiration devient haletante; vers
le milieu de l'expérience, le petit chien a des bâillements à répéti-
tion, l'air triste ; il ravale; il met la queue entre les jambes et il
baisse les oreilles. Enfin, il s'étend sur le ventre, ne pouvant plus
se tenir, à mesure que l'expérience avançait. Pendantl'expérience,
non seulement il refuse de manger, mais il retourne la tête.
Nous avons constaté cet état de choses chez tous les chiens que
nous avons soumis à l'expérience.
Nous avons attaché des chiens parles pattes sur la table ci expé-
rience et nous avons observé les mêmes phénomènes. Nous voyons
de plus, après des mouvements de vingt à trente minutes, une
salivation abondante ; la salive était alcaline et coulait continuelle-
ment jusqu'à la fin de l'expérience. Avec la salivation nous
avons observé aussi des bâillements et des ravalements. Ces trois
signes sont très importants.
Après des mouvements d'une heure les chiens étaient abattus;
ils fermaient les yeux en tombant dans un état somnolent; ils ne
remuaient plus vers la fin de l'expérience. La température rectale,
même après de longs mouvements, n'a pas été abaissée au-dessous
de 3 ? elle restait à 38°.
Ces résultats des expériences sur notre appareil
prouvent que les animaux soumis à des mouvements
finissent par avoir les symptômes du vertige expéri-
mental. Il est à remarquer que les animaux ne vo-
missaient pas. Mais nous savons aussi par les marins,
qu'à des rares exceptions près, les animaux ne vomis-
sent non plus, quand ils ont le vertige marin à bord
du navire. Nous avons pris les tracés thoraciques sur
plusieurs chiens attachés. Nous citons ici les résultats
6 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
frappants. D'abord les respirations deviennent plus
fréquentes et perdent de leur amplitude; puis, le con-
traire se produit. Si nous interrompons l'expérience,
nous constatons qu'immédiatement la respiration perd
encore de sa fréquence.
Touchant maintenant un peu aux détails, nous ci-
tons qu'au début de l'expérience les respirations en
devenant plus fréquentes et moins amples changent
aussi leur rythme. Aprèsun balancement de ]0' à 15',
les respirations diminuent leur fréquence et revien-
nent presque à l'état normal. Dans le repos qui suit le
balancement, les respirations diminuent presque d'un
tiers de leur nombre (8 au lieu de 12). Si l'expérience
se prolonge alors les respirations deviennent moins
fréquentes qu'à l'état normal, et plus amples jusqu'au
double même.
Mais le résultat le plus important de ces expériences
c'est que l'animal se
met, quant à sa respi-
ration, au rythme des
mouvements de /'<7/)/M-
reis. En augmentant
la' vitesse des mouve-
ments de l'appareil ,
nous constatons pro-
portionnellement une
augmentation de la fré-
quence des respira-
tions, et puis, l'in-
verse. Nous allons in-
tercalér quelques tra-
cés relatifs aux résultats de ces expériences.
t'iij. -. IlMOJs dos IC»[l lallu.ia u ll.l
chien attaché sur notre appareil. Le
tracé supérieur indique la respiration
diaphragmatique.
DU VERTIGE MARIN. ' '7 7
Nous donnons quelques explications sur ce tracé;
les deux premières lignes verticales qui sont rappro-
chées indiquent le moment où la tête se trouve en bas;
la ligne qui suit indique le moment où nous avons
soulevé l'appareil presque en ligne horizontale; la
Fig. 3. Trace» du même ctucit au deuui des mouvements sur notre
appareil. Le tracé diaphragmatique se trouve en haut.
rig. 4. Tracé-, du même chien après quarante miuuius du balancement
sur notre appareil.
'8 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
troisième indiquelemomentpendantlequella têteétait
en haut et par conséquent les pieds en bas; la qua-
trième marque le
moment où l'ap-
pareil a été ra-
mené à laposition
horizontale et in-
cliué du c8té droit
latéralement; en-
fin, les deux cin-
quièmes repré-
sentent le mo-
ment où la tête
était en bas, pour
recommencer une nouvelle évolution. Ces lignes ver-
ticales ont été prises d'après l'action du métronome,
par conséquent dans des espaces absolument égaux.
Voici maintenant les tracés pris sur des lapins atta-
chés sur notre appareil. ,
Avant de commencer des expériences sur un chien,
nous lui avons donné à manger 200 grammes de
viande. Peu après le début de l'expérience, il a com-
mencé à lécher; dix minutes après, il bâillait; trente
minutes après, il a eu une salivation, mais pas aussi
abondante que dans deux autres expériences que nous
avions déjà faites. A la fin de l'expérience, le chien mar-
chait de travers, par manque d'équilibre des membres
postérieurs, et cela pendant trente secondes, après quoi
il y a eu évacuation de la vessie et du rectum. L'ani-
mal est redevenu d'aplomb au bout de deux minutes.
Ensuite, nous avons entrepris une série d'expé-
riences, en poussant le balancement jusqu'à la limite
Fig. 5. - Tracés pris en repos et après les
mouvements de quarante minutes. La cour-
bure supérieure indique toujours la respira-
tion diaplita-matique.
DU VERTIGE MARIN. H
extrême et en inclinant la colonne subitement et
brusquement de manière à produire une secousse par le
contact du bord de la
colonne avec le bord
du collier et cela peu-
dant la chute de la
tête.
Cette espèce de ba-
lancement, en imitant
la secousse que le ba-
teau ressent en brisant
les flots, indispose
l'animal plus que
tout autre mouvement.
Ainsi, il commence à
crier pendant les vingt
premières minutes ;
ensuite, il gémit en se
léchant et cela immé-
diatement après la se-
cousse, quand nous
relevons la table.
En comparant les
traces que nous avons pris dans les divers moments
du balancement, nous avons constaté qu'avec le début
des mouvements de l'appareil la respiration change et
commence à s'accommoder à ces mouvements; plus
l'expérience avance, plus les deux respirations s'ac-
commodent, en s'approchant, quand la tête est en
chute, et en s'éloignant quand la table s'élève. Les
respirations d'abord augmentent de fréquence,. puis
elles diminuent en prenant de l'amplitude. Ce
Fiy. G. - 1'racvs des respirations d un
lapin, en repos sur notre appareil. Les
deux supérieurs sont les thoraciques.
Les deux inférieurs sont les diaphrag-
maliques.
10 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
changement persiste et même augmente dans le
repos, qui suit le balancement. Pour se persuader
de ce que nous avançons il suffit d'étudier et com-
parer entre eux les tracés à partir du n° 2 à 5 et
ceux des nos6 à 7.
ANAYSE DES GAZ DU SANG D'UN CHIEN AVANT ET TENDANT LE
BALANCEMENT.
Nous avons fait l'analyse des gaz du sang d'un chien avant et
pendant les mouvements sur notre appareil, en retirant de la
fémorale 100 centimètres cubes pour deux analyses. Nous avons
constaté qu'après le balancement le G02 et l'O étaient augmentés.
Mais, avec une seule expérience, nous n'osons pas tirer de conclu-
sions ; il faudra donc répéter ces -expériences, ce que nous nous
proposons de faire prochainement.
Fig. î. - 1.u .apm est en balancement sur notre appareil. La courbure
supérieure indique la respiration thoracique. Entre les deux lignes
verticales, il va une évolution complète de l'appareil en mouvement.
DU VERTIGE MARIN. il
SAIGNÉE GÉNÉRALE ET BALANCEMENT.
Nous avons retiré de ee même chien, employé par nous pour
l'analyse des gaz du sang, et par la môme fémorale. 420 centi-
mètres cubes de sang, soit pres-
quele 1/5 de son poids total. Im-
médiatement après la saignée,
nous avons lu dans le tracé que les
Fig. 8. 'tracés pris sur le olncn en repu ? biii, ul.u ,.upareil.
L'artère fémorale est découverte. La courbure supérieure indique la
respiration thoracique.
tig. 10. -'l'races pris cinq minutes
après la saignée.
Fig. 9. - l'rucr ps 'immédiatement
après la saignée de) 420 c. m. c. Même
,. disposition des courbures.
1 °
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
respirations sont devenues plus fréquentes et moins amples. Cinq
minutes après, elles étaient très fréquentes et petites. Dix minutes
après, elles étaient déjà moins fréquentes et plus amples. En voici
les tracés relatifs.
Alors nous avons balancé le chien, mais il n'a eu ni salivation,
ni bâillement, ni ravalement comme dans l'expérience précédente.
Tantôt il crie continuellement, tantôt il tombe dans un état de
f Fig. 11. - Tracés pris dix minutes après la saignée.
Fig. 1v. - Tracés pris en balancement après la saignée.
DU VERTIGE MARIN.
13
stupeur avec silence absolu, les yeux demi-fermés, dans une com-
plète immobilité, malgré tous les grands mouvements qu'on
donne a l'appareil. Apres la un de
l'expérience, l'animal était abattu,
étendu sur place , refusant de
mander.
Fig. 1. - Tracés pris après un balance-
ront d'une demi-heure (après la saignée).
1
Fig. Il. f. - Tracés pris après un balan-
cement (I'le7le lieiii-e.
Fig. la. Tracés pris en repos, immédiatement après le balancement
d'une heure (après la saignée).
14 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Pourquoi après cette grande saignée, nous n'avons
pas observé pendant le balancement de l'animal
ni la salivation, ni les autres signes caractéristiques
du vertige marin produit par notre appareil ? D'après
nous, nous expliquons le manque de salivation par
la raison que le sang ayant perdu presque le ciii-
quième de son volume a diminué de pression, et par
conséquent a absorbé des liquides de l'économie, d'où
les sécrétions ont été suspendues, malgré la provoca-
tion du balancement.
Nous relirons de plus de cette expérience un résul-
tat pratique et très important. C'est que dans le ver-
tige marin, il faut interdire l'usage des liquides autant
que possible, avant et pendant la traversée, car la dimi-
nutiort de la pression sanguine qui eu résulte empêche la
manifestation des symptômes du vertige marin.
Quarante-huit heures après la grande saignée, nous avons
balancé le même chien ; cinq minutes à peine après le début du
balancement, le chien (t eu de la salivation ; bien que le balance-
ment aitduré une heure, le chien n'a pas crié, il n'a pas été inquiet,
il restait immobile sur place en relevant de temps en temps la
tête, peut-être pour voir ce qui se passait autour de lui.
Ou voit que la salivation a été produite presque inz-
médiatement au début des mouvements ; d'où nous con-
cluons que l'anémie prédispose aux symptômes du
vertige marin. Cette expérience est aussi d'accord
avec ce qui se passe chez les passagers; car nous sa-
vons que les personnes débilitées, anémiques, ner-
veuses, et surtout les femmes, sont plus prédisposées
au vertige marin que les autres.
Pression sanguine et balancement sur notre avpareil.
Dans une série d'expériences sur la pression sanguine,
DU VERTIGE MARIN.
13
nous avons réussi à prendre simultanément les deux
pressions, celle de l'artère carotide et celle de la fémo-
rale, tant en repos qu'en balancement. D'abord nous
avons pratiqué la trachéotomie; ensuite nous avons
mis à nu les deux artères. Alors le chien étant atta-
Fig. 16. Tracés de la pression des artères carotide et fémorale. Les
tracés doivent être lus de droite à gauche. Le tracé de la carotide se
trouve en haut. Tout à fait en bas, on voit les secondes. A droite, du
début des tracés jusqu'à la première ligne verticale, nous avons les
pressions en repos. Ensuite les tracés en balancement lent, et de la
façon suivante : tète en bas ; tête au niveau ;tête en haut.
16 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
ché et en repos, sur notre appareil, nous avons pris
sur le même tracé la pression sanguine des deux ar-
tères en même temps. Ceci fait, nous balançons le
chien et nous prenons les deux pressions au début des
mouvements. Les tracés de deux artères ont été les
mêmes en marchant d'accord. Tous les deux ont été
influencés par la respiration, laquelle a donné aux
tracés les courbures d'accomodernent aux mouve-
ments de l'appareil, dont nous avons plusieurs fois
parlé.
D'ailleurs, en voici ci-dessus un des tracés relatifs.
Influence des mouvements de notre appareil sur les
mouvements du cerveau et du liquide céphalo-rachidien.
- -Au mois de juillet de 1887, nous avons entrepris
la dernière série de nos expériences sur le vertige ma-
rin. Nous avons voulu étudier l'influence des mouve-
ments de notre appareil sur le liquide céphalo-rachi-
dien. Nous avons essayé d'enregistrer les mouvements
de ce liquide par la membrane occipito-atloïdienne.
Malheureusement, la canule de M. le professeur Dastre
ne pouvait pas nous servir, attendu que les tracés
pris au moyen de cette canule sont à peine de quel-
ques millimètres, l'animal étant au repos. Nous avons
essayé plusieurs méthodes pour amplifier ces tracés,
mais les résultats ont été presque insignifiants. En-
suite, nous avons opéré sur plusieurs chiens en faisant
la trépanation du crâne pour essayer d'enregistrer par
ta. Mais pour les mêmes raisons nous ne sommes pas
parvenu à des résultats satisfaisants. Cela ne nous dé-
sespère pas. Très prochainement, nous allons reprendre
l'étude du déplacement du cerveau et du liquide cé-
DU VERTIGE MARIN. 17
phalo-rachidien pendant les mouvements de notre ap-
pareil. La solution de cette question est très importante.
Car si nous arrivons à prouver ces déplacements, la
théorie de l'influence du liquide céphalo-rachidien sur
la production du vertige marin serait classée parmi
les causes réelles.
Résumé de nos expériences faites sur des animaux placés sur notre
appareil en mouvement. a). Lapins. Quelques minutes après
le début des mouvements, les lapins ne peuvent plus se tenir sur
les pattes; ils ne mangent pas; les pupilles se dilatent; la respi-
ration devient fréquente au début et lente vers la fin ; les oreilles
se dressent ; vers la fin de l'expérience nous constatons des trem-
blements des membres. Durant l'expérience, les lapins ont le
regard inquiet.
b). Cobayes. Ils paraissent inquiets et font des mouvements de
mastication ; ils ont de plus les autres signes. Mais ils souffrent
moins que les lapins. -
c). Chiens dans la cage sur l'appareil. En général les jeunes
souffrent plus que les vieux ; ceux de petite taille plus que les
grands. Ils deviennent inquiets ; ils changent constamment de
place, mais ils préfèrent surtout tourner la tête du côté opposé à
chute de la table; ils crient; mais le plus souvent ils gé-
missent; ils tremblent.
Si l'expérience se prolonge (une heure, par exemple), ils de-
viennent tristes; ils ne peuvent plus se tenir sur les pattes; ils s'é-
tendent sur le ventre et ils y restent immobiles. Il y en a qui ont
eu la respiration haletante avec des bâillements et des ravale-
ments ; alors ils baissaient les oreilles et plaçaient la queue entre
les pattes. Les chiens soumis à l'expérience ne mangeaient pas.
d). Chiens attachés par les pattes sur l'appareil. Nous avons
observé les mômes phénomènes; mais surtout les bâillements
et les ravalements. 1
Vingt à trente minutes après le début des mouvements, ils ont
une salivation qui rarement a manqué, tandis que chez quelques
autres elle a été abondante. Nous considérons la salivation
comme le signe le plus important du vertige marin expérimental
des animaux.
Si l'expérience se prolonge, alors ils ont une espèce de som-
nolence; ils deviennent abattus; ils ne remuent plus. La tempé-
rature rectale, même après de longs balancements, n'a pas trop
baissé (38°). Les changements de la respiration sont les mêmes;
Archives, t. XVI. 2
18 ô - PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
de plus, nous avons observé pendant les expériences que le sys-
tème de la respiration s'accommode aux mouvements de l'appareil ;
ainsi, en augmentant la vitesse des mouvements, les respirations
augmentent aussi proportionnellement.
Si les chiens mangent immédiatement avant l'expérience, alors
ils commencent à ravaler et à bâiller presque dès le début des
balancements. En produisant sur l'appareil des secousses pendant
la chute de la tête, l'état de l'animal s'aggrave, il ravale alors
presque à chaque secousse. Les grandes saignées générales
empêchent l'apparition des symptômes que nous avons constatés
chez les autres chiens en balancement.
L'anémie prédispose à l'apparition rapide de ces phénomènes,
comme nous l'avons constaté expérimentalement. Ayant pris
simultanément la pression de la carotide et de la fémorale, nous
avons constaté que les tracés étaient les mêmes pendant le balan-
cement. Tous les deux ont été influencés par la respiration,
laquelle a été accommodée aux mouvements de l'appareil.
Nous n'avons pas pu étudier l'influence du balance-
ment sur les mouvements du cerveau et du liquide
céphalo-rachidien, car les appareils connus jusqu'à
présent pour enregistrer ne donnent que des cour-
bures de quelques millimètres. Nous avons essayé plu-
sieurs méthodes pour amplifier ces tracés; mais les ré-
sultats ont été presque insignifiants.
IV. Vertige marin DE l'homme.
a.) Symptômes. Notre but n'étant pas de faire ici
une description complète et détaillée du vertige marin,
mais seulement de ses causes et de sa pathogénie, nous
n'insisterons pas sur les symptômes, qui d'ailleurs sont
bien connus et décrits. Nous rappelons seulement que
dans le vertige Menière, nous avons presque les mêmes
symptômes, qui surviennent au moindre élèvemeiii de
la tète vers le plafond, comme nous avons eu les occa-
DU VERTIGE MARIN. 111)
sions de nous en assurer maintes fois chez les malades
que notre illustre professeur et maître M. Charcot,
nous a fait voir pendant les dernières années à la salle
de ses conférences, à propos de l'action énergique du
sulfate de quinine à la dose quotidienne d'un gramme
contre ce vertige.
En comparant ici les symptômes de ces deux ver-
tiges, nous nous hâtons de faire observer que nous
n'entendons pas par cela même établir une pathogénie
commune, car le sifflement d'oreilles est le symptôme
important du vertige Menière, tandis qu'il fait défaut
ou se manifeste à peine dans le vestige marin; ensuite,
les nausées et les vomissements ne surviennent qu'à la
fin de la crise du vertige Menière, tandis que dans le
vertige marin, ils constituent le premier symptôme.
Par conséquent, nous pouvons décider dès maintenant
que la théorie de Goltz sur les canaux demi-circulaires
ne peut pas s'appliquer au vertige marin, du moment
que la symptomatologie de ces deux vertiges diffère
dans le fond. Nous citons ici que tous les symptômes
du vertige marin de l'homme se sont manifestés chez
les animaux pendant nos expériences, sauf les vomis-
sements, qui d'ailleurs ne se produisent pas ordinai-
rement chez les chiens et d'autres animaux montés sur
le bateau « la mer sur la terre ou sur les navires ou
voiliers pendant la tempête.
b.) Les antiennes théories sur le vertige marin.
Nous croyons inutile de rapporter ici les dix différentes
théories, car elles sont déjà combattues par les au-
teurs qui se sont occupés de la question. Il n'y eu a
qu'une seule qui vaudrait la peine d'être discutée;
20 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
c'est celle de Marius Autric sur les oscillations du li-
quide céphalo-rachidien et de l'anémie conséquente du
cerveau. Nous en parlerons plus loin. Quant à la théorie
miasmatique et microbienne, nous nous permettons
de faire une réflexion. générale. La bactériologie est une
science récemment créée par l'illustre maître Pasteur,
et développée par Koch, Cornil et ses élèves, Duclaux,
les élèves de Pasteur, et autres éminents spécialistes.
Si les études bactériologiques restaient entre les
mains de pareils savants, qui possèdent tous les
moyens nécessaires pour mener à bien des expériences,
alors l'avenir de la bactériologie serait vite assuré.
Mais, plusieurs autres docteurs, poussés par un zèle
d'ailleurs louable, se sont adonnés aux mêmes études
sans posséder les mêmes éléments d'expérience. C'est
ainsi que nous avons vu tant de résultats contradic-
toires et erronés, et tant de microbes pour tant de
maladies de sorte que les adversaires delà bactériolo-
gie nous ont accusé de voir partout des microbes. Mais
espérons qu'aujourd'hui ils nous rendront justice,
étant convaincu que la science a acquis dernièrement
tous les éléments nécessaires au diagnostic certain d'un
microbe, du moment que nous pouvons ensemencer
des plaques de gélatine pour suivre les différentes ma-
nières de développement de tel ou tel microbe; que
nous pouvons examiner le développement de ce mi-
crobe dans des tubes de gélatine acide neutre ou alca-
line et comparativement diiisl'a-ar; que nous pouvons
examiner les caractères de culture sur les divers mi-
lieux, bouillon, gélatine, agar, pommes de terre, sé-
rum simple ou gélatinisé, gélatine glycérinée; que nous
étudions la formation des spores, l'action de la tempe-
DU VERTIGE MARIN. 21 Il
rature, de la lumière, de l'air et de divers antisep-
tiques ; que nous employons tous les procédés de co-
loration, et que nous faisons enfin des expériences
sur les animaux par l'inoculation du sang, tissu cellu-
laire, péritoine et les divers organes.
La comparaison, que Semanas a faite, du vertige
marin à l'intoxication palustre n'est pas heureuse,
car plus on s'expose au miasme palustre, plus on
verra la maladie réapparaître, tandis que pour le ver-
tige marin c'est tout à fait le contraire, étant donné
qu'on n'acquiert l'immunité qu'en voyageant.
Pour qu'une maladie infectieuse se développe, il lui
faut toujours la période d'incubation qui est plus ou
moins longue, selon lavirulence dumicrobe, sa nature,
la température, le milieu nutritif, etc. Mais pour le
vertige marin ce n'est pas du tout la même chose.
Pour prouver cela, il suffit de citer ce qui nous est ar-
rivé au mois de septembre 1880, quand nous nous
embarquâmes à Corinthe pour Patras.
Il était midi; nous montons dans un canot; la mer
était tellement agitée que malgré les efforts des mate-
lots nous ne pûmes effectuer le trajet du bord au na-
vire que dans un laps de temps triple du trajet ordi-
naire. Le roulis était si violent que les flots mouillaient
tous les passagers du canot. Eh bien, malgré cette tem-
pête, personne de nous n'éprouva pendant le trajet le
vertige marin. Alors nous nous embarquons ; après
une attente de dix minutes, durant lesquelles tout le
monde se portait bien, le navire lève l'ancre. Mais à
peine l'hélice avait-elle fait quelques tours que nous
commençâmes à ressentir les premiers symptômes du
vertige marin.
22 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. DU VERTIGE MARIN.
Nous en concluons que si les microbes étaient la
cause, nous n'aurions pas ressenti les premiers symp-
tômes aussitôt au départ du bateau, du moment que
le temps qui s'est écoulé depuis notre embarquement
jusqu'au début du vertige ne dépassait pas quelques
minutes, ce qui n'est pas admissible comme incubation
pour aucune autre maladie, de ce que du moins nous
connaissons jusqu'à présent. D'ailleurs, comment ex-
pliquer le début des symptômes avec le départ du ba-
teau et pas avant, ni après, tandis que la mer était
agitée et houleuse ?
Si malgré ces données on nous objecte que c'est une
simple coïncidence le début de symptômes avec le dé-
part du navire, et que quant à l'incubation rien n'em-
pêche qu'elle soit si courte peu importe pour l'in-
cubation des autres maladies alors nous nous
demandons comment on peut expliquer l'arrêt immé-
diat des symptômes aussitôt que le bateau s'arrête dans
le premier port, malgré l'agitation de la mer ? De plus,
comment expliquer ce phénomène : que ce n'est pas
tant les personnes qui sont sur le pont du bateau qui
deviennent malades, mais surtout celles qui sont
dans l'intérieur du navire ?
c.) Nos éludes sur les causes du u ? ema ? 'M ! /7<o ? ? 7e.
Commccause essentielle du vertige marin nous ac-
ceptoiis les mouvements spéciaux du navire, dont nous
parlerons plus loin. Comme causes occasionnelles nous
citerons l'odeur du goudron, la fumée, le charbon, la
chaleur de la chaudière, la fatigue, les excès et les
écarts de régime, les peines morales, l'odeur repous-
sante de la cale et des chambres aux cabines, le
DE LA GI,I03fATO81 ? MEDULLAIRE. 23
manque d'air pur, etc. Tout ce cortège prédispose le
passager à sentir plus ou moins selon son individua-
lité, l'action des mouvements et des secousses du na-
vire, en diminuant la résistance physiologique de
l'organisme et en augmentant l'activité de la cause es-
sentielle. D'ailleurs, nos expériences personnelles et
tous les renseignements que nous avons eus des aspi-
rants et officiers de bord de la marine hellénique
commerciale concordent à cette affirmation, que la
plupart des voyageurs commencent à sentir les pre-
miers symptômes au début des mouvements spéciaux
que le bateau subit par la tempête. Ainsi nous avons
senti, à Corinthe, les premiers symptômes aussitôt le
départ du bateau, tandis que la mer était déjà agitée
avant notre embarquement. (1 suivre.)
PATHOLOGIE NERVEUSE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE SY11P1'OIfA'l'OLOGIQUE
DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE1;
Par Wladimiu IIOTH.
i
Observation VI. \.
Thermanesthésie stationnaire limitée datant de dix ans. - Atrophie
progressive des muscles de la main. Paralysie atrophique des
membres inférieurs. A ? në<M)'<f< ! o ? : considérable de cette dernière.
Généralisation de l'anesthésie termique. Douleurs, pal-esthésies,
etc. - Abcès.
Mme L..., une Anglaise, âgée de trente-sept ans, mariée depuis
treize ans, ayant quatre enfants bien portants. Elle n'a jamais
. ' Voy. Archives de Neurologie, t. XIV, p. 368; t. li. 161.
24 ik PATHOLOGIE NERVEUSE.
été atteinte de la syphilis, ni des fièvres intermittentes ; jamais
elle ne s'était exposée anx influences nocives de nature rhuma-
tismale, traumatique ou toxique. Point d'hérédité névropathique.
Le goitre n'étant pas endémique dans son pays, personne de ses
parents n'en est atteint. Il y a treize ans environ que la therma-
nesthésie de la main gauche commença à se développer ; elle mar-
chait en augmentant et en ^étendant en haut sur l'avant-bras. Pen-
dant dix ans, ce symptôme resta stationnaire et la malade nepré-
senta pas d'autres troubles nerveux. Il y a quatre ans qu'une atro-
phie accompagnée de faiblesse musculaire de la main gauche
commença à se développer. Il y a un an environ, que sans motif
apparent, se déclara peu à peu une faiblesse progressive des
membres inférieurs. Depuis près de six mois, la faiblesse des mem-
bres inférieurs et la thermanesthésie du membre supérieur gau-
che se mirent à marcher plus vite, ce que la malade rattache à un
refroidissement; des douleurs parurent dans différents endroits
et persistèrent jusqu'à présent. Il y a près de sept ans, la malade
avait été atteinte d'abcès qui se répétèrent tous les ans dans le
courant de quatre années ; trois fois sous l'aisselle gauche et une
fois sous la droite.
Etat ACTUEL. - Légère strume, existant depuis longtemps.
Point d'exophtalmie, ni de palpitations. Les organes internes
sont normaux. La peau ne présente pas de troubles trophiques,
le squelette n'a pas subi d'altérations. La musculature est modé-
rément développée. Une atrophie considérable à la main gauche :
les muscles lombricaux et les interosseux (surtout le premier) ont
été le plus atteints ; les muscles de hypothénar l'ont été un peu
moins. La faiblesse de ces muscles correspond au degré de l'atro-
phie ; la malade serre la main assez fort. La force, mesurée d'après
le dynamomètre, est égale à 43 kil. (65 du côté droit); les
autres mouvements du membre supérieur gauche sont de force
normale, à l'exception de l'élévation et de l'abaissement de l'é-
paule, qui sont plus faibles. Dans le membre supérieur droit, on
n'observe de la faiblesse que dans l'élévation de l'épaule ; les
autres mouvements sont normaux.
Membres inférieurs. La malade marche sans assurance, en
faisant de petits pas : la démarche n'est ni ataxique, nispastique.
La force des membres inférieurs a beaucoup baissé, surtout ce
qui concerne la flexion de toutes les articulations ; elle est le plus
atteinte dans l'articulation coxo-fémorale et relativement moins
dans l'articulation tibio-tarsienne des deux côtés. L'extension est
aussi extrêmement affaiblie dans l'articulation coxo-fémorale,
bien moins dans les autres.
Les réflexes rotuliens sont très affaiblis; ceux des tendons
d'Achille sont exagérés. Les réflexes cutanés n'ont pas subi de
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE.
25
changements. Des mouvements convulsifs ne se produisent que
dans deux derniers doigts de la main gauche à son élévation jus-
qu'à la position verticale.
Sensibilité. -Il y a une thermanesthésie de la moitié gauche du
corps, neltement limitée par la ligne moyenne (fig. L7). La main ne z
sent pas une différence de température
jusqu'à 150; l'avant-bras et le bras celle
de 5°; le cou, la poitrine, la nuque et
le membre inférieur sentent des diffé-
rences de température moindres, mais
partout supérieures à celles du côté op-
posé où la thermanesthésie est normale
(1/2 1°), comme elle l'est aussi aux
deux moitiés de la face.
De légères piqûres provoquent partout
une sensation de douleur égale des deux
côtés.
Le loucher est normal et fin. Des attou-
chements légers sont bien sentis etjuste-
ment localisés. Le sens musculaire est
conservé.
Les nerfs crâniens n'ont pas subi de
troubles fonctionnels.
Les nerfs sciatiques et cruraux sont
douloureux à la pression, le nerf scia-
tique gauche plus que le droit. La pres-
sion produite sur les muscles des mem-
bres inférieurs, en partie dans les supé-
rieurs (le biceps) et le dos, provoque une
« douleur agréable ». Douleurs fréquentes
spontanées, pas bien aiguës, s'élevant
de la nuque vers le sommet de la tête;
douleurs dans la partie inférieure du dos
et une douleur en ceinture dans la par-
tie inférieure du ventre et des reins. La
pression sur les apophyses épineuses est douloureuse par places.
Les mouvements de la colonne vertébrale ne provoquent pas de
douleurs. Dans la tête, la malade éprouvait parfois un malaise,
de la pesanteur, quelque chose de semblable au vertige.
La disposition d'esprit est un peu sombre, déprimée ; la malade
prête beaucoup d'attention à toutes ses sensations anormales. Les
fonctions intellectuelles sont en bon état.
La malade ne demeurait pas à Moscou et je ne l'ai vue que
trois ou quatre fois dans le courant de dix-huit mois.
Fig. tf.
26 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Dans le courant de la première moitié de 1884, la faiblesse et
l'atrophie musculaire des membres inférieurs a progressé; une
paralysie complète s'est développée dans la sphère des nersspéro-
niers accompagnée de pied équin des deux côtés, par suite de la
contracture des muscles du mollet. L'électro-excilabilité des
muscles paralysés diminuait progressivement. Leur atrophie pro-
gressait rapidement. Dans les membres supérieurs au con-
- traire, on observait une certaine amélioration. La réaction de
dégénérescence ne s'observait que dans peu de muscles des
membres inférieurs et de la main gauche (CFC < AFC, contrac-
ture lente). Des douleurs étirantes et parfois aiguës dans le dos,
les reins et les membres inférieurs inquiétaient beaucoup la ma-
lade. Des vésicatoires sur le dos, l'iodure de potassium, puisdesbains
tièdes, l'électricité, le nitrate d'argent, le massage lescalmaient
plus ou moins, mais en général, la maladie continuant sa marche
progressive empira. Après un séjour de trois mois au bord de la mer
en Angleterre, où la malade prit plus de60 bains chauds (27-28°R.)
et de l'iodure de potassium à l'intérieur, les troubles moteurs
des membres inférieurs s'étaient considérablement améliorés.
Elle commença à élever et à remuer plus librement les pieds ;
l'atrophie disparut presque complètement; et le réflexe rotu-
lien réapparut du côté droit. Cette amélioration dans l'état des
membres inférieurs progressait lentement, jusqu'au mois de
mai 1885, lorsque je vis la malade pour la dernière fois. Aucon-
traire l'atrophie des muscles de la main avait augmenté. Les
douleurs dans les membres inférieurs spontanées et à la pression
diminuaient peu à peu depuis l'été de 1883 et disparurent presque
complètement vers le printemps de 1885,- la pression ne provo-
quait qu'une paresthésie agréable. Les sens du toucher, de la
douleur et la sensibilité électro-musculaire restèrent sans change-
ment. L'anesthésie thermique occupa peu à peu une région plus
grande, quoique son degré variât sur ces endroits nouvellement
occupés : déjà deux mois après le commencement de cette obser-
vation, le membre inférieur de l'autre côté était atteint ; après
les bains de mer le degré delà thermanesthésie diminua au membre
inférieur droit, mais ensuite parut une zone d'anesthésie ther-
mique plus profonde dans la moitié inférieure gauche du thorax,
limitée en haut par la ligne passant par l'ombilic, en bas par le
niveau de la crête iliaque. A la partie antéro-inférieure du ventre
et de la cuisse, on observait une thermanesthésie plus grande que
dans la partie périphérique du membre inférieur. Vers le prin-
temps de 1885 ces rapports se pervertirent; mais en revanche la
thermanesthésie siégeant à la partie centrale du membre inférieur
droit empira : ici la malade ne percevait que la différence de-4°, tan-
disque la sensibilité s'améliorait en descendant, la jambe distin-
guait la différence de 111-20. et le pied-l°. Il ajouta à ceci une nou-
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 27 Î
velle sphère de thermanesthésie : c'est celle du membre supérieur
droit au-dessous du coude ; la partie inférieure de l'avant-bras et
les doigts ne percevaient pas la différence de 4°, et la paume de
la main - celle de 3"-3 ? à la partie supérieure de l'avant-bras
la thermanesthésie descendait peu à peu à zéro à mesure qu'elle
s'approchait du bras. La face et la moitié droite du thorax conser-
vaient tout le temps une sensibilité normale. L'état général de
la malade était satisfaisant. Dans le courant des deux dernières
années, la maladie paraissait avoir progressé ; on me communi-
qua que l'état de la malade empira considérablement.
Le 25 février, j'ai eu l'occasion de revoir ma ma-
lade. La marche ultérieure de la maladie confirma
complètement notre diagnostic quant à l'affection
fondamentale et vint appuyer la supposition que les
phénomènes observés dans les membres inférieurs
dépendaient d'une complication. A l'heure qu'il est,
les phénomènes d'une paralysie atrophique en sont
presque disparus. La malade marche assez bien,
c'est surtout dans l'articulation du genou et dans
la tibio-tarsienne que la force motrice est bonne. La
sensibilité douloureuse à la pression sur les nerfs et
les muscles n'existe plus maintenant dans les mem-
bres inférieurs. L'atrophie musculaire des extrémi-
tés inférieures a disparu. Le réflexe du tendon
d'Achille est conservé, le rotulien est bon d'un
côté et affaibli de l'autre. Seulement, à une contrac-
tion exagérée se produisent parfois des contractures
spastiques dans les fléchisseurs du genou.
En revanche, presque tous les symptômes fonda-
mentaux ont progressé et d'autres nouveaux s'y sont
associés .Les troublesmoteurs des extrémités supérieures
ont progressé moins que tous les autres ; on n'observe
ici presque que l'état antérieur resté stationnaire : le
tiers inférieur de l'avant-bras gauche est un peu
28 PATHOLOGIE NERVEUSE.
amaigri (il a 1 cent, de circonférence moins que
celui du côté opposé). La main droite est un peu
plus faible, se fatigue plus facilement, de petits mou-
vements, exigeant de la précision, sont devenus
difficiles pour la malade. L'écriture est devenue un
peu plus jetée. Point d'atrophie musculaire dans la
main droite; à la main gauche elle est dans l'état
antérieur; seul le muscle premier interosseux fonc-
tionne mieux qu'auparavant.
Sensibilité. L'anesthésie thermique occupe main-
tenant presque la totalité de la surface du corps. Ce
n'est que la joue droite,, le front et une partie en
forme de raie longeant la face postérieure des deux
cuisses qui perçoivent bien la différence thermique
de 1° seulement; vers les côtés et en descendant, la
sensibilité baisse, de sorte que les plantes des pieds
ne perçoivent que la différence de 7°. Mais la région
du plexus sacré est quand même celle qui sent
mieux que toutes les autres parties innervées par
les nerfs spinaux ne percevant pas la différence des
températures de 10°.
L'.analgésie est venue se surajouter par places à
l'anesthésie thermique. Elle est le plus accusée du
côté gauche dans la sphère des racines supérieures
cervicales. L'analgésie est nettement limitée par la
ligne du milieu. Par derrière, elle descend jusqu'à la
base du cou, par devant, jusqu'à sa face antérieure.
Dans ces endroits, l'analgésie est presque absolue.
Mais aussi les deux membres gauches sentent la dou-
leur moins bien que les droits. A la face et au tronc,
la sensibilité à la douleur est conservée ; sur la main
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 29
et l'avant-bras droits, peut-être est-elle aussi légère-
ment abaissée.
Dans la sphère d'analgésie complète aussi, de même
que dans les autres endroits, le sens du tact et
l'électro-sensibilité cutanée sont conservés; un courant
électrique plus faible est également bien perçu partout
même dans les endroits où un courant maximum
ne provoque pas de sensation douloureuse. Point
d'analgésie, ni d'anesthésie thermique sur la langue.
La malade se plaint dé douleurs spontanées conti-
nues qu'elle éprouve dans tout le corps ; parfois elles
sont profondes, ordinairement sourdes, parfois elles
prennent un caractère plus aigu rarement au point
de troubler son sommeil. Dans la cuisse gauche, la
douleur se répand par ondulations de haut en bas en
avant et sur les côtés; dans la cuisse droite, elle est
plus faible. Par moments, il y a une douleur intense à
la région analgésique de la nuque. Un sentiment
presque continu de douleur en ceinture existe dans le
ventre et à la partie inférieure de la poitrine. De temps
en temps, sensation de fourmillement dans les mains.
Des sensations étranges sont éprouvées dans la cavité
buccale et la sphère des muscles masticateurs. La
force de ces derniers est conservée ; le clonus de la
mâchoire inférieure manque. Les mouvements de la
langue et la déglutition sont libres et il n'y a pas de
troubles de l'articulation, de phonation, de mastica-
tion et de sensibilité dans la cavité de la bouche.
Néanmoins, la malade éprouve dans la bouche une
certaine constriction, comme une enflure ; par mo-
ments, il lui semble qu'elle ne peut mâcher, que les
mouvements de la langue et des mâchoires sont
30 ' - PATHOLOGIE NERVEUSE.
faibles. Il n'y a pas eu de troubles trophiques cutanés.
La nutrition générale s'est considérablement améliorée.
Depuis septembre 1884, la malade a gagné vingt-
trois livres.
La disposition d'esprit est sombre, déprimée. Les
pupilles sont inégales. Toutes les deux réagissent
bien, mais la droite est un peu plus large que la
gauche, la différence pupillaire est accusée davantage
le matin. Une légère exophtalmie de l'oeil droit. Les
muscles moteurs de l'oeil ne sont point atteints. La
vue est normale ; les yeux se fatiguent très vite. Pas
de palpitations. Les membres sont constamment
froids, mais si la malade se réchauffe au lit, elle
éprouve un sentiment de chaleur disproportionné.
Ordinairement, pas de transpiration ; si elle se fait,
ce n'est que sous les aisselles.
Dans ce cas aussi, une localisation préliminaire de
l'anesthésie dans un seul membre et ensuite sous
forme d'hémithermanesthésie est très caractéristique ;
il faut remarquer la formation de la zone thermanes-
thésique dans la sphère de deux racines inférieures
thoraciques et de la première racine lombaire à
gauche ; la délimitation ultérieure de la thermanes-
thésie régionnaire dans les membres supérieurs et
inférieurs droits ; une délimitation très accusée des
régions normales et anesthésiées du thorax par la
ligne moyenne. De même que dans l'observation
précédente, il faut remarquer l'existence d'une ther-
manesthésie très étendue, sans analgésie. Le toucher
n'a pas été atteint dans ce cas non plus même dans
la sphère occupée par une thermanesthésie de qua-
torze ans de durée, quoique le processus morbide qui
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 31 1
la tenait sous sa dépendance ayant progressé, se soit
étendu aux parties voisines de la moelle et eût provo-
qué l'atrophie des muscles delà main.
Les douleurs dans le dos et les membres inférieurs,
la sensibilité douloureuse des cordons nerveux, qui
avaient accompagné le développement d'une para-
lysie atrophique, fait poser la question de l'existence
possible des neurites et de méningite. En tout cas,
une existence continue de la thermanesthésie isolée et
de l'atrophie musculaire dans un seul membre supé-
rieur, la distribution ultérieure caractéristique de la
thermanesthésie partielle indique qu'au fond de cette
affection siège le même processus que dans les cas
précédents. Ce processus morbide peut atteindre les
enveloppes de la moelle, comme le prouve une
observation de Schultze. On peut supposer que tel
était notre cas aussi, que chez notre malade, la
gliomatose s'était compliquée d'un certain degré de
méningite chronique, dont dépendaient les troubles
moteurs des membres inférieurs, la paralysie atro-
phique des muscles, etc. Vu la restauration assez
rapide des fonctions et de la nutrition musculaire
dans les nerfs des membres inférieurs, nous ne
pouvons admettre une dégénérescence consécutive,
comme résultat d'une polyomyélite ou d'une destruc-
tion cellulaire des cornes antérieures par un néo-
plasme. Les troubles trophiques des nerfs étaient
moins profonds était-ce en rapport avec des alté-
rations peu considérables produites dans les cellules
des cornes antérieures, était-ce sous la dépendance de
la méningite ou des altérations vasomotrices dans les
nerfs mêmes des membres inférieurs, avec périneurite
32 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ou neurite interstitielle plus ou moins grande tout
ça, ce ne sont que des suppositions qu'on ne saurait
admettre qu'avec plus ou moins de probabilité. Dans
ce cas, les troubles trophiques de la peau ont fait
défaut, mais les abcès ont été cités dans les antécé-
dents de la malade.
Observation VII.
Homme de vingt-sept ans. - Anesthésie partielle du sens de la tem-
pérature dans le membre supérieur droit et la moitié du thorax du
même côté. Douleurs. Neurasthénie.
Constantin K..., diacre, âgé de vingt-sept ans, vint me con-
sulter pour une céphalalgie tenace et des phénomènes de neuras-
thénie.
Etat actuel (16 juillet 1885). Peau pâle et fine. Nutrition
moyenne. Le squelette ne présente pas d'anomalies. Les muscles
sont assez mal développés, on n'aperçoit nulle part d'atrophie.
Souvent le malade éprouve une sensation difficile à décrire à
l'épigastre; point de douleur à la pression, la langue est nette,
pas de phénomènes dyspeptiques. L'appétit est variable. Les
selles ne sont pas toujours régulières : parfois la constipation al-
terne avec la diarrhée. Pas de douleurs intestinales. des borbo-
rygmes, etc. Rien d'anormal dans les poumons, ni dans le coeur.
L'urine ne contient ni albumine, ni sucre. La miction est normale.
Les organes sexuels sont normaux. Les nerfs et les muscles ne
sont pas douloureux à la pression.
Le malade se plaint de toute une série de symptômes subjectifs ;
pesanteur continuelle dans la tête, céphalalgies parfois très inten-
ses du côté gauche, sans nausées ni vomissements; les douleurs sont
presque continuelles avec des rémissions insignifiantes. Par mo-
ments, des paresthésies dans le membre supérieur droit et le
thorax, des douleurs lancinantes, spasmodiques, moins fortes dans
d'autres parties du corps aussi parfois dans les articulations
du membre supérieur droit; elles diminuent par la compression
et la chaleur. Parfois des accès d'oppression thoracique, une sen-
sation de constricLion dans la région précordiale, par moments,
une angoisse indéfinie, des accès de frayeur, d'épuisement, d'état
semi-syncopal. Point d'agoraphobie marquée, mais le malade se
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE.
33
sent plus mal au milieu d'une grande place ou en haut d'un
escalier élevé.
Un épuisement rapide du système nerveux, impossibilité de
travailler. Courbature générale. Humeur hypochondriaque. Pas
d'hallucinations, ni d'idées délirantes. Le malade pense un peu len-
tement, il faut lui tirer ses réponses. La mémoire et la force intel-
lectuelle ne sont pas affaiblies. 11 se sent
mieux le soir. Le sommeil varie, mais
l'insomnie à proprement parler manque.
Parfois , il y a cauchemars. La parole
n'est pas troublée, l'écriture n'est pas
changée, pas d'ataxie : le malade marche
aussi bien les yeux fermés. Pas de dou-
leurs en ceinture. Les réflexes rotuliens
sont conservés à droite un peu plus
faibles qu'à à gauche. - La force muscu-
laire est conservée.
Sensibilité. Le sens du tact et du lieu
est partout normal. La sensibilité à la
douleur n'est pas altérée non plus. La
sensibilité thermique est affaiblie sur le
membre supérieur droit et la moitié
droite du thorax. (Voy. fig. 18.) La ther-
manesthésie est nettement limitée par
la ligne moyenne du corps et au-dessous
de la courbe costale, elle passe insensi-
blement dans la sphère de la sensibilité
normale. Le degré des troubles de la sen-
sibilité thermique n'est pas le même
partout. Les doigts sentent relativement
bien, l'avant-bras moins bien. Dans les
autres régions de la sphère thermanes-
thésique, le malade ne sent pas par
places la différence de 400, mais par
d'autres, il sent la différence de 2°. La
main droite est frileuse. La peau ne présente pas de troubles tro-
phiques.
Les organes des sens ne présentent pas d'altérations notables.
Les yeux se fatiguent facilement, le champ visuel n'est pas limité,
l'acuité visuelle est normale; il n'a pas eu de diplopie. Les pu-
pilles sont égales et réagissent bien.
Le malade mène un train de vie régulier. Ses occupations sont
nombreuses et fatigantes. Il n'a jamais abusé des boissons alcoo-
liques et des plaisirs vénériens.
Anamnèse. Il n'y a pas de névropathies accusées dans la
Archives, t. XVI. 3
. 18.
34 PATHOLOGIE NERVEUSE.
famille du malade. Le père était alcoolique, la mère est bien por-
tante, un frère est mort tuberculeux. Lui-même n'a jamais été
robuste, cependant il n'a pas eu de maladies graves, quelques an-
gines, une uréthrite; pas de syphilis ni des fièvres intermittentes.
Il y a longtemps qu'il se sent malade sans pouvoir préciser le
début de la maladie actuelle. Les douleurs du bras droit ont com-
mencé il y a dix ans à peu près. La thermanesthésie existe au
moins cinq à six ans, les maux de tête el les sensations vertigi-
neuses depuis trois à cinq années. 11 y a trois ans que le malade
a un recours à l'hydrothérapie sans résultats appréciables.
J'ai observé le malade pendant une année. Depuis le commen-
cement du traitement son état allait en s'améliorant continuelle-
ment. Tout d'abord les céphalalgies devinrent plus rares et plus
faibles; leurs accès durèrent pendant quelques instants, apparais-
sant plusieurs fois par jour le premier temps pour disparaître
complètement ensuite. Tous les autres symptômes subjectifs
avaient en partie disparu, ou se manifestaient à un degré moindre.
La neurasthénie avait considérablement diminué. La sphère
de l'anesthésie thermique ne. changeait point, mais le degré de
l'anesthésie devenait moindre : le malade commença à percevoir
partout la différence de 3° et par certains endroits celle de 2°.
Le 24. IV. 1886 : la main droite distinguait la différence entre 17 et
19°, mais cette température paraissait tiède, peut-être sous l'in-
fluence de la température peu élevée de la main.
Traitement. On avait d'abord administré du nitrate d'argent
et de la noix vomique, ensuite du fer et du sulfate de quinine,
qui améliorèrent l'état général du malade; plus tard l'iodure de
potassium et les pointes de feu par le thermocautère de Jaquelin,
qui, selon toute apparence agissent de préférence sur les troubles
subjectifs.
La thermanesthésie est, dans ce cas, la seule indi-
cation directe d'une lésion anatomique du système
nerveux; mais on ne saurait nier de l'existence d'un
processus de ce genre, surtout en se rappelant la
marche de la maladie dans le cas précédent, où le
symptôme sus-indiqué avait existé seul pendant long-
temps. Mais alors les douleurs, les paresthésies, les
troubles vaso-moteurs de la cavité crânienne, etc.,
doivent aussi être considérés chez notre malade, de
même que dans d'autres analogues ayant présenté
DE LA GLI02blATOSE MEDULLAIRE. 35
ces phénomènes, comme symptôme de cette lésion
anatomique une gliomatose de la moelle épinière,
ce qui est le plus probable.
En ce qui concerne les autres affections spinales,
la question seule du tabes pourrait être soulevée ici;
mais il n'existe aucun symptôme caractéristique de
cette maladie, à l'exception des douleurs ; la ther-
manesthésie viendrait-elle à manquer, la question
d'une affection anatomique ne pourrait pas même
donner lieu à discussion; tandis que la thermanes-
thésie partielle du sens de la température avec loca-
lisation caractéristique est justement le propre de la
seule gliomatose ; d'autres symptômes complètent le
tableau clinique de cette maladie, et aucun n'est en
contradiction avec elle.
(Note a<Mo/me//e.JDernièrement, j'ai eu l'occa-
sion d'observer encore les trois cas suivants :
Observation VIII.
Jean Gavriloff, suisse, âgé de vingt-cinq ans. Pas d'hérédité
neuropathique, ni d'alcoolisme, ni de syphilis, ni de fièvres, ni de
traumatismes ou d'autres influences nocives, sauf peut-être les
influences rhumatismales (le malade dormait dans un local très
froid) dans les antécédents du malade. Le malade rapporte le
début de l'affection au mois de mai 1886. Avant cette époque, il
n'a pas observé de troubles locomoteurs; du côté delà sensibilité,
il signale la courbature dans l'articulation de l'épaule, ayant
débuté il y a trois ans, pour reparaître tous les jours dans le cou-
rant de l'année et n'ayant plus inquiété que rarement le malade
durant les deux dernières années. Cette courbature apparaissait
spontanément et n'augmentait pas à la pression faite sur les
épaules et au mouvement.
Il n'y a pas eu de dystrophies cutanées, à l'exception de quel-
ques éruptions sur la tête et le corps, ayant eu une marche aiguë
pendant l'enfance du malade.
36 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Sept mois avant l'entrée du malade à l'hôpital, il éprouva un
jour, au réveil, des fourmillements dans sa main gauche, 'avec
engourdissement et faiblesse de l'annulaire et du petit doigt. Cet
engourdissement disparul bientôt, après avoir laissé une certaine
faiblesse dans ces deux doigts.
Huit jours après, la faiblesse gagna les trois autres doigts et,
huit jours plus tard encore, parut un léger engourdissement et
une certaine faiblesse dans le petit doigt de la main droite. Ces
phénomènes progressèrent peu à peu. Un mois après leur début,
il s'y ajouta un léger tremblement de la main et des doigts de la
main gauche, tremblement inconstant, qui revenait aussi pendant
l'état de repos. La faiblesse de la main associée à l'atrophie mus-
culaire progressait jusqu'à l'entrée du malade à l'hôpital Cathe-
rine, vers la fin du mois de décembre 1886. Ici, les médecins qui
avaient observé le malade, MM. Anoff et Clratalof signalèrent ce
qui suit :
État présent. Pas de troubles du côté des nerfs crâniens,
excepté les mouvements fibrillaires de la langue au moment où le
malade la tirait hors de la bouche.
Membres supérieurs. Tous les mouvements sont possibles,
étendus et suffisamment forts, excepté ceux des doigts et de la
main du côté gauche, où la force de pression du poing est égale
à 40 kilo-. (tandis qu'à droite elle est égale à 65). La flexion des
trois premiers doigts est plus faible que celle des deux derniers.
L'extension de la main et des doigts est considérablement affaiblie,
en comparaison de celle du côté droit. Dans les muscles de la
main gauche on observe de temps en temps une série de mouve-
ments fibrillaires et un petit tremblement correspondant des
doigts au repos; cela se remarque parfois dans la main droite,
mais à un faible degré. Il y a atrophie marquée du premier in-
terosseux de la main gauche et un certain aplatissement du the-
nar surtout dans la région du muscle adducteur du pouce. Les
muscles et les nerfs ne sont pas douloureux à la pression.
Les mouvements des membres inférieurs sont normaux en
étendue et en force; on ne peut signaler que l'apparition de petits
tremblements cloniques de la jambe à la flexion du genou
gauche, si le mouvement a surmonté un obstacle considérable.
On n'observe pas ces tremblements du côté droit. Pas de troubles
moteurs au tronc (diaphragme, thorax, muscles abdominaux, etc.).
La sensibilité tactile du malade est partout normale : il localise
des attouchements légers avec grande précision.
Sensibilité générale. Le malade localise et distingue partout
des piqûres légères sur les membres inférieurs. Sur le thorax, par
devant dans les régions thoracique et abdominale, on observe un
abaissement de la sensibilité aux impressions douloureuses, plus
DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 37 i
prononcé à gauche, à la partie inférieure du thorax et la partie
supérieure de l'abdomen ; à droite - à la partie supérieure de la
poitrine. Un abaissement semblable se retrouve aussi dans les
deux membres supérieurs à un degré plus élevé dans leurs
parties centrales et le malade prend souvent des piqûres con-
sidérables pour un attouchement. Cela s'observe plus souvent
dans la région des épaules et des bras et ne se voit presque pas
aux mains.
Le sens de température est normal sur les membres inférieurs,
le ventre, la partie inférieure du dos. A la face, le malade ne per-
çoit que la différence de 1 l°/2-2°. Aux membres supérieurs et à
la poitrine il y a une anesthésie plus nette du sons thermique.
Son degré n'est pas élevé. Les mains et l'épaule droite ne sentent
que la différence de 3-4" ; la région sus et sous-claviculaire à
droite : 4-5°; les autres régions du dos, de la poitrine et des
membres supérieurs : 2-3°.
Les réflexes cutanés à la douleur sont abaissés et les tactiles sont
sensiblement marqués.
Le réflexe testiculaire est exagéré et accompagné de contrac-
ture marquée à' répétition du muscle cremaster et du droit
plus que du gauche, même dans le cas où l'excitation vient de la
cuisse gauche. Le réflexe abdominal ne se produit pas.
Réflexes tendineux. Le réflexe du tendon d'Achille des deux
côtés est nettement accusé : le réflexe rotulien est exagéré des
deux côtés et accompagné de contractions à répétition du muscle
triceps crural. A l'extension passive du genou on observe fré-
quemment des mouvements convulsifs des muscles fléchisseurs
du genou. Les réflexes tendineux dans les membres supérieurs ne
sont presque pas provocables au biceps et au triceps. L'exeitcabi-
lité mécanique des muscles est modérément accusée. Les or-
fanes internes sont normaux.
Le traitement consistait dans l'application du courant induit sur
les muscles atrophiés et du courant constant sur le dos, et en bains
tièdes. Le 19 février IS87, le malade sort de l'hôpital, se considé-
rant comme guéri. Il présente à cette époque les phénomènes
suivants :
Les mouvements sont tous bons, à l'exception de la main gauche
et des doigts, dans lesquels, malgré une amélioration considé-
rable, on constate une certaine faiblesse. L'atrophie musculaire
de la main gauche a considérablement diminué. Le courant le
plus intense ne donne point de contraction de tous les muscles
interosseux et de l'adducteur du pouce; du côté droit l'électrocon-
tractilité est normale.
Courant constant : muscle interosseux Ier, CFC = AFC 10
M. A ; interosseux 11, C F C 4, A F C 5 )1. A ; interosseux III,
CFC et AFC ne sont pas obtenus à 6 M. A; interosseux IV,
38 PATHOLOGIE NERVEUSE. DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE.
C F C - 4, A F C 2, ; la contraction est lente (du côté droit
C 1 C= 21. Par conséquent, il y a une réaction de dégénérescence
plus ou moins nettement accusée dans les muscles atrophiés.
Dans les muscles thenars du côté gauche on observe des mouve-
ments continuels de faisceaux volumineux isolés. La langue pré-
sente aussi des mouvements fasciculaires.
L'augmentation de réflexes'tendineux et cutanés est devenue
moins sensible et a disparu par endroits. La sensibilité, à la dou-
leur s'est améliorée ; une certaine analgésie seulement est restée
dans la région des épaules. Le sens de température s'est également
amélioré. Il reste une zone thermanesthésique, occupant les
membres supérieurs et les épaules. La face, le cou, la poitrine,
le dos et les membres inférieurs perçoivent bien la différence
thermique de 1° et moins.
Dans ce cas aussi, la parésie et l'atrophie muscu-
laire des parties périphériques des membres supérieurs
sont combinés avec une analgésie et une thermanes-
thésie plus diffuses, à localisation indiquant non pas une
interruption de la conductibilité à un certain point de la
moelle mais une lésion segmentaire de la substance
grise des cornes postérieures et du renflement cer-
vicale à un moindre degré et de la partie spinale. En
outre, il faut supposer l'existence d'une lésion limi-
tée de la corne antérieure gauche et des cordons laté-
raux. L'affection non systématique et largement éten-
due le long de la moelle épinière , provoquant
néanmoins des symptômes aussi électifs que le trouble
partiel du sens de la température, ne peut dépendre,
d'après ce que nous savons, que de la gliomatose ou
de la gliose de cet organe. Il suivre.)
ANAT01111E PATHOLOGIQUE
NOTES ET SCHÉMA SUR LA TOPOGRAPHIE PATHOLOGIQUE
DE L'AXE C);RL.I3R0-SPINAL.
Par JULES GLOVER.
L'étude des maladies du système nerveux nécessite pour
pouvoir aisément se tenir au courant des recherches modernes
en neuropathologie une notion constante de la topographie
des centres nerveux.
Une carte schématique fournissant un ensemble aussi peu
discuté que possible des diverses opinions émises par les au-
teurs sur ce sujet remplirait peut-être ce but. Aussi nous pro-
posons-nous ici de dresser un schéma qui donne, si possible,
cette vue d'ensemble, les rapides progrès incessamment ac-
complis en pathologie nerveuse permettant du reste à l'heure
actuelle de tenter facilement la détermination partielle
de la topographie pathologique de l'axe cérébro-spinal. Nous
pensons qu'il pourra servir à l'occasion de mémorandum et
faciliter aussi l'orientation en anatomie pathologique macros-
copique et microscopique dans les maladies du cerveau, du
bulbe et de la moelle.
Pour bien concevoir la topographie de l'axe cérébro-spinal,
on peut se baser sur la division en systèmes des différentes ré-
gions à fonctions connues du cerveau et de la moelle, on peut
déterminer suivant l'expression de Vulpian, la systématisation
anatomo-physiologique et pathologique du cerveau et de la
moelle épinière. A cet effet, nous devrons mettre à profit les
trois arguments qui autorisent cette systémisation répondant
à la notion anatomique moderne des centres nerveux, savoir :
1° L'étude parallèle des lésions anatomiques d'un système
cérébro-médullaire et des troubles fonctionnels qu'occasion-
nent ces lésions; en d'autres termes, l'étude anatomo- clinique
40 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
des maladies du cerveau et de la moelle ' ; 2° Y expérimenta-
tion physiologique ; 3° enfin Y embryologie, dont il faut aussi
tenir compte, car elle vient bien souvent aussi individualiser
la région, que ses fonctions spéciales déterminées par l'expé-
rience physiologique et par l'étude anatomo-clinique, faisaient
déjà une et distincte des régions voisines 2.
Dans cet ordre d'idées, nous donnerons l'explication de
deux schéma, se complétant l'un l'autre, que nous établissons
d'après les opinions multiples des pathologistes et des physio-
logistes sur les différents points de l'anatomie topographique
des centres nerveux. Nous indiquerons en détail l'opinion des
auteurs dans un index bibliographique aussi complet et exact
que possible, l'étendue nécessairement très limitée de ce tra-
vail essentiellement élémentaire ne nous permettant pas d'in-
sister dans bien des cas.
Sur la PLANCH1, nous donnons (fig. 1) le dessin schématique
des circonvolutions et scissures de la face externe de l'hémis-
phère gauche et nous y inscrivons le siège des localisations
cérébrales chez l'homme les mieux démontrées par les faits
anatomo-cliniques et les expériences physiologiques corrobo-
rantes3. Nous y déterminons successivement le siège des lésions
* Nous verrons le rôle important que joue la méthode anatomo-cli-
nique dans la détermination de la topographie du cerveau et de la
moelle. Tout en marchant de front par ses résultats avec la méthode
expérimentale, souvent elle prime cette seconde méthode par la priorité
et la précision de ceux-ci.
Tariiier et Chantreuil. Traité d'accouchements, t. 1, 285 et suiv. 1882.
Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. Il, lec. XII,
23gaz. Grasset. Traité pratique des mal. du s ! lst. nei-v., 321. 1886.
1 Cette figure 1 de la Planche I, la plus récente qui ait été faite sur le
siège des localisations cérébrales chez l'homme (schéma deMM. Charcot et
Pitres, d'après M. Féré) peut aussi être utilisée pour l'étude de la topo-
graphie crànio-cérébrale et en s'aidant des méthodes diverses de mensu-
ration crànio-cérébrale, pour l'application chiruigicale de ces données
anatomiques.
Voir à ce sujet : Ch. Paris, Indications de la trépanation des os du
crâne au point de vue de la localisation cérébrale. Th. Paris, 1876.
Lucas-Championnière. Des localisations cérébrales, rôles qu'elles peuvent
jouer dans le diagnostic et le traitement. (Jour. de méd. et de chir prat.,
oct. 1876.) Des indications tirées des localisations cérébrales pour la
trépanation du crâne. (Acad. de i ? zéd., 9 janv. 1877.) La trépanation
guidée par les localisations cérébrales. (Joit ? ,n. de nzéd. et de chir. prat ,
fév. 1877.) Proust et Terrillon. Contribution à l'élude des localisations
cérébrales, etc. (Acad. de méd., nov. 1876; Soc. de chir., ibid.)
Pozzi. Des localisations cérébrales et des rapports du crâne avec le cer-
DE L'AXE CÉRÉBRO-SPINAL. 41
à l'écorce cérébrale dans les différentes formes d'apltasie : l'aphé-
mie (I), l'agraphie (II), la cécité verbale (III) et la surdité ver-
bale (IV) ; la localisation corticale des mouvements du membre
supérieur (V), du membre inférieur (y Y), le noyau cortical com-
17zuîz au grand hypoglosse, au facial inférieur el à la branchemo-
trice du trijumeau (VII), enfin, le siège des lésions à l'écorce
dans l'héma'atzopsie (VIII), malgré les discussions que suscite
encore cette localisation.
La localisation des diverses formes de l'aphasie' est aujour-
d'hui presque complètement établie.
L'aphémie surtout (type Bouillaud-Dax-Broca), alalie (de
Lordat), première variété d'aphasie, amnésie verbale motrice,
d'articulation, d'après la définition de Ilartley, approuvée par
M. le professeur Charcot', a son siège, reconnu en 1861 par
veau au point de vite des indications du trépan. (Arch. gén. de nzérl.,
1877, 412.) Proust et Tillaux. Prog. iizéd. 1877, 29. Le Dentu,
Desprès, Lucas-Championnnière, Le Fort. Soc. chir., 6 déc. 1877, 9 et
23 janv. 1878. Houel, Charcot, Desprès , Berger et Landouzy ; dis-
cussion à propos du fait de Bide. Soc. azzat., 11 janv. 1878. Lemoine.
Thèse Paris, 1880, n° 73. Schwartz. Du trépan appliqué aux trauma-
lisnzes du crâne. (Rev. génér., in liev. des se. niéd., tome XIV.) Artic.
crâne, in Dict. Dec/iam&i'e. Tillaux. Traité d'anatomie chirurgicale.-
Horsley. Chirurgie du cerveau. Bi,ilish médical Association, 54e réunion
annuelle. Traduction in Arch. de neurologie, n° 36, 1886.
1 Voir sur l'aphasie par ordre chronologique : Bouillaud. Rech. elin.,
propres à démontrer que la perte de la parole correspond à la lésion des
lobes ant. du cerv. (Acad. des se, 1825. Arch. gén. de méd., Ire série,
t. viii, p. 25.) Broca. Remarques sur le siège de la faculté du
langage articulé, suivies d'une observation d'aphémie. (Brcll. de la Soc.
anat., 1861, 2e série, t. VI, p. 330) ; Nouv. observations d'aphémie pro-
duite par une lésion de la moitié post. des 1° et 3° cire, front, même
rec., même vol., p. 398. Voisin. Art. Aphasie du Dict. Jaccoud, 1865.
- Falret. Art..4phasie du Dict. Decle, 1876, surtout pour l'historique.
Charcot. Des localisations cérébrales, 1880 ; heç. sur les mal. du syst.
eiee-v., Paris, 1887, T. III, p. 152. Bernard. De l'aphasie et de ses di-
verses formes. Th. Paris, 1885. G. Ballet. Du langage iiit., etc. Th.
agrég., Paris, 1886. -Grasset. Leç. sur les mal. die syst. nerv., Paris,
1886. Duret. Rech. anat. sur la circulation de l'encéphale, in Arch. de
physiologie, 1874, ii-s 1, 2, 3, t, 5 et 6.
2 Hartley et 1. Charcot voient une indépendance relative dans les
sources multiples d'où sont tirés les éléments du mot et envisagent
quatre éléments ou fonctions du mot : l'image auditive (impression faite
sur l'oreille par le mot (langage parlé) ; l'image visuelle (impression faite
sur l'oeil par le mot (langage écrit ou imprimé); l'image motrice d'arti-
culation (actes de l'organe de la parole); l'image motrice graphique
(actes de la main dans l'écriture), rapportent la fonction du langage à
4 12 ANATOMIE PATHOLOGIQUE
Broca1, au tiers postérieur de la troisième circonvolutio-
frontale gauche. Toutefois nous devons rappeler que Meynert
adjoint à la troisième frontale le groupe des circonvolutions de
l'insula, faisant ainsi des deux un même système anatomique'.
Cependant, d'après M. Lépine(Th, ajréâ.), la réalisation de l'a-
phasie par lésion isolée de l'insula n'est pas encore démontrée.
D'ailleurs, anatomiquement, les lésions de l'insula ne peu-
vent pas par elles-mêmes donner lieu à de l'aphasie. La
dissection montre que la capsule externe, l'avant-mur et l'in-
sula n'ont pas de connexion avec les parties profondes' ; on
sait, d'autre part, que l'insula est relié à la troisième frontale
par d'abondantes fibres commissurales ? De là, il est per-
mis d'admettre que les lésions de l'insula ne déterminent l'a-
phasie que par retentissement sur ces fibres commissurales.
Nous étendrons pourtant, par l'imagination, sur la fig. 1, le
siège de l'aphasie (aphémie), à l'insula celui-ci n'étant fixé,
sur le schéma, qu'au pied de la troisième circonvolution fron-
tale. On remarquera que le centre cortical de l'aphémie, au
pied de la troisième frontale, est en rapport intime avec le
centre cortical des mouvements de l'organe de la parole (grand
hypoglosse) et de la mimique (facial inférieur) au pied de la
frontale ascendante; le premier centre situé au-devant du second.
quatre centres fonctionnels corticaux de la mémoire du mot ou des im-
pressions (centres d'impressions, impressions sur l'oreille, sur l'oeil), et
des actes (centres d'expressions actes de l'organe de la parole, de la
main dans l'écriture), par lesquels nous entrons en rapport avec celui-
ci. Et ces deux auteurs concluent que la lésion de ces différents cen-
tres amenant les troubles de la fonction, la perte plus ou moins absolue
du mode spécial de la mémoire du mot rattaché à ce centre, il en ré-
suite une amnésie verbale auditive, si, par exemple, c'est le centre audi-
tif des mots qui est frappé, une amnésie verbale visuelle, motrice d'ar-
ticulation, motrice graphique, si ce sont les centres visuel, moteur du
langage articulé, moteur du langage écrit qui sont atteints. D'où cette
conclusion «l'aphasie n'est qu'une amnésie», (Progr. Méd. i fév. 1888;
Pierre Marie), et ces définitions des quatre formes d'aphasie : 1° l'aphé-
mie, ou amnésie verbale motrice d'articulation; 2a l'agraphie, ou amné-
sie verbale motrice graphique ; 3o la cécité verbale, ou amnésie verbale
visuelle; 4o la surdité verbale, ou amnésie verbale auditive.
1 Voir pour l'historique de la découverte des lésions dans l'aphasie
Grasset, 1886, p. 153, et th. de Bernard. Déjà citée.
'Lépine, Bullet. de la Societ. anatomiq. 1874, et th. agrég. Paris, 1875,
Cl. de Boyer. Etudes cliniques sur les lésions corticales des hémisphères
cérébraux, th. Paris 1879. Perdrier, th. Paris 1882.
3 Voir fig. 3 et 4 de laPL. I.
'Raymond et Artaud. Archives de Neurologie. Mars 1881, p. 117.
DE l'axe cérébro-spinal. 43 b,
L'agraphie, deuxième variété d'aphasie, amnésie verbale mo-
trice graphique', a son centre cortical au pied de la deuxième
circonvolution frontale gauche (centre de Exner) 2. Il y est déter-
miné d'après les recherches premières de Marcé(l8o6, Société
de 131ologie) et de Ole (1567), d'après l'observation d'agraphie
puredont il est.question dans les leçons deM. Charcot(l883) pu-
bliées par Rummo en italien en 18§-Ikl et quelques autres faits ? '.
Comme pour l'aphémie au sujet des rapports de ce centre avec
le centre cortical de l'hypoglosse, nous attirerons l'attention sur
la connexion du centre cortical de l'agraphie au pied de la deu-
xième frontale avec le centre cortical des mouvements'du mem-
bre supérieur au tiers moyen delà frontale ascendante; le pre-
mier centre siégeant en avant et un peu au-dessous du second.
La cécité verbale (Wortblindheit d'après la nomenclature
de Kussmaul5), troisième variété d'aphasie, amnésie verbale
visuelle', a été décrite tout d'abord par Kussmaul, dont les
recherches postérieures à des observations déjà anciennes de
Gendrin7 et de Trousseau', de Gueneau de Mussy" et de
M7estphal'O, furent d'une part critiquées en France par
'Autre définition : Perte plus ou moins complète des mouvements
coordonnés communiqués à la main pour exprimer la pensée par l'écri-
ture, ou plus simplement l'aphasie de la main. (Charcot. Leçons,
t. 111.)
= Exner. Untersuch, ! <&€)' die Localisat. der Funct. in der Groshirn-
rindo des Menschen. Vienne, 1881.
3 Charcot. DereK<t/um : ed'o/'a. ! ta, Lezioniredalle del D' Rummo,
Milano, t88t - P. Marie, Analyse de ces Leçons, in liev. de Aled., t. 111,
1883, p. 693. - Bernard, th. 1885. Loc. cit. - Ballet, th. agrég. 1886.
Loc. cit., p. 41.
1 Pitres. Autre observation d'agraphie pure, in Rev. de AM., 188t.
P. Marie. De l'aphasie en général et de l'agraphie en particulier, d'après
l'enseignement de ,11. le Prof. Charcot (Observation d'agraphie pure), in
l'tog. illéd. 4 fév. 1888.
6 Kussmaul. Die Sldrutgezz der Sprache. Leipsig, 1S77.
Autre définition : Trouble pathologique d'une faculté spéciale qu'on
pourrait appeler la mémoire visuelle des signes du langage. (Charcot, in
Ler., t. lit, p. 166, 1887.) P. Marie. Voir l'analyse des Leçons sur la
cécité et la surdité verbales; in Rev. de Aléd., t. 111, p. 693. 1883. Ber-
nard, th. Paris 1885. Loc. cit., p. il.
' Gendrin. Traité philosophique de médecine pratique, t. I, p. 432,
1838.
8 Peter. De l'aphasie, d'après les leçons cliniques du Prof. Trousseau,
in Arch. géit. dc vlléd., 1865.
'' Gueneau de Mussy. Recueil d'ophlltalznologie, p. 129, )879.
10 Westphal. Zeislchrift sur Ethnologie, p. 91. 1 mai 1871. É.
44 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
MM. Mathieu1 et Dreyfus-Brisac2, d'autre part favorablement
accueillies par M. Magnan et une de ses élèves M"° Skwort-
zoff 1. Dans le travail de MUe Skwortzoff, une observation de
Déjerine est accompagnée d'autopsie. Depuis cette thèse, d'au-
tres observations ont été publiées : deux avec autopsies, celles
de M. Chauffard1 et de MM. d'Heilly et Chantemesse5; deux
sans autopsie, celles de M. Armaignael et de M. Bertholle'.
L'observation avec autopsie de Déjerine, les deux observations
avec autopsies de M. Chauffard et de MM. d'Heilly et
Chantemesse portent à trois le nombre des arguments anato-
miques sur lesquels on peut faire reposer la localisation de la
cécité verbale. Avec ces documents, M. le professeur Charcot
fonde une tentative de localisation de la cécité verbale au lobule
pariétal inférieur, avec ou sans participation du lobule du pli
courbe et de la première circonvolution temporale8. »
C'est d'après les travaux et les observations de SI. Wernicke9,
qui le premier paraît avoir étudié le phénomène connu sous
le nom d'aphasie sensorielle (Wernicke) ou de surdité verbale
(Worttaubheit, Kussmaul), amnésie verbale auditive (Hartley-
Charcot), que l'on place la localisation corticale de la qua-
trième forme d'aphasie, au niveau de la partie moyenne de la
première circonvolution temporale 10.
Sauf pour le centre de l'aphémie, nous avons pu voir que
1 Mathieu, in Arch. gén. de Méd., 1879 et 1881 -
Drevfus-Brisac. De la surdité et delà cécité verbales. (Gaz. heb. de
rrzétt. et de chirurg. 1881, p. 477.)
3 M"e SkwortzofT. De la cécité et de la surdité des mots dans l'aphasie.
Thèse, Paris, 1881. (Douze observations, dont une de l'auteur et deux de
M. Magnan.)
4 Chauffard. Rev. de Médecine, t. 1, p. 393, 1881.
6 D'Heilly et Chantemesse. Prog. méd. 1883.
° Armaignac. - Rev. cliniq. du Sud-Ouest, 1882.
' Bertholle. Asyllabie ou amnésie partielle et isolée de la lecture.
(Gaz. hebd. de med. et de chir., p. 280. 1881.) ·
8 Charcot.- Leçons, t. III, 1887, p. 170.
° Vernicke. Der aphasische sgmplomen-complex. Breslau, 1871. -
t/e&e ? ' det 'Mensc/tC ? tC/'e S<a7tdpM ? c< ! 7t dey P/c/n6 ! < ? e. Kasse),
1880. den Wissenschafllichen Standpunkt in der Psychiatrie. Kassel,
1880. - Lehrbuch der Gehirnki-ankheiie ? &. Kassel, 1881, Bd. I, p. 206. -
Forslchritte der médecin, Bd. 1. 1883.
Il Ed. Hitzig. Un cas de surdité verbale pure, sans aphélie. ( l'on der
mateniellen der Secle. Vortrag gehallen in Halle. Leipsig, 1886. Voir
aussi : Thèse de Bernard )
DE l'axe cérébro-spinal. 45
la détermination des différents centres d'impression et d'expres-
sion du langage n'est pas encore absolue. La détermination
des centres corticaux des mouvements des membres, dont
nous allons maintenant nous occuper, est au contraire à peu
près définitive. La zone motrice est en effet la mieux connue
à l'heure actuelle de toutes les zones corticales.
Le centre cortical des mouvements du membre supérieur est
situé sur la partie moyenne de la circonvolution frontale ascen-
dante où nous le figurons, en un point, qui répond en avant
au pied de la deuxième circonvolution frontale'. Le centre
cortical des mouvements du membre supérieur fut d'abord
déterminé par l'expérimentation physiologique, qui prime ici
pour l'étude des fonctions motrices du cerveau la démons-
tration anatomo-clinique. On doit dire, en effet, avec
M. F. Franck que, malgré quelques faits cliniques antérieurs
aux importants travaux de Fritsch et Hitziâ 2, de Ferrier3,
contrôlés plus tard par la commission de la Société de neuro-
logie et d'électrologie de 1\ew-York , par Carville et Dureté
' Nous avons fait remarquer plus haut à propos de la localisation de
l'agraphie que le centre cortical des mouvements du membre supérieur
au milieu de la frontale ascendante se trouve en rapport immédiat avec
le centre d'expression verbale motrice graphique des mouvements coor-
donnés communiqués a la main pour exprimer la pensée par l'écriture»,
centre siégeant exactement en avant du premier, au tiers postérieur de la
deuxième frontale.
' Fritsch et Hitzig. Reichertu. du Bois Reymond's. Arcl ? H. III, 1870.
1"' mémoire. Httzig. lieichei,t u. du Bois Reymond's. Archiv. H. III et
IV, 1873, publié en janvier 187, 2e mémoire. Unters. ub. d. Gehirns.
Berlin, 1874.
1 D. Ferrier. West Hiding Asyl. Rep., vol. lfl, 1873. Localisation
of Fie ? tction in the Brain (Croonian Lecture, 1871). Exp. on
the Brain of Monkeys. Ist S. (Proceed. Roy. Soc., 1875.) Exp. on
the Brain of Monkeys. 2d S. (Cioonian Lecture. Phil. Trans., vol. II,
1875.) Functioits of the Brain. Loud., 1876. Trad. franc., H. de Vari-
gny. Paris, 1880. Congrès intern. Londres, 1881. D. Ferrier and
Yeo. record of Exp. on the e#ecls of diff. reg. of the cerebr. He-
ntisph. (Philos. â9·üRSlLCt. lioy., Soc. p. Il, 1884.)
' Rapport de la commission composée de MA). Dalton, Arnold, Beard.
Flint, Mason. (New-York med. Journal, mars 1875.) .
' Carville et Duret.C)'t< ! 'yueM;p. des travaux de Fritsch, M/zi,Fe)'-
rier. (C.-li. Soc. Biol., 20 déc. 18ï3.)-ltech. critiq. et exp. (C.-It. Soc.
Biol., 10 oct. 1871.) Sur les fonctions des hémisphères cérébraux (Mé-
moite détaillé, Arch. de Physiol., 1875.)
li-6 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
Albertoniet Michieh1, Luciani et Eamburini n, François Franck
et Pitres 3, H. Munk k, Bartbolow, Sciammana 5.
MM. V. Horsley et C. Beevor de Londres6, l'époque d'ap-
parition des publications des deux premiers auteurs est la
date des premières recherches sur les fonctions motrices du
cerveau. Le centre cortical des mouvements du membre supé-
rieur eut son siège véricié-dès lors par des faits anatomo-cli-
niques, qui se multiplièrent dans la suite (Pierret, Hughiing-
Jackson, Mahot, etc., etc.) La plupart de ces faits précise le
1 Albertoni et Michieli. - Sui centri-cerebr. de movim. (Lo S;je7' ! M ?
Febbr., 1876.) Albertoni. Le Loccalizz., cerebr. (Ital. nzedica.,
1881.)
' Luciani et Tamburini. - Sui centî,i jesico-niot. (Rev. sp. di Freniafr.,
1878.) Luciani. Sull'eccitanx. meccanico de centri. (Congr. de Soc.
fren. Ital., 16 al 22 sett."1883.)
' Fr. Franck et Pitres. Artic. Encéphale (Physiologie) du Dict. Deelt.
18. François Franck. Leçons sur les fonctions motrices du cerveau
(Réactions volontaires et organiques) et sur l'epilepsie cérébrale. Paris,
1887.
' Hermann Munk. Berlin. Klin. YYochensch., 1877. (Zur Phys. d.
Grosshinrinde.)
° Bartholow.JoM ? < : / of the nied. sciences, avril 1871. Sciamanna.
Reale Accad. dei Lincei, XIII, 15 juin 1882. (Expérimentations pendant
l'intervention chirurgicale sur le cerveau humain.) Voir le résumé des
résultats obtenus par ces deux auteurs : in Lee. sur les fond. nzot. du
ceru. F. Franck. Lec. II et III.
1 Les docteurs Horsley et Beevor, après des expériences (1881) sur le
singe, vérificatrices des résultats obtenus par Fiitsch et Hilzig, par Ferrier,
ont tenté la trépanation et l'ablation de la région malade dans six cas
de lésions cérébrales chez l'homme avec épilepsie partielle. Ces trépa-
nations qui, toutes sauf deux, ont déterminé la cessation des accès,
montrent qu'il y a similitude complète entre la topographie motrice du
cerveau de l'homme et des singes supérieurs (Macacus sinicus). Les
expériences de 188î ont été répétées récemment par ces deux auteurs à
la Société de Biologie. (Voir Comptes rendus hebd. de la Soc. de Biol.,
18 nov. 1887. Séance du 12 nov.) Elles. enseignent qu'il existe des cen-
tres corticaux spéciaux pour les mouvements de chaque articulation,
(pour ceux de l'épaule, à la partie supérieure, pour ceux du pouce, à la
partie inférieure du centre cortical du membre supérieur à l'endroit où
ce centre se confond avec le centre moteur de la face ; pour ceux du gros
orteil, immédiatement en face de l'extrémité supérieure de la scissure
rofandiquedansie centre cortical du membre inférieur), et analysent
chacun de ces mouvements. Ces différents faits expérimentaux rendent
compte exactement du point de départ de l'aura dans l'épilepsie jackson-
nienne et permettent le « diagnostic régional » précis de l'affection en-
céphalique « cet idéal, aujourd'hui souvent réalisé, vers lequel tendent
invinciblement les efforts du clinicien. »
DE l'axe cérébro-spinal. 47
siège des mouvements du membre supérieur au point ou nous
l'avons inscrit. Quelques-uns (Leloir, Barbe) semblent établir
que c les lésions susceptibles de donner lieu aux monoplégies
brachiales peuvent siéger aussi un peu au-dessus du tiers
moyen de la circonvolution frontale ascendante' ».
Le centre cortical des mouvements du membre inférieur
occupe une région plus étendue d'après Hallopeau et Giro-
deail que d'après Charcot et Pitres 3. Les premiers donnent
pour centre à cette région de l'écorce, le tiers supérieur de la
pariétale ascendante, ainsi que le lobule paracentral, et la
font empiéter en outre en avant sur la partie supérieure de la
frontale ascendante, en arrière sur le lobule pariétal supé-
rieur Les seconds placent le centre cortical du membre
inférieur dans le lobule paracentral.
Disons en terminant avec les centres moteurs des membres
chez l'homme, que sans être circonscrits mathématiquement,
ils ne s'étendent pas non plus à une surface très considérable
de l'écorce grise cérébrale, comme le veut E ? ner5, contredit
par Charcot et Pitres.
On place le centre cortical du grand hypoglosse au pied de
la circonvolution frontale ascendante, d'après les faits ana-
tomo-cliniques de Hitzige, de Charcot et Bail d'après Rendu et
Gombault 7, de Verneuil B. de Duâout-Bally 9, derosentliallo,
' Charcot et Pitres. Contribution à l'élude des localisations dans l'é-
corce des hémisphères du cerveau. (Rev. mens, de méd. et de c/t ! ) ? 1877.)
Nouvelle contribution à l'étude des localisations motrices. (liev. mens.,
nov. 1878.) ! Hallopeau et Girodeau. Encéph. 1883, p. 331.
3 Charcot et Pitres. Rev. mens. 1877-78. G. Ballet. Arch. de Neurol.
1883, V.273.
4 Raymond et Derignac. Gaz. nzéd. 1882, 52. - Prévost. Contribution
à l'étude du centre moteur cortical du membre inférieur. Th. Paris, 1881,
1 Exner. Recherches sur les localisations des fonctions du cerveau de
l'homme (Vienne, 1881). In loc. cit., p. 43. Voir la critique de la mé-
thode et des résultats d'Exner dans : Charcot et Pitres. Etude critique
e t clinique de la doctrine des localisations motrices dans l'écorce des hé-
misphères cérébraux de l'homme (Rev. dsMcd. 1883, p. 152.)
° Hitzig. Arch. f. Psychiatrie, Bd. III, p. 231.
7 Charcot et Bail, d'après Rendu et Gombault (Revue d'flaem), 1876,
p. 350.
B Verneuil. Rev. ct'llaycm, 1876, p. 350.
' Dugout-Bailly. Gazette médicale, 1878, p. 23.
Il Itosentlk2l.-(Ileilroge ur lceutniss dei, izolo-ischen 21ei,ve21ce ? it-en des
48 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
de Ferrier '. Ces éléments en grand nombre déjà, pour servir
de base à la détermination du siège du centre cortical du grand
hypoglosse sont réunis dans un remarquable mémoire sur le
trajet intral-cérébral de l'hypoglosse par MM. Raymond et
Artaud2.
Le centre cortical de l'Hypojlosse 5, est en même temps
commun au facial inférieur d'après l'expérimentation* et
quelques faits anatomo- cliniques 1, commun à la branche
motrice du Trijumeau 1.
Avec hémianopsie, nous arrivons aux localisations dont on
commence seulement à entrevoir le siège. Le siège de la loca-
lisation corticale de l'hémianopsie n'est en effet établi qu'avec
sept ou huit observations'. Il occupe à peu près la même
région que le centre cortical de la cécité verbale, le lobule
pariétal inférieur dans sa partie antérieure. C'est du reste ce
qui explique la coïncidence répétée, dans quelques-unes des
observations ci-dessus, de la cécité verbale et de l'hémia-
nopsie, qui peuvent cependant aussi se présenter séparé-
ment, « le lobule pariétal inférieur étant d'ailleurs assez
étendu pour que les deux ordres de lésions puissent y trouver
Aleuschenhirnes (Wiener n2edie. Presse, 1878, Observât. II), cité par
Charcot et Pitres. Rev. mens., nov. 1878, fév. 1879.
. Ferrier. Localisation des maladies cérébrales, p. 136, 137, in loc.
cit, d'après Barlow (B ? -ilish niéd. Journal, 28 juillet 1877, p. 103.)
'Raymond et Artaud. Contribution à l'étude des localisations céré-
brales (trajet intra-cérébral de l'hypoglosse). Archives de Neurologie.
No 20, mars 1881; n° 21, mai 1884. "
3 Nous avons souligné à propos de l'aphémie les connexions remar-
quables du centre cortical commun au grand hypoglosse, au facial infé-
rieur et à la branche motrice du trijumeau avec le centre d'expression
verbale motrice d'articulation des mouvements coordonnés communi-
qués à la langue et à la face pour exprimer la pensée par la parole et la
mimique.
1 Ferrier.-Localisations. Trad. de Vai,igny, Paris, 1880, p. 132 et suiv.
(centres oro-linuaux.) In loc. cit., p. 45.
5 Charcot et Pitres.- Rev. de nzéd., 1883.
Lépine. Rev. de méd., 1882, p. 848.
' Féré. Contribution à l'étude des troubles fonctionnels de la vision
par lésions cérébrales (Amblyopie croisée et hémianopsie), th. Paris, 1882.
- (Deux faits d'hémianopsie d'origine cérébrale avec autopsies), in Arch.
de Nezi ? ,. 1885, IX, 222. E. C. Se-uiii. A contribution to the pathology
of hémianopsie of central origine (cortex-hémianopsie), in Journal of ? ie-vous et nienlal dise(ise, vol. XIII, n° 1. Janv. 1886. Trad. franc, in
Arch, de Neur., t. XI, 1886, p. 206.
DE L'AXE CÉRÉBRO-SPINAL. 49
leur place, sans se superposer nécessairement' 1 ». Les trou-
bles de la vue, hémianopsie, etc., avec lésions des circonvolu-
tions occipitales sont en ce moment à l'étude *.
On tend à localiser le centre cortical du Ptosis c au pli
courbe 1 suivant quelques cas anatomiques. Mais s'il est vrai
que la dissociation de la troisième paire semble effectuer par
des lésions du Pli courbe ou du voisinage, rien n'est encore
arrêté sur le siège exact du centre cortical du Ptoni. Nous
n'avons pas figuré ce centre cortical sur notre dessin.
Nous signalons sans plus y insister la région présumée que
doit occuper la lésion corticale, cause de la déviation conjuguée de
la tète et des yeux à « cette partie du lobule pariétal inférieur
intermédiaire aux scissures parrallèle et sylvienne » d'après
Landouzy ? Prévost et Vulpian 5, et Ferrier6; le centre cor-
tical apparaît jusqu'à l'heure actuelle, du facial supérieur
inscrit dans la région du pli courbe sur le schéma de Charcot
et Pitres ? «
Telles sont les localisations dont il était intéressant d'ins-
crire le siège de façon à les envisager sur l'écorce cérébrale
dans leurs rapports réciproques, sur lesquels nous nous
sommes arrêtés déjà, et dans leur mode de répartition diffé-
rentes zones corticales que nous allons maintenant déter-
miner. (A suivre.)
' Charcot. Leçons, t. III, 1882, p. 173.
2 NothnageL Maladies de l'encéphale, 1885. Lire les observations réunies
p. 346 et suivantes.
1 Grasset. In Progr. méd., 1876. Landouzy. In Arch. gén. de 2 ? zéd.,
1877. Charcot et Pitres. / ! eu. mens, de méd. et de chir., 1877-78, in
loc. cil.
t Landouzy. Th. Paris, 1876, p. 80. Progr. iiéd., sept. 1879.
s Prévost. 67a;. hebd., 1865, n° il ; Th. Paris, 1868, n° 30; Gaz.
hebd. 1869, n° 9.
o Ferrier. Localisations. Trad de Varigny, 1880.
7 Non plus que le centre cortical de la déviation conjuguée de la tète
et des yeux, nous ne représentons le siège du centre cortical du facial
supérieur sur notre schéma.
Archives, t. XVI. 4
RECUEIL DE FAITS
MAL PERFORANT CHEZ UN PARALYTIQUE GÉNÉRAL;
Par le D H. \1ABILLE, médecin en chef, directeur de l'asile de Lafond.
Sommaire. Excès alcooliques ; idées de richesse et de satisfaction
personnelle ; embarras de la parole ; inégalité pupillaire ; parésie
musculaire. Incendie sous l'influence de sa femme. - Irrespon-
sabilité du malade et condamnation de sa femme. - Internement
et progression des troubles paralytiques. Mal perforant du pied
dans les derniers temps de la vie. -- Mort.
C..., perruquier, depuis un certain temps se livre à des liba-
tions alcooliques ; il boit surtout une liqueur, vendue dans le com-
merce sous le nom de rhum, à un franc cinquante centimes le litre.
Sa femme favorise sa passion pour la boisson et à son instigation,
au mois de mars 1887, il incendie une maison, celle d'un perru-
quier concurrent.
Arrêté, ainsi que sa femme, il passe aux assises de Saintes. La
femme est condamnée sévèrement et C... est acquitté, car on s'a-
perçoit que son état d'esprit a pu créer l'irresponsabilité. Il est
amené à l'asile de Lafond, le 12 juin 1887.
LeDrChappart, dans son certificat d'admission, s'exprime ainsi :
« est atteint de démence avec tendances manifestes la paralysie
générale, embarras de la parole, marche difficile, chants fré-
quents, à cela, s'ajoutent des idées de grandeur (argent caché,
va partir pour Paris, le directeur du Petit Journal devant venir le
chercher, etc.). Quand on le contrarie, il tend à la violence...
Alors qu'il jouissait à peu près de son intelligence, il a mis le feu
chez un voisin ; il est à craindre, qu'aujourd'hui, une idée crimi-
nelle puisse lui être plus facilement suggérée. »
A son arrivée à l'établissement, je constatai chez C... les symp-
tômes ordinaires de la paralysie générale progressive, idées de
grandeur et de richesse, embarras de la parole, inégalité pupil-
laire, la pupille droite étant plus dilatée, du tremblement très
caractérisé des mains, signe d'alcoolisme et de l'embarras de la
démarche ; les facultés sont très affaiblies et le malade est sou-
vent violent.
MAL PERFORANT CHEZ UN PARALYTIQUE GENERAL. 51
Pendant les mois de juillet, août et septembre, l'affection pro-
gresse, le malade peut à peine se tenir debout, les réflexes ont
disparu; il déchire ses vêtements, est tout à fait inconscient.
Un matin, à la visite, on nous montre le pied gauche de C... et
nous constatons au niveau de l'articulation mélatarso-phalan-
gienne du premier orteil, une ulcération à forme ovalaire, large
environ comme une pièce de deux francs, à bords taillés à pic. Il
en sort un liquide séro-purulent.
Le stylet introduit, dénote une profondeur notable (trois cen-
timètres, obliquement) ; nous n'avons pu savoir si l'ulcération
était sensible, le malade étant peu conscient et résistant à tout,
machinalement.
Au bout de quelques jours de traitement par les mèches nuclées
iodoformées, nous notâmes la tendance à l'augmentation du trajet et
6 octobre 1887, le stylet pénètre'jusqu'à l'os, revêtu encore de son
périoste. Mais les forces du malade diminuèrent rapidement et il
s'éteignit dans le marasme sans avoir présenté de réaction fébrile,
le 9 octobre 1887.
A l'autopsie, nous trouvâmes les signes ordinaires de la méningo-
encéphalite chronique, avec cela de particulier, toutefois, que les
vaisseaux de la base présentaient un degré assez prononcé d'athé-
tonie (probablement d'origine alcoolique); pas d'altérations de la
moelle.
Le pied fut examiné avec soin et nous pûmes voir qu'il s'agissait
bien dans notre cas, d'un mal perforant du pied. Toutefois, nous
ne pûmes constater aucune altération de l'os ni du périoste ; les
vaisseaux du pied ne nous parurent pas présenter d'altérations.
REMARQUES. - On notera que, chez notre malade, le mal
perforant est survenu de dehors en dedans, graduellement,
quoique avec une rapidité relative, C... marchait rarement;
par conséquent, il est difficile d'incriminer l'action de la
marche.
L'ulcération plantaire s'est développée, chez C..., dans les
derniers temps de la vie, c'est-à-dire à une période très avancée
de la paralysie générale, et nous rappellerons que C... était
alcoolique, il est vrai, mais que nous n'avons pas rencontré
d'altération des vaisseaux du pied.
Notre observation paraît plutôt se rapprocher de celles que
M.J.Christian a publiées dansles Annales médico-psychologiques
et à la Société de médecine de Paris (4 février 188-». Dans les
deux cas de M. J. Christian, il y eut rémission de la paralysie
générale dont les malades étaient atteints, à la suite de la
suppuration amenée par le mal perforant. Mais cet auteur
S2 q REVUE critique.
considère l'apparition de l'affection chez, ses paralytiques comme
un trouble trophique.
Nous rappellerons aussi qu'un certain nombre d'auteurs
(Duplay et Morat, Lancereaux, Hanot, Bail, Mozer, Ranadier)
tendent à assigner au mal perforant une origine nerveuse, car
les observations qu'ils ont recueillies appartenaient à des
malades atteints d'ataxie locomotrice.
Notre observation vient donc à l'appui de cette manière de
voir, car le mal perforant s'est développé à la période ultime
de la paralysie générale.
Enfin, il résulte du cas de C... que dans la paralysie générale
à sa période d'état, alors même que le malade peut encore
vivre au dehors, la suggestion, pour ainsi dire, à l'état de veille,
peut être faite sans entrainer la responsabilité du délinquant.
C'est en effet, à l'instigation de sa femme que C ? a allumé un
incendie et tout porte à croire qu'en raison de son état mental
très affaibli, il a agi d'une façon inconsciente. Tel a d'ailleurs
été l'avis du jury de la Charente-Inférieure qui a condamné
a femme C... en acquittant son mari.
REVUE CRITIQUE
La car.TOwr 1; ->
ParJ.SÉGLAS,m6decin-supptÉantdeta.Sâ)))etriere,etPn.C)IASL ! N,
mcdeciii-sippléatit de Dicètre.
IV.
En principe, pour qu'une réunion de symptômes non carac-
téristiques par eux-mêmes puisse constituer un tout patho-
logique essentiel, il faut qu'ils affectent entra eux des rapports
étroits de nature, d'origine, de succession, de causalité; de
telle sorte que malgré des variations inévitables, on puisse
' Voy. Arcldves de Neurologie, n° li, p. 21 1; 11- 15, p. 420.
LA CATATONIE. 53
toujours saisir leurs rapports, reconnaître leur filiation et les
rapporter à un type primitif défini, et à une même cause supé-
rieure.
Or ici, ce n'est pas cela : nous voyons bien dans la descrip-
tion de la catatonie, une coexistence, mais non une association
ou une combinaison de symptômes. Quoi qu'en disent les par-
tisans de la catatonie, la différence est grande avec la paralysie
générale, dont la création repose sur une base solide, des
lésions anatomiques, dont la nature tout à fait intime n'est
peut-être pas encore absolument connue, mais qui suffisent
même dans l'état actuel de la science à créer une espèce mor-
bide dont on pourra, s'il y a lieu, déterminer ultérieurement
les variétés. Ici au contraire, rien de précis ; car les lésions
méningitiques de nature tuberculeuse trouvées dans quelques
cas ne sont pas la caractéristique anatomique de la maladie et
tout repose sur des données hypothétiques d'hyperhemie ou
d'oligémie (-Meynert) par crampes vaso-motrices ou de cram-
pes de certaines régions cérébrales (Kalhbaum, Neisser), varia-
bles, multiples et que nos données actuelles sur l'anatomie et
la physiologie cérébrales nous permettent bien peu de déter-
miner.
Kalhbaum avoue lui-même que l'anatomie pathologique est
à faire, et Kiernan après de longues dissertations en arrive à
donner comme caractéristique une dilatation primitive vaso-
motrice, laissant de côté la méningite dont on aurait pu croire
qu'il l'utiliserait plutôt pour l'échafaudage anatomo-patholo-
gique. D'ailleurs, comme nous l'avons vu, Brosius classe la
catatonie en trois groupes qui se ressemblent peu anatomi-
quement et les autres ne parlent pas de l'anatomie patholo-
gique. Les lésions anatomiques manquant donc, et rien ne per-
mettant encore d'assimiler ces phénomènes qu'on pourrait
supposer d'ordre dynamique à des phénomènes identiques
connus dépendant d'une cause organique, l'édifice patholo-
gique manque ainsi d'une base solide ou rationnelle.
Mais en l'absence d'un substratum anatomique, et de
données physiologiques déterminées, par quoi peut se carac-
tériser une forme morbide ? nous ne voyons guère que l'évo-
lution symptomatique. ou l'étiologie. Mais alors l'absence du
critérium anatomique certain nécessite une rigueur exces-
sive dans le choix et le classement des phénomènes et des cas
observés. Or, la classification même des variétés de catatonie
84 REVUE CRITIQUE.
que donne Kalhbaum à la fin de son mémoire nous montre,
si déjà la lecture de la symptomatologie et des observations
ne nous avait pas convaincus combien variable était la pré-
sence de certains phénomènes, même les plus importants,
ainsi que leur intensité, leur mode d'apparition, leur succes-
sion et l'évolution même des périodes de la maladie. Il nous
semble superflu de développer ici ce point, ayant déjà exposé
longuement ces faits au début de notre travail. Nous ne pour-
rions que nous répéter.
Quant à l'étiologie qui, à part certaines exceptions particu-
lières, ne peut guère servir à différencier les maladies en
médecine générale, elle est absolument insuffisante en méde-
cine mentale où la recherche des causes est peut-être un des
problèmes les plus insolubles auquel se heurte journellement
le médecin aliéniste. Si l'on connaît les causes (et combien
multiples) de l'aliénation en général, il est presque impossible
de déterminer l'action de telle cause particulière dans tel cas
donné au point de vue de l'origine de la maladie, de la forme
particulière qu'elle pourra revêtir et de la marche spéciale
qu'elle pourra suivre.
D'ailleurs, les causes écologiques que donne Kalhbaum sont
des causes parfaitement banales et qu'on peut rencontrer à la
source de toutes les vésanies possibles. Il y en a cependant
deux, qui à notre avis, peuvent créer une prédisposition spé-
ciale et servir à caractériser le terrain particulier sur lequel
- se développe la maladie, c'est la dégénérescence en général
et l'hystérie. Ces deux faits là ne sont pas mentionnés par
ses auteurs et cependant ils nous semblent bien avoir leur
importance.
En effet, nous retrouvons dans la description de la catatonie
la plupart des traits communs aux aliénations héréditaires,
tels que l'alternance du délire, avec la succession d'états exal-
tés ou déprimés (Morel '), le verbiage monotone, incohérent,
ou emphatique et sentencieux, les poses théâtrales, les attitu-
des spéciales comme cabalistiques, la prédominance des idées
poétiques ou théâtrales ou mystiques que l'on retrouve dans
les observations de Kalhbaum et assez fréquemment observés
t pour que Schuele ait fait de la catatonie une sorte de wahn-
\ sinn religieuse. Rappelons enfin l'éclosion fréquente chez les
' More). Loc. cit., p. 1-q.
LA CATATONIE. 88
héréditaires des troubles psychologiques à certaines époques
biologiques et nous ne serons pas étonnés que certains auteurs
aient rangé la catatonie dans la folie de la puberté (Maudsley1).
D'ailleurs la plupart des causes signalées dans les observations
de catatonie n'agissent guère d'ordinaire que comme causes
occasionnelles sur des sujets plus ou moins tarés : citons les
excès sexuels, l'onanisme, la puberté, l'accouchement, la
menstruation, l'alcoolisme sur lequel insiste Kiernan. Enfin
la lecture des observations nous montre plus d'un malade, la /
majorité même, présentant différents traits caractéristiques de/
la dégénérescence mentale, et quelquefois même des stigmates/
physiques, dont l'importance a semblé échapper aux observa-
tions, qui, il est juste de le dire, semblent s'être, dans l'exa'
men de leurs malades, assez peu préoccupés de la question
de la dégénérescence en général.
Quant à l'hystérie qui, surtout dans ses formes délirantes,
peut se rapprocher et même se classer parmi les états dégéné-
ratifs, elle partage avec eux les caractères énumérés ci-dessus,
mais de plus elle peut ajouter sa note particulière en favori-
sant la production des phénomènes catatoniques proprement
dits. N'est-ce pas dans l'hystérie que l'on observe surtout les
attaques convulsives à caractère hystéro-épileptique plus ou
moins tranché 2, les attaques de catalepsie, de léthargie, de
contractures, d'extase, les mouvements choréiformes, sans
compter la simple hyperexcitabilité neuro et cutano-muscu-
laire et la plasticité musculaire à l'état de veille. Or, jamais
dans les observations de catatonie que nous avons lues l'hysté-
rie n'a été sérieusement recherchée ; c'est à peine si on men-
tionne vaguement la recherche de l'anesthésie sensitive. Le
caractère des attaques est toujours mal déterminé et très
vague, ce sont des attaques hystériformes, épileptiformes, etc.,
ou bien on se contente de noter : qu'un malade a l'aspect hys-
térique ; cependant nous inclinerions volontiers à penser
1 Maudsley. Loc. cit.
Morel (Etudes cliniques, t. II, p. 285 et suiv.) rapporte sous le nom de
stupidité des cas qui nous semblent analogues à la catatonie et il consi-
dère justement la présence des phénomènes particuliers (dits catatoniques
plus tard) et la marche spéciale de l'affection comme liée à un état de dégé-
nérescence et d'un pronostic très grave. Ailleurs (Traité des mal. ment., 451),
il dit que les phénomènes d'extase et de la catalepsie se rattachent d'une
manière plus intime à l'histoire des folies épidémiques, à celle du délire
religieux surtout et certains états névropathiques tels que l'hystérie.
56 REVUE CRITIQUE.
qu'une recherche plus attentive eût pu déceler chez les malades
/ la présence de quelques stigmates hystériques. Et cela d'autant
/ mieux que l'on rencontre à la lecture des observations des
phénomènes assez fréquents dans l'hystérie, pour mériterqu'on
s'y arrête, mais dont cependant l'importance ne parait pas
avoir, été saisie ou qui ont été rattachés à la catatonie alors
que parfois ils ont pu la précéder de plusieurs années. Ainsi,
nous trouvons des convulsions toniques en opistothonos au
cours d'attaques convulsives revenant plusieurs fois par jour
(Obs. II de Kahlbaum); des attaques convulsives indétermi-
nées (comme d'ailleurs dans la presque totalité des observa-
tions) et suivies plus tard d'accès de pleurs et de rires involon-
taires (Obs. III); la perte de sensibilité de la muqueuse
pharyngienne (Obs. IV), des accès de rires impulsifs revenant
à la même heure pendant plusieurs années chez un nerveux
(Obs. I de Hecker) avant le début de la catatonie qui fut d'ail-
leurs suivie d'hébéphrénie; attaque convulsive avec opistotho-
nos à la suite d'une fièvre typhoïde avec délire intense et avant
le début de la catatonie (ibid. Obs. II); une attaque semblable
dont la description ressemble à l'arc de cercle (Obs. IV de
Neisser); une femme chez laquelle l'hystérie avait été soup-
çonnée par Kroepelin, négligée par Neisser (Obs. IX) ; dans
deux autres observations du même auteur, nous trouvons du
somnambulisme et des hallucinations visuelles noires (Obs. X),
de la toux prolongée sans phénomènes pulmonaires et avec
des syncopes, des vomissements répétés, de la céphalée, de
l'amyosthénie (Obs. XII). Un fait qui nous semble encore
confirmer notre manière de voir c'est la particularité signalée
par Kalhbaum d'épidémies convulsives de catatonie. Il serait
aussi intéressant de rechercher l'hystérie dans ces cas où
la maladie débute brusquement par la stupeur après un trau-
matisme. Si ce n'est là qu'une hypothèse, au moins n'a-t-elle
rien d'invraisemblable depuis que les derniers travaux de
l'école de la Salpêtrière ont mis en relief toute l'importance
du traumatisme dans l'éclosinn des manifestations morbides
sur les terrains hystériques. Cette absence que nous signalons
de la recherche de l'hystérie, est sans doute due à ce fait que
la grande majorité des médecins allemands semble tenir peu
décompte de l'hystérie en général et résiste aussi le plus pos-
sible à cette notion si importante, développée par M. Charcot,
de la vulgarité de l'hystérie mâle.
LA CATATONIE. S7
Schuele est le seul auteur qui ait comblé en partie ces
lacunes dans l'examen de ses malades et ses observations l'ont
en somme amené à décrire une forme de catatonie hystérique
(sixième type de l'hyslerische TValansinu); efd'un'autre côté,-il-
range la calatonie en général parmi les psychoses se dévelop-
pant dans un cerveau « invalide ».
D'ailleurs, la recherche de l'hystérie chez cette espèce de
malades peut être intéressante pour expliquer, au moins dans
certains cas. la production de quelques-uns des troubles
moteurs. On sait combien fréquentes sont chez les hystériques
les altérations du sens musculaire et il n'est pas irrationnel
de supposer qu'elles pourraient se trouver en relation avec ces
attitudes particulières spontanées ou provoquées que présentent
les catatoniques. Nous rapportons ici l'observation d'une malade
hystérique dont l'affection présentait de nombreux traits de
ressemblance avec la catatonie de Kalhbaum et chez laquelle
nous avons constaté, bien que légers, des troubles du sens mus-
culaire.
Observation IV. 111'1 L. Ch..., âgée de vingt-quatre ans, en-
trée le 24 juin 1887 à la Salpêtrière.
Antécédents héréditaires. Père, faible d'esprit, et de carac-
tère. Mère, nerveuse sans attaques, intelligence faible, tremble-
ment de la tête. Pas de consanguinité; pas de renseignements
positifs sur les grands-parents.
Antécédents personnels. Rien de particulier à signaler dans
l'enfance; à l'âge de treize ans seulement, Mlle Ch ? aurait com-
mencé à être malade, un peu nerveuse : elle fut soignée alors
comme anémique. A l'âge de vingt ans, première attaque convul-
sive de caractère hystérique, puis une seconde trois ou quatre
mois après ; depuis, elles se sont reproduites environ tous les
mois, jamais la nuit. En plus, elle a des attaques moins fortes,
incomplètes, et des vertiges. Elle souffrait aussi de migraines fré-
quentes. Caractère volontaire, quoique assez faible; c'était une
c enfant gâtée ». Il y a deux ans, elle s'est liée avec une jeune
fille qui s'occupait de spiritisme et qui prit rapidement un grand
ascendant surelle. Elle la persuada bientôt qu'elle la guérirait
par le magnétisme : des pratiques ont eu lieu à l'insu des pa-
rents. Les attaques cependant continuaient, la dernière eut lieu
le 19 mai; dernière menstruation le 6 juin.
Les symptômes délirants remontent à treize jours. M"° Ch... a
commencé à donner des signes d'agitation; elle n'était plus mai-
tresse d'elle-même, de sa pensée ni de ses actes : hallucinations
88 REVUE CRITIQUE.
de la vue dès la première journée ; insomnie, pas de rêves prémo-
nitoires. Le troisième jour, hallucinations de l'ouïe; son amie lui
dit qu'elle la magnétise, elle lui répond qu'elle l'a trompée en ne
la guérissant pas ; l'agitation augmente, elle fait des passes
comme si elle magnétisait quelqu'un. Elle cherche même à se
magnétiser elle-même pour se guérir d'un état semblable à celui
de son amie, qui est infirme d'une jambe et s'est fait magnétiser
pour cela sans résultat. Elle devient loquace, parle souvent dans
son délire d'une lettre que dans ses pratiques de spiritisme son
amie a fait écrire par son frère, mort depuis douze ans. Depuis cette
époque, l'agitation n'a fait qu'augmenter, la malade ne mange
plus, l'insomnie est absolue.
24 juin. Etat actuel. Etat d'excitation maniaque violente;
on peut cependant fixer par moments l'attention de la malade
en insistant ou en la secouant énergiquement. Elle est échevelée,
à peine vêtue, pieds nus ; faciès halluciné, mobilité excessive,
actes désordonnés, paroles incohérentes paraissant se rattacher
au magnétisme : cris, incantations, gestes cabalistiques ; elle range
les chaises autour d'elle et semble magnétiser des personnages
imaginaires qui seraient assis dessus.
Pas d'anesthésie sensitivo-sensorielle évidente; l'examen delà
vision est très difficile. Cependant la malade nomme toutes les
couleurs et il ne parait pas y avoir de rétrécissement du champ
visuel. Les deux fosses iliaques et les régions sous-mammaires
sont douloureuses à la pression. Asymétrie faciale (côté droit
plus petit) : nez dévié à droite, sourcil droit plus abaissé; décolo-
ration des cils de l'oeil gauche datant de l'enfance. Légère asymé-
trie palatine; oreilles, mains, etc., bien conformées. Crâne régu-
lier, symétrique.
LA CATATONIE. 59
nir. A un moment, elle étend tout d'un coup le bras droit et reste
ainsi plusieurs minutes fixe, immobile, sans répondre aux ques-
tions qu'on lui adresse.
6 juillet. La malade est très agitée, surtout anxieuse : le fa-
ciès est inquiet, elle est échevelée, pleure, se lamente. Les hallu-
cinations (vue, ouïe) sont toujours nombreuses, intenses, presque
continuelles ; cependant, en insistant, on peut fixer l'attention
de la malade. Par moments, elle prend des attitudes ressemblant
aux attitudes passionnelles des hystériques et les quelques phrases
qu'elle prononce le sont sur un ton déclamatoire, comme pathé-
thique; elle répète toujours qu'elle est morte, qu'elle n'est plus
elle. Les membres restent pendant quelques minutes dans les po-
sitions qu'on leur imprime ou qu'elle prend elle-même, mais ne
sont pas rigides; c'est un éiatcataleptoïde. Gâtisme.
- 8 juillet. -Beaucoup plus calme, mais les hallucinations persis-
tent ; cependant elle les dit moins nombreuses. Elle ne prononce
que des mots sans suite, peut-être en réponse à ses hallucinations.
Etat cataleptiforme provoqué, le bras droit étendu, le bras
gauche demi-fléchi, pendant quelques minutes. Le visage ne ré-
vèle pas de fatigue, la respiration reste normale, les bras gar-
dent absolument leur position. ne suivant que les mouvements
de totalité du corps. Léger tremblement des extrémités, flexibilité
des segments des membres, qui gardent les positions diverses
qu'on leur imprime successivement.
Troubles du sens musculaire au bras gauche. De ce côté, elle ne
peut retrouver sa main si elle a les yeux fermés; elle apprécie
également moins bien la différence de poids successifs que de
l'autre côté. Le contact et la pression sont moins bien perçus à
gauche qu'à droite; la piqûre parait moins bien perçue à droite ;
rien à la face. '
Elle répète toujours qu'elle est morte, qu'elle n'a plus de corps.
Il lui resle une jambe gauche, un bras droit et les deux yeux.
Elle est « retournée» et pour prendre sa main droite avec sa
main gauche, elle .passe cette dernière derrière son dos, parce
qu'elle est retournée. Si l'on fixe l'attention, cela disparaît mo-
mentanément, autrement elle s'en inquiète beaucoup. Elle pleure,
se désole, dit que tout est changé autour d'elle, elle n'a plus sa
personnalité et cependant elle est bien L... Elle se croit persé-
cutée par une autre malade; elle a pris la maladie d'une autre
et cela lui a immobilisé la jambe gauche. Les parties de son
corps, qui ne sont pas à elle, ont été attachées à son corps, elle
ne sait pourquoi. Elle réclame ses parents; généralement elle
est douce, calme; par moments accès d'anxiété. L'après-midi,
elle est restée étendue très longtemps en croix sur le gazon. Elle
nous dit que c'est une conjuration.
60 REVUE CRITIQUE.
9 Juillet. -- Mobilité extrême des symptômes de la maladie, ce-
pendant elle n'est plus maniaque comme à l'entrée; attitudes
« théâtrales » surtout quand elle était agitée, et aujourd'hui quand
elle reparle du magnétisme. Les idées tournent toujours dans le
même cercle, elle les répète continuellement, mais ne répète ja-
mais les mêmes mots; pas de vocabulaire spécial. Attitudes spé-
ciales : elle tient toujours les mains croisées sur ses genoux, la
main droite sur le genou gauche, et vice versa. Le matin, elle se
dit entière et reconnaît sa main gauche à une tache de variole
qu'elle a sur l'index, cependant quelques instants plus tard elle
revient à l'idée de la veille et même elle dit avoir perdu ses
yeux. Elle ne peut rien expliquer de tout cela, parce qu'elle est
embrouillée.
16 Juillet. Attitudes cabalistiques : elle croise les jambes en
se tenant debout pour éviter des malheurs; elle se tient les ge-
noux comme ci-dessus. Elle reste fixe et immobile dans ces posi-
tions. Etats cataleptoïdes provoqués persistant quelques minutes.
Elle est très calme depuis quelque temps, plutôt déprimée,
cause peu, s'isole, reste à l'écart, pleure. Elle gâte toujours ;
insomnie.
1 août. Amélioration considérable, plus d'excitation; accès
de tristesse, de pleurs, elle demande sa famille, s'inquiète de ce
qu'elle deviendra; sa maladie pourra lui faire du tort dans l'ave-
nir ou la reprendre, etc. Plus d'états cataleptiques, commence à
dormir.
16 août. La malade ne délire plus, dort, travaille, peut être
considérée comme guérie.
L'examen physique ne nous révèle rien à noter, en particu-
lier aucun stigmate d'hystérie.
Septembre.- Réapparition des règles. Guérison complète. Sortie.
L'observation suivante que l'un de nous avait pu recueillir
à une époque antérieure présente aussi la majorité des traits
donnés par Kalhbaum comme caractéristiques de la catatonie
et là encore on trouve de l'hérédité et de l'hystérie bien avérée.
Observation V. Allie N..., âgée dedix-neuf ans.
Antécédents héréditaires. La grand'mère du père de la ma-
lade est morte démente, ainsi que son fils, grand-père paternel
de la malade. Le père est lui-même un homme très nerveux,
bizarre, violent; accidents arthritiques.
Antécédents personnels. Pas de renseignements sur l'enfance
de la malade; elle a toujours été très nerveuse, bizarre, fantasque.
Depuis quelques années, elle était toujours souffrante et soignée
LA CATATONIE. 61
pour des accidents hystériques. En janvier 1884, elle se montre
triste sans raison et recherche l'isolement. En juin, période d'ex-
citation maniaque; elle devient insubordonnée, volontaire, tente
à chaque instant de s'échapper de chez elle, se figure que le shah
de Perse l'aime et va venir la demander en mariage, chante conti-
nuellement des airs d'opéra-comique. En juillet cette excitation
fait place à de la dépression mélancolique; elle a peur de devenir
malade, elle a le choléra, elle va mourir, demande pardon de ses
fautes à tout le monde, car une voix le lui commande ; les vers la
rongent. A cette période, elle a présenté des états de raideur
presque généralisés mais sans contracture; on avait de la pleine
à vaincre la résistance des muscles, et si on déplaçait les mem-
bres ils s'immobilisaient dans la nouvelle position qu'on leur im-
primait, mais restaient toujours raides'. Cet état de mélancolie
s'accentue et arrive graduellement à la stupeur avec mutisme,
refus d'aliments, amaigrissement progressif.
22 août. Etat actuel. Faciès de la stupeur mélancolique,
peurs, mutisme absolu, refus complet d'aliments, amaigrissement
extrême, la malade ne peut même plus se tenir debout ni assise et
se laisse aller comme une masse inerte; haleine fétide, urines
rares, constipation ; pas de' coloration violacée ni d'oedème des
extrémités; aménorrhée. Insomnie. Analgésie presque complète;
pas de signes constatés d'hystérie ; pas de raideurs. Taille élevée,
conformation régulière ; tête petite, asymétrie faciale, dents mal
rangées, courbe des maxillaires très étroite.
Traitement : suralimentation par la sonde (poudre de viande,
potages, bouillon, lait, vin de quinquina au bordeaux, arséniate
de soude), bains sinapisés, sirop de morphine.
26 août. Amélioration de l'état général ; mutisme, refus d'ali-
ments, résiste à la sonde, qu'elle avait d'abord acceptée passive-
ment.
97 août. Elle dit : « J'ai la fièvre typhoïde, empêchez qu'on
ne vienne dans ma chambre. »
28 août. Faciès meilleur, même état psychique ; mutisme,
refus d'aliments, résistance systématique à ce qu'on veut lui faire
faire, mais pas de troubles d'ordre moteur. Se promène un peu
seule, pleure beaucoup.
30 août. Même état; la sensibilité est bien plus nette, quoi-
que toujours un peu obtuse, sans localisation spéciale.
1°r septembre. Elle mange seule ; le mutisme persiste. Hydro-
thérapie.
' Ces derniers renseignements sont dus à l'obligeance de M. Ch. Féré,
médecin de Bicêtre, qui vit la malade à cette époque.
62 REVUE CRITIQUE.
11 septembre. Elle dit : « Je ne puis pas cependant me cou-
cher dans ce lit puisqu'ils disent qu'il a été offensé. »
Novembre.- A la fin de ce mois, réapparition des règles ; même
état; elle ne cause que tout bas et seule, et si on lui parle elle rit
et pleure à la fois, mais ne répond pas.
Décembre.- Nouveau refus d'aliments dû à une hallucination
de l'ouïe ; elle parait aussi hallucinée de la vue; elle cause un
peu et demande à sortir parce qu'elle coûte trop cher et que cela
ruinera son père. Menstruation régulière. Le 22 du même mois
elle écrit : a Il est question de me voir mourir d'un moment à
l'autre, on veut me tuer par rapport à des idées folles qui se con-
centrent en moi, je suis dans un état tellement stupide que je ne
sais plus ce que je fais, je perds ma raison, je ne sais plus parler,
je ne sais plus rien faire, je suis indigne de vivre; tout le monde
me trouve stupide, et c'est la vérité, je perds ma raison. » Rnmeme
temps elle fait des chiffres qu'elle dispose par exemple dans le
même ordre. En voici un fac-similé1 :
15 janvier 1886. Elle mange un peu, mais du pain seule-
ment, qu'elle achète à mesure; elle travaille un peu et cause
bien- : c'est le Seigneur qui lui parle et lui a défendu de manger
pour expier ses fautes. Dieu lui disait de ne rien manger, qu'elle
derait mourir, car elle n'était pas digne de vivre. Quand elle
riait, c'était parce que des voix lui parlaient; elle n'avoue pas
d'hallucinations de la vue ; elle croit toujours fermement à la réa-
lité delà voix de Dieu.
20 janvier. Elle ne délire plus du tout, elle est un peu exci-
tée, insubordonnée, elle pleure sans motif, cela la soulage; elle
s'occupe, mais d'une façon fébrile. Elle a conscience de son état
' Nous rapprocherions volontiers cela des fac-similés d'écriture donnés
par Neisser dans lesquels les mêmes mots ou les mêmes signes sont
répétés de façon à constituer une sorte de verbigération écrite.
LA CATATONIE. 63
passé, elle raconte ses idées de culpabilité, elle croyait avoir
causé la mort de sa mère et aussi que le schah de Perse l'aimait;
elle entendait la voix de Dieu lui parler d'un ton impératif. Elle
dit que tous ces symptômes sont absolument disparus. Excitation
génitale, onanisme invétéré, saphisme. Ces pratiques datent, d'a-
près ce qu'elle raconte, de très longtemps, et lui auraient été en-
seignées par une de ses parentes dont elle partageait le lit, étant
enfant. Pas de signes d'hystérie. Sortie guérie.
45 novembre 1886. Le délire n'a pas reparu, mais on peut
constater chez la malade la présence de stigmates hystériques et
d'accidents de même nature analogues à ceux constatés avant
l'apparition des troubles délirants.
V.
Nous avons vu en somme ce que c'était que la catatonie et
nous avons exposé les considérations qui nous ont semblé
découler de l'examen des descriptions de cette maladie et des
observations données à l'appui. La tentative de Kalhbaum a
été en somme approuvée jusqu'ici par peu d'auteurs. Nous
avons vu les partisans et signalé déjà entre eux certaines dissi-
dences, surtout en ce qui concerne Schuele, dont la description
se rapproche beaucoup plus, à notre avis, de la réalité clinique,
En résumé, pour créer la catatonie, Kalhbaum insiste sur
ces deux points : 1° la non existence de l'Attonitât autrement
que comme symptôme; 2° la présence comme règle dans tous
les cas où il y a de l'Attonitàt des phénomènes dits catatoniques,
devenant la caractéristique de la maladie.
Que l'on discute l'entité de la stupeur, cela n'a rien d'éton-
.nant. Tout le monde admet bien la possibilité de la stupeur
dans toutes les formes mentales : mais ceux-ci s'en tiennent là,
ceux-là décrivent une forme spéciale de stupeur. Parmi ces
derniers, les uns la considèrent comme une maladie distincte,
les autres, plus nombreux, la rattachent à la mélancolie. Mais
parce que dans ce dernier cas, la maladie a pu suivre la marche
indiquée par Kalhbaum, c'est à dire passer par une période de
mélancolie simple ou même par un état d'exaltation mentale
antérieur (manie ou anxiété), faut-il en conclure que la stupeur
doit être complètement rejetée, sous ce prétexte qu'elle n'est
qu'une phase de la maladie considérée dans son ensemble. Cela
nous parait peu rationnel car c'est elle qui constitue dans ces
64 REVUE CRITIQUE. LA CATATONIE.
circonstances la période d'état de la maladie, les autres phases
n'étant que des stades prémonitoires et souvent d'une durée
peu longue eu égard à celle de la période de stupeur : ajoutons
même que cette dernière peut se présenter pour ainsi dire
d'emblée. Parce qu'une maladie peut ne pas se constituer
de suite de toutes pièces et peut passer par différents stades
avant d'arriver à la période d'état, faut-il la rejeter pour cela ?
Si cela était, il resterait bien peu de choses de la pathologie
mentale; car il n'est guère d'affections vésaniques qui se cons-
tituent d'emblée ou restent identiques à elles-mêmes dans
toute leur durée ; et l'exaltation mentale et surtout la dépres-
sion, l'hypochondrie morale, n'est-elle pas au début de toutes
les vésanies ? Nous avons vu d'ailleurs plus haut que Kalhbaum
l'avoue lui-même et pour être logique, si l'on accepte son
argument pour la stupeur, il faut l'étendre à toutes les autres
formes vésaniques.
Le second point sur lequel insiste Kalhbaum c'est la nécessité,
de donner la priorité aux phénomènes catatoniques qui seraient
plus ou moins accentués, mais de règle dans tous les cas de mé-
lancolie avec stupeur. Nous l'avons déjà dit plus haut, cela nous
semble être une singulière exagération. La grande majorité
des observations publiées de mélancolie avec stupeur ne pré-
sente pas de traces de phénomènes catatoniques. Nous-
même avons eu l'occasion d'en voir plusieurs cas, même depuis
que notre attention s'est fixée sur ce sujet; et il n'est peut-être
pas d'aliéniste qui n'en ait observé de semblables. Il est certain
que si l'on fait du mutisme et de l'opposition des phénomènes
catatoniques, alors tous les stupides et même bien des mélan-
coliques deviendraient des catatoniques. Mais nous avons déjà
exprimé notre opinion au sujet de ces exagérations psycho-
physiologiques. Nous avons vu aussi que nous pouvions faire à
ces phénomènes le reproche que fait Kalhbaum à la stupeur :
à savoir qu'ils ne sont que des symptômes se présentant dans
presque toutes les formes psychopathiques, et que, lorsqu'ils
se montrent d'une façon prédominante, joints à ce qu'on appelle
la mélancolie attonita, ils ne forment pas un ensemble régulier
soit dans leur marche, soit dans leur forme ou même dans
leurs caractères intrinsèques s'il s'agit d'une même forme.
Aussi terminerons-nous cette étude en disant que la tentative
de Kalhbaum ne nous semble pas jusqu'ici suffisamment
justifiée. Nous pourrions répéter en substance à propos de la
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 68
catatonie ce que disait autrefois M. J. Falret' à propos de la
catalepsie, que dans la description de cette affection on a
réuni des faits plus ou moins dissemblables à divers points de
vue et qu'on a plutôt fait l'histoire d'un symptôme ou mieux
d'un syndrome que d'une maladie véritable. Considérant
d'ailleurs qu'au point de vue somatique, le phénomène prédo-
minant c'est la présence des troubles du système nerveux
moteur, au point de vue psychique, l'état de mélancolie plus
ou moins profonde, le reste (symptômes ou marche) n'ayant
rien de spécial, nous pensons que jusqu'à nouvel ordre la
catatonie doit être rattachée à la stupeur, simple ou sympto-
matique, dont elle ne serait qu'une variété en rapport plus
étroit avec un terrain dégénératif et plus particulièrement
hystérique'. Nous ajouterons d'ailleurs que cette conclusion
n'est pas une -explication : mais c'est la seule opinion qui nous
paraît pouvoir être formulée dans l'état actuel de la science.
Nous laisserons à d'autres, plus compétents et plus hardis, le
soin de s'aventurer sur la route encore bien mal connue des
psychoses hystériques et de délimiter, si possible, le terrain si
étendu et si vague de la dégénérescence mentale'.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
I. SUR LES anomalies DE L1 sensibilité ET LEURS relations avec
l'ataxie dans LE tabès dorsal; par B. STERN. (Arch. f. Psych,,
XVII, 2.)
Voici les résultats obtenus à l'examen de quatre-vingts patients
en deux ans, par des procédés simples : pincement, aiguille,
' 4 J. Falret. De la catalepsie. (Arch. gén. de Méd., août 1857.)
8 Dans ces cas lorsque l'on peut constater des idées délirantes actuelles
ou rétrospectives, elles sont le plus souvent de contenu mystique comme
l'ont fait remarquer Moret, Schuele, etc.
1 On pourra consulter encore sur ce sujet : Lanfenauer : Ueber kala-
tonische Verruclctheit. Oruosi Hetilop. 1882. Konrad : l3eitrcige sur
Z.e/t)'e6 ! e)-A'a<a<o)K'e. Orvosi Hetilop. 1882. Dunkerlost : Ueber dctiolo-
gie zoid l3eltanctlung der Katatonie. Need. Ver. ? Psych. 1883. Ham-
mond : Treatise on /;Ma;M. London, 1883. Spitzka : Insanily. New-
York, 1883.
Archives, t. XVI. 5
66 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
vases pleins d'eau à diverses températures. Le présent mémoire
contient : trois observations du retard de la sensibilité à l'égard
de la chaleur trois observations de sensibilité double dans le
domaine de la zone soumise à la douleur sept observations
prouvant des erreurs du jugement des tabétiques, qui croient
éprouver des sensations n'ayant pas de raison d'être trois
observations dans lesquelles le simple contact de l'aiguille est
perçu comme une douleur deux observations d'épuisement
rapide de la sensibilité thermique trois observations de
rémission du trouble de la sensibilité une observation de
répartition toute spéciale du trouble de la sensibilité deux ob-
servations d'ataxie résidant sur le système moteur et non sensitif
- quatre observations de mouvements associés chez des ataxiques,
prouvant que l'incoordination est d'origine purement motrice
une observation montrant que les mouvements spontanés peuvent
jouer un rôle important dans la genèse de l'ataxie. - Conclusion : .'
Les cas d'hyperesthésie ordinaire chez les tabétiques sont très
rares, mais il est assez fréquent de leur voir une hyperesthésie
unilatérale à l'égard du froid. Dans un petit nombre de cas, une
excitation révèle d'abord une insensibilité parfaite; mais, si l'on
augmente l'intensité de la sollicitation, on voit brusquement se
développer une sensation anormale extrême ; d'autres individus
demeurent tout à fait anesthésiques à l'égard d'excitations exces-
sives. On constate en revanche des perversions de la sensibilité ;
les différents modes de douleurs se traduiront par exemple
par une seule modalité, le froid sera perçu comme chaud, une
sollicitation douloureuse éveillera une double impression alors
que deux impressions tactiles continueront à être simultané-
ment distinguées. Le mécanisme de ces perturbations se résume
ainsi; très souvent l'intensité de la sensation ne croit chez le
tabétique qu'avec l'étendue de l'excitation ; aussi certains excitants
ne sont-ils perçus que si on leur donne une certaine surface, et
la sensation ne se développe-t-elle que lorsqu'on applique côte à
côte plusieurs excitants. Pour M. Stern, l'ataxie serait générale-
ment due à une altération des fibres motrices centrifuges ; la
preuve, ajoute-t-il, c'est que l'on observe chez les tabétiques des
mouvements associés et des mouvements spontanés paraissant en
rapport avec les troubles delà coordination. P. KLRIVAL.
IL DES rapports DE la poliomyélencéphalite avec la maladie
DE IIASEDOW; par E. JENDRASSIK. (Arch. f. Psych., XVII, 2.)
L'auteur préfère ce terme à celui de polioencéphalite parce qu'il
désigne plus particulièrement l'inflammation de la substance
grise située entre l'origine de la troisième paire et celle de la
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 67
douzième paire. L'observation qu'il décrit concerne un jeune
homme de seize ans, présentant les symptômes caractéris-
tiques delà lésion des noyaux du moteur oculaire externe, du
trijumeau, du facial, de l'ocnlomoteur commun, du pathétique et
l'exoplillialmie, le goitre, la tachycardie permettant d'établir le
diagnostic de maladie de Basedow. Conclusion : La maladie de
Basedow est une affection centrale, siégeant, dans la substance
grise du bulbe, à la hauteur du noyau du facial ; elle n'atteint
d'ordinaire pas les noyaux des nerfs crâniens; dans ce cas par-
ticulier, elle s'est étendue aux nerfs voisins, d'où les symptômes
oculaires, les troubles de la mastication, la parésie du facial
inférieur, du voile du palais. Pas d'autopsie. P. K.
III. DE la persistance DU phénomène DU GENOU dans la DÉGÉN13RES-
CENCE DES cordons postérieurs ' ; CONTRIBUTION A LA lésion PRI31f-
TIVE combinée DES CORDONS DELA MOELLE ; pat' C. `VESTPII : 1L. (Ai-ch.
f. Psych., XVII, 2.)
C'est, d'après le professeur de Berlin, la partie externe des cor-
dons postérieurs des régions dorsale inférieure et lombaire supé-
rieure de la moelle à laquelle il faut rattacher la disparition du
phénomène du genou, ou plus exactement la zone d'entrée des
fibres radiculaires dans la substance grise. Si l'on trace une ligne
partant de l'angle qui, de la substance gélatineuse de Roland,
s'avance vers le sillon médian, et qu'on la dirige en arrière paral-
lèlement à la ligne médiane, la zone radiculaire des cordons
postérieurs se trouve en dehors de cette ligne. Or, pour qu'il y
ait disparition du réflexe tendineux rotulien, il faut et il suffit
que la lésion dépassant en dehors la partie externe des cordons
postérieurs, envahisse la zone radiculaire, de façon à atteindre
spécialement les fibres radiculaires qui pénètrent dans la subs-
tance grise, tout autre segment de la zone radiculaire et des
racines postérieures n'ayant rien à voir avec la disparition du
phénomène du genou. Deux observations à l'appui.
L'auteur insiste encore sur les altérations concomitantes des
colonnes de Clarke et de certaines parties des cordons latéraux.
Il croit que ces combinaisons sont, dans l'espèce, accidentelles.
Mais il y a lieu de remarquer la coparticipation des faisceaux de
Tdrclc et, dans la moelle lombaire, celle de la portion correspon-
dante des cordons antérieurs. A l'association des lésions des
cordons postérieurs et des cordons antéro-latéraux, il faut
imputer la faiblesse de la motilité, l'absence d'immobilité,
d'inertie fixe de la pupille; ce qui permettrait de douter du dia-
gnostic exclusif de tabès, mais ouvrirait de nouveaux horizons
' Voy. Archives de Neurologie, XI, 257.
68 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
au point de vue de la pathogénie anatomique des symptômes
relevés. P.KERAVAL.
IV. NOTE SUR DEUX cas DE paralysie radiculaire DU plexus
brachial; par M. H. Rendu. (Rev. de illéd., 1886.)
^ La plupart des faits de paralysie radiculaire publiés jusqu'ici
ont trait soit à des cas de traumatisme direct portant sur les
origines du plexus brachial, soit à des cas de compression lente
des nerfs. M. Rendu rapporte deux observations qui prouvent
que la névrite radiculaire du plexus brachial peut être réflexe
et provenir en particulier d'une irritation du plexus nerveux
gastro-hépatique. Il résulte en outre de l'étude de ces deux faits
que les troubles de la sensibilité se montrent dès la période
initiale de la névrite et disparaissent au bout de très peu de
temps pour faire place à la paralysie et à la l'atrophie.
La distribution de l'anesthésie cutanée correspond, à très
peu de chose près, à celle de la paralysie motrice, ce qui
prouve que les origines réelles des nerfs sensitifs et des nerfs
moteurs du plexus brachial émanent de la même région de la
moelle. Le pronostic des paralysies radiculaires serait, d'après
M. Rendu, relativement favorable. Le traitement le plus utile
consiste dans l'application de révulsifs répétés sur la région cer-
vicale et le moignon de l'épaule et plus tard dans l'usage des
courants continus et du massage. G. D.
V. DE la GLYCUSOUIE ET DU diabète dans la SCLÉROSE EN plaques ;
par le Dr H. RICH.1BDIÉRE. (Rev. de méd., 1886.)
Des observations publiées dans ce travail il ressort : 1° que la
sclérose en plaques par ses localisations sur le plancher du qua-
trième ventricule, peut donner lieu à des troubles urinaires spé-
ciaux ; 2° ces troubles urinaires peuvent consister tantôt en
polyurie, tantôt engtycusorie, tantôt en diabète, rappelant par sa
symptomatologie le diabète essentiel. G. D.
VI. DEUX cas d'hémiplégie avec hydrémie DE l'hémisphère DU COTÉ
OPPOSÉ A L'HÉMIPLÉGIE ET A UNE LÉSION PULMONAIRE PRÉEXISTANTE;
par R. Lépine. (Rec. de med., 1880.)
La première de ces deux observations est un exemple d'hémi-
plégie réflexe, la voici brièvement résumée : « Phtisie pulmonaire
du sommet droit (d'origine traumatique), hémiplégie brusque du
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 69
côté droit. Mort, autopsie : pâleur de l'hémisphère gauche, aug-
mentation relative de Ja proportion d'eau du tissu nerveux de
cet hémisphère. »
Voici le sommaire de la seconde observation : pneumonie
droite datant de plusieurs jours ; apoplexie, hémiplégie droite.
Mort, autopsie : pâleur et augmentation de l'eau de la substance
du corps opto-strié gauche, petit ramollissement siégeant sur le
pied de la deuxième frontale gauche, immédiatement en avant du
sillon de Rolando. G. D.
VII. Sur la maladie DES tics CONVULSIFS; par G. GUINON.
(Rev. de méd., 1886.)
Dans un précédent numéro de ce recueil (1885, n° 28),
M. Gilles de la Tourette a décrit une maladie qu'il nomme
« affection nerveuse caractérisée par de l'incoordination mo-
trice accompagnée d'écholalie et de coprolalie ». Cette dénomi-
nation, d'après M. Guinon, ne doit pas être conservée. Jamais
en effet on n'observe une véritable incoordination motrice
dans cette maladie. Les mouvements involontaires qu'exécutent
les malades ne sont pas incoordonnés, ils ne sont pas mieux
illogiques et ils présentent dans leur ensemble et dans leur
répétition invariable une sorte d'arrangement tel qu'on peut
les dire véritablement systéîizatiques (Cliarcot). Les mouvements
involontaires systématiques, toujours les mêmes chez un même
individu, sont désignés par un mot employé de longue date
dans ce sens ; c'est le nom de tics. Maladie des tics convulsifs,
telle est la nouvelle dénomination proposée par M. Guinon.
Dans sa forme bénigne cette maladie n'est caractérisée que
par des tics proprement dits, c'est-à-dire par les grimaces de
la face ou les mouvements involontaires des membres. Lors-
qu'elle atteint son plus haut degré de gravité, elle s'accom-
pagne des phénomènes connus sous le non d'écholalie, d'écho-
kinésie (reproduction du geste) et de coprolalie, ainsi que d'un
état mental particulier qui se manifeste surtout par l'appari-
tion d'idées fixes (folie du doute, folie du pourquoi, arithmo-
manie, etc.). Tous les phénomènes qui constituent par leur
ensemble les cas typiques et absolument complets de la ma-
ladie des tics peuvent se rencontrer dissociés pour former des
sortes de cas frustes. D'ailleurs dans tous les cas, qu'elle soit
complète ou qu'elle ne se manifeste que par l'un quelconque
70 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
de ses signes, la maladie des tics convulsifs est toujours l'ex-
pression d'une tare le plus souvent héréditaire.
M. Guinon démontre en terminant que tous les phénomènes
qui caractérisent la maladie et qui, au premier abord, paraissent
si différents, sont de la même famille et qu'on peut à juste
titre rapprocher les uns des autres le tic convulsif, l'exclama-
tion involontaire et l'idée fixe.
VIII. HÉMIPLÉGIE DIABÉTIQUE AVEC LÉSIONS SEULEMENT MICROSCOPIQUES
DES circonvolutions MOTRICES; par R. Lépine et L. BLANC.
Voici le résumé de cette observation : diabète, hémiplégie
droite progressive ; crises épileptiformes, aphasie, graves troubles
intellectuels. Guérison à peu près complète des symptômes
nerveux. Phtisie diabétique. Autopsie : destruction des cellules
du lobe central. G. D.
IX. Ataxie LOCOMOTRICE : ARTHROPATHIE DE l'articulation VIÈT.1-
CARPO-PHALANGIENNE DU POUCE, luxation spontanée du POUCE.
chute DES DENTS, CRISES laryngées, insuffisance AORTIQUE; par
le Dr RICHARD1ÈRE.
X. Paralysie spinale DE l'adulte ; par MM. Leclerc ET BLANC.
(Lyon 7 ? 2éd., 1886, t. 52.)
Observation d'un malade âgé de dix-neuf ans, qui fut pris subi-
tement, sans cause connue, d'une paralysie complète des quatre
membres. Le mouvement reparut rapidement dans les membres
inférieurs et le bras gauche; le bras droit seul resta paralysécom-
plètement et au bout de quinze jours s'atrophia. Très longtemps
après, on nota une faiblesse dans le membre inférieur gauche avec
atrophie progressive du mollet et de la cuisse. La réaction élec-
trique des muscles atrophiés a conservé ses caractères normaux.
Il s'agit d'après les auteurs de cette note d'une paralysie spinale
de l'adulte sur laquelle est venue se superposer une atrophie
musculaire, n'occupant pour le moment que le membre inférieur
gauche, mais destinée probablement à se généraliser. G. D.
XI. DES TROUBLES DE la motilité posthemiplégiques ; par
. B. GREIDENBERG. (Arch. f. Psych., XVII, 1.)
Revue critique fort intéressante et très complète, avec quelques
observations propres à l'auteur. Nous signalerons particulière-
ment : l'Oss. I : contracture survenues dès le cinquième jour qui
suivit l'apoplexie; les OBS. II, 111, IV : mouvements associés, à
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 71
l'appui de la théorie de Broadbent et Ross; l'OBs. VI : tremble-
ment posthémiplégique; l'auteur n'aurait rencontré ce tremble-
ment qu'une fois sur trente cas; l'OBs. VII, hémichorée typique;
OBS. VIII - hémiataxie. Ces trois dernières OBs. sont dépourvues
d'autopsie. M. Greidenberg pense qu'on n'a pas encore assez de
faits (une cinquantaine) pour généraliser et fonder l'anatomie
pathologique des troubles de la motilité posthémiplégiques et
leur localisation. Un chapitre à part est consacré à l'athétose,
OBs. 1X-XIV. Conclusion générale : la physiologie pathologique
est plus riche en hypothèses qu'en faits positifs. Quant au traite-
ment du symptôme, le plus rationnel est l'électrisation galvanique.
Classification générale des troubles molcurs-posthémiplégiques.
72 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
matières. Telle est la situation jusqu'en 1885, époque à la-
quelle il meurt de tuberculose pulmonaire. Anatomie patholo-
gique : lésion primitive des faisceaux pyramidaux portant en
même temps mais faiblement sur les faisceaux latéraux qui
vont au cervelet, et les cordons de Goll, d'où les phéno-
mènes spasmodiques, la parésie des extrémités inférieures. C'est
à la dégénérescence des faisceaux latéraux des pyramides qu'il
faut attribuer l'exagération des réflexes en général, celle des
réflexes tendineux en particulier, tenant à la lésion non des
fibres motices, mais de certaines fibres d'arrêt des cordons laté-
raux des pyramides. De l'étude critique du fait en lui-même,
rapprochée d'autres observations similaires ou analogues ,
M. Struempell conclut que :
Il semble que presque toujours ce soient les faisceaux pyramidaux qui
soient les premiers lésés, la lésion portant en même temps sur les cor-
dons antérieurs et latéraux des pyramides, mais atteignant plus facile-
ment les cordons latéraux qui relèvent du cervelet. Dans les cas qui
comme ici témoignent d'une affection systématique combinée, la lésion
des cordons postérieure prédomine toujours dans la moelle cervicale,
où elle occupe les cordons de Goll ; on trouve aussi des fibres dégénérées
dans les segments infériems des cordons postérieurs, ces fibres corres-
pondant probablement aux origines des cordons de Goll ; assez souvent
il y a altération du champ postéro-cxterne des cordons postérieurs. Les
dégénérescences secondaires qui suivent la lésion primitive des faisceaux
pyramidaux sont descendantes; celles qui suivent la lésion primitive des
faisceaux latéraux cérébelleux et des cordons de Goll sont ascendantes.
Le diagnostic de la forme qui nous occupe ici est encore impossible
pendant la vie; mais, quand, dans une affection spinale, on voit appa-
raître le syndrome de la paralysie spasmodique, sans troubles de la
sensibilité, il faut penser à cette combinaison. L'hérédité pourrait bien
jouer un rôle, un frère du patient étant en ce moment identiquement
atteint. Peut-être enfin, à côté de ce type quasi pur, y a-t-il un type spas-
modico-tabétique (lésions tabétiques et lésions des cordons latéraux des
pyramides). P. K.
XIII. Myélite aiguë disséminée; par B. KuESSIER et F. BROSIN.
(Arch. f. Psych., XVII, 1.)
Observation clinique très détaillée. Un homme bien portant,
de vingt-quatre ans, est successivement affecté : de paralysie
vésicale aiguë, qui devient rapidement complète, de paralysie
flasque des jambes, de parésie des bras, d'anesthésie, d'absence
des réflexes cutanés et des phénomènes tendineux ; conservation
de la réaction faradique ; fièvre ; aucune espèce de phénomènes
d'excitation spinaux. Etat stationnaire des symptômes de paralysie ;
cystite ; érysipèle. Mort vingt-quatre jours après le début de la
maladie. On trouve à l'autopsie un grand nombre de foyers, exces-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 73
sivement pressés les uns contre les autres, dans la région thora-
cique moyenne de la moelle, se disséminant ensuite en montant
jusqu'à la partie moyenne de la moelle cervicale, et en descen-
dant jusqu'à la partie moyenne de la moelle lombaire. Dégéné-
rescence secondaire des cordons postérieurs dans les parties supé-
rieures de la moelle et des cordons latéraux, dans les parties
inférieures du même organe. Les foyers sont des foyers d'inflam-
mation aiguë, liée aux vaisseaux (le centre de l'axe de chaque
foyer est constitué par un assez gros vaisseau); le début en est
représenté par l'émigration de leucocytes hors des parois vascu-
laires ; le tissu nerveux, infiltré de grosses et petites cellules,
souffre dans sa nutrition, se désagrège; les corpuscules lym-
phatiques se chargent de détritus (globules granulo-graisseux)
et rentrent dans le courant lymphatique par les espaces lympha-
tiques périvasculaires, débarrassant ainsi le foyer, mais enlevant
la matière nerveuse (mailles névrogliques vides, surtout dans la
moelle dorsale inférieure et moyenne). La mort a interrompu le
processus anatomique. Après avoir discuté les diagnostics de : myé-
lite centrale hémorrhagique lombaire paraplégie urinaire
névrite aiguë progressive névrite dégénéra triée sclérose
multiloculaire myélite aiguë transverse l'auteur passe à
l'étiologie et à la pathogénie delà lésion. Ce n'est pas une myé-
lite infectieuse ordinaire (absence de micro-organismes), ni une
myélite toxique (aucun caractère, aucun antécédent), ni une
myélite vasculaire vraie (intégrité des parois, ni embolies, ni
thromboses). C'est un trouble fonctionnel vasculaire d'origine
infectieuse, dont la nature est inconnue. P. K.
XIV. Etat DE la moelle chez un malade ayant subi l'élongation
sanglante DES sciatiques ; par M. J. TE)SS)ER. (Lyon médie.,
1886, t. LI.)
Un homme de quarante-trois ans, atteint de crises extrême-
ment violentes, de douleurs fulgurantes d'origine tabétique, subit
sans succès l'élongation des deux nerfs sciatiques, lorsqu'il mourut
deux ans après, on trouva les deux sciatiques, au niveau du point
où l'élongation avait été pratiquée, notablement altérés, envahis
par du tissu modulaire ou de la graisse ; une partie des tubes
nerveux ont paru en voie de désintégration. D'autre part, la
moelle, à côté des altérations caractéristiques du tube, offrait
au niveau de la région dorso-lombaire un étranglement marqué.
Il reste à déterminer s'il existe un rapport quelconque entre les
altérations de la moelle et l'élongation des sciatiques.
G. D.
74 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
XV. Anévrysmes MILIAIRES DE la MOELLE épinière.
On a noté fréquemment ces formations et lorsqu'on les a trou-
vées, même dans les cas si bien décrits de Hebold, on ne leur a
pas assigné une grande importance clinique. Mais les DKoehler
et Spitzka de New-York, ont observé au moins dans une famille
la dégénérescence diffuse d'anévrysmes miliaires comme base
anatomique d'une névrose spinale héréditaire. Ils ont noté les
mêmes symptômes, ressemblant à ceux d'une sclérose multiple
type, chez les membres de deux générations de cette famille. Dans
un cas terminé par la mort, l'autopsie montra une dégénéres-
cence miliaire excepté dans la protubérance et les vaisseaux du
cerveau, avec des signes de dénutrition de la substance blanche.
(New-York médical Journal, 2 avril 1887.) SoREL.
XVI. SCLÉROSE OU dégénérescence spinale CONSÉCUTIVE A DES
lésions cérébrales; par W. J11liUS MlCl, : LE. 77 ! e</OM ? 'Ha/ of
Mental Science , avril 1885.)
L'auteur rapporte brièvement neuf observations dans les-
quelles une altération scléreuse ou dégénérative de la moelle
s'est montrée consécutivement à des lésions encéphaliques
localisées ; voici pour chacun de ces neuf cas l'indication de
la lésion cérébrale :
OBs. I. Lésion de la surface des circonvolutions, pénétrant
dans la substance médullaire et détruisant quelques-uns des pro-
longements de la capsule interne.
uns. Il. Lésions diffuses, peu manifestes, siégeant surtout
dans l'écorce grise de la région fronto-pariétale.
OBS. III. Destruction locale de plusieurs circonvolutions et
d'une partie du corps strié.
Cas. IV. Les lésions primitives locales avaient surtout détruit
des portions des deux corps striés; les deux colonnes latérales
étaient atteintes, mais surtout la protubérance et le bulbe.
Cas. V. Destruction d'une partie du lobe temporo-sphénoïda)
et de la substance médullaire sous-jacente; cette destruction inté-
ressait légèrement la partie inférieure du lobule pariétal ; le corps
strié du même côté était en état de dégénérescence partielle.
Ons. VI. Adroite, lésions destructives du corps strié; à gauche
mêmes lésions, moins étendues et intéressant la capsule interne ;
entre-croisement anormal ou nul des pyramides dans la moelle
allongée; un tractus de dégénérescence, de forme arrondie, dans
REVUE DE pathologie mentale. 78
la colonne latérale gauche; un tractus analogue, mais cunéi-
forme dans la colonne droite.
OBS. Vil. Lésion médullaire centrale de l'hémisphère droit,
à peu près au niveau du grand centre ovale ; destruction partielle
du corps strié et de la capsule interne du côté droit, ainsi que
du noyau caudé : sclérose de la colonne latérale gauche de la
moelle.
OBs. VIII. Lésions ayant détruit une partie du corps strié, de
la capsule interne et de la substance médullaire du cerveau ; dé-
générescence partielle du pédoncule correspondant.
OBs. IX. Atrophie considérable d'un des hémisphères céré-
braux, avec lésions de paralysie générale plus accusées dans cet
hémisphère que dans l'autre dégénérescence de la colonne laté-
rale de la moelle du côté opposé.
Dans la majorité de ces deux cas, la sclérose ou la dégéné-
rescence descendante consécutive n'intéressait qu'une colonne
latérale; dans l'observation IV, elle intéressait les deux, ainsi
que dans l'observation VI. Règle générale l'entre-croisement t
des pyramides était le point le plus atteint. R. M. C.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
I. Quelques mots ajoutés A ce que l'on sait DE la paralysie GÉNÉ-
RALE DES aliénés; par NASSE (Allg. Zcitsch. f. Psych., XLII, 4.)
Que sont devenus les paralytiques généraux dont l'auteur avait
jadis annoncé la guérison apparente (lrrenfreund, 1870, ï). Depuis
cette époque, M. Nasse, sur plus de trois cents cas observés
(1870-1882), soit à l'asile, soit en consultation, n'a pas vu de fait
semblable. Sur 6 vrais paralytiques (5 guérisons, i amélioration),
congédiés, deux au bout d'un an étaient repris de la maladie et en
mouraient ; deux succombaient, l'un à une attaque d'apoplexie
survenue deux ans plus tard, l'autre six ans après, à une pacby-
méningite ayant déterminé des accidents psychiques. Le malade
congédié comme amélioré mourait subitement au bout de quatre
' Voy. Arch. de Neurologie. Société psychiatrique de la province du
Rhin, tss5.
76 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
ans. Un seul demeura guéri ; il n'avait pasprésenté de trouble de la
parole au cours de son affection (diagnostic douteux ? ). Un septième
également renvoyé comme guéri se portait encore bien un an et
demi après, mais il a depuis quitté le pays et on n'en a plus en-
tendu parler. L'auteur fournit encore deux nouvelles observations
de paralysie générale à guérison apparente.
Qu'est-ce que la psezido-paîalysie géi2éî,ale des buveurs ? D'après
M. Nasse, il y a des différences fondamentales telles entre l'alcoo-
hsme chronique et la paralysie générale qu'il n'y a pas lieu de
penser que l'alcoolisme chronique aboutira à la démence paraly-
tique. Il s'agit dans ces cas d'une paralysie générale survenue sur
un terrain alcoolique ; aussi en résulte-t-il un type clinique spé-
cial modifié. On constate alors un stade prodromique semblable à
celui de la paralysie générale, puis un état qui rappelle la para-
lysie générale bien plus par l'ensemble des troubles moteurs
que par les manifestations psychiques (mégalomanie moins déré-
glée, souvent il n'y a que du désordre dans les idées, de l'hébétude,
un peu de déchéance psychique); hallucinations anxieuses, terri-
fiantes, surtout de la vue. Puis, cette poussée diminue d'intensité
après avoir duré de quelques jours à quelques mois. Tendance
aux rémissions plus promptes, plus complètes, plus durables que
dans la paralysie générale. Améliorations fréquentes, parfois
guérison. Les récidives entraînent la dernière progression avec
ses éléments habituels.
Y a-t-il un rapport entre les syphilitiques et la paralysie générale ?
cela est peu probable, car, si sur 217 paralytiques généraux il y
avait eu syphilis antérieurement chez 42 (proportion 19,3 p. 100),
tandis que sur 2508 individus non paralytiques, la syphilis existait
chez 52,6 (proportion = 2,1 p. 400), en revanche, chez presque
tous les paralysés généraux syphilitiques, on découvrait d'autres
causes pathogénétiques nettement marquées et l'on ne trouvait que
deux cas dans lesquels les accidents syphilitiques remontassent à un
ou cinq mois avant l'admission. Et que de causes d'erreur ! tandis que
les autres aliénés cachent soigneusement la syphilis, les paraly-
tiques généraux parlent à coeur ouvert ; que de paralytiques géné-
raux ont eu la syphilis 4 0, 20 ans, et plus, avant la maladie actuelle
ce qui empêche d'admettre aucune relation pathogénétique ;
enfin sur cent autopsies, on ne note nul signe caractéristique de
syphilis dans l'encéphale et ses enveloppes. P. K.
II. Contribution A la connaissance DES psychoses dues au
morphinisme; par H. SiIDT. (Arch. f. Psych., XVII, 1.)
Quatre observations. Ici le déliré fut, d'après l'auteur, absolu-
ment différent de celui qui appartient à la narcose, à l'ivresse
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 77
morphinique. Les symptômes furent ceux qui appartiennent au
sevrage d'un excitant quelconque; délire d'inanition survenu soit
par suite de la trop grande diminution de l'excitant ordinaire,
soit par suite d'une prédisposition chez l'individu malade (Cas. I,
II), ou bien acquis soit à la suite d'une maladie ayant affaibli le
sujet (OBs. IV), soit à la suite d'excès, de diverses causes d'affai-
blissement (Obs. III). Les hallucinations ont dû être engendrées
par l'intermédiaire de l'angoisse, de la torpeur générale, des
troubles de l'accommodation. L'angoisse, associée, de même que
dans l'angine de poitrine, à des troubles vasomoteurs (battements
de coeur, lipothymies, sensation de manque d'air) est devenue la
source du délire. La torpeur s'est manifestée par l'impossibilité de
concentrer sa pensée, d'exécuterles plus simples calculs, par du dé-
sordre avec incohérence des idées, par un état d'obnubilation sem-
blable à celui de l'ivresse (méconnaissance des chambres, des person-
nes). Les troubles de l'accommodation, les troubles de l'innervation
des muscles du globe oculaire et de la pupille, ont donné naissance
aux illusions prémonitoires des hallucinations. Malgré cetenchaî-
dement progressif des symptômes, la cocaïne a chassé les hallucina-
tions dans les Ocs. I et II. Ces syndromes une fois établis de toutes
pièces, le morphinique, en se demandantleur cause, a conçu une
série de délires passagers, mobiles, pour les expliquer, de même
que dans l'alcoolisme. Il va de soi que, si la perturbation cérébrale
persiste, la systématisation s'effectue et le délire demeure sous la
forme de délire de persécution (OBs. III, IV), toujours comme
dans l'alcoolisme, mais avec un pronostic infiniment meilleur
(lésions anatomiques graves des alcooliques). La guérison n'est
cependant, pas plus que dans le cas d'alcoolisme, absolument
parfaite, le morphinisme laissant après lui de l'affaiblissement de
la mémoire, de l'énergie, de l'assimilation, de la réflexion, du
discernement, du jugement, du sens moral. La cocaïne a réussi
en deux cas, à la dose de 0,05-0,-15 contre les hallucinations, en
stimulant la circulation cérébrale et en la régularisant ; mais il
n'en faudrait pas forcer la dose, sous peine de provoquer un effet
contraire (agitation, hallucinations en masse). P. K.
III. Influence DES impressions maternelles comme ÉTIOLOGIE DES
difformités congénitales; par le Dr Th.-L. STEDMAN. (The med.
Record. New-York, janvier 1887.)
L'influence des impressions de la mère pendant la grossesse sur
les déformations de l'enfant est généralement reléguée par les
médecins au rang des contes de vieilles femmes et des supersti-
tions populaires. Le Dr Stedman veut s'attacher à montrer qu'il
y a là un fait dont l'étude ne doit pas être dédaignée par les sa-
vants, qu'intéresse l'étiologie des difformités congénitales. Son
78 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
attention fut portée sur ce point la première fois, par l'observa-
tion d'un enfant (mort-né), dont la mère avait été gravement
brûlée sur le corps et les bras par de l'eaubouillante, peu de temps
avant d'accoucher. L'enfant présentait aux mêmes points que la
mère, des taches livides. Il chercha dès lors dans la littérature
médicale des faits démontrant la présence de difformités chez
l'enfant à la suite d'impressions de la mère pendant la grossesse.
'Un fait du Dr Bailey dans le Médical and Sui-gical Reporter de mai
1873 est analogue à celui relaté par l'auteur. Dans d'autres cas,
ce sont des troubles intellectuels prolongés chez la mère qui'peu-
vent agir sur la conformation de l'enfant. Une observation per-
sonnelle de l'auteur en est un exemple. Une mère donna nais-
sance à un enfant ayant un pied-bot varus équin et dont le mari
s'était fracturé la jambe à la partie inférieure pendant la durée
de la grossesse. Elle avait été vivement impressionnée par l'as-
pect du pied de ce dernier, qui était tourné en dedans. Le
Dr Stedmann a réuni deux cents cas analogues, parmi les auteurs,
il en relate les principaux. Des faits bien établis sont ceux des
Drs Cricknay (Brit. Med. Journ., mai 1886), A. Hess (Ibid., sept.
1877), J. Cargill (novembre 1877), John Lulbock, Gray, ont relaté
des cas semblables chez des animaux. Certains faits sont attribués
par les auteurs à l'hérédité comme dans celui présenté par
J. Guérin à l'Académie de médecine, tandis que le Dl Stedman
trouve là un cas s'accordant avec sa thèse.
L'auteur hésite à attribuer les noevi mate ? ,ni à la même influence.
11 doit cependant y avoir un certain point de vérité. Mais il ne faut
pas toutefois mettre sur le compte des impressions de la mère
toutes les taches que présentent les enfants à la surface du corps.
Des cas bien curieux dans cet ordre d'idées sont ceux relatés par
M. de Saint-Germain, dans sa Chirurgie orthopédique, par le
Dr Taylor (Philadelphia médical limes, novembre 1876), par Tuke.
Deux objections se posent : la première, est que : fréquemment
les mères ont des impressions auxquelles ne correspondent pas
les difformités reconnues chez les enfants. Mais, dit le Dr Sted-
man, les faits négatifs ne peuvent infirmer un grand nombre de
faits positifs. La seconde présentée par les Allemands repose sur
les connaissances du développement embryogénique. Beaucoup
de déformations supposent un arrêt dans la formation, antérieur
à l'impression maternelle incriminée. Mais pour l'auteur, qui ne
veut pas voir dans toutes les déformations congénitales, l'influence
intellectuelle de la mère, les impressions de celle-ci ne sont pas
subites, mais souvent continues pendant un temps plus ou moins
long. Comment les troubles de l'esprit de la mère agissent-ils sur
le foetus ? L'auteur admet avec Dalton que la circulation placen-
taire se modifie par suite de l'action nerveuse agissant sur elle,
et que par là la circulation foetale est troublée. La connexion est
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 79
si intime entre la mère et le foetus, que ce que ressent l'un, est
transmis à l'autre. Les troubles nerveux chez l'enfant dont la
mère a reçu quelque impression vive ou prolongée pendant sa
grossesse sont fréquents. Un grand nombre de faits d'idiotie, de
convulsions, de paralysies, de chorée semblent concorder avec
l'opinion de l'auteur. Ce dernier conclut en montrant que les cel-
lules nerveuses de la mère ont une action sur le foetus. Mais
toutes les impressions maternelles pendant la grossesse ne don-
nent pas lieu, heureusement à des difformités chez l'enfant, dans
tous les cas.
Le Dr Stedman rencontrera dans la thèse qu'il soutient un grand
nombre d'incrédules. Pour arriver à une preuve certaine, il fau-
drait que les médecins examinassent avec grand soin tous les
faits semblables, dont ils peuvent être témoins. La réunion de
toutes ces observations pourra servir à établir une classification
complète. A. RaooLT.
IV. Analyse et critique du récit de M. Il... PEINTRE DE portraits;
par W.-A. Guy. (Tite Journal of Mental Science, juillet 1885.)
Nous devons nous borner à signaler ce travail, car pour en
rendre l'analyse possible, il faudrait d'abord reproduire iii
extenso le récit du peintre , récit fort long, qui a été publié en
1861 dans un recueil dirigé par Charles Dickens, et qui parait être
composé en partie d'éléments réels, et en partie d'éléments sortis
exclusivement de l'imagination du peintre. R. M. C.
V. UN cas DE mélancolie profonde et prolongée, avec tendance au
SUICID1 ? diarrhée avec fièvre; guérison; par le Dr CARYLE
Johnstone. (T7te Journal of ;4lezztal Science, juillet 1885.)
L'observation que l'auteur relate avec détail, porte sur unefemme
de quarante ans, sans antécédents héréditaires, qui, durant près
de deux ans, présenta des symptômes très accusés de mélancolie
avec tendance au suicide. Le cas était tel qu'aucun de ceux qui
l'observaient ne se serait assurément cru autorisé à porter un
pronostic favorable ; néanmoins, après une assez forte attaque de
diarrhée avec fièvre (il est à noter qu'il ne s'agissait pas d'une
fièvre typhoïde), son état mental commença à s'améliorer, et fina-
lement elle aboutit à la guérison. Cinq mois après sa sortie de
l'asile, cette guérison s'était maintenue, et sa santé physique était
aussi satisfaisante que sa santé mentale. L'affection intercurrente
a-t-elle eu ici une influence sur l'affeclion mentale ? c'est un point
sur lequel l'auteur n'entend passe prononcer; il se borne à re-
later le fait tel qu'il a été observé. R. M. C.
80 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
VI. UN CAS d'iMBÉCILLITÉ AVEC ANTÉCÉDENTS HÉRÉDITAIRES BIEN ACCUSÉS ;
par Fletcher BEACH. (The Journal of Dlental Science, juillet 1885.)
Tout le monde sait que l'hérédité joue un rôle des plus impor-
tants dans la production de l'imbécillité ; et si l'auteur a cru devoir
rapporter cette observation c'est qu'il a pu dans ce cas retrouver
- les traces de cette hérédité dans quatre générations successives.
R. M. C.
VII. Folie morale ou émotionnelle; par D. HACK TUItE.
(The Journal of Mental Science.)
L'auteur rapporte plusieurs observations très intéressantes,
et termine son travail parles conclusions suivantes :
1° Les cas relatés dans le « Tke Journal of Ilental Science » ainsi
que ceux que j'ai relatés dans le présent mémoire constituent des
exemples d'un état cérébral morbide , dans lequel les symptômes
mentaux observés sont d'ordre émotif et surtout automatique
bien plutôt qu'ils n'appartiennent à la catégorie des symptômes
liés à la cognition, et peuvent être rapportés à cette forme de
trouble mental que l'on désigne habituellement sous le nom de
Folie morale, bien que les sentiments moraux puissent y être
exempts de toute maladie.
2° Il existe plusieurs variétés de cette forme de folie ; mais on
peut dire d'une façon générale que les degrés les plus élevés du
développement cérébral , ceux que met en jeu l'exercice du con-
trôle moral, c'est-à-dire c les plus volontaires » de Jackson , ainsi
que les sentiments « altruistes »' de Spencer ou bien sont dans un
état imparfait d'évolution depuis la naissance, ou bien, tout en
ayant subi une évolution régulière sont devenus malades ou plus
ou moins incapables de fonctionnement, bien que les fonctions
intellectuelles (dont on pourrait penser que plusieurs occupent
un degré à peu près aussi élevé), ne soient pas sérieusement affec-
tées ; le résultat de cet état de choses c'est que l'esprit du malade
ne présente que ce degré inférieur d'évolution dans lequel les
phénomènes émotionnels et automatiques se donnent carrière
plus librement qu'à l'état normal.
3° On ne peut poser aucune règle absolue propre à différencier
la folie morale de le perversité morale ; on ne peut se prononcer
que pour chaque cas particulier et d'après l'examen du sujet : ce
sont en effet les antécédents, l'éducation, le milieu, la situation
sociale, la nature de certains actes et la manière dont ils ont été
accomplis, et bien d'autres circonstances, qui peuvent faire légi-
timement soupçonner que ces actes ont été soustraits au contrôle
de celui qui les commettait. Il n'est aucune forme de folie où il
SOCIÉTÉS SAVANTES. 81
soit aussi indispensable d'étudier l'individu , son caractère normal,
son organisation et ses maladies antérieures. R. M. C.
VIII. Coup D'OEIL sur la FOLIE EN ESPAGNE; par F.-A. JELLY.
(Tlce Jourlznl of Mental Science, juillet 1885.)
Le lecteur qui chercherait dans ce travail des données médicales
ou administratives sur la folie en Espagne, n'y trouverait que le
récit d'une visite à la maison de santé particulière du Dv José
Esquerio, à Carabancel ; il ne se plaindrait pas trop pourtant, le
récit étant d'allure vive et humoristique. R. M. C.
SOCIETES SAVANTES
SOCIÉTÉ AIÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 30 avril 1888. Présidence de M. FALMT.
Prix Esquirol. Après la lecture du rapport de M. Ruillard,
le président ouvre le pli cacheté contenant le nom du candidat
récompensé et proclamé lauréat M. Ornaud , interne de Sainte-
Anne. Une mention honorable est décernée à M. Bartomeuf.
Prix Moreau (de Tours). Sur le rapport de M. Chaslin la So-
ciété accorde le prix Moreau (de Tours) à M. Barri pour sa thèse
sur l'Etat de la mémoire dans les vésanies. Deux mentions hono-
rables sont aussi décernées, la première à M. Tacussel (Essai sur
le tabes moteur) et la seconde à M. Aubry (Contagion du meurtre).
Prix Aubanel. Sur le rapport de M. Séglas, deux sommes de
1,200 et de 800 francs sont accordées , la première à 111. Sollier,
interne à Bicêtre , et la seconde à M. Legrain , médecin de la co-
lonie de l'asile de Vaucluse. - Le soir le banquet annuel réu-
nissait la plupart des membres de la Société et les lauréats de la
journée. M. B.
Séance du 28 mai 1888. Présidence DE M. CoTARD.
Du délire chronique (suite). M. J. Séglas. Messieurs, ce n'est
pas sans surprise que j'ai lu à la page 445 du dernier numéro des
Archives, t. XVI. 6
81- SOCIÉTÉS SAVANTES.
Annales médico-psychologiques, une note additionnelle de M. Ma-
gnan4, dans laquelle il critique vivement deux photographies que
j'avais eu l'honneur de vous soumettre. Ces photographies n'ayant
pas été publiées, je me crois d'autant plus en droit de répondre à
la note personnelle de M. Magnan, que le lecteur pourrait penser
qu'elle exprime l'opinion générale de la société, tandis qu'au con-
traire, si j'ai bon souvenir de quelques interpellations qui se sont
produites à ce propos, l'opinion de la plupart de nos collègues
était d'accord avec la mienne.
Ces deux photographies devaient venir à l'appui du fait que
j'avais-énoncé à savoir qu'une malade dont je donnais l'obser-
vation avait « le front fuyant, le vertex relevé, produisant un
certain degré d'acrocéphalie ». Or, ce qui me paraissait visible
sur la photographie de profil, n'est pour M. Magnan que « le
résultat d'un artifice, la tête étant fortement fléchie, l'occiput
très relevé, si bien que l'axe antéro-poslérieur se trouve presque
vertical. Dans cette position forcée d'une fête dolichocéphale à
front fuyant, toute la région postérieure devient saillante ».
D'abord, cette position légèrement penchée de la tête n'est pas le
résultai d'un artifice : et elle est assez naturelle chez une malade
en proie à un délire de caractère mélancolique ; on la retrouve,
bien que moins apparente, à cause de la pose de 3/4, dans l'autre
photographie, où, dit M. Magnan, la tête est laissée libre, dans
sa position naturelle. On peut d'ailleurs essayer de déterminer le
degré d'inclinaison de la tête. En effet, dans la photographie
incriminée, comme dans l'autre d'ailleurs, et que je soumets de
nouveau à votre examen, vous pouvez voir, Messieurs, que le dia-
' Notre ami, M. le Dr J. Séglas nous communique la note suivante :
« Dans les Archives de Neurologie, cette note a été intercalée après coup
dans le texte même no ! iù, p. t52, a la faveur d'une interruption qu'on
me prête et que je n'eusse jamais faite dans les termes où elle est rédi-
gée comme on peut s'en convaincre en lisant le procès-verbal officiel.
(Ann. méd. lisych., 7e série, t. V1, 1). 415 et 455.) D'ailleurs il me semble
difficile que le lecteur puisse se, faire, d'après ce compte rendu analy-
tique des Archives, une opinion exacte de toute la discussion, mes ob-
servations n'y figurant pas et ma réponse n'y étant qu'analysée, tandis
que les objections de M. Magnan sont reproduites dans leurs moindres
détails. Quanta la discussion qui a suivi ma réponse-, on en tirera aussi,
je crois, une tout autre impression, si au lieu du résumé de M. Biiand,
on consulte le compte rendu officiel des Annales médico-psychologiques
(ibid. p. Mi3'. Je ne citerai que ces paroles de M. Féré, qui ont clos la
séance : « Du moment que M. Magnan ne conteste pas la réalité des
faits de M. Séglas,je retire ma proposition (de nommer une commission). »
J. S. Cette réclamation est motivée par ce fait que le rédacteur du
compte rendu, au lieu d'analyser simplement les communications,
a rapporté l'une d'elles in extenso et que l'autre n'a paru que résu-
mée.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 83 na
mètre antéro-postérieur qui va de la racine du nez à la protubé-
rance occipitale externe, se trouve sur un plan sensiblement
horizontal. Or, d'après les tableaux donnés par M. Topinard, ce
plan forme, au-dessous du plan horizontal' de Broca, un angle de
J 5°,SS en moyenne. Tel serait donc, à peu de chose près, le degré
d'inclinaison de la tête de ma malade ; il y a entre l'attitude de
ma photographie et ce que dit M. Magnan, qui prétend que l'axe
antéro-postérieur se trouve presque vertical, toute la différence qui
sépare un angle aigu de 15°,S8 de l'angle droit de 90°, et l'expres-
sion presque verticale, très élastique d'ailleurs, peut se traduire ici
plus exactement par vertical à 750 près.
D'ailleurs, je ne comprends pas comment l'inclinaison, en la
supposant aussi exagérée que possible, pourrait faire que « la
région postérieure devienne saillante o. Car cette 'inclinaison,
quelle qu'elle soit, ne change rien aux rapports respectifs des
différents diamètres.
Or, que nous donnent ces rapports ?
D'après M. Magnan, la simple inspection lui dénoterait une tête
dolichocéphale ? L'examen même des premières photographies,
ainsi que d'une nouvelle où la tête est laissée libre, me semble au
contraire prouver qu'il n'y a pas là la moindre dolyphocéplialie;
mais rien n'est d'ailleurs plus facile que de s'en assurer, en
calculant l'indice céphalique.
Le diamètre antéro-postérieur maximum est 168. Le diamètre
transverse maximum oscille entre 132 et 133. Mais je prendrai le
premier chiffre, d'autant plus qu'il m'est défavorable. En .appli-
quant à ces diamètres la formule de Broca, nous avons :
Or, d'après la classification de Broca, la malade ne serait pas
dolichocéphale, pas même une sous-dolichocéphale, mais son indice
la classerait parmi les mésaticéphales dont l'indice céphalique va
de 77,78 à 80.
M. Magnan veut-il se rapporter à d'autres classifications, le
résultat lui sera encore plus défavorable. D'après celles de Huxley,
de'l'hurnam, de \Velcher, ma malade aurait un indice céphalique
de sous-brachycéphate. D'après des classifications plus nouvelles,
en particulier celles de Ranke, de Kollmann, de Virchow, de
Flower, de Calori, etc., l'indice céphalique nous donnerait, dans le
cas actuel, une mesoeéphate. Enfin, en se reportant à la classifi-
cation la plus récente, celle de M. Topinard, qui adopte comme
'médiane 77 (l'indice maximum de la dolichocéphalie n'atteignant
que 74), notre malade rentrerait dans le groupe des sus-mésaticé-
phales (78 et 79), voisin de celui de la bracliycéphalie, dont l'indice
commence à 80. -
84 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Nous n'avons donc pas affaire à une dolichocéphale. Cependant,
la critique même de M. Magnan implique qu'il y a un diamètre
crânien plus développé. Mais dans quel sens ? Ce n'est pas en
largeur, nous aurions une brachycéphale; ce n'est pas en lon-
gueur, puisque l'indice céphalique n'est pas celui d'une dolicho-
céphale, alors ce serait donc en hauteur; et nous aurions là le
certain degré d'acrocéphalie que j'ai signalé, adoptant pour ma
part la distinction établie par certains anthropologistes entre les
acrocéphales, têtes à front fuyant, élevées en arrière, c'est ainsi
que j'ai d'ailleurs défini ce que j'ai observé, chez ma malade, et
les oxycéphales, têtes à front plus ou moins droit et élevées dans
la région bregmatique.
M. BALL s'excuse de prolonger les débats. Je croyais dit-il, au
début de la discussion, que M. Magnac avait l'intention de rayer
de la science le nom de Lasègue. Aujourd'hui les partisans du
délire chronique se défendent de vouloir englober dans leur des-
cription tout le délire des persécutions et se contentent d'une
province. Est-ce bien nécessaire ? Leurs arguments ressemblent
à des arguments de théologiens. Comment différeiicie-t-on une
maladie en pathologie générale ? On s'adresse aux lésions
anatomiques, avec symptômes, aux causes. Or, ce n'est d'après
aucune de ces données qu'on s'appuie pour constituer le délire
chronique. Ne trouvez-vous pas que c'est s'étayer sur une base bien
fragile que d'établir un diagnostic sur la terminaison d'une ma-
ladie ? On ne peut édifier la construction d'une maladie nouvelle
sur un terrain qui demande la vie d'un homme pour être par-
couru. M. Ball termine par la déclaration des principes suivants :
4° le délire des persécutions a été créé par Lasègue ; 2° il n'y
a pas lieu de créer de classe à part dans le délire des persécu-
tions ; 3° on doit bannir de la science les mots de délire chro-
nique.
M. PICnoN croit que les divergences entre les partisans et les
adversaires du délire chronique sont plus apparentes que réelles.
Faisant appel à la statistique de son service il reconnaît que
dans un certain nombre de cas les idées de persécutions se sont
transformées en idées ambitieuses, mais il n'y a pas de règle à
cet égard. ZD
M. Ball. Permettez-moi d'exprimer par une formule ma ma-
nière de voir en ce qui concerne cette transformation : « Ni ja-
mais ni toujours. »
M. FALITET. Le délire ambitieux corrélatif au délire des per-
sécutions apparaît de trois façons différentes : soit par raisonne-
ment syllogistique ; soit brusquement sans raison apparente ;
soit enfin à la suite d'une hallucination de l'ouïe. Mais il arrive
aussi, comme on l'a dit, dans la discussion que certains persécutés
SOCIÉTÉS SAVANTES. 85
ont un délire ambitieux, qu'ils dissimulent ou plutôt qu'ils n'o-
sent pas avouer et dont on ne s'aperçoit qu'à la longue , malgré
leurs fréquentations quotidiennes. -
M. GAHN1ER est d'autant mieux de l'avis de M. Falret qu'il a in-
diqué dans sa thèse ces divers modes de transformation.
M. BRIAND rappelle l'observation d'un persécuté qu'il a suivi et
qui brusquement s'est donné pour Napoléon, à la suite d'une hal-
lucination qui l'avait salué de ce nom et qui fut pour lui une vé-
ritable révélation.
M. Cotard croit surtout à l'influence de l'hallucination dans le
développement de l'idée ambitieuse, car souvent le malade lutte
contre cette idée ambitieuse et repousse tout d'abord les titres
nobiliaires que lui attribuent des voix.
Observations de délire chronique. M. LvoLF communique une
observation de délire chronique chez une femme qu'il a observée à
Villejuif. La maladie a débuté en 1870 et présente une période
d'incubation avec anxiété qui s'accentuant de plus en plus se
complique en 1878 d'idées de persécution. En 186 la maladie
commence à évoluer vers les idées ambitieuses qui finissent au-
jourd'hui par effacer en grande partie le délire des persécutions.
Déjà même des signes non équivoques de démence prochaine se
manifestent.
Il semble, dit en terminant M. Lvolf, que cette observation ré-
pond en tous points au groupe morbide que M. Magnan désigne
du nom de délire chronique à évolution progressive et en pré-
sente un cas type. Martel BRIAND.
XII CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET ALIÉN1STES
DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST' 1
SESSION DE STRASBOURG
Séance dit 11 jiiiii 1887.
M. le premier curateur, professeur Jolly (de Strasbourg) ouvre
la séance par des paroles de bienvenue. Sur sa proposition, M. le
professeur GU11LER (de Fribourg) est choisi comme président ;
secrétaires : MM. Laquer (de Francfort) et KOEppEN (de Strasbourg).
'Voy. Archives de Neurologie, Xf Congrès, tome XV, p. 123.
86 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Schultzè (de Heidelberg). Des rapports qui existent entre la
méningite aiguc et certains troubles de l'ouie d'ordre nerveux qui,
après s'être installés rapidement se terminent par lasura'2-mzctité.-
L'orateur croit, avec Voltolini, qu'il n'est pas démontré que ce
soit d'habitude la méningite cérébrospinale épidémique qui cause
ces accidents. Il fait remarquer que l'évolution morbide présente
dans l'espèce une ressemblance'frappante avec le tableau patho-
logique qui aboutit à la poliomyélite infantile ou (la genèse en
est probablement la même) à la polioencéphalite de l'enfance.
Seulement, au lieu d'une paralysie atrophique ou spasmodique,
elle laisse après elle de la surdité. Prenons pour exemple cette
fillette de 13 ans ; il y a cinq ans, à la suite de céphalalgie, fièvre
et vomissements survenus subitement, elle était atteinte de sur-
dité suivie de mutisme. Elle vient de mourir de tuberculose, ce
qui permet de pratiquer l'autopsie à peu de distance des acci-
dents. On ne constate pas de lésions méningitiques. Il est vrai
qu'on ne trouve pas non plus ces foyers bulbaires semblables aux
altérations de la poliomyélite. Pas d'atrophie certaine des noyaux
de l'acoustique, mais bien atrophie partielle et très marquée des
deux troncs du nerf auditif, et destruction étendue des appareils
terminaux de ce nerf dans le labyrinthe. Les limaçons en parti-
culier étaient complètement comblés par du tissu conjonctif
o,,téoïde. Conclusion. Produits ultimes d'une affection labyrin-
thique très accusée, avec atrophie du nerf acoustique. Dans la
poliomyélite et dans l'encéphalite infantiles, il est des plus pro-
bable qu'il y a concurremment atteinte, quoique peu prononcée,
des méninges, et séjour dans le liquide cérébrospinal de la
cause pathogénélique (parasitaire ? ); par conséquent, on peut
expliquer l'affection labyrintique par la pénétration de la cause
nocive le long de l'acoustique dans le labyrinthe. A côté de cela,
on ne parait pas avoir observé souvent de concomitance entre
l'encéphalite ou la poliomyélite et l'otite interne. Les recherches
de Steinbrûgge ont simplement mis en évidence, dans le cas de
méningite suppurée, lapropagation de l'mtlammationparl'acous-
tique au labyrinthe et la destruction consécutive complète des
terminaisons nerveuses en cet organe. Mais on n'est pas encore
autorisé à considérer les cas de méningite sporadique comme des
cas isolés de rigidité de la nuque épidémique.
M. Goltz (de Strasbourg) Des conséquences de la section dac pédon-
cule cérébral avec présentation de pièces et de patients. Le maître,
a pu, après avoir complètement séparé par la section un pédoncule
cérébral du cerveau, conserver des chiens en vie pendant plusieurs
mois. Voici, comme preuves l'encéphale d'un chien qui avait subi
cette opération, et, parallèlement, un animal'vivant mutilé de
cette façon, il y a trois mois et demi. Ce dernier présente exacte-
ment les mêmes phénomènes que ceux que l'on observait chez
SOCIÉTÉS SAVANTES. 87
- celui dont on à l'encéphale sous les yeux. Abandonné à lui-même,
le chien dont on a par la section séparé du cerveau le pédoncule
cérébral gauche, exécute de fréquents mouvements de manège vers
la gauche; ce ne sont pas là des mouvements irrésistibles, car
l'animal peut parfaitement parcourir un chemin étendu en ligne
droite ; il est rare qu'il exécute des mouvements de manège vers
la droite. Si on le fait sauter, il sautera trop à gauche en déviant
ainsi du morceau de viande présenté, il peut se dresser sur ses
pattes de derrière, marcher, courir à peu près comme un chien
normal. Il meut, il est vrai, un peu plus lourdement les membres
du côté droit que ceux du côté gauche, mais il est capable de se
servir d'un seul de ces meubres quand l'acte n'en exige qu'un ;
il lèvera par exemple la patte de derrière droile pour pisser, tout
comme un chien normal, saisira un morceau de viande avec la
patte antérieure droite si on lui a attaché la patte gauche préala-
blement. Il aboie comme un autre, et témoigne son affection par
des mouvements delà queue tout à fait symétriques. Donc aucune
espèce de paralysie. Pas d'anesthésie ; le tact est simplement un
peu émoussé à droite, notamment à la pression. Dans les quelques
semaines qui succèdent à l'opération, mydriase gauche avec im-
mobilité de la pupille à la lumière ; graduellement cette pupille
est rentrée dans l'ordre. Mais hémiopie; il fait de préférence
attention aux images qui se peignent sur les moitiés droites de
ses rétines : affaiblissement de la perception des moitiés gauches.
Par comparaison, voici un autre chienvivant auquel, il y ajuste un
an, il a enlevé l'hémisphère cérébral gauche. On peut se convaincre
de l'énorme perte de substance, en palpant son crâne X; ainsi, au
niveau de la lacune osseuse qui porte sur toute la moitié gauche
du crâne, on arrive, en déprimant la peau, jusque sur la base
du crâne dont on touche les saillies. Eh bien ! l'allure de ce chien
est exactement semblable à celle de celui chez lequel on avait
sectionné le pédoncule cérébral du même côté. L'animal qui n'a
plus d'hémisphère gauche ne présente non plus ni paralysie ni
parésie musculaire, ni anesthésie. Qu'on lui serre et comprime
violemment les pattes à droite, il hurlera. Intégrité complète des
mouvements locomoteurs. Aucune propension aux .mouvements
de manège. L'oeil le plus exercé ne saurait saisir, quand il .court
de côté et d'autre, de dillérence dans la façon dont il se sert des
membres des deux côtés. Il peut aussi, quand, les circonstances
l'exigent, se servir de sa patte antérieure droite comme d'une main.
Il a également de l'hémiopie : perception émoussée de la moitié
gauche du champ visuel. Pour compléter la démonstration, tuons-
le. Voilà ce qu'il présente. Il ne reste de l'ensemble descirconvo-
- lutions cérébrales gauches qu'un lambeau tout petit qui appar-
tient à la base du lobe occipital. Les ganglions profonds ont subi
une destruction inattendue; le corps strié gauche est réduit à une
88 SOCIÉTÉS SAVANTES.
bandelette étroite, la couche optique gauche consiste en un mor-
ceau assez gros sur lequel repose un bout de la corne d'Ammon
du même côté. Tel est l'état de ces restes que les anatomistes les
plus compétents doutent que, pendant la vie, le corps strié ou la
couche optique aient pu agir.
Il n'est donc pas forcé qu'un chien privé de la moitié du cer-
veau présente de la paralysie ou des troubles de la sensibilité
nulle part. Chaque pédoncule cérébral doit renfermer les tractus
moteurs et sensitifs nécessaires à la totalité du corps. Chaque
hémisphère peut remplacer son collègue, comme un rein rem-
place l'autre et à un point surprenant.
Discussion. -111. 13lTZic. Il doit y avoir forcément entre la patho-
logie humaine etla pathologie canine, des contrastes qui expliquent
les particularités des expériences de M. Goltz. Les objections dé-
taillées que comportent les pièces et la démonstration physiolo-
gique présentée seront mieux placées ailleurs.
M. HITZIG (de Halle). De la myopathie connue sous le nom de myo-
pathie juvénile. - En présentant une collection de photographies
de malades ayant été affectés d'atrophie musculaire progressive
(formes musculaires), l'orateur décrit en détail un cas de dystro-
phie juvénile (type de Erb) à genre scapuio-huméral. Maladie exis-
tant depuis quelques mois : hypertrophie et parésie des muscles,
dont aucun n'est atrophié. On a excisé un petit morceau du biceps
droit et l'on y a trouvé au microscope une colossale hypertrophie
des fibres : d'aucunes après durcissement atteignent jusqu'à
23 n ; nulle d'entre elles n'est atrophiée; conservation de la stria-
lion tranversale; propension lastriation lougitudinale; formation
de vacuoles sur un certain nombre d'entre elles; multiplication
des noyaux du sarcolemme et du périmysium interne, nombreux
noyaux centraux ; prolifération du tissu conjonctif faiblement
marquée, pas trace de dégénérescence ni de surcharge graisseuse.
Ainsi, à un stade si récent, hypertrophie. Il est donc très pro-
bable que l'hypertrophie des fibres est la période prodromique de
l'atrophie.
Discussion. MM. IU351(AUL, Boeumler, SCIIULTZE.
M. Rumpf (de Bonn). Contribution à la question de l'intoxication
chronique par la syphilis, avec pièces anatomiques de syphilis du
système nerveux. On sait que Struempell croit' que paralysie
générale et tabes dorsal sont deux maladies produites par des
poisons chimiques qui se développent après infection de l'écono-
mie. Ces poisons doivent alors conduire à la dégénérescence des
divers systèmes de fibres. Tel n'est pas l'avis de M. Rumpf. Prenons
la paralysie générale. Les pièces anatomiques recueilliespar l'ora-
Voy. Archives de Neurologie, t. XIV, p. 410.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 89
leur lui ont montré que c'est une lésion du système vasculaire
et non la dégénérescence primitive des tractus nerveux qui fait les
frais du processus anatomopathologique. En ce qui concerne le
tabes dorsal, la dégénérescence des faisceaux cunéiformes n'est
pas primitive, n'est pas primitivement produite par des poisons ;
elle est secondaire, secondairement produite par d'autres espèces
de processus anatomopathologiques. Sans doute on peut taxer
cette manière de voir d'hypothétique, parce que les altérations
vasculaires du tabès, que l'orateur a décrites le premier, n'ap-
partiennent pas en propre à ce tabes, et se montrent également
dans les dégénérescences secondaires. Mais l'opinion de Struem-
pell est aussi hypothétique ; on peut lui opposer que, quand,
comme l'a observé Rumpf, il se produit dans le cours du tabes
de nouvelles poussées syphilitiques à la peau et sur les muqueuses,
elles n'exercent sur l'évolution du tabes aucune action défavorable,
ce qui devrait être, si les toxines engendrées en divers foyers
étaient génératrices du tabes.
- DiSCIISSiO7Z. - M. Fuerstner. Dans la plupart des cas de démence
paralytique, on ne rencontre pas de dégénérescence des cordons
postérieurs. Les lésions cérébrales du labes sont d'une autre es-
pèce que celles de la paralysie générale. Les altérations que l'on
qualifie de spécifiques se rencontrent aussi dans les encéphales
d'individus non syphilitiques ; et là où il y avait certainement
syphilis on rencontre souvent des vaisseaux ayant conservé leur
délicatesse. Par les rotations expérimentales on peut provoquer
des altérations semblables à celles de la paralysie générale.
M. Rumpf. Quatre-vingts pour cent des paralytiques généraux
sont syphilitiques. Chez eux on trouve des hommes qui sont indu-
bitablement syphilitiques. M. Fuerstner. Il est très rare qu'on
trouve des gommes ; sa proportion n'est pas celle de Rumpf.
M. Schultze. Les altérations de la paralysie générale ne sont pas
syphilitiques. Il n'existe aucune contradiction entre une lésion or-
ganique produite par un poison et une lésion organique produite
par un parasite. M. de RI;CKLINGH : 1USEN. Existait-il d'autres al-
térations syphilitiques ? M. Rumpf. Il y avait eu antérieurement
symptômes cliniques desyphilis.-11. de Recklinghausen. Il existe
de bons caractères des syphilomes. Il est douteux que les prépa-
rations de Rumpf en soient.
M. Fuerstner (de Heidelberg). Des altérations provoquées expéri-
me iitalement sur les nerfs optiques par la rotation forcée. En conti-
nuant les expériences qu'il a commencées et instituées, en soumettant
pendant un temps assez prolongé le cerveau des animaux à la
force centrifuge par une rotation forcée, voici les altérations
' Voy. Archives de A'eurol., t. IX, p. 433.
90 SOCIÉTÉS SAVANTES.
oculaires qu'il a produites chez des chiens après une rotation de
dix minutes (tète fixée au bord de la table qui tourne).
Symptomatologie. Proéminence des globes oculaires qui aug-
mentent de consistance; dilatation maxima des pupilles. Puis la
dilatation diminue graduellement, mais moins vite du côté corres-
pondant à la direction de la rotation, de sorte que, pendant long-
temps, il y a inégalité pupillaire, la pupille du côté vers lequel
l'animal tourne, demeurant plus large. Plus tard, le rapport est
exactement inverse. Enfin injection vive des yeux, épanchements
sanguins dans la conjonctive oculaire et palpébrale; tuméfaction
de la muqueuse, sécrétion séreuse ou purulente. Accidents bila-
téraux, mais notablement plus accentués du côté correspondant
à la direction de la rotation.
A l'ophthalmoscope, dilatation, d'abord passagère, des veines ;
peu à peu cette dilatation s'implante et devient continue. Ces
vaisseaux, remplis d'une colonne sanguine large, rouge sombre,
deviennent graduellement très tortueux. Artères peu dilatées,
finissant par présenter sur le bord de la papille des différences
,de niveau très nettes, et s'infléchissant. Légère décoloration de la
papille, de la périphérie au centre. Du reste, jamais d'hémorrha-
gies, pas de troubles visuels, à raison de l'état anatomopalholo-
gique et de la durée relativement courte de l'expérience. Accidents
bilatéraux notablement plus forts du côté correspondant à la
direction de la rotation.
Anatomie pathologique. Gaine du nerf optique franchement
épaissie. Epanchement sanguin et séreux dans cette gaine. Agglo-
mération de cellules, périnévrite, gonflement ampullaire de la
- gaine à l'entrée du nerf. Opalinités sans uniformité sur toute la
circonférence, mais fréquemment surtout marquées en des points
.circonscrits. On trouve sur le nerf, des vaisseaux très scléreux,
surtout les grosses veines; il n'y a pas de prolifération cellulaire
ou nucléaire, mais les petits vaisseaux sont souvent bordés de
petits éléments cellulaires, pas d'accroissement notable du tissu
conjonctif vecteur des vaisseaux. Hypertrophie nette et dilatation
des éléments conjonctifs qui, généralement, occupent le centre
des segments du nerf optique, ainsi que des corpuscules lym-
phoides et de la névroglie. Atrophie d'une partie des fibres ner-
veuses, surtout dans une zone périphérique qui correspond à l'al-
tération la plus forte de la -aine. D'ailleurs, le reste du nerf présente
également de nombreuses fibres atrophiées à des stades très divers
de la dégénérescence qui est la plus forte en une portion presque
, centrale. Ces altérations tiennent aux perturbations qui se passent
'dans la gaine et les vaisseaux du nerf ; ces perturbations sont
elles-mêmes dues à l'augmentation de la pression cérébrale.
Pièces à l'appui.
D'autres préparations montrent en outre, les premiers stades
SOCIÉTÉS SAVANTES. 91
d'altération de la moelle épinière chez les mêmes animaux. On y
voit que la névroglie est tuméfiée, qu'il existe un nombre exces-
sivement marqué de petites fibres nerveuses, que la myéline a
subi la décomposition moléculaire. Les nerfs ayant été comprimés
comme le montre la diminution de leur volume, toute cette série
de troubles de nutrition s'est effectuée et les éléments se sont
détruits. Pas de lésions vasculaires, pas d'hypérémie, pas de pro-
lifération nucléaire. :
Le mémoire sera publié en détail plus tard 1.
M. IMMERMANN (de Râle). Un cas d'amaurose par épuisement, à
évolution courte, suraiguë, par suite de circonstances toutes particu-
lières. Jeune garçon de quatorze ans et demi, travaillant dans
une fabrique de briques. Au milieu de mars, accidents typhoïdes
avec cécité complète. Voici son histoire : au début de mars,
malaise et accidents abdominaux (constipation, borborygmes).
Il prend calomel et jalap qui pendant deux jours lui occasionent
une forte diarrhée. Croyant avoir un toenia, il s'ingurgite, deux
jours après, dix grammes d'extrait éthéré de fougère mâle. Nou-
velle diarrhée extrêmement intense, violentes nausées, prostra-
tion. Pendant la nuit, brutalement, amaurose totale. Sur ces
entrefaites, les accidents de la fièvre typhoïde s'affirment. Le
typhus est cependant léger, car il se manifeste bientôt une apy-
rexie de six jours. Puis récidive d'accidents de moyenne gravité,
enfin guérison au commencement d'avril et convalescence rapide.
Mais l'amaurose a persisté. Depuis son début, jusqu'à maintenant,
absence absolue de toute perception visuelle objective. L'oph-
thaimoscopo ne révélait jusqu'au commencement de mai aucune
anomalie en dehors d'une étroitesse marquée des vaisseaux du
fond de l'oeil, notamment des artères. Intégrité des mouvements
associés des yeux, pas de strabisme, mydriase maxima bilatérale.
Jusqu'à-la fin d'avril, les pupilles ne réagissent pas.à la lumière,
mais se contractent vigoureusement sous l'influence des instilla-
tions d'ésérine. Intégrité parfaite des autres sens et de la motilité.
A fin avril, la cécité n'ayant pas bougé, les pupilles deviennent de
temps à autre sensibles à la lumière, mais leur réaction est
purement clonique et non tonique; finalement elles redeviennent
inertes et demeurent inertes. Enfin, dès le début de mai, atrophie
bilatérale du nerf optique qui s'accentue de plus en plus. L'alter-
native de la réaction pupillaire, permettent, de concert avec les
autres symptômes, d'exclure l'idée d'une affection intra-crânienne
en foyer, par exemple chiasmatique, et de conclure à une affec-
tion de l'appareil nerveux optique qui au début a été seulement
fonctionnelle. La brutalité des accidents, leur persistance, la dégé-
nérescence consécutive du nerf optique, rappellent l'amaurose
'Nous l'analyserons plus amplement alors s'il y a lieu.
92 SOCIÉTÉS SAVANTES.
assez fréquente, qui succède aux grandes pertes de sang. L'épui-
sement du malade était semblable à l'épuisement par hémorrha-
gie, à raison et de l'intoxication et de l'inanition, et de la déper-
dition séreuse; il était d'ailleurs auparavant chloro-anémique,
ainsi qu'en témoignent son habitus grêle et l'étroitesse des vais-
seaux du fond de l'oeil. Quant à l'infection ou la toxhemie, en
elle-même elle n'y est pour rien dans l'espèce.
M. STFIN (de Francfort) présente : Il Un rhéostat en graphite;
2° une machine destinée à produire l'électricité par influence,
machine transportable, pour usage électrothérnpique. Cette machine
se compose de deux cylindres en caoutchouc durci, enfoncés l'un
dans l'autre, ouverts aux deux bouts ou fermés d'un côté, qui
sont revêtus d'une mince lamelle métallique placée, l'une sur la
face externe du cylindre extérieur, l'autre en dedans du cylindre
intérieur. Les deux cylindres tournent en sens inverse en même
temps. Sur chaque revêtement métallique interne et externe frot-
tent deux petits pinceaux en métal. Deux petits bâtons métalliques
fourchus embrassent par la moitié de leurs dents la partie externe
par l'autre moitié, la partie interne des cylindres; les deux four-
chettes munies de pointes aspiratrices conduisent l'électricité à des
conducteurs pourvus de sphères de grosseurs différentes. De là
l'électricité est transmise de diverses façons, selon le but que l'on
se propose. La machine peut être mue à la main ou à l'aide d'un petit
moteur électrique. Une machine dont le cylindre extérieur mesure
25 centimètres de diamètre et z0 centimètres de long fournit des
étincelles de 7 à 9 centimètres. Pour un cylindre extérieur de
15 centimètres de diamètre et de 4 centimètres de long, on a des
étincelles de 3 à 4 centimètres. L'instrument n'est pas sensible aux
influences atmosphériques, n'exige aucun soin. Il est toujours
. identique à lui-même et suffit par conséquent aux usages électro-
thérapiques. Construit par Rich. Bloensdorf de Francfort.
M. DE MERiNG. D'un nouvel agent médicamenteux hypnotique.
Hydrate d'amylène ou alcool amylique tertiaire. Densité = 0,8. Dif-
ficilement soluble dans l'eau. Soluble en toutes proportions dans
l'alcool. Expérimenté chez les animaux à sang chaud et froid
avant d'être administré à l'homme. Soixante observations. Deux
centcinquante administrations. Notammentchez trois aliénés para-
- lytiques généraux et mélancoliques, dans l'insommie nerveuse, et
dans quelques cas de maladies infectieuses. Doses : 1 à 5 grammes.
Le sommeil dure six à huit heures sans inconvénients. Goût plus
agréable que celui de la paraldéhyde.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 93
Discussion :
M. JOLLY l'a aussi expérimenté et est arrivé aux mêmes résul-
tats. Médicament recommandé pour la pratique psychiatrique.
Séance du 12 juin 1887.
Sur la proposition de M. 13ceUULER, la présidence est confiée à
M. FuERSTNER. La réunion de l'an prochain, aura lieu à Fribourg.
On désigne comme curateurs MM. Emminghaus (de Fribourg) et
Franz FISCHER (d'Illenau).
M. Jolly procède à la description des locaux,, installations et
agencements de la nouvelle clinique psychiatrique dans la salle de
cours dans laquelle a lieu la séance actuelle. Un plan de situation
le guide. Puis le congrès visite lui-même la nouvelle construction
et ses installations.
M. Kast (de Fribourg). Des atrophies musculaires aiguës simples.
Ce sont les auteurs français qui ont mis en relief les formes de
l'atrophie musculaire simple consécutive aux arthrites, fractures,
etc.. Tout récemment M. Charcot a appelé l'attention sur elles.
En Allemagne, l'important travail de Lûcke a éclairé ces faits
d'un nouveau jour; d'après lui, la contusion de la substance mus-
culaire est appréciée à sa juste valeur. Mais en dehors des expé-
riences de Valtat sur les animaux, il n'existe pas de documents
anatomiques sur la question. En commun avec K. Middetdorpf,
M. Kast s'est efforcé à la clinique chirurgicale de Fribourg d'exa-
miner des cas récents; il s'agissait, dans l'espèce, soit d'épanche-
ments aigus dans l'articulation du genou, soit de contusion du
triceps fémoral, à la suite desquels on put suivre le développe-
ment de l'atrophie. On eut cliniquement affaire à une flaccidité
très accusée (généralement sans notable parésie), avec diminution
quantitative très marquée de l'excitabilité aux deux espèces de
courants électriques, diminution fréquemment hors de proportion
avec la diminution de volume de l'appareil musculaire; mais on
ne retrouva pas l'exagération du réflexe patellaire signalée
comme constante par M. Charcot. En revanche, dans quelques cas,
ce réflexe avait diminué du côté malade. On réséqua des mor-
ceaux de muscles tant aux malades présentant des épanchements
récents dans l'articulation du genou qu'à ceux qui avaient subi
une contusion violente, à la période d'atrophie survenue d'ail-
leurs rapidement, surtout à la suite de contusions (rupture du
tendon patellaire); l'examen microscopique ne permit pas de
découvrir d'altérations inflammatoires. Les deux professeurs ont
pratiqué des expériences sur des animaux (lapins) soit pour con-
trôler celles de Valtat, soit pour suivre de près les indications de
Lücke en étudiant l'influence de l'inflammation articulaire (injec-
94 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tions d'huile de croton à 1/5, de teinture d'iode, etc.) et celle de
la lésion directe du muscle (martellement de portions de muscles
plus ou moins circonscrites). On obtint dans tous ces cas une flacci-
dité très accusée; l'excitabilité diminua dans le système muscu-
laire, il survint une atrophie rapide, surtout prompte et rapide
dans la contusion musculaire. Pas plus que chez les malades, il ne
se produisit d'accidents inflammatoires progressifs. Ce mémoire
sera publié en détail *.
M. Kast. Présentation de névropathes. Une fillette de dix ans
présente dès sa naissance des mouvements bilatéraux dans les
quatre extrémités, aux mains, aux pieds,' aux doigts, aux orteils.
C'est de 1'tithétose affectant la modalité classique; ils passent aussi
facilement à l'état tonique; on trouve souvent les pieds immobi-
lisés pendant un assez long temps en situation varus-équin. La
malade, très intelligente, peut utiliser ses doigts pour écrire et
exécuter des travaux manuels de femme. Elle a appris à marcher
à l'âge de cinq ans; mais, dans ces derniers temps, son pied bot
intermittent parait avoir nui à sa marche. Il s'agit en somme
d'une affection autonome, car on ne trouve aucun autre accident
névropathique. Les contractures qui se produisent ne dépendent
pas de la paralysie des muscles antagonistes; elles sont l'expres-
sion de l'alhélose. - Une jeune fille adulte est atteinte, depuis une
fièvre typhoïde grave (phénomènes fébriles ayant duré quarante
jours; accidents étendus du décubitus), de contractures et atrophies
dans les deux jambes. Ces membres ont d'abord été le siège de
violentes douleurs auxquelles succéda l'immobilisation par con-
tracture ; ici aussi, pied bot équin. L'excitabilité électrique des
muscles et des nerfs des jambes a disparu; à la cuisse, elle a sim-
plement diminué; conservation des réflexes et de la sensibilité.
C'est une contracture myopathiqiie d'origine ischéînique. Il est pos-
sible que, vu l'étal d'anémie générale, la contracture ait été pro-
duite par un trouble dans l'irrigation sanguine des jambes; on
voit facilement survenir ces accidents dans la convalescence de la
fièvre typhoïde, quand les membres ont subi une mauvaise posi-
tion. Ne laissez pas trop longtemps vos malades dans le repos au
lit horizontal.
Discussion :
M. Boeumlef, traite une jeune fille qui appartient à la même
.catégorie. Egalement à la suite d'une fièvre typhoïde, il s'est pro-
duit une contracture dans une jambe ; pied bot varus-équin ; forte
atrophie du jambier antérieur, de l'extenseur commun, des
muscles du mollet.
- M. JOLLY. Chez les paralytiques généraux se développent parfois
Nous verrons alors s'il y a lieu d'ajouter quelques détails analytiques.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 93 a
des contractures. A l'autopsie, on trouve des altérations articu-
laires. Cela ne peut-il pas avoir eu lieu dans le cas présent ?
L'atrophie et la contracture ne peuvent-elles pas être considérées
comme des lésions secondaires ?
M. Kussmaul. Dans l'espèce il n'y a aucun signe d'altéra-
tion articulaire.
M. DE RECKUNGHAUfEN. Les altérations articulaires en question
ne sont pas telles que les mouvements en soient troublés.
M. Schultze. Il est possible de penser aussi à l'existence
d'une névrite.
M. FUERSTNFN a observé, tant chez les paralytiques généraux
que chez les déments, des contractures consécutives à des altéra-
tions articulaires, surtout quand ils sont restés longtemps au lit.
M. n RGCHLINGÜ9USEN (de Strasbourg). P)'ëSM<6[<tOt ! d6 O'dMMpftt/tO-
logiques. - Il s'agit d'une série de pièces appartenant à l'ancien et
au nouveau catalogue de la collection de l'Institut pathologique, qui
permettent de traiter de l'influence réciproque de l'accroissement du
cerveau et des os du crâne. Voici, par exemple, chez un enfant de
trois ans, une dépression symétrique du frontal qui pourrait peut-
être être considérée comme une déformation artificielle. Puis, plu-
sieurs crânes d'enfants chez lesquels des synostoses prématurées
des sutures ont produit, selon l'atteinte de telle ou telle suture ou
de l'ensemble des lignes suturales, de la dolichocéphalie (suture
sagittale) de la trocho et de l'oxycéphalie (synostose généralisée),
de la plagiocéphalie (suture coronaire d'un côté). Puis, trois crânes
d'adultes, chez lesquels des atrophies, congénitales ou datant de la
première enfance, sur certains lobes du cerveau et du cervelet ont
entraîné un arrêt de développement des fossettes crâniennes cor-
respondantes et une scoliose de la base du crâne. Puis, un crâne
d'une idiote de quatre-vingt-six ans, indemne de difformité exté-
rieure ; mais le dôme osseux du crâne est hypertrophié, les fos-
settes crâniennes sont renflées par des hyperostoses; il s'agit ici
de néopla=ies osseuses compensant le vide intra-crânien causé
par une atrophie générale de l'encéphale. Enfin, plalycéphalie
avec os intercalaires sans nombre et base ostéoporeuse. Hydrocé-
phalie chez une ostéomulacique de vingt ans; on constate ici que
le plan incliné qui cale la selle turcique en arrière a subi un relè-
vement tel que le trou occipital parait être au niveau du bord
supérieur de la selle turcique et de la gouttière optique. Ces
types et d'autres du même acabit prouvent que l'accroissement du
crâne et celui du cerveau s'influencent réciproquement, et que la
forme du crâne, notamment la forme pathologique est d'ordinaire
la résultante de plusieurs conditions concurrentes : elle peut
dépendre aussi bien de troubles dans le développement des
96 SOCIÉTÉS SAVANTES.
synostoses suturales ou d'affections osseuses, que d'anomalies pri-
mordiales dans le développement du cerveau.
M. STILLING présente les préparations anatomiques relatives au
nerf optique décrit dans les Archiv. de Waldeyer et Schwalbe,
t. 207, p. 179.
M. Edinger (de Francfort). De l'importance du corps strié. L'ora-
teur considère le système des fibres qui sortent du corps strié et
traite aussi d'une racine du nerf optique sise à la base. Les méthodes
que nous possédons ne nous ont pas, dit-il, encore permis de dire
avec une absolue certitude si des fibres prennent naissance dans
le corps strié ou si cet organe n'est qu'un lieu de passage à des
fibres qui le traversent. La méthode embryogénique nous laisse
aussi dans l'embarras à cet égard parce que, à l'époque embryolo-
gique envisagée ici, le cerveau antérieur (sens embryologique) con-
tient déjà trop de fibres pour que les rapports s'y soient conservés
simples. Cette simplicité n'existe réellement que chez les poissons
osseux (Rabl Rüclihardt) qui ne possèdent encore pas de circonvolu-
tions cérébrales nerveuses, et chez les amphibies ou les reptiles
dont le manteau ne contient que très peu de fibres à myéline.
Chez ces divers animaux, la partie principale du cerveau antérieur
se compose uniquement du corps strié qui contient un noyau en
forme de calotte sphérique. Ce noyau fournit, chez les reptiles,
les matériaux de développement à une série de cellules ner-
veuses ganglionnaires qui forment le manteau des circonvolutions
où elles se rendent. Chez ces animaux il manque ce qui complique
l'anatomie des mammifères, c'est-à-dire la couronne rayonnante
issue du manteau; on arrive donc facilement chez eux à montrer
que le corps strié donne en réalité naissance à un trousseau puis-
sant qui se dirige du côté de la queue de l'organe. Ce trousseau se
scinde en deux parties. Une partie composée de fibres fines peut
être suivie jusque dans le bulbe. L'autre, à fibres grossières,
gagne le gros ganglion de le couche optique où il se termine. Ce
ganglion donne naissance à un nouveau faisceau. Immédiatement
en avant de la couche optique, on trouve une commissure qui
unit les deux faisceaux basilaires du cerveau antérieur : tel est le
nom que M. Edinger donne aux trousseaux issus du corps strié. Ce
faisceau basilaire du cerveau antérieur a été jusqu'ici rencontré
chez les représentants de presque toutes les classes de vertébrés
(cyclostomes, sélaciens, téléostéens, amphibies, reptiles, mammi-
fères, homme). Coupes et dessins à l'appui; coupes de très jeunes
embryons humains (du deuxième au troisième mois intra-utérin)
montrant exactement les mêmes conditions. Le système des fibres
en question ne s'entoure dans toute la série animale que très
tard de myéline. Il n'a encore pas commencé son développement
chez les larves animales qui ont une existence autonome, bien
SOCIÉTÉS SAVANTES. 97
indépendante, nagent avec adresse, sautillent, cherchent leur
nourriture; ainsi les larves de grenouilles, de tritons, sala-
mandres, truites toutes jeunes, petits orvets. Chez J'axolotle, il ne
contient que quelques libres à myéline clairsemées. Chez l'am-
mocoetes, la larve du Petromyzon-Planeri , il est dépourvu de
myéline. Chez les mammifères, ce n'est généralement qu'après
l'accouchement qu'il se développe dans la région des manchons
de myéline (séries de coupes relatives aux animaux cités).
C'est pour compléter la communication précédente de Slilling
que M. Edinger traite d'une puissante racme du nerf optique chez
les reptiles. Elle prend naissance, à la base de l'encéphale, d'un
ganglion qu'on considère avec raison comme un tubercule ma-
millaire, en tenant compte de sa situation entre le tuber cine-
reum et le lieu d'émergence du nerf oculdmoteur commun. Ce
ganglion est en connexion avec le ganglion de l'habenula' par
un trousseau de fibres très net. C'est, comme l'on sait, du gan-
glion de l'habenula qu'émane le nerf optique destiné à l'oeil
pariétal des reptiles.
M. Zaciier présente quelques pièces de dégénérescence secondaire
à travers la substance blanche de l'écorce, dégénérescence ayant été
produite par de petits foyers plus ou moins exclusivement limités
à l'écorce. Premier cas : un petit foyer de ramollissement
ayant exclusivement détruit l'écorce de la pariétale ascendante
sur une courte étendue. De là on peut suivre une dégénérescence
descendante très marquée allant de la substance blanche de
l'écorce au centre ovale ; pour des motifs accessoires, on n'a pu
déterminer le trajet de la dégénérescence plus loin dans la pro-
fondeur du centre ovale. Deuxième cas : foyer ancien gros
comme un pois, occupant la partie limite entre l'écorce et la
substance blanche; dégénérescence secondaire peu étendue.
Troisième cas : dégénérescence diffuse de fibres nerveuses à myé-
line dans la substance blanche corticale, mais ayant plus ou
moins respecté le faisceau des fibres d'association de Meynert;
on trouve, avec cela, en un endroit de l'écorce, un vieux foyer, en
partie transformé en cicatrice, d'où part une dégénérescence
secondaire de haut en bas; elle traverse la substance blanche de
l'écorce et coupe la portion corticale où l'on constate une dégéné-
rescence diffuse. Il s'agissait du cerveau occipital d'un paralytique
général qui présentait en plusieurs places du cerveau de ces dégé-
nérescences diffuses de fibres nerveuses de la substance blanche,
tandis que l'écorce offrait une atrophie de fibres relativement
faible. Voici maintenant, par contraste, un encéphale dans lequel
l'écorce avait été complètement détruite à un endroit isolé par un
1 Voy. Anatomie des centres nerveux, de Huguenin.
Archives, t. XVI.
98 SOCIÉTÉS SAVANTES.
cysticerque; malgré cela, pas de dégénérescence secondaire. Pas-
sons enfin aux préparations dues à. l'obligeance de M. Friedmann,
empruntées à l'autopsie de l'observation Lehrer publiée dans la
1\eurol. centrait, de 1887, p. 73 : remarquable dégénérescence à
l'intérieur de la substance blanche.
Préparations de moelle témoignant d'une dégénérescence marquée
dans les cordons postérieurs, dégénérescence limitée, dans la
moelle cervicale et dans la supérieure, aux faisceaux de (joli
occupant, dorsale partie moyenne de la moelle dorsale, une petite
place à peu près au milieu de l'organe, de chaque côté du grand
sillon postérieur et, dans la moelle dorsale inférieure, sur une
courte étendue, les bandelettes externes à un degré d'intensité
modéré. Intégrité complète de la moelle lombaire tout entière.
Il s'agissait d'une vierge (intégrité de l'hymen, utérus virginal)
qui avait conservé sa virginité toute sa vie.
Préparations de la moelle d'une femme qui, trois ans avant sa
mort, avait subi l'amputation de la cuisse gauche au lieu d'élection.
Confirmation des indications de Krause et )''ried ! oender, relatives
aux altérations des nerfs et de la moelle après amputation, mais
il n'est pas démontré que les cellules des colonnes de Clarke du
côté amputé diminuent toujours de nombre dans les cas d'ampu-
tation des membres inférieurs; car, ainsi que le dit lteynolds, le
nombre des cellules de Ctafke n'est pas toujours le même des
deux côtés. À côté de cela, dans l'espèce, les fibres nerveuses des
colonnes de Clarke, pour la plupart situées en dedans, sont nette-
ment moins abondantes ; l'analyse delà préparation 'permet de
fournir la preuve que ces fibres sont la continuation directe des
fibres radiculaires qui entrent dans la corne postérieure.'
M. Laquer (à Francfort). Contribution à l'étude de la névrite
alcoolique. Homme de vingt-neuf ans, indemne de tare héré-
ditaire et de syphilis, adonné depuis des années à l'alcool; il se
développe chez lui en quatorze jours une ataxie très marquée avec
paresthésies dans les mains et les pieds, bientôt compliquées de
paralysie de la motilité dans les territoires nerveux périphériques
les plus divers (du radial, du cubital, du médian, des péroniers).
Anesthésie, mais moins prononcée. Peu de phénomènes vasomo-
teurs. Diminution très accentuée de l'excitabilité électrique; réac-
tions dégénératives dans le territoire du radial et du péronier des
deux côtés, sans renversement de la formule. Pleine intégrité des
nerfs crâniens et de l'état psychique. Réaction prompte des pu-
pilles. Absence des réflexes tendineux. Intégrité des fonctions de
la vessie et du rectum. Pas d'atrophie musculaire : intrégrité des
éminences thénar et hypothénar. En deux mois, la faradisation
des muscles et l'iodure de potassium ou le nitrate d'argent à
Nous verrons alors s'il y a lieu d'ajouter des détails analytiques.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 99
hautes doses améiiorérentconsidérabtementl'auection. -Conclu-
sion : Névrite alcoolique accentuée sans aucune participation des
centres et en particulier de la sphère mentale. La névrite multi-
loculaire est donc seulement périphérique primitivement. Le mé-
moire sera publié plus lard in extenso '. -
M. (de Mannheim). Des altérations actives des cellules
nerveuses ganglionnaires dans les inflammations. Il s'agit de la
question de la prolifération des cellules nerveuses ganglionnaires
avec présentation de dessins. Les vieux arguments anatomo-
pathologiques de cellules à plusieurs noyaux, transformation
finement granuleuse, de la substance cellulaire, sont incapables de
décider de la question. A l'aide des méthodes de coloration de
Nissl, et en se servant de forts objectifs à immersion, on voit, dès
les premiers jours de l'inflammation, la transformation de la
structure normale des cellules pyramidales de l'écorce en un très
beau réseau chromatique à larges mailles, tant que les cellules
conservent leur état reconnaissable. On trouve alors que dans les
cellules qui s'arrondissent, il se produit fréquemment dés karyo-
kinases. Du reste, toutes les cellules nerveuses ne semblent pas
être capables de subir cette altération que l'on peut désigner sous
le nom de rajeunissnement en se basant sur l'aspect anatomique et
le développement des cellules chez les embryons : par exemple les
grandes cellules multipolaires de la moelle n'en paraissent pas
susceptibles. Le mémoire est publié eu détail '. Banquet de clô-
ture. (Archiv. f. Psych., XIX, 1.) P. KERAVAL.
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES
DE MERLIN
Séance du 12 décetitbi-c 1887. Présidence DE M. Westphal.
M. Opfenueim présente un malade atteint de maladie d'Addisoil
et de maladie de Busedoto. C'est un ouvrier en orfèvrerie d'argent
dont les père et mère ont atteint l'âge de quatre-vingts ans.
En 1872, tremblement dans les mains, puis battements de coeur, hy-
péridrose, sialorrhée soif, polyurie. En 1875, goitre. En 1880,
exoplltlialmie, llammes devant les yeux. Celle année, ascite avec
oedème des extrémités inférieures, affaiblissement général et pro-
gressif; accès de boulimie; diarrhées profuses; accès d'angoisse;
1 Voy. Revues analytiques.
100 SOCIÉTÉS SAVANTES.
apathie; affaiblissement de la mémoire; lipothymie. Actuellement,
exophlhalmie double très marquée, fonctionnement défectueux de
l'orbiculaire des paupières, symptôme de de Grsefe, dilatation très
accusée des deux ventricules avec exagération de la fréquence du
pouls (160 à 180); asystolie. goitre très prononcé; tremblements
très intenses dans la-tête, le tronc, les extrémités à l'occasion des
mouvements et sous l'influence des émotions; tremblement dans les
pieds, faiblesse musculaire généralisée, apathie, amnésie. La peau
de la face, du tronc, des extrémités et par-dessus tout celle des or-
ganes génitaux est le siège d'une pigmentation diffuse ou macu-
leuse,rappelant le graphite ; les bouts des seins, le pénis et le testi-
cule offrent aspect du mulâtre, depuis la teinte brune jusqu'au
noir intense... Taches d'un noir bleu sur la lèvre supérieure, la
conjonctive palpébrale inférieure... L'urine ne contient ni albu-
mine, ni sucre; abondance d'acides biliaires. Douleurs dans la
région des reins. Cette combinaison de deux maladies a de l'im-
portance au point de vue de la théorie de l'atteinte du grand sym-
phatique.
M. H. ViRciiow traite, avec pièces à l'appui, des grosses granula-
tions qu'on rencontre dans les grandes cellules nerveuses de la moelle
épinière du lapin. On injecte l'animal récemment tué avec une
solution tiède d'acide chromique à'/sooo On fait durcir la moelle
dans de. l'alcool progressivement de plus en plus concentré.
Coloration à l'hcematoxyline de Grenadier.
Discussion. M. C. BENDA, qui s'est occupé de cette question
depuis plusieurs années, et a exécuté de nombreuses préparations,
ne croit pas que ces granulations dans les cellules nerveuses aient
rien à faire avec les granulatious d'Altmann. 11 adopte l'opinion de
Vignal qui a évidemment décrit ces organites auxquels il attribue
de l'importance au point de vue de l'histoire du développement
de la cellule nerveuse. Vignal a vu que, dans les cellules em-
bryonnaires, ces granulations se groupent d'une manière carac-
téristique et que, finalement, elles produisent la striation du corps
de la cellule que nous connaissons chez les cellules nerveuses
développées. M. Benda réclame l'honneur d'avoir le premier
reconnu les réactions chromatiques et d'avoir rattaché la présence
des granulations en question au mode de réaction spécial du corps
cellulaire à l'égard des couleurs, certaines cellules se colorant
fortement parce que la matière chromatophile pénètre uniformé-
ruent, tandis que, dans d'autres conditions, elle dessinera des gra-
nulations.' La méthode de traitement du tissu n'a, au surplus,
aucune influence sur ce fait. Toutes les espèces animales présen-
tent de ces granulations, même l'homme (préparations d'Adamkie-
wicz) ; leur occurrence est simplement liée à des questions d'âge,
etc.. que M. Benda se réserve de développer ultérieurement.
SÉNAT. loi
M. Krontiial. De l'hétérotopie de substance grise dans la moelle.
Publiée itz extenso dans le Neurolog. Centralbl.1.
M. SII'sllERLING. Un cas de syphilis cérébrospinale héréditaire.-
Publié itt extenso 2. (Archiv. f. Psychicit. u. Nervenlck7atn., XIX, 2.)
P. KRRAVAL.
SÉNAT
DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS
Séance du samedi 4 décembre 1886 s.
M. LE Président. L'ordre du jour appelle la suite de la première
délibération sur le projet de loi portant revision de la loi du
30 juin 1838 sur les aliénés.
Nous nous sommes arrêtés, messieurs, à l'article 20. J'en donne
lecture : « Art. 20. Les personnes admises dans les établisse-
ments d'aliénés, conformément aux dispositions des articles pré-
cédents, ne le sont qu'à titre provisoire et sont en conséquence
placées dans un quartier d'observation. Elles y sont maintenues
autant que les exigences du traitement le permettent. Si le mé-
decin, avant la décision de la chambre du conseil, les fait passer
dans un autre quartier, il doit indiquer la date et les motifs de
ce changement sur le registre prescrit par l'article 23 ci-après :
« Dans les vingt-quatre heures qui suivent l'admission, le direc-
teur 'de l'établissement adresse le bulletin d'entrée du malade,
accompagné de la copie de la demande d'admission, du rapport
prescrit à l'article 16, du certificat du médecin de l'établissement
dit certificat de vingt-quatre heures : 1° au préfet du départe-
ment où l'établissement est situé, qui transmet sur-le-champ ces
pièces au médecin inspecteur des aliénés ; 2° au procureur de la
République de l'arrondissement du domicile de la personne pla-
cée ; 3° au procureur de la République de l'arrondissement où
l'établissement est situé.
1 Revues analytiques.
2W.
3 Vov. Arh. de Neurologie, t. XII, p. 13j, 258, É39; t. XIV, p. 135, 307,
42); t. XV, p. 138, 311,487,
102 SÉNAT.
« Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le médecin
inspecteur doit visiter la personne placée. Quinze jours après ce
placement, il est adressé au préfet et au procureur de la Répu-
blique un nouveau certificat circonstancié du médecin de l'éta-
blissement. La parole est à M. le rapporteur.
ÎtL'I·HÉ01'HILE Roussel, rapportez»'. Messieurs, l'article 20, dont
M. le président vient.de donner lecture, et auquel l'honorable
M. Combes, ainsi que plusieurs de ses collègues, ont proposé un
amendement, et l'article 21 qui le suit, font un seul corps pour
ainsi dire, et ces deux articles, si étroitement connexes, consti-
tuent une des parties les plus délicates et les plus importantes
du projet de loi, celle qui règle les formalités des placements sur
demande des particuliers appelés, d'un nom impropre, « place-
ments volontaires ». C'est là que se trouve aussi, suivant l'expres-
sion employée dans l'exposé des motifs ministériel, la grande
« innovation » du projet du Gouvernement.
Enfin, messieurs, c'est sur les queslions résolues dans ces deux
articles que la loi de 1838 a été attaquée avec le plus de violence
et de persistance. Dans les longs débats auxquels la préparation
de cette loi a donné lieu, c'est sur les questions qui vont être dé-
battues aujourd'hui que les discussions ont été le plus animées et
- que les Chambres se sont, on peut le dire, partagées en deux
camps : d'un côté celui des juristes, qui voulaient attribuer aux
tribunaux toute décision relative à l'internement des aliénés ; de
l'autre, celui des partisans des mesures expéditives indispensables
pour le traitement des malades dans l'intérêt desquels la loi était
proposée, mesures incompatibles, suivant eux.
Le premier de ces deux partis eut alors, comme je le rappelais
à la dernière séance, des orateurs tels qu'Odilon Barrot, Salverte,
Isambert, qui dans l'aliéné voyaient avant tout le citoyen, à la
liberté individuelle duquel une atteinte est ou peut être portée et
dont les droits civils sont amoindris et compromis dans leur
exercice ; l'autre, auquel se rallièrent les hommes éminents qui
composaient dans l'une et l'autre Chambre les commissions qui
ont eu pour rapporteurs M. Vivien et le marquis Barthélémy, était
celui des hommes de science et d'expérience, qui, adoptant la
donnée des médecins, réussirent à faire prévaloir cette donnée,
essentielle dans une loi d'assistance, et à donner à leur oeuvre lé-
gislative ce caractère qui a permis et permet encore aujourd'hui
de dire que la loi de 1838 a été « une loi médicale ».
Les bienfaits de la loi de 1838, à ce dernier point de vue, n'ont
pas été contestés ; mais est-il vrai que les droits de la liberté
individuelle aient été compromis, comme on l'a prétendu, dans
les dispositions de cette loi qui règlent les placements ?
Si l'on examine ces articles en dehors des préventions qui ont
prédominé dans les discussions auxquelles cette partie de la loi a
SÉNAT. 103
servi de thème, on est obligé de reconnaître que toutes les pré-
cautions que pouvait suggérer une expérience encore imparfaite
furent prises par le législateur dans la mesure compatible avec
la doctrine qui lui avait servi de règle, à savoir que, l'aliéné étant
un malade, le premier but de la loi c'est d'aviser aux mesures
nécessaires pour guérir le malade et tout au moins le soigner ou
le garder, et prévenir les dangers que sa maladie fait courir aux
autres ou à lui-même.
Le premier devoir, suivant cette doctrine, c'est de faire inter-
venir tout d'abord et le plus tôt possible la science médicale, seule
compétente, soit pour prononcer sur l'existence même du mal,
soit pour apporter les remèdes ; pour les mêmes raisons, les me-
sures à réclamer de l'autorité publique devaient être demandées
d'abord à l'autorité administrative, responsable de la sécurité-
publique et familière avec les mesures promptes qui répugnent à
la justice.
L'intervention de l'autorité judiciaire n'était certainement pas
oubliée ; son contrôle protecteur des droits privés et de la libei té
individuelle a été soigneusement inscrit dans la loi, et l'article 29
en a assuré l'exercice à toutes les époques de l'internement. Mais
le législateur ne l'a pas admise comme pouvant comporter des
mesures préalables à l'internement, qui y aurait trouvé des en-
traves et des retards. Ces mesures ne pouvaient être que consécu-
tives à l'admission. -
Les dispositions prises dans les articles 8, 9, 11, 0 et suivants
de la loi de 1838, qui correspondent aux articles du projet de loi
qui est soumis aujourd'hui au Sénat, ont-elles complètement ré-
pondu dans la pratique aux visées de leurs auteurs ?
Nous avons résumé, à la suite de ce rapport, les accusations
souvent reproduites par les adversaires systématiques de la loi, et
on peut sans peine se convaincre du peu de fondement que l'exa-
men attentif des faits fournit à ces accusations. Toutefois, on ne
saurait nier qu'elles ont trop souvent troublé et même parfois
égaré l'opinion publique et la presse politique, qui ont pesé sur
les gouvernements qui depuis une vingtaine d'années se sont
succédé dans notre pays et les out amenés à étudier sérieusement t
une réforme de notre législation sur les aliénés.
C'est ainsi, messieurs, que la commission extraparlementaire
qui a préparé le projet du Gouvernement en 1871, et le Gouverne-
ment à sa suite, tout en rendant justice aux auteurs de la loi de
4838 ont été ramenés, par les plaintes et les critiques que je viens
de rappeler, vers le système qui avait eu pour défenseurs tsambert
et Odilon Barrot et qui n'a pas cessé de compter ses plui zélés
partisans parmi les juristes et les magistrats.
Voici en quels termes l'exposé des motifs ministériels s'exprime
sur les dispositions nouvelles proposées par le Gouvernement
104 SÉNAT.
pour mettre' fin aux plaintes et donner satisfaction à l'opi-
nion -
« Cet article, dit le ministre de l'intérieur (en parlant de l'ar-
ticle )4 du projet primitif, qui correspond à l'article 20 présente-
ment en discussion), renferme l'innovation essentielle de notre
projet en édictant la nécessité de l'intervention de l'autorité judi-
ciaire pour le maintien à titre définitif d'un aliéné dans l'asile
où il aura été admis provisoirement, après les formalités et sous
les conditions prescrites par l'article 14. C'est, en effet, un prin-
cipe de notre droit que les questions d'Etat, de capacité et de
liberté individuelle ne peuvent être tranchées que par l'autorité
judiciaire.
La loi de 1838 avait fait une exception à ce principe de droit
commun en autorisant l'internement d'un individu sur la simple
présentation d'un certificat de médecin constatant son aliénation
mentale, ou même, en cas d'urgence, sur la production d'une de-
mande faite par une personne quelconque. Cette simplification
de la procédure avait surtout pour but, dans l'esprit du législa-
teur de 1838, de hâter la mise en traitement du malade.
« Ce but est également atteint par le projet que nous avons
l'honneur de vous présenter, puisque l'internement de l'aliéné
peut avoir lieu sans qu'il y ait à remplir de formalités plus lon-
gues que celles delà loi de 1838 dans un quartier d'observation
où il recevra les premiers soins. Mais la liberté individuelle sera
plus efficacement garantie, puisque, avant de quitter ce quartier
provisoire, il sera examiné par le procureur de la République
accompagné d'un médecin de son choix, dans un délai qui ne
pourra excéder quatre jours après son internement provisoire.
« L'enquête à laquelle ce magistrat pourra se livrer sur la situa-
tion de famille et les antécédents de l'aliéné, ainsi que les cir-
constances d'où est résultée la nécessité du placement, viendra lui
fournir de nouveaux éléments d'appréciation qui seront, en même
temps que les résultats de la visite dont il est parlé ci-dessus et
lespièces dela procédure préalable à l'admission, soumis au tribu-
nal. C'est donc au tribunal seul qu'il appartiendra, dans un délai
qui ne pourra excéder un mois, de statuer sur le maintien à titre
définitif ou la sortie de la personne placée. Ces dispositions nou-
velles constituent un ensemble de mesures qui nous paraissent'
une garantie suffisante contre tout danger de séquestration arbi-
traire. »
Cet article, comme vous le voyez, messieurs, apporte des chan-
gements considérables à la loi de 1838 ; il supprime toute inter-
vention active du préfet dans les placements demandés par les
particuliers; il supprime l'obligation que l'article 9 ds la loi im-
posait de faire visiter la personne placée dans un asile privé par
un ou plusieurs médecins ou par tout autre délégué de son choix ;
SÉNAT. dOS
l'envoi des pièces au préfet dans les vingt-quatre heures est rem-
placé par une disposition qui ajoute à cet envoi l'envoi au procu-
reur de la République de l'arrondissement du domicile de la
personne placée, et un pareil envoi au procureur de la Republi-
que de l'arrondissement où l'asile est situé. Les notifications pres-
crites au préfet dans un délai de trois jours sont remplacées par
des notifications dans les vingt-quatre heures et à la charge des
chefs responsables des établissements. On peut dire que tout le
rôle actif que la loi attribuait au pouvoir administratif passe au
pouvoir judiciaire : au parquet d'abord pour les mesures provi-
soires à prendre immédiatement ; au tribunal ensuite, que le
projet de loi appelle à statuer en chambre du conseil sur les me-
sures définitives.
Ces mesures sont également applicables aux établissements pu-
blics et aux établissements privés. L'intervention du parquet s'y
opère de même; son contrôle s'exerce sur des personnes qui sont
admises seulement à titre provisoire, dans un quartier distinct
du reste de l'établissement, et le placement de ces personnes
dans l'asile ne peut acquérir un caractère définitif qu'après que
les réquisitions écrites du procureur de la République ayant été
transmises au tribunal, celui-ci aura décidé la maintenue ou la
sortie de la personne placée. Le tribunal en chambre de conseil
doit statuer d'urgence, et dans un délai qui ne devait pas excé-
der un mois à partir de l'admission, délai réduit à vingt jours
dans le texte soumis au vote du Sénat.
Le rôle laissé au préfet se réduit, comme on voit, à recevoir
deux notifications, celle de la demande de placement et celle de
la décision du tribunal. Ce transfert au pouvoir judiciaire des
attributions confiées par la loi de 1838 au pouvoir administratif,
ce caractère tout nouveau donné à une loi à laquelle ses auteurs
avaient déclaré si expressément ne pas vouloir donner un carac-
tère judiciaire, ne pouvaient pas ne pas soulever de vives objec-
tions de la part de tous ceux qui, s'attachant avant tout à l'inté-
rêt des malades, à la cause de l'aliéné, peuvent invoquer une
expérience de près d'un demi-siècle pour soutenir qu'en réalité
cette cause, cet intérêt peuvent avoir à souffrir d'une innovation
à laquelle la liberté individuelle et les droits civils de l'aliéné n'ont
en réalité rien à gagner.
Ces objections ont été fortement soutenues au sein de la com-
mission du Sénat, d'abord dans les discussions avec les premiers
représentants du Gouvernement, ensuite dans les discussions
entre les membres de cette commission, qui, à peu près unanimes
dans les résolutions auxquelles le Sénat a donné déjà une consé-
cration par ses votes, s'est profondément divisée sur les articles
qui lui sont présentement soumis.
Après de longs débats, une forte majorité, lorsque le gouverne-
- t06 SÉNAT.
ment a eu consenti à des modifications notables de son texte pri-
mitif, s'est prononcée en faveur du transfert à l'autorité' judi-
ciaire des attributions conférées par la loi à l'autorité adminis-
trative dans les placements dits volontaires. Mais la minorité a
persisté dans ses objections ; et si la commission n'avait pas eu la
douleur, vivement sentie par elle, de perdre son excellent secré-
taire, le docteur Brugerolles, c'est ce regretté collègue, qui pre-
nait une part si active à nos travaux, qui aurait porté et soutenu
à cette tribune un amendement analogue à celui qui a été pré-
senté par M. Combes.
Le Sénat voudra bien me permettre de rendre à cette tribune
un dernier hommage à ce collaborateur si justement regretté,
en lui donnant lecture d'un passage extrait des procès-verbaux
des délibérations de la commission et dans lequel se retrouvent
condensés les principaux arguments qu'il avait présentés contre
les dispositions de ces deux articles 20 et 21 qui nous occupent :
(Lisez ! lisez ! )
« Comment ne pas reconnaître, disait M. Brugerolles, malgré
les raisonnements les plus spécieux des juristes, qu'on confond
les faits et les idées en voulant- attribuer au tribunal la mission
de statuer sur des aliénés à mettre en traitement, comme si c'é-
taient des prévenus qu'il s'agit d'enfermer ? De quelque façon que
soit composée la chambre du conseil, peut-elle être jamais com-
pétente pour trancher une question que le médecin seul connaît
et peut résoudre ? Si elle ne veut pas s'en rapporter simplement
aux réquisitions que le procureur de la République lui a adres-
sées, elle pourra avoir la pensée de recourir elle-même directe-
ment à la science médicale ; elle voudra avoir une expertise
médico-légale; mais, dans les conditions où la question se pré-
sente dans le projet de loi, comment trouver dans chaque arron-
dissement, ou même dans chaque département, un médecin alié-
niste digne de la confiance du tribunal ? \
« Tous ces inconvénients, toutes ces difficultés, disparaissent
au contraire avec le système déjà adopté par la commission du
Sénat, qui dote le service des aliénés, dans chaque département,
d'une commission permanente dont un aliéniste autorisé est le
membre le plus essentiel. Combinez ce système avec le projet du
gouvernement, et vous reconnaîtrez que cet aliéniste, fonction-
naire compétent et indépendant, sera, par la force des choses,
l'expert auquel le tribunal aura à recourir pour l'éclairer.
« C'est lui en réalité qui décidera. Pourquoi donc compliquer
inutilement les procédures à suivre ? Pourquoi, en présence de
celte nouvelle ressource de la commission permanente, dont
presque chaque article de la loi vous démontre davantage le prix,
hésileriez-vous à vous eu rapporter directement à elle pour pro-
noncer sur les admissions ? La commission permanente réunit
SÉNAT. 107 Î
tous les avantages comme toutes les compétences : l'élément
administratif et l'élément judiciaire y sont représentés aussi bien
que l'élément administratif et médical.
« Que voulez-vous de plus ? N'est-ce pas être la dupe des appa-
rences, n'est-ce pas trop sacrifier aux seules formes, que d'aller,
après la décision du seul tribunal vraiment compétent, tribunal
qui a de plus l'avantage d'être secret, ce qui, dans les cas dont il
s'agit, n'est pas un mince avantage, recourir à un tribunal éloi-
gné, dont les décisions lentes et plus ou moins solennelles n'ont
aucun avantage qui puisse en compenser les inconvénients ? » »
J'ajoute, messieurs, que cette opposition décidée, persévérante,
se retrouve aujourd'hui dans ce fait que, parmi les signatures de
l'amendement de M. Combes, figurent deux de mes collègues de
la commission. Quant à la majorité de la commission, je dois
faire remarquer que la plupart de ceux dont elle se compose n'ont
accepté cette partie du projet du gouvernement qu'à la condition
d'en élaguer certaines dispositions qui leur paraissaient la rendre
inacceptable.
Nous ne pouvions pas admettre, par exemple, qu'il ne fût pas
tenu compte des observations présentées au nom de l'académie de
médecine sur la possibilité matérielle d'exécuter la disposition de
l'article 20, en vertu de laquelle « les personnes admises à titre
provisoire doivent être placées dans des quartiers d'observation
séparés des autres parties de l'établissement». Les hommes les
plus incontestablement compétents avaient démontré sans ré-
plique que l'application littérale de cette prescription aurait pour
conséquence forcée non seulement la création d'un nouvel asile
dans chaque salle actuellement existant, mais encore qu'elle
apporterait les plus sérieux obstacles au traitement des malades.
Le gouvernement a reconnu la nécessité de laisser au médecin
traitant, sous sa responsabilité, le soin de déterminer le degré
de rigueur qui peut être apporté à la maintenue des malades
entrant dans ces quartiers d'observation, pendant la période
légalement considérée comme placement provisoire.
Je signalerai un autre point important qui, malgré la suppres-
sion de la commission permanente, reste acquis, dans les dispo-
sitions de l'article 20, comme une des améliorations notables
dans le projet primitif du gouvernement. En admettant avec ce
dernier que l'intervention du tribunal dans le placement est une
garantie nouvelle donnée à la liberté individuelle en même temps
qu'une satisfaction donnée à l'opinion trop souvent inquiétée du
public, la commission du Sénat ne pouvait pas admettre que la ques-
tion posée devant le tribunal et qui n'est jamais en définitive, qu'une
question de diagnostic médical n'arrivât pas à ce tribunal, avec cette
nouvelle garantie que l'institution de la commission permanente
élait appelée à donnera la liberté individuelle et à la protection
1 Oô SÉNAT.
matérielle de l'aliéné dans l'ensemble du service. Dans la rédac-
tion nouvelle adoptée par le Sénat, le rôle attribué à la commis-
sion permanente dans l'article 20 sera rempli par le médecin
inspecteur des aliénés.
Telles sont, messieurs, les conditions dans lesquelles la majo-
rité de la commission du Sénat s'est ralliée à l'innovation intro-
duite par le gouvernement. Si, par suite de changements, bien
peu probables dans le cours des discussions, ces conditions de-
vaient changer, cette majorité pourrait se modifier elle-même en
voyant disparaître les améliorations qui lui ont rendu l'innova-
tion acceptable.
Je n'entrerai pas, messieurs, dans d'autres détails sur les
articles 20 et 21. Ces détails arriveront plus opporLunémeut dans
le cours de la discussion à laquelle ces articles vont donner lieu,
car ils contiennent des questions trop importantes pour n'être pas
très attentivement examinés et débattus. C'est pourquoi je n'in-
siste pas davantage.
M. de Gavardie. Messieurs, je suis désolé d'avoir à poursuivre
cette lutte acharnée contre une loi que je prétends être mauvaise
au suprême degré et impraticable. Mon Dieu, par moments je
me laisse attendrir par cette honnête, cette loyale et bonne
figure du rapporteur. (Hilarité générale.) C'est vrai ! cela me
gêne. Ah ! si j'avais affaire à un autre rapporteur ! Mais « rzmic2cs
Roussel, sed magis arnica t)6 ? 'as. » Eh bien ! voyez les inconvé-
nients qu'il y a à entrer dans les détails comme vous le faites de
plus en plus dans tous vos articles ! Vous dites dès le début de
l'article 20 : « Les personnes admises dans les établissements
d'aliénés conformément aux dispositions des articles précédents. »
Par conséquent, dans les asiles publics, dans les asiles privés,
dans les maisons particulières vous devez l'entendre de cette
manière-là assimilées aux asiles privés, d'une façon générale
toutes les personnes admises dans les asiles ne le sont qu'à titre
provisoire et sont, en conséquence, placées dans un quartier d'ob-
servation !
Messieurs on peut parler librement dans ces questions-là z
il faut être véritablement étranger à la pratique de ces choses,
pour ne pas savoir qu'il y a une foule de circonstances où il ne
fautpas isoler le malade, où il ne faut pas le placer dans ce que
vous appelez un quartier d'observation ! Il faut au contraire le
laisser mêlé dans ce courant de la vie, qui peut se rencontrer
jusqu'à un certain point même dans les établissements d'aliénés !
11 y a des personnes qui n'ont qu'un coin de folie, un seul, et qui
précisément à cause de cela ont besoin de cet air ambiant de
bienveillance, de mansuétude, d'égards qui peut les ramener à la
raison ! 1
J'ai connu une personne charmante, elle était douce au suprême
SÉNAT. 109
degré, elle n'avait que ce point faible : dès qu'on prononçait
devant elle le mot d'âme ou quelque chose qui lui rappelait cette
idée, elle disait : « Moi, je n'ai pas d'âme ! » Il n'y avait que ce
point-là ! Cette pauvre femme, si vous l'aviez placée dans un
quartier d'observation, si vous l'aviez isolée, vous l'auriez rendue
absolument folle !
Je pourrais citer bien d'autres cas. Pourquoi ne pas laisser la
latitude qui était accordée par l'ancienne loi ? Vous placerez les
aliénés dans un poste d'observation, s'il y a lieu, vous ne les y
placerez pas, s'il n'y a pas lieu ; mais vous ne ferez pas aux méde-
cins de l'asile l'obligation de séquestrer immédiatement le ma-
lade ! Vous voulez éviter les séquestrations et vous en créez vous-
mêmes avec lès inconvénients moraux de la séquestration ! Je
voudrais donc que ce fût facultatif.
Vous créez ensuite, malgré le mystère qui doit couvrir ces ma-
ladies d'une nature, je puis dire sacrée car les anciens, qui s'y
connaissaient, appelaient cela la maladie sacrée vous créez
une sorte de publicité là où il y avait mystère, où il y avait dis-
crétion ! Vous faites arriver immédiatement tous ces fonction-
naires que vous créez comme à plaisir; vous faites intervenir la
justice, qui ne doit intervenir que dans de rares circonstances ;
vous créez une publicité; et vous avez beau me dire qu'on ne s'a-
dresse qu'à des hommes investis de la confiance publique, est-ce
que nous ne savons pas, dans les temps troublés comme ceux que
nous traversons, ce que deviennent, sous l'empire de cette com-
motion de la vie publique, les hommes investis ou prétendus
investis de la confiance publique ? Je pourrais citer des faits d'une
gravité inouïe ! Non, il ne faut pas, sans une nécessité absolue,
confier des mystères comme ceux-là à des hommes qui peuvent
les divulguer à un moment donné 1 Eh bien, c'est ce qui arrivera ! 1
Vous dites que dans les cinq jours- et c'est toujours par voie
d'obligations et de commandements que vous procédez dans
les cinq jours de la réception des pièces, deux membres de la
commission, dont l'un est toujours le médecin-secrétaire, doivent
visiter la personne malade...
M. Combes. C'est supprimé, monsieur de Gavardie.
M. de Gavardie. On ne nous l'a pas dit ! 1
M. CoiiBi<-.s. On a supprimé la commission permanente.
DE Gavardie. On a supprimé la commission permanente,
mais on n'a pas supprimé le secrétaire.
M. Combes. Mais si !
M. Testelin. Tout est supprimé dans la commission perma-
nente.
M. DELSOL. Il s'agit ici du médecin inspecteur.
M. le Rapporteur. Lisez : le médecin inspecteur.
110 SÉNAT.
M. de Gavardie. Eh bien, il y aune personne de moins, j'en suis
aise, mais il y en aune de trop encore.
M. Coudes. Laquelle ? : '
M. Testelin. C'est l'aliéné. (Rires.)
M. de Gavardie. C'est le médecin ! 1
M. Combes. Il y a un amendement sur ce troisième paragraphe.
M. de Gavardie. Si vous voulez le présenter, je ne demande pas
mieux ! Je me suis adressé à vous, mon cher collègue, pour ne
pas parler aussi souvent. Si vous voulez écarter la présence de
ce médecin, je vous céderai volontiers la parole.
M. Combes. Au contraire, nous voulons la maintenir.
M. de Gavardie. Je m'y oppose ! Pourquoi ce médecin, et dans
les cinq jours ? Remarquez que ce n'est pas dans les cinq jours
qu'une modification quelconque peut se produire dans l'état du
malade et, par conséquent, à côté du médecin directeur de l'a-
sile qui a la confiance du gouvernement, celui-là, et la confiance
souvent méritée du public tout entier, vous faites intervenir une
autre personne qui peut être parfaitement honorable; mais, enfin,
il y a là deux personnes, et il y en a une de trop au point de vue
du secret des familles ! Qu'est-ce que vient faire ici ce médecin ? : '
Il faut, je le répète encore, être complètement étranger à ces
matières pour ne plus savoir que ce n'est paspar une série d'inler-
rogatoires faits pendant les trois ou quatre premiers mois que
l'on peut arriver à constater le véritable état mental d'une per-
sonne ! J'ai assité à des interrogatoires de ce genre-fa; un jour, il
y avait un jeune homme distingué, écrivain, poète; on l'interro-
geait. Il s'agissait d'arriver à son interdiction; il était dans un
asile. Le juge commis pour l'interrogatoire était émerveillé de
ses réponses, et il se tournait de temps en temps vers moi, me
disant : « Enfin, nous n'avons pas affaire là à un aliéné ! » C'était
pourtant un aliéné.
Qu'est-ce qu'aurait pu constater le médecin, qui serait arrivé
là tout à coup ? Il aurait pu recevoir l'impression de ce juge et
dire : Mais enfin, nous n'avons pas affaire à un aliéné; il faut
le mettre eu liberté.
Ce jeune homme avait tellement, en apparence, la libre pos-
session de ses facultés que le médecin de l'asile, pour nous prou-
ver qu'il était véritablement aliéné, l'excitait par des questions
insidieuses et quelquefois cruelles, pour le faire sortir en quelque
sorte de ses gonds !
Les aliénés, messieurs, ne perdent pas absolument la pleine
possession d'eux-mêmes; il y en a qui ont encore assez la maîtrise
d'eux-mêmes pour ne pas éclater, il ne faut s'y tromper, dans
bien des circonstances. Voilà pourquoi il ne faut pas admettre ces
SÉNAT. il !
interventions multiples et brusques qui peuvent avoir toute
espèce d'inconvénients. Il faut s'en rapporter au directeur de l'a-
sile, après l'avoir bien choisi; il faut avoir confiance dans les
hommes.
On veut aujourd'hui changer foutes les institutions, parce qu'on
n'a pas confiance dans les hommes. On ne fait rien que de dépla-
cer et de multiplier le mal. Choisissez bien les hommes on peut
y arriver; en définitive, le corps médical en France est admira-
blement composé, rapportez-vous-en à la loi de t83S, cette loi
si sage. Un de nos honorables collègues, que j'aperçois ici, un
vieil avocat, fort expérimenté, me disait l'autre jour : « Il y a eu,
de z à 1846, une législation admirable. » C'est vrai, c'est une
période qu'on pourrait appeler la période parlementaire clas-
sique au point de vue de la confection des lois. Depuis, on n'a
rien fait que de mauvaises lois; enfin, mauvaises, c'est peut-être
aller un peu loin, mais on n'a fait que des lois qui, à un certain
point de vue, sont inférieures à celles de l'époque dont je parle.
Ne touchez donc pas à ces lois sans une nécessité absolue. La loi
de l 838 était admirablement conçue au point de vue où je me
place.
L'aliéné arrivait dans l'asile, il y était entouré de ce mystère
sacré de la famille qui doit le suivre et l'accompagner tant qu'il
n'y a pas une nécessité d'ordre supérieur pour que ce mystère
soit dévoilé. On le suivait dans le calme, sans ce bruit du dehors,
sans ces interventions de la magistrature qui ne servent absolu-
ment à rien dans une foule de circonstances; on l'observait dans
le calme et le silence et l'on arrivait ainsi à le guérir. Pas toujours
malheureusement, mais enfin on y arrivait dans la mesure du
possible. Restez donc, je vous en supplie, dans les conditions de
la loi de 1838 et rejetez sans hésitation cet article tout entier.
M. le PRÉSIDENT. Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'ar-
ticle 20 ?
M. Combes. Je demande la parole.
M. le Président. Monsieur Combes, c'est sur le troisième para-
graphe que vous désirez prendre la parole, mais sur les précé-
dents, vous ne faites pas d'objection ?
M. Combes. Parfaitement, monsieur le. président.
M. le Président. Alors je consulte le Sénat sur les deux pre-
miers paragraphes, et je m'arrêterai au paragraphe 3 pour que
vous développiez votre amendement. (Les deux premiers para-
graphes sont adoptés.)
M. le Président. M. Combes a la parole sur le troisième para-
graphe.
M. Combes. Messieurs, quand nous avons déposé, mes collègues
'112 SÉNAT.
et moi, l'amendement qui vient en délibération, nous avons du
prévoir qu'il paraîtrait à plusieurs d'entre vous une innovation un
peu hardie dans la législation et que, peut-être, il exciterait plus
de surprise que de faveur. Si nous n'avons pas reculé devant la
perspective de cette première impression, c'est que nous avons la
conscience d'affirmer une doctrine juste en elle-même et seule-
ment nouvelle ou inappliquée jusqu'ici. J'ai donc besoin, pour la
soutenir devant vous, de compter sur la bienveillante attention
du Sénat, sans me dissimuler d'ailleurs qu'en faisant appel en
ce moment à son attention je demande peut-être beaucoup dans
l'état d'agitation ou plutôt d'émotion un peu pénible et un peu
inquiète où nous nous trouvons.
M. de Gavardie. Nous sommes des sénateurs romains. (Sourires.)
M. Combes. Mais si vous consentez à m'écouter, je ne désespère
pas de vous convaincre qu'en réalité nous ne proposons rien que
de légitime, de raisonnable, de possible.
Tout à l'heure, notre honorable rapporteur, vous a indiqué que
l'amendement transporte devant le Sénat une discussion de prin-
cipe qui s'est élaborée dans le sein de votre commission, presque
dès le début de ses travaux; et la lecture qu'il vous a faite vous
a appris que l'honorable et regretté secrétaire de la commission.
dont il a fait devant vous l'éloge, éloge bien placé dans sa bouche,
se proposait de reprendre devant le Sénat, par voie d'amende-
ment, l'opinion qu'il n'avait pu faire adopter par la majorité de
ses collègues, opinion qui tendait, en définissant avec exactitude
les droits de la science médicale, à les maintenir indépendantes
aussi bien du pouvoir judiciaire que du pouvoir administratif.
La question qui a provoqué ce dissentiment et qui se présente
toujours identique à elle-même au milieu des variations succes-
sives du projet de loi, se formule de la manière suivante : A quelle
autorité, à quel pouvoir appartient-il de statuer définitivement
sur l'admission des malades dans les asiles d'aliénés ?
Pour la bien préciser, permettez-mui de prendre comme
exemple le cas où le préfet, sur la réclamation de l'administra-
tion locale, ordonne l'internement d'un sujet réputé fou et dan-
gereux. Ce serait l'a un acte d'arbitraire, si l'ordre préfectoral
n'était pas suivi d'une sorte d'enquête destinée à la justifier ou à
la redresser. Tout le monde ici est certainement d'accord pour
reconnaître que la faculté de disposer de la liberté des citoyens
ne doit pas être abandonnée à l'arbitraire de l'administration.
C'est surtout pour fortifier les garanties contre cet arbitraire que
l'opinion publique pousse depuis de longues années à la revision
de la loi de 1838 sur les aliénés.
Mais, où seront ces garanties ? Où devons-nous les chercher,
pour fonder sur de solides bases une législation nouvelle qui
SÉNAT. 113
réponde aux trois intérêts qui sont ici en jeu : l'intérêt ou plutôt
le respect des principes sans lesquels il n'y a pas d'oeuvre du-
rables; l'intérêt du malade, sans lequel tout le reste serait vain,
et enfin l'intérêt de la société, sans lequel tout deviendrait
funeste ? Pour répondre à ces questions, messieurs, demandons-
nous ce qui est ici le principal sujet des préoccupations publiques,
ce qui entretient, ce qui suscite les craintes de l'opinion.
Vous le savez; c'est le désir de concilier les ménagements que
réclame la liberté individuelle avec le traitement qu'exige l'atié-
nation mentale. Nous sommes tous unanimes dans ce désir, nous
ne différons que par les procédés. (Marques d'approbation.)
On peut violer la liberté individuelle de deux manières : ou
bien quand on enferme comme aliénés des gens qui ne le sont
pas, ou bien quand on persiste à détenir des gens qui ne le sont
plus. Dans ces deux cas manifestement, il y a abus, il y a péril,
péril extrême pour la liberté qui subsiste ou pour la liberté qui
renaît. Rien déplus généreux, rien de plus humain que de lui
procurer des appuis.
Mais, messieurs, pour que cet abus se produise, il faut qu'il y ait
erreur sur l'état d'esprit, sur la situation morale de la personne
qu'on enferme. Il faut qu'il y ait placement, dans l'asile des
aliénés, de sujets qui passent à tort pour des aliénés. Donc, pour
mettre obstacle à cet abus, il est indispensable, et il suffit que
l'état mental de la personne soit nettement établi. En sorte que
tout le débat roule sur cette question précise qui est le fond de
l'amendement. Qui donc a compétence pour déclarer avec certi-
tude si le sujet qu'on enferme est réellement un fou plus ou
moins dangereux ou un homme sain d'esprit.
Il semble, messieurs, que la question posée de la sorte ne coin-
porte qu'une réponse. Ce fou est un malade et le médecin seul a
compétence pour étudier et diagnostiquer la maladie. Il est vrai,
pour le dire en passant, qu'il n'est guère d'hommes, même parmi
les bons esprits, qui ne se croient médecins à leur heure. Chacun
dit son mot, à l'occasion, sur la maladie et pi us d'un se flatte souvent
d'avoir opéré quelque guérison. Ce léger travers qui se rencontre
si communément, même chez des gens intelligents, ne dispense
personne de convenir que le privilège incontestable du médecin,
c'est de rechercher les symptômes de la maladie et d'en discerner
la nature.
Dès lors, il semble logique de conclure qu'il appartient au mé-
decin seul de se prononcer sur l'existence et la réalité de cette
ttiste maladie que le vulgaire appelle, d'un nom général, la folie,
et sur la nécessité de l'internement comme traitement ap-
proprié.
Ah ! messieurs, qu'on serait mal venu à -révoquer en doute la
compétence des médecins quand il s'agit de la folie, d'une ma-
Arciiives, t. XV. 8
114 SÉNAT.
ladie si obscure et souvent si bizarre, de ce Protée aux mille
formes qui déroute si souvent l'eeil le plus perspicace et qui sait
d'ailleurs se dérober sous les dehors les plus trompeurs.
Ce n'est jamais sans étonnement que nous entendons des
hommes sérieux faire leurs réserves à cet égard et je puis dire
que cet étonnement est au comble quand ce sont des magistrats
messieurs, le cas n'est pas chimérique, il se présente, il s'est
présenté à votre connaissanceoui, quand ce sont des magis-
trats qui osent soutenir que le bon sens est dans ces matières un
juge pertinent, un juge presque infaillible, et que la lumière
d'une raison droite projette sur ces questions une clarté qui en
dissipe les ténèbres et qui porte l'évidence dans un esprit at-
tentif.
Ah ! messieurs, le bon sens, une raison droite, ce sont assuré-
ment des qualités sans prix dans la conduite de la vie et dans le
discernement des choses ordinaires; mais en médecine et surtout
en médecine mentale, elles ne suppléent ni l'observation des
faits ni la connaissance des lois pathologiques.
Je ne voudrais certainement pas prononcer à cette tribune des
paroles susceptibles d'avoir un retentissement fâcheux ; je ne
voudrais pas rappeler des faits comme celui de ce procureur de
la République fait relativement récent encore, et c'est pour-
quoi j'y fais allusion - le fait, dis-je de ce procureur de la Ré-
publique insistant, malgré les observations expresses, formelles,
du dnecteurde l'établissement d'aliénés, pour qu'on rendit à sa
mère qui le demandait, un jeune homme que son bon sens, à lui
procureur de la République, que sa raison droite lui faisait juger
sain d'esprit. Et, quinze jours après sa sortie, ce jeune homme
tuait sa soeur dans un accès de frénésie
Mais, messieurs, sans citer des faits je me contente d'en appe-
ler au souvenir de tous les médecins qui siègent dans cette As-
semblée ; ils me rendront intérieurement témoignage que je suis
dans la vérité.
Je prie mes collègues en général de consulter leur conscience;
elle leur dira que, quand il s'agit de médecine, ce n'est pas assez
que d'avoir du bon sens et une raison droite. Ce n'est pas au bon
sens, ce n'est pas à la raison droite que vous vous remettriez vous-
mêmes du soin de guérir votre fluxion de poitrine ou de vous dé-
livrer du choléra. Pourquoi ? C'est parce qu'aucun de vous n'ignore
que, pour avoir seulement une teinture un peu convenable de la
médecine, de longues études sont requises, des études qui s'éten-
dent à des branches nombreuses et difficiles des connaissances
humaines. (Très bien ! )
Or, je le dis hautement, je ne crains pas d'être démenti par
les médecins ici présents, la médecine mentale est une science
hérissée de difficultés et d'obstacles, même pour le médecin or-
SÉNAT. lis j
dinaire, pour celui qui ne s'est pas spécialement consacré à ce
genre d'études. Ce n'est qu'en tremblant, c'est avec une extrême
hésitation, c'est avec une absolue défiance de lui-même qu'il
aborde ces sujets quand il lui arrive d'être requis parla justice.
Ici, le bon sens et la raison sont des boussoles impuissantes.
La médecine mentale seule a le privilège de diriger le médecin
à travers les écueils dont elle est hérissée et de le conduire sûre-
ment au port.
Messieurs, votre commission était trop bien composée pour con-
tester ce privilège médical ; elle l'a toujours avoué ; elle l'a ex-
pressément reconnu par la plume de son savant rapporteur ;
mais, par un illogisme que je ne puis me dispenser de critiquer,
et qu'en l'absence de toute argumentation suivie je suis forcé de
rattacher à une sorte de timidité d'esprit ou peut-être et plutôt h
une certaine pression venanl de l'intérieur, à une pression ayant
son point de départ dans un courant erroné d'opinion, elle a re-
culé devant les déductions logiques du principe qu'elle avouait,
et, au lieu d'adjuger à la médecine mentale l'aliéné comme son
sujet naturel, l'internement comme son droit et sa prescription
légitime, elle en a fait une attribution, d'ailleurs assez indécise,
d'un pouvoir fort étranger de sa nature aux matières médicales,
du pouvoir judiciaire.
Par quel raisonnement votre commission arrive-t-elle à concé-
der le dernier mot aux magistrats dans une affaire où le médecin
seul est en état de faire entendre une parole autorisée ? Je l'ai
cherché à peu près vainement dans le travail, d'ailleurs si savant,
de M. le rapporteur.
L'honorable M. Roussel est à peine affirmatif sur ce point, et
je ne m'en étonne guère quand je songe au titre qu'il porte et à
la considération éminente dont il jouit parmi ses confrères. Tout
au plus hasarde-t-il rapidement une allusion légère à la liberté
individuelle et aux exigences de l'opinion publique. Encore, ne le
fait-il que sous forme de concession bénévole aux vues du Gou-
vernement. Retenons, cependant, messieurs, cette allusion, puis-
qu'elle contient les seuls motifs énoncés. C'est donc pour rassurer
l'opinion publique et pour couvrir la liberté individuelle que le
projet de loi préfère, dans les cas d'internement, la conscience du
juge aux lumières du médecin. Mais alors, messieurs, il reste,
dans les moyens qu'il emploie, fort en deçà du but qu'il veut
atteindre. Vous pouvez en juger vous-mêmes si vous voulez vous
donner la peine de parcourir avec un peu d'attention l'article en
question et l'article suivant.
Pour protéger la liberté individuelle qu'il suppose menacée
entre les mains des médecins, le projet de loi imagine de faire
prononcer l'internement de l'aliéné par un tribunal siégeant en
chambre du conseil, et il ne met à la disposition des magistrats,
116 SÉNAT.
pour apprécier la réalité de l'aliénation mentale, que les rapports
elles certificats des médecins qui l'attestent, c'est-à-dire qu'il
donne pour unique garantie à l'aliéné la délibération à huis clos
de trois hommes qui lui sont et lui demeurent absolument étran-
gers, qui ne le connaissent pas, qui ne le voient pas, qui le jugent
de loin, sans instruction préalable, sans comparution, sans dé-
bats, sur des pièces écrites, sur des documents techniques qu'il
est souvent aussi difficile de comprendre qu'il serait dangereux
de les contredire.
Et voilà les hommes chargés de défendre l'aliéné contre l'erreur
ou le mauvais vouloir de la médecine mentale ! Et ces hommes
n'ont pour s'éclairer, pour se guider dans leurs appréciations que
les rapports et les documents émanés de cette médecine ! Les
seuls éléments de l'opinion qu'ils se forment sur l'aliéné, ce sont
ces rapports et ces certificats qui les leur fournissent. C'est en
s'appuyant uniquement, exclusivement sur le travail du médecin
qu'ils vérifient l'exactitude de ce travail. En un mot, pour recti-
fier l'opinion du médecin, ils n'ont absolument que les affirma-
mations du médecin. Et vous appelez cela une garantie pour la
liberté individuelle ! Et vous y voyez une sauvegarde contre l'er-
reur volontaire ou involontaire de la médecine légale !
Messieurs, permettez-moi de le dire sans vouloir manquer de
respect à qui que ce soit, pas plus aux membres de la commission
qu'aux magistrats, ce serait risible si ce n'était puéril. (Très bien !
très bien ! ) Comparez, au contraire, comparez de bonne foi cette
prétendue garantie avec celle que donnent, dans tous les cas de
placements, la signature et le consentement réfléchi du médecin
inspecteur.
Le médecin inspecteur possède deux avantages associés que vous
chercherez vainement unis ensemble dans la délibération de la
chambre du conseil : de n'être pas susceptible d'erreur, au moins
dans la limite des facultés humaines, et d'être inattaquable au
soupçon. La solidité de son instruction, les épreuves profession-
nelles par lesquelles il a passé, sa compétence constatée, le pré-
servent de l'erreur. Sa position éminente dans une sphère supé-
rieure à tous les intérêts qui s'agitent, intérêts de la famille, inté-
rêts de l'asile, le met à l'abri de tout soupçon.
Oui, messieurs, il est à l'abri du soupçon. Je devine assurément
sur ce point vos réserves silencieuses. Vous vous dites que le soup-
çon ne peut pas épargner un homme seul, quelque éminent qu'il
soit; que la vertu solitaire n'est pas faite pour le désarmer.
Je sens que, pour beaucoup d'entre vous, c'est là un point faible
de l'amendement. Vous auriez, si je ne m'abuse et sije m'en rap-
porte à des conversations privées, à des confidences, vous auriez
prêté les mains à un système qui aurait consacré les droits de la
science médicale, si ces droits s'étaient exercés par un corps ou
SÉNAT. 117
une commission. Vous hésitez aies personnifier dans un homme
seul, parce que vous craignez de le désigner à la suspi-
cion publique. Ainsi, messieurs, vous faites fléchir un principe, la
vérité, l'intérêt du malade inséparable de l'intérêt de la société,
devant des scrupules qui ne sont pas même des scrupules de cons-
cience, qui sont tout au plus des scrupules d'imagination ; etvous
ne vous apercevez pas que ces scrupules sont à la fois erronés et
impuissants.
D'abord, messieurs, le médecin inspecteur qui, dans notre sys-
tème, statue sur l'internement, ne sera jamais seul. Avant le pla-
cement définitif, il y a le placement provisoire. Ce placement pro-
visoire n'a jamais lieu que sur le rapport du médecin qui soigne
le malade ou d'un médecin qui connaît la maladie. A son arrivée
dans l'établissement, le nouveau venu est soumis à l'examen et à
l'observation du médecin de l'asile, qui est tenu aussi de rédiger
un rapport pour constater son état. C'est. consécutivement à ces
deux premiers rapports, à ces deux premiers jugements, que le
médecin inspecteur se prononce à son tour.
Ainsi donc, messieurs, il ne serait pas exact de dire que, dans
notre amendement, l'acte d'internement est un acte solitaire. Il
est le résultat d'un travail pour ainsi dire collectif, d'une opinion
commune. Allez-vous accuser de connivence les trois médecins
qui y collaborent ? Le démon du soupçon possède-t-il à ce point
les imaginations qu'il englobe ces trois médecins dans une même
pensée de complicité possible ? Alors, messieurs, laissez-moi vous
dire que ce démon ne respectera rien, pas plus la justice que la
médecine, pas plus les membres du tribunal que les membres du
corps médical.
Un soupçon, pour être le moins du monde raisonnable, doit au
moins être un peu raisonné. Pratiqué comme je viens de le dire,
s'exerçant sur trois médecins qui n'ont rien de commun au point
de vue des intérêts, il fait plus que défier la vertu, il brave le bon
sens lui-même.
Vos scrupules sont donc erronés et sans fondement. Mais ce
n'est pas tout. Pour qu'ils aboutissent, pour qu'ils vous procuras-
sent une satisfaction quelconque, les magistrats à qui vous con-
fiez, contrairement aux principes et pour obéir à des scrupules,
le jugement des cas d'aliénation mentale, devraient être capables
de discerner et de prévenir le complot ourdi par les médecins.
Ils devraient pouvoir déjouer leurs desseins, combattre leur dia-
gnostic, les convaincre d'erreur. Dans le système du projet de
loi, ils ne le peuvent pas, quand même ils seraient, par suite de
connaissances exceptionnelles, en état de le faire. Vous les con-
traignez à ne juger l'état mental de l'aliéné que par les rapports
écrits par les médecins dont vous suspectez la sincérité ; s'il y a
eu erreur sur l'état mental de la personne, la même erreur sera
118 S SÉNAT.
fatalement commise par les juges qui n'ont sous les yeux que les
documents fournis par les médecins. (Très bien ! sur plusieurs
bancs.)
Mais je vais plus loin ; quand même le projet de loi autoriserait
les magistrats à sortir du cercle étroit des informations contenues
dans les rapports médicaux, à s'entourer de renseignements per-
sonnels, à étudier par eux-mêmes et par tous les moyens possi-
bles chaque cas de placement, il ne saurait vous échapper qu'ils
sont radicalement impropres à cette tâche, que tout leur manque
pour la remplir, l'aptitude professionnelle aussi bien que les con-
naissances préalables.
La conclusion qui se dégage de ces considérations, c'est que vos
scrupules ne sauvent rien, qu'ils ne remédient à rien, qu'ils ne
tranquillisent même pas vos consciences et qu'ils ne donnent à
l'opinion publique aucune satisfaction réelle, qu'ils lui donnent
seulement un semblant de satisfaction, une satisfaction dérisoire.
(Très bien ! très bien ! ) De là aussi cette autre conclusion que,
pour revenir aux principes, à la vérité, vous devez revenir au sys-
tème même de l'amendement.
Vous le pouvez, d'ailleurs, croyez-le bien, messieurs, sans mé-
contenter l'opinion publique. Si, dans le passé, quelques faits
regrettables beaucoup moins nombreux cependant qu'on ne le
dit ou qu'on ne le croit - ont alarmé cette opinion, s'ils ont
éveillé des défiances, ces défiances et ces alarmes tenaient à ce
que, dans le système de la loi de 1838, l'administration avait le
droit, sur le certificat du premier médecin venu, d'ordinaire et
souvent'le médecin de la famille, qu'on pouvait à la rigueur
soupçonner de complaisance, d'arracher à la société et de
livrer à la compagnie des fous de malheureux citoyens qui pas-
saient ensuite pour les victimes de quelque horrible vengeance
ou de quelque ignoble cupidité.
M. DE Gavardie. Ce n'est jamais arrivé !
M. Combes. J'ai pris soin de dire que les faits étaient infiniment
moins nombreux qu'on ne pouvait le dire ou le croire.
Ajoutez à cela que, même les précautions légales imaginées en
- ! 838 pour remédier à des abus possibles sinon à des abus com-
mis, ont tourné contre leur but en morcelant et en éparpillant
les responsabilités, et que, pratiquées avec une mollesse de plus
en plus croissante, elles n'ont pas tardé à tomber en désuétude.
Messieurs, l'opinion publique'ne montrera pas la même défiance,
la même susceptibilité pour le système de l'amendement, pour
un système qui ne laisse enfermés dans les asiles d'aliénés que
des sujets reconnus tels par une autorité compétente, par une
autorité triple, étrangère aux intérêts, par conséquent étrangère
aux calculs et par conséquent encore à toute suspicion ; pour un
SÉNAT. 119 9
système qui réunit dans le mandat du médecin inspecteur la pro-
tection des personnes aussi bien que la surveillance des malades;
pour un système enfin qui leur assure, pendant tout le temps de
leur internement, l'avantage d'une vigilance interrompue et d'un
bon vouloir efficace. (Approbation sur quelques bancs.) Interro-
gez-vous consciencieusement vous-mêmes et demandez-vous une
dernière fois ce que leur apportera de plus un tribunal siégeant
en chambre du conseil. (Bruit de conversations.)
M. LE Président. Veuillez faire un peu de silence, messieurs.
M. Combes. Mais, messieurs, pour qu'il leur apportât quelque
chose de plus, il faudrait que le projet de loi eût institué une
procédure distincte et indépendante de la procédure médicale; il
faudrait que le projet de loi cherchât dans une instruction, faite
à côté et en dehors de l'enquête médicale, des sources d'informa-
tion qui seraient pour cette enquête des moyens de vérification ;
il faudrait que les juges pussent, en un mot, opposer diagnostic
à diagnostic. La conception eût été certainement grotesque, mais,
en tout cas, elle eût été logique.
Vous figurez-vous sans rire des magistrats s'essayant aune étude
médicale sur un malheureux aliéné, et pouvez-vous vous repré-
senter, sans une certaine appréhension, un procureur delaRépu-
hiique comme il n'y en a pas aujourd'hui, mais comme il
pourrait en exister un jour un procureur de la République
téméraire ou juvénile, mû par un caprice, poussé par l'amour de
l'inconnu, par cet attrait d'une aventure insolite qui semble pro-
mettre quelque chose de piquant, et tentant par lui-même, sur un
aliéné quelconque, un examen grave et difficile, sans rapport
avec les connaissances de celui qui le fait et jamais sans danger
pour l'état moral de celui qui le subit ? Rien de tout cela n'existe
dans le projet de loi, fort heureusement, et je vous en félicite,
messieurs les membres de la commission. Vous avez évité l'odieux
ou le ridicule.
Mais alors, convenez de bonne grâce que vous ne gagnez rien à
maintenir l'intervention du pouvoir judiciaire. Au contraire, en
la maintenant vous risquez de jeter un peu de défaveur sur les
magistrats dont le vrai rôle pourra être méconnu, et vous risquez
aussi- ce qui vaut bien la peine d'être pris en considération
de blesser des sentiments respectables, les sentiments du corps
médical qui n'a jamais démérité, quoi qu'on ait pu dire, ni de
l'humanité, ni de la science, ni de la morale. (Approbation.)
Déjà, dans une séance de l'académie de médecine, on a émis
l'opinion que le médecin serait amoindri dans le cas où le juge
serait investi de la mission de déclarer si l'interné est ou n'est pas
aliéné.
Je tiens, pour ma part, les magistrats pour des hommes de
120 SÉNAT.
goût, surtout pour des hommes de tact et, sauf la partie
très spéciale de la physiologie où un des leurs s'est répandu en
observations pleines de finesse, je ne ferai pas l'injure de penser
qu'à l'imitation de nos commères de village ils se piqueraient de
médecine et opposeraient leur propre diagnostic aux rapports des
médecins.
Non, messieurs, je ne doute pas qu'ils n'acceptent avec défé-
rence et avec la ferme intention d'y souscrire, les vues consignées
dans ces rapports. Toujours est-il que, par l'adoption de l'article
et surtout parle rejet de l'amendement, vous leur supposeriez le
droit d'avoir une opinion propre et même une opinion contraire à
celle des hommes de l'art.
Or, messieurs, c'est toujours une chose fâcheuse, difficilement
conciliable avec la gravité naturelle du législateur, d'accorder à
des hommes une faculté quelconque, alors qu'ils ne sont libres
d'en user qu'en apparence. C'est mettre dans la loi la fiction à la
place de la réalité; c'est dégrader son caractère, c'est changer
l'oeuvre de ceux qui sont chargés de l'appliquer en une sorte d'o-
pération mécanique et fatale qui ôte quelque chose à la dignité de
leurs fonctions.
Oui, dans la situation ambiguë et embarrassante que leur fait
le projet de la commission, les magistrats se rangeront toujours
à l'avis du médecin. Mais, dans ce cas, et c'est le seul admissi-
ble, quelles garanties spéciales peuvent donc résulter de leur
intervention ? Ils enregistreront les décisions delà médecine. in-
compétents pour les contrôler, seront-ils plus compétents pour les
confirmer ?
Dans une matière où la simplicité des formes est d'autant plus
nécessaire et d'autant plus efficace qu'elle permet aux esprits in-
quiets et prévenus de démêler facilement et directement ce qui
importe, ce qui est au fond des désirs, je veux dire la certitude
d'un jugement éclairé et impartial, l'intervention sans compé-
tence des juges, substituée pour la circonstance à celle des méde-
cins, dérobe complètement à la vue, et par conséquent annihile
et déprime beaucoup trop l'intervention seule compétente de la
médecine mentale. (Très bien sur plusieurs bancs.) '
Il ne faut pas que l'opinion publique prenne le change, et elle
le prendrait au détriment de la vérité, dans le système du projet
de loi. Même dans ce système, de l'aveu de tout le monde, c'est
essentiellement le médecin aliéniste, le médecin inspecteur qui
décidera du sort des aliénés, car c'est lui qui dictera au juge sa
sentence, c'est lui qui jettera son avis, comme un poids décisif
dans la balance où la liberté de l'individu et son intérêt de ma-
lade, aussi bien que celui de la société seront mis en présence,
comparés et pesés. Voilà ce qu'il faut bien comprendre. Voilà, du
reste, ce que l'honorable rapporteur, organe de la commission,
SÉNAT. 1 U2 1
déclare expressément. C'est donc l'avis du médecin inspecteur qui
est le document capital dans la question.
J'en tire cet argument contre le système du projet de loi en
faveur de l'amendement, que toutes les formalités qui masquent
ce point diminuent à tort l'importance de ce document ; et comme
ce document est sans pareil sous le rapport des aptitudes, des
lumières, de la compétence, on nuit à son effet légitime, à la
confiance absolue qu'il doitiuspirer en le reléguant à un plan se-
condaire et en réservant tous les avantages de la perspective à des
actes de magistrat absolument dénués de toute valeur et qui n'en
acquièrent que par suite de l'existence et delà portée morale de
ce document.
En résumé, messieurs, le tort grave du système du projet de
loi est de mêler les juridictions et de confondre les compétences.
Il ne fait illusion qu'aux esprits inattentifs; il investit la magis-
trature d'un pouvoir emprunté, que, dans l'intérêt même do sa
considération, il faut éloigner d'elle.
Tous les fronts s'inclinent quand elle parle au nom du droit et
de la loi, parce qu'elle a reçu de l'ordre social le mandat de les
interpréter et qu'elle a préparé cette interprétation par des études
spéciales et préalables. Ses arrêts n'auraient pas la même force;
ils n'obtiendraient pas le même respect, si elle parlait au nom de
la science médicale, au nom d'une science qui n'a, pour elle, que
des secrets, au nom d'une science à laquelle elle ne peut s'asservir
sans déchoir, ni résister sans se discréditer. (Très bien ! sur plu-
sieurs bancs.) '
Voulez-vous maintenant, messieurs, passer avec moi de ces
aperçus un peu théoriques à quelques vues pratiques ? Voulez-
vous mettre ces idées à l'épreuve des faits ? Voyons ensemble à
l'oeuvre les tribunaux. Vous n'entendez pas, sans aucun doute,
qu'ils s'immiscent dans des points de fait médicaux, qu'ils s'en-
foncent dans les profondeurs laborieuses du diagnostic ? Quelle
sera donc leur attitude en présence de la médecine ? Voici d'abord
le procureur de la République obligé de requérir dans tous les cas
de placement d'aliénés. Songez, messieurs, qu'il ne s'agit ni d'une
contravention à poursuivre, ni d'un fait délictueux ou criminel à
qualifier, ni d'articles du code à appliquer. Il s'agit simplement
d'une folie à constater, d'un malade à interner. En l'espèce de
l'aveu de tout le monde, partisans comme adversaires de l'amen-
dement, c'est le médecin qui apprécie et qui décide. Le procureur
de la République doit se borner à prendre acte et à requérir,
c'est-à-dire à s'approprier les conclusions du rapport médical.
C'est là son rôle, son unique rôle. Je le demande : Ce rôle est-il
nécessaire, est-il digne du procureur ?
Non, messieurs, il n'est ni nécessaire ni digne. Il n'est pas né-
cessaire, parce que la réquisition du procureur de la République
122 '1) SÉNAT.
n'ajoute pas un atome à la valeur de la décision rendue par le
médecin; il n'est pas digne, parce qu'il rabaisse la majesté de la
justice personnifiée par ce magistrat aux proportions d'un commis
de greffe qui enregistre ou d'un expéditionnaire qui fait des
copies. (Approbation sur plusieurs bancs.)
M. DE GAVARDIE. Et tous les petits expéditionnaires seront mêlés
à ces graves questions, avec ce beau système-là !
M. Combes. Mais, messieurs, ce n'est pas seulement le procureur
de la République dont la personnalité morale est diminuée par le
genre de participation qui lui est dévolu d'après le projet de loi.
Que dire, encore une fois, de ces magistrats délibérant en cham-
bre du conseil, se réduisant, par conscience de leur incompétence,
à confirmer et à sanctionner les réquisitions écrites du procureur,
c'est-à-dire, en fait, le diagnostic des médecins ? Voilà donc les
chambres du conseil transformées, comme les parquets, en bu-
reau d'enregistrement. Car je n'imagine pas, je ne saurais trop le
redire, que vous attendiez des magistrats un examen pertinent
des pièces médicales.
Il ne manquerait plus, pour les achever dans l'opinion, que de
les poser légalement en disciples de Galieu ou en antagonistes des
maîtres de la médecine mentale. Ils ne sont et ne peuvent être
que des légistes, des organes du droit, des interprètes du code ;
c'est là leur terrain, c'est leur sphère d'action. Si vous les en dé-
placez, vous portez atteinte à leur autorité morale, vous imprimez
à leur caractère une indécision regrettable.
De deux choses l'une : ou bien vous les rapetissez, en subalter-
nisant leurs fonctions nouvelles, en ne leur donnant qu'à contre-
signer la prescription du médecin, ou bien vous dénaturez leur
rôle public; vous en faites des personnages à double aspect, mi-
partie juges et mi-partie médecins ; vous leur ôtez en autorité
morale beaucoup plus que vous ne leur conférez en pouvoir.
Dans le premier cas, vous multipliez inutilement les formalités
légales du placement des aliénés ; dans le second cas, vous ne
créez absolument qu'une fiction, qu'une illusion, sans honneur
vrai pour les magistrats, sans profit aucun pour la société et le
malade. (Très bien ! sur plusieurs bancs.)
Encore est-il nécessaire de faire observer que si l'intervention
du pouvoir judiciaire dans les cas de placement des aliénés mulli-
plieinulilement les formalités légales, elle ne les multiplie pas
impunément. Elle aboutit, par la force même des choses, à un
accroissement du nombre et des sièges des magistrats.
Il est certain qu'en exigeant, dans tous les cas de placement
d'aliénés, des réquisitions écrites du procureur de la République
et un jugement de la chambre du conseil, vous augmentez dans
des proportions considérables le travail des parquets et des tribu-
SÉNAT. d23
naux. Déjà le docteur Blanche, que l'académie de médecine avait
chargé de lui faire un rapport détaillé à ce sujet, avait sagement
entrevu et signalé les conséquences de ce système. La remarque
de M. Blanche s'appliquait, il est vrai, dans toute son étendue, au
projet de loi primitif. Elle avait paru si décisive et si convaincante,
que votre commission, pour en éluder la force, avait eu recours à
une combinaison artificielle.
Cette remarque frappe moins, j'en conviens, le nouveau projet,
mais elle n'en conserve pas moins une partie de sa force. N'est-ce
rien effectivement, comme emploi et comme perte de temps, que
ces réquisitions obligatoires des parquets ? N'est-il pas évident
que la loi les voudra aussi sérieuses, aussi bien étudiées qu'elles
peuvent l'être dans l'espèce, pour les rendre dignes le plus pos-
sible et du magistrat qui les présente et des magistrats qui les
reçoivent ?
Mais c'est surtout pour les tribunaux que la remarque du doc-
teur Blanche porte coup. N'oublions pas, messieurs, que la der-
nière loi sur la magistrature les a réduits partout au minimum
de membres nécessaire. Comment concilier leurs devoirs essen-
tiels et le temps que ces devoirs exigent, avec le nombre immense
de cas d'aliénation qui vont leur être soumis si vous adoptez les
dispositions du projet de loi ?
Pour le département de la Seine, M. le rapporteur estime à
3,000 environ les jugements qui seront rendus annuellement en
cette matière. Le même chiffre a été reproduit l'autre jour à la
tribune par M. Bardoux. Assurément, il faudra créer au tribunal
delà Seine plusieurs chambres du conseil pour s'occuper exclusi-
vement des aliénés.
Pour les autres départements, le même surcroit de besogne, la
même nécessité impérieuse d'accroître le nombre et les sièges
des magistrats se feront également sentir. D'après les statistiques
consignées dans le travail de l'honorable M. Roussel, le mouve-
ment annuel des entrées dans les hospices varie beaucoup de dé-
partement à département. En 1881, il a été dans le département
du Rhône de 691 ; dans les Bouches-du-Rhône, de 395 ; dans
l'Aisne, de 189 ; dans l'Ariège, de 90 ; et enfin, dans la Lozère, qui
est au bas de l'échelle, de 26 seulement.
Ainsi, l'accroissement de travail pour les tribunaux se répartira
d'une façon fort inégale sur les départements, et dans les dépar-
tements, sur les arrondissements. Les uns souffriront plus, les
autres moins de ce surcroit d'occupations. Pour quelques-uns,
comme la Lozère, la charge sera à peine sensible; pour d'autres,
comme le Rhône, elle sera très lourde. En somme, ce n'est pas
forcer les évaluations que de porter à 15,000 eu moyenne les en-
trées provisoires ou définitives dans les asiles qui auront lieu dans
une année. En 1877, elles ont été de 13,345; en 1878, de 13,434 ;
124 li SÉNAT.
en 1879, de 13,3 in; en 1880, de Ifi,â35; et enfin, en 1881, de
11,616. On peut prendre une moyenne; c'est celle que j'ai indi-
quée, 45,000 environ. Songez-y : 15,000 réquisitions écrites des
procureurs de la République, l,000 jugements des chambres du
conseil; et pourquoi tout cela ? Pour une formalité qui ne peut
être que vaine ou fâcheuse : vaine, si elle respecte les compéten-
ces ; fâcheuse, si elle altère dans l'opinion publique le caractère
des magistrats. (Très bien ! sur quelques bancs.) Ainsi, messieurs,
plus on pénètre dans le projet de loi, plus les objections et les
difficultés s'accumulent.
Dès qu'on écarte la solution la plus naturelle et la plus simple,
I,t question se complique d'inconvénients. C'est là un inconvé-
nient que d'accabler de travail certains parquets et certains tri-
bunaux ; c'est un autre inconvénient, à un autre point de vue, au
point de vue financier, que de ne pouvoir les soulager sans créer
de nouveaux sièges et sans accroître le personnel. On viole un
principe supérieur, le principe de la compétence, sans en retirer
aucun bénéfice, soit matériel, soit moral.
Messieurs, je soumets celte considération, qui me parait domi-
nante, aux réflexions du Sénat. Nous avons traité dans cette en-
ceinte des questions nombreuses, qui touchaient à des juridic-
tions diverses, et qui, par la multiplicité de ces points de contact,
provoquaient et expliquaient des divergences d'opinions.
En pareil cas, quelle a été la règle déterminante de nos juge-
ments ? A quel principe avons-nous ramené sans cesse la question
débattue ? N'est-ce pas à la compétence ? Et, pour généraliser,
qui niera que dans les questions complexes où plusieurs pouvoirs
se disputeront une attribution, c'est le seul pouvoir capable d'ar-
cuer d'une compétence incontestée qui demeure investi de l'attri-
bution douteuse ? Cette règle si sage s'applique également au cas
qui nous occupe. (Approbation sur plusieurs bancs.)
Permettez-moi de poser une dernière fois la question avec
netteté : elle sera résolue par cela même. Voici un homme
suspect qu'on propose d'enfermer : qui devra prononcer sur son
sort ? La magistrature ou la médecine ? La magistrature, s'il est
suspect de délit ou de crime; la médecine, s'il est suspect de ma-
ladie. Le partage des attributions est manifeste ; le sophiste le plus
hardi perdrait sa peine à le contester. Confier à la magistrature
l'examen d'un aliéné, c'est commettre la même erreur que de
transférer à la médecine la poursuite et le jugement d'un crimi-
nel. (Très bien ! ) On ne fortifie pas une juridiction en l'étendant
au delà de ses limites naturelles. C'est faire àla magistrature un
présent funeste que de l'introduire, par une exagération de ses
d roits, dans une matière qui échappe à son domaine propre. (Nou-
\eiie approbation sur quelques bancs.)
Et ce n'est pas la médecine seule qui proteste contre cet abus ;
BIBLIOGRAPHIE. 125
c'est le bon sens lui-même ; c'est aussi le principe supérieur qui
donne à l'idée de justice, que la magistrature représente, toute
son autorité ; c'est enfin, messieurs et je suis sûr que cette con-
sidération vous toucheral'intérêt de cette institution sociale
qui, pour être souverainement respectée, doit se montrer souve-
rainement respectable, et qui le serait beaucoup moins si, en sor-
tant, de sa compétence, comme le lui demande le piojet de loi,
elle se prêtait par faiblesse ou par ambition à des empiétements
sur les droits d'autrui. (Très bien ! très bien ! )
(A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE
I. De l'épilepsie Jacksonnienne ; par le Dr E. Rolland.
Aux bureaux du Propres médical. Paris, 1888.
En proposant ce sujet de prix la Société de médecine et de chi-
rurgie de Bordeaux a eu une heureuse idée, car l'épilepsie partielle
n'avait pas encore de monographie et son histoire était éparse
jusqu'ici. Le mémoire de M. Rolland qu'elle a couronné comble
assez bien celte lacune. Après avoir rappelé les principales no-
tions d'anatomie et de physiologie cérébrales nécessaires pour
l'intelligence du sujet, l'auteur nous donne un historique complet
quoique rapide de la question, puis en arrive à la symptomatolo-
gie qui est traitée très en détail et dans laquelle il résume claire-
ment toutes les opinions et les travaux des auteurs, tant en
France qu'à l'étranger. Mais pourquoi, dans un travail où l'origi-
nalité n'a rien à avoir et où le but principal parait être de pré-
senter un tableau complet de la question, l'auteur met-il décote,
presque de parti pris, certains points dont l'importance est ce-
pendant considérable ? L'épilepsie hémiplégique, à laquelle sont
attachés les noms de Bravais, Lourneville et de sou élève
M. V'uillamier, constitue dans l'épilepsie partielle un classe à part
à physionomie propre, à évolution spéciale, et non moins intéres-
sant au point de vue anatomo-pathologique qu'au point de vue
clinique. Aussi ne comprenons-nous pas pourquoi l'auteur se con-
tente de la signaler seulement en passant, et n'y insiste même
pas quand il traite des variétés cliniques de l'épilepsie Jackson-
nieune. Son étude lui aurait peut-être permis de traiter d'une
façon plus complète la physiologie pathologique de l'épilepsie
partielle.
126 BIBLIOGRAPHIE.
Par contre le côté anatomo-palhologique est un des bons cha-
pitres et il renferme un tableau de 109 observations d'épilepsie
Jacksonmenne où les lésions sont mises en regard des symptômes
observés, et qui permet à l'auteur de conclure que les lésions
déterminantes de l'épilepsie partielle ne siègent pas nécessaire-
ment au niveau des centres moteurs correspondant aux muscles
exclusivement ou primitivement convulsés. Quant au traitement
on ne doit pas hésiter devant la trépanation quand le début des
convulsions est nettement déterminé. Travail utile à consulter en
somme et qui résume bien l'état actuel de la question. P. S.
II. Le somnambulisme provoqué; par Beaunis, professeur à la Faculté
de médecine de Nancy. J.-B. Baillière,Paris, 1886.
L'ouvrage comprend deux parties, la première physiologique,
la seconde psychologique. Dans l'une comme dans l'autre l'auteur
se mettant en quelque sorte en dehors de toute école, se borne à
nous rendre compte de ses expériences sur le somnambulisme
provoqué. Ce n'est donc pas là un livre dogmatique, mais une
étude originale, pleine de documents, dont la lecture est des plus
intéressantes. Beaucoup de points sont nouveaux, tels par exemple
que les recherches dynamométriques, sur l'acuité auditive, surle
temps de réaction des sensations auditives et tactiles pendant la
veille et le sommeil, qui tiennent la plus grande place dans la
partie physiologique. Mais il est regrettable que l'auteur ait com-
plètement omis de rapporter, ne fût-ce que pour les discuter s'il
le jugeait à propos, les résultats obtenus par l'école de la Salpê-
trière. Bien que différant un peu de ceux de l'école de Nancy ils
n'en sont pas moins réels et on doit en tenir compte, quelle que
soit l'interprétation qu'on veuille leur donner. Quant à la par-
tie psychologique, l'auteur en résume lui-même le but en disant
dans ses conclusions qu'il a voulu montrer combien l'hypnotisme
est utile pour la connaissance des fonctions intellectuelles et
comment il fournit aux philosophes ce qui leur manquait jus-
qu'ici, un procédé d'analyse des phénomènes de conscience et
une véritable méthode de psychologie expérimentale. On s'en
convainc facilement en lisant le grand nombre d'expériences in-
génieuses qu'a imaginées l'auteur pour l'étude des suggestions,
des hallucinations suggérées, de la spontanéité et de l'état men-
tal dans le somnambulisme provoqué. P. S.
Il[. Hypnotisme, double conscience et altération de la personnalité ;
par le D Azam, professeur à la Faculté de médecine de Ror-
deaux, avec une préface de M. le professeur Charcot. Chez
J.-B. liaillièi-e, Paris, 1887.
Ce livre est le résumé des études qu'a pu faire le Dr Azam sur
BIBLIOGRAPHIE. 127 -1
un sujet des plus intéressants, présentant ce qu'on a nommé le
dédoublement de la personnalité ou la double conscience et dont
l'histoire a fait beaucoup de bruit autrefois. L'observation de
Félida X... le sujet en question a été prise pour la première fois
en 1858 et suivie depuis cette époque. A cet égard elle présente
donc un intérêt considérable; mais elle a, en outre, un véritable
intérêt historique car à l'époque où M. Azam relatait ces faits, les
résultats de Braid n'avaient pas encore acquis droit de cité chez
nous comme aujourd'hui et il y avait presque du courage pour
un médecin à oser en soutenir la réalité. C'est à l'âge de quatorze
ans et demi que Félida X... a commencé à présenter les phéno-
mènes que nous rapporte le Dr Azam. Ces phénomènes, qui se
sont accompagnés d'accidents hystériques, doivent être ratta-
chés à l'hypnose hystérique. Sans cause le plus souvent Félida
tombait dans une profonde torpeur ressemblant au sommeil
et qui durait environ dix minutes. Au bout de ce temps elle se .
réveillait mais se trouvait alors dans un état second caractérisé
par de la gaieté, une plus grande activité. Dans son état ordi-
naire elle perd le souvenir de toutes ses périodes d'état second,
ce qui, on le comprend, trouble singulièrement son existence.
Son caractère devient en même temps sombre et triste. Ces pé-
riodes de condition seconde qui étaient d'abord très courtes ont
fini par égaler celles de l'état ordinaire, et enfin par les dépasser
et remplir presque toute l'existence. On ne peut regretter qu'une
chose dans cette consciencieuse observation, c'est que l'état soma-
tique dans les deux états de la personnalité n'ait pas été pris avec
le même soin que celui de l'esprit et de la mémoire, Le Dr Azam
cite plus brièvement un second cas analogue qu'il a été à même
d'observer chez un jeune homme pendant plusieurs années aussi,
et il termine par quelques considérations sur les altérations de la
personnalité dues à un état morbide des facultés intellectuelles
ou à des névroses dans lesquelles il rapporte succinctememt les cas
semblables actuellement connus. P. S.
IV. Le monde des rêves; par Max SIMON,. médecin en chef à l'asile
de Bron.2° édition. 1 vol. in-8°. Paris, J.-B. Baillière, 1888.
Si cet ouvrage n'en était à sa seconde édition on pourrait
craindre que son titre, qui ressemble plus à celui d'un roman,
qu'à celui d'un livre de science, lui fit du tort. Et cependant, dans
un sujet qui prête si facilement à des digressions plus fantaisistes
que positives, l'auteur a su au contraire se tenir constamment
sur le terrain de l'observation scientifique, sans chercher à don-
ner à tout prix une explication à des faits qui ne lui apparaissaient
pas clairement démontrés. Il cherche à montrer que le souvenir,
l'imagination, le rêve, l'hallucination, qu'on considère comme
128 BIBLIOGRAPHIE.
des étals distincts, ne présentent que des différences de degré et
se produisent presque par le même mécanisme. Il étudie en
même temps l'origine de nos rêves et leurs rapports avec notre
organisme. Il procède avec la même méthode d'observation rigou-
reuse dans l'étude de l'hallucination et de l'illusion et recherche
le mécanisme du somnambulisme et de l'hypnotisme. On est
tenté dans un pareil sujet de fournir des exemples personnels en
trop grand nombre. L'auteur a su éviter cet écueil, et quand il se
cite lui-même c'estpour chercher à éclairer ou à résoudre quelque
punit encore obscur pour lequel l'observation de soi-même dans
un but de recherches déterminé est souvent indispensable. Aussi
cet ouvrage, bien que venant après bien d'autres sur le même
sujet, ne fait-il pas double emploi avec eux et sera-t-il consulté
avec fruit par tous ceux qui s'occuperont de ces questions de psy-
chologie physiologique. P. S.
V. Contribution ci l'élude de la pathogénie deslYu·ltes péri7eériycces;
par Gnimoi)ji ? Th. Paris, 1887.
L'influence qu'exercent les lésions des nerfs périphériques sur
le développement de certaines affections, après avoir été longtemps
méconnue, acquiert actuellement une importance considérable
dans la neuro-pathologie. Après avoir attribué aux lésions cen-
trales seules la pathogénie des accidents nerveux, on considère
maintenant les lésions périphériques comme un facteur des plus
communs, à ce point qu'il semblerait qu'on tombe dans l'excès
contraire. Le travail de M. Grimodie tend à réagir contre cet
entraînement en essayant de démontrer la possibilité de rattacher
la plus grande partie des névrites périphériques, dites spontanées,
à une altération primitive des méninges spinales. Un premier
chapitre est consacré à l'historique de la question; les premiers
faits appartiennent à Dnplay et Morat, et c'est aux travaux tout
récents du docteur Déjerine et de l'école de la Salpêtrière que l'on
doit d'avoir mieux compris l'importance et la portée de cette
catégorie de lésions. Les travaux de WesLpliall, d'Erb, de Mayor,
de Ureschfeld, de Ballet, de Marie sont également cités; mais nous
sommes étonnés que l'auteur n'y ait pas fait mention des intéres-
santes publications de MM. Pitres et Vaillard. Le mode d'évolu-
tion anatomique et clinique des névrites périphériques fait l'objet
d'un second chapitre : les notions écologiques y sont exposées
avec soin, mais la partie clinique pure nous parait insuffisamment
traitée. Les névrites siégeraient le plus souvent aux membres
inférieurs, et n'entraîneraient pas comme conséquence nécessaire
des troubles notables dans les fonctions de motricité ou de sensi-
bilité : elles évolueraient d'ordinaire en trois périodes, l'une de
début caractérisée par la prédominance des troubles de sensibilité,
BIBLIOGRAPHIE. 123
l'autre d'état dans laquelle s'observent des troubles moteurs et
trophiques, la dernière s'accompagnant de parésie et d'atrophie.
Quant aux altérations anatomiques, on constate tantôt des lésions
des nerfs seuls, tantôt des lésions concomittantes des racines, et
des méninges rachidiennes, et ces divergences se rencontrent
dans des cas dans lesquels les conditions restent en apparence les
mêmes. L'auteur cherche, dans l'interprétation de quelques obser-
vations et d'expériences sur les animaux, la raison d'être de ces
divergences anatomiques et de ces différences cliniques. Les expé-
riences ont porté sur les sciatiques de cobayes et de lapins, et ont
d'abord consisté en divers traumatismes : élongation, écrasement
du nerf. Les animaux étaient sacrifiés à diverses périodes de
temps après l'opération. Après l'élongation, au début, on observe
de la névrite (parenchymateuse) périphérique étendue à presque
toute la longueur du nerf; au bout d'une quinzaine de jours la
restauration commence à s'effectuer à partir du bout central,
finalement la névrite reste confinée aux extrémités. D'autres
expériences ont ensuite consisté en la ligature du nerf, et l'injec-
tion dans sa continuité de poudre de lycopode et d'huile de croton.
Les résultats les plus intéressants sont fournis par l'injection de
la solution au centième d'huile de croton dans la gaine du nerf,
à la dose de deux ou trois gouttes. Les troubles parésiques, sensi-
tifs et trophiques apparaissent très rapidement. Il se produit une
névrite ascendante et bientôt une myélite légère. Ce qu'on doit
retenir de ces expériences, c'est surtout le fait de la régénération,
par suite duquel souvent la lésion primitive a disparu alors que ses
conséquences sont encore manifestes. Les observations indiquent
la coexistence de lésions médullaires représentées par de la ménin-
gite et de la névrite radiculaire postérieure ou antérieure, avec
les névrites périphériques. On s'expliquerait ainsi la possibilité
dans ces cas de troubles sensitifs ou moteurs indépendants, suivant
que les racines antérieures ou postérieures sont atteintes; on
comprendrait également le mode d'évolution des névrites ; enfin
la possibilité de la restauration de la lésion primitive permettrait
de concevoir qu'on observe l'intégrité des racines dans certains
cas, cette réparation suit les lois de la dégénérescence vallérienne.
En somme, l'auteur conclut que les névrites dites spontanées
ne sont point indépendantes de toute lésion des centres, mais
peuvent être rattachées dans la plupart des cas à une méningite et
à la névrite radiculaire postérieure, puis antérieure qui en est la
conséquence. Paul 13LOCQ.
VI. Le Corps et l'Esprit. Attioet du moral et de l'iiiiagiiiotion
sur le physique ; par Hacn Tuke.
Ce livre dont M. Parant nous donne la traduction date de 1872
Archives, t. XVI. 9
130 BIBLIOGRAPHIE.
et a eu déjà les honneurs de la seconde édition en Angleterre.
.C'est en majeure partie un recueil de faits anciens ou modernes,
rapportés soit par des savants, des médecins, soit par des histo-
riens, et souvent même seulement par des personnages dignes de
foi et destinés à montrer les effets que peut produire l'esprit sur
le corps. Pour Hack Tuke l'esprit comprend trois éléments : l'in-
telligence, l'émotion et la volonté. L'auteur examine successive-
ment l'influence que peut exercer chacun de ces trois états sur le
corps, c'est-à-dire sur les sensations, les mouvements et les fonc-
tions organiques, les sens spéciaux étant compris dans cette der-
nière catégorie. Il montre comment ces différents éléments, intel-
ligence, émotion, volonté, produisent tantôt l'hyperesthésie, tantôt
l'anesthésie, tantôt des perversions ou de la douleur; leurs rap-
ports avec les muscles volontaires qui, suivant le cas, se contrac-
tent ou se relâchent régulièrement, ou d'autres fois se contractent
..en produisant des spasmes, des convulsions, ou au contraire sont
paralysés. Même étude pour les muscles involontaires et pour les
.diverses fonctions organiques. A l'appui de ce qu'il avance, il rap-
porte une foule de faits plus ou moins scientifiques mais toujours
intéressants et qui ont dû demander un travail considérable pour
être rassemblés d'abord et être classés ensuite. Il était naturel de
songer à utiliser cette influence de l'esprit sur le corps dans le
traitement des affections nerveuses et même des affections orga-
niques. La quatrième partie de l'ouvrage est toute d'actualité,
car elle traite de la psychothérapeutique. Ce ne sont pas les
pages les moins intéressantes et les moins instructives, remplies
qu'elles sont de préceptes utiles au médecin dans ses rapports
avec le malade. L'auteur conseille d'employer le braidisme
dans beaucoup de cas, même dans les maladies organiques, et
professe un scepticisme légèrement ironique à l'endroit de la
thérapeutique médicamenteuse qui est plus d'une fois justifié.
P. S.
Vil. Etiologie des Psychoses; par P. RiBAUX. Thèse de Bâle, 4887.
, Paris, Henri Jouve, éditeur.
La nature toute hypothétique de l'étiologie des psychoses est
prouvée par le grand nombre de causes que les auteurs se sont
adonnés à rechercher pour les expliquer. Dans la lésion des cellules
cérébrales doit certainement résider toute l'expression de la ma-
ladie. Mais quelle est cette lésion ? - Les différents facteurs jouant
un rôle dans l'étiologie sont divisés en causes internes et causes
externes, qui se subdivisent elles-mêmes en causes primaires et
causes occasionnelles.
En psychiatrie, cette étude est environnée de difficultés; tel
BIBLIOGRAPHIE. 131
moment étiologique qui, dans un 1 cas est occasionnel, dans un
autre deviendra primaire etvice-versâ. Et il est parfois très difficile e
d'attribuer à chacun d'entre eux leur valeur réelle. D'autre part,
ce n'est pas une seule cause qui agit, elles sont nombreuses ; il y a
donc cumulation. Enfin avec les individus, les causes agissent d'une
façon plus ou moins différente. C'est ainsi que telle émotion
morale influera sur l'un et développera en lui des troubles men-
taux, tandis qu'un autre pourra réagir.
L'auteur divise les causes en : 1 ° prédisposition ; 2° moments.
étiologiques généraux ; 3° moments étiologiques individuels.
4 Prédisposition. Le cerveau plus développé des hommes civilisés
est, par son exercice même, prédisposé à contracter des maladies,
d'autant plus,si lasommed'aliments réparateursnerépond pas à la
somme de travail fournie. Il doit y avoir une prédisposition de la
cellule cérébrale à être lésée et les troubles psychiques ne se mani-
festent que chez l'adulte, alors qu'il n'y aplus, comme chez l'enfant,
de cellules à l'état de formation, qui contrebalancent l'influence
néfaste des cellules malades. C'est dans les villes que la pro-
portion des aliénés est plus grande; enfin, un grand nombre
d'individus, originaux, bizarres, nerveux, peuvent dans des cir-
constances données, devenir de véritables aliénés.
2o Moments étiologiques généraux. Dans la statistique du Dr Ri-
baux qui porte sur 1309 cas, on remarque, au point de vue du
sexe, que ce chiffre comporte 775 hommes et 534 femmes. L'âge
comportant le plus de cas est celui de trente à quarante ans, puis
de quarante à cinquante, enfin de cinquante à soixante. Chez les
femmes, c'est surtout de trente-six à quarante. Parmi les
métiers, on voit l'aliénation plus fréquente chez les artisans et les
femmes de ménage (<42), puis chez les journaliers (139) et les
ouvriers de fabrique (88). Parmi les religions, on trouve les juifs
plus prédisposés, puis les protestants, enfin les catholiques en
dernière ligne.
3° Moments étiologiques individuels. La principale de ces causes
est l'Hérédité. L'hérédité directe a été constatée chez 59,4 p. 400
des hommes et 64,15 p. 400 des femmes. L'hérédité indirecte,
4 6,7 p. 100. L'hérédité paternelle domine, surtout pour les fils.
Toutefois, en retranchant les cas d'alcoolisme chez le père, on
trouve Une prédominance chez la mère. Le nervosisme constitue
une prédisposition des plus fréquentes (6,32 p. 400).
Il reste à examiner un certain nombre de causes prédisposantes.
L'auteur nous montre comment certaines causes, qui lorsqu'elles
sont permanentes sont des causes prédisposantes, mais qui, si elles
se produisent subitement, deviennent de véritables causes occa-
sionnelles : l'alcoolisme chronique, l'alcoolisme aigu. Ces causes
se divisent en causes psychiques et causes somatiques. Parmi les
132 BIBLIOGRAPHIE.
premiers, on trouve comme plus influents, les chagrins, les soucis
(24,21 p. 4 00), les travaux intellectuels exagérés (24 p. 100).
Les Causes Somatiques sont bien nombreuses. Parmi elles, chez
la femme surtout, on voit les causes physiologiques (puberté,
grossesse, lactation, etc.) présenter une fréquence de 30, î5 p, 100.
La mauvaisenourriture, lamisère (4,9 p. 100)la fatigue ( ? 42 p 100)
et surtout l'onanisme et les excès sexuels (8 p. 100) sont, on le
voit, des causes qu'il faut mentionner.
Les intoxications aiguës ont une proportion très faible, mais
les empoisonnements chroniques et, en premier lieu, l'alcoolis-
me fournit un chiffre de (32,33 p. 400 avec une proportion de
5 ? 68 p. 100 chez les hommes. Parmi les affections cérébrales,
l'auteur a trouvé 17 cas d'affections des méninges, et 5,6 p. 100
de blessures de tête.
Les affections de l'organe de l'ouïe donnent un chiffre de
1,22 p. 100 ; l'érysipèle de la face et du cuir chevelu un chiffre de
1,32 p. 400.
Parmi les affections nerveuses antérieures, nous trouvons l'épi-
lepsie avec une proportion de 10,89 p. 100, l'hystérie avec une de
9,13 p. 100 dont 19,03 p.100 chez les femmes. Les lésions du coeur
et du poumon présentent un chiffre de l 87 p. 100, les troubles
digestifs celui de ? ,91 p. 100, enfin, ceux de l'appareil génilo-
urinaire 0,98 p. 400 chez les hommes, 6,27 chez les femmes.
Le rhumatisme articulaire a été observé 24 fois, les phlegmons
et les phlébites 7 fois. Nous trouvons une proportion de ,5î p. 10 1
pour la fièvre typhoïde, et pour les autres affections générales
de : 0,91 p. 100. Parmi les maladies chroniques constitutionnelles,
la chlorose et l'anémie offrent un chiffre de 7,99 p. 100, dont
13,60 p. 100 pour les femmes, la tuberculose un de : 6,32 p. 400 ;
et la syphilis 4,20 chez les hommes.
En additionnant le nombre des causes réparties dans cette statis-
tique, on voit que 397 causes psychiques et 1748 causes somatiques
sont incriminées. Les dernières ont donc, dit l'auteur, une influence
bien plus considérable sur le développement des psychoses que
les premières. Il est bon toutefois de se rendre compte, que
beaucoup de moments étiologiques énumérés dans cette étude
n'ont peut-être pas influé sur la production des maladies men-
tales, et qu'elles sont, pour ainsi dire, noyées au milieu d'autres
causes, celles-là vraiment actives. A. RAOULT.
VIII. Contribution à l'étude de la maladie cdel3asedow;
par M. Sainte-Marie. Th. Paris, 1880.
M. Sainte-Marie a observé deux malades atteintes de la maladie
de Basedow, dont l'une était en même temps affectée de scléro-
BIBLIOGRAPHIE. 133
dermie et l'autre était porteuse d'un pseudo-lipome sus-clavicu-
laire. Sont-ce, comme il le prétend, des symptômes possibles de
la maladie ? Il est permis d'en douter et de ne voir là qu'une
coïncidence, ou même une association, qui n'a rien qui doive éton-
ner. L'auteur donne avec ces observations un résumé des formes
frustes dont les éléments sont puisés dans le travail de M. Marie,
auquel il n'ajoute rien. P. B.
IX. Essai sur les amnésies toxiques ; par CàcàRRiÉ.
' Tti. Paris, 1887.
Dans ce travail inspiré par le Pr Bail, l'auteur se propose d'étu-
dier les troubles de la mémoire d'origine toxique en eux-mêmes
et quant aux rapports qu'ils affectent avec d'autres troubles psy-
chiques. Tout d'abord les amnésies toxiques formeraient un groupe
nosologique bien distinct, à caractères étiologiques et cliniques spé-
ciaux. L'amnésie toxique est précédée d'hypermnésie, a une forme
progressive et s'arrête lorsque l'intoxication cesse; elle s'accom-
pagne enfin de troubles psychiques : affaiblissement de l'attention et
de la volonté. Ceci dit pour les amnésies toxiques en général, l'au-
teur s'occupe des amnésies toxiques en particulier. A ce point de
vue une division s'impose tout d'abord ; les amnésies sont dues à des
toxiques végétaux ou minéraux; dans ce dernier cas on n'observe
pas d'hypermnésie. Les divers poisons sont ensuite passés en
revue. Le plomb amène une amnésie grave, le mercure un alfai-
blissement progressif de la mémoire, le sulfure de carbone une
amnésie peu intense, l'oxyde de carbone une amnésie accidentelle,
la nilro-benzine un peu d'affaiblissement de la mémoire. Le tabac
produit peu d'excitation et peu d'amnésie , l'alcoolisme aigu déter-
mine une amnésie complète temporaire, l'alcoolisme chronique
amène un affaiblissement progressif. Il n'y a, comme on le voit
par ce court aperçu, rien que de banal dans ce travail, si l'on en
excepte quelques observationsintéressantes dontl'auteur ne semble
pas avoir su tirer parti. P. B.
X. De l'asphyxie locale des extrémités envisagée comme symptôme;
par F. Bourrelly. Th. Paris, 1887.
La maladie de Raynaud ne serait pas une affection spéciale,
mais un syndrome reconnaissant plusieurs origines; telle est la
tlièsesuutenueparAl. Bourelly. Il existerait cependant une asphyxie
locale, idiopathique, rare il est vrai, et qu'on pourrait appeler
constitutionnelle. Mais le plus souvent on observe le complexus au
cours de diverses affections : l'uupaludisme, la glycosurie, le mal
134 BIBLIOGRAPHIE.
de Bright, l'artério-sclérose, les cardiopathies, le rhumatisme.
Cette opinion ne s'appuie sur d'autres preuves que : l'apparition
de l'asphyxie locale des extrémités pendant la durée de l'une de
ces maladies. Sans vouloir ici discuter ces conclusions, il nous
paraît que la seule affirmation de M. Bourelly ne saurait trancher
la question, P. B.
XI. Traumatisme et Neuropathie ; par M. C. Bataille.
Th. Paris, 1887.
S'il est une question intéressante en neuro-pathologie, c'est à
coup sûr celle des rapports que peuvent avoir les maladies du
système nerveux avec le traumatisme. Les récents travaux de
M. Charcot sur l'hystéro-traumatisme, lui donnent un regain d'ac-
tualité, qui n'a pas peu contribué à diriger dans cette voie
nombre d'observateurs. La thèse de M. Bataille a particulière-
ment en vue de chercher à déterminer le rôle du traumatisme
dans la genèse des maladies nerveuses; toutefois, l'auteur étudie
aussi l'influence des névropathies sur les opérations. Dans les faits
de paralysie générale, l'étude minutieuse des antécédents montre
que les coups sur la tête, qu'on retrouve souvent au début de cette
affection, ont seulement mis en jeu une prédisposition héréditaire
latente. Il existe un assez grand nombre de cas d'ataxie loco-
motrice qu'on a vus se développer peu de temps après un trauma-
tisme, entre autres ceux de Horn, Leyden, Charcot, Lockart-
Clarke, L. il. Petit, Straus. Le rôle du traumatisme est réel car
les premiers symptômes ont suivi sans interruption; toutefois il
s'est toujours agi d'hommes âgés de quarante à cinquante ans, de
plus la marche de la maladie a affecté son allure habituelle, en
sorte qu'il semble qu'ici aussi le traumatisme n'a fait qu'éveiller
la prédisposition spéciale héréditaire existant suivant une règle
presque absolue chez les tdbétiques. On'a vu, rarement à la
vérité, la paralysie agitante débuter à la suite de traumatismes
légers ; mais dans les cas où les antécédents ont été nolés, il n'est
pas douteux que, dans ce cas aussi, l'unique cause est l'hérédité.
Il en serait de même de la chorée dont il existe quelques exemples
consécutifs à un traumatisme. L'origine traumatique de l'épi-
lepsie a été soutenue par quelques auteurs, notamment par Dela-
siauve ; de plus, M. Brown-Sequart a pu déterminer expérimentale-
ment des atiaques épileptiques par des excitations périphériques,
peu comparables à la vérité aux traumatismes qui ont provoqué
l'épilepsie, mais ces résultats n'en ont pas moins été invoqués à
l'appui de la première opinion. Oc la majorité des observations
relatent que l'épilepsie s'est déclarée après une chute, et comme
l'attaque elle-même produit souvent une chute brusque, on peut
.se demander si la chute prétendue causale n'a pas été un simple
BIBLIOGRAPHIE. 138
effet ; de plus les observations dans lesquelles le mal comitial est
apparu longtemps après le trauma sont aussi peu concluantes. il
ne reste plus dès lors que peu d'observations, et dans quelques-
unes le rôle de la prédisposition nerveuse est évident; aussi, là
encore, l'influence du traumatisme est seulement occasionnelle :
ainsi en serait-il encore de l'éclampsie puerpérale. '
Pour ce qui est de l'hystérie, l'auteur se contente de rappeler les
remarquables leçons de M. le professeur Cliarcot sur l'hysléro-
traumatisme, dans lesquelles est manifestement démontré le rôle
de la prédisposition nerveuse des sujets, tant pour la production
des contractures et des arthralgies, que pour celle des paralysies.
C'est aussi dans un nervosisme antérieur qu'on devrait cher-
cher la raison d'être de ces phénomènes nerveux consécutifs à des
traumatismes portant sur le thorax, qui ont été réunis sous le
nom d'hémiplégie et d'épilepsie pleurétiques.
Quant aux paraplégies utérines et urinaires, s'il n'est pas dé-
montré qu'elles relèvent d'un état névropathique antérieur, la
chose est bien probable. Les faits d'amnésie traumatique sont
peut-être moins simples à élucider, toutefois on peut penser qu'ils
se rapportent fréquemment à l'amnésie provoquée par une attaque
épileptique dont la chute a été faussement interprétée. Lesnévral-
gies traumatiques seraient, la plupart du temps, hystériques.
Mais où l'auteur, qui nous paraît déjà peu prudent, dans son inter-
prétation des paraplégies urinaires, nous semble entraîné par
une généralisation à outrance, c'est quand il donne au tétanos,
pour cause, la prédisposition nerveuse, alors qu'actuellement, la
nature infectieuse de cette maladie est de plus en plus démon-
trée. Lors d'aliénation mentale, il s'agit toujours de la même pié-
disposition héréditaire.
La seconde partie de ce travail, examine diverses autres ques-
tions, en voici les conclusions : il n'y a que les maladies ner-
veuses capables de provoquer des troubles trophiques, telles que
l'ataxie locomotrice, la paralysie générale qui peuvent avoir une
influence fâcheuse sur l'évolution des lésions traumatiques. Le
traumatisme peut avoir une taction funeste sur la marche de la
névropathie. La névropathie ne peut pas être considérée d'une
façon absolue, comme une contre-indication opératoire. Quand
la névropathie apparaît chez un individu qui a des antécédents,
le rôle du traumatisme semble être celui d'un excitant qui met
en action un état diathétique. Il peut être comparé au rôle de la
fièvre, de l'émotion, de la lésion viscérale que l'on constate quel-
quefois à l'origine de la névropathie. La doctrine, suivant la-
quelle l'étiologie des maladies nerveuses est dominée par les lois
de l'hérédité ou, plus généralement, par les lois de la dégénéres-
cence, reste donc entière. Paul BLOCQ.
136 BIBLIOGRAPHIE.
XII. Considérations sur quelques points de la paralysie générale;
par Grégoire. Th. Paris, 1883.
L'auteur parait s'être proposé dans ce travail de mettre un peu
d'ordre et de lumière dans les différentes opinions qui régnent
sur la paralysie générale, et particulièrement sur ses modes de
début, sur la paralysie générale d'origine syphilitique et la folie
congestive paralytique, sur ses rémissions et enfin sur son anatomie
pathologique, qui forment les quatre parties de sa thèse. Le but
est en partie atteint en ce qui concerne les ouvrages français et
classiques, et l'auteur a groupé avec assez de clarté les déductions
qui ressortent des observations et des travaux des auteurs. Quoi-
que aucune idée originale et nouvelle ne rehausse ce travail, dont
les observations même sont empruntées presque toutes, sauf trois
ou quatre, à des auteurs connus, il aurait encore sa valeur si la
bibliographie avait été plus complète, et particulièrement en ce
qui concerne les nombreux travaux publiés dans ces dernières
années à l'étranger sur ce sujet. Pour l'anatomie pathologique
c'est là une lacune considérable, et il aurait été cependant fort
intéressant de préciser l'état actuel de la science sur ce point si
contesté, et encore si plein d'obscurités. Mais le peu que l'auteur
cite remonte déjà à une date assez éloignée. P. S.
XIII. Contribution à l'étude de la maladie de Parkinson. (De quelques
formes anormales); par LACOSTE. Th., Paris, 1887.
M. Charcot a fait connaître l'existence de quelques variétés de
maladie de Parkinson s'écartant du type classique; c'est à la
description de ces formes qu'est consacré la thèse de M. Lacoste,
qui contient en outre une étude assez intéressante du masque
park-i71son211cit. La maladie de Parkinson adopte fréquemment le
mode hémiplégique, et peut simuler l'hémiplégie par lésion du
cerveau ; les indications du diagnostic différentiel sont tirées dans
ces cas de l'évolution de la maladie et de l'absence de paralysie.
Une forme très particulière est constituée par la maladie de Par-
kinson sans tremblement, dont l'auteur a observé un cas tout à
fait caractéristique. La rigidité musculaire est alors le seul signe
de la paralysie agitante, signe suffisant pour les particularités spé-
ciales qu'il offre, pour permettre d'affirmer la nature de la ma-
ladie. Le faciès parkinsonnien présente une expression d'attention
mélangée d'étonnement, si on l'interprète physiologiquement.
Paul BLOCS.
VARIA
LES aliénés dans les hôpitaux ET hospices DE province.
Instruction ministérielle. RÉFLEXIONS.
Au mois de juillet 1887, nous avons publié dans ce recueil (n° 40,
p. 172) une note dans laquelle nous signalions la situation déplo-
rahle qui était faite aux aliénés dans les horribles cabanons des
hôpitaux et hospices de province. Nous blâmions le séjour prolongé
des aliénés dans ces cabanons-cachots; nous demandions au
ministre de l'intérieur d'exiger de ses préfets et sous-préfets le
transfert immédiat des malades à l'asile départemental; enfin,
nous réclamions la transformation des cabanons en chambres ou
cellules convenablement disposées et ne rappelant plus en rien
l'emprisonnement. Nous avons adressé le numéro des Archives au
ministre de l'intérieur d'alors , M. Fallières et à M. Monod, direc-
teur de l'Assistance publique au même ministère. Un mois après,
la circulaire suivante, que nous avons omis de publier en son
temps, a été adressée aux préfets.
ce Paris, le 1" août 1887.
« Monsieur le préfet, l'article 4 de la loi du 30 juin 1838, vous
impose l'obligation de visiter périodiquement les établissements
publics ou privés, consacrés aux aliénés.
« J'attache une grande importance à l'accomplissement de cette
formalité légale, et j'insiste auprès de vous, d'une manière toute
spéciale, pour que vous vous y conformiez exactement. Plus vos
visites seront fréquentes, plus sûrement sera atteint le but qu'a eu
en vue le législateur en les prescrivant. Aussi me semble-t-il in-
dispensable que vous en fassiez une au moins chaque trimestre.
Pour que ces visites soient utiles, il importe qu'elles aient lieu à
l'improviste. Je désire, d'autre part, que vous ne déléguiez à per-
sonne le soin d'y procéder en votre lieu et place.
« Vous en profiterez pour constateras conditions dans lesquelles
setrouventles malades ; vous recommanderez au directeur de vous
signaler ceux qui sollicitent leur sortie de l'établissement. Afin
d'écouler leurs réclamations, vous vous ferez fournir par le mé-
decin toutes les indications qui vous seront utiles pour vous ren-
seigner sur leur état, et, dans le cas où quelque doute subsisterait
138 VARIA.
dans votre esprit sur la nécessité de leur maintien en traitement,
vous ne devriez pas hésiter à prescrire une enquête médicale.
« Vous rappellerez, d'ailleurs, en tant que de besoin, aux méde-
cins, que les douches ne doivent être prescrites que pour le trai-
tement des malades et qu'ils doivent rigoureusement s'abstenir de
les employer comme moyen de punition.
« Après chaque visite, vous m'adresserez un rapport dans lequel
vous me rendrez compte de la tenue générale de l'établissement,
des soins donnés aux malades et du résultat des enquêtes que
vous auriez cru devoir ordonner à l'égard de tel ou tel malade.
« Il me parait également indispensable d'appeler votre attention
sur les mesures prises dans certains cas à l'égard des malades pla-
cés en observation dans les hospices. Je me réserve de vous adres-
ser, s'il y a lieu, des recommandations spéciales au point de vue
des conditions d'installation des cellules qui leur sont affectées ;
mais, dès aujourd'hui, je crois devoir vous signaler un mode de
procéder regrettable, qui m'a été indiqué comme se pratiquant
dans certains départements. Les malades seraient parfois transférés
d'un hospice dans un autre, avant d'être définitivement placés
dans un asile spécial. Or, ces changements qui peuvent ne pas
être sans inconvénient, ne présentent tout au moins aucun avan-
tage et vous ne devez les tolérer que pour des raisons tout ex-
ceptionnelles. ,
. « La question de la durée de la mise en observation est digne
aussi de toute votre sollicitude. -Il faut évidemment qu'elle soit
suffisante pour permettre de constater l'état de celui qui est l'ob-
jet de la mesure, mais il importe, d'un autre côté, qu'elle ne se
prolonge pas, dès qu'une affection mentale est reconnue afin que
celui qui en estatteint reçoive sans larder tous les soins que ré-
clame son état et qu'il ne saurait trouver ailleurs qu'à l'Asile même.
« Je vous recommande de ne pas perdre de vue les instructions
contenues dans la présente circulaire, dont vous voudrez bien
m'accuser réception. Recevez, monsieur le préfet, l'assurance
de ma considération la plus distinguée. Le ministre de l'iîlté-
rieur, A. Fallières. »
Les visites trimestrielles prescrites aux préfets, ont-elles lieu ?
Nous en doutons. Les rapports réclamés sont-ils envoyés ? Nous
l'ignorons. Mais ce que nous savons, c'est que les «recommanda-
tions spéciales au point de vue des conditions d'installation des
cellules » et de la « durée de la mise en observation » ne parais-
pas avoir été suivies. Voici, en effet, ce que nous avons vu à la fin
de septembre dernier.
. 1° A l'hôpital Sainte-Marie d'Angers, il y a trois loges suffisam-
ment vastes et à proximité du bâtiment des épileptiques et idiots
et par conséquent assez bien surveillées.
VARIA. 139
2° A l'Hôtel-Dieu de Cholet, les cabanons sont situés dans les
communs, au fond d'une basse-cour, à une grande distance de
toute surveillance. Les cabanons sont séparés de la basse-cour par
un vestibule servant de dépôt à toutes sortes de vieux objets, pa-
niers, harnais, etc. ; la porte des cabanons, pourvue de verrous,
est percée d'un judas. Au-dessus de la porte, il y a une fenêtre
sans carreaux, munie de barreaux quadrillés. Il n'y a pas de chauf-
fage. « Ces cabanons sont hideux », nous dit la religieuse qui nous
accompagnait et c'est hélas trop vrai ! Les malades y sont laissés
deux, quatre, huit, quinze jours, ordinairement de huit à quinze
jours.
3° A l'hôpital Saint-Charles de Bressuire, il y a deux cabanons,
situés dans une cour tout à fait isolée et loin de l'hôpital. Ils n'ont
qu'un jour très exigu placé en haut, près du plafond. On passe la
nourriture aux malades par un trou de 30 à 35 centimètres sur
25 à 30 cent. et fermant en dehors. Les malades n'y resteraient
que deux ou trois jours. -
5° A l'hôpital civil de Rochefort, les deux cabanons sont placés
au fond de la cour de la buanderie, auprès de la salle d'autopsie,
et dans des conditions tout à fait défectueuses. On n'y garde les
aliénés qu'un jour ou deux.
6° A l'hôpital de Saumur, les six cabanons occupent un petit
bâtiment, contigu au service des morts et à peu de distance de
l'une des salles. Us donnent sur un couloir en avant et en arrière.
Ils sont éclairés par une ouverture au-dessus de la porte et, d'ail-
leurs mal aménagés. Les aliénés y restent quelquefois un mois.
Nous y avons vu (28 septembre 1887) un vieillard qui y avait été
transféré d'une des salles de l'hospice et qui attendait depuis
quinze jours, l'accomplissement des formalités, afin de pouvoir être
dirigé sur l'asile de Sainte-Gemme. Ce malheureux, qui paraissait
un dément, inotfensif et dont l'indigence était connue, puisqu'il
appartenait à l'hospice, aurait dû être dirigé directement, de son
dortoir à l'asile. C'est l'infirmier d'une des salles voisines qui ap-
porte la nourriture aux malades des cabanons.
7° A l'hôpital de Chartres, seulement, nous avons trouvé de
véritables chambres d'isolement, placées dans l'intérieur même de
l'hôpital et permettant au moins de surveiller à peu près les ma-
lades.
On pourrait nous objecter que la circulaire ministérielle n'avait
pu produire encore d'effet, bien que, dans aucun des établisse-
ments dont nous venons de parler, on n'ait fait la moindre allusion
à la circulaire ministérielle qui semblait tout à fait inconnue. Eh !
bien, tout récemment, c'est-à-dire le 28 avril 1888, voici ce que
nous avons vu dans le grand hôpital Saint-André, de Bordeaux.
140 VARIA.
8° Les quatre cabanons sont situés dans un rez-de-chaussée hu-
mide, à peine éclairés, ne recevant d'air que par un petitgrillage,
situé au niveau du sol ; les lits fixes sont pourvus de barreaux ; il
existe un grillage à la porte et des potences dans le couloir qui
sert de vestibule, autant de moyens de pendaison à la disposition
des malades. Le jour de notre visite, il y avait un homme dans
le cabanon n° 2 et une femme dans le cabanon n° 4. Lorsqu'il y
a un cabanon libre, un infirmier y couche, dit-on, qu'il y ait ou
non des femmes. Si les quatre cabanons sont occupés, ce qui
arrive assez souvent, il n'y a, la nuit, ni infirmier ni infirmière.
Lorsqu'il y a cinq ou six malades, ce qui se produit parfois, on
place des lits dans le couloir-vestibule. Nous avons rarement vu
une situation aussi déplorable à tous les points de vue : mauvaise
disposition matérielle, absence d'air, de lumière, chauffage défec-
tueux, mélange des sexes, absence de surveillance, etc. Les pires
criminels ne peuvent être plus mal traités.
Cependant, il n'y aurait que demi-mal si les malades ne fai-
saient que passer dans ces cabanons sordides, bien faits pour
aggraver leur situation et, pour prolonger leur séjour ultérieur
dans l'asile et augmenter les dépenses. Or, ce n'est qu'ex-
ceptionnellement qu'ils y restent deux, trois et quatre jours;
en général, ils y séjournent huit, dix, douze jours et quelquefois
davantage. Cela tient aux lenteurs administratives. La préfecture
veut savoir si la famille ou la commune paieront, si le malade est
ou non dangereux, questions qui paraissent plus importantes que
la question d'assistance, que la question d'humanité. Il serait beau-
coup plus simple et beaucoup plus digne, d'administrateurs
vraiment républicains, de placer les malades dans l'asile, situé à
quelques centaines de mètres de l'hôpital. Nous insistons de nou-
veau auprès de M. le ministre de l'intérieur, pour qu'il se fasse
renseigner d'urgence sur les conditions matérielles des cabanons
de tous les hôpitaux et hospices de province, pour qu'il exige des
tranformations radicales de. ces cachots et surtout pour que les
malades soient dirigés immédiatement, ou au moins dans les
vingt-quatre heures, sur les asiles du département. C'est là une
léforme qui peut être réalisée en quelques jours, réforme mo-
deste, il est vrai, mais qui rendrait d'incontestables services à un
grand nombre de malheureux. BOUIIiLViLLE.
Circulaire du ministre DE l'intérieur sur la transmission des
plaintes et des réclamations DES aliénés.
. Paris, le ler décembre 1887.
« Monsieur le préfet,
« M. le garde des Sceaux m'informe qu'il est parvenu à son dé-
VARIA. l'il 1
parlement une plainte formulée par un aliéné, en marge de
laquelle se trouvait une annotation du médecin de l'asile, indi-
quant son appréciation sur l'état mental du malade.
c Mon collègue désirant rester seul juge de la question de savoir
si les réclamations de pareille nature dont il vient à être saisi,
comportent ou non une communication aux directeurs ou aux
médecins des asiles et se réserver le droit de se renseigner sur la
valeur de celles-ci par telles voies qu'il juge convenable, m'ex-
prime le désir formel que les lettres des aliénés lui soient
désormais adressées closes et sans que l'administration de l'éta-
blissement où l'aliéné se trouve en traitement en prenne connais-
sance préalable. Je vous serai obligé, dans ce cas, d'adresser des
instructions dans ce sens aux directeurs et médecins des asiles de
votre département. Je vous prie de m'accuser réception de la
présente circulaire. Recevez, etc. Le ministre de l'intérieur,
A. Fallières. »
Cette circulaire ne semble pas indiquer qu'on se rende, au
ministère de l'intérieur, un compte suffisant de ce qu'est un asile
d'aliénés et des caractères réels de l'aliénation mentale. Ce que doit
exiger le ministre de l'intérieur, c'est que toutes les lettres des
malades soient adressées aux personnes qui, en vertu de la loi,
ont le droit de les recevoir et le devoir de les lire et de voir la
suite à donner. Il n'y a qu'avantage à ce que le médecin, s'il le
juge convenable, donne son avis, quitte au fonctionnaire à déci-
der, s'il y a lieu, de procéder à une enquête. B.
Discours présidentiel prononcé A la séance annuelle DE L'.1550-
CIATION MliDICO-PSTCIIOLOGIQUE TENUE A QUEEN'S COLLEGE, COrli , le
4 août 1885; par J.-A. Eames. (The Joiti-nal of 3leiztal Science, oc-
tobre 1885). -
Dans ce discours, le président de l'Association médico-psycho-
logique a touché un grand nombre de sujets, et traité ou posé
diverses questions relatives à l'administration des asiles. Il a sur-
tout insisté en terminant sur la nécessité , qui s'impose chaque
jour d'une façon plus manifeste, de rendre obligatoire l'étude de
la pathologie mentale ; il a montré avec une grande vigueur dans
quelle situation difficile, et dangereuse pour les autres comme
pour lui-même, peut se trouver un médecin instruit, mais incom-
pétent sur ces points spéciaux, lorsqu'il se trouve,-et il s'y trouve
fatalement dans le cours de sa carrière professionnelle, mis
en demeure de signer un certificat d'aliénation mentale ou
d'éclairer une cour de justice sur une question de pathologie
mentale.
142 FiAITS DIVERS.
Sur la nécessité pour tous les étudiants EN médecine de suivre des
COURS THÉORIQUES et CLINIQUES DE MEDECINE PSYCHOLOGIQUE ; par
Edward MOOIIE. (The Journal of Mental Science, avril 1885).
. L'auteur insiste énergiquement pour qu'une place officielle soit
faite dans les études médicales , à l'enseignement de la patho-
logie mentale. Il signale les avantages qui en résulteront pour le
médecin lui-même , qui' trop souvent, souffre de son incompé-
tence en pareille matière, pour les aliénés ou réputés tels, dont
la liberté peut dépendre d'un médecin, d'ailleurs fort instruit,
mais nullement préparé par ses études à assumer une grave res-
ponsabilité en matière d'aliénation, enfin pour le public lui-
même que le médecin a mission de protéger, par une judicieuse
intervention , contre les dangers que lui font courir les aliénés/
Nous ne pouvons qu'approuver l'opinion de MM. Eames et
Moore ; nous croyons, comme eux, qu'il est indispensable que
tous les étudiants en médecine soient astreints à un stage de
quelques mois au moins dans les services consacrés aux
aliénés. C'est pour y faire passer le plus grand nombre pos-
sible d'étudiants,-à défaut deprescriptionslégales-que nous
avons demandé que l'on ne créât pas un internat spécial dans
les asiles, mais qu'on y fit passer les internes ordinaires des
hôpitaux. Nous devons ajouter que le stage dans les services
d'aliénés, existe dans quelques pays, par exemple en Finlande.
13.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. Nominations. M. Dr LALLEMANT, ancien interne
de« asiles de la Seine, nommé médecin-adjoint à l'asile public de'
Lafond (Charente-Inférieure) (2e classe). (Arrêté du 2 niai 1888).
AL le UDUBUISSO1V, médecin-adjoint à l'asile Sainte-Anne, est
nommé médecin en chef du même établissement en remplace-
ment du Dr Dagonet, admis sur sa demande à faire valoir ses
droits à la retraite et nommé médecin en chef honoraire des
asiles publics d'aliénés. M. le Dr Dubuisson est compris dans
la 3e classe. M. le Dr U.cuwt , médecin-adjoint à l'asile Sainte-
Aune (2° classe). (Arrêté du 24 mai 1888).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 143
Asile de Bron. Le concours pour une place de médecin-
adjoint audit asile vient de se terminer par la nomination de
M. Lagène AiorrevoN.
Asile de Saint-Yon. M. le Dr NicouLEAU, interne de l'asile d'a-
liénés de Bordeaux, est nommé adjoint dudit asile, et placé dans
la 2° classe de son grade.
Révision DE la LOI DE 1838 sur les aliénés. Les bureaux de la
Chambre des députes se sont réunis le mardi 5 juin pour nom-
mer la commission chargée d'examiner le projet de loi adopté
par le Sénat, revisant la loi de 1838 sur les aliénés. Ont été nom-
més membres de cette commission : Barrière, Bernard, Bour-
neville, Camescasse, Clauzel, Chevandier, Cocuery, Ducoudray,
Lesouef, Salis, Suquet. La commission s'est réunie le 8 juin et a
maintenu à titre définitif le président et le secrétaire d'âge, M. le
Dr Chevandier et M. Coeliery. La commission a tenu déjà plusieurs
séances.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Avis aux Auteurs et aux Editeurs. Tout ouvrage dont il nous sera
envoyé un seul exemplaire sera annoncé. 11 sera fait, s'il y a lieu, une ana-
lyse de tout ouvrage dont nous recevrons deux exemplaires.
Binet (A.). Eludes de psychologie expérimentale. Le fétichisme
dans l'amour; la vie psychique des micro-organismes ; l'intensité des
images mentales ; le problème hypnotique ; note sur l'écriture hystérique.
Volume in-18 de 306 pages avec ligures. Paris, 1888. Librairie
0. Doin.
CIIARCOT (J ? 11.). Leçons sur les maladies du système nerveux, pro-
fessées à la Salpêtrière et recueillies par 13AB[riSKI, BERNARD, Féré,
Guignon, Marie et Gilles DE la ToupETTE. Tome Il[, 2° fascicule. Un
volume in-8 de 380 pages, avec 64 figures dans le texte. Prix : 9 f'r. ;
pour nos abonnés, prix : 6 fr.- Ce fascicule complète le tome troisième.
Grasset (.1.) et Brousse (A). Histoire d'une hystérique hypnotisable
(Contribution à l'étude clinique des caractères somatiques fixes des
attaques rie sommeil spontané et provoquées chez les hystériques). Bro-
chure in-8- de 31 pages. fris 1 Ir. 50. Pour nos abonnés, 1 franc.
LADAI6. - Procès criminel ele la dernière sorcière brûlée à Geitève, le
6 avril 1652, publié d'après les documents inédits et originaux conser-
vés aux archives de Sénevé {Sixième volume de la Bibliothèque diabo-
lique, collection Boui,teville. Un volume in-8" de 60 pages. Prix
2 fr. 50). Pour nos abonnés : 1 fr. 75; numéros 1 à 50, papier .lapon,
prix : 5 francs; pour nos abonnés : t fr. ; numéros 51 à ]00, papier par-
cheminé, prix : 3 tc 50; pour nos abonnés : prix, 2 fr. 75.
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l'icuov (G.). Les maladies de l'esprit; délire des persécutions, délire
des grandeurs, paralysie générale, épilepsie, dégénérescence ; délires
alcooliques et toxiques : .' o : 0)'/)/t : Koman ! e, elhéi-onianie, absintliisme, chlo-
etc., etc. Volume in-8» de 367 pages. Prix : 7 fr. Paris,
1888. -Librairie 0. Doin.
Publications du « PROGRÈS médical X ? S'CBMt' Jeanne des Anges, supérieure
des Ursulines à Loudun, <ll'lle siècle. Auto-biographie d'une hystérique
possédée, d'après le manuscrit inédit de la l31lUioUèque de Tours.
Annotée et publiée par les Drs G. Lecué et G. de la TouRETTK.
Préface de M. le professeur Charcot, membre de l'Institut. Un beau
volume in-8° de 330 pages. Papier vélin, prix : 6 fr.; pour nos abonnés :
4 fr. Papier Japon, prix : 25 fr. ; pour nos abonnés : 20 fr.
RoLLnND (E). De l'épilepsie jacksnczienne.111émoire couronné par )Société
de médecine et de chirurgie de Bordeaux, revu et considérablement aug-
menté. Précédé d'une notice sur les asiles « John Bost » pas' le Dr Z
nod et d'une introduction par le Dr Arnozan. Volume in-8» de 192 pages,
avec 22 figures et 2 planches lithographiées.Prix : 3 fr.; pour nos
abonnés, 2 fr. Paris, 1886. Librairie du Progrès Médical.
Avis A nos abonnés. L'échéance du le' JUILLET
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos souscripteurs, dont l abonnement expire
à cette date, de nous envoyer le plus lut possible le mon-
tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser
ce montant par l'intermédiaire du bureau de poste de
leur localité, qui leur remettra un reçu de la somme ver-
sée. Nous prenons à notre charge les frais de 3 0/0 pré-
levés par la poste et nos abonnés n'ont rien à payer en
sus du prix de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la
quittance de réabonnement leur sera présentée le 25 Juillet,
augmentée de un franc pour frais de recouvrement. Nous
les engageons donc à nous envoyer de suite leur renou-
vellement par un mandat-poste.
Le rélacteur ? éraaf, ÛUUI1N\'ILLE.
reu : , Ch. liemsser, imp. -- 788.
Vol. XVI. Septembre 1888. N" 47
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-
DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES;
Par M. le D'' MicuEL CATSR : 1S,
Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes ; Médecin de l'asile de Dromocaitis ; Membre
de la Société Médico-psychologique de Paris.
Il y a déjà quatre années que je me suis occupé de
l'étude des accidents occasionnés par l'emploi des
scaphandres. Les grandes difficultés inhérentes à ce
genre d'études n'ont pas tardé à se dissiper, grâce au
nombre considérable de malades que nous avons ob-
servés, surtout à Hydra et à Egine. Plusieurs expé-
riences faites sur les chiens ont contribué à leur tour
à éclaircir différents points qui touchent la pathologie
des scaphandriers. Nous divisons notre travail par cha-
pitres des travaux et nous étudierons successivement :
1. L'histoi,ique dans lequel, nous, passerons en revue les
différents travaux qui ont été publiés jusqu'à présent
sur les accidents en question; II. La clinique qui
constitue, on va le voir, une véritable iliade de maux,
toute une pathologie nouvelle, pathologie qui pré- ? ncmvFS, t. XVI. 10
146 CLINIQUE NERVEUSE.
sente plusieurs formes morbides dont chacune se ma-
nifeste cliniquement par une symptomatologie toute
spéciale; III. La Pathogénie ; IV. L'Étiologie; V. L'A-
natomie pathologique; VI. La Physiologie pathologique,
et Vil. La Thérapeutique.
I. Historique.
C'est depuis vingt-deux années que l'emploi des
scaphandres a été introduit dans l'Archipel où leur ap-
parition en 1866 a occasionné en effet de véritables
émeutes, suivant l'expression de P. Bert. Cependant,
même aujourd'hui, si les cas de mort sont un peu
moins fréquents qu'autrefois, il ne se passe pas d'an-
née qu'il n'y ait au moins une dizaine de morts. Quant
aux autres accidents, ils sont, on va le voir, plus fré-
quents qu'autrefois en raison de la généralisation de
celte manière de pêcher les éponges. Le premier travail
qui a été publié relativement aux accidents des scaphan-
driers est celui de M. Leroy de Mericourt, intitulé :
Considérations sur l'hygiène des pêcheurs d'épongés et
qui a paru dans les « Annales d'hygiène publique et de
médecine légale (2e série, t. XXXI, p. 274-286, 1869).
Le contenu d'un mémoire manuscrit de M. Aublé,
agent de la Société pour la pêche des éponges au
moyen des appareils plongeurs Rouquayrol et Denay-
rouze, a servi de base pour la rédaction de ce travail,
d'après le dire de l'auteur. C'est donc avec juste raison
que M. Leroy de Mericourt doit être considéré comme
l'initiateur de ces études. Dans son travail, qui ne con-
tient pas d'observations médicales ni d'autopsies, les
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 147
accidents sont attribués à des hémorrhagies médul-
laires ; il fait un juste éloge de l'appareil Denayrouze
et conseille la décompression lente.
Le second document est une lettre particulière, en-
voyée par Denayrouze au célèbre auteur de la Pression
barométrique, dont voici le contenu :
« J'ai fait, pendant six mois, plonger une centaine d'hommes à
des profondeurs variant de 30 à 40 mètres. Deux cents autres
plongeurs étrangers travaillaient sous mes yeux dans les mêmes
conditions. Tous ces gens-là respiraient de l'air à la pression du
milieu ambiant, soit à 4 ou 5 atmosphères. Cinq hommes sont
morts à ces pressions, un grand nombre d'autres ont été atteints
de diverses affections, dont les plus fréquentes ont été des paraly-
sies des membres inférieurs et de la vessie, des surdités et enfin
des anémies. Les hommes soumis à des décompressions brusques
étaient en effet plus exposés aux accidents que les autres. Ceux qui
sont morts n'ont jamais expiré au fond de l'eau ; ils remontaient, se
plaignant de douleurs internes, au coeur en particulier, se cou-
chaient dans leurs barques et s'éteignaient au bout de quelques
heures. »
Nous fixons l'attention du lecteur sur deux faits
précieux et parfaitement exacts contenus dans cette
lettre : 1° la mort est survenue à la suite d'immer-
sions faites à quatre ou cinq atmosphères; 2° ceux
qui sont morts n'ont jamais expiré au fond de l'eau.
Le troisième travail est dû à M. Alphonse Gai qui a
soutenu, le 19 juillet 1872, sa thèse de doctorat inti-
tulée : Des dangers du travail dans l'air comprimé et des
moyens de les prévenir, devant la Faculté de Montpel-
lier. Cet auteur a puisé les matériaux de son travail
dans une campagne qu'il avait faite dans l'Archipel. Son
travail est divisé en deux parties, dont la première est
consacrée aux modifications que subissent les fonc-
tions physiologiques, à savoir : la respiration, la circu-
lation et les sécrétions sous l'influence du séjour dans
148 CLINIQUE NERVEUSE.
l'air comprimé. Le reste de son travail est consacré à
l'étude des dangers des fortes pressions. Les maladies
des plongeurs sont divisées par lui en deux catégories
dont l'une comprend celles ci début brusque et l'autre
celles à début insidieux. Les premières survenant tou-
jours après la décompression sont la conséquence
immédiate de celle-ci; les secondes, au contraire, sont
dues à l'action directe de l'air comprimé.
Parmi les maladies à début brusque, l'auteur cite
comme accidents légers les puces, les douleurs nztcscu-
laires ou les arthrites, les otites et otalgies, les troubles
gastriques et un cas d'Iaémorr7aagie nasale. Comme ac-
cidents graves, l'auteur rapporte une observation im-
portante qui consiste en une paraplégie présentant
ceci d'intéressant : entre l'invasion de celle-ci et la
décompression, il y a eu un intervalle de vingt-quatre
heures. Il relate aussi les observations de trois ma-
lades paraplégiques, dont l'un est mort par défaut de
soins suivant lui, les deux autres sont incomplètement
guéris. Enfin, une série de neuf observations termine
la description de ces maladies à début brusque : de
ces observations, malheureusement très brièvement
exposées, deux se rapportent à des malades qui sont
morts l'un au bout de vingt-quatre heures, dont nous
allons en insérer l'histoire in extenso dans notre cha-
pitre de clinique et l'autre au bout de trois mois par le
fait de sa paraplégie. Cinq observations sont relatives
à des plongeurs qui ont guéri ou presque guéri. M. Gai
passe ensuite à l'étude de ces maladies à début insi-
dieux qu'il attribue à l'action même de l'air comprimé,
à savoir : l'amaigrissement, les pertes de force, effets
d'une anémie particulière.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 149
Nous devons le quatrième travail à M. le Dr Lam-
padarios, qui, sous le titre «Accidents arrivant aux pê-
cheurs d'épongés », a été soumis au concours de Sym-
boulides et publié dans les fascicules VI et VII du
journal grec Asclepios (Esculape). Ce travail est divisé
en 6 parties, dont la première contient deux rensei-
gnements et les histoires très brièvement exposées
et sans précision de quatre malades, dont deux seule-
ment ont été observés par l'auteur; les histoires des
deux autres lui ont été racontées, car les malades
appartenaient l'un à l'Astyclinique et l'autre à un
certain docteur. La seconde partie de son travail est
consacrée à un exposé rapide de l'appareil immersif.
La troisième est un résumé du travail de M. Leroy de
Mericourt. Dans la quatrième, il fait une critique de ce
travail et cherche à faire reposer sa théorie pathogé-
nique sur la fatigue et le refroidissement, théorie à
laquelle nous reviendrons dans la suite à notre cha-
pitre de pathogénie. Dans la cinquième, il fait une
analyse des symptômes présentés par ses malades,
l'auteur ayant la tendance à considérer ses cas comme
des cas d'ataxie locomotrice, ce qui est tout à fait
erroné : nous y reviendrons. Enfin, son travail est ter-
miné par des considérations relatives à la thérapeu-
tique, presque les mêmes que celles qui ont été
décrites par ses devanciers. Il conseille seulement,
conséquent en cela avec sa théorie pathogénique, aux
plongeurs d'éviter le refroidissement après leurs mon-
tées, ce qui ne vaut rien. Nous conseillons, nous aussi,
de ne pas s'exposer au froid et nous défendons au
plongeur de faire des immersions, quand il est re-
froidi ; mais c'est, comme on le verra , à un moment
- 150 - CLINIQUE NERVEUSE.
tout à fait différent et opposé, à savoir non pas après
leur montée, mais avant leur descente et pour des rai-
sons tout autres. Les six parties de ce travail sont
fort succinctes, constituant en tout un ensemble de
dix-neuf pages. -
Le cinquième travail, document précieux , est dû
au distingué médecin de Nauplie, M. Cotsonopoulos.
Ce travail, qui porte le titre « Un cas de paraplégie chez
un plongeur travaillant au scaphandre » , a été publié
dans le journal grec Asclel)ios (Esculape) 1871, p. 66 :
nous rapporterons ce cas intéressant suivi d'autopsie à
notre chapitre d'Aîîatomie pathologique.
En 1882, il a paru un travail intéressant et original
de M. Nicolas P. Parissis, professeur agrégé de la
Faculté d'Athènes et de M. Jean Tetzis '. Dans ce
travail, après une description détaillée et précise de
l'appareil immersif, ces auteurs décrivent la maladie
des plongeurs, qui se présente, suivant eux, sous
quatre degrés différents. Le premier degré, qui, d'a-
près ce que supposent les auteurs, consiste en conges-
tions passagères du cerveau et de la moelle épinière,
se présente cliniquement par la symptomatologie sui-
vante : toux, malaise général, perte de connaissance,
douleurs fortes dans les omoplates, les lombes et les
membres inférieurs et supérieurs et des engourdisse-
ments sans paralysie. Le deuxième degré comprend
la paraplégie des plongeurs et « il consiste en une
hémorrhagie de la partie inférieure (dorsale et lom-
baire) de la moelle épiuière ». Le troisième degré
- * De Vile f/7 ? a (Grèce) au point de vue médical, et particulièrement
du Tzanaki, maladie spéciale de l'enfance et des maladies des plongeurs.
Paris. -
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 151
« est dû à l'hémorrhagie de la partie supérieure; .il
suit toujours l'hémorrhagie de la partie lombaire »;
c'est une hypothèse. Dans ce cas-là, disent-ils, aux
symptômes de la paraplégie des membres inférieurs
viennent s'ajouter tantôt, quand le cas est léger, des
douleurs dans les omoplates et les membres supé-
rieurs et la dyspnée, et tantôt, quand le cas est plus
grave, la paralysie devient ascendante, les membres
supérieurs, l'un ou tous les deux, se paralysent, la
dyspnée s'aggrave et le plongeur meurt. Enfin, le qua-
trième et plus grand degré « consiste en une hémor-
rhagie. qui a lieu en même temps au cerveau et à la
moelle épinière et amène la mort soit immédiate-
ment, soit quelques heures après » ; pas d'autopsie.
Le 10 mars 1883 , M. Charpentier lisait à la Société
de médecine de Paris un mémoire relatif à notre ques-
tion, lequel a été publié dans le numéro du 14 août
1883, de Y Union médicale, sous le titre : « Observation
d'ataxie locomotrice, consécutive à des accidents de décom-
pression brusque par rupture d'un scaphandre. » Ce
distingué médecin a commis l'erreur de considérer
le malade qui fait le sujet de son observation comme
atteint d'ataxie locomotrice : nous y reviendrons dans
la suite. '
Cet exposé rapide, qui ne contient naturellement
que les travaux relatifs aux accidents survenant seu-
lement et uniquement par l'emploi des scaphandres,
démontre à l'évidence que ce sujet était loin, tant s'en
faut, d'être épuisé et étudié complètement, qu'il n'a
été publié jusqu'à présent qu'un certain nombre d'ob-
servations éparses,la plupart incomplètes et sans la pré-
cision scientifique qui est réclamée aujourd'hui dans
15 CLINIQUE NERVEUSE.
ce genre de recherches. L'étude, surtout des diverses
manifestations cliniques sous lesquelles se présentent
ces. accidents et qui constituent un nombre vraiment
considérable de formes multiples et variées, était tout
à faire. On devait,-en outre, passer en revue et étu-
dier de nouveau la pathogénie , faire une étude spé-
ciale et détaillée de l'étiologie, faire une étude d'en-
semble de l'anatomie pathologique, expliquer . les
différentes formes cliniques qui seront décrites par
nous, en d'autres termes faire la physiologie patholo-
gique, enfin revoir et compléter la thérapeutique.
Il. CLINIQUE.
La clinique des plongeurs à scaphandre comprend
deux catégories principales d'accidents, dont la pre-
mière contient ceux qui frappent le système nerveux
central et qui constituent la plus grande partie de la
pathologie des scaphandriers et en général de tous ceux
qui travaillent dans l'air comprimé ; la seconde caté-
gorie comprend les accidents, beaucoup moins nom-
breux, qui ont pour siège d'autres organes ou tissus.
I. Accidents nerveux. Suivant que la localisation
de l'agent pathogène se fait exclusivement ou domine
à telle ou telle partie de l'axe cérébro-spinal, les
accidents nerveux se présentent cliniquement sous des
formes multiples et très variées qui doivent être divi-
sées en trois grandes catégories : A), Formes spinales;
B), Formes cérébrales, et C), Formes cérébro-spinales.
A. Formes spinales. Nos observations nous
autorisent à distinguer différentes formes spinales,
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 1S3
dont chacune est déterminée par des caractères cli-
niques spéciaux. Aucune de ces formes ne peut rentrer
dans une maladie quelconque connue de la moelle
épinière, chacune d'elles constituant une affection
particulière à laquelle les nuances cliniques spéciales
donnent un cachet d'originalité. Ces formes spinales
sont : a). La forme centrale spinale latérale ; b). La
forme centrale spinale postéro-latérale ; -- c). La forme
centrale spinale postérieure ; d). La forme spinale
postérieure ; e). La forme spinale paralytique /ra ? -
sitoire ; f). La forme unilatérale (spinale).
De cette dernière forme spinale nous distinguons
deux variétés, suivant que la localisation de l'agent
pathogène est intraspinale ou intramyélitique ou bien
au contraire extraspiuale ou extramyélitique, ce sont :
la variété intramyélitique ou intraspinale de la forme
unilatérale, et la variété extramyélitique ou extraspinale.
Passons maintenant à l'élude successive de ces
différentes formes, en commençant par la description
de celle qui est de beaucoup la plus fréquente, à
savoir la forme centrale spinale latérale.
A. FORME CENTRALE SPINALE LATÉRALE.
Observation I. Premier accident le 18 octobre 1875. Descente
à 32 brasses, séjour de 10 minutes , décompression brusque, hiti-
tième tmmcMM) ? St/mpMmM d'invasion : vertiges de translation,
perte de connaissance. Un quart d'heure d'intervalle de bien-être
parfait entre la disparition des symptômes cérébraux et 1'(ipptil'i-
tion de la paraplégie. Syndrome spasmodique. - Amélioration
sensible par la reprise du travail. Légère parésie slucistique.
Le 10 août, G septembre et le 20 octobre 1884 accidents paraplé-
giqiies fugitifs. Examen le 15 février 1885. - Pcerésie spasmo-
dique des membres inférieurs.
Jean Marcos, pas d'antécédents, âgé de trente ans, travaille
154 CLINIQUE NERVEUSE.
depuis douze ans dans l'air comprimé. Deux années se sont
passées sans attaque. Le 18 octobre 1875, après avoir déjà fait
sept immersions successives à une profondeur de 28 à 32 brasses
sans accident, il en fait une huitième à la même profondeur et
après un séjour de dix minutes dans le fond de la mer, on le fait
monter en une minute. On lui enlève le casque ainsi que la tunique
avec toutes ses annexes, sans que le malade s'aperçoive de quelque
chose d'anormal. Cinq minutes environ après son dépouille-
ment, il est pris tout d'un coup d'une douleur atroce, accompagnée
d'une sensation de brûlure et de soif à la région précordiale : la
respiration est gênée, car le malade évitait les inspirations pro-
fondes dans la crainte d'augmenter la douleur. En même temps,
comme symptômes céphaliques, il éprouve des vertiges; tout se
mouvait, dit-il, autour de lui et avec lui; il comparait sa sensation
à celle d'un bateau qui est battu par les flots de la mer en cas
de mauvais temps. Ces vertiges peu à peu augmentèrent telle-
ment d'intensité que le malade, ayant essayé de se tenir debout,
sentit immédiatement que le bateau montait avec lui, perdit son
équilibre et tomba très effrayé, les yeux fermés et se cramponnant
aux objets environnants pour éviter cette sensation vertigineuse.
C'est alors que, suivant l'habitude des scaphandriers, on se met
à le frictionner. Mais, dès qu'on commence à le toucher, la même
sensation survient et le malade pousse des cris , en priant ses
compagnons de le laisser tranquille. Les symptômes ci-dessus
décrits ont duré trois heures , et ont été suivis d'une perte de con-
naissance subite, complète et sans convulsions.
Deux heures après, le malade revenu à lui se sent parfaitement
bien sans vertiges et sans aucun autre symptôme céphalique. Il
n'y a aucune trace de paralysie ; il peut marcher. Ce bien-être ne
devait pas durer longtemps. En effet, au bout d'un quart d'heure
environ, un nouvel aspect clinique se présente. Soudain le malade
se sent affaissé sous lui ; se plaint de douleurs fortes aux lombes;
il ne peut uriner; la défécation est extrêmement difficile et en
quelques minutes, cet affaissement devient une paraplégie coin-
plète des membres inférieurs. Ses membres étaient devenus telle-
ment insensibles que ses compagnons lui enfoncèrent une aiguille
sans que le malade en eût la moindre sensation.
Au bout de dix jours, durant lesquels il fallut sonder le malade,
la rétention des urines fut suivie, au contraire, d'une incontinence
complète : l'urine coulait goutte à goutte et mouillait constam-
ment le malade. Il en fut de même pour le rectum.-A la fin de la
troisième semaine, le malade a commencé à avoir, surtout la nuit,
des secousses dans ses membres paralysés. Quelque temps après,
il lui arrivait souvent, la nuit, de sentir ses membres s'étendre,
sans pouvoir les fléchir, pendant quelques minutes. Pas de dimi-
nution de volume des membres, pas de symptômes céphaliques.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 155
Ce n'est que quatre mois après , le 15 février 1876, que le ma-
lade a pu marcher en s'appuyant sur des cannes , mais très diffi-
cilement ; il traînait ses jambes, dit-il, qui lui paraissaient lourdes
et raides comme de véritables barres de fer et frottait le sol sur-
tout avec le pied droit, qui était plus affecté : ce qui contribuait
beaucoup à lui rendre la marche plus difficile encore, c'était un
tremblement involontaire qui agitait ses membres plus fort à
droite et dont l'intensité augmentait après un peu de fatigue ou
d'émotion : Ainsi, quand il se trouvait au marché, la violence
du tremblement lui rendait la marche très difficile : plus il faisait
d'efforts pour marcher, plus la trépidation augmentait, à tel point
qu'il était forcé de s'asseoir.
Cependant, vers la fin du mois de mars 1876 le malade, sans
tenir compte de son état de santé, reprend son travail dans l'air
comprimé, prenant pourtant la précaution de ne pas descendre à
des profondeurs aussi grandes qu'auparavant. Toutefois il attei-
gnait, mais rarement, jusqu'à 20 brasses. Le malade affirme d'une
façon formelle que la reprise de son travail lui a causé une grande
amélioration.
Vers le milieu du mois d'avril, cet homme peut marcher sans
appui , il ne frotte presque plus le sol, ses secousses sont plus
rares, son tremblement bien moins intense et moins fréquent et
enfin sa parésie vésicale a cessé complètement. Les contractures
passagères sont rares. Dès lors, tous les ans, il faisait sa cam-
pagne et son état, loin de s'empirer, s'était amélioré au point qu'on
pouvait à peine s'apercevoir qu'il boitait.
Le 10 août 1884, à Chypre, il commet l'imprudence de se com-
primer à une profondeur de 30-32 brasses. A la troisième im-
mersion faite à onze heures du matin, après un séjour de dix
minutes, on le fait monter, on le décomprime comme toujours
très rapidement, c'est-à-dire en une minute tout au plus. Immé-
diatement après l'enlèvement du casque, le malade sent des
douleurs aux lombes, sa parésie légère des membres inférieurs
fait place à une paraplégie complète. Pas de symptômes cérébraux.
Ce nouvel accident dure une heure et demie, après quoi les dou-
leurs et la paraplégie disparaissent, sauf une rétention d'urines et
de selles de quarante-huit heures environ.
Le 13 août, il reprend son travail, son état parétique étant
tout à fait le même qu'avant l'accident du 10 août.
Le 6 septembre, il a été atteint d'un troisième accident, après
une immersion (c'était la deuxième de la journée) de vingt-sept
brasses, un quart d'heure de séjour dans le fond, et une décom-
pression brusque. Dix minutes après l'enlèvement du casque, le
malade est attaqué de douleurs aux lombes avec pression doulou-
reuse dans le creux de l'estomac et aussitôt après, il perd connais-
sance pendant trois minutes seulement. Revenu à lui, le malade a
156 CLINIQUE NERVEUSE.
les membres de nouveau complètement paralysés et anes-
thésiés : mais cette fois-ci, pas de troubles urinaires ou rectaux.
Une demi-heure après, la paraplégie ayant fait place à son état
parétique habituel, noire homme reprend ses immersions le
lendemain matin.
Enfin, le 20 octobre, survient le quatrième et dernier accident
à ce malheureux scaphandrier, qui ne peut cette fois préciser ni
la profondeur de son immersion, ni la durée de son séjour. Il sait
seulement que c'était à la deuxième immersion. L'aspect clinique
de cet accident ne différait absolument en rien du deuxième. En
effet, mêmes symptômes, c'est-à-dire douleurs lombaires, para-
plégie complète, rétention d'urines et de selles durant deux jours,
et de même durée (une demi-heure). Au bout de ce délai de
temps, tout fait place à sa parésie antérieure.
Examen du 15 février 1885. Pour peu qu'on y fasse attention,
on voit le malade légèrement boiter et traîner un peu son membre
droit inférieur. Pour détacher du sol son membre inférieur droit
et le porter en avant, il est forcé d'incliner, mais très peu, le tronc
de son corps à gauche et d'élever de cette manière légèrement sa
hanche droite : il ne fait pas la même chose pour le membre
gauche. Tremblement involontaire qui apparaît surtout au
réveil et sous l'influence d'une émotion morale quelconque : cela
lui arrive aussi presque toutes les fois qu'il commence à se mettre
sur ses pieds et à marcher après être resté assis longtemps sur
une chaise. Cette épilepsie spinale peut être très facilement pro-
voquée au membre droit par le procédé élémentaire, c'est-à-dire
la brusque flexion du pied. Impossible de la provoquer au membre
gauche sans faire marcher le malade avant l'essai, et encore le
pied ne trépide que très peu. Le malade a quelquefois des
secousses pendant la nuit dans son lit.
Si on percute le tendon rotulien droit, on voit que la jambe
droite se projette à deux ou trois reprises successives et d'une
façon très brusque. Par la percussion du tendon rotulien gauche,
on provoque l'exaltation du réflexe du genou' qui est moindre
qu'à droite.
La sensibilité examinée sous tous ses modes paraît annihilée
(douleur, température contact) au membre droit, surtout à la
région du dos du pied qui est presque complètement anesthésiée :
à gauche la sensibilité semble très légèrement affectée.
Par le toucher, on constate que le pied droit est plus froid
que le gauche et il présente en même temps une couleur rouge
bleuâtre.
L'état de nutrition des membres paralysés ne laisse rien à
désirer. Ils ont leur volume normal ; il n'y a pas de trace de
myatrophie. Les muscles répondent parfaitement aussi bien au
courant faradique que galvanique.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 1S7
Le malade a de temps en temps de l'incontinence d'urines, tou-
jours la nuit ; quelquefois il pressent l'incontinence par un malaise
indéfinissable à la région lombaire. Aussitôt que le malade sent
le besoin d'aller à la selle, il se presse, car autrement il aura
certainement des selles involontaires.
Les érections incomplètes, mais assez voluptueuses, sont suivies
plusieurs fois de pertes séminales, qui affaiblissent le malade.
L'examen très soigneusement fait au point de vue de l'exis-
tence des symptômes céphaliques et bulbaires a été négatif.-Rien
aux membres supérieurs. Les autres fonctions de l'organisme
paraissent s'effectuer régulièrement.
Observation II. - Accident survenu le 20 juillet 1879 ; deuxième
immersion; profondeur, 22 brasses; séjour, une demi-heure ;
décompression brusque d'une demi-minute. Symptômes gastri-
ques : douleurs ; gonflement de l'épigastre; nausées; éructations
gazeuses. Paraplégie des membres inférieurs, accompagnée
de monoplégie fugitive du membre supérieur droit, non précédée
des symptômes céphaliques. -Examen dzc 27 jzcillet 4885. - Para-
plégie spasmodique : démarche spastique; exaltation des réflexes ;
secousses; contractures passagères ; dyscampsie des articulations ;
épilepsie spinale tant spontanée que provoquée.
Le nommé D. Cocoulis, âgé de trente-six ans, sans antécédents
héréditaires ou personnels, robuste, a commencé son métier de
scaphandrier le 10 juin 1879. Au bout de quarante jours de travail,
pas d'accidents ; le 20 juillet, après avoir fait une première immer-
sion, il en fait une deuxième à 9 heures du matin, à une profon-
deur de 22 brasses seulement, mais par contre, le séjour dans le
fond ayant été prolongé plus d'une demi-heure, on le décomprime
en une demi-minute. Dès qu'on lui enlève le casque, le malade est
pris de fortes douleurs à la région gastrique, qui était si gonflée,
qu'elle faisait une saillie manifeste. Par suite de ce gonflement,
la respiration était fort gênée. En outre, le malade avait des
nausées continuelles et des éructations gazeuses, qui, après une
demi-heure, ont fini par faire disparaître ce gonflement de l'esto-
mac et faciliter ainsi grandement la respiration. En même
temps que ces symptômes gastriques, le malade sentait un engour-
dissement et une faiblesse, qui, croissant rapidement, ont fini
après trois heures par paralyser complètement les deux membres
inférieurs et le supérieur droit. Pas de perte de connaissance, pas
de vertiges, pas de paralysie faciale, ni embarras de la parole :
enfin, aucun symptôme céphalique. Le malade dit que ses trois
membres paralysés étaient insensibles à la piqûre d'aiguille. Nous
avons oublié de noter qu'il y avait encore de la rétention des urines
et des selles ayant nécessité l'emploi de la sonde et des purgatifs.'
158 CLINIQUE NERVEUSE.
La monoplégie du membre supérieur droit n'a été que momen-
tanée : en effet, elle n'a duré que six heures, au bout desquelles
notre homme a recouvré entièrement l'usage de ce membre. Par
contre, sa paraplégie était si complète, qu'elle ne lui permettait
pas de faire le moindre mouvement. Au début de la quatrième
semaine, des secousses ont commencé à tourmenter le malade,
surtout la nuit. Plusieurs fois aussi, il sentait dans son lit ses
membres paralysés se raidir et s'étendre pendant quelques mi-
nutes ; ce qui le gênait beaucoup : avec le temps, ces contractures
revenaient plus fréquemment et avec plus de force. -A la même
époque, la rétention des urines a fait place à une incontinence,
qui survenait par accès tous les trois ou quatre jours pendant la
nuit et plusieurs fois précédée d'un rêve ; le malade croyant être
réveillé commençait à uriner. Il lui est même arrivé fréquemment
de se réveiller pendant l'acte. Les selles lui venaient aussi quel-
quefois involontairement.
Le malade garde le lit pendant une année entière, ayant les
membres complètement paralysés et très raides, et c'est à peine
si, au mois de juillet 1879, il commence à faire quelques pas à
l'aide de deux béquilles; mais, un mois après, voyant que son état
restait stationnaire, il se décide à reprendre son travail, comme
moyen thérapeutique, en se comprimant à 15 ou à 18 mètres,
trois fois par jour : rarement la compression dépassait cette me-
sure ; dans le cas contraire, il avait toujours soin de ne pas rester
plus de dix minutes dans le fond.
Vingt-cinq jours après, son état s'est tellement amélioré qu'il a
pu marcher sans appui. Cependant, comme il a négligé de recou-
rir dans la suite à la compression et qu'il s'est livré à des excès
de boisson, son état, au lieu de s'améliorer, s'est empiré au point
qu'il a été obligé de se servir de nouveau de l'appui pour mar-
cher.
État du malade le 27 juillet 1885. Le fait dominant presque
exclusivement l'état du malade est une paraplégie des membres
inférieurs, suitout à droite. Si l'on fait marcher le malade, on
remarque que pour marcher il est obligé, en s'appuyant sur son
bâton, d'incliner fortement le tronc à gauche et un peu en arrière
et de lever la hanche droite pour pouvoir détacher la jambe
droite, qui, agitée alors d'un tremblement involontaire dont est
bientôt saisi le corps tout entier, décrit un tour en frottant le sol.
On peut remarquer que ses souliers sont usés à leurs pointes, parce
que le talon s'élève à chaque pas et touche à peine le sol. Il
devient impossible au malade de marcher sur un plan incliné,
sous peine de tomber.
Les mouvements réflexes provoqués par diverses excitations de
la peau et particulièrement par le chatouillement de la plante du
pied augmentent considérablement. Le phénomène du genou à
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRE. 159
droite est très exalté. Par des coups rapides et successifs sur le
tendon rotulien, on provoque la contracture du membre droit. A
gauche un seul coup suffit pour faire brusquement projeter la
jambe deux ou trois fois.
Le malade est tourmenté de contractures, qui durent un temps
variable, surtout la nuit, dans son lit. Quand on fait mouvoir ses
membres, on sent une résistance sensible, sans que sa volonté s'y
oppose. En général, les membres paralytiques sont très raides.-
Par une légère flexion du pied, on voit se développer la trépidation
épileptoïde : à droite même, pour faire cesser le tremblement, il
faut fortement fléchir le pouce du pied.
La sensibilité se trouve affectée seulement sous le rapport de la
douleur, surtout à droite, mais non sous celui du contact et de la
température. Nulle trace de paralysie du membre supérieur droit :
Nuls troubles vaso-moteurs. Nuls troubles trophiques. Les
membres sont bien musclés et l'examen farado-galvanique n'offre
rien d'anormal. Sens musculaire parfaitement normal. Les
fonctions de la vessie, du rectum et des organes génitaux sont
physiologiques. Aucun symptôme céphalique. Les autres organes
paraissent bien fonctionner.
OBSERVATION III. Accident produit le 98 octobre 1883, à la quatrième
immersion; profondeur de 18 brasses ; séjour de trente-cinq mi-
nutes ; décompression brusque d'une demi-minute. Pression
douloureuse constrictive de la nuque; douleurs at'g'psM/edt'oe.
Paraplégie des membres inférieurs avec monoplégie passade
de l'extrémité supérieure gauche. Syndrome spasmodique dans
la suite. Grande amélioration par le travail dans l'air comprimé.
Etat du malade le 20 juillet 1884. Cortège symptomatique de la
paraplégie spasmodique, isolé et dégagé de tout autre syndrome
morbide.
Le nommé Nicolas Reclitis, âgé de dix-neuf ans, pas d'antécé-
dents, a commencé à travailler dans l'air comprimé au mois de
mai 1883. Pendant six mois environ de travail presque continuel,
il n'a eu aucun accident. Ce n'est que le 10 octobre de cette année,
à la quatrième immersion faite à la profondeur de 18 brasses,
après un séjour de trente-cinq minutes de durée et une décom-
pression brusque d'une demi-minute, qu'il a été atteint de l'acci-
dent que nous allons décrire. Cependant le malade affirme qu'il
a fait plusieurs fois dans le cours de cette campagne des immer-
sions tout à fait dans les mêmes conditions que celle qui a causé
l'accident suivant.
Pendant six minutes après l'enlèvement du casque, le malade
n'a rien senti; mais, au bout de ce court délai, il est pris d'une
sensation dépression avec constriction à la nuque, comme si, dit-il,
1G0 CLINIQUE NERVEUSE.
une main le pressait et le serrait fortement : en même temps,
il ressent de fortes douleurs à l'épaule droite : il n'a pas répondu
à notre demande si l'articulation était ou non gonflée; il ajoute
seulement qu'il était forcé de tenir son membre immobile à cause
de la douleur.
Bientôt après, une paraplégie survient : soudaine et complète dès
son début, accompagnée de monoplégie de l'extrémité supérieure
gauche. -Le malade dit que ses deux membres inférieurs étaient
seuls insensibles à la piqûre : au contraire, le supérieur était très
sensible. Pas de distorsion de la bouche ; pas de trace d'aphasie ;
pas de perte de connaissance ; enfin aucun autre symptôme cépha-
lique, sauf cette monoplégie de l'extrémité supérieure gauche que
nous considérons comme étant d'origine cérébrale. A côté de ces
symptômes, c'est-à-dire, pression avec constriction à la nuque,
douleurs à l'épaule droite et paralysie de trois membres cités, le
malade avait de la rétention d'urine et une constipation opiniâtre.
Le 11 octobre, la douleur de l'épaule droite et la pression dou-
loureuse et constrictive de la nuque ont disparu. La paralysie des
trois membres sus-mentionnés persiste complète. On applique la
sonde au malade ; purgatif à l'huile de ricin. La rétention
d'urines, qui pendant six jours a nécessité l'emploi delà sonde, a
été suivie de l'incontinence : les selles lui échappaient aussi invo-
lontairement.
Le 25 octobre, c'est-à-dire quinze jours après l'accident, il a
commencé à remuer le bras gauche qui, quelques jours après, re-
couvrait intégralement la liberté de ses mouvements. Mais il n'a
pas été aussi heuteux pour sa paraplégie, qui l'a forcé à garder le
lit trois mois entiers : en effet, ce n'est que le 15 décembre qu'il a
pu se tenir debout et faire quelques pas à l'aide de deuv béquilles,
ayant des secousses fréquentes et des contractures passagères, sur-
tout la nuit, dès la fin de la quatrième semaine de son accident.
Aussitôt il reprend son travail comme traitement et fait tous les
jours quatre à six immersions à une profondeur de 13 à 20 mètres
et prolongeant chaque fois son séjour une demi-heure. L'amélio-
ration est si grande que le troisième jour de son traitement, il
peut marcher à l'aide d'une seule béquille et peu de jours après
sans béquille : la parésie de la vessie et du rectum ayant été par-
faitement guérie. Cependant, malgré une si rapide et si grande
amélioration, le malade renonce au traitement par l'air comprimé,
et, ce qu'il y a de pire encore, il se livre à des excès de boisson;
les progrès de l'amélioration arrêtent.
Examen du malade le 20 juillet 1884. On entend de loin le
bruit que le malade fait en frottant le sol : il est forcé d'incliner
le tronc à gauche et de lever la hanche droite pour pouvoir déta-
cher du sol le membre correspondant qui lui paraît long à cause
de l'impossibilité où il est de fléchir l'articulation du genou et do
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 161
le faire ainsi avancer. La même chose doit avoir lieu pour l'autre
membre : toutefois le malade marche sans appui.
Tous les mouvements réflexes provoqués par les diverses excita-
tions de la peau et surtout par le chatouillement de la plante du
pied se trouvent augmentés. L'exaltation du réflexe rotulien
est telle que lorsqu'on frappe sur le tendon rotulien, la jambe se
projette deux ou trois fois et d'une façon très brusque et spasmo-
dique. En outre chaque coup du marteau percuteur provoque une
secousse de tout le corps, accompagnée d'une inspiration brusque
et de caractère spastique.
Une seule flexion du pied suffit pour provoquer la trépidation
épileptoïde, qui existe déjà spontanément, surtout au réveil et
sous l'influence d'émotions morales.
Le malade est tourmenté la nuit de secousses fréquentes : il
sent aussi souvent ses membres se raidir dans l'extension pendant
un temps variable. Quand on veut faire mouvoir les membres
paralysés du malade, on éprouve une résistance assez marquée,
sans que le malade s'y oppose à cause de la dyscampsie des arti-
culations.
La sensibilité examinée sous tous ses modes n'a présenté aucune
altération. - L'état nutritif des muscles ne laisse rien à désirer :
en effet, l'examen farado-galvanique a démontré qu'ils se con-
tractent très bien. Sens musculaire normal. - Pas de troubles
vaso-moteurs. L'extrémité supérieure gauche ne présente rien
d'anormal. Pas de troubles de la vessie du rectum et des organes
génitaux. Pas de symptômes céphaliques. Les autres appa-
reils paraissent bien fonctionner.
Observation IV. Accident occasionné par lu jroisiènte immersion;
profondeur de 25 brasses; séjour de plus de vingt minutes; décom-
pression brusque moins de une demi-minute. Douleurs au-
dessous de l'apophyse xiphoàde et aux lombes. Paraplégie des
membres inférieurs, accompagnée de rétention d'urines et de selles.
Evolution des symptômes spasmodiques. Amélioration par le
traitement dans l'air comprimé.
Etal du malade le 15 juillet 1884. Syndrome symptomatique
de paraplégie spastique bien plus marqué au membre droit.
Zacharias 'Valiquitis, àjé de trente ans; pas d'antécédents héré-
ditaires, ou personnels ; il a commencé à travailler en scaphandre
à 1876. Il a travaillé pendant une année entière, sans qu'il lui soit
survenu le moindre accident. Ce n'est que le 15 mai 1877 qu'il a
été attaqué pour la première fois dans les conditions suivantes :
l'immersion qui a occasionné l'accident était la troisième; cet
homme était descendu à une profondeur de 25 brasses et avait
séjourné plus de vingt minutes; la décompression a été assez
Archives, t. XVI. 11 1
162 CLINIQUE NERVEUSE.
brusque, moins d'une demi-minute. Notons bien aussi qu'il avait
beaucoup mangé avant cette immersion.
Immédiatement après l'enlèvement du casque, le malade a été
pris d'une très forte douleur au-dessous de l'apophyse xiphoïde et
à la région lombaire, sans gonflement de l'estomac, au moins
apparent : il y avait seulement une certaine gêne de la respira-
tion, le malade étant forcé de ne pas faire des inspirations pro-
fondes afin de ne pas augmenter la douleur épigastrique. Pas de
perte de connaissance; pas de vertiges; pas de trace d'aphasie ;
enfin, aucun symptôme céphalique.
Au bout d'une heure, la douleur de l'épigastre ainsi que celle
des lombes ont complètement cessé pour faire place à une para-
plégie soudaine complète des membres inférieurs, sans paralysie
des extrémités supérieures et de la face. Ses membres paralysés
étaient insensibles à la piqûre. Enfin, pour achever le tableau cli-
nique de cet accident, ajoutons qu'il y avait en outre de la réten-
tion d'urines et de selles, qui a nécessité l'emploi de la sonde et
des purgatifs.
Du 15 mai, jour de l'accident, jusqu'à la fin de juin, le malade a
été forcé de garder le lit sans pouvoir se tenir debout, ayant des
secousses fréquentes, surtout la nuit.
Le 2 juillet, il se sent capable de se lever, de se tenir debout, et
de faire quelques petits pas à l'aide de deux béquilles : il sentait,
dit-il, ses membres inférieurs très lourds, rigides, qu'il traînait en
frottant fortement le sol; un tremblement involontaire contri-
buait à rendre la marche bien plus difficile ; car il survenait à
chaque pas et avec une grande intensité; ses membres se raidis-
saient, surtout la nuit, pendant un temps variable, toutefois assez
court.
A ce moment, il se décide à faciliter cette tendance à la guéri-
son par le travail dans l'air comprimé, en faisant quatre à cinq
immersions par jour à une profondeur variant lq et 20 mètres et
chaque fois une demi-heure de séjour. 11 se sent très amélioré au
point qu'après vingt jours, c'est-à-dire le 22 juillet, il marche sans
béquilles; il frotte moins le sol ; il traîne moins ses jambes qui
lui paraissent moins lourdes et moins rigides; le tremblement
est moins fréquent et moins intense : les secousses moins fortes et
ses contractures également moins fréquentes; la parésie vésicale
et rectale qui depuis déjà le dixième jour de l'accident avait rem-
placé la rétention a été définitivement guérie. Mais malheureuse-
ment, de retour à son pays, il renonce à la compression comme
moyen thérapeutique et il commence à s'enivrer : l'amélioration
s'arrête.
Dès lors, tous les ans, il faisait sa campagne en se comprimant
à la profondeur de 35 à 45 mètres, quelquefois plus, et prolongeant
son séjour de vingt à trente minutes. Dans ces conditions, il a eu la
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 163
chance de ne pas avoir de nouveaux accidents, mais sa paraplégie
restait dans un état stationnaire.
Etat du malade le 15 juillet 1884. Il marche sans appui quel-
conque. La paralysie est bien plus prononcée à son membre infé-
rieur droit. Il est obligé d'incliner le tronc à gauche et un peu en
arrière et de lever la hanche droite pour pouvoir détacher du sol
la jambe droite et la faire mouvoir, après avoir décrit un arc de
cercle. Quant à la jambe gauche, le malade peut très bien faire
mouvoir sans employer le procédé décrit. De ses souliers, c'est seu-
lement le droit qui s'use à la pointe parce que c'est de la jambe
droite que le malade frotte le sol dans sa marche. 11 a des secousses
fréquentes pendant la nuit, plus souvent à droite. Le malade au lit
sent ses membres se raidir dans l'extension : toutefois la raideur
passagère est plus durable et plus intense à son membre droit.
Il y a une exagération manifeste de mouvements réflexes facile-
ment constatable par les diverses excitations de la peau, surtout
par le chatouillement de la plante du pied, beaucoup plus à droite.
Le phénomène du genou droit est très exalté et chaque coup pro-
voque 2 à 3 projections de la jambe. Quand on frappe le tendon
rotulien gauche, on trouve aussi une exaltation du réflexe corres-
pondant, et à chaque coup, le membre droit fait un mouvement
d'adduction.
La sensibilité se trouve émoussée dans un de ses modes, la dou-
leur, et seulement à. droite.
Le sens musculaire ne présente aucune altération. Pas de
troubles trophiques : l'état des muscles est satisfaisant : examen
électrique négatif. Pas de troubles vaso-moteurs. Vessie et
rectum normaux.
Comme symptômes céphaliques le malade a des frayeurs la nuit ;
voit des têtes grimaçantes et des animaux de diverses espèces ;
enfin il est tourmenté d'insomnies. Il y a du tremblement aux
mains. Il souffre d'une dyspepsie flatulente accompagnée de
pituites, le matin; il continue à commettre des excès alcooliques.
Les autres organes paraissent bien fonctionner.
Observation V. Accident provoqué par la huitième immersion le
2 décembre 1871 : profondeur de 30 brasses ; séjour de plus de
un quart d'heure; décompression brusque. - Cécité complète ayant
duré cinq minutes ci peine et aphasie motrice. Paraplégie.
Syndrome spasmodique. Marche es<eK<M/<em6H<)'eogt'MS : t)e.
Guérison survenue dans un mois par le travail dans l'air comprimé.
Plusieurs accidents de paraplégie fugitive, souvent accompagnée
de prurit, qui survient quelquefois seul et isolé de tout autre symp-
tôme.
Constantin Colovolis, âgé de trente-huit ans, pas d'antécédents
164 CLINIQUE NERVEUSE.
héréditaires ou personnels, a commencé le travail dans l'air com-
primé au mois de mai 1871, il a travaillé pendant environ sept
mois, sans avoir eu d'accidents ; ce n'est que le 2 novembre de la
même année, à la huitième immersion de la journée, à la profon-
deur de 30 asses, le séjour dans le fond ayant été prolongé plus
d'un quart d'heure, qu'il a eu l'accident suivant. --Deux minutes
après la décompression, faite comme toujours d'une façon assez
brusque et l'enlèvement du casque, soudain le malade perd tout à
fait la vue ; aussitôt après, il est pris d'un trouble du langage, il
ne pouvait plus articuler un seul mot; tout ce qu'il pouvait pro-
noncer, c'était ha, ha, ha, ho, ho, ho; mais il comprenait, dit-il,
parfaitement bien ce qui se disait autour de lui, sans pouvoir
répondre. Il s'entendait un peu avec son entourage parla mimique.
Il ne savait ni lire ni écrire. Pas de perte connaissance, pas de ver-
tiges, pas de bouche de travers, enfin pas d'autres symptômes cépha-
liques.
Au bout de cinq minutes, la cécité s'est passée d'une façon
complète, le malade voyait comme avant l'accident, mais il n'en a
pas été de même pour son aphasie. Dix minutes après l'accident
à côté de l'aphasie, il devient paralytique des membres inférieurs,
ses extrémités supérieures étant absolument indemnes. Ses mem-
bres paralytiques étaient insensibles à la piqûre. Le malade enfin
avait en outre des rétentions d'urine et de selles.
Le 3 novembre, vingt-quatre heures environ après l'accident, le
malade a commencé à pouvoir articuler quelques mots ; dès lors,
en peu de temps son vocabulaire de mots devint de plus en plus
riche, de sorte que le 4 novembre, il articulait très bien tous les
mots. La sensibilité des membres paralysés a commencé à
revenir, car il sentait quoique vaguement la piqûre. Ce jour-là
le malade a eu de l'incontinence d'urines et de selles.
Pendant vingt jours, il a été forcé de garder le lit, sans pouvoir
se tenir debout.
Le 22 novembre, il a pu à l'aide de 2 béquilles faire quelques
petits pas ; mais depuis lors, l'amélioration a fait des progrès si
considérables que le 10 décembre, il a pu marcher sans appui.
Dès ce moment, l'amélioration s'arrête, le malade boite, il traîne
ses jambes, il frotte le sol en marchant et ses pieds tremblent, sur-
tout au réveil et sous l'influence des émotions morales et de la
fatigue. Il sent ses membres se raidir de temps en temps, mais
surtout la nuit. Il a aussi des secousses qui le tourmentent assez
souvent.
Durant quatre mois, l'état du malade resta tel que nous venons
de le décrire, sans aucune tendance à la guérison. Le 2 mai 1872,
le malade se décide à reprendre ses immersions, comme moyen
thérapeutique, en en faisant de 5 à 7 par jour. La profondeur de
chaque immersion variait entre 1 ! ! et 20 mètres et son séjour chaque
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. '16S
fois était prolongé jusqu'à ce que le malade suât abondamment;
la décompression ne durait pas plus de vingt secondes.
A l'aide de ce traitement, l'amélioration a marché avec une
rapidité véritablement surprenante au point que, au commen-
cement de juin, il s'est débarrassé complètement de son état
paraplégique ; le malade faisait de longues courses sans se fati-
guer.
Depuis sa guérison jusqu'au 15 février 1884, jour de l'examen
de ce malade, il m'a raconté qu'il faisait régulièrement ses cam-
pagnes pour la pêche des éponges et qu'il avait pris les accidents
suivants.
Tous les ans, quelquefois plusieurs fois par an, lorsqu'il descen-
dait même à la première immersion à une profondeur de 28 à
30 brasses et qu'il séjournait plus d'un quart d'heure dans le fond,
il se sentait pris d'une paralysie subite et complète aussi bien de
la motilité que de la sensibilité des membres inférieurs, paralysie
très fugitive, car elle n'a jamais duré plus de quatre à cinq heures.
Cette paraplégie n'était ni précédée ni accompagnée d'aucun autre
symptôme, sauf un prurit intense qui était intolérable et qui durait
environ de quatre à seize heures. Ce prurit survenait quelquefois
d'une façon isolée, constituant à lui seul le tableau clinique de
l'accident sans aucun autre symptôme quel qu'il fût.
Examen du malade, le 15 février 1884. - Il n'y a pas le moindre
trouble, ni de la motilité, ni de la sensibilité des membres inférieurs
du malade. Le sens musculaire ne présente aucune altération
appréciable; il n'y a pas trace de trépidation épileptoïde soit
spontanée, soit provoquée.
Le seul signe qui existe comme vestige de la paraplégie spas-
modique proexistente est une légère exaltation du réflexe rotulien
des deux côtés ; pas de troubles trophiques ni vaso-moteurs ; les
fonctions de la miction de la défécation et de la génération sont
à l'état normal.
Il n'y a aucun symptôme céphalique. Il est venu me consulter
seulement sur ce qu'il devait faire pour se débarrasser de son
prurit qui lui survenait après chaque montée, toutes les fois qu'il
descendait à une profondeur de 44 mètres et au delà. Je lui ai
conseillé la récompression comme le seul moyen rapide et très
efficace après chaque prurit ; depuis lors il a eu recours à ce
moyen, et après une immersion, rarement deux, le prurit dis-
parut.
Observation VI. Accident survenu à la cinquième immersion
faite tout à fait dans les mêmes conditions que les quatre pré-
céderzles, 26 brasses de profondeur et dix minutes de séjour dans le
fond; décompression brusque, une minute. Symptômes d'invasion;
166 CLINIQUE NERVEUSE.
' perte de connaissance et serrement spastique de mâchoires.
Paraplégie passagère accompagnée et suivie d'un priapisme qui a
duré seize jours.
État actuel. Réflexes exaltés.
Le nommé N. Gerassimis, de l'lie dechalki, âgé de trente-cinq ans,
sans antécédents héréditaires ou personnels, exerce déjà le métier
de scaphandrier, depuis 1870. Durant cinq ans de suite cet homme
n'a eu aucun accident. Ce n'est que le 15 mai 1876 qu'il a eu
l'accident que nous allons décrire. Ce jour-là, après avoir fait
4 immersions successives à une profondeur de 26 brasses, chaque
fois le séjour dans le fond n'ayant pas duré plus de dix minutes,
il en fait une cinquième tout à fait dans les mêmes conditions de
profondeur, de séjour et une minute de décompression. Il ne
toussait pas, il n'avait pas mangé, il n'était pas refroidi avant cette
immersion. Il importe de remarquer qu'il n'était pas fatigué.
, Dès qu'on lui enlève le casque, le malade perd connaissance,
sans aucun symptôme prodromique et à l'instant ses urines et ses
selles lui échappent involontairement. Il y avait en même temps,
d'après le dire d'un de ses compagnons qui était présent à notre
examen, un serrement de mâchoires tellement fort, qu'il était im-
possible de lui entr'ouvrir les mâchoires afin de lui administrer
de l'huile ou autre chose pour le faire vomir, selon l'habitude des
scaphandriers. Au bout d'une heure et demie, le malade revient à
lui, n'ayant plus les mâchoires serrées, ni vertiges, ni trouble de
langage, ni enfin aucun autre symptôme céphalique, sauf un cer-
tain degré de lourdeur de tête. Mais par contre, les membres infé-
rieurs du malade étaient complètement paralysés et anesthésiés.
Il n'existait plus de troubles urinaires ou rectaux. Du côté des
organes génitaux il y avait un priapisme très fort, le pénis était
dans un tel état d'érection que le malade nous raconte qu'il ne se
' souvient jamais avoir vu son membre viril si- dur et si turgescent.
Le 18 mai, c'est-à-dire troisjoursaprès l'accident, le malade recou-
vra entièrement la motilité et la sensibilité de ses membres infé-
rieurs. 11 se fatiguait seulement quand il faisait des longues courses.
Mais il n'en a pas été de même pour son priapisme, qui a persisté
avec une ténacité remarquable et une intensité exceptionnelle
pendant treize jours encore, c'est-à-dire seize jours en tout. Nous
avons oublié d'ajouter qu'aucune sensation voluptueuse n'était
associée à ce priapisme. Le 1er juin, il était complètement débar-
rassé de son priapisme et en conséquence guéri, car c'était le seul
symptôme qui représentait à cette époque son état maladif.
Etat actuel. Exaltation considérable des réflexes.
Observation VU. Accident provoqué le 24 mai 1883 à la sixième inz-
mersion; descente ci une profondeur de 26 brasses ; séjour de vingt
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 167
minutes plus prolongé que dans les 5 immersions précédentes ;
décompression brusque. Douleurs à l'estomac, gêne de la respi-
ration et aphasie motrice de dix minutes. Paraplégie des membres
inférieurs. Six heures d'intervalle de bien-être entre la dispari-
tion des symptômes prodromiques et l'apparition de la paraplégie.
Evolution des symptômes spasmodiques.
Etat actuel (15 mai 1881). Cortège symptonzatiquc de la
paraplégie spastique, avec quelques troubles urinaires et abolition
notable des fonctions génitables. Le 20 août 1881, guérison
presque complète et définitive par les compressions. Complément
du traitement par l'hydrothérapie, les pointes de feu et la médi-
cation tonique.
Le nommé S. Georgiades, homme robuste, sans antécédents
héréditaires ou personnels, âgé de vingt-neuf ans, a commencé à
travailler en scaphandre au mois de mars 1883. Pendant deux mois
de suite ce scaphandrier n'a été attaqué d'aucune espèce d'acci-
dent. Le 8 mai de la même année, il a eu l'accident suivant. Le
malade ne peut nous décrire exactement les conditions dans les-
quelles l'immersion qui lui a causé l'accident a eu lieu; il se rap-
pelle seulement que c'était à 2 heures de l'après-midi, et
qu'après sa montée il est resté trois heures sans rien sentir ; mais
vers 5 heures du soir, il est pris de douleurs excessivement fortes,
au point qu'il poussait des cris déchirants. Les douleurs occupaient
les articulations de l'épaule et du coude de l'extrémité supérieure
droite, ainsi que celles de la hanche et du genou du membre infé-
rieur gauche. Ces douleurs ont persisté toute la nuit avec une
intensité si grande que le malade n'a pas fermé les yeux; elles
n'ont cessé que le lendemain, vers 5 heures du soir. Il faut
noter aussi que ces douleurs existaient seules et isolées de tout
autre symptôme quel qu'il fût; le jour suivant, cet homme reprit
son travail dans l'air comprimé, mais il n'a pas eu la chance de
travailler longtemps sans accident.
Le 24 mai, c'est-à-dire seize jours après le premier accident,
après avoir fait 5 immersions successives à une profondeur de
26 brasses, il en fait une sixième : cette fois, il reste vingt- minutes
dans le fond, au lieu de dix a quinze qu'il était resté aux 4 im-
mersions précédentes; aussitôt après l'enlèvement' du casque,
à 5 heures du soir, il sentit des douleurs très fortes à l'épigastre,
sans gonflement de l'estomac, et évite de faire des inspirations
plus ou moins profondes pour ne pas augmenter sa douleur épi-
gastrique. Outre cette douleur, le malade se trouvait dans l'impos-
sibilité absolue d'articuler un seul mot. Il comprenait, dit-il, ce
qu'on disait autour de lui, mais il ne pouvait y répondre. Le seul
moyen par lequel il s'entendait, d'ailleurs assez bien, était la
mimique. Il ne savait ni lire ni écrire. Pas d'aphonie.
168 CLINIQUE NERVEUSE.
Au bout de dix minutes, ses douleurs ainsi que son trouble de
langage ont complètement disparu. Six heures se passent et le
malade se sent parfaitement bien, sans aucun symptôme cépha-
lique, ni aucune espèce de paralysie. A 11 heures du soir, une
paraplégie subite survient aux membres inférieurs avec une anes-
thésie tellement prononcée qu'on passait l'aiguille à travers les
membres paralysés du-malade sans qu'il en ressentit la moindre
sensation. Unerétention d'urines et de selles a nécessité le sondage
et les purgatifs. Le 4 juin la rétention a été suivie d'incontinence.
Vers la fin de la troisième semaine de son accident, il a com-
mencé à avoir des secousses, surtout la nuit.
Le 4 juillet, c'est-à-dire quarante jours après son accident, le
malade commence à se tenir debout et à faire quelques pas en
s'appuyant sur une corde du caique. Ses membres lui paraissaient,
dit-il, extrêmement lourds, et souvent, ils étaient agités d'un trem-
blement involontaire qui contribuait aussi à rendre la marche
plus difficile.
Le 20 juillet 1883, l'amélioration n'a fait que peu de progrès, car
il n'a pu marcher qu'à l'aide d'un bâton. Le 3 septembre, le sujet
marche sans appui, mais depuis lors, l'amélioration s'arrête et
le malade reste dans un état stationnaire jusqu'au 13 mai 1884
(c'est-à-dire pendant dix mois), jour de notre examen qui nous
a fourni les résultats suivants.
De loin, on peut faire le diagnostic de la paraplégie spasmodique,
car on entend le malade venir par le bruit qu'il fait en frottant
le sol. Pour détacher du sol sa jambe droite et la faire avancer, il
est obligé de lever la hanche droite et d'incliner le corps à gauche
et un peu en arrière. La même chose arrive pour le membre
opposé, de sorte que le malade a dans sa marche un balancement
tout particulier. Chaque membre en se portant en avant décrit
un tour, frottant en même temps le sol de la pointe de ses souliers,
qui s'use rapidement.
Tous les mouvements réflexes, provoqués par diverses excitations
et surtout par le chatouillement de la plante des pieds, ont été
trouvés exaltés. Le phénomène du genou des deux côtés est si
exalté que la jambe à chaque coup du marteau percuteur fait 2 à
3 projections, accompagnées d'un mouvement d'adduction de la
jambe opposée.
On observe aussi un phénomène du même ordre, qui est le sui-
vant. Le malade étant couché, les jambes tendues, et dans une
position horizontale, quand on tire de son côté la jambe gauche
par exemple, on voit que l'autre suit le membre tiré, en faisant
un mouvement dans le même sens. Quand on lire, au contraire la
jambe droite, la gauche fait aussi le même mouvement en suivant
la droite dans la même direction.
Une légère flexion du pied suffit pour faire paraître l'épilepsie
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 169
spinale. A droite même, pour faire cesser le tremblement, il faut
fortement fléchir le pouce du pied. L'épilepsie spinale existe aussi
spontanément et surtout dans les conditions que nous avons déjà
exposées aux observations qui précèdent. La nuit, le malade est
tourmenté de secousses fréquentes. Il sent aussi ses membres se
raidir dans l'extension pendant un temps variable.
La sensibilité examinée soigneusement sous toutes ses modalités
a été trouvée parfaitement normale. Il n'y a pas le moindre
trouble trophique. Les membres du malade ont leur volume nor-
mal. Leur musculature est parfaite. L'examen électrique a donné
un résultat complètement négatif. Le sens musculaire ne pré-
sente aucune altération.
Pas de troubles vaso-moteurs. Le malade a quelquefois un peu
de difficulté pour uriner. '
Du côté des organes génitaux il y a une abolition notable des
fonctions génitales. Les érections sont incomplètes. Au moment
où il se prépare à introduire son pénis dans le vagin, l'érection
incomplète cesse et en rend l'introduction impossible, ce qui a sur-
tout décidé le malade à venir me consulter. Pas de troubles du
rectum. Pas de symptômes céphaliques.
J'ai conseillé au malade le traitement par compression, c'est-à-
dire, de faire tous les jours 3 à 4 immergions dans la profondeur
de 18 à 20 mètres, et chaque fois de prolonger son séjour de trente
à quarante minutes. Quant à la décompression, qu'elle soit brusque
ou non, peu nous importe, pour les raisons qui seront exposées
dans la suite. L'amélioration a commencé d'une façon lente mais
progressive, au point qu'au bout de trois mois de ce traitement, le
malade a été presque guéri.
Etat actuel (20 août 1884). Le malade marche bien sans
boiter : impossible de reconnaître une allure quelconque de la
démarche spasmodique proexislante; cependant il se fatigue vite
en marchant.
Il faut faire marcher le malade pour pouvoir, par des essais
répétés, provoquer la trépidation épileptoïde. L'exaltation des
réflexes rotuliens existe encore, mais bien moindre.
Les petits troubles urinaires qui existaient ont disparu. Les
érections étant plus complètes et plus durables, l'introduction du
pénis peut avoir lieu, mais l'éjaculation se fait toujours immédiate.
Le malade s'est engagé volontaire dans l'armée, car il n'a pas
voulu continuer son travail dans l'air comprimé.
Pour compléter le traitement, je lui ai prescrit l'hydrothérapie,
l'application des petites pointes de feu faite tous les huit jours le
long de la partie dorsale et lombaire de la colonne vertébrale, et
une médication tonique. Le malade après un mois de traitement
marchait sans se fatiguer. Il était impossible de provoquer l'épi-
lepsie spinale. Rien du côté des organes génitaux. Enfin, le seul
170 CLINIQUE NERVEUSE.
signe qui existait comme souvenir pour ainsi dire et comme marque
de la proexistence de la paraplégie spastique du malade était une
petite exaltation des réflexes rotuliens, surtout à droite.
Observation VIII. Accident provoqué le 27 septembre 1873, à
5 heures du soir, à la sixième immersion, 30 brasses de profondeur,
une demi-heure de séjour, décompression brusque une minute.
Symptômes d'invasion : malaise; douleurs à l'hypogastre, qui
monte et se localise à l'épigastre ; gonflement gazeux de l'estomac ;
difficulté de respirer ; fourmillements. Disparition de ces symp-
tdmes à 9 heures. A minuit, paraplégie avec rétention d'urines
et de selles ; le malade reste paralysé pendant treize ans. Evo-
littion du syndrome spasmodique. Le 28 mai 1886, aggravation
de la paraplégie par un léger accident.
État actuel, le 15 juillet 1886. - Cortège synaplomatique de la
paraplégie spastique avec catarrhe vésical.
Georges Mangaphas, âgé de quarante ans, sans antécédents
héréditaires ou personnels, a commencé son métier de scaphan-
drier au mois de mai 1873 : il a travaillé cinq mois environ sans
avoir eu d'accident. Mais le 27 septembre de la même année,
après avoir fait déjà 5 immersions [c'était le système qui régnait
alors, dont nous parlerons au chapitre de I'E< ! 0<oe], de suite sans
accidents; il en fait une sixième, à 5 heures du soir, à une profon-
deur de 30 brasses, et séjourne dans le fond une demi-heure : la
décompression a été exécutée comme d'habitude, c'est-à-dire en
une minute. Aussitôt après sa montée, il a senti un malaise
général que le malade ne peut définir. Sans tenir compte de son
état, il remet son casque pour faire la septième immersion de
sa série. Mais dès qu'il se prépare à quitter l'échelle du bateau
pour se plonger, il sent une douleur à la région hypogastrique, et
il penche le corps en avant pour se soulager. La douleur, au lieu
de rester stationnaire, monte verticalement et gagne le creux de
l'épigastre ; alors, il reprend aussitôt le bateau pour se déshabiller.
Cette douleur qui était, d'après le dire du malade, semblable à
celle d'un coup de poignard, était accompagnée d'un gonflement
de l'estomac qui faisait une saillie énorme sur la partie supé-
rieure du ventre. Outre les symptômes décrits, la respiration était
très gênée : il sent aussi un besoin impérieux d'uriner et d'aller à
la selle, mais en vain il se force, rien ne sort. Ace moment, il est
pris à l'arrière du pied gauche d'un fourmillement très fort, qui
rapidement monte jusqu'aux côtes gauches. La même sensation
ayant la même marche ascendante arrive au côté droit. Le malade
marche très bien, sans vertiges ni mal de tête, ni embarras de la
parole; enfin aucun symptôme céphalique. Il s'endort à 9 heures
du soir, les fourmillements et tous les autres symptômes décrits
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 171
ayant disparu, sans excepter le gonflement de l'estomac, qui s'était
passé, à la suite d'un renvoi de gaz aussi bien par en haut que
par en bas.
A minuit, il essaye d'uriner, mais il n'y arrive pas; il voit en
outre que ses membres inférieurs sont complètement paralysés de
leur motilité ; leur sensibilité était diminuée mais non abolie.
Pour le faire uriner, on emploie la sonde, pendant sept jours de
suite, au bout desquels la rétention a fait place à l'incontinence.
Au début de la quatrième semaine de son accident, il com-
mence à avoir des secousses nocturnes. A la même époque, le ma-
lade urinait bien, toutefois avec une petite douleur à l'orifice
externe.
Le 9 novembre, le malade a eu .une hématurie intense qui se
répétait tous les cinq jours.
Le 11 décembre 1873, c'est-à-dire deux mois et demi après son
accident, le malade commence à se tenir debout et à faire quel-
ques petits pas en s'appuyant sur deux bâtons.
Le 26 janvier 1874, il a pu marcher à l'aide d'un bâton seule-
ment ; mais ses pieds étaient toujours très lourds et agités d'un
tremblement, frottant le sol, ayant des secousses et des contrac-
tures passagères, surtout la nuit. Ses membres paralysés ont
gardé, dit-il, leur volume normal. Le malade a commencé aussi à
avoir, outre son hématurie, du pus avec mucus en quantité con-
sidérable. Un dépôt très épais se formait toujours au fond du vase.
Le 10 février, il a pu marcher sans appui.
L'état du malade tel que nous venons de le décrire est resté
sans aucune autre amélioration jusqu'à 1886 ; il n'a pas suivi le
traitement par compression. Il se livrait pendant tout ce temps à
des excès de boisson. Le malade faisait tous les ans régulièrement
ses campagnes, sans avoir aucun accident.
Le 28 mai 1886, à 11 heures du matin, ayant déjà antérieurement
fait 4 immersions inoffensives, il en fait une cinquième, de même
profondeur : 50 à 55 mètres, et de même séjour que les 4 précé-
dentes. La décompression a été d'une minute. Un quart d'heure
après sa montée et l'enlèvement du casque, le malade est pris
d'une sensation de chaleur à la nuque qui bientôt après se trans-
forme en une constriction que le malade compare à quelque chose
qui l'écrasait, et qui était tellement forte qu'il pleurait en pous-
sant des cris comme un enfant. Au bout de vingt minutes, cette
douleur cesse pour faire place à un engourdissement siégeant aux
quatre membres, mais surtout aux inférieurs. Enfin l'état paraplé-
gique a considérablement empiré. Il n'a pas été forcé de s'ali-
ter, ni même de prendre un appui pour marcher; il ne s'était pas
servi jusqu'alors, mais cependant ses membres paralysés étaient
devenus bien plus tremblants, plus lourds, les genoux s'enclavaient
dans la marche, ce qui la rendait bien plus difficile encore.
'172 CLINIQUE NERVEUSE.
Etat actuel le 15 juillet 1886. Le malade marche toujours sans
bâton; sa démarche est fortement spasmodique. Les mouvements
réflexes examinés par les procédés habituels sont trouvés plus
exaltés. Le phénomène du genou est tellement exagéré qu'un seul
coup de marteau percuteur suffit pour projeter plus de deux fois
la jambe correspondante. Si on multiplie les coups de marteau,
on produit une contracture du membre percuté, qu'on fait dispa-
raître par le massage des muscles antagonistes.
Par une légère flexion des pieds, on provoque l'épilepsie spinale,
qui, une fois commencée, ne cesse qu'après avoir fortement fait
fléchir le pouce du pied. L'épilepsie spinale existe aussi spontanée,
surtout au réveil, après une longue marche et sous l'influence de
causes morales, émotions, etc.
Le malade a des contractures passagères, surtout la nuit, et un
peu plus fortes à gauche. Il a aussi des secousses qui le tour-
mentent surtout la nuit. Il y a une dyscampsie des articulations
que l'on constate facilement, si l'on fait mouvoir les membres du
malade.
La sensibilité examinée sous tous ses modes et très soigneuse-
ment, a été trouvée parfaite.
Pas le moindre trouble du sens musculaire. L'état trophique des
membres paralysés ne laisse rien à désirer, les muscles répondent
très bien à l'électricité. Pas de troubles vaso-moteurs. L'examen
des urines a montré une grande quantité de pus et de mucus.
Les fonctions des autres organes paraissent bien se faire. Il n'y
a rien du côté du rectum et des organes génitaux. La douleur
de l'orifice externe du méat a été supprimée. Pas de symptômes
céphaliques.
Observation IX. Accident provoqué le 15 juillet 1872, à la deuxième
immersion, faite à une profondeur de 23 brasses ; séjour de vingt-
cinq minutes ; décompression brusque. Paralysie de la motilité
et de la sensibilité des membres inférieurs avec rétention d'urines
et de selles. Pas de symptômes cérébraux gastriques ou autres.
Evolution des symptômes spasmodiques. Le malade reste
paraplégique jusqu'en 1884 : excès continus de boissons.
État du malade, le 20 juillet 1884. Syndrome de la paraplégie
spastique ; anesthésie en plaques; troubles vaso-moteurs et urinaires.
Le nommé D. Soutsos, âgé de trente-deux ans, ne présente rien
comme antécédents héréditaires. Bonne santé antérieure; pas
de syphilis, ni paludisme, ni maladies fébriles. 11 a commencé à
travailler dans l'air comprimé le 15 mai 1872.
Le 15 juillet, c'est-à-dire après deux mois juste de travail, il
était descendu à une profondeur de 23 brasses et avait séjourné
un quart d'heure ; tout cela se passe sans accident : il fait une
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 173
deuxième immersion à 10 heures du matin à la même profondeur
de 23 brasses, mais le séjour ayant été prolongé jusqu'à vingt-cinq
minutes, la décompression a été brusque comme toujours. Pas
de repas, pas de toux, pas de refroidissement avant l'immersion,
pas de fatigue. Le malade affirme que plusieurs fois déjà, antérieure-
ment, il avait fait des immersions dans les mêmes conditions, sans
avoir eu d'accidents.
Une demi-heure après la montée et l'enlèvement de son casque,
le malade est pris d'un frisson général absolument semblable,
dit-il, à celui des accès de fièvres intermittentes et bientôt après
il perd connaissance pendant une heure. Au bout de ce temps, le
malade revient à lui, sans avoir ni vertiges, ni trouble de langage,
ni bourdonnements d'oreilles, ni étourdissements, enfin aucun
autre symptôme céphalique. Mais par contre, il a une paralysie
de la motilité et de la sensibilité des membres inférieurs, qui est
accompagnée de rétention d'urines persistant pendant un mois.
On était naturellement forcé de sonder le malade tous les jours,
ou tous les deux jours. Au bout de ce temps, la rétention a été
remplacée par l'incontinence. Rien du côté du rectum et des
organes génitaux.
Au début de la quatrième semaine de son accident, le malade
commence à avoir des secousses. Il a été forcé de garder le lit
pendant plus de trois mois entiers.
Le 20 octobre, il commence à pouvoir se tenir debout et à faire
de petits pas à l'aide de deux béquilles. L'amélioration a continué
d'une façon lente, mais progressive. Le 6 octobre, il a pu marcher
un peu, à l'aide d'une béquille seulement.
Enfin, le 5 janvier 1873, c'est-à-dire cinq mois et demi après
l'accident, il marche sans béquilles, mais difficilement, et en boi-
tant d'une manière très visible. Ses membres lui paraissent très
lourds, ils étaient souvent agités d'un tremblement involontaire,
ils se contracturaient, surtout la nuit, pendant un temps variable,
toujours assez courtet enfin son incontinence continuait invariable-
ment. Là, cette amélioration très lente, mais enfin progressive
s'arrête définitivement. Depuis lors, jusqu'à aujourd'hui il est resté
presque tel qu'il était.
N'oublions pas de noter que ce malade n'a cessé de s'enivrer et
qu'il n'a jamais essayé le traitement par immersions.
Etat du malade le 20 juillet 1884. Le malade peut marcher sans
appui ; il ne s'en sert que quand il est fatigué. A chaque pas, le
malade incline le tronc de son corps à gauche et lève la hanche
droite, pour arriver à détacher du sol le membre inférieur droit,
qui se porte en avant, après avoir décrit un tour et frotter le sol.
Le même procédé doit être employé par le malade pour le mem-
bre gauche, qu'il ne peut détacher du sol et faire avancer sans
pencher le tronc à droite, etc.
- 174 CLINIQUE NERVEUSE.
Si l'on fait mouvoir les membres du malade, on sent une résis-
tance considérable sans opposition de sa part. Les mouvements
réflexes sont presque tous exaltés. Il y a une exagération considé-
rable des réflexes rotuliens. L'excitabilité de la moelle épinière est
tellement grande et diffuse que les coups portés sur les tendons
rotuliens secouent tout le corps du malade. La trépidation épilep-
toide peut être facilement provoquée par le procédé ordinaire.
Elle existe aussi spontanée surtout au réveil et sous l'influence des
émotions morales. Le malade est tourmenté de secousses et de
contractures passagères, surtout la nuit.
La sensibilité examinée sous tous ses modes a démontré une
anesthésie par plaques étendues. Sens musculaire parfaitement
normal, sauf peut-être un certain degré de signe de Romberg.
Les parties anesthésiées sont froides et livides. Pas de troubles
trophiques. Le malade a quelquefois un peu de difficulté pour
uriner. Les fonctions génitales et rectales sont normales. Pas de
symptômes céphaliques. Les autres appareils paraissent bien fonc-
tionner.
Observation X. Accident provoqué le 26 juillet 18S3 par la
cinquième immersion de la deuxième série. Une autre série de
5 immersions a été faite antérieurement sans suite ; mêmes condi-
tions de travail. Symptômes d'invasion : troubles respiratoires ;
éblouissement avec obscurcissement des yeux; bourdonnements
d'oreilles ; vertiges yyraloires. Paralysie et anesthésie des mcm-
bres inférieurs; l'extrémité supérieure s'était aussi paralysée peil-
dttnt une demi-heure; rétention d'urines ; douleurs aux lombes.
État actuel le 15 février 1884. Paralysie spastique du membre
inférieur gauche et un peu du droit. Sensations étranges du
membre gauche ; hyperesthésie au froid au niveau du pied corres-
pondant.
Nicolas Lagos, trente-deux ans ; il ne présente absolument rien
comme antécédents héréditaires : bonne santé antérieure, pas
d'impaludisme, pas d'accidents syphilitiques, pas d'alcoolisme. 11
a commencé à travailler dans l'air comprimé en 1879, et pendant
quatre ans de travail régulier, il n'a eu aucun accident sérieux,
sauf quelques petites douleurs, sans pouvoir apprécier les condi-
tions qui les ont occasionnées. Cet homme, alors effrayé, cesse son
travail pendant une année environ.
Au commencement du printemps de 1883, il reprend son métier
et travaille jusqu'au 26 juillet sans accident. Ce jour-là, étant à
Corphou, notre scaphandrier, parfaitement bien portant, fait
5 immersions l'une après l'autre sans suites fâcheuses : il se désha-
bille pour déjeuner et il mange très peu, n'ayant pas d'appétit.
Deux heures après il reprend sa sérié d'immersions et il en fait
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. '17 S
4 sans accident ; il en fait une cinquième à une profondeur de
25 brasses, le séjour n'ayant pas dépassé les douze minutes. Il
affirme, non seulement lui, mais encore un de ses compagnons,
qui assistait à notre examen, que cette immersion a été faite tout
à fait dans les mêmes conditions que les 4 précédentes, c'est-à-dire
même profondeur, même durée de séjour et même temps de
décompression.
Après sa montée, il était 5 heures du soir, on lui fait enlever le
casque. Immédiatement, il a été pris d'une dyspnée intense avec
sensation de suffocation imminente; la respiration était sonore,
mais il n'y avait pas de sifflement.
En outre, le malade ne voyait pas clair, ayant un éblouissement
et un obscurcissement assez prononcé. Le malade enfin ajoute
qu'il avait aussi des bourdonnements d'oreilles très forts ; le
malade croyait entendre par intervalles rapprochés des bruits forts
et violents, qu'il compare aux bruits d'une cascade considérable,
ce qui rendait l'ouïe confuse ; il avait en outre des vertiges ; les
objets environnants, dit-il, tournaient autour de lui sans qu'il
tournât aussi avec eux; pas de perte de connaissance, pas de
trouble du langage, enfin, aucun autre symptôme céphalique.
Bientôt après, ses deux membres inférieurs sont complètement
paralysés. L'extrémité supérieure gauche l'était aussi beaucoup,
car il ne pouvait le soulever. La sensibilité au niveau des
membres paralysés aurait été complètement abolie. On pouvait
lui traverser la peau de part en part avec une aiguille, sans que le
malade s'en aperçût.
A 5 heures et demie, c'est-à-dire une demi-heure après son
accident, le malade recouvra aussi bien la motilité que la sensibi-
lité de son membre supérieur gauche.
Le 27 juillet, la dyspnée avec le sentiment de suffocation, les
troubles oculaires et les vertiges ont disparu petit à petit. Il n'en
a pas été de même pour les bourdonnements d'oreilles qui persis-
tent. A ce moment, il essaye d'uriner, sans y arriver. Un médecin
de Corphou lui fait une application de la sonde. Constipation.
Le 31 juillet, il commence à pouvoir soulever ses membres, qui
jusqu'alors étaient complètement immobiles. Les bourdonnements
d'oreilles continuent. La rétention d'urine gêne beaucoup le
malade, car il est en voyage, et sa vessie depuis quatre jours déjà
n'avait pas été vidée.
Le 2 août, le malade fut rapatrié à Hydra. A l'instant, notre
excellent et distingué confrère M. Xanthos, qui assistait à notre
examen, a bien voulu nous communiquer les renseignements sui-
vants : il y avait une distension énorme de la vessie qui débordait
de plusieurs travers de doigts le pubis et il a rencontré beaucoup
de difficulté pour introduire la sonde ; les urines étaient rendues
en quantité considérable. La constipation a nécessité l'emploi de
176 CLINIQUE NERVEUSE.
purgatifs drastiques (huile de croton). La paralysie était à ce mo-
ment améliorée parce qu'il pouvait faire quelques pas, soutenu
toutefois par 2 personnes; il n'y avait pas trace de paralysie de
l'extrémité supérieure ni de la face. La sensibilité n'était pas alté-
rée. Le malade était tourmenté de douleurs lombaires, qu'il com-
parait à des coups de poignard; à chaque coup, il croyait que ses
reins s'ouvraient en deux. Rien du côté des sens spéciaux; pas de
bourdonnements ; le malade parlait bien ; il n'avait ni vertiges ni
aucun autre symptôme céphalique. 11 a ordonné comme trai-
tement des ventouses scarifiées, des frictions et des toniques : il a
continué à sonder le malade tous les matins pendant quatre jours,
au bout desquels la vessie est revenue à son état normal. Pas de
constipation. Le 22 août, le malade a pu marcher à l'aide d'un
seul bâton. Les douleurs de reins reviennent de temps en temps,
surtout après un peu de fatigue. Il a des secousses dans les mem-
bres paralysés. Il a aussi des contractures passagères ; les membres
s'étendent et se raidissent pendant un temps variable.
A la fin du mois de septembre, il marche sans bâton, tout en
boitant cependant et en frottant le sol par ses membres qui sou-
vent s'agitent d'un tremblement involontaire. Depuis lors le malade
n'a pas suivi son traitement.
Etat actuel, 15 février 1884. Le malade boite d'un seul côté ;
son membre inférieur gauche étant bien plus paralysé que le
droit, il est forcé d'incliner le tronc à droite et de lever la hanche
gauche pour pouvoir détacher du sol son membre inférieur gauche,
qui alors se porte en avant après avoir décrit un demi-tour et
frotté dans son chemin le sol avec la pointe de son soulier gauche,
car le talon touche à peine le sol. Il détache au contraire du sol
son membre droit et le fait avancer avec une grande facilité, de
sorte que le malade en marchant a un balancement unilatéral et
pour ainsi dire monotone. Les fléchisseurs de la jambe gauche
sont bien plus paralysés que les extenseurs.
Tous les mouvements réflexes du membre inférieur gauche
sont exagérés. Le réflexe crémastérien est très exalté. Il y a
une augmentation très marquée des réflexes rotuliens des deux
côtés, mais surtout à gauche.
Une seule flexion du pied gauche suffit pour déterminer la tré-
pidation épileptoïde du membre correspondant. Quant au
membre droit, il faut préalablement faire marcher le malade et
encore faire plusieurs essais pour obtenir le phénomène du pied.
Le malade est tourmenté de secousses, surtout à gauche, ses
membres se fléchissent et s'étendent tout d'un coup. Il a aussi
des contractures seulement dans le membre gauche, qui se raidit
pendant un temps variable, toutefois assez court. Si on fait mou-
voir le membre gauche du malade, on rencontre une très grande
b
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. H7 i
difficulté sans que le malade s'y oppose à cause de la dyscampsic
de ses articulations.
Au point de vue de la sensibilité, le malade présente la sensa-
tion étrange suivante : si on pique ou l'on touche simplement son
membre gauche, alors il sent depuis le genou jusqu'au pied une
sensation désagréable de picotement. Cette sensation ne se pro-
duit pas à droite. Il y a aussi une hyperesthésie exquise au froid
au niveau du pied gauche. Il n'y a pas trace d'atrophie; les
membres du malade, aussi bien le gauche que le droit, ont gardé
leur volume normal ; pas d'autres troubles trophiques. Comme
troubles vaso-moteurs, le malade se plaint seulement d'une sensa-
tion de froid qui peut être constaté aussi par l'application de la
main au membre gauche. Vessie, rectum, organes génitaux à
l'état normal. Il n'y a absolument aucun symptôme céphalique.
Les fonctions des autres organes ne laissent rien à désirer.
Observation XI. Accident provoqué le 15 mai 1874 à la cinquième
immersion. 4 immersions précédentes sans accident. Les condi-
tions du travail de la cinquième immersion étaient parfaitement les
mêmes que les 4 qui ont précédé, comme séjour, comme profondeur
et décompression. Aussitôt après l'enlèvement du casque, dou-
leurs au coude droit. Sixième immersion; à peine touche-t-il le
sol que l'intensité de la douleur du coude le force de remonter.
Immédiatement après la décompression (3 heures du soir), perte de
connaissance, êtourdissemenls. A 5 heures et demie, douleurs
aux articulations des 4 membres jusqu'à minuit, sommeil calme.
Au réveil, 7 heures du matin, paraplégie et anesthésie com-
plète des membres inférieurs. -A 10 heures et demie, amélioration
considérable et rapidement progressive au point qu'à 1 heure du
60t)' le malade a pu faire une course. Impuissance sexuelle com-
plète pendant trois mois. Parésie spastique. - Excès d'alcool
et abus de coït.
Etat actuel le 15 mars 18S4. Légère purésie spastique sur-
tout à la droite. 10 mai 1885, gfMërtsoH complète.
Michel Mostrios, âgé de quarante ans. Pas d'antécédents hérédi-
taires. Comme antécédents personnels, ce malade était atteint de
blennorrhagie intense, au moment même de son accident. Il a com-
mencé son métier de scaphandrier en 1870. et il avait travaillé pen-
dant quatre ans sans accidents. Le 15 mai 1874,àChypre, ayant déjà
fait 4 immersions, de S4 à 27 brasses de profondeur et de huit à
dix minutes de séjour, sans qu'elles fussent suivies d'accident, il
en opère une cinquième tout à fait dans les mêmes conditions.
La décompression ne dépassait pas chaque fois une demi-minute.
Il importe de remarquer que ce plongeur à scaphandre n'était
pas refroidi, il ne toussait pas et n'avait pas mangé avant cette
Archives, t. XVI. 12
478 CLINIQUE NERVEUSE.
immersion. Ajoutons aussi qu'il n'avait pas été fatigué. Presque
aussitôt après sa montée et l'enlèvement du casque (il était
3 heures du soir), il est pris de douleurs très fortes et continues
au coude droit. A ce moment le malade n'avait pas d'autres
symptômes.
Sans tenir compte de cette douleur, il remet son casque pour
opérer une sixième immersion. Mais la douleur qui augmentait
d'intensité d'un instant à l'autre était devenue, au sur et à mesure
qu'il descendait, de plus en plus forte, au point qu'à peine eut-il
touché le fond de la mer, il donna immédiatement le signal pour
le faire monter. Au moment même de l'enlèvement du casque, le
malade perd connaissance. On lui donne du vin chaud pour le faire
vomir; un soulagement immédiat suit le vomissement provoqué par
ce simple moyen et fait revenir le malade.-La durée totale de la
perte de connaissance a été de une heure et demie. Le malade
revenu à lui est pris d'étourdissements; il ressent un malaise;
tous les objets lui paraissent se mouvoir. Pas de troubles aphasi-
ques ou sensoriels ou autre symptôme céphalique. Comme symp-
tômes gastriques, le malade avait une grande soif qu'on a pris
garde de ne pas satisfaire; pas de douleurs ou de gonflement de
l'estomac; pas de troubles respiratoires.
A 5 heures et demie du soir, c'est-à-dire deux heures et demie
après son accident, le malade est pris de douleurs générales telle-
ment fortes qu'il poussait des cris horribles; ces douleurs étaient
plutôt localisées aux articulations des quatre membres ; elles étaient
continues ; mais, de temps en temps, les parties douloureuses
étaient traversées d'élancements intolérables. Il ajoute que toutes
les articulations étaient gonflées, mais surtout celles des genoux ;
il percevait aussi un bruit semblable à un craquement, pendant
les rares mouvements qu'il faisait ; pas de fièvre. La durée de ces
douleurs a été de six heures et demie, c'est-à-dire, qu'elles n'ont
cessé qu'à minuit. A ce moment, étant très fatigué, mais parfai-
tement bien portant, sans étourdissements et sans trace de para-
lysie, il s'endort.
A son réveil, 7 heures du matin, il voit avec un grand étonne-
ment que ses membres inférieurs sont complètement paralysés.
Ils ne pouvaient faire le moindre mouvement. La sensibilité non
seulement au niveau des membres paralysés, mais aussi depuis la
partie inférieure du tronc jusqu'aux côtes, aurait été complète-
ment abolie. C'est à peine si le malade avait le sentiment du
besoin naturel de la défécation, pas de troubles plus sérieux du
côté du rectum; rien du côté de la vessie.
A 10 heures du matin, le malade commence à sentir et à mou-
voir ses membres paralysés qui, jusqu'à ce moment, étaient restés
tout à fait insensibles et immobilisés; mais il ne peut encore se
tenir debout. D'un moment à l'autre l'amélioration fait de tels
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 179
progrès qu'à midi, il peut se tenir debout et faire quelques petits
pas à l'aide d'un bâton. '
A 1 heure du soir, il sort du bateau et fait une petite course ;
mais, il a remarqué qu'il était revenu très fatigué. Comme il était
d'un tempérament très enclin aux plaisirs de l'amour, il alla le
lendemain matin chez une ancienne amante, pour essayer, dit-il,
ses organes génitaux au bon état desquels il tenait beaucoup. Il
fut très affligé de constater une impuissance complète. Quelques
médecins empiriques consultés par lui ont ordonné diverses mix-
tures qui sont restées sans effet.
Le 18 mai, ce scaphandrier a repris son travail avec imprudence,
en faisant des immersions de 20 à 2b brasses de profondeur et de
huit à douze minutes de séjour. Heureusement, la reprise du tra-
vail dans les conditions sus-mentionnées n'a pas occasionné d'au-
tres accidents; mais, par contre, l'amélioration qui avait été véri-
tablement surprenante s'est arrêtée.
Au bout d'un mois à peu près, le malade a commencé à avoir
des secousses dans les membres parésiés : ils se pliaient et s'éten-
daient tout d'un coup ; ces secousses étaient plus fréquentes la
nuit : pas de contractures. Quand le malade faisait une longue
course, ou qu'il était sous l'empire d'une grande émotion, ses
membres s'agitaient d'un tremblement involontaire, mais plutôt
le membre droit. Cependant, le malade faisait des courses avec
son bâton sans boiter; toutefois, il sentait ses membres paresseux
et la fatigue venait vite, surtout du membre droit. A cette époque,
le malade avait recouvré la sensation de la défécation. L'impuis-
sance génitale persistait complète. -
Le malade continue son travail pendant les mois de juillet et
d'août suivants, sans nouvel accident. Au bout de ce temps, il fut
rapatrié à Synii. Il se trouvait à peu de choses près dans le même
état quant à la parésie de ses membres, c'est-à-dire qu'il se fati-
guait vite, qu'il avait des secousses de ses membres parésiés.
La trépidation épileptoïde n'a pas cessé d'avoir lieu, mais par
contre une grande amélioration est survenue dans ses organes
génitaux; en effet, il a commencé à avoir des érections accompa-
gnées de plaisir sexuel. Le retour des érections a rempli de joie
ce débauché, qui n'a pas manqué d'en profiter. Mais sa joie n'a
pas été sans mélange, quand il a vu que ses érections étaient
incomplètes et que l'éjaculation avait lieu au moment même de
l'introduction du pénis, laquelle lui coûtait bien des efforts.
Depuis lors, il faisait tous les ans régulièrement ses campa-
gnes pour la pêche d'épongés et, dans les intervalles des campa-
gnes, il se livrait à des excès de boisson et de plaisirs sexuels.
Malgré ce double abus, l'amélioration a fait quelques progrès; en
effet, il marchait sans bâton, ses membres lui paraissaient plus
180 CLINIQUE NERVEUSE.
légers, les érections, sans être tout à fait normales, étaient cepen-
dant plus complètes et l'éjaculation survenait moins vite.
Etat actuel (15 mars 1884). Le malade marche parfaitement
bien ; il constate seulement qu'après une longue course il se fati-
guait, et surtout le membre droit. 11 y a exaltation des réflexes
rotuliens des deux côtés, mais un peu plus grande à droite. De
temps en temps, surviennent des secousses, plus fortes et plus fré-
quentes au membre droit. Il a fallu faire marcher le malade et
tenter plusieurs essais pour obtenir la trépidation épileptoide
seulement à droite. Le malade ajoute que toutes les fois qu'il se
fatigue après avoir fait une longue course, il est pris d'un trem-
blement qui agite ses membres inférieurs, plus fortement le droit.
Il n'y a pas le moindre trouble trophique. La sensibilité est tout
à fait normale dans toutes ses modalités. Le sens musculaire est
parfait. Les membres ne sont ni froids ni rouges ou violacés.
Rien aux membres supérieurs ni à la face.
Les fonctions de la vessie ou du rectum sont normales. Les
fonctions génitales, d'après le dire du malade, laissent encore à
désirer. En effet, les érections sont fréquentes, mais pas aussi
complètes qu'avant l'accident. L'acte de coït est presque normal,
mais il dit qu'il n'est pas content, car il était plus fort avant l'ac-
cident. Pas de symptômes céphaliques. Je n'ai fait que lui régler
sa vie : pas de vin, pas de femmes, pas de tabac, pas de fatigue.
J'ai revu le malade le 10 mai 1885, et il était complètement
guéri. Il y avait, toutefois, un certain degré d'exaltation du réflexe
rotulien droit, qui seul trahissait pour ainsi dire l'existence
antérieure du syndrome spasmodique.
Observation XII. Accident occasionné le 22 avril 1886 par la
sixième immersion, 25 brasses de profondeur, quinze minutes de
séjour, une demi-minute de décompression. Douleurs intersca-
pulaires, poids épigastrique, gêne de la respiration. Parésie des
extrémités supérieures commençant par la gauche. Après une
demi-heure, parésie et dysesthésie des membres inférieurs, ayant
débuté par le gauche, rétention d'urines, difficulté de défécation.
Disparition de la parésie du membre gauche et réapparition au
bout de cinq minutes. 23 avril, paraplégie complète et anesthésie
des quatre extrémités. Le 7 mai, la malade a recouvré entière-
ment la motilité et la sensibilité de ses membres supérieurs. Le
10 juin, il peut se tenir debout et faire quelques petits pas; se-
cousses, contractures passagères.
Etat actuel (20 juillet 1886). Syndrome symptomatique de
paraplégie spastique exempt de tout autre trouble. Excès d'alcool,
tremblement toxique.
Histoire. Jean Maitezos, âgé de trente-cinq ans, pas d'antécé-
tj DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 181
dents héréditaires, pas d'impaludisme, pas d'accidents syphiliti-
ques ; enfin bonne santé antérieure. Il avait commencé son tra-
vail dans l'air comprimé en 1883 et il avait travaillé pendant trois
ans environ, sans aucun accident. - Le 22 avril 1886, il avait déjà
fait cinq immersions successives sans accident. Il ne peut appré-
cier les conditions du travail de ces immersions. Comme il n'a-
vait pas encore fini sa série, il fait une 6e immersion à 25 brasses
de profondeur et 15 minutes de séjour.
Quatre minutes après la décompression qui a été faite en une
demi-minute et l'enlèvement du casque (11 heures du matin),
il est pris d'une douleur très forte et continue entre les omoplates.
Bientôt après, il a senti un grand poids à la région épigastrique,
avec gêne de la respiration. Pas de douleurs ou gonflement de
l'estomac. Pas d'autres troubles respiratoires. Pas de symptômes
céphaliques. Cinq minutes après, éclate une parésie des membres
supérieurs, qui ayant commencé par l'extrémité gauche finit
quelques minutes après par occuper aussi la droite. La sensibilité
de ses membres parétiques aurait été assez diminuée. A ce mo-
ment,pas d'autres symptômes quelconques, de sorte que la parésie
de la motilité et de la sensibilité des membres supérieurs du
malade constituait à elle seule toute la symptomatologie de son
accident. 0
A onze heures et demie du matin, c'est-à-dire une demi-heure
après le début de l'accident, il est pris d'une parésie de la moti-
lité et de la sensibilité du membre inférieur gauche presque im-
médiatement suivie de la parésie du droit. A ce moment donc
ses quatre membres étaient parétiques, il avait en outre une ré-
tention d'urines, qui a nécessité l'emploi de la sonde. Les ma-
tières fécales étaient rendues avec quelque difficulté. Rien d'anor-
mal du côté de ses organes génitaux. A midi moins un quart, la
parésie du membre inférieur gauche a presque disparu. Le droit
inférieur et les deux supérieurs sont restés dans le même état
parétique, mais cette disparition ne devait pas durer bien long-
temps. En effet, au bout de cinq minutes seulement, la parésie
reparait telle qu'elle était auparavant. La douleur interscapulaire
et le poids épigastrique ont cessé.
Le lendemain matin 23 avril, la parésie des membres supé-
rieurs et des inférieurs, qui, déjà depuis la veille empirait consi-
dérablement d'une heure à l'autre, a fini par se transformer en
une paraplégie complète ; le malade ne pouvait soulever aucun
de ses quatre membres. A ce moment, l'abolition de la sensibilité
était complète; on a continué à sonder le malade, on lui a donné
un purgatif pour le faire aller à la selle. Aucun autre symptôme
ne s'est déclaré.
Le 27 avril, cinquième jour de son accident, les extrémités supé-
rieures ont commencé à recouvrer leur motilité. Les membres
182 CLINIQUE NERVEUSE.
inférieurs restent dans le même état. Le malade rend seul ses
urines bien que difficilement. Rectum à l'état normal.
Depuis ce moment, l'amélioration de ses extrémités supérieures
a marché rapidement; d'un jour à l'autre, leur motilité faisait des
progrès considérables au point que le 7 mai , c'est-à-dire quinze
jours après l'accident, le malade a recouvré l'intégrité de ses mem-
bres supérieurs. Son train postérieur continue à être immobile. La
difficulté d'uriner persiste; il est obligé de se forcer pour faire
sortir l'urine. Vers la fin de ce mois, il a pu soulever ses membres
inférieurs, impossibilité de se tenir debout; il a commencé à avoir
des secousses; la difficulté d'uriner persiste.
Le 10 juin, le malade commence pour la première fois à pou-
voir se tenir debout et, à l'aide de deux béquilles, faire quelques
petits pas. Ses membres étaient agités d'un tremblement involon-
taire très fort, et enfin ils avaient des contractures passagères ; ils
se raidissaient tout d'un coup et cette raideur durait un temps
variable, toutefois assez court. Les secousses sont devenues plus
fréquentes. La difficulté d'uriner n'était pas constante, quelquefois
l'urine sortait sans que le malade fût obligé de faire le moindre
effort. Depuis lors, part une très légère amélioration de la
motilité des membres paralytiques qui lui a permis de marcher à
l'aide d'un seul appui, l'état du malade est resté tel que nous allons
le décrire.
Etat actuel (20 juillet 1886). Allures de la démarche spasmo-
dique. Tremblement presque continuel qui, à chaque pas, agite
non seulement ses membres paralytiques, mais aussi par diffusion
son corps entier. Les secousses sont très fréquentes. Les membres
sont pris de contractures passagères. A chaque coup du marteau
sur les tendons rotuliens, la jambe se projette deux ou trois fois
d'une façon brusque et spasmodique. Par des coups répétés, on
provoque une contracture persistante en extension, qu'on peut
facilement faire disparaitre par la malaxation des muscles anta-
gonistes.
Pour peu qu'on fléchisse le pied sur la jambe, soit le gauche,
soit le droit, on provoque un tremblement involontaire dont l'in-
tensité augmente d'autant plus que le malade s'efforce de l'arrê-
ter. Ce tremblement ne tarde pas à se répandre dans tout le corps.
Il ert presque superflu d'ajouter que cette épilepsie spinale est
aussi spontanée et qu'elle augmente d'intensité surtout au réveil
et sous l'influence de la fatigue et des émotions morales. L'im-
puissance fonctionnelle des fléchisseurs est moindre que celle des
extenseurs.
La sensibilité sensitive examinée sous toutes ses modalités s'est
trouvée parfaitement normale. Sens musculaire physiologique.
Les membres paralytiques ne présentent et n'ont jamais pré-
senté aucune trace d'atrophie; leur musculature est remarquable;
DES ACCIDENTS PAR 1/EMPLOI DES SCAPHANDRES. 183
pas d'altération de la contractilité idiomusculaire, l'examen élec-
trique ayant été tout à fait négatif. Enfin aucun trouble trophique.
Il n'y a pas de troubles vaso-moteurs. La vessie fonctionne bien.
Selles régulières. Fonctions génitales normales. Rien aux membres
supérieurs, sauf un tremblement qui se fait sentir quand le ma-
lade étend les mains et écarte les doigts. Il commet des excès
d'alcool. 11 n'y a pas de symptômes céphaliques. Rien du côté des
autres organes.
Observation XIII. Accident provoqué le 25 mai 1886, première
immersion, déjeuner avant l'éclzesemerzt, profondeur de 28 à
31 brasses, séjour de huit minutes, décompression d'une minute.
Immédiatement après la décompression, dozclezcr interscapzclcciue
d'un quart d'heure. Intervalle de plus de dix heures et demie
de bien-être parfait. Au bout de ce temps, paraplégie complète
des membres inférieurs ; anesthésie ; rétention d'urines et de selles.
Le 48 juizz, marche ci l'aide d'un appui, secousses. Le 27 juin,
marche sans appui, tremblement involontaire.
Etat actuel (20 juillet 1886). Très léger boitement à droite,
exaltation des réflexes et trépidation épileptoïde. Diminution
de la sensibilité au membre droit. Troubles urinaires. Trwi-
tement, travail dans l'air comprimé, application des pointes de
feu, seigle ergoté, défense de toute sorte d'excès. Le 10 août,
guérison presque complète.
Histoire. K. Maguaphas, âgé de trente ans, pas d'antécédents
héréditaires, pas de maladies antérieures. 11 faut noter que cet
homme commet des excès d'alcool depuis qu'il s'est livré aux
travaux sous-marins. Il avait eu, avant l'accident, pendant plu-
sieurs années, un tremblement toxique et des rêves effrayants la
nuit. Il a commencé son métier de scaphandrier en 1878 et il a
travaillé en faisant tous les ans régulièrement ses campagnes
jusqu'au 25 mai 1886, sans aucune espèce d'accident. Ce jour-là,
après avoir bien déjeuné et surchargé son estomac, il fait sa pre-
mière immersion à 9 heures du matin, il est descendu à pic à une
profondeur de 28 brasses et étant dans le fond de la mer il s'est
rendu progressivement jusqu'à 32 brasses. Son séjour s'est prolongé
jusqu'à huit minutes. Décompression d'une minute.
Dès qu'on lui enlève le casque, ce scaphandrier eL pris entre
les omoplates d'une douleur tellement forte qu'il se débattait
au point que deux de ses compagnons ont dû le maintenir forte-
ment pour qu'il ne se fit pas du mal. Au bout d'un quart d'heure,
cette douleur violente et continue a disparu tout à fait. Alors le
malade se portait parfaitement bien. Pas de vertiges, pas de perte
de connaissance, enfin pas de symptômes céphaliques, pas de
J84 CLINIQUE NERVEUSE.
troubles respiratoires ni gastriques. A ce moment, pas de paraly-
sie. Le scaphandrier n'a pas fait d'autres immersions.
A 5 heures et demie, il sort de la barque, qui avait mouillé dans
le port de Chypre, et va avec ses compagnons dans un cabaret. Il
affirme qu'il s'est borné à voir seulement les autres boire du
vin sans prendre lui-même un seul verre. A 8 heures du soir,
- étant encore au cabaret, il a senti tout d'un coup ses membres infé-
rieurs lourds et parétiques ; il ne pouvait les mouvoir librement.
D'un moment à l'autre, cette paralysie progressait si rapidement
que, en une demi-heure, ses membres étaient condamnés à
l'immobilité la plus absolue. Il a fallu le faire transporter à l'aide de
quatre personnes dans la barque. La sensibilité au niveau des mem-
bres paralysés et de la partie inférieure du tronc aurait été com-
plètement abolie. A ce moment, le malade ne pouvait rendre ses
urines. Rétention des matières fécales. Pas de paralysie aux
membres supérieurs ni à la face. Pas d'autres symptômes. Un
médecin a employé la sonde et un purgatif. L'état du malade
pendant les trois jours suivants 26, 27 et 28 mai était ce qui suit :
immobilisation complète ; anesthésie. On le sondait régulière-
ment. Lavements purgatifs.
Le 29 mai, un léger changement s'était produit dans l'état du
malade. 11 pouvait soulever ses membres inférieurs, mais il lui
était impossible de se tenir debout. Il a rendu ses urines seul, mais
avec grande difficulté. Il était obligé de se forcer pour faire sortir
l'urine ; un intervalle de quelques minutes s'écoulait entre la sen-
sation d'uriner et l'acte lui-même. La défécation avait lieu d'une
façon normale. Le 2 juin, le malade peut se tenir debout et
marcher un peu en s'appuyant sur deux béquilles. La difficulté
d'uriner est un peu moindre. Depuis ce moment, l'amélioration a
grandement progressé.
Le 18 juin, le malade peut marcher à l'aide d'une seule canne.
Il avait des secousses la nuit. Aucun changement dans les troubles
urinaires. D'un jour à l'autre, le malade sentait ses membres infé-
rieurs plus libres, au point que le 27 juin il a pu marcher sans
appui. A ce moment, ses membres s'agitaient d'un tremblement
involontaire, qui se manifestait surtout sous l'influence de la fatigue
et des émotions morales.
Le 2 juillet, le malade se rendit à Egine, pays de son capitaine.
Depuis le moment de son accident, le malade n'a pas travaillé.
Etat actuel (20 juillet 4886). Il y a une paraplégie plus pro-
noncée au membre inférieur droit. La marche qui se fait sans appui i
quelconque ne présente rien de particulier, si ce n'est peut-être un
très léger boitement presque imperceptible. C'est à peine si l'on re-
marque que le malade traîne un peu le membre droit en marchant.
Il y a une exaltation très marquée des réflexes rotuliens, plus grande
à droite. Tous les mouvements réflexes sont un peu exagérés.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 185
Un tremblement involontaire agite ses membres inférieurs, sur-
tout le droit, toutes les fois que le malade se fatigue ou se trouve
sous le coup d'une émotion morale plus ou moins vive. On peut
provoquer la trépidation épileptoide par le procédé habituel qui
agite plus fortement le membre droit. La sensibilité examinée
sous toutes ses modalités s'est trouvée un peu et uniformément
diminuée au membre droit, parfaitement normale au membre
gauche. Sens musculaire normal.
Il n'y apas trace d'atrophie musculaire ; les muscles répondent
très bien aux courants électriques ; il n'y a pas non plus d'antres
troubles trophiques. - Aucune trace de troubles vasomoteurs. Le
malade éprouve un peu de difficulté pour uriner. Cette difficulté
devient plus grande après des fatigues et des excès soit alcooliques
soit vénériens.
Les fonctions rectales et génitales ne laissent rien à désirer.
Rien aux membres supérieurs ou à la face. Aucun symtôme
céphalique. Les fonctions des autres organes paraissent se faire
régulièrement.
Je lui ai conseillé : a) le traitement dans l'air comprimé; b) appli-
cation des petites pointes de feu à la moitié intérieure de la
colonne vertébrale, faite tous les huit jours ; c) prendre les quatre
premiers jours de la semaine, deux fois par jour, avant les repas,
20 centigrammes de poudre de seigle ergoté récemment préparée;
d) s'abstenir complètement de toute sorte d'excès et au premier
chef des excès d'alcool; e) éviter la fatigue. -Le malade a bien
suivi le traitement que nous lui avons prescrit.
Etat du malade (,10 août 4886). Au bout de vingt jours,
l'état du malade s'est considérablement amélioré. En effet, le ma-
lade nous dit qu'il fait une heure de chemin sans se fatiguer. Il
sent ses membres bien plus forts et plus légers, dit-il. La trépida-
tion épileptoïde existe spontanée, mais bien plus rare à gauche;
même il affirme qu'elle n'existe pas du tout. On doit faire marcher
le malade et essayer plusieurs fois pour obtenir avec beaucoup de
peine un peu de tremblement au membre droit. La difficulté
d'uriner n'existe presque pas. Pas de troubles de la sensibilité.
Depuis lors, nous avons vu plusieurs fois le malade
qui a continué son traitement et nous avons pu con-
stater que la guérison était presque complète. Nous
disons presque, car il y avait encore, à des intervalles
éloignés, un petit tremblement qui, avec l'exaltation
des réflexes, surtout du membre droit, constituait tout
le tableau clinique.
186 CLINIQUE NERVEUSE.
Les treize observations qui viennent d'être rappor-
tées suffisent amplement pour constituer les grandes
lignes de l'histoire clinique de notre forme spinale
centrale latérale.
, On peut facilement constater si l'on jette un coup
d'oeil sur le tableau suivant que l'explosion de cette
forme d'accidents spinaux a lieu tantôt immédiatement
après la décompression et l'enlèvement du casque
comme c'est arrivé pour les cas II, IV, VI, VII, X,
XI, XIII, et tantôt quelque temps après la décom-
pression, comme cela a eu lieu aux Observations 1,
III, V, IX, XII. Ce temps a varié entre deux minutes
(OBS. V), qui représentent le minimum d'intervalle entre
le moment de la décompression et l'explosion des
symptômes du début et une demi-heure (Cas. IX) qui
représente le maximum de cet intervalle. L'Observa-
tion VIII tient le milieu ; en effet, il n'y a pas d'une
part d'intervalle de bien-être parfait et d'autre part
quelques minutes se sont passées sans symptômes bien
définis, sauf un certain malaise vague et général.
On voit que le maximum de l'intervalle représenté
par 1 'Observation IX et qui ne dépasse pas une demi-
heure est bien loin de l'intervalle considérable de
vingt-quatre heures qui, dans le cas du nommé Gui-
delleur, rapporté par M. Gal, s'est écoulé entre la
décompression et le début de l'accident paraplégique.
Au point de vue clinique descriptif, nous devons
diviser en trois grandes catégories les symptômes de
cette forme : 1° les symptômes de début qu'on peut
à juste titre appeler extrinsèques; 2° les symptômes
de la paraplégie elle-même et 3° les divers symp-
tômes du syndrome spasmodique. ,
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 187 1
1. Symptômes DE DÉBUT
Les divers symptômes de début présentés par nos
malades peuvent être rangés en quatre groupes princi-
paux, qui sont les suivants : A). Groupe de symptômes
céphaliques ; B). Groupe de symptômes gastriques ;
C). Groupe de symptômes respiratoires; D). Groupe
de symptômes douloureux des articulations et des
muscles et divers autres symptômes sensitifs. Pas-
sons maintenant à la description spéciale des diffé-
rents symptômes de chacun de ces groupes en com-
mençant par celui qui figure le premier dans notre
tableau. -
A. Groupe de symptômes céphaliques. Les
symptômes céphaliques paraissent occuper une place
importante parmi les symptômes du début. En effet,
ils figurent dans sept de nos observations ; ils font au
contraire absolument défaut dans les six autres cas.
Les symptômes céphaliques qui ont existé dans nos
observations sont les suivants.
«). Perte de connaissance. Ce symptôme est très
fréquent, car nous l'avons rencontré quatre fois. Deux
fois, il a existé tout seul, isolé de tout autre symp-
tôme céphalique (Ces. Vf et IX) ; deux fois au con-
traire, il a été en connexion avec d'autres symptômes
céphaliques ; chez le malade de l'OBSERVATION I, la
perte de connaissance était précédée de vertiges, de
translation et chez celui de LOBSERVATION Ni, elle était
suivie d'étourdissements. La durée totale de la perte
de connaissance a été variable, toutefois assez courte,
188 CLINIQUE NERVEUSE.
elle a varié entre une heure (OBS. IX), et deux heures
(OBs. I). L'apparition ainsi que la disparition de ce
symptôme ont lieu d'une façon subite et complète.
Excepté le serrement spastique des mâchoires (Oss. VI),
qui était tellement fort qu'il était impossible de
séparer les mâchoires pour lui administrer quelque
chose et qui a disparu avec la perte de connaissance,
les compagnons de trois autres malades affirment
d'une manière catégorique qu'ils n'ont jamais présenté
de mouvements convulsifs.
Vertiges. Parmi les symptômes céphaliques,
les vertiges ont figuré deux fois aux observations pré-
cédentes. Les vertiges qui ont été présentés par nos
deux malades sont d'un aspect clinique différent. Chez
le malade de l'OBSERVATION I, le vertige avait les carac-
tères de ce qu'on appelle vertiges de translation, en
effet ce malade sentait que tout se mouvait autour de
lui et avec lui ; ayant essayé de se tenir debout et de
faire quelques petits pas, il sent immédiatement que
le bateau monte dans l'air, suivant lui-même aussi ce
mouvement d'ascension; à ce moment, il perd l'équi-
libre et tombe très effrayé, les yeux fermés et se
cramponnant aux objets environnants, pour éviter
cette sensation vertigineuse. Dès qu'on commençait à
le frictionner d'après les habitudes des scaphandriers,
ou même à le toucher tout simplement, la même sen-
sation que nous venons de décrire recommençait et le
malade poussait des cris, en priant ses compagnons
de le laisser tranquille. Ce vertige de translation après
avoir duré pendant trois heures se dissipe pour faire
place à un autre symptôme céphalique, la perte de
connaissance.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 189
Le vertige dont était pris le malade de l'OBSERVA-
TioN X ressemblait à ce qu'on appelle vertige gyraa
toire ; en effet les objets environnants tournaient
autour de lui, mais sans que lui aussi prît part à ce
mouvement en d'autres termes sans qu'il perdît l'é-
quilibre. Ce symptôme coexistait avec d'autres symp-
tômes céphaliques d'origine sensorielle à savoir les
troubles oculaires et les bourdonnements d'oreilles.
Ce vertige a disparu le lendemain de son invasion. On
ne peut en préciser la durée exacte. Nous reviendrons
plus loin sur le mode de production et la genèse de
ces vertiges.
7). Etourdissements. Ce symptôme a existé une
seule fois. Le malade de l'OBSERVATION XI revenu de
sa perte de connaissance a une incommodité qui fait
que tous les objets paraissent se mouvoir. A propre-,
ment parler l'étourdissement n'est autre chose qu'une
sorte de vertige giratoire avorté ou le premier degré
de ce vertige. Les étourdissements chez ce malade ont
duré environ sept heures et demie.
e). Troubles du langage. Parmi les différentes
espèces nosologiques de troubles du langage c'est
seulement l'aphasie motrice que nous voyons consti-
tuer deux fois un des symptômes du groupe cépha-
lique. Les malades des Observations V et VII avaient
perdu tout à fait la mémoire des mouvements qu'il
faut faire pour parler, car ils ne pouvaient pas même
articuler un seul mot; celui de l'OBSERVATioN V pouvait
émettre seulement quelques sons inarticulés : ah, ah,
ah, oh, oh, oh. L'un et l'autre avaient conservé tout
à fait la mémoire auditive des mots, car ils compre-
naient parfaitement bien ce qu'on disait autour d'eux
190 CLINIQUE NERVEUSE.
sans pouvoir y répondre. Le seul moyen à l'aide du-
quel ils parvenaient à s'entendre assez bien avec leur
entourage, était la mimique. Il n'y avait pour ces
deux malades ni mémoire visuelle des mots, ni mémoire
des mouvements graphiques, car ils ne savaient ni lire
ni écrire. Ce trouble du langage est survenu brusque
et complet, dès le moment de son invasion. Sa marche
a été si rapidement rétrogressive que chez le malade
de l'OBSERVATION V, l'aphasie motrice dans vingt-quatre
heures a commencé à se dissiper et le malade articu-
lait quelques mots; depuis ce moment, son vocabu-
laire devient tellement et si rapidement riche, qu'au
bout de quelques heures encore, il parlait aussi bien
qu'avant l'invasion de son aphasie motrice. La rapi-
dité de la marche rétrogressive de l'aphasie devient
surprenante chez le malade de l'OBSERVATION VU ; en
effet, l'impossibilité absolue d'articuler un seul mot a été
remplacée brusquement dans l'espace de dix minutes
seulement par un vocabulaire aussi riche qu'avant
l'invasion de son trouble du langage. Nous revien-
drons plus loin sur les caractères cliniques spéciaux
de cette aphasie, que nous décrirons comme forme
spéciale d'accidents *cérébraux; on peut l'appeler
aphasie par embolie gazeuse.
e). Symptômes oculaires. Ces symptômes qui ont
figuré deux fois parmi nos observations consistent
en des troubles de la vue, qui ont varié depuis un
simple éblouissement et un obscurcissement des yeux,
toutefois assez prononcé, comme chez le malade de
l'OBSERVATION X jusqu'à la cécité complète présentée
par le malade de ]'OBSERVATION V. La cécité de ce
malade a des caractères bien spéciaux et propres à
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 191
la distinguer des cécités d'autres origines : le premier
caractère est son invasion brusque, le second, c'est
qu'elle est tout à fait complète dès le moment de son
début, et le troisième, c'est la guérison complète et
définitive dans un espace de temps excessivement
court; à notre observation, cinq minutes à peu près
ont suffi- pour la guérison. Ces caractères spéciaux
peuvent parfaitement s'expliquer par l'origine même et
le mode de genèse de cette espèce de cécité à laquelle
nous proposons de donner le nom de cécité par embo-
lie gazeuse. Les symptômes oculaires étaient associés
chez notre malade à d'autres symptômes céphaliques :
chez celui de I'Observation V la cécité était associée à
l'aphasie motrice et chez l'autre de l'OBSERVATION X le
trouble oculaire coexistait avec des bourdonnements
d'oreilles et de vertige giratoire.
). Symptômes auditifs. Du côté du sens de
l'ouïe, le seul symptôme que nous rencontrons sont
les bourdonnements d'oreilles chez le malade qui fait
le sujet de LO.BSERVATION X et qui croyait entendre
par intervalles rapprochés des bruits violents qu'il
compare aux bruits d'une cascade considérable ; il
ajoute que, par suite de ce symptôme, il avait l'ouïe
un peu confuse.
B. Groupe DE symptômes respiratoires. Ces
symptômes sont aussi très fréquents, car ils ont été
présentés par sept de nos malades. Ils doivent être
divisés en deux catégories distinctes; la première a
son origine dans les troubles gastriques concomit-
tants, telle est la gêne de la respiration, qui est le
symptôme le plus fréquent, car elle a figuré six fois
192 CLINIQUE NERVEUSE.
parmi nos observations ; tantôt ce sont les douleurs
épigastriques qui gênent la respiration (OBS. I, IV, VII) ;
le malade craignant de faire des inspirations plus ou
moins profondes afin d'éviter l'exaspération de ces
douleurs. Tantôt à l'élément de la douleur vient s'en
ajouter un autre, le gonflement gazeux de l'estomac
(Oss. II et VIII), qui contribue par son action méca-
nique à entraver et à rendre la respiration encore
plus gênée. Enfin, pour le malade de l'Observation XII
les mouvements respiratoires sont gênés par le grand
poids que le malade sent à la région épigastrique.
La deuxième catégorie est celle dont les troubles
respiratoires ne résultant pas des troubles gastriques
ont leur genèse aux organes mêmes de la respiration,
en y appartenant en propre. Nous expliquerons au
chapitre de physiologie pathologique le mode de
cette genèse. Ces troubles respiratoires n'ont existé
qu'une seule fois chez le malade de l'Observation X,
et ont consisté eu une dyspnée intense avec sensation
de suffocation accompagnée de respiration sonore
sans qu'il y ait de sifflement. Chez ce malade, il n'y
avait pas de troubles gastriques. Il peut très bien se
faire qu'on rencontre chez le même malade les trou-
bles respiratoires des deux catégories susmentionnées
comme chez le malade de l'Observation I qui, à côté
de sa gêne respiratoire occasionnée par les douleurs
gastriques, sentait aussi sur la poitrine un poids
étouffant.
C). Groupe DE symptômes gastriques. Les symp-
tômes gastriques paraissent occuper en raison de leur
fréquence un rang important parmi les symptômes
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 191-1
du début, mais ils ne sont pas plus constants que les
autres, car si on jette un coup-d'oeil sur le tableau,
on ne les voit figurer que sept fois ; car, dans les six
autres observations, ils font complètement défaut. Pas-
sons rapidement en revue ces différents symptômes.
a.) Douleurs gastriques. C'est le symptôme le plus
fréquent, car il a été présenté par cinq mal ades (OBS. I,
II, IV, VII, VIII). Ce symptôme n'a jamais existé seul;
il était toujours accompagné d'autres symptômes gas-
triques. Les douleurs gastriques ont été toujours
intenses, parfois intolérables; elles sont caractérisées
par le malade de l'Observation VIII comme poignantes.
Leur durée totale a été assez courte et varie entre le
minimum de dix minutes (OBs. VII) et le maximum
de trois heures (Cas. I et VIII). Pour cette dernière
observation, il faut signaler cette particularité que la
douleur, ayant commencé par la région hypogastrique,
vient s'installer aussitôt après au-dessous de l'apo-
physe xiphoïde, après avoir suivi une marche ascen-
dante.
6.) Gonflement gazeux de l'estomac. C'est un
symptôme assez peu fréquent , parce que nous ne
l'avons rencontré que deux fois sur treize observations,
de sorte que le développement de gaz au moins en
quantité perceptible dans la cavité stomacale est loin
d'être constant. Nous utiliserons ce fait quand nous
parlerons de la pathogénie de ces accidents. Nous
prions aussi le lecteur de fixer son attention sur un
autre fait : le gonflement gazeux de l'estomac du
malade de l'Observation VIII, qui, ayant commencé
environ vers 6 heures du soir, avait disparu à
9 heures. Pendant ces trois heures il n'y avait pas
Archives, t. XVI. 13
194 CLINIQUE NERVEUSE. - ACCIDENTS PAR LES SCAPHANDRES.
trace de paraplégie, dont le malade n'a senti le déve-
loppement qu'à minuit, après son réveil. Le dévelop-
pement de gaz est tel que l'estomac chez nos deux
malades formait une saillie considérable et très mar-
quée à la partie supérieure du ventre. Ce développe-
ment est brusque et énorme dès le premier moment
de son invasion; il disparaît aussi très rapidement, le
malade renvoyant les gaz par les orifices du canal
digestif. La durée totale du gonflement était de une
demi-heure (Oss. II) et de trois heures (OBS. VIII).
Y). Pesanteur. Ce symptôme n'a existé qu'une
fois (OBs. XII), isolé de tout autre symptôme gastrique.
Pas de douleurs, pas de gonflement. Le malade res-
sentait seulement à la région épigastrique un grand
poids gênant la liberté des mouvements respiratoires.
Ce symptôme a été très fugitif ; il n'a duré que cinq
minutes.
a). Soif. Ce symptôme paraît souvent tourmenter
les malades. Parmi nos observations, il figure quatre
fois; il était associé à d'autres symptômes gastriques
(Cas. I, IV, VII), et une seule fois il existait seul
(Cas. XI). Les compagnons des malades se gardent
bien de satisfaire cette sensation, et avec raison,
comme on le verra dans la suite.
s). Brùlure. Cette sensation de brûlure a été
remarquée une seule fois chez le malade de l'Observa-
tion I, accompagnée d'autres symptômes gastriques.
Elle a duré trois heures. (A suivre.)
PATHOLOGIE NERVEUSE
contribution A L'ÉTUDE symptomatologique
DE la GLIOMATOSE médullaire';
Communication faite au 2e Congrès des médecins russes à Moscou
(Janvier 1887)
Par WLADI311R ROTH,
Privat-docent de l'Université de Moscou.
Les deux autres observations sont résumées.
- Observation IX
Nikita Ivanof, menuisier, âgé de trente-sept ans, est entré à l'hô-
pital Catherine le 8 mars 1887.
Etat PRÉSENT.- Homme robuste et bien bâti.
Peau. - Cyanose légère des mains, la chair de poule se pro-
duit facilement; homme autographique. Callosités sur les mains,
crevasses. Il a eu un panaris à la suite de traumatisme; des
brûlures « accidentelles » qui ont laissé des cicatrices; des am-
poules.
Atrophie de deux côtés (plus forte à gauche) des muscles de la
main (en griffe), des muscles sus et sous-épineux dans leur por-
tion postérieure et de la portion postérieure du deltoïde et du pec-
toral droits.
Faiblesse dans toutes les articulations des membres supérieurs.
Tremblement fasciculaire dans les muscles de l'épaule. Exagération
des réflexes du genou. Dans tout le reste, les membres inférieurs
ainsi que la région des nerfs crâniens sont normaux.
Sensibilité : analgésie du côté gauche, de la moitié du thorax
et du membre supérieur; à droite de l'avant-bras et de la main.
Titermanesthésie en jaquette : elle occupe les membres supé-
rieurs et thorax. A droite, elle s'étend du milieu du cou jusqu'à
l'ombilic; par derrière, du milieu de l'épaule jusqu'à la fesse. A
'Voy. Archives de Neurologie, t. XIV, p. 368; t. XV, p. 161; t. XVI,
p. 23.
196 PATHOLOGIE NERVEUSE.
gauche, elle descend plus bas par devant presque jusqu'au pli
de l'aine, et par derrière, elle s'élève plus haut, qu'à gauche, en
occupant la moitié de la nuque et de la tête jusqu'à la région du
nerf trijumeau. La sensibilité tactile est partout conservée, à l'ex-
ception d'une zone large comme la paume de la main sur la poi-
trine, s'élargissant un peu par devant à cet endroit ce mode de
sensibilité est en partie détruit, en partie diminué. Sensations
subjectives : état frileux, fourmillement, sensation de constric-
tion dans la partie supérieure de la poitrine. Pas de dispositions
neuropathiques, ni de fièvres intermittentes, ni de syphilis, ni
de traumatisme du dos, ni d'excès alcooliques ou vénériens. A
l'âge de vingt-sept ans, par un temps froid, une moitié du corps
s'est fortement refroidie ; à la suite de cela, les mains commen-
cèrent à devenir frileuses, les doigts s'incurvèrent peu à peu, la
force des mains diminua, l'atrophie se développa; tous les phé-
nomènes douloureux progressèrent de telle manière, qu'il y a
trois ans le malade cessa de travailler.
Observation X.
Georges W., paysan âgé de trente-cinq ans, entra à l'hôpital
Catherine le 38 avril 1887.
Etat actuel. - Bonne complexion et nutrition. La peau des par-
ties périphériques des membres supérieurs est de couleur rouge
bleuâtre; elle est habituellement froide au toucher. Une légère
irritation du dos et des membres supérieurs provoque une rou-
geur qui persiste longtemps. Callosités sur l'épiderme des paumes
des mains et des doigts; des fentes dans les plis interphalangiens,
des cicatrices restées à la suite de panaris antérieurs, des altéra-
tions onguéales.
Sur les coudes des traces de brûlures, produites il y a deux et
cinq ans, lorsque le malade dormait sur le poêle. Une fracture de
clavicule non consolidée produite au mois de septembre de l'an-
née passée, par suite d'un effort que le malade fit afin de soutenir
un chariot qui allait tomber. La fracture avait été indolente. Un
épaississement considérable des épiphyses osseuses dans l'arti-
culation métacarpo-phalangienne du pouce des deux côtés.
Atiophie progressive des muscles de la main et des scapulaires ;
celle-ci est moindre. La faiblesse des mouvements des membres
supérieurs est légèrement supérieure au degré d'atrophie.
Membres inférieurs : Faiblesse subjective du côté gauche; clo-
nus plantaire du même côté. Les autres réflexes ne sont pas exa-
gérés. Tremblement fnsciculaire dans les muscles du thorax, des
membres supérieurs et de la langue, dont la moitié gauche pa-
rait être légèrement atrophiée. Point d'autres troubles moteurs.
DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 197
Sensibilité. La sensibilité tactile est partout conservée, à
l'exception de la face antérieure de la cuisse gauche et le dos de
la main gauche. La sensibilité à la douleur est abolie ou diminuée
dans différentes régions isolées de toute la moitié gauche du corps,
et occupant la moitié gauche de la tête et de la face (à un degré
moindre). Du côté droit, l'analgésie s'étend à la partie supérieure
du bras, descend jusqu'au mamelon par devant et jusqu'à l'omo-
plate par derrière et atteint à des degrés différents tout le mem-
bre supérieur droit.
Le sens de la température est diminué sur un large espace. Il
n'est complètement conservé que sur la cuisse droite en cein-
ture sur le ventre et les reins. 11 est légèrement diminué :
sur la moitié gauche de la face, le membre inférieur droit et la
face postérieure du membre inférieur gauche. Il est extrêmement
abaissé sur les avant-bras, les mains et le membre inférieur
gauche, où le malade ne distingue pas la différence thermique
de 30".
Le malade ne soupçonnait pas d'avoir de la thermanesthésie.
Les troubles moteurs et les amyotrophies se sont progressivement
développés durant les deux dernières années. Il n'existe pas
dans les antécédents du malade de moments étiologiques, qu'on
pourrait relier au développement de la maladie actuelle.
Symptômes De tout le tableau de lasymptôma-
tologie compliquée, que nous examinons dans le
groupe des cas de gliomatose spinale , quatre séries
de symptômes fondamentaux se dessinent plus
nettement : 1). L'alnalgésie et l'anestlcéie thermique
isolées, ou les deux simultanément; 2). Des troubles
subjectifs de la sensibilité ; 3). Troubles moteurs, paré-
sies limitées à des régions peu étendues, des mouve-
ments convulsifs, etc.; 4). Troubles trophiques et vaso-
moteurs : atrophie musculaire, distrophies cutanées et
celle du tissu cellulaire sous-cutané, etc. Nous consi-
dérons tous ces symptômes comme protopathiques
fondamentaux, non seulement à cause de leur fré-
quence relative, mais aussi en vue de ce que les
troubles primitifs et constants de l'affection décrite se
nichent dans la substance grise de la moelle épinière,
'198 PATHOLOGIE NERVEUSE.
et que la plupart des symptômes cliniques énumérés
est sans doute liée à la lésion anatomique de cette
partie de la moelle épinière et des parties homologues
de la moelle allongée.
C'est à l'examen plus détaillé de ces symptômes que
nous allons nous arrêter. Quant aux autres qui dépen-
dent d'une localisation irrégulière du processus patho-
logique dans la substance blanche, ils constituent plutôt
une complication accidentelle et paraissent habituelle-
ment à une période plus tardive. Non seulement ils
ne caractérisent pas la maladie, mais obscurcissent le
tableau caractéristique; nous nous en occuperons
peu en passant.
I. Anesthésies. J'ai observé l'anesthésie thermique,
avec conservation du sens du tact et du lieu dans tous
les dix cas à anesthésie partielle, qui se rapportaient à
la gliomatose centrale. Dans deux cas parmi les dix,
il n'y a pas eu d'affaiblissement, d'autres espèces de
sensibilité durant treize' et six ans. Dans un troisième
cas, et probablement après un plus grand nombre
d'années, vint s'ajouter une analgésie très limitée et
une anesthésie tactile sur une main à la thermanes-
thésie de toute la surface du corps. Dans les sept
autres cas, la thermanesthésie s'était accompagnée
d'une analgésie plus étendue ; deux fois les régions
d'anesthésies partielles de ces deux espèces de sensi-
bilités coïncidaient parfaitement (OBS. III et IV). Dans
d'autres, cette coïncidence n'était pas complète ; dans
certaines régions, il n'y avait que de la thermanes-
thésie ; dans d'autres que de l'analgésie; mais en gé-
1 Dans ce cas (observ. VI), après une anesthésie du sens thermique,
ayant existé durant lf ans, apparut aussi l'analgésie partielle.
DE LA- GL10MAT0SE MEDULLAIRE. 199-
néral la région de la thermanesthésie occupe habituel--
lement un espace bien plus grand quel'anesthésie des
autres espèces de sensibilité.
Parmi les auteurs modernes que j'ai cités plus
haut, et qui ont prêté une attention soutenue à l'exa-
men de la sensibilité, aucun n'a noté l'existence de,
l'anesthésie thermique seule et, sous ce rapport, nos
trois observations sont actuellement uniques dans la
science. Cela tient certainement à ce que la sensibilité
à la température est très rarement recherchée et
alors qu'on a constaté des troubles d'autres espèces
de sensibilité. Dans sept cas décrits par les auteurs
allemands et dans deux observations de Dreschfeld, il
y a eu analgésie partielle en même temps qu'il existait
des troubles du sens thermique. L'anesthésie se limi-
tait à cela ou bien l'on observait des endroits isolés de la
peau, où la sensibilité tactile était aussi affaiblie. Dans
l'observation d'Oppenheim, la sensibilité était diminuée
dans toute la région à limites caractéristiques, atteinte
d'analgésie et d'anesthésie thermique ; mais le trouble
des deux dernières espèces de sensibilité était plus
accusé.
Dans ses observations nombreuses, Morvan parait ne
pas avoir prêté une attention suffisante à l'examen du
sens de la température; néanmoins il a vu des lésions
de sensibilité à la douleur et à la température avec
conservation du sens du toucher.
Distribution de la thermanesthésie. Dans le pre-
mier temps de la maladie, l'anesthésie thermique
peut être limitée à un très petit espace, la main, par
exemple (OBS. VI). D'un autre côté, à une certaine
période de la maladie, la surface totale du corps peut
200 PATHOLOGIE NERVEUSE.
être atteinte. Dans la sixième observation, nous avons
pu suivre l'extension graduelle de la thermanesthésie
d'une région peu considérable à la totalité du corps.
Nous ne savons pas sûrement s'il arrive que la mu-
queuse de la cavité buccale soit aussi atteinte ; les
Observations II et III ne donnent pas d'anesthésie
marquée du sens thermique à la langue et la surface
interne des lèvres; je regrette d'avoir omis dans l'OB-
SERVATION I l'examen de ces parties.
La localisation de l'anesthésie est très caractéris-
tique : sa disposition se rapproche tantôt du type cé-
rébral, du spinal, tantôt du périphérique et pourtant
se distingue presque toujours par des particularités
non appropriées au type, auquel il lui convient le
plus d'être rangée.
En effet, la disposition de l'anesthésie thermique
est complètement originale : on peut constater ce
trouble, distribué d'une manière asymétrique, par
régions, en zones, non seulement dans le stade initial
de l'affection, lorsqu'elle n'occupe qu'un espace peu
considérable, une certaine partie du membre supé-
rieur par exemple, mais aussi dans le courant ultérieur
de cette maladie, lorsque, peut-être, la plus grande
partie de la peau est atteinte d'un certain degré de
thermanesthésie. Prenons le membre supérieur : c'est
la partie supérieure du bras, par exemple, ou la
main, qui est atteinte exclusivement ou de préférence,
avec le segment adjacent de l'avant-bras peut-être.
Du reste, dans ces régions-là, nous n'observons pas
d'ordinaire une délimitation marquée du segment
anesthésique de la partie située plus haut ou plus bas,
à l'exception des cas où il occupe, une surface allon-
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 201
gée de peu d'étendue sur un segment d'une extrémité.
Sur le thorax, a sa partie inférieure, Job (OBs. Il) et
à une certaine période de la maladie 111me L. (OBs. XVI ! )
avait une zone thermanesthétique nettement limitée
dans la région de la distribution des racines inférieures
thoraciques et des racines lombaires supérieures d'un
seul côté. Sur la tête, le cou et le thorax, la therma-
nesthésie se délimite souvent en haut et en bas par des
lignes marquées et presque horizontales.
Chez M. B. (Cas. III), à une certaine période de la
maladie, la région anesthésiée se dessinait du côté
droit du corps, sous forme de courte veste, s'étant ter-
minée au niveau du mamelon, mais étant descendue
plus tard à quelques côtes plus bas. Si dans quelques
cas la limite inférieure de la thermanesthésie arrive
jusqu'au niveau d'une des racines thoraciques infé-
rieures ou bien coïncide avec la limite supérieure de
la distribution des nerfs sensitifs du plexus lombaire,
il arrive que dans d'autres, elle est située au-dessus
de la région immersée parle renflement cervical, ou
bien occupe aussi la partie supérieure de cette région
(rayon du nerf axillaire). Mais en remontant à ces
derniers cas, nous trouverons que tantôt toute la moitié
du cou, de la tête et de la face sont atteints, tantôt que
l'anesthésie n'arrive qu'à la région du nerf trijumeau et
paraît être comme distribuée suivant les nerfs (nerf
occipital grand et petit, etc.); mais c'est ici justement
que les limites de la distribution des nerfs cutanés
correspondent aux régions innervées par certains
segments de la moelle épinière (et allongée), comme
il en est du reste sur le thorax également. Tandis que
si la thermanesthésie occupe une région où cette coïn-
202 PATHOLOGIE NERVEUSE.
cidence n'existe pas, par exemple celle qui est inner-
vée par le renflement cervical, nous voyons que
l'anesthésie ne se distribue pas suivant les nerfs, mais
suivant certaines parties ou subdivisions des membres.
On peut observer la même chose dans les parties inner-
vées par le segment cervical supérieur de la moelle
épinière. Dans le cas où cette région n'est pas atteinte
tout entière l'anesthésie ne se localise pas selon les ré-
gions des ramifications nerveuses, mais suivant les seg-
ments de la peau, limités par des lignes horizontales,
arrivant par exemple en haut, jusqu'au milieu du cuir
. chevelu (OBs. III), etc. Sur les extrémités, il y a des ! endroits ou des régions qui peuvent avoir la forme
; de taches ou de raies longitudinales, occupant parfois
1 un district entier (la surface postérieure de la cuisse).
Les extrémités supérieures sont atteintes le plus
souvent; habituellement c'est un seul membre qui est
atteint, ensuite la région adjacente du thorax est éga-
lement envahie jusqu'à la ligne moyenne; le membre
inférieur correspondant peut se prendre ensuite et
parfois la région du nerf trijumeau ; pourtant cette
hémianesthésie n'est pas régulière, mais elle est com-
posée de zones séparées et de régions tantôt non net-
tement délimitées et ne différant peut-être que par
degrés d'anesthésie, tantôt se séparant par des seg-
ments à sensibilité normale, A un degré considérable
d'anesthésie thermique dans toute la moitié du corps,
ce trouble de sensibilité n'est pas ordinairement limité
à cette seule moitié et envahit le membre supérieur
ou inférieur ou bien la région du nerf trijumeau ou
une certaine région du thorax du côté opposé. Nous
n'avons jamais observé d'anesthésie des deux membres
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 203
supérieurs sans lésion simultanée des segments thora-
ciques adjacents, mais il est très probable que dans
l'OBSERVATION IV, la marche ultérieure de la maladie
présentera ce tableau. En général, nous n'avons pas
observé dans les membres supérieurs et le thorax
de disposition rigoureusement symétrique de la ther-
manesthésie ; dans les deux cas où il y avait une cer-
taine symétrie, l'anesthésie occupait la région des
troisième et quatrième racines sensitives de la partie
cervicale de la moelle épinière. Même alors-, où l'a-
nesthésie envahit un grand espace et atteint, par
exemple, toutes les extrémités (OBS. VI), on observe
de l'asymétrie dans les différents degrés de lésion de
diverses régions isolées ; de sorte qu'un des membres
présenterait, par exemple, une lésion plus avancée
des parties périphériques, tandis que l'autre- des par-
ties centrales.
En parlant des limites des régions anesthésiées,
nous supposons, bien entendu, un moment donné de
la maladie. Elle peut s'arrêter pour un temps plus ou
moins long et peut rester stationnaire (jusqu'à dix
ans, OBS. VI), ses limites peuvent se resserrer tempo-
rairement, mais ordinairement elles ont de la tendance
à s'espacer de plus en plus, jusqu'à ce que la totalité
de la surface de la peau ne soit envahie par l'anesthésie.
Le degré de la thermanesthésie varie beaucoup. Il est
à remarquer que la perte absolue du sens de la tem-
pérature est relativement rare. Le malade sentie froid
de la neige, l'eau chaude lui donne une sensation de
chaleur, il ne suppose pas l'existence de son anes-
thésie thermique, sans percevoir pourtant la différence
de température à 20°-30°.
204 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Les degrés d'anesthésie à un certain moment sont
ordinairement très différents dans diverses régions.
La même disposition en zones, en segments, s'observe
pour des différents degrés d'anesthésie, comme il en
est de la thermanesthésie en général ; quoique cette
règle ne soit pas toujours observée ici et qu'un certain
champ thermanesthétique puisse être recouvert de
taches irrégulières à sensibilité plus ou moins bonne,
comparativement à celle des parties environnantes.
Il n'est pourtant pas facile de délimiter les régions
dans lesquelles le malade distingue, par exemple, un
écart de 5°, de celles où il en perçoit l'écart de 10° : 1l
n'est pas rare que le degré de thermanesthésie dans
le même endroit présente des variations très marquées
même au moment de l'examen, et il arrive que le ma-
lade, ayant distingué plusieurs fois de suite une diffé-
rence de 3° et même de 2°, ne perçoit plus, cinq mi-
nutes plus tard, la différence de 20° au même endroit.
Il parait exister dans ce cas une sorte de faiblesse
irritable^ d'épuisement rapide d'éléments dans cer-
tains groupes n'ayant pas subi de lésion, et ayant con-
servé la faculté de conduire les impressions thermiques.
Nous n'avons observé que peu de changements qua-
lificatifs dans la sphère du sens thermique. Dans l'On-
SERVATION II, nous avons vu sur un endroit limité de
l'épaule gauche, à un degré moyen d'anesthésie, une
diminution relativement plus grande du sens de froid
(le contact de la neige lui était indifférent), tandis
qu'à l'endroit symétrique la température perçue comme
chaleur du côté gauche, ne provoquait pas de sensa-
tions du côté droit, mais en revanche la neige donnait
la sensation de froid. Chez ce malade, on pouvait
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. Oi
aussi observer dans d'autres endroits de même que chez
d'autres malades que, dans les régions de la therma-
nesthésie, non seulement les limites existant entre les
perceptions de la chaleur et du froid s'élargissaient,
mais ils paraissaient s'éloigner davantage tantôt de
l'une, tantôt de l'autre modalité de la sensibilité ther-
mique. Il y avait comme une hypéresthésie relative
de la sensibilité au froid ou à la chaleur. Il peut
y avoir aussi perversion du sens de la température
les objets froids produisent une sensation de chaleur et
à l'inverse (OBs. IV). Nous n'avons pas constaté
de ralentissement de conductibilité des impressions
thermiques.
L'analgésie, dans les endroits où elle s'observe, suit
dans sa disposition la même règle que l'anesthésie
thermique, c'est-à-dire qu'elle se caractérise aussi par
une distribution en ceinture, en région qu'elle prédo-
mine d'un côté, qu'elle est nettement délimitée par la
ligne moyenne, là où la région analgésique d'un côté
ne conflue pas avec la zone analgésique de l'autre.
Les muqueuses de la cavité buccale peuvent aussi être
atteintes d'analgésie, comme le démontre une obser-
vation de Schultze24 (analgésie de la langue). Nous
avons vu que l'analgésie peut manquer pendant long-
temps ; dans l'OB,,ERVATIOiNVI, elle ne s'était ajoutée
à la thermanesthésie partielle qu'après quatorze ans.
Il paraît qu'une apparition semblable d'analgésie con-
sécutive ne constitue pas la règle. La relation existant
entre les régions des anesthésies partielles parle en
faveur de cela. Il n'arrive pas toujours que l'analgésie
n'occupe que certaines parties de la lésion thertnanes-
thésique. Parfois, dès le début, les deux espèces d'anes-
zou) PATHOLOGIE NERVEUSE.
thésie partielle se distribuent dans les mêmes limites,
atteignent simultanément de nouveaux endroits
(OBS. III) et peuvent probablement exister simultané-
ment dès le début de la maladie (OBs. IV). Enfin, dans
.la troisième série d'observations, il peut exister une
analgésie partielle dans les régions, non occupées
par la thermanesthésie ; cela fait supposer la possi-
bilité de l'existence chez quelques malades de l'anal-
gésie partielle, seule avec conservation de tous les
autres modes de sensibilité au moins pendant
un certain temps. Pourtant ni moi, ni les autres au-
teurs, n'avons observé de l'analgésie isolée sans ther-
anesthésie. M. Morvan, qui signale dans toutes ses
observations de l'analgésie et, dans quelques cas excep-
tionnels la thermanesthésie partielle concomitante,
présente une exception à cette règle; mais ses obser-
vations, comme nous l'avons déjà remarqué, ne pa-
raissent pas être assez exactes sous ce rapport. Nous
devons dire la même chose de deux cas présentant
une distribution caractéristique de l'analgésie (cein-
ture sur la poitrine dans un de ces cas, moitié de la
face et le membre supérieur dans l'autre) que nous
avons rencontrés en 1881 au dispensaire de la Société
des médecins russes, mais qui n'ont pas été portés sur
la liste, parce que la sensibilité thermique n'y était
pas étudiée. Le ralentissement de conductibilité des
impressions douloureuses a été observé par nous
aussi bien que par d'autres auteurs (OBs ? 11) ; mais en
général on la voit très rarement.
L'anesthésie du sens du tact et du lieu, tantôt ne
s'observe pas du tout, tantôt paraît par-ci, par-là, en
occupant une région peu considérable et en suivant
DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 207
dans sa distribution la même règle, que le changement
de la sensibilité à la chaleur et à la douleur.
Chez notre malade, par exemple (OBS.V), on observait
à côté d'une thermanesthésie de la totalité de la peau
une anesthésie incomplète des autres espèces de sensi-
bilité, et qui avait occupé du côté externe de la main,
un espace peu considérable, innervée cependant par
trois nerfs. Dans d'autres cas, toute la région therma-
nesthétique sent les attouchements d'une façon diffé-
rente, et à cette différence subjective ne correspond
pas un changement objectif marqué ; où bien il y a une
diminution très insignifiante du sens de lieu, comme,
par exemple, dans notre premier cas et surtout chez
le malade d'Oppenheim, chez lequel l'anesthésie tac-
tile incomplète coïncidait avec analgésie complète et
anesthésie du sens thermique avec distribution carac-
téristique de ces dernières.
Enfin, dans la troisième série des cas les nôtres
n'en présentent pas l'anesthésie peut se manifester
sous la forme habituelle qu'elle a dans les affections de
la moelle épinière et obscurcir ou détruire complète-
ment le tableau caractéristique de la maladie. Schup-
pel a décrit un cas d'anesthésie générale, dans lequel
on trouva à l'autopsie les cornes et les cordons posté-
rieurs complètement détruits, tandis qu'au début de
la maladie existaient des troubles partiels de sensibi-
lité que nous reconnaissons comme typiques de la
gliomatose médullaire. Une anesthésie de ce genre
doit être rangée dans le nombre de symptômes secon-
daires, deutéropathiques. 1
Le sens de la pression marche ordinairement côte à
côte avec le sens du tact et s'abaisse parallèlement à
208 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ce dernier. Il avait été excessivement abaissé dans la
région de l'anesthésie générale de notre neuvième
cas. A juger d'après notre Observation III, il faut
croire qu'une certaine diminution du sens de la pres-
sion peut exister dans les endroits thermanesthétiques,
percevant le plus léger attouchement, quoiqu'il soit
ici ordinairement couservé et, autant que nous avons
pu voir, ne présente pas de diminution marquée. Sous
ce rapport, du reste, il serait désirable d'avoir des
recherches plus précises, pour lesquelles il n'existe
pas de méthode complètement commode.
Le sens musculaire avait été conservé chez nos ma-
lades. Généralement, il est conservé dans les cas où il
n'y a que des symptômes fondamentaux, caracté-
ristiques, indiquant la distribution quasi systématisée
du processus morbide. Il a été aussi conservé dans le
cas d'Oppenheim, où toutes les autres espèces de sen-
sibilité étaient atteintes.
Dans les périodes ultérieures de la maladie, lorsque
le tableau fondamental se complique ou s'obscurcit
même par une série de symptômes de lésion diffuse
ou en foyer des cordons blancs de la moelle épinière,
on peut observer la perte de sensibilité musculaire.
2). Les altérations subjectives de la sensibilité, ne
présentent pas un phénomène ininterrompu, mais pa-
raissent toujours dans le courant de la maladie,
pour un temps plus ou moins long.
Plus souvent les malades se plaignent de paresthé-
sies de différente sorte : sensation de refroidissement,
sensibilité au froid des membres, ne dépendant pas
toujours du refroidissement de ces parties, sensation
du froid se répandant sous la peau, etc.; parfois, au
DE LA GLI011ATOSr MEDULLAIRE. 209 )
contraire c'est une sensation de chaleur et de
tiédeur, allant jusqu'à la douleur, une sensation de
« cuisson froide », de constriction, de corps étranger
dans le côté, le dos, de fourmillement, etc. Ces pa-
resthésies ne se localisent pas exclusivement sur la
peau : elles se font sentir aussi dans les muscles,
sous forme de légère douleur sourde, de constriction,
de « douleur agréable ».
Les douleurs : tantôt elles sont le résultat direct des
paresthésies aggravées, de « douleur sourde », « dou-
leur agréable », de « cuisson »,, tantôt ce sont des
douleurs excentriques dans les membres, la nuque
et le thorax, rappelant les douleurs névralgiques;
tantôt c'est une douleur locale siégeant dans les
muscles atrophiés, les grandes articulations, les nerfs,
la colonne vertébrale, formant peut-être dans ce der-
nier cas une manifestation de la méningite chronique,
compliquant la maladie, si l'hyperplasie gliomateuse
atteint les enveloppes de la moelle.
Nous avons vu que la douleur peut exister avec l'a-
naque l'augmentation de pression dans le sys-
tème veineux (la toux, Féternuement, etc.), peut aug-
menter les douleurs; mais plus souvent on ne réussit
pas à saisir les moments provoquant ou entretenant
ces douleurs, dont le caractère central est habituelle-
ment évident.
La continuité des douleurs est différente ; parfois
elles paraissent par accès pour quelques moments,
quelques heures; mais dans d'autres cas elles durent
avec quelques variations d'intensité pendant des jours,
des semaines et des mois. L'intensité de la douleur
était ordinairement moindre qu'on pourrait le sup-
ARcHivEs, t. XVI. 14
210 PATHOLOGIE NERVEUSE.
poser d'après les plaintes des malades ; à l'exception
de rares exacerbations, elle n'interrompt même pas
leur sommeil.
3). Les troubles vaso-moteurs ne sont pas rares; leur
caractère et leur localisation sont très variés. Plus
souvent on observe un certain rétrécissement des ar-
tères, ralentissement de la circulation périphérique,
une rougeur par stase veineuse, accompagnée de re-
froidissement des membres. Dans d'autres cas, l'ir-
ritation mécanique de la peau provoque une hypé-
rhémie locale disproportionnellement intense (Oss. X)
même avec de l'épanchement dans les papilles; et
dans le nombre des malades atteints de gliomatose
sont notés les « hommes autographiques » (Schultze,
Fûrstner et Zacher, nos Observations II et III), faisant
le pendant de la femme autographique de Dujardin-
Beaumetz.
Dans les observations de Zacher et de Fürstner,
cette paralysie réflexe des nerfs vaso-moteurs s'éten-
dait à une plus grande surface de la peau et avait été
plus accusée d'un côté. Dans d'autres cas, il se dé-
veloppe comme des hypérhémies spontanées de la peau,
de la rougeur en plaques, etc. Morvan signale des
hémorrhagies des organes internes au nombre de
symptômes, observés chez ses malades. Les troubles
vaso-moteurs paraissent être la source de quelques
paresthésies et jouent probablement un rôle assez im-
portant dans l'origine des distrophies cutanées.
Les sueurs sont plus souvent augmentées dans la
sphère de l'anesthésie et parfois à un degré consi-
dérable : elles sont surtout nettement accusées dans la
forme hémianesthétique. Plus rarement, il y a
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 2't't
diminution d'excrétion sudorale du côté anesthé-
tique.
L'inégalité pupillaire. Il nous est arrivé de l'ob-
server dans deux cas, sans d'autres symptômes deuté-
ropathiques. La réaction à la lumière et à la conver-
gence avait été conservée, maisune pupille s'élargissait
plus que l'autre, de sorte que ses faisceaux sympa-
thiques avaient été légèrement atteints.
Les distrophies cutanées et les processus morbides
siégeant dans le tissu cellulaire sous-cutané se ren-
contrent dans plus de la moitié des cas, même sans
compter les observations de Morvan, qui avait ras-
semblé ses cas, en se basant sur ce symptôme. Sur la
peau de la paume et des doigts surtout, on voit sou-
vent des épaississements de l'épiderme; chez les ou-
vriers se produisent souvent des callosités, des cre-
vasses, allant jusqu'aux tendons fléchisseurs des doigts,
des tendinites, des phlegmons etc. Les ampoules sur
les paumes et sur les doigts présentent un phénomène
fréquent. Très souvent, l'on peut voir des éruptions de
différentes sortes : l'eczéma squameux, impétigineux,
les dartres, etc. Kahler a observé la nécrose de la
peau avec formation de cicatrice kéloïdale. Le pana-
rts et le phlegmon dans différents endroits, les mem-
bres supérieurs surtout, se rencontrent relativement
souvent dans le courant de la maladie. En vue de re-
lation indubitable de ces processus avec l'affection
fondamentale, nous pouvons supposer parfois, d'après
leur existence dans les antécédents du malade, qu'elle
s'est développée plusieurs années avant l'apparition
de tout autre symptôme, dont s'aperçut le malade.
La formation de tumeurs pâteuses limitées dans le
2112 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tissu cellulaire sous-cutané, dans le genre de celles
que nous avons observées dans 1' Observation V est men-
tionnée par d'autres auteurs également. Ces tumeurs
ne sont pas accompagnées de rougeurs de la peau, ne
dépendent pas seulement de l'oedème locale, mais
d'une infiltration de consistance plus solide; tantôt
elles durent pendant de longs mois, tantôt elles se ré-
solvent toutes seules.
Il arrive aussi d'observer des altérations des gaines
tendineuses, occasionnant parfois l'immobilité des ar-
ticulations interphalangiennes; des processus inflam-
matoires chroniques dans l'une ou l'autre des grandes
articulations (celle de l'épaule), limitant les mouve-
ments et accompagnés parfois de douleur (Cas. III,
cas de Remak). Dans l'OBSERVATION X existaient des
épaississements considérables des extrémités osseuses
dans l'articulation métacarpo-phalangienne du pouce
des deux côtés. Des luxations et surtout des fractures
des os survenant en dehors d'un mouvement mécanique
suffisant avaient été observées assez souvent. D'ordi-
naire les malades ne sentent pas ces fractures; le ma-
lade décrit par Schultze n'avait deviné que par le
bruit de la fracture, qu'elle s'était produite; notre
malade (OBs. X) n'a appris la fracture de sa clavicule
que le lendemain, s'étant aperçu du gonflement de
l'épaule. Morvan a trouvé chez ses malades, outre les
troubles trophiques locaux, un abaissement de nutri-
tion générale avec abaissement de la température du
corps.
Nous n'avons pas l'intention d'énumérer tous les
troubles trophiques, observés dans la gliomatose. Ils
sont excessivement variables, surviennent déjà dans
DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 213
les premières périodes de la maladie et contribuent
d'une manière considérable à la bigarrure de son ta-
bleau clinique. Nous ne nous arrêterons pas non plus
sur l'examen détaillé de la pathogénie de ces troubles
disons seulement que nous ne nous voyons pas forcés
de les expliquer par la lésion des nerfs trophiques
hypothétiques. Mais nous ne partageons pas l'opinion
de Schultze, que la fragilité des os ne dépend que de
la contracture musculaire' démesurée et nous ne sup-
posons pas, qu'en général la source unique des dis-
trophies de la peau etc., siège dans la diminution
de la sensibilité à la douleur, ne permettant pas au
malade de s'épargner à temps les moments trauma-
tiques ainsi que d'autres irritations, d'autant plus
que, comme le démontrent nos deux observations, les
altérations pathologiques citées plus haut ont été aussi
observées dans les cas où l'analgésie manquait, ou au
moins, dans les endroits, où la sensibilité thermique
était seule altérée. Des recherches ultérieures devront
définir d'une manière plus intime les relations réci-
proques existant entre les troubles vaso-moteurs pro-
duits dans la sphère de sensibilité d'un côté et les
troubles trophiques de l'autre.
La plupart de ces derniers ont un caractère acci-
dentel, épisodique : de grandes cicatrices de la peau
sont attribuées par le malade à une brûlure « acciden-
telle » des fractures osseuses à un traumatisme
accidentel, etc., et pourtant ces accidents se répètent
chez la plupart des malades avec un caractère typique
remarquable. Ces troubles sont liés à la maladie
d'abord parce qu'elle ne permet pas de s'apercevoir,
de prévoir et d'éloigner, des traumatismes arrivant à
9.14 PATHOLOGIE NERVEUSE.
chaque pas, etc., secondement, parce qu'elle diminue
l'énergie trophiqué des tissus. Nous sommes obligés
de supposer, que grâce à la nutrition affaiblie des tis-
sus d'un côté (par suite de l'abaissement delà tempé-
- rature locale, des conditions défavorables de la
circulation, etc.), la réaction altérée des nerfs vaso-
moteurs de l'autre, différentes causes pathogé-
niques externes et internes provoquent tel trouble
ou tel autre. Par exemple : une blessure insignifiante
ou une infection provoque le phlegmon, le panaris;
une irritation insignifiante provoque l'eczéma, etc.
Morvan a observé chez un de ses malades un eczéma
impétigineux siégeant dans la sphère de l'analgésie
mais la maladie existait à un léger degré sur la tota-
lité du corps. Il est évident que sa cause dépendait de
conditions, qui n'ont rien de commun avec la myélo-
' gliose, mais cette dernière avait créé dans certains en-
droits des conditions locales plus favorables au déve-
loppement de la maladie.
L'atrophie musculaire nous présente cet intérêt,
.qu'elle constitue un symptôme précoce de la maladie.
Dans nos six observations', elle était localisé dans les
muscles de la main et présentait le tableau considéré
comme caractéristique de l'atrophie musculaire spi-
nale protopathique (type soi-disant Aran-Duchenne-
Charcot). Chez un malade- la localisation prédomi-
nante dans les muscles scapulaires et ceux de l'épaule
rappelle aussi l'atrophie musculaire progressive, mais
idiopathique de mon type fondamental (type scapulo-
1 Dans le dernier temps, je pus observer encore trois cas de gliomatose
médullaire avec atrophie musculaire du type Aron-Duchenne liée a
l'anesthésie termique avec analgésie.
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 215
humerai Landonsy-Dejerine). Dans d'autres cas, ta dis-
tribution de l'atrophie est moins trompeuse : elle se
borne longtemps à un seul côté, et ayant envahi
l'autre, ne manifeste ordinairement pas cette symétrie
(dans la localisation initiale, dans la sanction et le
degré de lésion des muscles atteints), qui est observée
dans les atrophies musculaires progressives protopa-
thiques. L'atrophie des membres inférieurs est exces-
sivement rare et dans ces cas le degré d'atrophie peu
considérable ne correspond pas au degré de la paraly-
sie. Dans les muscles atrophiés, on observe souvent la
réaction de dégénérescence plus ou moins nettement
accusée, ne constituant pas, du reste, l'apanage né-
cessaire de l'atrophie musculaire dans la gliomatose
de la moelle épinière, pas plus que dans d'autres
amyotrophies spinales.
L'atrophie des muscles peut ne pas avoir lieu pen-
dant très longtemps, comme le démontrent nos OBSER-
vations III et VII. Une fois parue, elle se développe
très lentement, et ne montre habituellement pas de
tendance à se généraliser; mais dans certains muscles
(de la main le plus souvent) elle atteint parfois un
degré élevé.
(4). Les troubles par étiques des mouvements se loca-
lisent surtout dans les membres supérieurs; la fai-
blesse prédomine habituellement sur l'atrophie. Ces
deux espèces de troubles atteignent rarement une
étendue considérable. Parfois les troubles moteurs se
bornent pour longtemps à une certaine maladresse de
la main, un léger changement d'écriture, etc. Il
est à remarquer que les muscles transversaires épi-
neux sont atteints assez souvent, à la suite se déve-
'316 6 PATHOLOGIE NERVEUSE.
loppe la scoliose musculaire dans les premières pé-
riodes de la maladie. (OBs. I, II.) En fait d'autres
altérations de la position des membres il faut citer la
main en griffe et la contracture atrophique des articu-
lations des doigts. Au début, l'atrophie musculaire et
la faiblesse se localisent dans la même région que
l'anesthésie (OBS. II, III, IV, VI, VIII, IX, X). Plus
tard, comme le prouve notre premier cas, l'atrophie
des muscles et les troubles moteurs peuvent être plus
accusés du côté où les altérations de la sensibilité sont
moins développées. Des troubles moteurs plus étendus
se rapportent à cette sorte de symptômes accidentels
de la maladie, qui peuvent paraître dans des combi-
naisons les plus variées, si le processus pathologique
s'étend à la substance blanche de la moelle épinière,
ce qui, à notre point de vue, constitue déjà une com-
plication du tableau clinique pur. Des complications
semblables par des phénomènes de paralysie plus
accusés accompagnés de phénomènes plus ou moins
considérables de l'hypertonie sont cependant observés
parfois dans les périodes relativement précoces de la
maladie. A l'extension du processus à la moelle
allongée et plus haut on peut observer des troubles
bulbaires et oculo-moteurs.
La paralysie atrophique, développée chez lllme L...
(OBs. VI) dans les membres inférieurs, se rapporte
probablement d'après les symptômes qui l'accompa-
gnaient et d'après sa marche à la méningite chronique,
qui est venue compliquer la maladie fondamentale;
la possibilité d'une complication pareille est anatomi-
quement prouvée, comme nous l'avons mentionné
plus haut.
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 2'1*
Au nombre des symptômes caractéristiques, que
nous avons observés dans tous les cas où il y avait
faiblesse et atrophie des muscles de la main, se rap-
portent les tressaillements convulsifs des muscles iso-
lés de l'avant-bras et de la main; cela se voit rarement
dans les autres muscles. On observe aussi des spasmes
toniques, surtout dans les muscles longs, au moment
d'une forte contraction exagérée de ces derniers.
Les mouvements fibrillaires et fascieullaires sont loin
d'être rares. L'état des réflexes cutanés et tendi-
neux présente des variations diverses dans tel ou tel
sens, étant sous la dépendance de la localisation ac-
cidentelle du processus morbide. Les altérations
fonctionnelles des organes du bassin, de même que
les symptômes bulbaires, constituent un phénomène
très rare ne se rapportant pas au nombre des symp-
tômes fondamentaux de la maladie.
Pour conclure, il convient de citer la préoccupation
sur la santé, la disposition à 1'liypochondi,ie , l'hu-
meur parfois mélancolique, qui constituent des symp-
tômes qu'on observe souvent chez nos malades.
La source de ces phénomènes se trouve, selon nous,
dans la fréquence des paresthésies et de diverses sen-
sations indéfinies, enchaînant constamment l'attention
du malade, épuisant son système nerveux, surtout
au moment des douleurs, et agissant d'une manière
dépressive sur son état général.
Tous les symptômes décrits peuvent se rencontrer
à une certaine période de la maladie sous des combi-
naisons diverses et se développe, probablement dans
une succession différente. D après nos observations,
la thermanesthésie est habituellement le premier
218 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
symptôme; ensuite viennent des troubles subjectifs de
la sensibilité ou l'analgésie, ou les troubles moteurs et
l'atrophie des muscles. Plusieurs années peuvent s'é-
couler, le malade peut mourir sans avoir présenté la
totalité ou la plupart des symptômes typiques, quoique
durant ce temps il ait pu avoir déjà les phénomènes
deutéropathiques. Nous nous arrêterons plus loin
avec plus de détails sur la signification diagnostique
de cas semblables non complètement accusés ou pré-
sentant des complications. (A suivre.)
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
ÉTUDE PATHOGËN1QUE ET EXPÉRIMENTALE
SUR LE VERTIGE MARIN';
· Par le D, P.-S. PAMPOUKIS,
En mission scientifique par l'Université d'Athènes.
Les exemples suivants ne sont pas moins frappantes :
Au mois de novembre de 1886, nous nous embarquâmes au Pirée
pour llfarseille ; la mer était aussi calme qu'on pouvait le désirer.
Mais aussitôt après, nous trouvâmes la mer dans une folle agitation.
Immédiatement, nous sentons le vertige. Nous essayons de rester
encore sur le pont; mais le tangage augmentait, et, avec lui notre
vertige, de sorte que quelques minutes après, quand nous avons
voulu descendre dans notre cabine, nous n'avons pu y parvenir
qu'avec l'aide d'un de nos amis. D'ailleurs, tous les voyageurs
avaient déjà gagné leurs cabines; car ils ont vu que la mer ne
nous souriait plus.
Au mois de novembre de 1885, nous nous rendîmes de Paris à
Athènes. De Marseille à Gênes la mer était bien calme. Vers
' Voir Arcle. de Neui,ol., t. XV, p. 393, et t. XVI, p. 1.
DU VERTIGE MARIN. 219
onze heures du soir nous quittions le port de Gênes avec le même
temps; nous étions alors dans notre cabine, comme d'ailleurs la
plupart des passagers. Aussitôt éloignés du port, la tempête com-
mence, et, avec elle notre vertige. Plus le bateau avançait, plus la
tempête devenait violente, de sorte que la vapeur ne pouvait plus
vaincre l'action du vent et des flots. Tout se bouleversait dans le
bateau. Tous les voyageurs souffraient plus ou moins. Le bateau
ne pouvait presque plus avancer : on essaya alors d'employer les
voiles. Pendant ce temps, quelques-unes des grandes touries d'acide
nitrique qu'on apportait à Naples se cassent. Les voyageurs ne
sachant de quoi il s'agissait, crient : i Au feu ! au feu ! »
Notons que jusqu'à ce moment notre vertige marin était à son
apogée; les vomissements étaient presque incoercibles, nos forces
complètement épuisées. Mais au danger de la tempête survient
un autre plus terrible encore , celui de l'incendie en mer ! ! Ce
mot nous a tellement effrayés que notre visage a changé com-
plètement. Tandis quejusqu'à cet instant nous étions évanouis et
épuisés par les vomissements, lesquels, pendant deux heures nous
tourmentaient; à la nouvelle du danger du feu nous avons eu tel-
lement peur que les vomissements ont cédé comme par magie;
nous prenons du courage et nous essayons de monter en haut
pour nous sauver, s'il était possible. Une dame qui souffrait encore
plus que nous a été tellement effrayée en apprenant l'incendie,
que ses vomissements ont aussi cessé à l'instant même.
Naturellement peu de temps après, nous avons constaté qu'il n'y
avait aucun danger.
Le capitaine Hellène N. K. faisait un voyage, dans un bateau à
voiles, de Grèce en Espagne. Un des matelots.qui n'étaitpas encore
habitué au vertige marin a souffert presque pendant toute la tra-
versée, car la mer était mauvaise. Près de l'Espagne, la tempête
devint tellement forte que les voiles furent mises hors de service,
et le danger de naufrage fut imminent. Cet accident inattendu a
tellement impressionné notre brave matelot, que non sulement
les vomissements ont cessé immédiatement, mais de plus il a
réussi à se lever et à venir en aide à ses camarades, qui travaillaient
pour sauvegarder le bateau.
Nous-même nous fûmes tellement impressionné pendant un
trajet en caâot à Corintbe, où nous craignions le chavirement
de l'embarcation par les flots, que notre attention tout entière se
concentra à cette idée du danger, ce qui empêcha le cerveau de
réagir contre l'influence de tangage et de manifester par le ver-
tige sonimpressionnabilité.
De ces exemples nous pouvons conclure que le
danger imminent du naufrage ou du feu impres-
220 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
sionne tellement le système nerveux, que l'action du
vertige marin cède la place à une impression plus
grande. C'est traiter le mal parle mal. La grande joie
peut agir pareillement. Ainsi, le docteur G. Coromilas
nous a communiqué l'exemple, dont il a été témoin.
Au mois de janvier de 1878 , le régiment de Messéniens com-
posé de 800 soldats s'embarqua à Patras sur un voilier pour Misso-
longhi, d'où on devait se rendre immédiatement à la frontière;
cardans ce moment, on croyait à une guerre entre la Grèce et la
Turquie. Depuis rembarquement à Patras jusqu'à Missolonghi, la
mer était folle d'agitation; la plupart des soldats allaient pour la
première fois en met'; cependant ils passaient le temps à chan-
ter des chansons patriotiques et à raconter des histoires de
batailles de nos pères contre les Turcs. De ces 800 soldats, aucun,
mais absolument aucun, n'a ressenti les symptômes du roulis et du
tangage, malgré leur séjour assez long dans un bateau par une vio-
lente tempête. Au contraire, la plupart des passagers d'un bateau
à vapeur, qui en même temps faisait le même voyage, ont terri-
blement souffert du vertige marin.
En résumé , le vertige peut ne pas se produire ou
s'arrêter subitement, malgré la continuité du tangage
ou le roulis, si les voyageurs se trouvent en face du
danger imminent de naufrage ou d'incendie, ou bien
encore si leur imagination se surexcite par une idée
patriotique ou par une grande joie.
La prédisposition individuelle influence aussi beau-
coup l'apparition des symptômes du vertige marin.
En général, le tout dépend du degré d'excitabilité du
système nerveux et de l'état de l'estomac. Ainsi , les
personnes anémiques , les neuropathes, surtout les
femmes', et ceux qui ont une lésion dynamique ou
matérielle de l'estomac, sont prédisposés plus que les
autres. La crainte d'avoir le vertige prédispose et
prépare le système nerveux central. Ceux qui voya-
gent pour la première fois sur mer sont, à peu d'ex-
DU VERTIGE MARIN. 1
ception près, presque tous prédestinés à sentir plus
ou moins les symptômes du vertige. Nous relatons ici
les cas observés par M. le docteur C. Nicoclès pendant
son voyage de Syra à Marseille, il y a un an.
Parmi les passagers il y avait un aliéné, un curé très anémique
et une famille qui voyageaient pour la première fois par mer. On
part le matin de Syra, et dix minutes après on sortait du port
par une mer calme. Mais dès qu'on est en pleine mer, il s'élève
une violente tempête (tangage). Presque la moitié des voyageurs
souffrent du vertige marin. M. le docteur Nicoclès était prédis-
posé au vertige ; il en a souffert toutes les fois qu'il a voyagé en
tempête. Peu de temps avant ce voyage, il a eu une congestion
cérébrale assez forte; eh bien, cette fois, il n'a pas souffert du ver-
tige marin; est-ce la congestion cérébrale qui a contribué à cela ?
L'aliéné, maniaque, âgé de quarante ans, est resté calme pendant
la traversée; il mangeait bien, sans vertige ni vomissements. -
Le curé, âgé de vingt-six ans, très anémique, a beaucoup souffert.
La famille a souffert également. -
Enfin, nous citons qu'un malade de Crète, âgé de vingt-cinq
ans, marchand, très anémique, à cause d'une tumeur de la langue
(sarcome), pour laquelle il a été opéré par le professeur M. Are-
taios (d'Athènes), a eu le vertige marin à son plus haut degré.
Nous devons dire aussi qu'il y a des personnes qui
malgré la tempête ne souffrent pas , ayant, pour ainsi
dire, une immunité au vertige marin. Ainsi notre pro-
fesseur de langues, M Mousson (de Paris), ayant tra-
versé la Manche cinquante-six fois dans l'espace de
douze ans, même en forte tempête, n'a jamais rien
senti, excepté une seule fois où même l'équipage du
navire, y compris le capitaine, ont vomi.
Nous avons dit déjà que ce sont des mouvements
spéciaux du navire qui marquent le point de départ
de la manifestation du vertige marin. Maintenant
c'est bien le moment d'étudier le milieu dans lequel
on voyage. Ainsi dans la barque on souffre moins que
sur un voilier; dans un navire à vapeur plus que sur
222 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
le voilier. Quelle est la cause de ces différences ? Voilà
une question qui n'a pas été étudiée.
Voyage en barque. Dans la barque on souffre,
d'après nous, moins que dans tout autre bateau pour
quatre raisons. Avec la barque, on fait rarement des
voyages au large, et par conséquent la tempête n'a pas
sa pleine puissance d'action. La barque ne déplaçant
pas une grande quantité d'eau, mais restant presque à
la superficie , ne décrit pas des lignes sinueuses trop
élevées, non plus trop brusques , et par conséquent
lé tangage et le roulis ne sont pas bien accentués. Le
séjour dans la barque jusqu'à l'arrivée au bateau n'é-
tant pas bien long, l'intention du voyageur et son
imagination se fixent sur le bateau. En grande tem-
pête, les embarqués s'adonnent à la crainte que la
barque pourrait chavirer et par conséquent leur sys-
tème nerveux est attaché à cette idée du danger im-
minent.
Voyage en voilier. Ce que nous avons dit
-pour la barque à propos du déplacement de l'eau s'ap-
plique aussi au voilier relativement au bateau à va-
peur. Le voilier reprend immédiatement son équilibre;
étant plus léger qu'un bateau à vapeur il reste plus à
la surface, grâce aussi à ses voiles. Ainsi, par un temps
de brise, le voilier effleure la surface de la mer sans
effort, tandis que la vapeur la creuse. Le navire se
dirigeant seulement par la vapeur agite et remue tu-
multueusement et sans cesse autour de lui l'eau de la
mer, et subit des secousses , qui se transmettent à
l'homme, provoquant le vertige marin. Quand un flot
se brise sur un vapeur, alors celui-ci fait plusieurs
DU VERTIGE MARIN. 223
mouvements latéraux ; avant de pouvoir se mettre en
équilibre, un nouveau flot se brise sur lui et alors des
nouveaux mouvements de roulis apparaissent. Quand
au contraire un flot se brise sur un voilier, celui-ci
reprend immédiatement son équilibre, et avant qu'un
second flot s'y brise, le voilier prend le temps néces-
saire pour marcher pendant quelques instants sans su-
bir le roulis.
Voyage en bateau à vapeur. Nous avons déjà
rappelé que ce navire entre plus profondément en
mer que le voilier; les courbes du vapeur en mar-
che sont plus élevées et l'enfoncement du bec de la
proue dans la mer se fait plus brusquement que dans
les voiliers, d'où vient subitement la perte de l'équi-
libre de l'homme ; enfin le vapeur revient en équilibre
plus difficilement qu'un voilier. Nous ne croyons pas
inutile d'ajouter ici que l'élévation des vagues varie
de 1 à 8 mètres ; que leur durée moyenne est de 5 à
8 secondes; qu'enfin leur vitesse de 15 à 30 mètres
par seconde (Bénard).
Nous acceptons comme cause occasionnelle du ver-
tige marin la chaleur qui se dégage des chaudières et
qui se répand dans le navire. Cette chaleur modifie
beaucoup l'air du navire , le dilate et contribue par
conséquent à la diminution de l'oxygène. Donc les
oxydations deviennent plus difficiles et l'organisme se
prédispose ainsi à l'anémie, qui se manifeste dès
que le tangage ou le roulis commencent. C'est pour
cette raison surtout que les voyageurs qui restent dans
leur cabine ou à la salle à manger souffrent plus que
ceux qui restent sur le pont. Ajoutons aussi que l'air
324 4 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
de l'intérieur des cabines se renouvelle difficilement ;
que les cabines étant à l'avant et à l'arrière du na-
vire subissent des mouvements dont les courbures sont
plus élevées que celles du pont. Ajoutons enfin l'in-
fluence de l'odeur du goudron, de peintures impré-
gnées d'humidité, etc. Nous avons connu des per-
sonnes qui voyageant par les voiliers ne souffrent pas,
taudis qu'ils éprouvent le vertige à bord des vapeurs.
d) Réflexions sur la pathogénie du vertige marin
de l'homme. Voici maintenant le moment d'aborder
l'étude de la nature du vertige marin. Nous tâche-
rons d'exposer nos réflexions d'après les résultats de
nos expériences sur les animaux. Parmi toutes les
théories qui ont été émises jusqu'à présent, une
seule vaut la peine d'être discutée, celle de Maurius
Autricsur les oscillations du liquide céphalo-rachidien.
Mais avant d'examiner cette théorie, nous croyons
indispensable de rapporter ce que la physiologie nous
enseigne à propos de ce liquide.
Le liquide céphalo-rachidien est placé entre le
feuillet viscéral de l'arachnoïde et la pie-mère; ce
liquide communique aussi avec les ventricules du cer-
veau. D'après Magendie, sa quantité doit être d'environ
soixante grammes; quanta sa composition il ressemble
au sérum du sang avec une grande diminution d'albu-
mine. Les vaisseaux du système nerveux se répandent
à la surface de la pie-mère ; là, ils se divisent à l'in-
fini et enfin pénètrent à l'état capillaire dans la subs-
tance du cerveau et de la moelle. Lorsqu'on a enlevé
le liquide céphalo-rachidien, en faisant une ponction
aux membranes de la moelle d'un animal vivant, les
DU VERTIGE MARIN. 22S
vaisseaux de la pie-mère laissent échapper la partie
liquide du sang au travers de leurs parois; et comme
la pie-mère est très riche en vaisseaux, ce liquide se
reproduit avec une grande rapidité.
Lorsqu'on donne issue à ce liquide par une piqûre
pratiquée dans l'espace interoccipito-atloïdien, on
remarque que le premier flot du liquide sort en jet.
Dans l'état normal, les centres nerveux subissent une
certaine pression de la part de ce liquide. La soustrac-
tion de cette pression normale provoque d'après
Magendie le trouble des fonctions locomotrices. Ma-
gendie, a remarqué que les animaux, après cette opé-
ration, chancelaient sur leurs pattes, comme s'ils
étaient ivres; ils tombaient tantôt d'un côté, tantôt
de l'autre. Pour Longet le trouble des mouvements est
dû à la section des muscles de la nuque; lorsqu'on
détermine l'issue du liquide par les lames postérieures
d'une vertèbre dorsale et qu'on ne divise pas par con-
séquent les muscles de la nuque, alors la démarche
des animaux ne présente aucune incoordination;
l'animal éprouve seulement un grand affaiblissement;
il a de la peine à se tenir sur ses jambes et il reste
couché. Pour Béclard la section des muscles de la
nuque provoque le trouble des mouvements très pro-
bablement par la suppression brusque des points
d'attache de la masse des muscles du dos, qui jouent
un rôle capital dans l'équilibre de la station. Si nous
augmentons le liquide céphalo-rachidien par l'injection
de sérum étendu d'eau distillée et à la température de
37°, alors on voit survenir les résultats de la compres-
sion du cerveau.
Étudions maintenant l'influence de la circulation et
Archives, t. XVI. 15
226 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
de la, respiration sur les mouvements du liquide
céphalo-rachidien. Pour le système nerveux central,
comme aussi pour les autres organes nous avons des
augmentations et. des diminutions alternatives de
volume en, relation avec la respiration et la circula-
tion. Le sphymoscope en ampoule dans la trépanation
nous démontre cela.
Par les expériences de Mosso, Frank, Buisson et
autres sur la sphygmométrie volumétrique, nous
savons que les changements de volume des organes
sont isochrones avec les pulsations artérielles; le
volume des organes augmente ci l'expiration et diminue
à l'inspiration, surtout dans les respirations forcées.
Pendant la systole cardiaque, le sang du cerveau
étant augmenté, le liquide céphalo-rachidien descend
en partie dans la cavité rachidienne.
Quant à la respiration, nous avons diminution du
liquide dans l'inspiration, et augmentation dans l'expi-
ration. Ces mouvements se montrent surtout quand
la respiration s'exagère et aussitôt que l'animal fait
effort. Au moment de l'aspiration déterminée par
l'ampliation du thorax, le' plexus veineux du rachis,
qui, étant placé contre les parois osseuses du canal,
occupe une grande place, tend à se vider du côté
des gros troncs veineux thoraciques. Le liquide
céphalo-rachidien descend alors dans le rachis pour
remplir la place. Au moment de l'expiration, les
plexus veineux du rachis se gonflent et le liquide
céphalo-rachidien est refoulé dans la boîte crânienne.
Par conséquent, la respiration et la circulation dé-
terminent dans l'encéphale des ébranlements con-
tinus.
DU VERTIGE MARIN'. 227
Si nous tirons de ces données physiologiques les
parties les plus intéressantes pour notre étude, nous
voyons que les vaisseaux du cerveau se divisant en
capillaires dans la pie-mère, où se trouve aussi le
liquide céphalo-rachidien, peuvent être comprimés. Le
liquide céphalo-rachidien à l'état normal exerce une
certaine pression sur les centres nerveux, A la suite
de la suppression de ce liquide, l'animal éprouve un
grand affaiblissement; il a de la peine à se tenir sur
ses pattes et il reste couché. L'augmentation de ce
liquide provoque les signes de la compression du cer-
veau. La systole cardiaque fait descendre le liquide
dans le rachis. Pendant les inspirations, surtout les
exagérées, le liquide descend dans le rachis; au con-
traire, pendant les expirations, surtout les forcées,
il remonte au cerveau.
Considérons maintenant comment M. Autric a
expliqué la pathogénie du' vertige marin. « Dans les
grandes oscillations du navire et surtout dans le tan-
gage, le liquide céphalo-rachidien animé d'une impul-
sion, considérable reflue vers le cerveau; de là un
obstacle à l'accès du sang vers l'encéphale, d'où l'ané-
mie cérébrale avec ses symptômes. » Mais M. Autric ne
nous explique pas comment les oscillations du navire
provoquent l'accumulation du liquide. C'est là cepen-
dant le point essentiel. Or, voici nos idées à propos
de la pathogénie du vertige marin. Nous savons déjà
que quand on abaisse la tête d'un animal, le liquide
céphalo-rachidien s'élève à la région céphalique et
réciproquement.
En tempête, le navire fait des mouvements brus-
ques, de sorte que l'enfoncement du bateau se fait
228 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
subitement; alors la tête du voyageur fait des mouve-
ments de balancier avec une courbure plus accentuée
et plus subite dans l'inclinaison que dans le soulève-
ment du navire ; ces mouvements de la tête sont suivis
par de pareils mouvements d'ascension et de descente
du liquide céphalo-rachidien. Cette promenade du
liquide amène le trouble circulatoire du cerveau, d'où
les symptômes du vertige sur un terrain préparé déjà
à subir ces troubles, attendu que l'air raréfié du
navire, etc., y prédisposent aussi. Les troubles de la
circulation et de la respiration qui surviennent par
suite du vertige marin, comme cela a été démontré
par nos expériences, aggravent la situation.
Telles sont les applications que nous avons pu faire
des données physiologiques. Mais pour bien com-
prendre ce mécanisme, n'oublions pas qu'en tempête
l'enfoncement du navire se fait brusquement et avec
une certaine résistance. Par conséquent, c'est surtout
pendant la descente du navire que la tête s'abaisse
aussi brusquement; alors le liquide céphalo-rachidien
s'accumule avec une grande vitesse, il comprime les
vaisseaux capillaires du cerveau et provoque ainsi
l'anémie cérébrale. Cette chute brusque provoque
aussi la commotion cérébrale et par inimitio ? i con-
tribue à la production instantanée du vertige. Nous
croyons même que nous devons donner à l'inimition
de Brown-Sequard une grande influence'sur la produc-
tion du vertige marin.
Le liquide céphalo-rachidien entrant avec rapidité
dans la cavité crânienne comprime en même temps les
vaisseaux du bulbe, d'où les troubles circulatoires et
respiratoires paraissent avec des vomissements ou s'ag-
DU VERTIGE MARIN. 19 9
gravent s'ils existent déjà. Le cervelet se comprime
aussi et subit par les mouvements brusques du cerveau
un ébranlement et un léger tiraillement, qui se com-
muniquent aux pédoncules cérébelleux moyens, d'où le
vertige, vomissements, etc.
Par nos expériences relatées déjà, et par celles que
nous relaterons dans notre mémoire avec M. le pro-
fesseur Dastre, nous avons démontré que les viscères
abdominaux subissent un grand déplacement, auquel
prend part consécutivement le diaphragme. Ces con-
tractions du diaphragme agissent sur la respiration,
sur l'estomac et sur la circulation, d'où les symptômes
spéciaux. Ces déplacements auraient pu agir par ini-
mition sur le système nerveux et provoquer ainsi le
vertige, etc. -
En résumé, nous déclarons que la pathogénie du
vertige marin n'est pas due à une seule et unique cause.
Elle dépend du navire, du degré de la tempête et de la
prédisposition individuelle. Le plus souvent, le vertige
marin est le résultat de l'anémie cérébrale, laquelle se
produit par le liquide céphalo-2achiclieî pendant la des-
ceiite brusque du vapeur ; en même temps, nous avons
l'ébranlement et le tiraillement du cerveau, et surtout
du cervelet et de ses pédoncules cérébelleux moyens.
Cette pathogénie s'applique surtout au vertige marin
dans les vapeurs en grande tempête et en tangage.
Mais il y a des circonstances où prédomine surtout
le déplacement des viscères abdominaux ; qui a pour con-
séquence des tiraillements des nerfs mésentériques;
alors les voyageurs ressentiront surtout des symptômes
du côté du ventre avec léger vertige. Enfin, il y a des
cas où le vertige marin se provoque par ? / ! ? y ? ? ? 7M ? ? ;
230 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
c'est ici que nous faisons entrer les cas du vertige
marin en tempête à peine marquée, soit en vapeur,
soit surtout en voilier.
Maintenant que nous avons exposé nos idées sur la
pathogénie du vertige marin, nous pouvons le définir
-ainsi : Le vertige marin se produit chez la plupart des
voyageurs, et surtout chez les anémiques, zzeuropatlaes et
dyspeptiques, toutes les fois que par les mouvements spé-
ciaux d'2cz navire en tempête, et surtout par sa descente
brusque, survient soit un choc avec anémie cérébrale et
ébranlement cérébelleux, soit des grands et subits dé-
placements de viscères abdominaux et des contractions
du diaphragme, avec les résultats de leur action locale ou
réflexe par ininzition, d'où surtout proviennent le vertige
et les vomissements, symptômes essentiels de la ma-
ladie.
e). Traitement du vertige marin.
Moyens prophylactiques. Il faut bien serrer
tout le ventre par une large ceinture de 4 mètres de
longueur sur 30 centimètres de largeur. Par cette
ceinture, nous obtenons deux résultats : d'abord nous
diminuons et même nous empêchons les mouvements
des viscères abdominaux, qui exercent une grande
influence sur les contractions du diaphragme, comme
nous l'avons démontré par nos expériences; ensuite,
par la ceinture, nous pressons l'aorte abdominale en
comprimant le ventre, et, par conséquent, nous dimi-
nuons l'anémie cérébrale. Il faut manger quelques
heures avant d'entrer en bateau ou avant d'approcher
DU VERTIGE MARIN. 231
la contrée à tempête; car ainsi l'aorte se comprime,
les mouvements du diaphragme diminuent, la circu-
lation cérébrale s'active et par conséquent l'anémie
cérébrale diminue. ,
" On ne doit pas se promener, surtout quand l'agita-
tion de la mer commence; il est préférable de se re-
poser à la cabine. Ceux qui ont déjà l'habitude de la
mer, peuvent rester sur le pont, mais en approchant
du centre du navire et en aspirant le grand air. Il faut
éviter, autant que possible, les boissons avant et pen-
dant le voyage; cette donnée a été extraite de nos
expériences sur la grande saignée. Nous écrivons cela
surtout pour les habitants des pays chauds qui ont
l'habitude de boire plusieurs verres d'eau par jour. En
évitant les boissons, nous diminuons la pression du
sang et, par conséquent, nous diminuons les sécré-
tions, salivation, etc. Nous conseillons l'emploi, pen-
dant la traversée, de petits verres de cognac, qui agit
en excitant la circulation et congestionnant le cerveau ;
mais il ne faut pas en abuser, car l'alcool en grande
dose augmente la pression sanguine. Pendant le
voyage, ou doit manger peu et nourrissant (bissteck,
oeufs).
- Moyens thérapeutiques. Si le vertige marin
menace d'apparaître, il faut se mettre à la cabine, en
serrant bien la ceinture du ventre ; tâcher de suivre
les mouvements du bateau, car on évite ainsi les se-
cousses qui provoquent le vertige, comme nous l'avons'
démontré; serrer la tête et surtout le front; mettre des
rideaux devant la fenêtre pour éviter l'action de la lu-
mière. En même temps, on commence à prendre une
232 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
petite cuillerée de la potion suivante, que nous avons
formulée d'après nos expériences :
DU VERTIGE MARIN. 23,')
fois sont suffisants ; si les vomissements empêchent le
malade d'absorber l'antipyrine, celle-ci peut être in-
jectée sous la peau à la dose de 1 gramme. En résu-
mé, comme médicaments,, nous préférons soit la co-
caïne, soit l'antipyrine, prises à l'intérieur. Quant aux
médicaments à injection sous-cutanée, ceux qui ont
voyagé en mer savent combien il est difficile de pra-
tiquer les injections; d'abord, la plupart des bateaux,
excepté les vapeurs des grandes compagnies, n'ont
pas de médecins; ensuite, la plupart des voyageurs
sentent simultanément leur vertige marin, dès que la
tempête commence; l'on peut se rendre compte si le
docteur peut satisfaire tous les souffrants. Que chaque
voyageur prenne les mesures prophylactiques que nous
avons recommandées; qu'il prenne aussi avant de
s'embarquer soit la solution de cocaïne, soit celle
d'antipyrine.
Tels sont les moyens auxquels on doit recourir pour
éviter autant que possible les symptômes du vertige
marin. Mais le moyen le plus pratique et le plus ra-
dical serait de demander aux compagnies de naviga-
tion de faire faire des lits suspendus, d'après le système
des lampes marines. En évitant ainsi les mouvements
du bateau, on empêcherait la manifestation des symp-
tômes du vertige marin. Il serait aussi désirable de
généraliser l'emploi du bateau jumelle, comme on le
fait actuellement de Calais à Londres.
CLINIQUE NERVEUSE
DE 1,'ÉI)ILI ? PSII PROCURSIVE';
Par BOURNEVILLE et P. 13RIC0N.
VI. Anatomie pathologique (Suite).
Nous rapprocherons de l'observation précédente
une autre observation suivie également d'autopsie; le
malade n'avait présenté que très tardivement des acci-
dents procursifs; aussi le cervelet ne semble-t-il que
très légèrement atteint; les lésions principales trou-
vées à la nécropsie étaient l'atrophie cérébrale et la
méninge - en cépha Vite .
Observation XLIV. - Atrophie cérébrale. e/n/ë ? <' gauche.
Débilité mentale et épilepsie.
Père et grand-père paternel alcooliques. Grand-père maternel
paralytique et alcoolique. Frère mort de convulsions. Accoit-
cément laborieux ; circulaires du cordon. A deux ans convul-
sions limitées au côté gauche avec hémiplégie gauche. Accès
d'épilepsieprocursive douze ans. - Affaiblissement intellectuel,
augmentation de la paralysie, céphalalgie avec vomissements.
Gâtisme. Augmentation du nombre des accès. - Alo7·t dans un
accès.
Autopsie : Congestion et oedème pulmonaires. Persistance du
trou de Botal. Rate supplémentaire. Thymus persistant. z
Adhérences de la dure-mère. Atropine du cerveau et surtout de
1 Voy. Archives de Neurologie, vol. XIII, p. 321 ; vol. XIV, iios 0,
et il, p. 55 et 235, juillet et septembre 1SS7, - vol. XV, Il'§ 13 et H,
p. 75 et 227. janvier et mars 1888; vol. XVI, n" S5, mai 1888.
DE l/ÉPILEPSIE PR0CURS1VE. 2 ! t5
l'hémisphère droit. Epaississemcnt et oedème de la pie-mère.
Anomalies artérielles. Hydrocéphalie légère. Atrophie du
pédoncule cérébral droit, de la moitié droite de la protubérance, de
la pyramide et de l'olive droites. Dégénéralion secondaire de la
moelle.
Maison)]... né le 1° juillet 1868, est entré à
Bicêtre le 15 mars 1882 (service de M. Bourneville) et y ost
décédé le ter avril 4885.
Renseignements fournis par sa mère (28 mars 1882). Père,
quarante-sept ans, travaillait aux champs autrefois ; depuis cinq
ans il est ouvrier dans une fabrique de produits chimiques; il
fume un peu depuis la guerre ; il est colère et faa des excès de
boisson; il rentre deux ou trois fois par mois ivre (vin, un peu
d'eau-de-vie); pas de migraines, pas de dartres. etc. [Père, maçon,
bien portant, nombreux excès de boisson. Mère, bien portante,
ainsi qu'un frère, une soeur (deux enfants), une autre (sept
enfants). Pas d'aliénés, d'épileptiques, etc., dans la famille.]
Mère, quarante et un ans, journalière aux champs, peu intelli-
gente, taille ordinaire; pas de migraines, pas d'antécédents
nerveux, etc. [Père, homme de peine au chemin de fer, mort au
bout d'un an ; nombreux excès de boisson. Mère, pas de détails ;
elle est morte de la poitrine, dit-on, peu de temps après la nais-
sance de la personne qui nous renseigne. Grands-parents
paternels et grand'mère maternelle, pas de renseignements.
Grand-père maternel, mort à quatre-vingt-huit ans, on ne sait de
quoi. - Un frère mort à trente-trois ans ; on croit qu'un des
amants de sa femme l'a «jeté à l'eau »; il se portait bien ; ses
qualre enfants sont vivants et en bonne santé. - Une soeit7- (deux
enfants), rien de particulier. Pas d'aliénés, etc.] - Pas de COHSM-
guinité.
Huit enfants : 1° garçon, mort à trois semaines de co2tvzilàiois;
2o garçon, mort à quatre mois, en nourrice, on ne sait de
quoi ; 3° fille, mort-née ; 4° notre malade; 5° fille, morte
à cinq mois, de la variole; 6° et 7° deux filles, huit ans et neuf
ans, bien portantes, pas de convulsions, intelligentes; 8° garçon,
seize mois, bien portant, rien de particulier; tous ces enfants
sont bien conformés. Deux fausses couches à cinq et à trois
mois.
Notre malade. Rien de particulier à la conception; pas de
rapports sexuels durant l'ivresse alcoolique du père. Grossesse :
au sixième mois, émotion vive de la mère causée par la vue d'at-
laques d'hystérie d'une de ses patroiines. - Accoitcheineiii à terme,
naturel. A la naissance la tête serait restée trois quarts d'heure.,
236
CLINIQUE NKRVEUSE.
au passage et, de plus, l'enfant avait, des circulaires du cordon
autour du cou (ce qui était déjà arrivé pour la plupart de ses
frères et soeurs) ; malgré cela, il n'y aurait pas eu de cyanose.
Elevé au sein par sa mère jusqu'à seize mois. A six mois il aurait
été soigné pour des accidents cérébraux qui ont duré deux mois,
sans convulsions, ni paralysie. Première dent à huit mois. Il a
parie a un an, n a mar-
ché qu'à trois ans et n'a
été complètement propre
qu'à cinq ans.
A deux ans, il ne dif-
férait pas beaucoup des
autres enfants. A cette
époque, convulsions sans
prodromes qui n'ont t
duré qu'un quart d'heure
et n'ont porté que sur
le côté gauche. Le jour
même, on a constaté que
le bras gauche était pa-
ralysé et que l'enfant
remuait moins bien la
jambe correspondante.
Dans les premiers temps,
il ne pouvait porter la
main à la bouche ; ce
mouvement n'est devenu
possible qu'au bout de
cinq ou six mois. Les
jambes sont toujours res-
tées faibles, surtout la
gauche qu'il traîne en-
core ; les genoux se co-
gnaient l'un contre l'au-.
tre dès qu'il a cômmencé
à marcher. En même
temps, l'intelliffence a
diminué d'une façon notable. Il a commencé alors à se plaindre
de douleurs frontales s'accompagnant de vomissements et revenant
deux fois par mois; ces sortes de migraines seraient encore plus
intenses depuis la fin de 1880. -A la même époque, il aurait eu
encore la vue très affaiblie au point de ne pouvoir distinguer une
épin gle.
Vers la fin de 1880, c'est-à-dire vers l'âge de douze ans, Maisonh...
a eu des crises singulières : étant assis, il se levait tout à coup, cou-
rait comme un fou dans la chambre, se cognant ati-c pernn qui s
Fig. 19 .
DE L'EPILEPSIE PROCURSIVE. 237
trouvaient devant lui, puis il revenait s'asseoir; il pâlissait et les
mouvements du coeur étaient tumultueux. Rien ne l'avertissait de
l'approche de ces crises ; il ne tombait pas, mais parfois urinait
dans sa culotte. Ces crises qui se montraient au début deux ou
trois fois par semaine sont devenues de plus en plus fréquentes,
mais elles ont toujours été exclusivement diurnes : le maximum
par jour était de cinq ou six. Le sommeil était bon. Jamais de
grands accès. Depuis l'apparition de ces crises, l'intelligence a
encore diminué et la paralysie a augmenté ; l'enfant a aussi
commencé à bégayer. A deux ans et demi, rougeole, quelques
croûtes dans les cheveux, quelques manifestations scrofuleuses,
quelques ascarides. Onanisme invétéré surtout la nuit. l3ron-
chite à six ans.
1882. 17 mars. A son entrée, on constate que Maisonh...
marche avec difficulté et s'affaisse souvent sur lui-même. Le
côté gauche est plus faible que le droit. Il parle, mais en trem-
blant beaucoup ; il sait épeler, sait encore écrire, mais illisible-
ment ; il connaît les chiffres. L'enfant mange assez proprement;
il ne gâte pas, se nettoie seul, cire lui-même ses souliers ; il ne
sait pas très bien se vêtir (/t{/. 19).
30 mars. Conjonctivite. A'«tMfSSgm6K< des membres infé-
rieurs si prononcé que la station debout est impossible.
24 mai. Maisonh... sort de l'infirmerie et retourne à la petite
école. On constate que ses facultés intellectuelles ont encore baissé,
qu'il ne peut plus du tout écrire et qu'il ne répond que très diffici-
lement à ce qu'on lui demande.
12 juillet. Maisonh... peut se tenir sur ses jambes, mais la
marche est titubante et il tomberait si on ne l'aidait. L'affaiblis-
sement porte du reste sur les deux côtés. Il ne peut pas remon-
ter seul sur son lit. Les deux jambes sont roides, surtout la gauche.
Gâtisme complet. Durant l'examen il produit presque sans cesse
un bruit sec avec les lèvres.
G octobre. Eruption papuleuse sur les deux fesses. Petite
ulcération recouverte de croûtes au niveau de la commissure
droite.
1883. 7 juillet. Dentition : mâchoire supérieure : douze dents
saines, mais mal rangées et atrophiées ; les incisives sont coniques
ou tendent à le devenir, Mâchoire inférieure : douze dents, les
quatre incisives sont atrophiées et présentent le type conique. Arti-
culation défectueuse; les six dents antérieures de la mâchoire
inférieure viennent se placer en avant des supérieures. Voûte
palatine et gencives normales.
238 8
CLINIQUE NERVEUSE.
28 décembre. Amélioration très notable qui permet de le ren-
voyer à la petite école. La parole est très limitée, il ne dit que
quelques mots ; il n'aurait, du reste, jamais prononcé de phrases
complètes depuis son entrée à l'hospice. Pas d'onanisme. Durant
tout le ténias de la miction, il pousse des cris.
1884. 18 juillet. - Augmentation considérable du nombre des
accès. La marche est redevenue impossible et n'est possible qu'à
la condition qu'on le soutienne des deux côtés. Il s'avance alors
en soulevant lour-
dement les pieds et
en frappant le sol ;
le tronc est incliné
à gauche et les
deux genoux co-
gnent l'un contre
l'autre, les pieds
étant notablement
écartés, au con-
traire. Légère iné-
galité pupillaire et
blépharile ciliaire.
Pas de tremble-
ment de la langue
ni des lèvres.
Parole réduite au
mol« merde » qu'il 1
prononce et répète
avant ses accès. Il
sourit quand on le
fait marcher, al-
longe la langue
quand on le lui de-
mande et recoii-
nait encore ses pa-
rents.
13 décemLl'e. -
Marche de plus en
plus difficile.
1885. Juillet. Etat actuel. Tète bien développée, bosses
frontales saillantes, bosses pariétales peu marquées; protubérance
occipitale en relief. Front large, bombé, saillant. Yeux nor-
maux, iris bleu; nez petit.. bouché, 4 centimètres, lèvres moyenne-
ment épaisses; oreilles bien développées, détachées; lobule semi-
adhérent. ,
Fig. 20.
DE l'épilepsie PROCURSR'1;. 239
240 CLINIQUE NERVEUSE.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 241
sillons. Par suite de la déviation du tronc basilaire vers la gauche,
l'artère cérébrale postérieure droite est plus longue que la gauche.
La communiquante postérieure est filiforme ainsi que la cérébrale
antérieure du même côté. Le pédoncule cérébral droit paraît
plus étroit que le gauche. La pyramide droite est réduite à un
tractus d'une largeur de 2 à 3 millimètres. L'olive droite est
plus longue et plus large d'un tiers que la gauche. Les nerfs crd-
niens paraissent normaux.
Cervelet, bulbe et protubérance, 150 gr. Les ventricules latéraux
contiennent une certaine quantité de liquide et sont dilatés. La
moitié gauche de la moelle paraît atrophiée et le cordon latéral de
ce côté est un peu grisâtre sur toute sa longueur.
Hémisphère gauche. La scissure de Sylvius laisse voir entre ses
deux lèvres le lobule de l'insula; ses rameaux antérieurs sont irré-
guliers. Le sillon de Rolando est assez profond et très sinueux. La
scissure perpendiculaire externe est séparée de la scissure interpa-
riétale par un pli de passage à niveau allant du lobule pariétal
supérieur au lobe occipital. La scissure interpariétale, qui forme
en arrière de la pariétale ascendante une scissure parallèle
presque complète, se prolongejusque dans le lit du premier sillon
occipital et envoie deux rameaux descendants, l'un en avant,
l'autre en arrière du pli courbe; un peu au-dessous de la partie
moyenne de la circonvolution pariétale ascendante elle fournit
un rameau transversal qui va se jeter dans le sillon de Rolando.
Le lobe orbitaire est formé de circonvolutions grêles, atteintes
pour la plupart de méningo- encéphalite surtout prononcée vers l'in-
cisure en Il. Face convexe. Lobe, frontal. En avant de la fron-
tale ascendante, il existe une scissure parallèle frontale presque
complète, interrompue seulement au niveau de la scissure inter-
hémisphérique par un pli d'insertion de la première frontale et
vers son tiers supérieur par un pli d'insertion de la deuxième
frontale à sa moitié inférieure; elle est parallèle à une autre
scissure transversale située à un centimètre en avant, qui commu-
nique d'une part avec la deuxième scissure frontale, d'autre part
avec elle-même et divise en bas le pied de la troisième circonvo-
lution frontale.
La. première frontale, peu développée, envoie trois plis de pas-
sage à niveau à la seconde; sa moitié postérieure est atteinte de
mérzirtgo-ettcéphalite. La première scissure frontale, sinueuse,
assez profonde, est interrompue par les plis de passage ci-dessus
indiqués et communique avec la scissure parallèle frontale. La
deuxième frontale, qui est le siège de méningo-encéphalite en quel-
ques points de ses parties moyenne et postérieure, est très plissée,
très découpée et irrégulière; elle projette deux plis de passage à
niveau à la partie triangulaire de la troisième frontale. La
Archives, t. XVI. 16
242 CLINIQUE NERVEUSE.
deuxième scissure frontale, très irrégulière, scindée en plusieurs
tronçons, présente une partie moyenne isolée allant rejoindre
par un rameau descendant la scissure de Sylvius à la pointe du
cap de la troisième frontale; celle-ci, moyennement développée,
présente également, surtout sur son pied, des traces de méningo-
encéphalite, mais moins prononcée que sur les première et
deuxième frontales. La frontale ascendante est grêle ; on trouve
- sur presque toute sa surface des traces de méningo-encéphalite. La
pariétale ascendante est moins grêle, atteinte aussi de méningo-
encéphalite, surtout à son tiers supérieur, mais à un degré moins
prononcé. Lobe pariétal. Le lobule pariétal supérieur peu volumi-
neux est envahi par la méningo-eizcéphalite dans ses deux tiers
antérieurs; le lobule pariétal inférieur très maigre, présente ainsi
que le pli courbe, plus développé des traces de méningo-encépha-
lite disséminée; un pli de passage à niveau relie le pli courbe à la
première circonvolution occipitale. Le lobe occipital est plutôt
petit; la méningo-encéphalite y est peu accentuée.
Lobe temporal. Les première et deuxième temporales présen-
tent des lésions de méningo-encépfecclite sur presque toute leur
étendue; la première envoie deux plis de passage à niveau à la
seconde. La première scissure temporale communique d'une
part avec la scissure de Sylvius par un sillon profond et oblique
qui longe le bord supérieur d'une circonvolution transverse
temporo-pariétale bien développée; d'autre part, avec la deuxième
scissure temporale qui est sinueuse, irrégulière, interrompue par
des plis de passage à niveau allant de la deuxième à la troisième
temporale qui est très découpée.
Face interne. Lobe temporo-occipital. La méningo-encéphalite
atteint principalement toute l'extrémité antérieure du lobe tem-
poral et s'étend jusqu'au delà de la partie moyenne de la
deuxième circonvolution temporo-occipitale; celle-ci envoie des
plis de passage à niveau à lapremière circonvolution temporo-occi-
pitale, ces deux circonvolutions sont assez bien développées en
arrière, plus maigres en avant.
La circonvolution frontale interne est assez bien développée, sauf
dans son quart antérieur où la méningo-encéphalite est très pro-
noncée. La scissure cnlloso-margitccle ne présente rien de parti-
culier. La circonvolution du corps calleux est atteinte à un degré
moins prononcé de méningo-encéphalite sur toute son étendue.
Le lobule paracentral, relativement assez gros, paraît peu lésé,
sauf dans sa partie la plus postérieure. Le lobule quadrilatère
possède une scissure sous-pariétale en H, dont la branche anté-
rieure est reliée à la scissure calloso-marginale par un petit sillon
horizontal; il existe un pli pariéto-limbique postérieur. La scis-
sure perpendiculaire interne est très profonde. Le coin paraît un
. DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 243 3
peu grêle' dans sa partie supérieure. La fissure calcarine, la
couche optique, le lobule de l'insula n'offrent rien à noter. Le
corps calleux, surtout dans son tiers antérieur, le corps strié, vers
sa partie postérieure, paraissent atrophiés.
Hémisphère droit. La scissure de Sylvius laisse à découvert le
lobule de l'insula dont les circonvolutions sont un peu jaunâtres;
elle envoie deux rameaux ascendants antérieurs allant se jeter
dans la deuxième scissure frontale et isolant ainsi complètement
le pied de la troisième circonvolution frontale du cap et de la cir-
convolution frontale ascendante. Le sillon de Rolando, sinueux,
communique en avant par un sillon profond avec la première
scissure frontale et en arrière vers son tiers inférieur avec la scis-
sure interpariétale par un sillon moins profond que le précédent.
La scissure perpendiculaire externe est séparée de la scissure inter-
pariétale par un pli de passage à niveau se rendant du lobule
pariétal supérieur au lobule occipital. La scissure perpendiculaire
externe forme, en arrière de la pariétale ascendante, une scissure
parallèle complète débordant sur la face interne; en bas elle est
isolée de la pariétale ascendante par un pli de passage à niveau
contourné, allant de celle-ci au pli pariétal inférieur, au delà de
son coude elle est interrompue par un pli de passage transversal
atrophié, se rendant du pli pariétal supérieur au pli courbe; plus
loin, elle va se confondre avec le sillon occipital transverse.
Le lobule orbitaire est atteint de méningo-encéphalite dans toute
sa moitié interne et postérieure; les circonvolutions de toute sa
moitié antérieure sont en retrait, vermiformes et atrophiés.
Face convexe. Lobe frontal. Il existe une scissure parallèle
frontale interrompue seulement vers son quart supérieur par un
pli de passage à niveau atrophié, allant de la deuxième frontale à
la frontale ascendante. La première frontale s'insère à la frontale
ascendante par deux plis de passage à niveau, atrophiés, vernzi-
formes ; elle est complètement atrophiée, vermiforme, dans ses
parties postérieure et antérieure, dans sa partie moyenne, il existe
seulement deux îlots non atrophiés. La première scissure fron-
tale sinueuse communique en arrière avec le sillon de Rolando
par le sillon déjà décrit; au tiers antérieur on y rencontre un pli
de passage étroit, atrophié et au tiers postérieur un autre pli de
passage profond. La deuxième frontale s'insère à la frontale ascen-
dante par un pli de passage courbe, atrophié; elle est atrophiée,
vermiforme, sauf à sa partie moyenne où se rencontrent des traces
de méningo-encéphalite ; en avant elle envoie deux plis de passage
à niveau, atrophiés, à la troisième frontale; sur les parties anté-
rieures des première et deuxième frontales, l'atrophie est beaucoup
plus prononcée que sur les parties postérieures. La deuxième
scissure frontale, profonde, sinueuse postérieurement est inter-
244 CLINIQUE NERVEUSE. ·
rompue en avant par un des plis de passage dont il vient d'être
question. La troisième frontale, dont le pied et la moitié du cap
sont relativement assez développés, avec quelques traces d'adhé-
rences, est atrophiée dans sa moitié antérieure, mais c'est surtout
la moitié antérieure du cap qui est atteinte. Les frontale et pariétale
ascendantes sont atrophiées dans leur moitié supérieure, la pre-
mière plus que la seconde.
Lobe pariétal. Le pli pariétal supérieur est tout à fait atrophié,
vermiforme, sauf sur une surface d'un peu moins d'un centimètre
carré qui présente toutefois une couleur un peu ocreuse et forme
son extrémité postérieure. Le pli pariétal inférieur et le pli courbe
sont relativement assez bien développés ; sur le dernier on
remarque quelques traces d'adhérences ; la coloration de la
substance cérébrale paraît à peu près normale.
Le lobe occipital, sans être manifestement atrophié, offre cepen-
dant une coloration légèrement ocreuse, surtout dans sa partie
supérieure.
Lobe temporal. Les trois circonvolutions temporales sont assez
bien développées, sinueuses. La deuxième envoie à la troisième
deux plis de passage à niveau; sur la moitié antérieure de la
première et sur toute la deuxième, on constate de la méningo-
encéphalite. Les scissures ne présentent pas d'anomalies dignes
d'être notées.
Face interne. Lobe temporo-occipitnl. La première circonvo-
littioit ternporo-occipitale un peu jaunâtre, légèrement en retrait
vers l'incisure préoccipitale, pousse deux plis de passage à niveau
grêles à la troisième circonvolution temporale. La deuxième
tenzpooo-occipitale, plus jaunâtre que la précédente, est assez
développée, elle envoie un pli de passage à niveau Li la première
vers son tiers antérieur. Les scissures sont assez profondes,
interrrompues par les plis de passage ci-dessus.
La circonvolution frontale interne est atrophiée dans presque toute
son étendue ; le lobule paracentral l'est également, mais à un
degré un peu moins prononcé. La scissure calloso-ma2giiiale est
peu profonde, ses bords sont écartés dans sa parlie moyenne.
La circonvolution du corps calleux est atrophiée dans sa moitié
antérieure, vermiforme vers son pôle frontal ; il en est de même
du corps calleux. La corne antérieure du ventricule latéral est dilatée.
Le lobule quadrilatère est atrophié, vermiforme dans sa moitié
.antérieure ; il existe un pli pariéto-limbique antérieur et un pos-
térieur ; la scissure sous-pariétale a la forme d'un -1. La scissure
perpendiculaire interne est très large ; le coin parait relativement
assez bien développé ; la fissure calcarine est normale.
Le corps strié est atrophié; la couche optique semble à peu près
normale,. elle a cependant une teinte jaunâtre à sa surface qui
est très légèrement bosselée.
' DE l'épilepsie PROCURSIVE. 245 5
Examen HISTOLOGIQUE, par M. Pilliet interne du service. Cer-
veau et bulbe durcis dans l'alcool. Moelle durcie dans le liquide
de Muiler.
Cerveau droit. Portions atrophiées. Substance grise. Ces
membranes n'ont pas enlevé des portions de substance cérébrale
en se détachant; la première couche de la substance grise est
confondue avec la seconde; elle présente, comme cette dernière,
une néoformation considérable, les capillaires apparaissent sur les
coupes, étoiles, arqués, formant un réseau serré. L'organe lym-
phatique est rempli de cellules rondes; autour d'elles existe un
espace clair dû au retrait qu'a subi la pièce dans l'alcool. Sur
des points où la lésion est' plus avancée, il existe autour de ce
vaisseau vasculaire serré des fibrilles conjonctives en plus ou
moins grande épaisseur; plus loin, la lésion est plus avancée
encore. Ces fibrilles conjonctives forment un véritable tissu fibroïde
de sclérose qui tranche vivement par son aspect sur le tissu névro-
glique ambiant. Ainsi sont constituées des bandes scléreuses
larges et plates, occupant et remplaçant la deuxième couche
de la substance grise, celle des petites cellules pyramidales. Ces
bandes ne sont pas pures, mais contiennent un certain nombre
d'amas névrogliques et de cellules nerveuses arrondies, granu-
leuses et pigmentées ; elles empiètent sur la substance grise des
deux couches qui les contiennent par des bandes conjonctives qui
suivent les trajets des vaisseaux; elles ont par conséquent un
bord dentelé et festonné. Au niveau de ces points, la première
couche de substance grise est épaissie, fibrillaire et chargée de
noyaux. La troisième couche, celle des grandes cellules, ne pré-
sente que des séries de cellules petites, à fins noyaux sphériques,
noyés sans ordre apparent dans une trame névrogtique granuleuse.
Mais la vascularisation exagérée des couches corticales
moyennes et la formation de bandes de tissu scléreux par pla-
ques dans la même région ne sont que les deux premiers degrés
de l'altération. Sur d'autres points, entre les mailles du tissu con-
jonctif ainsi formé, se crée des vides qui étaient remplis par un
liquide à l'état frais. On a sous les yeux des cavités aréolaires.
irrégulières, cloisonnées par des travées conjonctives épaisses et
par de fines trabécules, le long desquelles sont dispersées de
grosses cellules irrégulières à protoplasma irrégulier. L'aspect
ressemble beaucoup sur les coupes à celui du grand épiploon
réticulé de certains rongeurs. En même temps la couche corti-
cale qui recouvre ce tissu aréolaire s'amincit et n'est plus qu'un
simple feuillet et les cavités s'agrandissent au point de former un
tissu aréolaire visible à l'oeil nu. Ces lésions expliquent l'état cha-
griné qui résulte de l'effondrement des couches moyennes de la
substance grise et l'état kystique, aréolaire qu'on observe, beau-
coup plus prononcé d'ailleurs dans d'autres cas d'idiotie.
246 CLINIQUE NERVEUSE.
Au-dessous de ces points très lésés, il n'existe plus de grandes
cellules nerveuses, mais on en rencontre tout à côté par amas
abondants; elles sont seulement groupées sans ordre apparent, au
lieu, d'être disposées en, séries verticales comme à l'état normal.
Les couches suivantes de la substance grise et la substance
blanche sont chargées de petites cellules rondes. On y voit, en
grande abondance des blocs volumineux, réfringents, irréguliers,
comme formés de la fusion de plusieurs boules. Malgré le séjour
des pièces dans l'alcool, ce bloc se colore en noir intense par
l'acide osmique sur les coupes laissées vingt-quatre heures dans ce
réactif.
Lobe occipital droit en dehors delà lésion. Vaisseaux nombreux,
vascularisés, à cavité large, avec infiltration des gaines. Pourtant la
sériation verticale des éléments nerveux à laquelle nous attachons
une grande importance est conservée sur la plupart des points.
Si ce n'est dans la couche la plus profonde de la substance grise
où elle est morcelée parle réseau vasculaire. A ce point, ainsi que
dans la substance blanche, nombreux corps granuleux et blocs
graisseux semblables à ceux que nous venons d'indiquer.
Cervelet du côté droit ? Cellules de Purkinje assez nombreuses.
Couche externe et couche des myélocytes normales. On retrouve
un certain nombre des gros blocs graisseux qui paraissent dus
à l'action de l'alcool sur la pièce.
Cerveau. Hémisphère gauche. Il existe dans le lobe frontal
une vascularisation très développée avec diminution de nombre et
de volume des cellules nerveuses qui ont perdu leur sériation
dans les points examinés. Nombreux corps granuleux dans la
substance blanche. Dans le lobe occipital, on retrouve, à côté de
points normaux dans l'écorce, des taches de désintégration au
début. Les coupes du cervelet droit, examinées comparative-
ment avec celles du côté gauche n'ont pas paru présenter de
différence sensible. Les coupes du bulbe à la portion inférieure
du quatrième ventricule, au-dessous des olives montrent d'abord
.des lésions péri-vasculaires très marquées, surtout du côté
gauche. Diminution comparative du volume des noyaux. Du même
côté, dans la moelle cervicale, les cornes antérieures sont petites
mais avec leurs cellules bien nettes, de même les cordons anté-
rieurs. Ilots de tissu scléreux de dégénérescence descendante, en
dehors de la corne supérieure du côté gauche. Cette corne paraît
un peu plus volumineuse que celle du côté opposé. Dans cet îlot
à contours diffus un certain nombre de tubes nerveux persistent.
En résumé, les lésions du bulbe et de la moelle sont consécu-
tives ainsi que celles de la couronne de Reil.
Les lésions de l'écorce sont surtout marquées au niveau de la
deuxième couche de la substance grise et on peut leur distinguer
de L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 247
trois étapes : 1° prolifération vasculaire; 2° sclérose et atrophie
des cellules nerveuses; 3° formation des cavités.
Ces lésions forment aussi à la surface des hémisphères un cer-
tain nombre de taches diffuses semblables à celles qu'on trouve
dans la plupart des cerveaux d'idiots. -
Ce malade a eu des accidents cérébraux dès l'âge de
six mois sans convulsions, ni paralysie ; mais à deux
ans il eût des convulsions qui n'ont porté que sur le côté
gauche dont on constate aussitôt la paralysie qui per-
sista d'une façon plus ou moins complète et s'atténua
plus tard de manière à permettre quoique incomplè-
tement la marche. Ces symptômes : prédominance des
convulsions et paralysie du côté gauche sont en rap-
port avec les lésions trouvées à l'autopsie, qui étaient
en effet plus prononcées sur l'hémisphère cérébral droit
et atteignaient surtout les centres moteurs des membres.
C'est aussi à la suite de ces convulsions que l'intelli-
gence a diminué et que survint de la céphalalgie
frontale accompagnée de vomissements, puis d'affai-
blissement de la vue. Ce n'est que vers l'âge de douze
ans qu'apparurent les premiers accès procursifs. La
parésie qui avait succédé à la paralysie augmenta ;
l'affaiblissement intellectuel s'accentua et l'on constata
du bégaiement.
La paralysie d'abord limitée à gauche, puis amé-
liorée, reparaît et envahit aussi le côté droit; la
parole, peu développée, se limita de plus en plus, ce
qui est en rapport avec les lésions relevées à l'autopsie
qui nous a montré que la troisième circonvolution fi,on-
tale est plus atteinte à gauche qu'à droite.
L'autopsie nous a fait voir une atrophie de l'hémi-
sphère cérébral droit qui pèse 50 grammes de moins
que le gauche; aussi le cerveau ne recouvrait-il le
248 CLINIQUE NERVEUSE. - DE l'épilepsie PROCURSIVE.
cervelet qu'en partie, le laissant complètement à
découvert sur la partie médiane. La pie-mère est
oedématiée, l'artère communicante postérieure et l'ar-
tère cérébrale antérieure gauches sont filiformes; le
pédoncule cérébral et la pyramide du côté droit sont
atrophiés.' Contrairement à la règle, ce n'est pas l'olive
droite qui est atrophiée, mais la gauche. Les ventre-
cules latéraux sont dilatés (Hydrocéphalie consécutive).
La moitié gauche de la moelle est atrophiée.
Nous ne reviendrons pas sur les lésions rencontrées
sur les circonvolutions cérébrales; elles ont été décrites
plus haut; nous rappellerons seulement qu'outre l'a-
trophie ou la gracilité de certaines circonvolutions,
nous avons surtout constaté de la méninyo-encéy7aalite,
plus prononcée à droite au niveau des centres moteurs.
Le cervelet est moins atteint que les hémisphères
cérébraux ; ce n'est du reste que tardivement, vers
1880, qu'apparurent les premiers phénomènes pro-
cursifs. Lors de l'autopsie, le poids du cervelet, de
l'isthme et du bulbe était de 150 grammes. Matheu-
reusement ces diverses parties de l'encéphale n'ont
pas été pesées isolément ; notre attention n'ayant pas
encore à cette époque été attirée sur le cervelet.
Toutefois il existait une légère atrophie portant sur
leur, ensemble, puisque le poids moyen de ces organes
est d'environ 172 grammes. Les deux hémisphères
cérébelleux étaient sensiblement égaux, toutefois le
gauche paraissait un peu plus petit.
C'est aussi lors de l'apparition des premiers phéno-
mènes procursifs que l'on nota la diminution de la
vue ; nous ne pouvons affirmer dans notre cas si ce
symptôme doit être attribué à une lésion cérébelleuse,
DE l'axe cérébro-spinal. 249
vu l'étendue et la dissémination des lésions rencon-
trées à l'autopsie, mais nous croyons devoir rappeler
que l'amaurose est un des symptômes le plus fré-
quemment noté dans les cas d'affection cérébelleuse.
Parmi les autres symptômes pouvant être rattachés
à une lésion cérébelleuse nous signalerons encore la
titubation. (A suivre.) ,
REVUE- CRITIQUE
NOTES ET SCHÉMA SUR LA TOPOGRAPHIE PATHOLOGIQUE
DE L'AXE CCR>J13R0-SPIT1L' ;
Par Jules GLOVER.
D'après les résultats obtenus tant par la méthode anatomo-
clinique que par la méthode expérimentale, nous sommes
tenté de diviser l'écorce cérébrale en deux régions : une pre-
mière région, dont les lésions produisent manifestement des
troubles moteurs variés et une deuxième région, dont la lésion
reste à peu près silencieuse, au point de vue des troubles de
de la motilité. La première est la zone motrice corticale,
la seconde est une zone dite latente. Si nous établissons
cette division un peu trop rigoureuse, c'est uniquement
la clarté de l'exposition anatomique que nous recher-
chons, car il est manifeste, qu'à tout instant, nous nous
trouverions en face d'arguments contrariant par exemple la
donnée suivante : (la zone corticale dite latente est ainsi
nommée, parce que sa lésion ne provoque aucun événement
pathologique de la motilité), si nous n'envisagions que cette
donnée comme base de notre division.
' Voir tome XVI, p. 39.
250 REVUE CRITIQUE.
La zone motrice corticale (Planche I, fig. 1, Bleu)1, encore
appelée zone épilepto-ène en raison du nombre de faits ana-
tomiques précis, assez grand pour autoriser à localiser dans les
circonvolutions qu'elle circonscrit le point de départ des
accès épileptoïdes, cette zone répond d'après M. le professeur
Charcot à la circonvolution frontale ascendante, à la parié-
tale ascendante et au lobule paracentral. Elle empiète aussi,
d'après quelques auteurs, sur le pied des circonvolutions fron-
tales. MM. Charcot et Pitres dans leur plus récent travail,
ont cependant placé avec Nothnagel le pied des circonvolu-
tions frontales dans la zone latente, sauf évidemment le pied
de la troisième frontale (aphémie) et de la deuxième frontale
gauche (agraphie)
La zone corticale latente au point de vue des troubles de la
motilité, comprend toute l'étendue de l'écorce cérébrale qui
ne répond pas à la zone motrice. Dans la zone latente corti-
cale, on peut essayer de distinguer deux zones secondaires
mal connues du reste dans leur étendue et leurs limites ; la
zone intellectuelle et la zone sensitive. La zone intellectuelle
(PL. I, fig. 1, violet) occupe d'après l'opinion générale, les
circonvolutions antérieures ou d'une manière plus précise, la
première circonvolution frontale, les deux tiers antérieurs de la
deuxième et de la troisième frontales. La zone sensitive semble
correspondre aux circonvolutions postérieures, aux circon-
volutions occipitales, sans détermination plus exacte. C'est à
cette région de l'écorce encore mal définie, que Meynert. fait
aboutir les fibres du faisceau, qui provient du carrefour sensi-
tif. Les faits anatomiques manquent et les faits expérimen-
taux ne sont pas à cette heure assez précis pour vérifier les
assertions de Meynert. H. Nothna;el3, croit que, d'après les
faits anatomo-cliniques actuels, les circonvolutions pariétales,
' Nous ne représentons pas l'extension de la zone motrice corticale au
lobule paracentral, afin de ne pas surchargeii,le schéma d'une figure de
la face interne de l'hémisphère gauche, à l'absence de laquelle il est du
reste facile de suppléer par l'imagination.
* Nothnagel. Traité clinique du diagnostic des maladies de l'encé-
phale basé sur l'etudc des localisations. Traduit et annoté par Kéraval.
Paris, 1885.
3 Meynert. Voir les travaux de Meynert complètement exposés en fran-
çais dans Huguenin. Anatomie des centres nerveux, trad. Keller; Paris,
1879.
* NothnageL Maladies de l'encéphale, p. 441, 1885. In loc. cit.
DE l'axe cérébro-spinal. 251
abstraction faite de la pariétale ascendante, doivent « entrer,
au contraire, les premières en ligne de compte à propos des
troubles de la sensibilité ». En outre, des observations de
lésions corticales du côté des circonvolutions frontales avec
« troubles légers de la sensibilité » ; des lésions de la plus
grande partie de la région fronto-pariétale avec «. paralysie des
mouvements et diminution de la sensibilité 2 D, permettent de
dire qu'assigner à l'écorce des lobes occipitaux exclusivement,
le rôle de zone sensitive n'est qu'en partie vrai et seulement
pour le faisceau de Meynert, dont nous parlons plus loin. Enfin
M. Ballet3 donne à la zone sensitive corticale une étendue
beaucoup plus considérable. Elle comprend, d'après cet auteur,
toute la partie de l'écorce située en arrière du pied des cir-
convolutions frontales. La zone motrice y est incluse, par-
ticipant dès lors à la constitution d'une zone seizsz*tivo-inotrice.
Les circonvolutions situées en arrière des frontale et pariétale
ascendantes sont exclusivement sensitives.
Les observations anatomiques que nous signalons plus haut
et d'autres encore démontrent que la zone sensitive corticale
doit certainement dépasser la région occipitale. En somme,
rien de précis sur les limites de la zone corticale sensitive \
Nous n'avons point coloré la zone sensitive occipitale sur la
figure.
Outre les zones intellectuelle et sensitive, à peu près cir-
conscrites, dans la zone latente de l'écorce, se trouvent encore
disséminés plusieurs centres fonctionnels : la cécité ver-
bale, l'hémianopsie, le ptosis, dont nous avons indiqué le
siège.
Chacune de ces zones de l'écorce cérébrale est l'aboutissant
' Grasset. Rev. mens. (Fév. 1880, 161.)
' R. Tripier. Rev. mens. (Janv. et fév. 1880.)
3 Ballet. Voir les Recherches anatonziques et cliniques sur le faisceau
sensitif. In th. Paris, 1881, et art. Sensibilité du Dict. Dech. Charcot
et Pitres. Rev. mens. Se mémoire (1883).
4 Du reste, nous verrons dans le cours de cet exposé combien l'on doit
faire de restrictions, non seulement sur le siège à l'écorce cérébrale de la
zone sensitive, comme de la zone intellectuelle, mais aussi sur le trajet
intra-cérébral des fibres sensitives, ainsi que des fibres intellectuelles.
Intelligence et sensibilité sont deux fonctions qui, jusqu'à présent, ont
échappé aux efforts de la localisation et qui probablement déjoueront
toutes les tentatives faites dans le but de leur assigner un centre fonc-
tionnel. » (Legroux et de Brun. Encéph., 1881, 263 et 403.)
252 REVUE CRITIQUE.'
ou l'origine des fibres du centre ovale, selon la fonction res-
pective attachée à chaque faisceau des fibres. Nous prendrons
donc à l'écorce cérébrale pour les suivre successivement dans
leur trajet intra-cérébral au centre ovale, dans la capsule
interne, le pédoncule et la protubérance et enfin dans le
bulbe et la moelle, chacun des faisceaux de fibres centripètes
ou centrifuges. Nous colorerons sur les dessins, de la même
teinte la zone cortico-cérébrale et le faisceau cérébro-médul-
laire correspondant. De telle sorte qu'il sera facile par le
simple examen du schéma, de prendre une idée d'ensemble
du trajet d'un faisceau pris isolément, du trajet des diffé-
rents faisceaux pris collectivement, avec leurs connexions
réciproques, sur toute la longueur de l'axe cérébro-spinal.
- Pour exécuter cette carte topographique de l'axe cérébro-
spinal, nous avons dû associer à une figure de la face externe
de l'hémisphère gauche pour l'étude de la région corticale,
quelques-unes des coupes de Pitres pour l'étude du centre
ovale, la coupe de Flechsig pour celle de la capsule interne,
une coupe du pédoncule cérébral, de la protubérance et
une coupe de la moelle, en un point d'élection, pour l'étude des
régions pédonculaire, protubérantielle et médullaire. Ces
différentes coupes, nous les réunissons par des lignes pointil-
lées de colorations différentes et qui représentent le trajet de
chaque faisceau individuellement. Le passage du faisceau au
niveau d'une coupe est indiqué sur celle-ci par la même colo-
ration en teinte plate que celle du faisceau.
Quelques mots sur les diverses coupes entrant dans la
constitution de nos schémas.
Les Coupes de Pitres1 sont faites dans le sens oblique trans-
versal, en dirigeant le couteau parallèlement à la scissure
rolandique. La manière d'opérer de Pitres, généralement sui-
vie dans les autopsies, est plus apte à mettre les faisceaux
blancs en rapport avec les circonvolutions que la méthode de
Bitôt 2, qui pratique des coupes verlico-transversales, en por-
tant le couteau perpendiculairement à la scissure inter-hémis-
phérique. La coupe préfrontale passe par la partie moyenne
des trois circonvolutions frontales; la pédiculo- frontale, par le
' Pitres. - Recherches sur les lésions du centre ovale des hémisphères
au point de vue des localisations cérébrales. Th. Paris, 1877. /iMM/)AerM
' Bitôt. Essai de topographie cérébrale par la cérébrolomin métho-
clique. Paris, 1878.
DE L'AXE CÉRÉBRO-SPINAL. 253
pied des frontales ; la frontale, par la frontale ascendante ;
la pariétale, par la pariétale ascendante'. Les fibres blanches,
qui, sur chacune de ces quatre coupes constituent le centre
ovale, sont groupées par Pitres en trois ordres de faisceaux :
supérieur, moyen et inférieur. Faisant précéder ce qualifi-
catif du nom même de la coupe, on a, pour chaque coupe, les
faisceaux préfrontaux, pédiculo-frontaux et pariétaux : supé-
rieur, moyen et inférieur. La coupe de Flechsig est une
coupe horizontale, faite de dehors en dedans, en partant d'un
point situé un peu au-dessus de la scissure de Sylvius, pour
aboutir à un niveau correspondant sur la face interne de
l'hémisphère. Il est plus facile de pratiquer la coupe dite de
Brissaud 2, horizontale aussi, mais faite en allant de la face
interne de l'hémisphère où les points de repaire sont plus
denses, à la face externe. Pour faire cette coupe, on passe le cou-
teau par la partie moyenne de la couche optique 1. La coupe du
pédoncule, celle de la protubérance ont leurs siège et direction
indiquées en pointillé noir sur la fig. 4, de la PL. II. (A. A.-B.
B.-C.) qu'il faut examiner simultanément avec les différentes
coupes ( fig. 1,` ? , 3, de la Pl. II) mises en regard. Enfin, la coupe
de moelle à laquelle nous nous reporterons pour retrouver les
faisceaux cérébraux, capsulaires, pédonculaires et protubéran-
tiels, parvenus dans l'axe spinal, est prise à la région dorsale
supérieur immédiatement au-dessous du renflement brachial de
la moelle. A ce niveau, en effet, la coupe delamoelleseprésente
avec l'ensemble de tous ses éléments constituants. Plus haut ou
plus bas dans l'axe spinal, nous risquerions de ne pas ren-
contrer sur la coupe, dans une région trop élevée, la trace de
la colonne de Clarke, par exemple, dans une' région trop infé-
rieure, la coupe de cette même colonne de cellules, qui
n'existe qu'à la moelle dorsale et la coupe du faisceau céré-
belleux direct par exemple encore, qui disparait à la moelle
lombaire. C'est donc là un point d'élection, auquel il nous
semble nécessaire de nous reporter pour avoir sous les yeux,
1 Voir sur la ligure 1 de la pl. I la direction des quatre coupes de Pitres
indiquées en pointillé noir.
' Brissaud. Recherches anatomiques et physiologiques sur la contrac-
ture permanente des hémiplégiques. Th. Paris, 1880.
3 Voir sur la fig. 1 du sch. I la direction un peu oblique en bas et en
arrière dans le sens autéro-postérieur de la coupe horizontale indiquée
en pointillé noir. 1
254 REVUE CRITIQUE.
sur une coupe unique, la topographie complète de la
moelle'.
Ces quelques remarques faites sur les diverses coupes figu-
rées sur les schéma, nous commençons la lecture du trajet des
faisceaux blancs dans le cerveau et dans les cordons de la
moelle.
1° Faisceau INTELLECTUEL (violet). Le faisceau intellec-
tuel, qui répond par son origine corticale aux circonvolutions
antérieures ou frontales, n'est à peu près connu que dans une
très courte étendue de son trajet.
Au centre ovale, les fibres intellectuelles forment les fai-
sceaux préfrontaux : supérieur, moyen et inférieur dans leur
totalité sur la coupe préfrontale de Pitres (PI,. I. fig. 2, 6).
Dans la capsule interne*, le faisceau intellectuel occupe les
deux tiers antérieurs du segment lenticulo-strié de la capsule
(PL. I, fig. 6, a, (violet). Toutefois, ce segment de la capsule
interne ne serait pas le lieu de passage exclusif des fibres intel-
lectuelles : « d'après M. le professeur Charcot, le segment len-
ticulo-strié de la capsule interne contiendrait aussi des fibres
centrifuges, qui descendraient dans le segment interne du
pied du pédoncule et s'arrêteraient à la protubérance. (Voir
plus loin, faisceau pyramidal.)
Dans le pédoncule : on retrouve le faisceau intellectuel, à la
partie interne de l'étage inférieur 3. (PL. II, fig. 1, violet.)
Plus bas enfin, dans la protubérance et au delà, le trajet de
ce faisceau est à peu près ignoré.
Les données sur lesquelles reposent ces notions'sur le trajet
1 Nous renvoyons à l'explication des planches pour les indications plus
complètes sur chacune de ces coupes.
' Il est bien entendu qu'à chacun de nos passages dans la capsule in-
terne durant le trajet des différents faisceaux sur nos cartes de topogra-
phie cérébro-spinale, nous n'envisageons que les fibres directes de la
capsule, fibres pédonculaires proprement dites, laissant de côté les fibres
indirectes, qui ne nous occupent pas et que nous ne figurons pas par
simplification. Ces fibres indirectes sont de deux ordres et vont : 1° les
unes, du pied du pédoncule aux noyaux du corps strié en suivant l'étage
inférieur; à la couche optique, en suivant l'étage supérieur; 2° les autres,
de chacun des noyaux gris centraux à l'écorce cérébrale (libres cortico-
optiques ou thalamiques et fibres cortico-striées et cortico sous-optiques
de Luys. Encéph. 1884, p. 516.
' Nous utiliserons à chaque instant cette division en étages, des coupes
du pédoncule et de la protubérance bien qu'elle soit un peu vieillie, car
elle facilite beaucoup la description.
DE L'AXE CEREBRO-SPINAL. ZOO
du faisceau intellectuel sont déduites des résultats anato-
miques obtenus par la méthode d'étude des dégénérescences
secondaires. Chaque fois que la lésion première à l'écorce
cérébrale, ou au centre ovale ou àla capsule interne porte dans
ces trois régions aux points assignés plus haut au trajet du
faisceau de fibres qui nous occupe, la dégénérescence secon-
daire des fibres de ce faisceau s'arrête inférieurement au
pédoncule dans la partie interne de son étage inférieur et cette
lésion secondaire systématique coïncide toujours avec des trou-
bles psychiques purs et simples, sans aucune manifestation
paralytique.
A propos des deux faisceaux, dont nous allons maintenant
suivre le trajet, le faisceau de L'aphasie et le faisceau géniculé
proprement dit, une discussion s'élève entre MM. Raymond et
Artaud d'une part et Brissaud d'autre part. Ces deux faisceaux
sont-ils nettement distincts l'un de l'autre ? forment-ils au con-
traire, à eux deux, un seul et même faisceau ? Le second
auteur émet cette dernière opinion; les premiers' sont
d'avis contraire. Avec iVIIIL,Raymond et Artaud, nous éta-
blirons la distinction du faisceau de l'aphasie et du faisceau
géniculé proprement dit. Et nous suivrons individuellement
et successivement chacun de ces deux faisceaux dans leur
trajet.
2" Faisceau DE l'aphasie (aphémie). C'est le faisceau de
fibres partant des cellules de l'écorce du pied de la troisième
circonvolution frontale gauche et probablement de l'insula de
Reil qui prend le nom de faisceau de l'aphasie (PL. I, fig. 1,
jaune).
Au centre ovale, le faisceau de l'aphasie constitue le
faisceau pédiculo-frontal inférieur sur la coupe pédiculo-
frontale de Pitres (Pij. I, fig. 3, jaune), de même que
les fibres parties de l'écorce du pied de la deuxième frontale,
siège de l'agraphie, forment le faisceau pédiculo-frontal
moyen sur la même coupe de Pitres, avec cette diffé-
rence que le trajet du faisceau de l'aphasie (aphémie) est
connu plus loin dans la capsule et le pédoncule, tandis que le
trajet du faisceau spécial de l'agraphie reste pour l'heure
actuelle dans l'inconnu. Le sommet du triangle que forme sur
1 Brissaud. Th. Paris,, 1880. Loc. cit.
°- Raymond et Artaud. Arch. teneur., t. VII. p. 299, loc. cit.
256 REVUE CRITIQUE.
la coupe pédiculo-frontale, le faisceau pédiculo-frontal infé-
rieur est considéré par Bitot comme un carrefour du langage
parlé, qu'il fait en tous points analogue aux carrefours moteur
et sensitif de la capsule interne. Une lésion du centre ovale
au niveau du carrefour du langage de Bitot interrompant faci-
lement en ce point où elles sont réunies la continuité de
toutes les fibres du faisceau, engendre une aphémie com-
plète.
Dans la capsule interne, nous retrouvons le faisceau de
l'aphasie, àla partie postérieure du segment lenticulo-optique,
entre le faisceau intellectuel, situé immédiatement en avant
et le faisceau géniculé au genou de la capsule, immédiatement
en arrière (PL. I, fig. 6, jaune).
Dans le pédoncule, le faisceau de l'aphasie vient se placer à
l'étage inférieur, entre le faisceau intellectuel en dedans et
le faisceau géniculé en dehors. Comme le faisceau intellec-
tuel, le faisceau de l'aphasie est inconnu au delà du pédon-
cule. Toutefois, il existe un seul fait d'aphasie protubérantielle
avec lésion du milieu du côté droit de la protubérance. Celui
de Hermann Weber et Altdoerfer2, est insuffisant il est vrai
pour déterminer le lieu de passage du faisceau de l'aphasie sur
la coupe de la protubérance, mais il permet au moins de
supposer que ce faisceau ne s'arrête pas au pédoncule et doit
atteindre le bulbe (Charcot-Féré-Brissaud).
Les différents faits anatomo-cliniques (lésions, engendrant
l'aphémie, de l'écorce au pied de la troisième frontale, lésions
du faisceau pedieulo-frontal inférieur, du carrefour du langage
parlé de Bitot et dégénérescences secondaires à ces lésions
supérieures, dans la capsule interne, dans le pédoncule) sur
lesquels on s'est basé pour décrire le trajet du faisceau de
l'aphasie sont assez nombreux pour qu'il n'y ait actuellement
aucun doute sur l'exactitude de sa description.
3° Faisceau géniculé (commun au grand hypoglosse, au
facial inférieur et à la branche motrice du trijumeau). Du
centre cortical d'origine de ce faisceau, au pied de la frontale
' Bitot.- Sur la capsule interne et la couronne rayonnante de Reil.
Anch. de Neur., (1881, I, 52) ; Du siège et de la direction des irradiations
capsulaires, chargées de transmettre la parole. Ai-ch. de Neur., (1881,
VIII, n°' 22 et 23) ; Grasset, (fn Montpellier méd., oct. 1881) et quelques
auteurs réfutent l'opinion de Bitot sur le carrefour du langage.
s Hermann Weber et Altdoerfer. Bi,ilish ? iéd. Joitrn., janv. 1877.
DE l'axe cérébro-spinal 257
ascendante en empiétant légèrement sur le pied de la pariétale
ascendante (PL. I, fig. i, vert) partent les fibres essentielle-
ment motrices formant ce faisceau et qui vont :
Dans le centre ovale, constituer le faisceau frontal inférieur
de la coupe frontale de Pitres (PL. I, fig. 4, vert).
Dans la capsule interne, le faisceau géniculé occupe exacte-
ment le genou delà capsule, d'où son nom (PL.. I, fig. 6, b,
vert).
Dans le pédoncule, le faisceau géniculé se place à l'étage infé-
rieur, entre le faisceau de l'aphasie situé en dedans et le fais-
ceau pyramidal situé en dehors (PL. II, fig. 1, vert).
Dans la protubérance, les faits anatomiques sont encore peu
probants pour assigner à ce faisceau un lieu de passage précis.
Trois cas de ramollissement de la protubérance avec glosso-
plégie font supposer que le faisceau géniculé passe dans la
protubérance à la partie postérieure et interne des pyramides
motrices.
Au bulbe. Enfin, parvenus au bulbe, les fibres centrifuges
des deux faisceaux de l'hypoglosse, des deux faisceaux
géniculés droit et gauche par conséquent, s'entre-croisent
et atteignent les noyaux gris bulbaires. Des noyaux bul-
baires, qui pour le grand hypoglosse sont représentés par deux
colonnes grises, dépendances de la base des cornes antérieures
de la moelle et sous-jacentes aux ailes blanches internes du
plancher du quatrième ventricule2, de ces noyaux, les fibres
de l'hypoglosse se portent en avant et un peu en dehors pour
venir émerger par dix à douze racines du sillon qui sépare
l'olive de la pyramide antérieure (origine apparente). Ainsi
donc les noyaux gris du bulbe, d'après ces nouvelles données
d'anatomie, peuvent être considérés comme de simples gan-
glions nerveux placés sur le trajet intra-bulbaire des nerfs
Grand hypoglosse facial (facial inférieur) et branche motrice
du trijumeau, qui n'auraient plus dès lors, une origine réelle
bulbaire à ces noyaux, mais bien une origine corticale, au
pied de la circonvolution frontale ascendante.
' Raymond et Artaud. Arch. de i\'eur., VII, p. 300 et suiv.
' On décrit aussi un noyau accessoire de l'hypoglosse, a la partie in-
terne du noyau antéro-latéral ; ce noyau accessoire' parait être une
dépendance de la substance grise du noyau antéro-latéral. Il présente
ordinairement des lésions identiques à celles du noyau principal dans la
paralysie labio-glasso-laryngée d'origine bulbaire.
Archives, t. XVI. 17 -1
258 revue CRITIQUE.
Sur la figure 4 de la Planche II (5, 6, 7, vert), nous nous
sommes spécialement proposés de montrer le mode de disso-
ciation terminale dans la région bulbo-protubérantielle des
trois groupes de fibres qui entrent dans la constitution du fais-
ceau géniculé : fibres de l'hypoglosse, fibres du facial infé-
rieur, fibres de la branche masticatrice du trijumeau. Unique
dans la région pédonculaire, le faisceau se divise dans la pro-
tubérance pour donner naissance à ces trois groupes de fibres,
qui, après avoir évidemment traversé leurs noyaux gris bul-
baires, vont respectivement émerger, le premier au point que
nous avons indiqué; le second, du bulbe au niveau de la fos-
sette sus-olivaire, constituant en partie le tronc du facial à son
origine apparente (facial inférieur); le troisième enfin de la
protubérance sous le nom de petite racine du trijumeau
(branche motrice du trijumeau).
Ce trajet du faisceau géniculé bien connu aujourd'hui depuis
la publication du mémoire de MM. Raymond et Artaud, l'est
surtout par les recherches anatomiques auxquelles se sont
livrés ces auteurs sur les lésions causales de la paralysie
labio-glosso-laryngée d'origine cérébrale et les trois faits per-
sonnels de glossoplégie protubérantielle qu'ils ont réunis.
Faisceau pyramidal (Dénomination anato7no'-eliiiique), ou
faisceau moteur (dénomination physiologique*).
Le faisceau pyramidal a été bien étudié par Flechsig. C'est
de tous les faisceaux cérébro-médullaires, le mieux connu dans
son trajet. Ses fibres centrifuges partent de l'écorce cérébrale,
de toutel'étendue de la zone corticale motrice 2.
' F.-Franck, fe. sur les fonct. motrices du cerveau, Paris, 1887. Le-
çons XXVII et XXVIII.
1 Le point de départ, à l'écorce cérébrale du faisceau pyramidal, dépasse
certainement la limite de la zone motrice proprement dite, car une por-
tion de ses fibres, les fibres antérieures, étudiées par Brissaud (Voir
Thèse citée), émane des circonvolutions frontales, que l'expérimentation
démontre n'être pas motrices et que l'étude anatomo-clinique désigne
comme une zone dont la lésion se révèle par des troubles psychiques
(zone intellectuelle). Ce sont ces fibres cérébrales antérieures non mo-
trices, entrant néanmoins dans la constitution du faisceau pyramidal,
que Brissaud, soutenant la vraisemblance de cette hypothèse que la
faculté modératrice dans ce qu'elle a de plus général, est un caractère
évident de supériorité intellectuelle se trouvant dans un rapport étroit
avec la volonté (autre faculté d'un développement vraisemblablement
proportionnel à celui du cerveau antérieur) volonté de répression des
impulsions motrices, propose de regarder comme des fibres à influence
DE l'axe cérébro-spinal. 259
Elles réunissent les cellules motrices de l'écorce cérébrale
aux grandes cellules motrices des cornes antérieures de la
moelle et à leurs représentants bulbaires, où elles aboutissent,
constituant ainsi le faisceau qui représente dans l'axe cérébro-
spinal, le grand système cortico-moteur.
Dans le centre ovale, les fibres du faisceau pyramidal vien-
nent former : 1° Sur la coupe frontale de Pitres, le faisceau
frontal supérieur (fascicule des fibres motrices du membre infé-
rieur en partie' (PL. I, fig. cl, bleu), le faisceau frontal moyen
(fascicule des fibres motrices du membre supérieur) (PL. I,
fig. 4. d. 5, bleu) et le faisceau frontal inférieur (faisceau
géniculé) (PL. I, fig. 4. e. 6, bleu).
2o Sur la coupe pariétale de Pitres, le faisceau pariétal supé-
rieur (fascicule des fibres motrices du membre inférieur dans sa
totalité (PL. I, tg. 5, f, bleu), les faisceaux pariétaux moyen
et inférieur (PL. I, fig. 5, 5, 6, bleu). De là, le faisceau pyra-
midal se porte vers la capsule interne.
Dans la capsule interne, il occupe les deux tiers antérieurs
du segment lenticulo-optique (PL. I, fig. 6, c, bleu) se plaçant
entre le faisceau géniculé, qui est en avant et le faisceau
sensitif, qui se trouve en arrière2.
modératrice sur l'élaboration de ces incitations motrices. L'auteur ne
retire pas pour cela aux régions corticales motrices la propriété possible
de commander également à la répression des mouvements, ni celle delà
représentation du siège à l'écorce des influences modératrices dont il
s'agit, comme à la région cortico-frontale.
' C'est à Pitres (Thèse citée) que l'on doit la fasciculation métho-
dique du centre ovale, si commode pour démêler par imagination l'é-
cheveau de fibres blanches rayonnantes de cette région du cerveau et
concevoir le trajet respectif des différents fascicules moteurs partant de
différents points bien circonscrits de la zone corticale motrice. Chacun de
ces fascicules moteurs représente les origines à l'écorce cérébrale des
nerfs moteurs périphériques (hypoglosse, nerfs du membre supérieur,
sciatique et crural, etc.). Huglings Jackson avait du reste déjà prédit la
vérification actuelle de ce fait anatomo-physiologique : l'origine aux cel-
lules de l'écorce cérébrale, des nerfs périphériques.
'Fr.-Franck. Fonctions motrices du ceraeatv, 1887. Voir le dessin du
Dr E. Brissaud, fait d'après le texte de la 28e leçon. En examinant cette
ligure, on peut se rendre compte d'une façon très précise de la forme en
pyramide que prend dans son ensemble le faisceau moteur, pyramide
très allongée, à base supérieure corticale, formée par toute la zone mo-
trice corticale, à sommet inférieur pédonculaire, constitué par les fibres
motrices. Au niveau des deux tiers antérieurs du segment postérieur de
la capsule, lieu de passage du faisceau moteur dans la région, la pyra-
mide motrice se trouve en quelque sorte tronquée.
260 - REVUE CRITIQUE.
Dans le pédoncule, on retrouve le faisceau pyramidal à la
partie moyenne de l'étage inférieur (PL. II, fig. 1, bleu),
entre le faisceau géniculé qui est en dedans et le faisceau sen-
sitif qui occupe toute la région externe. Au pédoncule, le
faisceau pyramidal commence à se dissocier. Un groupe de
fibres motrices s'isole du tronc du faisceau et vient se placer
dans, l'étage supérieur en dedans des fibres centripètes de cet
étage (PL. II, fig. 1, bleu 4). Ce sont ces fibres centripètes de
l'étage supérieur du pédoncule qui, dans la moelle, constitue-
ront les cordons antérieurs.
Dans la protubérance, la dissociation du faisceau pyramidal
est complète. Ce faisceau s'y présente sous l'aspect d'un réseau
presque inextricable de fibres entremêlées avec les fibres trans-
versales de la région. Il est toutefois assez facile de distin-
guer : 1° dans l'étage inférieur de la protubérance, la partie
du faisceau pyramidal que nous retrouverons, entrant dans la
formation des cordons latéraux de la moelle (PI,. II, fig. 2,
bleu 1); 2° dans l'étage supérieur, le fascicule, qui réprésen-
tera les cordons antérieurs de la moelle (PL. II, fg. 2,
bleu 3).
Au bulbe, nous pouvons envisager le faisceau moteur en
trois points différents : '
1° Avant la décussation des pyramides , le faisceau pyramidal
dissocié dans le pédoncule et surtout dans la protubérance,
réunit ses éléments et se trouve alors constitué par les deux
fascicules que nous trouverons dans la moelle sous le nom de
portion directe du faisceau moteur, dépendance du cordon
antérieur et de portion croisée, dépendance du cordon latéral;
la portion directe d'un côté s'unit à la portion croisée du côté
opposé pour former la couche superficielle Ou motrice des pyra-
mides antérieures du bulbe.
2° Au niveau du collet du bulbe, chacun des deux faisceaux
pyramidaux, auxquels sont venus se joindre les fibres centri-
fuges de l'étage supérieur du pédoncule et de la protubérance,
se dédouble à nouveau en deux fascicules, comme nous l'an-
noncions tout à l'heure, pour leur division définitive dans la
moelle : un fascicule postérieur et externe, le plus volumineux,
Centre-croisé avec le fascicule correspondant du côté opposé, ou
il passe dans le cordon latéral de la moelle (faisceau pyra-
midal croisé); un autre fascicule antérieur et interne, le moins
DE l'axe cérébro-spinal. 261 1
volumineux, ne s'entre-croise pas, et suit un trajet verticale-
ment descendant dans le cordon antérieur de la moelle (fais-
ceau pyramidal direct). Le mode de décussation des fibres du
système cortico-moteur est assez variable ainsi que l'a montré
Flechsig, il s'ensuit que le mode de dédoublement au collet du
bulbe de chacun des deux faisceaux pyramidaux varie propor-
tionnellement. La décussation est complète, cas type, ou par-
tielle, cas moins fréquent. Ces variétés du mode de décussation
des faisceaux pyramidaux sont surtout intéressantes à con-
naître au point de vue clinique. Flechsi-1 en admet trois :
'1" variété : variété ordinaire, chaque pyramide fournit un
faisceau direct et un faisceau croisé. Le faisceau croisé cons-
titue alors presque à lui seul la couche motrice de la pyramide,
d'où l'interprétation facile des monoplégies ou hémiplégies
croisées, si fréquentes. Mais, quelquefois, l'inverse se produit;
le faisceau direct prime le faisceau croise dans la formation
de la couche motrice de la pyramide et l'explication anato-
mique des paralysies directes se trouve ainsi naturellement
donnée (cas de Pierret, Brown-Séquart). 2e variété : Décus-
sation totale, pas de faisceau direct, variété la plus rare.
3° variété : s'observant quelquefois; en tout, trois faisceaux,
c'est-à-dire une pyramide formée par un faisceau croisé et un
faisceau direct; l'autre pyramide formée uniquement par un
faisceau croisé, sans faisceau direct. Du reste, autant de varié-
tés de décussation des fibres motrices au bulbe, autant d'ano-
malies apparentes dans la manifestation d'un fait anatomo-
clinique correspondant à chaque variété'.
3° Après la décussation du faisceau moteur, les fibres centri-
fuges entre-croisées se mettent en l'apport avec les cellules des
noyaux d'origine des nerfs moteurs du bulbe dont les fibres
constituantes se détachent, .selon toute probabilité, pour
quelques-uns de ces faisceaux.
Dans la moelle, à partir de la décussation des pyramides, le
faisceau moteur est donc définitivement divisé en deux parties :
le faisceau pyramidal croisé et le faisceau pyramidal direct.
Les faisceaux pyramidaux croisés (PL. II, fig. 3. ; 2 bleu)
1 Flechsig. Ctlblt. nzéct., n°> 36, p. 561, 187r; Die Leitttngsbaueit in
Gehirn ! Md Rückennzark. Leipsig, 1876.
* Pitres.0&. ! erua<MMs de décussations variées du faisceau moteur, ré-
vélées par les dégénérescences secondaires. In Arch. de phys., 15 fé-
vrier 1884.
262 "2 REVUE CRITIQUE.
occupent le fascicule postérieur ou cordon latéral delà moelle.
Ils répondent en dedans aux cornes postérieures ; en dehors,
ils sont séparés de la pie-mère spinale par l'épaisseur de la
coupe du faisceau cérébelleux direct. Ce faisceau cérébelleux
direct, disons-le en passant, occupe une étroite portion de la
région périphérique postérieure du cordon latéral et s'étend
du pédoncule cérébelleux inférieure à la moelle lombaire. Ils
se présentent à l'observateur, sur des coupes transversales de la
moelle, faites à la région cervicale, sous l'aspect d'un disque
de petite dimension; à la région dorsale, c'est un triangle
à sommet interne et à base externe, légèrement convexe en
dehors et séparée de la pie-mère par le faisceau cérébelleux
direct; enfin, à la région lombaire, c'est encore un triangle à
angles arrondis ; mais, à ce niveau, le faisceau cérébelleux
direct a disparu, de telle sorte que la base du triangle que
représente la coupe^du faisceau pyramidal croisé, touche la
pie-mère à la périphérie de la moelle. Le faisceau pyramidal
croisé diminue donc graduellement de volume ; ses fibres
constituantes s'arrêtent progressivement aux divers étages
de la moelle, surtout au niveau des deux renflements médul-
laires, pour entrer en rapport avec les organes cellulaires
moteurs de la moelle. Le faisceau pyramidal croisé disparaît
complètement au niveau du renflement lombaire.
Les faisceaux pyramidaux directs (PL. II, fig. 3 ; 1, bleu),
constituent le fascicule interne du cordon antérieur de la
moelle. On les appelle encore, faisceaux de Turk, à cause de
leur importance, démontrée par LudwigTurk et Charcot, dans
la systématisation des lésions anatomiques dégénératives des-
cendantes. Ils sont en rapport en dedans avec le sillon antérieur
de la moelle ; en dehors, ils répondent aux zones radiculaires
antérieures. Sur des coupes de la moelle, faites à divers étages,
depuis la région cervicale, ils représentent ordinairement un
petit triangle à base externe et antérieure, périphérique et à
sommet interne et postérieur, central; l'un de ses bords, son
bord interne répond immédiatement au sillon médian antérieur
de la moelle. Dans quelques cas, cependant, sur des moelles
dégénérées, le faisceau de Turk n'est révélé que par une bande
étroite de fibres en dégénérescence et appliquée au sillon
antérieur. Des régions supérieures les faisceaux pyramidaux
directs vont en s'amincissant vers l'extrémité inférieure de
l'axe spinal, pour se terminer plus haut que les faisceaux
DE l'axe cérébro-spinal. 263
pyramidaux croisés, à la région dorsale moyenne, tantôt au-
dessus, tantôt au-dessous'.
C'est par l'expérimentation physiologique encore, largement
aidée et complétée dans ses résultats par la méthode anatomo-
clinique, que sont nettement individualisés les faisceaux pyra-
midaux ainsi du reste que les cornes grises antérieures de la
moelle. Leur lésion expérimentale en outre répond toujours à
des troubles moteurs ; les faisceaux pyramidaux et les cornes
grises antérieures représentent donc les éléments d'un système
moteur médullaire spécial.
Méthode expérimentale. Sur l'écorce et au centre ovale,
dans la région dite excitable (région rolandique), ces lésions
destructives expérimentales produisent des accidents paraly-
tiques croisés des membres et de la face peu marqués, ni per-
manentschez le chien et surtout le lapin (Albertoni et llichieli,
Lussana et Lemoigne, Luciani et Tamburini, Goltz, etc.),
plus accentués et quelquefois persistants chez le singe (Fer-
rier, Luciani et Tamburini). Sur la capsule interne, les
recherches ont été faites très minutieusement : Vulpian etVeys-
sière2 avec un trocart à lame élastique sectionnent la capsule
sur divers points, se proposant de vérifier expérimentalement
les lésions que Ludwig Turk et Charcot avaient observé chez
l'homme atteint d'hémianesthésie croisée. Ces physiologistes
obtiennent tantôt l'hémianesthésie seule, tantôt l'hémianesthé-
sie avec hémiplégie. Mais, ils ne déterminent pas les points
capsulaires dont la section correspond à l'hémianesthésie, ceux
dont la section correspond à l'hémiplégie. Carville et Duret'
précisent le siège des lésions capsulaires, produisant isolément
l'hémiplégie ou l'hémianesthésie : la capsule interne sectionnée
en avant « entre le noyau caudé et le noyau lenticulaire »,
' Il est démontré par la marche progressive de la paralysie atteignant
dans la compression lente de la moelle, d'abord les membres supérieurs,
puis les membres inférieurs dans la suite, que, dans le cordon antéro-
latéral de la moelle, le tractus moteur cortico-brachial est périphérique
et superficiel et le tractus moteur cortico-crural, central et profond.
Brown-Sequart. Juurnal de la physiologie, etc., t. VI, 1865, p. 139, 631
et 632. Enlenburg. Functionnellen Nervenkrankh. Berlin, 1871, p. 379.
* Veyssière. Recherches cliniques et expérimentales sur l'hémianesthésie c
de cause cérébrale. Th. Paris, 187 i.
3 Carville et Duret. Critique expérimentale des travaux deFritsch, Hit-
zig et Ferrier (Soc. de biologie, déc. 1873 et janvier 1874). Sur les fonc-
tions des hémisphères cérébraux, (.1. cli. de phr)siol. Mai-juillet. 1875).
264 REVUE CRITIQUE. ,
l'hémiplégie complète se produit ; la section portant plus en
arrière « entre la couche optique et le noyau lenticulaire » c'est
de l'hémianesthésie que l'on obtient. Avec ses données expéri-
mentales établies par l'exploration des régions corticale, centre
ovalaire et capsulaire, les observations expérimentales aussi des
dégénérations secondaires descendantes systématiques, la phy-
siologie a conçu le « système de conducteurs indépendants,
reliant la surface excitable du cerveau aux organes cellu-
laires moteurs du bulbe et de la moelle. » Mais c'est certaine-
ment la méthode anatomo-clinique, qui a donné toute sa per-
fection à la description topographique du faisceau pyramidal'.
Méthode anatomo-clinique. Ne considérant, suivant la
règle posée par M. le professeur Charcot, comme démonstra-
tives, que les observations dans lesquelles les symptômes
observés pendant la vie peuvent être expliqués par une lésion
unique, pour l'exactitude absolue sur la question des rapports
entre le siège de la lésion et celui des troubles moteurs,
destructive et non simplement irritative, pour qu'il soit nette-
ment établi que la suppression de la fonction répond bien à la
suppression complète de la région motrice, ancienne (la plaque
jaune type), afin qu'on ne coure pas le risque de « confondre des
accidents d'ordre irritatif avec des accidents de suppression 11,
bien limitée, chose absolument nécessaire pour l'exactitude de
l'analyse anatomique, ne considérant donc que les cas, qui,
d'après cette loi très rigoureuse, présentent tous ces caractères
réunis, on peut se rendre compte que les faits anatomo-
cliniques sont assez nombreux pour trancher la question de
la topographie du faisceau pyramidal. A l'écorce cérébrale,
pour qu'il y ait paralysie, il faut une lésion destructive des
parties de l'écorce qui recouvre les circonvolutions frontale et
pariétale ascendante, et du lobule paracentral. Si « ces lésions
sont étendues, il en résulte une hémiplégie totale du côté
opposé du corps; si elles sont bornées à une partie seulement
de la zone motrice, l'hémiplégie est partielle; si elles sont très
limitées, la paralysie n'atteint qu'un membre ou même qu'un
groupe musculaire2. »
1 Fr.rFranck. Fonctions motrices du cerveau. Leçons XXVII etXXVIII.
In loc. cit.
' Fr.-Franck et Pitres. Art. Encéphale du Dict. Dech. Charcot et
Pitres, série de mémoires. Revue mens. 1877, 79, 83. Ci. de Boyer.
Th, citée.
. DE L'AXE CÉRÉBRO-SPINAL. 265
Au centre ovale, les lésions de la région intermédiaire aux
deux coupes préfrontale et occipitale de Pitres ont toujours
déterminé une paralysie croisée, persistante, hémiplégie ou
monoplégie. A la capsule interne, ce sont toujours les lésions
primitives ou secondaires dégénératives du tiers moyen, qui
s'accompagnent de paralysie persistante, hémiplégie totale
ordinairement, vu le peu d'étendue de la région motrice capsu-
laire facilement détruite dans sa totalité, ou même monoplégie,
d'après quelques observations, presque exclusivement expéri-
mentales, bien que quelques faits anatomo-cliniques ou cli-
niques seulement de monoplégie capsulaire aient été relevés,
lorsque les tractus cortico-brachial (portion antérieure de la
région motrice capsulaire), ou cortico-crural (portion posté-
rieure de la région motrice capsulaire), étaient isolément
atteints'.
Consécutivement aux lésions de l'écorce motrice, des fasci-
cules moteurs, du centre ovale, du segment moteur de la
capsule interne, surviennent constamment des troubles tro-
phiques représentés physiologiquement parla perte de l'exci-
tabilité directe, surtout dans le centre ovale et la capsule
interne, anatomo-pathologiquement par la dégénération des-
cendante des faisceaux blancs. Le lieu de passage du faisceau
pyramidal dans les différentes régions de l'axe cérébro-spinal
se trouve ainsi révélé par sa mortification même, puisque par
des lésions supérieures, ses fibres constituantes interrompues
dans leur continuité sont plus ou moins complètement séparées
de leur centre trophique à l'écorce cérébrale.
' Fr.-Franck. et Pitres. Bull. de la Soc. de biol., déc. 1877. (Voir
aussi Franck, Fonctions motrices, 1887, p. 271, note 1.) Bennett et
Campbell, Un cas de monoplégie brachiale gauche, produite par un foyer
de ramollissement du volume d'un haricot situé à la partie supérieure de
la région moyenne de la capsule droite. (Sem. nzéd. 22 avril 1885.)
2 En raison des faits de dégénérescence descendante secondaire à des
lésions du couronnement cortical des régions centre-ovalaire ou capsu-
laire du faisceau pyramidal, faits de dégénérescence que l'on assimile
généralement aux faits de dégénérescence du bout périphérique d'un
nerf sectionné, on est en effet conduit à attribuer aux cellules de la zone
corticale motrice, une influence trophique analogue à celle que l'on
attribue aux grandes cellules motrices des cornes antérieures. Quant au
mécanisme de la dégénération descendante, il est très discuté et compris
de façons très différentes, tout comme l'est, du reste, celui de la dégene-
ration des nerfs sectionnés. (Voir à ce sujet. Art. Nerfs du Dict. Decli.,
1876, Renaud)
266 REVUE CRITIQUÉ.
Nous n'avons pas à insister sur le premier des deux troubles
trophiques : la perte de l'excitabilité directe du faisceau
moteur' .
Quant aux dégénérescences secondaires, elles se montrent à
la suite d'une lésion destructive supérieur ! ; : au pédoncule, dans
la partie moyenne du pied du pédoncule ; à la protubérance, la
dégénérescence est mal localisée, un peu diffuse, bien qu'il
soit possible cependant de retrouver les fascicules moteurs
. dégénérés; au bulbe, elle suit les pyramides antérieures (couche
superficielle) et subissent au collet du bulbe une décussation
plus ou moins complète, les faisceaux en dégénérescence se
portent en arrière et en dehors vers la partie du cordon latéral
de la moelle contiguë à la corne postérieure. Ordinairement un
fascicule dégénéré qui ne s'est pas entre-croisé au collet du
bulbe, suit une marche verticalement descendante dans la
partie interne du cordon antérieur de la moelle (faisceau de
Turk)3.
' Fr.-Franck. Fonctions motrices, 1887. Première partie de la
leçon XVIII. : Voir pour l'étude détaillée de la question des dégénérescences des-
cendantes fasciculées, du pédoncule, du bulbe et de la moelle, consé-
cutives aux lésions destructives localisées à la zone motrice corticale,
au centre ovale ou à la capsule interne. A. Pitres. Mémoire, in Proq.
méd., n° 7, 1877. Issartier. Des dégén. second.de la moelle. Th. Paris,
1878, déjà citée. Charcot et Pitres. Dernier mémoire, in Rev. nien-
suelle, 1883. - Linley et Sherrington. Nlémoire, in Jour. of phys.,
Cambridge, vol. V, n° 2. P. Schiefferdeckcr, Ueb. Deg., lieg. u. 4)-/i.
d. Rückenniark. (Arch. f. path. anal. u. phys., LXVII, p. 5r2.)- Bins-
wanger. Tngeblàtt 52. Naturf. Yersanzml., S. 379, 1879, et Arch. f. a ? lat.
u. phys., 1880, p. 435, 437. Fr.-Franck et Pitres, Gaz. zctéd., Paris,
n° 12, 20 mars 1880. Forel, Cdrresp. Bltt. f. Schw. Aerzte, n° 19,
p. 626, oct. 1880. (Anal. Rev. de llayem., XXI, 1 p. 17.) Singer.
Sitszzugsb. d. lvieit. Akad. Ilf., III, 1881, p. 390. Lowenthal. Ai-eh.
f. d. ges. phys. Bd. 31, p. 350, 1883. Schafer, Jour. of. plzys., Cam-
bridge, IV, p. 316, 1883. V. Monakow. Arch. f. psychiatrie, XII, 53b,
1882. Gudden. Corresp. Bltt. f. Schw. Aerzte II. Ferrier et Yeo.
Proceed. roy. Soc., XXXVI, n° 229, 188î. inloeli, Arch. f. psch. M.
Nerv. Krank, Bd. XIV, H. 1. 180. Charcot, Leçons sur le faisceau
pyramidal. (Prog. znéd., n° 14, 19, 20, 1879.) Brissaud. De la con-
Fonctions motrices du cerveau, Paris, 1887. (Pour l'historique de la
question : la deuxième partie de la leçon YXV1LL)
1 Brissaud (v. thèse citée) dans sa thèse confirme par ses études sur
la disposition des bandes de dégénération que présente, chez des sujets
porteurs de lésions localisées des hémisphères, la partie interne du pé-
doncule cérébral, les faits anatomiques avancés par Flechsig.
DE L'AXE CÉRÉBRO-SPINAL. 267
Si le faisceau pyramidal, l'un des éléments du système
moteur médullaire est bien isolé dans le département antérieur
de la moelle par la dégénérescence secondaire descendante,
provoquant la contracture', la corne antérieure de la moelle,
second élément du même système moteur médullaire, l'est
aussi par l'altération atrophique de ses grandes cellules
motrices qui engendre en effet constamment une amyotro-
phie', ayant toujours pour conséquence la paralysie progres-
sive. Car les cornes antérieures de la moelle paraissent être
avec les zones radiculaires antérieures (trajet intra-spinal des
racines antérieures), les seules régions de la moelle épinière
qui correspondent à la nutrition des muscles. La lésion des
grandes cellules motrices des cornes antérieures est-elle p2,i-
naitive ? Elle donne naissance, si la marche de la maladie est
aiguë, au type paralysie spinale atrophique de l'enfance (po-
' Blocq. Des contratures. Paris, 1888.
- Bien qu'il ne s'agisse ici que des amyotrophies myélopathiques, nous
pensons qu'un tableau synoptique de la division des .amyotrophies en
général, ne sera pas sans quelque utilité.
On divise les amyotrophies en quatre groupes, d'après la localisation
anatomique de la lésion destructive : dans la moelle (amyotrophies m\é-
lopathiques), aux racines rachidiennes (amyotrophies radiculaires), dans
les nerfs périphériques (amyotrophies névritiques), ou dans les muscles
mêmes (amyotrophies myopathidues). '
1" groupe. Amyotrophies d'origine nzyélopathique représentées par
les types : .'
1° Atrophie musculaire progressive spinale protopathique (type Du-
chenne-Aran).
2° Paralysie spinale atrophique de l'enfance.
3° Paralysie spinale aiguë de l'adulte.
4° Amyotrophies spinales deutéropathiques (scléroses latérales amyo-
trophiques).
5° Type scapulo-huméral de Vulpian.
2* groupe. - Amyotrophies d'origine radiculaire.
3° groupe. Amyotrophies d'origine névritique.
4" groupe. Amyotrophies d'origine myopathique représentées par les
formes : -.
lo Forme infantile de l'atrophie musculaire progressive de Duchenne
ou type facial de MM. Landouzy et Dejérine.
2° Forme juvénile d'Erb.
3° Type paralysie pseudo-hypertrophique avec ou sans hypertrophie
(\i11. Enlenher et Conheim et M. Charcot) ; Myorite interstitielle li-
pomateuse de M. Lancereaux.
4° Forme héréditaire de Leyden-Mobins ou type des membres infé-
rieurs.
268
REVUE CRITIQUE
liomyélite antérieure aiguë de l'enfance)1, ou au type para-
lysie spinale aiguë de l'adulte (poliomyélite antérieure aiguë des
adidtes)2, même maladie d'appellation différente par l'âge seul
du sujet; si la marche de la maladie est chronique, le type
atrophie musculaire progressive spinale protopathique' (type
Duchenne-Aran, poliomyélite antérieure chronique) avec ou
sans 1)aî,alysie labio-glosso-lL, ? -yigée bulbaire* se réalise.
La lésion est-elle secondaire à une pachyméningite spinale
par exemple, à une sclérose des faisceaux postérieurs, à
une myélite centrale chronique, à une hydromyélie ou syrin-
gomyélie, à une tumeur intra-spinale, à la sclérose en pla-
ques, etc., etc., elle engendre alors une amyotrophie spinale
deuteropathique (sclérose latérale amyotrophique) .
Faisceau DE l'hémianesthésie6 (dénomination anatomo-rli-
nique), ou Faisceau sensitif (dénomination physiologique).
On s'entend généralement pour regarder l'écorce grise des cir-
convolutions postérieures occipitales comme l'aboutissant d'un
faisceau de fibres centripètes, les fibres rayonnantes du fais-
ceau de Meynert. Nous suivrons les fibres sensitives dans leur
marche centripète, les prenant à la périphérie pour les con-
duire à cette zone corticale,
Dans la moelle, le faisceau sensitif forme dans sa totalité le
cordon postérieur (PL. II, fig. 3, rose). Le cordon postérieur de
la moelle est à peu près entièrement exploré etconnu parlesphy-
siologistes, et les pathologistes, contrairementau cordon antéro-
latéral où l'on peut voir une large zone presque latente, la zone
radiculaire antérieure (partie fondamentale de Flechsig). Le
' Charcot. Leçons, t. II, 1883. Leçon IX. Grasset. Traité pratique des
maladies du système nerveux. Paris, 1886, p. 429. A. d'Espine et
Picot. Manuel pratique des maladies de l'enfance. Paris, 1884, p. 365.
s Charcot. Leç., t. II. Leçon X. Grasset. Mal. dit syst. nerv. 1886, p. 441.
Cliai-cot. Lef., t. II, Leçon XI, et Progr. méd. 1885. Grasset. Mal.
du syst. nerv. 1886, p. 397'. Parisot. Th. agré. Paris, 1886. Flo.
rand Revue critique. In 4)-e/t. gén. de méd. 1886.
' Grasset.- N ? clu syst, nerv., 1886, p. 551.
8 Gombault. De la sclérose latérale amyotrophique. Th. Paris, 1877.
Florand, Th. Paris, 1886. Charcot. Leç., t. II, 1885. Leçons XII et XIII.
Grasset. Mal. du syst. ncrv., 1886, p. 418.
° Charcot. Leçons, t. I, 1880. Leçons VIII. Veyssière. Recherches
cliniques et expérimentales sur l'laénzianeslhésie de cause cérébrale. Paris,
1874, n- 379. Rendu. Thèse d'agrégation. Paris, 1875. G. Ballet,
Th. Paris, 1381. Rev. in Arcla. de Neurol. 1882, IV, 67. Art. Sensi-
bilité du Dict. Dech.
DE l'axe cérébro-spinal. 269
faisceau sensitif dans le cordon postérieur de la moelle doit être
divisé en deux fascicules distincts, ayant leur mode de dévelop-
pement propre, leur expression anatomo-clinique spéciale : un
fascicule externe (PL.II, fig. 3 ; 7), ou cordon de Burdach re-
présenté dans sa portion contiguë à la corne postérieure par
la zone radiculaire interne des racines rachidiennes posté-
rieures ou bandelettes externes des cordons postérieurs (zone
de l'ataxie), un fascicule interne (PL. II, fig. 3 ; 5), cordon ou
faisceau de Goll. Ces deux fascicules du faisceau sensitif sont
très distincts dans le cordon postérieur, chez le foetus où ils
sont séparés l'un de l'autre par un sillon apparent, le sillon
intermédiaire postérieur.
Les bandelettes externes, et le cordon de Burdach, la colonne
de Glarke et la corne poslérietcre, le cnrdon de Goll, ainsi que
le faisceau cérébelleux direct, que nous avons trouvé à la par-
tie externe et postérieure du cordon latéral, paraissent se réu-
nir en anatomie pathologique pour révéler, par l'analogie de
leur lésion et la succession presque régulière de leur atteinte
par la maladie, un système médullaire sensitif dans le dépar-
tement postérieure de la moelle, entièrement distinct du sys-
tème médullaire moteur que nous avons vu formé par les
faisceaux pyramidaux et les cornes antérieures et dont ils
représenteraient les divers éléments. Ces différentes régions
du cordon postérieur sont en effet généralement toutes atteintes
et presque toujours dans l'ordre suivant lequel nous les
énumérons par les lésions des tabès' (type : ataxie locomo-
trice progressive (Duchenne), lésions se traduisant entre
1 M. le prof. Charcot (Geç., t. II, 1885. Leçon I) établit dans la sclé-
rose postérieure «deux formes bien distinctes, lesquelles peuvent se
montrer isolées, indépendantes l'une de l'autre, ou au contraire entrer en
combinaison : » 1° la sclérose fasciculée systématique médiane ou sclé-
rose des cordons de Goll, consécutive (sclérose ascendante) ou primitive
et à symptomatologie mal déterminée; 2o la sclérose fasciculée systénaa-
tique latérale des cordons postérieurs ou sclérose des bandelettes extei,-
nes deutéropathique ou protopathique et à symptômes tabétiques.
« Celle-ci n'est autre que le substratum anatomique de l'ataxie-locomo-
trice progressive la lésion scléreuse des bandelettes latérales est le
seul fait anatomique essentiel et primitif dans l'ataxie. » Cette lésion
existe à toutes les époques de la maladie. Elle peut se trouver accom-
pagnée dans la suite par la sclérose et l'atrophie des régions voisines.
Aux douleurs fulgurantes, expression symptomatique de la localisation de
la sclérose aux bandelettes externes, succède ordinairement l'incoordi-
nation motrice, conséquence de l'élargissement en même temps en
dehors et en dedans de la bandelette scléreuse. L'anesthésie annonce
270 O REVUE critique.
autres symptomatiquement par des troubles sensitifs très mar-
qués. (Douleurs fulgurantes, etc.)
Au niveau du bulbe, les fibres centripètes qui constituent le
faisceau sensitif d'un côté s'entre-croisent avec celles du côté
opposé en un point situé au-dessus du lieu ou cesse l'entre-
croisement des fibres motrices et elles se réunissent pour for-
mer la portion sensitive ou profonde de la pyramide bulbaire
antérieure.
Dans la protubérance, le faisceau sensitif vient occuper l'é-
tage moyen (PL. II, fig. 2, rose 2). Il y est séparé parles fibres
transversales du pédoncule cérébelleux moyen, en avant, de
la portion du faisceau pyramidal qui représente dans la protu-
bérance les cordons latéraux de la moelle, en arrière de la
portion du faisceau pyramidal, qui représente les cordons an-
térieurs.
Dans le pédoncule (PL. II, fig. 1, rose) : le faisceau sensitif
répond à la partie la plus externe de l'étage inférieur'. Le
faisceau sensitif n'est pas cependant représenté uniquement
dans le pédoncule par ce groupe de fibres centripètes externes
de l'étage inférieur. D'autres fibres centripètes paraissent oc-
cuper l'étage supérieur (PL. II, fig. 1, rose) ; ce qui accroît con-
sidérablement l'étendue du territoire occupé par le faisceau
sensitif sur la coupe du pédoncule. Cette portion du faisceau
sensitif occupant l'étage supérieur siège assez exactement vers
la partie médiane de la coupe pédonculaire. Elle y est séparée
en bas de l'étage inférieur et des différents faisceaux qui le
constituent par le Locus nige ? en haut et en dedans, ce fas-
cicule sensitif répond à cette partie du faisceau pyramidal
correspondant aux cordons antérieurs prolongés de la moelle,
traversés à ce niveau par les fibres du pédoncule cérébelleux
supérieur. :
l'atrophie des cornes et des libres radiculaires postérieures; la parésie
révèle la sclérose de la zone radiculaire externe des racines rachidiennes
postérieures. Enfin, rien ne change dans l'aspect général de la maladie
quand la sclérose envahit les cordons de Goll.
' Nous avons pu voir dans l'exposé du trajet successif des faisceaux
cérébro-spinaux, qu'unmême faisceau partant en aboutissant à une région
de l'écorce cérébrale d'autant plus antérieure, occupe dans l'étage infé-
rieur du pédoncule une partie d'autant plus interne. Ainsi, le faisceau
intellectuel, né à la région cortico-frontale, se place au segment interne
du pied du pédoncule; le faisceau sensitif aboutissant à la région cor-
tico-occipitale, se place au segment externe.
- DE l'axe cérébro-spinal. 2711
Dans la capsule interne, le passage du faisceau sensitif est
nettement précisé pour les fibres du faisceau de Meynert au
tiers postérieur du segment lenticulo-optique de la capsule
interne (PL. I, fig. 6, rose) immédiatement en arrière du fais-
ceau pyramidal' en un point où toutes les fibres occipitales
se rapprochent et se réunissent pour constituer un carrefour
sensitif, analogue au carrefour moteur de la capsule, analogue
encore au carrefour de l'aphasie de Bitot.
Dans le centre ovale, le faisceau sensitif doit nécessairement
correspondre aux faisceaux occipitaux delà coupe occipitale de
Pitres (non figurée sur la planche I), puisque les fibres
rayonnantes du faisceau de Meynert se rendent à l'écorce des
lobes occipitaux.
Les fibres centripètes que nous avons vues distinctes du fais-
ceau de Meynert se rendent dans la couche optique où elles
aboutissent, se terminant dans une masse grise située en
avant et au-dessous du noyau rouge de Stilling.
De telle sorte que, dans le cerveau, les fibres centripètes pa-
raissent être de deux ordres : une partie du faisceau sensitif
atteignant la couche optique ou fibres indirectes sensitives de
la capsule interne et une partie atteignant l'écorce aux lobes
occipitaux, après avoir traversé directement la capsule sans
s'arrêter aux noyaux gris centraux ou fibres pédonculaires ou
directes delà capsule interne.
Précisons bien cependant que le siège au tiers postérieur du
segment lenticulo-optique de la capsule n'est assigné qu'au
passage des fibres du faisceau de Meynert. On tend à ad-
mettre toutefois que les fibres sensitives- qui doivent aboutir à
la couche optique occupent aussi le segment postérieur de
la capsule, que la couche optique précisément limite en de-
dans.
Enfin la zone sensitive corticale, à laquelle se rend le faisceau
est, avons-nous dit, assez mal délimitée sur l'écorce des lobes
occipitaux.
Comme pour la description du trajet du faisceau moteur on
s'est basé pour établir celle bien moins complète du trajet du
faisceau sensitif sur lesrésultats-anatomiques2 fournis par la lé-
sion causale de l'hémianesthésie sur l'étude des dégénérescences
' Veyssière. Loc. cit.
' Virenque. De l'hémianesthésie. Th. Paris, 1874, n° 93. Charcot.
Leçons, t. I, 1883.
272 REVUE CRITIQUE.
secondaires ascendantes des cordons médullaires lors d'hémia-
nesthésie de cause spinale (compression lente delà moelle, etc.)
De plus, certaines lésions de la moelle révélées en clinique sur-
tout par des troubles de la sensibilité, par ce fait même
qu'elles se limitent toujours aux mêmes cordons de la moelle
avons-nous dit, conduisent à penser que ces cordons repré-
sentent un système médullaire sensitif spécial'. Enfin, l'expéri-
mentation physiologique moins précise pour la détermination
du trajet du faisceau sensitif que la méthode anatomo-clinique
est cependant venu quelquefois confirmer les résultats obte-
nus par cette dernière.
En résumé, on a pu voir par la lecture, sur les schémas du
trajet des faisceaux de fibres conductrices centripètes ou
centrifuges dans toute la longueur de l'axe cérébro-spinal, que
ce trajet est connu dans une étendue restreinte pour quelques-
uns ; qu'il est au contraire presque entièrement déterminé pour
les autres. Les faisceaux, intellectuel de l'aphasie, géniculé sont
connus, surtout le dernier, de l'écorce cérébrale au bulbe, ce
sont les trois faisceaux cortico-bulbaires; les faisceaux moteurs
et sensitifs sont à peu près complètement décrits, surtout le
premier, dans leur trajet de l'écorce cérébrale à la moelle, ils
représentent les deux faisceaux cortico-médullaires.
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE I
Fie. I. Face externe de l'hémisphère gauche. - F. 1, F. 2, F. 3; pre-
mière, deuxième et troisième circonvolutions frontales. F. A.; circ.-
frontale ascendante. - P. A. ; cire, pariétale ascendante. P. s. ;
lobule pariétal supérieur. P. i.; lobule pariétal inférieur ou du pli
courbe. Pl. c. ; pli courbe. T. 1, T. 2, T. 3 ; première, deuxième et
troisième cire, temporales. 0. 1, 0. 2, 0. 3; première, deuxième et
troisième cire, occipitales. R. R.; scissure de Rolando. - S. S. ;
sciss. de Sylvius. S. i. p.; sciss. interpariétale. - S. p. ; sciss. paral-
lèle. - S. p. e. ; sciss. perpendiculaire externe. 2, 2 ; 3, 3 ; 4, 4; 5, 5; 6, 6;
direction des coupes préfrontale, pédiculo-frontale, frontale et pariétale
de Pitres et de la coupe horizontale de Flechsig représentées par les fi-
gures 2, 3, 4, 5 et 6 de ce schéma.
I. Aphémie (type Bouillaud-Broca). - II. Agraphie. III. Cécité ver-
bale. IV. Surdité verbale. V. Motilité du membre supérieur.
'1 Veyssière. licch. cliniq. et expér. sur l'hémianesthésie cérébrale. Th.
Paris, 1874, p. 379.
DE Laye CEREBRO-SPINALK. 2/3 3
VI. Motilité du membre inférieur. - VII. Contre cortical du grand hypo-
glosse (Facial inférieur et branche motrice du Trijumeau). - VIII. Hé-
mianopsie.
.Violet, faisceau intellectuel. Jaune, faisc. de l'aphasie. Vert,
fiiisc. géniculé Bleu, faisc. pyramidal. - Rose, faisc. sensitif. (Mêmes
couleurs pour les planches I et IL) .
rlc. 2. Coupe préfronlale gauche (Pitres). 1, 2, 3 ; première
deuxième et troisième cire, frontales. 4 ; cire, orbitaires. 5 ; cire,
de la face interne du lobe frontal. 6; faisceaux préfrontaux du centre
ovale.
rlc. 3. Coupe pédiculo frontale. 1, 2, 3; première, deuxième et
troisième cire frontales. 4 ; extrémité antérieure du lobule de l'in-
sula de Reil au fond de la sciss. de Sylvius. 5; extrémité postérieure
des circ. orbitaires. - 6 ; faisceau pétliculo-frontal supérieur. - 7; faisc.
])éd.-frontal moyen (de l'agraphie, a). 8 ; faisc. péd.-front. inférieur
(de l'aihéri21e, b). 9; l'aise, orbitaire. 10; corps calleux. 11 ;
z (grosse extrémité, antérieure). 12; capsule interne (por-
tion répondant au segment lenticiilo-strié sur la coupe horizontale de
Flechsig). 13; noyau lenticulaire.
Fig. z Coupe frontale. - 1 ; cire, frontale ascendante. 2; lobule
de l'insula (partie moyenne). 3; cire, sphénoïdales.- 4 ; faisc. fron-
tal supérieur (tractus moteur cortico crural, c). 5 ; faisc. frontal mo\en
(tractus moteur cnrlico-bracleial, d). 6; faisc. frontal inférieur (de
l'hypoglosse, etc. e). 7 ; faisc. sphénoïdal. 8 , corps calleux. 9;
njyau caudé (petite extrémité ou extrémité postérieure). 10; couche
optique. 11 ; capsule interne (genou). 12; noyau lenticulaire. -13;
cipsule externe. lt; avant-mur de Burdach.
rlc. 5. Coupe pariétale. z cire, pariétale ascendante. 2 ; ex-
trémité postérieure du lobule de l'insula. 3 ; cire, sphénoïdales.
i; faisc. pariétal supérieur (tractus moteur cortico-crural, f). - 5 ;
faisc. pariétal moyen. 6 ; faisc. pariétal inférieur. 7 ; faisc. sphe-
noltlal. 8, 9, 10, 12, 13, 11 ; comme dans la précédente figure. 11 ;
capsule interne (segment lenticulo-optique).
Fie. G. Coupe horizontale de Flechsig. a ; segment antérieur de la
capsule interne. 11; genou de la capsule. c; segment postérieur de
la capsule. 1 ; extrémité antérieure, 3 ; estr. postérieure du noyau
caiulé. - 2 ; noyau lenticulaire. 1 ; couche optique 5 ; capsule ex-
terne, G; avant mur. 7 ; section de la sciss. de Sylvius,
Fie. 7. Coupe transversale du pédoncule cérébral immédiatement en
avant de la protubérance . - 1 ; étage inférieurs 2; locus niger de
JI.CInI11C1'ritl. 3 ; étage supérieur.
PLANCHE Il
IC. 1. - Coupe des pédoncules cérébraux immédiatement au-dessus
de la protit&o'ace. 1, 1 ; étage inférieur (et les différents faisceaux
qui le constituent). 2, 2 ; locus niger. 3, 3; portion sensitive des
pyramides. 4, 't ; cordons antérieurs traversés parles libres des pédon-
cules cérébelleux supérieurs (étage supérieur). 5, 5; noyaux d'origine
des nerfs moteurs oculaires communs. 6, 6 ; coupe des tubercules
yuadrilumeaux. - 7 ; coupe de l'aqueduc de S\l\ius.
Archives, t. XVI. 18
274 Il REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
Prc. 2. Coupe de la protubérance au niveau de sa partie moyenne.
1, 1 ; portion motrice des pyramides (étage inf.) 2, 2 ; leur portion
sensitive (étage moyen). -3, 3 ; coupe des cordons antérieurs prolongés
de la moelle (étage sup.). , 1 ; grosso racine de la cinquième paire.
5, 5; libres transversales formant par leur réunion les pédoncules
cérébelleux moyens.
FIG. 3. Coupe de la moelle immédiatement au-dessous du renfle-
ment brachial. 1, 1 ; cordon de Turk ou faisc. pyramidal direct
(Flechsig). 2, 2; faisc. pyramidal croisé (Flechsig). 3, 3 ; corne an-
térieure. 4, -1 ; zone radiculaire antérieure (Pierrot) ou partie fonda-
mentale (Flechsig). 5, 5; cordon de Goll. 6, G; bandelette externe
du cordon postérieur ou zone radiculaire interne des racines rachidien-
nes postérieures. 7, 7 ; cordon de BLii,(Iacli. - 8, 8; corne posté-
rieure. 9, 9; colonne de Cliti-lie. 10, 10; faisc. cérébelleux direct.
FiG. 4. Tracé schématique du nzésocéplrale et de la moelle cervicale
(face latérale) pour montrer la terminaison des faisceaux cortico-bul-
baires. A; pédoncule. B; protubérance. C; bulbe. D; moelle,
cervicale. - a, a ; b, 1) ; e direction des coupes représentées par les
ligures 1, 2 et 3 de cette planche. 1, 2, 3 ; pédoncules cérébelleux sup.
moy. et inf. - t; locus niger. Emergence de la racine motrice du
trijumeau. 6; facial. 7; grand hypoglosse. 8 et 10; pyraumle
antérieure et postérieure du bulbe. - 9; olive. 11, 12, 13; cordons
antérieurs, latéraux et postérieurs. 14, 15 ;sillons collatéraux antérieurs
et postérieurs 10; renflement brachial, 17; commissure blanche
formée par rentre-croisement des cordons ant3rieurs.=1S; lieu d'entre-
croisement des cordons latéraux et des cordons postérieurs.
REVUE DE MEDECINE LEGALE
I. UN cas de SIMULATION d'idiotisme; par M. Guinsciiso ? 4.
(Archives de Psychiatrie, Kharcow, 1886, L. VU ! , 1105 1 et 2.)
Dans la maison d'aliénés de la ville de Koursk fut placé, au
mois de mai 1885, un jeune soldat pour subir un examen
médical. Les médecins du régiment n'ont pu se prononcer
d'une façon catégorique, si le jeune homme dont il s'agit et qui
répondait d'une façon incohérente à toutes les questions qu'on lui
posait était oui ou non idiot. La chose pourtant élait bien facile.
L'examen physique n'a donné aucun des signes qu'on trouve si
souvent chez les dégénérés, et le système nerveux était absolument
indemne de toute affection aussi bien héréditaire qu'acquise.
A côté de cet état physique, l'état mental se caractérisait par une
apathie profonde et se manifestait par l'attitude suivante : les
membres et le tronc étaient à l'état de légère flexion, et la tête
REVUE DE MEDECINE LEGALE. 275
était courbée de façon que le menton touchait la fourchette ster-
nale ; on était obligé-de le nourrir; ses paroles, quoique très nettes
étaient absolument incohérentes et quand on lui demandait
son nom, par exemple, il répondait : » Les chevaux sont beaux...»
Il était facile de démontrer que la demi-flexion des membres était
factice; on sait, en effet, que chez les vrais idiots, la flexion des
membres est la conséquence d'une insuffisance d'innervation des
muscles extenseurs qui s'atrophient à la suite d'une inaction pro-
longée; or, le système musculaire du sujet observé était absolu-
ment normal. D'autres considérations physiologiques ont démon-
tré que la flexion de la tête était également un acte volontaire.
Restait la prétendue incohérence de la parole. Il a suffit démet-
tre le sujet dans la section de gâteux, et le lendemain même,
il a demandé au médecin en chef de le placer ailleurs, en disant
que l'odeur de la salle lui était insupportable : il tenait cette
fois la tête et le tronc bien droits et parlait très raisonnablement.
J. RoUBtKOYITCU. '
II. Incendie commis par une hystérique rN état de désordre, D'EN-
CHEVÊTREMENT sensoriel transitoire; par W. ST1ll&. (ILJ. Zeitsch.
f. Ps,ych., lLlIl, 3.)
Tare héréditaire, hypéresthésie psychique, hystérie chronique,
(dysménorrhée, ovaie, céphalalgie, agrypnie, dyspepsie). Carac-
tère, intelligence et humeur des hystériques avec accès transitoires,
de désordre, de confusion dans les idées et des sens. Ces accès, qui
peuvent apparaître d'emblée après les règles, sont souvent provo-
ques par des émotions (émotivité pathologique). Ils ont pour pro-
dromes : de l'augmentation de la céphalalgie, de l'excitabilité, de
l'agitation avec angoisse, et sont d'ordinaire proportionnels à
l'intensité des causes provocatrices. On constate, à la période
d'acmé de l'accès : de l'obnubilation de la connaissance, des
rêvasseries, de la sommation, des troubles de la perception avec des
hallucinations; l'accès est suivi de lacunes du souvenir. Le délire
ne sépare pas complètement la malade du monde extérieur; c'est
pourquoi elle avait conçu le projet de se brûler elle-même. P. K.
III. Sur les violences commises par les épileptiques, par
G. ECHEVERRIA. (The Journal of ille71lal Scieizee, avril 1885.)
Dans ce long et substantiel mémoire où se trouve discuté
avec beaucoup de soin et de compétence un des points les plus
intéressants de la médecine légale des aliénés, l'auteur s'est pro-
posé de rechercher, d'après des données positives : 1° si le
trouble mental qui accompagne les attaques d'épilepsie exclut
l'existence de toute animosité dans un acte quelconque de vio-
276 G revue d'anatomie pathologique.
lence pnst-épileptique; 2° s'il est vrai que dans les cas les plus s
nettement accusés de manie épileptique, on constate générale-
ment l'absolu défaut de tout motif ou de toute cause de que-
relle. M. Echeverria a lui-môme résumé son travail dans les
conclusions suivantes :
« Il n'existe aucune différence essentielle entre les impulsions
automatiques soudaines qui apparaissent après une attaque ordi-
naire d'épilepsie et celles qui sont exécutées par un fou épilep-
tique durant un paroxysme frénétique. Dans un cas comme dans
l'autre, on trouve, à l'origine de l'acte, un état psychique sem-
blable; dans un cas comme dans l'autre, la violence est automa-
' tique. »
« Les actes impulsifs soudains, qui se rapportent aux manifesta-
tions psychique de l'épilepsie révèlent très souvent dans une exé-
cution automatique un dessein logique prémédité, ainsi qu'une
délibération que l'on peut reconnaître même dans les opéra-
tions intellectuelles coordonnées qui accompagnent le déve-
loppement de l'accès, et cela dans les cas où l'on pourrait au
premier abord supposer l'absence complète de motifs; d'autre
part, l'explosion et la violence inconsciente n'est pas, il s'en faut
de beaucoup, assez brusque ou instantanée pour rendre comme on
l'a généralement cru'jusqu'ici, toute délibération impossible.
« Les explosions de violence des épileptiques sont fréquemment
comme la manifestation psychique d'attaques inaperçues de petit
mal, pouvant aisément aboutir à des catastrophes criminelles, et
présentant par conséquent une importance clinique et médico-
légale de la plus haute valeur. » .
« Les épileptiques ne peuvent être tenus pour responsables d'au-
cun acte de violence accompli durant leur automatisme incons-
cient ; car ils n'ont eu ni le pouvoir de contrôler, ni la capacité
d'apprécier de pareils actes. R. M. C.
BEVUE 1 D'ANATOMIE PATHOLOGIQUE
I. LÉSIONS DE LA MOELLE l;PINI1 : RE CHEZ L'HOMME DANS L'IN-
TOXICATIOX arsenicale AIGUË ; par M. Poiorr. (Medizinskoë
Obo,-2,é711é. Revue médicale, n° 24, t. XXYIII. Moscou, 1886.)
Il s'agit d'un nommé K..., âgé de vingt-six ans, qui a été
amené à l'hôpital de Marie, à Saint-Pétersbourg, le 15 décem-
REVUE D'ANATOMtE PATHOLOGIQUE 277 -i
bre 1886, avec tous les signes caractéristiques d'une intoxica-
tion arsenicale aiguë. Le 16 décembre il meurt. Nous repro-
duisons ci-dessous le protocole de l'autopsie pratiquée le
18 décembre.
Le cadavre est d'une taille et d'une constitution moyennes.
Sur la région dorsale, on aperçoit des taches pourpres cada-
vériques. ,
Les os du crâne, ainsi que les enveloppes du cerveau ne
semblent présenter aucune altération pathologique. Le tissu
cérébral est anémié; les cavités des ventricules latéraux con-
tiennent une quantité modérée d'un liquide séreux. ,
Le sommet du poumon droit adhère à la cage thoracique,
mais son tissu, de même que celui du poumon gauche, est par-
tout perméable à l'air.
Le coeur, recouvert d'une masse considérable de tissu adipeux
est augmenté de volume. Le ventricule droit est dilaté; dans la
cavité ventriculaire gauche, on trouve des caillots bruns et
compactes; les parois de ce ventricule sont épaissies et présen-
tent à la coupe une coloration jaunâtre; les valvules sont
saines.
Le foie est gras ; sa capsule est resplendissante, lisse ; le tissu
hépatique présente une couleur jaunâtre et crie sous le couteau.
La cavité stomacale contient les trois quarts d'un verre
d'un liquide trouble de couleur verdàtre. La muqueuse est
friable, elle présente par places de petites extravasations. ,
Le gros intestin et l'intestin grêle sont remplis de matières
fécales; leur muqueuse ne parait pas malade. La rate pré-
sente un volume normal; son tissu est compacte.
Les deux reins sont d'un volume moyen ; leur couche corti-
cale est hypérémiéo; la capsule s'enlève facilement. La
vessie contient un peu d'urine.
La moelle épinière frappe par la mollesse de son tissu et
par la couleur rouge intense de la substance grise dont les con-
tours s'aperçoivent à l'oeil nu.
.Immédiatement après l'autopsie, on a placé la moelleépiniôrc
dans une solution de 2 p. 100 de bichromate de potasse où elle
est restée pendant cinq mois.
L'examen ultérieur fait sur les coupes transversales prati-
quées à des différentes hauteurs de la moelle permet d'affirmer
l'existence de phénomènes pathologiques de deux sortes. Ce
qui frappe tout d'abord, ce sont les modifications dans le sys-
278 8 revue d'anatomie pathologique
tème vasculaire : les petits et les grands vaisseaux et surtout
les veines sont très dilatés et remplis do globules sanguins; à
côté de quelques-uns de ces vaisseaux et surtout dans les por-
tions cervicale et dorsale de la moelle, près du canal central,
ainsi que dans le domaine des cornes postérieures et des cor-
dons blancs latéraux, on observe des foyers hémorrhagiques
de grandeur variable et quelquefois assez étendus. De plus, au
niveau du renflement cervical, près des veines centrales, on
trouve des masses d'un exsudat plasmatique qui infiltre lo
tissu fondamental entourant le canal central oblitéré ; des amas
de cet exsudat s'interposent dans les intervalles entre les élé-
ments du tissu sous-jacent. Quant aux cellules nerveuses de la
' moelle épinière, une grande partie n'a subi aucune modification
pathologique apparente, mais on rencontre assez souvent des
cellules avec un protoplasma granuleux d'un aspect trouble,
dans lequel il est impossible de distinguer le noyau; leur
forme est arrondie; elles sont complètement dépourvues de
prolongements, ou à peu près; les cellules de ce type se ren-
contrent principalement au niveau des cornes grises posté-
rieures. Un phénomène plus rare est représenté par des
cellules nerveuses qui se distinguent par un protoplasma fine-
ment granuleux, se colorant faiblement par le carmin, par leur
noyau qui est conservé et se présente avec des contours bien
tranchés, par leur forme arrondie, résultant de l'absence à peu
près complète do prolongements.
Les cellules de ce type se rencontrent seulement dans les
groupes des cornes antérieures ; parfois, on peut observer dans
leur protoplasma des vacuoles arrondies de grandeur variable
qui d'ailleurs se trouvent plus souvent dans le corps de cellules
qui ne présentent pas d'autres modifications. Il faut cependant
dire que, d'une façon générale, les cellules munies de vacuoles
se rencontrent très rarement dans le cas actuel.
En comparant ces lésions avec celles qu'il avait constatées
antérieurement' chez les chiens empoisonnés par l'acide arsé-
nieux, l'auteur arrive à cette conclusion que le tableau macro-
scopique et les détails microscopiques de l'examen de la moelle
épinière sont dans ces deux cas absolument identiques. Cette
identité dans les résultats anatomo-pathologiques, dit M. Po-
pofr, permet d'affirmer, avec plus de certitude encore, que la
1 Matériaux pour servir il l'étude sur la « myélite aiguë d'origine
toxique» 1882, ainsi que in ll'irclrow's lrchio. 1883. fit). 93.
REVUE D'ANATOMIE PATHOLOGIQUE 79
moelle épinière présente dans l'intoxication arsenicale un
ensemble de modifications pathologiques ressemblant à celles
que la plupart des auteurs contemporains décrivent comme
appartenant en propre à la myélite aiguë.
Quant aux altérations du système nerveux périphérique sur-
venues à la suite d'une intoxication de ce genre, l'auteur
avoue n'avoir trouvé sous ce rapport aucune donnée en anato-
mie pathologique, jusqu'à présent du moins; il croit qu'en ne
prenant en considération que les lésions de la moelle épinière
seule, on peut parfaitement bien expliquer la plupart des symp-
tômes nerveux si fréquents et si variables qu'on observe dans
le tableau clinique de l'intoxication arsenicale aiguë ou chro-
nique'. J. ROUBINOV1TCH.
IL Contributions A l'étude SYSiPT011fATOLOGIQUE DES LÉSIONS
de la protubérance; par le professeur MiERZEJEwsKY et le
privat-docent Rosenbach. ( (le Messager de psy-
chat7,ie), de M. le professeur Mierzejewsky, '1885, 1.1.)
M. Ch..., âgé de trente-quatre ans, présente une paralysie
faciale droite totale (supérieure et inférieure) et une déviation
conjuguée des yeux. Pas de paralysie des membres supérieurs
ni inférieurs. Abolition des réflexes rotuliens. Exagération de
la contractilité galvanique des muscles de la face du côté para-
lysé. Déviation en dedans de I'oeil droit, secousses convulsives
fréquentes en haut. Impossibilité absolue de porter l'oeil en de-
hors. Conservation des mouvements de l'aeil gauche en bas,
en haut et en 'dehors. Parésie du muscle droit interne, les
mouvements du globe oculaire en dedans ne dépassant pas la
ligne médiane. La paralysie du muscle droit externe, ainsi
- que la parésie du muscle droit interne gauche s'observent
1 Indications bibliographiques : Lancereaux. Paralysies toxiques. Gazette
des hôpitaux, 1883, n° 40. AliHs. Arsenical paralysis. Boston Med. a)ta'.
surg. Journal. Mardi 15, 1883. Scolozouboff. Paralysie arsenicale
(,I),ch. de Physiologie, 1881, n° 7; Gazette Mect. de Paris, 1875, n" 31, 32,
et in Arch. de Physiologie. 1875.) Kreissig. Uebeu die l3escla/Jizlteit des
Ituckenmarks bés Ka ? iiiicheit ii ? ed llundeji naclz Phosphor 24jid ai-senik-
vergiftung nebst Untersuchungcn ueber die normale strttctttr e.<seMen.
Il'ii-chow's Arch. 1885, Btl. 102, Il. 2.) Richard Schnliz. Ueber ai-lifi-
cielle, cadaverôse nnd paihologische J'eiaiide,ii ? ige2 des liuckentuaoks.
Neurolog. Central., 1883, n" 23. Hosenhach. II'ralclt, 1SS, n" 51.
l'ecl.cr. Wcstmik l'sykliiatris, 1886.
280 REVUE d'anatomie pathologique
aussi bien dans la vision binoculaire que dans la vision mono-
culaire. Egalité pupillaire neuro-rétinite double à l'examen
ophthalmoscopique.
L'affection, au dire du malade, aurait débuté par de violents
.maux de tête, accompagnés de vomissements fréquents, surve-
.nant à la suite ou indépendamment des repas. Il y a un mois
brusquement seraient survenues la paralysie faciale et la dé-
viation oculaire. Par moments, étourdissements et diplopie.
Pas d'alcoolisme, pas de syphilis. Le malade succombe à
une pneumonie chronique.
A l'autopsie, on constate une tumeur gliomateuse, sphéri-
.que de deux centimètres de diamètre, riche en vaisseaux et en
foyers de dégénérescence caséeuse siégeant à la partie supé-
rieure de la moitié droite de la protubérance, faisant saillie
sur le plancher du quatrième ventricule, rejetant à gauche la
tige du calamus et les parties susjacentes. Processus inflam-
matoire chronique au voisinage de la tumeur.
N. SIiWORTZOFF.
III. Contribution A l'étude des dégénérescences du r(UI3 ? N' de
REIL; par P. MEYER. (Arch. f. Psych., XVII, '2.)
Observation unique, particulièrement intéressante à ce titre.On
voit, entre autres lésions, une dégénérescence ascendante du ruban
' de Reil, consécutive ci un foyer bulbaire et prouvant, par conséquent,
.l'existence de fibres trophiques ascendantes issues des faisceaux
- grêles et cunéiformes de la moelle (fibres arciformes se dirigeant
dans le ruban de Reil du côté opposé). Le ruban de Reil contient
donc, entre autres systèmes de fibres, des fibres issues du cordon
postérieur du côté opposé; il peut donc, par suite de sa com-
'plexité, selon les systèmes de fibres interrompus, détruits par une
altération, subir, comme dans ce cas, la dégénérescence ascen-
dante, ou, dans d'autres conditions, la dégérescence descendante.
P. K.
IV. SOFA un CRANIO DI LADRO; par le DI Giuseppe ÂMADEI.
Le crâne dont l'auteur donne la description et dont la figure
.est jointe à la fin de sa brochure, est celui d'un voleur ayant
subi de nombreuses condamnations et mort dans les prisons
'de Modène. Ce crâne a attiré l'attention par sa singularité
qui mérite vraiment d'être décrite et dessinée. Ce qui rend ce
crâne intéressant, ce sont ses caractères régressifs et patholo-
.REVUE D'ANATOMIE PATHOLOGIQUE 281
giques. Considérés soit isolément, soit pris dans leur ensemble,
c'est qu'ils représentent le type de ceux dont l'anthropologie
criminelle a signalé la fréquence et le caractère propre dans
les crânes des criminels. Quoique la distinction entre les carac-
tères négatifs et pathologiques ne soit pas facile, on pourrait
cependant désigner comme appartenant plus particulièrement t
'1" aux caractères régressifs : la dolicocéphalie très exagérée,
la disposition simiesque des lignes temporales, le développe-
ment disproportionné de la face et spécialement de l'arcade
sourcilière ; 2° aux caractères pathologiques : l'épaisseur et
la sclérose crâniennes, la solidité des sutures, la petitesse
générale de la tète.
- On peut ajouter que ce crâne est dans un excellent état de
conservation, mais incomplet; il lui manque la plupart de ses
dents, des os des fosses nasales et de la moitié droite de la
mâchoire. Il est coupé verticalement en deux parties égales.
En examinant la légère usure des molaires, on peut lui donner
trente-cinq ans environ. Il a appartenu à un individu mâle,
très robuste et musculeux..
On voit de suite que ce crâne fut celui d'un individu qui,
s'il était un criminel persévérant, dut être aussi imbécile ou
.au moins à moitié imbécile, ce que démontre la petitesse
générale de la tète, mais plus particulièrement la petitesse
-véritable et propre du front. Paul BLOC(,.
V. Contribution AU. connussance de L1 névrite infectieuse
ai g en \II : LTILOCUL.\llll ? parla. RoSE'UEtM. (r7'(')t61. f. Psych.
xviii, 3.)
Observation d'une affection desnersspériphériques éclose chez un
tuberculeux et l'ayant tué en dix-sept jours. L'autopsie révèle une
intlammation aiguë des gros troncs nerveux avec hémorrhagies
interstitielles; faible lésion du parenchyme. Intégrité des nerfs,
du cerveau et de la moelle au-dessus des parties atteintes; au-
dessous, quelques altérations dansle tissu interstitiel ; intégrité des
rameaux intermusculaires. Atrophie dégénéralive des muscles en
rapport avec la manifestation clinique de la réaction dégénéralive
partielle. Les deux sciatiques présentent des perles de substance
du parenchyme probablement congénitales absolument indépen-
dantes de la névrite récente. Les colonies microbiennes des pou-
mons tuberculeux ont infecté les nerfs non pas de leur substance
môme, mais de leurs produits de combustion organique (ptomai's
loxico-infeclieuses) ; telle est l'opinion de M. Itoseuhcim. I'. fi.
282 REVUE D'ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
VI. Contribution .1 la Pathologie ET A L'ANATOLE pathologique
DE L\ PARALYSIE AIGU1; COMPLÈTE (ALCOOLIQUE) DES MUSCLES DES YEUX.
(Polio-encéphalite aiguë supérieure de Wernicke) ; par R. TuomsrN.
IAz·clc. . Psych. XIX. 1.)
Deux observations avec nécropsies, de paralysie aiguë des
muscles des yeux ayant surtout porté sur les muscles extrinsèques
du globe : intégrité des sphincters pupillaires, des muscles
accommodateurs, des élévateurs des paupières supérieures, en un
mot oplalkalmoplégie nucléaire externe de illcczulcczer (malgré la len-
teur de la réaction pupillaire), à forme aiguë, complète ou presque
complète. La rigidité pupillaire ou le ptosis en de semblables cas
ne renverse pas le diagnostic clinique, pas plus que ces manifesta-
lions ne permettent de supposer l'existence de processus ana-
logues mais d'un autre genre. Durée de la maladie : 12 à 20 jours.
Symptômes simultanés psychopathiques et parétiques en rapport
avec l'imprégnation alcoolique. l'autopsie décèle l'altération des
noyaux d'origine des nerfs crâniens correspondants, dans les
conditions que voici. C'est, dans la première observation, surtout
le plancher du quatrième ventricule qui, principalement sur le
territoire du noyau de l'oeulo-inoteur commun,' est atteint d'hy-
pérémie avec hémorrhagies capillaires de plus en plus profuses
et intenses à mesute qu'on monte. Dans le second cas, hypérémie
sans hémorrhagie mais avec hyperplasie vasculaire considé-
rable dans le domaine des noyaux mêmes de l'oculo-moteur
externe, de l'oculo-moteur commun, du pathétique, de l'hypo.
grosse, noyaux des plus dégénérés. p. Ici.
Vil. UN CAS DE GOMME DE L\ \. BASE DU CERVEAU AVEC LÉSION DU CHIASMA
des nerfs optiques; par E. SIE.)irRLI.IG. (Arch, f. Psch.,
xix, 2.)
Longue et complète observation. Le néoplasme avait totalement
englobé et transformé la bandeletle optique gauche sur toute son
étendue, y compris les corps genouillés et le pulvinar. Infiltration
syphilitique au coeur de la bandelette droite, du chiasma et des
deux nerfs optiques surtout à gauche ; atrophie commençante.
Seul un trousseau de fibres a échappé à la destruction et présente
sa continuité normale; il occupe le N. 0. droit, passe dans la
bandelette optique, et se retrouve dans la moitié droite du
chiasma. L'étude clinique avait révélé : à gauche, une amau-
rose totale; à droite, de la diminution de l'acuité visuelle, une
liéminnopsie temporale marquée. De ces constatations, l'auteur tire
ce qui suit :
SOCIÉTÉS SAVANTES. 383
« Les fibres qui vont innerver la partie temporale de la rétine, c'est-
« à-dire en réalité les libres du trousseau non entre-croisé occupent la
.. région latérale du tronc du nerf optique; la plupart d'entre elles occu-
« peut la plus grande partie de la périphérie de ce tronc. Dans l'orbite,
« elles se dirigent plus en bas, et plus elles gagnent le centre, plus elles
« prennent le plan externe. Dans le chiasma, voila le faisceau non entre-
« du chiasma, il gagne graduellement la face dorsale du chiasma, pour
« la portion postérieure de ce dernier. llais, dans la Landelette, le fais-
« ceau non entre-croisé occupe une situation centrale et n\irri\e point
PL ? 1'il)llérie. » P. Keiuval.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ \IGDICO-l'S1'CIIOf.OGIQUC
Séance du Tj juin tSSS. Présidence DE 11. Cotard.
Présentations de malades. M. Bux présente deux paralytiques
généraux dont la maladie reconnaîtrait comme causes : pour le
premier, la peur occasionnée par la foudre dont il aurait subi une
sorte de choc en retour ; pour le second, une section accidentelle
du nerf cubital. Une troisième maladie présentée par AI. Bail est
une femme d'une trentaine d'années, qui, frappée de vertiges épi-
lepliques, accomplit, consécutivement à cesverliges, des actes im-
pulsifs dont elle a parfois conscience.
M. croit voir dans celle dernière malade une impulsive
ordinaire conservant, suivant la règle, le souvenir de ses impul-
sious, mais sujette à des vertiges, sous t'influence desquels se pro-
dumeut alors les impulsions inconscientes.
M. BLL pense que toutes ses impulsions sont liées au morbus
sacer, car le délire d'action de sa malade est toujours précédé de
la même phrase : « Ah ! mon Dieu, lâchez-moi ! », qu'elle conserve
ou non le souvenir de ses impulsions.
Du délire chronique (suile de la discussion). M. R ? D 0,'Z de
284' SOCIÉTÉS SAVANTES.
Montyel s'excuse d'intervenir dansladiscussion, alors que le sujet
semble épuisé. N'appartenant à aucune école, il s'est fait une opi-
nion par l'étude même des pièces du procès et l'examen direct
des malades. Il pense que les arguments contradictoires qui ont
été exposés font à chacun un devoir de rechercher la vérité. Jus-
qu'ici, dit-il, deux points importants ont été négligés : le caractère
habitue] des malades, qui joue un grand rôle dans leur délire et
aussi leur dissimulation, qui est très fréquente à la troisième pé-
riode. Le fait que tous les orateurs ont reconnu avoir observé des
aliénés traversant les quatre périodes, est la preuve de la synthèse
de M. Magnan et les objections n'ont pu que restreindre cette syn-
thèse sans la renverser. Ces objections sont au nombre de cinq :
10 Objection de M. Rail d'après lequel la synthèse ne peut exister,
parce qu'elle serait basée sur la seule évolution du délire, base qui
ne suffit pas tt créer une entité morbide. On pourrait répondre
que la synthèse n'est pas basée sur la seule évolution du délire,
mais sur J'apparition nécessaire de symptômes différents consti-
tuant un ensemble spécial et typique. La longue durée de chaque
période tient à la longue évolution de toute folie quelle qu'elle
soit. D'ailleurs, il en est de même de l'ataxie locomotrice dont le
diagnostic se fait plusieurs années avant la confirmation de la ma-
ladie. L'anatomie pathologique, faite dans ces temps derniers seu-
lement, est venue plus lard donner raison à Trousseau et à Du-
chenne. 20 On peut observer le délire des grandeurs d'emblée
sans qu'il ait jamais été précédé d'aucune idée de persécution.
Les idées de persécution et de grandeur se rencontrent, en effet,
dans une foule d'états vésaniques, mais le délire systématisé de
grandeur est toujours précédé d'un délire systématisé de persécu-
tions. L'analyse critique de tous les cas apportés aux débats prouve,
au contraire, le bien fondé de celle assertion. 3° Il existe, dit-
on, des persécutés qui ne deviennent jamais ? iz-jgaloîi2ancs. - Il faut
tout d'abord écarter les malades, qui n'ayant pas à proprement
parler d'idées de grandeur, ont, de l'optimisme, une opinion exa-
gérée d'eux-mêmes, la certitude d'être méconnus en même temps
queviclimes,car ce sont ausi des mégalomanes à leur façon. Sans
aller jusqu'à penser comme M. Briand que ceux qui meurent sim-
plement persécutés seraient peut-être devenus ambitieux, s'ils
eussent vécu plus longtemps, il faut reconnaître avec lui que les
délirants chroniques avouent à l'entourage bien moins facilement
leurs idées de grandeur, qu'ils ne parlent de leurs persécutions.
D'ailleurs, les rares persécutés qui resteraient toujours et rien que
persécutés, ont leurs analogues dans la clinique générale.
4° On a aussi objecté l'obscurité de la genèse des conceptions ambi-
lieuses. Les délirants chroniques ont dès leur enfance les germes
de leur future maladie. Ils sont méfiants et orgueilleux. Il est de
règle en médecine mentale [que toutes les folies mentales coin
SOCIÉTÉS SAVANTES. 283
mencent par de la dépression, c'est pourquoi la phase lypéma-
niaque ouvre toujours la scène, mais le sentiment orgueil du ca-
ractère antérieur persiste et c'est lui qui, subissant l'action du
délire des persécutions, tous les deux réagissant l'un sur l'autre,
va lentement, sournoisement se développer, grandir, amener l'es-
prit à une modalité psychique, telle qu'il suffira d'une circons-
tance fortuite, d'un mot entendu ou de la lecture d'un « fait di-
vers » pour déterminer une explosion de conceptions délirantes
de grandeurs, explosion qui semblera soudaine, spontanée, alors
qu'elle aura été préparée par un travail antérieur de plusieurs an-
nées. Si l'aliéné entend une voix qui l'appelle saint ou fils de roi,
il ne se doutera pas que cette voix n'est que l'écho d'une méta-
morphose profonde de son être. Le délire chronique étant ainsi un
développement d'un caractère, il peut se rencontrer chez des hé-
réditaires ayant des stigmates physiques de dégénérescence.
5° Le délire des persécutions pourrait se terminer par la démence
sans passer par la mégalomanie. Les membres de la Société
n'ont apporté aucun fait personnel. On a invoqué un cas de La-
sègue, mais à cette époque, la synthèsedudélire chronique n'étant
pas connue, il n'y a rien d'étonnant à ce que la période ambi-
tieuse soit passée inaperçue. Quant aux deux malades de M. Mai-
ret, l'un était malade alcoolique et l'autre a éprouvé, au dire
même de l'auteur, une modification complète de sa manière d'être
avec idées religieuses. Ke serait-ce pas une mégalomanie mystique ?
Le terme de délire chronique mérite toutes les critiques qui lui ont
été adressées. La dénomination la meilleure est celle proposée par
M. Garnier : Psychose systématique progressive, ou mieux encore
psychose systématique, car tout délire systématisé est forcément
progressif.
11. h'.1LL. La discussion se trouve arrivée à ce degré qu'eu ma-
thématique on appelle les quantités irréductibles. Il est impos-
sihle maintenant d'en retirer quoi que ce soit de nouveau.. Je crois
dans ces conditions que ce qu'il y a de mieux à faire est de se
recueillir et d'attendre des faits nouveaux pour entrer dans la lice.
Je propose à la Société de mettre en discussion le projet de clas-
sification des maladies mentales.
M. PALRET fait remarquer que son père avait déjà indiqué que
le délire des persécutions, loin d'être immuable, pouvait se trans-
former. demande à la Société de continuer la discussion par
l'étude des différentes formes de la mélancolie. MARCEL Briand.
28G SOCIÉTÉS SAVANTES.
CONCISES ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ DES MEDECINS
ALIÉMSTES ALLEMANDS.
Session de Franceort 1887 1.
Séances des t7 et 18 seon'f.rre ? Hce de M. Ltrnn.
La Société a perdu pendant l'année qui vient de s'écouler
MM. Richarz (d'l : ndenich), Loechner (de Un té-
légramme du doyen des aliénistes allemands, de M. IIERGT,
apporte à l'assemblée les salutations de ses collègues d'Illcnau.
Les deux membres du bureau sortant, 11\I. V'ES1'I'IL1L et hCL11.1N
sont réélus. Apuration des comptes de M. Sciiuele, trésorier.
AI. Bww.wcFa. D, : l'état actuel des recherches relatives ci l'hypno-
tisme. D'après ses investigationspersonnelles, l'état d'hypnotisme
produit par Braid et (leidenhain sur des individus sains et par
Charcot chez des hystériques, résulte de manoeuvres d'ordre phy-
sique. M. Binswanper n'a cependant pu retrouver constamment
les signes de Charcot. L'hypnose par suggestion de Liébeault et
Bernheim se traduit par des états de sommeil tout spéciaux dans
lesquels le sujet se montre exagérément accessible à tous les
accidents hypnotiques provoqués par la même méthode (catalep-
sie, contractures, paralysies, hallucinations). Quant à la sugges-
tion pendant l'état de veille, elle n'est possible que chez certains
sujets, privilégiés entraînés, et ne possède pas cette portée que
Cernheim et autres lui attribuent; la continuation des phéno-
mènes après que l'hypnotisme a cédé n'a pas non plus une aussi
grande valeur. On a eu tort de mélanger les procédés de Braid.
Charcot, Liébeault; on a ainsi embrouillé les modalités de t'hypno-
tisme. En ce qui concerne l'hypnotisme chez les aliénés, M. Bins-
wanger est parvenu à produire des formes d'hypnotisme abortif
très originales, consistant en une somuiatiou,nuesurémotivité pas-
sionnelle, avec délire hallucinatoire, flux de conceptions pressées
et incohérentes, actes impulsifs. L'hypnotisme peut provoquer une
exacerbation de la folie systématique hallucinatoire aiguë, par
exmple une nouvelle poussée de cette maladie chez les convales-
cents. Une faudrait donc pas en faire une panacée, puisqu'en réalité
elle transforme un nervosisme lalent en un état neuropalliique
et psychopathique grave qu'elle peut implanter à jamais et que,
1 Voy. Arch. de Neurologie, t XIII, p. 't28.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 1287
silos pratiques hypnotiques niitigent ou font disparaître passagè-
rement certains accidents ncuropathiquos, jamais elles ne guériront
la maladie fondamentale.
Discussion : 11. Preyer. Faisons beaucoup d'expériences avec
l'hypnotisme chez les sujets sains comme chez les aliénés et pre-
nons beaucoup d'observations. C'est un- procédé d'analyse physio-
logique incomparable, supérieure la vivisection et à Hypnotisme
animal, puisque l'animal ne peut parler. La France nous menace
sur ce sujet d'exagération.
AI. OBI : IiSIEt\I : Ii. L'hypnotisme à petites doses, celui qui constitue
une sorte de phase de transition entre l'hypnose et l'état normal
est celui qu'il faut choisir pour l'élude physiologique. On peut
ainsi calmer des agités d'une façon permanente. Enfin les psychia-
tres n'ont pas le droit d'ignorer cette question dont les magistrats
se préoccupent.
11111. Gn.sn ? Binswanger, Mesciiede, Kaiirer, de Lcdwiger.
La suggestion après l'hypnose est-elle réelle ? Et d'abord quel est
l'état de la mémoire et du souvenir chez un hypnotisé ? Tantôt
l'individu qu'on vient d'hypnotiser se souvient de ce qui s'est
passé pendant qu'il dormait, tantôt il n'a conservé qu'un souvenir
partiel, tantôt il ne se rappelleahsolumcntrien,exactemenlcomme
dans les cas d'obnubilation, de stupidité épileptiques. On a pu,
chez une personne incrédule, produire en l'hypnotisant une para-
lysie de la parole et même nue paralysie généralisée persistant
pendant un certain temps au réveil, qui cependant se dissipe bien-
tôt. Mais il est impossible d'hypnotiser les gens contre leur volonté,
même pour la première fois. AL Siemerling insiste sur ce fait qu'à
la Charilé de Berlin, chez les hystériques ou les hystéro-épilepti-
tlties hypnotisés, il n'en est qu'un petit nombre ayant révélé les
deux stades de Charcot et leur dérivation l'un de l'autre. L'hypno-
tisme coupe admirablement l'agitation délirante avec désordre
dans les idées de l'hystérique, mais ne peut modifier les agitations
d'une autre nature. Au fond, il faudrait le déconseiller (13t-sw,%,N-
G £ ti)coiiiiiie agent thérapeutique chez les aliénés, et ses résultats ne
seraient que temporaires et partiels chez les individus sains. Il
est malheureusement impossible d'en doser, d'eu calculer les
effets. Il fautse garder d'en faire usage devant le personnel ouïes
aulres malades pour des raisonsfaciles à comprendre (Gn.sttEV).
M. JOLLY. De l'atténuation de la responsabilité. (Publié in extenso'.)
Discttssioat : 11. Awor. La liberté de la détermination volontaire
est toute relative. On ne sait en réalité rien de certain sur celle
question de la volition. C'est de la question de la réflexion au
' Voy. 1(evties analytiques.
288 SOCIETES SAVANTES.
moment de l'acte incriminé que doit décider le médecin. Les no-
tions de responsabilité, d'irresponsabilité, de responsabilité miti-
gée sont du ressort juridique. Quand le médecin a analysé le cas,
c'est au juge de conclure. Mais au fond, quand la. liberté de la
détermination volontaire est abolie il n'y a pas crime; quand elle
est limitée, comment ne pourrait-elle qu'atténuer la responsa-
bilité ?
- M. MESCHEDE. Sans doute, la décision appartient au magistrat,
mais le médecin doit avoir soin de signaler que le cas d'aliéna-
tion mentale qui lui est soumis se traduit par des phénomènes qui
empêchent particulièrement l'exercice de telles activités et entra-
vent la volonté dans telle ou telle mesure. Il y a des faits dans
lesquels la responsabilité morale est simplement affaiblie.
rll. Peluan se range à l'avis de M. JOIIV. Il faut'absolument, dans
certains cas, conclure à la diminution de la responsabilité.
M. Spamer. En effet, et cela d'autant plus qu'il faut se mettre à la
portée des juges en suivant le sens même des textes de loi.
Ut. Obersteiner pai lage celte opinion.
M. Grasiiey. La responsabilité partielle a son revers. En effet, un
individu qui comme aliéné a encouru une peine mitigée pour
cause d'atténuation de sa responsabilité, est-il, à sa sortie do
prison, un aliéné dangereux ? Faut-il l'envoyer dans un asile ou
non ? Voici qu'un délit peut envoyer un accusé dans un asile ou
dans un établissement pénitentiaire ? c'est illogique au plus haut
point.
Sur la proposition de Grasliey, QEheke et Herz, le Bureau
est chargé de composer une commission qui voudra bien traiter
la question suivante : Faut-il introduire dans le Code pénal une
décision relative ci la diminution de la responsabilité ?
AI. Schuele. De lu valeur et de la recevabilité des sorties préma-
turées des aliénés. L'asile est un instrument de traitement à action
négative, de même que le bandeau desopblhalmiques, et en même
temps à action positive, de même qu'une station thermale, dont le
milieu psychique dispense la santé aux infirmes du système ner-
veux. C'est donc dans cette salutaire atmosphère qu'il con-
vient de guérir et d'affermir la guérison. La maturité d'un conva-
lescent à l'égard de la sortie comporte les indications suivantes :
il faut qu'il ait pleine conscience de sa maladie passée, qu'il se
sente en possession naturelle de lui-même, qu'il ait récupéré sa
sensibilité morale antérieure, qu'il jouisse d'une humeur calme
et maîtrisable, qu'il comprenne, remarque, apprécie les condi-
tions extérieures qui l'attendent à sa sortie, qu'il présente une
parfaite régularité dans les fonctions de la vie végétativeet dansles
forces correspondantes. L'idéal, c'est qu'il reconnaisse spontané-
ment la fausseté des conceptions délirantes dont il se rappelle le
SOCIÉTÉS SAVANTES. 289
détail intime, se souvenant en même temps de son existence
psychopathique. A côté de cela, il est une classe de faits dans les-
quels on est bien obligé de se contenter d'une guérison relative et
de laisser sortir le malade parce que, à raison des reliquats de la
modalité psychopathique ou du terrain de l'individu, ou ne peut
s'attendre à cette parfaite égalité d'équilibration : exemples : folie
systématique aiguë ou folie stupide (récupération de la mémoire
impossible), névropathies constitutionnelles (débilité mentale,
hystérie). Enfin, en certains cas, nous obtiendrons la guérison d'au-
tant plus vite que nous abrégerons la séquestration dans l'asile à
une certaine époque de la maladie.
Quels sont les états morbides, quelles sont les phases de la ma-
ladie, dans lesquels il y a intérêt à faire sortir prématurément
l'aliéné ? Ou cette sortie constitue un acte de sagesse ; ou bien elle
est une nécessité. Dans une première catégorie de faits, le retour
précoce à la maison sera un agent thérapeutique supérieur à celui
du séjour à l'asile; dans une seconde, le retour chez soi s'impose
impérieusement parce qu'une détention plus longue devient nui-
sible. En somme, la sortie précoce bien comprise est toujours oeuvre
de traitement. Par bien comprise il faut entendre qu'au dehors
même de l'établissement on puisse résoudre les problèmes posés
par la seconde partie de la cure (personnel médical entourage
stylé, intelligent, attentif, bien outillé).
Indications spéciales. A. Mélancolie. C'est elle qui fournit
le moins d'exemples à la thèse en question, parce qu'il est bien
rare qu'au dehors on puisse mettre ce genre de malades en des
conditions favorables et leur fournir les succédanés de la thé-
rapeutique de l'asile. Voici quand il y a un avantage positif à
les faire sortir Lorsque, soit dans la lypémanie prolon-
gée, soit pendant la convalescence, apparaît une nostalgie qui
absorbe le patient, tend à se transformer en idée fixe obsédante,
à engendrer des actes instinctifs de suicide, à déterminer de l'in-
somnie. On peut de cette sortie espérer un bon résultat lorsque,
la lucidité et la connaissance commençant à renaître, le malade
est utile chez lui; on l'accordera alors sans s'arrêter aux défec-
tuosités de l'état mental ou physique Quand il existe un
opiniâtre refus de nourriture à la période de convalescence, soit
par nostalgie, soit par vague dégoût de l'asile, tandis que le ma-
lade commence déjà à rectifier les erreurs de son délire ou lorsque,
dans la mélancolie prolongée avec sitiophobie , ou voit l'aliéné
accepter la nourriture de la main de ses parents. Les hypochon-
drivqucs et les mélancoliques hystériques ne doivent pas rester à
l'asile plus d'un certain temps, car ce qu'ils y voient alimente leur
délire; ils ont soif de douleurs, de médecins, d'assistance ; dès
qu'ils tendent à la chronicité , renvoyez-les. B. Afanie. Fournit
Archives, t. XVI. 19
290 SOCIÉTÉS SAVANTES.
un contingent plus discret encore de cas à la sortie prématurée.
A part l'hypomanie de Mindel (ou manie douce) surtout lors-
qu'il s'agit de manie raisonnante dans laquelle la discipline in-
térieure devient un motif de surexcitation et par suite, d'aggrava- '-
tion plutôt que de traitement, le caractère général des manies
ordinaires (agitation, violence, loquacité) impose la séquestration.
11 n'est qu'une forme de manie pour laquelle la sortie soit possible :
c'est la manie vraie prolongée, à excitation persistante mais mo-
dérée, ne dépassant pas les limites du caractère, greffée sur un
fond de faiblesse psychique temporaire, c'est la moria dans
laquelle le maniaque qui entre en convalescence reste impulsif,
cruel, brutal, sauvage comme à plaisir et se sait excusable parce
que, « dit-il, il est dans une maison de fous ». Il n'est pas rare de
voir ces aliénés au dehors reprendre possession d'eux-mêmes et
apprendre à se maîtriser. Ils guérissent, tandis qu'une séquestra-
tion prolongée s'oppose à leur guérison. C. Folie systématique.
Chronique ou aiguë, acquise ou congénitale, elle nous donne un
appoint plus fort à notre thèse que la manie. Prenons le délire des
persécutions : un grand nombre de ces malades s'engluent, par
la tranquillité et l'uniformité de la vie de l'asile , dans leurs
courants d'idées délirantes, surtout lorsqu'on ne peut leur procu-
rer d'occupation convenable et féconde ; dans ce cas, la vie exté-
rieure représente le meilleur, le plus renouvelé des palliatifs , des
dérivatifs au fardeau de leurs pensées. Ce sont au contraire à l'asile
des patients insociables que la séquestration irrite et rend quin-
teux ostensiblement ou non, cristallise dans leur délire et pousse
à la démence. A cette période, il n'est pas rare que la sortie en-
traîne une rémission de plusieurs années sinon de toute la vie,
le malade accommodant son délire à l'existence réelle. Les hallu-
cinations, qui, au fond, sont une contre-indication contre ces sor-
ties, disparaissent quelquefois en liberté, alors qu'elles étaient
tenaces à l'asile. On en peut dire autant de la grande excitabilité.
Ce sont ces deux éléments qui donneront à réfléchir en matière
de sortie prématurée, principalement à propos des persécutés
spinaux (troubles de la sensibilité générale avec interprétation
allégorique) bien plus dangereux que les persécutés purement
cérébraux. Mais il y a des exceptions à faire. La folie systématique
du masturbateur a cependant été considérée avec circonspection eu
ce qui a trait aux sorties à cause des violences brusques et brutales si
caractéristiques auxquelles ces aliénés se livrent. Alais dans la folie
systématique aiguë il faut en user, à la période de convalescence,
quand le malade reprend un peu possession de sa personnalité,
quand, encore un peu dans l'ombre, le moi revient à la réalité
et récupère graduellement la conscience, quoique les débris du
délire persistent, l'indien ne distinguant point encore bien ce
qui appartient au monde réel. Que si cette phase demeure sta-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 291
tiounaire avec ses illusions, faites sortir; vous verrez souvent
alors dès les premiers jours, l'aliéné ne plus méconnaître les
personnes, ne plus faire d'erreurs de faits, de temps, de lieux,
vous verrez disparaître le délire de jalousie, les hallucinations,
l'excitabilité de l'humeur et les colères contre l'entourage. Quel-
quefois cependant, au lieu de les transférer d'emblée chez eux, il
vaut mieux les mener dans un endroit neutre, intermédiaire.
Mais il faut qu'il existe une assez grande lucidité pour que le pa-
tient soit capable de puiser dans le monde réel des impressions
utiles et de savoir s'en servir. Ces réflexions sont applicables à la
stupidité, à la période de convalescence, notamment lorsque le
malade commence à être tourmenté de nostalgie normale.
D. Etats chroniques secondaires On usera de la sortie dans une
assez large mesure pour les individus dépourvus d'initiative ,
inaptes au travail, qui, à l'asile , s'abrutissent toute la journée,
dans un laisser-aller , un far-niente interminable, indisciplinés,
dépités et butés. Le travail agricole devient lui-même impuissant
à leur égard. De retour chez eux au contraire, ils reviendront à
de bons sentiments, et se mettront à travailler, ils ne perdront plus
mais utiliseront, en les développant, les quelques facultés qui leur
restent. Tels sont les déments en général , au moins pour un
grand nombre, et les fous systématiques chroniques. E. La
folie morale, incurable comme on sait, mérite cependant, plus que
toute autre infirmité psychique, que l'on tiennecompte des individus
et des conditions déjà énumérées en faveur et contre la sortie.
Une contre-indication formelle à la sortie, c'est le développement
exagéré des penchants sexuels. A côté de cela, certains de ces ma-
lades sont aigris par leur séjour à l'asile, et deviennent d'irrécon-
ciliables ennemis de la discipline à leur préjudice ; ils ont à béné-
ficier de la liberté.
Enfin , si l'on arrivait à préciser scientifiquement les indica-
tions de la sortie prématurée pour l'ensemble des aliénés, on dé-
chargerait nos asiles à tous points de vue. L'ère nous semble
venue de nous départir des errements par trop doctrinaires du
passé. Il est évident que, de même que toutes les choses humaines,
l'asile a deux faces : un côté lumineux, un côté ténébreux. 11
s'agit de l'améliorer au profit de tous. Alais, nous dira-t-on, il
faudrait se préoccuper d'organiser l'assistance des aliénés mis
dehors par mesure thérapeutique ? Eh ! sans doute. Puissions-nous
traiter celte question corrélative plus tard ! 1
Discussion. M. PELMAN : Si l'asile constitue un agent d'exci-
tation qui trouble la guérison , ou s'il a donné une suffisante im-
pulsion à la guérison, congédiez vos malades bien que non guéri-.
Il est manifeste que dans un certain nombre de cas l'asile est un
excitant désavantageux, ne serait-ce que parce qu'il perpétue chez
292
SOCIETES SAVANTES.
le malade le souvenir de son délire. àl. Hertz ; Les formes al-
ternes rentrent dans les catégories de AI. Schuele.
M. MESCHEDE cite une série d'exemples de folie systématique
partielle incurable concernant des malades déclarés dangereux
pour la sécurité publique qui reprirent leur profession après leur
sortie. -nI. Schuele invite ses collègues à faire l'expérience et à
dresser l'inventaire exact de leurs faits afin qu'on puisse établir
plus tard une statistique instructive sur cette question.
M. GRASHEY. Des rapports de service dans les asiles d'aliénés.
L'auteur recommande l'usage de rapports dressés quotidiennement
par les surveillants et surveillantes en chef et remis au médecin
avant la visite, sur l'emploi du temps et la distribution du per-
sonnel dans les quartiers pendant les vingt-quatre heures écou-
lées. Ces rapports compléteraient les rapports journaliers du per-
sonnel sur les allures des malades. M. Grashey s'en est bien trouvé
àDe ? endorf ot5 pour 300 aliénés il avait 30 gardiens ou gardiennes,
ainsi qu'au Kreisirrenanstalt de la Bavière supérieure de Alunich
où, pour plus de 600 aliénés, il a 70 gardiens ou gardiennes, 2 gar-
diens en chef, 2 gardiennes en chef.
Nous reproduirons une partie du schéma imprimé rempli par
ces employés :
Asile d'aliénés DE MUNICH
Rapport de service pour le quartier antérieur des hommes, du 27 octobre 1887.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 293
« efforts de la Société allemande contre. l'abus des boissons alcoo-
« liques, appuyant d'avance la motion imminente de cette der-
« nière pour provoquer une loi propre à infliger des pénalités à
« l'ivresse qui blesse laconscience publique et à décréter les moyens
nécessaires à l'interdiction des ivrognes par habitude ainsi qu'à
leur guérison forcée en des asiles de buveurs. La Société invite
« le bureau à collaborer à la rédaction de la motion en question
comme il convient. »
11f. H. LOEER. Comme quoi l'expérience n'a pas confirmé l'opinion
du législateur, d'après laquelle l'admission des aliénés clans les
asiles pourrait devenir la cause d'une séquestration arbitraire provo-
quée ou maintenue. Conclusions. Les lois actuelles n'empêchent ou
ne peuvent empêcher que quelqu'un n'arrive dans un asile d'alié-
nés sans être fou; seul le médecin aliéniste s'oppose à ce que qui
n'est pas aliéné soit conservé à l'asile. On est donc autorisé à in-
viter les légiférants dans l'intérêt de l'Etat à sortir le médecin de
l'asile de la situation exceptionnelle qui lui est faite par une loi
spéciale que n'expliquent pas cent années d'expérience. On peut
se contenter du § 239 du code pénal de l'empire, de même que
pour tous les habitants de l'empire.
Discussion : AI. Jeun rapporte un fait £ de séquestration, de par
l'autorité, d'un simple vagabond qui réduit à la dernière misère
avait lente de se pendre. M. PËLMAN. Le législateur doit con-
tinuer à se préoccuper de la liberté individuelle. Mais il ne faut
pas que les mesures de prudence entravent les admissions et nui-
sent au rôle curatif des asiles. C'est donc une loi de réception et
non un réquisitoire contre nous qui est nécessaire. AI. AIeschede.
La loi de séquestration, c'est notre sauvegarde. Le; règlements
légaux obligatoires, et leur prescription, c'est la réponse aux accu-
sations de la presse et des romanciers. M. ARNDT. La séques-
tration par le médecin n'existe pas. Celle qui provient de l'auto-
rité existe. En pareil cas, l'établissement établit que l'individu ne
saurait être maintenu; il le renvoie et se met à l'abri comme
dans le cas d'une admission erronée. àl. Ocnrxc. Sans doute
on peut d'après la loi actuelle amener à l'asile n'importe qui,
mais, dès que l'observation a montré que le sujet en question
n'et pas fou, une plus longue détention est en Allemagne impra-
ticable.
M. Hoestermann. Toute séquestration illégale est d'autant plus
impraticable que la procédure actuelle de l'interdiction pour
aliénation mentale laisse au magistrat la décision suprême de
l'existence ou non de la folie, même contre l'avis de l'aliéniste, et
de l'élargissement immédiat. Ce qu'on pourrait souhaiter c'est
qu'un laisse les coudées plus franches à l'aliéniste.
M. Oiîersteiner. En Autriche, en tous les cas, on commence par
.294 SOCIÉTÉS SAVANTES.
procéder à l'interdiction. Par conséquent l'examen officiel de
l'aliéné a lieu. Dans les asiles privés, l'inspection régulière des
autorités y supplée. Préserver les aliénés ou les séquestrer dans
les asiles, c'est très bien; mais il faut aussi préserver le public des
aliénés dangereux et, à ce point de vue, on a besoin d'ordon-
nances réglant les admissions.
AI. MESCHEDE. Sans doute, ce n'est qu'en théorie qu'on s'imagine
que la séquestration d'individus déjà immatriculés se puisse per-
pétuer malgré l'absence de folie. Mais, avant que le diagnostic
définitif d'un malade ou d'un prétendu malade soit fait, l'admis-
sion n'en existe pas moins. AI. de LUDWIGEII. Provoquer l'inter-
diction c'est appeler la lumière et décharger la responsabilité du
médecin. Mais c'est toujours une dépense coûteuse pour la famille
qui se trouve ainsi parfois ruinée contre son gré et à son insu.
111. Lan n'a pas eu la prétention de modifier du premier jet
une loi centenaire. Il est convaincu que dans 50 ans on s'éton-
nera de ce qu'on ait pu considérer les asiles autrement que comme
des hôpitaux ou des hospices. Il a voulu poser une question obscure
à élucider. Cette discussion a mis en évidence les difficultés de la
solution. A l'avenir de parler. Hui. Siemens décrit le nouvel
asile d'aliénés provincial construit sur ses propositions à Lauen-
burg en Poméranie. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLIV, 4-5.)
P. KÉRAVAL.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN
Séance du 15 décembre 1886'. - Présidence de AI. LOEHR.
M. GocK. D'une forme rare de névrose vasculaire de la peau.
La première observation concerne un érythème noueux chez une
femme de trente-quatre ans; les deux premières atteintes sur-
vinrent brusquement sans prodromes, la troisième fut précédée
d'une angine folliculaire. L'auteur fait remarquer l'autonomie
de l'affection cutanée et la rapproche de la constatation matérielle
de la diminution de calibre des vaisseaux. La seconde observa-
tion a trait encore à un érythème noueux chez une femme de vingt-
quatre ans ; ici hérédité névropathique (migraines, herpès zoster),
'Voy. Archives de Neurologie, t. XV, p. 307. A cet égard nous ferons
remarquer que, par suite d'une erreur de mise en pages, les séances de
décembre et janvier ont paru dans les Archives à la suite de celle de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 295
mais, pas plus que dans la première observation, on ne constata
de rhumatisme articulaire, ni de fièvre intermittente; intégrité du
coeur de l'utérus, des poumons ; notable rétrécissement des vais-
seaux. Aussi Ai. Gock adopte-t-il l'opinion de Koebener et Lewin ; en
raison de la symétrie de l'éruption, de l'existence de quelques
accidents nerveux, de l'absence de causes connues de cette derma-
tose, il y a lieu de penser à un trouble fonctionnel des nerfs ré-
gulateurs des vaisseaux, soit dans le centre vaso-moteur lui-même,
soit comme manifestation réflexe. Du reste, quand l'érythème
noueux coïncide avec d'autres maladies , on peut admettre qu'il
est, non le symptôme de la maladie principale, mais bien une
affection autonome provoquée chez un névropathe par suite du
dérangement qu'a produit dans les nerfs vasculaires périphéri-
ques ou dans leur organe central la maladie précédente. C'est
ainsi qu'à la suite d'une angine simple, il y a lieu de penser,
quand il n'y a pas infection, à un réflexe vaso-moteur vers la
peau. En outre , l'étroitesse particulière des vaisseaux notée
chez ces deux malades constituait une prédisposition à l'érythème
noueux.
M. H. Loehr. La surveillance des établissements privés consacrés aux
aliénés.- Le 25 septembre 4 885, ce thème était l'objet d'une longue
discussion à la Société des fonctionnaires médicaux de la Fruste
à Bei,lin; le 10 juillet 1886 parut un décret gouvernemental pour
le district de Postdam, d'après lequel l'admission d'un malade
dans un établissement privé devait dépendre de l'agrément de la
police du lieu d'origine; le ! " décembre 1886, circulaire du mi-
nistère royal de Prusse, d'après laquelle les gouverneurs étaient
invités à manifester leur avis relatif à la surveillance des établis-
sements d'aliénés privés, en le fondant sur la démonstration de
la pratique dans leurs districts ainsi que sur l'avis de la déléga-
tion scientifique. Enfin en France, tout récemment, le gouverne-
ment a fait demander leur manière de voir à tous les directeurs
et médecins des asiles d'aliénés publics. Il y a donc lieu de pro-
voquer ici, dans le sein de cette Société, les avis des gens éclairés.
L'orateur fait l'historique médico-administratif des dispositions
légales depuis la sentence du conseil d'État à la date du 29 sep-
tembre 1803 et signale les points principaux de législation inter-
nationale. Il termine ainsi :
«L'Allemagne, a sur la plupart des autres nations, l'avantage de
posséder un état-major médical plus nombreux qu'ailleurs qui se
consacre à la psychiatrie et y est passé maitre. Comme tous ces
savants ne peuvent arriver à des situations officielles, on voit ceux
qui, en grand nombre, sont attachés à leur profession chercher
par des asiles privés les éléments d'observation qu'il leur faut;
si assistés par les fonctionnaires et les lois du pays, ils peu-
.296 SOCIÉTÉS SAVANTES.
veut consacrer leurs soins au développement de leurs instituts
particuliers, le public n'a plus à se commettre avec des fon-
dations défectueuses... Et l'Etat, encombré, en usera avec
d'autant plus d'abandon que le développement de ces établis-
sements reste moins entravé. Quant aux asiles privés de mé-
diocre qualité, ils s'accommoderont avec la plus grande facilité
de l'ingérence de la police et des tracasseries qu'elle fait naître
car ils ne manquent pas de clientèle. »
Voici donc les quatre propositions fondamentales que comporte
la question à l'étude : 10 La Société Psychiatrique de Berlin ex-
pose qu'elle ne connaît pas de fait bien constaté de séquestration
illégale dans les asiles d'aliénés ; son expérience propre ne lui en a
pas plus révélé que la bibliographie; 2o Aucune immixtion de
la police dans les formalités d'admission d'un aliéné dans un asile
n'estjustifiée. 3° Pour recevoir dans un asile de traitement un
malade, il faut exiger un rapport aussi détaillé que possible du
médecin particulier qui, jusque-là, a dirigé le traitement médical,
ou d'un autre praticien amené par les autorités. Le malade une
fois entré dans l'établissement, son repos ne saurait être troublé
par des recherches relatives au diagnostic, si ce n'est à la requête
du tribunal. 4° Un asile de traitement qui a été installé en
cette qualité conformément aux exigences des temps modernes,
et qui est dirigé par un spécialiste endossant- la responsabilité, a
besoin d'une autre surveillance de l'Etat qu'un asile d'hospitali-
sation dans lequel les malades sont soignés par des gens qui ne
sont pas médecins.
Présidence de M. MENDEL.
Première question. ii-l-C)t y2l établir ci coup sûr qu'il y avait eu
des cas de séquestration illégale dans les asiles d'aliénés ?
D'après les assertions de MM. Liman, McED, JASTROWITZ, FALE, EDEL,
c'est plutôt le contraire qui eût été mis en lumière; on aurait
plutôt laissé en liberté sans traitement un certain nombre de ma-
lades.
Sur la motion de M. Jastrowitz, acceptée par 11AI. EDEL, FALK,
1LI, la rédaction du paragraphe premier est adoptée telle qu'elle
a été proposée par M. LOEiiR.
Deuxième question, relative à l'ingérence de la police dans rffd-
mission des aliénés dans les asiles d'aliénés privés. M. FALK. A
la réunion de la société des fonctionnaires médicaux de la Prusse,
en 1885, j'ai développé mes opinions en détail, sur la forme con-
venable à donner à la surveillance des asiles privés. Je me con-
tenterai de mentionner actuellement que je me suis alors expres-
sément élevé contre l'ingérence de la police de sûreté dans les
SOCIÉTÉS SAVANTES. 297
formalités d'admission d'un aliéné à un asile privé, excepté, bien
entendu, quand la police doit elle-même amener à l'asile un indi-
vidu dangereux pour les autres, pour lui-même, ou pour- l'ordre
public. Sinon il faut s'en passer, il ne faut souhaiter ni qu'elle
soit saisie du.fait, ni, etc, D'ailleurs, mon éloquence n'eut au-
cun succès; une instruction officielle prescrivit l'action ou l'agré-
ment de la police non seulement du lieu même de l'asile, mais
,de la patrie d'origine du malade ; il en résulte des longueurs, des
lenteurs, des indiscrétions. A mon avis le contrôle permanent des
asiles d'aliénés exige simplement et uniquement l'activité des
fonctionnaires médicaux du Cercle (reis) et de la magistrature
debout, activité rendue possible par les lois de l'empire. Vf\I. );nI,,
JASTROWITZ, ZENKER, SAKDER, FALK examinent les lois et les modes
de procédés selon les régions.
AI. MENDEL. Nous avons le devoir de veiller à ce que le public
acquière de plus en plus la conviction que les asiles .d'aliénés ne
sont que des hôpitaux. Eh bien ! y a t-il un pays au monde où. la
police surveille les hôpitaux et vienne donner son agrément à
l'admission et à la sortie ? Les asiles d'aliénés n'ont rien à voir
avec la police, à moins qu'il ne s'y passe des choses qui exigent
son intervention.
La motion suivante de \I11. Lan, Linan, ZENKFR entraîne l'una-
nimité de la société. « Aucune immixtion de la police dépassant la
teneur des prescriptions légales relatives aux déclarations dans le
changement de résidence, n'est justifiée en ce quia trait à l'admis-
sion d'un aliéné dans un asile. La nécessité de continuer sans
plus tarder cette discussion fait décider la tenue d'une séance
extraordinaire au 15 janvier prochain.
Séance extraordinaire du 15 janvier 1887. Présidence DE
AIM. LCEHR et Zinn.
Discussion. Troisième question, relative a la nécessité du cer-
tificat d'un médecin fonctionnaire pour recevoir un malade dans un
asile d'aliénés privé. M. Sander. La rédaction proposée par
AI. Loehr n'est pas suffisamment précise. nI, FALK. Voici ce que
je propose, et dans l'intérêt de la profession, et dans l'intérêt de
nos collègues en administration : - En principe, l'ingérence d'un
fonctionnaire médical dans la réception d'un aliéné dans un
asile d'aliénés privé est commandée. Dans le cas où, avant l'admis-
sion, il n'aurait pas été possible de se procurer un certificat de ce
médecin, la réception aurait.lieu, pour le moment, sans celte
pièce, sous la condition que, aussitôt après, le fonctionnaire médi-
cal serait avisé d'avoir à établir son certificat. » Si, en effet, il
y a, lieu d'assimiler un asile d'aliénés à un hôpital et d'en écarter
298 SOCIÉTÉS SAVANTES.
la police, on ne saurait admettre cependant une assimilation com-
plète, car en somme, on prive les malades malgré eux de la
liberté ; c'est pourquoi le public a le droit de réclamer un cer-
tain contrôle. Sans doute, on n'a jamais vu de séquestration
arbitraire, mais cela peut se produire; notons, en effet, que par-
fois les directeurs d'asiles privés ne sont pas-médecins, et qu'enfin
il faut toujours prévenir de mauvais desseins. Aussi l'Etat inter-
vient-il par son organe technique, par son fonctionnaire médical.
La dépense sera à la charge de l'Etat. Si ce fonctionnaire n'a pas
de connaissances psychiatriques suffisantes, c'est affaire à l'auto-
rité supérieure de prendre les mesures convenables.
M. EDEL. Mieux vaut que l'admission se fasse sous la sauve-
garde d'un examen médical quelconque et que plus tard le
.Ki,eisphysikits' soit envoyé aux frais de l'Etat pour se convaincre
que l'individu est bien aliéné.
M. MENDEL. Facilitez les admissions; ne faites donc pas interve-
nir la police quand un intérêt général ne l'exige pas. N'ayez pas
recours aux autorités du lieu d'origine à moins de cas médico-
légaux ; vous nuiriez au malade en ébruitant sa maladie et d'ail-
leurs en quoi cela gênerait-il l'individu qui voudrait se rendre
coupable de séquestration arbitraire. L'intervention du Kreis-
physikus pour l'admission est absolument inutile. Est-ce que le
médecin qui a délivré le premier certificat, le docteur de l'asile,
les assistants ne reconnaissent pas la maladie ? Et contre cette
majorité de médecins le rapport du physikuq, qui généralement
n'est pas psychiatre, nesauraitprévaloir. A côté de cela, la surveil-
lance de l'Etat est indispensable; elle doit être continue et active;
de la nos propositions relatives à la quatrième question. Cette
surveillance doit porter et sur les séquestrations illégales, et sur
la durée de la séquestration, et sur l'hygiène générale et sur cer-
taines conditions juridiques.
M. Jastrowitz. Le Physikus n'a rien à voir avec l'admission.
D'abord il y a des cas où on ne saurait l'appeler, parce qu'il
habite loin, parce qu'il est en inimitié avec la famille de l'aliéné, etc.
D'ailleurs, il peut bien établir son certificat après coup. On peut
toujours tourner la loi. Et puis qui paiera ? Tous les malades ne
le peuvent toujours. Enfin, s'il s'agit d'affirmer par là le caractère
de fonctionnaire du physikus, pourquoi l'Etat lui-même (ordon-
nance pour Berlin) demande-t-il qu'un praticien signe avec lui ?
Ce sont là conditions tout bonnement propres à rendre les admis-
sions difficiles.
1 On sait, depuis les nombreuses communications de tous ordres éma-
nant de l'Allemagne, que c'est le médecin officiel de l'Etat attaché à un
cercle territorial. p. K.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 299
M. Folk. Il me semble que le propriétaire d'un établissement
privé devrait s'estimer très heureux de voir écraser dans l'oeuf,
par un certificat de médecin fonctionnaire, tous les bruits calom-
nieux. Quant au second certificat, il est inutile, il a d'ailleurs été
prescrit, non par défiance à l'égard du fonctionnaire mais
pour jouer le rôle d'une sorte d'information auprès du fonc-
tionnaire. On a ordonné en outre que le Kreisphysikus fût saisi
de l'original des certificats des médecins de l'asile privé après récep-
tion du malade; eh bien ! ce fonctionnaire n'a-t-il pas toute lati-
tude ? Je suis au surplus l'ennemi des formalités d'une admission
spéciale pour les établissements d'hospitalisation pure (maisons de
santé pour chroniques); à quoi bon notamment exiger que le mé-
decin établisse un certificat d'incurabilité hâtif ? Dans la plupart
des cas, il est mauvais de prime abord d'admettre ou de rejeter
l'incurabilité. Je suis l'ennemi également des inspections par une
commission, car les mesures propres aux autres établissements
hospitaliers conservent toute leur valeur pour les asiles d'aliénés.
En effet, à partir de l'instant où le parquet est informé de l'ad-
mission d'un malade dans un asile d'aliénés, et par suite, devient
libre d'introduire l'inslance en interdiction, la question de sé-
questration arbitraire n'a plus de raison d'être; les inspections
n'ont donc plus qu'à s'occuper d'hygiène et de formalités admi-
nistratives.
M. JASTROWITZ. Un asile privé est un organisme très fin et très
sensible. Simplifiez les admissions le plus possible. Il suffirait
d'un certificat d'un médecin approuvé, certificat que nous pré-
senterions au Playsihus préposé à la surveillance de l'établisse-
ment. A quoi bon s'adresser au lieu d'origine du malade ?
M. Kanzow. L'aliéné avant tout ! Ce qu'il faut d'abord et au plus
vite, pour lui assurer les bénéfices d'un traitement approprié et
rationnel, c'est faciliter le plus possible son admission dans un
établissement bien conduit. La police n'a donc à intervenir que
quand se dressent des questions de danger public, de fugues par
défaut de surveillance etc.; mais, dans ces cas, il vaudrait mieux
que la séquestration ei7tlieu dans un établissement appartenant à
la police. Sinon c'est au médecin seul qu'appartient l'apprécia-
tion de la nécessité et du quomodo de la séquestration ; c'est sur
un certificat de lui qu'elle doit être faite. Mais il n'est pas toujours
facile d'obtenir le concours immédiat d'un médecin fonctionnaire
ou non. Laissez donc latitude au directeur. Du reste nécessité ou
faculté d'admettre, nécessité ou faculté de détenir, sont deux
choses différentes. Le maintien d'une séquestration tombe sous le
coup de la surveillance de l'Etat. La direction doit donc être
tenue de fournir les preuves sur-le-champ.
En ce qui concerne la surveillance de l'Etat dans les établisse-
300 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ments d'aliénés privés, ce n'est ni à la police ni à l'adminis-
tration centrale, qui manquent de spécialistes, qu'il faudrait la
confier, mais bien au E ? '6 ! Sp/K/s ! M. C'est ce qui fonctionne
dans le district de Postdam. Le directeur de l'asile prévient sur-le-
champ le parquet de toute admission, ou le fonctionnaire étran-
ger quand il s'agit d'un étranger, et fait sa déclaration au Kreis-
physikus. Celui-ci détermine exactement les conditions qui ont
- présidé à l'entrée, prend connaissance des papiers du malade, ré-
clame ceux. qu'il lui faut, examine le patient. S'il hésite à valider
l'admission, la police entre en jeu. Sinon, en cas de réclamation,
rapport d'un médecin compétent concluant à la séquestration.
Il y a, somme toute, une différence à établir entre les asiles de
traitement et les asiles d'hospitalisation pour incurables. A l'é-
gard de ces derniers on atout le temps voulu pour en parler ;
il y a souvent antérieurement interdiction ou réquisition de
police.
Après présentation de preuves et constatations à l'appui, les au-
torités n'ont'pas besoin d'un rapport médical ni d'une observa-
tion détaillée en faveur de l'admission; mais, si le malade de-
meure dans l'établissement, il faut que l'observation journalière
soit aussi exactement prise que possible. La surveillance l'exige.
Plus tard, la surveillance sera faite par le Physikus. De trop fré-
quentes inspections sont inutiles et même nuisibles.
M. MENDEL. Effectivement, la plus mauvaise chose que l'on
puisse faire, c'est de décider l'intervention du Kreisphysikus à
propos de l'admission. Mais, comme fonctionnaire supérieur du
service sanitaire, il a le droit d'inspecter l'asile, de même que tout
autre hôpital, et déconsigner ses remarques, ses observations, en
ce qui concerne la nécessité de la séquestration, et sa justifi-
cation. '
M. SANDER. Il vaut mieux que le Physiktas vienne aussitôt après '
l'admission, car quatre semaines plus tard, quand le malade, un
peu habitué à l'établissement, est en voie de traitement, sa ve-
nue serait plutôt nuisible. Il est nuisible non pas parce qu'il re-
fusera l'admission. Voici où est 'le danger. Jadis, c'étaient des
médecins ayant blanchi sous le harnais dans les asiles publics ou
des médecins prenant un vif intérêt à l'aliénation mentale qui
installaient des asiles privés. Aujourd'hui, qui le fait ? Quelles es-
pèces de gens ? Quelles garanties offrent-ils ? Quel bon médecin
ira s'exposer aux vexations qui sont attachées à un asile privé ? ' ?
Et cependant l'Etat a intérêt à avoir de bons asiles privés, car
il ne peut suffire avec ses asiles publics aux gens aisés. Or, pour
avoir de bons asiles privés , il faut leur épargner des vexations
superflues.
Quatrième question relative à la surveillance des asiles privés.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 301
M. EDEL accepte l'idée de l'inspection par une commission plutôt
que par le fonctionnaire actuel ; mais on doit en limiter les pou-
voirs à l'hygiène et aux principes sanitaires, sans lui accorder le
droit de décider qu'un individu séquestré est malade ou non ;
il faut pour cela un examen approfondi qui exige du temps
qu'elle n'a pas, et les fonctionnaires proposés n'ont pas qualilé
pour cela.
M. FALK. Créer une fonction d'inspecteur du service des aliénés
au ministère n'est pas nécessaire. A côté du bureau central des
requêtes, existe une corporation spéciale dans laquelle la psy-
chiatrie est représentée.
hI. 111ENDrL. C'est à l'Etat qu'incombe le devoir d'instituer une
minutieuse surveillance des asiles d'aliénés. Une commission est
nécessaire à l'Etat, et nécessaire aux directeurs, qu'elle préserve
des attaques et des calomnies. C'est dans son sem que le psy-
chiatre lèvera les doutes et détruira les suspicions du magistrat,
éclairera sa religion quand il prendra en mains les questions de
droit de quelques malades. Au Physikus ou conseiller médical du
gouvernement seront laissées les questions d'administration pure
et d'hygiène.
M. SCANDER se prononce contre une commission, parce que la
responsabilité est disséminée entre les membres composants, alors
qu'en réalité un seul est prépondérant. Or, l'aliéniste ne peut
acquérir de certitude qu'en observant bien et longtemps le ma-
lade, en ayant à sa disposition de sérieuses notes, en appelant à
la rescousse d'autres médecins aliénistes ou légistes qui font au-
torité.
L'Assemblée décide finalement de confier les résultats de cette
discussion à une commission qui devra les transmettre à qui de
droit. Cette commission se compose des membres du bureau :
MM. GUTTSTADT, LOEHR,MENDEL, MOELI, ZINN. On adopte la rédaction
suivante :
1° La Société Psychiatrique de Berlin expose que son expé-
rience personnelle, non plus que les recherches bibliographiques,
ne lui ont pas montré qu'il y. ait eu des cas de séquestration arbi-
traire par les asiles d'aliénés publics ou privés.
2° 11 n'y a pas lieu d'admettre la police à intervenir pour l'ad-
mission d'aliénés dans un asile privé, excepté quand la sécurité
publique l'exige. Cette intromission ne se justifie point, tant
qu'il ne s'agit pas des prescriptions légales relatives aux déclara-
tions de changement de domicile.
3° Faire dépendre l'admission d'un aliéné dans un asile privé
de l'apport d'un certificat d'un médecin-fonctionnaire, c'est léser
les intérêts des malades et de leurs familles; c'est un besoin qui
jusqu'à ce jour n'est pas démontré. '
302 SOCIÉTÉS SAVANTES.
4° D'accord en cela avec le voeu répété de la Société des méde-
cins aliénistes allemands, la Société psychiatrique de Berlin expose
qu'il n'est pas le moins du monde nécessaire d'appeler au minis-
tère des cultes, de l'instruction publique et des affaires médicales
un directeur d'asile expérimenté, pour inspecter et diriger l'assis-
tance des aliénés dans la monarchie '.
(Allg. Zeitsch., f. Psych. XLIV, 1.) P. IGR,1V.4L.
Séance du 15 juin 4 887. Présidence de M. L.OEHR senior.
Cette séance, de fin d'année, s'ouvre par le résumé des travaux
de la Société et le renouvellement du bureau. Par acclamation,
sont réélus : MM. La;an sert., MINDEL, MOELt, GUTTST.%DT et ZINN,
ces deux derniers secrétaires.
M. MENDEL. Un cas de folie gémellaire. A propos d'un cas em-
prunté au travail de M. Euphrat, l'orateur communique unie
observation de folie induite qu'il a vue dans ces derniers temps.
Vers le 13 mai, une jeune fille de vingt-deux ans, dans la famille
de laquelle il n'y a pour tout antécédent héréditaire qu'un oncle
paternel aliéné, fut prise d'hallucinations de l'ouïe : «Les gens lui
adressaient des injures et lui reprochaient de se prétendre le bon
Dieu, l'accusant de fierté, de présomption vaniteuse ; sous ce pré-
texte ils voulaient la transporter dans un hospice. » Elle se met alors
à réciter des versets bibliques et des psaumes ou des cantiques,
pour gagner son salut, s'agite, et, de temps à autre, devient ma-
niaque. Diagnostic. Folie systématique hallucinatoire aiguë. Huit
jours après, la mère de cette enfant, dans la famille de qui on ne
constate aucun trouble mental, présente exactement les mêmes
phénomènes. Sa fille lui a dit qu'elle a un aveu sur le coeur : « Ce
secret mystérieux, c'est le péché. » Dieu lui parle, il faut qu'elle
- prie et travaille. Répétition, à peu près termes pour termes, des
idées délirantes de la jeune fille.
Discussion : - M. WErtDT parle d'un cas de folie gémellaire sur-
venu chez deux soeurs ayant toujours vécu ensemble, bornées d'ail-
leurs et originales, qui furent, vers le milieu de leur vingtième
année, simultanément affectées de manie légère. L'une d'elles
fut soignée pendant neuf mois à l'asile, où elle guérit. Puis
on y conduisit l'autre. Ressemblance physique et psychopathique
identique. Pas d'hérédité. M. ZiNN. La mère dont parle
M. Mendel vient d'être admise à Eberswalde. Il n'a, lui, observé
1 A l'unanimité, la Société des aliénistes de la Basse-Saxe et de West-
phalie a souscrit aux mêmes conclusions, dans sa séance de Hanovre
le 2 mai 1887.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 303
qu'un exemple de folie gémellaire, dans lequel le père et la mère
étaient aliénés. Les deux jumeaux avaient été élevés séparément
en des familles différentes. Tous deux furent affectés à un an et
demi ou deux ans de distance de folie systématique halluci-
natoire.
M. HASSE traite depuis quelque temps un couple gémellaire
(femme et fille), atteint de mélancolie avec angoisse très accusée de
couleur hystérique très marquée. La jeune femme a vingt-six ans;
elle est devenue aliénée quatorze jours après avoir mis au monde
son premier enfant. Il y a six ans, sa soeur a été aliénée comme
elle. Chez les deux malades, il y a une tendance au suicide très
intense. La jeune femme, en traitement depuis trois mois, allait
mieux, quand elle apprit qu'il y a six semaines on venait d'ad-
mettre sa soeur à l'asile; elle retomba malade. Identité de ressem-
blance physique et psychopathique. Hérédité très chargée. Il y a
dix ans, la mère a eu une mélancolie très grave, mais dont elle
a parfaitement guéri en dix-huit mois de traitement : une légère
récidive ultérieure put évoluer dans la famille même. Chez la
jeune femme, hallucinations très marquées de l'ouïe et de la vue,
et de temps à autre du goût. Il en est de même chez sa soeur, mais
c'est l'angoisse qui prédomine actuellement.
M. P. REHSI. Un cas d'intoxication par la paraldéhyde. Il s'agit
d'un négociant de trente-six ans, qui, à la suite d'une vie mouve-
mentée et très accidentée (voyages aux colonies), d'excès d'opium,
et d'un travail excessif, prit, par prescription médicale, pour com-
battre une insomnie avec agitation, sensation d'angoisse, misan-
thropie, à partir du milieu de novembre 1885, de uneàquatre cuil-
lerées par soirée, en augmentant progressivement la dos 3, d'une so-
lution composée de : rhum 60 grammes, paraldéhyde 20 grammes.
Si bien que finalement il absorbait d'un coup la potion
presque entière. Bons résultats. Mais aumilieu de décembre,bouil-
lonnements congestifs, tremblements et convulsions des membres,
angoisse, brûlure épigastrique, nausées, vomituritions, étouffe-
ments, vomissements, excitabilité, dépression, tristesse, incapa-
cité au travail, hébétude, allure enfantine timorée et penaude.
rougeur de la tête, parole lourde et hésitante; il ne peut que
donner quelques signatures dans l'après-midi. Après avoir, durant
quelques jours, cessé l'usage de la paraldéhyde, il fournit quelques
renseignements : sa mémoire est bonne, le travail physique ou
intellectuel l'épuisé vite, il n'a plus d'énergie, redoute tout, tremble
et devient confus, s'arrête de parler et se met à trembler sans
raison surtout des bras, de sorte qu'il est incapable d'écrire. Con-
servation de sa force, exagération excessive des réflexes, incerti-
tude dans les mouvements quand on lui ferme les yeux, pas
d'hyperesthésie sensorielle, mais pleure quand il entend de la
304 SOCIÉTÉS SAVANTES.
musique. Pupilles de moyen volume, égales, réagissant bien.
Serait devenu vite myope pendant qu'il prenait la paraldéhyde.
Fond de l'oeil normal ; vaisseaux à peine un peu dilatés. Odorat
normal. Goût troublé par la paraldéhyde. Excitabilité galvanique
normale; diminution de l'excitabilité faradique; rougeur, tumé-
faction, surcharge graisseuse de la peau du tronc jusqu'au nombril;
sudation, surtout à la paume des mains. Intégrité de la respiration.
P 150. Chaleur céphalique avec angoisse précordiale. La langue
sort droite, mais elle estagitée de tremblements fibrillaires, très
rouge, plus grosse que normalement, et présente un enduitsaburral
au centre. Pas d'appétit et cependant peu d'amaigrissement. Selles
assez régulières. Légers accidents hémorrhoïdaux remontant à
l'usage de la paraldéhyde. Ventre tendu non douloureux. Foie
augmenté de volume. Urine claire; ni sucre ni albumine. Vie
sexuelle demeurée normale. - La suppression du médicament
ramène l'insomnie, mais les autres accidents diminuent. Le troi-
sième soir on lui donne un peu de bromure qui n'agit que deux
jours plus tard après addition de 0,50 d'hydrate de chloral. Le
lendemain, mieux-être, pas de vomissements, un peu d'appétit.
Au bout de trois semaines, a repris ses allures, ses occupations; le
matin de ce jour a encore eu un tremblement assez fort
mais le pouls est normal, le malade a augmenté de deux livres
et peut écrire l'après-midi. Encore une semaine, et il dort bien,
sans aucun médicament; aspect de la santé, activité, tremble-
ment des mains : faradisation au pinceau salutaire sur les avant-
bras. Guérison dans le courant du mois de mars. Le 10, il a repris
toutes ses occupations : il ne lui reste que des pituites matutinales
mucoséreuses exactement comme chez les alcooliques avec lipo-
thymies.M.Rehm croit que l'économie du malade avait manifes-
tement été détériorée avant l'usage de la paraldéhyde, que les
soixante grammes derhum qui constituaient le véhicule du médica-
ment ne sauraient avoir agi comme toxique sur un sujet de
ce genre, que c'est bien, par suite, la paraldéhyde qui l'a empoi-
sonné. Les accidents disparurent, d'ailleurs, par la cessation de la
paraldéhyde, tandis qu'il continuait à prendre du cognac.
Discussion - M. Lmttn sen. On fait dans son asile un usage très
fréquent de paraldéhyde depuis des années; on ne se sert pres-
que plus du chloral. Elle n'a pas de désavantages malgré son
goût et son odeur. Seulement, il la tire de la fabrique deSchering
et l'emploie à la dose de 3 à 8 grammes.
M. HEBOLD (de Sorau). Un cas d'atteinte du nerf vague dans la
paralysie progressive. Il y a six ans, traumatisme céphalique,
syphilis : puis, délire des persécutions avec plaintes de douleurs de
tête et de battements de coeur. En janvier 1886, crise laryngée
caractérisée par une dyspnée brutale, des battements de coeur,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 305
des douleurs de tête. Plus lai il, tremblement dans les bras et les
jambes, parole chevrotante, idées de suicide. Pouls à peine per-
ceptible, pas tout à fait régulier. Les accidents paralytiques crois-
sent ; la démarche devient difficile; la parole, indistincte; l'an-
goisse fait place à une courte agitation; après quoi le malade
reprend sa bonne humeur, tout en restant un peu pleurard. En
août, attaque congestive apoplectiforme laissant après elle des
phénomènes paralytiques très marqués. Finalement apathie (se
plaint continuellement, exclusivement de-ses battements de coeur) ;
il meurt dans un accès (respiration difficile, stridente, avec accélé-
ration du pouls, et hyperthermie). A l'aMfopSM, altérations pul-
monaires, identiques à celles des lapins dont on a coupé le nerf
vague; dégénérescence graisseuse peu accusée du myocarde au
microscope, le noyau bulbaire du nerf pneumogastrique et de
l'accessoire présente une petite partie dégénérée (friabilité avec
petites taches apoplectiques).
M. Il. Loeiir. De l'acétonurie chez les aliénés. Nouvelles recher-
ches. D'abord, il ne faut croire à l'existence de l'acétone dans l'urine
que quand le produit de la distillation de celle-ci présente : 1° dé-
gagement d'iodoforme par addition d'iodure d'ammonium ioduré
ou de teinture d'iode et d'ammoniaque ; 2° coloration rouge par addi-
Lion de lessive de potasse et de nitro-prussiate de soude, coloration
passant au pourpre quand on acidulé par l'acide acétique, enfin
quand l'urine distillée dissout l'oxyde de mercure dans une solution
alcaline, ou encore lorsqu'on obtient une coloration rouge par addi-
tion de nitro-prussiate de soude etd'ammoniaque acidulés par une
goutte d'acide acétique. Il y a diacéturie quand le perchlorurede fer
forme dans l'urineune coloration rougeâtre qui pâlit par l'ébullitiou
ou par l'addition d'acide sulfm ique, et qu'on trouve dans le produit
de la distillation de l'acétone (réactions upra).Or, fièvre et
diabète mis à part, chez les aliénés à désordre très accusé dans
les idées et en état d'agitation , l'acétone ne se montre dans l'u-
rine que lorsque, parla sitiophobie, l'inanition entre enjeu. Sou-
vent l'acétonurie apparaît vingt-quatre heures après que l'aliéné
s'est réduit à la beurrée ou à une petite quantité de lait; a for-
tio ? ,i, s'il n'a rien mangé pendant cette journée ; on la trouve tou-
jours quand l'inanition absolue compte trente-six heures. Apriori,
on peut admettre que l'agité qui épuise promptement par ses
exercices musculaires excessifs sa provision d'albumine excrète plus
facilement de l'acétone.- Malheureusement, l'acétonurie ne peut
servir d'indication pronostique relativement aux dangers de l'i-
nanition des sitiophobes, l'acétone apparaissant très tôt dans l'u-
rine, et la quantité d'acétone étant très difficile à déterminer, et
d'une manière très inexacte. D'un autre côté, il n'est pas non plus
démontré que sa disparition ultérieure graduelle dénote la né-
cessité de l'alimentation forcée. Sans doute, eu théorie, l'acétone
Ancnrvrs, t. W'I. 20
306 SÉNAT.
provenant de l'albumine, sa diminution dans l'urine indique que
l'albumine des tissus va manquer. Sans doute aussi , d'après de
Jaksch, la diacéturie représente un degré de plus que l'acétonurie
et doit donner à réfléchir invariablement. Mais, on peut dès les
premiers jours de l'inanition rencontrer de la diacéturie qui, en
somme, y est presque aussi fréquente que l'acétonurie, sans que
l'évolution clinique diffère.Dans le diabète même, il peut arri-
'ver qu'il y ait acétonurie abondante et non diacéturie, jusque
dans la période comateuse mortelle, tandis qu'un diabétique con-
servant un état de santé satisfaisant présentera de la diacéturie
et pourra même guérir de ses troubles intellectuels en pleine
phase diacéturique.
M. ZiiN. Débilité mentale. Incendie. Rapports contradictoires.
Rapport suprême décisif. Ce fut lui qui conclut à l'irrespon-
sabilité certaine. La séance est close à cinq heures. Prochaine
réunion le 15 décembre 1887. (Allg. Zeilsch., XL1V, 45.)
' P. ILIiA V.1L.
SÉNAT
DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS
Sicite de lct séccnee dZt sctnzc.li r décenzbre 18SG c.
\l. CAZi : LLES, commissciire dcc Gouuerczcnzeat. Messieurs, l'hono-
rable M. Combes, en finissant son discours, vient de vous dire
que vous feriez à la magistrature un cadeau dangereux si vous lui
donniez le droit de statuer sur l'internement d'tili ,iliéiié.Je dirai,
moi, en commençant, que vous feriez au corps médical un
cadeau très dangereux si vous lui donniez, pour la première fois,
le droit de prononcer des séquestrations. (Très bien ! à gauche.)
Ce n'est pas moi qui pourrais avoir quelque chose à reprendre
aux paroles d'éloge prononcées dans cette enceinte par l'hono-
rable M. Combes à l'endroit du corps médical ; mais je puis dire
que le corps médical n'a jamais pétendu jouir du droit d'être un
pouvoir dans l'Etat. L'argumentation de l'honorable M. Combes
roule tout entière sur cette idée dominante que le médecin
doit rendre des décisions. (Approbation sur les mêmes bancs.)
1 Voy. Arch. de Neurologie, t. XH, p. 13a, : a, 439; t. XIV, p. 13,
307, S ? 1; t. YV, y. 13b, 311, iS7; t. \'l, fi. lUl.
SÉNAT. 307
Mais jamais un médecin ne donne de décisions ! Il donne des
avis, et lorsqu'il remplit une fonction sociale, ce qui est le cas,
dans le concours qu'il cloU donner à l'application de la loi sur les
aliénés, ou lorsqu'il remplit sa fonction privée, lorsqu'il est appelé
auprès d'un malade pour lui donner des soins, il fait exactement
la même chose : il ne donne qu'un avis, un avis compétent, que
lui seul peut donner; mais c'est aussi un avis que le malade est
libre de suivre ou de ne pas suivre. C'est aussi un avis que le corps
social, représenté par l'autorité qui doit prononcer la séquestra-
lion. sera libre de suivre ou de ne pas suivre. C'est bien là l'es-
prit de la loi.
M. nr G.1V.1RDIE. Ce sera toujours un avis que donnera le méde-
cin. Dans aucun cas, ce ne sera une décision. (Bruit.) 11 faut que
la question soit bien posée.
M. le commissaire du ; Gouvernement. Je crois que je l'ai posée
nettement, en disant que le médecin ne donne jamais qu'un avis.
M. de GAVARDIE. C'est ce que nous soutenons aussi.
M. Tkstelin. Je demande la parole.
M. le commissaire du Gouvernement. Ainsi, lorsque le médecin
écrit sur une feuille de papier l'avis qu'il a donné auprès du lit
d'un malade, on appelle cet.écrit une ordonnance, mais pas un
ordre. Le médecin que vous allez charger du titre d'inspecteur des
aliénés doit donner son avis dans les cas de séquestration. Il sera
appelé à formuler une opinion, et non pas à donner un ordre
d'internement. Et pourquoi le chargez-vous de ce soin ? En sui-
vant la discussion de la loi qui est soumise à vos délibérations,
on s'aperçoit bien vite que le Gouvernement, la commission et
même l'opposition ne trouvent pas grand'chose à reprendre à la
loi de 1838.
M. TESTEHN. C'est évident !
M. le commissaire du Gouvernement. Ils pensent que cette loi de
1838 a sauvegardé et suffisamment protégé jusqu'ici la liberté des
citoyens. Cependant, elle n'a pas échappé à des critiques, et c'est
précisément pour cela que vous êtes occupés à la reviser et à lui
ajouter des dispositions destinées à combler des lacunes. Vous
l'avez fait pour quelques-unes ; et il ne reste plus qu'à empêcher,
autant que possible, que des accusations soient portées désormais
contre le corps médical et contre l'administration. On croit géné-
ralement et c'est pour cela que le public s'émeut qu'il suffit,
en vertu de la loi de 1838, de l'avis d'un médecin complaisant et
des mauvais sentiments d'une famille pour décider et faire passer
en acte la séquestration d'un aliéné, ou d'une personne dont les
facultés mentales sont légèrement dérangées sans être pour cela
incompatibles avec la jouissance de la liberté commune, ou même
d'un individu sain d'esprit.
308 SÉNAT.
Je suis heureux de voir que, dans le apport de M. Roussel, cet
ordre d'idées est traité très rapidement, et qu'il résulte du texte
que les accusations qui ont été portées contre l'application de la
loi de 1838 ne sont pas bien sérieuses. Cependant, ces accusations
ont fait du chemin, et l'opinion vous oblige à prendre des me-
sures pour qu'elles ne puissent plus se reproduire. On dit aujour-
d'hui qu'il suffit de l'avis d'un médecin complaisant pour qu'un
aliéné ou un prétendu aliéné soit séquestré. On veut une garantie
que ces faits n'auront plus lieu, et cette garantie il faut la chercher.
Allez-vous la demander encore aux médecins ? Vous créez fonc-
tionnaire un médecin-inspecteur ? Allez-vous le charger lui-même
de décider aussi si le prétendu aliéné est réellement aliéné ? Il
est parfaitement compétent, et lui seul est compétent pour don-
ner cet avis. Allez-vous le charger de faire plus et de décider,
comme M. Combes et les signataires de l'amendement, que
l'internement sera effectué, c'est-à-dire que la partie essentielle
du traitement, qui est l'isolement par séquestration dans un
asile, sera prononcée ? Si vous le faites, vous vous trouvez en
présence de la même accusation.
Le soupçon qui s'est attaché au premier médecin qui a fait le
certificat et au second médecin celui de l'asile, qui certainement
est moins suspect, qui n'a pas de relations avec la famille, ce
soupçon s'attachera au troisième, et vous en joindriez un qua-
trième qu'il n'y échapperait pas davantage. Ainsi, il n'y a pas
d'autre moyen d'éviter ces accusations que de rechercher une
autorité à laquelle on puisse conférer le soin de prononcer si l'a-
liéné sera interné ou laissé en liberté.
11 y avait deux moyens de résoudre la question. Le premier,
c'était de ne pas s'écarter beaucoup de la loi de 1838 et de traiter
les placements volontaires comme la loi de 1838 traitait les place-
ments d'office ; c'était de faire intervenir l'administration préfec-
torale et de demander aux préfets un ordre de séquestration, dans
le cas où, après avis du médecin traitant et du médecin de l'asile
dans lequel l'aliéné avait été placé, il était bien constaté que le
malade était aliéné. Mais ici se présente la même difficulté. L'ad-
ministration préfectorale n'a pas échappé aux soupçons, et bien
qu'on n'ait pu élever aucune accusation formelle, bien qu'on
n'ait pu citer aucun fait, qu'il ne s'en soit même pas présenté un
seul...
M. de Gavardie. A la bonne heure !
51. le commissaire du Gouvernement.... où l'administration pré-
fectorale ait pu être légitimement ou même injustement accusée
d'avoir participé à la séquestration d'un citoyen ; malgré cela,
comme le soupçon s'attache à l'autorité du préfet l'honorable
M. de Gavardie le disait lui-même dans une précédente séance
SÉNAT. 3(.)'.) )
je ne veux pas du contrôle du préfet, il ne faut pas confier au préfet
le droit de prononcer la séquestration. Que vous confiiez le droit
de séquestration provisoire, une séquestration d'attente, si vous
me permettez cette expression, rien de mieux. Il ne peut, en effet,
en être autrement.
Le préfet est investi des fonctions d'officier de police judiciaire,
et encore aujourd'hui il ne fait pas, en pareille circonstance, autre
chose, lorsqu'il agit en vertu des attributions qui lui sont confé-
rées par le code d'instruction criminelle ; il peut donc faire une
séquestration provisoire, une séquestration d'attente, et le Gou-
vernement accepte ce rôle pour les préfets, dans ces conditions.
Mais il croit devoir mettre ces magistrats à l'abri du soupçon qui
subsiste toujours, et que l'honorable M. Combes vous a parfaite-
ment dépeint, en confiant le soin de statuer définitivement sur la
liberté individuelle de l'aliéné à un corps qui a justement pour
mission dans la société de décider dans tous les cas qui touchent
à la liberté d'une personne ou à son état. Ce corps-là jouit d'une
qualité tout à fait exceptionnelle; il jouit d'une véritable infailli-
bilité. Je ne parle pas, bien entendu, de l'infaillibilité au point
de vue philosophique. Les décisions de la magistrature sont des
décisions d'hommes, et, comme les décisions d'hommes, elles sont
parfaitement susceptibles de mettre l'erreur à la place de la vérité.
Mais je parle de l'infaillibilité légale, de celle qui doit exister
dans toute société et qui consiste tout simplement à empêcher
tout recours contre les décisions. Est-ce que le médecin peut pré-
tendre à une infaillibilité de ce genre ? Mais il ne peut pas la ré-
clamer même dans l'exercice privé de sa profession. Il n'est pas
besoin d'être médecin pour le savoir : il suffit d'avoir été malade.
Personne n'ignore quel doute s'élève dans l'esprit des malades
sur la valeur du conseil que le médecin adonné. On ne peut donc
pas véritablement confier au corps médical, confier à un médecin,
quelles que soient les garanties qu'il ait données par ses études,
par les concours, par sa pratique, un droit qui n'est pas un droit
de simple avis, mais qui le constituerait à l'état d'autorité, qui
ferait de lui le représentant du corps social, qui lui donnerait le
droit de priver un malade ou un citoyen de sa liberté pendant un
certain temps.
M. Comues. En fait, c'est ce qui va se produire avec votre système.
M. le commissaire du Gouvernement. Je ne le crois pas.
M. Connes. Mais si la commission avait déclaré que le tribunal
statuerait d'après l'avis conforme du médecin inspecteur... (Ru-
meurs à gauche.) Permettez, je ne parle que de l'argumentation
de M. le Commissaire du Gouvernement. Si la commission avait
dit cela, voire argumentation serait bonne.
M. le commissaire Dr GOUVERNEMENT. Si la commission avait mis
310 SÉNAT.
ces mots : « D'après l'avis conforme», je combattrais le texte de
la commission comme je m'oppose à celui qui est présenté par
M. Combes.
M. Combes. Cependant... (Protestations à gauche.)
M. le PnÉsfDENi ? e vous en prie, M. Combes, vous aurez la pa-
role tout à l'heure.
- M. le commissaire dû Gouvernement. Il ne faut pas que le corps
médical soit appelé à dicter une décision administrative. Il y a
dans le corps social une autorité chargée de ce rôle ; ce rôle, per-
sonne ne peut l'exercer à sa place. (Très bien ! à gauche.) Je ne
pense pas que cette compétence que je refuse aux magistrats
puisse être confondue avec la vraie compétence qui leur appar-
tient, qui est toute légale, qui est de déterminer si, étant donné
un avis du médecin, cet avis doit être suivi. M. Combes disait tout
à l'heure que si la loi indiquait que le tribunal pourrait s'éclairer
par d'autres avis que l'avis des médecins, il comprendrait son rôle
et sa compétence. Mais il va de soi que le tribunal pourra de-
mander des informations autres que des avis médicaux, et cela
n'a pas besoin d'être inscrit dans la loi.
Ce que vous devez prescrire dans la loi, c'eslque pour toutes les
informations que le tribunal ne peut pas se procurer sans s'a-
dresser à des hommes spécialement compétents, ayant la com-
pétence scientifique et l'ayant seuls, il ait recours au\- médecins.
Cela fait, vous n'avez plus rien à prescrire, vous êtes certains que
le tribunal sera éclairé sur la question de la maladie; il ne l'est
que par les dispositions que vous prenez. Mais il le sera pleine-
ment, et, quand il aura été assez éclairé, je suis bien persuadé
qu'il ne rendra des décisions que dans l'intérêt de la liberté et
dans l'intérêt des aliénés. (Très bien ! très bien ! )
M. de Gavardie. Je demande la parole.
M. Testelin. Pardon ! je l'ai également demandée.
M. le Président. M. 1'esterlin avait demandé la parole avant vous,
monsieur de Gavardie. La parole est à M. Testelin.
M. Testelin. Messieurs, c'est avec une grande hésitation que je
monte à celte tribune. Je me trouve d'abord en présence d'une
commission dont je respecte infiniment le savoir, et la thèse a été
si bien soutenue tout à l'heure par mon honorable collègue
M. Combes, que j'ai véritablement beaucoup de difficultés à trou-
ver de nouveaux arguments à vous présenter. D'un autre côté,
M. le Commissaire du Gouvernement est un homme si distingué,
que son opinion m'en impose beaucoup, je le déclare. Il a dit :
Mais alors ceux qui ont déposé un amendement comparable à ce-
lui-là devraient être partisans de la loi de 1838. Assurément,
quant à moi, à part la garantie de la fortune des aliénés, je ne
vois pas ce qu'il y avait à changer à la loi de 1838.
SÉNAT. 311
11. or Gw.wnc. 'frès hien.
M. 'l'li3TELIV..Ie déclare qu'à mes yeux, c'est une des lois les plus
humaines, les plus politiques et les mieux conçues que j'aie jamais
vues et que j'aie jamais lues. Jamais l'esprit humain n'a fait un
effort aussi considérable et n'a fait accomplir à une question, d'un
seul coup, un aussi grand progrès. Et la preuve, c'est que toutes
les autres nations se sont empressés de copier notre loi.
M. de Gavardie. A la bonne heure 1 (Sourires.)
M. le Rapporteur. C'est vrai 1
M. Testelin. Mais ici, il s'agit d'une question de malades, car,
au bout du compte, qu'est-ce qu'un aliéné ? C'est un malade. Oh !
cela n'a pas toujours été reconnu, et cela n'a pas été facile à faire
admettre. Le combat dure depuis longtemps, car IIippocrate, le
père de la médecine, disait déjà, en parlant de l'aliénation men-
tale : « Non, ce n'est pas une maladie divine plus que les autres,
c'est une maladie comme les autres.» Il a fallu que les médecins
arrachassent les aliénés, pour ainsi dire, à la superstition. La so-
ciété païenne les regardait avec une pitié mêlée de crainte. On
les croyait presque les favoris de la divinité ; on les consultait.
La plupart, et les pythies comme les sibylles, n'étaient pas autre
chose que des aliénées.
M. de Gavardie. Des aliénées volontaires !
M. Testelin. Puis, ensuite, la superstition chétienne, passez-moi
le mot, les a traitées beaucoup plus durement.
M. de Gavardie Oh ! 1
M. 1'csTH;cm. Je ne dis pas « catholique », je dis « chrétienne »,
car les protestants se sont conduits absolument comme les catho-
liques à cet égard-là ! On en a fait alors des possédés, je ne
m'étends pas sur toutes les conséquences de ce mot, puis des
criminels; c'est la loi de 1838 qui les a arrachés à cette définition
de criminels.
Je dis donc que puisqu'il s'agit d'une question médicale, c'est
la médecine qui devrait avoir la haute main. Je ne réclame pas
du tout pour les médecins le privilège de déclarer qu'un malade
restera enfermé ou ne restera pas enfermé. La loi de 183S ne
disait pas cela, notre amendement ne dit pas cela; c'est absolu-
ment l'amendement de l'honorable M. Bardoux, sauf une phrase
que nous retranchons : le recours à la chambre du conseil. Hé ! 1
messieurs, ne trouvez-vous pas ceci étrange : Pourquoi enferme-
t-on les aliénés ? Parce que ce ne sont pas des malades comme
les autres ; ce sont des malades dangereux pour eux-mêmes,
dangereux pour la société. C'est donc et pour les préserver et
pour préserver la société qu'on les enferme. Voilà un premier
point. Mais il y en a un second : c'est que presque toujours c'est
le meilleur mode de traitement.
312 ), SÉNAT.
Certainement, dans la classe très riche, où l'on peut isoler un
aliéné de tout son ancien entourage, de toutes les conditions au
milieu desquelles il est devenu malade, cela fait le même effet
que s'il était enfermé dans un asile ; mais la grande majorité
des citoyens qui ont des parents atteints d'aliénation mentale ne
peuvent recourir à ce procédé. Eh bien, ne trouvez-vous pas
étrange qu'il faille un tribunal pour décider qu'un malade sera
traité d'une façon ou d'une autre, car ce n'est pas autre chose ?
La chambre du conseil va donner la permission à des parents de
faire traiter leur parent par un procédé qui peut amener la gué-
rison...
M. Mazeau. Et les conséquences, au point de vue de la fortune ?
M. Morellet. Et même au point de vue politique ?
M. TFSTELIN. Il me semble que j'ai des adversaires assez redou-
tables sans qu'une collection d'interruptions vienne me couper la
parole.
M. IIARTHÉLEllY-5.11\T-IIIL : 11111 ? Vous n'en avezpaspeur ! (Sourires.)
M. ÏESTEDX. Je reprends le fil de mon discours. Il va falloir un
jugement pour déclarer que vous pouvez vous faire traiter; puis
un second jugement pour déclarer que vous êtes guéri. L'autre
jour, on avait peur d'un registre sur lequel on écrirait les noms
des aliénés ; mais ici, vous allez avoir un double casier judiciaire,
si vous procédez ainsi : un casier constatant qu'ils sont aliénés,
et un second casier constatant qu'on les croit guéris.
M. de GAvAiiDiE. Parfaitement !
M. le rapporteur. C'est une erreur !
M. TESTELIN. Vous trouvez que cela est une bonne chose ? ...
N. LE rapporteur. Non, ce n'est pas dans la loi !
111. TETELIn.... Pour moi, je ne le peuse pas.
Mais il y a autre chose. On dit : Comment ! vous voulez que sans
l'intervention de la magistrature on puisse détenir un citoyen et
le priver momentanément de sa liberté dans un but d'intérêt
public ? Mais cela s'est fait depuis la loi de 1838 jusqu'à présent, 1,
et les accusations qu'on a portées contre cette loi, on ne les épar-
gnera pas davantage à celle-ci, par ce qu'il y a un système qui
consiste à ne trouver rien de boit ! C'est la seule manière de se
frayer une route au milieu d'une société plus ou moins bien orga-
nisée. Si vous trouvez tout bien, on dit : « C'est un homme comme z
un autre ! » Dès que vous voulez parvenir, vous trouvez tout mal !
M. de Gavardie. Ce n'est pas mal, cela ! (Rires.)
M. TESTELIN. Vous dites : « Prenez garde ! vous allez donner à
l'autorité administrative le droit de séquestrer un citoyen ! « Est-ce
que c'est seulement en cas d'atiéLatmn mentale que ce fait se
sénat. 313 ii,
produit ? Avez-vous oublié les lois sur les épidémies et sur les
quarantaines ? J'arrive de Vienne où règne le choléra. A la fron-
tière, on me dit : Pardon ! le droit de circulation existe ; mais,
comme vous venez d'un pays contaminé, vous ne circulerez pas.
Puis : Vous circulerez après avoir été interné dans un lazaret;
vous y resterez le nombre de jours qui nous conviendra ! De plus,
je tombe malade dans le lazaret : est-ce qu'on va aller chercher
le tribunal pour décider que la maladie est le choléra ou une ma-
ladie contagieuse quelconque ? ` ?
M. Mazeau. Ce sont des mesures de police.
M. TusTHLiN. Ce sont des mesures de police ? Eh bien, quant aux
aliénés, ce sont des mesures de police aussi. Les aliénés produi-
sent des désordres publics ; ils commettent souvent des outrages
à la morale publique; ils compromettent la sécurité des citoyens
la situation est exalemeut la même. (Protestations à gauche.) Oui,
dans le cas de péril public imminent, dans tous les Etats organisés,
l'autorité administrative a le droit d'intervenir. Maintenant vous
dites : Elle intervient provisoirement. 11 peut y avoir des abus.
Est-ce que nous prétendons que les médecins échapperont à l'exa-
men des magistrats ? Le médecin qui donne un certificat pour les
aliénés peut pécher de deux-façons : il peut pécher par ignorance.
Si c'est un médecins d'asile ou un inspecteur, vous le révoquerez,
s'il fait preuve d'ignorance. Il pourait à la rigueur avoir une in-
tention coupable : mais alors le magistrat le poursuivra. Le dia-
gnostic des maladies est le propre des médecins ; le diagnolic des
crimes et des criminels est le propre de la magistrature. Chacun
restera ainsi dans ses habitudes, dans son ordre d'étude, et tous
ira bien.
Remarquez-le bien, niessiciiis, - on n'a pas assez insisté là-
dessus, je crois que votre disposition n'est pas pratique. Le
nombre des internements d'aliénés du département de la Seine
est de 3,800 et plus par an ; toutes les grandes villes sont un lieu
de rendez-vous des aliénés, et Paris étant une des plus grandes
et des plus intéressantes capitales du monde, il y arrive des alié-
nés de tous les coins de l'univers, et malheureusement il n'en
reste que trop en liberté.. Savez-vous ce que cela représente, 3,800
aliénés ? Cela représente 3,800 décisions de la chambre du conseil
pour les faire enfermer, et 3,800 décision» pour les laisser sortir,
ce qui fait 7,600.
M. le rapporteur. Mais non ! Il n'est pas besoin de décision
pour laisser sortir un aliéné.
M. Testeln. Pardon ! il faut une décision de la chambre du
conseil pour les laisser sortir, pour déclarer qu'ils sont guéris, car
on ne veut pas même laisser au médecin le droit de déclarer qu'un
aliéné est guéri et qu'on peut le laisser sortir. Je vais plus loin, et
314 varia.
je dis qu'un diagnostic d'aliénation moniale n'est pas si facile que
cela à faire. Je sais bien que les magistrats ont une propension
d'esprit très louable : c'est, de vouloir Lout constater par eux-mêmes,
et quand il s'agit d'un délit, d'un accusé, de l'interroger, de se rendre
compte de tout par eux-mêmes; mais malheureusement, dans la
plupatt des esprits des magistrats, il existe ce prégugé qu'un
aliéné doit toujours déraisonner.
Paris. C'est vrai !
VARIA.
ORGANISATION DU CONCOURS POUR LES PL\CES DE MÉDECIN ADJOINT
DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS
Le président du conseil, ministre de l'intérieur,
Sur la proposition du directeur de l'Assistance publique et des
institutions de prévoyance : Vu la loi du 30 juin 1838, l'ordon-
nance du 't8 décembre 1839 et les décrets des 6 juin 1863 et
4 février l875; Vu le décret du 25 mars -t8j2 :
Vu l'arrêté ministériel en date du 6 mars 1888 instituant une
commission chargée d'étudier le meilleur mode de concours à
organiser pour l'admission aux emplois de médecins adjoints des
asiles publics d'aliénés; Vu le rapport présenté par ladite
commission 1 ; Vu l'avis de M. le ministre de l'instruction
publique et des beaux-arts; Arrête :
Article premier. Il est constitué un concours pour l'admissi-
bilité aux emploisde médecins adjoints des asiles publics d'aliénés.
ART. 2. - Le concours sera régional : il y aura autant de
régions que de facultés de médecine de l'Etat. La circonscrip-
tion de chaque région sera composée comme il est indiqué dans
le tableau annexé au présent arrêté.
ART. 3. Les candidats devront être Français et docteurs
d'une des Facultés de médecine de l'Etat. Leur demande devra
être adressée au ministre de l'intérieur qui leur fera connaître si
elle est agréée et s'ils sont admis à prendre part au concours. Ils
ne devront pas être âgés de plus de trente ans au jour de l'ouver-
ture du concours. Ils auront à justifier de l'accomplissement d'un
stage d'une année, au moins, comme internes dans un asile
' Cette commission était composée de LU. ) ! ourrt(*\'iUe, président et
Doiiiiet, médecin-directeur de l'asile de Vaucluse; Giraud,
(le l'asile (le
varia. 315
public ou privé consacré au traitement de l'aliénation moniale.
Toute demande sera en conséquence accompagnée des pièces
faisant la preuve de ce stage, de l'acte de naissance du postulant,
ainsi que de ses états de services quelconques. Les candidats seront
libres de concourir, à leur choix, dans l'une ou l'autre des régions.
Au sur et à mesure des vacances d'emplois qui se produiront
dans les asiles publics de la région où ils auront passé le'concours,
les candidats déclarés admissibles seront désignés au choix des
préfets, suivant l'ordre de classement établi par le jury d'aptes le
mérite des examens.
Anv.4.- Un premierconcourssera ouvert en 1888 dans chaque
région pour l'application du présent arrêté, à une date qui sera
ultérieurement déterminée. Ce concours aura lieu en vue de
l'admission de trois candidats dans la région de la Faculté de
médecine de Paris et de deux candidats dans chacune des autres
régions. Un nouveau concours n'aura lieu ensuite dans chaque
région que lorsque la liste des candidats déclarés admissibles y
sera épuisée à une seule unité près.
Chaque concours sera annoncé au moyen d'insertions faites au
Journal officiel et dans le Recueil des Actes administratifs de la
préfecture du chef-lieu de chaque région.
Tout admissible qui n'aurait pas été pourvu d'un emploi dans un
délai de six ans à compter de la date du concours, aurait à se sou-
mettre de nouveau aux épreuves instituées par le présent arrêté,
à moins qu'il ne justifiât avoir, dans l'intervalle, été attaché, pen-
dant trois ans au moins, un asile d'aliénés eu qualité d'interne '.
A titre exceptionnel, et lorsqu'il y aurait urgence à nommer le
médecin adjoint d'un asile dans une région où la liste des admis-
sibles se trouverait épuisée, l'administration supérieure conser-
vera la facullé d'appeler à cet emploi un candidat d'une autre
région à la condition que celui-ci déclarera expressément renoncer
au droit qui lui appartient d'obtenir son poste de début dans la
région où il a subi le concours.
A titre exceptionnel également et lorsqu'une nécessité d'ordre
supérieur le recommanderait, ou encore par mesure disciplinaire,
tout médecin adjoint nommé pour son début dans la région où
il aura concouru, pourra être ensuite envoyé avec ses mêmes fonc-
tions dans un asile situé hors de cette région.
ART. 5. Les médecins adjoints pourront être nommés méde-
cins en chef ou directeurs-médecins dans toute la France.
1 Il nous paraît difficile qu'il n'y ait pas de vacance d'emploi de uteuc-
cin alljoint tians un délai plus rapproché; - la condition de redevenir
iiilerne après un concours supérieur, nous parait tout au moins bizarre
et ne peut s'eylirperyue par une connaissance insuffisante des concours
(liiis les btii,eiii.\ (lit iiiiiiistèi-o (1(, l'iiitéi-ietit-,
316 VARIA.
Art. 6. Le jury chargé de juger les résultais du concours sera
composé, dans chaque région : 10 de trois directeurs-médecins
ou médecins en chef de la région ; 2° d'un inspecteur général des
établissements de bienfaisance '; 3° d'un professeur désigné par
la Faculté de médecine de la région.
Les directeurs-médecins et les médecins en chef appelés à faire
partie du jury seront désignés par voie de tirage au sort parmi
-les docteurs qui remplissent l'une ou l'autre de ces fonctions dans
un des asiles publics de la région. Il sera procédé, en outre, au
tirage au sort d'un juré suppléant pris également parmi les direc-
teurs-médecins et médecins en chef.
Art. 7. Les épreuves sont au nombre de quatre :
1" Une question écrite portant sur i'ftM(f<om<e et la physiologie du
système nerveux pour laquelle il sera accordé trois heures aux
candidats. Le maximum des points sera de 30;
2° Une question orale portant sur la médecine et la chirurgie
ordinaires pour laquelle il sera accordé 20 minutes de réflexion et
15 minutes pour la dissertation. Le maximum des points sera de 20.
3° Une épreuve clinique sur deux malades aliénés. Il sera accordé
30 minutes pour l'examen des deux malades, 15 minutes de
réflexion et 30 minutes d'exposition. L'un des deux malades
devra être examiné et discuté plus spécialement au point de vue
médico-légal. Le maximum des points sera de 30 ;
4° Une épreuve sur titres. Les travaux scientifiques antérieurs
des candidats seront examinés par le jury et feront l'objet d'un
rapport qui pourra être communiqué aux candidats sur leur
demande. Le maximum des points sera de 10. Les points pour
cette épreuve devront être donnés au début de la première
séance de lecture des compositions écrites.
Arir. 8. - Ne sera pas soumis aux épreuves du concours ins-
titué par le présent arrêté le chef de la clinique des maladies
mentales organisée à l'asile Sainte-Anne; lorsqu'il sera chargé
des fonctions de médecin adjoint dans cet établissement, confor-
mément aux dispositions des articles 3 et 4- de l'arrêté minis-
tériel du 8 octobre l8î9 2.
ART. 9. - Le directeur de l'Assistance publique et des institu-
tions de prévoyance est chargé de l'exécution du présent arrêté.
Paris, le 18 juillet 1888. Pour le président du conseil, le sous-
secrétaire d'État, signé : Léon Bourgeois.
4 Nous avions demandé un inspecteur général, médecin, ce qui nous
semble logique. Pourquoi ne pas le dire ?
- Voilà une disposition singulière que rien ne justifie. Si elle était
juste pour Paris, il faudrait l'appliquer aux chefs de cliniques des autres
Facultés. Limitée t Paris c'est une prérogative qui sent le favoritisme.
VARIA.
317
Tableau déterminant la circonscription de chacune des six
régions où aura lieu un concours' :
FAITS DIVERS.
AQILL D.1LII : NIsS. °- Nominations. M. le Dr Gaillau, directeur
médecin de l'asile public de Fains (Meuse) est nommé aux mêmes
fonctions à l'asile public de Saint-Lixier (Ariège), en remplacement
de M. le Der LOGL1UD, décédé. M. le 1)r B.yLr, ancien médecin
en chef des asiles publics, est nommé médecin directeur à Fains,
(Meuse) (arrêté du 30 juin). M. SLVarne est nommé directeur
de l'asile public du Mans (arrêté du 19 juillet). M. le Dr Guyot,
médecin adjoint à l'asile public de Quatremares, est nommé direc-
teur médecin de l'asile public de Chatons (arrêté du 10 août).
Promotions. M. Barroux, directeur de l'asile public de Ville-
juif est promu à la 2e classe à partir du 17 juillet (Arrêté du
SSjuin).Sont promus à partir du 1er juillet : A la classe excel)-
tîo ? îîîelle, M. le Dr muret, directeur médecin de l'asile public
d'Auch ; à la 1 ? classe, M. Cullerre, directeur-médecin de la
Roche-sur-Ion; - M. le Dr médecin en chef à Maré-
ville ; M. le Dr Lemoine, médecin adjoint à Bailleul ; - ci la
2o classe, M. Germain CORTYL, directeur médecin à Alençon ; M. le
1l BOUBIL ? médecin en chef à llarseille (arrêté du 7 août).
Asile de Chalons. - M. le Dl 11, Bonnet est admis, sur sa
demande à faire valoir ses droits à la retraite (Arrêté du 10 août).
Concert aux aliénés DE BfCÈTRE. Comme tous les ans, à pareille
époque, a eu lieu le concert olfert par les frères Lionnet, avec le
concours de nombreux artistes. La fête a débuté par un choeur
chanté par les enfants et un certain nombre d'adultes. Puis, un
grand nombre d'artistes, dont la plupart avaient déjà prêté leur
concours à la fête de la Salpêtrière ont pris part à ce concert.
Citons Mmo Thérésa qui a été l'objet de véritables ovations;
jmcs Auguez, Mole, Chevalier, Degrandi, de l'Opéra-Comique ;
M11» Ducreux, du Conservatoire, 111 ? Madeleine Godard, violo-
niste, MM. Soulacroix, Lubert, 13ertili, Bat,iiolt, Fugère, de l'Opéra-
Comique ; Caron et Ourdin, de l'Opéra; Saint-Germain, Péricaud
et Fugere, de l'Ambigu. Après le concert, un banquet a réuni
les artistes et les invités sous la présidence de M. Peyron qui
a porté un toast de remerciements aux artistes, auquel M. Clovis
Hugues, qui assistait à cette fête, a répondu. Avant de se sépa-
rer, les artistes ont pour la plupart redit en manière d'adieu
quelques-uns de leurs meilleurs morceaux. Un concert ana-
320
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
loguc avait eu lieu quelques jours auparavant à la Salpêtrière.
Tout eu adressant des félicitations aux artistes qui prêtent leur
concours à ces fêtes, nous devons regretter qu' ils se fassent sans
que les médecins soient consultés. Aussi n'est-il pas rare que cer-
taines parties du concert aillent contre le but.
Faculté DE médecine DE Paris. Concours pour le clinicat des
maladies mentales. M. Rouillaiuj vient d'être nommé chef de cli-
nique titulaire ; M. Semelaigne, chef de clinique adjoint.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Avis aux Auteurs et aux Éditeurs. Tout ouvrage dont il nous sera
envoyé un seul exemplaire sera annoncé. Il sera fait, s'il y a lieu, une ana-
lyse de tout ouvrage dont nous recevrons deux exemplaires.
CIIARCOT (J.-M.). Leçoiis sur les maladies du système nerveux, pro-
fessées à la Salpêtrière et recueillies par JIM. B.nIN3KI, Bernard, lréns,
Gu]NON, Marie et Gilles de la Tourette. Tome III, 2° fascicule. Un
volume in-8 de 380 pages, avec 61 figures dans le texte. Prix : 9 fr. ;
pour nos abonnés, prix : 6 Ce fascicule complète le tome troisième.
UEBVÉ (G.). La circonvolution de l3roca. Étude de morphologie céré-
brale. Volume in 8° de 165 pages, avec 10 figures et t planches coloriées.
Prix : 6 fr. Paris, 1888. Lecrosnier et Babé.
La dame. Procès criminel de la dernière sorcière brûlée à Genève, le
6 avril 1652, publié d'après les documents inédits et originaux conser-
vés aux archives de Genève (Sixième volume de la Bibliothèque dicrbo-
lique, collection l3ourneoille. Un volume in-8° de 60 pages. Prix
2 fr. 50). Pour nos abonnés : 1 fr. 75; numéros 1 à 50, papier Japon,
prix : 5 francs; pour nos abonnés : 1 fr.; numéros 51 à 1GG, papier par-
cheminé, prix : 3 fr 50; pour nos abonnés : prix, 2 fr. 75.
' ? 7t ! ) ? ? /'</t CM7 ! ! M//fepO)0 ? e.P<'7t ? U ? i,'aM ! < : Training Scliool for Fee-
bie-nt2 .iicled C/t ! M;'6K, Uwyn, Delaware Country. Brochure in-8° de
30 pages. West Chester, Pa., 1887. Hickman. Printer, Cor.
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
Iereu : , Ch. IIsmsser, mp. -- 56.
Catsaras, Tableau I.
TABLEAU DE LA FORME CENTRALE SPINALE LATÉRALE
Vol. XVI. Novembre 1888. Nu 48.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE MENTALE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA. FOLIE COMMUNIQUÉE';
- Parle Dr LEGRAIN, ancien interne des asiles de la Seine,
Médecin de la Colonie de Vaucluse.
On a beaucoup parlé de la contagion de la folie, et,
en dehors du monde scientifique, il n'est pas encore
rare d'entendre émettre cette opinion, qu'à la longue,
le contact des aliénés exerce une certaine influence
sur les esprits bien pondérés : nous verrons dans le
cours de cette étude ce qu'il faut en penser réelle-
ment. Huit observations de délire communiqué que
nous avons recueillies, nous permettront d'énoncer
quelques considérations sur cette variété de vésanie,
plus fréquente qu'on ne le croit. Il n'est pas rare
d'observer en effet, dans un même milieu, dans une
même famille, par exemple, dont les membres vivent
dans une'grande intimité, plusieurs individus atteints
du même délire : un père et son fils, une mère et sa
fille, deux soeurs, etc., se trouvent en communion
d'idées délirantes.
1 Celte étude a été lue 1 la Société de Physiologie psychologique, séance
du 27 juin 1887.
Archives, t. XVI. 21
322 PATHOLOGIE MENTALE.
Que de fois le médecin de l'asile n'entend-il pas les
doléances d'un mari, soutenant qu'il n'a jamais cons;
taté trace de folie chez sa femme, justifiant le délire
de celle-ci par des interprétations de même nature,
protestant enfin contre un internement illégal ? Heu-
reux quand il s'en tient à la simple protestation, car
on en voit dont la conviction est telle, qu'ils pro-
voquent, du côté des autorités, une enquête dont le
résultat est toujours la sanction de l'internement. Ce
mari s'est associé aux idées délirantes de sa femme,
et se les est assimilées tellement, qu'il les défend avec
une ardeur digne d'une meilleure cause. Il est rare
pourtant que les deux malades reproduisent exacte-
ment la même physionomie; en d'autres termes, le
délire de l'un ressemble rarement en totalité au délire
de. l'autre; s'il y a contagion, il n'y a pas contagion
intégrale.
La question n'est pas neuve. Sans chercher à en
faire un nouvel historique, nous devons toutefois rap-
peler un certain nombre de travaux qui nous sug-
gèrent quelques critiques. Jusqu'à présent, la folie
communiquée n'est considérée que comme une va-
riété de délire à deux, à côté de laquelle on place : la
folie imposée de Lasègue et Falret', la folie simulta-
née de Régis 2, la folie transformée de Kiernan, la folie
induite de Lehmann3. Nous pensons qu'il est vraiment
inutile d'encombrer la nomenclature déjà si"compli-
quée des maladies mentales, et d'attribuer à une seule
espèce morbide un véritable luxe d'épithètes. Conser-
' Lasègue et Falret. - La Folie à Deux. (A),ch. gén. de méd., 1877.)
1 Régis. La Folie à Deux, th., 1880.
9 Lehmann. - Folie induite. (dreh. fiir Psychiatrie, t. XIV.)
DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 323
vons, si l'on veut, le terme générique de folie à deux,
et réduisons à deux le nombre de ses variétés cli-
niques.
Les observations de délire partagé se rangent, en
effet, dans deux catégories. Dans les unes, les moins
nombreuses, les deux- malades sont actifs ; ils écha-
faudent leur délire en commun ; ils réagissent l'un
sur l'autre, et c'est de leur collaboration qu'émane
tout le système délirant. C'est là, la véritable folie à
deux, celle à laquelle conviendrait pleinement, croyons-
nous, le terme de folie simultanée, employé par Régis,
pour désigner un cas un peu différent. Voilà pour la
première catégorie.
La seconde comprend des malades dont la part est
très inégale dans la confection du délire. Ces malades
sont tous sous le coup d'une influence générale com-
mune, d'une cause occasionnelle plus ou moins puis-
sante, d'ordre politique, moral, religieux, etc., telle
que les émotions inséparables d'un grand événement :
dans ce groupe se rangent les folies épidemiques, la
folie des convulsionnai) 'es , en un mot, les folies qui
frappent du même coup un grand nombre d'individus.
Dans un autre cas, le groupe délirant est plus res-
treint, ne comprend que deux, trois ou quatre ma-
lades, parmi lesquels un seul joue un rôle actif et im-
pose ses idées aux autres. Ces deux groupes méritent
bien l'étiquette de folie communiquée, et la clinique
les différencie totalement de la première catégorie de
malades que nous avons indiquée.
De ces quelques lignes, il ressort que les termes :
folie communiquée, folie simultanée de Régis, folie
transformée, folie induite, sont synonymes, avec une
324 PATHOLOGIE MENTALE.
nuance toutefois pour la folie transformée, dans la-
quelle les malades passifs sont des individus déjà dé-
lirants, au moment où ils subissent l'influence d'autres
malades. Ce sont les cas de folie communiquée qu'il
- n'est pas rare d'observer dans les asiles, où certains
aliénés actifs, intelligents , réagissent sur d'autres,
passifs, plus faibles d'esprit. A cette nuance près, il
est bien évident qu'il s'agit ici encore d'une folie
communiquée.
Nous croyons donc qu'il serait bon de substituer à
tous ces termes, celui de folie communiquée, em-
ployé par Marandon de Monthiell et préférable à
cause de son sens plus général, à celui de folie impo-
sée. La folie, en effet, n'est véritablement imposée
que dans un nombre restreint de cas.
Que faut-il penser de la pathogénie de ces délires
communiqués ? Par une sorte de suggestion instinctive,
irrésistible, l'homme a tendance à imiter ce qu'il voit
faire. Il y a là une sorte d'entraînement des esprits
vers l'imitation, qui s'est rencontrée à toutes les
époques. Nous verrons que ces tendances entraînent
des conséquences bien différentes chez l'homme sain
d'esprit et chez l'homme taré au point de vue céré-
bral. Les épidémies de convulsions, dont l'histoire est
aujourd'hui trop connue pour que nous y insistions,
ont été de véritables épidémies de délire. La conta-
gion trouvait le terrain préparé, il est vrai, chez des
esprits déséquilibrés, chez des sujets essentiellement
névropathes ; mais, outre cet élément fondamental,
sans lequel la contagion ne saurait se concevoir, il y
1 Marandon de Monthiel. Folie à Deux. (Ann. médico-psychol. Jan-
vier 1881.)
DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 925
avait un véritable entraînement, un besoin réel d'i-
mitation. Il y a dans ces épidémies si curieuses d'in-
coordination motrice, racontées récemment- par Gilles
de la Tourette et Guinon, un fait du même genre '.
Nous avons essayé de montrer dans un autre travail 2,
que ces épidémies ne sauraient germer ailleurs que
sur un terrain préparé, qui, dès lors, joue dans l'es-
pèce un rôle étiôlogique indispensable. De nos jours,
comme à toutes les époques, ces tendances imita-
trices existent. Dans une société, la constitution des
esprits est variée à l'infini ; il est possible pourtant, au
point de vue qui nous occupe, de les réduire à trois
types principaux : les actifs, les passifs, les indiffé-
rents. Les premiers sont aventureux, entreprenants;
leurs facultés sont dans une perpétuelle ébullition; ils
donnent toujours de l'avant, marchent à la recherche
de l'inconnu, s'emballent sans réflexion pour une cause
bonne ou mauvaise; ils comprennent : les fanatiques,
les passionnés, les enthousiastes de toute espèce.
Les passifs, incapables de volonté, de conviction,
esprits toujours fluctuants, éminemment influençables,
subissent tous les entraînements; ils sont la proie des
premiers; ils comprennent les timorés, les faibles
d'esprit. Entre les deux, sont les indifférents; calmes,
bien pondérés, ils assistent à Y emballement des der-
niers à la suite des premiers, et ne prennent de déter-
mination qu'à bon escient. C'est dans la constitution
des esprits, telle que nous venons de l'esquisser, qu'il
faut rechercher, croyons-nous, le secret de ces grands
1 G. delà Tourette. Archives de Neurologie, 188f-988. - Guinon (G.)
Sur la maladie des Tics co7autilsifs (Rév. de méd., 1886 et 1887).
' * Du délire chez les dégénérés. Paris, 1886.
326 PATHOLOGIE MENTALE.
mouvements de l'opinion, de ces grandes passions po-
litiques, religieuses ou autres, qui se sont produits à
toutes les époques.
On a depuis longtemps remarqué que les événe-
ments surviennent en quelque sorte par séries; un
événement, qui a produit pendant quelque temps une
émotion vive dans les esprits, semble en solliciter un
autre semblable, jusqu'à ce que l'entraînement psy-
chique produit par le premier se soit épuisé, ou ait
fait place à un autre qui conduit le courant des idées
dans une nouvelle direction. Il est à noter aussi que
ce sont les idées souvent les plus étranges, les plus
extravagantes, et par conséquent les plus marquantes,
qui trouvent ainsi à faire facilement leur chemin. Une
idée bizarre, excentrique, livrée aux quatre vents de
la publicité-, germe sûrement dans quelque cerveau
mal équilibré. Est-il besoin de rappeler, par exemple,
ces attentats criminels qui se produisent si fréquem-
ment avec le vitriol depuis que le procédé a été ima-
giné. Le premier homicide, qui a trouvé bon de couper
sa victime en morceaux, a fait école. Les exemples
abondent. Il est certain que les événements saillants,
qui s'accomplissent chaque jour, jettent le trouble
dans beaucoup d'esprits faibles, qui s'en préoccupent
outre mesure, aidés qu'ils sont par les nombreux
commentaires, les récits plus ou moins dramatiques,
dont les colonnes des journaux sont remplies.
Les esprits bien pondérés apprécient les faits à leur
juste valeur, mais les névropathes, les prédisposés
s'émeuvent; certains voient momentanément leur
équilibre mental se détruire. Il est notoire que les
grands événements produisent des faits semblables.
DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 327 7
Au moment des élections, on voit entrer à Sainte-
Anne un grand nombre de malades ambitieux décla-
rant qu'ils viennent d'être élus députés; au moment
du tirage des grandes loteries, nombre de déséquili-
brés sont séquestrés avec un délire ambitieux, dont
le gros lot est la principale base. Lorsqu'un crime à
sensation vient de se produire, beaucoup de névro-
pathes à tendances mélancoliques ne tardent pas à
s'accuser d'en être les auteurs. Récemment nous avons
observé un dégénéré qui, s'étant trouvé quelque res-
semblance avec l'auteur présumé du crime de la rue
Montaigne, s'est imaginé qu'il était cet assassin. Puis,
comme ses souvenirs ne s'accordaient nullement avec
les faits, et qu'il se trouvait sans peine un alibi, il
finit par se persuader qu'il avait commis le crime dans
un accès de somnambulisme. Enfin, peu satisfait de sa
trouvaille, il crut reconnaître dans la personne de son
domestique l'auteur du crime ; il se demanda anxieu-
sement s'il n'était pas de son devoir de l'aller dé-
noncer. On peut voir ainsi à quelles extrémités peut
se porter une imagination déséquilibrée, sous le coup
d'une violente impression.
Ce fait est bien connu, d'ailleurs, qu'aux différentes
époques, les délires reflètent les idées du moment. Si
l'on examine l'état mental des malades, on retrouve
celui des déséquilibrés, ceux que nous avons signalés
plus haut comme susceptibles au premier chef, d'être
influencés d'une manière quelconque.
Il n'est pas jusqu'à l'entraînement au suicide qui ne
s'observe parfois'. Nous désignons, non pas ces sui-
' Schpolianski. - Des Analogie entre la Folie à deux et le Suicide à
deux. Th. 1885. 1
338 8 PATHOLOGIE MENTALE.
cides, qni sont un syndrome du délire mélancolique,
ni ceux qui sont l'effet d'une impulsion morbide irré-
sistible, mais bien ceux qui sont l'oeuvre de malheu-
reux dégénérés, et qui sont accomplis froidement, fa-
talement, bien qu'aucun motif pathologique ne semble
préexister à l'acte. Nous avons connu plusieurs familles
où le suicide était héréditaire, sans être, le plus souvent,
un syndrome d'un état mélancolique : « Mon père s'est
pendu à trente ans,disait froidement un membre de l'une
de ces familles, je me pendrai à trente ans. » Et à trente
ans le suicide s'effectuait, stupéfiait tout le monde,
car, la veille encore, le malade était actif et n'était
nullement mélancolique. Renseignements pris, on ap-
prenait que« c'est l'habitude dans la famille ». Un fait
authentique et bien curieux nous a été rapporté par un
de nos confrères de la province, qui le tire de sa propre
clientèle ; il a la valeur d'une observation.
Trois paysans rentraient du marché dans un état
de demi-ébriété. Pendant qu'ils étaient attablés au
cabaret, l'un d'eux croit trouver un véritable trait
d'esprit en proposant à ses deux compagnons de se
suicider tous les trois, le soir même, à 9 heures, dès
qu'ils seraient rentrés au logis, « histoire de faire une
niche à leur femme ». L'idée est acceptée ; le reste de
la journée se passe dans différents cabarets. Aucun
d'eux ne pense plus à l'idée baroque suggérée par l'un
des trois ivrognes. Mais le soir à 9 heures, au milieu
des fumées du vin, l'idée reparaît, et ainsi qu'il était
convenu, les trois individus se pendent dans leur écu-
rie. D'eux d'entre eux, privés de secours, meurent; le
troisième, secouru par sa femme, a pu raconter l'his-
toire au médecin.
DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 329
11 y a eu dans ce cas une véritable auto-suggestion,
un véritable entraînement, une contagion. Ce fait ré-
sume dans sa simplicité tous les cas rangés communé-
ment sous la rubrique : délires communiqués. Il est
impossible de faire rentrer le suicide de ces trois
paysans soit dans le délire mélancolique, soit dans
l'impulsion au suicide des dégénérés, soit dans tout
autre cadre nosologique déterminé. Mais par quel pro-
cédé, l'idée du suicide s'est-elle ainsi propagée si ra-
pidement ? Il faut un terrain spécial pour que la
contagion existe. L'intermédiaire obligé est ici cons-
titué par l'état mental des sujets. Ceci nous amène à la
véritable pathogénie de ces accidents.
L'état mental, jouant un rôle prépondérant, doit
être étudié avant le délire. Cette étude nous conduit à
reconnaître que, le plus souvent, les deux malades qui
ont associé leurs conceptions délirantes, ne jouissent pas
du même état mental. L'un joue un rôle actif, l'autre
joue un rôle passif. C'est le premier qui a fabriqué le
délire, c'est le second qui l'a copié. Le premier peut
être un malade intelligent, le second est toujours un
faible d'esprit. Il en est autrement dans le délire à
deux, dont l'étiologie est tout autre. Deux malades,
pouvant fort bien être intelligents, s'associent pour
échafauder un délire à l'édification duquel chacun ap-
porte une part égale. C'est un travail en commun; il
y a une émulation réciproque; l'un n'est pas la vic-
time passive de l'autre, comme dans la folie induite,
tous deux sont également actifs. L'entraînement existe
encore, mais il a changé de caractère.
Nous avons dit qu'au point de vue des conséquences,
l'entraînement subi. par l'homme pondéré était bien
330 PATHOLOGIE MENTALE.
différent de celui que subit l'homme malade. Dans
l'espèce, la participation de l'homme pondéré ne sera
jamais que momentanée; elle ne peut exister qu'en
vertu de ce fait que l'homme prête assez générale-
- ment une oreille complaisante aux souffrances d'au-
trui. On conçoit qu'il se laisse parfois entraîner' à
prendre en considération certaines conceptions déli-
rantes, en apparence logiques et bien coordonnées ,
mais il ne tarde pas à s'apercevoir qu'il s'est four-
voyé ; il apprécie à leur juste valeur les exagérations
dont il a écouté le récit. Là s'arrête sa participation à
une erreur, dans laquelle on tombe fatalement, quand
on n'est pas initié à l'évolution des maladies de l'es-
prit. L'homme, malade suit dès le début, les yeux fer-
més, la fausse piste qui lui est indiquée; il adopte
sans réflexion les erreurs du malade et, finalement, il
se les approprie.
Un semblable égarement, une telle facilité à subir
une influence étrangère ne supposent-ils pas une in-
telligence débile ? Donc, dans la folie communiquée,
l'un des délires est l'oeuvre d'un malade actif qui l'a
tiré de lui-même, les autres sont subis, et ne sont que
le reflet, l'écho plus ou moins fidèle du premier. La
meilleure preuve à fournir en faveur de cette asser-
tion est encore l'étude chronologique de ces différents
délires. Ils ont rarement évolué simultanément, et leur
apparition s'est faite dans un ordre déterminé ; l'un a
fourni déjà une partie de sa carrière, lorsque l'autre
éclate; jamais ils ne sont parus exactement à la même
époque. Il en est un qui a, le premier, occupé la scène,
c'est le délire le plus actif, le plus systématisé, celui
qui servira plus tard de modèle. Puis, celui-ci, s'est
DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 331
propagé en atteignant les faibles d'esprit, formant
l'entourage du malade, en commençant logiquement
par le plus faible, par conséquent le plus apte à dé-
lirer.
La grande majorité des délires qui trouvent un écho
dans d'autres esprits est constituée par des délires
tristes avec idées de persécution, et parmi eux, prin-
cipalement par le délire chronique. Tout persécuté,
tout mélancolique trouve en général facilement' une
âme charitable pour entendre ses doléances imagi-
naires, d'autant plus que celles-ci n'ont pas toujours
une apparence invraisemblable, surtout au moment
de leur apparition. Ce n'est que, quand au délire, se
mélangent des idées véritablement étranges, frappées
indubitablement au coin de la folie, même pour les
esprits les plus indulgents, qu'il s'opère une réaction
contre les idées du malade de la part des gens bien
pondérés. Mais il n'en est pas ainsi pour les débiles
dont la crédulité sans bornes est un des traits les plus
caractéristiques de leur esprit. Aussi, ne faut-il pas
s'étonner de les voir s'associer aux délires les plus
invraisemblables, même les plus absurdes, croire à
des persécutions par l'électricité, le magnétisme, par
une puissance démoniaque ou humaine sans même
songer à la possibilité de semblables persécutions.
Quand le délirant actif est atteint de délire chro-
nique, la contagion se conçoit d'autant mieux. Ici, le
malade est un homme intelligent, possesseur pour tout
le monde, sauf pour le médecin, de toutes ses facul-
tés. Son délire est un type de systématisation; il est
bien lié, bien déduit, logique, et sa vraisemblance est
telle qu'il faut souvent un long interrogatoire avant
332 PATHOLOGIE MENTALE.
de mettre à nu l'idée délirante ou l'hallucination capi-
tales qui permettent d'asseoir cliniquement un dia-
gnostic que l'on avait seulement pressenti. Aussi, le
délirant chronique fait-il beaucoup de complices avant
d'être interné. Et même après l'internement, que de
protestations delà part delà famille, des amis, etc.,
que de réclamations signées, contre-signées et même
apostillées ! Les autorités administrative et judiciaire
sont saisies, à chaque instant, d'affaires relatives à des
délirants chroniques, qui sont bien les malades les
plus difficiles à tenir enfermés, en raison de leur ap-
parente lucidité. Il est donc facile de concevoir qu'un
débile, vivant au contact de pareils malades, se laisse
aller inconsciemment à partager leur conceptions dé-
lirantes.
La contagion d'un délire ambitieux est un fait beau-
coup plus rare ; il en existe pourtant des cas. On se
méfie plus facilement d'un ambitieux que d'un persé-
cuté, et d'autre part une idée ambitieuse, d'origine
délirante, a toujours un cachet frappant d'excentricité,
tellement que pour y croire, il faut être déjà malade
soi-même. En d'autres termes, l'idée ambitieuse pro-
voquera le plus souvent des doutes que l'idée de per-
sécution ne provoquera pas, et ces doutes porteront
un coup à la contagion, pour l'existence de laquelle la
crédulité est un élément indispensable. C'est ce qui
explique la rareté du délire ambitieux communiqué.
Un délire qu'il n'est pas rare d'observer, chez des
faibles d'esprit, est le délire des possédés. Renouvelé
de celui des convulsionnaires d'autrefois, il a trouvé
un regain de vigueur à notre époque, où les questions
relatives à l'hypnotisme, au, spiritisme, etc., sont en
DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 333
faveur, et sont malheureusement tombées dans le do-
maine public. On voit un nombre considérable de
névropathes, de faibles d'esprit, devenir autant de vic-
times, de pratiques intempestives. Aussi ne saurait-on
faire mieux que de s'associer aux conclusions du livre
de M. G. de la Tourette', en souhaitant que les pra-
tiques hypnotiques ne sortent jamais du domaine de
la science. Le délire des possédés se communique avec
une très grande facilité, à des faibles d'esprit soumis
aux mêmes. influences. En voici un cas très net, qui
donnera une juste idée de ce qu'ont dû être les épi-
démies de convulsions.
Observation 1.
Délire communiqué. Mère débile. Fils débile. : 11m P... est entrée à Sainte-Anne, au bureau d'admission,
service de M. Magnan, au mois de juillet 1885. C'est une dégéné-
rée, débile, portant de nombreux stigmates physiques de dégéné-
rescence. Depuis un an, elle s'occupe de spiritisme, et croit à la
réalité des esprits , ainsi qu'à leur intervention dans la vie des
hommes. Vivement impressionnée par les expériences auxquelles
elle assistait, elle s'est imaginée, il y a quelques mois, qu'elle
était possédée par un esprit malin. En même temps, se dévelop-
pait un tableau clinique des plus curieux qui n'était que l'expres-
sion extérieure du fonctionnement isolé et irrésistible de tous ses
centres cérébro-spinaux. Constamment, ses membres sont agités
de mouvements bizarres, rappelant les contorsions des convulsion-
naires ; ces mouvements sont essentiellement automatiques, et la
malade n'y peut rien. D'autres fois, le visage est grimaçant ; d'au-
tres fois encore, les mouvements sont accompagnés de l'émission
de sons laryngés, sans aucune signification. La malade interprète
ses mouvements irrésistibles en disant que c'est l'esprit malin qui
la pousse à agir ainsi. La double personnalité est frappante :
« C'est l'esprit qui me tord », dit-elle, < je ne puis l'empêcher. »
Elle est surprise au milieu de la conversation par une série de
Gilles de la Tourette. L'hypnotisme et les états analogues au point
de vue médico-légal, Paris, 1887.
334 PATHOLOGIE MENTALE.
mouvements, et elle dit immédiatement : « Voyez-vous, c'est l'es-
prit ! » Les centres cérébraux interviennent aussi ; elle accompa-
gne souvent sa mimique convulsive de l'émission de certains mots
presque tous les mêmes : a Je vous hais, je hais Dieu, je vous hais
tous. » Puis elle ajoute : « Ce n'est pas moi qui vous dis cela, c'est
l'esprit qui parle, vous comprenez bien que je ne suis pas capable
de dire ces choses-là ; moi, je vous aime ! » Et d'autres fois :
« Vous avez beau faire, vous ne m'empêcherez pas de la pos-
séder. »
Les centres corticaux postérieurs sont encore intervenus, quand
l'esprit l'a poussée, malgré elle, à la recherche d'un homme, le
premier venu, pour se livrer à lui. Elle ne l'a pas fait , mais elle a
dû lutter. En passant dans la rue près d'un homme, elle disait à
haute voix : « Voilà ton affaire. » C'est l'esprit qui parlait ; elle
se révoltait et ne se livrait pas.
Cette malade a un enfant de douze ans, également débile, vi-
vant avec elle, et à qui elle a communiqué ses idées délirantes.
Celui-ci, usant d'imitation, se croit également possédé, et se livre
à des contorsions grotesques rappelant celles de sa mère dont il
répète aussi les paroles. On le voit se rouler à terre, en poussant
des cris, agiter ses membres en tous sens; il s'arrête toutà coup;
mais, fait absolument caractéristique, il recommence dès qu'on l'en
prie. Il y a là un phénomène de contagion bien connu dans l'his-
toire des convulsionnaires. Chez cet enfant, les troubles étaient
beaucoup moins profonds que chez la mère. Quelques jours de
présence à l'asile ont suffi pour lui faire abandonner à peu près
complètement ses idées délirantes. Sa mère a guéri également en
quelques semaines.
Nous avons expliqué de notre mieuxla possibilité de
la contagion. Une fois celle-ci effectuée, est-il possible
encore de constater des différences, entre le délire du
malade actif, du chef de file en quelque sorte et celui
des malades passifs ? Nous avons déjà noté, chemin fai-
sant, une différence capitale relative à l'époque de
l'apparition de ces deux délires. Il est extrêmement
rare d'observer un délire subi, exactement semblable
au délire qui lui a servi de modèle ; le plus souvent,
le malade influencé ajoute à son délire sa note person-
nelle, et celui-ci n'est qu'une copie plus ou moins
exacte. A ce point de vue, il faut établir une distinc-
DE LA FOLIE COMMUNIQUEE. 335
tion. Des deux malades, l'un est délirant chronique,
l'autre est débile ; ou bien, tous deux sont débiles.
Dans le premier cas, le malade influencé étant a priori,
un débile, n'ayant à sa disposition que de faibles
moyens, il ne pourra jamais reproduire son modèle
avec la même logique rigoureuse, la même systémati-
sation. Basant leurs conceptions délirantes sur les
mêmes faits, ou sur les mêmes interprétations, l'un
pourra les défendre avec toute l'énergie d'un individu
convaincu, d'un malade qui est bien l'auteur de son
délire, l'autre sera pris constamment en défaut, se
contentera le plus souvent d'affirmations qu'il ne sera
pas difficile de battre en brèche ; il défendra mollement
des idées qu'il ne pourra jamais s'assimiler complè-
tement. L'attitude des deux malades sera évidemment
si caractéristique, que la différence qui les sépare
s'imposera. C'est dans ces cas que la participation du
malade influencé au délire primitif est forcément in-
complète, en.raison même de la complexité de ce dé-
lire. C'est aussi dans ces cas qu'on observe une autre
manière d'être du malade passif. Une fois que son
équilibre intellectuel déjà instable a été ébranlé, le
débile peut à son tour créer un délire pour son propre
compte, au milieu duquel alors les conceptions déli-
rantes d'emprunt ne joueront plus qu'un rôle secon-
daire, ety seront en quelque sorte noyées. C'est ici que
nous devons placer deux autres de nos observations.
Observation II.
Délire communiqué. - Mère délirante chronique. Fille débile.
Les deux malades qui font le sujet de la présente observation
sont la mère et la fille. Elles sont entrées le même jour à Sainte-
336 PATHOLOGIE MENTALE.
Anne, au bureau d'admission. La mère, M-e L... âgée de cin-
quante-deux ans est atteinte de délire chronique; la fille Maria
L... est une débile, qui a subi les influences de sa mère, et qui
participe à son délire.
Quelques mots suffiront pour indiquer l'histoire pathologique
de 111m L... Depuis quatre ans, mais vraisemblablement depuis
un nombre plus considérable d'années, elle est en proie à un dé-
lire de persécution qui forme aujourd'hui tout un système. Son
vocabulaire spécial est tout à fait caractéristique, il est très riche,
composé de néologismes et de mots détournés de leur sens pri-
mitif. Suivant son expression, on « exerce sur elle » au moyen
d'engains qu'on lui a fait sentir et qu'on lui envoie par ses portes
et par ses fenêtres. Elle désigne en bloc toutes les influences ex-
térieures qu'elle subit sous le nom d'« articles de commerce j, et
l'article que l'on fait agir sur elle est désigné sous le nom d'« uni-
fication d'heure ». Elle désigne sa personnalité sous les noms
d'heure et de montre et voici comment elle s'explique. « Chaque per-
sonne a son heure; moi, je ne possède plus la mienne ; on me l'a
prise, à partir du jour où on m'a lancé des engains. Je sais que je
ne m'appartiens plus, que je n'agis plus par moi-même. » Ainsi
dépourvue de sa personnalité, et de sa libre détermination, elle
ne peut plus travailler ; on la guide, on lui fait éprouver toutes
sortes de vexations, qu'elle est obligée de subir, et conséquem-
ment, on l'a plongée dans la plus noire misère. Des interpréta-
tions délirantes et des hallucinations de l'ouie complètent tout ce
système.
Malgré ses tourments, 11-e L... n'a pas l'attitude d'une persé-
cutée ordinaire. C'est que l'ère des persécutions touche à sa fin,
et la troisième période du délire chronique est probablement en
voie d'évolution. Complètement résignée, elle commence à croire
que ces opérations n'ont qu'un but, celui delà rendre heu-
reuse plus tard; elle espère maintenant, et elle prévoit le
temps où son heure lui sera restituée. Telle est en peu de mots
l'histoire de la malade active de notre groupe. Esquissons main-
tenant celle de sa tille.
Maria est une faible d'esprit, âgée de vingt-sept ans. Malgré
son âge, elle a conservé une naïveté enfantine qu'elle accuse elle-
même, et qu'il est important de noter parce qu'elle explique à
elle seule la contagion du délire. « J'ai le caractère enfantin, dit-
elle, je n'ai pas de défense, je me laisse prendre. Elle n'est
d'ailleurs susceptible d'aucun jugement. Dès l'enfance, se révèle
un certain degré de perversion morale qui s'accentue plus tard et
qui s'accompagne d'un état à peu près complet d'inconscience rela-
tivement aux actes accomplis. A l'école, elle se livre à l'onanisme ;
à quinze ans, elle se soumet naïvement, sans résistance, à des at-
touchements réitérés de la part de son propre père. « Ma mère,
DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 337
dit-elle, m'avait dit de faire tout ce que mon père voudrait. » A
partir de dix-huit ans, elle se prostitue, d'abord naïvement, sans
songer à mal faire, parce qu'elle trouvait cela drôle , puis, après
avoir vu qu'elle gagnait de l'argent par ce procédé, elle se pros-
titue pour vivre. Mais elle le fait d'une façon très irrégulière, et seu-
lement quand elle manque de travail. Sur cet état mental se sont
greffés des syndromes épisodiques et des idées délirantes. De tout
temps, Maria a eu des rires irrésistibles, absolument non motivés,
que la malade elle-même distingue très bien d'autres rires égale-
ment inextinguibles, mais motivés par une hallucination, ou par
un propos gai. Inversement, elle a été obsédée plusieurs fois, mais
très passagèrement, par l'idée du suicide.
Pour ce qui est de ses idées délirantes, elles doivent être sépa-
rées en deux catégories ; celles qui lui sont personnelles, et celles
qui lui ont été communiquées par sa mère. Débile, elle a le droit
de créer des idées délirantes pour son propre compte. Elle a tou-
jours eu des idées de persécution, trouvant leur cause dans des
interprétations défectueuses des faits ordinaires de la vie, mais
assez intenses parfois pour s'accompagner d'hallucinations. Ne
pouvant trouver d'ouvrage, elle en conclut qu'on l'empêche d'en
trouver.
« On m'en veut, on est jaloux de moi, on me fait des misères,
on dit que je fais la vie. La concierge a fait courir le bruit que
j'étais enceinte ; elle me lançait ça sans en avoir l'air quand je
passais pour sortir; elle disait : « ça y est ».
Voici maintenant les idées délirantes communes à la mère et à
la fille. Plongées dans la même misère, toutes deux l'interprètent
de la même façon. Toutes deux comprennent qu'il existe une ma-
noeuvre à laquelle elle ne peuvent se soustraire; mais, tandis que
la fille ne cherche aucune.explication de ce fait, la mère fait in-
tervenir l'histoire des engains qui deviennent la véritable cause
de leur misère.
Si Maria a copié un certain nombre des idées délirantes de sa
mère, elle est loin d'en reproduire la systématisation et la logi-
que ; il n'y a plus entre elles aucun lien. Elle connaît bien l'his-
toire des engains, mais elle est trop compliquée pour son entende-
ment ; à défaut de comprendre, elle croit aveuglément; elle sait
et croit que sa mère est persécutée, et, partant de cette idée pré-
conçue, elle accepte tout ce qui est susceptible de rentrer dans le
délire de sa mère. Un jour celle-ci lui dit, en parlant des fameux
engains qu'on lui lançait : «Est-ce que tu ne sens pas ? » Elle
répond « oui, je crois que ça sent, » et aujourd'hui, interrogée à
ce sujet, elle répond encore : « Il me semblait bien que ça sentait,
mais je n'y attachais pas d'importance u.
Le fait capital, de l'histoire de nos deux malades,
Archives, t. XVI. 22
338 PATHOLOGIE MENTALE.
celui qui a entraîné leur internement le même jour,
est celui-ci. Passant un jour sur les grands boulevards,
en compagnie de sa fille, lflme L..., croit entendre
tout à coup un passant chuchoter un mot obscène à
son adresse. Elle fait part de son hallucination à sa
fille qui la croit immédiatement sur parole. A quelque
temps de là, nos deux malades se promenaient sur le
boulevard Haussmann; Mme L... remarque tout à coup
qu'un agent de police la toise de la tête aux pieds, et
qu'en la regardant, celui-ci touche d'une manière si-
gnificative un bouton de son habit. Elle voit dans cet
attouchement une allusion blessante au propos obscène
qu'elle a entendu antérieurement. Elle fait de nou-
veau part de son sentiment à sa fille, qui, convaincue
encore de la réalité du fait, esquisse à l'adresse de
l'agent de police un geste trivial. La mère et la fille
sont alors arrêtées et dirigées sur le Dépôt.
Observation III.
Délire communiqué. Soeur aînée, délirante chronique.
Soeur cadette, débile.
T... (Anne), âgée de qnarante-quatre ans, délirante chronique
simple, est entrée au bureau d'admission de Sainte-Anne le même
jour que sa soeur. Intelligente, elle a su tirer des conséqueces
logiques mais erronées des faits auxquels elle a été mélangée
depuis quatorze ans, et elle a constitué un délire dont la systéma-
tisation est rigoureuse.
A cette époque, elle s'aperçoit qu'on cherche à lui nuire, en
contrecarrant sa situation ». Au même moment, coïncidence
fâcheuse, sa mère part pour le Cantal, pour régler des affaires
d'intérêt, et on apprend, qu'elle est morte par pendaison. Cette
mort semble inexplicable. Anne croit à l'intervention de personnes
malveillantes qui ont pendu sa mère. De nombreuses interpréta-
tions délirantes se greffent sur ce fait. A la poste où elle s'adresse pour
envoyer une dépêche, on lui demande dix-huit francs; elle trouve
cela extraordinaire; « c'était, dit-elle, un prix fait exprès pour
nous; c'est qu'on voulait m'empêcher de constater que ma mère
DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 339
avait beaucoup changé. Je suis sûre d'un fait, en tout cas, c'est
que ma mère ne s'est pas pendue toute seule. J'ai trouvé étrange
que ma mère fût enterrée avant notre arrivée; les scellés étaient
mal gardés. On avait sujet d'ailleurs de nous faire disparaitre,
puisqu'on trouve que notre famille n'est pas propre. Seuls, mon
père, ma soeur et moi, nous nous sommes doutés qu'il y avait un
assassinat. Ces derniers mots indiquent que, déjà à cette époque,
la malade tendait à faire admettre ses idées délirantes dans son
milieu habituel.
Rentrée à Paris, elle n'y est plus tranquille et une ère de persé-
cutions commence pour elle. On la tourmente, on lui nuit dans
son travail, on l'empêche de gagner sa vie, on lui cherche noise
à tout propos. Elle ne voit jamais qu'une seule fois les clientes
pour qui elle travaille; elle les recevait d'ailleurs assez mal; vrai-
semblablement elle se méfiait d'elles . Puis surviennent des
hallucinations de l'ouïe. Dans la rue, elle entend des mots inju-
rieux, des camouflets à son adresse.
Il y a six ans, son père meurt aussi de mort violente. Après une
longue maladie, on le trouve un beau jour pendu au-dessus de
son lit. Cette mort est encore l'aeuvre des gens qui lui nuisent;
elle ne voit plus là qu'un assassinat. Toutes ses affaires périclitent;
on cherche à lui voler et à exploiter au profit des autres une ferme
que sa mère lui a laissée dans le Cantal. Depuis une année enfin,
les persécutions redoublent. On paie des gens pour l'injurier dans
la rue. Elle ne peut plus travailler parce qu'on lui refuse de l'ou-
vrage; on veut faire un dossier sur son compte ; on dit qu'elle
gratte, qu'elle vole; on agit indirectement sur elle sans qu'elle
puisse deviner l'énigme. Elle a entendu son propriétaire dire : on
ne meurt qu'une fois ! Enfin, à deux reprises, elle a eu des craintes
d'empoisonnement.
Dans un pareil état d'esprit, elle s'est isolée avec sa soeur,
qu'elle a faite la confidente et bientôt la victime de ses soucis
imaginaires. A la suite de démêlés avec sou propriétaire, elle fut
arrêtée avec sa soeur, et toutes deux furent envoyées à l'asile.
Anne a une attitude méfiante, pleine de réticences. Elle est
réservée et parle à mots couverts. Cette attitude contraste sin-
gulièrement avec celle de sa soeur, Marie T..., âgée de vingt-
sept ans, faible d'esprit, qui semble avoir pris à tâche à elle seule,
de démontrer l'inanité des soupçons de folie dont ou l'accuse en
compagnie de son aînée, en même temps que la vérité des persé-
cutions dont elles ont été l'objet. Contraste bizarre, c'est elle qui
subit l'influence de l'autre, et c'est elle qui joue en apparence
le rôle le plus actif. Mais son peu de jugement, sa niaiserie, la
faiblesse de ses arguments, bien peu en rapport avec la force de
sa convictfon, démontrent, sans plus ample informé, qu'elle n'est
qu'un écho. '
340 PATHOLOGIE MENTALE.
Son délire repose sur trois points principaux qu'elle défend avec
les mêmes arguments que sa soeur, mais différemment présentés.
A la première objection, elle est au bout de son raisonnement,
tandis que l'autre se défend avec beaucoup de finesse. Elle affirme
d'abord que sa soeur et elle sont l'objet de persécutions, mais elle
ne précise aucun fait, ne fixe pas un nombre d'années et fait tou-
jours les mêmes réponses stéréotypées. Les deux autres points sont
relatifs à la pendaison de la mère et à celle du père. Le récit de
la cadette est la reproduction de celui de l'aînée, mais il n'est pas
difficile de la trouver en contradiction avec elle-même ; taudis que
l'aînée affirme énergiquement, la cadette le fait timidement, et
parfois elle doute; son esprit passe par une série de fluctuations
bien fortes pour démontrer le peu de fondement de ses idées déli-
rantes.
Poursuivons maintenant l'étude des différences cli-
niques qui séparent le délire actif du délire subi.
Ces différences concernent les phénomènes halluci-
natoires. Il est exceptionnel de voir les deux malades
partager les mêmes hallucinations. Dans l'évolution du
délire chronique, elles ont un cachet bien typique
qu'il est à peu près impossible d'imiter ; de plus, elles
tiennent le premier rang parmi les phénomènes mor-
bides de la maladie. Chez le débile qui copie le délire
chronique, l'hallucination peut parfois exister, encore
faut-il qu'elle soit directement provoquée par le ma-
lade actif.
Dans ce cas, les deux hallucinations se produiront
d'après un mécanisme tout différent. De plus, chez le
délirant chronique, l'hallucination revient sans cesse
et persiste longtemps avec le même caractère, puisque
c'est grâce à cette persistance que la maladie prend
un cachet si net de systématisation. Il ne saurait en
être ainsi d'une hallucination provoquée qui n'est
qu'un phénomène fugitif. Le plus souvent, l'hallucina-
tion de l'un ne provoque chez l'autre qu'une illusion,
et ce sont surtout les illusions et les interprétations
DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE.. 341,
délirantes qui forment le cortège symptomatique des
délires communiqués.
Lorsque le malade actif est un faible d'esprit, son
délire est beaucoup plus simple, beaucoup moins
logique que celui du délirant chronique, et, en tout
cas, beaucoup moins systématisé ; il ne se compose
en général que d'un nombre assez restreint d'idées
mal liées entre elles, souvent passagères et transi-
toires. Lorsque l'élément hallucination intervient, son
mécanisme est tout différent, et, en tout cas, il ne
joue plus un rôle prépondérant. C'est un symptôme ra-
rement persistant avec le même caractère, il est fugitif
et fait très vite place à un autre. Il est plus facile
d'adopter complètement des conceptions délirantes
passagères, sans beaucoup de fond, qu'un délire bien
coordonné et complexe. Aussi, un délire communi-
qué par un débile à un autre débile, se transmet-il
plus communément avec tous ses éléments, mais la
ressemblance est néanmoins toujours imparfaite.
Dans la folie communiquée, les conceptions déli-
rantes ne sont pas les seuls éléments susceptibles
d'être imités. Chez les faibles d'esprit, dont les facultés
sont tout à fait restreintes, la volonté peut être com-
plètement annihilée. Dans ces conditions, les malades
n'acceptent pas toujours un délire dont ils seraient
peu capables de faire les frais, mais si ce délire s'ac-
compagne d'actes, on les voit y prendre part avec la
plus grande facilité. Témoin l'histoire suivante d'une
imbécile qui s'associe sans murmurer au suicide de
son père et de sa mère, acceptant le fait comme une
chose très simple, sans avoir la notion exacte de l'acte
qu'elle accomplit.
342 PATHOLOGIE MENTALE.
Observation IV.
Délire à trois. Père et mère mélancoliques. Fille imbécile.
J... (Marie), âgée de trente-neuf ans, entre au bureau d'admis-
sion de Sainte-Anne le 4 novembre 1886, à la suite de circons-
- tances tragiques qu'elle raconte avec une simplicité ingénue, bien
peu en rapport avec la gravité des faits qu'elle relate.
Son père et sa mère, simples journaliers, vivaient depuis long-
temps dans un dénûment complet. La mère avait toujours été
triste d'une façon exagérée. Depuis un mois particulièrement,
elle était tombée dans une mélancolie profonde, dont la cause
déterminante avait été les conditions misérables de son existence.
Elle pleurait constamment, gémissait, ne pensait plus qu'à la mort,
prétendant que celle-ci rendait aux gens le bonheur qu'ils
n'avaient pas sur terre. Dans cet ordre d'idées, elle ne tarde
pas à penser au suicide; mais, considérant le malheur de son
mari et de son enfant égal au sien, elle caresse l'idée de mourir
en leur compagnie. Pendant un mois, elle harcèle son mari pour
l'engager dans cette voie; celui-ci ne voulait pas mourir et résistait.
Enfin elle triomphe de toutes les oppositions, et un matin, après
avoir fait une grande provision de charbon, obturé portes et
fenêtres, elle allume un réchaud, fait coucher son mari après lui
avoir fait absorber du rhum. Elle-même se couche auprès de lui,
après avoir été chercher sa fille qui, elle, ne voulant pas mourir.
s'était tenue à l'écart et s'était couchée. Elle force sa fille à se cou-
cher auprès d'elle, le long du mur.
Le père ne tarde pas à expirer. La mère vivait encore ; plusieurs
fois le réchaud s'éteint, plusieurs fois elle le rallume; elle absorbe
une partie de la fiole qui avait servi au père et force sa fille à
boire le reste. Celle-ci refuse. Au bout de peu de temps, la mère
agonise ; la fille, toujours couchée auprès de sa mère, pleure, sans
pourtant se rendre un compte exact de sa situation. Elle voit
l'écume sortir de la bouche de sa mère, elle l'essuie avec son
mouchoir. Bientôt après, la mère expire. La fille, anéantie par
l'effet de l'oxyde de carbone, reste étendue auprès du cadavre de
son père et de sa mère pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que les
voisins, étonnés de la disparition des trois personnes, provoquent
des recherches. En ce moment, Marie J..., complètement revenue
à elle, était encore couchée auprès des cadavres dans un état com-
plet de putréfaction : « ça sentait très mauvais, » ajoute-t-elle
sans s'émouvoir.
Ces faits donnent déjà une juste idée de l'état mental de la
malade, qui, absolument sans défense et sans initiative, a laissé,
sans presque s'en apercevoir, se consommer deux suicides qui la
DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 343
laissent sans soutien. Elle a d'ailleurs l'attitude d'une imbécile.
Incapable de s'occuper à quoi que ce soit, elle reste assise toute la
journée, la tête inclinée sur la poitrine, la bouche entr'ouverte,
d'où s'écoule parfois la salive. Sa parole est lente, traînée, em-
brouillée, son langage est niais. Mise à l'école pendant plusieurs
années, elle a tout juste appris à reconnaître quelques lettres
imprimées; encore les confond-elle souvent entre elles. 11 lui arrive
de déchiffrer quelques mots dont elle ne comprend pas le sens.
Elle ne sait ni écrire, ni compter, ni reconnaître l'heure. Ses
notions sont donc à peu près nulles. Elle n'a d'ailleurs jamais pu
se rendre utile; apprendre un métier, était au-dessus de ses
moyens.
Sa résistance contre le suicide a été à peu près complètement
passive. Ses paroles à cet égard sont absolument typiques : « Je
me suis gendarmée, je ne voulais pas que ma mère meure, mais
elle le voulait absolument. Elle voulait qne je meure avec elle ; elle
ne voulait pas que je reste sur terre pour souffrir. Je pleurais, je
n'ai pas crié. Si j'avais appelé les voisins, ma mère m'aurait dit
des sottises; vous ne la connaissez donc pas ? Que voulez-vous que
je dise à une femme de cet âge ? il n'y a rien à dire; c'était elle
la maîtresse de tout; j'ai pris mon courage à deux mains; oh !
je vous assure que j'ai eu du courage ! Mon père a consenti à mou-
rir pour faire plaisir à ma mère; ça lui faisait quelque chose de
mourir; il ne voulait pas. Je disais à ma mère : Au moins vis
pour moi. » Elle répondait : - Nous mourrons tous les trois; tous
trois dans le même cimetière, dans le ciel ! »
Elle raconte toutes ces choses, comme si elles étaient naturelles,
sans aucune larme. Elle ne comprend pas l'étendue de sa perte.
C'est avec une complète ingénuité qu'elle ajoute : « Quelle secousse,
je n'en suis pas encore remise ! »
Ajoutons, pour compléter son histoire pathologique, que J... a
eu des convulsions dans l'enfance et qu'elle est épileptique.
La marche et la durée des délires établissent encore
une différence entre les malades actifs et les malades
passifs. Ces derniers ne sont en quelque sorte que les
dépositaires d'idées délirantes dont il ne sont pas les
créateurs. D'où il suit logiquement que, dans la plu-
part des 'cas, chez les passifs, le délire n'a pas de
solides attaches. Ce sont des malades influencés, mal-
léables par excellence, et de même qu'ils ont subi une
première influence qui a été funeste, ils peuvent subir
344 PATHOLOGIE MENTALE.
une' influence contraire, celle du médecin, qui n'a gé-
néralement pas beaucoup de peine à faire disparaître
toute conception délirante. Mais pour arriver à ce ré-
sultat, il est bon de ne pas perdre de temps, afin d'é-
viter que le malade passif, une fois ébranlé, n'écha-
faude pour son propre compte un délire. La marche
du délire communiqué sera donc des plus irrégulières,
et essentiellement dépendante des diverses influences
auxquelles le malade sera soumis. Il est bien évident
que les ressources du traitement seront d'autant plus
nombreuses que l'on aura affaire à un malade plus
faible d'esprit, car le degré de systématisation d'un
délire croît en raison directe des moyens que possède
l'aliéné.
Il en est tout autrement du malade actif. Son délire
aura la marche et la durée justement en rapport avec
la forme du délire qu'il aura créée. Si le délire du ma-
lade passif échappe à toute description clinique, celui
du malade actif rentre forcément dans un cadre noso-
logique connu.
Est-il besoin de soulever à propos du délire com-
muniqué la question médico-légale ? Un récent procès
a amené devant la barre quatre malades complices du
même crime. Il s'agissait en réalité d'un cas de folie
communiquée. L'une des quatre personnes, intelli-
gente, mais déséquilibrée et délirante, avait seule per-
pétré le crime, entraînant à sa suite les trois autres,
considérées comme autant de faibles d'esprit. Le jury
admit la responsabilité partielle de la principale accu-
sée, qui fut condamnée. Si nous considérons cette
doctrine de la responsabilité partielle au point de vue
qui nous occupe, elle nous inspire les réflexions sui-
DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 345
vantes : On se demande comment peut s'opérer, au
point de vue psychologique, un pareil dédoublement;
la moitié de nous-même peut-elle rester étrangère aux
déterminations que prendrait l'autre moitié ? Notre
individualité n'est-elle pas la résultante synergique de
toutes nos forces intellectuelles ? La destruction de
cette synergie ne peut être qu'un fait pathologique, et,
partant, élimine toute idée de responsabilité. Cette
théorie de la responsabilité partielle nous rappelle le
temps où l'on admettait encore que notre organisation
psychique est réductible à un nombre déterminé de
facultés distinctes, pouvant fonctionner et pouvant
être lésées séparément, théorie qui a donné naissance
en psychiatrie à la doctrine des monomanies. En ma-
nière de conclusion, nous pensons qu'au point de vue
médico-légal, il est illogique de soulever la question
de responsabilité tant pour le délirant actif que pour
le délirant passif.
Le traitement à adopter pour la folie communiquée
découle de l'exposé précédent. Il faut séparer radica-
lement le délirant actif, des malades sur lesquels il a
fait sentir son influence, et interner le premier qui
pourrait faire d'autres victimes. Le malade passif gué-
rit souvent de lui-même, quand il reste seul pour en-
tretenir un délire dont il n'est pas l'auteur. Mais il est
des cas toutefois, où il devient nécessaire de faire in-
tervenir l'influence du médecin pour achever la gué-
rison. Un traitement moral, bien dirigé, produit géné-
ralement les meilleurs résultats.
CLINIQUE NERVEUSE
RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-
DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES' ;
Par M. le D' Michel CATSARAS,
Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes; Médecin de l'asile de Dromocaitis; Membre
de la Société Médico-psychoiogiquc de Paris.
D. GROUPE DE différentes douleurs ET de DIVERS
autres symptômes sensitifs. Les douleurs sont de
deux ordres : douleurs articulaires ou arthropathies
douloureuses et douleurs musculaires ou myopathies
douloureuses. Les douleurs articulaires tantôt existent
seules (OBs. XI), et tantôt sont accompagnées de dou-
leurs musculaires (OBS. III). La même chose arrive
aux douleurs musculaires.
Les arthropathies peuvent se localiser à une seule
articulation, comme par exemple, les douleurs que le
malade de l'OBSERVATION III avait à l'articulation de
l'épaule; il ne sait pas s'il y avait du gonflement de
l'articulation ; il ajoute seulement qu'il avait été forcé
de garder son membre dans l'immobilisation, afin de
ne pas exaspérer la douleur. Elles peuvent par contre
se généraliser et occuper presque toutes les articula-
tions, comme c'est arrivé à notre malade de l'OBSER-
VATION XI, qui, au moment de l'invasion de l'accident,
' Voy. Archives de Neurologie, n° il, p. li5.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 347 Î
avait seulement des douleurs à l'articulation du coude
et bientôt après, fut pris de douleurs générales aux
articulations des quatre membres, lesquelles étaient en
même temps gonflées, surtout celles du genou. Lemalade
percevait aussi un bruit semblable à un craquement
pendant les mouvements qu'il faisait, fort rares d'ail-
leurs, afin de ne pas exaspérer la douleur. Il n'y avait
pas trace de fièvre. Ces arthropathies sont d'une inten-
sité toujours très grande, parfois exceptionnelle, au
point que le malade pousse des cris déchirants. Elles
sont continues, parfois traversées d'élancements. Le
maximum de leur durée est de vingt-quatre heures.
Les myopathies peuvent avoir pour siège plusieurs
parties du corps; ainsi le malade de l'OBSERVATION III
avait une pression douloureuse constrictive à la nuque.
Ceux de ]'OBSERVATION XII et XIII avaient les douleurs
entre les omoplates et enfin celui de l'OBSERVATION IV
les avait aux lombes. Les douleurs musculaires sont
assez fortes, mais moins intenses que les articulaires.
Leur durée est aussi de quelques heures.
Divers autres symptômes sensitifs semblent pouvoir
se présenter parmi les symptômes du début. Tels sont
le frisson généralisé de l'OBSERVATION IX et les four-
millements très forts du malade de l'OBSEIiVATIONVIIl,
lesquels ayant commencé par le pied gauche et suivi
une marche rapidement ascendante, arrivent jusqu'aux
côtes gauches. Quelques moments après, la même
sensation se produit exactement au côté opposé. Ces
fourmillements ont persisté environ trois heures.
Par la description précédente des différents symp-
tômes qui peuvent constituer le début de cette forme
spinale, on est certainement frappé aussi bien de leur
348 CLINIQUE NERVEUSE.
extrême variabilité et de leur multiplicité, que de leur
instabilité et de leur fugacité. En effet, parmi nos
groupes, il n'y en a pas un seul qui ait é é constant
et il n'y a pas un seul cas qui ait simultanément
présenté à son début les symptômes de ces quatre
groupes. Ainsi, tantôt c'est un symptôme d'un groupe
quelconque qui constitue à lui seul toute la symp-
tomatologie du début, comme par exemple, à notre
Observation VI il n'y a parmi les symptômes cépha-
liques que la perte de connaissance, suivie immé-
diatement après de l'explosion de la paraplégie : de
même à observation XIII, la douleur interscapu-
laire est le seul symptôme du début. Tantôt plusieurs
symptômes d'un même groupe, isolés de tous les
autres, peuvent constituer le début comme par exemple
à l'OBSERVATION V l'accident a débuté par la cécité
fugitive et l'aphasie motrice, symptômes du groupe
céphalique : ou comme à l'OBSERVATION III, la pression
douloureuse constrictive à la nuque et les douleurs
à l'épaule droite, symptômes du groupe de dou-
leurs ont marqué le début de cet accident. Enfin,
des symptômes de plusieurs groupes peuvent cons-
tituer le tableau clinique du début : comme par
exemple à ! 'OBSERVATioN I, les vertiges de translation
et la perte de connaissance, symptômes du groupe
céphalique, la pesanteur sur la poitrine et la gêne
de la respiration, symptômes du groupe respiratoire,
les douleurs atroces épigastriques, la sensation de
brûlure et la soif, symptômes du groupe gastrique,
annoncent en même temps l'invasion de cette forme.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 349
2. Période paralytique OU paraplégique.
Il paraît que pour la plupart des cas, l'explosion
de la paraplégie a lieu soit pendant que les symp-
tômes du début existent encore soit immédiatement
après leur disparition sans aucun intervalle (Cas..11,
III, IV, V, VI, IX, X. XII). Cependant, il est assez
fréquent de constater un intervalle plus ou moins long
entre la disparition complète' des symptômes du début
et l'invasion de la paraplégie. Durant ce temps, le
scaphandrier n'a absolument aucun trouble quel-
conque, il se porte à merveille. Cet intervalle de bien-
être parfait a existé chez cinq de nos malades. Sa durée
est à peu près d'un quart d'heure (OBS. I), six heures
(OBS. VII), et dix heures et demie (OBS. XIII). On ne
peut préciser la durée exacte de cet intervalle chez
les malades des Observations VIII et XI, car tous les
deux se sont endormis, le premier à 9 heures du soir,
le second à minuit, parfaitement bien portants et en
se réveillant, le premier à minuit et le second à
7 heures du matin, ils voient leurs membres inférieurs
complètement paralysés et immobiles. Cet intervalle,
outre sa spécificité, est bien de nature à prouver l'in-
dépendance et l'autonomie des symptômes du début;
tous sont extrinsèques. Nous y reviendrons au cha-
pitre de physiologie pathologique.
Il est temps maintenant de procéder à l'étude de la
paraplégie elle-même, sous le rapport de son mode
d'invasion et de ses symptômes associés.
A. Mode d'invasion. L'invasion de la paraplégie
350 CLINIQUE NERVEUSE.
est presque toujours brusque. Dans l'immense majo-
rité des cas, la paraplégie est complète dès le premier
moment de son invasion (OBS. III, IV, V, VI, VII, IX,
X, XIII). Pour quelques cas, il paraît qu'il faut à la
paraplégie un certain temps pour arriver à son com-
plet développement. Ce temps, toujours très court,
varie entre quelques minutes (comme chez le malade
de l'OBSrRVATION I, dont la paraplégie ayant commencé
par un affaissement brusque, était devenue complète
après quelques minutes) et quelques heures (trois
heures pour l'OBSERVATION II, plus de douze pour l'OB-
SERVATION XII).
La paraplégie des membres inférieurs peut être
accompagnée de monoplégie d'un membre supérieur
soit droit (CES. Il), soit gauche (OBs. III et X). La mono-
plégie de ces dernières observations est complète dès
le moment de son invasion, comme d'ailleurs la para-
plégie qu'elle accompagne. En revanche, celle de
I'Observation II a mis comme la paraplégie trois
heures pour se compléter.
Il est des cas où ce n'est plus une monoplégie mais
une paraplégie des membres supérieurs qui accom-
pagne et précède même quelquefois pendant un cer-
tain temps la paraplégie des membres inférieurs. Tel
est le cas de I'OBSERVATION XII. Ce malade était pris à
1 1 heures du matin d'une parésie des membres supé-
rieurs, qui ayant commencé par le membre gauche a
fini, quelques minutes après, par envahir aussi le droit.
Durant une demi-heure, la parésie des membres supé-
rieurs existait seule sans trace de parésie des mem-
bres inférieurs qui est survenue au bout de ce temps,
c'est-à-dire à onze heures et demie. A ce moment donc,
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 351
les quatre membres étaient parétiques. Nous ne
devons pas oublier de mettre en relief une autre par-
ticularité présentée par le même malade dans l'éta-
blissement de sa paraplégie. La parésie du membre
inférieur gauche a presque disparu, le droit inférieur
et les deux supérieurs étant restés dans le même état
de parésie : cette disparition n'était pas destinée à
durer bien longtemps, car au bout de cinq minutes,
la parésie reparait telle qu'elle était auparavant.
Depuis ce moment, la parésie de ses quatre membres
s'aggravait d'une heure à l'autre, au point que le
lendemain, elle était remplacée par une paraplégie
double complète, le malade étant dans l'impossibilité
absolue de faire le moindre mouvement.
Les paralysies des membres supérieurs, qui accom-
pagnent la paraplégie, tantôt sont éminemment fugi-
tives et durant un temps très court, par exemple une
demi-heure (OBs. X), six heures (Cas. II), tantôt elles
sont passagères et durent quelques jours. C'est ainsi
que la monoplégie du membre supérieur gauche du
malade de I'Observation III et la paraplégie des extré-
mités supérieures du malade de I'Observation XII ont
commencé à se dissiper le quinzième jour pour dis-
paraître tout à fait, quelques jours après.
Examinons maintenant les symptômes qui s'allient
à la paraplégie, c'est-à-dire ceux que nous avons
appelés symptômes associés.
B. Symptômes ASSOCIÉS.- Les symptômes qui peu-
vent s'associer à la paraplégie sont divers. Les prin-
cipaux sont ceux qui ont existé chez nos malades et
qui consistaient en troubles : 1° de la sensibilité, 2° de
382 ' CLINIQUE NERVEUSE.
la vessie, 3° du rectum, 4° des organes génitaux, et
5° douleurs aux lombes.
1). Symptômes sensilifs. La sensibilité paraît être
constamment altérée ; au moins sur les treize obser-
vations cette altération n'a jamais fait défaut, elle a
toujours accompagné l'altération de la motilité. Cette
altération consiste rarement en une diminution, qui
toutefois est très marquée (Cas. V et VIII), très souvent
au contraire en une anesthésie complète (OBS. I, II,
III, IV, VI, VII, IX, X, XI, XII, XIII). L'abolition de
la sensibilité est si complète, que les membres para-
lysés sont absolument insensibles, non seulement à la
simple piqûre, mais encore plus d'une fois, quand
on a transpercé la peau. L'existence des troubles de
la sensibilité est toujours recherchée par les compa-
gnons du plongeur atteint, car ils attribuent à cette
épreuve une certaine importance pronostique.
2). Troubles de la vessie. Les troubles vésicaux
qui ont été présentés par nos malades sont les suivants :
La rétention d'urines, qui est presque constante; en
effet, elle a manqué une seule fois sur treize observa-
tions. Chez le malade que nous avons observé avec
M. le Dr Xanthos, la rétention d'urines avait occa-
sionné une distension considérable de la vessie, for-
mant une tumeur qui débordait le pubis de plusieurs
travers de doigt. Ce symptôme a duré un temps qui
a varié chez nos malades entre deux jours (Cas. V) et
un mois (OBs. II et IX); pendant ce temps, la néces-
sité de sonder le malade devient impérieuse, ce qui
oblige les scaphandriers d'avoir la sonde avec eux.
La rétention une fois disparue, tantôt fait place, mais
rarement, à l'état normal de la vessie (OBs. X), tantôt
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 353
laisse après elle une difficulté plus ou moins grande
pour uriner (OBS. XII et XIII); enfin, ce qui arrive
très souvent, huit fois sur treize, la rétention est sui-
vie d'incontinence involontaire d'uriner. Une seule
fois, l'incontinence chez le malade de l'OBSERVATION VI,
a eu lieu d'emblée pendant la durée de la perte de con-
naissance. Pour finir avec les troubles vésicaux, il
faut mentionner le catarrhe vésical de l'OBSERVATioN VIII
avec les douleurs de l'orifice externe.
3), Troubles du rectum. Ici encore, comme pour
la vessie, la rétention est presque toujours le premier
trouble du rectum qui apparaît et qui, à de rares ex-
ceptions près, marche de concert avec la rétention
d'urines, et comme elle, une fois dissipée, fait place
rarement à un état normal, moins rarement à la diffi-
culté de défécation, très souvent au contraire, àol'in-
continence involontaire de matières fécales. Une. seule
fois (OBS. VI), le malade d'emblée, durant sa perte de
connaissance, a rendu ses matières.
4). Troubles génitaux. Ces troubles sont bien
loin d'avoir la même fréquence que les précédents.
En effet, ils ne figurent guère que deux fois dans notre
tableau. Les symptômes génitaux qui ont été présen-
tés par ces deux malades sont de nature différente,
en quelque sorte opposée. Chez celui de t'OBSERVA-
TION VI, qui était pris d'un priapisme très fort, le pé-
nis était dans un tel état d'érection qu'il raconte
n'avoir jamais vu son membre viril si dur et si turges-
cent. Ajoutons en passant, que ce priapisme avait sur-
vécu treize jours à la paraplégie, ce qui fait au total
seize jours. Chez l'autre malade de l'OBSERVATION XI,
il y avait par contre une impuissance complète.
Archives, t. XV. 23
354 ' CLINIQUE NERVEUSE.
5). Douleurs aux lombes. C'est un symptôme qui
a existé chez deux de nos malades (OBS. I etX); celui
de la dernière observation comparait ses douleurs à
des coups de poignard, à chaque coup, il croyait que
ses reins s'ouvraient en deux.
3. PÉRIODE DU syndrome spasmodique
L'examen direct de l'étape ultérieure de l'histoire
pathologique des différents malades qui ont servi de
sujets pour la constitution de cette forme morbide
d'accidents spinaux a mis en évidence : A), des cortèges
symptomatiques positifs, c'est-à-dire divers groupes
de symptômes qui peuvent figurer au tableau clinique
de notre forme ; B), des cortèges symptomatiques
négatifs, à savoir des groupes de symptômes qui ne
peuvent ni même ne doivent pas jouer de rôle dans
la représentation de la scène morbide de cette forme.
A). Symptômes positifs. Les divers symptômes
qui figurent dans notre tableau peuvent être ramenés
aux six groupes suivants : a), syndrome de symptômes
spasmodiques; b), symptômes sensitifs, c), symptômes
vaso-moteurs; d), symptômes vésicaux; e), symptômes
rectaux; /), symptômes génitaux.
a). Syndrome de symptômes spasmodiques. Voilà
le syndrome qui seul est constant et ne fait jamais
défaut, et par cela même il devient le caractère fonda-
mental de cette forme. Presque toutes, pour ne pas
dire toutes les paraplégies provenant de l'emploi des
scaphandres, et qui se prolongent au delà d'un mois,
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 355
c'est-à-dire pendant un temps suffisant au développe-
ment des symptômes spastiques, presque 'toutes ces
paraplégies , dis-je, sont spasmodiques, et en sens in-
verse, il n'y en a pas une seule qui soit flaccide.
Exception faite du malade de l'OBSERVATION VI qui, le
troisième jour de son accident, était complètement
guéri ; en conséquence, le syndrome de la paraplégie
spasmodique n'a pas eu le temps suffisant pour son
développement ; nous remarquons seulement un cer-
tain degré d'exaltation de réflexes, ébauche du syn-
drome spastique qui commençait : les paraplégies des
douze autres cas étaient toutes spasmodiques. Nous
croyons pouvoir considérer cette loi comme complète-
ment acquise : nous pourrions même la prolonger au
delà du nécessaire, en citant un grand nombre de
faits que j'ai laissés de côté, dans la crainte de fatiguer
l'attention du lecteur par une suite monotone d'obser-
vations toujours plus ou moins analogues entre elles.
Si les symptômes constitutifs de notre paraplégie spas-
modique provenant de l'emploi des scaphandres ne dif-
fèrent certes en rien de ceux qui s'observent dans les
paraplégies spastiques d'autres origines, il n'en est
pas de même, disons-le tout de suite, sous le rapport
de leur évolution et de leur marche. Cela posé, passons
maintenant à la description spéciale de chaque symp-
tôme de ce syndrome.
1). Exaltation des réflexes roluliens. C'est un
signe qui n'a manqué dans aucune de nos observations.
Son intensité varie sans doute suivant le degré de l'ex-
citabilité de la moelle. En effet, tantôt à chaque coup
du marteau percuteur ou du bord cubital de la main
droite, la jambe se projette d'une façon brusque et
356 CLINIQUE NERVEUSE.
spasmodique, mais une seule fois; tantôt l'exaltation
des réflexes est telle que chaque coup est suivi de deux
ou trois projections de la jambe; il est même des cas
où l'excitabitité myélitique est tellement grande et dif-
fuse que les coups portés sur les tendons rotuliens
secouent tout le corps du malade. Il nous est arrivé
parfois de constater, en même temps que la projection
de la jambe gauche p. e., lorsque le tendon rotulien
gauche est percuté, un mouvement d'adduction de la
cuisse droite.
Tous les autres mouvements réflexes provoqués par
diverses excitations de la peau, et surtout par le cha-
touillement de la plante des pieds, se trouvent égale-
ment avoir augmenté plus ou moins d'intensité.
2). Epilepsie spinale. C'est un signe constant. En
effet, tous les paraplégiques, par l'emploi des sca-
phandres, tremblent des pieds ou ont tremblé- s'ils
sont presque ou tout à fait guéris. Pour ne parler que
des observations rapportées, on voit l'épilepsie spinale
figurer onze fois sur douze; la paraplégie de l'OBSER-
VATION VI ne peut être comptée comme n'ayant duré
que trois jours, de sorte que le malade de l'OB-
SERVATION V est le seul chez lequel nous n'ayons pu
constater de visu l'existence de ce signe, au moment
de notre examen; mais si l'on jette un coup d'oeil sur
l'historique de cette observation, on lira « ses pieds
« tremblent surtout au réveil et sôus l'influence des
« émotions et des fatigues ». Donc, en somme, l'épi-
lepsie spinale n'a jamais fait défaut. Elle se manifeste
aussi bien spontanée, surtout sous l'influence des con-
ditions sus-mentionnées, que provoquée et facile à
constater, soit et principalement, à l'aide du procédé
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 387
ordinaire , en relevant brusquement l'avant-pied ,
soit par diverses excitations, faradisation, pincement
de la peau, chatouillement de la plante des pieds, ex-
tension du grand doigt de pied, etc., etc. Souvent
la trépidation est tellement intense et continue qu'il
fallait fortement et brusquement fléchir le grand doigt
du pied pour faire cesser le tremblement involonlaire.
3). Secousses. C'est encore un symptôme qui ne
fait presque jamais défaut. Elles sont plus fréquentes
la nuit : tout d'un coup, les membres inférieurs des
malades se fléchissent et s'étendent brusquement.
4). Contratures passagères. Lorsque la paraplégie
spastique est plus ou moins avancée, les membres de
nos malades se raidissent en extension pendant un
temps variable, il est vrai, mais toutefois assez court,
quelques minutes. Les contractures passagères sont
bien plus fréquentes la nuit.
5.) Dyscampsie des articulations. - Quand on fait
mouvoir les membres des malades, on sent une résis-
tance plus ou moins marquée, proportionnelle au degré
de la rigidité musculaire qui existe sans que la volonté
des malades s'y oppose. En général, dans les cas
avancés, les membres de ces malades sont rigides et
quasi lourds et ils les sentent comme de véritables
barres de fer.
6.) Démarche spasmodique. L'intensité de la dé-
marche spasmodique varie suivant que la paraplégie
est plus ou moins avancée et suivant le moment où
l'on examine le malade. Les allures cliniques de la
démarche spasmodique de la paraplégie spastique
provenant de l'emploi des scaphandres ne diffèrent
certainement en rien de celles qui s'observent dans les
358 CLINIQUE NERVEUSE.
paraplégies spasmodiques ayant une toute autre ori-
gine. On a pu se convaincre par la description de la
démarche spasmodique de nos malades.
Les allures cliniques de cette démarche, quand elles
existent, sont tellement caractéristiques-on le sait-
qu'un simple coup-d'oeil suffit pour la constater et
naturellement diagnostiquer le syndrome de la para-
plégie spasmodique. Ce n'est pas seulement le sens de
la vue qui peut, quand les allures existent, révéler la
paraplégie spasmodique, c'est également le sens de
l'ouïe qui, percevant de loin le bruit tout particulier
que ces malades font pendant la marche en frottant le
sol, trahit ce syndrome sans le secours de la vue.
Il arrive souvent que la paralysie prédomine d'une
façon très prononcée à un des membres inférieurs, soit
le droit (Oss. IV, XI et XIII) soit le gauche (OBS. X);
alors naturellement le syndrome spasmodique, c'est-
à-dire, exaltation des réflexes, épilepsie spinale tant
provoquée que spontanée, secousses, contractures
passagères, dyscampsie des articulations, rigidité mus-
culaire, etc., prédomine au membre le plus paralytique
ou le plus parétique. Dans ce cas-là, lorsque le malade
boite d'un seul côté, la démarche spasmodique est uni-
latérale : ainsi le malade de l'OBSGRVATION IV était
obligé d'incliner le tronc à gauche et un peu en ar-
rière et de lever la hanche droite pour arriver à déta-
cher du sol son membre inférieur droit et le faire
avancer; par contre pour détacher du sol et faire
avancer son membre inférieur gauche, il n'était nul-
lement obligé d'incliner son tronc à droite et de
lever sa hanche gauche, car les muscles de ce mem-
bre n'étaient pas assez rigides pour en empêcher
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 359
la flexibilité. La même chose, mais vice versa, arrivait
au malade de l'OBSERVATION X qui avait une prédomi-
nance des phénomènes paralytiques spasmodiques à
son membre inférieur gauche.
Voyons maintenant, comment ces différents symp-
tômes du syndrome spasmodique se groupent entre
eux, comment ils se développent et quelle est leur ter-
minaison ; en d'autres termes, étudions l'évolution du
syndrome de la paraplégie spasmodique provenant de
l'emploi des scaphandres.
Voici comment les choses se passent : Un scaphan-
drier, soit immédiatement après l'enlèvement de son
casque, soit au bout d'un certain intervalle de bien-
être, après avoir présenté un ou plusieurs symptômes
du début, est pris soudain de paraplégie complète,
soit dès le moment de son invasion, soit quelques
minutes ou même quelques heures après : alors de deux
choses l'une : ou bien cette paraplégie guérit dans un
délai moindre d'un mois et alors le syndrome spas-
modique n'a pas eu le temps de se développer au
moins d'une manière plus ou moins appréciable, ou
bien elle se prolonge bien au delà de ce temps. Alors,
vers la fin de la quatrième semaine ou au début de la
cinquième après l'accident paraplégique, le syndrome
spasmodique commence par des secousses; tôt ou
tard l'épilepsie spinale fait son apparition. A ce mo-
ment, il est presque inutile d'ajouter que les réflexes
sont et doivent être exagérés. Il est des cas où l'évo-
lution de notre syndrome s'arrête là : la paraplégie
spasmodique est pour ainsi dire avortée. Une fois
arrivé à ce point de développement, ce syndrome
avorté commence à rétrograder et devient de plus en
360 CLINIQUE NERVEUSE.
plus faible, de plus en plus fruste, il va même jusqu'à
disparaître; ce qui est arrivé chez le malade de
l'OBSERVATION XT, qui, un mois après l'invasion de sa
paraplégie avait commencé à avoir des secousses aux
membres inférieurs; ses membres, surtout le droit,
sous l'influence de certaines conditions, s'agitaient
d'un tremblement involontaire. A ce moment, on
n'était pas là pour constater s'il y avait de l'exaltation
des réflexes rotuliens; toutefois, on peut affirmer
que cela ne saurait être autrement. L'exaltation même
des réflexes dans le syndrome spasmodique, au point
de vue chronologique, se développe plus ou moins
avant que l'épilepsie spinale fasse son apparition. Ce
malade dans le cours de sa maladie n'a jamais eu ni
contractures ni démarche spasmodiques : c'était un
syndrome spasmodique avorté dans son évolution. Non
seulement il n'a pas suivi un traitement, mais encore
il commettait des excès alcooliques et vénériens con-
sidérables. Grâce à ces conditions défavorables, son
syndrome spasmodique avorté existait encore, bien que
plus atténué, le 15 mars 1884, jour de notre examen.
Le 10 mai, jour où nous avons revu le malade, son
syndrome a disparu : pas de parésie, pas de secousses,
pas d'épilepsie spinale, ayant laissé à titre de souvenir
un certain degré d'exaltation du réflexe rotulien droit.
Chez le malade de )'OBSERVATiON XIII, le syndrome
spasmodique s'avorte aussi dans son évolution, ensuite
il rétrograde, s'atténue, et finalement disparaît presque
complètement.
Mais dans un grand nombre de cas, le syndrome
spasmodique, au lieu d'avorter tend au contraire à se
compléter. La contracture passagère, la rigidité mus-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 361
culaire, la dyscampsie des articulations, la démarche
spasmodique s'ajoutent à l'état morbide. Poursuivons
maintenant la marche de ce syndrome, arrivé à ce
point de son évolution. Pour la plupart des cas, sa
marche est rétrogressive et le syndrome de la para-
plégie spasmodique s'atténue de plus en plus : c'est
ainsi que le malade de l'OBSERVATION 1, le'15 février
1876, marchait en s'appuyant sur deux bâtons avec
une grande difficulté, traînant les jambes qui lui parais-
saient lourdes et rigides comme de véritables barres de
fer; il frottait le soi ; ses membres s'agitaient à chaque
pas d'un tremblement très fort ; il avait des secousses,
etc.. Une fois arrivé à ce point, le syndrome s'arrête
dans son évolution; la rétrogression commence, le
syndrome s'atténue et nous voyons le malade vers le
milieu du mois d'avril 1876, marcher sans béquilles,
frotter fort peu le sol, avoir des secousses plus rares;
son tremblement bien moins intense et moins fré-
quent et les contractures rares. L'atténuation de ce
syndrome continue lentement' avec le temps, mais à
pas sûrs et le 15 février, jour de notre examen, les
allures de la démarche spasmodique sont extrême-
ment légères et bornées seulement au membre droit.
Les contractures passagères ont disparu. Les autres
symptômes sont a leur tour atténués, surtout au mem-
bre gauche. Depuis ce moment, nous n'avons pas revu
le malade pour constater si la rétrogression a con-
tinué son chemin. Le malade de ! 'OBSERVATION IV, le
2 juillet, marche en s'appuyant sur deux béquilles ;
ses membres inférieurs sont très lourds et très rigides;
il les traîne en frottant fortement le sol; tremblement
survenant à chaque pas et très intense; contractures
362 CLINIQUE NERVEUSE.
passagères fortes, etc. Ici encore, le syndrome spasmo-
dique commence à rétrograder, à s'atténuer et le
22 juillet, le malade frotte bien moins et traîne moins
ses membres qui lui paraissent moins lourds et moins
rigides ; son tremblement est moins fréquent et moins
intense; secousses et contractures passagères atté-
nuées. Là s'arrête la rétrogression, grâce aux excès
alcooliques et à l'absence de tout traitement, et le
15 juillet 1884, c'est-à-dire sept ans après son acci-
dent, nous trouvons le malade avec son syndrome
spasmodique atténué, surtout au membre gauche. La
rétrogression et l'atténuation chez les malades des
Observations V et VII vont jusqu'à la disparition com-
plète de ce syndrome.
A côté de ces cas relativement plus nombreux, il
y en a d'autres dont les syndromes spasmodiques
arrivés au point d'évolution que nous venons d'étu-
dier, loin de rétrogresser, de s'atténuer, s'arrêtent ou
ne rétrogradent que très peu (OBs. Il, III, VIII). On
ne doit pas tenir compte de J'OBSERVATION XII; car il I
s'agit d'un cas de trois mois. Cet arrêt est dû dans
un certain nombre de cas à deux causes principales :
1° l'absence d'un traitement approprié qui certes aurait
bien facilité cette tendance naturelle à la guérison, et
2° aux excès considérables de toute sorte et avant
tout aux excès alcooliques. Nous sommes bien con-
vaincu que si les malades, une fois tombés paraplé-
giques, étaient à temps soumis à un traitement appro-
prié et si ces malades étaient soustraits aux excès,
surtout aux excès alcooliques qui enrayent la marche
rétrogressive de la maladie, cette rétrogression dans
la généralité des cas au lieu de s'arrêter continue-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 363
rait son chemin. La marche rétrogressive de la para-
plégie spasmodique peut en outre être enrayée par
un nouvel accident paraplégique. En effet, au cours
de cette marche essentiellement rétrogressive, le
malade fait une campagne de pêche et une nouvelle
paraplégie soudaine et complète survient, qui enraye
son état, en voie d'amélioration. Chez le malade de
l'OBSERVATION I, dont l'état se trouvait en rétrogression
fort avancée et qui avait repris son travail, survien-
nent quatre nouveaux accidents paraplégiques à des
intervalles rapprochés qui fort heureusement furent
éminemment fugitifs, chacun d'eux n'ayant pas duré
plus d'une heure et demie, au bout de laquelle l'état
parétique était tout à fait le même qu'auparavant. Il
est des cas où ces accidents paraplégiques intercurrents
ne sont pas si complets, mais par contre, l'état du
malade s'aggrave, par exemple l'état du malade de
l'OBSERVATION VIII, qui était resté stationnaire pendant
treize ans, est aggravé par un état paraplégique inter-
current incomplet voire même léger survenu au bout
de ce temps.
Toutefois, s'il y a des cas où ce syndrome montre
peu ou pas de tendance à s'atténuer et à rétrograder
et le nombre de ces cas déjà inférieur à celui des
autres sera encore diminué par l'application d'un trai-
tement propre à faciliter leur tendance naturelle à la
guérison et par la suppression des alcooliques, etc.,
il n'y en a pas un seul où le syndrome tend à pro-
gresser et à aller jusqu'à la contracture permanente
au pied bot spasmodique. Bref, l'évolution du syn-
drome de la paraplégie spasmodique n'arrive jamais
au terme de son développement complet et une
364 CLINIQUE NERVEUSE.
fois arrivée aux points que nous avons longuement
décrits, la marche ultérieure de ce syndrome dans
l'immense majorité des cas est essentiellement rétro-
gressive ; dans quelques cas très peu nombreux, elle
est peu rétrogressive, quelquefois même elle reste
stationnaire, mais presque jamais, pour ne pas dire
jamais, elle n'est progressive.
b). Symptômes sensitifs. Les troubles sensitifs
que nous avons vus exister presque constamment et
marcher de concert avec les troubles de la motilité,
sous forme de paralysie plus ou moins complète au
moment de l'invasion et aux premiers temps de la
maladie, deviennent moins constants à une étape ulté-
rieure de cette forme. En effet, à cette époque, la
moitié de nos observations ne présentait plus d'alté-
ration de la sensibilité; par contre, dans les six autres
observations, elle a été trouvée altérée. L'altération de
la sensibilité dans l'immense majorité des cas s'est
manifestée par une paralysie soit incomplète, diminu-
tion de la sensibilité, soit complète, anesthésie. L'anes-
thésie est tantôt uniformément altérée sur presque
toute la longueur des membres et plus haut, tantôt
elle l'est par plaques, par exemple (Cas. IX). Il est
des cas où la sensibilité est plus ou moins paralysée
sous toutes ses .modalités (OBS. I). Il en est d'autres
où elle n'est affectée que sous un seul mode, la dou-
leur, par exemple (OBs. 11).
Parfois la sensibilité, au lieu d'être paralysée, est au
contraire pervertie, paresthésée, et exagérée. C'est
ainsi que, si l'on piquait ou si l'on touchait le membre
gauche du malade de l'OBSERVATION X, celui-ci éprou-
vait une sensation désagréable de picotements, depuis
.DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 365
le genou jusqu'au pied. Ce même membre était le
siège d'une hypéresthésie extrême au froid. Enfin,
pour en finir avec les troubles sensitifs, nous allons
faire observer qu'ils peuvent prédominer ou siéger
exclusivement sur un des membres inférieurs.
c). Symptômes vaso-moteurs. - Le système vaso-mo-
teur est quelquefois troublé. Les troubles vaso-moteurs
figurent trois fois sur douze observations a). le
malade de t'OBSERVATiON I avait le pied droit froid en
même temps que sa couleur était rouge bleuâtre b).
le malade de'l'OBSERVATION IX avait ses plaques anes-
thésiques froides et livides. Enfin c), celui de l'OBSER-
VATION X avait aussi ses membres froids, surtout le
gauche, qui en même temps était le plus spasmodique
et le siège de prédilection des troubles sensitifs. Quant
aux neuf autres observations, on voit qu'il n'y avait
pas le moindre trouble vaso-moteur.
d). Symptômes vésicaux. Les troubles très mar-
qués de la vessie que nous avons vus figurer presque
toujours au moment de l'invasion et marcher de pair
avec la paralysie aussi bien de la motilité que de la
sensibilité, car, sur treize observations, ils n'ont fait
défaut qu'une seule fois Observation XI, s'atténuent,
se frustrent, au sur et à mesure que l'affection marche
et arrive à une étape ultérieure et, dansungrand nom-
bre des cas, ils disparaissent tout à fait. En effet, sur
les douze cas, où les troubles de la vessie vraiment
graves ont existé au commencement, nous constatons
au moment de notre examen, que les sept Observations
II, III, IV, V, X, XI, XII, sont tout à fait négatives, la
vessie ayant recouvré complètement l'intégrité par-
366 CLINIQUE NERVEUSE.
faite de ses fonctions. En outre, le malade de l'OBSER-
VATION VII, le 15 mai 1884, présentait encore des
troubles de la vessie bien que très atténués, consis-
tant en quelque difficulté d'uriner, qui lui survenait
de temps en temps ; le 20 août, cette petite difficulté
qui revenait intermittente a cédé complètement, comme
du reste, tous les autres symptômes de l'affection;
le malade fut complètement guéri. Il en est exacte-
ment de même pour le malade de l'OBSERVATION XIII
qui, le 20 juillet, présentait encore de temps en temps
un peu de difficulté pour faire sortir l'urine et, le
10 août, il était guéri.
A côté de ces cas, il en est d'autres où les troubles
de la vessie persistent, bien qu'atténués. Ainsi le
malade de l'OBSERVATION IX, le 10 juillet 1884, c'est-
à-dire douze ans après son accident, avait encore de
temps eu temps un peu de difficulté pour uriner. Le
malade de l'OBSERVATION I, le 15 février 1885, c'est-
à-dire neuf ans et demi environ après son accident,
avait encore de temps en temps de la parésie, qui par-
fois était précédée et suivie, pendant un certain temps,
d'un malaise à la région lombaire. Pour être complet,
n'oublions pas que les urines du malade, le 15 juillet
1886, c'est-à-dire environ treize ans après l'accident,
contenaient une grande quantité de pus et de mucus,
laissant voir ainsi les signes d'un catarrhe vésical
chronique qui a compliqué l'accident.
e). Symptômes rectaux. Les troubles du rectum,
qui rarement font défaut au moment de l'invasion et
à la première étape de l'affection, ne font pas non plus
exception à la marche éminemment rétrogressive de
la maladie; ils diminuent, s'atténuent et finalement
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 367
disparaissent dans la majorité des cas. En effet, dans
notre tableau, les symptômes rectaux ne figurent plus
qu'une seule fois, atténués, et même presque guéris.
Chez le malade de l'OBSERVATION I qui, au moment
de l'invasion de son accident, le 18 octobre 1885,
avait de la rétention de selles suivie au bout de dix
jours, d'une parésie qui lui faisait rendre involontai-
rement ses matières fécales, peu à peu et avec le
temps cette parésie diminuait d'intensité, s'atténuait
et finalement a presque disparu; carie 15 février 1886,
les troubles du rectum ont consisté dans l'accomplis-
sement immédiat et impérieux du besoin de défécation
à peine senti. Cela démontre une fois de plus la
marche éminemment rétrogressive de la maladie.
0
f). Symptômes ? a ? y.Les troubles des organes
génitaux peuvent figurer quelquefois, mais comme les
autres troubles, ils ont aussi une tendance naturelle à
s'atténuer, voir même à disparaître. C'est ainsi que
chez le malade de l'OBSERVATION VII, le 15 mai 1884,
jour de notre premier examen, y avait une abolition
notable des fonctions génitales; le 20 août, nous avons
trouvé une amélioration très marquée et le 21 septem-
bre, les organes génitaux étaient revenus à leur état
normal. Il en est exactement de même pour les trou-
bles génitaux du malade de LOBSERVATION XI, qui
s'atténuaient, peu à peu rétrogradaient et finalement
ont disparu complètement. Il est des cas où la rétro-
gression des troubles génitaux ne va pas jusqu'à la
disparition. C'est ainsi que le malade de l'OBSERVATION I
avait encore des troubles génitaux consistant à des
érections incomplètes suivies plusieurs fois de pertes
séminales.
368 CLINIQUE NERVEUSE.
B). Symptômes négatifs. A côté du grand nom-
bre de symptômes positifs dont quelques-uns sont
d'une importance capitale, car ils ne manquent jamais
et ne doivent pas manquer dans le tableau clinique et
d'autres d'une importance moindre, car ils peuvent
figurer sans que leur existence soit constante et par
suite obligatoire ; il y en a qui ne peuvent et même
ne doivent pas exister ; ce qui nous a permis de les
nommer négatifs. Ils sont de trois espèces : a). Symp-
tômes des cordons postérieurs b). Symptômes mya-
trophiques etc). Symptômes céphaliques.
a). Symptômes tabetoïdes ou des cordons postérieurs.
Les symptômes qui résultent de la lésion des cor-
dons postérieurs, c'est-à-dire les douleurs fulguran-
tes, en ceinture, le signe de Romberg, l'incoordination
motrice et l'absence des réflexes font absolument
défaut à la forme centrale spinale latérale de la patho-
logie dés plongeurs à scaphandre.
b). Symptômes des cornes antérieures ou myairoplii-
ques. Les symptômes qui résultent de la lésion des
cornes antérieures et plus spécialement des grandes
cellules motrices ou pyramidales, c'est-à-dire myathro-
phies, absence des mouvements réflexes, n'ont jamais
existé. On a pu facilement remarquer que la myatro-
phie n'a figuré dans aucune de nos observations.
Nous croyons pouvoir annoncer que dans l'immense
majorité des cas, les paraplégies spasmodiques provenant
de l'emploi des scaphandres ne sont pas accompagnées
de myatrophies. Nous nous sommes appuyé pour for-
muler cette loi négative sur un nombre considérable
de faits qu'il, nous a été donné d'observer, sans remar-
quer la myathrophie. Par cela même, ce caractère
DES ACCIDENTS PAR L EMPLOI DES SCAPHANDRES. 3l3'J 11)
négatif doit être considéré comme d'une importance
vraiment capitale.
c). Symptômes céphaliques. On a pu 'voir que les
symptômes céphaliques du début sont tout à fait tran-
sitoires, passagers, indépendants, extrinsèques. Il n'y
en a pas un seul permanent, qui puisse accompagner
le syndrome spasmodique. ,
Les symptômes céphaliques du malade de I'Obser-
'ATION IV, frayeurs la nuit, rêves toxiques, insom-
nies, etc., sont dus à l'intoxication alcoolique qui
complique l'affection spinale.
Celui qui a parcouru la description des symptômes
du début a dû être frappé, nous l'avons déjà dit,
aussi bien de la multiplicité que de la variabilité du
début de cette forme; en d'autres termes, son début est
éminemment polymorphe, mais une fois entré dans
la deuxième période et au delà, le polymorphisme
disparaît; elle devient semblable à elle-même, et enfin
de compte, elle aboutit à un complexus clinique pres-
que uniforme pour tous les cas. Précisons davantage :
cette forme peut être inaugurée par les symptômes
les plus multiples et les plus variés ; elle débutera
par exemple chez tel malade, par un symptôme du
groupe céphalique ou autre. Chez tel autre^ par plu-
sieurs symptômes d'un groupe quelconque. Chez un
troisième, par divers symptômes de plusieurs groupes
et ainsi de suite. On voit, quelle est la variété pos-
sible de symptômes comme entrée en scène. x
Par contre, une fois ces symptômes disparus, l'uni-
formité se manifeste par un complexus clinique
toujours identique, à savoir troubles moteurs sous
forme de paralysie, troubles de la sensibilité sous
AIICIIIVES, t. XVI. 21
370 CLINIQUE NERVEUSE.
forme d'anesthésie et troubles de la vessie et du rec-
tum. Finalement, cette uniformité sera caractérisée
par un fond commun de symptômes identiques cons-
titué par un groupe capital, qui se rencontre chez tous
les malades sans exception, c'est-à-dire le syndrome
spasmodique..Voilà le syndrome à la fois constant et
fondamental de l'étape ultérieure de cette forme. Voilà
l'aboutissant par excellence de la forme centrale spi-
nale latérale, de beaucoup la plus fréquente.
Donc, début polymorphe, uniformité du dénouement
ou évolution uniforme, voilà les deux grands carac-
tères généraux cliniques que nous désirons mettre en
relief. Ces deux grands caractères généraux, joints aux
caractères partiels, tels que nuances cliniques spéciales
des symptômes du début, intervalle spécial entre la
disparition des symptômes du début et l'invasion de
la paraplégie, mode de l'invasion de la paraplégie,
symptômes positifs et symptômes négatifs de l'étape
ultérieure, marche de l'affection qui, en règle géné-
rale, est rétrogressive, rarement peu rétrogressive
parfois même stationnaire, mais presque jamais pro-
gressive, ces caractères, dis-je, donnent notre forme
centrale spinale latérale un cachet clinique tout à fait
spécial qui ne se rencontre dans aucune maladie con-
nue du système nerveux central.
13. Forme centrale spinale l'0511'sn0-LAllin.lLC.
OusHRVADON XtV. Accident provoqué le 10 octobre 1882. Troisième
immersion, mêmes conditions que les deux précédentes, profondeur
de vingt-quatre ci vingt-cinq brasses, dix ci douze minutes de séjour,
une minute de décompression. Immédiatement après l'enlèvement
du casque, perle de connaissance, trois heures de durée. Para-
plégie des membres inférieurs un peu moins prononcée au membre
gauche, anesthésie, légère rétention d'urines. Le 4 novembre, il
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 371 1
marche à l'aide de deux appuis. Le 24 novembre, il marche
avec un seul appui.
Etat actuel, le 2 avril 1883. Il marche sans appui, démarche
spasmodique, d ! /scampsMa)'<;'cuc[/t'e, secousses, exaltation des
réflexes, épilepsie spinale aussi bien spontanée que provoquée.
Douleurs fulgurantes, douleurs en ceinture, chatouillement très fort
si la plante des pieds, anesthésie en plaques, signe de Romberg.
Traitement : travail dans l'air comprimé, pointes de feu, seigle
ergoté, hygiène. Etat du malade le 2 juin 1884. Amende-
ment considérable des symptômes spasmodiques qui sont réduits à
l'exaltation des réflexes et ft l'épilepsie spinale. Amélioration
très grande des symptômes des cordons postérieurs.
Histoire. l.e nommé DéineLrés Zannakis, âgé de vingt-six
ans. Pas d'antécédents héréditaires. Bonne santé antérieure, pas
de syphilis, pas d'alcoolisme, pas d'impaludisme. Il a commencé
le travail dans l'air comprimé l'été de 1877 ; dès lors, il faisait
régulièrement ses campagnes sans aucun accident, jusqu'au 10 oc-
tobre 1882. Ce jour-là, il avait commencé à faire ses immersions à
8 heures et demie. Une demi-heure après, i ! en avait déjà fait
deux sans accident, à une profondeur de 24 à 25 brasses, dix à douze
minutes de séjour, la décompression ne dépassant pas une minute.
A 9 heures, il fait sa troisième au même endroit, dans les mêmes
conditions, à savoir : même profondeur, même séjour, même
temps de décompression.
Il est bon de remarquer que ce plongeur n'était pas du tout
indisposé; il n'avait pas chargé son estomac avant l'éclusement.
Pas de fatigue. Au moment de la fin de la décompression et
de l'enlèvement du casque (9 heures et quart), le scaphandrier,
sans prodromes, perd soudain connaissance.
Un de ses compagnons qui assiste à notre examen, nous affirme
que le malade n'était pas pris du moindre mouvement couvulsif;
au bout de trois heures, le malade revient, n'ayant ni troubles de
la parole, ni troubles oculaires, ni symptômes auditifs, enfin, aucun
symptôme céphalique; pas de troubles du côté de l'estomac ou des
organes respiratoires, pas de douleurs articulaires ou musculaires :
par contre, il a constaté qu'il était paraplégique, la paralysie étant
un peu moins prononcée au membre gauche, En effet, le membre
droit était condamné à l'immobilité absolue, tandis que quelques
petits mouvements étaient possibles au membre gauche, la sensi-
bilité à son tour était complètement abolie; on pouvait lui traverser
la peau avec une aiguille sans provoquer la moindre sensation. En
ce moment, le. malade ayant envie d'uriner essaye, mais en vain.
Cette rétention n'a pas duré longtemps ; en effet, à 10 heures du soir,
il a pu uriner tout seul. Rien du côté du rectum et des organes
génitaux. Le 4 novembre, c'est-à-dire 3j jours après l'accident
372 q CLINIQUE NERVEUSE.
durant lesquels il était resté au lit, il a pu, pour la première fois
se tenir debout et faire quelques petits pas, à l'aide de doux appuis;
à la même époque, le malade a commencé à avoir des secousses.
L'amélioration qui avait déjà grandement marché continue son
chemin; le 24 novembre, le malade a pu marcher à l'aide d'un seul
appui : à ce moment, ses membres ont commencé à être agités de
- temps eu temps d'un tremblement plus ou moins fort.
A 3 heures du soir, il était pris de douleurs qui occupaient les
membres inférieurs et le dos, survenaient subitement avec une
intensité très grande au point que le malade criait, et après une
durée momentanée, elles disparaissaient brusquement pour revenir
et ainsi de suite, jusqu'à 10 heures du soir, de sorte que l'accès
de ces douleurs qui présentaient si nettement les caractères des
douleurs fulgurantes a duré 7 heures. Pendant deux mois de
suite, le malade continuait à marcher à l'aide d'un appui, traînant
ses jambes, frottant le sol, ayant ses membres agités fréquemment
de tremblement et de secousses. En outre, il était pris de temps en
temps, et surtout la nuit, de contractures passagères. Tous les dix
ou quinze jours, les douleurs fulgurantes suivenaient au malade
par accès d'une durée variable, toutefois assez-courte, trois à dix
heures. 11 affirme qu'au sur et à mesure que le temps avançait,
ses membres paralysés devenaient de plus en plus libres. Le Sa jan-
vier 1883, il a pu marcher sans appui, traînant bien moins ses
jambes, frottant moins le sol, ses membres étant moins raides.
Les mois suivants, février et mars, l'amélioration aussi bien de la
motilité que des autres symptômes marchait à pas rapides, sauf
les douleurs fulgurantes, qui ne cessaient pas de survenir avec la
même fréquence et la même intensité. En outre, au commence-
ment du mois de mars, le malade a commencé à souffrir des
douleurs constrictives, à la base du thorax.
Etat actuel (2 avril 1883). Le malade marche sans appui. Un
coup d'oeil suffit pour constater les allures de la démarche spas-
modique ; c'est ainsi que le malade est obligé d'incliner son tronc
à gauche et de lever sa hanche droite pour détacher du sol le
membre inférieur droit et le porter en avant. Il fait la même chose
en sens inverse, mais à un moindre degré pour son membre infé-
rieur gauche. Si on veut mouvoir les membres du malade on sent
une résistance assez marquée, grâce à la rigidité musculaire. Très
souvent ses membres se fléchissent et s'étendent brusquement ;
fréquemment ses membres se raidissent en extension pendant
quelques minutes, surtout la nuit. Tous les réflexes et plus spé-
cialement les réflexes rotuliens sont considérablement augmentés,
surtout ceux du membre droit.-
Très souvent, les membres paralysés s'agitent d'un tremblement
rythmique qui se développe surtout sous l'influence des émotions
morales, de la fatigue, au moment du réveil, etc.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 373
Le tremblement ou cette épilepsie spinale peut être facilement
provoquée par les procédés les plus élémentaires. Le malade dit
qu'au point de vue de ses accès de douleurs fulgurantes, il se trouve
dans le même état. Il en est de même pour ses douleurs en
ceinture. Il est pris très souvent d'un chatouillement très fort à la
plante des pieds, et dont il se plaint beaucoup. Il y a au niveau
des membres, çà et là, quelques plaques d'anesthésie.
Si l'on dit au malade de fermer les yeux, il oscille énormément ;
les yeux fermés, la marche devient impossible, il n'y a pas d'atro-
phie musculaire, pas de troubles vaso-moteurs.
Vessie, rectum et organes génitaux sont à l'état normal. Pas de
symptômes céphaliques. Les fonctions des autres organes paraissent t
se faire régulièrement. Nous lui avons ordonné : l°le travail dans
l'air comprimé dans les conditions que nous décrirons au chapitre
du traitement; 2° faire une application de petites pointes de feu,
aux deux tiers inférieurs de la colonne vertébrale; 3° prendre, les
quatre premiers jours de la semaine, un paquet de seigle ergoté
de 25 centigrammes, récemment préparé, une demi-heure avant
chaque repas; 4° une hygiène appropriée.
Le malade a bien suivi le traitement pendant deux mois. Voici
son état le 2 juin 1884. Il ne boite plus ; impossible de constater la
moindre allure de démarche spasmodique. La dyscampsie articu-
laire n'existe presque plus. Les contractures passagères ne sur-
viennent plus que rarement. Les secousses sont bien plus rares et
moins intenses. Les réflexes n'ont pas subi de grandes modifica-
tions, étant presque aussi exaltés qu'à notre premier examen. Il en
est de même pour l'épilepsie spinale aussi bien spontanée que
provoquée. Les crises des douleurs fulgurantes surviennent plus
rarement ; elles sont moins fortes et leur durée est plus courte.
Les douleurs en ceinture sont moins constrictives et, de continues
qu'elles étaient, surviennent d'une manière intermittente.
Le malade est aussi très content,d'être débarrassé de ce chatouille-
ment de la plante des pieds qui lui était si désagiéable.
La fermeture des yeux qui rendait la marche presque impossible
n'a presque plus d'influence. Le signe de Rombprg est en très
grande amélioration, il oscille à peine en fermant les yeux. Depuis
ce moment, je n'ai pas vu le malade ; toutefois on a pu remarquer
que le malade est en voie de guérison.
OBSERV.%TIO-q XV. Io Accident dit 4 juin 1883. Paraplégie très
fugitive, à peine de vingt-quatre heures, précédée d'une perte de
connaissance de cinq minutes.
2° Accident survenu le 2 mars 1886, (t la quatrième immersion,
faite dans les mêmes conditions que les trois précédentes. Douleurs
ci l'épaule droite et illusions visuelles. Il en fait une cinquième ;'
continuité de 1 illusion visuelle au fond de la mer. Perte de con-
374 CLINIQUE NERVEUSE.
naissance, au moment (4 heures et demie) o'< le plongeur quitte le
fond. A4 heures 35, il revient à lui. De 4 heures 35 ci
4 heures 45, intervalle de bien-être. De 4 heures 45 tu 5 heures,
retour des douleurs de l'épaule; céphalalgie. De 5 heures à
G heures, autre intervalle de bien-être. A 6 heures, paralysie
des membres inférieurs et du supérieur droit. Anesthésie, rétention
d'urines. A 11 heures du soir, disparition de la paralysie, de
~~ l'anesthésie et de la rétention d'urines. Auréveil, 3 mai, 7 heures
du matin, retour de la paraplégie des membres inférieurs, de l'anes-
thésie et de la rétention d'urines et de selles. 18 ? ntti, marche avec
un seul appui. Le 28 mai, possibilité de la marche sans appui.
Etat actuel (2 juin 1886). Allures de démarche spasmodique
à droite. Dyscampsie des articulations ait membre droit. Contrac-
tures passagères. Secousses. Exaltation des 7-éflexeg 7,ottilieî2s. Epi-
lepsie spinale. Douleurs fulgurantes et constriclives. Perte de
notion de position des membres inférieurs. Signe de Itonzberg.
Histoire. Nicolas Thermiotis, âgé de 35 ans. Pas d'antécédents
héréditaires, bonne santé antérieure. Pas de syphilis. Pas d'impa-
ludisme. Pas d'alcoolisme. Il a commencé son travail de scaphan-
drier l'été de 1883. 11 a très régulièrement fait ses campagnes
pendant deux années entières sans accidents d'aucune espèce,
mais, le 4 juin 1885, à la cinquième immersion faite à 10 heures
du matin, et qui ne différait pas du tout des quatre précédentes,
au point de vue de la profondeur qui oscillait entre vingt-cinq et
vingt-six brasses, séjour au fond de la mer de cinq minutes et
décompression d'une minute, au plus deux minutes après l'enlè-
vement du casque, le plongeur perd complètement connaissance
pendant cinq minutes. Au bout de ce temps, il revient, sentant
un poids considérable sur l'estomac, sans gonflement ni renvoi de
gaz. Pas d'autres symptômes céphaliques, pas de symptômes res-
piratoires, pas de douleurs articulaires ou musculaires. Aussitôt
après la disparition du poids gastrique, il se sent affaibli et tout
à coup, il tombe paraplégique des membres inférieurs, qui en
même temps étaient tout à fait anesthésiques. Rétention d'urines.
- An bout de 24 heures, paraplégie, anesthésie, rétention d'urines
ont disparu subitement. Le malade reprend ses immersions.
Le 2 mars 1886, à Samolhraki, péchant des éponges, el ayant
déjà fait trois immersions, vingt-sept brasses de profondeur, cinq
à six minutes de séjour et une minute de décompression sans rien
sentir, il descend pour la quatrième fois dans les mêmes condi-
tions de travail. Il n'est pas sans intérêt de remarquer que ce
plongeur n'était pas refroidi, il ne toussait pas et il n'avait pas
fait de repas avant l'immersion qui a occasionné l'accident. Pas de
fatigue. Presque immédiatement après la décompression et l'enlè-
vement de son casque, il est pris de douleurs très intenses à l'épaule
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 375 â
droite et en même temps d'une illusion visuelle qui lui faisait
voir les objets environnants d'une grandeur surnaturelle, mais ce
scaphandrier, faisant bon marché de sa douleur et de son illusion,
est redescendu une fois encore dans les mêmes conditions. Le
malade dit que, étant dans le fond, il était dél)arrassédosa douleur,
mais non de son illusion visuelle, par suite de laquelle il lui a été
impossible d'attraper une seule éponge. Malgré cela, il a prolongé
son séjour pendant cinq minutes. Dès que le scaphandrier a quitté
le fond de la mer, en d'autres termes, dès que la compression a
commencé, il avait à peine conscience de son état et avant l'enlè-
vement de son casque il avait perdu connaissance. On se hâte de le
déshabiller et on commence à le frictionner. Cinq minutes ne se
sont pas passées que le malade revient; il se lève, il se promène
parfaitement bien portant. Au bout de dix minutes, il se plaint
d'une céphalalgie intense qui siégeait surtout au sommet de la
tête et de douleurs lancinantes à l'épaule droite. La céphalalgie
et les douleurs ont été de très courte durée, à peine d'un quart
d'heure, de sorte que, à 5 heures, il était débarrassé de tout symp-
tôme. Plus de symptômes céphaliques, plus de douleurs. Pas de
symptômes respiratoires ou gastriques ou autres. Cet intervalle de
bien-être parfait a duré une heure.
A G heures, tout d'un coup, le malade tombe paralytique des
membres inférieurs et du bras droit tout entier, le gauche
étant tout à fait intègre. Rien à la face ; anesthésie complète,
rétention d'urines. A 10 heures, une amélioration surprenante
a commencé et a marché à pas si rapides, qu'à Il heures du
soir, ses membres étaient dégagés de la paralysie, aussi bien de la
motilité que de la sensibilité ; il rend bien ses urines et ne se plaint
de rien. Il dort bien, croyant avec raison que l'accident est fini.
A son réveil, à peu près à 7 heures du matin, il a constaté qu'il
était repris de sa paraplégie et de sa rétention d'urines et de selles.
L'ancsthésie aussi était complète, mais cette fois-ci, l'extrémité
inférieure droite n'était pas reprise de sa paralysie. On applique
la sonde et tous les petits moyens que les plongeurs mettent en
usage en cas d'accident. Le 3 mai, la rétention a été suivie d'une
incontinence qui n'a duré que trois jours, de sorte que le 8 mai,
il a pu uriner tout seul.-Ce jour aussi, la constipation opiniâtre
a disparu. L'amélioration n'a pas lardé à se faire sentir et, au
bout de quinze jours, c'est-à-dire le 18 mars, le malade a pu mar-
cher en s'appuyant sur un seul bâton. Le 28 mai, il marche sans appui.
Etat actuel (2 juin ±8SG). Le malade est atteint d'une para-
lysie qui est assez prononcée au membre droit, peu marquée au
gauche. Pour faire avancer la jambe droite en marchant, il
incline son' tronc à gauche. A ce moment, plusieurs fois il est
agité d'un tremblement rythmique. Il n'en est pas de même pour
la jambe gauche, qui, étant plus dégagée, peut se détacher du sol et
376 6 CLINIQUE NERVEUSE.
s'avancer sans inclination du corps. Il y a une exaltation considé-
rable des réflexes rotuliens. Les coups du marteau percuteur por-
tés surtout au tendon rotulieu droit font projeter la jambe deux à
trois fois. Les membres paralysés sont très fréquemment troublés
parl'épilepsie spinale, qui d'ailleurs peut être facilement provoquée
par le procédé habituel. Inutile d'ajouter qu'elle est bien plus
marquée à droite. -
Il y a de la dyscampsie des articulations assez accusée au membre
droit, presque pas au gauche.
Souvent des secousses surviennent aux membres paralysés, plus
intenses et plus fréquentes au membre droit, qui, un grand
nombre de fois, est saisi aussi de contractures passagères. Ce
membre se raidit en extension durant quelques minutes. Pas de
trace de paralysie aux membres supérieurs et à la face. La sensi-
bilité est fortement troublée, au membre droit, qui, sous tous les
modes, est anesthésique dans toute son étendue. On peut suivre
cette anesthésie au-dessus du membre droit jusqu'à la moitié
droite de la base du thorax. Au membre gauche, on découvre trois
plaques d'anesthésie dont l'une siège presque au milieu de la
partie antérieure de la cuisse, l'autre au niveau de la partie supé-
rieure du jarret et la troisième au dos du pied. Le malade, étant
dans le lit, perd la notion de la position de ces membres. La
marche devient très incertaine lorsqu'il ferme les yeux. Si on
commande au malade d'approcher les pieds à la station debout
et de fermer les yeux, il est tout de suite pris d'oscillations très
marquées. Il se plaint avec amertume de deux sortes de douleurs :
les unes qui viennent subitement, qui traversent les membres
inférieurs avec la rapidité d'un éclair pour revenir ensuite. (Il a
déjà été pris, jusqu'au moment de notre examen, trois fois, et
chaque fois, elles ont duré à peu près deux jours.) Les autres
douleurs sont, dit-il, plus permanentes, plus lourdes, accompagnées
d'une sensation de serrement de constriction. Elles choisissent
comme siège de prédilection la jambe. Pas de troubles trophiques.
Sauf un certain degré d'hypéridrose à la plante du pied gauche, il
n'y a pas d'autres troubles vaso-moteurs. Rien du côté de la vessie,
du rectum et des organes génitaux, pas de symptômes céphaliques.
Depuis ce moment, nous avons perdu de vue le malade.
Observation XVI. Accident provoqué le 20 janvier 1884 à la
quatrième immersion de la deuxième série, trente brasses de pro-
fondeur, vingt minutes de séjour, quarante secondes de décompres-
sioiz. Il avait déjà fait une série de sept immersions sans accidents,
vingt-trois à vingt-cinq brasses de profondeur, dix ci douze minutes
de séjour, trente secondes de décompression. Deirx minutes
d'intervalle entre l'enlèvement du casque et l'invasion de l'accident.
Gonflement de l'estomac, accompagné de gène de la respiration.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 377 Î
A 4 heures du soir, première perte de connaissance ; à 5 heures, il
revient; à 5 h. 10, deuxième perte de connaissance; ci 5 h. 40, il
revient; à G heures, élourdissement suivi de perte de connaissance.
Le lendemain, 21 janvier, 6 heures du soir, il revient. Intervalle
de bien-être de deux heures, entre la disparition des symptômes
céphaliques et l'invasion de la paraplégie. AS heures du soir,
paralysie complète et soudaine de la ? 71otililé et de la sensibilité des
quatre membres. Soif. Rétention d'urines et de selles. Décubitus
aigu, accompagné de décomposition d'urines et de fièvre, guéri.
Le 15 février, retour de la motilité et de la sensibilité aux membres
supérieurs. Secousses. Douleurs en ceinture. Le 20 mars, clispa-
iitio)2 de troubles urinaires et rectaux. Contractures passagères. Le
25 mars première crise de douleurs fulgurantes. Le 15 mai, il
a pu se tenir debout et faire quelques petits pas. Le 2 juin,
lisibilité de marcher ci l'aide d'un appui.
Etat actuel (20 et 21 juin 1884). Crises de douleurs fulgu-
rantes. Crises gastriques. Douleurs en ceinture. Signe de Romberg.
Perte de notion de position des membres paralysés. Impossibilité de
marcher dans l'obscurité. Anesthésie en plaques. Exaltation des
réflexes rotuliens, clonus des pieds spontané et provoqué. Secousses.
Discampsie articulaire. Contractures passagères. Démarche spas-
modique.
Histoire. Le nommé Demetrès Cosmitis, âgé de 35 ans. Pas
d'antécédents héréditaires. Comme antécédents personnels, il n'y
a rien de remarquable à signaler. Pas de syphilis, pas d'impalu-
disme, pas de maladies antérieures. Il avait commencé à travailler
clans l'air comprimé, au mois de juin 1878, faisant tous les ans
régulièrement ses campagnes pour la pêche d'épongés sans jamais
avoir eu le moindre accident. Le 20 janvier 1884, après avoir déjà
fait le matin sept immersions sans accident, à une profondeur
qui variait entre vingt-trois et vingt-cinq brasses, dix à douze
minutes de séjour au fond de la mer et une demi-minute de
décompression. A 2 heures du soir, il reprend ses immersions et
il en fait trois dans les mêmes conditions que celles du matin sans
accident aussi. Enfin, ayant vu beaucoup d'épongés à un endroit
un peu plus éloigné, il fait une quatrième immersion à une pro-
fondeur de trente brasses et ayant séjourné vingt minutes.
Deux minutes après la décompression qui n'a pas duré plus de
quarante secondes et l'enlèvement du casque, le scaphandrier sont
son estomac très gonflé et en quelques secondes perd connais-
sance (c'était 4 heures du soir) pendant une heure sans prodromes.
A 5 heures,-il revient complètement. Pas de symptômes cépha-
liques, pas de paralysie. Le gonflement continue accompagné de
.gêne de la respiration. A 5 h. 10, il perd subitement connaissance
pour la deuxième fois-, mais cette fois-ci, la durée n'a pas été de
378 S CLINIQUE NERVEUSE.
plus d'une demi-heure, de sorte qu'à 5 h. lio, il revient lout à fait.
Une vingtaine de minutes se passent sans que le malade présente
aucun symptôme. Pas de gonflement gastrique, et en conséquence
pas de gêne respiratoire. A 6 heures du soir, il lui survient un
étourdissement très fort, suivi bientôt de perte de connaissance
-complète; c'était déjà la troisième fois. Cette fois-ci, elle a duré
vingt-quatre heures. Durant cette perte de connaissance, on a
employé des sangsues au sacrum, des frictions et la titillation de
la gorge pour provoquer des vomissements. Le lendemain 21 jan-
vier, vers 6 heures du soir, le malade revient sans avoir aucun
symptôme céphalique, sans paralysie, enfin parfaitement bien
portant. Ce bien-être a duré à peu près deux heures; ses compa-
gnons ont cru que l'accident était fini. A 8 heures du soir, tout
d'un coup, à son grand étonnement, il tombe -paralytique de ses
quatre membres ; la paralysie était si complète qu'aucune de ses
extrémités ne pouvait exécuter le moindre mouvement; il ne
remuait que la tête. La sensibilité à son tour était tout à fait abo-
lie au niveau des membres paralysés. Il avait une soif ardente,
pas de gonflement de l'estomac, pas de gaz, pas de douleurs gas-
triques. Impossible de rendre ses urines et ses selles. Pas de
troubles respiratoires, pas de douleurs articulaires ou musculaires,
à ce moment, pas de symptômes céphaliques. Le 22 janvier est
venu s'ajouter une sensation désagréable à la région sacrée, sur
laquelle ses campagnons ont constaté une plaque rouge.
Le 25 janvier, cette plaque rouge s'ulcère, il avait de la fièvre.
Ses urines rendues par la sonde exhalaient une forte odeur. Les
autres symptômes étaient restés stationnaires. Les jours suivants,
1'escarre du sacrum loin de s'aggraver s'améliore.
Le 6 février, l'escarre était complètement guérie, les urines
n'avaient presque plus d'odeur, il a commencé à mouvoir ses
membres supérieurs. La rétention d'urines et de selles persiste ; on
continue l'emploi de la sonde et des purgatifs. Aucun mouvement
n'est possible aux membres inférieurs.
Le 15 février, c'est-à-dire vingt-cinq jours après l'invasion de la
paralysie, les extrémités supérieures étaient complètement dégagées
de leur paralysie aussi bien et avaient recouvré la motilité et la
sensibilité. Par contre, les membres inférieurs étaient restés presque
dans le même état; nous disons presque, car il ne faisait dans le lit
que quelques mouvements très faibles, très limités de ses membres,
qui, de temps en temps, se fléchissaient et s'étendaient tout d'un
coup. Il a commencé à se plaindre de douleurs constrictives à la
base du thorax.
Le 30 mars, ce qui fait juste deux mois depuis l'accident, il a,
pour la première fois, rendu tout seul ses urines et ses selles. Pas
d'amélioration aux membres inférieurs qui se raidissaient en exten-
sion durant un temps variable, toutefois très court. On lui applique
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 379 q
deux cautères à la région lombaire. Le 25 mars, jour que le
malade, dit-il, n'oubliera jamais, car il a eu une crise douloureuse
consistant en douleurs très intenses, qui parlaient avec la rapidité
d'un éclair le long de ses membres inférieurs, il a été tourmenté
par des douleurs fulgurantes toute la journée. Les douleurs en
ceinture continuent; elles sont même plus fortes. Le 15 mai, le
malade a commencé à se tenir debout et à faire quelques petits
pas à l'aide de deux bâtons ; ses membres lui paraissent très lourds
et s'agitent souvent comme d'un tremblement rythmique. D'un
moment à l'autre, sa marche devenait plus libre.
Le 2 juin, il a pu marcher avec un seul appui.
Etat actuel (20 juin 1884). Au moment de notre visite, nous
avons trouvé le malade en proie à des douleurs très intenses, qui,
survenant subitement à ses membres, lui font pousser un cri
déchirant. Ces douleurs, après une durée momentanée, reviennent
à des intervalles qui ne dépassaient pas deux minutes. En même
temps, le malade avait des douleurs du même caractère, mais
moins fortes et des vomissements répétés sanguinolents. Ayant
toujours été très sobre, il ne se plaignait pas de son estomac.
Il nous dit qu'il a eu, à plusieurs reprises, des crises de douleurs
fulgurantes, très souvent accompagnées de crises gastriques, qui
surviennent quelquefois d'une manière isolée. Nous lui faisons une
application de pointes de feu à la région lombaire et dorsale de
la colonne vertébrale et une injection morphinée. Le lendemain,
nous avons revu le malade pour compléter notre examen. Quand
on fait marcher le malade, on remarque que pour détacher du sol et
faire avancer son membre inférieur droit, il est forcé d'incliner
son tronc à gauche et, de cette manière, lever sa hanche droite.
Il fait la même chose en sens inverse pour son membre inférieur
gauche, mais, à un bien moindre degré, il peut marcher sans
bâton, mais il se fatigue très vite, tandis qu'à l'aide d'un bâton,
il peut faire de longues courses et se fatigue moins vite. Il lui est
matériellement impossible de descendre un escalier ou de marcher
sur un plan incliné.
Le malade est très souvent pris de secousses; ses jambes, de
temps en temps, se raidissent en extension durant quelques
minutes, de préférence la nuit; la droite surtout s'agite fréquem-
ment de mouvements convulsifs rythmiques, qu'on peut facilement
provoquer par le procédé élémentaire qui consiste à relever brus-
quement l'avant-pied.
Les réflexes rotuliens plantaires sont très exagéré-. Un coup
même sur le tendon roLulien droit fait projeter la jambe deux ou
trois fois. En répétant les coups de marteau, on arrive à donner
naissance à un tremblement postéro-iatéra) du corps tout entier.
L'examen de la sensibilité a relevé des plaques d'anesthésie à
diverses régions des membres paralysés. Le sens musculaire est
380 CLINIQUE NERVEUSE.
fortement troublé. Il perd très souvent la notion de position de
ses membres inférieurs et il ne sait pas où ils sont. Il oscille quand
il ferme les yeux et ne peut marcher dams l'obscurité. Les nerfs
vaso-moteurs sont, eux aussi, troublés; en effet, ses membres sont
froids et son pied droit est affecté d'anidrose. Il n'a pas sué depuis
son accident. Il n'en est pas de même pour son pied gauche. La
nutrition musculaire ne laisse rien à désirer. Il n'y a aucune trace
de invatropliie. La contractilité faradique est normale, sauf un cer-
tain degré de difficulté d'uriner qui rarement survient au malade.
Les fonctions de la vessie paraissent se faire régulièrement.
Rien du côté du rectum et des organes génilaux. Pas de symptômes
céphaliques. Les fonctions des autres organes sont normales.
Observation XVII. Accident provoqué le 8 novembre 1882, qita-
trième immersion. Après la décompression, douleurs dans l'aine
gauche. Cinquième immersion, éblouissement des yeux, vision
d'étincelles. -Au bout de trois ci quatre minutes, perte de connais-
sance, huit heures de durée. Revenu à lui, il a de la dyspnée, de
la pesanteur d'estomac, des doideurs aux articulations des coudes.
Paraplégie, anesthésie, rétention d'urines et de selles, pouls
petit, fréquent et irrégulier. Le 10 novembre, rougeur avec une
petite excoriation à la région sacrée. Le 9 décembre, possibilité
de marcher M l'aide d'un seul appui. Amélioration progressive,
douleurs fulgurantes, secousses, contractures passagères. - Le
19 décembre, possibilité de marcher sans appui.
Etat actuel (30 janvier 1885). Allures de démarche spas-
modique ci droite, exaltation des réflexes rotuliens, contractures
passagères, secousses, dyscampsie articulaire, épilepsie spinale ;
tous ces symptômes sont bien plus marqués au membre droit.
Douleurs fulgurantes, signe de Romberg, difficulté très grande à
marcher dans l'obscurité, perte de notion de position des membres,
troubles étranges de la sensibilité.
Histoire. ? Le nommé Stratis Scoufos, âgé de 28 ans. Pas d'an-
técédents héréditaires, ni personnels, pas d'impaludisme, pas
d'accidents syphilitiques, pas de maladies antérieures. Il a com-
mencé à travailler dans l'air comprimé le mois de mai 1881 et il
a fait ses campagnes pour la pêche d'épongés jusqu'au mois de
novembre .882, sans accident.
Le 8 novembre, il a fait trois immersions sans accident, vingt à
vingt-trois brasses de profondeur et dix à douze minutes de séjour,
il fait la quatrième de sa série dans les mêmes conditions du tra-
vail. Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du
casque, il est pris d'une douleur légère dans l'aine gauche. Faisant
bon marché de cette douleur, il est redescendu pour la cinquième
fois à une profondeur de sept brasses au commencement et peu à
DES ACCIDENTS PAU L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. S81 1
peu, en péchant des éponges, il est arrivé jusqu'à vingt-trois brasses.
La durée totale de son séjour a été de une demi-heure. Presque
aussitôt après la décompression très brusque, il a été pris d'un
éblouissement des yeux, il voyait des étincelles. Au bout de trois à
quatre minutes, ces symptômes oculaires ont été remplacés par
une perte de connaissance complète, qui a duré huit heures; pas
de convulsions. Le malade revenu à lui, se plaignait d'une
dyspnée considérable, accompagnée d'un certain degré de pesan-
teur de l'estomac ; en outre, le malade avait des douleurs intenses
aux articulations des coudes des membres supérieurs.
La paraplégie n'a pas lardé à jouer son rôle dans le drame mor-
bide, subite et complète, dès le moment de son invasion. Le même
jour, on le fait transporter à Hydra et voici ce que M. le docteur
Xanthos a constaté : paraplégie complète des membres inférieurs
au point qu'il était impossible au malade de faire le moindre
mouvement. L'anesthésie était complète dans tous ses modes :
rétention d'urines et de selles, petitesse, fréquence et irrégularité
du pouls. Des symptômes du début, c'est seulement la dyspnée
qui continuait encore, mais améliorée. A l'auscultation, on consta-
tait des râles sibilants.
Il a ordonné comme traitement des ventouses scarifiées et puis
sèches, des frictions irritantes, sondages et purgatifs.
' Le lendemain matin, au réveil, le malade n'avait plus de
dyspnée; pas de râles sibilants, pas d'anomalies du pouls. Il n'en
a pas été de même pour l'état des membres inférieurs, qui n'a pas
changé. Le 16 novembre, M. Xanthos a constaté de la rougeur avec
une petite excoriation à la région sacrée, pas d'escarres. Le malade
a commencé à mouvoir un peu ses membres inférieurs. Depuis
ce moment, l'amélioration a continué à pas rapides, de sorte que
le 9 décembre, il a pu se tenir debout et marcher, les pieds trem-
blants, à l'aide d'un bâton. ce moment, il avait aussi des secousses;
d'un jour à l'autre, la marche devenait plus libre, mais, par contre,
il a été plusieurs fois victime de douleurs fulgurantes qui ne sur-
venaient pas par crise mais isolées et d'une façon très irrégulière.
Ses membres se raidissaient en extension pendant un temps
variable, toutefois très court, surtout au lit. Le 19 décembre, il a
pu marcher sans appui. Depuis lors, l'amélioration n'a pas cessé
de continuer à faire des progrès, très lentement, il est erai, mais
presque régulièrement.
Etat actuel (30 janvier 1885). Il y a une parésie des membres
inférieurs, le membre droit est bien plus parétique, ce qui fait
boiter le malade. En effet, quand il marche, il est obligé de s'ap-
puyer sur le membre gauche et d'incliner le tronc de son corps de
ce côté pour soulever et porter en avant la jambe droite qui alors
décrit un petit tour et parfois frotte le sol. Il n'en est pas de même
pour la gauche qu'il soulève et avance sans aucune difficulté appa-
382 CLINIQUE NERVEUSE.
rente. Après une longue course, le membre droit tremble et sur-
tout quand il marche sur un plan incliné; rarement le malade
tremble de son membre gauche. Il y a une exaltation des réflexes
rotuliens bien plus marquée à la jambe droite qui, à chaque coup
du marteau, se projette deux à trois fois et d'une manière plus
spasmodique. Il est à plusieurs reprises tourmenté de secousses
- qui surviennent surtout la'nuit et au membre droit; les contrac-
tures passagères sont devenues bien moins fréquentes, moins
intenses et moins durables.
Le clonus des pieds qui existe spontané, nous l'avons dit, peut
être, après plusieurs essais, provoqué, mais pas très marqué.
Les douleurs fulgurantes sont plus rares et moins intenses. Le
signe de Romberg est très marqué. La marche devient très diffi-
cile en fermant les yeux et dans l'obscurité. 11 perd la notion de
position de ses membres. 11 a des troubles étranges de la sensibi-
lité, seulement au membre droit; quand ou pince, à l'aide d'un
instrument piquant, par exemple une aiguille, une région quel-
conque de ce membre, le malade ressent la même sensation de
picotements d'aiguille sur toute la longueur du membre; la même
sensation se produit par le contact. L'application du froid ne pro-
duit plus cette sensation de picotements d'aiguilles, mais un senti-
ment très désagréable de tout le membre et que le malade ne peut
définir. Pas d'autres troubles sensitifs.
11 n'y a aucune trace d'atrophie musculaire, il n'y a pas de
troubles vaso-moteurs, il n'y a pas de symptômes céphaliques. Il
n'y a fréquence d'urines, et, de temps en temps, le malade rend
involontairement ses urines. Les fonctions du rectum et des or-
ganes génitaux sont normales. Les fonctions des autres organes
paraissent se faire régulièrement.
Observation XVIII. Accident survenu le 20 mai 1879, après
la troisième immersion faite dans les mêmes conditions que les
deux I)i,écétIci2tes, seize ci dix-sept brasses de profondeur et une
demi-heure de séjour, même temps de décompression. Immédia-
tement après la décompression, douleur lancinante subite et très
vive au genou gauche, dyspnée d'une demi-heure de durée. -
Paraplégie, anesthésie, rétention d'urines et de selles suivie d'incon-
tirzence. Le 10 juin, première crise de douleurs fulgurantes. -
Le 3 juillet et dans la suite, crises de douleurs fulgurantes , secousses,
contractures passagères, épilepsie spinale, perte de notion de posi-
tion des membres, etc. Vers la fin du ptois de novembre 1880,
possibilité de se tenir debout et de marcher ri l'caicle de deux appuis.
Janvier 1881. Possibilité de marcher avec un appui. Au
mois de murs de la même année, il marche sans appui.
Etat actuel (30 janvier 1885). - Syiî(12-ônze spasmodique.
Signe de Romberg. l'as de notion exacte de différentes positions
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 383
qu'on imprime aux membres inférieurs. Marche très difficile sans le
concours de la vue. Crises de douleurs fulgurantes très espacées et
de moindre intensité.
Histoire. Le nommé Nicolas Perrachis, âgé de 36 ans. Pas
d'antécédents héréditaires ou personnels. Il y a douze ans qu'il a
travaillé dans l'air comprimé, il a travaillé sans accidents jusqu'au
20 mai 4879. Ce jour-là, après avoir fait deux immersions, à seize
à dix-sept brasses de profondeur et une demi-heure de séjour, la
décompression étant toujours très brusque, il eu fait une troisième
dans les mêmes conditions ; immédiatementaprèsfa décompression
et l'enlèvement du casque, il est pris d'une douleur lancinante
subite et très vive au genou gauche, sans gonflement au moins
apparent de l'arliculation, et d'une dyspnée intense ; le malade
avait la sensation d'un poids considérable qui l'étoull'ait. Pas de
symptômes céphaliques, pas de troubles gastriques ou autres. Cette
douleur aussi bien que la dyspnée aptes avoir duré une demi-
heure disparaît et fait place à une paraplégie brusque et complète
dès le premier moment de son invasion, accompagnée d'anesthé-
sie non moins complète et d'une rétention, très pi ononcée, d'urines
et de selles qui a duré dix jour=. 1.% sonde n'ayant pas été appli-
quée pendant ce temps de rétention, la vessie, grâce à l'accumula-
tion d'une quantité énorme d'urines, a formé une tumeur considé-
rable dans le bas-ventre. Ses compagnons en comprimant la vessie
sont arrivés après bien des efforts à la vider. La rétention d'urines
a été suivie d'incontinence. La constipation était combattue par
Jespurgatifs. Le 10 juin, une escarre se forme à la région sacrée,
très étendue, accompagnée de fièvre. Le 20 juin, un nouveau
symptôme se déclare; ce sont des douleurs très fortes qui sur-
viennent subitement, elles parcourent les membres inféiieurs et
après une durée instantanée disparaissent subitement pour revenir
au bout d'un intervalle très court; elles n'ont cessé que le
23 juin.
Le 3 juillet, une nouvelle crise de douleurs survient au malade,
avec la même intensité, le même caractère et à peu près la même
durée. A ce moment, le malade a commencé à avoir des secousses,
ses membres se fléchissent et s'étendent tout d'un coup.
Plus tard, ses membres se raidissent en extension, cette raideur
étant toutefois passagère; en outre, ils s'agitent par intervalles
très variés d'un tremblement rythmique involontaire, surtout
développé sous l'influence des émotions et do la fatigue.
Il, lui arrivait fréquemment de perdre la notion de position de
ses membres. Enfin, durant une année et demie, le malade a été
forcé de garder le lit, son état étant tel qu'il suit : paralysie très
prononcée au point que le malade ne pouvait se tenir debout;
anesthésie, incontinence d'urines et de selles, secousses, clonus des
384 CLINIQUE NERVEUSE.
pieds, contractures passagères, crises de douleurs fulgurantes,
perte de notion de position de ses membres.
Vers la fin du mois de novembre 'JS80, le malade a pu se tenir
debout et faire quelques pas à l'aide de deux appuis.
L'amélioration ayant continué ses progrès, il a pu marcher les
premiers jours de janvier 1881 avec un appui.
Au mois de mars de cette~année, le malade a été dans la possi-
bilité de marcher sans appui.
Etat actuel (31 janvier 1885). Il marche sans appui. De loin,
on peut distinguer que la paraplégie des membres inférieurs, dont
cet homme est atteint, est spasmodique. En effet, il est forcé de
s'appuyer sur un de ses membres, par exemple le gauche, et d'in-
cliner son tronc de ce côté pour détacher et soulever le membre droit
qui, de cette manière, se porte en avant après avoir décrit un
demi-tour et frotté le sol. La rigidité musculaire est assez marquée ;
grâce à elle, si on communique aux membres des mouvements
passifs, on sent une résistance notable.
Tous les réflexes crémastériens, plantaires etrotuliens sont très
exaltés. Les membres inférieurs, surtout au réveil et sous l'influence
de la fatigue et des émotions morales, s'agitent d'un tremblement
rythmique involontaire. On peut le provoquer aussi en soulevant
btusquement l'avant-pied. Très souvent, il arrive à se fléchir et à
s'étendre alternativement. Quand il est au lit, il est pris fréquem-
ment de contractures passagères : ses jambes se raidissent en
extension. L'examen de la sensibilité dans tous ses modes nous
a fait remarquer des dysesthésies en plaques étendues.
Il se trouve dans la nécessité de porter dans son pantalon un
tube en caoutchouc, afin de recevoir les urines qui s'écoulent
goutte à goutte. Parfois, il rend involontairement ses selles; pas
de troubles des fonctions sexuelles.
Les crises de douleurs fulgurantes ne manquent pas de tourmen-
ter le malade, bien que les intervalles de crises soient plus espacés,
et que leur force soit quelque peu amoindrie. Le malade oscille
quand il ferme les yeux, il marche avec beaucoup de difficulté
sans le concours de la vue. Il n'a pas une notion exacte des diffé-
rentes positions qu'on imprime à ses membres paralytiques. Il n'y
a aucune trace d'atrophie musculaire. Nous n'avons pas rencontré
de troubles vaso-moteurs. 11 n'y a aucun symptôme céphalique.
Rien du côté des autres organes.
Observation XIX. Accidents du 5 mars 1873, première inznacn-
sion, vingt-deux ci vingt-trois brasses de profondeur et une demi-
heure de durée, décompression brusque. Trois ou quatre minutes
après la décompression et l'enlèvement du casque, ci 10 heures du
matin, douleurs lombaires très vives, aphasie motrice, vertiges de
translation.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 383
A 10 heures et demie, disparition brusque et complète de
l'aphasie, douleurs et vertiges. Un quart d'heure d'intervalle
de bien-être parfait. Ail heures moins un quart, du malin,
paralysie subite et complète des deux membres inférieurs et du
supérieur droit, anesthésie, rétention d'urines pendant deux jours.
Dans la journée du 23 mars, il recouvre les fonctions de son
membre supérieur droit. Le 4 avril, possibilité de se tenir debout,
Le 7 avril, il marche à l'aide d'un seul appui ; le soir, crise de
douleurs fulgurantes pendant toute la îzztit. -Le 17 auril, possibilité
de marcher sans appui. - Pour plusieurs raisons, l'amélioration
s'arrête et l'étntduntalccde, pendant cinq années, reste stationnaire.
Etat actuel (10 juin 1884). Syndrome spasmodique prédo-
minant au membre droit. Signe de Romberg, difficulté de mar-
cher sans le concours de la vue; crises fulgurantes.
Histoire. Le nommé N. Putsinas, âgé de 28 ans, n'ayant eu ni
accidents syphilitiques, ni paludéens, ni maladies antérieures et
sans antécédents héréditaires, a commencé à se plonger dans l'air
comprimé au mois de mars 1878. Il a travaillé pendant une année
sans accidents, quand le 15 mars 1879, il fait la première immer-
sion de sa série à une profondeur de vingt-deux à vingt-trois
brasses et une demi-heure de séjour; il aurait fait un grand
nombre d'immersions à cette profondeur sans accidents, la décom-
pression ayant été isochrone, mais il n'aurait jamais demeuré plus
de dix à douze minutes. Pas de refroidissement, pas de toux,
pas de repas avant l'immersion. Trois ou quatre minutes après la
décompression brusque comme toujours, et l'enlèvement du casque,
il était 10 heures du matin, le malade a été atteint de douleurs
très vives aux lombes, qu'il compare à des coups de poignard, et
en même temps de l'aphasie; il lui était impossible d'articuler un
seul mot, il comprenait, dit-il, parfaitement bien ce qu'il enten-
dait et il pleurait, parce qu'il ne pouvait répondre. Il ne sait ni
lire ni écrire. Il avait, en outre, des vertiges de translation. Le
malade sentait le bateau fortement s'agiter sans qu'il y ait eu de
vent et sans que la mer fût troublée. Pas de perte de connaissance
ni autre symptôme céphalique. Pas de troubles de la respiration,
ni gastriques.
A 10 heures et demie, tout d'un coup, le malade a recouvré
complètement la mémoire des mouvements de l'articulation des
mots et il parle comme avant son accident. Pas de vertiges, pas de
douleurs lombaires; il se croyait sauvé et considérait l'accident
comme fini, mais son espoir n'a pas tardé à être déçu au bout
d'un quart d'heure. A 11 heures moins un quart, tout d'un coup,
sans prodromes, il était atteint d'une paralysie subite et complète
aussi bien de la motilité que de la sensibilité, des deux membres
inférieurs et du supérieur droit, suivie de rétention d'urines.
Archives, t. XVI. 25
386 CLINIQUE NEIIVEUSE.
Le 17 mars, il a pu uriner seul. L'état de la paralysie des trois
membres n'a pas changé.
Le 23 mars, c'est-à-dire huit jours après l'accident, à son réveil,
il constate qu'il pouvait remuer le bras droit, jusqu'ici complè-
lement paralysé. Cette amélioration a grandement marché, si bien
que le soir il a pu recouvrer les fonctions intégrales de ce membre;
-la paralysie de ses membres inférieurs est restée stationnaire.
Le 4 avril, il a pu se tenir debout; on lui présentait des chaises
sur lesquelles il pouvait marcher en s'appuyant.
Le 7 avril, il marche à l'aide d'un seul appui. Ce jour-là, le malade
ayant beaucoup marché, dit-il, et s'étant fatigué, fut pris, le soir,
de douleurs très intenses qui survenaient comme des éclairs et
siégeaient surtout aux articulations; il n'a pas fermé l'eeil toute
la nuit. De grand matin, les douleurs ont disparu. Les jours sui-
vants, le malade avait des secousses et du tremblement aux pieds.
Le 17 avril, il a pu marcher sans appui, mais il lui était impos-
sible d'accomplir cet acte sur un plan incliné ou de descendre un
escalier. L'amélioration a fait encore quelques progrès, mais le
malade ayant continué son travail sans aucune prudence, s'étant
adonné à la boisson (cinq à six litres de vin par jour) et n'ayant
été soumis à aucun traitement, l'amélioration s'arrêta. Aussi son
état n'a pas changé beaucoup durant le temps fort long (plus de
cinq ans) qu'on suit l'histoire de ce malade. Il traînait toujours les
pieds qui, de temps en temps, frottaient le sol et s'agitaient d'un
tremblement rythmique, et à des intervalles variables, il était pris
de douleurs fulgurantes qui ne duraient que quelques heures.
. Etat actuel (10 juin 1884). Il y a une paraplégie des membres
inférieurs qui prédomine à droite. La marche du malade est nette-
ment spasmodique, il s'appuie un peu plus sur le pied gauche pour
soulever sa hanche droite et, de celte façon, détacher et avancer
le membre droit. Il y a une exaltation très marquée de tous les
réflexes facilement constatable par les procédés les plus élémen-
taires. Le clonus des pieds existe aussi bien spontané que provoqué,
surtout au membre droit.
La sensibilité examinée sous tous ses modes a été trouvée par-
faitement normale. Ses membres se fléchissent et s'étendent tout
d'un coup, surtout la nuit. Plusieurs fois aussi, ils se raidissent en
extension pendant un temps variable, toujours très court. Il oscille
beaucoup quand il ferme les yeux; dans ce cas-là, aussi bien que
dans l'obscurité, il marche difficilement. Le malade est pris,
maintes fois, de douleurs fulgurantes.
Il n'y a pas d'atrophie musculaire, sauf une anidrose complète des
pieds qui existe même quand il fait très chaud; il n'y a pas d'autres
troubles vaso-moteurs. Rien aux membres supérieurs, rien du côté
de la vessie, du rectum et des organes génitaux; pas de symptômes
céphaliques. Les fondions des autres organes paraissent régulières.
DES ACCIDENTS PAR 1,'E)IPLOI DES SCAPHANDRES. 387
PATHOLOGIE.
En s'appuyant sur ces six observations, que nous
venons de relater, nous allous essayer d'esquisser les
grandes lignes de l'histoire clinique de notre forme
centrale spinale postéro-latérale. Ici encore, comme
pour la forme que nous venons de décrire, l'explo-
sion de cette forme d'accidents spéciaux, tantôt se fait
sans aucun intervalle, immédiatement après la dé-
compression et l'enlèvement du casque (Obs. XIV, XV,
XVII. et tantôt quelque temps après, deux
minutes pour ['OBSERVATION XVI et trois à quatre
minutes pour t'OasERYATioN XIX.
La bonne description clinique nous impose, croyons-
nous, de distinguer trois périodes : 1° la période des
symptômes du début ou extrinsèques; 2° la période
paralytique, et 3° la période des syndromes spasmo-
dique et tabétoïde.
I. Période de symptômes DU début OU EXTRINSEQUES.
Nous allons brièvement exposer les différents
symptômes qui constituent cette période, car ils se
présentent au clinicien, presque sous les mêmes allures
cliniques que dans la forme centrale spinale latérale.
En effet, les symptômes divers et multiples, que Ton
remarque au tableau précédent se divisent d'eux-
mêmes en quatre groupes, dont nous avons déjà
longuement décrit les symptômes constitutifs. ,
- A. Syndrome des symptômes céphaliques. Ces
388 CLINIQUE NERVEUSE.
symptômes ont une place prépondérante parmi les
symptômes du début, aussi bien eu raison de leur fré-
quence que de leur importance clinique; en effet,
nous les voyons figurer dans cinq observations. Ces
symptômes sont : -
a). Perte de connaissance . Elle a existé quatre
fois, une fois isolée (OBs. XIV) et trois fois accompa-
gnée d'autres symptômes céphaliques ; ainsi, la perte
de connaissance chez le malade de I'Observation XV
était précédée d'illusion visuelle et suivie de cépha-
lalgie. Chez le malade de I'OI3SLRVATION XVII, elle
était précédée d'éblouissement des yeux et vision
d'étincelles. Chez celui de 1'013SERVATION XVI, la troi-
sième attaque de perte de connaissance était précédée
d'étourdissements. Certes, en lisant cette observation,
on a dû être frappé des allures cliniques très origi-
nales que ce symptôme a présentées. Eu effet, la pre-
mière attaque de perte de connaissance, après avoir
duré une heure, disparaît et fait place à un intervalle
de lucidité parfaite pendant dix minutes, au bout des-
quelles survient une seconde attaque de perte de
connaissance d'une demi-heure. après quoi le malade
revient complètement. Ce nouvel intervalle de lucidité
n'avait pas encore dépassé vingtminutes, que le malade
avait été pris d'une troisième attaque qui, cette fois-ci,
s'était prolongée jusqu'à vingt-quatre heures. Nous
expliquerons plus loin le mécanisme de ces allures
cliniques. La durée totale de la perte de connaissance,
dans ces différents cas, a considérablement oscillé,
depuis cinq minutes jusqu'à vingt-qnatre heures. Son
invasion et sa disparition ont eu lieu soudaines et
complètes. Enfin ajoutons, avant de finir la descrip-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 389
tion de ce symptôme, que la perte de connaissance n'a
jamais été accompagnée de convulsions.
b). Vertiges. Ce symptôme, qui a figuré à l'On-
servation XIX, a présenté les caractères de vertige de
la translation. Le malade sentait le bateau s'agiter
sans qu'il y ait eu du vent et sans que la mer fût
troublée. Ce symptôme, accompagné d'aphasie mo-
trice, avait duré une demi-heure.
c)..E7oM ? 'f/M ? ? . Nous constatons une seule
fois l'existence des étourdissements qui avaient pré-
cédé quelques moments l'invasion de la troisième
attaque de la perte de connaissance du malade de
1'0] ! SËRVAT[ON XVI.
d). Troubles du langage. - Nous n'avons rencontré
ces troubles que chez le malade de l'OBSERVATION XIX.
Nous ferons la même remarque qui a déjà antérieure-
ment été faite, que le trouble de ce malade consiste
aussi en aphasie motrice. Il comprenait, dit-il, parfai-
tement bien ce qu'on disait autour de lui, mais il lui
était impossible d'articuler un seul mot. Il ne sait ni
lire ni écrire. L'invasion, aussi bien que la disparition
de l'aphasie, ont été très brusques. La durée totale
n'a pas dépassé une demi-heure.
e). Céphalalgie. Elle a été présentée par un seul
malade. D'une intensité remarquable, elle siégeait
surtout au sommet de la tête.
Symptômes oculaires. Illusions visuelles. On voit
figurer ce symptôme chez le malade de l'OBSERVA-
tion XV, qui, étant descendu pour la quatrième fois
après sa décompression, a été pris d'une illusion qui
lui faisait voir les objets environnants d'une grandeur
surnaturelle. L'illusion a continué durant la com-
390 CLINIQUE NERVEUSE.
pression de la cinquième immersion; pour cette rai-
son, il ne lui a pas été possible d'attraper une seule
éponge. Elle a été immédiatement suivie de perte de
connaissance qui n'a duré qu'une dizaine de minutes.
B). Syndromes de symptômes respiratoires. Ce syn-
drome est largement représenté dans la forme que
nous décrivons, car nous le rencontrons trois fois sur
six observations. Encore ici, il faut diviser les symp-
tômes de ce syndrome en deux catégories distinctes,
dont la première contient les symptômes qui doivent
leur.origine, leur genèse aux troubles gastriques con-
comitants : telle est la gêne de la respiration présentée
par le malade de I'Observation XVI et due au gonfle-
ment de l'estomac coexistant. La deuxième catégorie
comprend les symptômes qui ont leur genèse aux
organes mêmes de la respiration, et ils en dépendent
directement. Telle est la dyspnée du malade de J'OB-
SLRVATION XVIII, qui avait même la sensation d'un
poids considérable sur la poitrine, lequel l'étouffait.
C). Syndrome de symptômes gastriques. Comme
symptômes appartenant à ce syndrome, nous avons :
a). Le gonflement de l'estomac (Ous. XVI), qui était
assez prononcé pour occasionner la gêne delà respira-
tion. Il a duré environ une heure et demie.
b). La pesanteur de l'estomac a existé parmi les
symptômes du début une seule fois chez le malade de
1'013SERVATION XVII sans être accompagnée d'autres
symptômes gastriques. Les malades des Observa-
TIONS XIV, XV, XVIII, XIX n'ont pas présenté de
symptômes gastriques.
D). Syndrome de différentes douleurs. Des symp-
tômes qui appartiennent à ce syndrome, les uns sont
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 391
de l'ordre des douleurs musculaires ou myopathies
douloureuses, comme les douleurs lombaires très
vives ; les autres sont de l'ordre des douleurs articu-
laires ou arthropathies douloureuses. Les douleurs
articulaires tantôt se localisent à une seule articula-
tion, comme, par exemple, chez le malade de l'On-
servation XV à l'épaule droite, chez celui de l'OBSER-
VATION XVIII au genou gauche ; tantôt elles se
localisent à plusieurs articulations, comme chez le
malade de t'OBSERVATtON XVII, aux articulations des
coudes et de la hanche gauche. L'intensité de ces
douleurs a été toujours très grande; elles sont conti-
nues et non accompagnées de fièvre. Toutefois leur
durée a été toujours très courte.
Le court exposé des différents symptômes qui
peuvent constituer la période du début de cette forme,
nous fait clairement voir leur extrême variabilité et
leur multiplicité, en même temps que leur instabilité
et leur fugacité. En effet, les plus variables et les plus
multiples combinaisons peuvent avoir lieu à cette
période; tantôt c'est un symptôme d'un syndrome
quelconque qui constitue toute la symptomatologie du
début, comme à ]'OBSERVATION XIV, la perte de con-
naissance en est le seul et unique symptôme. Tantôt
le début est représenté par deux symptômes dont
chacun appartient à un syndrome, comme, 1 par
exemple, à l'OnsrRVAToON XVIII, la dyspnée et les dou-
leurs au genou gauche; tautôt plusieurs symptômes
d'un syndrome peuvent se combiner à un symptôme
d'un autre syndrome; c'est le cas de ]OBSERVATION XV
où les illusions visuelles, la perte de connaissance, la
céphalalgie se combinent aux douleurs à l'épaule
393 »1 CLINIQUE NERVEUSE.
droite. La même chose se passe à I'Observation XVI,
où les trois attaques de perte de connaissance et les
étourdissements se combinent au gonflement de l'es-
tomac ; aussi à l'OI3SN : ItVATION XIX, l'aphasie motrice
et les vertiges de translation se combinent aux dou-
leurs lombaires. Enfin, plusieurs symptômes de plu-
sieurs syndromes peuvent se combiner pour former la
période du début, c'est ce qui est arrivé pour l'OB-
servation XVII où le symptôme céphalique est repré-
senté par l'éblouissement des yeux, la vision d'étin-
celles et la perte de connaissance, le syndrome des
symptômes respiratoires par la dyspnée, le syndrome
gastrique par la pesanteur de l'estomac, le syndrome
des douleurs par les douleurs dans l'aine gauche et
aux articulations des coudes.
II. Période paralytique. L'invasion de la para-
lysie chez trois de nos malades. (Cas. XIV, XVII,
XVIII) a eu lieu sans intervalle entre la disparition de
tous les symptômes de la période du début et la
période paralytique. Chez les trois autres, au con-
traire (Obs. XV, XVI, XIX), il y a un intervalle très
net durant lequel tout symptôme du début a com-
plètement disparu et le bien-être est parfait; le ma-
lade se croit tout à fait guéri jusqu'au moment où
l'invasion de la paraplégie vient démentir d'une ma-
nière brutale ses vaines espérauces. Cet intervalle,
pour ces trois malades, a été de un quart à deux
heures. Cela dit, passons tala description de la para-
plégie elle-même. Nous avons à étudier successive-
ment et brièvement son mode d'invasion et ses symp-
tûmes associés.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 393
a). Mode d'invasion. Chez 15s six malades, l'in-
vasion de la paraplégie a été très brusque, soudaine.
Chez les malades aussi elle a été complète dès son
début, la paralysie ayant eu dès le premier moment
de son invasion le maximum de son intensité. Ici en-
core nous retrouvons le même fait, qui est remar-
quable et original, à savoir que la paralysie des
membres inférieurs peut être accompagnée de mono-
plégie d'un membre supérieur quelconque; c'est le
droit pour les Observations XV et XIX. La monoplégie
de ce cas a été brusque et complète, comme la para-
plégie qu'elle accompagnait. Chez le malade de l'OB-
SERVATION XVII, ce n'est plus une monoplégie, mais
bien une paraplégie de membres supérieurs qui au
même moment subite et complète accompagnait la
paralysie des membres inférieurs, de sorte que la
paraplégie, dès le début, était complète aux quatre
membres. Ces paralysies de membres supérieurs
tantôt t sont fugitives (la monoplégie de l'OBSERVA-
tion XV a duré cinq heures), tantôt elles sont passa-
gères et disparaissent' après avoir duré quelques jours,
(huit pour l'OBSERVATiON XIX et vingt-cinq pour l'OB-
servation XVI.) Dans presque tous les cas, la dispari-
tion a lieu très rapidement; il est même des cas où la
disparition a lieu très brusquement (OBS. XV). Il ne
falitpas oublier de si-iialer un fait bien remarquableet
bien original, en ce qui concerne lemode de l'invasion de
la paraplégie du malade de l'OBSERVATION XV. En effet,
après l'intervalle de bien-être d'une heure, qui a
suivi la disparition des symptômes du début, la para-
plégie survient a 6 heures du soir, subite et com-
plète dès le moment de son invasion, accompagnée
39'1 CLINIQUE NERVEUSE. ACCIDENTS PAR LES SCAPHANDRES.
de la monoplégie du* bras droit, et dure cinq heures.
Ail heures du soir la paralysie de ses trois mem-
bres disparaît brusquement et complètement pour
revenir le lendemain matin à 7 heures, sans la mo-
noplégie du bras droit; la même chose est arrivée aux
symptômes associés.
Passons maintenant à l'examen des symptômes
qui peuvent s'allier à l'élément paralytique, en d'au-
tres termes à l'étude des symptômes associés.
b). Symptômes associés. Ils consistent en symp-
tômes : l°sensitifs; 2° vésicaux ; 3° rectaux.
c). Symptômes sensitifs. Chez les six malades, la
sensibilité a été trouvée profondément altérée. L'in-
tensité de cette altération est tout à fait proportion-
nelle à l'intensité de l'altération de la motilité. Celle
altération sensitive consiste en une abolition complète,
en une paralysie parfaite. Son invasion est subite.
L'élément anesthésique est le compagnon le plus fidèle
et le plus inséparable de l'élément paralytique.
d). Symptômes vésicaux. Les symptômes vési-
caux ont constamment accompagné la paralysie de
la motilité et de la sensibilité; ils ont consisté dans
tous les cas, en une rétention d'urines. Par suite de
cette rétention, qui a duré dixyjours chez le malade
de l'observation, la vessie a été énormément distendue
et elle a formé une tumeur énorme dans le bas-
ventre. La durée de la rétention a beaucoup varié
pour les six cas, depuis douze heures à deux mois.
La rétention, une fois disparue, tantôt fait place à
l'état normal (OBs. XIV, XV, XIX), tantôt à une diffi-
culté d'uriner, le malade étant obligé de pousser pour
D L.1 GLIO>L1TOSU ? II : DULI,.\IRG. 393
faire sortir l'urine (OBs. XVI) et tantôt à l'incontinence
(OBs. XVII et XVIII). Avant de finir les troubles vési-
caux, n'oublions pas de noter la décomposition
d'urines qui a eu lieu chez le malade de l'OBS. XVI.
e). ? Mr6CM ? Dans la majorité des cas,
la rétention de selles marche de pair avec la réten-
tion d'urines, c'est le trouble initial du rectum; une
fois dissipée, tantôt elle fait place à l'état normal et
tantôt à l'incontinence de selles. (A Suivre.)
PATHOLOGIE NERVEUSE
contribution A l'étude ST\IP'fOIIA'fOL001QU1,
de la f,Li011 : 1'fOSC MÉDULLAIRE';
Communication faite au 2' Congrès des médecins russes à Moscou
(Junior 1887)
1"IV \'L%DIMIR IIOTH,
Privnt-Hoceut de l'Université de loscou.
Anatomie pathologique. Le substratum auato-
mique du tableau, que nous avons décrit, est constitué
par des processus morbides, tantôt portant le nom de
gliome de la moelle épinière, tantôt celui de syringo-
myélie. Les observations de ces maladies avaient été
examinées par nous au point de vue anatomique il y
a neuf ans20. Les recherches ultérieures confirmèrent
complètement les conclusions auxquelles nous étions
amené à cette époque.
'Voy. Archives de Neurologie, t. XIV, p. 368; t. XV, p. ICI; t. XVI,
p. 23 et 195.
39G PATHOLOGIE NERVEUSE.
Nous avons montré que l'on confondait sous le nom
de syringomyélie des processus pathologiques diffé-
rents dans leur essence et que, pour cette raison, on ne
pouvait prendre une cavité de la moelle épinière pour
~ point de'départ d'une classification. La syringomyélie
peut dépendre d'un ramollissement plus ou moins
grand d'un néoplasme gliomateux, dans ces cas,
elle ne constitue qu'une complication de ce processus
fondamental et n'a rien de commun, par exemple,
avec l'hydromyélie et les cavités formées par d'autres
voies. Dans le même travail, nous avons indiqué ce
fait, que parmi les divers processus pathologiques
ayant lieu dans la circonférence du canal central, il
existait des degrés de transition. Il est donc impos-
sible de délimiter rigoureusement différentes espèces
d'hyperplasie de la neuroglie et de la syringomyélie.
Mais la différence qui existe entre les altérations
anatomiques dans divers cas isolés est si grande que
leur groupement est quand même nécessaire; aussi
est-il réalisable, non seulement en se fondant sur les
symptômes purement anatomiques, mais en partie
sur les particularités pathogéniques et les tableaux
cliniques de la maladie; il faut seulement ne pas ou-
blier la remarque que nous'venons de faire.
Nous n'avons pas l'intention de nous arrêter ici sur
des détails anatomiques; il ne nous importe que de
déterminer à quel groupe anatomique se rapportent
les cas que nous examinons et de tâcher, autant que
possible, de relier les phénomènes cliniques aux alté-
rations anatomiques. Parmi les processus anatomiques
décrits sous le nom synthétique de la syringomyélie,
il faut distinguer : '
DE L\. GI,101ATOSr, MÉDULLAIRE. 397
1). L'hydromyélie congénitale et la dilatation par
diverses causes du canal central ou de sa partie pos-
térieure détachée dans la période embryonnaire. Ces
altérations anatomiques n'ont rien de commun avec
le complexus symptomatique décrit par nous.
2). Les cellules épithéliales du canal central qui
sont restées de la période embryonnaire emprisonnées
dans les cordons postérieurs de la substance blanche,
peuvent, par leur prolifération, donner lieu à des
tumeurs occupant un espace plus ou moins grand le
long de la moelle épinière. Leur partie centrale dégé-
nère parfois en formant des cavités, et ces tumeurs à
syringomyélie n'ont pas de relation directe avec nos
observations.
3). L'épendyme du canal central normal s'hyper-
plasie sous forme d'une tumeur plus limitée et
solide; dans ces cas, les symptômes manqueront ou
bien leur caractère sera essentiellement différent de
celui que nous avons observé dans nos cas (Reisin-
ger18 et autres).
4). La névroglie s'hyperplasie d'une manière plus
diffuse et pénètre entre les éléments nerveux. Dans
cette forme se produit le plus souvent la dégénéres-
cence et la liquéfaction du tissu pathologique avec
formation de cavités, ce qui, du reste, ne constitue pas
un phénomène nécessaire, comme l'a démontré l'au-
topsie faite par Schultz". Les cas correspondant à
notre tableau clinique se rapportent justement à cette
quatrième catégorie. Il ne peut s'agir ici de tumeur
rigoureusement parlant. Schultze appelle cette forme
gliose de la moelle épinière, mais ordinairement elle
se combine avec des hyperplasies néoplastiques de
398 PATHOLOGIE NERVEUSE
l'épendyme plus limitées de forme et de structure,
comme nous l'avons vu dans le cas décrit auparavant ?
voilà pourquoi nous employons la dénomination gé-
nérale de gliomatose pour toutes ces formes.
- Comme on le voit,-sur trois.cas de Schultze, 1'liy-
perplasie de la neuroglie a pour siège primitif non seu-
lement l'épendyme, mais aussi la substance gélatineuse
de Rolando et celle de la racine ascendante du
nerf trijumeau, qui lui est homologue. Comme le
prouvent les autopsies de Schultze, le processus mor-
bide atteint de préférence la substance grise; les li-
mites de ce processus coïncident par places avec les
limites de cette dernière. La syringomyélie avait existé
dans tous les cas, mais elle n'occupait que le second
plan, dans un d'entre eux de petites cavités (des
fentes) ne s'observaient que par places dans le renfle-
ment cervical.
A l'exception d'un cas de Schultze, le processus
morbide longeait toute la moelle épinière et trois fois
sur quatre s'étendait jusqu'à la moelle allongée. Ici
le lieu favori du processus est la racine ascendante du
nerf trijumeau, où s'hyperplasie la neuroglie de la
substance gélatineuse. Mais, en outre, on observe
comme une localisation plus accidentelle d'hyperplasie
et de cavités dans différents endroits de la moelle al-
longée (l'olive, le noyau de l'hypoglosse, etc.). La sub-
stance blanche n'est pas atteinte dans tous les cas et
toujours à un degré moindre. Ordinairement, ce sont
les parties des faisceaux blancs adjacents à la com-
missure postérieure qui sont atteintes ; mais la neu-
roglie s'hyperplasiant envoie parfois des prolonge-
ments dans les cordons antérieurs et atteint aussi
DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 399
tantôt d'une manière plus diffuse ou par voie d'hyper-
lllasie néoplastique, les parties des cordons latéraux
adjacents à la substance grise. Toutes ces altérations
de la substance blanche ne sont point du tout égales
en lieu et degré de lésion dans différents cas et oc-
cupent toujours le plan secondaire, ou bien manquent
complètement.
Sans vouloir entrer ici dans l'analyse détaillée du
processus anatomique, nous devons pourtant nous ar-
rêter un peu sur la relation existant entre l'hyper-
ptasie pathologique de la neuroglie et les éléments
nerveux et l'altération produite dans ces derniers. Il est
regrettable que les méthodes d'examen de la moelle
épinière que nous possédons, et d'autant plus ceux
qui avaient existé jusqu'au dernier temps, ne soient
pas suffisamment parfaites pour nous donner une repré-
sentation bien nette sur les cellules et surtout sur les
fibres atteintes. Dans bien des cas , on ne voit pas du
tout correspondre au tableau de la destruction com-
plète de la partie centrale de la moelle épinière (cas
de Krauss) quelques troubles de sensibilité marqués
dans les régions innervées par les parties situées plus
bas ou par le segment correspondant ; la moelle épi-< q
nière augmente en épaisseur, les éléments se disso-J
cient par la ueurogtie proliférant au centre, des fais-
ceaux entiers peuvent se déplacer, se détacher, sans
subir la dégénérescence. Dans d'autres cas, on observe
la dégénérescence qui paraît se faire en bloc d'une
certaine partie sans altérations de ses fonctions, des
cornes postérieures, par exemple; j'ai pu m'en con-
vaincre par le cas que j'ai examiné au point de vue
anatomique. Il est très probable que les éléments ner-
- 400 r.\.T)10LOG)E KERVUUSE.
veux n'ont pas été détruits ici par la neuroglie proli-
férée, mais n'ont pas pu être reconnus à cause des
méthodes d'examen non perfectionnées. En effet,
là où nous avons eu affaire à des faisceaux plus volu-
mineux, il était aisé de les reconnaître au milieu du
tissu de nouvelle formation. A la dégénérescence de
ce dernier s'ajoutait un gonflement, une dégénéres-
cence de la myéline, devenant plus transparente, à
réfraction plus faible et enfin se confondant avec la
neuroglie, transformée en masse amorphe, taudis que
le cylindre axe conservait encore longtemps ses pro-
priétés morphologiques. Le même fait se trouve cou-
firme par les récentes observations de Schultze20, qui,
à l'aide de la méthode de Weigert, avait constaté la
destruction de la myéline dans les cornes postérieures,
ainsi que celle des cordons postérieurs, tandis que les
cylindres axes avaient été conservés par places. Les
altérations des éléments nerveux de caractère régressif,
diverses altérations de la myéline, des cylindres axes
et des cellules nerveuses avaient déjà été constatés par
Zacher et Fùrstner\ Mais quand même, nous savons
trop peu sur le caractère de l'altération pathologique
dans les cornes postérieures et la substance grise
pour trouver une explication toute prête des phéno-
mènes des anesthésies partielles, des symptômes tro-
phiquesetvasomoteurs. En général, nous connaissons
seulement que certains groupes de fibres et cellules
nerveuses peuvent périr, se détruire et se déplacer en
masse ; que dans d'autres cas le néoplasme-remplit,
pour ainsi dire, par pénétration tous les intervalles qui
les séparent, les rend méconnaissables avec les mé-
thodes habituelles d'examen, mais ne détruit pas com-
DE LA GL10MATOSE MÉDULLAIRE. 40'I
plètement leur structure et fonction pendant long-
temps peut-être. Mais quels sont les éléments de la
moelle épinière et comment s'altèrent-ils dans l'anal-
gésie, par exemple ? Nous ne trouvons point d'in-
dications détaillées dans les autopsies faites jusqu'à
présent répondant à cette question. Jl est très possible
que ce soient des particularités déterminées d'un pro-
cessus pathologique, et non sa localisation grossière,
qui constituent la source des sypmptômes patholo-
giques fondamentaux dans le groupe d'observations
que nous étudions.
Il est regrettable que nos connaissances sur la
marche des voies sensitives dans la moelle épinière
nous aident peu, si nous voulions compléter l'insuffi-
sance des'faits par des suppositions théoriques. Nous
ne savons même pas sûrement s'il existe en réalité des
conducteurs anatomiques isolés pour la sensibilité tac-
tile, thermique, et de la douleur, sans parler déjà de
la direction que ces différentes voies prennent après
l'entrée des racines dans la moelle épinière et de leur
marche ultérieure dans la substance blanche et grise.
Au contraire, les cas de gliomatose nous donnent jus-
tement l'espoir d'atteindre la solution de ces questions
physiologiques.
Dans ces cas, la nature fait sur l'homme une expé-
rience précise qu'aucune vivisection ne saurait répé-
ter, et même, si cela était possible, l'expérience sur
l'animal ne pourrait amener à aucun résultat. Des re-
cherches détaillées et moins grossières dans la sphère
de sensibilité ne sont possibles que chez l'homme.
En attendant de nouveaux faits anatomiques, l'ana-
lyse clinique doit éclairer un peu le champ des inves-
Archives, t. XVI. 20
1102 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tigations. Sous ce rapport, les intérêts de la physio-
iogie coïncident avec notre but principal qui est de
nous rapprocher de l'explication au moins hypothé-
tique des phénomènes les plus saillants de l'anes-
thésie partielle du sens thermique et de l'analgésie.
Nous avous vu déjà que les grandes cavités par elles-
mêmes ne produisent pas de symptômes semblables ;
dans le cas de Reisinger8, une énorme tumeur au
centre de la moelle épinière, ayant dilaté les parties
environnantes, marchait longtemps sans présenter au-
cun symptôme et, en général, nous savons avec quelle
facilité les fibres nerveuses s'écartent et s'accommodent
à une pression se formant lentement de côté. D'autre
.part, ces grossières lésions varient comme nature,
Consistance, délimitation dans les différentes hau-
teurs d'une même moelle. On ne pourrait donc pas
invoquer une pression en masse occasionnée ici par
le néoplasme, là par le contenu liquide de la lacune,
- -pour expliquer des symptômes si uniformes, comme,
par exemple, la thermanesthésie généralisée (OBs. 111,
V, VI). Ces symptômes indiquent une lésion élective,
quasi-systématique. Elle peut être produite seulement
par ce fait que le processus intensif, s'associant aux
altérations grossières plus délimitées, affecte de préfé-
rence certains systèmes de cellules et de fibres ner-
veuses. Cette localisation spéciale d'un processus
diffus pourrait être déterminée par quelques condi-
tions anatomiques. Nous les voyons dans la distribu-
tion de la substance gélatineuse, qui se trouve autour
du canal central, dans les cornes postérieures, et leur
prolongation dans le bulbe et la protubérance (racine
ascendante du trijumeau) . C'est cette.substance qui
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 403
est le siège principal et le point de départ du proces-
sus hyperplastique. Des faits cliniques nous obligent
aussi de rattacher l'anesthésie à une lésion des cornes
postérieures : la répartition segmentaire de l'anes-
thésie, puis la coïncidence fréquente au début avec
une atrophie musculaire dans les mêmes régions,
nous fait supposer l'altération également segmentaire
des parties de la moelle où, premièrement, les con-
ducteurs sensitifs des zones anesthésiées sont encore
séparés par ceux d'autres parties, situées plus bas et,
secondement, où l'entrecroisement des voies sensitives
ne s'est pas encore produit. Cet endroit ne peut être
que la porte d'entrée des racines postérieures dans la
moelle épinière et les cornes postérieures.
Nous avons vu que les autopsies confirment cette
supposition, en ce que les cornes postérieures et la
racine ascendante du trijumeau ont été trouvées alté-
rées chaque fois qu'il y avait une anesthésie partielle
des parties correspondantes. Mais quelles sont les
rapports intimes entre ce symptôme et les lésions
anatomiques ? L'intensité variable des anesthésies par-
tielles souvent peu prononcées, malgré leur extension
considérable à la surface du corps, leur apparition
isolée ou combinée, leur amendement parfois bien
notable toutes ces circonstances nous empêchent
d'admettre que ce symptôme puisse être produit par
l'accroissement de la lacune ou du gliome qui détrui-
rait pour ainsi dire en bloc les parties avoisinantes de
la substance grise. Il serait inutile de revenir sur
cette supposition s'il n'y avait des faits anatomiques,
qui paraissent parler en sa faveur. Dans certains cas
d'anesthésie partielle, on voit une destruction en ap-
404 PATHOLOGIE NERVEUSE.
parence complète avec substitution de la corne posté-
rieure, soit par la lacune, soit par le néoplasme. Mais il
faut se rappeler que les éléments nerveux peuvent être
conservés au milieu des parties les plus altérées, comme
le démontre mon observation mentionnée plus haut20.
Il est certain que les lacunes ne sont pas en réalité
aussi grandes qu'après l'endurcissement de la moelle
épinière et sont remplies durant la vie par un contenu
liquide ou semi-liquide, dans lequel les éléments ner-
veux peuvent former une sorte de trame, qui ne ré-
siste pas aux procédés de préparation ; d'autres fibres
sont probablement repoussées aux parois de la ca-
vité ; d'autres encore se trouvent dans la substance
gliomateuse, uniforme en apparence. Quoi qu'il en
soit, on ne peut expliquer l'analgésie et la thermanes-
thésie partielle dans mes observations et leurs ana-
logues que par des troubles nutritifs des éléments
nerveux dans les cornes postérieures, consécutifs
à l'hyperplasie avec dégénérescence du tissu intersti-
tiel. Comment se fait-il cependant que les sens tactil et
musculaire restent habituellement intacts ?
On pourrait supposer que les conducteurs isolés de
ces espèces de sensibilité ne s'avancent pas loin dans
les cornes postérieures, mais tournent dans les cor-
dons blancs; si avec cela existait toujours parallèle-
ment la lésion du sens de la température et de dou-
leur, cette explication fournirait le plus de probabilité.
Mais nous savons que la sensibilité à la douleur et à la
température peuvent être atteintes isolément ; que le
processus diffus, se répandant le long des cornes
postérieures de la moelle épinière dam chacun de ses
segments lésés, détruit, par exemple, la seule fonc-
DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 405
tion de conductibilité des impressions thermiques.)
Il est presque impossible de nous figurer que le
processus pathologique interstitiel longeant toute la
moelle épinière se localisât seulement dans les voies
thermesthésiques isolées, en respectant partout les
voies de sensibilité à la douleur. Il faut admettre que
l'altération pathologiqne, en imbibant pour ainsi dire \
le segment donné de la corne postérieure, y inter-
rompt d'une certaine manière la nutrition des nerfs
sensitifs. Ces conditions de nutrition altérées agissent
seulement sur les éléments qui servent de conducteurs
aux impressions thermiques. (Nous savons que les -
fibres nerveuses de diverses catégories ne réagissent '/7
pas également sur les influences nocives la près- 6,
sion, C 0, etc.), Mais on pourrait de même supposer t,
que si des conducteurs spécifiques n'existent pas, un ' ?
agent nocif déterminé diminue ou suspend seulement
dans les voies sensitives la faculté de conduire les im-
pressions thermiques.
On peut appliquer le même raisonnement à l'expli- z
cation de l'analgésie, mais nous devons admettre
l'existence d'une altération d'im autre genre, par
exemple, dans un cas, la dégénérescence hyaline de la
neuroglie et de la myéline, altérant chimiquement les
conditions de nutrition des cylindres axes, agirait sur
la conductibilité des impressions thermiques; dans un
autre cas, la prédominance de l'hyperplasie de la neu-
roglie, agissant mécaniquement, troublerait la fonction
des nerfs qui ne servent qu'à conduire les impressions i
de la douleur, ou bien déprimerait la conductibilité à I
la douleur (s'il n'existe pas des conducteurs spéciaux
aux différentes espèces de sensibilité).
406 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Le degré d'influence de ces deux facteurs servira à
déterminer celui des troubles de sensibilité; leur qua-
lité servira à déterminer le caractère de ces troubles,
l'anesthésie thermique ou l'analgésie, ou bien l'une
-ou l'autre en présence des deux facteurs patholo-
giques, qui se trouveraient réunis simultanément.
Si nous admettons la justesse de notre hypothèse sur
la résistance différente des conducteurs de diverses
espèces de sensibilité aux altérations morbides siégeant
dans la moelle épinière (ou bien de la conductibilité de
diverses espèces de sensibilité dans les mêmes conduc-
teurs), il n'y a pas de raison d'admettre encore un
trajet séparé des conducteurs des impressions tactiles.
Ils peuvent siéger à côté des autres en possédant une
résistance plus grande ; ou bien si les conducteurs
tactiles isolés n'existent pas, ce serait la conductibilité
des impressions tactiles par les voies sensitives qui s'y
interrompt plus difficilement par diverses influences
nocives, que la conductibilité des impressions doulou-
reuses et thermiques et ne disparaît presque qu'avec
la destruction des cylindres axes. Une lésion aussi
considérable des éléments nerveux, mais limitée par
un très petit espace de la corne postérieure dans la
partie inférieure du renflement cervical, serait celle
de l'OBSERVATION V à anesthésie générale de la moitié
externe de la main.
La marche de la maladie est généralement lente,
mais souvent irrégulière. Nous avons vu dans I'Obser-
VATION VI, que les symptômes fondamentaux peuvent
rester stationnaires. Généralement, durant plusieurs
années, un certain degré d'atrophie et de faiblesse
reste stationnaire ; dans d'autres cas, l'on voit un dé-
DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 407
veloppement relativement rapide de nouveaux symp-
tômes et l'aggravation des anciens. Dans les cas
nos I, II, et III, nous avons vu une amélioration
des symptômes ou un arrêt du développement ulté-
rieur de la maladie durant tout le temps, pendant
lequel nous avons observé les maladies, c'est-à-dire
de quelques mois à deux ans. D'autres auteurs ont
également vu l'état stationnaire de nombreux symp-
tômes dans le courant de quelques, années (Morvan,
Fûrstner et Zacher).
Terminaison de la maladie. Dans notre ancien cas 20,
ne correspondant pas rigoureusement parlant au ta-
bleau clinique de la forme analysée ici la mort est
survenue par suite de l'extension du processus mor-
bide trois ans après l'apparition des premiers symp-
tômes. Mais généralement la mort par progrès de la
maladie arrive plus rarement que par des complica-
tions accidentelles, reliées du reste parfois à la mala-
die. Dans un cas de Schultze ", par exemple, le ma-
lade estmortdepyémie; le phlegmon, souvent observé
dans la gliomatose spinale avait été négligé et avait
pris un caractère putride; l'amputation dans ce cas
ne sauva pas la vie du maladie..
La guérison de la maladie est-elle possible ? Nous
avons vu que de nombreux symptômes peuvent s'amé-
liorer considérablement; nous avons vu également,
que le processus morbide peut ne pas progresser d'une
manière notable durant dix ans, par exemple. En vue
de tout cela nous pouvons admettre la possibilité de l'ar-
rêt de la maladie et de son amélioration considérable
et peut-être même la disparition des symptômes mor-
bides.
408 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Le pronostic découle de ce qui vient d'être dit plus
haut. Il n'est pas aussi fatal que dans beaucoup d'au-
tres maladies de la moelle épinière, ne portant pas le
nom terrible de néoplasme.
Causes prédisposantes. L'âge : chez cinq de mes
malades, l'affection s'est déclarée entre dix-sept et
vingt-cinq ans; chez un autre malade elle parut à
quarante-neuf ans et chez un autre encore elle avait
probablement déjà existé à l'age de onze ans. Et dans
les observations des auteurs, où le début de la maladie
est signalé - il se rapporte presque exclusivement à
l'âge de quinze à trente-cinq ans. La différence du
sexe se fait sentir dans ce sens que le nombre
d'hommes est à peu près trois fois plus considérable
que celui des femmes.
Aux causes déterminantes on pourrait rapporter :
le traumatisme, le refroidissement, l'épuisement du
système musculaire, les fièvres intermittentes et d'au-
tres influences nocives, ayant procédé aux premières
manifestations de la maladie aperçues par les malades,
Mais il n'est pas rare de trouver dans les antécédents
du patient, que des symptômes de la maladie avaient
précédé, les causes, auxquelles avait été attribuée son
origine. Nous pensons que différents moments épui-
sants par lesquels passe le malade ne donnent qu'un
coup de fouet à la marche plus rapide du processus,
mais la vraie cause de son développement est incon-
nue.
Dans d'autres formes de la gliomatose de la moelle
épinière et de syringomyélie on peut considérer comme
démontrée la dépendance de la maladie des déviations
morphologiques dans le développement du canal cen-
DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 409
tral ou de l'épendyme. Mais dans la forme qui nous
occupe les anomalies embryologiques semblables
n'existent pas; des éléments de neurogiie d'apparence
normale s'hyperplasient dans la commissure et les
cornes postérieures. Mais comme la maladie se déclare
dans le jeune âge, comme aussi par sa nature même,
elle reste longtemps à l'état latent, il est très pro-
bable que le début réel du processus pathologique pré-
cède de plusieurs années ses premières manifestations
cliniques. On peut supposer que ces causes premières
siègent dans les conditions altérées du développement
embryologique de la substance grise de la moelle épi-
nière et que différentes causes accidentelles externes
agissent d'une manière débilitante sur la nutrition des
éléments nerveux, en diminuant leur résistance aux
éléments de la neuroglie, tendant à s'hyperplasier. La
supposition que la maladie soit d'origine parasitaire
n'a pas de données'.
Diagnostic. Nous avons vu que le symptôme le
plus caractéristique et le plus constant de la maladie
est l'anesthésie partielle du sens de la température,
plus souvent combiné à de l'analgésie. Le diagnostic
est facile dans les cas oui) des troubles de sensibilité
plus ou moins étendus de ce genre se combinent avec
2) des phénomènes parétiques ou 3) les atrophies mus-
culaires. Les distrophies de la peau et du tissu cellu-
laire sous-cutané, les troubles vaso-moteurs, les altéra-
tions de la sécrétion sudorale, lalésion des articulations,
la fragilité des os etc., constituent dans ces cas des
1 Sauf la ressemblance très marquée qui existe entre le tableau symp-
tomatique que j'ai décrit avec les phénomènes neuropathiques, observés
dans quelques cas de lèpre. (Rosenbach. 30.)
410 PATHOLOGIE NERVEUSE.
symptômes de luxe, ne servent qu'à confirmer le dia-
gnostic régulier, fondé, sur les symptômes cités plus
haut. Les symptômes vaso-moteurs el trophiques s'ils
sont les premiers, frappant notre attention, exigent
qu'elle soit fixée sur l'examen delà sensibilité du ma-
lade. Leur existence en elle-même, sans anesthésie
partielle concomitante, n'a pas de signification dia-
gnostique. Si nous venions à les rencontrer sans qu'ils
soient accompagnés de troubles de sensibilité notables
et d'atrophies musculaires, nous pourrions seulement
soupçonner l'existence de la gliomatose de la moelle
épinière. Mais nous ignorons si des cas semblables
peuvent en réalité dépendre de ce processus pathologi-
que qui à l'exception des particularités de localisation
eût été en tout identique à celui qui forme la base du
groupe de cas étudiés par nous. D'autres phénomènes
tenant à la lésion des cordons postérieurs et latéraux
de la moelle épinière, de la moelle allongée, etc.,
indiquant l'extension ultérieure du processus mor-
bide, peuvent masquer les symptômes caractéristi-
ques fondamentaux.
Mais le diagnostic est quand même possible; il ne
faut pas oublier que dans aucune autre maladie les
symptômes de lésions en foyer de la moelle épinière
ne se combinent avec la distribution d'anestlcsie
partielle caractéristique de la gliomatose; et étant
donné ce dernier symptôme; quelle que soit la locali-
sation de différents symptômes deutéro-pathiques, ils
ne doivent pas exclure l'existence de la gliomatose de
la moelle épinière'.
] ' ' La . où une anestbésie générale s'est développée vers la lin de la ma-
ladie, comme dans le cas de Schuppel, on a encore la ressource four-
DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 411
Une seule remarque est pourtant nécessaire à faire.
Nous pouvons nous figurer des cas de tabès dorsalis
tout à fait exclusifs et compliqués, présentant des
atrophies musculaires, des paralysies et de la prédo-
minance de thermanesthésie, qui se trouvent en con-
tradiction avec la proposition exprimée plus haut.
Mais dans ces cas-là, la marche de la maladie, l'exis-
tence des symptômes indubitables de tabès et l'ab-
sence de la distribution de l'anesthésie caractéristique
de la gliomatose lèvent la difficulté du diagnostic.
Il est plus difficile à faire, si l'on observe une
thermanesthésie plus ou moins partielle des membres
inférieurs combinée à certains troubles de l'appareil
locomoteur. Il est possible de supposer ici, qu'un
foyer limité, par exemple une plaque sclérosée, ait dé-
truit la conductibilité des impressions thermiques
suivant la moelle épinière et venant des régions in-
nervées par toutes les racines situées plus bas'.
Là où les troubles caractéristiques de sensibilité
partiels et les troubles moteurs dans lesquels l'atro-
phie des muscles est bornée à une région limitée au
membre supérieur par exemple (OBSERV. IV), il se peut
nie par les données de la marche, les antécédents, indiquant, qu'au dé-
but, il avait existé une altération de sensibilité caractéristique, sans quoi
bien entendu un diagnostic anatomique précis des cas semblables de-
viendrait impossible.
'Ces derniers jours j'ai vu un cas semblable : il se développait progres-
sivement chez 111. \... durant trois années une fatigue des membres in-
férieurs et une certaine faiblesse de mouvements. Dans les membres su-
périeurs la force est conservée, l'écriture est devenue plus difficile, des
mouvements accessoires involontaires se produisent facilement. Il y a
hypertome, plus accusée dans les membres inférieurs et le clonus du
pied. Une diminution du toucher peu accusée dans les membres infé-
rieurs, un léger affaiblissement de la douleur, une diminution très accu-
sée de la sensibilité thermique sur le pied et diminuant vers les cuisses,
où elle est normale. Dans ce cas nous n'avons pas de données suffisantes
pour diagnostiquer la gliomatose de la moelle épinière.
4 1 z2 PATHOLOGIE NERVEUSE.
que nous doutions, si nous n'avons affaire à uneneu-
rite d'autant plus que nous pouvons tomber sur
des cas, où la sensibilité douloureuse des cordons
nerveux et des muscles nous induira en erreur.
Il faut se rappeler, que dans les névrites locales non
multiples, le processus est limité à la sphère de distri-
bution d'un certain nerf, et dans la gliomatose par une
certaine région (celle de la main, de l'avant-bras, delà
partie supérieure du bras etc.). Une telle disposition
n'exclue pas il est vrai une lésion d'une série de ra-
cines d'un côté une rhenitis primitive ou consécutive à
une pachyméningite hypertrophique. Mais à cela il
faut objecter : que dans les névrites périphériques, per-
sonne n'a observé jusqu'à présent d'anesthésie ther-
mique partielle, quoique l'attention ait été déjà attirée
sur ce point.
Nous avons vu (OBSERV. VI) qu'un tableau précisé-
ment pareil - la thermanesthésie partielle delà partie
périphérique du membre avec atrophie de muscles de
la main avait été observé à un certain degré de la
maladie chez une de nos malades, chez laquelle nous
avons pu suivre la marche ultérieure de la therma-
nesthésie, ne laissant pas de doute sur l'existence de
la gliomatose cérébro-spinale. D'un autre côté, comme
le démontre l'observation de 1-P C... (Observ. IV), les
douleurs locales dans les nerfs, sans parler des douleurs
musculaires, ce qui s'en va de soi, n'excluent pas la
localisation centrale du processus : la gliomatose de
la moelle épinière entraîne souvent après elle des
troubles de circulation et de nutrition de la peau, des
muscles, des articulations et probablement aussi dans
les nerfs. Le diagnostic de la gliomatose doit être posé
DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 413
aussi dans les cas qui ne présentent pas de troubles
locomoteurs bien accusés s'il existe une thermanesthé-
sie partielle à disposition caractéristique segmentaire
ou par région occupant en cas de localisation mono-
plégique, un membre supérieur et la partie adjacente
de la poitrine, par exemple, ou bien occupant les
épaules d'une manière plus ou moins symétrique dans
les cas de localisation bilatérale; dans la thermanes-
thésie à forme hémiplégique, ou avec la zone therma-
nesthétique sur la poitrine et le ventre d'un côté ou
des deux, avec extension du processus sur la région
du nerf trijumeau; ou bien si t'anesthésie partielle est
limitée par la ligue médiane du corps et des lignes ho-
rizontales, ne correspondant pas aux sphères de dis-
tributions nerveuses, mais à la lésion de parties de
certains segments des colonnes postérieures de la
substance grise de la moelle épinière et de la subs-
tance gélatineuse de la racine ascendante du tri-
jumeau. A notre avis, une disposition semblable de la
thermanesthésie seule ou accompagnée d'analgésie et
sans autres symptômes de lésion anatomique de la
moelle épinière ou allongée est pour nous pathogno-
monique de la gliomatose.
Dans un de nos cas (OBSERV. Viol), en fait de sympa
tomes d'une lésion anatomique il n'existait qu'une ther- 1
manesthésie partielle de ce genre, mais il y avait; i
d'autres symptômes caractéristiques du côté de la sen-
sibilité : des paresthésies cutanées, des douleurs le long
des nerfs occipitaux, une humeur hypochondriaque;
nous supposons que si ces symptômes mêmes venaient à
nous manquer, nous aurions le droit de diagnostiquer la
gliomatose. Il convient d'exclure le tabès dorsalis dans
414 PATHOLOGIE NERVEUSE.
les cas de la dernière catégorie et dans la localisation
insolite de la thermanesthésie dans les membres infé-
rieurs. En outre, on ne peut à l'état actuel de nos con-
naissances (comme pour le cas cité plus haut) ex-
clure quelque affection limitée en foyer détruisant la
conductibilité des voies cérébro-spinales sensitives.
Mais là où existe la disposition caractéristique de la
thermanesthésie que je viens de signaler on ne peut
admettre que l'idée de tabès dorsalis. L'existence
de l'analgésie partielle, ou de l'anesthésie tactile est
assez souvent observée dans cette maladie; quant à
la thermanesthésie partielle, elle présente un phéno-
mène exceptionnellement rare. On pouvait douter
de son existence jusqu'à ce dernier temps. M. Bolko
Stern =3) fait remarquer que dans cinq cas de tabes,
l'anesthésie avait débuté par le sens de la tempéra-
ture avec intégrité du toucher. 11 est regrettable qu'il
ne donne pas une seule observation détaillée pour
élucider ce fait et nous ne savons rien sur la localisa-
tion de la thermanesthésie et la propriété de quelques
autres symptômes, qui ont obligé l'auteur à diagnos-
tiquer dans son cas le tabès dorsalis. Il nous semble
qu'on peut supposer trois alternatives à un diagnostic
différentiel :
1)Thermanesthésie partielle avec symptômes carac-
téristiques du tabès (oculaires, perte du réflexe ro-
tulien, douleurs, ataxie, etc.) le diagnostic : tabes ;
2). Thernianesthésie partielle (avec ou sans analgésie)
à localisation caractéristique (moitié supérieure du
corps, forme hémiplégique, disposition par région, etc.)
manque de symptômes, nécessaires au diagnostic du
tabes; diagnostic : gliomatose de la moelle épinière;
DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 4J5 J
3). L'anesthésie thermique dans les membres infé-
rieurs sans autres phénomènes du côté de l'appareil
locomoteur, sans symptômes diagnostiques de l'ataxie
locomotrice diagnostic douteux. Dans les paraly-
sies alcooliques (Korsaho(i), on observe parfois la pré-
dominance de l'analgésie et de la thermanesthésie, sur-
tout dans les membres inférieurs, à côté des phénomènes
caractéristiques de la paralysie alcoolique.
On pourrait confondre la gliomatose spinale avec
quelques cas de lèpre anesthétique, grâce à l'atrophie
musculaire, l'anesthésie thermique et l'analgésie (Ro-
senbach 3') surtout dans les cas où les altérations cu-
tanées de la lèpre sont peu accusées; elles sont parfois
réduites à une simple raie hypérémiée, délimitant les
plaques ou les régions anesthétiques. Cependant l'a-
nesthésie elle-même peut présenter dans cette dernière
maladie quelques caractères distinctifs. Elle ne s'arrête
pas à la ligne médiane : 1) des îlots anesthésiques
peuvent se trouver au milieu du dos, de la poi-
trine etc., étant distribués d'une manière capricieuse
à la surface du corps; 2) leurs contours sont irrégu-
liers, tortueux, comme sur une carte graphique
(voyez les beaux dessins dans le livre de M. Le-
loir) ; 3) il y a transition brusque des régions avec
analgésie et thermanesthésie, à peu près complètes,
aux parties ayant conservé leur sensibilité normale.
Il ne faut pas en outre oublier l'atrophie avec affai-
blissement des muscles orbiculaires des paupières qui
est caractéristique pour les cas de lèpre dans lesquels
elle se voit. L'analgésie et surtout l'anesthésie ther-
mique n'arrêtent pas pour la plupart du temps l'at-
tention des malades et souvent échappent à l'observa-
410 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tion du médecin dans le cas où le malade le consulte
pour d'autres symptômes.
Pour cette raison, il est donc nécessaire de toujours
examiner la sensibilité à la température et à la dou-
leur : 1) dans les troubles trophiques énumérés plus
haut, les abcès, les panaris, surtout lorsque ces der-
niers se répètent souvent ou paraissent être peu dou-
loureux ; 2) dans les fractures des os survenant sans
cause externe suffisante; 3) dans différentes' pares-
thésies indéterminées, douleurs, troubles de la sécré-
tion sudorale et vaso-moteurs ; 4) dans les atrophies
musculaires.
L'atrophie progressive des muscles avec localisation
préalable dans les mains et les muscles de la ceinture
scapulaire etc., accompagnée d'analgésie partielle ou
d'anesthésie thermique, comme nous l'avons dit plu-
sieurs fois, indique la gliomatose spinale; mais l'ab-
sence de ce dernier symptôme ou l'existence d'une
anesthésie plus ou moins étendue de tousses modes
de sensibilité (notre cas décrit en 1878) n'exclue pas
ce processus. II peut également se manifester par
l'atrophie musculaire seule accompagnée de phéno-
mènes d'hypertonie, comme le démontre l'autopsie
faite par Schultze d'un malade chez lequel Erb avait
diagnostiqué durant sa vie la sclérose amyotrophique
latérale. Je n'ai pas l'intention de toucher ici ces cas,
quoique la plupart d'entre eux appartient peut-être au
même processus morbide fondamental (n'ayant atteint
que les cornes antérieures) qui existe dans les cas à
paralysie de sensibilité partielle. Mon observation citée
plus haut peut servir d'anneau reliant les uns aux
autres.
I)1; 1..1 GLIOI1TOSP ILsDULLIIR. 417 -1
Traitement. Nous voyons que le processus mor-
bide admet l'amélioration de quelques symptômes et
que la thérapeutique dans la gliomatose n'a pas du
tout une tâche aussi ingrate à remplir, comme cela
peut en avoir l'air à priori. Nous pouvons agir sur la
maladie ou en augmentant la résistance, en amélio-
rant la nutrition des éléments nerveux, ou en tâchant
d'éloigner les productioiis pathologiques et limiter leur
développement ultérieur.
Nous atteindrons le premier but à l'aide de mesures
habituelles d'hygiène, de diététique, de pharmaceu-
tique : par la nutrition, l'hydrothérapie, l'électricité,
le nitrate d'argent pris à l'intérieur, le fer, l'arsenic,
la quinine, la strychnine, etc.
Nous pourrions tendre à l'exécution de la seconde
tâche en employant différents altérants des bains chauds
de boue, de saumure, des emmaillotements de Priest-
nitz en fait de traitement externe; l'emploi prudent
d'iode, d'après mon expérience, est plutôt utile que
nuisible en fait de traitement interne. Les frictions
à l'onguent gris chez un sujet qui avait eu jadis
la syphilis, parurent nuisibles. Les vésicatoires, les
pointes de feu paraissent être utiles. Bien entendu
que l'expérience clinique ultérieure nous aidera à
classer d'après leur mérite tous les moyens cités plus
haut.
Nous attachons une plus grande importance au
traitement tonique, mais l'idée d'agir sur les produits
pathologiques ne doit point nous sembler absurde.
Peut-être l'absorption exagérée de la iieuro-lie ra-
mollie, dégénérée, débarrassera-t-elle les éléments ner-
veux de la pressiou et de l'altération, apaisera-t-elle
ncmvES, t. 1n 27
418 PATHOLOGIE NERVEUSE
les douleurs etc. D'un autre côté, nous trouvons par-
fois côte à côte avec les produits spécifiques (notre
cas et les observations deZacher-Fùrstner) l'infiltration
lymphoïde, l'hyperplasie du tissu conjonctif, l'hypéré-
mie, l'oedème. Contre ces phénomènes nous espérons
lutter par l'iode, les révulsifs, etc. Enfin, étant donné
que le processus morbide peut être arrêté, réussira-
t-on peut-être à contribuer par quelque moyen à l'arrêt
de sa marche progressive.
Le traitement symptomatique est aussi très impor-
tant ; il conviendra de le suivre selon les règles géné-
rales, en profitant entre autres des moyens cités plus
haut. Dans les cas présentant de l'analgésie, il est très
important de préserver la peau du malade des influen-
ces nocives traumatiques et autres; sa tonification,
l'amélioration de sa circulation (le massage, l'électri-
cité) et le traitement opportun des distrophies cuta-
nées. Nous pouvons par ce moyen détourner le déve-
loppement de complications pénibles (comme le
phlegmon, la pyémie) menaçant la vie du malade.
La maladie, à l'étude clinique de laquelle j'ai con-
sacré ma communication, nous présente une série de
taches, d'énigmes, de contrastes et de paradoxes. Nous
voyons premièrement le processus pathologique, por-
tant le nom de néoplasme, de tumeur, mais agissant
sur l'organe malade non par la masse, par la pression
mais en y provoquant des altérations d'élection avec
symptômes de caractère plus systématique que dans
les affections primitives des systèmes, et rappelant plu-
tôt l'action d'un agent chimique spécifique.
Secondement, le processus anatomique, progressif
par sa nature, crée des symptômes, capables de retro-
DÉ LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 419
grader, est accessible au traitement plus que ne sont
les autres altérations de la moelle épinière, moins
effrayant et par le nom et par l'extérieur. Par ce pro-
cessus la nature fait toute une série d'expériences,
dont l'étude promet de répandre une lumière nouvelle
et sur la physiologie de la sensibilité des vaso-moteurs,
des troubles trophiques, etc., et en même temps sur
l'architectonique physiologique de la moelle épinière
même. Si notre hypothèse un peu compliquée sur l'o-
rigine de l'anesthésie partielle est juste, nous avons
peu d'espoir de résoudre la question de l'existence de
conducteurs spécifiques par la voie de l'étude anato-
mique de cas de gliomatose avec anesthésie partielle.
Mais, indépendamment de cela, nous pouvons nous
attendre à des résultats précieux des recherches mi-
croscopiques à l'aide des méthodes perfectionnées
(Frend-Meynert, Weigert, Golgi, etc.) dirigées sur des
cas récents, dans lesquels des altérations anatomiques
limitées des cornes postérieures de la moelle épinière
ou de la racine ascendante du trijumeau correspon-
dant à des symptômes d'élection insignifiants (d'anes-
thésie partielle, des troubles trophiques).
En considérant ce qui vient d'être dit, il est parti-
culièrement important de diagnostiquer la maladie
dans ses premières périodes et d'examiner avec pré-
cision le caractère et la localisation de l'anesthésie et
d'autres symptômes cliniques. 11 faut être toujours
prêt à profiter du matériel anatomique, qui peut nous
être fourni par la mort accidentelle d'un pareil ma-
lade. Si je réussis par ma communication à faciliter à
quelqu'un le diagnostic précoce d'un cas de gliomatose
écrébro-spinale et à contribuer aux moyens théra-
- 420 PATHOLOGIE NERVEUSE.
peutiques plus conformes au but, ou bien à l'utilité ne
fût-ce que d'une seule autopsie, je considérerai le but
de mon travail comme complètement atteint.
DE 1.'ÉPILGPSII, PROCURSIVE1;
Par BOUHEVILLE et P. BRICOX.
VI. - Anatomie pathologique (Fin).
Des deux observations qui précèdent, relatives à des
malades atteints l'un d'épilepsie procursive , pouvant
être rattachée à une lésion du cervelet, et l'autre d'ac-
cidents procursifs tardifs nous rapprocherons une
observation de M. i)lescliede«2 . Toutefois nous devons
faire remarquer que cette observation diffère un peu
des nôtres au point de vue clinique, car les accidents
procursifs qui précédaient et suivaient l'accès avaient
une durée beaucoup plus longue et ne semblent pas
avoir constitué à proprement parler des accès.
Observation LVI. Epilepsie avec idées religieuses extatiques,-
mouvement de manège forcé de gauche à droite. Démarche va-
cillante, impossibilité d'exécution de mouvements (fonctions) com-
pliqttés. Altitude de la tète quelquefois penchée en arrière.
Parole lente, le plus souvent tremblée. Sensation intercurrente
' Voy. Archives de Neurologie, vol. XIII, p. 321; vol. XIV, nos 40,
et il, p. 55 et 235, juillet et septembre 188î; - vol. XV, nM 43 et 1t,
p. 75 et 227, janvier et mars 1888; vol. XVI, 11" 45 et 47, mai et sep-
tembre 1888.
,)Iescliede. Ein Fall voit Epilepsie mit Zwaczgs-Beweguzzgezz und
tt'aK[)0 ? M ? ! yf';t und Sclérose cizzer A'e ? t ! 'r7t ? eM ? tfB;'e. (Vir-
c/<otu'J)-e/t.l880,p.560.)
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 431
de chaleur brûlante dans le corps. Fréquentes attaques d'hypé-
réznie aiguc pulmonaire. Durée de l'épilepsie : au moins huit
ans. Mort à quarante ans.
Autopsie. Etat trouble de la pie-mère de la convexité.
Adhérence de la corne droite postérieure. Sclérose et atro-
phie de l'hémisphère droit du cervelet. Etat cartilagineux du
corps dentelé du cervelet. Induration des deux olives.
OEdème et hépatisation des poumons.
Johann Luth, évangéliste non marié, auparavant berger, admis
en 1853 pour épilepsie à l'hôpital de Schwetz, transféré plus tard
pour troubles mentaux à l'asile d'aliénés. Observé de 1857 à sa
mort (1800). Pas de renseignements sur les causes et le dévelop-
pement de la maladie. Les accès étaient relativement peu fréquents
(3 à 5 par mois), en deux ans il eut 100 accès dont 91 diurnes.
Rarement plus d'un accès en vingt-quatre heures; en deux ans
et demi, Il fois seulement le maximum des accès a été de 2 par
jour. Le plus long espace entre les accès a été de vingt-sept à
vingt-huit jours. Dans le cours de l'année 1859, 35 accès; 12 diur-
nes, 23 nocturnes. Parfois, vomissements et céphalalgie consé-
cutifs.
Quelques jours avant ou après un accès, il présentait parfois
des phénomènes de locomotion involontaire se répétant d'une façon
déterminée, consistant : 1» soit en une course de côtés et d'autres,
d'une durée quelquefois d'une heure, ou d'une marche d'un pas
rapide dans le corridor; 2° soit en mouvements de manège,
c'est-à-dire locomotion en cercles de gauche à droite; - 3° soit
même en rotation dans l'axe longitudinal (en attitude debout),
également de gauche à droite. Ces mouvements duraient souvent
une heure; si l'on cherchait à les arrêter, J. [luth s'emportait, s'il
élait interrogé, prétendant du'. « on ne devait pas l'arrêter,
qu'il courait pour délivrer le monde ». Ces mouvements circulaires
étaient limités en étendue, environ six pieds de diamètre. La
marche était quelquefois chancelante sans paralysie. La tête et la
nuque étaient quelque peu inclinées en arrière. La parole peu cou-
lante, hésitante et irrégulière nécessitait souvent un certain effort
convulsif ; parfois, au début, on constatait une répétition des mots
avec accompagnement brusque d'un tremblement extraordinaire
de l'intonation. L'articulation se faisait cependant très convena-
hlement, mais avec un traînement très prononcé de quelques
mots ou de quelques syllabes.
Le malade était maladroit, lourd, incapable d'exécuter un tra-
vail soigné. Il eut de nombreuses attaques d'hyperhémie pulmo-
naire aiguë qui mirent souvent sa vie en danger (saignée du bras
ou scarification à la lûle); c'est à une attaque de ce genre que
succomba le malade,
423 PATHOLOGIE NERVEUSE.
M. llescllede s'étend ensuite sur l'élat intcllectuel du malade
tombé presque en démence et sujet à des périodes d'excitation ma-
niaque, accompagnées d'idées religieuses résultant de sa profession.
A Y autopsie, on constata une sclérose ati-ophi(jte de hémisphère
cérébelleux droit, l'adhérence de la corne postérieure du ventricule
latéral droit à l'ergot de Morand et une certaine induration des
deux olives. L'hémisphère cérébelleux gauche et la corne posté-
rieure du ventricule latéral gauche ne présentaient aucune ano-
malie. La sclérose cérébelleuse droite était plus prononcée sur
le corps rhomboïdal réduit à la grosseur d'un noyau de prune et
d'une dureté cartilagineuse.
Nous ne retiendrons de l'examen du cerveau que les faits sui-
vants : la dure-mère au niveau du frontal et des pariétaux était
adhérente; la pie-mère de la convexité avait un aspect laiteux,
était quelque peu épaissie, non adhérente.
Les poumons étaient oedématiés, emphysémateux à leur bord;
le lobe inférieur droit présentait une hépatisation rouge. Le cceur,
en surcharge graisseuse, était légèrement hypertrophié.
Dans le cas de Meschede, les symptômes observés
sont en rapport avec la lésion cérébelleuse rencontrée
à l'autopsie, locomotion involontaire, rotation, dé-
marche chancelante, bégaiement et tremblement de la
parole.
Les phénomènes procursifs diffèrent quelque peu de
ceux que nous avons observés chez nos malades,
toutefois l'absence d'antécédents nous empêche d'é-
tablir une comparaison exacte entre ce cas et les
nôtres.
Parmi les observations anciennes que nous avons
publiées dans notre historique, on trouva à l'autopsie,
dans deux cas, des lésions profondes de la protubé-
rance et, dans un autre cas, une lésion du corps strié;
dans ces trois cas il s'agissait de vastes foyers d'hé-
morrhagie ; la difficulté dans ces circonstances de bien
localiser la lésion, son retentissement sur les organes
environnants ne permettent pas de discuter avec fruit
ces observations.
DE L'l'·PILEPSIE PROCURSV'1 : , 423
Anatomiquement parlant, il semble donc, d'après les
quelques rares autopsies pratiquées jusqu'à ce jour,
que dans l'épilepsie procursive, les accidents procur-
sifs, certains mouvements de manège, de rotation, sont
liés à une lésion cérébelleuse '. Celle-ci peut être tantôt
primitive, tantôt secondaire, ce qui explique l'appari-
tion précoce ou tardive des phénomènes procursifs.
En 1869, MM. Luys et A. Voisin' ont attiré l'at-
tention sur les lésions du cervelet et de ses pédon-
cules chez les épilel)ti(lues; ils attribuaient à ces lésions
un rôle important dans les phénomènes convulsifs,
assertion du reste discutable, car la lésion cérébelleuse
était associée à d'autres lésions encéphaliques; aucun
de leurs malades n'est signalé comme ayant présenté
des accidents procursifs, mais il est noter que tous
étaient atteints d'épilepsie depuis l'enfance, et qu'il
est possible que les accès procursifs disparus depuis
longtemps aient été omis dans les commémoratifs
fournis par les parents, soit qu'ils les aient ou-
bliés, soit que le médecin n'ait pas provoqué d'expli-
cations précises sur les caractères des accès aux
différentes périodes de la maladie.
En ce qui concerne l'anatomie pathologique, les
détails contenus dans les observations anciennes sont
loin d'être suffisants. Il est à désirer que, à l'avenir,
« Les impulsions rectiligurs ou selon l'axe qui peuvent être repro-
duites expérimentalement par la section ou l'irritation de certains points
de l'encéphale sont liées à des lésions du cerveau et l'on constate dans
l'intervalle des accès de locomotion d'autres symptômes en rapport avec
la maladie encéphalique. » (Jaccoud. Leçons de clinique médicale de
Lariboisière, Paris, 1873, p. liO.)
°- Luys et A. Voisin. Contribution à l'anatomie pathologique du cer-
velet, du bulbe et des corps striés dans l'épilepsie. (Archives générales de
médecine, décembre 18G9.)
424 -if PATHOLOGIE NERVEUSE.
dans les cas d'épilepsie procursive, on procède à un
examen minutieux, non seulement du cerveau, mais
encore et surtout du cervelet qui, très souvent, n'est
l'objet que d'un examen sommaire.
VII. Pronostic, diagnostic, etc.
Le pronostic de l'épilepsie procursive proprement
dite est toujours grave. Aux accès procursifs succèdent,
en général, au bout d'un temps plus ou moins long,
des accès à type commun; la marche est alors celle de
l'épilepsie commune. Il semble toutefois que les acci-
dents procursifs ont beaucoup moins d'influence sur
l'état intellectuel de ces malades; tant qu'ils existent
seuls, l'intelligence paraît, en effet, peu atteinte et la
mémoire semble bien conservée.
La marche et la dii2ée sont celles de l'épilepsie ordi-
naire et par conséquent sont très variables.
Le diagnostic nous paraît facile. Les accidents pro-
cursifs, vertiges ou accès, diffèrent de la chorée et des
différentes affections à type saltatoire par la perte de
connaissance, ou une obnubilation profonde des
facultés intellectuelles, par le long intervalle qui
sépare les accidents, par la perte du souvenir de l'ac-
cident, etc. C'est à tort que Rilliet et Barthez ratta-
chent l'épilepsie procursive à la grande chorée : la
substitution des accès d'épilepsie ordinaire aux accès
d'épilepsie procursive, nous le répétons, démontre la
nature comitiale de la maladie'.
'Ces auteurs ont confondu encore sous le nom de grande chorée des
cas évidents d'hystérie tels sont entre autres les cas de Dewat- coit-
DE l'épilepsie procursive. ! 12,')
On observe souvent chez les hystériques, à la fin
des séries d'attaques surtout, des accidents procursifs,
un besoin de courir, mais ces accidents ne consti-
tuent qu'un épisode de l'attaque et ne la composent
pas tout entière, comme dans l'épilepsie procursive.
VIII. Considérations générales sur la physiologie
ET l'ÉTIOLOGIE DES MOUVEMENTS PROCURSIFS.
La plupart des physiologistes s'accordent à faire
jouer au cervelet un rôle dans la locomotion, la seule
des fonctions qu'on lui a attribuée dont nous ayons
à nous occuper à l'occasion de l'épilepsie procursive.
Disons de suite que la propriété de coordonner les
mouvements paraît devoir être exclusivement réservée
à son lobe moyen. Or, nous avons vu que, chez
Duch... (Obs. LIV), le lobe moyen du cervelet était en
partie atrophié.
Parmi les phénomènes les plus constants observés
à la suite des lésions ou des excitations expérimentales
du cervelet, nous citerons les mouvements de rotation
et le tremblement. Chez les pigeons, Alitchell et
Richardson auraient observé, suivant la durée de la
réfrigération par la rhigotène, un mouvement en avant,
puis plus tard un mouvement de recul \
Pour certains auteurs, les phénomènes observés
seraient des phénomènes d'entraînement, des impulsions
cernant cinq enfants de la même famille (épidémie d'hystérie).
(Rilliet et Barthez. Traité pratique et clinique des maladies des enfants ;
2° édition, t. 1(, p. 578, Pans, 1861.)
' D'après Benunis, Nouveaux éléments de l'hilsiologie humaine, Ir, édi-
tion, 1876, p. 1005,
43G 6 pathologie- NERVEUSE.
irrésistibles qu'ils rattachent à des troubles de l'inuer-
vation cérébelleuse. C'est ainsi que M. Luys admet
l'action sthénique du cervelet dans tout effet volon-
taire ou involontaire.
« Les phénomènes étranges d'impulsions irrésistibles que pré-
sentent certains sujets qui sont invinciblement entraînés, soit à
courir en avant (Scélolyrbe festinans), soit à accomplir une série de
mouvements involontaires de la tête, du tronc ou d'un des mem-
bres, etc. (chorées rotatoires, chorées vibratoires) trahissent, écrit-il, 1,
dans l'ordre des faits pathologiques, leur parenté avec ceux que
j'ai signalés à propos des troubles de l'innervation cérébelleuse;
on ne peut s'empêcher de reconnaître, en effet, que les tendances
procursives présentées par certains sujets, les mouvements rota-
toires accomplis par d'autres, ne sont en définitive que la répéti-
tion, chez l'homme, des mouvements d'entraînement latéral, des
mouvements de rotation, des impulsions procursives variées, provo-
quées artificiellement chez les animaux, lorsqu'on vient à inté-
resser un point quelconque de la sphère où se dissémine l'influx
cérébelleux périphérique'. »
M. Nothnagel n'admet, au contraire, aucune liaison
entre les lésions cérébelleuses et l'épilepsie'.
« Les accès épileptiformes, dit-il, réclament encore quelques
mots. Ils ne peuvent revendiquer aucune espèce de signification
diagnostique au profit d'une lésion du cervelet ; cela va de soi, lors-
qu'on envisage leur présence dans diverses affections cérébrales.
Cependant, lorsqu'on veut faire la part de leur fréquence assez
grande dans l'atrophie cérébelleuse, c'est-à-dire dans une lésion
qui ne restreint pas l'espace de la cavité splanchnique, il semble-
rait à priori qu'il y ait lieu, ajuste titre, de se demander si les
accès n'auraient pas quelque rapport direct avec le cervelet. La
réponse négative nous parait incontestable. Ils sont absents dans
touteautre affection de déficit du cervelet; on a parfois dans l'atro-
phie cérébelleuse trouvé la protubérance et le bulbe concurrem-
ment intéressés et, à part cela, nous savons que tels accès peuvent
aussi affecter une fréquence insolite dans les affections du système
nerveux central les plus diverses dénuées d'action sur l'aire des
1 Luys. Recherches sur le système nerveux cérébro-spinal. Paris,
1865, p. 616.
Nothnagel. Traité clinique du diagnostic des maladies de l'encc-
phale baie sur l'étude des localisations. Traduction Kéraval, 188a, p. 56.
de l'épilepsie PROCURSIVE. 427 I
cavités, sans que pour cela on relie « l'épilepsie » alors observée à
la zone locale atteinte. Je ne vois nulle part jusqu'ici les éléments
d'une démonstration relative à l'origine de ces accès épilepti-
formes dans le cervelet lésé; bien au contraire, les attaques pro-
viennent toujours de la protubérance ou de la moelle allongée,
soit que les parties se trouvent directement comprimées par une
lésion restreignant l'espace ambiant, soit qu'il s'agisse d'états
d'hyperémie ou d'anémie de ces organes, soit enfin qu'on ait
affaire à une épilepsie provoquée « secondaire » (dans le sens que
nous avons attaché à ce mot autre part), le cervelet servant de
facteur intermédiaire (épilepsie symptomatique réflexe)'.
Pour M. Hitzig2, « les mouvements irrésistibles sont
tous, dès l'origine, des mouvements volontaires qui
prennent un caractère irrésistible de par le fonction-
nement à faux de diverses parties de l'organe. C'est
ainsi qu'il peut se produire des mouvements en appa-
rence irrésistibles quand l'individu s'illusionne sur sa
situation dans l'espace. »
Les mouvements de rotation ont été également obser-
vés à la suite des lésions des pédoncules cérébelleux.
« M. Bethomme, dans un mémoire sur le tournis, lu à l'Académie
de médecine en 1833, cite l'observation d'une demoiselle qui, à
l'âge de quarante-sept ans, eut, à la suite d'une commotion
morale violente, des crises nerveuses avec besoin de tourner. De
nouvelles émotions ramenèrent de nouvelles crises, qui bientôt
se répétèrent spontanément quatre ou cinq fois dans la journée,
puis jusqu'à vingt fois. Ces crises s'accompagnaient d'un mouve-
ment de rotation de droite à gauche, mais quelquefois aussi de
1 Si on laisse de côté les accès procursifs et que l'on n'envisage que les
accès à type commun qui les accompagnent ou leur succèdent, l'on peut
admettre, en eflet, avec Nothnagel, que ces derniers sont dus à la lésion
secondaire de la protubérance ou de la moelle allongée; c'est ainsi que
chez Duch... l'hémisphère cérébral gauche, le pédoncule cérébral
gauche et la moitié correspondante de la protubérance étaient légère-
ment atrophiés ainsi que la pyramide et l'olive droites. Chez Car...
la moitié gauche de la protubérance était plus petite qu'à droite.
Chez Maisonh..., le pédoncule cérébral droit, la pyramide et l'olive
droite sont atrophiés, ainsi qu'à la moitié gauche de la moelle.
2 IYe congrès des neurologistes et aliénisles de l',Illeniag ? ze du Sud-
Ouest, séance du 16 juillet 1884. (Archives de Neurologie, n° 25, vol. IX,
1885, p. 99.)
428 PATHOLOGIE NERVEUSE.
gauche à droite, qui s'opérait delà manière suivante; la malade
étant assise roulait sur son siège avec une grande rapidité pen-
dant un temps plus ou moins long. Ces mouvements de rotation,
qui, pendant longtemps furent la caractéristique des crises, s'éloi-
gnèrent à mesure que la maladie fit des progrès ; la déglutition
devint difficile, l'intelligence s'altéra de plus en plus, et la malade
mourut huit ans après le début de son affection.
L'autopsie montra, sur les côtés de la gouttière hasitaire, deux
saillies osseuses du volume d'une petite noisette, ayant l'appa-
rence d'exostoses; la gouttière basilaire était évidemment rélrécie;
l'exostose de gauche était un peu plus grosse que celle du côté
droit, et toutes deux étaient rugueuses comme les points osseux
qui servent d'insertion aux muscles. Le cerveau n'avait point
d'autre lésion que l'atrophie des nerfs optiques, une diminution
notable du volume de la protubérance annulaire, mais surtout
une dépression sensible, principalement à gauche, sur chacun
des pédoncules du cervelet, au point correspondant aux exostoses
signalées à la gouttière basilaire'. '.
Les lésions cérébelleuses s'accompagnent de dégé-
nérations secondaires, particulièrement de la protu-
bérance, lésions secondaires auxquelles peut être
attribué le remplacement des mouvements procursifs
par des accès type d'épilepsie. Aussi croyons-nous utile
de dire quelques mots de la physiologie de la protu-
bérance des pédoncules cérébraux et du corps strié.
On sait que la galvanisation de la protubérance
produit des convulsions épileptiformes et que la lésion
d'un pédoncule cérébral produit un mouvement de
manège du côté opposé à la lésion. « Dans ce mouve-
ment de manège, l'animal décrit un cercle de rayon
variable, et le cercle parcouru serait d'autant plus
petit que la lésion se rapproche davantage du bord
antérieur de la protubérance et qu'elle atteint un plus
grand nombre de Cibres » » (l3eaunis). Dans trois cas de
1 Mesnet. Des mouvements circulaires (Archives générales, mai 1882).
°- l3eaunis. Nouveaux éléments de physiologie humaine. le édition,
p. 999. Paris, 1876,
de L3RPILEPSIE PROCURSIVE. 3
lésion de la partie supérieure et externe du pédoncule
cérébral, le même auteur a constaté des mouvements
de rotation sur l'axe.
Magendie admettait dans les corps striés un centre
dont l'excitation déterminait chez les animaux un
mouvement de recul ; après leur ablation, il y aurait
une impulsion irrésistible poussant le corps en avant,
impulsion qui serait due à l'action du cervelet que ne
contrebalance plus l'action de recul du corps strié.
Richardson et Mitchel ont vu des mouvements en
avant très marqués par le refroidissement des corps
striés (Beaunis).
Nous savons, d'un autre côté, qu'on a observé chez
le chien, après l'ablation complète du noyau caudé, un
mouvement de manège fort particulier (Carville et
Duret) et que Nothnagel a admis dans le corps strié
chez le lapin un nodus cursorius dont l'excitation pro-
duisait un mouvement de course irrésistible.
D'autres auteurs, entre autres M. Steiner, attribuent
les mouvements irrésistibles à un défaut d'asymétrie
de l'innervation 1.
Les lésions cérébelleuses peuvent être latentes,
mais elles s'accompagnent souvent de phénomènes
variables, inconstants, parfois transitoires, sans qu'il
soit le plus fréquemment possible d'établir un dia-
gnostic précis ou d'en déterminer exactement la loca-
lisatioll, par suite des rapports intimes du cervelet
avec les organes du voisinage et à cause des actions
à distance possibles sur les autres parties de l'encé-
phale. Aussi la symptomatologie des lésions céré-
1 Archives de Neurologie, 1885, t. IX, p. 99.
430 pathologie nerveuse. DE l'épilepsie PROCURSIVE.
belleuses et la physiologie pathologique du cervelet
sont-elles encore entourées d'une très grande obscu-
rité. Nous ne croyons pas que nos observations soient
à l'abri de toute critique sous ces divers rapports, car
les lésions rencontrées à l'autopsie n'étaient pas stric-
tement localisées à une partie du cervelet, et elles
sont, par suite, susceptibles d'interprétations variées;
toutefois, nous avons été frappés, surtout dans l'ob-
servation de Duch..., de la coïncidence de la lésion
cérébelleuse paraissant primitive, avec les phénomènes
procursifs observés à une certaine période de l'affec-
tion de ce malade , de l'étendue de cette lésion
cérébelleuse et de sa plus grande ancienneté par
rapport aux autres lésions rencontrées à l'autopsie.
L'interprétation des phénomènes observés pendant
la vie et leur relation avec la physiologie du cervelet
encore si indéterminée nous semble d'autant plus
difficile que les altérations du cervelet peuvent facile-
ment retentir sur les organes du voisinage (bulbe,
moelle, protubérance, etc.) avec lesquels cet organe
a des connexions si intimes. Des observations ulté-
rieures peuvent seules confirmer ou infirmer l'hypo-
thèse de la relation possible entre l'épilepsie procur-
sive et une lésion cérébelleuse.
Etiologie. Nous ne connaissons rien de l'étiologie
de l'épilepsie procursive. D'après nos observations,
nous pouvons seulement dire que la lésion encépha-
lique semble débuter dès l'enfance.
IX. Traitement.
Les traitements les plus divers employés contre les
IDIOTIE AVEC CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 431
accès procursifs sont jusqu'ici restés inefficaces, seuls
les accès consécutifs d'épilepsie classique paraissent
justiciables d'un traitement amenant parfois une amé-
lioration passagère dans l'état du malade.
RECUEIL DE FAITS
NOTES SOMMAIRES SUR DEUX CAS D'IDIOTIE AVEC CACHEXIE
. PACHYDERMIQUE (IDIOTIE Cfil;'f1V01DE)
Par BOURNEVILLE.
Les cas d'idiotie avec cachexie pachydermique sont beau-
coup plus communs qu'on ne pourrait le croire, si l'on en
jugeait d'après le petit nombre des malades de cette catégorie
qui sont admis dans les asiles. Cette rareté s'explique d'ailleurs
par la difficulté qu'opposent les administrations à la réception
des malheureux enfants atteints d'imbécillité et d'idiotie. Il y a
quelques mois, notre ami, M. le D'' P. Marie, nous a donné la .
photographie, prise parle garçon de laboratoire de la clinique
de la Salpêtrière, d'une jeune fille de Bonneval (Eure-et-Loir)
atteinte d'idiotie crétinoïde 1. Un autre de nos amis, M. le
D'Guillaumin, médecin à Nogent-le-Roi, dans le môme dépar-
lement, nous a fait voir à la fin de septembre deux autres cas
tout à fait caractéristiques. Ce sont ces cas que nous allons
rapporter, bien qu'il ne nous ait été possible de prendre que
des notes sommaires.
OBSERVATION I. Vas... (Georges), cinq ans, habitant la com-
mune de Piuthiires. Père, grand, fort, physionomie régulière,
intelligenl. Mère, assez grande, bien portante. Deux frères en
bonne santé. Aucun des membres de la famille ne présente un
aspect rappelant celui de l'enfant. Un cousin germain est faible
' Nous espérons pouvoir publier plus tard l'observation de cette malade. »
4M RECUEIL DE FAITS.
d'esprit et fait des fugues fréquentes (épilepsie larvée ? ). Pas de
consanguinité.
Vas... a 70 centimètres de hauteur; il marche seul, lourdement,
lentement. Sa physionomie est tout à fait caractéristique; sa tête
ressemble à celle du Pacha et de Graf..., dont nous avons publié
1'liistoire (voir A ? ,ch. tle Netti-olog., 1886, torii. XII, p. 111.2, 145 et
292, et Compte Rendu 'de l31cctre, pour 1886). Les cheveux, peu
abondants sur la moitié postérieure du crâne, sont rares en avant
et ont une coloration rousse. Le cuir chevelu est le siège de crasses
et d'une éruption eczémateuse qui se reproduisent sans cesse. La/'on-
tcsnelle antérieure persiste et est encore large. Les sourcils sont peu
fournis, les cils assez abondants; le nez est camus; les lèvres sont
très épaisses ainsi que la langue qui sort souvent de la bouche.
La dentition est en retard; les canines viennent seulement de
percer. Les joues sont épaissies.
Le cou est court et ni M. le Dr Guillaumin, ni nous-même, n'a-
vons pu sentir la glande thyroïde. Il existe des paquets jiseudo-
lipomateux dans les creux sus-claviculaires et dans les aisselles.
Les membres supérieurs et inférieurs sont courts et gros. Les
mains sont épaisse-, pseudo-oedémateuses, ainsi que les pieds, mais
ceux-ci à un moindre degré. Le ventre est large, volumineux. Il
n'y a pas de hernie inguinale, mais nous avons trouvé une petite
hernie ombilicale. Les testicules ont la dimension d'un oeuf de
passereau.
La parole est limitée à quelques mots simples. La voix est éraillée,
rauque, stridente. Le regard est hébété. V... ne s'aide en rien; il
tient un peu les objets avec les mains. Il est gâteux, fiileux,
résiste au mouvement et aime beaucoup le lit. La peau est pâle,
cireuse.
Observation II. Pih... (Pauline), vingt-sept ans, réside dans
la commune de Croisilles. Ses parents sont bien portants; pas de
goitreux, pas de consanguinité ; inégalité d'âge de deux ans. Elle
est la cinquième et dernière enfant ; les autres sont en bonne
santé. Elle n'a pas eu de convulsions et on ne sait à quoi attribuer
la maladie. Sa taille n'est que de 89 centimètres.
Cheveux longs, d'un brun roux, peu abondants en arrière et
sur le bas des tempes, très rares sur les régions pariétales et tem-
porales supérieures. Crasses presque généralisées du cuir chevelu
se reformant très rapidement. Tête grosse, surtout en arrière ;
pariétaux très fuyants; fontanelle antérieure non oblitérée : on sent
une rainure large de cinq à six millimètres et longue de plusieurs
centimètres. Front bas, ridé, peau de la face jaune, cireuse;
paupières supérieure et inférieure pâles, bleuâtres, bouffies,
comme oedémateuses. Sourcils assez maigres, cils peu fournis.
En raison de la bouffissure des paupières, les yeux sont enfoncés
IDIOTIE AVEC C : 1CHL.lIE PACHYDERMIQUE. 433
et paraissent petits. Le regard est sans expression. I\le : : camus très
prononcé, épaté; lèvres très épaisses, entr'ouvertes; bouche large;
double rangée de dents comme chez Je Pacha (1° dentition et
2e incomplète). Langue très épaisse. Bajoues volumineuses et
trerabiottautes. Prognathisme très accusé qui, avec les autres carac-
tères du vidage et du crâne, lui donnent un aspect simien tout à
fait hideux.
Le coM est court et ni M. Guillaumin, ni nous, n'avons pu perce-
voir la cme</f;/)'0 ! e..1J(Msespseudo-)ipomateuses sus-claviculaires
très nettes; celles des aisselles sont moins prononcées. - Thorax
déformé par une déviation du rachis (rachitisme); seins flasques,
de la grosseur d'une moitié de mandarine ; mamelons déprimés.
Ventre large et très gros. Hernie ombilicale. Fesses assez
grosses, baiottantes. Grandes lèvres assez développées avec un
bouquet de poils assez longs mais rares; rien au pénil. Pih... n'a
jamais été réglée; elle aurait rendu une fois du sang par la
boucüe. Les membres supérieurs et intérieurs sont gros, courts;
les mains et les pieds offrent les caractères classiques. La parole
est limitée à quelques mots. La voix est stridente, rauque, érail-
lée. Pdi... reconnaît ses parents, ses voisines, sait expliquer, sur-
tout par signes, ce qu'elle veut; elle mange seule, ne gâte pas, est
sujette à la constipation. Sa démarche est très lourde, très lente,
dandinante. Pih... est très sensible au froid. Sa peau est jaunâtre,
cireuse ; eczéma des lombes, du dos et un peu des bras.
Ces deux malades présentent dans l'ensemble et dans les
détails tous les caractères de nos anciens malades, atteints
d'idiotie avec cachexie pachy dermique. Aussi nous contenterons-
nous de quelques remarques. Tous deux ont le nez camus
(c'est la règle), bien que leurs parents aient des nez aquilins.
De même que nos autres malades, ils ont : 1° des cheveux
bruns-z·oux ou blonds-roux, gros, rudes et rares, principale-
ment sur la région moyenne de la moitié antérieure de la tête ;
2° le cuir chevelu est le siège d'une éruption eczémateuse ;
- 3° la fontanelle antérieure est persistante ' ; 4" la denti-
tion défectueuse et en retard; - 5° la peau cireuse, un peu
jaunâtre, luisante, eczémateuse; 6° la partie inférieure des
joues épaissie, comme tremblottante; 7° les creux sus-clavi-
culaires et les aisselles sont gonflés par des masses pseudo-lipo-
Chez Then..., dit le Pacha, mort à 21 ans, la fontanelle persistait. Il
en est de même chez Gra..., âgé de 30 ans, qui est encore dans noire
service. (le en était encore ainsi chez un autre enfant dont nous publierons
soi-vice. Il eti ,tlit ellc(,rc Iilisi cliez iiii ilitre enfant (tout iiotis ptil)lierons
prochainement l'observation dans le Progrès médical. Même chose chez
un malade de Cuiling, de M. Bonchand, etc., etc.
Archives, t. XVI. 28
434 REVUE DE PATHOLOGE NERVEUSE.
mateuses; 8° les mains et les pieds sont épais, boursouflés,
comme oedémateux, bien que nulle part, la pression du doigt
ne laisse d'empreinte ; 91 la voix est rauque, stridente, érail-
lée : c'est le caractère qu'elle avait chez tous les idiots créli-
noïdes que nous avons observés, caractère que nous n'avons
pas suffisamment mis en relief; 10° nous avons vu que le
Pacha et Gra... avaient des hernies inguinales, nos deux nou-
veaux malades ont des hernies ombilicales ; cette fréquence des
hernies inguinales et surtout ombilicales mérite d'être relevée;
11° notons enfin l'absezce p·oGczGle de la glande thyroïde qui,
ainsi que nous l'avons démontré dans notre travail avec
M. Bricon, parait être la caractéristique anatomo-pathologique
de l'idiotie crelinoïde '.
IlEiVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
XVII. Des convulsions provoquées far l'excitation électrique DE
l'écorce du cerveau ; par Th. Zieiien. (.17-eh. f. Psych., XVII, 1.)
C'est à l'écorce qu'il faut rattacher l'élément clonique de la
convulsion épileptique artificielle. C'est dans les centres moteurs
non corticaux, inférieurs, qu'il faut en localiser l'élément tonique.
Quand, en effet, on limite l'action électrique à l'écorce ou quand
on l'excite faiblement, on n'obtient que des attaques cloniques ;
un fort courant provoque, en sollicitant non seulement l'écorce
mais les centres moteurs inférieurs, clonisme et tonisme. Un
courant très fort tétanise le sujet parce qu'il se produit une solli-
citation corticale (clonisme) puis une sollicitation des centres
inférieurs (tonisme), finalement une exagération de l'état tonique,
de par la surexcitation des centres inférieurs, qui masque le clo-
nisme, l'emporte en un mot sur la sollicitation corticale (léta-
nisme). Tout commence donc par l'écorce et se termine par les
éléments non corticaux. L'apparence clinique d'après laquelle
l'état tonique paraît résulter de la confusion des contractions
cloniques n'est qu'une erreur. La convulsion clonique n'est pas
davantage le fait d'une action d'arrêt exercée par l'écorce sur les
1 Nous avons constaté cette absence de la glande thyroïde u l'autopsie
d'un nouveau malade, nommé Bourg...
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 435
centres inférieurs, car les convulsions cloniques d'un groupe
musculaire, produites par des courants affaiblis, se calment tota-
lement quand on a extirpé l'écorce correspondante. Quant à
l'ordre sériaire des divers éléments convulsifs chez le chien, il est
variable, à raison probablement et de la variabilité des points
. d'application, et du volume, etdu degré d'excitabilité des régionsde
l'animal. En ce qui concerne la transmission des convulsions à la
moitié du corps du côté opposé, on note de grandes différences ;
souvent la succession des éléments convulsifs d'une attaque est
telle que, comparée à l'attaque de la moitié du corps du côté
opposé, elle est incompatible avec l'idée de l'origine corticale,
mais la transmission et la succession des éléments de l'attaque
ne contredisent nullement à l'idée que l'hémisphère cérébral non
excité, a, par propagation de la sollicitation, engendré l'élément
clonique. Les excitations électriques de la substance blanche con-
firment cet exposé, car une région corticale envisagée une fois
enlevée, on produit, en excitant la substance blanche sous-jacente,
des contractions toniques dues à la sollicitation des centres mo-
teurs inférieurs correspondant à la même région, et, par l'inter-
médiaire des fibres d'association, des contractions cloniques
d'origine corticale sur d'autres muscles. Tel est le résultat d'expé-
riences dont le protocole n'est pas consigné dans le mémoire.
. P. Keraval
XVHL Un C9 d'hystérie bien NET chez un garçon de onze ans, par le
Dr S.wcie. (The Journal of Mental Science. Juillet 188.)
Voici le résumé de cette observation : Garçon de onze ans§
antérieurement bien portant et intelligent ; pas d'antécédents
héréditaires ; il assista le 4 janvier à l'enterrement de sa petite
soeur; le 5, il est triste, ne joue pas; toutes ses habitudes sont
changées. Il prétend ne pouvoir aller à la garde-robe ; mais on
s'aperçoit qu'il a jeté ses matières fécales par la fenêtre. Il refuse
de prendre part au repas de famille, mais dérobe des aliments
pour les manger en cachette. Même état durant les mois de février
et de mars; il se cache la figure et pousse des cris. Pas d'alté-
ration de la santé physique.
Admis à l'Asile à la fin d'avril, il se plaint de maux de tête,
localisés au niveau du vertex. Il déclare toujours ne pas aller à la
selle, mais continue à jeter ses matières fécales, ou à les cacher.
Il ne parait pas avoir d'habitudes vicieuses.
M. Savage considère ce petit malade comme hystérique ; le
traitement a consisté à ne pas faire attention à l'enfant, à lui
administrer des douches en pluie, à lui faire faire chaque jour de
la gymnastique et de la natation. Le malade est en bonne voie
de guérison. R. 1)1. C.
436 REVUE DE Z NERVEUSE.
XIX. Recherches sur LE vertige par E. IW r. (Arch. f.
Psyclc., \VIII, 3.)
D'après les nouvelles recherches de l'auteur, il y en auraitquatre
degrés caractérisés par de l'hébétude, des mouvements de la tête,
des mouvements des yeux, la mobilité apparente des objets. Ainsi
quand on ferme le circuit, la tête se penche ou s'élève du côté
où se trouve l'anode, ou bien elle oscille à la manière d'un pen-
dule du côté de l'anode à celui de la cathode, irrégulièrement,
plusieurs fois de suite. Quand on ouvre le circuit c'est vers le lieu
de la cathode que s'effectue le mouvement, cette fois plus fort
qu'au moment de la fermeture. Il n'est pas rare d'observer la
combinaison des deux sens transverse et anLéro-posLérieur. Dans
les mêmes conditions il se produit des mouvements des yeux qui
transverses, qui horizontaux, qui associés; quand le regard est
dirigé à l'infini, le nystagmus est purement rotatoire, il devient
horizontal si l'on fait regarder de près. Le nystagmus rotatoii-e se
traduit au moment de la fermeture du circuitpar un mouvement
qui porte brusquement l'extrémité supérieure du méridien verti-
cal vers le côté de la cathode et une réaction uniforme du côté de
l'anode; le nystagmus horizontal commence, à la fermeture, par
un mouvement de convergence très énergique qui se porte uni-
formément vers l'anode et réagit vers la cathode, mais sans que
le rhythme cesse d'être lent. La mobilité apparente des objets a
lieu, quand le malade regarde à l'infini, dans le sens d'une roue
à rotation perpendiculaire dont le circuit monte vers l'anode et
descend du côté de la cathode; quand le malade regarde de près
la roue tourne horizontalement, 'foules ces manifestations se rat-
tachent au cervelet, car un chien auquel Gol(z a depuis plusieurs
années extirpé des portions de cet organe ne présentait pi us que des
manifestations affaiblies du vertige galvanique; l'autopsie démon-
tra que la destruction du vermis était aussi complète que pos-
sible sauf la lingula (extrémité antérieure) de celle région; les
hémisphères cérébelleux étaient demeurés intacts.
P. Keraval.
XX. Nouvelle méthode DE déterminer ET d'éprouver judicieuse-
ment LE SENS DE LA 'PE11L'1 : I1.1TUftE; par A. GOLDSCIIEIDEII. (A ? ,chiv. f.
Psych., XVIII, 3.)
Normalement la sensibilité thermesthésique se répartit sans
Uniformité à la surface du corps suivant l'expansion des nerfs sen-
silifs et s'y montre surtout accentuée là où il y a abondance de
filels nerveux ; de plus, il y a des régions du corps plus sensibles
ou exclusivement sensibles à la chaleur ou au froid, enfin chaque
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 437
endroit possède son maximum de sensibilité infranchissable
(sensibilité absolue). C'est cette topographie physiologique dont il
faut connaître exactement l'allure normale. Avant tout sur soi-
même. AinsiafaitM.Goldscheider à l'aide d'un cylindre métallique
terminé par une plateforme de un centimètre de diamètre, ramené
à une température de 150 centig. ou au contraire échauffé jusqu'à
45°, 49° centig. Désignant provisoirement les sensalious obtenues
sous les épithètes : sensible faible fraîche un peu froide
froide très froide, etc., et les rapprochant des chiffres ther-
miques, l'auteur a obtenu une gamme qu'il a mise ensuite à
l'épreuve sur les différentes régions du corps de beaucoup d'au-
tres personnes. Il a ainsi construit des fables de répartition de la
sensibilité thermesthésique se composant de douze échelons en ce
qui a trait au froid, huit échelons en ce qui regarde la chaleur, et
pu établir la carte du corps humain par régions à l'aide de
hachures conventionnelles et de chiffres correspondants (six
planches) ; de sorte que la topographie physiologique et physique
(intensités des échelons) se trouve ainsi comparativement fixée.
Des tableaux complémentaires dans le texte précisent les lieux et
les territoires nerveux. Sept observations cliniques sont données
comme exemples d'application de ce nouveau système. P. K.
XXI. Contribution A la genèse DU tremblement qui survient A
l'occasion DES mouvements volontaires; par B. H. Stephan.
(A)'c/t. f. Psych., XVIII, 3, XIX, 1.)
Analyse critique à propos de quelques nouvelles observations
de sclérose en plaques. Dans une première partie, l'auteur établit
que, selon toutes probabilités, la localisation cérébrale du foyer
scléreux joue le rôle nécessaire à la production du tremblement,
car, dans les cas de lésions en foyer exclusivement limitées à la
protubérance et au bulbe, il ne se produit pas de tremblement
intentionnel. Mais c'est dans l'épilepsie corlicale, dans les cas de
contractures secondaires avec épilepsie spinale, dans les acci-
dents de la molilité prco ou post-hémiplégiques qu'on l'a observé.
Les travaux d'IIublin : s Jackson, 1'ilrclc, Bouchard, Charcot,
Flechsig ont tranché les deux premières questions. Les troubles
moteurs posl-béiiiiplégiques se jugent généralement par une alté-
ration qui englobe : couche optique, pied de la couronne rayon-
nante, partie limitrophe de la capsule interne, qui, quelquefois
ne dépasse pas la couche optique, qui même peut se limiter au
segment postérieur de la capsule interne, qui, quelquefois ne
dépasse pas la couche optique, qui même peut se limiter au seg-
ment postérieur de la capsule interne (entre la couche optique et
le noyau lenticulaire) ; somme toute, ces endroits seraient positifs
en ce qui regarde l'apparition de la chorée, de l'athétose, de
438. REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'ataxie, de la paralysie agitante, du tremblement intentionnel
post-hémiplégiques. Enfin (3e partie) y a t-il réellement des mo-
tifs de rattacher le tremblement intentionnel à l'existence de
foyers scléreux dans ces diverses zones. Une 2° observation person-
nelle : étude critique des cas et des opinions des auteurs.
M. Stephan penche pour la couche optique. P. K.
XXII. Contribution A l'étude clinique de la névrite alcoolique
D1ULTILOCULAIBI : ; par A. WITIIOWSKI. (,12,ch. f. Psych., XVIII, 3.)
Deux observations importantes à cause de l'intensité et de la
localisation des lésions. Et à propos de ces observations, idées
originales. D'après l'auteur, la névrite alcoolique débute par les
muscles, c'est-à-dire par les organes terminaux de l'appareil ner-
veux, ce qui expliquerait le tremblement, les accidents du côté de
la sensibilité générale et musculaire, la fatigue, l'impotence fonc-
tionnelle, la paresse ; puis se produisent des atrophies musculaires
avec diminution quantitative de l'excitabilité électrique. Les
choses peuvent demeurer ainsi de longues années en station, la
sensibilité cutanée et les réflexes persistant intacts. Les membres
inférieurs sont principalement pris. L'atrophie musculaire pro-
gressant, apparaissent les troubles sensibles et l'ataxie du muscle,
le signe de Romberg. Enfin, tout à fait à la fin, les troncs nerveux
sont atteints à leur tour : douleurs spontanées, réaction dégénéra-
tive, troubles de la sensibilité cutanée, diminution et abolition
des réflexes tendineux. P. K.
XXIII. Un cas DE paralysie progressive chronique DES muscles DES
veux (ophthalmoplégie externe); description DE groupe* de CI : L-
LULES NERVEUSES SUR LE TERRITOIRE DU NOYAU DU NERF OCULOMO-
TUEUR commun; parC. 'VESTPII-1L. (r19'C%L. f. Psych., XVIII, 3.)
Un héréditaire de quarante-quatre ans présente successivement
en 1881, du délire des persécutions hypochondriaques, une attaque
apoplectiforme avec hémiplégie droite, de l'incohérence et du
désordre dans les idées. Un an après, les deux globes oculaires
déviés en dehors. demeurent complètement immobiles ; un peu de
mydriase gauche, mais fixité des deux pupilles ; conservation de
l'acuité visuelle et de la vision pélipliérique. A partir de février
1882; atrophie papillaire marchant de dehors en dedans, trem-
blements convulsifs périhuccaux, atrophie de la moitié gauche de
la langue, parole embarrassée, indistincte, vague (oubli de cer-
taines syllabes), parésie du voile du palais, légers troubles mo-
teurs dans les jambes qui oscillent pour un rien; absence à droite
du réflexe tendineux patellaire, miction involontaire goutte à
goutte. Finalement, démence progressive rapide. Autopsie :
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 439
octobre 1887. OEdème pie-mérien, coagulum récent dans la pie-
mère à la base du bulbe et de la protubérance. Dégénérescence
grise et atrophie 111·LologiIue de toute la région des oculo-moteurs
communs (troncs, fibres radiculaires, cellules des noyaux réels) ;
à côté de cela, on trouve à cheval au-dessus de ces noyaux ordi-
naires, deux nouveaux groupes de cellules encore inconnus dont
les cellules sont plus petites que ne le sont celles de ces derniers.
Atrophie des racines et des noyaux des oculo-moteurs externes.
Région d'origine dos pathétiques : intégrité de leurs grandes cel-
lules mais atrophie presque complète de groupes cellulaires
(petites cellules) encore inconnus qui siègent au niveau de l'entre-
croisement des pathétiques, là où le locus cmruleus n'est pas
encore distinct, des deux côtés, au-dessus du faisceau longitudinal
postérieur ; atrophie presque complète des segments intramédul-
laires de ces nerfs et de quelques-uns de leurs rameaux musculai-
res. Hypoglosse gauche atrophié ainsi que son noyau. Nerfs
optiques; légère altération interstitielle d'une partie du bout péri-
phérique jusqu'au milieu de l'orbite seulement. Dégénérescence
et sclérose grise des cordons postérieurs depuis la région cervicale
jusqu'en bas. P. K.
XXIV. Contribution C\SUtSHQUE aux localisations Cérébrales
par Siemerling. (.4och. f. Psych., XVIII, 3.)
Observation. Femme de soixante-quatre ans. Ictus apoplec-
tique ; hémiparésie droite ; aphasie ; attaques épileptiformes avec
convulsions cloniques de la moitié droite du corps, de la char-
pente musculaire de l'abdomen et du membre supérieur du même
côté. Autopsie. Foyer de ramollissement dans le lobe occipital
gauche. Foyers de ramollissement microscopiques de divers
volumes dans l'écorce et la substance blanche de l'hémisphère
cérébral gauche. P. li.
XXV. Localisations CLItÉBli.ILCS.-i10\OPLÉGIR brachiale consécutive
A une lésion corticale; par W. Julius Mickle (The Journal of
Mental Science. Avril 1885.)
L'autopsie révéla chez le malade dont il s'agit un foyer de ra-
mollissement rouge aigu, nettement circonscrit, et limité à l'é-
corce grise de la partie supérieure de la circonvolution centrale
antérieure gauche et à celle de la partie postérieure du sillon
frontal supérieur et des bords avoisinants de la première et de
la seconde circonvolution frontales. Cette lésion, tout en irritant
la couche corticale qu'on en suspendant le fonctionnement, avait
donné lieu à une monoplégie brachiale droite absolument com-
plète, puis, ultérieurement, à une parésie légère du membre
4'0 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. '
inférieur droit, à quelques tiraillements survenant de temps en
temps dans les doigts du côté droit, ct à des convulsions unilaté-
rales à droite, sans abolition de la sensibilité dans les régions
affectées.
L'auteur rappelle que d'autres faits pathologiques ont déjà mis
en lumière les rapports physiologiques qui unissent la eircouvo-
lution centrale antéroeuregauciie avec le membre supérieur droit;
' le cas acluel viendrait en outre à l'appui de l'opinion suivant la-
quelle ce rapport physiologique existerait avec le tiers supérieur
plutôt qu'avec le tiers moyen de cette circonvolution. La première
et la seconde frontales, qui étaient ici atteintes, sont également
signalées comme ayant quelque influence sur les fonctions du
membre supérieur. Quant au membre inférieure droit, le siège
même delà lésion faisait prévoir qu'il ne serait que légèrement
affecté. R. )I. C.
XXVI. Des affections du système nerveux A LA suite de maladies
infectieuses aiguës; par M. LUNZ. (A7'CIt. f. Psych., XVIII, 3.)
Après avoir donné une observation personnelle d'ataxie suite
de diphlhérie, qui ne céda qu'à la galvanisation de la moelle,
l'auteur étudie principalement les troubles nerveux consécutifs à
la fièvre typhoïde. Nous relevons : trois observations à l'appui de
la théorie anémique et consomplive des paralysies posltypliiques
(anémie et épuisement des centres nerveux) dont une relative à
une aphasie sans paralysie (sorte de faux pas du coeur). Deux
observations propres à appuyer la théorie fonctionnelle, mais loca-
lisée, des ataxies et névroses convulsives après la fièvre typhoïde.
Puis M. Lunz examine ensuite les troubles nerveux par inllam-
malion infectieuse (quatre observations) et par altérations vascu-
laires du système nerveux contial (hémorrhagies, thromboses em-
bolies). " P. l.
RaVII. LIN C.1S DE SCL1;RGSI : \fULTILOCUL llltE du systèmenerveux central
par K. IlEss. (Arclt, f. Psych., XIX, 1.)
Courte période prodomique : une attaque apoplectiforme suivie
d'hémiplégie gauche avec troubles de la sensibilité par tout le
corps. Deux semaines plus tard, brusque diminution de l'acuité
auditive. Puis, pendant plusieurs années, il ne resle plus qu'une
monoplégie de la jambe. Finalement, parésie spasmodique des
deux jambes, amblyopie, ralentissement de la parole, troubles de
la digestion, de la vessie, accidents gangreneux du décubitus,
mort. Durée : huit ans.A : <<oSte.'Sclérose en plaques spinu-
bulbo-protubérautielle, à forme diffuse dans le bulbe et la protu-
bérance. Particularités : intégrité des cylindraxes au milieu des
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ï ! i l
foyers scléreux (aussi pas de dégénérescence secondaire) ;
conservation de la myéline; les altérations vasculaires, sur-
tout marquées dans les foyers, portent sur les gros vaisseaux
(hyperplasie, sclérose) ; infiltrations de toutes petites cellules
au sein des foyers protubérantiels et bulbaires. Pathogénie : la
sclérose diffuse est due à l'altération vasculaire préexistante qui
laisse passer des leucocytes; de là, prolifération iiévro-lique,
intégrité des gaines myéliniques; la sclérose en plaques se
rattache à une altération vasculaire beaucoup plus marquée,
aussi y a-t-il atrophie myélinique et disparition des cylindraxes.
P.K.
XXVIII. Le PARAMYOCLONUS multiple ; par BECHTEREW.
(A2-eh. f. Psych., XIX, 1.)
Observation personnelle caractérisée par des contractions spas-
modiques et symétriques des muscles intacts dans leur vigueur,
leur coordination, leur nutrition; intégrité de l'excitabilité galva-
nique et faradique ; notable exagération des réflexes tendineux.
Les contractions sont et toniques et cloniques. Elles ont lieu tantôt
sans discontinuer, tantôt en laissant entre elles des intervalles de
quelques minutes. La crise s'annonce par une légère douleur
spéciale, des tremblements de la peau, elle arrive ensuite d'em-
blée, généralement à l'état eloiiiqllesur les extrémités supérieures
et inférieures et à la face, si parfois elle devient tonique c'est d'un
seul côté et pour quelques minutes. Provoquée par l'inquiétude
morale, le décubitus, l'excitation mécanique des tendons et de la
peau, elle se calme par l'exercice et l'activité; de fortes excita-
tions en pleine crise interrompent les contractions qui, inverse-
ment, se peuvent montrer au milieu du sommeil nocturne.
L'auteur insiste sur le diagnostic différentiel entre le paramyo-
clonus multiple et le tic convulsif et sur l'éliologie de l'anémie ou
toute autre influence affaiblissante dans la maladie qui nous
occupe. P. Kerwal
XXIX. Du Myoclonus ET DE la \IYOCCOwE; par Th. Ziehen.
(-1·c7a. f. Psych., XIX, 2.)
Les maladies convulsives des muscles semblables au paramyoclo-
nus multiple deFriedreich(convutsionscIoniquesde muscles symé-
triques des extrémités, ne cessant que pendant le sommeil et les
mouvements volontaires, avec faible amplitude de l'excursion des
convulsions) mériteraient nom de.IYOCLO-.\I[-S : on appellerait par
exemple : le hpe même de Friedreicli), parumyoclonie bwochiu-
crurale ; la chorée électrique, myoclonie diffuse; les tics convulsifs,
myoclonie faciale. 11 s'agit là de myoclonie essentielles. (V. 2 obser-
442 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
vation.) Quant aux myoclonies symptomatiques, attribuez leur le
terme de Myoclonus. Voici une curieuse observation relative à
un épileptique de dix-huit ans présentant toule espèce d'ano-
nialies dans les mouvements musculaires, un vrai musée de mo-
utilité pathologique : tout cela (voir le texte) c'est du myoclonus
cortical ou non. P. Ii.
XXX. Contribution A l'étude DE la tuberculose dans LE système
nerveux central ; par A. Hoche. (rh·c7t. f. Psyciv., XIX, 1.)
Deux observations de méningite tuberculeuse cérébro-spinale
avec destruction de la substance blanche de la moelle (phéno-
mènes paralytiques). Observation I. Lepto-méningite et myélite
aiguë, avec nombreuses plaques circulaires de nature inconnue,
occupant les racines postérieures de la moelle lombaire et ayant
détruit une quinzaine de fibres nerveuses ; elles sont finement
grenues et possèdent chacune plusieurs noyaux irrégulièrement
répartis. Observation IL Nombreux foyers constitués chacun
par une soixantaine de cylindraxes tuméfiés ; dégénérescence
secondaire des cordons de Go ! t et des faisceaux latéro-pyrami-
daux de la moelle lombaire par névrite des racines postétiettt·es.
Diagnostic : Myélite pure, dès l'origine interstitielle, mais par
trouble circulatoire préexistant. P, I\.
XXXI- DE la poliomyélite antérieure chronique; par Il. Oppexueim,
(lrclt. f. Psych., XIX, 2.)
Une femme de cinquante-deux ans, toujours bien portante, pré-
sente au mois d'août 1883, un affaiblissement du bras droit, qui,
en quelques mois, s'élend à toutes les extrémités; en octobre
1884, l'aspect est celui de la paralysie générale, si ce n'est les phé-
nomènes nerveux et psychiques accoutumés ; en février 188H, en
sus, dégénérescence musculaire graduellement progressive. En
somme, le système locomoteur est seul pris et succombe à la dégé-
nérescence y compris le cou, la nuque, la langue, les lèvres, la
respiration. Mort trois ans après le début de la maladie par suub-
cation. Lésion des cornes antérieures absolument pure; atrophie,
disparition presque totale des cellules de la substance fondamen-
tale ; ces altérations, surtout marquées dans le renflement lom-
baire, se prolongent jusqu'à l'entre-croisement des pyramides.
Intégrité des cornes postérieures, des colonnes de Clarhe, de la
substance blanche, des noyaux et des racines des nerfs, dégéné-
rescences musculaires considérables (régression des fibres pro-
tiféfation des noyaux). Faible atrophie des nerfs périphériques;
dégénérescence insignifiante des racines antérieures. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 4li3
XXXII. Contribution A L'I : rUDE DESI',lnILYSIE9DES \IUSCLIsSDF : S yeux se
RATTACHANT A LA B1SE UU CERVEAU ET AUX NOYAUX DES NERFS COR-
nESroD.»rs; par M. BORNHARDT. (Arch. f. Psych., XIX, 2.)
Observaiion I. Paralysie musculaire de l'aeil, unilatérale niais
totale. Diagnostic. Syphilis circonscrite du revêtement de la fosse
moyenne gauche du crâne. Pas d'autopsie. Trois observations
de paralysie nucléaire. V. diagnostic, étude critique. Pas d'autop-
sie. Dans l'un des cas, guérison incomplète, dans les autres, fue-
rison plus ou moins parfaite. P. K.
XXXIII. Contribution LA PATHOLOGIE des paralysies laryngées
d'origine centrale ; par C. Eisenlohr. (Arch. f. Psych., XIX, 2.)
Observation. Aiiestliésie de la branche maxillaire inférieure du
trijumeau, portant, bien qu'incomplète, sur toutes les propriétés
de la sensibilité ; il en est de même du nerf cervical supérieur.
Intéârilé de la muqueuse bucoo-linguale, de la face interne des
joues, du goût à la pointe de la langue et même dans la partie
gauche et postérieure de cet organe; la sensibilité est atteinte
sur le côté gauche du.palais et de la jrorge. Légère parésie de la
moitié gauche du voile palatin, luette déviée à gauche, difficultés
de la déglutition. Paralysie totale de la moitié gauche du larynx,
avec anesthésie et perte de l'excitabilité réflexe. Nystagmus rota-
toire en regardant de côté. Evolution subaiguë, état stationnaire
pendant trois ans ; puis, formation d'abcès pulmonaires et
hronehectasier (vomiques), abcès pleurétiques, mort. Autopsie. Un
foyer de myélite ancienne occupe, sur le côté gauche du bulbe,
de bas en haut, la première racine de la première paire cervicale
jusqu'au noyau de l'oculo-t-noLeur externe. Les organes atteints
sont : le tubercule de Rolando, la substance gélatineuse delà
corne postérieure, les racines de l'accessoiré de \1'illis, - le
noyau postérieur du pneumo-gastrique, le faisceau solitaire,
le noyau antérieur-moteur du nerf vague, le noyau du glosso-
pharyngien, une partie de la racine ascendante du trijumeau,
le noyau des cordons latéraux, dans le domaine de l'acous-
tique, une partie du corps restiforme, du noyau interne de
l'acoustique, quelques-unes des fibres qui joignent le cervelet à
ce nerf. Intégrité du noyau de Iloller, des noyaux de l'hypoglosse,
du facial, du noyau moteur et de la racine descendante du triju-
meau. l'. Ii.
11V. CO\1'lilüUTIOV au recueil DE faits concernant l'atteinte des
NERFS PÉRIPHÉRIQUES DANS LE TABES DORSAL ; par NONNE. (i9'C%t. f.
Psych., XIX, 2.)
Une première observation de névrite avec atrophie musculaire
4'l4 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
inexpliquée, si ce n'est par la syphilis (infection deux ans aupara-
vant), et suivie quatre-ans plus fard de tabès lentmais progressif,
les accidents atrophiques demeurant dès lors stationnaires. En
somme, névrite périphérique unilatérale (répartition de l'atrophie,
examen électrique) et, longtemps après, tabès ! Deux autres
observations de névrites passfts'ë ? '6, isolées, dans le cours même du
tubes; paralysie brusque, sans troubles delà sensibilité, évolution
favorable. Les dégénérescences que les autopsies permettent
souvent de rencontrer dans les branches terminales de nerfs
périphériques quelconques se traduisent pendant la %ic par des
modifications électriques (deux observations nouvelles). Néan-
moins, il faut plus que jamais examiner comparativement les nerfs
périphériques au point de vue clinique et les pièces anatomiques.
Ce qu'on peut affirmer dès maintenant,c'est que les névrites du
tabès ne tiennent pas à la syphilis, car l'existence ou l'absence de
syphilis en pareils cas comporte une proportion égale. P. K.
XXXV. Contributions neuropathologiques; par M. Bernhardt.
(Arch. f. Psych., XIX, 2.)
Ce sont : A. Un cas de paralysie pae compression du radial
droit, chez un adolescent de dix-huit ans. -13. Deux faits de para-
lysie par compression de presque tous les nerfs d'une ou des deux
extrémités (ceinture de gymnastique. bande d'Gsmarch.)
C. une observation de crampe par excès de fatigue et de travail
dans le domaine des nerfs médian et du cubital droit; il s'agit d'un
homme qui, auparavant bien portant, présentait néanmoins le
signe de Westphat ; peut-être était-il déjà en proie à des anoma-
lies fonctionnelles neuropathiques. P. K.
XXXVI. Courte communication sur un cas DE tubercule solitaire DE
la moelle cervicale; par 15. S : 1CI1S. (Neurol. Celttrcclbl, 1887.)
Observation ayant son intérêt en ce que : 1° la tumeur occupait
la substance même de la moelle sans léser les méninges; 21 le
tubercule solitaire ouvrit la marche des accidents, la tuberculose
généralisée suivant bien plus tard; 3° il se produisit une myé-
lite symptomatique d'une violence extrême; 4° les troubles de
la sensibilité prédominèrent. P. K.
XXXVII. Deux exemples DE l'effet produit par l'abolition delà FA-
CUL'l'L supérieure DE contrôle personnel; par le 1)' S,V.1GE. (Tlte
J0211'n(ClGf .lleratal Science. Juillet z.)
Dans le premier cas, c'est chez une malade atteinte de folie
chronique avec accès récurrents que cet effet a été observé :
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 445
celle malade, qui a été antérieurement très agitée, est actuelle-
ment calme dans la journée ; le soir elle se couche tranquillement
dort d'un sommeil paisible durant plusieurs heures; mais à son
réveil elle se met à jurer et à interpeller de la façon la plus gros-
sière tout le personnel de l'asile; elle déclare savoir que sa con-
duite est blâmable, mais ne pouvoir se comporter autrement; au
bout de deux heures environ, elle redevient calme et témoigne
même quelque regret de ce qu'elle a fait.
Dans le second cas, il s'agit d'un homme atteint d'une manie
aiguë et en voie de guérison : soumis par une petite manoeuvre
chirurgicale à quelques inhalations de chloroforme, il se remit,
sous le chloroforme, à délirer de la même manière et dans les
mêmes temps qu'au plus fort de son accès de manie; le délire
di=parul en môme temps que l'action anesthésique. Un peu plus
tard, le malade ayant été agité, on lui administra une faible dose
d'hyoscyamine; l'effet du médicament passé, il fut encore repris
d'un délire et d'une agitation qui persistèrent plus longtemps
qu'après les inhalations de chloroforme. R. M. C.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE
I. 'LE TRAITEMENT DES CAS RÉCENTS D'ALIÉNATION DANS LES
ASILES ET DANS LES MAISONS PARTICULIÈRES ; par FIELDING-
BLANDFORD. 3/e. Press., p. 367, 188î.)
Il y avantage, quand on se trouve en présence de cas aigus,
à les traiter en dehors des asiles, à cause du dommage que ce
séjour cause aux gens par le fait de l'opinion produite dans le
public. Il est donc utile d'établir dès le début si le cas sera
aigu et rapide ou chronique.
La manie transitoire est bien connue. Son principal carac-
tère est la soudaineté de l'attaque. Il peut y avoir ou non des
symptômes prémonitoires. Elle passe fréquemment avec la
même rapidité qu'elle est survenue, mais non toujours, et
peut passer à l'état chronique. Si la .cause est récente, bien
définie, on peut espérer que l'accès finira vite. Si on ne peut
supprimer la cause, la réclusion et l'éloignement donneront à
4M revue DE thérapeutique.
l'esprit le temps de recouvrer son calme. Elle peut survenir
par le fait d'excitation religieuse, ce qui est fréquent ; à la fin
ou dans le cours de maladies aiguës, non pas quand la fièvre
est à son summum, mais plus tard ; ou encore à la suite de
nombreux accès d'épilepsie ; enfin dans l'alcoolisme.
L'existence de plusieurs attaques antérieures est très
importante et assombrit beaucoup le pronostic au point
de vue de la durée. Qu'y a-t-il pour déterminer le pronostic
de la durée d'une attaque ? La température donne peu d'aide,
mais le pouls peut servir. Quand le paroxysme cesse, le pouls
tombe, même au-dessous de la normale. S'il ne tombe pas et
reste rapide, même si le malade est calme, il y a des chances
pour que l'attaque soit longue. Le manque de sommeil est
toujours un symptôme important et souvent, après un som-
meil artificiel par un narcotique, le malade se réveille guéri,
ou du moins amélioré. -
Si l'accès parait devoir se prolonger pendant des mois, que
faire, si l'entourage s'oppose à l'envoi dans un asile ? Il faut
alors mettre le malade dans une chambre à part et l'isoler de
tout le monde. Généralement, au bout de quelque temps, les
gens en ont assez de soigner leur parent et de le surveiller et
consentent à l'envoyer dans un asile. Certains devraient y
être envoyés, ne fût-ce que pour profiter de l'exemple. Tel
qui, pris à part, ne veut pas manger, le fait quand il se trouve
au milieu de vingt autres qui mangent.
La guérison des aliénés sans les envoyer dans un asile, est
agréable et pour le médecin et pour les parents, et souvent on
peut les traiter en dehors de l'asile.- Aussi l'auteur demande-
t-il que la loi permette aux médecins de traiter des cas dans
les maisons privées, sans certificats, tout comme un cas de
delirium tremens ou de fièvre. C'est permis en Ecosse et non
en Angleterre. P. S.
II. L'emploi de l'atropine dans LE ptyalisme; par 0. Hebold.
(Allg. Zcitsch. f. Psych., 1LII, 6.)
Pour qu'il y ait ptyalisme, il faut qu'on constate un réel excès
de production de salive soit que la cause réside dans la mu-
queuse bucco-pharyngienne, soit qu'elle vienne du système ner-
veux. L'auteur relate deux cas de ptyalisme du dernier genre gué-
ris par l'atropine. Dans l'un, il s'agit d'un alcoolique ayant en
même temps présenté, alors qu'il fournissait jusqu'à un litre de
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE..147 7
salive en vingt-quatre heures, de l'albuminurie, de la trivcosu-
rie. L'autre concerne unéptteptiquedéfnent. L'atropine est le vrai
médicament du ptyalisme. il. K.
III. SUR LA NÉCESSITÉ D'UN TRAITEMENT HOSPITALIER POUR LES C\S
curables d'aliénation ment\le, par S ? 1.-Ii. STIt.\U.\N, (Tlte
Jozwnactl of dlclatnl Sciet2ce. Juillet 1885.)
M. Strahan estime qu'il est difficile, sinon impossible, à un
directeur d'asile, surchargé de soucis et de responsabilités de
toute sorte, de consacrer le soin, le temps et l'attention néces-
saires- au traitement des aliénés curables. Il souhaiterait en con-
séquence que l'on pût placer les fous guérissables dans un petit
hôpital d'une trentaine de lits, qui serait, si on voulait, une
dépendance de l'asile, et où ils seraient soignés par un médecin
spécial, lequel ne serait chargé d'aucun autre service. Lorsque le
traitement curatif aurait été reconnu impuissant, les aliénés
passeraient dans le grand asile, où ils trouveraient les soins et la
surveillance qui leur'seraient désormais plus nécessaires que le
traitement médical proprement dit. R. M. C.
IV. Contribution A L'LTfULOGIE, A lv SIMP1011\TOLOGIE, ET A Li
TIII;ItPEUI1QUC DU TABES DORSAL; par J. HOPP3f.\\N. (Arch. f.
Psych., XIX, 2.)
Cinq observations purement cliniques : Elles concernent surtout
les crises gastriques ou entéralgiqucs ayant motivé la consultation;
toujours accompagnéesd'hypersécrétion d'un sue gaslriquesouvent
très acide, et d'excès de sécrétion salivaire. intestinale (etitérou-
rhées), ou de vomissements très opiniâtres. Un cas de fièvre d'ori-
gine centrale. Deux faits d'accidents épileptiformes. - La moelle
allongée, contenant les origines du pneumogastrique, des nerfs
secrétoires et vaso-moteurs, c'est d'elle que partent ces accidents.
Observation de légère paralysie du radial droit tout acciden-
telle par compression. L'auteur recommande de toujours prescrire
le traitement antisyphilitique de concert, quand il y a lieu, avecles
médicaments toniques, pour peu que les commémoratifs fassent
mention d'un accident de ce genre. P. K.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ i)IÉDICO-I'SYCIIOLOGIQUI,,
Séance du 30 juillet 1888. Présidence de M. COTARD.
111. Lr secrétaire général lit un rapport de Ai. Lagrange sur le
Délire ambitieux dans l'alcoolisme chronique. *
Classification des maladies mentales. - La Société de médecine
mentale belge ayant demandé à la Société médico-psychologique
un plan de classification des maladies mentales, en vue d'une
statistique internationale, une commission, dont M. Gantier était
le rapporteur, avait été chargée d'élaborer un projet de classifi-
cation. Mais la discussion ouverte sur le délire chronique rendait
impossible avant sa clôture l'adoption d'aucune conclusion, aussi
M. Garnier s'excuse-t-il au nom delà commission de n'avoir pu
répondre plus tôt à l'appel de la Société de médecine mentale
belge '.
Présentation du malade. M. Lwofî présente un malade atteint
d'un trouble vaso-moteur qu'il désigne du nom d'Urticaire gra-
phique'. Si l'on écrit sur la peau de cet individu avec une pointe
mousse, il se produit d'abord une érection des papilles en même
temps que le tracé pâlit. Après quelques minutes, la ligne tracée
se dessine en relief de deux ou trois millimètres de hauteur; la
température locale augmente en même temps ; mais au bout d'une
demi-heure ou trois quarts d'heure, le phénomène se dissipe pro-
gressivement. M. Lwoff considère cette sorte d'urticaire sans déman-
geaisons comme l'une des nombreuses manifestations anormales
du système nerveux chez les dégénérés.
M. CIIRISTIAN pense que l'absence de prurit devrait faire écarter
la terminologie, d'urticaire.
M. Ciiambart qui a déjà présenté un malade offrant les mêmes
manifestations neuro-cutanées n'a pas osé prononcer le mot d'ur-
' Le résumé du rapport de 1f. Garnier sera donné plus utilement dans
dans le compte rendu de la séance où il sera discuté.
Sociétés savantes. 449
ticilire à cause de l'absence du prurit; cependant, il ajoute qu'en
z
pathologie ordinaire et qu'au point de vue morphologique, le
malade de M. Lwotî présente bien une affection qu'on peut classer
sous le terme générique d'urticaire, malgré l'absence des déman-
geaisons. Muicel BtUAXD.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE LA PROVINCE DU rein '.
Séance du lu novembre 1884.
Après la réélection du même bureau, la Société passe aux com-
inuiiicatioiis suivantes :
M. Heyden. D., l'emploi de l'électricité chez les aliéiés2 (Zeitsch. f.
Psych., t. XLII).
M. Eickiioldt. Communications casuistiques3.
M. PGItE'f1't. De l'influence de la grossesse sur les pSyCItt),çCS4 (Arch.
tsycli., t. XVI).
M. IIUUIRTY. De l'emploi du nalro-salieylate de caféine dans les
affections cardiaques des aliénés.
Séance du 13 juin 1883.
M. Hebold. Un cas d'altération ( ! ) ! e'M ? ? snM/6 des capillaires de la
moelle avec pièces microscopiques à l'appui* (Arch. f. Psych.
t. XVI).
M. Nasse. Quelques mots relatifs à ['aliénation mentale d'origine
paralytique, et notamment à la. guérison de la paralysie générale, à
la paralysie générale alcoolique, aux rapports qu'affecte la syphilis
avec la paralysie générale6 (Voy. Zeitsch. f. Psych., t. XLII).
M. Hertz. L'expérience nous apprend-elle que la syphilis céré-
orale puisse revêtir la forme d'une psychose à évolution précisée et
nettement coordonnée (manie avec désordre dans les idées et halluci-
nations sensorielles relativement supportables) sans troubles de la
motilité ?
' Vov. Arclciees de Neurologie, 5ld. Revues aiialuiques. 3 Id. -
'Id. z Id., t. X, p. fi,ï ct t56.
Archives, t. XVI. I. 29
480 sociétés savantes.
Séance du 11 novembre 1883.
M. Scnnmrnn. De la recevabilité légale au point de vue de l'entente
des sourds-muets (Voy. Zeitsch. f. Psych., t. XLII).
M. IÏEBOLD. De l'emploi de l'atropine dans le p/yalisme1 (Voy.
Zcelch. f. PSclt., RLII).
M. GOTTLON. Des affections mentales chez les montagnards. Qua-
rante observations caractérisées, à l'exception dcsixpsychopathies
dues à des lésions céphaliques et à d'autres dommages, par de la
folie systématique chronique semblable au délire de persécution
par hallucinations sensorielles. L'auteur n'en donne qu'une en
détail. Chez les montagnards, il y aurait tendance marquée à être
atteintpar des hallucinations sensorielles; c'est ce qui se voit en par-
ticulier chez les mineurs. La vie de ces individus favorise la genèse
d'hallucinations sensorielles; ce qu'ils racontent indique une ten-
sion spéciale, surtout des organes de la vue et de l'ouïe, en faveur
de laquelle plaide encore le nystagmus souvent observé chez les
montagnards. Il ne faut pas que les mineurs améliorés retournent
à la fosse; il faut les occuper au grand jour, sinon il y aurait
rechute rapide.
Sur la proposition de M. Cmrewnunc, l'assemblée nomme une
commission composée de \IVI. N ssr, Tigges et 111\i(GLNIIURG afin de
faire des recherches statistiques sur les psychoses de la province
du Rhin, suivant les cercles territoriaux, les professions, etc.
Séance du 'G juin 1886.
Avant de passer aux orateurs inscrits, le président consacre au
souvenir de de Gudden des paroles émues. L'assistance se lève tout
entière en l'honneur de sa mémoire.
M. Pelman. Des suicides dans les asiles d'aliénés. Comparant le
nombre des suicides observés à firafenberg pendant les dix pre-
mières années d'existence de cet établissement et la fréquence des
suicides en d'autres établissements, l'oraleur exalte les avantages
de la suppression de toute contrainte à l'intérieur de l'asile.
MM. OIuLhL,.P>;r ? rt et Nasse pensent qu'il convient de signaler
. tout cas de suicide à la police locale; c'est à clic qu'appartient la
transmission du fait au parquet.
M. Tigges ajoute que, la proportion centésimale de la mortalité
générale des asiles étant trois fois supérieure àccllede la morta-
lité de la population ordinaire, les allures du suicide dans un
1 Archives de Neurologie. Revues anal; tiques.-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 45t
asile ne sont pas aussi défavorables qu'elles le pourraient paraître
au premier abord, par un simple rapprochement des chiffres
empruntés à un de ces établissements et à la vie commune.
En ce qui concerne la surveillance, M. 1'iccta rappelle un exemple
qui lui est personnel : on crut que l'excès de précautions exagérait
chez lemaladel'impulsiouausuicide; on l'abandonna à lui-même :
il tua.
M. ne );I1RENN ? LL. Sans doute il existe des faits dans lesquels
l'impulsion au suicide est exagérée par la surveillance, mais ce n'est
pas un motif pour se départir de rigoureuses précautions. Il
existe d'ailleurs des précautions illusoires. Telle l'administration
d'hydrate de chloral ; sans doute la nuit sera occupée par le
sommeil forcé, mais le lendemain matin, l'agitation est extrême et,
avec elle, l'impulsion au suicide. - Il n'est pas nécessaire, ce qui se
voit assez souvent, de condamner le gardien à être tué pendant
son sommeil par ce forcené assoiffé de suicide; mieux vaut que celui-
ci demeure seul dans sa chambre. On dispose un plancher de lattes
qui, recouvertes de linoléum, établissent, des que le malade se lève,
un courant électrique : ce courant, par un signal, réveille le gardien
couché dans une chambre voisine.
M. Nasse. La défaveur des asiles parmi le public n'est pas du
tout eu décroissance, contrairement à l'opinion de M. Pelman.
En second lieu, Hagen avait calculé, qu'en rranconie centrale, pour
un suicide se passant dans un asile, quatre-vingts se produi-
saient chez des aliénés vivant en dehors d'un asile. Enfin, il n'est
pas besoin que l'aliéné se lève et mette les pieds à terre pour se
tuer ; il se peut tuer sans bruit (se pendre, s'étrangler).
* M. OCI13EKE. La proportion des cas de mort par suicide parait bien
plus défavorable pour les petits établissements, qui naturellement
présentent également une faible mortalité, que pour les grands
asiles où les psychopathies chroniques abondent ainsi que les cas
de mort. 11 faut surveiller les aliénés suicides dans leur propre
chambre au moyen de gardiens qui se relaient.
M. Hertz procède ainsi. Le jour, surveillance à l'aide d'une
porte en treillage substituée à la porte pleine. Fenêtres obturées
par un grillage. La nuit, une sentinelle devant la porte en treil-
lage.
M. Pelman. Il ressort nettement de la statistique que le nombre
des suicides dans les asiles est moindre que chez les aliénés vivant
en dehors de l'établissement. Il faut faire surveiller ces malades
par deux gardiens. Pas davantage.
M. TtGGES. La variété des nombres qui s'appliquent aux suicides
suivant les divers asiles s'explique en partie par la variété de fré-
quence des suicides, suivant les diverses régions.
4o2 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. IIUBERTY. Des troubles psychiques qui succèdent aux mauvais
traitements corporels sans lésions crâniennes vraies. Douze observa-
tions dont voici les conclusions :
Quand, peu detemps après un mauvais traitement qui s'est traduit par
une lésion légère, se manifestent, de concert avec une mélancolie plus ou
moins stupide, des idées de maléfices ou de persécutions, dont la
-teneur se rattache au mauvais traitement enduré, quand les idées déli-
rantes constituent, quels que soient les épisodes morbides, le fil d'Ariane
indiscontinu de la psychopathie tout entière, quand, lorsque celle-ci
aboutit à l'affaiblissement des facultés intellectuelles, les mêmes idées
forment dans le complexus un noyau manifeste, il est probable, presque
certain même, que l'aliénation mentale tient à ce mauvais traitement.
M. IIEDOLD. Communications casuistiques sur la simultanéité du
tabès et de l'aliénation mentale. - L'orateur distingue avec soin
la paralysie générale qui reconnaît les mêmes causes que le tabès,
des psychoses qui peuvent survenir accidentellement dans le cours
de ce dernier. Voici, par exemple, un homme de quarante ans,
sujet, depuis sa jeunesse, à des lipothymies ; pendant son enfance,
il a été soumis à deux traumatismes graves; il y a quatorze ans, il
a été atteint de dysenterie; enfin, depuis le début de sa trentième
année, il présente du tabes. A la fin de 1883, il est, à la suite
d'émotions violentes, devenu maniaque : excitation progressive,
désordre dans les idées, irritabilité permanente, et, de temps à
autre, idées de grandeur, hallucinations de l'ouïe, conceptions itré-
sislibles (obsessions). Puis, l'agitation s'est lentement apaisée, et,
depuis le commencement de z, il doit être tenu pour guéri de
son affection mentale, tandis que le tabès est demeuré tel quel. Ce
n'est pas à dire que souvent l'on ne puisse se tromper, car
M. IIebold mentionne une observation dans laquelle l'aspect cli-
nique décelait une paralysie générale associée au tabes; or, l'au-
topsie montra qu'il existait, en effet, une dégénérescence des
cordons postérieurs avec névrite optique, mais que les symptômes
psychiques tenaient à un sarcome du lobe frontal.
M. A. Scnntrrz. Communications sur quelques nouvelles lois relatives
aux aliénés ou quelques nouveaux projets de loi. Ils sont inspirés
par les exigences de la liberté individuelle. En France, le projet
Gambetta-Magnin (18fi9) inapplicable, ne peut que glacer d'hor-
reur le psychiatre. Celui de 1882 met le plus d'entraves à l'admis-
sion des aliénés dans l'intérêt de ceux des individus sains d'esprit
qui pourraient être confondus avec les premiers et enfermés par
méprise. La loi espagnole du 19 mai z, extrêmement simple,
fait cependant concourir le pouvoir judiciaire à l'admission d'un
aliéné, audétrimentdelacéléritédansie traitement; les fréquentes
visites des asiles n'ont aucun objet. La nouvelle loi hollandaise
du 27 avril 1884 est pire que celle de 1841. Rien d'exécrable comme
les conditions d'admission et toutes les formalités de l'instruction
SOCIÉTÉS SAVANTES. 453
médico-légale; tel l'article 20 du § 3 d'après lequel les médecins
d'asile sont tenus de consigner sur un registre des notes sur l'état
du malade, quotidiennement pendant les quatorze premiers jours
qui succèdent à l'admission, puis toutes les semaines pendant six
mois, enfin tous les mois. La Suède possède sa loi du 2 no-
vembre 1883, en vigueur depuis 1881. Le § distingue les établis-
sements d'Etat en hôpitaux d'aliénés (établissements de traite-
ment) et asiles (établissements de conservation). On a amélioré la
situation du directeur à tous points de vue. On n'a guère modifié
les conditions d'admission; à côté du questionnaire médical, on
demande encore le certificat du pasteur.
M. Pelman. Il est bon de savoir ce qui se fait en d'autres pays
afin d'éviter les mêmes bévues.
M. N vssc. Contrairement à ce qu'il a jadis écrit z0), il pense
qu'il faut considérer comme un bienfait la statistique en Allemagne,
à cet égard. ,
Séance du 10 novembre 188G.
Après avoir consacré quelques paroles d'éloge à la mémoire de
AI. Aleyer (d Eitoi,o et avoir énuméré les places vacantes qui se
sont produites pour diverses causes dans la Société, le président
fait procéder à l'admission de nouveaux membres. Le bureau
est lui-même ainsi renouvelé : 11111. Nasse, HERTZ, Ripping.
M. Finkelnburg lit un rapport sur les travaux de la commission
choisie par la Société dans sa séance du 1 1 novembre 1885, à l'effet
de rédiger des propositions pour dresser une stéitistiqzicprofes-
siontzelle de l'aliénation mentale dans la province du Rhin. L'as-
semblée invite la commission à marcher dans cette- voie, à
prendre tous les moyens possibles pour aboutir, et à faire parvenir
à tous ses collègues des imprimés de statistique convenables.
M. 13\STftLBERG traite du rouge du Congo en micrographie et de son
application à l'étude du système nerveux central : préparations à
l'appui.
Séance du 18 juin 1887.
Les feuilles statistiques envoyées aux membres de la Société,
sur la question de l'aliénation mentale d'après sa répartition pro-
fessionnelle, n'ayant pas suscité de critiques importantes. M. Fin-
EELKUURG annonce que, d'après les renseignements recueillis par lui
auprè du bureau de statistique, les dépenses decette enquête ne dé-
passeraient pas 300 marks. La Société décide que, pour les couvrir, elle
s'adressera au conseil d'administration de la province du Rhin, et
qu'en cas de refus, elle s'associera une autre société intéressée à la
4o4 SOCIETES SAVANTES.
solution de celle question. Sur le souhait de l'assemblée, nl1(.
Finkelnhurg et Tigges se eliar-entd'e\écuLei,les opérations scieilli-
ftques que comportent les éléments statistiques obtenus.
Plusieurs membres de la Société apportent une confirmation
éclatante aux assertions de M. Nasse, dans son mémoire relatif à
la transformation soudaine d'une modalité psychopalhique en une
autre au point de vue clinique ' .
M. Bastelberg. De l'emploi de l'hyoscyamine dans les états d'agio
talion chroniques. Il a pu l'administrer jusqu'aux doses de un cen-
tigramme à douzemilligrammes sans constater d'inconvénients, à
la condition de commencer par trois milligrammes etd'augmenter
rapidement. Tout le mystère réside dans la pureté extrême de
l'hyoscyamine cristallisée. D'après. M. Bastelberg, en pareils cas,
la sédation est prompte. Les avis des membres de la Société sont
cependant partagés.
Séance du 16 novembre 1887.
M.le président communique que le conseil d'administration de
la province du Rhin a accordé le crédit de 300 marks nécessaire à
l'établissement d'une statistique de l'aliénation mentale dans ses
rapports avec les diverses professions et avec les différents métier*.
àl. Hoesteruann (de Boppard). Du coctiinisine. Après avoir observé
plusieurs faits, dont l'orateur donne communication, dans lesquels
on a employé de la cocaïne, soit de concert avec la morphine
pour l'atténuer, soit à la place de la morphine pour sevrer les
morphinomanes, M. Hcestermann a acquis la conviction que la
cocaïne exerce une action bien plus délétère que la morphine. 11
conclut :
« Plaise à la Société psychiatrique de la province du Rhin, de vouloir
« bien intercéder auprès de S. Wc. le ministre de l'instruction publique,
« des cultes et des affaires médicales, pour que, à raison des effets extrc-
- moment pernicieux de la cocaïne sur la santé physique et mentale, et
« en présence de la constatation alarinatile de l'expansion croissante de
« l'abus de cet agent toxique, la législation qui règle la vente de la
« morphine s'applique le plus tôt possible a celle de la cocaïne. »
A la suite d'une longue discussion, à laquelle prennent part :
111\L. OEDEKE, TiGGLes, Nasse, Scumitz, Freusberg, Fauricius, Jeun,
la précédente motion est adoptée.
M. B.aSTr;LBEt2G. De l'anatomie pathologique de l'attaque congés-
tive. D'abord la démence paralytique est une affection de tout le
système nerveux central. Sans doute, en bien des cas, elle se loca-
lise surtout dans le cerveau antérieur, c'est-à-dire dans les hémis-
vos. Archives de Neurologie. Revues analytiques.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 433
pères cérébraux et le système optoslrié, pour exercer de là son
influence délétère sur les autres groupes d'organes, mais il n'en
est pas moins vrai que tout le système est peu'ou prou atteint.
Examinant, par conséquent, le système nerveux central d'un
malade mort au cours d'une première attaque congestive brutale,
M. Eastelberg ne trouve, comme c'est la règle, de lésions ni dans
l'encéphale ni dans la moelle, qui fournissent l'explication de cette
attaque. Il n'en était pas de même du bulbe. Ici, altérations récentes
de l'épendyme du quatrième ventricule, tuméfié, trouble, infiltré
.de leucocytes; sclérose sous-épeudymaire allant jusque dans la
région des noyaux gris sur le plancher du quatrième ventricule et
les atteignant eux-mêmes. Le plein développement du processus
était au niveau de la protubérance (centre convulsif de Kotli-
rna-el). Peut-être cette méthode de recherches appliquée à d'au-
tres faits viendra-t-elle donner la loi pathogénétique.
M. Nasse rappelle à ce propos que Beclilerew explique les atta-
ques congestives par les fluctuations dans la pression du liquide
cérébrospinal et dans' ses stagnations ; ce sont ces oscillations géné-
ralisées qui produiraient les attaques épileptiformes ; localisées,
elles détermineraient les attaques apoplectiformes.1'
M. Tigges. Un grand nombre de ces attaques, de par leur aspect
même (elles sont unilatérales ou même limitées à une seule extré-
mité), doivent être rattachées aux hémisphères cérébraux.
M. OEDEKE. Chez un malade observé par lui, à la suite de trois
attaques héinilatérales caractérisées par une paralysie de plusieurs
mois, l'examen microscopique ne révéla pas de différence entre
les deux hémisphères.
AI. JEIIN. Des bruits auriculaires objectivement perceptibles. Ce tra-
vail paraitra séparément' (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLV., 1-2).
P. KHRAVAL.
XXIO CONGRÈS DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DES ÀLINISTFS
DE LA BASSE-SAXE ET DE WESTPUALIE 3 -
Session de HANOVRF
Séance du 2 mai 1887. Présidence de M. Snell.
NICOL présente un garçon de trois ans et trois mois atteint
depuis près d'un an d'aphasie avec paralysie de tout le système
. 1 Voy. Archives de Neurologie. Revues analytiques.
' Ici., t. XIV, p. 293.
4§6 SOCIÉTÉS SAVANTES.
musculaire, à l'exception de la face. C'est en pleine santé et sans
que son développement ait présenté d'anomalie, que, vers le milieu
de juin de l'an dernier, graduellement, il en arriva à ne plus pou-
voir marcher, et, finalement, à ne plus se tenir debout, à ne plus
demeurer assis, à no plus conserver la tête droite. Il cessa progres-
sivement aussi de parler. Vers la fin de l'an dernier, il disait
encore « papa » « maman ». Actuellement il dit encore parfois
« Ja ». Nystagmus fréquent. Conservation de la santé physique et
de l'ouïe. La maladie a atteint sa période d'acmée en quatre à six
semaines. M. BERKXAN et M. WuLF en font une idiotie. La plu-
part des membres présents sont de cet avis.
M. SNELL parle de la simulation de l'aliénation mentale. A ses cinq
observations relatives à la simulation d'affaiblissemeut intellectuel
avec désordre dansles idées (Allg. Zeitsch. f. Psych., XIIIELXXXVII),
il ajoute un sixième fait. Il s'agit d'un escroc de trente ans,
qui simulait la démence consécutive à des attaques convulsives.
Ces attaques, il eut soin de ne pas les avoir devant le monde
et surtout devant les médecins ; mais il dépassa le but, prétendant,
par exemple, ne plus pouvoir lire le journal, et énonçant 7ht)td
au lieu de Deulschland, calculant 2 et 2 font 9 ou 7, et signant
lIei-î ? 2eiîz J)J6 ! He)' au lieu de Ilermann Meyer, écrivant comme quan-
tième l'année 2882, méconnaissant la valeur des cartes àjouer.
Un autre individu de cinquante-sept ans, mis en observation à la
suite d'une banqueroute frauduleuse avec falsification de docu-
ments, prétend avoir presque totalement perdu la mémoire, ne
sait plus, dit-il, en quelle année il est, ne se rappelle pas ce qu'il
vient de manger et boire, mais raisonne sensément sur les choses
de la politique et de la vie industrielle, se souvient des cours des
valeurs de bourse; de plus, il finit, à force de parler, par tenir
des propos qui contredisent «sa prétendue amnésie »; c'est en
vain qu'il prétendit à l'existence d'une paralysie qui se démentit
à la longue.
M. 0. SNELL soumet à l'assemblée des préparations d'écorce céré-
Loale d'une malade morte de délire aigu. Femme mariée, sans
enfants, âgée de trente-six ans. Sa mère avait été atteinte de
manie à la suite d'une fièvre typhoïde. Pendant l'été de 1886, elle
eut, par accès, des battements de coeur avec agitation anxieuse.
Brusquement, le 18 novembre, dans l'après-midi, elle présente une
vive agitation avec alternative d'humeur triste et gaie sous l'allure
maniaque, et insomnie, jusqu'au 2G du même mois. A ce moment,
peau froide, pouls petit; comme elle n'a pas pris de nourriture
pendant ces huit jours, on lui passe la sonde oesophagienne. Elle
meurt néanmoins à 1 heure et demie après-midi. Autopsie : Lésion
mitrale, myocarde altéré. Congestion des bases et des bronches.
Pie-mère congestionnée. Le cerveau pèse 1,350. La' substance
SOCIÉTÉS SAVANTES. 457
cérébrale sèche, ferme, pâteuse, offre à la coupe de nombreux
points itématiques. On colore, selon la méthode de iniz-sl, le 2yrus
reclus, la deuxième et la troisième fronlales, la circonvolution en
crochet, de l'hémisphère droit la deuxième frontale, toute la
frontale ascendante. la partie antérieure et postérieure de la pre-
mière temporale, le lobe paracenirai, la pointe du lobe occipital,
de l'hémisphère gauche le cervelet. Les espaces périvasculaires
sont gorgés de globules blancs. Les cellules rondes et les noyaux
prédominent par rapport aux cellules pyramidales, soit dans
l'écorce, soit dans la lisière de l'écorce vers la substance blanche.
L'auteur a pris des moyennes. Il a trouvé que :
Sur un cerveau normal la couche des grandes pyramides présente dans
la 111 temporale gauche 1,3 cellule ronde pour 1 cellule nerveuse.
Sur le cerveau de cette malade, elle présente dans la même temporale
1,8 pour 1.
Sur un cerveau normal la couche des grandes pyramides présente dans
la 2, frontale gauche 1,4 cellule ronde pour 1 cellule nerveuse.
Sur le cerveau de celte malade, elle présente dans la même frontale
1,9 pour 1.
Donc le nombre des cellules rondes de l'écorce augmente consi-
dérablement dans le délire aigu. Cela est tout simplement dû à
des globules blancs du sang extravasés. Quant aux cellules ner-
veuses, elles se colorent moins par les couleurs d'aniline que dans
les cerveaux normaux; leur noyau est moins nettement limité, le
nucléole moins brillant.
M. B.1RT1;LS.Du poicls du cerveau chez les aliénés1. Publié in extezzso.
M. 0. Snell. De la phthisie pulmonaire chez les aliénés 2.
M. Schoefer. Des principes suivant lesquels il faut régler la situation
des asiles d'aliénés vis-ci-vis de l'État et du public. Voici le résumé
des neuf propositions qui constituent les idées de l'orateur :
1° Il convient d'abord de ne pas perdre de vue que l'on a affaire à
des malades qu'il .s'agit de soigner ; les asiles sont donc des établisse-
ments hospitaliers. 2" Comme il y a, en effet, séquestration contre la
volonté du patient, comme on est obligé de prendre des mesures de
sécurité à raison de la nature de la maladie (méthode particulière de
traitement), l'Etat a le droit d'exercer sur ces établissements une surveil-
lance spéciale, qui, d'ailleurs, sauvegarde l'établissement et son direc-
teur, mais l'intérêt des malades et de leur famille, celui du fisc et celui
de l'avenir de l'assistance des aliénés exigent que l'on tempère les
mesures de surveillance. 3- Et, a cet égard, il est à remarquer que, mal-
gré de nombreuses lacunes sur ce point, on n'a jamais eu encore à
déplorer de scandale, jamais de séquestration arbitraire dans les asiles
allemands. 4° Dans ces conditions, il est incontestable que l'intérêt de
l'aliéné exige qu'on lui facilite le plus possible sa réception, qu'on fasse
1 Voy. Revues analytiques.
°- ld, .
4S8 8 SÉNAT.
ressembler les formalités à celles d'une admission dans un hôpital quel-
conque, en même temps que la sécurité du malheureux, impose l'obli-
gation de prévenir l'autorité et d'assurer l'inspection régulière d'un
fonctionnaire techniquement compétent. b' Quant à la justice et à la
police, son ingestion ici est malsaine. Toute latitude pour les placements
des malades dont ils sont légalement responsables doit être accordée aux
parents, aux communes, atix coi-pot-atiotis, au £ divers ivitiits droit. 11 faut
limiter l'action de la police et du tribunal à des molifs vraiment spéciaux,
fondés sur des décisions julidiques ou législatives. 6° Le concours à
l'admission du Kreisphysikus, n'a pas de raison d'être en ce qui concerne
la surveillance. Quant à la question de science, tous les médecins pra-
ticiens doivent être autorisés à faire un certificat, et faudrait qu'ils
fussent en état de le faire parfait. Les établissements, eux, sont en
situation d'obtenir tous les renseignements médicaux nécessaires, quand ils
demanderaient au besoin qu'on remplisse un questionnaire tout préparé à
) ? N ? m ? MMM ? sa)on[
lieu de naissance du malade, aux tribunaux, aux parquets correspondants.
8° L'inspection des asiles a tout à gagner de la création, urgente, d'une
fonctionsupérieure médico-tecimique, destinée, dans le royaume de Prusse
ou dans l'empire entier, à surveiller l'assistance des aliénés et ses rouages,
elle servirait en même temps à éclairer le ministère et le conseil fédéral.
9° Les asiles privés seront, en ce qui concerne les mesures de survetl-
lance, assimilés aux asiles publics. On pourra seulement charger les
Kreisphysikus de la visite de ceux qui n'ont pas de médecin particulier
résident.
M. Schipfer donne leclure de quetqucs-nucs des décisions adop-
tées par la Société psychiatrique de Berlin1 relativement à la situa-
tion des asiles privés. L'assemblée les adopte.
La prochaine séance aura lieu le le, mai 1888 à Hanovre lasteii*s
Ilotel, 4 Ueures de l'après-midi. (llly. Zeitsclt. f.Pych., \LIV, r, : i.)
P. KÉRAYAL.
SÉNAT
DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS.
Suite de la séance du samedi 4 décembre 18S63.
M. TESTEUR. Je ne voudrais pas vous faire un cours sur l'alié-
nation mentale, cela me serait très difficile, mais permettez-moi
1 Vov. Archives de Neurologie. Séances de décembre 1886 et janvier 1887.
T. VII, p. 299.
°- 1'oc-. Arckires de Neurologie, l. \II, p. 13,ï, ` ? 58, f;19; t. lI V, p. 13a,
307, 'r21 ; t. : C1', p. 138, 3t I, 481 ; t. \'I, p. 101, 30G.
SÉNAT. 4S9
de dire qu'on peut diviser les aliénés en deux grandes clauses : la
première comprend ceux qui ont un trouble dans leurs idées, c'est
la folie intellectuelle. Ceux-là, tous ceux qui ont reçu une éduca-
tion libérale, comme vous tous, messieurs, comme les magistrats,
peuvent la constater du premier coup d'oeil. Mais il y a la « folie
affective », la folie des sentiments, et c'est la plus dangereuse de
toutes. En réalité, il est bien rare que l'intelligence ne soit pas
plus ou moins prise; mais il faut une élude approfondie qu'un
médecin seul peut faire pour s'en apercevoir, et c'est la classe la
plus dangereuse. On les fait venir, ces aliénés, en présence des
.magistrats; ils répondent aussi bien que l'avocat qui les attaque...
M. DE Gwardie. C'est évident !
M. TESTEUR ... Et c'est dans cette classe qu'on trouve surtout le
gens portés- au suicide et à l'homicide.
M. Paris. C'est la monomanie.
M. Testelin. C'est là un grave danger qui explique très bien les
mesures qu'on a prises. Comment les magistrats feront-ils pour
décider ? On vous citait tout à l'lieure un fait, mais on ne serait
pas embarrassé de citer six, huit, dix cas d'aliénés qui ont été
mis en liberté sur réquisition du procureur du roi ou de la Répu-
blique et qui, peu de jours après, ont commis des crimes.
M. de GIV.111DIE. Parfaitement i
M. Testelin. Cela se voit très fréquemment. Je ne voudrais pas
en dire davantage, parce que je me suis aperçu que la plupart
d'entre vous sont guidés par une opinion qui n'est pas la mienne,
l'idée que dans tous les cas, quand il s'agit de séquestrer momen-
tanément un citoyen, soit dans son propre intérêt, soit dans l'in-
térêt de la société, il faut que la magistrature intervienne. Elle ne
l'avait pas fait jusqu'à présent; vous vous en apercevez sur le tard,
comme on dit vulgairement. Je dis que c'est là une chose fâcheuse,
funeste, que cela n'aura aucune espèce d'efficacité.
Je suis parfaitement convaincu que les, décisions en chambre
du conseil n'auront aucune espèce de fondement autre que le dia-
gnostic des médecins. Je ne dis pas : les magistrats jugeront in
verbia magislri, mais à coup sûr ils jugeront in verba medici. Cela
retardera les entrées définitives, les sorties, et cela n'aura aucune
espèce d'avantage Je vous conseille donc de voter notre amende-
ment, qui consiste tout simplement dans un seul retranchement
à l'amendement de M. Bardoux que vous avez volé. (Très bien !
très bien ! sur divers bancs.)
M. le rapporteur. Je demanderai la permission de faire une ob-
servation. J'ai, tout à l'heure, interrompu l'honorable M. Testelin
.pour dire qu'il se trompait en appliquant aux sorties la décision
du tribunal. La discussion des articles 24,23, 2G et 27 démontrera
460 SÉNAT.
que les sorties sont régies par nne toule antre règle et que le tri-
bunal n'intervient que lorsqu'il y a opposition. Celte opposition
doit être jugée par la chambre du conseil ; mais, dans tous les
autres cas, les sorties doivent être réglées comme nous l'avons'in-
diqué précédemment. Elles se font dès que l'aliéné est déclaré
guéri sur les registres. Pour les placements volontaires, ils se
font, quand le médecin demande la sortie, par le préfet.
L'article 27 dit que le préfet peut toujours, après avoir pris l'avis
du médecin traitant ou de la commission permanente, ordonner
la sortie des personne placées dans les établissements d'aliénés.
Il s'agit ici des placements volontaires, et ce n'est qu'en cas d'op-
position que le tribunal a à intervenir.
M. Combes. C'est encore un manque de logique. Il y a encore
une question d'état également engagée dans l'affaire.
M. DELSOL. Messieurs, je vous demande la permission d'exposer
devant le Sénat, et très rapidement, les raisons qui ont déter-
miné votre commission à introduire dans le projet de loi dont vous
êtes saisis cette innovation, ou plutôt à accepter innovation im-
portante qui figurait dans le projet qui vous a été soumis, et qui
consiste à appeler, dans toutes les circonstances, la chambre du
conseil à statuer sur le placement définitif des aliénés.
Tout' d'abord, je rencontre dans les orateurs qui m'ont précédé
à cette tribune et qui soutiennent l'amendement de M. Combes,
une première objection à ce système. Us disent : La chambre du
conseil n'a pas de compétence ; la compétence n'appartient qu'aux
médecins; il s'agit.d'une maladie et, en conséquence, la chambre
du conseil n'apportera aucun élément nouveau à la solution qu'il
s'agit de donner àla grosse dinculté de savoir si un individu est ou
n'est pas aliéné. On ajoute qu'en définitive, il n'y a qu'un simple
traitement à déterminer ; que l'on est en présence d'un malade et
que la médecine sule peut déterminer le traitement qui convient
à ce malade, et que la chambre du conseil n'a rien avoir dans
une pareille question.
Messieurs, s'il s'agissait en effet d'un simple diagnostic à établir;
s'il s'agissait d'un simple traitement de malade, assurément, ni le
Gouvernement dans son projet, ni la commission dans ses conclu-
sions, n'auraient songé à faire intervenir la chambre du conseil ;
mais il s'agit ici d'autre chose.
Plusieurs sénateurs ci gauche. C'est cela !
M. Delsol. Il s'agit d'un traitement qui a des conséquences très
graves, puisque ce traitement aura cette première conséquence de
priver le malade de sa liberté individuelle, et cette autre consé-
quence non moins grave de diminuer sa capacité civile et de porter
atteinte à son état civil et social. (Très bien, très bien ! sur plu-
sieurs bancs.)
SÉNAT. 461
Je crois donc que c'est par une confusion d'idées que les auteurs
de l'amendement sont venus revendiquer ici exclusivement au
profit du docteur médecin, de l'inspecteur médecin, le droit de
statuer sur le sort du malade. Il y a cette distinction capitale
à établir : s'agit-il du diagnostic, du traitement, s'agit-il parti-
culièrement du traitement dans la période provisoire, les méde-
cins ont toute latitude; ils peuveut procéder immédiatement au
traitement du malade, ils peuvent ordonner toutes les pres-
criptions nécessaires pour améliorer son état. Mais si cet état
se prolonge, si la maladie se caractérise et s'il est démontré
qu'il y a là un cas d'aliénation mentale, il est nécessaire de pro-
céder à des mesures ayant un caractère moins provisoire, plus
définitives, non pas irrévocables, mais plus définitives, et qui
ont pour objet d'empêcher de porter une atteinte très grave aux
droits, à l'état civil et à la capacité du malade. (Nouvelles marques
d'approbation à gauche.) Or, c'est précisément ce que la commis-
sion propose.
D'accord avec le gouvernement, elle estime qu'il est absolu-
ment impossible de donner au médecin, qui est souverain en
matière de diagnostic, le droit de décision, le droit de tirer les
conséquences de ce' diagnostic et de statuer à lui tout seul sur
l'état et la capacité civile du malade. Nous rencontrons ici une
situation qui existe déjà dans nos lois civiles. Vous connaissez tous
la procédure en matière d'interdiction judiciaire. Comment les
choses se passent-elles ? Lorsqu'un individu est dans un état habi-
tuel d'imbécillité, de démence ou de fureur, ses parents et quelque-
fois le ministère public, lorsqu'il y a état de fureur, introduisent
une instance pour demander l'interdiction de*ce malade.
Que fait alors la justice ? La justice ordonne presque toujours
une expertise médico-légale. On commet un ou plusieurs médecins
qui sont chargés d'examiner le malade et de dire s'il est ou non
dans état habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur. Est-ce
à dire que la justice abdique devant l'avis du médecin ? Est-ce que
ces médecins ont jamais eu la prétention de dire le dernier mot
du procès en interdiction ? Jamais. La pratique du code civil,
depuis le commencement de ce siècle, démontre que là, comme
dans toutes les questions médicales et techniques, il y a, d'une
part, l'homme que j'appellerai l'homme de l'art qui examine,
fait son expertise, dépose son rapport et éclaire le magistrat,
mais qui, en définitive, ne fait, qu'exprimer un avis personnel; et
d'autre part, le magistrat qui, lui, statue en conséquence, après
avoir pris connaissance de tous les éléments de décisions. C'est
donc toujours la justice qui, dans notre législation actuelle, est
appelée à prononcer sur l'état et la capacité civile de la personne
résultant de l'aliénation mentale.
M. de Gavardie. Eh bien, cela suffit.
li, 6 -) SÉNAT.
M. DELSOL. Permettez ! vous dites que cela suffit.' ? On a cru que
cela suffisait; mais l'expérience a démontré que les dispositions
du code civil en matière d'interdiction judiciaire étaient tout à
fait insuffisantes, parce qu'elles ne s'appliquaient qu'à des cas
véritablement exceptionnels. Il faut être dans un état habituel
d'imbécillité, de démence ou de fureur, pour que l'interdiction
puisse être prononcée; et, assurément, cette définition de l'aliéna-
tion qui se trouve dans le code civil, ne convient pas à tous les
cas d'aliénation mentale qu'il s'agit de traiter dans les établis-
sements publics ou privés. D'ailleurs, cette procédure d'interdic-
tion, tout le monde sait combien elle est longue, difficile, coûteuse,
retentissante, et combien les familles redoutent d'engager des
procès de cette nature. Evidemment, messieurs, il y avait quelque
chose de plus à faire pour protéger les malheureux malades qui
n'ont pas la plénitude de leurs facullés; c'est précisément cette
protection des malades qui ne peuvent pas être interdits ou dont
les familles ne veulent pas demander l'interdiction que la loi
actuelle a pour but d'accorder. (Très bien ! sur divers bancs.)
On prétend que l'opinion publique ne demandait pas cette
réforme, et que c'est une pure illusion de cette opinion publique
qui a réfléchi sur les pouvoirs publics et déterminé le dépôt du
projet de loi sur lequel vous avez à statuer. Il faut véritablement,
messieurs, fermer les yeux à la lumière pour ne pas reconnaître
que, depuis au moins vingt années, l'opinion publique surexcitée
par des débats très passionnés auxquels ont donné lieu certaines
affaires de prétendus aliénés je ne veux pas rappeler ici de
noms propres- il faut, dis-je, fermer les yeux à la lumière pour
ne pas reconnaître que, depuis au moins une vingtaine d'années,
l'opinion publique réclame des garanties autres que celles de la
loi de 1838, qui n'en contient, à proprement parler, aucune.
En effet, en vertu de cette loi, il suffit d'un médecin complai-
sant et si honorable que soit le corps médical, il peut se ren-
contrer parfois un médecin complaisant il suffit d'un médecin
complaisant pour qu'un membre d'une famille lasse enfermer une
personne gênante. Ce sera tantôt une femme qui se débarrassera
de son mari; tantôt un tuteur qui, pour se décharger d'une
tutelle, fera enfermer le mineur dont il avait la garde. Eh bien,
cette opinion publique dont le projet n'est que la réalisation et la
mise en oeuvre s'est manifestée, comme je le disais, à plusieurs
reprises dans le Parlement même.
Il me suffira de vous rappeler que le besoin de cette innovation
sur laquelle nous discutons avait trouvé sa formule dans un projet
élaboré en 1870, dans le projet qui fut déposé par M. Gambetta et
notre honorable collègue M. Magnin au Corps législatif; en 4871,
dans les travaux de la Société de législation comparée; en 1872,
dans la proposition qui fut faite à t'Assemblée nationale par notre
SÉNAT. si 63
honorable collègue M. Théophile Roussel, M. Albert De=jardins et
111. Jozon.
M. le Rapporteur. Le tribunal n'intervenait pas. La principale
réforme consistait dans l'institution de la commission permanente.
M. Delsol. Mais enfin, dans le projet, on demandait des garan-
ties, précisément pour prévenir les abus qui avaient été commis
sous l'empire de la loi de 1838.
Et, messieurs. le Gouvernement actuel, en 188), a nommé une
commission extra-parlementaire dans laquelle je vois figurer
deux de nos honorables et des plu ! autorisés collègues du Sénat,
l'honorable M. Allou et l'honorable M. Dauphin; cette commission
extra-parlementaire qui a jeté les bases du projet actuel, voulant
ajouter une garantie nouvelle à celles qui pouvaient exister déjà
dans la loi de 1838, demandait l'intervention de l'autorité judi-
ciaire. Ce n'est donc pas une innovation purement de fantaisie et
arbitraire ; c'est une innovation qui a été réclamée avec insistance,
et, encore une fois, le projet actuel me fait donner satisfaction à
l'opinion publique sur ce point particulier. Il s'agit de savoir si la
garantie qui consiste dans l'intervention de la chambre du con-
seil est, oui ou non, une garantie sérieuse.
L'honorable M. Combes et l'honorable M. Testelin ont prétendu
que cette garantie était purement illusoire, que la chambre du
conseil n'avait pas de compétence spéciale, que dès lors elle se
contenterait d'homologuer purement et simplement l'avis donné
par le médecin ayant examiné le malade, et qu'en conséquence, la
chambre du conseil, au détriment même de sa dignité, ne serait
qu'une chambre d'homologation qui enregistrerait purement et
simplement l'opinion d'un autre.
Je ne partage pas du tout cette manièrede voir, je la trouve
profondément erronée. Je reconnais qu'en fait, dans la plupart
des cas, la chambre du conseil se contentera, après avoir examiné
es pièces, et lu notamment le rapport détaillé qui lui aura été
fait sur le caractère et les phases de la maladie de l'individu dont
il s'agit, se contentera d'ordonner purement et simplement le
placement définitif de l'aliéné. Je le concède très volontiers. Mais,
s'il arrive que le rapport du médecin soit contesté, quelquefois
contredit par d'autres rapports, si on est en présence d'un cas
douteux et difficile, comme cela arrive souvent, si un membre
de la famille ou l'individu qu'on prétend être aliéné se présente,
se défend, conteste les avis émis par les différents médecins, alors
la garantie que. le prétendu aliéné trouve dans la chambre du
conseil est une garantie complète, absolue, et je dirai tout à fait
nécessaire ; car, enfin, messieurs, dans ce cas douteux, qui est-ce
qui peut trancher la question ?
Les médecins ne sont pas d'accord ; un médecin certifie que tel
Ik 6 lui» sénat.
individu doit être enfermé dans un asile d'aliénés, et le lende-
main un autte médecin déclare que l'aliénation n'est pas réelle.
Qui départagera ces médecins qui sont en contradiction ? Evi-
demment il faut une autorité et cette autorité sera précisément
la chambre du conseil. Cette considération^seule suffirait à justi-
fier l'innovation qui vous est proposée.
Ce n'est pas tout, messieurs. On a l'air de considérer la cham-
bre du conseil comme devant toujours et nécessairement ratifier
l'avis des médecins. Mais l'article 21 qui vous est proposé prévoit
précisément le cas où la chambre du conseil, se trouvant en pré-
sence d'un cas difficile, de contestations, de documents contra-
dictoires, et estimant qu'elle n'est pas suffisamment éclairée pour
statuer, déclare par un jugement motivé qu'elle surseoit à sa
décision pendant un délai qu'elle fixe dans le jugement.
Et alors la chambre du conseil se trouvant, par la nature et la
force même des choses, transformée en quelque sorte en un tri-
bunal jugeant sur une affaire d'interdiction, pourra ordonner
une expertise médico-légale. Elle pourra, par exemple, si les cer-
tificats des médecins ne lui paraissent pas décisifs, faire appel aux
inspecteurs généraux d'aliénés ; elle pourra s'adresser aux autori-
tés de la science. Et alors, véritablement, le rôle que la chambre
du conseil sera appelée à jouer dans ces circonstances, dans ces
cas difficiles qui ne seront pas très fréquents, je vous l'ac-
corde, mais qui se présenteront certainement le rôle de la
chambre du conseil sera très considérable et, en vérité, on ne peut
pas donner à une autre autorité qu'à l'autorité judiciaire le droit
de statuer sur des difficultés de cette nature.
M. Paris. Voulez-vous me permettre de vous demander qui
payera tous ces frais ? 2 '
M. DELSOL. L'assistance judiciaire, si c'est un indigent. Mainte-
nant, on nous dit que cette innovation n'est pas pratique, et l'on
s'empresse de nous citer un exemple qui revient toujours dans
cette discussion : l'exemple du département de la Seine.
On dit : Le département de la Seine a, par an, environ -3,600
aliénés; c'est, par conséquent, à peu près 10 aliénés par jour,
c'est-à-dire 10 jugements à rendre par la chambre du conseil par
jour pour les placements définitifs. Or, une pareille oeuvre, un
travail aussi gigantesque est absolument impossible dans la pra-
tique. Je ferai à cela deux réponses. Et d'abord, acceptons qu'il
v ait 10 jugements à rendre par jour. J'avoueque ces 10 jugements
ne m'effrayent pas le moins du monde pour la chambre du con-
seil. Nous avons, au tribunal civil de la Seine, d'autres chambres
où les magistrats, lorsqu'ils se trouvent en présence d'une besogne
plus considérable, ont l'habitude d'apporter plus d'activité dans
l'instruction et dans le jugement de ces affaires... -
SÉNAT. li 65
M. du. Gwnmc. 'uu ne connaissez pas bien les magistrats !
M. Delsol. Je puis citer, par exemple, les chambres correction-
nelles : combien de jugements rendent-elles par jour ? 20, 30, 40,
quelquefois davantage. Et cesjugements sont rendus dans des af-
tan'es où il y a un contradicteur, où il faut entendre les personnes,
où il faut entendre le prévenu, l'interroger ; il y a, de plus, les
conclusions du ministèie public. Par conséquent, ce sont des
affaires qui, par leur nature, demandent plus de temps que n'en
demanderont les affaires concernant les placements définitifs d'a-
liénés.
Eh bien, je vousdemande si ce fait ne répond pas complètement
à l'objection ? Eu effet, lorsqu'il s'agit du placement d'un aliéné,
il n'y a pas d'interrogatoire, il n'y a pas de conclusions autres
qu'un mot dit par le ministère public ; il n'y a ni débat ni con-
tradiction et, en conséquence, j'ai bien le droit de dire que le ju-
gement de ces affaires sera plus facile et plus prompt que le juge-
ment des affaires rendues en police correctionnelle.
M. Combe. Vous êtes en contradiction avec le rapport. C'est le
rapport qui dit qu'il faudra créer plusieurs chambres du conseil.
(Dénégations à gauche.)
M. Delsol. C'est une erreur complète. A cette réponse, que je
puise dans la pratique quotidienne du tribunal civil de la Seine,
j'en ajoute une autre : Votre commission a apporté un scrupule
extrême dans toutes les informations, dans tous les renseignements
qu'elle a cru devoir prendre pour vous proposer quelque chose
qui soit à la fois raisonnable, sensé et pratique. Aussi, lorsqu'il
s'est agi de cette question, nous avons appelé au sein de la com-
mission les deux hommes qui étaient le mieux en situation de
nous renseigner exactement, el sur la valeur de l'innovation con-
sidérée en elle-même, et sur sou caractère pratique, sur son appli-
cation devant le tribunal de la Seine; ces deux hommes étaient
M. le procureur de la Itépublique près le tribunal civil de la Seine
et le président du tribunal de première instance, M. Aubépin.
Nous les avons entendus successivement, et tous deux ont été
d'accord pour trouver notre innovation excellente au fond et eu
elle-même. L'honorable président du tribunal de première ins-
tance en particulier a employé ces expressions : « C'est là une
innovation très heureuse...» Et quand il s'est agi de l'application;
tous deux ont reconnu que cette application ne souffrirait pas de
difficultés sérieuses. La seule difficulté qui pouvait exister a.dis-
paru daus la rédaction nouvelle de votre commission. Il fallait,
d'après la première rédaction, que le procureur de la République
ou son substitut visitât l'aliéné dans le délai de trois jours ; nous
avions mis ensuite « huit jours ». 1 , '
Ces visites, en effet, devenaient impraticables; aussi y avons-
AncmSes, t. XVI. 30
466 SÉNAT.
nous renoncé pour leur substituer une visite beaucoup plus effi-
cace : c'est la visite du médecin inspecteur que vous avez créée. Eu
conséquence, le ministère public, qui a toujours le droit de visiter,
qui peut toujours faire venir la personne, qui peut toujours se
transporter dans l'établissement public ou privé, qui peut prendre
toutes les informations qu'il jugera convenable, mais qui n'e.-t
pas obligé défaire cette visite dans les trois ou dans les cinq jours de
la réception des pièces, le ministère public, dis-je, toutes les fois
qu'il n'apercevra pas un cas douteux, une difficulté particulière,
n'aura qu'à prendre ses réquisitions devant la chambre du cuit-
seil, et sa besogne est la plus simple du monde. Quant à la cham-
bre du conseil, éclairée par tous les documents qui sont passés
entre ses mains, elle n'aura qu'à rendre une décision qui, dans
la plupart des cas, ne lui demandera que quelques minutes d'exa-
men.
M. de Gavardie. Elle enregistrera la décision du médecin 1
M. Delsol. Si personne ne le conteste, et s'il résulte des cerli-
ficats des médecinsque l'individu est aliéné, s'il n'y a aucun doute,
oui, évidemment. C'est absolument comme dans toutes les exper-
tises. Quand l'expert a parlé, si le tribunal n'a pas de doute sur
la sincérité du rapport de l'expert et sur la vérité de ses conclu-
sions, le tribunal entérine purement et simplement son rapport.
Il fera ici la même chose.
Je crois avoir répondu, messieurs, au nom de la commission,
à toutes les objections graves, sérieuses, qui ont été présentées à
cette tribune. Comme vous le voyez, l'innovation qui consiste à faire
intervenir dans tous les cas la chambre du conseil, est due à l'opi-
nion publique d'abord, au projet du Gouvernement ensuite. La
commission elle-même n'a rien innové; elle ne fait que vous recom-
mander l'adoption de cette mesure. (Très bien ! très bien ! )Quant
à l'exécution même de cette mesure, quant à la possibilité de
l'appliquer, je vous ai, ce me semble, donné tous les renseigne-
ments nécessaires. Soyez-en convaincus, l'innovation que vous
aurez ainsi volée et adoptée sera une innovation aussi heureuse
en elle-même que facile à mettre en oeuvre dans la pratique or-
dinaire. (Marques nombreuses d'approbation.)
M. de Gavardie. Je demande la parole. (Exclamations à gauche.)
- La clôture ! la clôture 1
M. LE Président. La parole est à M. de Gavardie contre la clô-
ture.
M. de Gavardie. Messieurs, je vous supplie de ne pas clore une
discussion de cette importance... (Bruit et interruptions.)
M. le Président. Je vous prie, messieurs, de laisser M. de Gavar-
die s'expliquer sur la question de clôture.
SÉNAT. 4G7
M. Di.(j\\AHDOE. Je vous remercie, monsieur le président. Il est
évident, messieurs, qu'il faut répondre aux observations présen-
tées par l'honorable commissaire du Gouvernement et par l'ho-
norable M. Delsol. Ils exercent tous deux une légitime influence
auprès de vous, et il faut pouvoir réfuter des arguments qui
n'ont encore été suivis d'aucune réponse. Celle réponse, si vous
voulez bien l'écouter avec bienveillance, sera, je crois, décisive.
Voix nombreuses. La clôture ! la clôture !
M. de Gavardie. A quoi servira la clôture ? (Exclamations à
gauche.) On reprendra en seconde lecture, et plus longuement
encore, cette discussion : voilà tout. Vous ne faites qu'ajourner la
discussion, alors que vous avez le temps...
M. le Président. Avez-vous terminé vos considérations sur la
clôture ?
M. de Gavardie. A peu près, monsieur le président.
M. le Président. Je consulte le Sénat sur la clôture. (La clôture
est prononcée.)
M. le Président. Je mets aux voix l'amendement de M. Combes
et de ses collègues ; cet amendement consiste à remplacer le pa-
ragraphes de l'article 20 par la disposition suivante : «Dans la
quinzaine du placement provisoire de l'aliéné, le médecin inspec-
teur statuera définitivement sur son maintien dans l'asile ou sur
sa sortie. »
M. de Gavardie. Je demande la parole sur la proposition de la
question. (Nouvelles exclamations à gauche.)
M. le Président. La parole est à M. de Gavardie sur la proposi-
tion de la question.
M. de Gavardie. Messieurs, ne croyez pas que je veuille employer
un moyen détourné d'obstruction : fias le moins du monde : Vous
allez voir combien la position est délicate.
Le système de l'honorable M. Combes, soutenu d'une façon si
probante et si spirituelle, à mon avis, par l'honorable M. Testelin,
est la contre-partie et la contre-partie trop énergique, si je
puis m'exprimer ainsi du système de la commission . Entre ces
deux opinions, il y a un moyen terme, et si l'honorable M. Combes
voulait changer deux mots seulement à son amendement, je crois
que la question pourrait être posée d'une manière plus nette et
plus simple.
L'honorableM. Combes, dans son amendement, dit que le mé-
decin « statuera». Ce mot semble impliquer une décision. Nous,-
et je crois que c'est, au fond, l'avis de l'honorable M. Testelin
nous parlons d'un avis du médecin. Ce ne sera donc qu'un avis,
mais un avis qui, lorsqu'il se trouvera conforme à l'avis du mé-
468 SÉNAT.
decindetasite, aura une portée que n'auront pas les vaines in-
vestigations de pure forme avec les inconvénients de la publicité de
la chambre du conseil.
Voilà comment la question doit être posée. Et remarquez, mes-
sieurs, que si on ne la pose pas bien, les votes ne peuvent pas
intervenir d'une manière intelligente...
M. le Président. C'est un sous-amendement que vous proposez,
'monsieur de Gavardie; ce n'est pas du tout une interprétation
telle que je la pose, de la question
M. de Gavardie. Mais, monsieur le président, je prie M. Combes
de vouloir bien s'expliquer sur ce point : a-t-il entendu parler
d'une décision proprement dite ?
M. BARDOUX, Parfaitement.
M. DE Gavardie. Oh ! mais ce n'est pas vous.
M. le Président. Mais enfin, monsieur de Gavardie, on ne peut
pas interpeller ainsi ses collègues. Vous avez le droit de faire un
sous-amendement et de dire que je ne pose pas bien la question ;
vous ne pouvez pas interpeller vos collègues sur leurs intentions.
Ils ont déposé un amendement ; combattez-le ou votez-le, ou
amendez-le.
M. de Gavardie. Eh bien, je sous-amende. (Rires.) Le médecin
n'émettra qu'un simple avis.
M. LE Président. Vous avez entendu, messieurs, la proposition
de M. de GAVÀRDIE, qui consiste à rédiger ainsi, par voie de sous-
amendement, la proposition de M. Combes..« Dans la quinzaine
du placement provisoire de l'aliéné, le médecin inspecteur émettra
un avis sur le maintien dans l'asile ou sur la sortie. » Je mets
aux voix cette proposition. (Le sous-amendement, mis aux voix,
n'est pas adopté.)
M. LE Présibent. Je consulte le Sénat sur l'amendement de
M. Combes. (L'amendement, mis aux voix, n'est pas adopté.)
M. le Président. Nous arrivons alors à la disposition proposée
par la commission. Elle est ainsi conçue : » Dans les cinq jours de
la réception de ces pièces, le médecin inspecteur doit visiter la
personne placée. « Je consulte le Sénat. (L'épreuve a lieu.)
M. de GAVARDIE. Je demande qu'on mette... (Exclamations à
gauche.)
M. LE Président. Monsieur de Gavardie, le vote est commencé,
je ne puis pas vous donner la parole.
M. de Gavardie . Il y a surprise !
M. LE PrésIdent. Monsieur, je ne vous permettrai pas de pro-
noncer une pareille parole. Il n'y a pas de surprise ; je me suis
assez clairement expliqué. Tant pis pour vous si vous ne deman-
dez pas la parole en temps utile ! 1
SÉNAT. 469
M. DE Gavardie. Il n'y arien de blessant dans ce que je dis !
M. le Président. Vous n'avez pas la parole, monsieur de Gavardie.
M. de Gavardie. Oh ! vous êtes plus impatient que moi, mon-
sieur le président. (Exclamations et rires à gauche.)
M. le Président. C'est le règlement, ce n'est pas moi. Je con-
tinue l'épreuve commencée sur le 3= paragraphe. (La contre-
épreuve a lieu. Le 3° paragraphe est adopté.)
M. Le Président. Je mets aux voix le 4e et dernier paragraphe :
« Quinze jours après ce placement, il est adressé au préfet et au
procureur de la République un nouveau certificat circonstancié
du médecin de l'établissement. » (Le 4° paragraphe est adopté.)
M. le Président. Je mets aux voix maintenant l'ensemble de
l'article 20.
M. de Gavardie. Je fais remarquer que j'aurais le droit de pren-
dre la parole sur l'ensemble de l'article. J'y renonce.
M. le Président. Voulez-vous la parole, monsieur de Gavardie ?
Je suis prêt à vous la donner.
M. de G%VATIDIE. 1\'On ! non ! On dirait encore que je fais de
l'obstruction ! (Rires.)
M. LE Président. Je consulte le Sénat.
L'ensemble de l'article 20, mis aux voix, est adopté.)
M. le Président. Article 21.
Sur quelques bancs. A lundi !
M. Delsol. Cet article se confond avec celui que l'on vient de
discuter, on peut le voter immédiatement.
M. le Président. Messieurs, l'article 21 est, en effet, une consé-
quence logique et forcée de celui que le Sénat vient d'adopter.
M. de GvARDrie. Oh ! il donnera encore lieu à un débat.
M. le Président. Vous aurez la parole si vous la demandez,
monsieur de Gavardie ; il est à peine cinq heures.
M. de Gavardie. 11 vaudrait mieux renvoyer la discussion et
nous donner ainsi le temps de réfléchir !
M. le Président. Vous ne dirigez pas les débats, monsieur de
Gavardie Je consulte le Sénat sur le renvoi de la discussion à une
prochaine séance. (Le Sénat, consulté, décide que la discussion
continue.)
M. LE Président. Je donne lecture de l'article 21 : « Art. 21.
Aussitôt après les formalités prescrites à l'article précédent,
e procureur de la République adresse ses réquisitions écrites, avec
es rapports médicaux de vingt-quatre heures et de quinzaine
et l'avis du médecin inspecteur au tribunal de l'arrondissement
où l'établissement est situé. Le tribunal statue d'urgence, en
470 O SÉNAT.
chambre du conseil, sur la maintenue ou la sortie delà personne
placée. La décision de la chambre du conseil est notifiée sur-le-
rhamp au préfet et au chef responsable de l'établissement. Cette
notification doit avoir lieu dans les vingt jours à partir du place-
ment provisoire, moins que la chambre du conseil, estimatif
qu'elle n'est pas suffisamment éclairée pour statuer, ne déclare,
par un jugement motivé, qu'elle surseoit à sa décision pendant un
délai qu'elle fixe dans ledit jugement. »
M. Bozérian. Je demande à poser une question à la commission.
La décision rendue en chambre du conseil sera-t-elle suscep-
tible d'appel ?
M. DELSOL. Il y a plus loin un article qui statue sur cette ques-
tion-là.
M. le Président. Quelqu'un deutaudo-t-il la parole sur l'article
31 ? ` !
M. de Gavardie. Je demande la parole.
M. le Président. La parole est à M. de Gavardie.
M. de Gavardie. Messieurs, je ne reprendrai pas la discussion
sous une forme détournée ; cela en vaudrait cependant la peine ;
mais je voudrais adresser à mon tour une question à la commis-
sion. « Le tribunal statue d'urgence, en chambre du conseil, sur
la maintenue ou la sortie de la personne placée... » dit l'article.
- Statue d'urgence » : remarquez déjà les inconvénients de celle
déclaration d'urgence. Elle est forcée, je le reconnais; mais voilà
un tribunal qui est composé de trois juges, qui n'a qu'un seul
chef, qu'un seul membre du parquet, et un grand nombre se
trouvent dans ce cas aujourd'hui, voilà un tribunal qui, écar-
tant les affaires d'une urgence également considérable, sera
obligé de statuer d'urgence sur la question maintenue ou de sortie
des aliénés.
Voilà un chef de parquet qui est appelé à faire un transport
judiciaire ; le tribunal n'a pas de membre du parquet, il y a des
tribunaux où il n'y a pas de juge suppléant; on prend un avocat.
Mon Dieu ! je ne veux pas médire des avocats ; mais croyez-vous
qu'ils soient, la plupart du temps, bien préparés à remplacer le
ministère public dans des questions de cette gravité ? Evidemment
non. Voilà déjà un des inconvénients de cette urgence. Maintenant,
l'honorable M. Delsol disait lui-même tout à l'heure que les
chambres du conseil et leur travail sera, par cela même,
ajoutait-il, moins considérable statueront seulement sur la
question d'entrée et non pas sur la question de sortie. (Dénéga-
tions à gauche.) Vous n'avez pas retranché cela ! Je voudrais bien
avoir là-dessus l'avis autorisé de M. le commissaire du Gouverne-
ment.
Je voudrais qu'il nous d11, s'il ne recule pas devant les inconvé-
sénat. 47'1
nients de cette multiplicité de jugements rendus. Sur la question
d'entrée, encore peut-on dire, jusqu'à un certain point, que la
liberté individuelle peut avoir quelques craintes, quelques risques
à courir; mais pour la sortie, lorsque la multiplicité d'agents qui
surveilleront aura pu s'exercer, vous n'aurez plus aucune espèce
de craintes à avoir au sujet de la liberté individuelle. Vous restez
donc en face de celte masse effrayante" d'entrées et de sorties.
M. DEllOLE, garde des sceaux, ministre de la justice. Il n'y a
pas de jugement de sortie. Lisez l'article 27.
M. le Rapporteur. C'est le même jugement...
111. le Président. N'interrompez pas, monsieur le rapporteur,
je vous en prie.
M. DE Gavardie. L'article dit : « Jugement sur la maintenue et
la sortie. » Mais, si vous l'entendez comme cela, je suis bien aise
de votre interruption, et là je vous prends ! (Rires.) Vous voulez...
Véritablement, messieurs, on a besoin de se contenir (Nouveaux
rires) dans des circonstances comme celles-là, quand on voit des
hommes graves venir émettre celte prétention exorbitante que
ce sera le même'jugement entendez bien cela. Les races
futures ne le croiront peut-être pas ! ... (Hilarité.) Mais... non,
messieurs que ce sera, dis-je, le même jugement qui statuera
sur la question d'entrée et de sortie ! 1
M. Munier. Si l'individu n'est pas maintenu, il sortira ! Ce sera
l'un ou l'autre. Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée ! 1
M. LACOMXE. Il sera maintenu s'il ne sort pas; c'est le même
jugement qui statue !
M. de Gavardie. Comment ! mon cher collègue, vous qui faites
preuve... (Interruptions.)
M. le Présidnet. Je vous en prie, messieurs, n'interrompez pas
l'orateur. Vous n'arriverez'pas à le convaincre... (Rire général)
surtout par des interruptions.
M. DE Gavardie Ah ! par des interruptions, à la bonne heure !
Mon cher collègue, ayez la bonté de suivre un peu mon raisonne-
ment. J'ai une grande déférence pour votre opinion, mais vous
me troublez un peu par votre interruption ; je croyais que vous
étiez absolument de mon avis. (Nouveaux rires.) Ayez donc la
bonté de suivre mon raisonnement. Vous dites que c'est le même
jugement qui statuera il faut que je relise les termes de la
disposition a ... sur la maintenue ou la sortie ». Sur la main-
tenue, jusqu'à un certain point, je le comprends, car enfin on
n'amènera pas devant le tribunal un homme -qui n'aura pas
donné des signes d'aliénation mentale, évidemment; mais com-
ment voulez-vous que, séance tenaille, on statue sur un simple
interrogatoire ? J'en ai vu, et je sais ce que c'est. Quant aux inouï-
472 1-) SÉNAT.
bres de la commission, ils n'ont jamais assisté à un interrogatoire
judiciaire; aucun d'eux, pas même l'honorable M. Delsol, qui est
un excellent professeur de droit, mais qui ne sait pas ce que c'est
qu'un interrogatoire judiciaire... (Hilarité.)
M. DELSOL. Vous vous trompez à la fois, mon cher collègue, et
sur ma profession et sur mes connaissances pratiques.
M. le Président. Ce n'est pas la première fois, monsieur Delsol.
(Nouveaux rires.) Continuez, monsieur Gavardie.
M. de Gavardie. Vous savez, monsieur Delsol, combien j'ai d'es-
time pour vous...
M. DELSOL. J'en suis très honoré.
M. DE Gavardie... Mais vous n'êtes pas ce qu'on appelle un
homme pratique (Hilarité générale)... au point de vue judiciaire.
M. Emile LENOFL. Qu'a-t-il donc fait pendant vingt ans à la
barre ?
M. le Président. Monsieur de Gavardie, cessez ces colloques de
collègue à collègue. Cela n'a rien à voir avec le débat.
M. de Gavardie. Il n'y a pas grand inconvénient...
M. le Président. Vous faites perdre son temps au Sénat, cela
est suffisant. (Très bien ! à gauche.)
M. de Gavardie. Je suis fâché que vous le preniez comme cela,
monsieur le président. (Rires.) Car enfin, s'il est permis à un pré-
sident d'intervenir, je ne tolérerai jamais des interventions de ce
genre... (Protestations et interruptions àgauche.) On prétend que
c'est moi qui donne naissance aux conflits. Si je pouvais rappeler
les précédents, je démontrerais que jamais la première responsa-
Liiité n'est venue de moi. Il me serait facile de le prouver, vous
vouliez me donner le temps de le faire... (Dénégations et rires sur
les mêmes bancs.,)
M. le Président. Revenons à la discussion de l'article 21 , je vous
prie, monsieur de Gavardie.
M. de Gavardie. Je continue ma discussion et je vous remercie,
monsieurle président, de comprendre que je suis absolument dans
l'exercice de mes droits et de mon devoir. Je dis, messieurs, que
vous devez être éclairés par l'impossibilité matérielle et morale
de statuer, dans une même séance et par un même jugement, sur
une question de maintenue ou de sortie.
M. Munier. Mais c'est l'un ou l'autre, on maintiendra ou on fera
sortir, cela est clair !
Sur plusieurs bancs. C'est évident !
M. le Président. Messieurs, je vous en conjure encore une fois,
n'interrompez pas, vous prolongez inutilement le débat.
sénat. 473 3
111. DE Gavardie. J'ai commencé à vous expliquer que le tribunal
n'aura, dans la plupart des cas, aucun élément d'appréciation
pour savoir s'il peut prendre cette décision dangereuse de remettre
hic et nunc, en libellé un homme qui va peut-être, en sortant du
tribunal, commettre un crune ou un délit. Jamais un tribunal
n'osera, dans une même séance, prendre une détermination de ce
genre, et voilà pourquoi l'honorable M. Delsol disait c'est le
bon sens qui lui arrachait cette concession à l'opinion que je
défends -que le tribunal n'interviendrait que pour la maintenue,
mais qu'il n'interviendrait pas à ce moment-là pour la sortie. z
M. Munier. Vous faites une confusion perpétuelle ! Encore une
fois, si l'individu n'est pas maintenu, il faut qu'il sorte, il n'y a
pas d'autre alternative ! (C'est cela ! Très bien ! à gauche.)
M. le Président. Si vous persistez à interrompre, messieurs, je
serai obligé de recourir au rappel à l'ordre.
M. de Gavardie. Je ne suis pas bien compris; évidemment, je
m'explique mal, mais vous concevez qu'avec ces interruptions on
est exposé à s'exprimer imparfaitement, fatigué surtout comme
je le suis. Je dis quelle tribunal n'aura pas entre les mains les
éléments d'appréciation nécessaires pour ordonner la mise en
liberté, voilà ce que je dis, et vous aurez cette multiplicité de
jugements que je redoute et sur laquelle l'honorable M. Combes
et l'honorable M. Testelin se sont exprimés si énergiquement.
Voilà, messieurs, les inconvénients que présente cet article, et
c'est pour cela que je vous demande de vouloir bien ordonner son
renvoi à la commission pour qu'elle puisse aviser. (Aux voix ! aux
voix ! )
M, le Président M. de Gavardie demande le renvoi de l'article à
la commission. Je consulte le Sénat sur cette proposition. ( Le ren-
voi à la commission n'est pas ordonné.)
M. Lacombe. Je demande la parole.
M. le Président. La parole est à M. Lacombe.
M. Lacombe. Messieurs, ce n'est pas du tout dans l'intention de
me placer au même point de vue que l'orateur qui descend de la
tribune que j'ai demandé la parole.
Je me bâte, de plus, de dire que je n'ai pas l'intention d'infliger
au Sénat un discours, ni même de lui apporter un amendement.
Mais, j'eslime que la rédaction de l'article 21 appelle quelques
observations, et je crois utile de les soumettre à la commission,
pour que, dans l'intervalle qui s'écoulera entre la ira et la 2e dé-
libération, elle voie ce qu'elles peuvent avoir de fondé.
L'article 21 organise la compétence de la chambre du conseil.
Il veut- etje suis d'accord avec lui que la chambre du conseil
ait à statuer sur les cas d'internement dans les asiles d'aliénés.
474 -Ik SÉNAT.
Sans doule, on aurait pu faire une objection autre que celle faite
par l'honorable M. Combes dans son amendement. On aurait pu
dire : Mais enfin, y a-t-il une grande utilité à ce que le tribunal
statue, même lorsqu'il n'y a pas de contestation portée devant lui ?
M. de Gavardie. Tout est là ! 1
M. Lacombe. On aurait donc pu dire : Dans le cas où il n'y a pas
de contestation, le jugement que vous prévoyez ne sera qu'un
jugement d'homologation. Y a-t-il grand intérêt à ce que ce juge-
ment d'homologation soit rendu ? C'était une question, et cette
question pourra encore être soulevée au moment de la 2e délibé-
ration ; mais ce n'est pas celle sur laquelle je veux rappeler en ce
moment, d'une manière spéciale, l'attention de la commission.
Je me place dans l'hypothèse d'une contestation, et j'admets
que la chambre du conseil doive statuer. Il me semble que la
commission, en prévoyant cette jurisprudence spéciale, ne l'a pas
organisée d'une manière complète. Il faut que l'instance qui se
déroulera devant le tribunal et qui portera sur les intérêts les plus
importants des justiciables, soit sérieuse, et, pour qu'elle le soit,
on doit, dans la mesure du possible, faire appel à la contradiction.
Or. qui pourra jouer le rôle de contradicteur devant la chambre
du conseil ? On me répondra peut-être : Celui qui voudra. Je dis
que la réponse ne serait pas satisfaisante. 11 faut appeler expres-
sément devant le tribunal les personnes auxquelles revient de
droit le rôle de contradicteur. Il y a une personne immédiatement
désignée, c'est celle dont l'internement est demandé et dont les
rédacteurs du projet de loi ont voulu protéger la liberté indivi-
duelle. Vous ne pouvez pas, selon moi, décider une question de
cette nature sans appeler l'intéressé devant la chambre du conseil.
C'est ce que le projet de loi n'a pas prévu. Et cependant, il n'y
avait pas d'hostilité systématique dans la commission contie ce
système; car, dans un article ultérieur, s'occupant de la manière
dont le malade détenu dans une maison d'aliénés devra être tra-
duit devant les tribunaux, elle a décidé qu'il serait assigné en la
personne de son administrateur provisoire, sauf pour le cas d'urler-
diction, car, dans ce cas, il devra en outre être remis à l'aliéné
lui-même une assignation personnelle.
Il me semble que si vous appelez ainsi l'aliéné lui-même, per-
sonnellement, à être partie dans le jugement qui doit prononcer
sur son interdiction, vous devez, au même degré et par les mêmes
motifs, sinon par des motifs plus graves encore, l'appeler à figurer
contradictoirement dans un jugement statuant sur son interne-
ment dans une maison d'aliénés. Ce jugement, il est vrai, ne sta-
tuera pas sur l'interdiction pioprement dite, mais il aura à peu
près les mêmes effets et il privera celui qui en sera l'objet de la
capacité civile à peu près de la même manière.
SENAT. k 1 O
M. de Gavardie. C'est forcé ! 1
M. Lacombe. Il serait donc nécessaire, selon moi, que l'article
21 disposât que l'aliéné sera appelé à intervenir devant la chambre
du conseil et à y présenter ses moyens de défense. Je voudrais,
de plus, qu'on admit à intervenir devant cette juridiction toutes
les personnes auxquelles la loi civile donne le droit de provoquer
l'interdiction d'un membre de la famille. Ici, il ne s'agit plus
d'assigner un contradicteur devant le tribunal, mais de lui réserver
simplement le droit d'intervenir. Le législateur a, en effet, compris
que les instances en interdiction ne pouvaient pas être soumises
aux règles habituelles des autres instances portées devant les
tribunaux, et il a admis que les parents de la personne qu'il s'agit
d'interdir pourraient toujours demander l'interdiction.
S'ils peuvent provoquer cette mesure, à plus forte raison peu-
vent-ils intervenir dans une instance en interdiction engagée soit
par un tiers, soit par le procureur de la République, auquel la loi
reconnaît le droit de la provoquer en certain cas. Il me semble,
par conséquent, nécessaire que le projet en discussion autorise,
d'une manière expresse; les parents de l'aliéné à intervenir.
M. Munikr. C'est le droit commun !
M. Lacombe. Non, mon cher collègue, ce n'est pas le droit com-
mun. Si vous consultez les jurisconsultes qui siègent dans cette
assemblée, je crois qu'ils seront unanimes à vous dire que ce n'est
pas le droit commun, et qu'une disposition formelle est nécessaire,
parce que ceux qu'il s'agit d'autoriser à intervenir ne sont ni par-
ties dans l'instance, ni personnellement intéressés. En tout cas,
il vaudrait mieux insérer dans la loi une disposition inutile que
d'en omettre une essentielle.
On me dira peut-être qu'au lieu d'inscrire dans l'article 21
diverses dispositions de détail comme celles que je réclame, il serait
plus simple de déclarer que les règles de la procédure en inter-
diction seront applicables au cas prévu dans cet article ; si la
commission consent à ce changement, elle donnera satisfaction,
d'une manière complète, aux observations que je viens de pré-
senter.
M. DELSOL, membre de la commission. Je demande la parole.
M. le Président. La parole est à M. Delsol.
M. DELSOL,. Messieurs, la commission pensait avoir rédigé l'ar-
ticle 21 dans des termes assez larges pour donner satisfaction aux
préoccupations que mon honorable collègue et ami M. Lacombe
vient d'apporter à cette tribune. Notre pensée, quia été parfaite-
ment conforme au déir qui nous a été exprimé par le président
du tribunal civil, lorsqu'il a bien voulu venir dans la commission,
notre pensée, dis-je, a été que la chambre du conseil aurait toute
476 6 sénat.
latitude pour prendre toutes les informations qu'elle jugerait
nécessaires, afin de statuer en connaissance de cause sur l'état
mental de l'aliéné ou prétendu tel;qu'elle pourrait, en conséqence
le faire comparaître ou, si cette comparution présentait des incon-
vénients, le faire itiletrogei- par un juge, dans rétablissement
public ou privé où il-se trouvait ; qu'elle pourrait demander des
renseignements à sa famille, notamment sur le but visé par la
personne qui demande le placement de l'aliéné, sur la moralité
de ce placement même. La chambre du conseil, dans notre inten-
tion, aurait la fncullé de demander tous ces ienseignemenls, et
de les demander à qui elle voudrait.
M. de Gawrdie. Ce n'est donc pas aussi simple que vous le di-
siez !
M. DELSOL. Si toutefois on craint qu'il ne se produise quelques
difficultés d'application, notamment en ce qui concerne l'inter-
vention des parents qui viendraient prendre fait et cause pour le
prétendu aliéné, la commission est disposée à accueillir un amen-
dement qui serait rédigé en vue de parer à ces difficultés par
notre honorable collègue, et à la seconde lecture elle proposerait
à l'approbation du Sénat une rédaction modifiée qui donnerait
satisfaction à M. Lacombe.
M. 1,ACOMBE. En présence des explications qui viennent d'être
données, je me déclare satisfait, et d'ici à la 2° délibération je
présenlerai en amendement en ce sens qui sera, je l'espère, ac-
cepté par la commission, ainsi que l'honorable M. Delsol vient de
le déclarer en son nom.
M. DE Gavardie, de sa place. Je tiens à faire remarquer qu'il ne
peut pas dépendre de la volonté d'un tribunal de confirmer une
mesure qui doit toucher la personne et les biens, car c'est là
votre prétention, de prendre une décision quelconque en une
matière si grave, sans que l'intérressé soit présent ou représenté.
On ne peut pas laisser un tribunal juge de la question de savoir si
l'individu prétendu aliéné comparaîtra on ne comparaîtra pas.
M. le Président. Vous revenez au texte de l'amendement de
M. Lacombe, et M. Lacombe a reçu satisfaction, puisque la com-
mission déclare qu'elle examinera sa proposition entre la l le et
la 2° délibération.
M. DE Gavardie. Mais non, monsieur le président.
M. LE Président. Si vous voulez prendre la parole, montez 1 la
tribune, monsieur de Gavardie.
La parole est à M. de Gavardie.
M. de Gavardie. Voici la déclaration qui a été faite par l'hono-
rable M. Delsol. Le tribunal, quand il le croira nécessaire, fera
comparaître le prétendu aliéné. Or, fous les tribunaux du monde,
SENAT. ? 1 -1
lorsqu'ils ont à rendre une décision intéressant la liberté et les
biens d'une personne, tous les liibunaux du monde, dis-je, déci-
dent que si celle personne, en raison de circonstances paili-
culières, ne peut pas comparaître, elle sera représentée par un
avocat. C'est tellement vrai, qu'on nomme, dans certaines cir-
constances, des avocats d'office. S'il n'y avait pas d'avocat pour
représenter l'aliéné, il faudrait que le tribunal en nommât un
d'office ; voilà la vérité judiciaire, voilà la vérité légale, que la
commission foule aux pieds...
M. Delsol. Ce que vous dites est exact en matière criminelle.
M. Il n'y a pas toujours d'avocat en chambre .du cou-
seil.
M. de Gavardie. Vous dites, mon cher collègue, qu'il n'y a pas
toujours d'avocat en chambre du conseil. Mais, c'e.-t parce qu'il
ne s'y agite pas toujours des questions aussi graves que celle-là.
D'ailleurs, un avocat a toujours le droit de se présenter à la
chambre du conseil, vous le savez bien. Permettez-moi, pour le
démontrer, cette petite anecdote. (Murmures à gauche.)
Un sénateur à droite. Nous écoutons.
M. de Gavardie. Un jour, les membres d'un tribunal se chauf-
faient à la chambre du conseil : survient un avocat ; les magis-
trats ne se dérangent pas. Alors, l'avocat leur dit : Messieurs, je
suis appelé à parler par devant le tribunal, et non par derrière.
(Rires.) Je rappelle cette anecdote pour vous prouver que les avo-
cats ont le droit d'entrer à la chambre du conseil. (Bruit et inter-
ruptions à gauche.) Monsieur le président, vous entendez ? ... Il
faut que je sois bien calme ! ...
M. le Président. Je n'ai rien entendu.
M. de Gavardie. Pour moi, j'ai l'oreille fine. Mais c'est toujours
comme cela, et toujours du même côté, remarquez-le bien. De
ce côté (L'orateur désigne la droite), jamais ; au centre... presque
jamais (Hilarité); mais là... (L'orateur montre la gauche), perpé-
tuellement.
Un sénateur à gauche. C'est à l'état chronique.
M. de Gavardie. A l'état chronique ? ... J'allais dire une méchan-
ceté ; mais j'en ai dit assez, et je la retiens. (Sourires.) Je reviens
à la question, qui me parait extrêmement grave. Voyez, mes-
sieurs, l'inconvénient de toucher à celte loi de 1838, dont l'hono-
rable M. Testelin faisait un magnifique éloge, un éloge si juste t
Vous allez sacrifier la liberté individuelle que vous voulez proté-
ger. Vous organisez un semblant de justice ; ce sera pour la forme
qu'on se présentera devant la chambre du conseil. Mais vous serez
arrivés à cette barbarie, - lion seulement par les débats inévi-
tables qui auront lieu à la chambre du conseil et qui passeront
478 S sénat.
quelquefois par la fenêtre, mais aussi par la nécessité de l'eure-
gistrement de toute décision judiciaire, à cette barbarie, dis-
je, de'mettre et de laisser les secrets de famille entre les mains
des petits expéditionnaires ! Voilà ce que vous faites ! Eh bien,
en présence de pareils inconvénients, alors que M. le commissaire
du Gouvernement vous disait que jamais et c'est vrai un
abus ne s'était produit, je ne comprends pas que des hommes
sensés, sérieux, viennent bouleverser une législation éprouvée par
une expérience décisive, et trancher, au mépris des droits les
plus sacrés, des questions de cette gravité par des dispositions qui
tourneront même, la plupart du temps, contre les intérêts des
aliénés.
Savez-vous en effet quel précédent vous allez créer ? Lorsqu'il
s'agira et on est presque toujours obligé d'en venir là, à un
moment ou à un autre lorsqu'il s'agira de faire prononcer
l'interdiction, les magistrats devant lesquels la demande sera
portée se seront d'avance prononcés, et cela, à un moment où ils
ne le pouvaient réellement pas, au début de la maladie; car,
remarquez-le bien, c'est au début de la maladie que vous voulez
appliquer ce système monstrueux, alors que les magistrats sont
absolument incompétents ! Vous leur aurez fait prendre une déci-
sion qui pèsera, dans la suite, sur leurs résolutions, qui leur enlè-
vera la liberté définitive de leur jugement ! 1
Messieurs, plus j'examine la disposition proposée, et plus je
suis convaincu que c'est le bouleversement de toutes les garanties
de la liberté individuelle, le sacrifice complet de l'intérêt des
familles et de leurs biens, dont vous prétendez vous préoccuper. En
vérité, je necomprendrais pas que le désir de précipiter vos délibé-
rations vous empêchât de renvoyer un pareil article à la coni-
M. ROGEI2-iIItVAISE. Messieurs, je voudrais appeler l'attention
du Sénat et celle de la commission sur la rédaction même de
l'article en discussion, en priant la commission de n'apporter à
cette rédaction aucune modification, et de ne pas accueillir sur-
tout les observations qui ont été présentés, il y a un instant, par
l'honorable M. Lacombe. Voici pourquoi : Je crois que dans la
discussion qui a eu lieu devant le Sénat à l'occasion de cet article 21,
on a considérablement amplifié la portée de cette disposition
et qu'on a perdu un peu de vue le rôle qu'est appelé à jouer le
tribunal en pareille circonstance. A mon sens, la garantie que
l'on demande à l'intervention de l'autorité judiciaire consiste
beaucoup moins dans l'appréciation de l'état mental de la per-
sonne en cause que des circonstances dans lesquelles l'aliéné ou
celui qu'on prétend aliéné entre dans un hospice. C'est l'appré-
ciation de ces circonstances qu'on a voulu lui.donner au tribunal,
afin de constituer une garantie réelle en faveur de cet aliéné, ou
sénat. 479 9
prétendu tel. Mais si vous faisiez iulerven,r à ce moment dans la
procédure l'intéressé aliéné lui-même, si vous l'appeliez devant t
le tribunal, est-ce que vous ne vous arrêteriez pas devant toutes
les difficultés en présence desquelles on se trouverait ? On vous
citait, notamment, que dans les départements de la Seine il y
avait 3,000 personnes qui peuvent être appelées à entrer dans un
hospice d'aliénés.
M. LE Rapporteur. Il y en a près de 4,000.
M. Roger-Mvrvaise. Voyez-vous, le tribunal obligé de faire venir
devant lui toutes ces personnes qui pourraient entrer dans un
hospice d'aliénés ?
M. L1COVBE. Je n'ai jamais demandé cela.
M. de Gavardie. Vous violez les principes, si vous ne le faites
pas.
M. Roger-Marvaise. Messieurs, je trouve que toute garantie est
donnée à l'aliéné dans un article ultérieur du projet, dans l'ar-
ticle 50, et c'est sur cet article que je voudrais appeler immédia-
tement attention du Sénat.Voici dans quels termes est, en effet,
conçu le premier paragraphe de cet article : « Toute personne
retenue dans un établissement d'aliénés ou toute autre personne
intéressée peuvent, à quelque époque que ce soit, se pourvoir
devant le tribunal du lieu où est situé l'établissement, qui, après
les vérifications nécessaires, ordonne, s'il y a lieu, la sortie im-
médiate. Il suffit, à cet effet, que le réclamant adresse une demande
sur papier libre au procureur de la République, qui doit, sans
retard ,en saisir la chambre du conseil. »
M. de Gavardie. Vous confondez deux des périodes ; il s'agit ici
du début...
M. LE Président. Monsieur do Gavardie, je vous prie de garder
le silence.
M. llocrn-llnvatse. Je ne confonds pas le moins du monde les
différentes périodes, je dis que, dans cette article 30, des
garanties, et des garanties sérieuses sont données à la personne
aliénée.
M. de Gavardie. Après coup !
M. Roger-Marvaise. Mais nous sommes à un moment où il faut
que le tribunal marche vite. Il doit statuer d'urgence : car c'est
une mesure, en quelque sorte d'administration que l'on sollicite de
lui. On lui demande, en effet, d'apprécier les circonstances dans
lesquelles l'internement provisoire doit être prononcé, et si vous
organisez tout un système de procédure, vous enrayez nécessaire-
ment le tribunal dans l'accompplisement de son devoir qui est,
avant tout, un devoir d'administration.
t80 SÉNAT.
Je mc roppcllc rl i';r nn eeiiain moment, il y a eu des arrestations
arbitraires qui ont fait beaucoup de bruit. Certaines personnes
dont on voulait se débarrasser ont été enfermées dans des asiles
d'aliénés. Le tribunal n'intervenant pas, on avait produit tout
simplement un certificat de médecin; les personnes avaient
disparu et étaient restées enfermées pendant un certain temps
dans des hospices d'aliénés. Est-ce que vous croyez que ces
arrestations auraient été possibles avec l'intervention du tribunal ?
Est-ce que cette intervention n'est pas une garantie sérieuse pour
la personne que l'on prétend enfermer comme aliénée ? La
mission du tribunal, en pareille circonstance, ne consiste pas
tant à apprécier l'état mental de la personne que les circonstances
dans lesquelles l'internement provisoire est airectué, C'est pour
cela que, quant à moi, je me contente absolument du texte de la
commission et que je la prie de ne pas organiser tout un système
de procédure qui ne ferait, je le répète, qu'enrayer le tribunal
. dans l'accomplissement de la mission qui lui est confiée. (Très
bien ! très bien ! )'
M. de Gavardie. Je prie le Sénat de retenir un mot qui est la
condamnation du système de la commission. L'honorable
M. Roger-Marvaise, qui est un esprit pratique, vous a dit : « Le
tribunal prendra une mesure d'administration ! » C'est monstreux !
Cela suffit pour montrer ce que vaut la proposition de la
cornmssiou. Elle est jüâée !
M. LE Président. Personne ne demande plus la parole sur
l'article 21 ? ... Je consulte le Sénat. (L'article 21, mis aux voix,
est adopté.)
M. LE Président. Nous avions ' réservé un amendement de
M. Bardoux sur l'article Il ; mais je crois que complète satis-
faction lui est donnée par le vote de l'article 21.
M. le Rapporteur. M. Bardoux n'est pas présent en ce moment;
mais, comme vient de le dire M. le président, la commission lui
a donné satisfaction.
Voix nombreuses. A lundi !
M. le Président. On demande le renvoi de la discussion. (Oui !
oui ! ) Il n'y a pas d'opposition ? ... La suite dé la discussion est
renvoyée à la prochaine séance.
BIBLIOGRAPHIE
Xi. Considérations sur les épilepsies particulières;
par M. Bigorre. Th., Paris, 1887.
Il s'agit dans ce travail d'un résumé succinct et incomplet des
connaissances actuelles sur l'épilepsie partielle. Il s'y trouve ce-
pendant quelques observations assez intéressantes. Je note à ce
point de vue deux cas d'ataxie locomotrice au cours desquels sont
survenues des convulsions jaksonniennes. Malheureusement,
quoique la terminaison ait été fatale, il n'est pas question d'au-
topsie, en sorte que les hypothèses de l'auteur concernant la pa-
thogénie des attaques n'offrent qu'une valeur discutable. P. B.
XV. Contribution à l'élude des troubles médullaires chez les cithéi,o-
. rnateux; par M. Copin. Th., Paris, 1887.
L'auteur essaye la différenciation des diverses affections con-
fondues à tort, à son avis, en anatomie pathologique et en cli-
nique sous le nom de moelle sénile, et étudie en particulier la
myélite dépendant de l'artério-sclérose. Contrairement à l'opinion
de M. Démange, M. Copin n'admet pas que l'artério-sclérose soit
fonction de sénilité ; cette lésion n'existe pas dans tous les cas, et
quand elle apparaît', est d'ordre irritatif.
Il y a donc heu de distinguer une régression simple des tubes
médullaires s'accompagnant d'un léger degré de sclérose secon-
daire, et une autre altération bien différente qui consiste en une
sclérose diffuse liée à la localisation spinale de l'artério-sclérose
généralisée. La première de ces lésions à laquelle seule convient
le nom de moelle sénile est une hypoplasie, qui se rapproche des
dégénérescences spinales secondaires. La myélite scléreuse d'ori-
gine artérielle au contraire, est une hyperplasie, une véritable
myélite, analogue au processus histologique de la sclérose en
plaques et du tabes.
Les principales formes cliniques qui expriment cette altération
de la moelle sont : l'affaiblissement progressif des vieillards, la
contracture tabétique progtessive et les complexus symptoma-
tiques simulant les scléroses systématisées de la sclérose en pla-
ques. P. B.
Archives, t. 11'1. 31
482 BIBLIOGRAPHIE.
XVI. La circonvolution de Broca; par M. le Dr Georges Hervé.
Paris, Lecrosnier et Bahé, éditeurs, 1888.
Une étude de morphologie cérébrale qui intéressera au plus haut
point les lecteurs des Archives de Neurologie sera certainement
le mémoire de notre maître et savant ami, M. le Dl Georges
Hervé, professeur à l'Ecole d'anthropologie, secrétaire général
adjoint de la Société d'anthropologie de Paris. Ce travail, dédié au
professeur Mathias Duval, constitue une monographie des plus com-
plètes sur la principale circonvolution cérébrale, la Bi,ocit's circon-
volution des Anglais. L'auteur a laissé de côté volontairement la
physiologie et la clinique de cette portion si importante de l'é-
corce et n'a voulu s'occuper que du côté anatomique du sujet.
Déjà Duret avait décrit la circulation autonome de cette circonvo-
lution, Belz sa structure intime ; M. Hervé a pensé à bon droit
qu'il y aurait grand intérêt à comparer la troisième frontale chez
les divers groupes ethniques, à l'étudier aux différentes phases de
son évolution formatrice, aussi bien dans la série animale que
chez l'embryon humain.
Ce point en particulier méritait toute l'attention, puisque
l'homme seul possède le langage articulé. Trouverait-on, chez
l'animal, quelque chose d'analogue à ce qu'il y a chez l'homme ?
Peut-on saisir sur le cerveau plus ou moins fruste des mammi-
fères quelque indice de la circonvolution de Broca ?
M. Hervé s'est attaché à l'étude de ces questions, en s'appuyant,
avec la conviction qui règne à l'Ecole d'anthropologie, sur les
données de la doctrine transformiste et a pleinement réussi.
Dans une série de chapitres très fournis de faits et d'idées origi-
nales, il a traité successivement de la circonvolution de Broca
chez l'homme adulte, puis chez le foetus humain et chez les pri-
mates ; il termine par des considérations très curieuses sur cette
circonvolution chez les êtres inférieurs et chez les intellectuels.
Quatre magnifiques planches, en outre des figures intercalées dans
le texte, permettent de suivre les descriptions anatomiques les
plus minutieuses. Citons seulement les principales conclusions de
cet ouvrage, que tout neurologiste devra lire en entier. Le type
cérébral primitif des primates est un type à deux et non à trois
étages frontaux, et la circonvolution de Broca n'apparaît dans la
série animale qu'à partir des anthropoïdes, en même temps que
la branche horizontale antérieure de la scissure de Sylvius. Elle se
forme par dédoublement du second étage frontal primitif. Cette
circonvolution de Broca constitue en réalité chez les anthropoïdes
et chez l'homme une quatrième frontale, car la seconde frontale
des classiques comprend deux circonvolutions. Chez le foetus, le
développement de la circonvolution de Broca reproduit le déve-
loppement dans la série zoologique. Celle du côté droit apparaît
BIBLIOGRAPHIE. 48 ! !
presque toujours plus tôt. Chez l'adulle, elle se prolonge nette-
ment sur le lobule orbitaire. En s'y réunissant en un point de
convergence commun, elle forme te p6lc fro>zGul,situé à l'extrémité
postérieure du sillon olfactif. Nous attirons spécialement l'atten-
tion des médecins sur les dernières conclusions : chez les micro-
céphales, celle circonvolution est ou bien absente (ler type) ou
bien rudimentaire comme chez les anthropoïdes (type simien
ou 2° t\po),ou presque normale (3° type). Chez les idiots, les im-
béciles, les sourds-muets, de même que dans certaines races
humaines inférieures, elle est atrophiée, rudimentairc ou arrêtée
dans son développement. Chez les intellectuels, (c'est là un des
chapitres les plus nouveaux de cette tlivse),11. Hervé a montré que
la complexité morphologique du centre de Broca est d'une façon
générale corrélative à la puissance de la fonction. Pour l'établir,
il se base sur les descriptions des cerveaux de Cuvier, Asseline,
Assézat, Condereau, Bertillon, et surtout de Gambetta'. 1.
Marcel BAUDoutx.
XVII. L't folie chez les enfants; par le Dl Paul Moreau (de Tours).
J.-B. l3aillière, ISSS.
Le litre de cet ouvrage ne correspond pas précisément à ce
qu'on y trouve, car l'auteur ne s'est pas borné à nous parler des
formes que la folie affecte chez les enfants, mais aussi de tous les
troubles nerveux qu'ils peuvent présenter tels que convulsions,
tics, bâillements et rires nerveux, hoquet, etc., etc. La première
partie de l'ouvrage traitant des causes do la folie dans l'enfance
a reçu de grands développements. Par contre, l'étude des modifi-
cations que la folie subit quand elle survient chez l'enfant tient
une moins grande place que le titre ne permettrait de l'espérer.
De nombreuses observations sont intercalées dans le texte, mais
empruntées pour la plupart à des auteurs anciens elles ne pré-
sentent pas la rigueur scientifique qu'on a l'liallude de leur
demander aujourd'hui et ont plutôt un caractère anecdotique.
Elles n'en présentent certainement pas moins beaucoup d'intérêt;
mais on est surpris de ne pas voir cités à propos de certains cha-
pitres comme l'idiotie, l'épilepsie, le crétinisme, l'imbécillité,
etc., etc., les médecins qui s'en occupent le plus de nos jours.
Très complet et très consciencieux en tout ce qui touche aux
affections nerveuses et mentales des enfants, cet ouvrage pourra
toujours être consulté avec fruit. Un style clair et élégant en
rend du reste la lecture facile et attrayante. il. S.
Voir iii lli,ogi,ès )îzétlical, 11- 30, p. 611, 1886, un irticle q(ie nous
avons publié sur le Cerveau, de Gambelta, d'après la desciiptiou du nolro
clrcr mailre, \I. lo l' 1)uval. (\I. U.)
484 BIBLIOGRAPHIE.
XVI 11. Manuel de mélallolhérapie et de métalloscopie ; par
le DT Moricourt. Lecrosnier et Babé, 4888.
Le DTllforicourt qui a été le chef de clinique du Dr Burq rend
aujourd'hui hommage aux idées et aux découvertes de son maître
en les exposant dans ce manuel. Après avoir exposé les phases
par lesquelles la métaltothérapie a passé avant de former un
corps de doctrine et avoir décrit les différents instruments du
Dr Burq, l'auteur expose les différentes théories proposées par
l'interprétation des phénomènes métatfoscopiques. Dans la
seconde partie de son livre, il en vient alors aux applications de
ces phénomènes à la thérapeutique. Trois catégories de maladies
seraient justiciables de la ni étal 1 otliérapie les affections ner-
veuses, le diabète, et les maladies parasitaires, épidémiques ou
contagieuses. 11 est permis de faire des réserves pour les deux
dernières classes. Mais il n'est pas douteux que dans certains cas
d'affections nerveuses, les métaux appliqués d'une façon rationnelle
ne produisent d'excellents résultats, et le manuel du Dr Moricourt
sera certainement utile à ceux qui voudront expérimenter la mé-
tallothérapie ou l'employer. P. S.
â IS. La descendance des alcooliques ; par Combemalle.
L'auteur débute par une élude sur l'hérédité en général qu
n'est que le développement de la récente thèse d'agrégation de
Déjeune.
L'hérédité physique et psychique y sont envisagées et forment
une transition à l'hérédité dans les maladies. Vient ensuite une
revue des lésions causées par l'alcoolisme et il prend le terme
d'alcoolisme dans son sens le plus large sans s'attacher a distin-
tinguer les effets produits par les divers alcools et les essences.
L'étude des effets physiologiques et pathologiques de l'alcool est
faite d'après Magnus Iluss, Lancercaux, Yetautt, Leudet, etc.
L'auteur admet des lésions de stéalose portant sur toutes les
glandes; des plaques d'athérome à tous les degrés dans les artères,
la pachyméningite et la périencéplialile. La résistance inégale des
différentes races à l'alcoolisme est esquissée à propos des Austra-
liens, des Hottentots et des Peaux-rouges.
Dans sa seconde partie, l'auteur aborde l'étude de la descen-
dance des alcooliques. Après avoir envisagé ce qu'ondoitentcndre
par dégénérescences, après avoir montré qu'elles peuvent être
géographiques, climatériclues ou sociales, M. Combemalle isole un
groupe de dégénérescences toxiques; il montre que l'étude de ces
dégénérescences a de tout temps attiré l'attention des hygiénistes,
des philosophes et des médecins et cite à ce propos les Cartha-
ginois, les Romains et les Mahometans. Ce n'est que récemment
BIBLIOGRAPHIE. 1183
que la folie héréditaire a été isolée et que l'alcool en a été re-
connu le facteur étiologique le plus important.
Par quel mécanisme l'alcool agit-il sur la descendance ? Ce
serait en atrophiant les testicules elles ovaires. L'auteur rappelle
une observation de dément dont le père était alcoolique,
et en état d'ivresse au moment de la procréation. L'auteur
aborde ensuite l'étude des effets de l'alcoolisme sur la progé-
niture et rappelle la note à l'Académie des sciences qu'il a
présentée avec M. Mairet. Une chienne prend pendant vingtetun
jours de deux à quatre grammes d'absinthe ordinaire par jour et
par kilogramme; elle a six chiens, un mort-né, un n'a qu'un tes-
ticule descendu, leur intelligence à tous n'est pas à la hauteur de
celle de la mère. Une chienne, fille de la précédente, sans avoir
été alcoolisée a deux chiens et une chienne, le premier animal
est chétif, le second meurt après quelques jours d'athrepsie le
troisième meurt le lendemain de la mise bas; il a des anomalies
de développements multiples, gueule de loup, coeur à droite,
pied droit antérieur en varus, quelques orteils de cette patte sont
atrophiés. Un chien est intoxiqué avec de l'absinthe Pernod cal-
culée à 100° jusqu'à dix grammes par jour et par kilogramme, il
est enfermé avec une chienne qui procrée douze petits, dont voici
le décompte : deux morts-nés; deux, pneumonies; un, accident,
étouffe; un, oxyures; un, entérite vermineuse et secousses épilep-
toïdes généralisées; un, vers intestinaux nombreux, congestion
des méninges ; un, hémisphère droit moins pesant de 9/9 déci-
grammes, coa-ulelix dans le sinus longitudinal supérieur; foie
graisseux, reins normaux, l'intestin rempli d'entozoaires; un,
entozoaires nombreux, foie marbré; un, entozoaires dans les
intestins et l'estomac formant parfois un bouchon, hémisphère
gauche congestionné pesant manifestement près d'un gramme de
moins que le droit. Le dernier meurt de péritonite probablement
tuberculeuse. L'hémisphère gauche pèse deux grammes de moins
que l'autre.
On voit que l'absinthe a déterminé chez les chiens nés du mâle
intoxiqué des lésions nombreuses et variées qui sont caractérisées
surtout par des processus atrophiques partiels. L'auteur cite à ce
propos la parole de Dickinson « l'alcool n'est-il pas le génie delà
dégénérescence ? » Le reste du travail de M. Combomalle est con-
sacré à l'étude des signes physiques des dégénérés alcooliques;
il reprend ceux que donne Legrain d'après Magnan; difformité
crânienne, asymétrie faciale, prosnatisme, arrêt de développe-
ment des membres, pied bot, lésions des organes génitaux uri-
naires. Il cite des observations de ces différents états, montre que
l'alcoolisme diminue le degré de résistance à la maladie, scro-
fule chez les enfants d'alcooliques, stérilité précoce ou ultime.
L'étude des effets de l'alcoolisme sur l'état intellectuel des descen-
486 VARIA.
danls est une des parties les plus intéressantes de ce travail. L'au-
teur y donne des observations d'idiotie, d'anomalie des facultés
de l'âme; volonté, passion, intelligence, puis d'aliénation men-
tale, de paralysie générale de névroses.
La dernière partie du mémoire est consacrée à l'étude médico-
légale et à la question si importante de la responsabilité des
aliénés. -
On lira avec intérêt ce travail riche en bibliographie et où l'au-
teur, à côté de ses expériences dont on vient de voir l'importance
et d'abondantes notes cliniques fait preuve d'un très réel talent
littéraire.
VARIA
Thèses sur les maladies nerveuses 1888. (Paris.)
ravreau : Du secret professionnel en médecine mentale. - Junin :
De l'étiologie héréditaire de la paralysie faciale dite à fi,igoî,e. z
Lefèvre : De la révulsion des troubles médullaires ci frigore.
Du délire des grandeurs. Etude séméiologique. Texior : Du traite-
ment de la chorée par l'antipyrine. Fourrier : Respiration artifi-
cielle dans l'tclampsie puerpérale. Le Etude sur les
formes cliniques de la paralysie saturnine. Dupain : Eludes
cliniques sur le délire religieux. Essai de sémèiologie. Deszoi, :
Déviations de la taille d'origine réflexe. Laurent : De la méthode
révulsive dans le traitement du mal de Bright. l3arlliomeuf : C'on-
sidérations sur les folies intermittentes. Mcnat'd : Contribution
« l'étude de la sciatique et particulièrement de son traitement
par 1'ttizilgésiie. Arnaud Léon : Recherches cliniques sur la
paralysie générale chez l'homme. Colin : De la nature infectieuse
du tétanos. Nimère : Perte des réflexes tendineux dans le
diabète sucré. - Ilamaide : Contribution ci l'étude clinique des
anesthésies dépendant de lésions en foyer de l'écorce cérébrale.
Tostivint : Contribution cc l'étude de l'hystérie pulmonaire
(pseudo-p7ttisie hystérique). Penasse : Contribution à l'élude
des méningites chroniques et spécialement d'une terminaison fréquente
chez les enfants, l'idiotie. Lancial : Tlirombrose des sinus veineux
de la dure-mère. Paolidès : tubétique du pied.
Furet : Contribution « l'élude de l'hystérie dans ses rapports avec
divers étals morbides. - Horchollo : Contribution ci l'élude de la
· VARIA. 487
chorée rythmée. Jleloir : Etude sur la forme épileptique de la
17.éniiigite tuberculeuse de l'adulte. Duclos : Du système artériel
chez les alcooliques. Sattier : Contribution à l'étude clinique de
quelques accidents consécutifs à la z antérieure aiguë
(paralysie infantile). Puech : Contribution ci l'étude des hémiplé-
gies chez les diabétiques. De Gorski : Quelques considérations sur
la folie puerpérale et sur sa nature. Albournac : De l'influence de
l'alcool sur la santé des enfants. Journiac : Du délire hypocon-
(1)iarliie (valeur séintiologique). Lauzit : Aperçu général sur les
actes des aliénés. Pison : De l'asymétrie f,o ? 21o-fiteiale dans
l'épilepsie. Fouiraux : Contribution ci l'étude du traumatisme dans
ses rapports avec l'aliénation mentale. Delacroix : Contribution
à l'élude du strophantus. 13oisvert : Etude clinique des formes
atténuées de la paralysie alcoolique.
Concours pour H. nomination des médecins adjoints
DES asiles d'aliénés.
Dans le numéro de septembre, nous avons publié l'arrêté de
M. le Ministre de l'inlérieur organisant le concours pour l'admissi-
1>ilité aux emplois de médecins adjoints des asiles publics d'aliénés.
Nous avons accompagné cette publication de quelques notes criti-
ques sommaires. Nous croyons devoir revenir aujourd'hui sur
quelques points de cet arrêté.
L'article 3 déclare que les candidats ne devront pas être âgés de
plus de trente ans au jour de l'ouverture du concours. Cette limite,
au moins quant à présent, aura peut-être l'inconvénient d'exclure
quelques candidats méritants. Plus tard, lorsque le concours sera
bien connu, et les candidats prévenus, les inconvénients de cette
limitation seront moindres. La limite d'âge a surtout son utilité
incontestable pour la sortie des carrières et c'est là qu'elle devrait
être appliquée sans aucune exception 1. Le même article dit que
les candidats auront à justifier de l'accomplissement d'un stage
d'une année au moins, comme internes dans un asile public ou
privé, consacré au traitement de l'aliénation mentale. Faut-il en
conclure que les internes des hôpitaux de Paris, Montpellier, Ror-
deaux, Lyon, Lille, Nancy, etc., nomné au concours, qui n'auront
point passé une année dans les asiles ou les quartiers d'hospices
consacrés aux aliénés seront exclus du concours ? S'il en était
ainsi, ce serait profondément regrettable.
Nous lisons à l'article 4 que « tout admissible qui n'aurait pas
' Le règlement du concours des asiles de la Seine permet aux ém-
diants de coucoulir jusqu'à trente aus. Comment concilier ces deux
réglementations ? 9
488 VARIA.
été pourvu d'un emploi dans un délai de six ans à compter de la
date du concours, aurait à se soumettre de nouveau aux épreuves
instituées par le présent arrêté, à moins qu'il ne justifiât avoir,
dans l'intervalle, été attaché pendant trois ans au moins à un
asile d'aliénés en qualité d'interne ». Cette mesure nous parait
absolument inexplicable. Un docteur en médecine qui aura subi
avec succès le concours pour une place de médecin adjoint, coiz-
cours supérieur, n'ira pas concourir pour une place d'interne.
Ajoutons que souvent on n'autorise à concourir pour l'internat
que les étudiants en médecine. Quant à l'obligation de concourir
une seconde fois pour la place de médecin adjoint, si au bout de
six ans, on n'a pas été placé, c'est là une obligation que rien ne
justifie. Les médecins et les chirurgiens du Bureau central des
hôpitaux de Paris, par exemple, peuvent être en disponibilité
pondant des années et revenir ensuite prendre possession de leurs
fonctions sans être astreints à un nouveau concours. Et c'est
juste.
A l'article G il est dit que : « l'un des inspecteurs généraux des
établissements de bienfaisance fera partie du jury. » La Commis-
sion dont nous étions membre avait spécifié que cet inspecteur
général serait un médecin. Il aurait mieux valu adopter sa propo-
sition.
L'article 8, dont la Commission n'est nullement responsable, ne
devrait pas être maintenu. Nous en reproduisons le texte :
« ART. 8. Ne sera pas soumis aux épreuves du concours ins-
titué par le présent arrêté le chef de la clinique des maladies
mentales organisée à l'asile Sainte-Anne, lorsqu'il sera chargé des
fonctions de médecin adjoint dans cet établissement, conformé-
ment aux dispositions des articles 3 et 4 de l'arrêté ministériel du
8 octobre 1879. »
Cet article accorde une nouvelle faveur à celles dont on a déjà
comblé le professeur de clinique des maladies mentales de la
Faculté de médecine de Paris. Personne ne peut donner une rai-
son sérieuse d'une telle faveur. Elle aura pour conséquence de
diminuer le nombre des candidats sérieux : les réclamations qui
nous ont déjà été adressées ne nous laissent aucun doute à cet
égard. En effet, les anciens internes des asiles de la Seine, recru-
tés par le concours ou les internes des hôpitaux de Paris qui
auront été un an à Bicêtre ou à la Salpêlrière, consentiront difi-
cilement à prendre part au concours pour les places de médecins
adjoints, avec la perspective de ne pas pouvoir revenir dans les
asiles de la Seine, sûrs d'avance que les places de médecins adjoints
de ces asiles y seront données aux anciens chefs de clinique. Il
n'est jamais venu à personne l'idée de confondre le concours des
médecins des hôpitaux avec le concours d'agrégation. Un agrégé
FAITS DIVERS. 489
n'est pas, de ce fait, médecin des hôpitaux, pas plus qu'un méde-
cin des hôpitaux, n'est, pour cette raison, abrégé. Le docteur en
médecine qui veut être agrégé et médecin des hôpitaux subit deux
concours différents. Cette confusion a été faile dans les bureaux
du Ministère de l'Intérieur et certainement la responsabilité n'en
incombe pas à M. 1,. Bourgeois, sous-secrétaire d'Etat, qui a signé
J'arrête'.
Nous terminerons par une dernière réflexion : le recrutement
des médecins adjoints des asiles par le concours est, notre avis,
le meilleur. Il assure à l'administration un personnel instruit, à
la hauteur de sa mission. Ce personnel sera peut-être plus indé-
pendant, n'hésitera pas à faire valoir les droits des malades et de
la science, n'en déplaise aux Bureaux ; le gouvernement n'en sera
pas moins maître de son personnel médical, car il a toujours le
moyen et le devoir de se débarrasser d'agents qui manqueraient
de tact et se mettraient en hostilité avec lui. Il faut enfin, si l'on
veut que le concours donne tous les bons résultats qu'on peut légi-
timement en attendre, qu'il soit bien entendu que, à l'avenir,
toutes les places de médecins en chef et de directeurs médecins
seront attribuées sans exception aux médecins adjoints qui auront
été nommés au concours. S'il en était autrement, le concours
serait un leurre et une duperie.
B.
FAITS DIVERS.
Asile D'AUHKÉs. Nomination. M. le De DuBuissoN, ancien
médecin adjoint des asiles publics en disponibilité, médecin en
chef à l'asile privé de Leyme (Lot), est> nommé médecin adjoint à
l'asile public de Quatre-mares (Seine-Inférieure) 11*0 classe (arrêté
du 37 août).
Évasion D'UN aliéné. Gabriel Guipon, âgé de cinquante ans,
enfermé depuis quelques mois à l'asile des aliénés de Sainte-
Catherine, s'évadait jeudi soir de cet établissement, prenait la
route de Souvigny et arrivait, vers neuf heures, dans sa famille.
Il paraissait très calme et rien dans ses allures ne pouvait faire
prévoir ce qui allait se passer le lendemain. Hier matin, il apprit
que deux gardiens de l'asile le recherchaient dans la commune; i
' Nous devons ajouter que les dix points accordés pour les titres
permettent de tenir compte des services rendus parles chefs de clinique.
490 bulletin bibliographique.
pour leur échapper, il quitta le domicile de sa femme et vint se
réfugier dans un grenier régnant sur une grange appartenant à
son père.
Prévenus de la fuite du fou, la gendarmerie et le garde cham-
pêtre s'étaient mis à sa recherche. Sa cachette fut découverte, on
vint pour l'arrêter. Mais c'était chose fort difficile. Afin d'éviter
toute surprise, Guipon avait enlevé l'échelle qui lui avait servi pour
monter dans le grenier; de plus, il avait pratiqué dans la toiture
plusieurs trous, par lesquels il brandissait un énorme couteau dont
il s'était muni en apprenant l'arrivée des gardiens, et avec lequel,
disait-il, il tuerait le premier qui tenterait de l'approcher. « Je
suis décidé à tout, ajoulait-il, car je ne veux plus retourner à
Sainte-Catherine; et si l'on essaie de m'arrêter, je mets le feu au
bâtiment. »
Sans tenir compte de ces menaces débitées d'un ton furieux,
les gendarmes appliquèrent deux échelles contre les extrémités du
bâtiment, sur lequel ils arrivèrent bientôt. Ils allaient saisir le
pauvre fou, quand tout à coup celui-ci se sauva précipitamment
dans le fond du grenier et ramassa un tas de foin auquel il mit le
feu.
Suffoqué bientôt par la fumée, Guipon se décida à quitter son
refuge. Il sortit par l'un des trous de la toiture et sauta dans nu
jardin, tenant toujours à la main le couteau dont il s'était armé.
Un gendarme, embusqué près de là, l'invita à jeter ce couteau, ce
qu'il fit sans la moindre difficulté. On put alors le saisir et c'est à
ce moment que l'on s'aperçut qu'il avait la poitrine entièrement
couverte de sang. Le malheureux, se voyant pris, avait cherché à
se tuer et s'était porté trois coups de son arme.
Guipon fut alors conduit à son domicile où deux médecins
vinrent panser ses blessures, qui n'ont aucun caractère de gravité.
Pendant que se déroulaient ces événements, l'incendie avait pris
de rapides proportions et menaçait, avec le vent violent qui
soufflait, de gagner les habitations voisines. Heureusement, la
population se rendit en toute hâte sur le lieu du sinistre et orga-
nisa les secours, grâce auxquels tout danger disparut après une
heure de travail. Seuls la grange et le foin furent détruits. (La
Lanterne du 31 août 1888.)
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Avis aux Auteurs et aux Éditeurs. Tout ouvrage dont il nous sera
envoyé un seul exemplaire sera annoncé. Il sera fait, s'il y a lieu, une ana-
lyse de tout ouvrage dont nous t'eccu'onsDhuxexemptaires.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 49 L
Biakchi (L.). Suds un caso di lesiorze dislrztfliva del lobo lemporo-
sfenoidale sinistre izz un moncino epibletlico enr, alcien dislurbo délia
parola. Brochure in-S° de 19 pages, avec deux planches hors texte.
1888. Nicola Jovene et Ce.
Publications nu l'nocnrs Médical. J. M. Ciuncor. Maladiei du
poumon, du sang, du cceuo et des vaisseaux, f l'orne V (tes OEuvres
complètes.) Un volume (le 050 pages avec il ligures dans le texte
et deux planches en chromo-lithographie. Prix : 15 francs. Pour les
abonnés des Archiva de Neurologie, prix : 10 francs.
Ciiarcot (J.-11.). Leçons sur les maladies du système nerveux, pro-
fessées à la Salpêtrière et recueillies par MM. l3enN.ano, FMÉ.
GmNOrr, Marie et Gilles de la TounET'tE. Tome 111, 21 fascicule. Un
volume in-8 de 380 pages, avec 61 figures dans le texte. Prix : 9 fr. ;
pour nos abonnés, prix : G fr.- Ce fascicule complète le. tome troisième.
Ladame. - Procès criminel de la dernière sorcière brûlée à Genève, le
G avril 1652, publié d'après les documents inédits et originaux conser-
vés aux archives de Genève (Sixième volume de la Bibliothèque diabo-
lique (collection Bourneville.) Un volume in-S" de 60 pages. Prix
2 fr. 50). Pour nos abonnés : 1 fr. î.ï; numéros 1 à 50, papier Japon,
prix : 5 francs; pour nos abonnés : 4 fr. ; numéros 51 à 100, papier par-
cheminé, prix : ;i fr50; pour nos abonnés : prix, 2 fr. 75.
de Lagihve. Hypnotisme. Etats intermédiaires entre le som-
met/et la veille. Volume in-16 de 160 pages. Prix : fr ? Paris, 1888-
Librairie J.-B. Baillière et fils.
GmssËT. Leçons sur l'hysléro-traumatisme. Recueillies et publiées
par l3ouncucr (f..). Brochure in-8" de 37 pages. - 1888. Lecrosnier
et Babé.
Luis (.T.).- Eludes sur le dédoublement des opérations cérébrales et
sur le rôle isolé de chaque hémisphère dans les phénomènes de la patho-
logie mentale. Brochure iii-8- de ii pages. Paris, 1888. Aux
bureaux de l'Encéphale.
Marina (A.-R.) Paramioclono mulliplo e spnsnzi tnuscolari idio-
pnlici. Brochure in-8" de 27 ltaes. - lteio c\ell' Gutili,t, 1SSS. -
Tipogialia Calderini e Figlio. 1
Z (11). Traité clinique des maladies mentales. 3e édition tra-
duite par les docteurs .1. Dagonet et G. Duhamel. Itevue et augmentée par
l'auteur. Préface du Dr Il. Daguet. 2' fascicule. Un volume z de
287 pages. Prix : 5 fr. Prix de l'ouvrage complet : 9 fr. Paris,
1888. Lecrosnier et Babé.
z aiznitil Report of the Pennsylvania Training SCIc00l for
Feeble-iiiiiuled Children, Ei%v\-ii, Delaware County. - Brochure in-S", do
30 j.ages. \\-est Chester, Z z Ileckman. l'rmter, Cor.
Atzzaual of llze Universal Médical Sciences a Yearly Iteltortoftlte progress
of thé gênerai sanitary sciences tltrouâhout the worlrl by Cli. E. Sajous.
11. U. and seventy associate eduors, assisted by over two hundred cor-
eclitors, cullaborators, aii(l correspumlents. a Noltiiiies in-8"
cartonné. z CI, ioino-litllp ? 1,.Lplis, inra\ings andmaps :
Tome 1 : Diseases z and spinal Cord ; Diseases of périphérie
nervous Systems; Diseases of heart and pei-ic,-ii,(Iitiiii; Ievers; Diseases
0' illoiiili, stomuclt, pancréas and liver ; Diseases or intestines and
pei,iloiieiiiii ; Intestinal iiiti otlter parasites ; Diseases ouf bloocl and
spleen ; ltteomattsm and goût; Diabètes an diseases suprarenal capsules;
Diseases of Kidneys and Ll : ultler; Uriualyis, chyhuia, etc.; Mental
4M BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
diseases. Volume in-8° de 5'rl pages T'orne 7/ : SLii ? 01-y Bi,tili and
nerves ; Surgery of abdomen ; Diseases of rectum and anus ; Genno-
uhnary surgery ; Diseases and injuries of iirteries and veins ; Fractures,
Dislocatcons aua spiams ; Diseases ot' I)OIles 111(l joints. Amputations,
etc ; Gunshot and pnnctnred woumls ; Surgicat tnhcrcutosis,
abcess, etc.; Diseases of the skin ; Tumors ; Veneral diseases; Surgicat
diseases, Anaestlzetics ; Surgical z Volume in-8" de 550 pages;
Tome 111 : Diseases of the eye ; Diseases of thé car ; Diseases of the
nose and accesory cavities; Diseases of the pharynx Trachea and -1 ? ol)lia-
gus : Diseases of the th)ronl gland ; Diseases'of longs and pleura in
adults; [nebriety, ulorpainism. and Kindred diseases; Oral surgery,
Dental 1)itliolog aii(J therapeutics· Prothelic (1t,ii(li,;ti-y and 1 oitlio loiiiii';
Surgical dressings; Clnrolzodistry. Volume in-8" de 503 "pages; 7'orne ?
Diseases of the utérus ; Menstruation and its discordes ; Diseases of
ovaries and tubes; Diseases z and externat jenito-urmary orgiiiiis;
Diseases of Z Ohstetrics ; Puerpéral diseases; Dicteties of
infancy and chilclhooel ; 0.LliopoeLiic surgery ; General tlcerapeutics ;
Expérimental therapputics. Volume in-S" de*518 pages; 7'orne :
Climatology iiicl b-,iliieolo-1-y ; Elocti-o-tliei ? tl)etitics ; le(lical chemistry
aud toxicol'o,,y ; Légal meclicme ; Demography ; Hygiène, Disposai or
ihe dad ; Anatomy z Brain ; Générât anatomv; 1'lysiolo'ç; Growth
ans âge : Technology ; tiistotogy ; Emhnotog'y; Anomalies, etc.; Dental
1,i.,[olo,v ; General pathotogy ; Gênerai'index. Yotume in-S° de 566
pages.
Avis a nos LECTEURS. VoM appelons vivement l'atten-
tion de nos lecteurs sur la discussion, au Sénat, de la
nouvelle LOI sur les aliénés. En reproduisant ces débats,
nous croyons être agréable à tous les médecins des asiles
d'aliénés, de quelque nationalité qu'ils soient. De plus,
nous insérerons dans la mesure du possible, les lettres coî2z-
mentant ou critiquant cette discussion qu'ils voudraient
bien nous adresser. Enfin, nous prions ceux d'entre eux
dont l'abonnement est expiré avec ce numéro, de bien
vo2cloir nous adresser le montant de leur réabonnement
avant la fin de l'année.
Le éclactcisr-9éranl, BuonsewvLe.
TABLE DES MATIÈRES
Acétonurie chez les aliénés, par
Loelir, 305.
Aliénation (traitement des cas ré-
cents d' - dans les asiles privés),
lar Cielding B ! audford, -'r45; -
(traitement hospitalier pour les
cas curables d'), par Strahau,
'a17; - (StaUsUque de l'), par
Finkelnburg.453.
Aliénés (dans les hôpitaux et hos-
pices de province), 137; (sor-
ties prématurées des), parSchuele,
288; - (séquestration arbitraire
des), par t.oehr, 293; (surveil-
lance des établissements privés
d'), par Lcehr, ` ? 9J; - (nécessité
d'un médecin fonctionnaire pour
l'admission des), 297; (concert
aux-de Bicêtre),319- (revision
de la loi de 1838), 101, 306, 458;
- (projet de loi sur les), par
Schmitz, SJ2; (poids du cer-
veau chez les), par Bartels. 457;
(phtisie pulmonaire chez les),
parSnell, i : ï7.-(Evasion d'un), r8'J.
Amaurose par épuisement, par Im-
mermann, 91.
Anévrvsmes capillaires de la moelle,
par Hebold, 449.
Aphasie avec paralysie totale, par
Nicol, 455.
Arthropathie tabétique du pouce, par
Bichardière, 70.
Asiles d'aliénés (nominations et pro-
motions), 1 42, 319.
Association médico-psychologique
(discours présidentiel de 1'), par
I : ames, 1 i 1.
Attaque congestivc (anatomio patho-
logique de" 1'), par Bastelberg, ta4.
Bibliographie. - Epilepsie jakson-
nienne, par Roland, 125; Som-
nambulisme provoqué, par Beaunis,
12G; Hypnotisme et doublecons-
cience, parAzam.126; monde
des rêves, par M. Sirnoit, 127 ; -
Pathogénie des névrites périphé-
riques, par Gtimodie, 128; Le
corps et l'esprit, par Ilaclc Tuke,
129; - Etioloye des psychoses,
par ilibiux, 130; - \laladie de
Basedow, par Sainte-Marie, 132;
- Amnésies toxiques, parcacarrié,
133; Asphyxie locale des extré-
mités, par Bourrelly, 133;- Trau-
matisme et neuropathie, par Ba-
taille, 13î; Paralysie générale,
parGréoire, 136; - lllaladie de
Parkinson, par Lacoste, 136.
Epilepsies particulières, par Bi-
gorre, 481. Troubles médul-
laires chez les athéromateux, par
Copin, 481. Circonvolution de
Broca, par 182. - Folie
chez les enfants, par Moreau, 483.
par Moricourt,
18 I)esceii(laiice des alcooli-
ques, par Combemalle, 181.
Catatonie, par Séglas et Chaslin, 52.
Cellules ganglionnaires (altérations
des -) dans les inflammations,
par Friedinann, 99.
Cérébro-spinal (topographie patholo-
gique de l'axc), par Glover,39, 2Éfl.
Classification des maladies mentales,
448.
Cocainisation, par Hoetcrmanii, 451.
Concours (des médecins adjoints des
asiles), 31 r,'tS7;-(du chnicat des
maladies mentales), 320.
Congrès des neurologues de l'Alle-
magne du sud-ouest, 85; - des
aliénistes allemands, 2S6; des
aliénistes de Basse-Saxe, 153.
Contrôle personnel (abolition de la
faculté du), par Savage, 444,
49 i
TABLE DES MATIERES.
Convulsions par l'excitation élec-
trique de l'écorce du cerveau, par
Zirhen, f34.
Cordo ! .spos)6tieurs (persistance du
phénomène du genou dans la déné-
iii,eceiice des). pir 67. i,
Coips strié, par Edinger, 96.
Crânes (pathologiques), par liecklin-
ghausen, 95; - (d'nu vol`eur), lar
Amadei, 280.. v-
Dégénérescence secondaire à travers
la substance blanche cérébrale, par
Zacher, 9.
Délire aigu (écoroe cérébrale d'nne
malade morte de), par Snell, 450.
Délire chronique, par Séglas, S1 ; -
par inlitraiidon de imoiityel, 283.
Electricité chez les aliénés, par
Heyden, 449.
Electiique (machine transpor-
lablc), par Stein, 92.
Epilepsie procursive. par Bourne-
mlle et Bricon, 2 : S'r, 120.
Epileptiques (violences commises
par les), par Echeverria, 276.
Folie morale, par Tnke, 80; en
Espagne, par Jelly, 81; géniel-
laire, par lllendeÎ, 30 ? ; - com-
muniquée, par Legrain, 321.
Gliomatose médullaire, par Roth,
23, 195, 395.
Gomme du cerveau avec lésions du
chiasma optique, par Siemerlin"
282.
Grossesse (influence de la -) sur les
psychoses, par Peretti, 449.
Hémiplégie diabétique, par Lapine
et Blanc, 70.
Hypnotique (nouvel agent), par Me-
îing, 92.
Hypnotisme état aciucl de la ques-
tion de l'), par Binwanger, 286.
Hystérie chez un garçon de onze ans,
par Savage, 435.
Idiotie crétinoide (deux cas d'), par
Bourneville, 431.
Idiotisme (simulation d'), par Star) ! ,
Imbécillité avec antécédents hérédi-
taires, par Beach. 80.
Impressions maternelles (influence
des-) sur les difformités congéni-
tale ? , par Stedman, 77.
Incendie commis par une hystérique ,
par Stark, 275.
Intoxication (lésion de la moelle
dans 1' arseuicale aiguë), par
Pjpoff, 21(i; - (par la j[ardl-
déliyds), pnr Ilchm, ;103.
Localisations cérébrales, par Sie-
merling, 439.
Médecine psychologique (nécessité
des cours de), par lloore, 142.
Mélancolie profonde guérie, par
Johtistoiie, 79.
Méningite et surdi-mutité, par
Schùllz-», 86.
Moelle (état de la dans l'élonga-
tion du sciatirlnr), par Teissier, ï3 ;
(anévrysmesmiliairesde la), 7'r;
(granulations des cellules de 'a
des lapins), par Virchow, 100;
(tubercu)e de la-cervicale), par
Saclrs, 919 ; - (lésion systéma t iyue
primitive combinée de la), par
Sttncmpell, 71.
Monoplégie brachiale consécutive à
une' lésion corticale, par Muckte,
439.
.Montagnards (affections mentales
' chez les), par Gottleb, tj0,
Morphinisme (psychoses dues au),
par Schmidt, 76.
Motilité (troubles de la-) posthémi-
I plégiques, par Grerdenberg, 70.
Musculaires (atrophies aiguës
simples), par Kast, 93.
Rlyéliteaiguè disséminée, par Kncst-
ner et Brosnier, 72.
Myoclonus et invoclotiie, parZiehen,
iîl.
Myopathie juvénile, par Ilitzig, SS.
rferfs périphériques dans le tabès dor-
sal, par Nonne, 4t3.
Neuropathologiques (contributions),
par Bernhafdt, 441.
Névrite (alcoolique), par Laquer, 98;
(infectieuse aiguë, par ltosens-
tein, 2S1 ; - par nlithonsl.i, i : IS.
Nominations, li·3, 319, 489.
Optiques (altérations expérimentales
des nerls -) par la rotation forcée,
par Fuerstner, 89.
Paralysie alcoolique des muscles des
yeux, par Tlromsen, 252; - (pro-
gressive chronique des muscles des
yeux), par Weslphal, 538; laryn-
ée d oriâine centrale), l : isenlolir,
ir3; (générale), par Nasse, 75,
449; (spinale de l'adulte), par le-
clerc et Blanc, 70.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
- 49o
Paramyoclonus multiplex, par Bpch-'
tercw, 441.
Peau (névrose vasculaire de la), par
Gock, 294.
Plexus brachial (paralysie radicu-
laire dn), par Rendu, 68.
Poliomyélencéphahte (rapports de la
avec la maladie de Bascolow"
par Jotidrassik, 66.
Poliomyélite antérieure chronique,
par Oppenheim, iî2, - par Bern-
liardt, W 3.
Prix de la Société médico-psycholo-
gique, 81.
Protubérance (lésions de la), par Mier-
z et Rosenbach, 279.
Pty.ilismiî (atropine dans le), par
IIebold, 446.
Responsabilité (atténuation de la),
par Jolly, 287.
Revue critique, par S ? la3 et Chas-
fin, z.
Ruban de Reis (dégénérescence du),
par Meyer, 280.
Scaphandres (accidents causés par
l'emploi des), par Catsaras, 145,
346.
Sclérose en plaques (glycosurie dans
la), par Richaidièie, 68.
Sclérose spinale consécutive à des
lésions cérébrales, par iNlickle,-i5;
inuililoctil;tire du système ner-
veux central), par Hess, 140.
Sénat (discussion de la loi sur les
aliénés au), 101, 300, îS.
Simulation de l'aliénation mentale,
par Snell, 456.
Société médico-psychologique, 81,
283, 44S ; de psychiatrie de
Ceriin, 99, 29É; - psycliiatriyue
delà province du Rhin, 449.
Suicides dans les asiles d'aliénés, par
Pelman, 450.
Surdi-mutité (méningite aiguë et),
1),Ir Selililtze, 86.
Syphilis (intoxication chronique par
la), par Rumpf, 88; (cérébrale),
par Hertz, 449.
Système nerveux (affections du
après les m.ladies infectieuses),
par Lunz, 440; (tuberculose du),
par Hoche, 442.
Tabès dorsal (rapports des anomalies
de la sensibilité, avec l'ataxie
dans le), par Stprn, 65; (et alié-
nation mentale) par Hebold, 15 ;
- - (contribution au), par Holl-
maiin, 447.
Température (méthode pour éprnu-
ver le sens de la), par Goldscheider,
t36.
Thèses de Paris, 186.
Tics convulsifs (maladie des), par
Guinon, 6J.
Traitements corporels (troubles psy-
chiques consécutifs aux mauvais),
par Iluberty, 452.
Tremblement dans les mouvements
I volontaires,par Steptmn, 437.
Urticaire graphique, par Lwôfr, 445.
Vertige marin, par Pampoukis, 1,
21S; (galvanique), par Kny, 436.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Alll,i(lci, 280.
Dartel',tj7.
Bastelberg, 454.
Baudouin, 483.
liearli, 80.
] ! cchterey,4U.
1V·ruli,rdt, ! rÉ3, fi4.
13111\1'1117âG'r, Sli.
Blanc, 71.
1310cq, 129, LJ3, 131. lJa, IJU ? 81, 181.
13onrueville, 140, `7.3r, 120, 131, 487.
13riann, 81. 5 ? 285, 119.
IW con, 23e, i ? 0.
Brosier, 72.
CaLSras, 1 io, 36.
Chaslin, 52.
496
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Deny, 68, 69, 70, 73.
Eames, 141.
Echeverrios, 276.
Edinger, 96.
Eisenlohr, 413
Fielding, 445.
Finkelnburg, 453.
Friedmann, 99.
Fuerstner, SG.
Glover, 39, 2r9.
Gock, 294.
Godscheider, 436.
Gottleb, 450
Greidenberg, '0.
Guinon, 69.
Guirschon, 275.
Guy, 79.
Hastermann,4oi.
] ! ebo),30t,tm,H9.i2.
Hertz, 449.
Hess, 440.
Heyden, 449.
Hitzig, 8S.
Hoche, 442.
Iloffmann, 447.
Huberty, 450.
Immermann, 91.
Jelly, 81.
Jendrassik, 66.
Johnstone, 79.
Jolly, 287.
Kast, 93.
liéraval, 66, 67, 71, 72, 73, 76, 77,
101, 2îâ, 2SG, 29f, 30 ? , 30G, f3J,
43G, 't37, 438, 439, 410, 4>1, 442,
443,444,447,458.
Kny, 136.
Kuestner, 72.
Laquer, 98.
Leclerc, 70.
Lenrain,321.
Lépine, 70.
Loehr, 293, 295, 305.
Lunz, 440.
LoYofr,448.
Dlarandon de Aiontycl, 283.
Monde), 302.
llérino, 92.
Aleyer, 280.
llliclcle, ia, 439.
Mierzejeusky, 279. ,
Aloore, 142.
Musgrave-Clay, 75, 79, 80, 81, 27G,
435, 440, 165 467.
Nasse, 75, 449.
Nicol, 455.
Nonne, ff3. '
Oppenheim, 412.
Paupoukis, 1, 218.
Pelman, 150.
Peretti, 119.
Popoff, 276.
Raoult. 79, 132.
Itecklinahausen, 95.
Rehm, 303.
Rendu, 68.
R'chardière, 68, 70.
llosenbach, 219.
Rosenstein, 251.
Itoth, 23, 195, 395.
Itoubinovitch, 2îa, 2ï9.
Rumpf, 8S.
Sachs, 444. z
Savage, 435, 4îi. f .
Schmidt, 76, 452.
Srhuele, 288.
Schultze, 80.
Sêgtas,52,8t.
Siemerliug, 282, 439.
Skevoi-izofl', 280.
Snell, 456, 457.
Sollier, 125, )2( ! , 127, 128, 130, 130,
î 16, 18 1. ·
Sore ? t. i.
Stark, 275.
Stedman, 77.
Stein, 92.
Siephaii, 437.
Stem,65.
Strahan, 447.
Struempell, 71. 1.
Teissier, 73.
Thornsen. 282.
Tuke 80.
Virchow, 100.
\Vesphal. G7. t38.
Witkouski, 438.
Zacher, 97.
Zilten, f3F, .iFl,
Archives de Neurologie Tome XVI Pl I -'
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE PREMIÈRE
Fin. I. Face externe de ? CMt/tet'eaMee. F. 1, F. 2, F. 3; pre-
mière, deuxième et troisième circonvolutions frontales. F. A.; cire,
frontale ascendante. - P. A. ; cire, pariétale ascendante. P. s. ;,
lobule pariétal supérieur. P. i.; lobule pariétal inférieur ou du pli
courbe. PI. c. ; pli courbe T. 1, T. 2, T. 3 ; première, deuxième et
troisième cire, temporales. 0. 1, 0. 2, 0. 3; première, deuxième et
troisième cire, occipitales. R. R.; scissure de Rolande S. S. ;
sciss. de Sylvius. - S. i. p.; sciss. iriterpai-iétale. - S. p. ; sciss. paral-
lèle. - S. p. e. ; sciss. perpendiculaire externe. 2, 2 ; 3, 3 ; 4, 4; 5, 5; 6, 6;
direction des coupes préfrontale, pédiculo-frontale, frontale et pariétale
de Pitres et de la coupe horizontale de Flechsig représentées par les
figures 2, 3, 4, 5 et 6 de ce schéma.
I. Aphémie (type Bouillaud-Broca). II. Agraphie. III. Cécité ver-
bale. IV. Surdité verbale. V. Motilité du membre supérieur.
VI. Motilité du membre inférieur. - Vil. Centre cortical du grand hypo-
glosse (Facial inférieur et branche motrice du Trijumeau). VIII. Hé-
mianopsie.
Violet, faisceau intellectuel. Jaune, faisc. de l'aphasie. Vert,
faisc. géniculé. Bleu, faisc. pyramidal. Rose, faisc. spnsitif. (Mêmes
couleurs pour les planche : ) I et II.)
Fiv. 2. Coupe préfrontale gauche (Pitres). 1, 2, 3 ; première
deuxième et troisième cire, frontales. 4 ; cire, orbitaires. 5 ; cire.
de la face interne du lobe frontal. 6; faisceaux préfrontaux du centre
ovale.
Fis. 3. Coupe pédiculo frontale. 1, 2, 3; première, deuxième et
troisième cire, frontales. 4 ; extrémité antérieure du lobule de l'in-
sula de Reil au fond de la sciss. de Sylvius. 5; extrémité postérieure
des cire, orbitaires. 6; faisceau pédiculo-frontal supérieur. - 7; faisc.
péd.-frontal moyen (de l'agraphie, a). 8 ; faisc. péd.-frotit. inférieur
(de l'aphémie, b). 9 ; faisc. orbitaire. 10; corps calleux. 11 ;
noyau caudé (grosse extrémité, antérieure). 12 ; capsule interne (por-
tion répondant au segment lenticulo-strié sur la coupe horizontale de
Flechsig). 13 ; noyau lenticulaire.
FIG. 4. - Coupe frontale. 1 ; cire, frontale ascendante. 2; lobule
de l'insula (partie moyenne). 3 ; cire, sphénoïdales. - 4 ; faisc. fron-
tal supérieur (tractus moteur cortico crural, c). 5 ; faisc. frontal moyen
(tractus moteur cortico-brachial, d). 6; faisc. frontal inférieur (de
AIICIIÈVES, t. XVI. 32
498 EXPLICATION DES PLANCHES.
l'hypoglosse, etc. e). 7 ; faisc. sphénoïdal. 8 , corps calleux. 9;
noyau caudé (petite extrémité ou extrémité postérieure). 10; couche
optique. 11 ; capsule interne (genou). 12; noyau lenticulaire. -13;
capsule externe. H; avant-mur de Burdacli.
Fie. 5. -- Coul)e -pa ? -iétale. l ; cite. pariétale ascendante. 2; ex-
trémité postérieure du lobule de l'insula. 3 ; cire, sphénoidales.
4 ; faisc. pariétal supérieur (traclus moteur contico-crural, f). 5 ;
faisc. pariétal moyen. 6; faisc. pariétal inférieur. 7; faisc. sphé-
noïdal. 8, 9, 10, 12, 13, 1 i ; comme dans la précédente figure. 11 ;
capsule interne (segment leuticulo-optique).
FtG. 6. Coupe horizontale de Flechsig. a ; segment antérieur de la
capsule interne. b; genou de la capsule. c; segment postérieur de
la capsule. 1 ; extrémité antérieure, 3 ; CXLR. postérieure du noyau
caudé. 2 ; noyau lenticulaire. - f ; couche optique 5 ; capsule ex-
terne, 0; avant mur. 7 ; section de la sciss. de Sylvius,
FtG. 7. Coupe transversale du pédoncule cérébral immédiatement en
avaitt de /sp''o<t<&e;'aKce. 1 ; étage inférieur. 2; locus niger de
Soemmerring. 3 ; étage supérieur.
- 1 ? ? ui uuic ' " rome xvl. Y1 il 1
EXPLICATION DES PLANCHES. 409
PLANCHE Il
FiG. 1. Coupe des pédoncules cérébraux immédiatement au-dessus
de la protubérance. 1, 1; étage inférieur (et les différents faisceaux
qui le constituent). 2, 3; locus niger. 3, 3 ; portion sensitive des
pyramides. t, t ; cordons antérieurs traversés par les fibres des pédon-
cules cérébelleux supérieurs (étage supérieur). 5, 5 ; noyaux d'origine
des nerfs moteurs oculaires communs. 6, 0 ; coupe des tubercules
quadrijumeaux. 7 ; coupe de l'anueduc cie Sylvius.
Fig. 2. Coupe de la protubérance au niveau de sa partie moyenne.
1, 1 ; portion motrice des pyramides (étage inf.) 2, 2 ; leur portion
sensitive (étage moyen).-3, 3 ; coupe des cordons antérieurs prolongés
de la moelle (étage sup.). 4, î ; grosse racine de la cinquième paire.
5, 5; fibres transversales formant par leur réunion les pédoncules
cérébelleux moyens.
FiG. 3. Coupe de la moelle immédiatement au-dessous du renfle-
ment brachial. 1, 1 ; cordon de Turk ou faisc. pyramidal direct
(Flechsig). 2, 2; faisc. pyramidal croisé (Flechsig). 3, 3 ; corne an-
térieure. 4, 4 ; zone radiculaire antérieure (Pierret) ou partie fonda-
mentale (Flechsig). 5, 5 ; cordon de Goll. 6, 6 ; bandelette externe
du cordon postérieur ou zone radiculaire interne des racines rachidien-
nes postérieures. 7, 7 ; cordon de Burdach.S, 8 ; corne posté-
rieure. 9, 9 ; colonne de Clarke. 10, 10; faisc. cérébelleux direct.
Fig. i. Tracé schématique du nzésocéphale et de la moelle cervicale
(face latérale) pour montrer la terminaison des faisceaux cortico-bul-
baires. A; pédoncule. B; protubérance. - C; bulbe. D; moelle,
cervicale. a, a ; b, b ; c ; direction des coupes représentées par les
figures 1, 2 et 3 de cette planche. 1, 2, 3 ; pédoncules cérébelleux sup.
moy. et inf. - t ; locus niger. Émergence de la racine motrice de
trijumeau. 6; facial. 7 ; grand hypoglosse. 8 et 10; pyramide
antérieure et postérieure du bulbe. - 9 ; olive. 11, 12, 13 ; cordons
antérieurs, latéraux et postérieurs. - 11, 15 ; sillons collatéraux antérieurs
et postérieurs. - 16; renflement brachial, 17; commissure blanche
formée par l'entre-croisement des cordons antéreurs.-1S; lieu d'entre-
croisement des cordons latéraux et des cordons postérieurs.
Etieui. Ch. lial,issuv, imp. - 1188.
CATSARAS. Tableau II.
TABLEAU DE LA FORME CENTRALE SPINALE POSTÉRO-LATÉRALE.