(1888) Archives de neurologie [Tome 16, n° 46-48] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1888) Archives de neurologie [Tome 16, n° 46-48] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

LE

NEUROLOGIE

ËYREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HÉRISSËY.

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

REVUE .

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

PUBLIEE 9 0 U 8 I. A D I Illï C T 1 0 N 1)1 !

J.-M. CIIA1VCOT

AHC LA COLLABORATION DU

1151. BABINSICI, BALLET, BITOT (l ? A.), 81..1NCIIAItU, BLOCQ, BO\NAlltlr ;1 : .).

BOUCHE ! OEAU, BITIAND (11.), BRICOX (P.). BIIISSAIID

B))OUA)tDEL (P.), CATSARAS, CHARPENTIER, C.IIASUN, COTA11O, DEUOVE (M.)

11ELAS1AUVE, DIÎNV, UUVAL (111ATRIIAS), l'LIIIIIEI, GILLES DE L1 'POUItETTL,

GLOVEB, G011BAULT, GRASSET, JOEFROY (A.), (P.), LASDOUZV,

LEGRAIN, 111ABILLG, MAGNAN, MARIE, MEMJELSSOHN, MIEHZEJEWSICY,

llllS61t : 1V1 : -CLA1', NGU\IANN,PA1POUKIS, PAlll\AUU,PfEI11111T,PITItES,

POPOFF, HAOULT, RAYMOND (F.), RAYMOND (P.),

11ECiNAItl) (À.), REGNAI ! » (P.), H1CUER (P.), ROUBI10VISCH, W. ROTII,

ltOUSSI : LET (.1.), SIiGLAS, SEGUIN (E.-C.), SOLL1EH, TALA110\,

(IS.), TIILILII : (IL), TItOISIlit (r.),

1'IGOlIItOIIX (11.), VOISIN (J.).

Rédacteur en chef : BOtJ)tI\ËV)).).E

Secrétaire de la rédaction : Cil. Déité

Dessinateur : LEUBA.

Tome XVI. - 1888.

Avec 2 planches et 20 figures dans le texte.

PARIS

BU 1» EAUX DU PHOUHÈS MÉDICAL

i'i, rue des Carmes.

1888

Vol. XVI. Juillet 1888. N" 46

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

ÉTUDE PATuOGËNIQUE ET EXPÉRIMENTALE

SUR LE VERTIGE MARIN';

Par 1C D P.-S. P1\IPOUILIS,

En mission scientifique par l'Université d'Athènes.

DEUXIÈME PARTIE.

Expériences sur notre appareil à vertige marin.

Avec la table à vivisection nous avons obtenu seule-

ment des mouvements antéro-postérieurs. Mais ce

n'était pas suffisant, attendu que notre but était d'étu-

dier surlout les mouvements d'un navire au moment

de tempête pendant laquelle se produisent des mouve-

ment de tangage (antéro-postérieurs), ou de roulis (la-

téraux) ou mixtes (de tangage et de roulis). Il fallait

donc inventer un appareil qui nous donnât ces mou-

vements. Après une étude laborieuse de la question,

nous sommes heureusement parvenu à la résoudre.

' Voir drck. cle \'ctcrol., t..TV, y. 393.

Archives, t. XVI. 1

2 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Nous avons, par conséquent, fait construire un appa-

reil, dont voici l'ensemble.

On voit par ces croquis que les mouvements cher-

chés sont entièrement obtenus par la rotule qui est

encastrée à son centre dans une calotte de même dia-

mètre. La rotule faisant pièce unique avec une co-

lonne haute porte la table à expérience. Cette table est

fixée à sa partie inférieure par six vis à doubles an-

neaux articulés, trois de chaque côté. A chacun des

anneaux inférieurs est fixé un boudin en caoutchouc

Fig. 1. -Appareil à vertige marin du D' P. S. l'ampoukis.

bU VERTIGE lIiARIN 3

creux, à couronne épaisse ou de petit calibre. Ces tubes

en caoutchouc par leurs extrémités inférieures sont

fixées également et de la même manière à l'entable-

ment inférieur, qui supporte tout l'appareil à l'aide

de solides équerres. Sur les côtés du support de la

table à expériences sont placées deux poignées en fer,

au moyen desquelles on imprime à l'appareil les mou-

vements imitant les mouvements du bateau.

Notre appareil a été construit en bois de charme. Mais

nous aurions pu le faire construire en fonte, si nous

avions eu la certitude de réussir aussi bien qu'avec le

bois. Toutefois, si nous n'avions pas recherché la sim-

plicité, nous aurions pu compliquer le mécanisme en'

ajoutant une double articulation sphérique à l'extré-

mité inférieure de la rotule, mise en mouvement par

une transmission à angle droit sortant par le côté la-

téral dans le- sens de la longueur; cette transmission

aurait été alors actionnée au moyeu d'une manivelle.

Mais nous avons obtenu le même résultat par les deux

poignées placées de chaque côté du support de la table

à expérience. Nous relatons les dimensions de notre

appareil.

4 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

ments aussi vastes que nous voulons, et qu'en outre,

par l'action de la rotule, nous obtenons tous les mou-

vements désirables. Chacun devine l'action des tubes en

caoutchouc. D'abord, l'appareil est toujours rappelé à

son équilibre normal ; ensuite, tout le poids de l'animal

est supporté par la traction des tubes en caoutchouc

opposés aux mouvements que nous exécutons, et

par conséquent le maniement de l'appareil est rendu

facile. Ayant réussi à imiter parfaitement les mouve-

ments du bateau à l'aide de notre appareil, nous

avons commencé les expériences.

a). Lapins. D'abord nous avons fixé, au centre de la table

une grande cage dans laquelle nous avons placé un lapin. Après

cinq minutes de mouvements d'évolution complète de l'appareil,

le lapin ne peut plus se tenir sur les pattes, et il se met à plat

ventre ; il refuse de manger; ses pupilles se dilatent; la respira-

tion devient fréquente-, les oreilles se dressent; un léger tremble-

ment apparaît.

Alors nous le plaçons par terre. Le tremblement continue ; les

pattes, surtout les postérieures, sont écartées en dehors; le lapin

s'assied sur les cuisses; il ne mange pas; bien que nous le

poussons à marcher, il reste en place. Nous pinçons la peau, mais

pas de réaction ; cependant nous savons que les lapins ont la

peau très sensible et qu'au moindre tâtonnement ils réagissent

par des mouvements. Le lapin reste dans cet état de stupeur

pendant quelques minutes et, peu à peu, il reprend ses habitudes.

Après un repos de dix minutes, il revient à l'état normal, ne

supportant pas.le pincement, etc.

Nous reprenons les expériences sur d'autres lapins que nous

balançons, sans arrêt, pendant trois quarts d'heure. Nous obte-

nons les mêmes résultats : les lapins avaient l'air d'abord inquiet,

puis triste; les pupilles ne ,se contractent plus à la lumière

pendant les mouvements, ni après.

b). Cobayes. ? Nous les plaçons dans la même cage ; nous les

balançons; ils étaient inquiets ; ils faisaient des mouvements de

mastication. Mais, en somme, ils n'avaient pas l'air de bien souffrir.

c). Chiens. Enfin, nous avons balancé des chiens.' Pendant les

mouvements, un petit chien 'gémissait tout doucement ; il était

inquiet ; il tremblait ; il changeait de place, mais de préférence

DU VERTIGE MARIN. 5

il occupait la place opposée à la chute de la tête ; notons que la

cage a été placée à une des extrémités de la table.

Après un balancement d'une demi-lieure nous le mettons par

terre; il n'a pas la démarche cérébelleuse ; nous remarquons

seulement une faiblesse des membres postérieurs ; il a souvent des

secousses générales ; après un repos de deux à trois minutes, il

reprend son état normal. Alors nous balançons des chiens pen-

dant une heure; ils souffrent de plus en plus; ils ne peuvent plus

se tenir sur leurs jambes; ils s'asseoient sur leurs membres pos-

térieurs et ils restent immobiles; ils ont l'air triste et abattu.

Sur un chien de race terrier mâtiné, les phénomènes ont été

plus accentués. La bouche reste entr'ouverte comme chez le

chien qui vient de courir et la respiration devient haletante; vers

le milieu de l'expérience, le petit chien a des bâillements à répéti-

tion, l'air triste ; il ravale; il met la queue entre les jambes et il

baisse les oreilles. Enfin, il s'étend sur le ventre, ne pouvant plus

se tenir, à mesure que l'expérience avançait. Pendantl'expérience,

non seulement il refuse de manger, mais il retourne la tête.

Nous avons constaté cet état de choses chez tous les chiens que

nous avons soumis à l'expérience.

Nous avons attaché des chiens parles pattes sur la table ci expé-

rience et nous avons observé les mêmes phénomènes. Nous voyons

de plus, après des mouvements de vingt à trente minutes, une

salivation abondante ; la salive était alcaline et coulait continuelle-

ment jusqu'à la fin de l'expérience. Avec la salivation nous

avons observé aussi des bâillements et des ravalements. Ces trois

signes sont très importants.

Après des mouvements d'une heure les chiens étaient abattus;

ils fermaient les yeux en tombant dans un état somnolent; ils ne

remuaient plus vers la fin de l'expérience. La température rectale,

même après de longs mouvements, n'a pas été abaissée au-dessous

de 3 ? elle restait à 38°.

Ces résultats des expériences sur notre appareil

prouvent que les animaux soumis à des mouvements

finissent par avoir les symptômes du vertige expéri-

mental. Il est à remarquer que les animaux ne vo-

missaient pas. Mais nous savons aussi par les marins,

qu'à des rares exceptions près, les animaux ne vomis-

sent non plus, quand ils ont le vertige marin à bord

du navire. Nous avons pris les tracés thoraciques sur

plusieurs chiens attachés. Nous citons ici les résultats

6 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

frappants. D'abord les respirations deviennent plus

fréquentes et perdent de leur amplitude; puis, le con-

traire se produit. Si nous interrompons l'expérience,

nous constatons qu'immédiatement la respiration perd

encore de sa fréquence.

Touchant maintenant un peu aux détails, nous ci-

tons qu'au début de l'expérience les respirations en

devenant plus fréquentes et moins amples changent

aussi leur rythme. Aprèsun balancement de ]0' à 15',

les respirations diminuent leur fréquence et revien-

nent presque à l'état normal. Dans le repos qui suit le

balancement, les respirations diminuent presque d'un

tiers de leur nombre (8 au lieu de 12). Si l'expérience

se prolonge alors les respirations deviennent moins

fréquentes qu'à l'état normal, et plus amples jusqu'au

double même.

Mais le résultat le plus important de ces expériences

c'est que l'animal se

met, quant à sa respi-

ration, au rythme des

mouvements de /'<7/)/M-

reis. En augmentant

la' vitesse des mouve-

ments de l'appareil ,

nous constatons pro-

portionnellement une

augmentation de la fré-

quence des respira-

tions, et puis, l'in-

verse. Nous allons in-

tercalér quelques tra-

cés relatifs aux résultats de ces expériences.

t'iij. -. IlMOJs dos IC»[l lallu.ia u ll.l

chien attaché sur notre appareil. Le

tracé supérieur indique la respiration

diaphragmatique.

DU VERTIGE MARIN. ' '7 7

Nous donnons quelques explications sur ce tracé;

les deux premières lignes verticales qui sont rappro-

chées indiquent le moment où la tête se trouve en bas;

la ligne qui suit indique le moment où nous avons

soulevé l'appareil presque en ligne horizontale; la

Fig. 3. Trace» du même ctucit au deuui des mouvements sur notre

appareil. Le tracé diaphragmatique se trouve en haut.

rig. 4. Tracé-, du même chien après quarante miuuius du balancement

sur notre appareil.

'8 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

troisième indiquelemomentpendantlequella têteétait

en haut et par conséquent les pieds en bas; la qua-

trième marque le

moment où l'ap-

pareil a été ra-

mené à laposition

horizontale et in-

cliué du c8té droit

latéralement; en-

fin, les deux cin-

quièmes repré-

sentent le mo-

ment où la tête

était en bas, pour

recommencer une nouvelle évolution. Ces lignes ver-

ticales ont été prises d'après l'action du métronome,

par conséquent dans des espaces absolument égaux.

Voici maintenant les tracés pris sur des lapins atta-

chés sur notre appareil. ,

Avant de commencer des expériences sur un chien,

nous lui avons donné à manger 200 grammes de

viande. Peu après le début de l'expérience, il a com-

mencé à lécher; dix minutes après, il bâillait; trente

minutes après, il a eu une salivation, mais pas aussi

abondante que dans deux autres expériences que nous

avions déjà faites. A la fin de l'expérience, le chien mar-

chait de travers, par manque d'équilibre des membres

postérieurs, et cela pendant trente secondes, après quoi

il y a eu évacuation de la vessie et du rectum. L'ani-

mal est redevenu d'aplomb au bout de deux minutes.

Ensuite, nous avons entrepris une série d'expé-

riences, en poussant le balancement jusqu'à la limite

Fig. 5. - Tracés pris en repos et après les

mouvements de quarante minutes. La cour-

bure supérieure indique toujours la respira-

tion diaplita-matique.

DU VERTIGE MARIN. H

extrême et en inclinant la colonne subitement et

brusquement de manière à produire une secousse par le

contact du bord de la

colonne avec le bord

du collier et cela peu-

dant la chute de la

tête.

Cette espèce de ba-

lancement, en imitant

la secousse que le ba-

teau ressent en brisant

les flots, indispose

l'animal plus que

tout autre mouvement.

Ainsi, il commence à

crier pendant les vingt

premières minutes ;

ensuite, il gémit en se

léchant et cela immé-

diatement après la se-

cousse, quand nous

relevons la table.

En comparant les

traces que nous avons pris dans les divers moments

du balancement, nous avons constaté qu'avec le début

des mouvements de l'appareil la respiration change et

commence à s'accommoder à ces mouvements; plus

l'expérience avance, plus les deux respirations s'ac-

commodent, en s'approchant, quand la tête est en

chute, et en s'éloignant quand la table s'élève. Les

respirations d'abord augmentent de fréquence,. puis

elles diminuent en prenant de l'amplitude. Ce

Fiy. G. - 1'racvs des respirations d un

lapin, en repos sur notre appareil. Les

deux supérieurs sont les thoraciques.

Les deux inférieurs sont les diaphrag-

maliques.

10 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

changement persiste et même augmente dans le

repos, qui suit le balancement. Pour se persuader

de ce que nous avançons il suffit d'étudier et com-

parer entre eux les tracés à partir du n° 2 à 5 et

ceux des nos6 à 7.

ANAYSE DES GAZ DU SANG D'UN CHIEN AVANT ET TENDANT LE

BALANCEMENT.

Nous avons fait l'analyse des gaz du sang d'un chien avant et

pendant les mouvements sur notre appareil, en retirant de la

fémorale 100 centimètres cubes pour deux analyses. Nous avons

constaté qu'après le balancement le G02 et l'O étaient augmentés.

Mais, avec une seule expérience, nous n'osons pas tirer de conclu-

sions ; il faudra donc répéter ces -expériences, ce que nous nous

proposons de faire prochainement.

Fig. î. - 1.u .apm est en balancement sur notre appareil. La courbure

supérieure indique la respiration thoracique. Entre les deux lignes

verticales, il va une évolution complète de l'appareil en mouvement.

DU VERTIGE MARIN. il

SAIGNÉE GÉNÉRALE ET BALANCEMENT.

Nous avons retiré de ee même chien, employé par nous pour

l'analyse des gaz du sang, et par la môme fémorale. 420 centi-

mètres cubes de sang, soit pres-

quele 1/5 de son poids total. Im-

médiatement après la saignée,

nous avons lu dans le tracé que les

Fig. 8. 'tracés pris sur le olncn en repu ? biii, ul.u ,.upareil.

L'artère fémorale est découverte. La courbure supérieure indique la

respiration thoracique.

tig. 10. -'l'races pris cinq minutes

après la saignée.

Fig. 9. - l'rucr ps 'immédiatement

après la saignée de) 420 c. m. c. Même

,. disposition des courbures.

1 °

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

respirations sont devenues plus fréquentes et moins amples. Cinq

minutes après, elles étaient très fréquentes et petites. Dix minutes

après, elles étaient déjà moins fréquentes et plus amples. En voici

les tracés relatifs.

Alors nous avons balancé le chien, mais il n'a eu ni salivation,

ni bâillement, ni ravalement comme dans l'expérience précédente.

Tantôt il crie continuellement, tantôt il tombe dans un état de

f Fig. 11. - Tracés pris dix minutes après la saignée.

Fig. 1v. - Tracés pris en balancement après la saignée.

DU VERTIGE MARIN.

13

stupeur avec silence absolu, les yeux demi-fermés, dans une com-

plète immobilité, malgré tous les grands mouvements qu'on

donne a l'appareil. Apres la un de

l'expérience, l'animal était abattu,

étendu sur place , refusant de

mander.

Fig. 1. - Tracés pris après un balance-

ront d'une demi-heure (après la saignée).

1

Fig. Il. f. - Tracés pris après un balan-

cement (I'le7le lieiii-e.

Fig. la. Tracés pris en repos, immédiatement après le balancement

d'une heure (après la saignée).

14 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Pourquoi après cette grande saignée, nous n'avons

pas observé pendant le balancement de l'animal

ni la salivation, ni les autres signes caractéristiques

du vertige marin produit par notre appareil ? D'après

nous, nous expliquons le manque de salivation par

la raison que le sang ayant perdu presque le ciii-

quième de son volume a diminué de pression, et par

conséquent a absorbé des liquides de l'économie, d'où

les sécrétions ont été suspendues, malgré la provoca-

tion du balancement.

Nous relirons de plus de cette expérience un résul-

tat pratique et très important. C'est que dans le ver-

tige marin, il faut interdire l'usage des liquides autant

que possible, avant et pendant la traversée, car la dimi-

nutiort de la pression sanguine qui eu résulte empêche la

manifestation des symptômes du vertige marin.

Quarante-huit heures après la grande saignée, nous avons

balancé le même chien ; cinq minutes à peine après le début du

balancement, le chien (t eu de la salivation ; bien que le balance-

ment aitduré une heure, le chien n'a pas crié, il n'a pas été inquiet,

il restait immobile sur place en relevant de temps en temps la

tête, peut-être pour voir ce qui se passait autour de lui.

Ou voit que la salivation a été produite presque inz-

médiatement au début des mouvements ; d'où nous con-

cluons que l'anémie prédispose aux symptômes du

vertige marin. Cette expérience est aussi d'accord

avec ce qui se passe chez les passagers; car nous sa-

vons que les personnes débilitées, anémiques, ner-

veuses, et surtout les femmes, sont plus prédisposées

au vertige marin que les autres.

Pression sanguine et balancement sur notre avpareil.

Dans une série d'expériences sur la pression sanguine,

DU VERTIGE MARIN.

13

nous avons réussi à prendre simultanément les deux

pressions, celle de l'artère carotide et celle de la fémo-

rale, tant en repos qu'en balancement. D'abord nous

avons pratiqué la trachéotomie; ensuite nous avons

mis à nu les deux artères. Alors le chien étant atta-

Fig. 16. Tracés de la pression des artères carotide et fémorale. Les

tracés doivent être lus de droite à gauche. Le tracé de la carotide se

trouve en haut. Tout à fait en bas, on voit les secondes. A droite, du

début des tracés jusqu'à la première ligne verticale, nous avons les

pressions en repos. Ensuite les tracés en balancement lent, et de la

façon suivante : tète en bas ; tête au niveau ;tête en haut.

16 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

ché et en repos, sur notre appareil, nous avons pris

sur le même tracé la pression sanguine des deux ar-

tères en même temps. Ceci fait, nous balançons le

chien et nous prenons les deux pressions au début des

mouvements. Les tracés de deux artères ont été les

mêmes en marchant d'accord. Tous les deux ont été

influencés par la respiration, laquelle a donné aux

tracés les courbures d'accomodernent aux mouve-

ments de l'appareil, dont nous avons plusieurs fois

parlé.

D'ailleurs, en voici ci-dessus un des tracés relatifs.

Influence des mouvements de notre appareil sur les

mouvements du cerveau et du liquide céphalo-rachidien.

- -Au mois de juillet de 1887, nous avons entrepris

la dernière série de nos expériences sur le vertige ma-

rin. Nous avons voulu étudier l'influence des mouve-

ments de notre appareil sur le liquide céphalo-rachi-

dien. Nous avons essayé d'enregistrer les mouvements

de ce liquide par la membrane occipito-atloïdienne.

Malheureusement, la canule de M. le professeur Dastre

ne pouvait pas nous servir, attendu que les tracés

pris au moyen de cette canule sont à peine de quel-

ques millimètres, l'animal étant au repos. Nous avons

essayé plusieurs méthodes pour amplifier ces tracés,

mais les résultats ont été presque insignifiants. En-

suite, nous avons opéré sur plusieurs chiens en faisant

la trépanation du crâne pour essayer d'enregistrer par

ta. Mais pour les mêmes raisons nous ne sommes pas

parvenu à des résultats satisfaisants. Cela ne nous dé-

sespère pas. Très prochainement, nous allons reprendre

l'étude du déplacement du cerveau et du liquide cé-

DU VERTIGE MARIN. 17

phalo-rachidien pendant les mouvements de notre ap-

pareil. La solution de cette question est très importante.

Car si nous arrivons à prouver ces déplacements, la

théorie de l'influence du liquide céphalo-rachidien sur

la production du vertige marin serait classée parmi

les causes réelles.

Résumé de nos expériences faites sur des animaux placés sur notre

appareil en mouvement. a). Lapins. Quelques minutes après

le début des mouvements, les lapins ne peuvent plus se tenir sur

les pattes; ils ne mangent pas; les pupilles se dilatent; la respi-

ration devient fréquente au début et lente vers la fin ; les oreilles

se dressent ; vers la fin de l'expérience nous constatons des trem-

blements des membres. Durant l'expérience, les lapins ont le

regard inquiet.

b). Cobayes. Ils paraissent inquiets et font des mouvements de

mastication ; ils ont de plus les autres signes. Mais ils souffrent

moins que les lapins. -

c). Chiens dans la cage sur l'appareil. En général les jeunes

souffrent plus que les vieux ; ceux de petite taille plus que les

grands. Ils deviennent inquiets ; ils changent constamment de

place, mais ils préfèrent surtout tourner la tête du côté opposé à

chute de la table; ils crient; mais le plus souvent ils gé-

missent; ils tremblent.

Si l'expérience se prolonge (une heure, par exemple), ils de-

viennent tristes; ils ne peuvent plus se tenir sur les pattes; ils s'é-

tendent sur le ventre et ils y restent immobiles. Il y en a qui ont

eu la respiration haletante avec des bâillements et des ravale-

ments ; alors ils baissaient les oreilles et plaçaient la queue entre

les pattes. Les chiens soumis à l'expérience ne mangeaient pas.

d). Chiens attachés par les pattes sur l'appareil. Nous avons

observé les mômes phénomènes; mais surtout les bâillements

et les ravalements. 1

Vingt à trente minutes après le début des mouvements, ils ont

une salivation qui rarement a manqué, tandis que chez quelques

autres elle a été abondante. Nous considérons la salivation

comme le signe le plus important du vertige marin expérimental

des animaux.

Si l'expérience se prolonge, alors ils ont une espèce de som-

nolence; ils deviennent abattus; ils ne remuent plus. La tempé-

rature rectale, même après de longs balancements, n'a pas trop

baissé (38°). Les changements de la respiration sont les mêmes;

Archives, t. XVI. 2

18 ô - PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

de plus, nous avons observé pendant les expériences que le sys-

tème de la respiration s'accommode aux mouvements de l'appareil ;

ainsi, en augmentant la vitesse des mouvements, les respirations

augmentent aussi proportionnellement.

Si les chiens mangent immédiatement avant l'expérience, alors

ils commencent à ravaler et à bâiller presque dès le début des

balancements. En produisant sur l'appareil des secousses pendant

la chute de la tête, l'état de l'animal s'aggrave, il ravale alors

presque à chaque secousse. Les grandes saignées générales

empêchent l'apparition des symptômes que nous avons constatés

chez les autres chiens en balancement.

L'anémie prédispose à l'apparition rapide de ces phénomènes,

comme nous l'avons constaté expérimentalement. Ayant pris

simultanément la pression de la carotide et de la fémorale, nous

avons constaté que les tracés étaient les mêmes pendant le balan-

cement. Tous les deux ont été influencés par la respiration,

laquelle a été accommodée aux mouvements de l'appareil.

Nous n'avons pas pu étudier l'influence du balance-

ment sur les mouvements du cerveau et du liquide

céphalo-rachidien, car les appareils connus jusqu'à

présent pour enregistrer ne donnent que des cour-

bures de quelques millimètres. Nous avons essayé plu-

sieurs méthodes pour amplifier ces tracés; mais les ré-

sultats ont été presque insignifiants.

IV. Vertige marin DE l'homme.

a.) Symptômes. Notre but n'étant pas de faire ici

une description complète et détaillée du vertige marin,

mais seulement de ses causes et de sa pathogénie, nous

n'insisterons pas sur les symptômes, qui d'ailleurs sont

bien connus et décrits. Nous rappelons seulement que

dans le vertige Menière, nous avons presque les mêmes

symptômes, qui surviennent au moindre élèvemeiii de

la tète vers le plafond, comme nous avons eu les occa-

DU VERTIGE MARIN. 111)

sions de nous en assurer maintes fois chez les malades

que notre illustre professeur et maître M. Charcot,

nous a fait voir pendant les dernières années à la salle

de ses conférences, à propos de l'action énergique du

sulfate de quinine à la dose quotidienne d'un gramme

contre ce vertige.

En comparant ici les symptômes de ces deux ver-

tiges, nous nous hâtons de faire observer que nous

n'entendons pas par cela même établir une pathogénie

commune, car le sifflement d'oreilles est le symptôme

important du vertige Menière, tandis qu'il fait défaut

ou se manifeste à peine dans le vestige marin; ensuite,

les nausées et les vomissements ne surviennent qu'à la

fin de la crise du vertige Menière, tandis que dans le

vertige marin, ils constituent le premier symptôme.

Par conséquent, nous pouvons décider dès maintenant

que la théorie de Goltz sur les canaux demi-circulaires

ne peut pas s'appliquer au vertige marin, du moment

que la symptomatologie de ces deux vertiges diffère

dans le fond. Nous citons ici que tous les symptômes

du vertige marin de l'homme se sont manifestés chez

les animaux pendant nos expériences, sauf les vomis-

sements, qui d'ailleurs ne se produisent pas ordinai-

rement chez les chiens et d'autres animaux montés sur

le bateau « la mer sur la terre ou sur les navires ou

voiliers pendant la tempête.

b.) Les antiennes théories sur le vertige marin.

Nous croyons inutile de rapporter ici les dix différentes

théories, car elles sont déjà combattues par les au-

teurs qui se sont occupés de la question. Il n'y eu a

qu'une seule qui vaudrait la peine d'être discutée;

20 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

c'est celle de Marius Autric sur les oscillations du li-

quide céphalo-rachidien et de l'anémie conséquente du

cerveau. Nous en parlerons plus loin. Quant à la théorie

miasmatique et microbienne, nous nous permettons

de faire une réflexion. générale. La bactériologie est une

science récemment créée par l'illustre maître Pasteur,

et développée par Koch, Cornil et ses élèves, Duclaux,

les élèves de Pasteur, et autres éminents spécialistes.

Si les études bactériologiques restaient entre les

mains de pareils savants, qui possèdent tous les

moyens nécessaires pour mener à bien des expériences,

alors l'avenir de la bactériologie serait vite assuré.

Mais, plusieurs autres docteurs, poussés par un zèle

d'ailleurs louable, se sont adonnés aux mêmes études

sans posséder les mêmes éléments d'expérience. C'est

ainsi que nous avons vu tant de résultats contradic-

toires et erronés, et tant de microbes pour tant de

maladies de sorte que les adversaires delà bactériolo-

gie nous ont accusé de voir partout des microbes. Mais

espérons qu'aujourd'hui ils nous rendront justice,

étant convaincu que la science a acquis dernièrement

tous les éléments nécessaires au diagnostic certain d'un

microbe, du moment que nous pouvons ensemencer

des plaques de gélatine pour suivre les différentes ma-

nières de développement de tel ou tel microbe; que

nous pouvons examiner le développement de ce mi-

crobe dans des tubes de gélatine acide neutre ou alca-

line et comparativement diiisl'a-ar; que nous pouvons

examiner les caractères de culture sur les divers mi-

lieux, bouillon, gélatine, agar, pommes de terre, sé-

rum simple ou gélatinisé, gélatine glycérinée; que nous

étudions la formation des spores, l'action de la tempe-

DU VERTIGE MARIN. 21 Il

rature, de la lumière, de l'air et de divers antisep-

tiques ; que nous employons tous les procédés de co-

loration, et que nous faisons enfin des expériences

sur les animaux par l'inoculation du sang, tissu cellu-

laire, péritoine et les divers organes.

La comparaison, que Semanas a faite, du vertige

marin à l'intoxication palustre n'est pas heureuse,

car plus on s'expose au miasme palustre, plus on

verra la maladie réapparaître, tandis que pour le ver-

tige marin c'est tout à fait le contraire, étant donné

qu'on n'acquiert l'immunité qu'en voyageant.

Pour qu'une maladie infectieuse se développe, il lui

faut toujours la période d'incubation qui est plus ou

moins longue, selon lavirulence dumicrobe, sa nature,

la température, le milieu nutritif, etc. Mais pour le

vertige marin ce n'est pas du tout la même chose.

Pour prouver cela, il suffit de citer ce qui nous est ar-

rivé au mois de septembre 1880, quand nous nous

embarquâmes à Corinthe pour Patras.

Il était midi; nous montons dans un canot; la mer

était tellement agitée que malgré les efforts des mate-

lots nous ne pûmes effectuer le trajet du bord au na-

vire que dans un laps de temps triple du trajet ordi-

naire. Le roulis était si violent que les flots mouillaient

tous les passagers du canot. Eh bien, malgré cette tem-

pête, personne de nous n'éprouva pendant le trajet le

vertige marin. Alors nous nous embarquons ; après

une attente de dix minutes, durant lesquelles tout le

monde se portait bien, le navire lève l'ancre. Mais à

peine l'hélice avait-elle fait quelques tours que nous

commençâmes à ressentir les premiers symptômes du

vertige marin.

22 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. DU VERTIGE MARIN.

Nous en concluons que si les microbes étaient la

cause, nous n'aurions pas ressenti les premiers symp-

tômes aussitôt au départ du bateau, du moment que

le temps qui s'est écoulé depuis notre embarquement

jusqu'au début du vertige ne dépassait pas quelques

minutes, ce qui n'est pas admissible comme incubation

pour aucune autre maladie, de ce que du moins nous

connaissons jusqu'à présent. D'ailleurs, comment ex-

pliquer le début des symptômes avec le départ du ba-

teau et pas avant, ni après, tandis que la mer était

agitée et houleuse ?

Si malgré ces données on nous objecte que c'est une

simple coïncidence le début de symptômes avec le dé-

part du navire, et que quant à l'incubation rien n'em-

pêche qu'elle soit si courte peu importe pour l'in-

cubation des autres maladies alors nous nous

demandons comment on peut expliquer l'arrêt immé-

diat des symptômes aussitôt que le bateau s'arrête dans

le premier port, malgré l'agitation de la mer ? De plus,

comment expliquer ce phénomène : que ce n'est pas

tant les personnes qui sont sur le pont du bateau qui

deviennent malades, mais surtout celles qui sont

dans l'intérieur du navire ?

c.) Nos éludes sur les causes du u ? ema ? 'M ! /7<o ? ? 7e.

Commccause essentielle du vertige marin nous ac-

ceptoiis les mouvements spéciaux du navire, dont nous

parlerons plus loin. Comme causes occasionnelles nous

citerons l'odeur du goudron, la fumée, le charbon, la

chaleur de la chaudière, la fatigue, les excès et les

écarts de régime, les peines morales, l'odeur repous-

sante de la cale et des chambres aux cabines, le

DE LA GI,I03fATO81 ? MEDULLAIRE. 23

manque d'air pur, etc. Tout ce cortège prédispose le

passager à sentir plus ou moins selon son individua-

lité, l'action des mouvements et des secousses du na-

vire, en diminuant la résistance physiologique de

l'organisme et en augmentant l'activité de la cause es-

sentielle. D'ailleurs, nos expériences personnelles et

tous les renseignements que nous avons eus des aspi-

rants et officiers de bord de la marine hellénique

commerciale concordent à cette affirmation, que la

plupart des voyageurs commencent à sentir les pre-

miers symptômes au début des mouvements spéciaux

que le bateau subit par la tempête. Ainsi nous avons

senti, à Corinthe, les premiers symptômes aussitôt le

départ du bateau, tandis que la mer était déjà agitée

avant notre embarquement. (1 suivre.)

PATHOLOGIE NERVEUSE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE SY11P1'OIfA'l'OLOGIQUE

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE1;

Par Wladimiu IIOTH.

i

Observation VI. \.

Thermanesthésie stationnaire limitée datant de dix ans. - Atrophie

progressive des muscles de la main. Paralysie atrophique des

membres inférieurs. A ? në<M)'<f< ! o ? : considérable de cette dernière.

Généralisation de l'anesthésie termique. Douleurs, pal-esthésies,

etc. - Abcès.

Mme L..., une Anglaise, âgée de trente-sept ans, mariée depuis

treize ans, ayant quatre enfants bien portants. Elle n'a jamais

. ' Voy. Archives de Neurologie, t. XIV, p. 368; t. li. 161.

24 ik PATHOLOGIE NERVEUSE.

été atteinte de la syphilis, ni des fièvres intermittentes ; jamais

elle ne s'était exposée anx influences nocives de nature rhuma-

tismale, traumatique ou toxique. Point d'hérédité névropathique.

Le goitre n'étant pas endémique dans son pays, personne de ses

parents n'en est atteint. Il y a treize ans environ que la therma-

nesthésie de la main gauche commença à se développer ; elle mar-

chait en augmentant et en ^étendant en haut sur l'avant-bras. Pen-

dant dix ans, ce symptôme resta stationnaire et la malade nepré-

senta pas d'autres troubles nerveux. Il y a quatre ans qu'une atro-

phie accompagnée de faiblesse musculaire de la main gauche

commença à se développer. Il y a un an environ, que sans motif

apparent, se déclara peu à peu une faiblesse progressive des

membres inférieurs. Depuis près de six mois, la faiblesse des mem-

bres inférieurs et la thermanesthésie du membre supérieur gau-

che se mirent à marcher plus vite, ce que la malade rattache à un

refroidissement; des douleurs parurent dans différents endroits

et persistèrent jusqu'à présent. Il y a près de sept ans, la malade

avait été atteinte d'abcès qui se répétèrent tous les ans dans le

courant de quatre années ; trois fois sous l'aisselle gauche et une

fois sous la droite.

Etat ACTUEL. - Légère strume, existant depuis longtemps.

Point d'exophtalmie, ni de palpitations. Les organes internes

sont normaux. La peau ne présente pas de troubles trophiques,

le squelette n'a pas subi d'altérations. La musculature est modé-

rément développée. Une atrophie considérable à la main gauche :

les muscles lombricaux et les interosseux (surtout le premier) ont

été le plus atteints ; les muscles de hypothénar l'ont été un peu

moins. La faiblesse de ces muscles correspond au degré de l'atro-

phie ; la malade serre la main assez fort. La force, mesurée d'après

le dynamomètre, est égale à 43 kil. (65 du côté droit); les

autres mouvements du membre supérieur gauche sont de force

normale, à l'exception de l'élévation et de l'abaissement de l'é-

paule, qui sont plus faibles. Dans le membre supérieur droit, on

n'observe de la faiblesse que dans l'élévation de l'épaule ; les

autres mouvements sont normaux.

Membres inférieurs. La malade marche sans assurance, en

faisant de petits pas : la démarche n'est ni ataxique, nispastique.

La force des membres inférieurs a beaucoup baissé, surtout ce

qui concerne la flexion de toutes les articulations ; elle est le plus

atteinte dans l'articulation coxo-fémorale et relativement moins

dans l'articulation tibio-tarsienne des deux côtés. L'extension est

aussi extrêmement affaiblie dans l'articulation coxo-fémorale,

bien moins dans les autres.

Les réflexes rotuliens sont très affaiblis; ceux des tendons

d'Achille sont exagérés. Les réflexes cutanés n'ont pas subi de

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE.

25

changements. Des mouvements convulsifs ne se produisent que

dans deux derniers doigts de la main gauche à son élévation jus-

qu'à la position verticale.

Sensibilité. -Il y a une thermanesthésie de la moitié gauche du

corps, neltement limitée par la ligne moyenne (fig. L7). La main ne z

sent pas une différence de température

jusqu'à 150; l'avant-bras et le bras celle

de 5°; le cou, la poitrine, la nuque et

le membre inférieur sentent des diffé-

rences de température moindres, mais

partout supérieures à celles du côté op-

posé où la thermanesthésie est normale

(1/2 1°), comme elle l'est aussi aux

deux moitiés de la face.

De légères piqûres provoquent partout

une sensation de douleur égale des deux

côtés.

Le loucher est normal et fin. Des attou-

chements légers sont bien sentis etjuste-

ment localisés. Le sens musculaire est

conservé.

Les nerfs crâniens n'ont pas subi de

troubles fonctionnels.

Les nerfs sciatiques et cruraux sont

douloureux à la pression, le nerf scia-

tique gauche plus que le droit. La pres-

sion produite sur les muscles des mem-

bres inférieurs, en partie dans les supé-

rieurs (le biceps) et le dos, provoque une

« douleur agréable ». Douleurs fréquentes

spontanées, pas bien aiguës, s'élevant

de la nuque vers le sommet de la tête;

douleurs dans la partie inférieure du dos

et une douleur en ceinture dans la par-

tie inférieure du ventre et des reins. La

pression sur les apophyses épineuses est douloureuse par places.

Les mouvements de la colonne vertébrale ne provoquent pas de

douleurs. Dans la tête, la malade éprouvait parfois un malaise,

de la pesanteur, quelque chose de semblable au vertige.

La disposition d'esprit est un peu sombre, déprimée ; la malade

prête beaucoup d'attention à toutes ses sensations anormales. Les

fonctions intellectuelles sont en bon état.

La malade ne demeurait pas à Moscou et je ne l'ai vue que

trois ou quatre fois dans le courant de dix-huit mois.

Fig. tf.

26 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Dans le courant de la première moitié de 1884, la faiblesse et

l'atrophie musculaire des membres inférieurs a progressé; une

paralysie complète s'est développée dans la sphère des nersspéro-

niers accompagnée de pied équin des deux côtés, par suite de la

contracture des muscles du mollet. L'électro-excilabilité des

muscles paralysés diminuait progressivement. Leur atrophie pro-

gressait rapidement. Dans les membres supérieurs au con-

- traire, on observait une certaine amélioration. La réaction de

dégénérescence ne s'observait que dans peu de muscles des

membres inférieurs et de la main gauche (CFC < AFC, contrac-

ture lente). Des douleurs étirantes et parfois aiguës dans le dos,

les reins et les membres inférieurs inquiétaient beaucoup la ma-

lade. Des vésicatoires sur le dos, l'iodure de potassium, puisdesbains

tièdes, l'électricité, le nitrate d'argent, le massage lescalmaient

plus ou moins, mais en général, la maladie continuant sa marche

progressive empira. Après un séjour de trois mois au bord de la mer

en Angleterre, où la malade prit plus de60 bains chauds (27-28°R.)

et de l'iodure de potassium à l'intérieur, les troubles moteurs

des membres inférieurs s'étaient considérablement améliorés.

Elle commença à élever et à remuer plus librement les pieds ;

l'atrophie disparut presque complètement; et le réflexe rotu-

lien réapparut du côté droit. Cette amélioration dans l'état des

membres inférieurs progressait lentement, jusqu'au mois de

mai 1885, lorsque je vis la malade pour la dernière fois. Aucon-

traire l'atrophie des muscles de la main avait augmenté. Les

douleurs dans les membres inférieurs spontanées et à la pression

diminuaient peu à peu depuis l'été de 1883 et disparurent presque

complètement vers le printemps de 1885,- la pression ne provo-

quait qu'une paresthésie agréable. Les sens du toucher, de la

douleur et la sensibilité électro-musculaire restèrent sans change-

ment. L'anesthésie thermique occupa peu à peu une région plus

grande, quoique son degré variât sur ces endroits nouvellement

occupés : déjà deux mois après le commencement de cette obser-

vation, le membre inférieur de l'autre côté était atteint ; après

les bains de mer le degré delà thermanesthésie diminua au membre

inférieur droit, mais ensuite parut une zone d'anesthésie ther-

mique plus profonde dans la moitié inférieure gauche du thorax,

limitée en haut par la ligne passant par l'ombilic, en bas par le

niveau de la crête iliaque. A la partie antéro-inférieure du ventre

et de la cuisse, on observait une thermanesthésie plus grande que

dans la partie périphérique du membre inférieur. Vers le prin-

temps de 1885 ces rapports se pervertirent; mais en revanche la

thermanesthésie siégeant à la partie centrale du membre inférieur

droit empira : ici la malade ne percevait que la différence de-4°, tan-

disque la sensibilité s'améliorait en descendant, la jambe distin-

guait la différence de 111-20. et le pied-l°. Il ajouta à ceci une nou-

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 27 Î

velle sphère de thermanesthésie : c'est celle du membre supérieur

droit au-dessous du coude ; la partie inférieure de l'avant-bras et

les doigts ne percevaient pas la différence de 4°, et la paume de

la main - celle de 3"-3 ? à la partie supérieure de l'avant-bras

la thermanesthésie descendait peu à peu à zéro à mesure qu'elle

s'approchait du bras. La face et la moitié droite du thorax conser-

vaient tout le temps une sensibilité normale. L'état général de

la malade était satisfaisant. Dans le courant des deux dernières

années, la maladie paraissait avoir progressé ; on me communi-

qua que l'état de la malade empira considérablement.

Le 25 février, j'ai eu l'occasion de revoir ma ma-

lade. La marche ultérieure de la maladie confirma

complètement notre diagnostic quant à l'affection

fondamentale et vint appuyer la supposition que les

phénomènes observés dans les membres inférieurs

dépendaient d'une complication. A l'heure qu'il est,

les phénomènes d'une paralysie atrophique en sont

presque disparus. La malade marche assez bien,

c'est surtout dans l'articulation du genou et dans

la tibio-tarsienne que la force motrice est bonne. La

sensibilité douloureuse à la pression sur les nerfs et

les muscles n'existe plus maintenant dans les mem-

bres inférieurs. L'atrophie musculaire des extrémi-

tés inférieures a disparu. Le réflexe du tendon

d'Achille est conservé, le rotulien est bon d'un

côté et affaibli de l'autre. Seulement, à une contrac-

tion exagérée se produisent parfois des contractures

spastiques dans les fléchisseurs du genou.

En revanche, presque tous les symptômes fonda-

mentaux ont progressé et d'autres nouveaux s'y sont

associés .Les troublesmoteurs des extrémités supérieures

ont progressé moins que tous les autres ; on n'observe

ici presque que l'état antérieur resté stationnaire : le

tiers inférieur de l'avant-bras gauche est un peu

28 PATHOLOGIE NERVEUSE.

amaigri (il a 1 cent, de circonférence moins que

celui du côté opposé). La main droite est un peu

plus faible, se fatigue plus facilement, de petits mou-

vements, exigeant de la précision, sont devenus

difficiles pour la malade. L'écriture est devenue un

peu plus jetée. Point d'atrophie musculaire dans la

main droite; à la main gauche elle est dans l'état

antérieur; seul le muscle premier interosseux fonc-

tionne mieux qu'auparavant.

Sensibilité. L'anesthésie thermique occupe main-

tenant presque la totalité de la surface du corps. Ce

n'est que la joue droite,, le front et une partie en

forme de raie longeant la face postérieure des deux

cuisses qui perçoivent bien la différence thermique

de 1° seulement; vers les côtés et en descendant, la

sensibilité baisse, de sorte que les plantes des pieds

ne perçoivent que la différence de 7°. Mais la région

du plexus sacré est quand même celle qui sent

mieux que toutes les autres parties innervées par

les nerfs spinaux ne percevant pas la différence des

températures de 10°.

L'.analgésie est venue se surajouter par places à

l'anesthésie thermique. Elle est le plus accusée du

côté gauche dans la sphère des racines supérieures

cervicales. L'analgésie est nettement limitée par la

ligne du milieu. Par derrière, elle descend jusqu'à la

base du cou, par devant, jusqu'à sa face antérieure.

Dans ces endroits, l'analgésie est presque absolue.

Mais aussi les deux membres gauches sentent la dou-

leur moins bien que les droits. A la face et au tronc,

la sensibilité à la douleur est conservée ; sur la main

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 29

et l'avant-bras droits, peut-être est-elle aussi légère-

ment abaissée.

Dans la sphère d'analgésie complète aussi, de même

que dans les autres endroits, le sens du tact et

l'électro-sensibilité cutanée sont conservés; un courant

électrique plus faible est également bien perçu partout

même dans les endroits où un courant maximum

ne provoque pas de sensation douloureuse. Point

d'analgésie, ni d'anesthésie thermique sur la langue.

La malade se plaint dé douleurs spontanées conti-

nues qu'elle éprouve dans tout le corps ; parfois elles

sont profondes, ordinairement sourdes, parfois elles

prennent un caractère plus aigu rarement au point

de troubler son sommeil. Dans la cuisse gauche, la

douleur se répand par ondulations de haut en bas en

avant et sur les côtés; dans la cuisse droite, elle est

plus faible. Par moments, il y a une douleur intense à

la région analgésique de la nuque. Un sentiment

presque continu de douleur en ceinture existe dans le

ventre et à la partie inférieure de la poitrine. De temps

en temps, sensation de fourmillement dans les mains.

Des sensations étranges sont éprouvées dans la cavité

buccale et la sphère des muscles masticateurs. La

force de ces derniers est conservée ; le clonus de la

mâchoire inférieure manque. Les mouvements de la

langue et la déglutition sont libres et il n'y a pas de

troubles de l'articulation, de phonation, de mastica-

tion et de sensibilité dans la cavité de la bouche.

Néanmoins, la malade éprouve dans la bouche une

certaine constriction, comme une enflure ; par mo-

ments, il lui semble qu'elle ne peut mâcher, que les

mouvements de la langue et des mâchoires sont

30 ' - PATHOLOGIE NERVEUSE.

faibles. Il n'y a pas eu de troubles trophiques cutanés.

La nutrition générale s'est considérablement améliorée.

Depuis septembre 1884, la malade a gagné vingt-

trois livres.

La disposition d'esprit est sombre, déprimée. Les

pupilles sont inégales. Toutes les deux réagissent

bien, mais la droite est un peu plus large que la

gauche, la différence pupillaire est accusée davantage

le matin. Une légère exophtalmie de l'oeil droit. Les

muscles moteurs de l'oeil ne sont point atteints. La

vue est normale ; les yeux se fatiguent très vite. Pas

de palpitations. Les membres sont constamment

froids, mais si la malade se réchauffe au lit, elle

éprouve un sentiment de chaleur disproportionné.

Ordinairement, pas de transpiration ; si elle se fait,

ce n'est que sous les aisselles.

Dans ce cas aussi, une localisation préliminaire de

l'anesthésie dans un seul membre et ensuite sous

forme d'hémithermanesthésie est très caractéristique ;

il faut remarquer la formation de la zone thermanes-

thésique dans la sphère de deux racines inférieures

thoraciques et de la première racine lombaire à

gauche ; la délimitation ultérieure de la thermanes-

thésie régionnaire dans les membres supérieurs et

inférieurs droits ; une délimitation très accusée des

régions normales et anesthésiées du thorax par la

ligne moyenne. De même que dans l'observation

précédente, il faut remarquer l'existence d'une ther-

manesthésie très étendue, sans analgésie. Le toucher

n'a pas été atteint dans ce cas non plus même dans

la sphère occupée par une thermanesthésie de qua-

torze ans de durée, quoique le processus morbide qui

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 31 1

la tenait sous sa dépendance ayant progressé, se soit

étendu aux parties voisines de la moelle et eût provo-

qué l'atrophie des muscles delà main.

Les douleurs dans le dos et les membres inférieurs,

la sensibilité douloureuse des cordons nerveux, qui

avaient accompagné le développement d'une para-

lysie atrophique, fait poser la question de l'existence

possible des neurites et de méningite. En tout cas,

une existence continue de la thermanesthésie isolée et

de l'atrophie musculaire dans un seul membre supé-

rieur, la distribution ultérieure caractéristique de la

thermanesthésie partielle indique qu'au fond de cette

affection siège le même processus que dans les cas

précédents. Ce processus morbide peut atteindre les

enveloppes de la moelle, comme le prouve une

observation de Schultze. On peut supposer que tel

était notre cas aussi, que chez notre malade, la

gliomatose s'était compliquée d'un certain degré de

méningite chronique, dont dépendaient les troubles

moteurs des membres inférieurs, la paralysie atro-

phique des muscles, etc. Vu la restauration assez

rapide des fonctions et de la nutrition musculaire

dans les nerfs des membres inférieurs, nous ne

pouvons admettre une dégénérescence consécutive,

comme résultat d'une polyomyélite ou d'une destruc-

tion cellulaire des cornes antérieures par un néo-

plasme. Les troubles trophiques des nerfs étaient

moins profonds était-ce en rapport avec des alté-

rations peu considérables produites dans les cellules

des cornes antérieures, était-ce sous la dépendance de

la méningite ou des altérations vasomotrices dans les

nerfs mêmes des membres inférieurs, avec périneurite

32 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ou neurite interstitielle plus ou moins grande tout

ça, ce ne sont que des suppositions qu'on ne saurait

admettre qu'avec plus ou moins de probabilité. Dans

ce cas, les troubles trophiques de la peau ont fait

défaut, mais les abcès ont été cités dans les antécé-

dents de la malade.

Observation VII.

Homme de vingt-sept ans. - Anesthésie partielle du sens de la tem-

pérature dans le membre supérieur droit et la moitié du thorax du

même côté. Douleurs. Neurasthénie.

Constantin K..., diacre, âgé de vingt-sept ans, vint me con-

sulter pour une céphalalgie tenace et des phénomènes de neuras-

thénie.

Etat actuel (16 juillet 1885). Peau pâle et fine. Nutrition

moyenne. Le squelette ne présente pas d'anomalies. Les muscles

sont assez mal développés, on n'aperçoit nulle part d'atrophie.

Souvent le malade éprouve une sensation difficile à décrire à

l'épigastre; point de douleur à la pression, la langue est nette,

pas de phénomènes dyspeptiques. L'appétit est variable. Les

selles ne sont pas toujours régulières : parfois la constipation al-

terne avec la diarrhée. Pas de douleurs intestinales. des borbo-

rygmes, etc. Rien d'anormal dans les poumons, ni dans le coeur.

L'urine ne contient ni albumine, ni sucre. La miction est normale.

Les organes sexuels sont normaux. Les nerfs et les muscles ne

sont pas douloureux à la pression.

Le malade se plaint de toute une série de symptômes subjectifs ;

pesanteur continuelle dans la tête, céphalalgies parfois très inten-

ses du côté gauche, sans nausées ni vomissements; les douleurs sont

presque continuelles avec des rémissions insignifiantes. Par mo-

ments, des paresthésies dans le membre supérieur droit et le

thorax, des douleurs lancinantes, spasmodiques, moins fortes dans

d'autres parties du corps aussi parfois dans les articulations

du membre supérieur droit; elles diminuent par la compression

et la chaleur. Parfois des accès d'oppression thoracique, une sen-

sation de constricLion dans la région précordiale, par moments,

une angoisse indéfinie, des accès de frayeur, d'épuisement, d'état

semi-syncopal. Point d'agoraphobie marquée, mais le malade se

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE.

33

sent plus mal au milieu d'une grande place ou en haut d'un

escalier élevé.

Un épuisement rapide du système nerveux, impossibilité de

travailler. Courbature générale. Humeur hypochondriaque. Pas

d'hallucinations, ni d'idées délirantes. Le malade pense un peu len-

tement, il faut lui tirer ses réponses. La mémoire et la force intel-

lectuelle ne sont pas affaiblies. 11 se sent

mieux le soir. Le sommeil varie, mais

l'insomnie à proprement parler manque.

Parfois , il y a cauchemars. La parole

n'est pas troublée, l'écriture n'est pas

changée, pas d'ataxie : le malade marche

aussi bien les yeux fermés. Pas de dou-

leurs en ceinture. Les réflexes rotuliens

sont conservés à droite un peu plus

faibles qu'à à gauche. - La force muscu-

laire est conservée.

Sensibilité. Le sens du tact et du lieu

est partout normal. La sensibilité à la

douleur n'est pas altérée non plus. La

sensibilité thermique est affaiblie sur le

membre supérieur droit et la moitié

droite du thorax. (Voy. fig. 18.) La ther-

manesthésie est nettement limitée par

la ligne moyenne du corps et au-dessous

de la courbe costale, elle passe insensi-

blement dans la sphère de la sensibilité

normale. Le degré des troubles de la sen-

sibilité thermique n'est pas le même

partout. Les doigts sentent relativement

bien, l'avant-bras moins bien. Dans les

autres régions de la sphère thermanes-

thésique, le malade ne sent pas par

places la différence de 400, mais par

d'autres, il sent la différence de 2°. La

main droite est frileuse. La peau ne présente pas de troubles tro-

phiques.

Les organes des sens ne présentent pas d'altérations notables.

Les yeux se fatiguent facilement, le champ visuel n'est pas limité,

l'acuité visuelle est normale; il n'a pas eu de diplopie. Les pu-

pilles sont égales et réagissent bien.

Le malade mène un train de vie régulier. Ses occupations sont

nombreuses et fatigantes. Il n'a jamais abusé des boissons alcoo-

liques et des plaisirs vénériens.

Anamnèse. Il n'y a pas de névropathies accusées dans la

Archives, t. XVI. 3

. 18.

34 PATHOLOGIE NERVEUSE.

famille du malade. Le père était alcoolique, la mère est bien por-

tante, un frère est mort tuberculeux. Lui-même n'a jamais été

robuste, cependant il n'a pas eu de maladies graves, quelques an-

gines, une uréthrite; pas de syphilis ni des fièvres intermittentes.

Il y a longtemps qu'il se sent malade sans pouvoir préciser le

début de la maladie actuelle. Les douleurs du bras droit ont com-

mencé il y a dix ans à peu près. La thermanesthésie existe au

moins cinq à six ans, les maux de tête el les sensations vertigi-

neuses depuis trois à cinq années. 11 y a trois ans que le malade

a un recours à l'hydrothérapie sans résultats appréciables.

J'ai observé le malade pendant une année. Depuis le commen-

cement du traitement son état allait en s'améliorant continuelle-

ment. Tout d'abord les céphalalgies devinrent plus rares et plus

faibles; leurs accès durèrent pendant quelques instants, apparais-

sant plusieurs fois par jour le premier temps pour disparaître

complètement ensuite. Tous les autres symptômes subjectifs

avaient en partie disparu, ou se manifestaient à un degré moindre.

La neurasthénie avait considérablement diminué. La sphère

de l'anesthésie thermique ne. changeait point, mais le degré de

l'anesthésie devenait moindre : le malade commença à percevoir

partout la différence de 3° et par certains endroits celle de 2°.

Le 24. IV. 1886 : la main droite distinguait la différence entre 17 et

19°, mais cette température paraissait tiède, peut-être sous l'in-

fluence de la température peu élevée de la main.

Traitement. On avait d'abord administré du nitrate d'argent

et de la noix vomique, ensuite du fer et du sulfate de quinine,

qui améliorèrent l'état général du malade; plus tard l'iodure de

potassium et les pointes de feu par le thermocautère de Jaquelin,

qui, selon toute apparence agissent de préférence sur les troubles

subjectifs.

La thermanesthésie est, dans ce cas, la seule indi-

cation directe d'une lésion anatomique du système

nerveux; mais on ne saurait nier de l'existence d'un

processus de ce genre, surtout en se rappelant la

marche de la maladie dans le cas précédent, où le

symptôme sus-indiqué avait existé seul pendant long-

temps. Mais alors les douleurs, les paresthésies, les

troubles vaso-moteurs de la cavité crânienne, etc.,

doivent aussi être considérés chez notre malade, de

même que dans d'autres analogues ayant présenté

DE LA GLI02blATOSE MEDULLAIRE. 35

ces phénomènes, comme symptôme de cette lésion

anatomique une gliomatose de la moelle épinière,

ce qui est le plus probable.

En ce qui concerne les autres affections spinales,

la question seule du tabes pourrait être soulevée ici;

mais il n'existe aucun symptôme caractéristique de

cette maladie, à l'exception des douleurs ; la ther-

manesthésie viendrait-elle à manquer, la question

d'une affection anatomique ne pourrait pas même

donner lieu à discussion; tandis que la thermanes-

thésie partielle du sens de la température avec loca-

lisation caractéristique est justement le propre de la

seule gliomatose ; d'autres symptômes complètent le

tableau clinique de cette maladie, et aucun n'est en

contradiction avec elle.

(Note a<Mo/me//e.JDernièrement, j'ai eu l'occa-

sion d'observer encore les trois cas suivants :

Observation VIII.

Jean Gavriloff, suisse, âgé de vingt-cinq ans. Pas d'hérédité

neuropathique, ni d'alcoolisme, ni de syphilis, ni de fièvres, ni de

traumatismes ou d'autres influences nocives, sauf peut-être les

influences rhumatismales (le malade dormait dans un local très

froid) dans les antécédents du malade. Le malade rapporte le

début de l'affection au mois de mai 1886. Avant cette époque, il

n'a pas observé de troubles locomoteurs; du côté delà sensibilité,

il signale la courbature dans l'articulation de l'épaule, ayant

débuté il y a trois ans, pour reparaître tous les jours dans le cou-

rant de l'année et n'ayant plus inquiété que rarement le malade

durant les deux dernières années. Cette courbature apparaissait

spontanément et n'augmentait pas à la pression faite sur les

épaules et au mouvement.

Il n'y a pas eu de dystrophies cutanées, à l'exception de quel-

ques éruptions sur la tête et le corps, ayant eu une marche aiguë

pendant l'enfance du malade.

36 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Sept mois avant l'entrée du malade à l'hôpital, il éprouva un

jour, au réveil, des fourmillements dans sa main gauche, 'avec

engourdissement et faiblesse de l'annulaire et du petit doigt. Cet

engourdissement disparul bientôt, après avoir laissé une certaine

faiblesse dans ces deux doigts.

Huit jours après, la faiblesse gagna les trois autres doigts et,

huit jours plus tard encore, parut un léger engourdissement et

une certaine faiblesse dans le petit doigt de la main droite. Ces

phénomènes progressèrent peu à peu. Un mois après leur début,

il s'y ajouta un léger tremblement de la main et des doigts de la

main gauche, tremblement inconstant, qui revenait aussi pendant

l'état de repos. La faiblesse de la main associée à l'atrophie mus-

culaire progressait jusqu'à l'entrée du malade à l'hôpital Cathe-

rine, vers la fin du mois de décembre 1886. Ici, les médecins qui

avaient observé le malade, MM. Anoff et Clratalof signalèrent ce

qui suit :

État présent. Pas de troubles du côté des nerfs crâniens,

excepté les mouvements fibrillaires de la langue au moment où le

malade la tirait hors de la bouche.

Membres supérieurs. Tous les mouvements sont possibles,

étendus et suffisamment forts, excepté ceux des doigts et de la

main du côté gauche, où la force de pression du poing est égale

à 40 kilo-. (tandis qu'à droite elle est égale à 65). La flexion des

trois premiers doigts est plus faible que celle des deux derniers.

L'extension de la main et des doigts est considérablement affaiblie,

en comparaison de celle du côté droit. Dans les muscles de la

main gauche on observe de temps en temps une série de mouve-

ments fibrillaires et un petit tremblement correspondant des

doigts au repos; cela se remarque parfois dans la main droite,

mais à un faible degré. Il y a atrophie marquée du premier in-

terosseux de la main gauche et un certain aplatissement du the-

nar surtout dans la région du muscle adducteur du pouce. Les

muscles et les nerfs ne sont pas douloureux à la pression.

Les mouvements des membres inférieurs sont normaux en

étendue et en force; on ne peut signaler que l'apparition de petits

tremblements cloniques de la jambe à la flexion du genou

gauche, si le mouvement a surmonté un obstacle considérable.

On n'observe pas ces tremblements du côté droit. Pas de troubles

moteurs au tronc (diaphragme, thorax, muscles abdominaux, etc.).

La sensibilité tactile du malade est partout normale : il localise

des attouchements légers avec grande précision.

Sensibilité générale. Le malade localise et distingue partout

des piqûres légères sur les membres inférieurs. Sur le thorax, par

devant dans les régions thoracique et abdominale, on observe un

abaissement de la sensibilité aux impressions douloureuses, plus

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 37 i

prononcé à gauche, à la partie inférieure du thorax et la partie

supérieure de l'abdomen ; à droite - à la partie supérieure de la

poitrine. Un abaissement semblable se retrouve aussi dans les

deux membres supérieurs à un degré plus élevé dans leurs

parties centrales et le malade prend souvent des piqûres con-

sidérables pour un attouchement. Cela s'observe plus souvent

dans la région des épaules et des bras et ne se voit presque pas

aux mains.

Le sens de température est normal sur les membres inférieurs,

le ventre, la partie inférieure du dos. A la face, le malade ne per-

çoit que la différence de 1 l°/2-2°. Aux membres supérieurs et à

la poitrine il y a une anesthésie plus nette du sons thermique.

Son degré n'est pas élevé. Les mains et l'épaule droite ne sentent

que la différence de 3-4" ; la région sus et sous-claviculaire à

droite : 4-5°; les autres régions du dos, de la poitrine et des

membres supérieurs : 2-3°.

Les réflexes cutanés à la douleur sont abaissés et les tactiles sont

sensiblement marqués.

Le réflexe testiculaire est exagéré et accompagné de contrac-

ture marquée à' répétition du muscle cremaster et du droit

plus que du gauche, même dans le cas où l'excitation vient de la

cuisse gauche. Le réflexe abdominal ne se produit pas.

Réflexes tendineux. Le réflexe du tendon d'Achille des deux

côtés est nettement accusé : le réflexe rotulien est exagéré des

deux côtés et accompagné de contractions à répétition du muscle

triceps crural. A l'extension passive du genou on observe fré-

quemment des mouvements convulsifs des muscles fléchisseurs

du genou. Les réflexes tendineux dans les membres supérieurs ne

sont presque pas provocables au biceps et au triceps. L'exeitcabi-

lité mécanique des muscles est modérément accusée. Les or-

fanes internes sont normaux.

Le traitement consistait dans l'application du courant induit sur

les muscles atrophiés et du courant constant sur le dos, et en bains

tièdes. Le 19 février IS87, le malade sort de l'hôpital, se considé-

rant comme guéri. Il présente à cette époque les phénomènes

suivants :

Les mouvements sont tous bons, à l'exception de la main gauche

et des doigts, dans lesquels, malgré une amélioration considé-

rable, on constate une certaine faiblesse. L'atrophie musculaire

de la main gauche a considérablement diminué. Le courant le

plus intense ne donne point de contraction de tous les muscles

interosseux et de l'adducteur du pouce; du côté droit l'électrocon-

tractilité est normale.

Courant constant : muscle interosseux Ier, CFC = AFC 10

M. A ; interosseux 11, C F C 4, A F C 5 )1. A ; interosseux III,

CFC et AFC ne sont pas obtenus à 6 M. A; interosseux IV,

38 PATHOLOGIE NERVEUSE. DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE.

C F C - 4, A F C 2, ; la contraction est lente (du côté droit

C 1 C= 21. Par conséquent, il y a une réaction de dégénérescence

plus ou moins nettement accusée dans les muscles atrophiés.

Dans les muscles thenars du côté gauche on observe des mouve-

ments continuels de faisceaux volumineux isolés. La langue pré-

sente aussi des mouvements fasciculaires.

L'augmentation de réflexes'tendineux et cutanés est devenue

moins sensible et a disparu par endroits. La sensibilité, à la dou-

leur s'est améliorée ; une certaine analgésie seulement est restée

dans la région des épaules. Le sens de température s'est également

amélioré. Il reste une zone thermanesthésique, occupant les

membres supérieurs et les épaules. La face, le cou, la poitrine,

le dos et les membres inférieurs perçoivent bien la différence

thermique de 1° et moins.

Dans ce cas aussi, la parésie et l'atrophie muscu-

laire des parties périphériques des membres supérieurs

sont combinés avec une analgésie et une thermanes-

thésie plus diffuses, à localisation indiquant non pas une

interruption de la conductibilité à un certain point de la

moelle mais une lésion segmentaire de la substance

grise des cornes postérieures et du renflement cer-

vicale à un moindre degré et de la partie spinale. En

outre, il faut supposer l'existence d'une lésion limi-

tée de la corne antérieure gauche et des cordons laté-

raux. L'affection non systématique et largement éten-

due le long de la moelle épinière , provoquant

néanmoins des symptômes aussi électifs que le trouble

partiel du sens de la température, ne peut dépendre,

d'après ce que nous savons, que de la gliomatose ou

de la gliose de cet organe. Il suivre.)

ANAT01111E PATHOLOGIQUE

NOTES ET SCHÉMA SUR LA TOPOGRAPHIE PATHOLOGIQUE

DE L'AXE C);RL.I3R0-SPINAL.

Par JULES GLOVER.

L'étude des maladies du système nerveux nécessite pour

pouvoir aisément se tenir au courant des recherches modernes

en neuropathologie une notion constante de la topographie

des centres nerveux.

Une carte schématique fournissant un ensemble aussi peu

discuté que possible des diverses opinions émises par les au-

teurs sur ce sujet remplirait peut-être ce but. Aussi nous pro-

posons-nous ici de dresser un schéma qui donne, si possible,

cette vue d'ensemble, les rapides progrès incessamment ac-

complis en pathologie nerveuse permettant du reste à l'heure

actuelle de tenter facilement la détermination partielle

de la topographie pathologique de l'axe cérébro-spinal. Nous

pensons qu'il pourra servir à l'occasion de mémorandum et

faciliter aussi l'orientation en anatomie pathologique macros-

copique et microscopique dans les maladies du cerveau, du

bulbe et de la moelle.

Pour bien concevoir la topographie de l'axe cérébro-spinal,

on peut se baser sur la division en systèmes des différentes ré-

gions à fonctions connues du cerveau et de la moelle, on peut

déterminer suivant l'expression de Vulpian, la systématisation

anatomo-physiologique et pathologique du cerveau et de la

moelle épinière. A cet effet, nous devrons mettre à profit les

trois arguments qui autorisent cette systémisation répondant

à la notion anatomique moderne des centres nerveux, savoir :

1° L'étude parallèle des lésions anatomiques d'un système

cérébro-médullaire et des troubles fonctionnels qu'occasion-

nent ces lésions; en d'autres termes, l'étude anatomo- clinique

40 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

des maladies du cerveau et de la moelle ' ; 2° Y expérimenta-

tion physiologique ; 3° enfin Y embryologie, dont il faut aussi

tenir compte, car elle vient bien souvent aussi individualiser

la région, que ses fonctions spéciales déterminées par l'expé-

rience physiologique et par l'étude anatomo-clinique, faisaient

déjà une et distincte des régions voisines 2.

Dans cet ordre d'idées, nous donnerons l'explication de

deux schéma, se complétant l'un l'autre, que nous établissons

d'après les opinions multiples des pathologistes et des physio-

logistes sur les différents points de l'anatomie topographique

des centres nerveux. Nous indiquerons en détail l'opinion des

auteurs dans un index bibliographique aussi complet et exact

que possible, l'étendue nécessairement très limitée de ce tra-

vail essentiellement élémentaire ne nous permettant pas d'in-

sister dans bien des cas.

Sur la PLANCH1, nous donnons (fig. 1) le dessin schématique

des circonvolutions et scissures de la face externe de l'hémis-

phère gauche et nous y inscrivons le siège des localisations

cérébrales chez l'homme les mieux démontrées par les faits

anatomo-cliniques et les expériences physiologiques corrobo-

rantes3. Nous y déterminons successivement le siège des lésions

* Nous verrons le rôle important que joue la méthode anatomo-cli-

nique dans la détermination de la topographie du cerveau et de la

moelle. Tout en marchant de front par ses résultats avec la méthode

expérimentale, souvent elle prime cette seconde méthode par la priorité

et la précision de ceux-ci.

Tariiier et Chantreuil. Traité d'accouchements, t. 1, 285 et suiv. 1882.

Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. Il, lec. XII,

23gaz. Grasset. Traité pratique des mal. du s ! lst. nei-v., 321. 1886.

1 Cette figure 1 de la Planche I, la plus récente qui ait été faite sur le

siège des localisations cérébrales chez l'homme (schéma deMM. Charcot et

Pitres, d'après M. Féré) peut aussi être utilisée pour l'étude de la topo-

graphie crànio-cérébrale et en s'aidant des méthodes diverses de mensu-

ration crànio-cérébrale, pour l'application chiruigicale de ces données

anatomiques.

Voir à ce sujet : Ch. Paris, Indications de la trépanation des os du

crâne au point de vue de la localisation cérébrale. Th. Paris, 1876.

Lucas-Championnière. Des localisations cérébrales, rôles qu'elles peuvent

jouer dans le diagnostic et le traitement. (Jour. de méd. et de chir prat.,

oct. 1876.) Des indications tirées des localisations cérébrales pour la

trépanation du crâne. (Acad. de i ? zéd., 9 janv. 1877.) La trépanation

guidée par les localisations cérébrales. (Joit ? ,n. de nzéd. et de chir. prat ,

fév. 1877.) Proust et Terrillon. Contribution à l'élude des localisations

cérébrales, etc. (Acad. de méd., nov. 1876; Soc. de chir., ibid.)

Pozzi. Des localisations cérébrales et des rapports du crâne avec le cer-

DE L'AXE CÉRÉBRO-SPINAL. 41

à l'écorce cérébrale dans les différentes formes d'apltasie : l'aphé-

mie (I), l'agraphie (II), la cécité verbale (III) et la surdité ver-

bale (IV) ; la localisation corticale des mouvements du membre

supérieur (V), du membre inférieur (y Y), le noyau cortical com-

17zuîz au grand hypoglosse, au facial inférieur el à la branchemo-

trice du trijumeau (VII), enfin, le siège des lésions à l'écorce

dans l'héma'atzopsie (VIII), malgré les discussions que suscite

encore cette localisation.

La localisation des diverses formes de l'aphasie' est aujour-

d'hui presque complètement établie.

L'aphémie surtout (type Bouillaud-Dax-Broca), alalie (de

Lordat), première variété d'aphasie, amnésie verbale motrice,

d'articulation, d'après la définition de Ilartley, approuvée par

M. le professeur Charcot', a son siège, reconnu en 1861 par

veau au point de vite des indications du trépan. (Arch. gén. de nzérl.,

1877, 412.) Proust et Tillaux. Prog. iizéd. 1877, 29. Le Dentu,

Desprès, Lucas-Championnnière, Le Fort. Soc. chir., 6 déc. 1877, 9 et

23 janv. 1878. Houel, Charcot, Desprès , Berger et Landouzy ; dis-

cussion à propos du fait de Bide. Soc. azzat., 11 janv. 1878. Lemoine.

Thèse Paris, 1880, n° 73. Schwartz. Du trépan appliqué aux trauma-

lisnzes du crâne. (Rev. génér., in liev. des se. niéd., tome XIV.) Artic.

crâne, in Dict. Dec/iam&i'e. Tillaux. Traité d'anatomie chirurgicale.-

Horsley. Chirurgie du cerveau. Bi,ilish médical Association, 54e réunion

annuelle. Traduction in Arch. de neurologie, n° 36, 1886.

1 Voir sur l'aphasie par ordre chronologique : Bouillaud. Rech. elin.,

propres à démontrer que la perte de la parole correspond à la lésion des

lobes ant. du cerv. (Acad. des se, 1825. Arch. gén. de méd., Ire série,

t. viii, p. 25.) Broca. Remarques sur le siège de la faculté du

langage articulé, suivies d'une observation d'aphémie. (Brcll. de la Soc.

anat., 1861, 2e série, t. VI, p. 330) ; Nouv. observations d'aphémie pro-

duite par une lésion de la moitié post. des 1° et 3° cire, front, même

rec., même vol., p. 398. Voisin. Art. Aphasie du Dict. Jaccoud, 1865.

- Falret. Art..4phasie du Dict. Decle, 1876, surtout pour l'historique.

Charcot. Des localisations cérébrales, 1880 ; heç. sur les mal. du syst.

eiee-v., Paris, 1887, T. III, p. 152. Bernard. De l'aphasie et de ses di-

verses formes. Th. Paris, 1885. G. Ballet. Du langage iiit., etc. Th.

agrég., Paris, 1886. -Grasset. Leç. sur les mal. die syst. nerv., Paris,

1886. Duret. Rech. anat. sur la circulation de l'encéphale, in Arch. de

physiologie, 1874, ii-s 1, 2, 3, t, 5 et 6.

2 Hartley et 1. Charcot voient une indépendance relative dans les

sources multiples d'où sont tirés les éléments du mot et envisagent

quatre éléments ou fonctions du mot : l'image auditive (impression faite

sur l'oreille par le mot (langage parlé) ; l'image visuelle (impression faite

sur l'oeil par le mot (langage écrit ou imprimé); l'image motrice d'arti-

culation (actes de l'organe de la parole); l'image motrice graphique

(actes de la main dans l'écriture), rapportent la fonction du langage à

4 12 ANATOMIE PATHOLOGIQUE

Broca1, au tiers postérieur de la troisième circonvolutio-

frontale gauche. Toutefois nous devons rappeler que Meynert

adjoint à la troisième frontale le groupe des circonvolutions de

l'insula, faisant ainsi des deux un même système anatomique'.

Cependant, d'après M. Lépine(Th, ajréâ.), la réalisation de l'a-

phasie par lésion isolée de l'insula n'est pas encore démontrée.

D'ailleurs, anatomiquement, les lésions de l'insula ne peu-

vent pas par elles-mêmes donner lieu à de l'aphasie. La

dissection montre que la capsule externe, l'avant-mur et l'in-

sula n'ont pas de connexion avec les parties profondes' ; on

sait, d'autre part, que l'insula est relié à la troisième frontale

par d'abondantes fibres commissurales ? De là, il est per-

mis d'admettre que les lésions de l'insula ne déterminent l'a-

phasie que par retentissement sur ces fibres commissurales.

Nous étendrons pourtant, par l'imagination, sur la fig. 1, le

siège de l'aphasie (aphémie), à l'insula celui-ci n'étant fixé,

sur le schéma, qu'au pied de la troisième circonvolution fron-

tale. On remarquera que le centre cortical de l'aphémie, au

pied de la troisième frontale, est en rapport intime avec le

centre cortical des mouvements de l'organe de la parole (grand

hypoglosse) et de la mimique (facial inférieur) au pied de la

frontale ascendante; le premier centre situé au-devant du second.

quatre centres fonctionnels corticaux de la mémoire du mot ou des im-

pressions (centres d'impressions, impressions sur l'oreille, sur l'oeil), et

des actes (centres d'expressions actes de l'organe de la parole, de la

main dans l'écriture), par lesquels nous entrons en rapport avec celui-

ci. Et ces deux auteurs concluent que la lésion de ces différents cen-

tres amenant les troubles de la fonction, la perte plus ou moins absolue

du mode spécial de la mémoire du mot rattaché à ce centre, il en ré-

suite une amnésie verbale auditive, si, par exemple, c'est le centre audi-

tif des mots qui est frappé, une amnésie verbale visuelle, motrice d'ar-

ticulation, motrice graphique, si ce sont les centres visuel, moteur du

langage articulé, moteur du langage écrit qui sont atteints. D'où cette

conclusion «l'aphasie n'est qu'une amnésie», (Progr. Méd. i fév. 1888;

Pierre Marie), et ces définitions des quatre formes d'aphasie : 1° l'aphé-

mie, ou amnésie verbale motrice d'articulation; 2a l'agraphie, ou amné-

sie verbale motrice graphique ; 3o la cécité verbale, ou amnésie verbale

visuelle; 4o la surdité verbale, ou amnésie verbale auditive.

1 Voir pour l'historique de la découverte des lésions dans l'aphasie

Grasset, 1886, p. 153, et th. de Bernard. Déjà citée.

'Lépine, Bullet. de la Societ. anatomiq. 1874, et th. agrég. Paris, 1875,

Cl. de Boyer. Etudes cliniques sur les lésions corticales des hémisphères

cérébraux, th. Paris 1879. Perdrier, th. Paris 1882.

3 Voir fig. 3 et 4 de laPL. I.

'Raymond et Artaud. Archives de Neurologie. Mars 1881, p. 117.

DE l'axe cérébro-spinal. 43 b,

L'agraphie, deuxième variété d'aphasie, amnésie verbale mo-

trice graphique', a son centre cortical au pied de la deuxième

circonvolution frontale gauche (centre de Exner) 2. Il y est déter-

miné d'après les recherches premières de Marcé(l8o6, Société

de 131ologie) et de Ole (1567), d'après l'observation d'agraphie

puredont il est.question dans les leçons deM. Charcot(l883) pu-

bliées par Rummo en italien en 18§-Ikl et quelques autres faits ? '.

Comme pour l'aphémie au sujet des rapports de ce centre avec

le centre cortical de l'hypoglosse, nous attirerons l'attention sur

la connexion du centre cortical de l'agraphie au pied de la deu-

xième frontale avec le centre cortical des mouvements'du mem-

bre supérieur au tiers moyen delà frontale ascendante; le pre-

mier centre siégeant en avant et un peu au-dessous du second.

La cécité verbale (Wortblindheit d'après la nomenclature

de Kussmaul5), troisième variété d'aphasie, amnésie verbale

visuelle', a été décrite tout d'abord par Kussmaul, dont les

recherches postérieures à des observations déjà anciennes de

Gendrin7 et de Trousseau', de Gueneau de Mussy" et de

M7estphal'O, furent d'une part critiquées en France par

'Autre définition : Perte plus ou moins complète des mouvements

coordonnés communiqués à la main pour exprimer la pensée par l'écri-

ture, ou plus simplement l'aphasie de la main. (Charcot. Leçons,

t. 111.)

= Exner. Untersuch, ! <&€)' die Localisat. der Funct. in der Groshirn-

rindo des Menschen. Vienne, 1881.

3 Charcot. DereK<t/um : ed'o/'a. ! ta, Lezioniredalle del D' Rummo,

Milano, t88t - P. Marie, Analyse de ces Leçons, in liev. de Aled., t. 111,

1883, p. 693. - Bernard, th. 1885. Loc. cit. - Ballet, th. agrég. 1886.

Loc. cit., p. 41.

1 Pitres. Autre observation d'agraphie pure, in Rev. de AM., 188t.

P. Marie. De l'aphasie en général et de l'agraphie en particulier, d'après

l'enseignement de ,11. le Prof. Charcot (Observation d'agraphie pure), in

l'tog. illéd. 4 fév. 1888.

6 Kussmaul. Die Sldrutgezz der Sprache. Leipsig, 1S77.

Autre définition : Trouble pathologique d'une faculté spéciale qu'on

pourrait appeler la mémoire visuelle des signes du langage. (Charcot, in

Ler., t. lit, p. 166, 1887.) P. Marie. Voir l'analyse des Leçons sur la

cécité et la surdité verbales; in Rev. de Aléd., t. 111, p. 693. 1883. Ber-

nard, th. Paris 1885. Loc. cit., p. il.

' Gendrin. Traité philosophique de médecine pratique, t. I, p. 432,

1838.

8 Peter. De l'aphasie, d'après les leçons cliniques du Prof. Trousseau,

in Arch. géit. dc vlléd., 1865.

'' Gueneau de Mussy. Recueil d'ophlltalznologie, p. 129, )879.

10 Westphal. Zeislchrift sur Ethnologie, p. 91. 1 mai 1871. É.

44 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

MM. Mathieu1 et Dreyfus-Brisac2, d'autre part favorablement

accueillies par M. Magnan et une de ses élèves M"° Skwort-

zoff 1. Dans le travail de MUe Skwortzoff, une observation de

Déjerine est accompagnée d'autopsie. Depuis cette thèse, d'au-

tres observations ont été publiées : deux avec autopsies, celles

de M. Chauffard1 et de MM. d'Heilly et Chantemesse5; deux

sans autopsie, celles de M. Armaignael et de M. Bertholle'.

L'observation avec autopsie de Déjerine, les deux observations

avec autopsies de M. Chauffard et de MM. d'Heilly et

Chantemesse portent à trois le nombre des arguments anato-

miques sur lesquels on peut faire reposer la localisation de la

cécité verbale. Avec ces documents, M. le professeur Charcot

fonde une tentative de localisation de la cécité verbale au lobule

pariétal inférieur, avec ou sans participation du lobule du pli

courbe et de la première circonvolution temporale8. »

C'est d'après les travaux et les observations de SI. Wernicke9,

qui le premier paraît avoir étudié le phénomène connu sous

le nom d'aphasie sensorielle (Wernicke) ou de surdité verbale

(Worttaubheit, Kussmaul), amnésie verbale auditive (Hartley-

Charcot), que l'on place la localisation corticale de la qua-

trième forme d'aphasie, au niveau de la partie moyenne de la

première circonvolution temporale 10.

Sauf pour le centre de l'aphémie, nous avons pu voir que

1 Mathieu, in Arch. gén. de Méd., 1879 et 1881 -

Drevfus-Brisac. De la surdité et delà cécité verbales. (Gaz. heb. de

rrzétt. et de chirurg. 1881, p. 477.)

3 M"e SkwortzofT. De la cécité et de la surdité des mots dans l'aphasie.

Thèse, Paris, 1881. (Douze observations, dont une de l'auteur et deux de

M. Magnan.)

4 Chauffard. Rev. de Médecine, t. 1, p. 393, 1881.

6 D'Heilly et Chantemesse. Prog. méd. 1883.

° Armaignac. - Rev. cliniq. du Sud-Ouest, 1882.

' Bertholle. Asyllabie ou amnésie partielle et isolée de la lecture.

(Gaz. hebd. de med. et de chir., p. 280. 1881.) ·

8 Charcot.- Leçons, t. III, 1887, p. 170.

° Vernicke. Der aphasische sgmplomen-complex. Breslau, 1871. -

t/e&e ? ' det 'Mensc/tC ? tC/'e S<a7tdpM ? c< ! 7t dey P/c/n6 ! < ? e. Kasse),

1880. den Wissenschafllichen Standpunkt in der Psychiatrie. Kassel,

1880. - Lehrbuch der Gehirnki-ankheiie ? &. Kassel, 1881, Bd. I, p. 206. -

Forslchritte der médecin, Bd. 1. 1883.

Il Ed. Hitzig. Un cas de surdité verbale pure, sans aphélie. ( l'on der

mateniellen der Secle. Vortrag gehallen in Halle. Leipsig, 1886. Voir

aussi : Thèse de Bernard )

DE l'axe cérébro-spinal. 45

la détermination des différents centres d'impression et d'expres-

sion du langage n'est pas encore absolue. La détermination

des centres corticaux des mouvements des membres, dont

nous allons maintenant nous occuper, est au contraire à peu

près définitive. La zone motrice est en effet la mieux connue

à l'heure actuelle de toutes les zones corticales.

Le centre cortical des mouvements du membre supérieur est

situé sur la partie moyenne de la circonvolution frontale ascen-

dante où nous le figurons, en un point, qui répond en avant

au pied de la deuxième circonvolution frontale'. Le centre

cortical des mouvements du membre supérieur fut d'abord

déterminé par l'expérimentation physiologique, qui prime ici

pour l'étude des fonctions motrices du cerveau la démons-

tration anatomo-clinique. On doit dire, en effet, avec

M. F. Franck que, malgré quelques faits cliniques antérieurs

aux importants travaux de Fritsch et Hitziâ 2, de Ferrier3,

contrôlés plus tard par la commission de la Société de neuro-

logie et d'électrologie de 1\ew-York , par Carville et Dureté

' Nous avons fait remarquer plus haut à propos de la localisation de

l'agraphie que le centre cortical des mouvements du membre supérieur

au milieu de la frontale ascendante se trouve en rapport immédiat avec

le centre d'expression verbale motrice graphique des mouvements coor-

donnés communiqués a la main pour exprimer la pensée par l'écriture»,

centre siégeant exactement en avant du premier, au tiers postérieur de la

deuxième frontale.

' Fritsch et Hitzig. Reichertu. du Bois Reymond's. Arcl ? H. III, 1870.

1"' mémoire. Httzig. lieichei,t u. du Bois Reymond's. Archiv. H. III et

IV, 1873, publié en janvier 187, 2e mémoire. Unters. ub. d. Gehirns.

Berlin, 1874.

1 D. Ferrier. West Hiding Asyl. Rep., vol. lfl, 1873. Localisation

of Fie ? tction in the Brain (Croonian Lecture, 1871). Exp. on

the Brain of Monkeys. Ist S. (Proceed. Roy. Soc., 1875.) Exp. on

the Brain of Monkeys. 2d S. (Cioonian Lecture. Phil. Trans., vol. II,

1875.) Functioits of the Brain. Loud., 1876. Trad. franc., H. de Vari-

gny. Paris, 1880. Congrès intern. Londres, 1881. D. Ferrier and

Yeo. record of Exp. on the e#ecls of diff. reg. of the cerebr. He-

ntisph. (Philos. â9·üRSlLCt. lioy., Soc. p. Il, 1884.)

' Rapport de la commission composée de MA). Dalton, Arnold, Beard.

Flint, Mason. (New-York med. Journal, mars 1875.) .

' Carville et Duret.C)'t< ! 'yueM;p. des travaux de Fritsch, M/zi,Fe)'-

rier. (C.-li. Soc. Biol., 20 déc. 18ï3.)-ltech. critiq. et exp. (C.-It. Soc.

Biol., 10 oct. 1871.) Sur les fonctions des hémisphères cérébraux (Mé-

moite détaillé, Arch. de Physiol., 1875.)

li-6 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Albertoniet Michieh1, Luciani et Eamburini n, François Franck

et Pitres 3, H. Munk k, Bartbolow, Sciammana 5.

MM. V. Horsley et C. Beevor de Londres6, l'époque d'ap-

parition des publications des deux premiers auteurs est la

date des premières recherches sur les fonctions motrices du

cerveau. Le centre cortical des mouvements du membre supé-

rieur eut son siège véricié-dès lors par des faits anatomo-cli-

niques, qui se multiplièrent dans la suite (Pierret, Hughiing-

Jackson, Mahot, etc., etc.) La plupart de ces faits précise le

1 Albertoni et Michieli. - Sui centri-cerebr. de movim. (Lo S;je7' ! M ?

Febbr., 1876.) Albertoni. Le Loccalizz., cerebr. (Ital. nzedica.,

1881.)

' Luciani et Tamburini. - Sui centî,i jesico-niot. (Rev. sp. di Freniafr.,

1878.) Luciani. Sull'eccitanx. meccanico de centri. (Congr. de Soc.

fren. Ital., 16 al 22 sett."1883.)

' Fr. Franck et Pitres. Artic. Encéphale (Physiologie) du Dict. Deelt.

18. François Franck. Leçons sur les fonctions motrices du cerveau

(Réactions volontaires et organiques) et sur l'epilepsie cérébrale. Paris,

1887.

' Hermann Munk. Berlin. Klin. YYochensch., 1877. (Zur Phys. d.

Grosshinrinde.)

° Bartholow.JoM ? < : / of the nied. sciences, avril 1871. Sciamanna.

Reale Accad. dei Lincei, XIII, 15 juin 1882. (Expérimentations pendant

l'intervention chirurgicale sur le cerveau humain.) Voir le résumé des

résultats obtenus par ces deux auteurs : in Lee. sur les fond. nzot. du

ceru. F. Franck. Lec. II et III.

1 Les docteurs Horsley et Beevor, après des expériences (1881) sur le

singe, vérificatrices des résultats obtenus par Fiitsch et Hilzig, par Ferrier,

ont tenté la trépanation et l'ablation de la région malade dans six cas

de lésions cérébrales chez l'homme avec épilepsie partielle. Ces trépa-

nations qui, toutes sauf deux, ont déterminé la cessation des accès,

montrent qu'il y a similitude complète entre la topographie motrice du

cerveau de l'homme et des singes supérieurs (Macacus sinicus). Les

expériences de 188î ont été répétées récemment par ces deux auteurs à

la Société de Biologie. (Voir Comptes rendus hebd. de la Soc. de Biol.,

18 nov. 1887. Séance du 12 nov.) Elles. enseignent qu'il existe des cen-

tres corticaux spéciaux pour les mouvements de chaque articulation,

(pour ceux de l'épaule, à la partie supérieure, pour ceux du pouce, à la

partie inférieure du centre cortical du membre supérieur à l'endroit où

ce centre se confond avec le centre moteur de la face ; pour ceux du gros

orteil, immédiatement en face de l'extrémité supérieure de la scissure

rofandiquedansie centre cortical du membre inférieur), et analysent

chacun de ces mouvements. Ces différents faits expérimentaux rendent

compte exactement du point de départ de l'aura dans l'épilepsie jackson-

nienne et permettent le « diagnostic régional » précis de l'affection en-

céphalique « cet idéal, aujourd'hui souvent réalisé, vers lequel tendent

invinciblement les efforts du clinicien. »

DE l'axe cérébro-spinal. 47

siège des mouvements du membre supérieur au point ou nous

l'avons inscrit. Quelques-uns (Leloir, Barbe) semblent établir

que c les lésions susceptibles de donner lieu aux monoplégies

brachiales peuvent siéger aussi un peu au-dessus du tiers

moyen de la circonvolution frontale ascendante' ».

Le centre cortical des mouvements du membre inférieur

occupe une région plus étendue d'après Hallopeau et Giro-

deail que d'après Charcot et Pitres 3. Les premiers donnent

pour centre à cette région de l'écorce, le tiers supérieur de la

pariétale ascendante, ainsi que le lobule paracentral, et la

font empiéter en outre en avant sur la partie supérieure de la

frontale ascendante, en arrière sur le lobule pariétal supé-

rieur Les seconds placent le centre cortical du membre

inférieur dans le lobule paracentral.

Disons en terminant avec les centres moteurs des membres

chez l'homme, que sans être circonscrits mathématiquement,

ils ne s'étendent pas non plus à une surface très considérable

de l'écorce grise cérébrale, comme le veut E ? ner5, contredit

par Charcot et Pitres.

On place le centre cortical du grand hypoglosse au pied de

la circonvolution frontale ascendante, d'après les faits ana-

tomo-cliniques de Hitzige, de Charcot et Bail d'après Rendu et

Gombault 7, de Verneuil B. de Duâout-Bally 9, derosentliallo,

' Charcot et Pitres. Contribution à l'élude des localisations dans l'é-

corce des hémisphères du cerveau. (Rev. mens, de méd. et de c/t ! ) ? 1877.)

Nouvelle contribution à l'étude des localisations motrices. (liev. mens.,

nov. 1878.) ! Hallopeau et Girodeau. Encéph. 1883, p. 331.

3 Charcot et Pitres. Rev. mens. 1877-78. G. Ballet. Arch. de Neurol.

1883, V.273.

4 Raymond et Derignac. Gaz. nzéd. 1882, 52. - Prévost. Contribution

à l'étude du centre moteur cortical du membre inférieur. Th. Paris, 1881,

1 Exner. Recherches sur les localisations des fonctions du cerveau de

l'homme (Vienne, 1881). In loc. cit., p. 43. Voir la critique de la mé-

thode et des résultats d'Exner dans : Charcot et Pitres. Etude critique

e t clinique de la doctrine des localisations motrices dans l'écorce des hé-

misphères cérébraux de l'homme (Rev. dsMcd. 1883, p. 152.)

° Hitzig. Arch. f. Psychiatrie, Bd. III, p. 231.

7 Charcot et Bail, d'après Rendu et Gombault (Revue d'flaem), 1876,

p. 350.

B Verneuil. Rev. ct'llaycm, 1876, p. 350.

' Dugout-Bailly. Gazette médicale, 1878, p. 23.

Il Itosentlk2l.-(Ileilroge ur lceutniss dei, izolo-ischen 21ei,ve21ce ? it-en des

48 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

de Ferrier '. Ces éléments en grand nombre déjà, pour servir

de base à la détermination du siège du centre cortical du grand

hypoglosse sont réunis dans un remarquable mémoire sur le

trajet intral-cérébral de l'hypoglosse par MM. Raymond et

Artaud2.

Le centre cortical de l'Hypojlosse 5, est en même temps

commun au facial inférieur d'après l'expérimentation* et

quelques faits anatomo- cliniques 1, commun à la branche

motrice du Trijumeau 1.

Avec hémianopsie, nous arrivons aux localisations dont on

commence seulement à entrevoir le siège. Le siège de la loca-

lisation corticale de l'hémianopsie n'est en effet établi qu'avec

sept ou huit observations'. Il occupe à peu près la même

région que le centre cortical de la cécité verbale, le lobule

pariétal inférieur dans sa partie antérieure. C'est du reste ce

qui explique la coïncidence répétée, dans quelques-unes des

observations ci-dessus, de la cécité verbale et de l'hémia-

nopsie, qui peuvent cependant aussi se présenter séparé-

ment, « le lobule pariétal inférieur étant d'ailleurs assez

étendu pour que les deux ordres de lésions puissent y trouver

Aleuschenhirnes (Wiener n2edie. Presse, 1878, Observât. II), cité par

Charcot et Pitres. Rev. mens., nov. 1878, fév. 1879.

. Ferrier. Localisation des maladies cérébrales, p. 136, 137, in loc.

cit, d'après Barlow (B ? -ilish niéd. Journal, 28 juillet 1877, p. 103.)

'Raymond et Artaud. Contribution à l'étude des localisations céré-

brales (trajet intra-cérébral de l'hypoglosse). Archives de Neurologie.

No 20, mars 1881; n° 21, mai 1884. "

3 Nous avons souligné à propos de l'aphémie les connexions remar-

quables du centre cortical commun au grand hypoglosse, au facial infé-

rieur et à la branche motrice du trijumeau avec le centre d'expression

verbale motrice d'articulation des mouvements coordonnés communi-

qués à la langue et à la face pour exprimer la pensée par la parole et la

mimique.

1 Ferrier.-Localisations. Trad. de Vai,igny, Paris, 1880, p. 132 et suiv.

(centres oro-linuaux.) In loc. cit., p. 45.

5 Charcot et Pitres.- Rev. de nzéd., 1883.

Lépine. Rev. de méd., 1882, p. 848.

' Féré. Contribution à l'étude des troubles fonctionnels de la vision

par lésions cérébrales (Amblyopie croisée et hémianopsie), th. Paris, 1882.

- (Deux faits d'hémianopsie d'origine cérébrale avec autopsies), in Arch.

de Nezi ? ,. 1885, IX, 222. E. C. Se-uiii. A contribution to the pathology

of hémianopsie of central origine (cortex-hémianopsie), in Journal of ? ie-vous et nienlal dise(ise, vol. XIII, n° 1. Janv. 1886. Trad. franc, in

Arch, de Neur., t. XI, 1886, p. 206.

DE L'AXE CÉRÉBRO-SPINAL. 49

leur place, sans se superposer nécessairement' 1 ». Les trou-

bles de la vue, hémianopsie, etc., avec lésions des circonvolu-

tions occipitales sont en ce moment à l'étude *.

On tend à localiser le centre cortical du Ptosis c au pli

courbe 1 suivant quelques cas anatomiques. Mais s'il est vrai

que la dissociation de la troisième paire semble effectuer par

des lésions du Pli courbe ou du voisinage, rien n'est encore

arrêté sur le siège exact du centre cortical du Ptoni. Nous

n'avons pas figuré ce centre cortical sur notre dessin.

Nous signalons sans plus y insister la région présumée que

doit occuper la lésion corticale, cause de la déviation conjuguée de

la tète et des yeux à « cette partie du lobule pariétal inférieur

intermédiaire aux scissures parrallèle et sylvienne » d'après

Landouzy ? Prévost et Vulpian 5, et Ferrier6; le centre cor-

tical apparaît jusqu'à l'heure actuelle, du facial supérieur

inscrit dans la région du pli courbe sur le schéma de Charcot

et Pitres ? «

Telles sont les localisations dont il était intéressant d'ins-

crire le siège de façon à les envisager sur l'écorce cérébrale

dans leurs rapports réciproques, sur lesquels nous nous

sommes arrêtés déjà, et dans leur mode de répartition diffé-

rentes zones corticales que nous allons maintenant déter-

miner. (A suivre.)

' Charcot. Leçons, t. III, 1882, p. 173.

2 NothnageL Maladies de l'encéphale, 1885. Lire les observations réunies

p. 346 et suivantes.

1 Grasset. In Progr. méd., 1876. Landouzy. In Arch. gén. de 2 ? zéd.,

1877. Charcot et Pitres. / ! eu. mens, de méd. et de chir., 1877-78, in

loc. cil.

t Landouzy. Th. Paris, 1876, p. 80. Progr. iiéd., sept. 1879.

s Prévost. 67a;. hebd., 1865, n° il ; Th. Paris, 1868, n° 30; Gaz.

hebd. 1869, n° 9.

o Ferrier. Localisations. Trad de Varigny, 1880.

7 Non plus que le centre cortical de la déviation conjuguée de la tète

et des yeux, nous ne représentons le siège du centre cortical du facial

supérieur sur notre schéma.

Archives, t. XVI. 4

RECUEIL DE FAITS

MAL PERFORANT CHEZ UN PARALYTIQUE GÉNÉRAL;

Par le D H. \1ABILLE, médecin en chef, directeur de l'asile de Lafond.

Sommaire. Excès alcooliques ; idées de richesse et de satisfaction

personnelle ; embarras de la parole ; inégalité pupillaire ; parésie

musculaire. Incendie sous l'influence de sa femme. - Irrespon-

sabilité du malade et condamnation de sa femme. - Internement

et progression des troubles paralytiques. Mal perforant du pied

dans les derniers temps de la vie. -- Mort.

C..., perruquier, depuis un certain temps se livre à des liba-

tions alcooliques ; il boit surtout une liqueur, vendue dans le com-

merce sous le nom de rhum, à un franc cinquante centimes le litre.

Sa femme favorise sa passion pour la boisson et à son instigation,

au mois de mars 1887, il incendie une maison, celle d'un perru-

quier concurrent.

Arrêté, ainsi que sa femme, il passe aux assises de Saintes. La

femme est condamnée sévèrement et C... est acquitté, car on s'a-

perçoit que son état d'esprit a pu créer l'irresponsabilité. Il est

amené à l'asile de Lafond, le 12 juin 1887.

LeDrChappart, dans son certificat d'admission, s'exprime ainsi :

« est atteint de démence avec tendances manifestes la paralysie

générale, embarras de la parole, marche difficile, chants fré-

quents, à cela, s'ajoutent des idées de grandeur (argent caché,

va partir pour Paris, le directeur du Petit Journal devant venir le

chercher, etc.). Quand on le contrarie, il tend à la violence...

Alors qu'il jouissait à peu près de son intelligence, il a mis le feu

chez un voisin ; il est à craindre, qu'aujourd'hui, une idée crimi-

nelle puisse lui être plus facilement suggérée. »

A son arrivée à l'établissement, je constatai chez C... les symp-

tômes ordinaires de la paralysie générale progressive, idées de

grandeur et de richesse, embarras de la parole, inégalité pupil-

laire, la pupille droite étant plus dilatée, du tremblement très

caractérisé des mains, signe d'alcoolisme et de l'embarras de la

démarche ; les facultés sont très affaiblies et le malade est sou-

vent violent.

MAL PERFORANT CHEZ UN PARALYTIQUE GENERAL. 51

Pendant les mois de juillet, août et septembre, l'affection pro-

gresse, le malade peut à peine se tenir debout, les réflexes ont

disparu; il déchire ses vêtements, est tout à fait inconscient.

Un matin, à la visite, on nous montre le pied gauche de C... et

nous constatons au niveau de l'articulation mélatarso-phalan-

gienne du premier orteil, une ulcération à forme ovalaire, large

environ comme une pièce de deux francs, à bords taillés à pic. Il

en sort un liquide séro-purulent.

Le stylet introduit, dénote une profondeur notable (trois cen-

timètres, obliquement) ; nous n'avons pu savoir si l'ulcération

était sensible, le malade étant peu conscient et résistant à tout,

machinalement.

Au bout de quelques jours de traitement par les mèches nuclées

iodoformées, nous notâmes la tendance à l'augmentation du trajet et

6 octobre 1887, le stylet pénètre'jusqu'à l'os, revêtu encore de son

périoste. Mais les forces du malade diminuèrent rapidement et il

s'éteignit dans le marasme sans avoir présenté de réaction fébrile,

le 9 octobre 1887.

A l'autopsie, nous trouvâmes les signes ordinaires de la méningo-

encéphalite chronique, avec cela de particulier, toutefois, que les

vaisseaux de la base présentaient un degré assez prononcé d'athé-

tonie (probablement d'origine alcoolique); pas d'altérations de la

moelle.

Le pied fut examiné avec soin et nous pûmes voir qu'il s'agissait

bien dans notre cas, d'un mal perforant du pied. Toutefois, nous

ne pûmes constater aucune altération de l'os ni du périoste ; les

vaisseaux du pied ne nous parurent pas présenter d'altérations.

REMARQUES. - On notera que, chez notre malade, le mal

perforant est survenu de dehors en dedans, graduellement,

quoique avec une rapidité relative, C... marchait rarement;

par conséquent, il est difficile d'incriminer l'action de la

marche.

L'ulcération plantaire s'est développée, chez C..., dans les

derniers temps de la vie, c'est-à-dire à une période très avancée

de la paralysie générale, et nous rappellerons que C... était

alcoolique, il est vrai, mais que nous n'avons pas rencontré

d'altération des vaisseaux du pied.

Notre observation paraît plutôt se rapprocher de celles que

M.J.Christian a publiées dansles Annales médico-psychologiques

et à la Société de médecine de Paris (4 février 188-». Dans les

deux cas de M. J. Christian, il y eut rémission de la paralysie

générale dont les malades étaient atteints, à la suite de la

suppuration amenée par le mal perforant. Mais cet auteur

S2 q REVUE critique.

considère l'apparition de l'affection chez, ses paralytiques comme

un trouble trophique.

Nous rappellerons aussi qu'un certain nombre d'auteurs

(Duplay et Morat, Lancereaux, Hanot, Bail, Mozer, Ranadier)

tendent à assigner au mal perforant une origine nerveuse, car

les observations qu'ils ont recueillies appartenaient à des

malades atteints d'ataxie locomotrice.

Notre observation vient donc à l'appui de cette manière de

voir, car le mal perforant s'est développé à la période ultime

de la paralysie générale.

Enfin, il résulte du cas de C... que dans la paralysie générale

à sa période d'état, alors même que le malade peut encore

vivre au dehors, la suggestion, pour ainsi dire, à l'état de veille,

peut être faite sans entrainer la responsabilité du délinquant.

C'est en effet, à l'instigation de sa femme que C ? a allumé un

incendie et tout porte à croire qu'en raison de son état mental

très affaibli, il a agi d'une façon inconsciente. Tel a d'ailleurs

été l'avis du jury de la Charente-Inférieure qui a condamné

a femme C... en acquittant son mari.

REVUE CRITIQUE

La car.TOwr 1; ->

ParJ.SÉGLAS,m6decin-supptÉantdeta.Sâ)))etriere,etPn.C)IASL ! N,

mcdeciii-sippléatit de Dicètre.

IV.

En principe, pour qu'une réunion de symptômes non carac-

téristiques par eux-mêmes puisse constituer un tout patho-

logique essentiel, il faut qu'ils affectent entra eux des rapports

étroits de nature, d'origine, de succession, de causalité; de

telle sorte que malgré des variations inévitables, on puisse

' Voy. Arcldves de Neurologie, n° li, p. 21 1; 11- 15, p. 420.

LA CATATONIE. 53

toujours saisir leurs rapports, reconnaître leur filiation et les

rapporter à un type primitif défini, et à une même cause supé-

rieure.

Or ici, ce n'est pas cela : nous voyons bien dans la descrip-

tion de la catatonie, une coexistence, mais non une association

ou une combinaison de symptômes. Quoi qu'en disent les par-

tisans de la catatonie, la différence est grande avec la paralysie

générale, dont la création repose sur une base solide, des

lésions anatomiques, dont la nature tout à fait intime n'est

peut-être pas encore absolument connue, mais qui suffisent

même dans l'état actuel de la science à créer une espèce mor-

bide dont on pourra, s'il y a lieu, déterminer ultérieurement

les variétés. Ici au contraire, rien de précis ; car les lésions

méningitiques de nature tuberculeuse trouvées dans quelques

cas ne sont pas la caractéristique anatomique de la maladie et

tout repose sur des données hypothétiques d'hyperhemie ou

d'oligémie (-Meynert) par crampes vaso-motrices ou de cram-

pes de certaines régions cérébrales (Kalhbaum, Neisser), varia-

bles, multiples et que nos données actuelles sur l'anatomie et

la physiologie cérébrales nous permettent bien peu de déter-

miner.

Kalhbaum avoue lui-même que l'anatomie pathologique est

à faire, et Kiernan après de longues dissertations en arrive à

donner comme caractéristique une dilatation primitive vaso-

motrice, laissant de côté la méningite dont on aurait pu croire

qu'il l'utiliserait plutôt pour l'échafaudage anatomo-patholo-

gique. D'ailleurs, comme nous l'avons vu, Brosius classe la

catatonie en trois groupes qui se ressemblent peu anatomi-

quement et les autres ne parlent pas de l'anatomie patholo-

gique. Les lésions anatomiques manquant donc, et rien ne per-

mettant encore d'assimiler ces phénomènes qu'on pourrait

supposer d'ordre dynamique à des phénomènes identiques

connus dépendant d'une cause organique, l'édifice patholo-

gique manque ainsi d'une base solide ou rationnelle.

Mais en l'absence d'un substratum anatomique, et de

données physiologiques déterminées, par quoi peut se carac-

tériser une forme morbide ? nous ne voyons guère que l'évo-

lution symptomatique. ou l'étiologie. Mais alors l'absence du

critérium anatomique certain nécessite une rigueur exces-

sive dans le choix et le classement des phénomènes et des cas

observés. Or, la classification même des variétés de catatonie

84 REVUE CRITIQUE.

que donne Kalhbaum à la fin de son mémoire nous montre,

si déjà la lecture de la symptomatologie et des observations

ne nous avait pas convaincus combien variable était la pré-

sence de certains phénomènes, même les plus importants,

ainsi que leur intensité, leur mode d'apparition, leur succes-

sion et l'évolution même des périodes de la maladie. Il nous

semble superflu de développer ici ce point, ayant déjà exposé

longuement ces faits au début de notre travail. Nous ne pour-

rions que nous répéter.

Quant à l'étiologie qui, à part certaines exceptions particu-

lières, ne peut guère servir à différencier les maladies en

médecine générale, elle est absolument insuffisante en méde-

cine mentale où la recherche des causes est peut-être un des

problèmes les plus insolubles auquel se heurte journellement

le médecin aliéniste. Si l'on connaît les causes (et combien

multiples) de l'aliénation en général, il est presque impossible

de déterminer l'action de telle cause particulière dans tel cas

donné au point de vue de l'origine de la maladie, de la forme

particulière qu'elle pourra revêtir et de la marche spéciale

qu'elle pourra suivre.

D'ailleurs, les causes écologiques que donne Kalhbaum sont

des causes parfaitement banales et qu'on peut rencontrer à la

source de toutes les vésanies possibles. Il y en a cependant

deux, qui à notre avis, peuvent créer une prédisposition spé-

ciale et servir à caractériser le terrain particulier sur lequel

- se développe la maladie, c'est la dégénérescence en général

et l'hystérie. Ces deux faits là ne sont pas mentionnés par

ses auteurs et cependant ils nous semblent bien avoir leur

importance.

En effet, nous retrouvons dans la description de la catatonie

la plupart des traits communs aux aliénations héréditaires,

tels que l'alternance du délire, avec la succession d'états exal-

tés ou déprimés (Morel '), le verbiage monotone, incohérent,

ou emphatique et sentencieux, les poses théâtrales, les attitu-

des spéciales comme cabalistiques, la prédominance des idées

poétiques ou théâtrales ou mystiques que l'on retrouve dans

les observations de Kalhbaum et assez fréquemment observés

t pour que Schuele ait fait de la catatonie une sorte de wahn-

\ sinn religieuse. Rappelons enfin l'éclosion fréquente chez les

' More). Loc. cit., p. 1-q.

LA CATATONIE. 88

héréditaires des troubles psychologiques à certaines époques

biologiques et nous ne serons pas étonnés que certains auteurs

aient rangé la catatonie dans la folie de la puberté (Maudsley1).

D'ailleurs la plupart des causes signalées dans les observations

de catatonie n'agissent guère d'ordinaire que comme causes

occasionnelles sur des sujets plus ou moins tarés : citons les

excès sexuels, l'onanisme, la puberté, l'accouchement, la

menstruation, l'alcoolisme sur lequel insiste Kiernan. Enfin

la lecture des observations nous montre plus d'un malade, la /

majorité même, présentant différents traits caractéristiques de/

la dégénérescence mentale, et quelquefois même des stigmates/

physiques, dont l'importance a semblé échapper aux observa-

tions, qui, il est juste de le dire, semblent s'être, dans l'exa'

men de leurs malades, assez peu préoccupés de la question

de la dégénérescence en général.

Quant à l'hystérie qui, surtout dans ses formes délirantes,

peut se rapprocher et même se classer parmi les états dégéné-

ratifs, elle partage avec eux les caractères énumérés ci-dessus,

mais de plus elle peut ajouter sa note particulière en favori-

sant la production des phénomènes catatoniques proprement

dits. N'est-ce pas dans l'hystérie que l'on observe surtout les

attaques convulsives à caractère hystéro-épileptique plus ou

moins tranché 2, les attaques de catalepsie, de léthargie, de

contractures, d'extase, les mouvements choréiformes, sans

compter la simple hyperexcitabilité neuro et cutano-muscu-

laire et la plasticité musculaire à l'état de veille. Or, jamais

dans les observations de catatonie que nous avons lues l'hysté-

rie n'a été sérieusement recherchée ; c'est à peine si on men-

tionne vaguement la recherche de l'anesthésie sensitive. Le

caractère des attaques est toujours mal déterminé et très

vague, ce sont des attaques hystériformes, épileptiformes, etc.,

ou bien on se contente de noter : qu'un malade a l'aspect hys-

térique ; cependant nous inclinerions volontiers à penser

1 Maudsley. Loc. cit.

Morel (Etudes cliniques, t. II, p. 285 et suiv.) rapporte sous le nom de

stupidité des cas qui nous semblent analogues à la catatonie et il consi-

dère justement la présence des phénomènes particuliers (dits catatoniques

plus tard) et la marche spéciale de l'affection comme liée à un état de dégé-

nérescence et d'un pronostic très grave. Ailleurs (Traité des mal. ment., 451),

il dit que les phénomènes d'extase et de la catalepsie se rattachent d'une

manière plus intime à l'histoire des folies épidémiques, à celle du délire

religieux surtout et certains états névropathiques tels que l'hystérie.

56 REVUE CRITIQUE.

qu'une recherche plus attentive eût pu déceler chez les malades

/ la présence de quelques stigmates hystériques. Et cela d'autant

/ mieux que l'on rencontre à la lecture des observations des

phénomènes assez fréquents dans l'hystérie, pour mériterqu'on

s'y arrête, mais dont cependant l'importance ne parait pas

avoir, été saisie ou qui ont été rattachés à la catatonie alors

que parfois ils ont pu la précéder de plusieurs années. Ainsi,

nous trouvons des convulsions toniques en opistothonos au

cours d'attaques convulsives revenant plusieurs fois par jour

(Obs. II de Kahlbaum); des attaques convulsives indétermi-

nées (comme d'ailleurs dans la presque totalité des observa-

tions) et suivies plus tard d'accès de pleurs et de rires involon-

taires (Obs. III); la perte de sensibilité de la muqueuse

pharyngienne (Obs. IV), des accès de rires impulsifs revenant

à la même heure pendant plusieurs années chez un nerveux

(Obs. I de Hecker) avant le début de la catatonie qui fut d'ail-

leurs suivie d'hébéphrénie; attaque convulsive avec opistotho-

nos à la suite d'une fièvre typhoïde avec délire intense et avant

le début de la catatonie (ibid. Obs. II); une attaque semblable

dont la description ressemble à l'arc de cercle (Obs. IV de

Neisser); une femme chez laquelle l'hystérie avait été soup-

çonnée par Kroepelin, négligée par Neisser (Obs. IX) ; dans

deux autres observations du même auteur, nous trouvons du

somnambulisme et des hallucinations visuelles noires (Obs. X),

de la toux prolongée sans phénomènes pulmonaires et avec

des syncopes, des vomissements répétés, de la céphalée, de

l'amyosthénie (Obs. XII). Un fait qui nous semble encore

confirmer notre manière de voir c'est la particularité signalée

par Kalhbaum d'épidémies convulsives de catatonie. Il serait

aussi intéressant de rechercher l'hystérie dans ces cas où

la maladie débute brusquement par la stupeur après un trau-

matisme. Si ce n'est là qu'une hypothèse, au moins n'a-t-elle

rien d'invraisemblable depuis que les derniers travaux de

l'école de la Salpêtrière ont mis en relief toute l'importance

du traumatisme dans l'éclosinn des manifestations morbides

sur les terrains hystériques. Cette absence que nous signalons

de la recherche de l'hystérie, est sans doute due à ce fait que

la grande majorité des médecins allemands semble tenir peu

décompte de l'hystérie en général et résiste aussi le plus pos-

sible à cette notion si importante, développée par M. Charcot,

de la vulgarité de l'hystérie mâle.

LA CATATONIE. S7

Schuele est le seul auteur qui ait comblé en partie ces

lacunes dans l'examen de ses malades et ses observations l'ont

en somme amené à décrire une forme de catatonie hystérique

(sixième type de l'hyslerische TValansinu); efd'un'autre côté,-il-

range la calatonie en général parmi les psychoses se dévelop-

pant dans un cerveau « invalide ».

D'ailleurs, la recherche de l'hystérie chez cette espèce de

malades peut être intéressante pour expliquer, au moins dans

certains cas. la production de quelques-uns des troubles

moteurs. On sait combien fréquentes sont chez les hystériques

les altérations du sens musculaire et il n'est pas irrationnel

de supposer qu'elles pourraient se trouver en relation avec ces

attitudes particulières spontanées ou provoquées que présentent

les catatoniques. Nous rapportons ici l'observation d'une malade

hystérique dont l'affection présentait de nombreux traits de

ressemblance avec la catatonie de Kalhbaum et chez laquelle

nous avons constaté, bien que légers, des troubles du sens mus-

culaire.

Observation IV. 111'1 L. Ch..., âgée de vingt-quatre ans, en-

trée le 24 juin 1887 à la Salpêtrière.

Antécédents héréditaires. Père, faible d'esprit, et de carac-

tère. Mère, nerveuse sans attaques, intelligence faible, tremble-

ment de la tête. Pas de consanguinité; pas de renseignements

positifs sur les grands-parents.

Antécédents personnels. Rien de particulier à signaler dans

l'enfance; à l'âge de treize ans seulement, Mlle Ch ? aurait com-

mencé à être malade, un peu nerveuse : elle fut soignée alors

comme anémique. A l'âge de vingt ans, première attaque convul-

sive de caractère hystérique, puis une seconde trois ou quatre

mois après ; depuis, elles se sont reproduites environ tous les

mois, jamais la nuit. En plus, elle a des attaques moins fortes,

incomplètes, et des vertiges. Elle souffrait aussi de migraines fré-

quentes. Caractère volontaire, quoique assez faible; c'était une

c enfant gâtée ». Il y a deux ans, elle s'est liée avec une jeune

fille qui s'occupait de spiritisme et qui prit rapidement un grand

ascendant surelle. Elle la persuada bientôt qu'elle la guérirait

par le magnétisme : des pratiques ont eu lieu à l'insu des pa-

rents. Les attaques cependant continuaient, la dernière eut lieu

le 19 mai; dernière menstruation le 6 juin.

Les symptômes délirants remontent à treize jours. M"° Ch... a

commencé à donner des signes d'agitation; elle n'était plus mai-

tresse d'elle-même, de sa pensée ni de ses actes : hallucinations

88 REVUE CRITIQUE.

de la vue dès la première journée ; insomnie, pas de rêves prémo-

nitoires. Le troisième jour, hallucinations de l'ouïe; son amie lui

dit qu'elle la magnétise, elle lui répond qu'elle l'a trompée en ne

la guérissant pas ; l'agitation augmente, elle fait des passes

comme si elle magnétisait quelqu'un. Elle cherche même à se

magnétiser elle-même pour se guérir d'un état semblable à celui

de son amie, qui est infirme d'une jambe et s'est fait magnétiser

pour cela sans résultat. Elle devient loquace, parle souvent dans

son délire d'une lettre que dans ses pratiques de spiritisme son

amie a fait écrire par son frère, mort depuis douze ans. Depuis cette

époque, l'agitation n'a fait qu'augmenter, la malade ne mange

plus, l'insomnie est absolue.

24 juin. Etat actuel. Etat d'excitation maniaque violente;

on peut cependant fixer par moments l'attention de la malade

en insistant ou en la secouant énergiquement. Elle est échevelée,

à peine vêtue, pieds nus ; faciès halluciné, mobilité excessive,

actes désordonnés, paroles incohérentes paraissant se rattacher

au magnétisme : cris, incantations, gestes cabalistiques ; elle range

les chaises autour d'elle et semble magnétiser des personnages

imaginaires qui seraient assis dessus.

Pas d'anesthésie sensitivo-sensorielle évidente; l'examen delà

vision est très difficile. Cependant la malade nomme toutes les

couleurs et il ne parait pas y avoir de rétrécissement du champ

visuel. Les deux fosses iliaques et les régions sous-mammaires

sont douloureuses à la pression. Asymétrie faciale (côté droit

plus petit) : nez dévié à droite, sourcil droit plus abaissé; décolo-

ration des cils de l'oeil gauche datant de l'enfance. Légère asymé-

trie palatine; oreilles, mains, etc., bien conformées. Crâne régu-

lier, symétrique.

LA CATATONIE. 59

nir. A un moment, elle étend tout d'un coup le bras droit et reste

ainsi plusieurs minutes fixe, immobile, sans répondre aux ques-

tions qu'on lui adresse.

6 juillet. La malade est très agitée, surtout anxieuse : le fa-

ciès est inquiet, elle est échevelée, pleure, se lamente. Les hallu-

cinations (vue, ouïe) sont toujours nombreuses, intenses, presque

continuelles ; cependant, en insistant, on peut fixer l'attention

de la malade. Par moments, elle prend des attitudes ressemblant

aux attitudes passionnelles des hystériques et les quelques phrases

qu'elle prononce le sont sur un ton déclamatoire, comme pathé-

thique; elle répète toujours qu'elle est morte, qu'elle n'est plus

elle. Les membres restent pendant quelques minutes dans les po-

sitions qu'on leur imprime ou qu'elle prend elle-même, mais ne

sont pas rigides; c'est un éiatcataleptoïde. Gâtisme.

- 8 juillet. -Beaucoup plus calme, mais les hallucinations persis-

tent ; cependant elle les dit moins nombreuses. Elle ne prononce

que des mots sans suite, peut-être en réponse à ses hallucinations.

Etat cataleptiforme provoqué, le bras droit étendu, le bras

gauche demi-fléchi, pendant quelques minutes. Le visage ne ré-

vèle pas de fatigue, la respiration reste normale, les bras gar-

dent absolument leur position. ne suivant que les mouvements

de totalité du corps. Léger tremblement des extrémités, flexibilité

des segments des membres, qui gardent les positions diverses

qu'on leur imprime successivement.

Troubles du sens musculaire au bras gauche. De ce côté, elle ne

peut retrouver sa main si elle a les yeux fermés; elle apprécie

également moins bien la différence de poids successifs que de

l'autre côté. Le contact et la pression sont moins bien perçus à

gauche qu'à droite; la piqûre parait moins bien perçue à droite ;

rien à la face. '

Elle répète toujours qu'elle est morte, qu'elle n'a plus de corps.

Il lui resle une jambe gauche, un bras droit et les deux yeux.

Elle est « retournée» et pour prendre sa main droite avec sa

main gauche, elle .passe cette dernière derrière son dos, parce

qu'elle est retournée. Si l'on fixe l'attention, cela disparaît mo-

mentanément, autrement elle s'en inquiète beaucoup. Elle pleure,

se désole, dit que tout est changé autour d'elle, elle n'a plus sa

personnalité et cependant elle est bien L... Elle se croit persé-

cutée par une autre malade; elle a pris la maladie d'une autre

et cela lui a immobilisé la jambe gauche. Les parties de son

corps, qui ne sont pas à elle, ont été attachées à son corps, elle

ne sait pourquoi. Elle réclame ses parents; généralement elle

est douce, calme; par moments accès d'anxiété. L'après-midi,

elle est restée étendue très longtemps en croix sur le gazon. Elle

nous dit que c'est une conjuration.

60 REVUE CRITIQUE.

9 Juillet. -- Mobilité extrême des symptômes de la maladie, ce-

pendant elle n'est plus maniaque comme à l'entrée; attitudes

« théâtrales » surtout quand elle était agitée, et aujourd'hui quand

elle reparle du magnétisme. Les idées tournent toujours dans le

même cercle, elle les répète continuellement, mais ne répète ja-

mais les mêmes mots; pas de vocabulaire spécial. Attitudes spé-

ciales : elle tient toujours les mains croisées sur ses genoux, la

main droite sur le genou gauche, et vice versa. Le matin, elle se

dit entière et reconnaît sa main gauche à une tache de variole

qu'elle a sur l'index, cependant quelques instants plus tard elle

revient à l'idée de la veille et même elle dit avoir perdu ses

yeux. Elle ne peut rien expliquer de tout cela, parce qu'elle est

embrouillée.

16 Juillet. Attitudes cabalistiques : elle croise les jambes en

se tenant debout pour éviter des malheurs; elle se tient les ge-

noux comme ci-dessus. Elle reste fixe et immobile dans ces posi-

tions. Etats cataleptoïdes provoqués persistant quelques minutes.

Elle est très calme depuis quelque temps, plutôt déprimée,

cause peu, s'isole, reste à l'écart, pleure. Elle gâte toujours ;

insomnie.

1 août. Amélioration considérable, plus d'excitation; accès

de tristesse, de pleurs, elle demande sa famille, s'inquiète de ce

qu'elle deviendra; sa maladie pourra lui faire du tort dans l'ave-

nir ou la reprendre, etc. Plus d'états cataleptiques, commence à

dormir.

16 août. La malade ne délire plus, dort, travaille, peut être

considérée comme guérie.

L'examen physique ne nous révèle rien à noter, en particu-

lier aucun stigmate d'hystérie.

Septembre.- Réapparition des règles. Guérison complète. Sortie.

L'observation suivante que l'un de nous avait pu recueillir

à une époque antérieure présente aussi la majorité des traits

donnés par Kalhbaum comme caractéristiques de la catatonie

et là encore on trouve de l'hérédité et de l'hystérie bien avérée.

Observation V. Allie N..., âgée dedix-neuf ans.

Antécédents héréditaires. La grand'mère du père de la ma-

lade est morte démente, ainsi que son fils, grand-père paternel

de la malade. Le père est lui-même un homme très nerveux,

bizarre, violent; accidents arthritiques.

Antécédents personnels. Pas de renseignements sur l'enfance

de la malade; elle a toujours été très nerveuse, bizarre, fantasque.

Depuis quelques années, elle était toujours souffrante et soignée

LA CATATONIE. 61

pour des accidents hystériques. En janvier 1884, elle se montre

triste sans raison et recherche l'isolement. En juin, période d'ex-

citation maniaque; elle devient insubordonnée, volontaire, tente

à chaque instant de s'échapper de chez elle, se figure que le shah

de Perse l'aime et va venir la demander en mariage, chante conti-

nuellement des airs d'opéra-comique. En juillet cette excitation

fait place à de la dépression mélancolique; elle a peur de devenir

malade, elle a le choléra, elle va mourir, demande pardon de ses

fautes à tout le monde, car une voix le lui commande ; les vers la

rongent. A cette période, elle a présenté des états de raideur

presque généralisés mais sans contracture; on avait de la pleine

à vaincre la résistance des muscles, et si on déplaçait les mem-

bres ils s'immobilisaient dans la nouvelle position qu'on leur im-

primait, mais restaient toujours raides'. Cet état de mélancolie

s'accentue et arrive graduellement à la stupeur avec mutisme,

refus d'aliments, amaigrissement progressif.

22 août. Etat actuel. Faciès de la stupeur mélancolique,

peurs, mutisme absolu, refus complet d'aliments, amaigrissement

extrême, la malade ne peut même plus se tenir debout ni assise et

se laisse aller comme une masse inerte; haleine fétide, urines

rares, constipation ; pas de' coloration violacée ni d'oedème des

extrémités; aménorrhée. Insomnie. Analgésie presque complète;

pas de signes constatés d'hystérie ; pas de raideurs. Taille élevée,

conformation régulière ; tête petite, asymétrie faciale, dents mal

rangées, courbe des maxillaires très étroite.

Traitement : suralimentation par la sonde (poudre de viande,

potages, bouillon, lait, vin de quinquina au bordeaux, arséniate

de soude), bains sinapisés, sirop de morphine.

26 août. Amélioration de l'état général ; mutisme, refus d'ali-

ments, résiste à la sonde, qu'elle avait d'abord acceptée passive-

ment.

97 août. Elle dit : « J'ai la fièvre typhoïde, empêchez qu'on

ne vienne dans ma chambre. »

28 août. Faciès meilleur, même état psychique ; mutisme,

refus d'aliments, résistance systématique à ce qu'on veut lui faire

faire, mais pas de troubles d'ordre moteur. Se promène un peu

seule, pleure beaucoup.

30 août. Même état; la sensibilité est bien plus nette, quoi-

que toujours un peu obtuse, sans localisation spéciale.

1°r septembre. Elle mange seule ; le mutisme persiste. Hydro-

thérapie.

' Ces derniers renseignements sont dus à l'obligeance de M. Ch. Féré,

médecin de Bicêtre, qui vit la malade à cette époque.

62 REVUE CRITIQUE.

11 septembre. Elle dit : « Je ne puis pas cependant me cou-

cher dans ce lit puisqu'ils disent qu'il a été offensé. »

Novembre.- A la fin de ce mois, réapparition des règles ; même

état; elle ne cause que tout bas et seule, et si on lui parle elle rit

et pleure à la fois, mais ne répond pas.

Décembre.- Nouveau refus d'aliments dû à une hallucination

de l'ouïe ; elle parait aussi hallucinée de la vue; elle cause un

peu et demande à sortir parce qu'elle coûte trop cher et que cela

ruinera son père. Menstruation régulière. Le 22 du même mois

elle écrit : a Il est question de me voir mourir d'un moment à

l'autre, on veut me tuer par rapport à des idées folles qui se con-

centrent en moi, je suis dans un état tellement stupide que je ne

sais plus ce que je fais, je perds ma raison, je ne sais plus parler,

je ne sais plus rien faire, je suis indigne de vivre; tout le monde

me trouve stupide, et c'est la vérité, je perds ma raison. » Rnmeme

temps elle fait des chiffres qu'elle dispose par exemple dans le

même ordre. En voici un fac-similé1 :

15 janvier 1886. Elle mange un peu, mais du pain seule-

ment, qu'elle achète à mesure; elle travaille un peu et cause

bien- : c'est le Seigneur qui lui parle et lui a défendu de manger

pour expier ses fautes. Dieu lui disait de ne rien manger, qu'elle

derait mourir, car elle n'était pas digne de vivre. Quand elle

riait, c'était parce que des voix lui parlaient; elle n'avoue pas

d'hallucinations de la vue ; elle croit toujours fermement à la réa-

lité delà voix de Dieu.

20 janvier. Elle ne délire plus du tout, elle est un peu exci-

tée, insubordonnée, elle pleure sans motif, cela la soulage; elle

s'occupe, mais d'une façon fébrile. Elle a conscience de son état

' Nous rapprocherions volontiers cela des fac-similés d'écriture donnés

par Neisser dans lesquels les mêmes mots ou les mêmes signes sont

répétés de façon à constituer une sorte de verbigération écrite.

LA CATATONIE. 63

passé, elle raconte ses idées de culpabilité, elle croyait avoir

causé la mort de sa mère et aussi que le schah de Perse l'aimait;

elle entendait la voix de Dieu lui parler d'un ton impératif. Elle

dit que tous ces symptômes sont absolument disparus. Excitation

génitale, onanisme invétéré, saphisme. Ces pratiques datent, d'a-

près ce qu'elle raconte, de très longtemps, et lui auraient été en-

seignées par une de ses parentes dont elle partageait le lit, étant

enfant. Pas de signes d'hystérie. Sortie guérie.

45 novembre 1886. Le délire n'a pas reparu, mais on peut

constater chez la malade la présence de stigmates hystériques et

d'accidents de même nature analogues à ceux constatés avant

l'apparition des troubles délirants.

V.

Nous avons vu en somme ce que c'était que la catatonie et

nous avons exposé les considérations qui nous ont semblé

découler de l'examen des descriptions de cette maladie et des

observations données à l'appui. La tentative de Kalhbaum a

été en somme approuvée jusqu'ici par peu d'auteurs. Nous

avons vu les partisans et signalé déjà entre eux certaines dissi-

dences, surtout en ce qui concerne Schuele, dont la description

se rapproche beaucoup plus, à notre avis, de la réalité clinique,

En résumé, pour créer la catatonie, Kalhbaum insiste sur

ces deux points : 1° la non existence de l'Attonitât autrement

que comme symptôme; 2° la présence comme règle dans tous

les cas où il y a de l'Attonitàt des phénomènes dits catatoniques,

devenant la caractéristique de la maladie.

Que l'on discute l'entité de la stupeur, cela n'a rien d'éton-

.nant. Tout le monde admet bien la possibilité de la stupeur

dans toutes les formes mentales : mais ceux-ci s'en tiennent là,

ceux-là décrivent une forme spéciale de stupeur. Parmi ces

derniers, les uns la considèrent comme une maladie distincte,

les autres, plus nombreux, la rattachent à la mélancolie. Mais

parce que dans ce dernier cas, la maladie a pu suivre la marche

indiquée par Kalhbaum, c'est à dire passer par une période de

mélancolie simple ou même par un état d'exaltation mentale

antérieur (manie ou anxiété), faut-il en conclure que la stupeur

doit être complètement rejetée, sous ce prétexte qu'elle n'est

qu'une phase de la maladie considérée dans son ensemble. Cela

nous parait peu rationnel car c'est elle qui constitue dans ces

64 REVUE CRITIQUE. LA CATATONIE.

circonstances la période d'état de la maladie, les autres phases

n'étant que des stades prémonitoires et souvent d'une durée

peu longue eu égard à celle de la période de stupeur : ajoutons

même que cette dernière peut se présenter pour ainsi dire

d'emblée. Parce qu'une maladie peut ne pas se constituer

de suite de toutes pièces et peut passer par différents stades

avant d'arriver à la période d'état, faut-il la rejeter pour cela ?

Si cela était, il resterait bien peu de choses de la pathologie

mentale; car il n'est guère d'affections vésaniques qui se cons-

tituent d'emblée ou restent identiques à elles-mêmes dans

toute leur durée ; et l'exaltation mentale et surtout la dépres-

sion, l'hypochondrie morale, n'est-elle pas au début de toutes

les vésanies ? Nous avons vu d'ailleurs plus haut que Kalhbaum

l'avoue lui-même et pour être logique, si l'on accepte son

argument pour la stupeur, il faut l'étendre à toutes les autres

formes vésaniques.

Le second point sur lequel insiste Kalhbaum c'est la nécessité,

de donner la priorité aux phénomènes catatoniques qui seraient

plus ou moins accentués, mais de règle dans tous les cas de mé-

lancolie avec stupeur. Nous l'avons déjà dit plus haut, cela nous

semble être une singulière exagération. La grande majorité

des observations publiées de mélancolie avec stupeur ne pré-

sente pas de traces de phénomènes catatoniques. Nous-

même avons eu l'occasion d'en voir plusieurs cas, même depuis

que notre attention s'est fixée sur ce sujet; et il n'est peut-être

pas d'aliéniste qui n'en ait observé de semblables. Il est certain

que si l'on fait du mutisme et de l'opposition des phénomènes

catatoniques, alors tous les stupides et même bien des mélan-

coliques deviendraient des catatoniques. Mais nous avons déjà

exprimé notre opinion au sujet de ces exagérations psycho-

physiologiques. Nous avons vu aussi que nous pouvions faire à

ces phénomènes le reproche que fait Kalhbaum à la stupeur :

à savoir qu'ils ne sont que des symptômes se présentant dans

presque toutes les formes psychopathiques, et que, lorsqu'ils

se montrent d'une façon prédominante, joints à ce qu'on appelle

la mélancolie attonita, ils ne forment pas un ensemble régulier

soit dans leur marche, soit dans leur forme ou même dans

leurs caractères intrinsèques s'il s'agit d'une même forme.

Aussi terminerons-nous cette étude en disant que la tentative

de Kalhbaum ne nous semble pas jusqu'ici suffisamment

justifiée. Nous pourrions répéter en substance à propos de la

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 68

catatonie ce que disait autrefois M. J. Falret' à propos de la

catalepsie, que dans la description de cette affection on a

réuni des faits plus ou moins dissemblables à divers points de

vue et qu'on a plutôt fait l'histoire d'un symptôme ou mieux

d'un syndrome que d'une maladie véritable. Considérant

d'ailleurs qu'au point de vue somatique, le phénomène prédo-

minant c'est la présence des troubles du système nerveux

moteur, au point de vue psychique, l'état de mélancolie plus

ou moins profonde, le reste (symptômes ou marche) n'ayant

rien de spécial, nous pensons que jusqu'à nouvel ordre la

catatonie doit être rattachée à la stupeur, simple ou sympto-

matique, dont elle ne serait qu'une variété en rapport plus

étroit avec un terrain dégénératif et plus particulièrement

hystérique'. Nous ajouterons d'ailleurs que cette conclusion

n'est pas une -explication : mais c'est la seule opinion qui nous

paraît pouvoir être formulée dans l'état actuel de la science.

Nous laisserons à d'autres, plus compétents et plus hardis, le

soin de s'aventurer sur la route encore bien mal connue des

psychoses hystériques et de délimiter, si possible, le terrain si

étendu et si vague de la dégénérescence mentale'.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. SUR LES anomalies DE L1 sensibilité ET LEURS relations avec

l'ataxie dans LE tabès dorsal; par B. STERN. (Arch. f. Psych,,

XVII, 2.)

Voici les résultats obtenus à l'examen de quatre-vingts patients

en deux ans, par des procédés simples : pincement, aiguille,

' 4 J. Falret. De la catalepsie. (Arch. gén. de Méd., août 1857.)

8 Dans ces cas lorsque l'on peut constater des idées délirantes actuelles

ou rétrospectives, elles sont le plus souvent de contenu mystique comme

l'ont fait remarquer Moret, Schuele, etc.

1 On pourra consulter encore sur ce sujet : Lanfenauer : Ueber kala-

tonische Verruclctheit. Oruosi Hetilop. 1882. Konrad : l3eitrcige sur

Z.e/t)'e6 ! e)-A'a<a<o)K'e. Orvosi Hetilop. 1882. Dunkerlost : Ueber dctiolo-

gie zoid l3eltanctlung der Katatonie. Need. Ver. ? Psych. 1883. Ham-

mond : Treatise on /;Ma;M. London, 1883. Spitzka : Insanily. New-

York, 1883.

Archives, t. XVI. 5

66 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

vases pleins d'eau à diverses températures. Le présent mémoire

contient : trois observations du retard de la sensibilité à l'égard

de la chaleur trois observations de sensibilité double dans le

domaine de la zone soumise à la douleur sept observations

prouvant des erreurs du jugement des tabétiques, qui croient

éprouver des sensations n'ayant pas de raison d'être trois

observations dans lesquelles le simple contact de l'aiguille est

perçu comme une douleur deux observations d'épuisement

rapide de la sensibilité thermique trois observations de

rémission du trouble de la sensibilité une observation de

répartition toute spéciale du trouble de la sensibilité deux ob-

servations d'ataxie résidant sur le système moteur et non sensitif

- quatre observations de mouvements associés chez des ataxiques,

prouvant que l'incoordination est d'origine purement motrice

une observation montrant que les mouvements spontanés peuvent

jouer un rôle important dans la genèse de l'ataxie. - Conclusion : .'

Les cas d'hyperesthésie ordinaire chez les tabétiques sont très

rares, mais il est assez fréquent de leur voir une hyperesthésie

unilatérale à l'égard du froid. Dans un petit nombre de cas, une

excitation révèle d'abord une insensibilité parfaite; mais, si l'on

augmente l'intensité de la sollicitation, on voit brusquement se

développer une sensation anormale extrême ; d'autres individus

demeurent tout à fait anesthésiques à l'égard d'excitations exces-

sives. On constate en revanche des perversions de la sensibilité ;

les différents modes de douleurs se traduiront par exemple

par une seule modalité, le froid sera perçu comme chaud, une

sollicitation douloureuse éveillera une double impression alors

que deux impressions tactiles continueront à être simultané-

ment distinguées. Le mécanisme de ces perturbations se résume

ainsi; très souvent l'intensité de la sensation ne croit chez le

tabétique qu'avec l'étendue de l'excitation ; aussi certains excitants

ne sont-ils perçus que si on leur donne une certaine surface, et

la sensation ne se développe-t-elle que lorsqu'on applique côte à

côte plusieurs excitants. Pour M. Stern, l'ataxie serait générale-

ment due à une altération des fibres motrices centrifuges ; la

preuve, ajoute-t-il, c'est que l'on observe chez les tabétiques des

mouvements associés et des mouvements spontanés paraissant en

rapport avec les troubles delà coordination. P. KLRIVAL.

IL DES rapports DE la poliomyélencéphalite avec la maladie

DE IIASEDOW; par E. JENDRASSIK. (Arch. f. Psych., XVII, 2.)

L'auteur préfère ce terme à celui de polioencéphalite parce qu'il

désigne plus particulièrement l'inflammation de la substance

grise située entre l'origine de la troisième paire et celle de la

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 67

douzième paire. L'observation qu'il décrit concerne un jeune

homme de seize ans, présentant les symptômes caractéris-

tiques delà lésion des noyaux du moteur oculaire externe, du

trijumeau, du facial, de l'ocnlomoteur commun, du pathétique et

l'exoplillialmie, le goitre, la tachycardie permettant d'établir le

diagnostic de maladie de Basedow. Conclusion : La maladie de

Basedow est une affection centrale, siégeant, dans la substance

grise du bulbe, à la hauteur du noyau du facial ; elle n'atteint

d'ordinaire pas les noyaux des nerfs crâniens; dans ce cas par-

ticulier, elle s'est étendue aux nerfs voisins, d'où les symptômes

oculaires, les troubles de la mastication, la parésie du facial

inférieur, du voile du palais. Pas d'autopsie. P. K.

III. DE la persistance DU phénomène DU GENOU dans la DÉGÉN13RES-

CENCE DES cordons postérieurs ' ; CONTRIBUTION A LA lésion PRI31f-

TIVE combinée DES CORDONS DELA MOELLE ; pat' C. `VESTPII : 1L. (Ai-ch.

f. Psych., XVII, 2.)

C'est, d'après le professeur de Berlin, la partie externe des cor-

dons postérieurs des régions dorsale inférieure et lombaire supé-

rieure de la moelle à laquelle il faut rattacher la disparition du

phénomène du genou, ou plus exactement la zone d'entrée des

fibres radiculaires dans la substance grise. Si l'on trace une ligne

partant de l'angle qui, de la substance gélatineuse de Roland,

s'avance vers le sillon médian, et qu'on la dirige en arrière paral-

lèlement à la ligne médiane, la zone radiculaire des cordons

postérieurs se trouve en dehors de cette ligne. Or, pour qu'il y

ait disparition du réflexe tendineux rotulien, il faut et il suffit

que la lésion dépassant en dehors la partie externe des cordons

postérieurs, envahisse la zone radiculaire, de façon à atteindre

spécialement les fibres radiculaires qui pénètrent dans la subs-

tance grise, tout autre segment de la zone radiculaire et des

racines postérieures n'ayant rien à voir avec la disparition du

phénomène du genou. Deux observations à l'appui.

L'auteur insiste encore sur les altérations concomitantes des

colonnes de Clarke et de certaines parties des cordons latéraux.

Il croit que ces combinaisons sont, dans l'espèce, accidentelles.

Mais il y a lieu de remarquer la coparticipation des faisceaux de

Tdrclc et, dans la moelle lombaire, celle de la portion correspon-

dante des cordons antérieurs. A l'association des lésions des

cordons postérieurs et des cordons antéro-latéraux, il faut

imputer la faiblesse de la motilité, l'absence d'immobilité,

d'inertie fixe de la pupille; ce qui permettrait de douter du dia-

gnostic exclusif de tabès, mais ouvrirait de nouveaux horizons

' Voy. Archives de Neurologie, XI, 257.

68 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

au point de vue de la pathogénie anatomique des symptômes

relevés. P.KERAVAL.

IV. NOTE SUR DEUX cas DE paralysie radiculaire DU plexus

brachial; par M. H. Rendu. (Rev. de illéd., 1886.)

^ La plupart des faits de paralysie radiculaire publiés jusqu'ici

ont trait soit à des cas de traumatisme direct portant sur les

origines du plexus brachial, soit à des cas de compression lente

des nerfs. M. Rendu rapporte deux observations qui prouvent

que la névrite radiculaire du plexus brachial peut être réflexe

et provenir en particulier d'une irritation du plexus nerveux

gastro-hépatique. Il résulte en outre de l'étude de ces deux faits

que les troubles de la sensibilité se montrent dès la période

initiale de la névrite et disparaissent au bout de très peu de

temps pour faire place à la paralysie et à la l'atrophie.

La distribution de l'anesthésie cutanée correspond, à très

peu de chose près, à celle de la paralysie motrice, ce qui

prouve que les origines réelles des nerfs sensitifs et des nerfs

moteurs du plexus brachial émanent de la même région de la

moelle. Le pronostic des paralysies radiculaires serait, d'après

M. Rendu, relativement favorable. Le traitement le plus utile

consiste dans l'application de révulsifs répétés sur la région cer-

vicale et le moignon de l'épaule et plus tard dans l'usage des

courants continus et du massage. G. D.

V. DE la GLYCUSOUIE ET DU diabète dans la SCLÉROSE EN plaques ;

par le Dr H. RICH.1BDIÉRE. (Rev. de méd., 1886.)

Des observations publiées dans ce travail il ressort : 1° que la

sclérose en plaques par ses localisations sur le plancher du qua-

trième ventricule, peut donner lieu à des troubles urinaires spé-

ciaux ; 2° ces troubles urinaires peuvent consister tantôt en

polyurie, tantôt engtycusorie, tantôt en diabète, rappelant par sa

symptomatologie le diabète essentiel. G. D.

VI. DEUX cas d'hémiplégie avec hydrémie DE l'hémisphère DU COTÉ

OPPOSÉ A L'HÉMIPLÉGIE ET A UNE LÉSION PULMONAIRE PRÉEXISTANTE;

par R. Lépine. (Rec. de med., 1880.)

La première de ces deux observations est un exemple d'hémi-

plégie réflexe, la voici brièvement résumée : « Phtisie pulmonaire

du sommet droit (d'origine traumatique), hémiplégie brusque du

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 69

côté droit. Mort, autopsie : pâleur de l'hémisphère gauche, aug-

mentation relative de Ja proportion d'eau du tissu nerveux de

cet hémisphère. »

Voici le sommaire de la seconde observation : pneumonie

droite datant de plusieurs jours ; apoplexie, hémiplégie droite.

Mort, autopsie : pâleur et augmentation de l'eau de la substance

du corps opto-strié gauche, petit ramollissement siégeant sur le

pied de la deuxième frontale gauche, immédiatement en avant du

sillon de Rolando. G. D.

VII. Sur la maladie DES tics CONVULSIFS; par G. GUINON.

(Rev. de méd., 1886.)

Dans un précédent numéro de ce recueil (1885, n° 28),

M. Gilles de la Tourette a décrit une maladie qu'il nomme

« affection nerveuse caractérisée par de l'incoordination mo-

trice accompagnée d'écholalie et de coprolalie ». Cette dénomi-

nation, d'après M. Guinon, ne doit pas être conservée. Jamais

en effet on n'observe une véritable incoordination motrice

dans cette maladie. Les mouvements involontaires qu'exécutent

les malades ne sont pas incoordonnés, ils ne sont pas mieux

illogiques et ils présentent dans leur ensemble et dans leur

répétition invariable une sorte d'arrangement tel qu'on peut

les dire véritablement systéîizatiques (Cliarcot). Les mouvements

involontaires systématiques, toujours les mêmes chez un même

individu, sont désignés par un mot employé de longue date

dans ce sens ; c'est le nom de tics. Maladie des tics convulsifs,

telle est la nouvelle dénomination proposée par M. Guinon.

Dans sa forme bénigne cette maladie n'est caractérisée que

par des tics proprement dits, c'est-à-dire par les grimaces de

la face ou les mouvements involontaires des membres. Lors-

qu'elle atteint son plus haut degré de gravité, elle s'accom-

pagne des phénomènes connus sous le non d'écholalie, d'écho-

kinésie (reproduction du geste) et de coprolalie, ainsi que d'un

état mental particulier qui se manifeste surtout par l'appari-

tion d'idées fixes (folie du doute, folie du pourquoi, arithmo-

manie, etc.). Tous les phénomènes qui constituent par leur

ensemble les cas typiques et absolument complets de la ma-

ladie des tics peuvent se rencontrer dissociés pour former des

sortes de cas frustes. D'ailleurs dans tous les cas, qu'elle soit

complète ou qu'elle ne se manifeste que par l'un quelconque

70 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de ses signes, la maladie des tics convulsifs est toujours l'ex-

pression d'une tare le plus souvent héréditaire.

M. Guinon démontre en terminant que tous les phénomènes

qui caractérisent la maladie et qui, au premier abord, paraissent

si différents, sont de la même famille et qu'on peut à juste

titre rapprocher les uns des autres le tic convulsif, l'exclama-

tion involontaire et l'idée fixe.

VIII. HÉMIPLÉGIE DIABÉTIQUE AVEC LÉSIONS SEULEMENT MICROSCOPIQUES

DES circonvolutions MOTRICES; par R. Lépine et L. BLANC.

Voici le résumé de cette observation : diabète, hémiplégie

droite progressive ; crises épileptiformes, aphasie, graves troubles

intellectuels. Guérison à peu près complète des symptômes

nerveux. Phtisie diabétique. Autopsie : destruction des cellules

du lobe central. G. D.

IX. Ataxie LOCOMOTRICE : ARTHROPATHIE DE l'articulation VIÈT.1-

CARPO-PHALANGIENNE DU POUCE, luxation spontanée du POUCE.

chute DES DENTS, CRISES laryngées, insuffisance AORTIQUE; par

le Dr RICHARD1ÈRE.

X. Paralysie spinale DE l'adulte ; par MM. Leclerc ET BLANC.

(Lyon 7 ? 2éd., 1886, t. 52.)

Observation d'un malade âgé de dix-neuf ans, qui fut pris subi-

tement, sans cause connue, d'une paralysie complète des quatre

membres. Le mouvement reparut rapidement dans les membres

inférieurs et le bras gauche; le bras droit seul resta paralysécom-

plètement et au bout de quinze jours s'atrophia. Très longtemps

après, on nota une faiblesse dans le membre inférieur gauche avec

atrophie progressive du mollet et de la cuisse. La réaction élec-

trique des muscles atrophiés a conservé ses caractères normaux.

Il s'agit d'après les auteurs de cette note d'une paralysie spinale

de l'adulte sur laquelle est venue se superposer une atrophie

musculaire, n'occupant pour le moment que le membre inférieur

gauche, mais destinée probablement à se généraliser. G. D.

XI. DES TROUBLES DE la motilité posthemiplégiques ; par

. B. GREIDENBERG. (Arch. f. Psych., XVII, 1.)

Revue critique fort intéressante et très complète, avec quelques

observations propres à l'auteur. Nous signalerons particulière-

ment : l'Oss. I : contracture survenues dès le cinquième jour qui

suivit l'apoplexie; les OBS. II, 111, IV : mouvements associés, à

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 71

l'appui de la théorie de Broadbent et Ross; l'OBs. VI : tremble-

ment posthémiplégique; l'auteur n'aurait rencontré ce tremble-

ment qu'une fois sur trente cas; l'OBs. VII, hémichorée typique;

OBS. VIII - hémiataxie. Ces trois dernières OBs. sont dépourvues

d'autopsie. M. Greidenberg pense qu'on n'a pas encore assez de

faits (une cinquantaine) pour généraliser et fonder l'anatomie

pathologique des troubles de la motilité posthémiplégiques et

leur localisation. Un chapitre à part est consacré à l'athétose,

OBs. 1X-XIV. Conclusion générale : la physiologie pathologique

est plus riche en hypothèses qu'en faits positifs. Quant au traite-

ment du symptôme, le plus rationnel est l'électrisation galvanique.

Classification générale des troubles molcurs-posthémiplégiques.

72 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

matières. Telle est la situation jusqu'en 1885, époque à la-

quelle il meurt de tuberculose pulmonaire. Anatomie patholo-

gique : lésion primitive des faisceaux pyramidaux portant en

même temps mais faiblement sur les faisceaux latéraux qui

vont au cervelet, et les cordons de Goll, d'où les phéno-

mènes spasmodiques, la parésie des extrémités inférieures. C'est

à la dégénérescence des faisceaux latéraux des pyramides qu'il

faut attribuer l'exagération des réflexes en général, celle des

réflexes tendineux en particulier, tenant à la lésion non des

fibres motices, mais de certaines fibres d'arrêt des cordons laté-

raux des pyramides. De l'étude critique du fait en lui-même,

rapprochée d'autres observations similaires ou analogues ,

M. Struempell conclut que :

Il semble que presque toujours ce soient les faisceaux pyramidaux qui

soient les premiers lésés, la lésion portant en même temps sur les cor-

dons antérieurs et latéraux des pyramides, mais atteignant plus facile-

ment les cordons latéraux qui relèvent du cervelet. Dans les cas qui

comme ici témoignent d'une affection systématique combinée, la lésion

des cordons postérieure prédomine toujours dans la moelle cervicale,

où elle occupe les cordons de Goll ; on trouve aussi des fibres dégénérées

dans les segments infériems des cordons postérieurs, ces fibres corres-

pondant probablement aux origines des cordons de Goll ; assez souvent

il y a altération du champ postéro-cxterne des cordons postérieurs. Les

dégénérescences secondaires qui suivent la lésion primitive des faisceaux

pyramidaux sont descendantes; celles qui suivent la lésion primitive des

faisceaux latéraux cérébelleux et des cordons de Goll sont ascendantes.

Le diagnostic de la forme qui nous occupe ici est encore impossible

pendant la vie; mais, quand, dans une affection spinale, on voit appa-

raître le syndrome de la paralysie spasmodique, sans troubles de la

sensibilité, il faut penser à cette combinaison. L'hérédité pourrait bien

jouer un rôle, un frère du patient étant en ce moment identiquement

atteint. Peut-être enfin, à côté de ce type quasi pur, y a-t-il un type spas-

modico-tabétique (lésions tabétiques et lésions des cordons latéraux des

pyramides). P. K.

XIII. Myélite aiguë disséminée; par B. KuESSIER et F. BROSIN.

(Arch. f. Psych., XVII, 1.)

Observation clinique très détaillée. Un homme bien portant,

de vingt-quatre ans, est successivement affecté : de paralysie

vésicale aiguë, qui devient rapidement complète, de paralysie

flasque des jambes, de parésie des bras, d'anesthésie, d'absence

des réflexes cutanés et des phénomènes tendineux ; conservation

de la réaction faradique ; fièvre ; aucune espèce de phénomènes

d'excitation spinaux. Etat stationnaire des symptômes de paralysie ;

cystite ; érysipèle. Mort vingt-quatre jours après le début de la

maladie. On trouve à l'autopsie un grand nombre de foyers, exces-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 73

sivement pressés les uns contre les autres, dans la région thora-

cique moyenne de la moelle, se disséminant ensuite en montant

jusqu'à la partie moyenne de la moelle cervicale, et en descen-

dant jusqu'à la partie moyenne de la moelle lombaire. Dégéné-

rescence secondaire des cordons postérieurs dans les parties supé-

rieures de la moelle et des cordons latéraux, dans les parties

inférieures du même organe. Les foyers sont des foyers d'inflam-

mation aiguë, liée aux vaisseaux (le centre de l'axe de chaque

foyer est constitué par un assez gros vaisseau); le début en est

représenté par l'émigration de leucocytes hors des parois vascu-

laires ; le tissu nerveux, infiltré de grosses et petites cellules,

souffre dans sa nutrition, se désagrège; les corpuscules lym-

phatiques se chargent de détritus (globules granulo-graisseux)

et rentrent dans le courant lymphatique par les espaces lympha-

tiques périvasculaires, débarrassant ainsi le foyer, mais enlevant

la matière nerveuse (mailles névrogliques vides, surtout dans la

moelle dorsale inférieure et moyenne). La mort a interrompu le

processus anatomique. Après avoir discuté les diagnostics de : myé-

lite centrale hémorrhagique lombaire paraplégie urinaire

névrite aiguë progressive névrite dégénéra triée sclérose

multiloculaire myélite aiguë transverse l'auteur passe à

l'étiologie et à la pathogénie delà lésion. Ce n'est pas une myé-

lite infectieuse ordinaire (absence de micro-organismes), ni une

myélite toxique (aucun caractère, aucun antécédent), ni une

myélite vasculaire vraie (intégrité des parois, ni embolies, ni

thromboses). C'est un trouble fonctionnel vasculaire d'origine

infectieuse, dont la nature est inconnue. P. K.

XIV. Etat DE la moelle chez un malade ayant subi l'élongation

sanglante DES sciatiques ; par M. J. TE)SS)ER. (Lyon médie.,

1886, t. LI.)

Un homme de quarante-trois ans, atteint de crises extrême-

ment violentes, de douleurs fulgurantes d'origine tabétique, subit

sans succès l'élongation des deux nerfs sciatiques, lorsqu'il mourut

deux ans après, on trouva les deux sciatiques, au niveau du point

où l'élongation avait été pratiquée, notablement altérés, envahis

par du tissu modulaire ou de la graisse ; une partie des tubes

nerveux ont paru en voie de désintégration. D'autre part, la

moelle, à côté des altérations caractéristiques du tube, offrait

au niveau de la région dorso-lombaire un étranglement marqué.

Il reste à déterminer s'il existe un rapport quelconque entre les

altérations de la moelle et l'élongation des sciatiques.

G. D.

74 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

XV. Anévrysmes MILIAIRES DE la MOELLE épinière.

On a noté fréquemment ces formations et lorsqu'on les a trou-

vées, même dans les cas si bien décrits de Hebold, on ne leur a

pas assigné une grande importance clinique. Mais les DKoehler

et Spitzka de New-York, ont observé au moins dans une famille

la dégénérescence diffuse d'anévrysmes miliaires comme base

anatomique d'une névrose spinale héréditaire. Ils ont noté les

mêmes symptômes, ressemblant à ceux d'une sclérose multiple

type, chez les membres de deux générations de cette famille. Dans

un cas terminé par la mort, l'autopsie montra une dégénéres-

cence miliaire excepté dans la protubérance et les vaisseaux du

cerveau, avec des signes de dénutrition de la substance blanche.

(New-York médical Journal, 2 avril 1887.) SoREL.

XVI. SCLÉROSE OU dégénérescence spinale CONSÉCUTIVE A DES

lésions cérébrales; par W. J11liUS MlCl, : LE. 77 ! e</OM ? 'Ha/ of

Mental Science , avril 1885.)

L'auteur rapporte brièvement neuf observations dans les-

quelles une altération scléreuse ou dégénérative de la moelle

s'est montrée consécutivement à des lésions encéphaliques

localisées ; voici pour chacun de ces neuf cas l'indication de

la lésion cérébrale :

OBs. I. Lésion de la surface des circonvolutions, pénétrant

dans la substance médullaire et détruisant quelques-uns des pro-

longements de la capsule interne.

uns. Il. Lésions diffuses, peu manifestes, siégeant surtout

dans l'écorce grise de la région fronto-pariétale.

OBS. III. Destruction locale de plusieurs circonvolutions et

d'une partie du corps strié.

Cas. IV. Les lésions primitives locales avaient surtout détruit

des portions des deux corps striés; les deux colonnes latérales

étaient atteintes, mais surtout la protubérance et le bulbe.

Cas. V. Destruction d'une partie du lobe temporo-sphénoïda)

et de la substance médullaire sous-jacente; cette destruction inté-

ressait légèrement la partie inférieure du lobule pariétal ; le corps

strié du même côté était en état de dégénérescence partielle.

Ons. VI. Adroite, lésions destructives du corps strié; à gauche

mêmes lésions, moins étendues et intéressant la capsule interne ;

entre-croisement anormal ou nul des pyramides dans la moelle

allongée; un tractus de dégénérescence, de forme arrondie, dans

REVUE DE pathologie mentale. 78

la colonne latérale gauche; un tractus analogue, mais cunéi-

forme dans la colonne droite.

OBS. Vil. Lésion médullaire centrale de l'hémisphère droit,

à peu près au niveau du grand centre ovale ; destruction partielle

du corps strié et de la capsule interne du côté droit, ainsi que

du noyau caudé : sclérose de la colonne latérale gauche de la

moelle.

OBs. VIII. Lésions ayant détruit une partie du corps strié, de

la capsule interne et de la substance médullaire du cerveau ; dé-

générescence partielle du pédoncule correspondant.

OBs. IX. Atrophie considérable d'un des hémisphères céré-

braux, avec lésions de paralysie générale plus accusées dans cet

hémisphère que dans l'autre dégénérescence de la colonne laté-

rale de la moelle du côté opposé.

Dans la majorité de ces deux cas, la sclérose ou la dégéné-

rescence descendante consécutive n'intéressait qu'une colonne

latérale; dans l'observation IV, elle intéressait les deux, ainsi

que dans l'observation VI. Règle générale l'entre-croisement t

des pyramides était le point le plus atteint. R. M. C.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

I. Quelques mots ajoutés A ce que l'on sait DE la paralysie GÉNÉ-

RALE DES aliénés; par NASSE (Allg. Zcitsch. f. Psych., XLII, 4.)

Que sont devenus les paralytiques généraux dont l'auteur avait

jadis annoncé la guérison apparente (lrrenfreund, 1870, ï). Depuis

cette époque, M. Nasse, sur plus de trois cents cas observés

(1870-1882), soit à l'asile, soit en consultation, n'a pas vu de fait

semblable. Sur 6 vrais paralytiques (5 guérisons, i amélioration),

congédiés, deux au bout d'un an étaient repris de la maladie et en

mouraient ; deux succombaient, l'un à une attaque d'apoplexie

survenue deux ans plus tard, l'autre six ans après, à une pacby-

méningite ayant déterminé des accidents psychiques. Le malade

congédié comme amélioré mourait subitement au bout de quatre

' Voy. Arch. de Neurologie. Société psychiatrique de la province du

Rhin, tss5.

76 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

ans. Un seul demeura guéri ; il n'avait pasprésenté de trouble de la

parole au cours de son affection (diagnostic douteux ? ). Un septième

également renvoyé comme guéri se portait encore bien un an et

demi après, mais il a depuis quitté le pays et on n'en a plus en-

tendu parler. L'auteur fournit encore deux nouvelles observations

de paralysie générale à guérison apparente.

Qu'est-ce que la psezido-paîalysie géi2éî,ale des buveurs ? D'après

M. Nasse, il y a des différences fondamentales telles entre l'alcoo-

hsme chronique et la paralysie générale qu'il n'y a pas lieu de

penser que l'alcoolisme chronique aboutira à la démence paraly-

tique. Il s'agit dans ces cas d'une paralysie générale survenue sur

un terrain alcoolique ; aussi en résulte-t-il un type clinique spé-

cial modifié. On constate alors un stade prodromique semblable à

celui de la paralysie générale, puis un état qui rappelle la para-

lysie générale bien plus par l'ensemble des troubles moteurs

que par les manifestations psychiques (mégalomanie moins déré-

glée, souvent il n'y a que du désordre dans les idées, de l'hébétude,

un peu de déchéance psychique); hallucinations anxieuses, terri-

fiantes, surtout de la vue. Puis, cette poussée diminue d'intensité

après avoir duré de quelques jours à quelques mois. Tendance

aux rémissions plus promptes, plus complètes, plus durables que

dans la paralysie générale. Améliorations fréquentes, parfois

guérison. Les récidives entraînent la dernière progression avec

ses éléments habituels.

Y a-t-il un rapport entre les syphilitiques et la paralysie générale ?

cela est peu probable, car, si sur 217 paralytiques généraux il y

avait eu syphilis antérieurement chez 42 (proportion 19,3 p. 100),

tandis que sur 2508 individus non paralytiques, la syphilis existait

chez 52,6 (proportion = 2,1 p. 400), en revanche, chez presque

tous les paralysés généraux syphilitiques, on découvrait d'autres

causes pathogénétiques nettement marquées et l'on ne trouvait que

deux cas dans lesquels les accidents syphilitiques remontassent à un

ou cinq mois avant l'admission. Et que de causes d'erreur ! tandis que

les autres aliénés cachent soigneusement la syphilis, les paraly-

tiques généraux parlent à coeur ouvert ; que de paralytiques géné-

raux ont eu la syphilis 4 0, 20 ans, et plus, avant la maladie actuelle

ce qui empêche d'admettre aucune relation pathogénétique ;

enfin sur cent autopsies, on ne note nul signe caractéristique de

syphilis dans l'encéphale et ses enveloppes. P. K.

II. Contribution A la connaissance DES psychoses dues au

morphinisme; par H. SiIDT. (Arch. f. Psych., XVII, 1.)

Quatre observations. Ici le déliré fut, d'après l'auteur, absolu-

ment différent de celui qui appartient à la narcose, à l'ivresse

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 77

morphinique. Les symptômes furent ceux qui appartiennent au

sevrage d'un excitant quelconque; délire d'inanition survenu soit

par suite de la trop grande diminution de l'excitant ordinaire,

soit par suite d'une prédisposition chez l'individu malade (Cas. I,

II), ou bien acquis soit à la suite d'une maladie ayant affaibli le

sujet (OBs. IV), soit à la suite d'excès, de diverses causes d'affai-

blissement (Obs. III). Les hallucinations ont dû être engendrées

par l'intermédiaire de l'angoisse, de la torpeur générale, des

troubles de l'accommodation. L'angoisse, associée, de même que

dans l'angine de poitrine, à des troubles vasomoteurs (battements

de coeur, lipothymies, sensation de manque d'air) est devenue la

source du délire. La torpeur s'est manifestée par l'impossibilité de

concentrer sa pensée, d'exécuterles plus simples calculs, par du dé-

sordre avec incohérence des idées, par un état d'obnubilation sem-

blable à celui de l'ivresse (méconnaissance des chambres, des person-

nes). Les troubles de l'accommodation, les troubles de l'innervation

des muscles du globe oculaire et de la pupille, ont donné naissance

aux illusions prémonitoires des hallucinations. Malgré cetenchaî-

dement progressif des symptômes, la cocaïne a chassé les hallucina-

tions dans les Ocs. I et II. Ces syndromes une fois établis de toutes

pièces, le morphinique, en se demandantleur cause, a conçu une

série de délires passagers, mobiles, pour les expliquer, de même

que dans l'alcoolisme. Il va de soi que, si la perturbation cérébrale

persiste, la systématisation s'effectue et le délire demeure sous la

forme de délire de persécution (OBs. III, IV), toujours comme

dans l'alcoolisme, mais avec un pronostic infiniment meilleur

(lésions anatomiques graves des alcooliques). La guérison n'est

cependant, pas plus que dans le cas d'alcoolisme, absolument

parfaite, le morphinisme laissant après lui de l'affaiblissement de

la mémoire, de l'énergie, de l'assimilation, de la réflexion, du

discernement, du jugement, du sens moral. La cocaïne a réussi

en deux cas, à la dose de 0,05-0,-15 contre les hallucinations, en

stimulant la circulation cérébrale et en la régularisant ; mais il

n'en faudrait pas forcer la dose, sous peine de provoquer un effet

contraire (agitation, hallucinations en masse). P. K.

III. Influence DES impressions maternelles comme ÉTIOLOGIE DES

difformités congénitales; par le Dr Th.-L. STEDMAN. (The med.

Record. New-York, janvier 1887.)

L'influence des impressions de la mère pendant la grossesse sur

les déformations de l'enfant est généralement reléguée par les

médecins au rang des contes de vieilles femmes et des supersti-

tions populaires. Le Dr Stedman veut s'attacher à montrer qu'il

y a là un fait dont l'étude ne doit pas être dédaignée par les sa-

vants, qu'intéresse l'étiologie des difformités congénitales. Son

78 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

attention fut portée sur ce point la première fois, par l'observa-

tion d'un enfant (mort-né), dont la mère avait été gravement

brûlée sur le corps et les bras par de l'eaubouillante, peu de temps

avant d'accoucher. L'enfant présentait aux mêmes points que la

mère, des taches livides. Il chercha dès lors dans la littérature

médicale des faits démontrant la présence de difformités chez

l'enfant à la suite d'impressions de la mère pendant la grossesse.

'Un fait du Dr Bailey dans le Médical and Sui-gical Reporter de mai

1873 est analogue à celui relaté par l'auteur. Dans d'autres cas,

ce sont des troubles intellectuels prolongés chez la mère qui'peu-

vent agir sur la conformation de l'enfant. Une observation per-

sonnelle de l'auteur en est un exemple. Une mère donna nais-

sance à un enfant ayant un pied-bot varus équin et dont le mari

s'était fracturé la jambe à la partie inférieure pendant la durée

de la grossesse. Elle avait été vivement impressionnée par l'as-

pect du pied de ce dernier, qui était tourné en dedans. Le

Dr Stedmann a réuni deux cents cas analogues, parmi les auteurs,

il en relate les principaux. Des faits bien établis sont ceux des

Drs Cricknay (Brit. Med. Journ., mai 1886), A. Hess (Ibid., sept.

1877), J. Cargill (novembre 1877), John Lulbock, Gray, ont relaté

des cas semblables chez des animaux. Certains faits sont attribués

par les auteurs à l'hérédité comme dans celui présenté par

J. Guérin à l'Académie de médecine, tandis que le Dl Stedman

trouve là un cas s'accordant avec sa thèse.

L'auteur hésite à attribuer les noevi mate ? ,ni à la même influence.

11 doit cependant y avoir un certain point de vérité. Mais il ne faut

pas toutefois mettre sur le compte des impressions de la mère

toutes les taches que présentent les enfants à la surface du corps.

Des cas bien curieux dans cet ordre d'idées sont ceux relatés par

M. de Saint-Germain, dans sa Chirurgie orthopédique, par le

Dr Taylor (Philadelphia médical limes, novembre 1876), par Tuke.

Deux objections se posent : la première, est que : fréquemment

les mères ont des impressions auxquelles ne correspondent pas

les difformités reconnues chez les enfants. Mais, dit le Dr Sted-

man, les faits négatifs ne peuvent infirmer un grand nombre de

faits positifs. La seconde présentée par les Allemands repose sur

les connaissances du développement embryogénique. Beaucoup

de déformations supposent un arrêt dans la formation, antérieur

à l'impression maternelle incriminée. Mais pour l'auteur, qui ne

veut pas voir dans toutes les déformations congénitales, l'influence

intellectuelle de la mère, les impressions de celle-ci ne sont pas

subites, mais souvent continues pendant un temps plus ou moins

long. Comment les troubles de l'esprit de la mère agissent-ils sur

le foetus ? L'auteur admet avec Dalton que la circulation placen-

taire se modifie par suite de l'action nerveuse agissant sur elle,

et que par là la circulation foetale est troublée. La connexion est

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 79

si intime entre la mère et le foetus, que ce que ressent l'un, est

transmis à l'autre. Les troubles nerveux chez l'enfant dont la

mère a reçu quelque impression vive ou prolongée pendant sa

grossesse sont fréquents. Un grand nombre de faits d'idiotie, de

convulsions, de paralysies, de chorée semblent concorder avec

l'opinion de l'auteur. Ce dernier conclut en montrant que les cel-

lules nerveuses de la mère ont une action sur le foetus. Mais

toutes les impressions maternelles pendant la grossesse ne don-

nent pas lieu, heureusement à des difformités chez l'enfant, dans

tous les cas.

Le Dr Stedman rencontrera dans la thèse qu'il soutient un grand

nombre d'incrédules. Pour arriver à une preuve certaine, il fau-

drait que les médecins examinassent avec grand soin tous les

faits semblables, dont ils peuvent être témoins. La réunion de

toutes ces observations pourra servir à établir une classification

complète. A. RaooLT.

IV. Analyse et critique du récit de M. Il... PEINTRE DE portraits;

par W.-A. Guy. (Tite Journal of Mental Science, juillet 1885.)

Nous devons nous borner à signaler ce travail, car pour en

rendre l'analyse possible, il faudrait d'abord reproduire iii

extenso le récit du peintre , récit fort long, qui a été publié en

1861 dans un recueil dirigé par Charles Dickens, et qui parait être

composé en partie d'éléments réels, et en partie d'éléments sortis

exclusivement de l'imagination du peintre. R. M. C.

V. UN cas DE mélancolie profonde et prolongée, avec tendance au

SUICID1 ? diarrhée avec fièvre; guérison; par le Dr CARYLE

Johnstone. (T7te Journal of ;4lezztal Science, juillet 1885.)

L'observation que l'auteur relate avec détail, porte sur unefemme

de quarante ans, sans antécédents héréditaires, qui, durant près

de deux ans, présenta des symptômes très accusés de mélancolie

avec tendance au suicide. Le cas était tel qu'aucun de ceux qui

l'observaient ne se serait assurément cru autorisé à porter un

pronostic favorable ; néanmoins, après une assez forte attaque de

diarrhée avec fièvre (il est à noter qu'il ne s'agissait pas d'une

fièvre typhoïde), son état mental commença à s'améliorer, et fina-

lement elle aboutit à la guérison. Cinq mois après sa sortie de

l'asile, cette guérison s'était maintenue, et sa santé physique était

aussi satisfaisante que sa santé mentale. L'affection intercurrente

a-t-elle eu ici une influence sur l'affeclion mentale ? c'est un point

sur lequel l'auteur n'entend passe prononcer; il se borne à re-

later le fait tel qu'il a été observé. R. M. C.

80 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

VI. UN CAS d'iMBÉCILLITÉ AVEC ANTÉCÉDENTS HÉRÉDITAIRES BIEN ACCUSÉS ;

par Fletcher BEACH. (The Journal of Dlental Science, juillet 1885.)

Tout le monde sait que l'hérédité joue un rôle des plus impor-

tants dans la production de l'imbécillité ; et si l'auteur a cru devoir

rapporter cette observation c'est qu'il a pu dans ce cas retrouver

- les traces de cette hérédité dans quatre générations successives.

R. M. C.

VII. Folie morale ou émotionnelle; par D. HACK TUItE.

(The Journal of Mental Science.)

L'auteur rapporte plusieurs observations très intéressantes,

et termine son travail parles conclusions suivantes :

1° Les cas relatés dans le « Tke Journal of Ilental Science » ainsi

que ceux que j'ai relatés dans le présent mémoire constituent des

exemples d'un état cérébral morbide , dans lequel les symptômes

mentaux observés sont d'ordre émotif et surtout automatique

bien plutôt qu'ils n'appartiennent à la catégorie des symptômes

liés à la cognition, et peuvent être rapportés à cette forme de

trouble mental que l'on désigne habituellement sous le nom de

Folie morale, bien que les sentiments moraux puissent y être

exempts de toute maladie.

2° Il existe plusieurs variétés de cette forme de folie ; mais on

peut dire d'une façon générale que les degrés les plus élevés du

développement cérébral , ceux que met en jeu l'exercice du con-

trôle moral, c'est-à-dire c les plus volontaires » de Jackson , ainsi

que les sentiments « altruistes »' de Spencer ou bien sont dans un

état imparfait d'évolution depuis la naissance, ou bien, tout en

ayant subi une évolution régulière sont devenus malades ou plus

ou moins incapables de fonctionnement, bien que les fonctions

intellectuelles (dont on pourrait penser que plusieurs occupent

un degré à peu près aussi élevé), ne soient pas sérieusement affec-

tées ; le résultat de cet état de choses c'est que l'esprit du malade

ne présente que ce degré inférieur d'évolution dans lequel les

phénomènes émotionnels et automatiques se donnent carrière

plus librement qu'à l'état normal.

3° On ne peut poser aucune règle absolue propre à différencier

la folie morale de le perversité morale ; on ne peut se prononcer

que pour chaque cas particulier et d'après l'examen du sujet : ce

sont en effet les antécédents, l'éducation, le milieu, la situation

sociale, la nature de certains actes et la manière dont ils ont été

accomplis, et bien d'autres circonstances, qui peuvent faire légi-

timement soupçonner que ces actes ont été soustraits au contrôle

de celui qui les commettait. Il n'est aucune forme de folie où il

SOCIÉTÉS SAVANTES. 81

soit aussi indispensable d'étudier l'individu , son caractère normal,

son organisation et ses maladies antérieures. R. M. C.

VIII. Coup D'OEIL sur la FOLIE EN ESPAGNE; par F.-A. JELLY.

(Tlce Jourlznl of Mental Science, juillet 1885.)

Le lecteur qui chercherait dans ce travail des données médicales

ou administratives sur la folie en Espagne, n'y trouverait que le

récit d'une visite à la maison de santé particulière du Dv José

Esquerio, à Carabancel ; il ne se plaindrait pas trop pourtant, le

récit étant d'allure vive et humoristique. R. M. C.

SOCIETES SAVANTES

SOCIÉTÉ AIÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 30 avril 1888. Présidence de M. FALMT.

Prix Esquirol. Après la lecture du rapport de M. Ruillard,

le président ouvre le pli cacheté contenant le nom du candidat

récompensé et proclamé lauréat M. Ornaud , interne de Sainte-

Anne. Une mention honorable est décernée à M. Bartomeuf.

Prix Moreau (de Tours). Sur le rapport de M. Chaslin la So-

ciété accorde le prix Moreau (de Tours) à M. Barri pour sa thèse

sur l'Etat de la mémoire dans les vésanies. Deux mentions hono-

rables sont aussi décernées, la première à M. Tacussel (Essai sur

le tabes moteur) et la seconde à M. Aubry (Contagion du meurtre).

Prix Aubanel. Sur le rapport de M. Séglas, deux sommes de

1,200 et de 800 francs sont accordées , la première à 111. Sollier,

interne à Bicêtre , et la seconde à M. Legrain , médecin de la co-

lonie de l'asile de Vaucluse. - Le soir le banquet annuel réu-

nissait la plupart des membres de la Société et les lauréats de la

journée. M. B.

Séance du 28 mai 1888. Présidence DE M. CoTARD.

Du délire chronique (suite). M. J. Séglas. Messieurs, ce n'est

pas sans surprise que j'ai lu à la page 445 du dernier numéro des

Archives, t. XVI. 6

81- SOCIÉTÉS SAVANTES.

Annales médico-psychologiques, une note additionnelle de M. Ma-

gnan4, dans laquelle il critique vivement deux photographies que

j'avais eu l'honneur de vous soumettre. Ces photographies n'ayant

pas été publiées, je me crois d'autant plus en droit de répondre à

la note personnelle de M. Magnan, que le lecteur pourrait penser

qu'elle exprime l'opinion générale de la société, tandis qu'au con-

traire, si j'ai bon souvenir de quelques interpellations qui se sont

produites à ce propos, l'opinion de la plupart de nos collègues

était d'accord avec la mienne.

Ces deux photographies devaient venir à l'appui du fait que

j'avais-énoncé à savoir qu'une malade dont je donnais l'obser-

vation avait « le front fuyant, le vertex relevé, produisant un

certain degré d'acrocéphalie ». Or, ce qui me paraissait visible

sur la photographie de profil, n'est pour M. Magnan que « le

résultat d'un artifice, la tête étant fortement fléchie, l'occiput

très relevé, si bien que l'axe antéro-poslérieur se trouve presque

vertical. Dans cette position forcée d'une fête dolichocéphale à

front fuyant, toute la région postérieure devient saillante ».

D'abord, cette position légèrement penchée de la tête n'est pas le

résultai d'un artifice : et elle est assez naturelle chez une malade

en proie à un délire de caractère mélancolique ; on la retrouve,

bien que moins apparente, à cause de la pose de 3/4, dans l'autre

photographie, où, dit M. Magnan, la tête est laissée libre, dans

sa position naturelle. On peut d'ailleurs essayer de déterminer le

degré d'inclinaison de la tête. En effet, dans la photographie

incriminée, comme dans l'autre d'ailleurs, et que je soumets de

nouveau à votre examen, vous pouvez voir, Messieurs, que le dia-

' Notre ami, M. le Dr J. Séglas nous communique la note suivante :

« Dans les Archives de Neurologie, cette note a été intercalée après coup

dans le texte même no ! iù, p. t52, a la faveur d'une interruption qu'on

me prête et que je n'eusse jamais faite dans les termes où elle est rédi-

gée comme on peut s'en convaincre en lisant le procès-verbal officiel.

(Ann. méd. lisych., 7e série, t. V1, 1). 415 et 455.) D'ailleurs il me semble

difficile que le lecteur puisse se, faire, d'après ce compte rendu analy-

tique des Archives, une opinion exacte de toute la discussion, mes ob-

servations n'y figurant pas et ma réponse n'y étant qu'analysée, tandis

que les objections de M. Magnan sont reproduites dans leurs moindres

détails. Quanta la discussion qui a suivi ma réponse-, on en tirera aussi,

je crois, une tout autre impression, si au lieu du résumé de M. Biiand,

on consulte le compte rendu officiel des Annales médico-psychologiques

(ibid. p. Mi3'. Je ne citerai que ces paroles de M. Féré, qui ont clos la

séance : « Du moment que M. Magnan ne conteste pas la réalité des

faits de M. Séglas,je retire ma proposition (de nommer une commission). »

J. S. Cette réclamation est motivée par ce fait que le rédacteur du

compte rendu, au lieu d'analyser simplement les communications,

a rapporté l'une d'elles in extenso et que l'autre n'a paru que résu-

mée.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 83 na

mètre antéro-postérieur qui va de la racine du nez à la protubé-

rance occipitale externe, se trouve sur un plan sensiblement

horizontal. Or, d'après les tableaux donnés par M. Topinard, ce

plan forme, au-dessous du plan horizontal' de Broca, un angle de

J 5°,SS en moyenne. Tel serait donc, à peu de chose près, le degré

d'inclinaison de la tête de ma malade ; il y a entre l'attitude de

ma photographie et ce que dit M. Magnan, qui prétend que l'axe

antéro-postérieur se trouve presque vertical, toute la différence qui

sépare un angle aigu de 15°,S8 de l'angle droit de 90°, et l'expres-

sion presque verticale, très élastique d'ailleurs, peut se traduire ici

plus exactement par vertical à 750 près.

D'ailleurs, je ne comprends pas comment l'inclinaison, en la

supposant aussi exagérée que possible, pourrait faire que « la

région postérieure devienne saillante o. Car cette 'inclinaison,

quelle qu'elle soit, ne change rien aux rapports respectifs des

différents diamètres.

Or, que nous donnent ces rapports ?

D'après M. Magnan, la simple inspection lui dénoterait une tête

dolichocéphale ? L'examen même des premières photographies,

ainsi que d'une nouvelle où la tête est laissée libre, me semble au

contraire prouver qu'il n'y a pas là la moindre dolyphocéplialie;

mais rien n'est d'ailleurs plus facile que de s'en assurer, en

calculant l'indice céphalique.

Le diamètre antéro-postérieur maximum est 168. Le diamètre

transverse maximum oscille entre 132 et 133. Mais je prendrai le

premier chiffre, d'autant plus qu'il m'est défavorable. En .appli-

quant à ces diamètres la formule de Broca, nous avons :

Or, d'après la classification de Broca, la malade ne serait pas

dolichocéphale, pas même une sous-dolichocéphale, mais son indice

la classerait parmi les mésaticéphales dont l'indice céphalique va

de 77,78 à 80.

M. Magnan veut-il se rapporter à d'autres classifications, le

résultat lui sera encore plus défavorable. D'après celles de Huxley,

de'l'hurnam, de \Velcher, ma malade aurait un indice céphalique

de sous-brachycéphate. D'après des classifications plus nouvelles,

en particulier celles de Ranke, de Kollmann, de Virchow, de

Flower, de Calori, etc., l'indice céphalique nous donnerait, dans le

cas actuel, une mesoeéphate. Enfin, en se reportant à la classifi-

cation la plus récente, celle de M. Topinard, qui adopte comme

'médiane 77 (l'indice maximum de la dolichocéphalie n'atteignant

que 74), notre malade rentrerait dans le groupe des sus-mésaticé-

phales (78 et 79), voisin de celui de la bracliycéphalie, dont l'indice

commence à 80. -

84 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Nous n'avons donc pas affaire à une dolichocéphale. Cependant,

la critique même de M. Magnan implique qu'il y a un diamètre

crânien plus développé. Mais dans quel sens ? Ce n'est pas en

largeur, nous aurions une brachycéphale; ce n'est pas en lon-

gueur, puisque l'indice céphalique n'est pas celui d'une dolicho-

céphale, alors ce serait donc en hauteur; et nous aurions là le

certain degré d'acrocéphalie que j'ai signalé, adoptant pour ma

part la distinction établie par certains anthropologistes entre les

acrocéphales, têtes à front fuyant, élevées en arrière, c'est ainsi

que j'ai d'ailleurs défini ce que j'ai observé, chez ma malade, et

les oxycéphales, têtes à front plus ou moins droit et élevées dans

la région bregmatique.

M. BALL s'excuse de prolonger les débats. Je croyais dit-il, au

début de la discussion, que M. Magnac avait l'intention de rayer

de la science le nom de Lasègue. Aujourd'hui les partisans du

délire chronique se défendent de vouloir englober dans leur des-

cription tout le délire des persécutions et se contentent d'une

province. Est-ce bien nécessaire ? Leurs arguments ressemblent

à des arguments de théologiens. Comment différeiicie-t-on une

maladie en pathologie générale ? On s'adresse aux lésions

anatomiques, avec symptômes, aux causes. Or, ce n'est d'après

aucune de ces données qu'on s'appuie pour constituer le délire

chronique. Ne trouvez-vous pas que c'est s'étayer sur une base bien

fragile que d'établir un diagnostic sur la terminaison d'une ma-

ladie ? On ne peut édifier la construction d'une maladie nouvelle

sur un terrain qui demande la vie d'un homme pour être par-

couru. M. Ball termine par la déclaration des principes suivants :

4° le délire des persécutions a été créé par Lasègue ; 2° il n'y

a pas lieu de créer de classe à part dans le délire des persécu-

tions ; 3° on doit bannir de la science les mots de délire chro-

nique.

M. PICnoN croit que les divergences entre les partisans et les

adversaires du délire chronique sont plus apparentes que réelles.

Faisant appel à la statistique de son service il reconnaît que

dans un certain nombre de cas les idées de persécutions se sont

transformées en idées ambitieuses, mais il n'y a pas de règle à

cet égard. ZD

M. Ball. Permettez-moi d'exprimer par une formule ma ma-

nière de voir en ce qui concerne cette transformation : « Ni ja-

mais ni toujours. »

M. FALITET. Le délire ambitieux corrélatif au délire des per-

sécutions apparaît de trois façons différentes : soit par raisonne-

ment syllogistique ; soit brusquement sans raison apparente ;

soit enfin à la suite d'une hallucination de l'ouïe. Mais il arrive

aussi, comme on l'a dit, dans la discussion que certains persécutés

SOCIÉTÉS SAVANTES. 85

ont un délire ambitieux, qu'ils dissimulent ou plutôt qu'ils n'o-

sent pas avouer et dont on ne s'aperçoit qu'à la longue , malgré

leurs fréquentations quotidiennes. -

M. GAHN1ER est d'autant mieux de l'avis de M. Falret qu'il a in-

diqué dans sa thèse ces divers modes de transformation.

M. BRIAND rappelle l'observation d'un persécuté qu'il a suivi et

qui brusquement s'est donné pour Napoléon, à la suite d'une hal-

lucination qui l'avait salué de ce nom et qui fut pour lui une vé-

ritable révélation.

M. Cotard croit surtout à l'influence de l'hallucination dans le

développement de l'idée ambitieuse, car souvent le malade lutte

contre cette idée ambitieuse et repousse tout d'abord les titres

nobiliaires que lui attribuent des voix.

Observations de délire chronique. M. LvoLF communique une

observation de délire chronique chez une femme qu'il a observée à

Villejuif. La maladie a débuté en 1870 et présente une période

d'incubation avec anxiété qui s'accentuant de plus en plus se

complique en 1878 d'idées de persécution. En 186 la maladie

commence à évoluer vers les idées ambitieuses qui finissent au-

jourd'hui par effacer en grande partie le délire des persécutions.

Déjà même des signes non équivoques de démence prochaine se

manifestent.

Il semble, dit en terminant M. Lvolf, que cette observation ré-

pond en tous points au groupe morbide que M. Magnan désigne

du nom de délire chronique à évolution progressive et en pré-

sente un cas type. Martel BRIAND.

XII CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET ALIÉN1STES

DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST' 1

SESSION DE STRASBOURG

Séance dit 11 jiiiii 1887.

M. le premier curateur, professeur Jolly (de Strasbourg) ouvre

la séance par des paroles de bienvenue. Sur sa proposition, M. le

professeur GU11LER (de Fribourg) est choisi comme président ;

secrétaires : MM. Laquer (de Francfort) et KOEppEN (de Strasbourg).

'Voy. Archives de Neurologie, Xf Congrès, tome XV, p. 123.

86 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Schultzè (de Heidelberg). Des rapports qui existent entre la

méningite aiguc et certains troubles de l'ouie d'ordre nerveux qui,

après s'être installés rapidement se terminent par lasura'2-mzctité.-

L'orateur croit, avec Voltolini, qu'il n'est pas démontré que ce

soit d'habitude la méningite cérébrospinale épidémique qui cause

ces accidents. Il fait remarquer que l'évolution morbide présente

dans l'espèce une ressemblance'frappante avec le tableau patho-

logique qui aboutit à la poliomyélite infantile ou (la genèse en

est probablement la même) à la polioencéphalite de l'enfance.

Seulement, au lieu d'une paralysie atrophique ou spasmodique,

elle laisse après elle de la surdité. Prenons pour exemple cette

fillette de 13 ans ; il y a cinq ans, à la suite de céphalalgie, fièvre

et vomissements survenus subitement, elle était atteinte de sur-

dité suivie de mutisme. Elle vient de mourir de tuberculose, ce

qui permet de pratiquer l'autopsie à peu de distance des acci-

dents. On ne constate pas de lésions méningitiques. Il est vrai

qu'on ne trouve pas non plus ces foyers bulbaires semblables aux

altérations de la poliomyélite. Pas d'atrophie certaine des noyaux

de l'acoustique, mais bien atrophie partielle et très marquée des

deux troncs du nerf auditif, et destruction étendue des appareils

terminaux de ce nerf dans le labyrinthe. Les limaçons en parti-

culier étaient complètement comblés par du tissu conjonctif

o,,téoïde. Conclusion. Produits ultimes d'une affection labyrin-

thique très accusée, avec atrophie du nerf acoustique. Dans la

poliomyélite et dans l'encéphalite infantiles, il est des plus pro-

bable qu'il y a concurremment atteinte, quoique peu prononcée,

des méninges, et séjour dans le liquide cérébrospinal de la

cause pathogénélique (parasitaire ? ); par conséquent, on peut

expliquer l'affection labyrintique par la pénétration de la cause

nocive le long de l'acoustique dans le labyrinthe. A côté de cela,

on ne parait pas avoir observé souvent de concomitance entre

l'encéphalite ou la poliomyélite et l'otite interne. Les recherches

de Steinbrûgge ont simplement mis en évidence, dans le cas de

méningite suppurée, lapropagation de l'mtlammationparl'acous-

tique au labyrinthe et la destruction consécutive complète des

terminaisons nerveuses en cet organe. Mais on n'est pas encore

autorisé à considérer les cas de méningite sporadique comme des

cas isolés de rigidité de la nuque épidémique.

M. Goltz (de Strasbourg) Des conséquences de la section dac pédon-

cule cérébral avec présentation de pièces et de patients. Le maître,

a pu, après avoir complètement séparé par la section un pédoncule

cérébral du cerveau, conserver des chiens en vie pendant plusieurs

mois. Voici, comme preuves l'encéphale d'un chien qui avait subi

cette opération, et, parallèlement, un animal'vivant mutilé de

cette façon, il y a trois mois et demi. Ce dernier présente exacte-

ment les mêmes phénomènes que ceux que l'on observait chez

SOCIÉTÉS SAVANTES. 87

- celui dont on à l'encéphale sous les yeux. Abandonné à lui-même,

le chien dont on a par la section séparé du cerveau le pédoncule

cérébral gauche, exécute de fréquents mouvements de manège vers

la gauche; ce ne sont pas là des mouvements irrésistibles, car

l'animal peut parfaitement parcourir un chemin étendu en ligne

droite ; il est rare qu'il exécute des mouvements de manège vers

la droite. Si on le fait sauter, il sautera trop à gauche en déviant

ainsi du morceau de viande présenté, il peut se dresser sur ses

pattes de derrière, marcher, courir à peu près comme un chien

normal. Il meut, il est vrai, un peu plus lourdement les membres

du côté droit que ceux du côté gauche, mais il est capable de se

servir d'un seul de ces meubres quand l'acte n'en exige qu'un ;

il lèvera par exemple la patte de derrière droile pour pisser, tout

comme un chien normal, saisira un morceau de viande avec la

patte antérieure droite si on lui a attaché la patte gauche préala-

blement. Il aboie comme un autre, et témoigne son affection par

des mouvements delà queue tout à fait symétriques. Donc aucune

espèce de paralysie. Pas d'anesthésie ; le tact est simplement un

peu émoussé à droite, notamment à la pression. Dans les quelques

semaines qui succèdent à l'opération, mydriase gauche avec im-

mobilité de la pupille à la lumière ; graduellement cette pupille

est rentrée dans l'ordre. Mais hémiopie; il fait de préférence

attention aux images qui se peignent sur les moitiés droites de

ses rétines : affaiblissement de la perception des moitiés gauches.

Par comparaison, voici un autre chienvivant auquel, il y ajuste un

an, il a enlevé l'hémisphère cérébral gauche. On peut se convaincre

de l'énorme perte de substance, en palpant son crâne X; ainsi, au

niveau de la lacune osseuse qui porte sur toute la moitié gauche

du crâne, on arrive, en déprimant la peau, jusque sur la base

du crâne dont on touche les saillies. Eh bien ! l'allure de ce chien

est exactement semblable à celle de celui chez lequel on avait

sectionné le pédoncule cérébral du même côté. L'animal qui n'a

plus d'hémisphère gauche ne présente non plus ni paralysie ni

parésie musculaire, ni anesthésie. Qu'on lui serre et comprime

violemment les pattes à droite, il hurlera. Intégrité complète des

mouvements locomoteurs. Aucune propension aux .mouvements

de manège. L'oeil le plus exercé ne saurait saisir, quand il .court

de côté et d'autre, de dillérence dans la façon dont il se sert des

membres des deux côtés. Il peut aussi, quand, les circonstances

l'exigent, se servir de sa patte antérieure droite comme d'une main.

Il a également de l'hémiopie : perception émoussée de la moitié

gauche du champ visuel. Pour compléter la démonstration, tuons-

le. Voilà ce qu'il présente. Il ne reste de l'ensemble descirconvo-

- lutions cérébrales gauches qu'un lambeau tout petit qui appar-

tient à la base du lobe occipital. Les ganglions profonds ont subi

une destruction inattendue; le corps strié gauche est réduit à une

88 SOCIÉTÉS SAVANTES.

bandelette étroite, la couche optique gauche consiste en un mor-

ceau assez gros sur lequel repose un bout de la corne d'Ammon

du même côté. Tel est l'état de ces restes que les anatomistes les

plus compétents doutent que, pendant la vie, le corps strié ou la

couche optique aient pu agir.

Il n'est donc pas forcé qu'un chien privé de la moitié du cer-

veau présente de la paralysie ou des troubles de la sensibilité

nulle part. Chaque pédoncule cérébral doit renfermer les tractus

moteurs et sensitifs nécessaires à la totalité du corps. Chaque

hémisphère peut remplacer son collègue, comme un rein rem-

place l'autre et à un point surprenant.

Discussion. -111. 13lTZic. Il doit y avoir forcément entre la patho-

logie humaine etla pathologie canine, des contrastes qui expliquent

les particularités des expériences de M. Goltz. Les objections dé-

taillées que comportent les pièces et la démonstration physiolo-

gique présentée seront mieux placées ailleurs.

M. HITZIG (de Halle). De la myopathie connue sous le nom de myo-

pathie juvénile. - En présentant une collection de photographies

de malades ayant été affectés d'atrophie musculaire progressive

(formes musculaires), l'orateur décrit en détail un cas de dystro-

phie juvénile (type de Erb) à genre scapuio-huméral. Maladie exis-

tant depuis quelques mois : hypertrophie et parésie des muscles,

dont aucun n'est atrophié. On a excisé un petit morceau du biceps

droit et l'on y a trouvé au microscope une colossale hypertrophie

des fibres : d'aucunes après durcissement atteignent jusqu'à

23 n ; nulle d'entre elles n'est atrophiée; conservation de la stria-

lion tranversale; propension lastriation lougitudinale; formation

de vacuoles sur un certain nombre d'entre elles; multiplication

des noyaux du sarcolemme et du périmysium interne, nombreux

noyaux centraux ; prolifération du tissu conjonctif faiblement

marquée, pas trace de dégénérescence ni de surcharge graisseuse.

Ainsi, à un stade si récent, hypertrophie. Il est donc très pro-

bable que l'hypertrophie des fibres est la période prodromique de

l'atrophie.

Discussion. MM. IU351(AUL, Boeumler, SCIIULTZE.

M. Rumpf (de Bonn). Contribution à la question de l'intoxication

chronique par la syphilis, avec pièces anatomiques de syphilis du

système nerveux. On sait que Struempell croit' que paralysie

générale et tabes dorsal sont deux maladies produites par des

poisons chimiques qui se développent après infection de l'écono-

mie. Ces poisons doivent alors conduire à la dégénérescence des

divers systèmes de fibres. Tel n'est pas l'avis de M. Rumpf. Prenons

la paralysie générale. Les pièces anatomiques recueilliespar l'ora-

Voy. Archives de Neurologie, t. XIV, p. 410.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 89

leur lui ont montré que c'est une lésion du système vasculaire

et non la dégénérescence primitive des tractus nerveux qui fait les

frais du processus anatomopathologique. En ce qui concerne le

tabes dorsal, la dégénérescence des faisceaux cunéiformes n'est

pas primitive, n'est pas primitivement produite par des poisons ;

elle est secondaire, secondairement produite par d'autres espèces

de processus anatomopathologiques. Sans doute on peut taxer

cette manière de voir d'hypothétique, parce que les altérations

vasculaires du tabès, que l'orateur a décrites le premier, n'ap-

partiennent pas en propre à ce tabes, et se montrent également

dans les dégénérescences secondaires. Mais l'opinion de Struem-

pell est aussi hypothétique ; on peut lui opposer que, quand,

comme l'a observé Rumpf, il se produit dans le cours du tabes

de nouvelles poussées syphilitiques à la peau et sur les muqueuses,

elles n'exercent sur l'évolution du tabes aucune action défavorable,

ce qui devrait être, si les toxines engendrées en divers foyers

étaient génératrices du tabes.

- DiSCIISSiO7Z. - M. Fuerstner. Dans la plupart des cas de démence

paralytique, on ne rencontre pas de dégénérescence des cordons

postérieurs. Les lésions cérébrales du labes sont d'une autre es-

pèce que celles de la paralysie générale. Les altérations que l'on

qualifie de spécifiques se rencontrent aussi dans les encéphales

d'individus non syphilitiques ; et là où il y avait certainement

syphilis on rencontre souvent des vaisseaux ayant conservé leur

délicatesse. Par les rotations expérimentales on peut provoquer

des altérations semblables à celles de la paralysie générale.

M. Rumpf. Quatre-vingts pour cent des paralytiques généraux

sont syphilitiques. Chez eux on trouve des hommes qui sont indu-

bitablement syphilitiques. M. Fuerstner. Il est très rare qu'on

trouve des gommes ; sa proportion n'est pas celle de Rumpf.

M. Schultze. Les altérations de la paralysie générale ne sont pas

syphilitiques. Il n'existe aucune contradiction entre une lésion or-

ganique produite par un poison et une lésion organique produite

par un parasite. M. de RI;CKLINGH : 1USEN. Existait-il d'autres al-

térations syphilitiques ? M. Rumpf. Il y avait eu antérieurement

symptômes cliniques desyphilis.-11. de Recklinghausen. Il existe

de bons caractères des syphilomes. Il est douteux que les prépa-

rations de Rumpf en soient.

M. Fuerstner (de Heidelberg). Des altérations provoquées expéri-

me iitalement sur les nerfs optiques par la rotation forcée. En conti-

nuant les expériences qu'il a commencées et instituées, en soumettant

pendant un temps assez prolongé le cerveau des animaux à la

force centrifuge par une rotation forcée, voici les altérations

' Voy. Archives de A'eurol., t. IX, p. 433.

90 SOCIÉTÉS SAVANTES.

oculaires qu'il a produites chez des chiens après une rotation de

dix minutes (tète fixée au bord de la table qui tourne).

Symptomatologie. Proéminence des globes oculaires qui aug-

mentent de consistance; dilatation maxima des pupilles. Puis la

dilatation diminue graduellement, mais moins vite du côté corres-

pondant à la direction de la rotation, de sorte que, pendant long-

temps, il y a inégalité pupillaire, la pupille du côté vers lequel

l'animal tourne, demeurant plus large. Plus tard, le rapport est

exactement inverse. Enfin injection vive des yeux, épanchements

sanguins dans la conjonctive oculaire et palpébrale; tuméfaction

de la muqueuse, sécrétion séreuse ou purulente. Accidents bila-

téraux, mais notablement plus accentués du côté correspondant

à la direction de la rotation.

A l'ophthalmoscope, dilatation, d'abord passagère, des veines ;

peu à peu cette dilatation s'implante et devient continue. Ces

vaisseaux, remplis d'une colonne sanguine large, rouge sombre,

deviennent graduellement très tortueux. Artères peu dilatées,

finissant par présenter sur le bord de la papille des différences

,de niveau très nettes, et s'infléchissant. Légère décoloration de la

papille, de la périphérie au centre. Du reste, jamais d'hémorrha-

gies, pas de troubles visuels, à raison de l'état anatomopalholo-

gique et de la durée relativement courte de l'expérience. Accidents

bilatéraux notablement plus forts du côté correspondant à la

direction de la rotation.

Anatomie pathologique. Gaine du nerf optique franchement

épaissie. Epanchement sanguin et séreux dans cette gaine. Agglo-

mération de cellules, périnévrite, gonflement ampullaire de la

- gaine à l'entrée du nerf. Opalinités sans uniformité sur toute la

circonférence, mais fréquemment surtout marquées en des points

.circonscrits. On trouve sur le nerf, des vaisseaux très scléreux,

surtout les grosses veines; il n'y a pas de prolifération cellulaire

ou nucléaire, mais les petits vaisseaux sont souvent bordés de

petits éléments cellulaires, pas d'accroissement notable du tissu

conjonctif vecteur des vaisseaux. Hypertrophie nette et dilatation

des éléments conjonctifs qui, généralement, occupent le centre

des segments du nerf optique, ainsi que des corpuscules lym-

phoides et de la névroglie. Atrophie d'une partie des fibres ner-

veuses, surtout dans une zone périphérique qui correspond à l'al-

tération la plus forte de la -aine. D'ailleurs, le reste du nerf présente

également de nombreuses fibres atrophiées à des stades très divers

de la dégénérescence qui est la plus forte en une portion presque

, centrale. Ces altérations tiennent aux perturbations qui se passent

'dans la gaine et les vaisseaux du nerf ; ces perturbations sont

elles-mêmes dues à l'augmentation de la pression cérébrale.

Pièces à l'appui.

D'autres préparations montrent en outre, les premiers stades

SOCIÉTÉS SAVANTES. 91

d'altération de la moelle épinière chez les mêmes animaux. On y

voit que la névroglie est tuméfiée, qu'il existe un nombre exces-

sivement marqué de petites fibres nerveuses, que la myéline a

subi la décomposition moléculaire. Les nerfs ayant été comprimés

comme le montre la diminution de leur volume, toute cette série

de troubles de nutrition s'est effectuée et les éléments se sont

détruits. Pas de lésions vasculaires, pas d'hypérémie, pas de pro-

lifération nucléaire. :

Le mémoire sera publié en détail plus tard 1.

M. IMMERMANN (de Râle). Un cas d'amaurose par épuisement, à

évolution courte, suraiguë, par suite de circonstances toutes particu-

lières. Jeune garçon de quatorze ans et demi, travaillant dans

une fabrique de briques. Au milieu de mars, accidents typhoïdes

avec cécité complète. Voici son histoire : au début de mars,

malaise et accidents abdominaux (constipation, borborygmes).

Il prend calomel et jalap qui pendant deux jours lui occasionent

une forte diarrhée. Croyant avoir un toenia, il s'ingurgite, deux

jours après, dix grammes d'extrait éthéré de fougère mâle. Nou-

velle diarrhée extrêmement intense, violentes nausées, prostra-

tion. Pendant la nuit, brutalement, amaurose totale. Sur ces

entrefaites, les accidents de la fièvre typhoïde s'affirment. Le

typhus est cependant léger, car il se manifeste bientôt une apy-

rexie de six jours. Puis récidive d'accidents de moyenne gravité,

enfin guérison au commencement d'avril et convalescence rapide.

Mais l'amaurose a persisté. Depuis son début, jusqu'à maintenant,

absence absolue de toute perception visuelle objective. L'oph-

thaimoscopo ne révélait jusqu'au commencement de mai aucune

anomalie en dehors d'une étroitesse marquée des vaisseaux du

fond de l'oeil, notamment des artères. Intégrité des mouvements

associés des yeux, pas de strabisme, mydriase maxima bilatérale.

Jusqu'à-la fin d'avril, les pupilles ne réagissent pas.à la lumière,

mais se contractent vigoureusement sous l'influence des instilla-

tions d'ésérine. Intégrité parfaite des autres sens et de la motilité.

A fin avril, la cécité n'ayant pas bougé, les pupilles deviennent de

temps à autre sensibles à la lumière, mais leur réaction est

purement clonique et non tonique; finalement elles redeviennent

inertes et demeurent inertes. Enfin, dès le début de mai, atrophie

bilatérale du nerf optique qui s'accentue de plus en plus. L'alter-

native de la réaction pupillaire, permettent, de concert avec les

autres symptômes, d'exclure l'idée d'une affection intra-crânienne

en foyer, par exemple chiasmatique, et de conclure à une affec-

tion de l'appareil nerveux optique qui au début a été seulement

fonctionnelle. La brutalité des accidents, leur persistance, la dégé-

nérescence consécutive du nerf optique, rappellent l'amaurose

'Nous l'analyserons plus amplement alors s'il y a lieu.

92 SOCIÉTÉS SAVANTES.

assez fréquente, qui succède aux grandes pertes de sang. L'épui-

sement du malade était semblable à l'épuisement par hémorrha-

gie, à raison et de l'intoxication et de l'inanition, et de la déper-

dition séreuse; il était d'ailleurs auparavant chloro-anémique,

ainsi qu'en témoignent son habitus grêle et l'étroitesse des vais-

seaux du fond de l'oeil. Quant à l'infection ou la toxhemie, en

elle-même elle n'y est pour rien dans l'espèce.

M. STFIN (de Francfort) présente : Il Un rhéostat en graphite;

2° une machine destinée à produire l'électricité par influence,

machine transportable, pour usage électrothérnpique. Cette machine

se compose de deux cylindres en caoutchouc durci, enfoncés l'un

dans l'autre, ouverts aux deux bouts ou fermés d'un côté, qui

sont revêtus d'une mince lamelle métallique placée, l'une sur la

face externe du cylindre extérieur, l'autre en dedans du cylindre

intérieur. Les deux cylindres tournent en sens inverse en même

temps. Sur chaque revêtement métallique interne et externe frot-

tent deux petits pinceaux en métal. Deux petits bâtons métalliques

fourchus embrassent par la moitié de leurs dents la partie externe

par l'autre moitié, la partie interne des cylindres; les deux four-

chettes munies de pointes aspiratrices conduisent l'électricité à des

conducteurs pourvus de sphères de grosseurs différentes. De là

l'électricité est transmise de diverses façons, selon le but que l'on

se propose. La machine peut être mue à la main ou à l'aide d'un petit

moteur électrique. Une machine dont le cylindre extérieur mesure

25 centimètres de diamètre et z0 centimètres de long fournit des

étincelles de 7 à 9 centimètres. Pour un cylindre extérieur de

15 centimètres de diamètre et de 4 centimètres de long, on a des

étincelles de 3 à 4 centimètres. L'instrument n'est pas sensible aux

influences atmosphériques, n'exige aucun soin. Il est toujours

. identique à lui-même et suffit par conséquent aux usages électro-

thérapiques. Construit par Rich. Bloensdorf de Francfort.

M. DE MERiNG. D'un nouvel agent médicamenteux hypnotique.

Hydrate d'amylène ou alcool amylique tertiaire. Densité = 0,8. Dif-

ficilement soluble dans l'eau. Soluble en toutes proportions dans

l'alcool. Expérimenté chez les animaux à sang chaud et froid

avant d'être administré à l'homme. Soixante observations. Deux

centcinquante administrations. Notammentchez trois aliénés para-

- lytiques généraux et mélancoliques, dans l'insommie nerveuse, et

dans quelques cas de maladies infectieuses. Doses : 1 à 5 grammes.

Le sommeil dure six à huit heures sans inconvénients. Goût plus

agréable que celui de la paraldéhyde.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 93

Discussion :

M. JOLLY l'a aussi expérimenté et est arrivé aux mêmes résul-

tats. Médicament recommandé pour la pratique psychiatrique.

Séance du 12 juin 1887.

Sur la proposition de M. 13ceUULER, la présidence est confiée à

M. FuERSTNER. La réunion de l'an prochain, aura lieu à Fribourg.

On désigne comme curateurs MM. Emminghaus (de Fribourg) et

Franz FISCHER (d'Illenau).

M. Jolly procède à la description des locaux,, installations et

agencements de la nouvelle clinique psychiatrique dans la salle de

cours dans laquelle a lieu la séance actuelle. Un plan de situation

le guide. Puis le congrès visite lui-même la nouvelle construction

et ses installations.

M. Kast (de Fribourg). Des atrophies musculaires aiguës simples.

Ce sont les auteurs français qui ont mis en relief les formes de

l'atrophie musculaire simple consécutive aux arthrites, fractures,

etc.. Tout récemment M. Charcot a appelé l'attention sur elles.

En Allemagne, l'important travail de Lûcke a éclairé ces faits

d'un nouveau jour; d'après lui, la contusion de la substance mus-

culaire est appréciée à sa juste valeur. Mais en dehors des expé-

riences de Valtat sur les animaux, il n'existe pas de documents

anatomiques sur la question. En commun avec K. Middetdorpf,

M. Kast s'est efforcé à la clinique chirurgicale de Fribourg d'exa-

miner des cas récents; il s'agissait, dans l'espèce, soit d'épanche-

ments aigus dans l'articulation du genou, soit de contusion du

triceps fémoral, à la suite desquels on put suivre le développe-

ment de l'atrophie. On eut cliniquement affaire à une flaccidité

très accusée (généralement sans notable parésie), avec diminution

quantitative très marquée de l'excitabilité aux deux espèces de

courants électriques, diminution fréquemment hors de proportion

avec la diminution de volume de l'appareil musculaire; mais on

ne retrouva pas l'exagération du réflexe patellaire signalée

comme constante par M. Charcot. En revanche, dans quelques cas,

ce réflexe avait diminué du côté malade. On réséqua des mor-

ceaux de muscles tant aux malades présentant des épanchements

récents dans l'articulation du genou qu'à ceux qui avaient subi

une contusion violente, à la période d'atrophie survenue d'ail-

leurs rapidement, surtout à la suite de contusions (rupture du

tendon patellaire); l'examen microscopique ne permit pas de

découvrir d'altérations inflammatoires. Les deux professeurs ont

pratiqué des expériences sur des animaux (lapins) soit pour con-

trôler celles de Valtat, soit pour suivre de près les indications de

Lücke en étudiant l'influence de l'inflammation articulaire (injec-

94 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tions d'huile de croton à 1/5, de teinture d'iode, etc.) et celle de

la lésion directe du muscle (martellement de portions de muscles

plus ou moins circonscrites). On obtint dans tous ces cas une flacci-

dité très accusée; l'excitabilité diminua dans le système muscu-

laire, il survint une atrophie rapide, surtout prompte et rapide

dans la contusion musculaire. Pas plus que chez les malades, il ne

se produisit d'accidents inflammatoires progressifs. Ce mémoire

sera publié en détail *.

M. Kast. Présentation de névropathes. Une fillette de dix ans

présente dès sa naissance des mouvements bilatéraux dans les

quatre extrémités, aux mains, aux pieds,' aux doigts, aux orteils.

C'est de 1'tithétose affectant la modalité classique; ils passent aussi

facilement à l'état tonique; on trouve souvent les pieds immobi-

lisés pendant un assez long temps en situation varus-équin. La

malade, très intelligente, peut utiliser ses doigts pour écrire et

exécuter des travaux manuels de femme. Elle a appris à marcher

à l'âge de cinq ans; mais, dans ces derniers temps, son pied bot

intermittent parait avoir nui à sa marche. Il s'agit en somme

d'une affection autonome, car on ne trouve aucun autre accident

névropathique. Les contractures qui se produisent ne dépendent

pas de la paralysie des muscles antagonistes; elles sont l'expres-

sion de l'alhélose. - Une jeune fille adulte est atteinte, depuis une

fièvre typhoïde grave (phénomènes fébriles ayant duré quarante

jours; accidents étendus du décubitus), de contractures et atrophies

dans les deux jambes. Ces membres ont d'abord été le siège de

violentes douleurs auxquelles succéda l'immobilisation par con-

tracture ; ici aussi, pied bot équin. L'excitabilité électrique des

muscles et des nerfs des jambes a disparu; à la cuisse, elle a sim-

plement diminué; conservation des réflexes et de la sensibilité.

C'est une contracture myopathiqiie d'origine ischéînique. Il est pos-

sible que, vu l'étal d'anémie générale, la contracture ait été pro-

duite par un trouble dans l'irrigation sanguine des jambes; on

voit facilement survenir ces accidents dans la convalescence de la

fièvre typhoïde, quand les membres ont subi une mauvaise posi-

tion. Ne laissez pas trop longtemps vos malades dans le repos au

lit horizontal.

Discussion :

M. Boeumlef, traite une jeune fille qui appartient à la même

.catégorie. Egalement à la suite d'une fièvre typhoïde, il s'est pro-

duit une contracture dans une jambe ; pied bot varus-équin ; forte

atrophie du jambier antérieur, de l'extenseur commun, des

muscles du mollet.

- M. JOLLY. Chez les paralytiques généraux se développent parfois

Nous verrons alors s'il y a lieu d'ajouter quelques détails analytiques.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 93 a

des contractures. A l'autopsie, on trouve des altérations articu-

laires. Cela ne peut-il pas avoir eu lieu dans le cas présent ?

L'atrophie et la contracture ne peuvent-elles pas être considérées

comme des lésions secondaires ?

M. Kussmaul. Dans l'espèce il n'y a aucun signe d'altéra-

tion articulaire.

M. DE RECKUNGHAUfEN. Les altérations articulaires en question

ne sont pas telles que les mouvements en soient troublés.

M. Schultze. Il est possible de penser aussi à l'existence

d'une névrite.

M. FUERSTNFN a observé, tant chez les paralytiques généraux

que chez les déments, des contractures consécutives à des altéra-

tions articulaires, surtout quand ils sont restés longtemps au lit.

M. n RGCHLINGÜ9USEN (de Strasbourg). P)'ëSM<6[<tOt ! d6 O'dMMpftt/tO-

logiques. - Il s'agit d'une série de pièces appartenant à l'ancien et

au nouveau catalogue de la collection de l'Institut pathologique, qui

permettent de traiter de l'influence réciproque de l'accroissement du

cerveau et des os du crâne. Voici, par exemple, chez un enfant de

trois ans, une dépression symétrique du frontal qui pourrait peut-

être être considérée comme une déformation artificielle. Puis, plu-

sieurs crânes d'enfants chez lesquels des synostoses prématurées

des sutures ont produit, selon l'atteinte de telle ou telle suture ou

de l'ensemble des lignes suturales, de la dolichocéphalie (suture

sagittale) de la trocho et de l'oxycéphalie (synostose généralisée),

de la plagiocéphalie (suture coronaire d'un côté). Puis, trois crânes

d'adultes, chez lesquels des atrophies, congénitales ou datant de la

première enfance, sur certains lobes du cerveau et du cervelet ont

entraîné un arrêt de développement des fossettes crâniennes cor-

respondantes et une scoliose de la base du crâne. Puis, un crâne

d'une idiote de quatre-vingt-six ans, indemne de difformité exté-

rieure ; mais le dôme osseux du crâne est hypertrophié, les fos-

settes crâniennes sont renflées par des hyperostoses; il s'agit ici

de néopla=ies osseuses compensant le vide intra-crânien causé

par une atrophie générale de l'encéphale. Enfin, plalycéphalie

avec os intercalaires sans nombre et base ostéoporeuse. Hydrocé-

phalie chez une ostéomulacique de vingt ans; on constate ici que

le plan incliné qui cale la selle turcique en arrière a subi un relè-

vement tel que le trou occipital parait être au niveau du bord

supérieur de la selle turcique et de la gouttière optique. Ces

types et d'autres du même acabit prouvent que l'accroissement du

crâne et celui du cerveau s'influencent réciproquement, et que la

forme du crâne, notamment la forme pathologique est d'ordinaire

la résultante de plusieurs conditions concurrentes : elle peut

dépendre aussi bien de troubles dans le développement des

96 SOCIÉTÉS SAVANTES.

synostoses suturales ou d'affections osseuses, que d'anomalies pri-

mordiales dans le développement du cerveau.

M. STILLING présente les préparations anatomiques relatives au

nerf optique décrit dans les Archiv. de Waldeyer et Schwalbe,

t. 207, p. 179.

M. Edinger (de Francfort). De l'importance du corps strié. L'ora-

teur considère le système des fibres qui sortent du corps strié et

traite aussi d'une racine du nerf optique sise à la base. Les méthodes

que nous possédons ne nous ont pas, dit-il, encore permis de dire

avec une absolue certitude si des fibres prennent naissance dans

le corps strié ou si cet organe n'est qu'un lieu de passage à des

fibres qui le traversent. La méthode embryogénique nous laisse

aussi dans l'embarras à cet égard parce que, à l'époque embryolo-

gique envisagée ici, le cerveau antérieur (sens embryologique) con-

tient déjà trop de fibres pour que les rapports s'y soient conservés

simples. Cette simplicité n'existe réellement que chez les poissons

osseux (Rabl Rüclihardt) qui ne possèdent encore pas de circonvolu-

tions cérébrales nerveuses, et chez les amphibies ou les reptiles

dont le manteau ne contient que très peu de fibres à myéline.

Chez ces divers animaux, la partie principale du cerveau antérieur

se compose uniquement du corps strié qui contient un noyau en

forme de calotte sphérique. Ce noyau fournit, chez les reptiles,

les matériaux de développement à une série de cellules ner-

veuses ganglionnaires qui forment le manteau des circonvolutions

où elles se rendent. Chez ces animaux il manque ce qui complique

l'anatomie des mammifères, c'est-à-dire la couronne rayonnante

issue du manteau; on arrive donc facilement chez eux à montrer

que le corps strié donne en réalité naissance à un trousseau puis-

sant qui se dirige du côté de la queue de l'organe. Ce trousseau se

scinde en deux parties. Une partie composée de fibres fines peut

être suivie jusque dans le bulbe. L'autre, à fibres grossières,

gagne le gros ganglion de le couche optique où il se termine. Ce

ganglion donne naissance à un nouveau faisceau. Immédiatement

en avant de la couche optique, on trouve une commissure qui

unit les deux faisceaux basilaires du cerveau antérieur : tel est le

nom que M. Edinger donne aux trousseaux issus du corps strié. Ce

faisceau basilaire du cerveau antérieur a été jusqu'ici rencontré

chez les représentants de presque toutes les classes de vertébrés

(cyclostomes, sélaciens, téléostéens, amphibies, reptiles, mammi-

fères, homme). Coupes et dessins à l'appui; coupes de très jeunes

embryons humains (du deuxième au troisième mois intra-utérin)

montrant exactement les mêmes conditions. Le système des fibres

en question ne s'entoure dans toute la série animale que très

tard de myéline. Il n'a encore pas commencé son développement

chez les larves animales qui ont une existence autonome, bien

SOCIÉTÉS SAVANTES. 97

indépendante, nagent avec adresse, sautillent, cherchent leur

nourriture; ainsi les larves de grenouilles, de tritons, sala-

mandres, truites toutes jeunes, petits orvets. Chez J'axolotle, il ne

contient que quelques libres à myéline clairsemées. Chez l'am-

mocoetes, la larve du Petromyzon-Planeri , il est dépourvu de

myéline. Chez les mammifères, ce n'est généralement qu'après

l'accouchement qu'il se développe dans la région des manchons

de myéline (séries de coupes relatives aux animaux cités).

C'est pour compléter la communication précédente de Slilling

que M. Edinger traite d'une puissante racme du nerf optique chez

les reptiles. Elle prend naissance, à la base de l'encéphale, d'un

ganglion qu'on considère avec raison comme un tubercule ma-

millaire, en tenant compte de sa situation entre le tuber cine-

reum et le lieu d'émergence du nerf oculdmoteur commun. Ce

ganglion est en connexion avec le ganglion de l'habenula' par

un trousseau de fibres très net. C'est, comme l'on sait, du gan-

glion de l'habenula qu'émane le nerf optique destiné à l'oeil

pariétal des reptiles.

M. Zaciier présente quelques pièces de dégénérescence secondaire

à travers la substance blanche de l'écorce, dégénérescence ayant été

produite par de petits foyers plus ou moins exclusivement limités

à l'écorce. Premier cas : un petit foyer de ramollissement

ayant exclusivement détruit l'écorce de la pariétale ascendante

sur une courte étendue. De là on peut suivre une dégénérescence

descendante très marquée allant de la substance blanche de

l'écorce au centre ovale ; pour des motifs accessoires, on n'a pu

déterminer le trajet de la dégénérescence plus loin dans la pro-

fondeur du centre ovale. Deuxième cas : foyer ancien gros

comme un pois, occupant la partie limite entre l'écorce et la

substance blanche; dégénérescence secondaire peu étendue.

Troisième cas : dégénérescence diffuse de fibres nerveuses à myé-

line dans la substance blanche corticale, mais ayant plus ou

moins respecté le faisceau des fibres d'association de Meynert;

on trouve, avec cela, en un endroit de l'écorce, un vieux foyer, en

partie transformé en cicatrice, d'où part une dégénérescence

secondaire de haut en bas; elle traverse la substance blanche de

l'écorce et coupe la portion corticale où l'on constate une dégéné-

rescence diffuse. Il s'agissait du cerveau occipital d'un paralytique

général qui présentait en plusieurs places du cerveau de ces dégé-

nérescences diffuses de fibres nerveuses de la substance blanche,

tandis que l'écorce offrait une atrophie de fibres relativement

faible. Voici maintenant, par contraste, un encéphale dans lequel

l'écorce avait été complètement détruite à un endroit isolé par un

1 Voy. Anatomie des centres nerveux, de Huguenin.

Archives, t. XVI.

98 SOCIÉTÉS SAVANTES.

cysticerque; malgré cela, pas de dégénérescence secondaire. Pas-

sons enfin aux préparations dues à. l'obligeance de M. Friedmann,

empruntées à l'autopsie de l'observation Lehrer publiée dans la

1\eurol. centrait, de 1887, p. 73 : remarquable dégénérescence à

l'intérieur de la substance blanche.

Préparations de moelle témoignant d'une dégénérescence marquée

dans les cordons postérieurs, dégénérescence limitée, dans la

moelle cervicale et dans la supérieure, aux faisceaux de (joli

occupant, dorsale partie moyenne de la moelle dorsale, une petite

place à peu près au milieu de l'organe, de chaque côté du grand

sillon postérieur et, dans la moelle dorsale inférieure, sur une

courte étendue, les bandelettes externes à un degré d'intensité

modéré. Intégrité complète de la moelle lombaire tout entière.

Il s'agissait d'une vierge (intégrité de l'hymen, utérus virginal)

qui avait conservé sa virginité toute sa vie.

Préparations de la moelle d'une femme qui, trois ans avant sa

mort, avait subi l'amputation de la cuisse gauche au lieu d'élection.

Confirmation des indications de Krause et )''ried ! oender, relatives

aux altérations des nerfs et de la moelle après amputation, mais

il n'est pas démontré que les cellules des colonnes de Clarke du

côté amputé diminuent toujours de nombre dans les cas d'ampu-

tation des membres inférieurs; car, ainsi que le dit lteynolds, le

nombre des cellules de Ctafke n'est pas toujours le même des

deux côtés. À côté de cela, dans l'espèce, les fibres nerveuses des

colonnes de Clarke, pour la plupart situées en dedans, sont nette-

ment moins abondantes ; l'analyse delà préparation 'permet de

fournir la preuve que ces fibres sont la continuation directe des

fibres radiculaires qui entrent dans la corne postérieure.'

M. Laquer (à Francfort). Contribution à l'étude de la névrite

alcoolique. Homme de vingt-neuf ans, indemne de tare héré-

ditaire et de syphilis, adonné depuis des années à l'alcool; il se

développe chez lui en quatorze jours une ataxie très marquée avec

paresthésies dans les mains et les pieds, bientôt compliquées de

paralysie de la motilité dans les territoires nerveux périphériques

les plus divers (du radial, du cubital, du médian, des péroniers).

Anesthésie, mais moins prononcée. Peu de phénomènes vasomo-

teurs. Diminution très accentuée de l'excitabilité électrique; réac-

tions dégénératives dans le territoire du radial et du péronier des

deux côtés, sans renversement de la formule. Pleine intégrité des

nerfs crâniens et de l'état psychique. Réaction prompte des pu-

pilles. Absence des réflexes tendineux. Intégrité des fonctions de

la vessie et du rectum. Pas d'atrophie musculaire : intrégrité des

éminences thénar et hypothénar. En deux mois, la faradisation

des muscles et l'iodure de potassium ou le nitrate d'argent à

Nous verrons alors s'il y a lieu d'ajouter des détails analytiques.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 99

hautes doses améiiorérentconsidérabtementl'auection. -Conclu-

sion : Névrite alcoolique accentuée sans aucune participation des

centres et en particulier de la sphère mentale. La névrite multi-

loculaire est donc seulement périphérique primitivement. Le mé-

moire sera publié plus lard in extenso '. -

M. (de Mannheim). Des altérations actives des cellules

nerveuses ganglionnaires dans les inflammations. Il s'agit de la

question de la prolifération des cellules nerveuses ganglionnaires

avec présentation de dessins. Les vieux arguments anatomo-

pathologiques de cellules à plusieurs noyaux, transformation

finement granuleuse, de la substance cellulaire, sont incapables de

décider de la question. A l'aide des méthodes de coloration de

Nissl, et en se servant de forts objectifs à immersion, on voit, dès

les premiers jours de l'inflammation, la transformation de la

structure normale des cellules pyramidales de l'écorce en un très

beau réseau chromatique à larges mailles, tant que les cellules

conservent leur état reconnaissable. On trouve alors que dans les

cellules qui s'arrondissent, il se produit fréquemment dés karyo-

kinases. Du reste, toutes les cellules nerveuses ne semblent pas

être capables de subir cette altération que l'on peut désigner sous

le nom de rajeunissnement en se basant sur l'aspect anatomique et

le développement des cellules chez les embryons : par exemple les

grandes cellules multipolaires de la moelle n'en paraissent pas

susceptibles. Le mémoire est publié eu détail '. Banquet de clô-

ture. (Archiv. f. Psych., XIX, 1.) P. KERAVAL.

SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES

DE MERLIN

Séance du 12 décetitbi-c 1887. Présidence DE M. Westphal.

M. Opfenueim présente un malade atteint de maladie d'Addisoil

et de maladie de Busedoto. C'est un ouvrier en orfèvrerie d'argent

dont les père et mère ont atteint l'âge de quatre-vingts ans.

En 1872, tremblement dans les mains, puis battements de coeur, hy-

péridrose, sialorrhée soif, polyurie. En 1875, goitre. En 1880,

exoplltlialmie, llammes devant les yeux. Celle année, ascite avec

oedème des extrémités inférieures, affaiblissement général et pro-

gressif; accès de boulimie; diarrhées profuses; accès d'angoisse;

1 Voy. Revues analytiques.

100 SOCIÉTÉS SAVANTES.

apathie; affaiblissement de la mémoire; lipothymie. Actuellement,

exophlhalmie double très marquée, fonctionnement défectueux de

l'orbiculaire des paupières, symptôme de de Grsefe, dilatation très

accusée des deux ventricules avec exagération de la fréquence du

pouls (160 à 180); asystolie. goitre très prononcé; tremblements

très intenses dans la-tête, le tronc, les extrémités à l'occasion des

mouvements et sous l'influence des émotions; tremblement dans les

pieds, faiblesse musculaire généralisée, apathie, amnésie. La peau

de la face, du tronc, des extrémités et par-dessus tout celle des or-

ganes génitaux est le siège d'une pigmentation diffuse ou macu-

leuse,rappelant le graphite ; les bouts des seins, le pénis et le testi-

cule offrent aspect du mulâtre, depuis la teinte brune jusqu'au

noir intense... Taches d'un noir bleu sur la lèvre supérieure, la

conjonctive palpébrale inférieure... L'urine ne contient ni albu-

mine, ni sucre; abondance d'acides biliaires. Douleurs dans la

région des reins. Cette combinaison de deux maladies a de l'im-

portance au point de vue de la théorie de l'atteinte du grand sym-

phatique.

M. H. ViRciiow traite, avec pièces à l'appui, des grosses granula-

tions qu'on rencontre dans les grandes cellules nerveuses de la moelle

épinière du lapin. On injecte l'animal récemment tué avec une

solution tiède d'acide chromique à'/sooo On fait durcir la moelle

dans de. l'alcool progressivement de plus en plus concentré.

Coloration à l'hcematoxyline de Grenadier.

Discussion. M. C. BENDA, qui s'est occupé de cette question

depuis plusieurs années, et a exécuté de nombreuses préparations,

ne croit pas que ces granulations dans les cellules nerveuses aient

rien à faire avec les granulatious d'Altmann. 11 adopte l'opinion de

Vignal qui a évidemment décrit ces organites auxquels il attribue

de l'importance au point de vue de l'histoire du développement

de la cellule nerveuse. Vignal a vu que, dans les cellules em-

bryonnaires, ces granulations se groupent d'une manière carac-

téristique et que, finalement, elles produisent la striation du corps

de la cellule que nous connaissons chez les cellules nerveuses

développées. M. Benda réclame l'honneur d'avoir le premier

reconnu les réactions chromatiques et d'avoir rattaché la présence

des granulations en question au mode de réaction spécial du corps

cellulaire à l'égard des couleurs, certaines cellules se colorant

fortement parce que la matière chromatophile pénètre uniformé-

ruent, tandis que, dans d'autres conditions, elle dessinera des gra-

nulations.' La méthode de traitement du tissu n'a, au surplus,

aucune influence sur ce fait. Toutes les espèces animales présen-

tent de ces granulations, même l'homme (préparations d'Adamkie-

wicz) ; leur occurrence est simplement liée à des questions d'âge,

etc.. que M. Benda se réserve de développer ultérieurement.

SÉNAT. loi

M. Krontiial. De l'hétérotopie de substance grise dans la moelle.

Publiée itz extenso dans le Neurolog. Centralbl.1.

M. SII'sllERLING. Un cas de syphilis cérébrospinale héréditaire.-

Publié itt extenso 2. (Archiv. f. Psychicit. u. Nervenlck7atn., XIX, 2.)

P. KRRAVAL.

SÉNAT

DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS

Séance du samedi 4 décembre 1886 s.

M. LE Président. L'ordre du jour appelle la suite de la première

délibération sur le projet de loi portant revision de la loi du

30 juin 1838 sur les aliénés.

Nous nous sommes arrêtés, messieurs, à l'article 20. J'en donne

lecture : « Art. 20. Les personnes admises dans les établisse-

ments d'aliénés, conformément aux dispositions des articles pré-

cédents, ne le sont qu'à titre provisoire et sont en conséquence

placées dans un quartier d'observation. Elles y sont maintenues

autant que les exigences du traitement le permettent. Si le mé-

decin, avant la décision de la chambre du conseil, les fait passer

dans un autre quartier, il doit indiquer la date et les motifs de

ce changement sur le registre prescrit par l'article 23 ci-après :

« Dans les vingt-quatre heures qui suivent l'admission, le direc-

teur 'de l'établissement adresse le bulletin d'entrée du malade,

accompagné de la copie de la demande d'admission, du rapport

prescrit à l'article 16, du certificat du médecin de l'établissement

dit certificat de vingt-quatre heures : 1° au préfet du départe-

ment où l'établissement est situé, qui transmet sur-le-champ ces

pièces au médecin inspecteur des aliénés ; 2° au procureur de la

République de l'arrondissement du domicile de la personne pla-

cée ; 3° au procureur de la République de l'arrondissement où

l'établissement est situé.

1 Revues analytiques.

2W.

3 Vov. Arh. de Neurologie, t. XII, p. 13j, 258, É39; t. XIV, p. 135, 307,

42); t. XV, p. 138, 311,487,

102 SÉNAT.

« Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le médecin

inspecteur doit visiter la personne placée. Quinze jours après ce

placement, il est adressé au préfet et au procureur de la Répu-

blique un nouveau certificat circonstancié du médecin de l'éta-

blissement. La parole est à M. le rapporteur.

ÎtL'I·HÉ01'HILE Roussel, rapportez»'. Messieurs, l'article 20, dont

M. le président vient.de donner lecture, et auquel l'honorable

M. Combes, ainsi que plusieurs de ses collègues, ont proposé un

amendement, et l'article 21 qui le suit, font un seul corps pour

ainsi dire, et ces deux articles, si étroitement connexes, consti-

tuent une des parties les plus délicates et les plus importantes

du projet de loi, celle qui règle les formalités des placements sur

demande des particuliers appelés, d'un nom impropre, « place-

ments volontaires ». C'est là que se trouve aussi, suivant l'expres-

sion employée dans l'exposé des motifs ministériel, la grande

« innovation » du projet du Gouvernement.

Enfin, messieurs, c'est sur les queslions résolues dans ces deux

articles que la loi de 1838 a été attaquée avec le plus de violence

et de persistance. Dans les longs débats auxquels la préparation

de cette loi a donné lieu, c'est sur les questions qui vont être dé-

battues aujourd'hui que les discussions ont été le plus animées et

- que les Chambres se sont, on peut le dire, partagées en deux

camps : d'un côté celui des juristes, qui voulaient attribuer aux

tribunaux toute décision relative à l'internement des aliénés ; de

l'autre, celui des partisans des mesures expéditives indispensables

pour le traitement des malades dans l'intérêt desquels la loi était

proposée, mesures incompatibles, suivant eux.

Le premier de ces deux partis eut alors, comme je le rappelais

à la dernière séance, des orateurs tels qu'Odilon Barrot, Salverte,

Isambert, qui dans l'aliéné voyaient avant tout le citoyen, à la

liberté individuelle duquel une atteinte est ou peut être portée et

dont les droits civils sont amoindris et compromis dans leur

exercice ; l'autre, auquel se rallièrent les hommes éminents qui

composaient dans l'une et l'autre Chambre les commissions qui

ont eu pour rapporteurs M. Vivien et le marquis Barthélémy, était

celui des hommes de science et d'expérience, qui, adoptant la

donnée des médecins, réussirent à faire prévaloir cette donnée,

essentielle dans une loi d'assistance, et à donner à leur oeuvre lé-

gislative ce caractère qui a permis et permet encore aujourd'hui

de dire que la loi de 1838 a été « une loi médicale ».

Les bienfaits de la loi de 1838, à ce dernier point de vue, n'ont

pas été contestés ; mais est-il vrai que les droits de la liberté

individuelle aient été compromis, comme on l'a prétendu, dans

les dispositions de cette loi qui règlent les placements ?

Si l'on examine ces articles en dehors des préventions qui ont

prédominé dans les discussions auxquelles cette partie de la loi a

SÉNAT. 103

servi de thème, on est obligé de reconnaître que toutes les pré-

cautions que pouvait suggérer une expérience encore imparfaite

furent prises par le législateur dans la mesure compatible avec

la doctrine qui lui avait servi de règle, à savoir que, l'aliéné étant

un malade, le premier but de la loi c'est d'aviser aux mesures

nécessaires pour guérir le malade et tout au moins le soigner ou

le garder, et prévenir les dangers que sa maladie fait courir aux

autres ou à lui-même.

Le premier devoir, suivant cette doctrine, c'est de faire inter-

venir tout d'abord et le plus tôt possible la science médicale, seule

compétente, soit pour prononcer sur l'existence même du mal,

soit pour apporter les remèdes ; pour les mêmes raisons, les me-

sures à réclamer de l'autorité publique devaient être demandées

d'abord à l'autorité administrative, responsable de la sécurité-

publique et familière avec les mesures promptes qui répugnent à

la justice.

L'intervention de l'autorité judiciaire n'était certainement pas

oubliée ; son contrôle protecteur des droits privés et de la libei té

individuelle a été soigneusement inscrit dans la loi, et l'article 29

en a assuré l'exercice à toutes les époques de l'internement. Mais

le législateur ne l'a pas admise comme pouvant comporter des

mesures préalables à l'internement, qui y aurait trouvé des en-

traves et des retards. Ces mesures ne pouvaient être que consécu-

tives à l'admission. -

Les dispositions prises dans les articles 8, 9, 11, 0 et suivants

de la loi de 1838, qui correspondent aux articles du projet de loi

qui est soumis aujourd'hui au Sénat, ont-elles complètement ré-

pondu dans la pratique aux visées de leurs auteurs ?

Nous avons résumé, à la suite de ce rapport, les accusations

souvent reproduites par les adversaires systématiques de la loi, et

on peut sans peine se convaincre du peu de fondement que l'exa-

men attentif des faits fournit à ces accusations. Toutefois, on ne

saurait nier qu'elles ont trop souvent troublé et même parfois

égaré l'opinion publique et la presse politique, qui ont pesé sur

les gouvernements qui depuis une vingtaine d'années se sont

succédé dans notre pays et les out amenés à étudier sérieusement t

une réforme de notre législation sur les aliénés.

C'est ainsi, messieurs, que la commission extraparlementaire

qui a préparé le projet du Gouvernement en 1871, et le Gouverne-

ment à sa suite, tout en rendant justice aux auteurs de la loi de

4838 ont été ramenés, par les plaintes et les critiques que je viens

de rappeler, vers le système qui avait eu pour défenseurs tsambert

et Odilon Barrot et qui n'a pas cessé de compter ses plui zélés

partisans parmi les juristes et les magistrats.

Voici en quels termes l'exposé des motifs ministériels s'exprime

sur les dispositions nouvelles proposées par le Gouvernement

104 SÉNAT.

pour mettre' fin aux plaintes et donner satisfaction à l'opi-

nion -

« Cet article, dit le ministre de l'intérieur (en parlant de l'ar-

ticle )4 du projet primitif, qui correspond à l'article 20 présente-

ment en discussion), renferme l'innovation essentielle de notre

projet en édictant la nécessité de l'intervention de l'autorité judi-

ciaire pour le maintien à titre définitif d'un aliéné dans l'asile

où il aura été admis provisoirement, après les formalités et sous

les conditions prescrites par l'article 14. C'est, en effet, un prin-

cipe de notre droit que les questions d'Etat, de capacité et de

liberté individuelle ne peuvent être tranchées que par l'autorité

judiciaire.

La loi de 1838 avait fait une exception à ce principe de droit

commun en autorisant l'internement d'un individu sur la simple

présentation d'un certificat de médecin constatant son aliénation

mentale, ou même, en cas d'urgence, sur la production d'une de-

mande faite par une personne quelconque. Cette simplification

de la procédure avait surtout pour but, dans l'esprit du législa-

teur de 1838, de hâter la mise en traitement du malade.

« Ce but est également atteint par le projet que nous avons

l'honneur de vous présenter, puisque l'internement de l'aliéné

peut avoir lieu sans qu'il y ait à remplir de formalités plus lon-

gues que celles delà loi de 1838 dans un quartier d'observation

où il recevra les premiers soins. Mais la liberté individuelle sera

plus efficacement garantie, puisque, avant de quitter ce quartier

provisoire, il sera examiné par le procureur de la République

accompagné d'un médecin de son choix, dans un délai qui ne

pourra excéder quatre jours après son internement provisoire.

« L'enquête à laquelle ce magistrat pourra se livrer sur la situa-

tion de famille et les antécédents de l'aliéné, ainsi que les cir-

constances d'où est résultée la nécessité du placement, viendra lui

fournir de nouveaux éléments d'appréciation qui seront, en même

temps que les résultats de la visite dont il est parlé ci-dessus et

lespièces dela procédure préalable à l'admission, soumis au tribu-

nal. C'est donc au tribunal seul qu'il appartiendra, dans un délai

qui ne pourra excéder un mois, de statuer sur le maintien à titre

définitif ou la sortie de la personne placée. Ces dispositions nou-

velles constituent un ensemble de mesures qui nous paraissent'

une garantie suffisante contre tout danger de séquestration arbi-

traire. »

Cet article, comme vous le voyez, messieurs, apporte des chan-

gements considérables à la loi de 1838 ; il supprime toute inter-

vention active du préfet dans les placements demandés par les

particuliers; il supprime l'obligation que l'article 9 ds la loi im-

posait de faire visiter la personne placée dans un asile privé par

un ou plusieurs médecins ou par tout autre délégué de son choix ;

SÉNAT. dOS

l'envoi des pièces au préfet dans les vingt-quatre heures est rem-

placé par une disposition qui ajoute à cet envoi l'envoi au procu-

reur de la République de l'arrondissement du domicile de la

personne placée, et un pareil envoi au procureur de la Republi-

que de l'arrondissement où l'asile est situé. Les notifications pres-

crites au préfet dans un délai de trois jours sont remplacées par

des notifications dans les vingt-quatre heures et à la charge des

chefs responsables des établissements. On peut dire que tout le

rôle actif que la loi attribuait au pouvoir administratif passe au

pouvoir judiciaire : au parquet d'abord pour les mesures provi-

soires à prendre immédiatement ; au tribunal ensuite, que le

projet de loi appelle à statuer en chambre du conseil sur les me-

sures définitives.

Ces mesures sont également applicables aux établissements pu-

blics et aux établissements privés. L'intervention du parquet s'y

opère de même; son contrôle s'exerce sur des personnes qui sont

admises seulement à titre provisoire, dans un quartier distinct

du reste de l'établissement, et le placement de ces personnes

dans l'asile ne peut acquérir un caractère définitif qu'après que

les réquisitions écrites du procureur de la République ayant été

transmises au tribunal, celui-ci aura décidé la maintenue ou la

sortie de la personne placée. Le tribunal en chambre de conseil

doit statuer d'urgence, et dans un délai qui ne devait pas excé-

der un mois à partir de l'admission, délai réduit à vingt jours

dans le texte soumis au vote du Sénat.

Le rôle laissé au préfet se réduit, comme on voit, à recevoir

deux notifications, celle de la demande de placement et celle de

la décision du tribunal. Ce transfert au pouvoir judiciaire des

attributions confiées par la loi de 1838 au pouvoir administratif,

ce caractère tout nouveau donné à une loi à laquelle ses auteurs

avaient déclaré si expressément ne pas vouloir donner un carac-

tère judiciaire, ne pouvaient pas ne pas soulever de vives objec-

tions de la part de tous ceux qui, s'attachant avant tout à l'inté-

rêt des malades, à la cause de l'aliéné, peuvent invoquer une

expérience de près d'un demi-siècle pour soutenir qu'en réalité

cette cause, cet intérêt peuvent avoir à souffrir d'une innovation

à laquelle la liberté individuelle et les droits civils de l'aliéné n'ont

en réalité rien à gagner.

Ces objections ont été fortement soutenues au sein de la com-

mission du Sénat, d'abord dans les discussions avec les premiers

représentants du Gouvernement, ensuite dans les discussions

entre les membres de cette commission, qui, à peu près unanimes

dans les résolutions auxquelles le Sénat a donné déjà une consé-

cration par ses votes, s'est profondément divisée sur les articles

qui lui sont présentement soumis.

Après de longs débats, une forte majorité, lorsque le gouverne-

- t06 SÉNAT.

ment a eu consenti à des modifications notables de son texte pri-

mitif, s'est prononcée en faveur du transfert à l'autorité' judi-

ciaire des attributions conférées par la loi à l'autorité adminis-

trative dans les placements dits volontaires. Mais la minorité a

persisté dans ses objections ; et si la commission n'avait pas eu la

douleur, vivement sentie par elle, de perdre son excellent secré-

taire, le docteur Brugerolles, c'est ce regretté collègue, qui pre-

nait une part si active à nos travaux, qui aurait porté et soutenu

à cette tribune un amendement analogue à celui qui a été pré-

senté par M. Combes.

Le Sénat voudra bien me permettre de rendre à cette tribune

un dernier hommage à ce collaborateur si justement regretté,

en lui donnant lecture d'un passage extrait des procès-verbaux

des délibérations de la commission et dans lequel se retrouvent

condensés les principaux arguments qu'il avait présentés contre

les dispositions de ces deux articles 20 et 21 qui nous occupent :

(Lisez ! lisez ! )

« Comment ne pas reconnaître, disait M. Brugerolles, malgré

les raisonnements les plus spécieux des juristes, qu'on confond

les faits et les idées en voulant- attribuer au tribunal la mission

de statuer sur des aliénés à mettre en traitement, comme si c'é-

taient des prévenus qu'il s'agit d'enfermer ? De quelque façon que

soit composée la chambre du conseil, peut-elle être jamais com-

pétente pour trancher une question que le médecin seul connaît

et peut résoudre ? Si elle ne veut pas s'en rapporter simplement

aux réquisitions que le procureur de la République lui a adres-

sées, elle pourra avoir la pensée de recourir elle-même directe-

ment à la science médicale ; elle voudra avoir une expertise

médico-légale; mais, dans les conditions où la question se pré-

sente dans le projet de loi, comment trouver dans chaque arron-

dissement, ou même dans chaque département, un médecin alié-

niste digne de la confiance du tribunal ? \

« Tous ces inconvénients, toutes ces difficultés, disparaissent

au contraire avec le système déjà adopté par la commission du

Sénat, qui dote le service des aliénés, dans chaque département,

d'une commission permanente dont un aliéniste autorisé est le

membre le plus essentiel. Combinez ce système avec le projet du

gouvernement, et vous reconnaîtrez que cet aliéniste, fonction-

naire compétent et indépendant, sera, par la force des choses,

l'expert auquel le tribunal aura à recourir pour l'éclairer.

« C'est lui en réalité qui décidera. Pourquoi donc compliquer

inutilement les procédures à suivre ? Pourquoi, en présence de

celte nouvelle ressource de la commission permanente, dont

presque chaque article de la loi vous démontre davantage le prix,

hésileriez-vous à vous eu rapporter directement à elle pour pro-

noncer sur les admissions ? La commission permanente réunit

SÉNAT. 107 Î

tous les avantages comme toutes les compétences : l'élément

administratif et l'élément judiciaire y sont représentés aussi bien

que l'élément administratif et médical.

« Que voulez-vous de plus ? N'est-ce pas être la dupe des appa-

rences, n'est-ce pas trop sacrifier aux seules formes, que d'aller,

après la décision du seul tribunal vraiment compétent, tribunal

qui a de plus l'avantage d'être secret, ce qui, dans les cas dont il

s'agit, n'est pas un mince avantage, recourir à un tribunal éloi-

gné, dont les décisions lentes et plus ou moins solennelles n'ont

aucun avantage qui puisse en compenser les inconvénients ? » »

J'ajoute, messieurs, que cette opposition décidée, persévérante,

se retrouve aujourd'hui dans ce fait que, parmi les signatures de

l'amendement de M. Combes, figurent deux de mes collègues de

la commission. Quant à la majorité de la commission, je dois

faire remarquer que la plupart de ceux dont elle se compose n'ont

accepté cette partie du projet du gouvernement qu'à la condition

d'en élaguer certaines dispositions qui leur paraissaient la rendre

inacceptable.

Nous ne pouvions pas admettre, par exemple, qu'il ne fût pas

tenu compte des observations présentées au nom de l'académie de

médecine sur la possibilité matérielle d'exécuter la disposition de

l'article 20, en vertu de laquelle « les personnes admises à titre

provisoire doivent être placées dans des quartiers d'observation

séparés des autres parties de l'établissement». Les hommes les

plus incontestablement compétents avaient démontré sans ré-

plique que l'application littérale de cette prescription aurait pour

conséquence forcée non seulement la création d'un nouvel asile

dans chaque salle actuellement existant, mais encore qu'elle

apporterait les plus sérieux obstacles au traitement des malades.

Le gouvernement a reconnu la nécessité de laisser au médecin

traitant, sous sa responsabilité, le soin de déterminer le degré

de rigueur qui peut être apporté à la maintenue des malades

entrant dans ces quartiers d'observation, pendant la période

légalement considérée comme placement provisoire.

Je signalerai un autre point important qui, malgré la suppres-

sion de la commission permanente, reste acquis, dans les dispo-

sitions de l'article 20, comme une des améliorations notables

dans le projet primitif du gouvernement. En admettant avec ce

dernier que l'intervention du tribunal dans le placement est une

garantie nouvelle donnée à la liberté individuelle en même temps

qu'une satisfaction donnée à l'opinion trop souvent inquiétée du

public, la commission du Sénat ne pouvait pas admettre que la ques-

tion posée devant le tribunal et qui n'est jamais en définitive, qu'une

question de diagnostic médical n'arrivât pas à ce tribunal, avec cette

nouvelle garantie que l'institution de la commission permanente

élait appelée à donnera la liberté individuelle et à la protection

1 Oô SÉNAT.

matérielle de l'aliéné dans l'ensemble du service. Dans la rédac-

tion nouvelle adoptée par le Sénat, le rôle attribué à la commis-

sion permanente dans l'article 20 sera rempli par le médecin

inspecteur des aliénés.

Telles sont, messieurs, les conditions dans lesquelles la majo-

rité de la commission du Sénat s'est ralliée à l'innovation intro-

duite par le gouvernement. Si, par suite de changements, bien

peu probables dans le cours des discussions, ces conditions de-

vaient changer, cette majorité pourrait se modifier elle-même en

voyant disparaître les améliorations qui lui ont rendu l'innova-

tion acceptable.

Je n'entrerai pas, messieurs, dans d'autres détails sur les

articles 20 et 21. Ces détails arriveront plus opporLunémeut dans

le cours de la discussion à laquelle ces articles vont donner lieu,

car ils contiennent des questions trop importantes pour n'être pas

très attentivement examinés et débattus. C'est pourquoi je n'in-

siste pas davantage.

M. de Gavardie. Messieurs, je suis désolé d'avoir à poursuivre

cette lutte acharnée contre une loi que je prétends être mauvaise

au suprême degré et impraticable. Mon Dieu, par moments je

me laisse attendrir par cette honnête, cette loyale et bonne

figure du rapporteur. (Hilarité générale.) C'est vrai ! cela me

gêne. Ah ! si j'avais affaire à un autre rapporteur ! Mais « rzmic2cs

Roussel, sed magis arnica t)6 ? 'as. » Eh bien ! voyez les inconvé-

nients qu'il y a à entrer dans les détails comme vous le faites de

plus en plus dans tous vos articles ! Vous dites dès le début de

l'article 20 : « Les personnes admises dans les établissements

d'aliénés conformément aux dispositions des articles précédents. »

Par conséquent, dans les asiles publics, dans les asiles privés,

dans les maisons particulières vous devez l'entendre de cette

manière-là assimilées aux asiles privés, d'une façon générale

toutes les personnes admises dans les asiles ne le sont qu'à titre

provisoire et sont, en conséquence, placées dans un quartier d'ob-

servation !

Messieurs on peut parler librement dans ces questions-là z

il faut être véritablement étranger à la pratique de ces choses,

pour ne pas savoir qu'il y a une foule de circonstances où il ne

fautpas isoler le malade, où il ne faut pas le placer dans ce que

vous appelez un quartier d'observation ! Il faut au contraire le

laisser mêlé dans ce courant de la vie, qui peut se rencontrer

jusqu'à un certain point même dans les établissements d'aliénés !

11 y a des personnes qui n'ont qu'un coin de folie, un seul, et qui

précisément à cause de cela ont besoin de cet air ambiant de

bienveillance, de mansuétude, d'égards qui peut les ramener à la

raison ! 1

J'ai connu une personne charmante, elle était douce au suprême

SÉNAT. 109

degré, elle n'avait que ce point faible : dès qu'on prononçait

devant elle le mot d'âme ou quelque chose qui lui rappelait cette

idée, elle disait : « Moi, je n'ai pas d'âme ! » Il n'y avait que ce

point-là ! Cette pauvre femme, si vous l'aviez placée dans un

quartier d'observation, si vous l'aviez isolée, vous l'auriez rendue

absolument folle !

Je pourrais citer bien d'autres cas. Pourquoi ne pas laisser la

latitude qui était accordée par l'ancienne loi ? Vous placerez les

aliénés dans un poste d'observation, s'il y a lieu, vous ne les y

placerez pas, s'il n'y a pas lieu ; mais vous ne ferez pas aux méde-

cins de l'asile l'obligation de séquestrer immédiatement le ma-

lade ! Vous voulez éviter les séquestrations et vous en créez vous-

mêmes avec lès inconvénients moraux de la séquestration ! Je

voudrais donc que ce fût facultatif.

Vous créez ensuite, malgré le mystère qui doit couvrir ces ma-

ladies d'une nature, je puis dire sacrée car les anciens, qui s'y

connaissaient, appelaient cela la maladie sacrée vous créez

une sorte de publicité là où il y avait mystère, où il y avait dis-

crétion ! Vous faites arriver immédiatement tous ces fonction-

naires que vous créez comme à plaisir; vous faites intervenir la

justice, qui ne doit intervenir que dans de rares circonstances ;

vous créez une publicité; et vous avez beau me dire qu'on ne s'a-

dresse qu'à des hommes investis de la confiance publique, est-ce

que nous ne savons pas, dans les temps troublés comme ceux que

nous traversons, ce que deviennent, sous l'empire de cette com-

motion de la vie publique, les hommes investis ou prétendus

investis de la confiance publique ? Je pourrais citer des faits d'une

gravité inouïe ! Non, il ne faut pas, sans une nécessité absolue,

confier des mystères comme ceux-là à des hommes qui peuvent

les divulguer à un moment donné 1 Eh bien, c'est ce qui arrivera ! 1

Vous dites que dans les cinq jours- et c'est toujours par voie

d'obligations et de commandements que vous procédez dans

les cinq jours de la réception des pièces, deux membres de la

commission, dont l'un est toujours le médecin-secrétaire, doivent

visiter la personne malade...

M. Combes. C'est supprimé, monsieur de Gavardie.

M. de Gavardie. On ne nous l'a pas dit ! 1

M. CoiiBi<-.s. On a supprimé la commission permanente.

DE Gavardie. On a supprimé la commission permanente,

mais on n'a pas supprimé le secrétaire.

M. Combes. Mais si !

M. Testelin. Tout est supprimé dans la commission perma-

nente.

M. DELSOL. Il s'agit ici du médecin inspecteur.

M. le Rapporteur. Lisez : le médecin inspecteur.

110 SÉNAT.

M. de Gavardie. Eh bien, il y aune personne de moins, j'en suis

aise, mais il y en aune de trop encore.

M. Coudes. Laquelle ? : '

M. Testelin. C'est l'aliéné. (Rires.)

M. de Gavardie. C'est le médecin ! 1

M. Combes. Il y a un amendement sur ce troisième paragraphe.

M. de Gavardie. Si vous voulez le présenter, je ne demande pas

mieux ! Je me suis adressé à vous, mon cher collègue, pour ne

pas parler aussi souvent. Si vous voulez écarter la présence de

ce médecin, je vous céderai volontiers la parole.

M. Combes. Au contraire, nous voulons la maintenir.

M. de Gavardie. Je m'y oppose ! Pourquoi ce médecin, et dans

les cinq jours ? Remarquez que ce n'est pas dans les cinq jours

qu'une modification quelconque peut se produire dans l'état du

malade et, par conséquent, à côté du médecin directeur de l'a-

sile qui a la confiance du gouvernement, celui-là, et la confiance

souvent méritée du public tout entier, vous faites intervenir une

autre personne qui peut être parfaitement honorable; mais, enfin,

il y a là deux personnes, et il y en a une de trop au point de vue

du secret des familles ! Qu'est-ce que vient faire ici ce médecin ? : '

Il faut, je le répète encore, être complètement étranger à ces

matières pour ne plus savoir que ce n'est paspar une série d'inler-

rogatoires faits pendant les trois ou quatre premiers mois que

l'on peut arriver à constater le véritable état mental d'une per-

sonne ! J'ai assité à des interrogatoires de ce genre-fa; un jour, il

y avait un jeune homme distingué, écrivain, poète; on l'interro-

geait. Il s'agissait d'arriver à son interdiction; il était dans un

asile. Le juge commis pour l'interrogatoire était émerveillé de

ses réponses, et il se tournait de temps en temps vers moi, me

disant : « Enfin, nous n'avons pas affaire là à un aliéné ! » C'était

pourtant un aliéné.

Qu'est-ce qu'aurait pu constater le médecin, qui serait arrivé

là tout à coup ? Il aurait pu recevoir l'impression de ce juge et

dire : Mais enfin, nous n'avons pas affaire à un aliéné; il faut

le mettre eu liberté.

Ce jeune homme avait tellement, en apparence, la libre pos-

session de ses facultés que le médecin de l'asile, pour nous prou-

ver qu'il était véritablement aliéné, l'excitait par des questions

insidieuses et quelquefois cruelles, pour le faire sortir en quelque

sorte de ses gonds !

Les aliénés, messieurs, ne perdent pas absolument la pleine

possession d'eux-mêmes; il y en a qui ont encore assez la maîtrise

d'eux-mêmes pour ne pas éclater, il ne faut s'y tromper, dans

bien des circonstances. Voilà pourquoi il ne faut pas admettre ces

SÉNAT. il !

interventions multiples et brusques qui peuvent avoir toute

espèce d'inconvénients. Il faut s'en rapporter au directeur de l'a-

sile, après l'avoir bien choisi; il faut avoir confiance dans les

hommes.

On veut aujourd'hui changer foutes les institutions, parce qu'on

n'a pas confiance dans les hommes. On ne fait rien que de dépla-

cer et de multiplier le mal. Choisissez bien les hommes on peut

y arriver; en définitive, le corps médical en France est admira-

blement composé, rapportez-vous-en à la loi de t83S, cette loi

si sage. Un de nos honorables collègues, que j'aperçois ici, un

vieil avocat, fort expérimenté, me disait l'autre jour : « Il y a eu,

de z à 1846, une législation admirable. » C'est vrai, c'est une

période qu'on pourrait appeler la période parlementaire clas-

sique au point de vue de la confection des lois. Depuis, on n'a

rien fait que de mauvaises lois; enfin, mauvaises, c'est peut-être

aller un peu loin, mais on n'a fait que des lois qui, à un certain

point de vue, sont inférieures à celles de l'époque dont je parle.

Ne touchez donc pas à ces lois sans une nécessité absolue. La loi

de l 838 était admirablement conçue au point de vue où je me

place.

L'aliéné arrivait dans l'asile, il y était entouré de ce mystère

sacré de la famille qui doit le suivre et l'accompagner tant qu'il

n'y a pas une nécessité d'ordre supérieur pour que ce mystère

soit dévoilé. On le suivait dans le calme, sans ce bruit du dehors,

sans ces interventions de la magistrature qui ne servent absolu-

ment à rien dans une foule de circonstances; on l'observait dans

le calme et le silence et l'on arrivait ainsi à le guérir. Pas toujours

malheureusement, mais enfin on y arrivait dans la mesure du

possible. Restez donc, je vous en supplie, dans les conditions de

la loi de 1838 et rejetez sans hésitation cet article tout entier.

M. le PRÉSIDENT. Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'ar-

ticle 20 ?

M. Combes. Je demande la parole.

M. le Président. Monsieur Combes, c'est sur le troisième para-

graphe que vous désirez prendre la parole, mais sur les précé-

dents, vous ne faites pas d'objection ?

M. Combes. Parfaitement, monsieur le. président.

M. le Président. Alors je consulte le Sénat sur les deux pre-

miers paragraphes, et je m'arrêterai au paragraphe 3 pour que

vous développiez votre amendement. (Les deux premiers para-

graphes sont adoptés.)

M. le Président. M. Combes a la parole sur le troisième para-

graphe.

M. Combes. Messieurs, quand nous avons déposé, mes collègues

'112 SÉNAT.

et moi, l'amendement qui vient en délibération, nous avons du

prévoir qu'il paraîtrait à plusieurs d'entre vous une innovation un

peu hardie dans la législation et que, peut-être, il exciterait plus

de surprise que de faveur. Si nous n'avons pas reculé devant la

perspective de cette première impression, c'est que nous avons la

conscience d'affirmer une doctrine juste en elle-même et seule-

ment nouvelle ou inappliquée jusqu'ici. J'ai donc besoin, pour la

soutenir devant vous, de compter sur la bienveillante attention

du Sénat, sans me dissimuler d'ailleurs qu'en faisant appel en

ce moment à son attention je demande peut-être beaucoup dans

l'état d'agitation ou plutôt d'émotion un peu pénible et un peu

inquiète où nous nous trouvons.

M. de Gavardie. Nous sommes des sénateurs romains. (Sourires.)

M. Combes. Mais si vous consentez à m'écouter, je ne désespère

pas de vous convaincre qu'en réalité nous ne proposons rien que

de légitime, de raisonnable, de possible.

Tout à l'heure, notre honorable rapporteur, vous a indiqué que

l'amendement transporte devant le Sénat une discussion de prin-

cipe qui s'est élaborée dans le sein de votre commission, presque

dès le début de ses travaux; et la lecture qu'il vous a faite vous

a appris que l'honorable et regretté secrétaire de la commission.

dont il a fait devant vous l'éloge, éloge bien placé dans sa bouche,

se proposait de reprendre devant le Sénat, par voie d'amende-

ment, l'opinion qu'il n'avait pu faire adopter par la majorité de

ses collègues, opinion qui tendait, en définissant avec exactitude

les droits de la science médicale, à les maintenir indépendantes

aussi bien du pouvoir judiciaire que du pouvoir administratif.

La question qui a provoqué ce dissentiment et qui se présente

toujours identique à elle-même au milieu des variations succes-

sives du projet de loi, se formule de la manière suivante : A quelle

autorité, à quel pouvoir appartient-il de statuer définitivement

sur l'admission des malades dans les asiles d'aliénés ?

Pour la bien préciser, permettez-mui de prendre comme

exemple le cas où le préfet, sur la réclamation de l'administra-

tion locale, ordonne l'internement d'un sujet réputé fou et dan-

gereux. Ce serait l'a un acte d'arbitraire, si l'ordre préfectoral

n'était pas suivi d'une sorte d'enquête destinée à la justifier ou à

la redresser. Tout le monde ici est certainement d'accord pour

reconnaître que la faculté de disposer de la liberté des citoyens

ne doit pas être abandonnée à l'arbitraire de l'administration.

C'est surtout pour fortifier les garanties contre cet arbitraire que

l'opinion publique pousse depuis de longues années à la revision

de la loi de 1838 sur les aliénés.

Mais, où seront ces garanties ? Où devons-nous les chercher,

pour fonder sur de solides bases une législation nouvelle qui

SÉNAT. 113

réponde aux trois intérêts qui sont ici en jeu : l'intérêt ou plutôt

le respect des principes sans lesquels il n'y a pas d'oeuvre du-

rables; l'intérêt du malade, sans lequel tout le reste serait vain,

et enfin l'intérêt de la société, sans lequel tout deviendrait

funeste ? Pour répondre à ces questions, messieurs, demandons-

nous ce qui est ici le principal sujet des préoccupations publiques,

ce qui entretient, ce qui suscite les craintes de l'opinion.

Vous le savez; c'est le désir de concilier les ménagements que

réclame la liberté individuelle avec le traitement qu'exige l'atié-

nation mentale. Nous sommes tous unanimes dans ce désir, nous

ne différons que par les procédés. (Marques d'approbation.)

On peut violer la liberté individuelle de deux manières : ou

bien quand on enferme comme aliénés des gens qui ne le sont

pas, ou bien quand on persiste à détenir des gens qui ne le sont

plus. Dans ces deux cas manifestement, il y a abus, il y a péril,

péril extrême pour la liberté qui subsiste ou pour la liberté qui

renaît. Rien déplus généreux, rien de plus humain que de lui

procurer des appuis.

Mais, messieurs, pour que cet abus se produise, il faut qu'il y ait

erreur sur l'état d'esprit, sur la situation morale de la personne

qu'on enferme. Il faut qu'il y ait placement, dans l'asile des

aliénés, de sujets qui passent à tort pour des aliénés. Donc, pour

mettre obstacle à cet abus, il est indispensable, et il suffit que

l'état mental de la personne soit nettement établi. En sorte que

tout le débat roule sur cette question précise qui est le fond de

l'amendement. Qui donc a compétence pour déclarer avec certi-

tude si le sujet qu'on enferme est réellement un fou plus ou

moins dangereux ou un homme sain d'esprit.

Il semble, messieurs, que la question posée de la sorte ne coin-

porte qu'une réponse. Ce fou est un malade et le médecin seul a

compétence pour étudier et diagnostiquer la maladie. Il est vrai,

pour le dire en passant, qu'il n'est guère d'hommes, même parmi

les bons esprits, qui ne se croient médecins à leur heure. Chacun

dit son mot, à l'occasion, sur la maladie et pi us d'un se flatte souvent

d'avoir opéré quelque guérison. Ce léger travers qui se rencontre

si communément, même chez des gens intelligents, ne dispense

personne de convenir que le privilège incontestable du médecin,

c'est de rechercher les symptômes de la maladie et d'en discerner

la nature.

Dès lors, il semble logique de conclure qu'il appartient au mé-

decin seul de se prononcer sur l'existence et la réalité de cette

ttiste maladie que le vulgaire appelle, d'un nom général, la folie,

et sur la nécessité de l'internement comme traitement ap-

proprié.

Ah ! messieurs, qu'on serait mal venu à -révoquer en doute la

compétence des médecins quand il s'agit de la folie, d'une ma-

Arciiives, t. XV. 8

114 SÉNAT.

ladie si obscure et souvent si bizarre, de ce Protée aux mille

formes qui déroute si souvent l'eeil le plus perspicace et qui sait

d'ailleurs se dérober sous les dehors les plus trompeurs.

Ce n'est jamais sans étonnement que nous entendons des

hommes sérieux faire leurs réserves à cet égard et je puis dire

que cet étonnement est au comble quand ce sont des magistrats

messieurs, le cas n'est pas chimérique, il se présente, il s'est

présenté à votre connaissanceoui, quand ce sont des magis-

trats qui osent soutenir que le bon sens est dans ces matières un

juge pertinent, un juge presque infaillible, et que la lumière

d'une raison droite projette sur ces questions une clarté qui en

dissipe les ténèbres et qui porte l'évidence dans un esprit at-

tentif.

Ah ! messieurs, le bon sens, une raison droite, ce sont assuré-

ment des qualités sans prix dans la conduite de la vie et dans le

discernement des choses ordinaires; mais en médecine et surtout

en médecine mentale, elles ne suppléent ni l'observation des

faits ni la connaissance des lois pathologiques.

Je ne voudrais certainement pas prononcer à cette tribune des

paroles susceptibles d'avoir un retentissement fâcheux ; je ne

voudrais pas rappeler des faits comme celui de ce procureur de

la République fait relativement récent encore, et c'est pour-

quoi j'y fais allusion - le fait, dis-je de ce procureur de la Ré-

publique insistant, malgré les observations expresses, formelles,

du dnecteurde l'établissement d'aliénés, pour qu'on rendit à sa

mère qui le demandait, un jeune homme que son bon sens, à lui

procureur de la République, que sa raison droite lui faisait juger

sain d'esprit. Et, quinze jours après sa sortie, ce jeune homme

tuait sa soeur dans un accès de frénésie

Mais, messieurs, sans citer des faits je me contente d'en appe-

ler au souvenir de tous les médecins qui siègent dans cette As-

semblée ; ils me rendront intérieurement témoignage que je suis

dans la vérité.

Je prie mes collègues en général de consulter leur conscience;

elle leur dira que, quand il s'agit de médecine, ce n'est pas assez

que d'avoir du bon sens et une raison droite. Ce n'est pas au bon

sens, ce n'est pas à la raison droite que vous vous remettriez vous-

mêmes du soin de guérir votre fluxion de poitrine ou de vous dé-

livrer du choléra. Pourquoi ? C'est parce qu'aucun de vous n'ignore

que, pour avoir seulement une teinture un peu convenable de la

médecine, de longues études sont requises, des études qui s'éten-

dent à des branches nombreuses et difficiles des connaissances

humaines. (Très bien ! )

Or, je le dis hautement, je ne crains pas d'être démenti par

les médecins ici présents, la médecine mentale est une science

hérissée de difficultés et d'obstacles, même pour le médecin or-

SÉNAT. lis j

dinaire, pour celui qui ne s'est pas spécialement consacré à ce

genre d'études. Ce n'est qu'en tremblant, c'est avec une extrême

hésitation, c'est avec une absolue défiance de lui-même qu'il

aborde ces sujets quand il lui arrive d'être requis parla justice.

Ici, le bon sens et la raison sont des boussoles impuissantes.

La médecine mentale seule a le privilège de diriger le médecin

à travers les écueils dont elle est hérissée et de le conduire sûre-

ment au port.

Messieurs, votre commission était trop bien composée pour con-

tester ce privilège médical ; elle l'a toujours avoué ; elle l'a ex-

pressément reconnu par la plume de son savant rapporteur ;

mais, par un illogisme que je ne puis me dispenser de critiquer,

et qu'en l'absence de toute argumentation suivie je suis forcé de

rattacher à une sorte de timidité d'esprit ou peut-être et plutôt h

une certaine pression venanl de l'intérieur, à une pression ayant

son point de départ dans un courant erroné d'opinion, elle a re-

culé devant les déductions logiques du principe qu'elle avouait,

et, au lieu d'adjuger à la médecine mentale l'aliéné comme son

sujet naturel, l'internement comme son droit et sa prescription

légitime, elle en a fait une attribution, d'ailleurs assez indécise,

d'un pouvoir fort étranger de sa nature aux matières médicales,

du pouvoir judiciaire.

Par quel raisonnement votre commission arrive-t-elle à concé-

der le dernier mot aux magistrats dans une affaire où le médecin

seul est en état de faire entendre une parole autorisée ? Je l'ai

cherché à peu près vainement dans le travail, d'ailleurs si savant,

de M. le rapporteur.

L'honorable M. Roussel est à peine affirmatif sur ce point, et

je ne m'en étonne guère quand je songe au titre qu'il porte et à

la considération éminente dont il jouit parmi ses confrères. Tout

au plus hasarde-t-il rapidement une allusion légère à la liberté

individuelle et aux exigences de l'opinion publique. Encore, ne le

fait-il que sous forme de concession bénévole aux vues du Gou-

vernement. Retenons, cependant, messieurs, cette allusion, puis-

qu'elle contient les seuls motifs énoncés. C'est donc pour rassurer

l'opinion publique et pour couvrir la liberté individuelle que le

projet de loi préfère, dans les cas d'internement, la conscience du

juge aux lumières du médecin. Mais alors, messieurs, il reste,

dans les moyens qu'il emploie, fort en deçà du but qu'il veut

atteindre. Vous pouvez en juger vous-mêmes si vous voulez vous

donner la peine de parcourir avec un peu d'attention l'article en

question et l'article suivant.

Pour protéger la liberté individuelle qu'il suppose menacée

entre les mains des médecins, le projet de loi imagine de faire

prononcer l'internement de l'aliéné par un tribunal siégeant en

chambre du conseil, et il ne met à la disposition des magistrats,

116 SÉNAT.

pour apprécier la réalité de l'aliénation mentale, que les rapports

elles certificats des médecins qui l'attestent, c'est-à-dire qu'il

donne pour unique garantie à l'aliéné la délibération à huis clos

de trois hommes qui lui sont et lui demeurent absolument étran-

gers, qui ne le connaissent pas, qui ne le voient pas, qui le jugent

de loin, sans instruction préalable, sans comparution, sans dé-

bats, sur des pièces écrites, sur des documents techniques qu'il

est souvent aussi difficile de comprendre qu'il serait dangereux

de les contredire.

Et voilà les hommes chargés de défendre l'aliéné contre l'erreur

ou le mauvais vouloir de la médecine mentale ! Et ces hommes

n'ont pour s'éclairer, pour se guider dans leurs appréciations que

les rapports et les documents émanés de cette médecine ! Les

seuls éléments de l'opinion qu'ils se forment sur l'aliéné, ce sont

ces rapports et ces certificats qui les leur fournissent. C'est en

s'appuyant uniquement, exclusivement sur le travail du médecin

qu'ils vérifient l'exactitude de ce travail. En un mot, pour recti-

fier l'opinion du médecin, ils n'ont absolument que les affirma-

mations du médecin. Et vous appelez cela une garantie pour la

liberté individuelle ! Et vous y voyez une sauvegarde contre l'er-

reur volontaire ou involontaire de la médecine légale !

Messieurs, permettez-moi de le dire sans vouloir manquer de

respect à qui que ce soit, pas plus aux membres de la commission

qu'aux magistrats, ce serait risible si ce n'était puéril. (Très bien !

très bien ! ) Comparez, au contraire, comparez de bonne foi cette

prétendue garantie avec celle que donnent, dans tous les cas de

placements, la signature et le consentement réfléchi du médecin

inspecteur.

Le médecin inspecteur possède deux avantages associés que vous

chercherez vainement unis ensemble dans la délibération de la

chambre du conseil : de n'être pas susceptible d'erreur, au moins

dans la limite des facultés humaines, et d'être inattaquable au

soupçon. La solidité de son instruction, les épreuves profession-

nelles par lesquelles il a passé, sa compétence constatée, le pré-

servent de l'erreur. Sa position éminente dans une sphère supé-

rieure à tous les intérêts qui s'agitent, intérêts de la famille, inté-

rêts de l'asile, le met à l'abri de tout soupçon.

Oui, messieurs, il est à l'abri du soupçon. Je devine assurément

sur ce point vos réserves silencieuses. Vous vous dites que le soup-

çon ne peut pas épargner un homme seul, quelque éminent qu'il

soit; que la vertu solitaire n'est pas faite pour le désarmer.

Je sens que, pour beaucoup d'entre vous, c'est là un point faible

de l'amendement. Vous auriez, si je ne m'abuse et sije m'en rap-

porte à des conversations privées, à des confidences, vous auriez

prêté les mains à un système qui aurait consacré les droits de la

science médicale, si ces droits s'étaient exercés par un corps ou

SÉNAT. 117

une commission. Vous hésitez aies personnifier dans un homme

seul, parce que vous craignez de le désigner à la suspi-

cion publique. Ainsi, messieurs, vous faites fléchir un principe, la

vérité, l'intérêt du malade inséparable de l'intérêt de la société,

devant des scrupules qui ne sont pas même des scrupules de cons-

cience, qui sont tout au plus des scrupules d'imagination ; etvous

ne vous apercevez pas que ces scrupules sont à la fois erronés et

impuissants.

D'abord, messieurs, le médecin inspecteur qui, dans notre sys-

tème, statue sur l'internement, ne sera jamais seul. Avant le pla-

cement définitif, il y a le placement provisoire. Ce placement pro-

visoire n'a jamais lieu que sur le rapport du médecin qui soigne

le malade ou d'un médecin qui connaît la maladie. A son arrivée

dans l'établissement, le nouveau venu est soumis à l'examen et à

l'observation du médecin de l'asile, qui est tenu aussi de rédiger

un rapport pour constater son état. C'est. consécutivement à ces

deux premiers rapports, à ces deux premiers jugements, que le

médecin inspecteur se prononce à son tour.

Ainsi donc, messieurs, il ne serait pas exact de dire que, dans

notre amendement, l'acte d'internement est un acte solitaire. Il

est le résultat d'un travail pour ainsi dire collectif, d'une opinion

commune. Allez-vous accuser de connivence les trois médecins

qui y collaborent ? Le démon du soupçon possède-t-il à ce point

les imaginations qu'il englobe ces trois médecins dans une même

pensée de complicité possible ? Alors, messieurs, laissez-moi vous

dire que ce démon ne respectera rien, pas plus la justice que la

médecine, pas plus les membres du tribunal que les membres du

corps médical.

Un soupçon, pour être le moins du monde raisonnable, doit au

moins être un peu raisonné. Pratiqué comme je viens de le dire,

s'exerçant sur trois médecins qui n'ont rien de commun au point

de vue des intérêts, il fait plus que défier la vertu, il brave le bon

sens lui-même.

Vos scrupules sont donc erronés et sans fondement. Mais ce

n'est pas tout. Pour qu'ils aboutissent, pour qu'ils vous procuras-

sent une satisfaction quelconque, les magistrats à qui vous con-

fiez, contrairement aux principes et pour obéir à des scrupules,

le jugement des cas d'aliénation mentale, devraient être capables

de discerner et de prévenir le complot ourdi par les médecins.

Ils devraient pouvoir déjouer leurs desseins, combattre leur dia-

gnostic, les convaincre d'erreur. Dans le système du projet de

loi, ils ne le peuvent pas, quand même ils seraient, par suite de

connaissances exceptionnelles, en état de le faire. Vous les con-

traignez à ne juger l'état mental de l'aliéné que par les rapports

écrits par les médecins dont vous suspectez la sincérité ; s'il y a

eu erreur sur l'état mental de la personne, la même erreur sera

118 S SÉNAT.

fatalement commise par les juges qui n'ont sous les yeux que les

documents fournis par les médecins. (Très bien ! sur plusieurs

bancs.)

Mais je vais plus loin ; quand même le projet de loi autoriserait

les magistrats à sortir du cercle étroit des informations contenues

dans les rapports médicaux, à s'entourer de renseignements per-

sonnels, à étudier par eux-mêmes et par tous les moyens possi-

bles chaque cas de placement, il ne saurait vous échapper qu'ils

sont radicalement impropres à cette tâche, que tout leur manque

pour la remplir, l'aptitude professionnelle aussi bien que les con-

naissances préalables.

La conclusion qui se dégage de ces considérations, c'est que vos

scrupules ne sauvent rien, qu'ils ne remédient à rien, qu'ils ne

tranquillisent même pas vos consciences et qu'ils ne donnent à

l'opinion publique aucune satisfaction réelle, qu'ils lui donnent

seulement un semblant de satisfaction, une satisfaction dérisoire.

(Très bien ! très bien ! ) De là aussi cette autre conclusion que,

pour revenir aux principes, à la vérité, vous devez revenir au sys-

tème même de l'amendement.

Vous le pouvez, d'ailleurs, croyez-le bien, messieurs, sans mé-

contenter l'opinion publique. Si, dans le passé, quelques faits

regrettables beaucoup moins nombreux cependant qu'on ne le

dit ou qu'on ne le croit - ont alarmé cette opinion, s'ils ont

éveillé des défiances, ces défiances et ces alarmes tenaient à ce

que, dans le système de la loi de 1838, l'administration avait le

droit, sur le certificat du premier médecin venu, d'ordinaire et

souvent'le médecin de la famille, qu'on pouvait à la rigueur

soupçonner de complaisance, d'arracher à la société et de

livrer à la compagnie des fous de malheureux citoyens qui pas-

saient ensuite pour les victimes de quelque horrible vengeance

ou de quelque ignoble cupidité.

M. DE Gavardie. Ce n'est jamais arrivé !

M. Combes. J'ai pris soin de dire que les faits étaient infiniment

moins nombreux qu'on ne pouvait le dire ou le croire.

Ajoutez à cela que, même les précautions légales imaginées en

- ! 838 pour remédier à des abus possibles sinon à des abus com-

mis, ont tourné contre leur but en morcelant et en éparpillant

les responsabilités, et que, pratiquées avec une mollesse de plus

en plus croissante, elles n'ont pas tardé à tomber en désuétude.

Messieurs, l'opinion publique'ne montrera pas la même défiance,

la même susceptibilité pour le système de l'amendement, pour

un système qui ne laisse enfermés dans les asiles d'aliénés que

des sujets reconnus tels par une autorité compétente, par une

autorité triple, étrangère aux intérêts, par conséquent étrangère

aux calculs et par conséquent encore à toute suspicion ; pour un

SÉNAT. 119 9

système qui réunit dans le mandat du médecin inspecteur la pro-

tection des personnes aussi bien que la surveillance des malades;

pour un système enfin qui leur assure, pendant tout le temps de

leur internement, l'avantage d'une vigilance interrompue et d'un

bon vouloir efficace. (Approbation sur quelques bancs.) Interro-

gez-vous consciencieusement vous-mêmes et demandez-vous une

dernière fois ce que leur apportera de plus un tribunal siégeant

en chambre du conseil. (Bruit de conversations.)

M. LE Président. Veuillez faire un peu de silence, messieurs.

M. Combes. Mais, messieurs, pour qu'il leur apportât quelque

chose de plus, il faudrait que le projet de loi eût institué une

procédure distincte et indépendante de la procédure médicale; il

faudrait que le projet de loi cherchât dans une instruction, faite

à côté et en dehors de l'enquête médicale, des sources d'informa-

tion qui seraient pour cette enquête des moyens de vérification ;

il faudrait que les juges pussent, en un mot, opposer diagnostic

à diagnostic. La conception eût été certainement grotesque, mais,

en tout cas, elle eût été logique.

Vous figurez-vous sans rire des magistrats s'essayant aune étude

médicale sur un malheureux aliéné, et pouvez-vous vous repré-

senter, sans une certaine appréhension, un procureur delaRépu-

hiique comme il n'y en a pas aujourd'hui, mais comme il

pourrait en exister un jour un procureur de la République

téméraire ou juvénile, mû par un caprice, poussé par l'amour de

l'inconnu, par cet attrait d'une aventure insolite qui semble pro-

mettre quelque chose de piquant, et tentant par lui-même, sur un

aliéné quelconque, un examen grave et difficile, sans rapport

avec les connaissances de celui qui le fait et jamais sans danger

pour l'état moral de celui qui le subit ? Rien de tout cela n'existe

dans le projet de loi, fort heureusement, et je vous en félicite,

messieurs les membres de la commission. Vous avez évité l'odieux

ou le ridicule.

Mais alors, convenez de bonne grâce que vous ne gagnez rien à

maintenir l'intervention du pouvoir judiciaire. Au contraire, en

la maintenant vous risquez de jeter un peu de défaveur sur les

magistrats dont le vrai rôle pourra être méconnu, et vous risquez

aussi- ce qui vaut bien la peine d'être pris en considération

de blesser des sentiments respectables, les sentiments du corps

médical qui n'a jamais démérité, quoi qu'on ait pu dire, ni de

l'humanité, ni de la science, ni de la morale. (Approbation.)

Déjà, dans une séance de l'académie de médecine, on a émis

l'opinion que le médecin serait amoindri dans le cas où le juge

serait investi de la mission de déclarer si l'interné est ou n'est pas

aliéné.

Je tiens, pour ma part, les magistrats pour des hommes de

120 SÉNAT.

goût, surtout pour des hommes de tact et, sauf la partie

très spéciale de la physiologie où un des leurs s'est répandu en

observations pleines de finesse, je ne ferai pas l'injure de penser

qu'à l'imitation de nos commères de village ils se piqueraient de

médecine et opposeraient leur propre diagnostic aux rapports des

médecins.

Non, messieurs, je ne doute pas qu'ils n'acceptent avec défé-

rence et avec la ferme intention d'y souscrire, les vues consignées

dans ces rapports. Toujours est-il que, par l'adoption de l'article

et surtout parle rejet de l'amendement, vous leur supposeriez le

droit d'avoir une opinion propre et même une opinion contraire à

celle des hommes de l'art.

Or, messieurs, c'est toujours une chose fâcheuse, difficilement

conciliable avec la gravité naturelle du législateur, d'accorder à

des hommes une faculté quelconque, alors qu'ils ne sont libres

d'en user qu'en apparence. C'est mettre dans la loi la fiction à la

place de la réalité; c'est dégrader son caractère, c'est changer

l'oeuvre de ceux qui sont chargés de l'appliquer en une sorte d'o-

pération mécanique et fatale qui ôte quelque chose à la dignité de

leurs fonctions.

Oui, dans la situation ambiguë et embarrassante que leur fait

le projet de la commission, les magistrats se rangeront toujours

à l'avis du médecin. Mais, dans ce cas, et c'est le seul admissi-

ble, quelles garanties spéciales peuvent donc résulter de leur

intervention ? Ils enregistreront les décisions delà médecine. in-

compétents pour les contrôler, seront-ils plus compétents pour les

confirmer ?

Dans une matière où la simplicité des formes est d'autant plus

nécessaire et d'autant plus efficace qu'elle permet aux esprits in-

quiets et prévenus de démêler facilement et directement ce qui

importe, ce qui est au fond des désirs, je veux dire la certitude

d'un jugement éclairé et impartial, l'intervention sans compé-

tence des juges, substituée pour la circonstance à celle des méde-

cins, dérobe complètement à la vue, et par conséquent annihile

et déprime beaucoup trop l'intervention seule compétente de la

médecine mentale. (Très bien sur plusieurs bancs.) '

Il ne faut pas que l'opinion publique prenne le change, et elle

le prendrait au détriment de la vérité, dans le système du projet

de loi. Même dans ce système, de l'aveu de tout le monde, c'est

essentiellement le médecin aliéniste, le médecin inspecteur qui

décidera du sort des aliénés, car c'est lui qui dictera au juge sa

sentence, c'est lui qui jettera son avis, comme un poids décisif

dans la balance où la liberté de l'individu et son intérêt de ma-

lade, aussi bien que celui de la société seront mis en présence,

comparés et pesés. Voilà ce qu'il faut bien comprendre. Voilà, du

reste, ce que l'honorable rapporteur, organe de la commission,

SÉNAT. 1 U2 1

déclare expressément. C'est donc l'avis du médecin inspecteur qui

est le document capital dans la question.

J'en tire cet argument contre le système du projet de loi en

faveur de l'amendement, que toutes les formalités qui masquent

ce point diminuent à tort l'importance de ce document ; et comme

ce document est sans pareil sous le rapport des aptitudes, des

lumières, de la compétence, on nuit à son effet légitime, à la

confiance absolue qu'il doitiuspirer en le reléguant à un plan se-

condaire et en réservant tous les avantages de la perspective à des

actes de magistrat absolument dénués de toute valeur et qui n'en

acquièrent que par suite de l'existence et delà portée morale de

ce document.

En résumé, messieurs, le tort grave du système du projet de

loi est de mêler les juridictions et de confondre les compétences.

Il ne fait illusion qu'aux esprits inattentifs; il investit la magis-

trature d'un pouvoir emprunté, que, dans l'intérêt même do sa

considération, il faut éloigner d'elle.

Tous les fronts s'inclinent quand elle parle au nom du droit et

de la loi, parce qu'elle a reçu de l'ordre social le mandat de les

interpréter et qu'elle a préparé cette interprétation par des études

spéciales et préalables. Ses arrêts n'auraient pas la même force;

ils n'obtiendraient pas le même respect, si elle parlait au nom de

la science médicale, au nom d'une science qui n'a, pour elle, que

des secrets, au nom d'une science à laquelle elle ne peut s'asservir

sans déchoir, ni résister sans se discréditer. (Très bien ! sur plu-

sieurs bancs.) '

Voulez-vous maintenant, messieurs, passer avec moi de ces

aperçus un peu théoriques à quelques vues pratiques ? Voulez-

vous mettre ces idées à l'épreuve des faits ? Voyons ensemble à

l'oeuvre les tribunaux. Vous n'entendez pas, sans aucun doute,

qu'ils s'immiscent dans des points de fait médicaux, qu'ils s'en-

foncent dans les profondeurs laborieuses du diagnostic ? Quelle

sera donc leur attitude en présence de la médecine ? Voici d'abord

le procureur de la République obligé de requérir dans tous les cas

de placement d'aliénés. Songez, messieurs, qu'il ne s'agit ni d'une

contravention à poursuivre, ni d'un fait délictueux ou criminel à

qualifier, ni d'articles du code à appliquer. Il s'agit simplement

d'une folie à constater, d'un malade à interner. En l'espèce de

l'aveu de tout le monde, partisans comme adversaires de l'amen-

dement, c'est le médecin qui apprécie et qui décide. Le procureur

de la République doit se borner à prendre acte et à requérir,

c'est-à-dire à s'approprier les conclusions du rapport médical.

C'est là son rôle, son unique rôle. Je le demande : Ce rôle est-il

nécessaire, est-il digne du procureur ?

Non, messieurs, il n'est ni nécessaire ni digne. Il n'est pas né-

cessaire, parce que la réquisition du procureur de la République

122 '1) SÉNAT.

n'ajoute pas un atome à la valeur de la décision rendue par le

médecin; il n'est pas digne, parce qu'il rabaisse la majesté de la

justice personnifiée par ce magistrat aux proportions d'un commis

de greffe qui enregistre ou d'un expéditionnaire qui fait des

copies. (Approbation sur plusieurs bancs.)

M. DE GAVARDIE. Et tous les petits expéditionnaires seront mêlés

à ces graves questions, avec ce beau système-là !

M. Combes. Mais, messieurs, ce n'est pas seulement le procureur

de la République dont la personnalité morale est diminuée par le

genre de participation qui lui est dévolu d'après le projet de loi.

Que dire, encore une fois, de ces magistrats délibérant en cham-

bre du conseil, se réduisant, par conscience de leur incompétence,

à confirmer et à sanctionner les réquisitions écrites du procureur,

c'est-à-dire, en fait, le diagnostic des médecins ? Voilà donc les

chambres du conseil transformées, comme les parquets, en bu-

reau d'enregistrement. Car je n'imagine pas, je ne saurais trop le

redire, que vous attendiez des magistrats un examen pertinent

des pièces médicales.

Il ne manquerait plus, pour les achever dans l'opinion, que de

les poser légalement en disciples de Galieu ou en antagonistes des

maîtres de la médecine mentale. Ils ne sont et ne peuvent être

que des légistes, des organes du droit, des interprètes du code ;

c'est là leur terrain, c'est leur sphère d'action. Si vous les en dé-

placez, vous portez atteinte à leur autorité morale, vous imprimez

à leur caractère une indécision regrettable.

De deux choses l'une : ou bien vous les rapetissez, en subalter-

nisant leurs fonctions nouvelles, en ne leur donnant qu'à contre-

signer la prescription du médecin, ou bien vous dénaturez leur

rôle public; vous en faites des personnages à double aspect, mi-

partie juges et mi-partie médecins ; vous leur ôtez en autorité

morale beaucoup plus que vous ne leur conférez en pouvoir.

Dans le premier cas, vous multipliez inutilement les formalités

légales du placement des aliénés ; dans le second cas, vous ne

créez absolument qu'une fiction, qu'une illusion, sans honneur

vrai pour les magistrats, sans profit aucun pour la société et le

malade. (Très bien ! sur plusieurs bancs.)

Encore est-il nécessaire de faire observer que si l'intervention

du pouvoir judiciaire dans les cas de placement des aliénés mulli-

plieinulilement les formalités légales, elle ne les multiplie pas

impunément. Elle aboutit, par la force même des choses, à un

accroissement du nombre et des sièges des magistrats.

Il est certain qu'en exigeant, dans tous les cas de placement

d'aliénés, des réquisitions écrites du procureur de la République

et un jugement de la chambre du conseil, vous augmentez dans

des proportions considérables le travail des parquets et des tribu-

SÉNAT. d23

naux. Déjà le docteur Blanche, que l'académie de médecine avait

chargé de lui faire un rapport détaillé à ce sujet, avait sagement

entrevu et signalé les conséquences de ce système. La remarque

de M. Blanche s'appliquait, il est vrai, dans toute son étendue, au

projet de loi primitif. Elle avait paru si décisive et si convaincante,

que votre commission, pour en éluder la force, avait eu recours à

une combinaison artificielle.

Cette remarque frappe moins, j'en conviens, le nouveau projet,

mais elle n'en conserve pas moins une partie de sa force. N'est-ce

rien effectivement, comme emploi et comme perte de temps, que

ces réquisitions obligatoires des parquets ? N'est-il pas évident

que la loi les voudra aussi sérieuses, aussi bien étudiées qu'elles

peuvent l'être dans l'espèce, pour les rendre dignes le plus pos-

sible et du magistrat qui les présente et des magistrats qui les

reçoivent ?

Mais c'est surtout pour les tribunaux que la remarque du doc-

teur Blanche porte coup. N'oublions pas, messieurs, que la der-

nière loi sur la magistrature les a réduits partout au minimum

de membres nécessaire. Comment concilier leurs devoirs essen-

tiels et le temps que ces devoirs exigent, avec le nombre immense

de cas d'aliénation qui vont leur être soumis si vous adoptez les

dispositions du projet de loi ?

Pour le département de la Seine, M. le rapporteur estime à

3,000 environ les jugements qui seront rendus annuellement en

cette matière. Le même chiffre a été reproduit l'autre jour à la

tribune par M. Bardoux. Assurément, il faudra créer au tribunal

delà Seine plusieurs chambres du conseil pour s'occuper exclusi-

vement des aliénés.

Pour les autres départements, le même surcroit de besogne, la

même nécessité impérieuse d'accroître le nombre et les sièges

des magistrats se feront également sentir. D'après les statistiques

consignées dans le travail de l'honorable M. Roussel, le mouve-

ment annuel des entrées dans les hospices varie beaucoup de dé-

partement à département. En 1881, il a été dans le département

du Rhône de 691 ; dans les Bouches-du-Rhône, de 395 ; dans

l'Aisne, de 189 ; dans l'Ariège, de 90 ; et enfin, dans la Lozère, qui

est au bas de l'échelle, de 26 seulement.

Ainsi, l'accroissement de travail pour les tribunaux se répartira

d'une façon fort inégale sur les départements, et dans les dépar-

tements, sur les arrondissements. Les uns souffriront plus, les

autres moins de ce surcroit d'occupations. Pour quelques-uns,

comme la Lozère, la charge sera à peine sensible; pour d'autres,

comme le Rhône, elle sera très lourde. En somme, ce n'est pas

forcer les évaluations que de porter à 15,000 eu moyenne les en-

trées provisoires ou définitives dans les asiles qui auront lieu dans

une année. En 1877, elles ont été de 13,345; en 1878, de 13,434 ;

124 li SÉNAT.

en 1879, de 13,3 in; en 1880, de Ifi,â35; et enfin, en 1881, de

11,616. On peut prendre une moyenne; c'est celle que j'ai indi-

quée, 45,000 environ. Songez-y : 15,000 réquisitions écrites des

procureurs de la République, l,000 jugements des chambres du

conseil; et pourquoi tout cela ? Pour une formalité qui ne peut

être que vaine ou fâcheuse : vaine, si elle respecte les compéten-

ces ; fâcheuse, si elle altère dans l'opinion publique le caractère

des magistrats. (Très bien ! sur quelques bancs.) Ainsi, messieurs,

plus on pénètre dans le projet de loi, plus les objections et les

difficultés s'accumulent.

Dès qu'on écarte la solution la plus naturelle et la plus simple,

I,t question se complique d'inconvénients. C'est là un inconvé-

nient que d'accabler de travail certains parquets et certains tri-

bunaux ; c'est un autre inconvénient, à un autre point de vue, au

point de vue financier, que de ne pouvoir les soulager sans créer

de nouveaux sièges et sans accroître le personnel. On viole un

principe supérieur, le principe de la compétence, sans en retirer

aucun bénéfice, soit matériel, soit moral.

Messieurs, je soumets celte considération, qui me parait domi-

nante, aux réflexions du Sénat. Nous avons traité dans cette en-

ceinte des questions nombreuses, qui touchaient à des juridic-

tions diverses, et qui, par la multiplicité de ces points de contact,

provoquaient et expliquaient des divergences d'opinions.

En pareil cas, quelle a été la règle déterminante de nos juge-

ments ? A quel principe avons-nous ramené sans cesse la question

débattue ? N'est-ce pas à la compétence ? Et, pour généraliser,

qui niera que dans les questions complexes où plusieurs pouvoirs

se disputeront une attribution, c'est le seul pouvoir capable d'ar-

cuer d'une compétence incontestée qui demeure investi de l'attri-

bution douteuse ? Cette règle si sage s'applique également au cas

qui nous occupe. (Approbation sur plusieurs bancs.)

Permettez-moi de poser une dernière fois la question avec

netteté : elle sera résolue par cela même. Voici un homme

suspect qu'on propose d'enfermer : qui devra prononcer sur son

sort ? La magistrature ou la médecine ? La magistrature, s'il est

suspect de délit ou de crime; la médecine, s'il est suspect de ma-

ladie. Le partage des attributions est manifeste ; le sophiste le plus

hardi perdrait sa peine à le contester. Confier à la magistrature

l'examen d'un aliéné, c'est commettre la même erreur que de

transférer à la médecine la poursuite et le jugement d'un crimi-

nel. (Très bien ! ) On ne fortifie pas une juridiction en l'étendant

au delà de ses limites naturelles. C'est faire àla magistrature un

présent funeste que de l'introduire, par une exagération de ses

d roits, dans une matière qui échappe à son domaine propre. (Nou-

\eiie approbation sur quelques bancs.)

Et ce n'est pas la médecine seule qui proteste contre cet abus ;

BIBLIOGRAPHIE. 125

c'est le bon sens lui-même ; c'est aussi le principe supérieur qui

donne à l'idée de justice, que la magistrature représente, toute

son autorité ; c'est enfin, messieurs et je suis sûr que cette con-

sidération vous toucheral'intérêt de cette institution sociale

qui, pour être souverainement respectée, doit se montrer souve-

rainement respectable, et qui le serait beaucoup moins si, en sor-

tant, de sa compétence, comme le lui demande le piojet de loi,

elle se prêtait par faiblesse ou par ambition à des empiétements

sur les droits d'autrui. (Très bien ! très bien ! )

(A suivre.)

BIBLIOGRAPHIE

I. De l'épilepsie Jacksonnienne ; par le Dr E. Rolland.

Aux bureaux du Propres médical. Paris, 1888.

En proposant ce sujet de prix la Société de médecine et de chi-

rurgie de Bordeaux a eu une heureuse idée, car l'épilepsie partielle

n'avait pas encore de monographie et son histoire était éparse

jusqu'ici. Le mémoire de M. Rolland qu'elle a couronné comble

assez bien celte lacune. Après avoir rappelé les principales no-

tions d'anatomie et de physiologie cérébrales nécessaires pour

l'intelligence du sujet, l'auteur nous donne un historique complet

quoique rapide de la question, puis en arrive à la symptomatolo-

gie qui est traitée très en détail et dans laquelle il résume claire-

ment toutes les opinions et les travaux des auteurs, tant en

France qu'à l'étranger. Mais pourquoi, dans un travail où l'origi-

nalité n'a rien à avoir et où le but principal parait être de pré-

senter un tableau complet de la question, l'auteur met-il décote,

presque de parti pris, certains points dont l'importance est ce-

pendant considérable ? L'épilepsie hémiplégique, à laquelle sont

attachés les noms de Bravais, Lourneville et de sou élève

M. V'uillamier, constitue dans l'épilepsie partielle un classe à part

à physionomie propre, à évolution spéciale, et non moins intéres-

sant au point de vue anatomo-pathologique qu'au point de vue

clinique. Aussi ne comprenons-nous pas pourquoi l'auteur se con-

tente de la signaler seulement en passant, et n'y insiste même

pas quand il traite des variétés cliniques de l'épilepsie Jackson-

nieune. Son étude lui aurait peut-être permis de traiter d'une

façon plus complète la physiologie pathologique de l'épilepsie

partielle.

126 BIBLIOGRAPHIE.

Par contre le côté anatomo-palhologique est un des bons cha-

pitres et il renferme un tableau de 109 observations d'épilepsie

Jacksonmenne où les lésions sont mises en regard des symptômes

observés, et qui permet à l'auteur de conclure que les lésions

déterminantes de l'épilepsie partielle ne siègent pas nécessaire-

ment au niveau des centres moteurs correspondant aux muscles

exclusivement ou primitivement convulsés. Quant au traitement

on ne doit pas hésiter devant la trépanation quand le début des

convulsions est nettement déterminé. Travail utile à consulter en

somme et qui résume bien l'état actuel de la question. P. S.

II. Le somnambulisme provoqué; par Beaunis, professeur à la Faculté

de médecine de Nancy. J.-B. Baillière,Paris, 1886.

L'ouvrage comprend deux parties, la première physiologique,

la seconde psychologique. Dans l'une comme dans l'autre l'auteur

se mettant en quelque sorte en dehors de toute école, se borne à

nous rendre compte de ses expériences sur le somnambulisme

provoqué. Ce n'est donc pas là un livre dogmatique, mais une

étude originale, pleine de documents, dont la lecture est des plus

intéressantes. Beaucoup de points sont nouveaux, tels par exemple

que les recherches dynamométriques, sur l'acuité auditive, surle

temps de réaction des sensations auditives et tactiles pendant la

veille et le sommeil, qui tiennent la plus grande place dans la

partie physiologique. Mais il est regrettable que l'auteur ait com-

plètement omis de rapporter, ne fût-ce que pour les discuter s'il

le jugeait à propos, les résultats obtenus par l'école de la Salpê-

trière. Bien que différant un peu de ceux de l'école de Nancy ils

n'en sont pas moins réels et on doit en tenir compte, quelle que

soit l'interprétation qu'on veuille leur donner. Quant à la par-

tie psychologique, l'auteur en résume lui-même le but en disant

dans ses conclusions qu'il a voulu montrer combien l'hypnotisme

est utile pour la connaissance des fonctions intellectuelles et

comment il fournit aux philosophes ce qui leur manquait jus-

qu'ici, un procédé d'analyse des phénomènes de conscience et

une véritable méthode de psychologie expérimentale. On s'en

convainc facilement en lisant le grand nombre d'expériences in-

génieuses qu'a imaginées l'auteur pour l'étude des suggestions,

des hallucinations suggérées, de la spontanéité et de l'état men-

tal dans le somnambulisme provoqué. P. S.

Il[. Hypnotisme, double conscience et altération de la personnalité ;

par le D Azam, professeur à la Faculté de médecine de Ror-

deaux, avec une préface de M. le professeur Charcot. Chez

J.-B. liaillièi-e, Paris, 1887.

Ce livre est le résumé des études qu'a pu faire le Dr Azam sur

BIBLIOGRAPHIE. 127 -1

un sujet des plus intéressants, présentant ce qu'on a nommé le

dédoublement de la personnalité ou la double conscience et dont

l'histoire a fait beaucoup de bruit autrefois. L'observation de

Félida X... le sujet en question a été prise pour la première fois

en 1858 et suivie depuis cette époque. A cet égard elle présente

donc un intérêt considérable; mais elle a, en outre, un véritable

intérêt historique car à l'époque où M. Azam relatait ces faits, les

résultats de Braid n'avaient pas encore acquis droit de cité chez

nous comme aujourd'hui et il y avait presque du courage pour

un médecin à oser en soutenir la réalité. C'est à l'âge de quatorze

ans et demi que Félida X... a commencé à présenter les phéno-

mènes que nous rapporte le Dr Azam. Ces phénomènes, qui se

sont accompagnés d'accidents hystériques, doivent être ratta-

chés à l'hypnose hystérique. Sans cause le plus souvent Félida

tombait dans une profonde torpeur ressemblant au sommeil

et qui durait environ dix minutes. Au bout de ce temps elle se .

réveillait mais se trouvait alors dans un état second caractérisé

par de la gaieté, une plus grande activité. Dans son état ordi-

naire elle perd le souvenir de toutes ses périodes d'état second,

ce qui, on le comprend, trouble singulièrement son existence.

Son caractère devient en même temps sombre et triste. Ces pé-

riodes de condition seconde qui étaient d'abord très courtes ont

fini par égaler celles de l'état ordinaire, et enfin par les dépasser

et remplir presque toute l'existence. On ne peut regretter qu'une

chose dans cette consciencieuse observation, c'est que l'état soma-

tique dans les deux états de la personnalité n'ait pas été pris avec

le même soin que celui de l'esprit et de la mémoire, Le Dr Azam

cite plus brièvement un second cas analogue qu'il a été à même

d'observer chez un jeune homme pendant plusieurs années aussi,

et il termine par quelques considérations sur les altérations de la

personnalité dues à un état morbide des facultés intellectuelles

ou à des névroses dans lesquelles il rapporte succinctememt les cas

semblables actuellement connus. P. S.

IV. Le monde des rêves; par Max SIMON,. médecin en chef à l'asile

de Bron.2° édition. 1 vol. in-8°. Paris, J.-B. Baillière, 1888.

Si cet ouvrage n'en était à sa seconde édition on pourrait

craindre que son titre, qui ressemble plus à celui d'un roman,

qu'à celui d'un livre de science, lui fit du tort. Et cependant, dans

un sujet qui prête si facilement à des digressions plus fantaisistes

que positives, l'auteur a su au contraire se tenir constamment

sur le terrain de l'observation scientifique, sans chercher à don-

ner à tout prix une explication à des faits qui ne lui apparaissaient

pas clairement démontrés. Il cherche à montrer que le souvenir,

l'imagination, le rêve, l'hallucination, qu'on considère comme

128 BIBLIOGRAPHIE.

des étals distincts, ne présentent que des différences de degré et

se produisent presque par le même mécanisme. Il étudie en

même temps l'origine de nos rêves et leurs rapports avec notre

organisme. Il procède avec la même méthode d'observation rigou-

reuse dans l'étude de l'hallucination et de l'illusion et recherche

le mécanisme du somnambulisme et de l'hypnotisme. On est

tenté dans un pareil sujet de fournir des exemples personnels en

trop grand nombre. L'auteur a su éviter cet écueil, et quand il se

cite lui-même c'estpour chercher à éclairer ou à résoudre quelque

punit encore obscur pour lequel l'observation de soi-même dans

un but de recherches déterminé est souvent indispensable. Aussi

cet ouvrage, bien que venant après bien d'autres sur le même

sujet, ne fait-il pas double emploi avec eux et sera-t-il consulté

avec fruit par tous ceux qui s'occuperont de ces questions de psy-

chologie physiologique. P. S.

V. Contribution ci l'élude de la pathogénie deslYu·ltes péri7eériycces;

par Gnimoi)ji ? Th. Paris, 1887.

L'influence qu'exercent les lésions des nerfs périphériques sur

le développement de certaines affections, après avoir été longtemps

méconnue, acquiert actuellement une importance considérable

dans la neuro-pathologie. Après avoir attribué aux lésions cen-

trales seules la pathogénie des accidents nerveux, on considère

maintenant les lésions périphériques comme un facteur des plus

communs, à ce point qu'il semblerait qu'on tombe dans l'excès

contraire. Le travail de M. Grimodie tend à réagir contre cet

entraînement en essayant de démontrer la possibilité de rattacher

la plus grande partie des névrites périphériques, dites spontanées,

à une altération primitive des méninges spinales. Un premier

chapitre est consacré à l'historique de la question; les premiers

faits appartiennent à Dnplay et Morat, et c'est aux travaux tout

récents du docteur Déjerine et de l'école de la Salpêtrière que l'on

doit d'avoir mieux compris l'importance et la portée de cette

catégorie de lésions. Les travaux de WesLpliall, d'Erb, de Mayor,

de Ureschfeld, de Ballet, de Marie sont également cités; mais nous

sommes étonnés que l'auteur n'y ait pas fait mention des intéres-

santes publications de MM. Pitres et Vaillard. Le mode d'évolu-

tion anatomique et clinique des névrites périphériques fait l'objet

d'un second chapitre : les notions écologiques y sont exposées

avec soin, mais la partie clinique pure nous parait insuffisamment

traitée. Les névrites siégeraient le plus souvent aux membres

inférieurs, et n'entraîneraient pas comme conséquence nécessaire

des troubles notables dans les fonctions de motricité ou de sensi-

bilité : elles évolueraient d'ordinaire en trois périodes, l'une de

début caractérisée par la prédominance des troubles de sensibilité,

BIBLIOGRAPHIE. 123

l'autre d'état dans laquelle s'observent des troubles moteurs et

trophiques, la dernière s'accompagnant de parésie et d'atrophie.

Quant aux altérations anatomiques, on constate tantôt des lésions

des nerfs seuls, tantôt des lésions concomittantes des racines, et

des méninges rachidiennes, et ces divergences se rencontrent

dans des cas dans lesquels les conditions restent en apparence les

mêmes. L'auteur cherche, dans l'interprétation de quelques obser-

vations et d'expériences sur les animaux, la raison d'être de ces

divergences anatomiques et de ces différences cliniques. Les expé-

riences ont porté sur les sciatiques de cobayes et de lapins, et ont

d'abord consisté en divers traumatismes : élongation, écrasement

du nerf. Les animaux étaient sacrifiés à diverses périodes de

temps après l'opération. Après l'élongation, au début, on observe

de la névrite (parenchymateuse) périphérique étendue à presque

toute la longueur du nerf; au bout d'une quinzaine de jours la

restauration commence à s'effectuer à partir du bout central,

finalement la névrite reste confinée aux extrémités. D'autres

expériences ont ensuite consisté en la ligature du nerf, et l'injec-

tion dans sa continuité de poudre de lycopode et d'huile de croton.

Les résultats les plus intéressants sont fournis par l'injection de

la solution au centième d'huile de croton dans la gaine du nerf,

à la dose de deux ou trois gouttes. Les troubles parésiques, sensi-

tifs et trophiques apparaissent très rapidement. Il se produit une

névrite ascendante et bientôt une myélite légère. Ce qu'on doit

retenir de ces expériences, c'est surtout le fait de la régénération,

par suite duquel souvent la lésion primitive a disparu alors que ses

conséquences sont encore manifestes. Les observations indiquent

la coexistence de lésions médullaires représentées par de la ménin-

gite et de la névrite radiculaire postérieure ou antérieure, avec

les névrites périphériques. On s'expliquerait ainsi la possibilité

dans ces cas de troubles sensitifs ou moteurs indépendants, suivant

que les racines antérieures ou postérieures sont atteintes; on

comprendrait également le mode d'évolution des névrites ; enfin

la possibilité de la restauration de la lésion primitive permettrait

de concevoir qu'on observe l'intégrité des racines dans certains

cas, cette réparation suit les lois de la dégénérescence vallérienne.

En somme, l'auteur conclut que les névrites dites spontanées

ne sont point indépendantes de toute lésion des centres, mais

peuvent être rattachées dans la plupart des cas à une méningite et

à la névrite radiculaire postérieure, puis antérieure qui en est la

conséquence. Paul 13LOCQ.

VI. Le Corps et l'Esprit. Attioet du moral et de l'iiiiagiiiotion

sur le physique ; par Hacn Tuke.

Ce livre dont M. Parant nous donne la traduction date de 1872

Archives, t. XVI. 9

130 BIBLIOGRAPHIE.

et a eu déjà les honneurs de la seconde édition en Angleterre.

.C'est en majeure partie un recueil de faits anciens ou modernes,

rapportés soit par des savants, des médecins, soit par des histo-

riens, et souvent même seulement par des personnages dignes de

foi et destinés à montrer les effets que peut produire l'esprit sur

le corps. Pour Hack Tuke l'esprit comprend trois éléments : l'in-

telligence, l'émotion et la volonté. L'auteur examine successive-

ment l'influence que peut exercer chacun de ces trois états sur le

corps, c'est-à-dire sur les sensations, les mouvements et les fonc-

tions organiques, les sens spéciaux étant compris dans cette der-

nière catégorie. Il montre comment ces différents éléments, intel-

ligence, émotion, volonté, produisent tantôt l'hyperesthésie, tantôt

l'anesthésie, tantôt des perversions ou de la douleur; leurs rap-

ports avec les muscles volontaires qui, suivant le cas, se contrac-

tent ou se relâchent régulièrement, ou d'autres fois se contractent

..en produisant des spasmes, des convulsions, ou au contraire sont

paralysés. Même étude pour les muscles involontaires et pour les

.diverses fonctions organiques. A l'appui de ce qu'il avance, il rap-

porte une foule de faits plus ou moins scientifiques mais toujours

intéressants et qui ont dû demander un travail considérable pour

être rassemblés d'abord et être classés ensuite. Il était naturel de

songer à utiliser cette influence de l'esprit sur le corps dans le

traitement des affections nerveuses et même des affections orga-

niques. La quatrième partie de l'ouvrage est toute d'actualité,

car elle traite de la psychothérapeutique. Ce ne sont pas les

pages les moins intéressantes et les moins instructives, remplies

qu'elles sont de préceptes utiles au médecin dans ses rapports

avec le malade. L'auteur conseille d'employer le braidisme

dans beaucoup de cas, même dans les maladies organiques, et

professe un scepticisme légèrement ironique à l'endroit de la

thérapeutique médicamenteuse qui est plus d'une fois justifié.

P. S.

Vil. Etiologie des Psychoses; par P. RiBAUX. Thèse de Bâle, 4887.

, Paris, Henri Jouve, éditeur.

La nature toute hypothétique de l'étiologie des psychoses est

prouvée par le grand nombre de causes que les auteurs se sont

adonnés à rechercher pour les expliquer. Dans la lésion des cellules

cérébrales doit certainement résider toute l'expression de la ma-

ladie. Mais quelle est cette lésion ? - Les différents facteurs jouant

un rôle dans l'étiologie sont divisés en causes internes et causes

externes, qui se subdivisent elles-mêmes en causes primaires et

causes occasionnelles.

En psychiatrie, cette étude est environnée de difficultés; tel

BIBLIOGRAPHIE. 131

moment étiologique qui, dans un 1 cas est occasionnel, dans un

autre deviendra primaire etvice-versâ. Et il est parfois très difficile e

d'attribuer à chacun d'entre eux leur valeur réelle. D'autre part,

ce n'est pas une seule cause qui agit, elles sont nombreuses ; il y a

donc cumulation. Enfin avec les individus, les causes agissent d'une

façon plus ou moins différente. C'est ainsi que telle émotion

morale influera sur l'un et développera en lui des troubles men-

taux, tandis qu'un autre pourra réagir.

L'auteur divise les causes en : 1 ° prédisposition ; 2° moments.

étiologiques généraux ; 3° moments étiologiques individuels.

4 Prédisposition. Le cerveau plus développé des hommes civilisés

est, par son exercice même, prédisposé à contracter des maladies,

d'autant plus,si lasommed'aliments réparateursnerépond pas à la

somme de travail fournie. Il doit y avoir une prédisposition de la

cellule cérébrale à être lésée et les troubles psychiques ne se mani-

festent que chez l'adulte, alors qu'il n'y aplus, comme chez l'enfant,

de cellules à l'état de formation, qui contrebalancent l'influence

néfaste des cellules malades. C'est dans les villes que la pro-

portion des aliénés est plus grande; enfin, un grand nombre

d'individus, originaux, bizarres, nerveux, peuvent dans des cir-

constances données, devenir de véritables aliénés.

2o Moments étiologiques généraux. Dans la statistique du Dr Ri-

baux qui porte sur 1309 cas, on remarque, au point de vue du

sexe, que ce chiffre comporte 775 hommes et 534 femmes. L'âge

comportant le plus de cas est celui de trente à quarante ans, puis

de quarante à cinquante, enfin de cinquante à soixante. Chez les

femmes, c'est surtout de trente-six à quarante. Parmi les

métiers, on voit l'aliénation plus fréquente chez les artisans et les

femmes de ménage (<42), puis chez les journaliers (139) et les

ouvriers de fabrique (88). Parmi les religions, on trouve les juifs

plus prédisposés, puis les protestants, enfin les catholiques en

dernière ligne.

3° Moments étiologiques individuels. La principale de ces causes

est l'Hérédité. L'hérédité directe a été constatée chez 59,4 p. 400

des hommes et 64,15 p. 400 des femmes. L'hérédité indirecte,

4 6,7 p. 100. L'hérédité paternelle domine, surtout pour les fils.

Toutefois, en retranchant les cas d'alcoolisme chez le père, on

trouve Une prédominance chez la mère. Le nervosisme constitue

une prédisposition des plus fréquentes (6,32 p. 400).

Il reste à examiner un certain nombre de causes prédisposantes.

L'auteur nous montre comment certaines causes, qui lorsqu'elles

sont permanentes sont des causes prédisposantes, mais qui, si elles

se produisent subitement, deviennent de véritables causes occa-

sionnelles : l'alcoolisme chronique, l'alcoolisme aigu. Ces causes

se divisent en causes psychiques et causes somatiques. Parmi les

132 BIBLIOGRAPHIE.

premiers, on trouve comme plus influents, les chagrins, les soucis

(24,21 p. 4 00), les travaux intellectuels exagérés (24 p. 100).

Les Causes Somatiques sont bien nombreuses. Parmi elles, chez

la femme surtout, on voit les causes physiologiques (puberté,

grossesse, lactation, etc.) présenter une fréquence de 30, î5 p, 100.

La mauvaisenourriture, lamisère (4,9 p. 100)la fatigue ( ? 42 p 100)

et surtout l'onanisme et les excès sexuels (8 p. 100) sont, on le

voit, des causes qu'il faut mentionner.

Les intoxications aiguës ont une proportion très faible, mais

les empoisonnements chroniques et, en premier lieu, l'alcoolis-

me fournit un chiffre de (32,33 p. 400 avec une proportion de

5 ? 68 p. 100 chez les hommes. Parmi les affections cérébrales,

l'auteur a trouvé 17 cas d'affections des méninges, et 5,6 p. 100

de blessures de tête.

Les affections de l'organe de l'ouïe donnent un chiffre de

1,22 p. 100 ; l'érysipèle de la face et du cuir chevelu un chiffre de

1,32 p. 400.

Parmi les affections nerveuses antérieures, nous trouvons l'épi-

lepsie avec une proportion de 10,89 p. 100, l'hystérie avec une de

9,13 p. 100 dont 19,03 p.100 chez les femmes. Les lésions du coeur

et du poumon présentent un chiffre de l 87 p. 100, les troubles

digestifs celui de ? ,91 p. 100, enfin, ceux de l'appareil génilo-

urinaire 0,98 p. 400 chez les hommes, 6,27 chez les femmes.

Le rhumatisme articulaire a été observé 24 fois, les phlegmons

et les phlébites 7 fois. Nous trouvons une proportion de ,5î p. 10 1

pour la fièvre typhoïde, et pour les autres affections générales

de : 0,91 p. 100. Parmi les maladies chroniques constitutionnelles,

la chlorose et l'anémie offrent un chiffre de 7,99 p. 100, dont

13,60 p. 100 pour les femmes, la tuberculose un de : 6,32 p. 400 ;

et la syphilis 4,20 chez les hommes.

En additionnant le nombre des causes réparties dans cette statis-

tique, on voit que 397 causes psychiques et 1748 causes somatiques

sont incriminées. Les dernières ont donc, dit l'auteur, une influence

bien plus considérable sur le développement des psychoses que

les premières. Il est bon toutefois de se rendre compte, que

beaucoup de moments étiologiques énumérés dans cette étude

n'ont peut-être pas influé sur la production des maladies men-

tales, et qu'elles sont, pour ainsi dire, noyées au milieu d'autres

causes, celles-là vraiment actives. A. RAOULT.

VIII. Contribution à l'étude de la maladie cdel3asedow;

par M. Sainte-Marie. Th. Paris, 1880.

M. Sainte-Marie a observé deux malades atteintes de la maladie

de Basedow, dont l'une était en même temps affectée de scléro-

BIBLIOGRAPHIE. 133

dermie et l'autre était porteuse d'un pseudo-lipome sus-clavicu-

laire. Sont-ce, comme il le prétend, des symptômes possibles de

la maladie ? Il est permis d'en douter et de ne voir là qu'une

coïncidence, ou même une association, qui n'a rien qui doive éton-

ner. L'auteur donne avec ces observations un résumé des formes

frustes dont les éléments sont puisés dans le travail de M. Marie,

auquel il n'ajoute rien. P. B.

IX. Essai sur les amnésies toxiques ; par CàcàRRiÉ.

' Tti. Paris, 1887.

Dans ce travail inspiré par le Pr Bail, l'auteur se propose d'étu-

dier les troubles de la mémoire d'origine toxique en eux-mêmes

et quant aux rapports qu'ils affectent avec d'autres troubles psy-

chiques. Tout d'abord les amnésies toxiques formeraient un groupe

nosologique bien distinct, à caractères étiologiques et cliniques spé-

ciaux. L'amnésie toxique est précédée d'hypermnésie, a une forme

progressive et s'arrête lorsque l'intoxication cesse; elle s'accom-

pagne enfin de troubles psychiques : affaiblissement de l'attention et

de la volonté. Ceci dit pour les amnésies toxiques en général, l'au-

teur s'occupe des amnésies toxiques en particulier. A ce point de

vue une division s'impose tout d'abord ; les amnésies sont dues à des

toxiques végétaux ou minéraux; dans ce dernier cas on n'observe

pas d'hypermnésie. Les divers poisons sont ensuite passés en

revue. Le plomb amène une amnésie grave, le mercure un alfai-

blissement progressif de la mémoire, le sulfure de carbone une

amnésie peu intense, l'oxyde de carbone une amnésie accidentelle,

la nilro-benzine un peu d'affaiblissement de la mémoire. Le tabac

produit peu d'excitation et peu d'amnésie , l'alcoolisme aigu déter-

mine une amnésie complète temporaire, l'alcoolisme chronique

amène un affaiblissement progressif. Il n'y a, comme on le voit

par ce court aperçu, rien que de banal dans ce travail, si l'on en

excepte quelques observationsintéressantes dontl'auteur ne semble

pas avoir su tirer parti. P. B.

X. De l'asphyxie locale des extrémités envisagée comme symptôme;

par F. Bourrelly. Th. Paris, 1887.

La maladie de Raynaud ne serait pas une affection spéciale,

mais un syndrome reconnaissant plusieurs origines; telle est la

tlièsesuutenueparAl. Bourelly. Il existerait cependant une asphyxie

locale, idiopathique, rare il est vrai, et qu'on pourrait appeler

constitutionnelle. Mais le plus souvent on observe le complexus au

cours de diverses affections : l'uupaludisme, la glycosurie, le mal

134 BIBLIOGRAPHIE.

de Bright, l'artério-sclérose, les cardiopathies, le rhumatisme.

Cette opinion ne s'appuie sur d'autres preuves que : l'apparition

de l'asphyxie locale des extrémités pendant la durée de l'une de

ces maladies. Sans vouloir ici discuter ces conclusions, il nous

paraît que la seule affirmation de M. Bourelly ne saurait trancher

la question, P. B.

XI. Traumatisme et Neuropathie ; par M. C. Bataille.

Th. Paris, 1887.

S'il est une question intéressante en neuro-pathologie, c'est à

coup sûr celle des rapports que peuvent avoir les maladies du

système nerveux avec le traumatisme. Les récents travaux de

M. Charcot sur l'hystéro-traumatisme, lui donnent un regain d'ac-

tualité, qui n'a pas peu contribué à diriger dans cette voie

nombre d'observateurs. La thèse de M. Bataille a particulière-

ment en vue de chercher à déterminer le rôle du traumatisme

dans la genèse des maladies nerveuses; toutefois, l'auteur étudie

aussi l'influence des névropathies sur les opérations. Dans les faits

de paralysie générale, l'étude minutieuse des antécédents montre

que les coups sur la tête, qu'on retrouve souvent au début de cette

affection, ont seulement mis en jeu une prédisposition héréditaire

latente. Il existe un assez grand nombre de cas d'ataxie loco-

motrice qu'on a vus se développer peu de temps après un trauma-

tisme, entre autres ceux de Horn, Leyden, Charcot, Lockart-

Clarke, L. il. Petit, Straus. Le rôle du traumatisme est réel car

les premiers symptômes ont suivi sans interruption; toutefois il

s'est toujours agi d'hommes âgés de quarante à cinquante ans, de

plus la marche de la maladie a affecté son allure habituelle, en

sorte qu'il semble qu'ici aussi le traumatisme n'a fait qu'éveiller

la prédisposition spéciale héréditaire existant suivant une règle

presque absolue chez les tdbétiques. On'a vu, rarement à la

vérité, la paralysie agitante débuter à la suite de traumatismes

légers ; mais dans les cas où les antécédents ont été nolés, il n'est

pas douteux que, dans ce cas aussi, l'unique cause est l'hérédité.

Il en serait de même de la chorée dont il existe quelques exemples

consécutifs à un traumatisme. L'origine traumatique de l'épi-

lepsie a été soutenue par quelques auteurs, notamment par Dela-

siauve ; de plus, M. Brown-Sequart a pu déterminer expérimentale-

ment des atiaques épileptiques par des excitations périphériques,

peu comparables à la vérité aux traumatismes qui ont provoqué

l'épilepsie, mais ces résultats n'en ont pas moins été invoqués à

l'appui de la première opinion. Oc la majorité des observations

relatent que l'épilepsie s'est déclarée après une chute, et comme

l'attaque elle-même produit souvent une chute brusque, on peut

.se demander si la chute prétendue causale n'a pas été un simple

BIBLIOGRAPHIE. 138

effet ; de plus les observations dans lesquelles le mal comitial est

apparu longtemps après le trauma sont aussi peu concluantes. il

ne reste plus dès lors que peu d'observations, et dans quelques-

unes le rôle de la prédisposition nerveuse est évident; aussi, là

encore, l'influence du traumatisme est seulement occasionnelle :

ainsi en serait-il encore de l'éclampsie puerpérale. '

Pour ce qui est de l'hystérie, l'auteur se contente de rappeler les

remarquables leçons de M. le professeur Cliarcot sur l'hysléro-

traumatisme, dans lesquelles est manifestement démontré le rôle

de la prédisposition nerveuse des sujets, tant pour la production

des contractures et des arthralgies, que pour celle des paralysies.

C'est aussi dans un nervosisme antérieur qu'on devrait cher-

cher la raison d'être de ces phénomènes nerveux consécutifs à des

traumatismes portant sur le thorax, qui ont été réunis sous le

nom d'hémiplégie et d'épilepsie pleurétiques.

Quant aux paraplégies utérines et urinaires, s'il n'est pas dé-

montré qu'elles relèvent d'un état névropathique antérieur, la

chose est bien probable. Les faits d'amnésie traumatique sont

peut-être moins simples à élucider, toutefois on peut penser qu'ils

se rapportent fréquemment à l'amnésie provoquée par une attaque

épileptique dont la chute a été faussement interprétée. Lesnévral-

gies traumatiques seraient, la plupart du temps, hystériques.

Mais où l'auteur, qui nous paraît déjà peu prudent, dans son inter-

prétation des paraplégies urinaires, nous semble entraîné par

une généralisation à outrance, c'est quand il donne au tétanos,

pour cause, la prédisposition nerveuse, alors qu'actuellement, la

nature infectieuse de cette maladie est de plus en plus démon-

trée. Lors d'aliénation mentale, il s'agit toujours de la même pié-

disposition héréditaire.

La seconde partie de ce travail, examine diverses autres ques-

tions, en voici les conclusions : il n'y a que les maladies ner-

veuses capables de provoquer des troubles trophiques, telles que

l'ataxie locomotrice, la paralysie générale qui peuvent avoir une

influence fâcheuse sur l'évolution des lésions traumatiques. Le

traumatisme peut avoir une taction funeste sur la marche de la

névropathie. La névropathie ne peut pas être considérée d'une

façon absolue, comme une contre-indication opératoire. Quand

la névropathie apparaît chez un individu qui a des antécédents,

le rôle du traumatisme semble être celui d'un excitant qui met

en action un état diathétique. Il peut être comparé au rôle de la

fièvre, de l'émotion, de la lésion viscérale que l'on constate quel-

quefois à l'origine de la névropathie. La doctrine, suivant la-

quelle l'étiologie des maladies nerveuses est dominée par les lois

de l'hérédité ou, plus généralement, par les lois de la dégénéres-

cence, reste donc entière. Paul BLOCQ.

136 BIBLIOGRAPHIE.

XII. Considérations sur quelques points de la paralysie générale;

par Grégoire. Th. Paris, 1883.

L'auteur parait s'être proposé dans ce travail de mettre un peu

d'ordre et de lumière dans les différentes opinions qui régnent

sur la paralysie générale, et particulièrement sur ses modes de

début, sur la paralysie générale d'origine syphilitique et la folie

congestive paralytique, sur ses rémissions et enfin sur son anatomie

pathologique, qui forment les quatre parties de sa thèse. Le but

est en partie atteint en ce qui concerne les ouvrages français et

classiques, et l'auteur a groupé avec assez de clarté les déductions

qui ressortent des observations et des travaux des auteurs. Quoi-

que aucune idée originale et nouvelle ne rehausse ce travail, dont

les observations même sont empruntées presque toutes, sauf trois

ou quatre, à des auteurs connus, il aurait encore sa valeur si la

bibliographie avait été plus complète, et particulièrement en ce

qui concerne les nombreux travaux publiés dans ces dernières

années à l'étranger sur ce sujet. Pour l'anatomie pathologique

c'est là une lacune considérable, et il aurait été cependant fort

intéressant de préciser l'état actuel de la science sur ce point si

contesté, et encore si plein d'obscurités. Mais le peu que l'auteur

cite remonte déjà à une date assez éloignée. P. S.

XIII. Contribution à l'étude de la maladie de Parkinson. (De quelques

formes anormales); par LACOSTE. Th., Paris, 1887.

M. Charcot a fait connaître l'existence de quelques variétés de

maladie de Parkinson s'écartant du type classique; c'est à la

description de ces formes qu'est consacré la thèse de M. Lacoste,

qui contient en outre une étude assez intéressante du masque

park-i71son211cit. La maladie de Parkinson adopte fréquemment le

mode hémiplégique, et peut simuler l'hémiplégie par lésion du

cerveau ; les indications du diagnostic différentiel sont tirées dans

ces cas de l'évolution de la maladie et de l'absence de paralysie.

Une forme très particulière est constituée par la maladie de Par-

kinson sans tremblement, dont l'auteur a observé un cas tout à

fait caractéristique. La rigidité musculaire est alors le seul signe

de la paralysie agitante, signe suffisant pour les particularités spé-

ciales qu'il offre, pour permettre d'affirmer la nature de la ma-

ladie. Le faciès parkinsonnien présente une expression d'attention

mélangée d'étonnement, si on l'interprète physiologiquement.

Paul BLOCS.

VARIA

LES aliénés dans les hôpitaux ET hospices DE province.

Instruction ministérielle. RÉFLEXIONS.

Au mois de juillet 1887, nous avons publié dans ce recueil (n° 40,

p. 172) une note dans laquelle nous signalions la situation déplo-

rahle qui était faite aux aliénés dans les horribles cabanons des

hôpitaux et hospices de province. Nous blâmions le séjour prolongé

des aliénés dans ces cabanons-cachots; nous demandions au

ministre de l'intérieur d'exiger de ses préfets et sous-préfets le

transfert immédiat des malades à l'asile départemental; enfin,

nous réclamions la transformation des cabanons en chambres ou

cellules convenablement disposées et ne rappelant plus en rien

l'emprisonnement. Nous avons adressé le numéro des Archives au

ministre de l'intérieur d'alors , M. Fallières et à M. Monod, direc-

teur de l'Assistance publique au même ministère. Un mois après,

la circulaire suivante, que nous avons omis de publier en son

temps, a été adressée aux préfets.

ce Paris, le 1" août 1887.

« Monsieur le préfet, l'article 4 de la loi du 30 juin 1838, vous

impose l'obligation de visiter périodiquement les établissements

publics ou privés, consacrés aux aliénés.

« J'attache une grande importance à l'accomplissement de cette

formalité légale, et j'insiste auprès de vous, d'une manière toute

spéciale, pour que vous vous y conformiez exactement. Plus vos

visites seront fréquentes, plus sûrement sera atteint le but qu'a eu

en vue le législateur en les prescrivant. Aussi me semble-t-il in-

dispensable que vous en fassiez une au moins chaque trimestre.

Pour que ces visites soient utiles, il importe qu'elles aient lieu à

l'improviste. Je désire, d'autre part, que vous ne déléguiez à per-

sonne le soin d'y procéder en votre lieu et place.

« Vous en profiterez pour constateras conditions dans lesquelles

setrouventles malades ; vous recommanderez au directeur de vous

signaler ceux qui sollicitent leur sortie de l'établissement. Afin

d'écouler leurs réclamations, vous vous ferez fournir par le mé-

decin toutes les indications qui vous seront utiles pour vous ren-

seigner sur leur état, et, dans le cas où quelque doute subsisterait

138 VARIA.

dans votre esprit sur la nécessité de leur maintien en traitement,

vous ne devriez pas hésiter à prescrire une enquête médicale.

« Vous rappellerez, d'ailleurs, en tant que de besoin, aux méde-

cins, que les douches ne doivent être prescrites que pour le trai-

tement des malades et qu'ils doivent rigoureusement s'abstenir de

les employer comme moyen de punition.

« Après chaque visite, vous m'adresserez un rapport dans lequel

vous me rendrez compte de la tenue générale de l'établissement,

des soins donnés aux malades et du résultat des enquêtes que

vous auriez cru devoir ordonner à l'égard de tel ou tel malade.

« Il me parait également indispensable d'appeler votre attention

sur les mesures prises dans certains cas à l'égard des malades pla-

cés en observation dans les hospices. Je me réserve de vous adres-

ser, s'il y a lieu, des recommandations spéciales au point de vue

des conditions d'installation des cellules qui leur sont affectées ;

mais, dès aujourd'hui, je crois devoir vous signaler un mode de

procéder regrettable, qui m'a été indiqué comme se pratiquant

dans certains départements. Les malades seraient parfois transférés

d'un hospice dans un autre, avant d'être définitivement placés

dans un asile spécial. Or, ces changements qui peuvent ne pas

être sans inconvénient, ne présentent tout au moins aucun avan-

tage et vous ne devez les tolérer que pour des raisons tout ex-

ceptionnelles. ,

. « La question de la durée de la mise en observation est digne

aussi de toute votre sollicitude. -Il faut évidemment qu'elle soit

suffisante pour permettre de constater l'état de celui qui est l'ob-

jet de la mesure, mais il importe, d'un autre côté, qu'elle ne se

prolonge pas, dès qu'une affection mentale est reconnue afin que

celui qui en estatteint reçoive sans larder tous les soins que ré-

clame son état et qu'il ne saurait trouver ailleurs qu'à l'Asile même.

« Je vous recommande de ne pas perdre de vue les instructions

contenues dans la présente circulaire, dont vous voudrez bien

m'accuser réception. Recevez, monsieur le préfet, l'assurance

de ma considération la plus distinguée. Le ministre de l'iîlté-

rieur, A. Fallières. »

Les visites trimestrielles prescrites aux préfets, ont-elles lieu ?

Nous en doutons. Les rapports réclamés sont-ils envoyés ? Nous

l'ignorons. Mais ce que nous savons, c'est que les «recommanda-

tions spéciales au point de vue des conditions d'installation des

cellules » et de la « durée de la mise en observation » ne parais-

pas avoir été suivies. Voici, en effet, ce que nous avons vu à la fin

de septembre dernier.

. 1° A l'hôpital Sainte-Marie d'Angers, il y a trois loges suffisam-

ment vastes et à proximité du bâtiment des épileptiques et idiots

et par conséquent assez bien surveillées.

VARIA. 139

2° A l'Hôtel-Dieu de Cholet, les cabanons sont situés dans les

communs, au fond d'une basse-cour, à une grande distance de

toute surveillance. Les cabanons sont séparés de la basse-cour par

un vestibule servant de dépôt à toutes sortes de vieux objets, pa-

niers, harnais, etc. ; la porte des cabanons, pourvue de verrous,

est percée d'un judas. Au-dessus de la porte, il y a une fenêtre

sans carreaux, munie de barreaux quadrillés. Il n'y a pas de chauf-

fage. « Ces cabanons sont hideux », nous dit la religieuse qui nous

accompagnait et c'est hélas trop vrai ! Les malades y sont laissés

deux, quatre, huit, quinze jours, ordinairement de huit à quinze

jours.

3° A l'hôpital Saint-Charles de Bressuire, il y a deux cabanons,

situés dans une cour tout à fait isolée et loin de l'hôpital. Ils n'ont

qu'un jour très exigu placé en haut, près du plafond. On passe la

nourriture aux malades par un trou de 30 à 35 centimètres sur

25 à 30 cent. et fermant en dehors. Les malades n'y resteraient

que deux ou trois jours. -

5° A l'hôpital civil de Rochefort, les deux cabanons sont placés

au fond de la cour de la buanderie, auprès de la salle d'autopsie,

et dans des conditions tout à fait défectueuses. On n'y garde les

aliénés qu'un jour ou deux.

6° A l'hôpital de Saumur, les six cabanons occupent un petit

bâtiment, contigu au service des morts et à peu de distance de

l'une des salles. Us donnent sur un couloir en avant et en arrière.

Ils sont éclairés par une ouverture au-dessus de la porte et, d'ail-

leurs mal aménagés. Les aliénés y restent quelquefois un mois.

Nous y avons vu (28 septembre 1887) un vieillard qui y avait été

transféré d'une des salles de l'hospice et qui attendait depuis

quinze jours, l'accomplissement des formalités, afin de pouvoir être

dirigé sur l'asile de Sainte-Gemme. Ce malheureux, qui paraissait

un dément, inotfensif et dont l'indigence était connue, puisqu'il

appartenait à l'hospice, aurait dû être dirigé directement, de son

dortoir à l'asile. C'est l'infirmier d'une des salles voisines qui ap-

porte la nourriture aux malades des cabanons.

7° A l'hôpital de Chartres, seulement, nous avons trouvé de

véritables chambres d'isolement, placées dans l'intérieur même de

l'hôpital et permettant au moins de surveiller à peu près les ma-

lades.

On pourrait nous objecter que la circulaire ministérielle n'avait

pu produire encore d'effet, bien que, dans aucun des établisse-

ments dont nous venons de parler, on n'ait fait la moindre allusion

à la circulaire ministérielle qui semblait tout à fait inconnue. Eh !

bien, tout récemment, c'est-à-dire le 28 avril 1888, voici ce que

nous avons vu dans le grand hôpital Saint-André, de Bordeaux.

140 VARIA.

8° Les quatre cabanons sont situés dans un rez-de-chaussée hu-

mide, à peine éclairés, ne recevant d'air que par un petitgrillage,

situé au niveau du sol ; les lits fixes sont pourvus de barreaux ; il

existe un grillage à la porte et des potences dans le couloir qui

sert de vestibule, autant de moyens de pendaison à la disposition

des malades. Le jour de notre visite, il y avait un homme dans

le cabanon n° 2 et une femme dans le cabanon n° 4. Lorsqu'il y

a un cabanon libre, un infirmier y couche, dit-on, qu'il y ait ou

non des femmes. Si les quatre cabanons sont occupés, ce qui

arrive assez souvent, il n'y a, la nuit, ni infirmier ni infirmière.

Lorsqu'il y a cinq ou six malades, ce qui se produit parfois, on

place des lits dans le couloir-vestibule. Nous avons rarement vu

une situation aussi déplorable à tous les points de vue : mauvaise

disposition matérielle, absence d'air, de lumière, chauffage défec-

tueux, mélange des sexes, absence de surveillance, etc. Les pires

criminels ne peuvent être plus mal traités.

Cependant, il n'y aurait que demi-mal si les malades ne fai-

saient que passer dans ces cabanons sordides, bien faits pour

aggraver leur situation et, pour prolonger leur séjour ultérieur

dans l'asile et augmenter les dépenses. Or, ce n'est qu'ex-

ceptionnellement qu'ils y restent deux, trois et quatre jours;

en général, ils y séjournent huit, dix, douze jours et quelquefois

davantage. Cela tient aux lenteurs administratives. La préfecture

veut savoir si la famille ou la commune paieront, si le malade est

ou non dangereux, questions qui paraissent plus importantes que

la question d'assistance, que la question d'humanité. Il serait beau-

coup plus simple et beaucoup plus digne, d'administrateurs

vraiment républicains, de placer les malades dans l'asile, situé à

quelques centaines de mètres de l'hôpital. Nous insistons de nou-

veau auprès de M. le ministre de l'intérieur, pour qu'il se fasse

renseigner d'urgence sur les conditions matérielles des cabanons

de tous les hôpitaux et hospices de province, pour qu'il exige des

tranformations radicales de. ces cachots et surtout pour que les

malades soient dirigés immédiatement, ou au moins dans les

vingt-quatre heures, sur les asiles du département. C'est là une

léforme qui peut être réalisée en quelques jours, réforme mo-

deste, il est vrai, mais qui rendrait d'incontestables services à un

grand nombre de malheureux. BOUIIiLViLLE.

Circulaire du ministre DE l'intérieur sur la transmission des

plaintes et des réclamations DES aliénés.

. Paris, le ler décembre 1887.

« Monsieur le préfet,

« M. le garde des Sceaux m'informe qu'il est parvenu à son dé-

VARIA. l'il 1

parlement une plainte formulée par un aliéné, en marge de

laquelle se trouvait une annotation du médecin de l'asile, indi-

quant son appréciation sur l'état mental du malade.

c Mon collègue désirant rester seul juge de la question de savoir

si les réclamations de pareille nature dont il vient à être saisi,

comportent ou non une communication aux directeurs ou aux

médecins des asiles et se réserver le droit de se renseigner sur la

valeur de celles-ci par telles voies qu'il juge convenable, m'ex-

prime le désir formel que les lettres des aliénés lui soient

désormais adressées closes et sans que l'administration de l'éta-

blissement où l'aliéné se trouve en traitement en prenne connais-

sance préalable. Je vous serai obligé, dans ce cas, d'adresser des

instructions dans ce sens aux directeurs et médecins des asiles de

votre département. Je vous prie de m'accuser réception de la

présente circulaire. Recevez, etc. Le ministre de l'intérieur,

A. Fallières. »

Cette circulaire ne semble pas indiquer qu'on se rende, au

ministère de l'intérieur, un compte suffisant de ce qu'est un asile

d'aliénés et des caractères réels de l'aliénation mentale. Ce que doit

exiger le ministre de l'intérieur, c'est que toutes les lettres des

malades soient adressées aux personnes qui, en vertu de la loi,

ont le droit de les recevoir et le devoir de les lire et de voir la

suite à donner. Il n'y a qu'avantage à ce que le médecin, s'il le

juge convenable, donne son avis, quitte au fonctionnaire à déci-

der, s'il y a lieu, de procéder à une enquête. B.

Discours présidentiel prononcé A la séance annuelle DE L'.1550-

CIATION MliDICO-PSTCIIOLOGIQUE TENUE A QUEEN'S COLLEGE, COrli , le

4 août 1885; par J.-A. Eames. (The Joiti-nal of 3leiztal Science, oc-

tobre 1885). -

Dans ce discours, le président de l'Association médico-psycho-

logique a touché un grand nombre de sujets, et traité ou posé

diverses questions relatives à l'administration des asiles. Il a sur-

tout insisté en terminant sur la nécessité , qui s'impose chaque

jour d'une façon plus manifeste, de rendre obligatoire l'étude de

la pathologie mentale ; il a montré avec une grande vigueur dans

quelle situation difficile, et dangereuse pour les autres comme

pour lui-même, peut se trouver un médecin instruit, mais incom-

pétent sur ces points spéciaux, lorsqu'il se trouve,-et il s'y trouve

fatalement dans le cours de sa carrière professionnelle, mis

en demeure de signer un certificat d'aliénation mentale ou

d'éclairer une cour de justice sur une question de pathologie

mentale.

142 FiAITS DIVERS.

Sur la nécessité pour tous les étudiants EN médecine de suivre des

COURS THÉORIQUES et CLINIQUES DE MEDECINE PSYCHOLOGIQUE ; par

Edward MOOIIE. (The Journal of Mental Science, avril 1885).

. L'auteur insiste énergiquement pour qu'une place officielle soit

faite dans les études médicales , à l'enseignement de la patho-

logie mentale. Il signale les avantages qui en résulteront pour le

médecin lui-même , qui' trop souvent, souffre de son incompé-

tence en pareille matière, pour les aliénés ou réputés tels, dont

la liberté peut dépendre d'un médecin, d'ailleurs fort instruit,

mais nullement préparé par ses études à assumer une grave res-

ponsabilité en matière d'aliénation, enfin pour le public lui-

même que le médecin a mission de protéger, par une judicieuse

intervention , contre les dangers que lui font courir les aliénés/

Nous ne pouvons qu'approuver l'opinion de MM. Eames et

Moore ; nous croyons, comme eux, qu'il est indispensable que

tous les étudiants en médecine soient astreints à un stage de

quelques mois au moins dans les services consacrés aux

aliénés. C'est pour y faire passer le plus grand nombre pos-

sible d'étudiants,-à défaut deprescriptionslégales-que nous

avons demandé que l'on ne créât pas un internat spécial dans

les asiles, mais qu'on y fit passer les internes ordinaires des

hôpitaux. Nous devons ajouter que le stage dans les services

d'aliénés, existe dans quelques pays, par exemple en Finlande.

13.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. Nominations. M. Dr LALLEMANT, ancien interne

de« asiles de la Seine, nommé médecin-adjoint à l'asile public de'

Lafond (Charente-Inférieure) (2e classe). (Arrêté du 2 niai 1888).

AL le UDUBUISSO1V, médecin-adjoint à l'asile Sainte-Anne, est

nommé médecin en chef du même établissement en remplace-

ment du Dr Dagonet, admis sur sa demande à faire valoir ses

droits à la retraite et nommé médecin en chef honoraire des

asiles publics d'aliénés. M. le Dr Dubuisson est compris dans

la 3e classe. M. le Dr U.cuwt , médecin-adjoint à l'asile Sainte-

Aune (2° classe). (Arrêté du 24 mai 1888).

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 143

Asile de Bron. Le concours pour une place de médecin-

adjoint audit asile vient de se terminer par la nomination de

M. Lagène AiorrevoN.

Asile de Saint-Yon. M. le Dr NicouLEAU, interne de l'asile d'a-

liénés de Bordeaux, est nommé adjoint dudit asile, et placé dans

la 2° classe de son grade.

Révision DE la LOI DE 1838 sur les aliénés. Les bureaux de la

Chambre des députes se sont réunis le mardi 5 juin pour nom-

mer la commission chargée d'examiner le projet de loi adopté

par le Sénat, revisant la loi de 1838 sur les aliénés. Ont été nom-

més membres de cette commission : Barrière, Bernard, Bour-

neville, Camescasse, Clauzel, Chevandier, Cocuery, Ducoudray,

Lesouef, Salis, Suquet. La commission s'est réunie le 8 juin et a

maintenu à titre définitif le président et le secrétaire d'âge, M. le

Dr Chevandier et M. Coeliery. La commission a tenu déjà plusieurs

séances.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Avis aux Auteurs et aux Editeurs. Tout ouvrage dont il nous sera

envoyé un seul exemplaire sera annoncé. 11 sera fait, s'il y a lieu, une ana-

lyse de tout ouvrage dont nous recevrons deux exemplaires.

Binet (A.). Eludes de psychologie expérimentale. Le fétichisme

dans l'amour; la vie psychique des micro-organismes ; l'intensité des

images mentales ; le problème hypnotique ; note sur l'écriture hystérique.

Volume in-18 de 306 pages avec ligures. Paris, 1888. Librairie

0. Doin.

CIIARCOT (J ? 11.). Leçons sur les maladies du système nerveux, pro-

fessées à la Salpêtrière et recueillies par 13AB[riSKI, BERNARD, Féré,

Guignon, Marie et Gilles DE la ToupETTE. Tome Il[, 2° fascicule. Un

volume in-8 de 380 pages, avec 64 figures dans le texte. Prix : 9 f'r. ;

pour nos abonnés, prix : 6 fr.- Ce fascicule complète le tome troisième.

Grasset (.1.) et Brousse (A). Histoire d'une hystérique hypnotisable

(Contribution à l'étude clinique des caractères somatiques fixes des

attaques rie sommeil spontané et provoquées chez les hystériques). Bro-

chure in-8- de 31 pages. fris 1 Ir. 50. Pour nos abonnés, 1 franc.

LADAI6. - Procès criminel ele la dernière sorcière brûlée à Geitève, le

6 avril 1652, publié d'après les documents inédits et originaux conser-

vés aux archives de Sénevé {Sixième volume de la Bibliothèque diabo-

lique, collection Boui,teville. Un volume in-8" de 60 pages. Prix

2 fr. 50). Pour nos abonnés : 1 fr. 75; numéros 1 à 50, papier .lapon,

prix : 5 francs; pour nos abonnés : t fr. ; numéros 51 à ]00, papier par-

cheminé, prix : 3 tc 50; pour nos abonnés : prix, 2 fr. 75.

Ik Il BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

l'icuov (G.). Les maladies de l'esprit; délire des persécutions, délire

des grandeurs, paralysie générale, épilepsie, dégénérescence ; délires

alcooliques et toxiques : .' o : 0)'/)/t : Koman ! e, elhéi-onianie, absintliisme, chlo-

etc., etc. Volume in-8» de 367 pages. Prix : 7 fr. Paris,

1888. -Librairie 0. Doin.

Publications du « PROGRÈS médical X ? S'CBMt' Jeanne des Anges, supérieure

des Ursulines à Loudun, <ll'lle siècle. Auto-biographie d'une hystérique

possédée, d'après le manuscrit inédit de la l31lUioUèque de Tours.

Annotée et publiée par les Drs G. Lecué et G. de la TouRETTK.

Préface de M. le professeur Charcot, membre de l'Institut. Un beau

volume in-8° de 330 pages. Papier vélin, prix : 6 fr.; pour nos abonnés :

4 fr. Papier Japon, prix : 25 fr. ; pour nos abonnés : 20 fr.

RoLLnND (E). De l'épilepsie jacksnczienne.111émoire couronné par )Société

de médecine et de chirurgie de Bordeaux, revu et considérablement aug-

menté. Précédé d'une notice sur les asiles « John Bost » pas' le Dr Z

nod et d'une introduction par le Dr Arnozan. Volume in-8» de 192 pages,

avec 22 figures et 2 planches lithographiées.Prix : 3 fr.; pour nos

abonnés, 2 fr. Paris, 1886. Librairie du Progrès Médical.

Avis A nos abonnés. L'échéance du le' JUILLET

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs, dont l abonnement expire

à cette date, de nous envoyer le plus lut possible le mon-

tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser

ce montant par l'intermédiaire du bureau de poste de

leur localité, qui leur remettra un reçu de la somme ver-

sée. Nous prenons à notre charge les frais de 3 0/0 pré-

levés par la poste et nos abonnés n'ont rien à payer en

sus du prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée le 25 Juillet,

augmentée de un franc pour frais de recouvrement. Nous

les engageons donc à nous envoyer de suite leur renou-

vellement par un mandat-poste.

Le rélacteur ? éraaf, ÛUUI1N\'ILLE.

reu : , Ch. liemsser, imp. -- 788.

Vol. XVI. Septembre 1888. N" 47

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-

DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES;

Par M. le D'' MicuEL CATSR : 1S,

Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes ; Médecin de l'asile de Dromocaitis ; Membre

de la Société Médico-psychologique de Paris.

Il y a déjà quatre années que je me suis occupé de

l'étude des accidents occasionnés par l'emploi des

scaphandres. Les grandes difficultés inhérentes à ce

genre d'études n'ont pas tardé à se dissiper, grâce au

nombre considérable de malades que nous avons ob-

servés, surtout à Hydra et à Egine. Plusieurs expé-

riences faites sur les chiens ont contribué à leur tour

à éclaircir différents points qui touchent la pathologie

des scaphandriers. Nous divisons notre travail par cha-

pitres des travaux et nous étudierons successivement :

1. L'histoi,ique dans lequel, nous, passerons en revue les

différents travaux qui ont été publiés jusqu'à présent

sur les accidents en question; II. La clinique qui

constitue, on va le voir, une véritable iliade de maux,

toute une pathologie nouvelle, pathologie qui pré- ? ncmvFS, t. XVI. 10

146 CLINIQUE NERVEUSE.

sente plusieurs formes morbides dont chacune se ma-

nifeste cliniquement par une symptomatologie toute

spéciale; III. La Pathogénie ; IV. L'Étiologie; V. L'A-

natomie pathologique; VI. La Physiologie pathologique,

et Vil. La Thérapeutique.

I. Historique.

C'est depuis vingt-deux années que l'emploi des

scaphandres a été introduit dans l'Archipel où leur ap-

parition en 1866 a occasionné en effet de véritables

émeutes, suivant l'expression de P. Bert. Cependant,

même aujourd'hui, si les cas de mort sont un peu

moins fréquents qu'autrefois, il ne se passe pas d'an-

née qu'il n'y ait au moins une dizaine de morts. Quant

aux autres accidents, ils sont, on va le voir, plus fré-

quents qu'autrefois en raison de la généralisation de

celte manière de pêcher les éponges. Le premier travail

qui a été publié relativement aux accidents des scaphan-

driers est celui de M. Leroy de Mericourt, intitulé :

Considérations sur l'hygiène des pêcheurs d'épongés et

qui a paru dans les « Annales d'hygiène publique et de

médecine légale (2e série, t. XXXI, p. 274-286, 1869).

Le contenu d'un mémoire manuscrit de M. Aublé,

agent de la Société pour la pêche des éponges au

moyen des appareils plongeurs Rouquayrol et Denay-

rouze, a servi de base pour la rédaction de ce travail,

d'après le dire de l'auteur. C'est donc avec juste raison

que M. Leroy de Mericourt doit être considéré comme

l'initiateur de ces études. Dans son travail, qui ne con-

tient pas d'observations médicales ni d'autopsies, les

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 147

accidents sont attribués à des hémorrhagies médul-

laires ; il fait un juste éloge de l'appareil Denayrouze

et conseille la décompression lente.

Le second document est une lettre particulière, en-

voyée par Denayrouze au célèbre auteur de la Pression

barométrique, dont voici le contenu :

« J'ai fait, pendant six mois, plonger une centaine d'hommes à

des profondeurs variant de 30 à 40 mètres. Deux cents autres

plongeurs étrangers travaillaient sous mes yeux dans les mêmes

conditions. Tous ces gens-là respiraient de l'air à la pression du

milieu ambiant, soit à 4 ou 5 atmosphères. Cinq hommes sont

morts à ces pressions, un grand nombre d'autres ont été atteints

de diverses affections, dont les plus fréquentes ont été des paraly-

sies des membres inférieurs et de la vessie, des surdités et enfin

des anémies. Les hommes soumis à des décompressions brusques

étaient en effet plus exposés aux accidents que les autres. Ceux qui

sont morts n'ont jamais expiré au fond de l'eau ; ils remontaient, se

plaignant de douleurs internes, au coeur en particulier, se cou-

chaient dans leurs barques et s'éteignaient au bout de quelques

heures. »

Nous fixons l'attention du lecteur sur deux faits

précieux et parfaitement exacts contenus dans cette

lettre : 1° la mort est survenue à la suite d'immer-

sions faites à quatre ou cinq atmosphères; 2° ceux

qui sont morts n'ont jamais expiré au fond de l'eau.

Le troisième travail est dû à M. Alphonse Gai qui a

soutenu, le 19 juillet 1872, sa thèse de doctorat inti-

tulée : Des dangers du travail dans l'air comprimé et des

moyens de les prévenir, devant la Faculté de Montpel-

lier. Cet auteur a puisé les matériaux de son travail

dans une campagne qu'il avait faite dans l'Archipel. Son

travail est divisé en deux parties, dont la première est

consacrée aux modifications que subissent les fonc-

tions physiologiques, à savoir : la respiration, la circu-

lation et les sécrétions sous l'influence du séjour dans

148 CLINIQUE NERVEUSE.

l'air comprimé. Le reste de son travail est consacré à

l'étude des dangers des fortes pressions. Les maladies

des plongeurs sont divisées par lui en deux catégories

dont l'une comprend celles ci début brusque et l'autre

celles à début insidieux. Les premières survenant tou-

jours après la décompression sont la conséquence

immédiate de celle-ci; les secondes, au contraire, sont

dues à l'action directe de l'air comprimé.

Parmi les maladies à début brusque, l'auteur cite

comme accidents légers les puces, les douleurs nztcscu-

laires ou les arthrites, les otites et otalgies, les troubles

gastriques et un cas d'Iaémorr7aagie nasale. Comme ac-

cidents graves, l'auteur rapporte une observation im-

portante qui consiste en une paraplégie présentant

ceci d'intéressant : entre l'invasion de celle-ci et la

décompression, il y a eu un intervalle de vingt-quatre

heures. Il relate aussi les observations de trois ma-

lades paraplégiques, dont l'un est mort par défaut de

soins suivant lui, les deux autres sont incomplètement

guéris. Enfin, une série de neuf observations termine

la description de ces maladies à début brusque : de

ces observations, malheureusement très brièvement

exposées, deux se rapportent à des malades qui sont

morts l'un au bout de vingt-quatre heures, dont nous

allons en insérer l'histoire in extenso dans notre cha-

pitre de clinique et l'autre au bout de trois mois par le

fait de sa paraplégie. Cinq observations sont relatives

à des plongeurs qui ont guéri ou presque guéri. M. Gai

passe ensuite à l'étude de ces maladies à début insi-

dieux qu'il attribue à l'action même de l'air comprimé,

à savoir : l'amaigrissement, les pertes de force, effets

d'une anémie particulière.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 149

Nous devons le quatrième travail à M. le Dr Lam-

padarios, qui, sous le titre «Accidents arrivant aux pê-

cheurs d'épongés », a été soumis au concours de Sym-

boulides et publié dans les fascicules VI et VII du

journal grec Asclepios (Esculape). Ce travail est divisé

en 6 parties, dont la première contient deux rensei-

gnements et les histoires très brièvement exposées

et sans précision de quatre malades, dont deux seule-

ment ont été observés par l'auteur; les histoires des

deux autres lui ont été racontées, car les malades

appartenaient l'un à l'Astyclinique et l'autre à un

certain docteur. La seconde partie de son travail est

consacrée à un exposé rapide de l'appareil immersif.

La troisième est un résumé du travail de M. Leroy de

Mericourt. Dans la quatrième, il fait une critique de ce

travail et cherche à faire reposer sa théorie pathogé-

nique sur la fatigue et le refroidissement, théorie à

laquelle nous reviendrons dans la suite à notre cha-

pitre de pathogénie. Dans la cinquième, il fait une

analyse des symptômes présentés par ses malades,

l'auteur ayant la tendance à considérer ses cas comme

des cas d'ataxie locomotrice, ce qui est tout à fait

erroné : nous y reviendrons. Enfin, son travail est ter-

miné par des considérations relatives à la thérapeu-

tique, presque les mêmes que celles qui ont été

décrites par ses devanciers. Il conseille seulement,

conséquent en cela avec sa théorie pathogénique, aux

plongeurs d'éviter le refroidissement après leurs mon-

tées, ce qui ne vaut rien. Nous conseillons, nous aussi,

de ne pas s'exposer au froid et nous défendons au

plongeur de faire des immersions, quand il est re-

froidi ; mais c'est, comme on le verra , à un moment

- 150 - CLINIQUE NERVEUSE.

tout à fait différent et opposé, à savoir non pas après

leur montée, mais avant leur descente et pour des rai-

sons tout autres. Les six parties de ce travail sont

fort succinctes, constituant en tout un ensemble de

dix-neuf pages. -

Le cinquième travail, document précieux , est dû

au distingué médecin de Nauplie, M. Cotsonopoulos.

Ce travail, qui porte le titre « Un cas de paraplégie chez

un plongeur travaillant au scaphandre » , a été publié

dans le journal grec Asclel)ios (Esculape) 1871, p. 66 :

nous rapporterons ce cas intéressant suivi d'autopsie à

notre chapitre d'Aîîatomie pathologique.

En 1882, il a paru un travail intéressant et original

de M. Nicolas P. Parissis, professeur agrégé de la

Faculté d'Athènes et de M. Jean Tetzis '. Dans ce

travail, après une description détaillée et précise de

l'appareil immersif, ces auteurs décrivent la maladie

des plongeurs, qui se présente, suivant eux, sous

quatre degrés différents. Le premier degré, qui, d'a-

près ce que supposent les auteurs, consiste en conges-

tions passagères du cerveau et de la moelle épinière,

se présente cliniquement par la symptomatologie sui-

vante : toux, malaise général, perte de connaissance,

douleurs fortes dans les omoplates, les lombes et les

membres inférieurs et supérieurs et des engourdisse-

ments sans paralysie. Le deuxième degré comprend

la paraplégie des plongeurs et « il consiste en une

hémorrhagie de la partie inférieure (dorsale et lom-

baire) de la moelle épiuière ». Le troisième degré

- * De Vile f/7 ? a (Grèce) au point de vue médical, et particulièrement

du Tzanaki, maladie spéciale de l'enfance et des maladies des plongeurs.

Paris. -

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 151

« est dû à l'hémorrhagie de la partie supérieure; .il

suit toujours l'hémorrhagie de la partie lombaire »;

c'est une hypothèse. Dans ce cas-là, disent-ils, aux

symptômes de la paraplégie des membres inférieurs

viennent s'ajouter tantôt, quand le cas est léger, des

douleurs dans les omoplates et les membres supé-

rieurs et la dyspnée, et tantôt, quand le cas est plus

grave, la paralysie devient ascendante, les membres

supérieurs, l'un ou tous les deux, se paralysent, la

dyspnée s'aggrave et le plongeur meurt. Enfin, le qua-

trième et plus grand degré « consiste en une hémor-

rhagie. qui a lieu en même temps au cerveau et à la

moelle épinière et amène la mort soit immédiate-

ment, soit quelques heures après » ; pas d'autopsie.

Le 10 mars 1883 , M. Charpentier lisait à la Société

de médecine de Paris un mémoire relatif à notre ques-

tion, lequel a été publié dans le numéro du 14 août

1883, de Y Union médicale, sous le titre : « Observation

d'ataxie locomotrice, consécutive à des accidents de décom-

pression brusque par rupture d'un scaphandre. » Ce

distingué médecin a commis l'erreur de considérer

le malade qui fait le sujet de son observation comme

atteint d'ataxie locomotrice : nous y reviendrons dans

la suite. '

Cet exposé rapide, qui ne contient naturellement

que les travaux relatifs aux accidents survenant seu-

lement et uniquement par l'emploi des scaphandres,

démontre à l'évidence que ce sujet était loin, tant s'en

faut, d'être épuisé et étudié complètement, qu'il n'a

été publié jusqu'à présent qu'un certain nombre d'ob-

servations éparses,la plupart incomplètes et sans la pré-

cision scientifique qui est réclamée aujourd'hui dans

15 CLINIQUE NERVEUSE.

ce genre de recherches. L'étude, surtout des diverses

manifestations cliniques sous lesquelles se présentent

ces. accidents et qui constituent un nombre vraiment

considérable de formes multiples et variées, était tout

à faire. On devait,-en outre, passer en revue et étu-

dier de nouveau la pathogénie , faire une étude spé-

ciale et détaillée de l'étiologie, faire une étude d'en-

semble de l'anatomie pathologique, expliquer . les

différentes formes cliniques qui seront décrites par

nous, en d'autres termes faire la physiologie patholo-

gique, enfin revoir et compléter la thérapeutique.

Il. CLINIQUE.

La clinique des plongeurs à scaphandre comprend

deux catégories principales d'accidents, dont la pre-

mière contient ceux qui frappent le système nerveux

central et qui constituent la plus grande partie de la

pathologie des scaphandriers et en général de tous ceux

qui travaillent dans l'air comprimé ; la seconde caté-

gorie comprend les accidents, beaucoup moins nom-

breux, qui ont pour siège d'autres organes ou tissus.

I. Accidents nerveux. Suivant que la localisation

de l'agent pathogène se fait exclusivement ou domine

à telle ou telle partie de l'axe cérébro-spinal, les

accidents nerveux se présentent cliniquement sous des

formes multiples et très variées qui doivent être divi-

sées en trois grandes catégories : A), Formes spinales;

B), Formes cérébrales, et C), Formes cérébro-spinales.

A. Formes spinales. Nos observations nous

autorisent à distinguer différentes formes spinales,

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 1S3

dont chacune est déterminée par des caractères cli-

niques spéciaux. Aucune de ces formes ne peut rentrer

dans une maladie quelconque connue de la moelle

épinière, chacune d'elles constituant une affection

particulière à laquelle les nuances cliniques spéciales

donnent un cachet d'originalité. Ces formes spinales

sont : a). La forme centrale spinale latérale ; b). La

forme centrale spinale postéro-latérale ; -- c). La forme

centrale spinale postérieure ; d). La forme spinale

postérieure ; e). La forme spinale paralytique /ra ? -

sitoire ; f). La forme unilatérale (spinale).

De cette dernière forme spinale nous distinguons

deux variétés, suivant que la localisation de l'agent

pathogène est intraspinale ou intramyélitique ou bien

au contraire extraspiuale ou extramyélitique, ce sont :

la variété intramyélitique ou intraspinale de la forme

unilatérale, et la variété extramyélitique ou extraspinale.

Passons maintenant à l'élude successive de ces

différentes formes, en commençant par la description

de celle qui est de beaucoup la plus fréquente, à

savoir la forme centrale spinale latérale.

A. FORME CENTRALE SPINALE LATÉRALE.

Observation I. Premier accident le 18 octobre 1875. Descente

à 32 brasses, séjour de 10 minutes , décompression brusque, hiti-

tième tmmcMM) ? St/mpMmM d'invasion : vertiges de translation,

perte de connaissance. Un quart d'heure d'intervalle de bien-être

parfait entre la disparition des symptômes cérébraux et 1'(ipptil'i-

tion de la paraplégie. Syndrome spasmodique. - Amélioration

sensible par la reprise du travail. Légère parésie slucistique.

Le 10 août, G septembre et le 20 octobre 1884 accidents paraplé-

giqiies fugitifs. Examen le 15 février 1885. - Pcerésie spasmo-

dique des membres inférieurs.

Jean Marcos, pas d'antécédents, âgé de trente ans, travaille

154 CLINIQUE NERVEUSE.

depuis douze ans dans l'air comprimé. Deux années se sont

passées sans attaque. Le 18 octobre 1875, après avoir déjà fait

sept immersions successives à une profondeur de 28 à 32 brasses

sans accident, il en fait une huitième à la même profondeur et

après un séjour de dix minutes dans le fond de la mer, on le fait

monter en une minute. On lui enlève le casque ainsi que la tunique

avec toutes ses annexes, sans que le malade s'aperçoive de quelque

chose d'anormal. Cinq minutes environ après son dépouille-

ment, il est pris tout d'un coup d'une douleur atroce, accompagnée

d'une sensation de brûlure et de soif à la région précordiale : la

respiration est gênée, car le malade évitait les inspirations pro-

fondes dans la crainte d'augmenter la douleur. En même temps,

comme symptômes céphaliques, il éprouve des vertiges; tout se

mouvait, dit-il, autour de lui et avec lui; il comparait sa sensation

à celle d'un bateau qui est battu par les flots de la mer en cas

de mauvais temps. Ces vertiges peu à peu augmentèrent telle-

ment d'intensité que le malade, ayant essayé de se tenir debout,

sentit immédiatement que le bateau montait avec lui, perdit son

équilibre et tomba très effrayé, les yeux fermés et se cramponnant

aux objets environnants pour éviter cette sensation vertigineuse.

C'est alors que, suivant l'habitude des scaphandriers, on se met

à le frictionner. Mais, dès qu'on commence à le toucher, la même

sensation survient et le malade pousse des cris , en priant ses

compagnons de le laisser tranquille. Les symptômes ci-dessus

décrits ont duré trois heures , et ont été suivis d'une perte de con-

naissance subite, complète et sans convulsions.

Deux heures après, le malade revenu à lui se sent parfaitement

bien sans vertiges et sans aucun autre symptôme céphalique. Il

n'y a aucune trace de paralysie ; il peut marcher. Ce bien-être ne

devait pas durer longtemps. En effet, au bout d'un quart d'heure

environ, un nouvel aspect clinique se présente. Soudain le malade

se sent affaissé sous lui ; se plaint de douleurs fortes aux lombes;

il ne peut uriner; la défécation est extrêmement difficile et en

quelques minutes, cet affaissement devient une paraplégie coin-

plète des membres inférieurs. Ses membres étaient devenus telle-

ment insensibles que ses compagnons lui enfoncèrent une aiguille

sans que le malade en eût la moindre sensation.

Au bout de dix jours, durant lesquels il fallut sonder le malade,

la rétention des urines fut suivie, au contraire, d'une incontinence

complète : l'urine coulait goutte à goutte et mouillait constam-

ment le malade. Il en fut de même pour le rectum.-A la fin de la

troisième semaine, le malade a commencé à avoir, surtout la nuit,

des secousses dans ses membres paralysés. Quelque temps après,

il lui arrivait souvent, la nuit, de sentir ses membres s'étendre,

sans pouvoir les fléchir, pendant quelques minutes. Pas de dimi-

nution de volume des membres, pas de symptômes céphaliques.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 155

Ce n'est que quatre mois après , le 15 février 1876, que le ma-

lade a pu marcher en s'appuyant sur des cannes , mais très diffi-

cilement ; il traînait ses jambes, dit-il, qui lui paraissaient lourdes

et raides comme de véritables barres de fer et frottait le sol sur-

tout avec le pied droit, qui était plus affecté : ce qui contribuait

beaucoup à lui rendre la marche plus difficile encore, c'était un

tremblement involontaire qui agitait ses membres plus fort à

droite et dont l'intensité augmentait après un peu de fatigue ou

d'émotion : Ainsi, quand il se trouvait au marché, la violence

du tremblement lui rendait la marche très difficile : plus il faisait

d'efforts pour marcher, plus la trépidation augmentait, à tel point

qu'il était forcé de s'asseoir.

Cependant, vers la fin du mois de mars 1876 le malade, sans

tenir compte de son état de santé, reprend son travail dans l'air

comprimé, prenant pourtant la précaution de ne pas descendre à

des profondeurs aussi grandes qu'auparavant. Toutefois il attei-

gnait, mais rarement, jusqu'à 20 brasses. Le malade affirme d'une

façon formelle que la reprise de son travail lui a causé une grande

amélioration.

Vers le milieu du mois d'avril, cet homme peut marcher sans

appui , il ne frotte presque plus le sol, ses secousses sont plus

rares, son tremblement bien moins intense et moins fréquent et

enfin sa parésie vésicale a cessé complètement. Les contractures

passagères sont rares. Dès lors, tous les ans, il faisait sa cam-

pagne et son état, loin de s'empirer, s'était amélioré au point qu'on

pouvait à peine s'apercevoir qu'il boitait.

Le 10 août 1884, à Chypre, il commet l'imprudence de se com-

primer à une profondeur de 30-32 brasses. A la troisième im-

mersion faite à onze heures du matin, après un séjour de dix

minutes, on le fait monter, on le décomprime comme toujours

très rapidement, c'est-à-dire en une minute tout au plus. Immé-

diatement après l'enlèvement du casque, le malade sent des

douleurs aux lombes, sa parésie légère des membres inférieurs

fait place à une paraplégie complète. Pas de symptômes cérébraux.

Ce nouvel accident dure une heure et demie, après quoi les dou-

leurs et la paraplégie disparaissent, sauf une rétention d'urines et

de selles de quarante-huit heures environ.

Le 13 août, il reprend son travail, son état parétique étant

tout à fait le même qu'avant l'accident du 10 août.

Le 6 septembre, il a été atteint d'un troisième accident, après

une immersion (c'était la deuxième de la journée) de vingt-sept

brasses, un quart d'heure de séjour dans le fond, et une décom-

pression brusque. Dix minutes après l'enlèvement du casque, le

malade est attaqué de douleurs aux lombes avec pression doulou-

reuse dans le creux de l'estomac et aussitôt après, il perd connais-

sance pendant trois minutes seulement. Revenu à lui, le malade a

156 CLINIQUE NERVEUSE.

les membres de nouveau complètement paralysés et anes-

thésiés : mais cette fois-ci, pas de troubles urinaires ou rectaux.

Une demi-heure après, la paraplégie ayant fait place à son état

parétique habituel, noire homme reprend ses immersions le

lendemain matin.

Enfin, le 20 octobre, survient le quatrième et dernier accident

à ce malheureux scaphandrier, qui ne peut cette fois préciser ni

la profondeur de son immersion, ni la durée de son séjour. Il sait

seulement que c'était à la deuxième immersion. L'aspect clinique

de cet accident ne différait absolument en rien du deuxième. En

effet, mêmes symptômes, c'est-à-dire douleurs lombaires, para-

plégie complète, rétention d'urines et de selles durant deux jours,

et de même durée (une demi-heure). Au bout de ce délai de

temps, tout fait place à sa parésie antérieure.

Examen du 15 février 1885. Pour peu qu'on y fasse attention,

on voit le malade légèrement boiter et traîner un peu son membre

droit inférieur. Pour détacher du sol son membre inférieur droit

et le porter en avant, il est forcé d'incliner, mais très peu, le tronc

de son corps à gauche et d'élever de cette manière légèrement sa

hanche droite : il ne fait pas la même chose pour le membre

gauche. Tremblement involontaire qui apparaît surtout au

réveil et sous l'influence d'une émotion morale quelconque : cela

lui arrive aussi presque toutes les fois qu'il commence à se mettre

sur ses pieds et à marcher après être resté assis longtemps sur

une chaise. Cette épilepsie spinale peut être très facilement pro-

voquée au membre droit par le procédé élémentaire, c'est-à-dire

la brusque flexion du pied. Impossible de la provoquer au membre

gauche sans faire marcher le malade avant l'essai, et encore le

pied ne trépide que très peu. Le malade a quelquefois des

secousses pendant la nuit dans son lit.

Si on percute le tendon rotulien droit, on voit que la jambe

droite se projette à deux ou trois reprises successives et d'une

façon très brusque. Par la percussion du tendon rotulien gauche,

on provoque l'exaltation du réflexe du genou' qui est moindre

qu'à droite.

La sensibilité examinée sous tous ses modes paraît annihilée

(douleur, température contact) au membre droit, surtout à la

région du dos du pied qui est presque complètement anesthésiée :

à gauche la sensibilité semble très légèrement affectée.

Par le toucher, on constate que le pied droit est plus froid

que le gauche et il présente en même temps une couleur rouge

bleuâtre.

L'état de nutrition des membres paralysés ne laisse rien à

désirer. Ils ont leur volume normal ; il n'y a pas de trace de

myatrophie. Les muscles répondent parfaitement aussi bien au

courant faradique que galvanique.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 1S7

Le malade a de temps en temps de l'incontinence d'urines, tou-

jours la nuit ; quelquefois il pressent l'incontinence par un malaise

indéfinissable à la région lombaire. Aussitôt que le malade sent

le besoin d'aller à la selle, il se presse, car autrement il aura

certainement des selles involontaires.

Les érections incomplètes, mais assez voluptueuses, sont suivies

plusieurs fois de pertes séminales, qui affaiblissent le malade.

L'examen très soigneusement fait au point de vue de l'exis-

tence des symptômes céphaliques et bulbaires a été négatif.-Rien

aux membres supérieurs. Les autres fonctions de l'organisme

paraissent s'effectuer régulièrement.

Observation II. - Accident survenu le 20 juillet 1879 ; deuxième

immersion; profondeur, 22 brasses; séjour, une demi-heure ;

décompression brusque d'une demi-minute. Symptômes gastri-

ques : douleurs ; gonflement de l'épigastre; nausées; éructations

gazeuses. Paraplégie des membres inférieurs, accompagnée

de monoplégie fugitive du membre supérieur droit, non précédée

des symptômes céphaliques. -Examen dzc 27 jzcillet 4885. - Para-

plégie spasmodique : démarche spastique; exaltation des réflexes ;

secousses; contractures passagères ; dyscampsie des articulations ;

épilepsie spinale tant spontanée que provoquée.

Le nommé D. Cocoulis, âgé de trente-six ans, sans antécédents

héréditaires ou personnels, robuste, a commencé son métier de

scaphandrier le 10 juin 1879. Au bout de quarante jours de travail,

pas d'accidents ; le 20 juillet, après avoir fait une première immer-

sion, il en fait une deuxième à 9 heures du matin, à une profon-

deur de 22 brasses seulement, mais par contre, le séjour dans le

fond ayant été prolongé plus d'une demi-heure, on le décomprime

en une demi-minute. Dès qu'on lui enlève le casque, le malade est

pris de fortes douleurs à la région gastrique, qui était si gonflée,

qu'elle faisait une saillie manifeste. Par suite de ce gonflement,

la respiration était fort gênée. En outre, le malade avait des

nausées continuelles et des éructations gazeuses, qui, après une

demi-heure, ont fini par faire disparaître ce gonflement de l'esto-

mac et faciliter ainsi grandement la respiration. En même

temps que ces symptômes gastriques, le malade sentait un engour-

dissement et une faiblesse, qui, croissant rapidement, ont fini

après trois heures par paralyser complètement les deux membres

inférieurs et le supérieur droit. Pas de perte de connaissance, pas

de vertiges, pas de paralysie faciale, ni embarras de la parole :

enfin, aucun symptôme céphalique. Le malade dit que ses trois

membres paralysés étaient insensibles à la piqûre d'aiguille. Nous

avons oublié de noter qu'il y avait encore de la rétention des urines

et des selles ayant nécessité l'emploi de la sonde et des purgatifs.'

158 CLINIQUE NERVEUSE.

La monoplégie du membre supérieur droit n'a été que momen-

tanée : en effet, elle n'a duré que six heures, au bout desquelles

notre homme a recouvré entièrement l'usage de ce membre. Par

contre, sa paraplégie était si complète, qu'elle ne lui permettait

pas de faire le moindre mouvement. Au début de la quatrième

semaine, des secousses ont commencé à tourmenter le malade,

surtout la nuit. Plusieurs fois aussi, il sentait dans son lit ses

membres paralysés se raidir et s'étendre pendant quelques mi-

nutes ; ce qui le gênait beaucoup : avec le temps, ces contractures

revenaient plus fréquemment et avec plus de force. -A la même

époque, la rétention des urines a fait place à une incontinence,

qui survenait par accès tous les trois ou quatre jours pendant la

nuit et plusieurs fois précédée d'un rêve ; le malade croyant être

réveillé commençait à uriner. Il lui est même arrivé fréquemment

de se réveiller pendant l'acte. Les selles lui venaient aussi quel-

quefois involontairement.

Le malade garde le lit pendant une année entière, ayant les

membres complètement paralysés et très raides, et c'est à peine

si, au mois de juillet 1879, il commence à faire quelques pas à

l'aide de deux béquilles; mais, un mois après, voyant que son état

restait stationnaire, il se décide à reprendre son travail, comme

moyen thérapeutique, en se comprimant à 15 ou à 18 mètres,

trois fois par jour : rarement la compression dépassait cette me-

sure ; dans le cas contraire, il avait toujours soin de ne pas rester

plus de dix minutes dans le fond.

Vingt-cinq jours après, son état s'est tellement amélioré qu'il a

pu marcher sans appui. Cependant, comme il a négligé de recou-

rir dans la suite à la compression et qu'il s'est livré à des excès

de boisson, son état, au lieu de s'améliorer, s'est empiré au point

qu'il a été obligé de se servir de nouveau de l'appui pour mar-

cher.

État du malade le 27 juillet 1885. Le fait dominant presque

exclusivement l'état du malade est une paraplégie des membres

inférieurs, suitout à droite. Si l'on fait marcher le malade, on

remarque que pour marcher il est obligé, en s'appuyant sur son

bâton, d'incliner fortement le tronc à gauche et un peu en arrière

et de lever la hanche droite pour pouvoir détacher la jambe

droite, qui, agitée alors d'un tremblement involontaire dont est

bientôt saisi le corps tout entier, décrit un tour en frottant le sol.

On peut remarquer que ses souliers sont usés à leurs pointes, parce

que le talon s'élève à chaque pas et touche à peine le sol. Il

devient impossible au malade de marcher sur un plan incliné,

sous peine de tomber.

Les mouvements réflexes provoqués par diverses excitations de

la peau et particulièrement par le chatouillement de la plante du

pied augmentent considérablement. Le phénomène du genou à

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRE. 159

droite est très exalté. Par des coups rapides et successifs sur le

tendon rotulien, on provoque la contracture du membre droit. A

gauche un seul coup suffit pour faire brusquement projeter la

jambe deux ou trois fois.

Le malade est tourmenté de contractures, qui durent un temps

variable, surtout la nuit, dans son lit. Quand on fait mouvoir ses

membres, on sent une résistance sensible, sans que sa volonté s'y

oppose. En général, les membres paralytiques sont très raides.-

Par une légère flexion du pied, on voit se développer la trépidation

épileptoïde : à droite même, pour faire cesser le tremblement, il

faut fortement fléchir le pouce du pied.

La sensibilité se trouve affectée seulement sous le rapport de la

douleur, surtout à droite, mais non sous celui du contact et de la

température. Nulle trace de paralysie du membre supérieur droit :

Nuls troubles vaso-moteurs. Nuls troubles trophiques. Les

membres sont bien musclés et l'examen farado-galvanique n'offre

rien d'anormal. Sens musculaire parfaitement normal. Les

fonctions de la vessie, du rectum et des organes génitaux sont

physiologiques. Aucun symptôme céphalique. Les autres organes

paraissent bien fonctionner.

OBSERVATION III. Accident produit le 98 octobre 1883, à la quatrième

immersion; profondeur de 18 brasses ; séjour de trente-cinq mi-

nutes ; décompression brusque d'une demi-minute. Pression

douloureuse constrictive de la nuque; douleurs at'g'psM/edt'oe.

Paraplégie des membres inférieurs avec monoplégie passade

de l'extrémité supérieure gauche. Syndrome spasmodique dans

la suite. Grande amélioration par le travail dans l'air comprimé.

Etat du malade le 20 juillet 1884. Cortège symptomatique de la

paraplégie spasmodique, isolé et dégagé de tout autre syndrome

morbide.

Le nommé Nicolas Reclitis, âgé de dix-neuf ans, pas d'antécé-

dents, a commencé à travailler dans l'air comprimé au mois de

mai 1883. Pendant six mois environ de travail presque continuel,

il n'a eu aucun accident. Ce n'est que le 10 octobre de cette année,

à la quatrième immersion faite à la profondeur de 18 brasses,

après un séjour de trente-cinq minutes de durée et une décom-

pression brusque d'une demi-minute, qu'il a été atteint de l'acci-

dent que nous allons décrire. Cependant le malade affirme qu'il

a fait plusieurs fois dans le cours de cette campagne des immer-

sions tout à fait dans les mêmes conditions que celle qui a causé

l'accident suivant.

Pendant six minutes après l'enlèvement du casque, le malade

n'a rien senti; mais, au bout de ce court délai, il est pris d'une

sensation dépression avec constriction à la nuque, comme si, dit-il,

1G0 CLINIQUE NERVEUSE.

une main le pressait et le serrait fortement : en même temps,

il ressent de fortes douleurs à l'épaule droite : il n'a pas répondu

à notre demande si l'articulation était ou non gonflée; il ajoute

seulement qu'il était forcé de tenir son membre immobile à cause

de la douleur.

Bientôt après, une paraplégie survient : soudaine et complète dès

son début, accompagnée de monoplégie de l'extrémité supérieure

gauche. -Le malade dit que ses deux membres inférieurs étaient

seuls insensibles à la piqûre : au contraire, le supérieur était très

sensible. Pas de distorsion de la bouche ; pas de trace d'aphasie ;

pas de perte de connaissance ; enfin aucun autre symptôme cépha-

lique, sauf cette monoplégie de l'extrémité supérieure gauche que

nous considérons comme étant d'origine cérébrale. A côté de ces

symptômes, c'est-à-dire, pression avec constriction à la nuque,

douleurs à l'épaule droite et paralysie de trois membres cités, le

malade avait de la rétention d'urine et une constipation opiniâtre.

Le 11 octobre, la douleur de l'épaule droite et la pression dou-

loureuse et constrictive de la nuque ont disparu. La paralysie des

trois membres sus-mentionnés persiste complète. On applique la

sonde au malade ; purgatif à l'huile de ricin. La rétention

d'urines, qui pendant six jours a nécessité l'emploi delà sonde, a

été suivie de l'incontinence : les selles lui échappaient aussi invo-

lontairement.

Le 25 octobre, c'est-à-dire quinze jours après l'accident, il a

commencé à remuer le bras gauche qui, quelques jours après, re-

couvrait intégralement la liberté de ses mouvements. Mais il n'a

pas été aussi heuteux pour sa paraplégie, qui l'a forcé à garder le

lit trois mois entiers : en effet, ce n'est que le 15 décembre qu'il a

pu se tenir debout et faire quelques pas à l'aide de deuv béquilles,

ayant des secousses fréquentes et des contractures passagères, sur-

tout la nuit, dès la fin de la quatrième semaine de son accident.

Aussitôt il reprend son travail comme traitement et fait tous les

jours quatre à six immersions à une profondeur de 13 à 20 mètres

et prolongeant chaque fois son séjour une demi-heure. L'amélio-

ration est si grande que le troisième jour de son traitement, il

peut marcher à l'aide d'une seule béquille et peu de jours après

sans béquille : la parésie de la vessie et du rectum ayant été par-

faitement guérie. Cependant, malgré une si rapide et si grande

amélioration, le malade renonce au traitement par l'air comprimé,

et, ce qu'il y a de pire encore, il se livre à des excès de boisson;

les progrès de l'amélioration arrêtent.

Examen du malade le 20 juillet 1884. On entend de loin le

bruit que le malade fait en frottant le sol : il est forcé d'incliner

le tronc à gauche et de lever la hanche droite pour pouvoir déta-

cher du sol le membre correspondant qui lui paraît long à cause

de l'impossibilité où il est de fléchir l'articulation du genou et do

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 161

le faire ainsi avancer. La même chose doit avoir lieu pour l'autre

membre : toutefois le malade marche sans appui.

Tous les mouvements réflexes provoqués par les diverses excita-

tions de la peau et surtout par le chatouillement de la plante du

pied se trouvent augmentés. L'exaltation du réflexe rotulien

est telle que lorsqu'on frappe sur le tendon rotulien, la jambe se

projette deux ou trois fois et d'une façon très brusque et spasmo-

dique. En outre chaque coup du marteau percuteur provoque une

secousse de tout le corps, accompagnée d'une inspiration brusque

et de caractère spastique.

Une seule flexion du pied suffit pour provoquer la trépidation

épileptoïde, qui existe déjà spontanément, surtout au réveil et

sous l'influence d'émotions morales.

Le malade est tourmenté la nuit de secousses fréquentes : il

sent aussi souvent ses membres se raidir dans l'extension pendant

un temps variable. Quand on veut faire mouvoir les membres

paralysés du malade, on éprouve une résistance assez marquée,

sans que le malade s'y oppose à cause de la dyscampsie des arti-

culations.

La sensibilité examinée sous tous ses modes n'a présenté aucune

altération. - L'état nutritif des muscles ne laisse rien à désirer :

en effet, l'examen farado-galvanique a démontré qu'ils se con-

tractent très bien. Sens musculaire normal. - Pas de troubles

vaso-moteurs. L'extrémité supérieure gauche ne présente rien

d'anormal. Pas de troubles de la vessie du rectum et des organes

génitaux. Pas de symptômes céphaliques. Les autres appa-

reils paraissent bien fonctionner.

Observation IV. Accident occasionné par lu jroisiènte immersion;

profondeur de 25 brasses; séjour de plus de vingt minutes; décom-

pression brusque moins de une demi-minute. Douleurs au-

dessous de l'apophyse xiphoàde et aux lombes. Paraplégie des

membres inférieurs, accompagnée de rétention d'urines et de selles.

Evolution des symptômes spasmodiques. Amélioration par le

traitement dans l'air comprimé.

Etal du malade le 15 juillet 1884. Syndrome symptomatique

de paraplégie spastique bien plus marqué au membre droit.

Zacharias 'Valiquitis, àjé de trente ans; pas d'antécédents héré-

ditaires, ou personnels ; il a commencé à travailler en scaphandre

à 1876. Il a travaillé pendant une année entière, sans qu'il lui soit

survenu le moindre accident. Ce n'est que le 15 mai 1877 qu'il a

été attaqué pour la première fois dans les conditions suivantes :

l'immersion qui a occasionné l'accident était la troisième; cet

homme était descendu à une profondeur de 25 brasses et avait

séjourné plus de vingt minutes; la décompression a été assez

Archives, t. XVI. 11 1

162 CLINIQUE NERVEUSE.

brusque, moins d'une demi-minute. Notons bien aussi qu'il avait

beaucoup mangé avant cette immersion.

Immédiatement après l'enlèvement du casque, le malade a été

pris d'une très forte douleur au-dessous de l'apophyse xiphoïde et

à la région lombaire, sans gonflement de l'estomac, au moins

apparent : il y avait seulement une certaine gêne de la respira-

tion, le malade étant forcé de ne pas faire des inspirations pro-

fondes afin de ne pas augmenter la douleur épigastrique. Pas de

perte de connaissance; pas de vertiges; pas de trace d'aphasie ;

enfin, aucun symptôme céphalique.

Au bout d'une heure, la douleur de l'épigastre ainsi que celle

des lombes ont complètement cessé pour faire place à une para-

plégie soudaine complète des membres inférieurs, sans paralysie

des extrémités supérieures et de la face. Ses membres paralysés

étaient insensibles à la piqûre. Enfin, pour achever le tableau cli-

nique de cet accident, ajoutons qu'il y avait en outre de la réten-

tion d'urines et de selles, qui a nécessité l'emploi de la sonde et

des purgatifs.

Du 15 mai, jour de l'accident, jusqu'à la fin de juin, le malade a

été forcé de garder le lit sans pouvoir se tenir debout, ayant des

secousses fréquentes, surtout la nuit.

Le 2 juillet, il se sent capable de se lever, de se tenir debout, et

de faire quelques petits pas à l'aide de deux béquilles : il sentait,

dit-il, ses membres inférieurs très lourds, rigides, qu'il traînait en

frottant fortement le sol; un tremblement involontaire contri-

buait à rendre la marche bien plus difficile ; car il survenait à

chaque pas et avec une grande intensité; ses membres se raidis-

saient, surtout la nuit, pendant un temps variable, toutefois assez

court.

A ce moment, il se décide à faciliter cette tendance à la guéri-

son par le travail dans l'air comprimé, en faisant quatre à cinq

immersions par jour à une profondeur variant lq et 20 mètres et

chaque fois une demi-heure de séjour. 11 se sent très amélioré au

point qu'après vingt jours, c'est-à-dire le 22 juillet, il marche sans

béquilles; il frotte moins le sol ; il traîne moins ses jambes qui

lui paraissent moins lourdes et moins rigides; le tremblement

est moins fréquent et moins intense : les secousses moins fortes et

ses contractures également moins fréquentes; la parésie vésicale

et rectale qui depuis déjà le dixième jour de l'accident avait rem-

placé la rétention a été définitivement guérie. Mais malheureuse-

ment, de retour à son pays, il renonce à la compression comme

moyen thérapeutique et il commence à s'enivrer : l'amélioration

s'arrête.

Dès lors, tous les ans, il faisait sa campagne en se comprimant

à la profondeur de 35 à 45 mètres, quelquefois plus, et prolongeant

son séjour de vingt à trente minutes. Dans ces conditions, il a eu la

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 163

chance de ne pas avoir de nouveaux accidents, mais sa paraplégie

restait dans un état stationnaire.

Etat du malade le 15 juillet 1884. Il marche sans appui quel-

conque. La paralysie est bien plus prononcée à son membre infé-

rieur droit. Il est obligé d'incliner le tronc à gauche et un peu en

arrière et de lever la hanche droite pour pouvoir détacher du sol

la jambe droite et la faire mouvoir, après avoir décrit un arc de

cercle. Quant à la jambe gauche, le malade peut très bien faire

mouvoir sans employer le procédé décrit. De ses souliers, c'est seu-

lement le droit qui s'use à la pointe parce que c'est de la jambe

droite que le malade frotte le sol dans sa marche. 11 a des secousses

fréquentes pendant la nuit, plus souvent à droite. Le malade au lit

sent ses membres se raidir dans l'extension : toutefois la raideur

passagère est plus durable et plus intense à son membre droit.

Il y a une exagération manifeste de mouvements réflexes facile-

ment constatable par les diverses excitations de la peau, surtout

par le chatouillement de la plante du pied, beaucoup plus à droite.

Le phénomène du genou droit est très exalté et chaque coup pro-

voque 2 à 3 projections de la jambe. Quand on frappe le tendon

rotulien gauche, on trouve aussi une exaltation du réflexe corres-

pondant, et à chaque coup, le membre droit fait un mouvement

d'adduction.

La sensibilité se trouve émoussée dans un de ses modes, la dou-

leur, et seulement à. droite.

Le sens musculaire ne présente aucune altération. Pas de

troubles trophiques : l'état des muscles est satisfaisant : examen

électrique négatif. Pas de troubles vaso-moteurs. Vessie et

rectum normaux.

Comme symptômes céphaliques le malade a des frayeurs la nuit ;

voit des têtes grimaçantes et des animaux de diverses espèces ;

enfin il est tourmenté d'insomnies. Il y a du tremblement aux

mains. Il souffre d'une dyspepsie flatulente accompagnée de

pituites, le matin; il continue à commettre des excès alcooliques.

Les autres organes paraissent bien fonctionner.

Observation V. Accident provoqué par la huitième immersion le

2 décembre 1871 : profondeur de 30 brasses ; séjour de plus de

un quart d'heure; décompression brusque. - Cécité complète ayant

duré cinq minutes ci peine et aphasie motrice. Paraplégie.

Syndrome spasmodique. Marche es<eK<M/<em6H<)'eogt'MS : t)e.

Guérison survenue dans un mois par le travail dans l'air comprimé.

Plusieurs accidents de paraplégie fugitive, souvent accompagnée

de prurit, qui survient quelquefois seul et isolé de tout autre symp-

tôme.

Constantin Colovolis, âgé de trente-huit ans, pas d'antécédents

164 CLINIQUE NERVEUSE.

héréditaires ou personnels, a commencé le travail dans l'air com-

primé au mois de mai 1871, il a travaillé pendant environ sept

mois, sans avoir eu d'accidents ; ce n'est que le 2 novembre de la

même année, à la huitième immersion de la journée, à la profon-

deur de 30 asses, le séjour dans le fond ayant été prolongé plus

d'un quart d'heure, qu'il a eu l'accident suivant. --Deux minutes

après la décompression, faite comme toujours d'une façon assez

brusque et l'enlèvement du casque, soudain le malade perd tout à

fait la vue ; aussitôt après, il est pris d'un trouble du langage, il

ne pouvait plus articuler un seul mot; tout ce qu'il pouvait pro-

noncer, c'était ha, ha, ha, ho, ho, ho; mais il comprenait, dit-il,

parfaitement bien ce qui se disait autour de lui, sans pouvoir

répondre. Il s'entendait un peu avec son entourage parla mimique.

Il ne savait ni lire ni écrire. Pas de perte connaissance, pas de ver-

tiges, pas de bouche de travers, enfin pas d'autres symptômes cépha-

liques.

Au bout de cinq minutes, la cécité s'est passée d'une façon

complète, le malade voyait comme avant l'accident, mais il n'en a

pas été de même pour son aphasie. Dix minutes après l'accident

à côté de l'aphasie, il devient paralytique des membres inférieurs,

ses extrémités supérieures étant absolument indemnes. Ses mem-

bres paralytiques étaient insensibles à la piqûre. Le malade enfin

avait en outre des rétentions d'urine et de selles.

Le 3 novembre, vingt-quatre heures environ après l'accident, le

malade a commencé à pouvoir articuler quelques mots ; dès lors,

en peu de temps son vocabulaire de mots devint de plus en plus

riche, de sorte que le 4 novembre, il articulait très bien tous les

mots. La sensibilité des membres paralysés a commencé à

revenir, car il sentait quoique vaguement la piqûre. Ce jour-là

le malade a eu de l'incontinence d'urines et de selles.

Pendant vingt jours, il a été forcé de garder le lit, sans pouvoir

se tenir debout.

Le 22 novembre, il a pu à l'aide de 2 béquilles faire quelques

petits pas ; mais depuis lors, l'amélioration a fait des progrès si

considérables que le 10 décembre, il a pu marcher sans appui.

Dès ce moment, l'amélioration s'arrête, le malade boite, il traîne

ses jambes, il frotte le sol en marchant et ses pieds tremblent, sur-

tout au réveil et sous l'influence des émotions morales et de la

fatigue. Il sent ses membres se raidir de temps en temps, mais

surtout la nuit. Il a aussi des secousses qui le tourmentent assez

souvent.

Durant quatre mois, l'état du malade resta tel que nous venons

de le décrire, sans aucune tendance à la guérison. Le 2 mai 1872,

le malade se décide à reprendre ses immersions, comme moyen

thérapeutique, en en faisant de 5 à 7 par jour. La profondeur de

chaque immersion variait entre 1 ! ! et 20 mètres et son séjour chaque

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. '16S

fois était prolongé jusqu'à ce que le malade suât abondamment;

la décompression ne durait pas plus de vingt secondes.

A l'aide de ce traitement, l'amélioration a marché avec une

rapidité véritablement surprenante au point que, au commen-

cement de juin, il s'est débarrassé complètement de son état

paraplégique ; le malade faisait de longues courses sans se fati-

guer.

Depuis sa guérison jusqu'au 15 février 1884, jour de l'examen

de ce malade, il m'a raconté qu'il faisait régulièrement ses cam-

pagnes pour la pêche des éponges et qu'il avait pris les accidents

suivants.

Tous les ans, quelquefois plusieurs fois par an, lorsqu'il descen-

dait même à la première immersion à une profondeur de 28 à

30 brasses et qu'il séjournait plus d'un quart d'heure dans le fond,

il se sentait pris d'une paralysie subite et complète aussi bien de

la motilité que de la sensibilité des membres inférieurs, paralysie

très fugitive, car elle n'a jamais duré plus de quatre à cinq heures.

Cette paraplégie n'était ni précédée ni accompagnée d'aucun autre

symptôme, sauf un prurit intense qui était intolérable et qui durait

environ de quatre à seize heures. Ce prurit survenait quelquefois

d'une façon isolée, constituant à lui seul le tableau clinique de

l'accident sans aucun autre symptôme quel qu'il fût.

Examen du malade, le 15 février 1884. - Il n'y a pas le moindre

trouble, ni de la motilité, ni de la sensibilité des membres inférieurs

du malade. Le sens musculaire ne présente aucune altération

appréciable; il n'y a pas trace de trépidation épileptoïde soit

spontanée, soit provoquée.

Le seul signe qui existe comme vestige de la paraplégie spas-

modique proexistente est une légère exaltation du réflexe rotulien

des deux côtés ; pas de troubles trophiques ni vaso-moteurs ; les

fonctions de la miction de la défécation et de la génération sont

à l'état normal.

Il n'y a aucun symptôme céphalique. Il est venu me consulter

seulement sur ce qu'il devait faire pour se débarrasser de son

prurit qui lui survenait après chaque montée, toutes les fois qu'il

descendait à une profondeur de 44 mètres et au delà. Je lui ai

conseillé la récompression comme le seul moyen rapide et très

efficace après chaque prurit ; depuis lors il a eu recours à ce

moyen, et après une immersion, rarement deux, le prurit dis-

parut.

Observation VI. Accident survenu à la cinquième immersion

faite tout à fait dans les mêmes conditions que les quatre pré-

céderzles, 26 brasses de profondeur et dix minutes de séjour dans le

fond; décompression brusque, une minute. Symptômes d'invasion;

166 CLINIQUE NERVEUSE.

' perte de connaissance et serrement spastique de mâchoires.

Paraplégie passagère accompagnée et suivie d'un priapisme qui a

duré seize jours.

État actuel. Réflexes exaltés.

Le nommé N. Gerassimis, de l'lie dechalki, âgé de trente-cinq ans,

sans antécédents héréditaires ou personnels, exerce déjà le métier

de scaphandrier, depuis 1870. Durant cinq ans de suite cet homme

n'a eu aucun accident. Ce n'est que le 15 mai 1876 qu'il a eu

l'accident que nous allons décrire. Ce jour-là, après avoir fait

4 immersions successives à une profondeur de 26 brasses, chaque

fois le séjour dans le fond n'ayant pas duré plus de dix minutes,

il en fait une cinquième tout à fait dans les mêmes conditions de

profondeur, de séjour et une minute de décompression. Il ne

toussait pas, il n'avait pas mangé, il n'était pas refroidi avant cette

immersion. Il importe de remarquer qu'il n'était pas fatigué.

, Dès qu'on lui enlève le casque, le malade perd connaissance,

sans aucun symptôme prodromique et à l'instant ses urines et ses

selles lui échappent involontairement. Il y avait en même temps,

d'après le dire d'un de ses compagnons qui était présent à notre

examen, un serrement de mâchoires tellement fort, qu'il était im-

possible de lui entr'ouvrir les mâchoires afin de lui administrer

de l'huile ou autre chose pour le faire vomir, selon l'habitude des

scaphandriers. Au bout d'une heure et demie, le malade revient à

lui, n'ayant plus les mâchoires serrées, ni vertiges, ni trouble de

langage, ni enfin aucun autre symptôme céphalique, sauf un cer-

tain degré de lourdeur de tête. Mais par contre, les membres infé-

rieurs du malade étaient complètement paralysés et anesthésiés.

Il n'existait plus de troubles urinaires ou rectaux. Du côté des

organes génitaux il y avait un priapisme très fort, le pénis était

dans un tel état d'érection que le malade nous raconte qu'il ne se

' souvient jamais avoir vu son membre viril si- dur et si turgescent.

Le 18 mai, c'est-à-dire troisjoursaprès l'accident, le malade recou-

vra entièrement la motilité et la sensibilité de ses membres infé-

rieurs. 11 se fatiguait seulement quand il faisait des longues courses.

Mais il n'en a pas été de même pour son priapisme, qui a persisté

avec une ténacité remarquable et une intensité exceptionnelle

pendant treize jours encore, c'est-à-dire seize jours en tout. Nous

avons oublié d'ajouter qu'aucune sensation voluptueuse n'était

associée à ce priapisme. Le 1er juin, il était complètement débar-

rassé de son priapisme et en conséquence guéri, car c'était le seul

symptôme qui représentait à cette époque son état maladif.

Etat actuel. Exaltation considérable des réflexes.

Observation VU. Accident provoqué le 24 mai 1883 à la sixième inz-

mersion; descente ci une profondeur de 26 brasses ; séjour de vingt

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 167

minutes plus prolongé que dans les 5 immersions précédentes ;

décompression brusque. Douleurs à l'estomac, gêne de la respi-

ration et aphasie motrice de dix minutes. Paraplégie des membres

inférieurs. Six heures d'intervalle de bien-être entre la dispari-

tion des symptômes prodromiques et l'apparition de la paraplégie.

Evolution des symptômes spasmodiques.

Etat actuel (15 mai 1881). Cortège symptonzatiquc de la

paraplégie spastique, avec quelques troubles urinaires et abolition

notable des fonctions génitables. Le 20 août 1881, guérison

presque complète et définitive par les compressions. Complément

du traitement par l'hydrothérapie, les pointes de feu et la médi-

cation tonique.

Le nommé S. Georgiades, homme robuste, sans antécédents

héréditaires ou personnels, âgé de vingt-neuf ans, a commencé à

travailler en scaphandre au mois de mars 1883. Pendant deux mois

de suite ce scaphandrier n'a été attaqué d'aucune espèce d'acci-

dent. Le 8 mai de la même année, il a eu l'accident suivant. Le

malade ne peut nous décrire exactement les conditions dans les-

quelles l'immersion qui lui a causé l'accident a eu lieu; il se rap-

pelle seulement que c'était à 2 heures de l'après-midi, et

qu'après sa montée il est resté trois heures sans rien sentir ; mais

vers 5 heures du soir, il est pris de douleurs excessivement fortes,

au point qu'il poussait des cris déchirants. Les douleurs occupaient

les articulations de l'épaule et du coude de l'extrémité supérieure

droite, ainsi que celles de la hanche et du genou du membre infé-

rieur gauche. Ces douleurs ont persisté toute la nuit avec une

intensité si grande que le malade n'a pas fermé les yeux; elles

n'ont cessé que le lendemain, vers 5 heures du soir. Il faut

noter aussi que ces douleurs existaient seules et isolées de tout

autre symptôme quel qu'il fût; le jour suivant, cet homme reprit

son travail dans l'air comprimé, mais il n'a pas eu la chance de

travailler longtemps sans accident.

Le 24 mai, c'est-à-dire seize jours après le premier accident,

après avoir fait 5 immersions successives à une profondeur de

26 brasses, il en fait une sixième : cette fois, il reste vingt- minutes

dans le fond, au lieu de dix a quinze qu'il était resté aux 4 im-

mersions précédentes; aussitôt après l'enlèvement' du casque,

à 5 heures du soir, il sentit des douleurs très fortes à l'épigastre,

sans gonflement de l'estomac, et évite de faire des inspirations

plus ou moins profondes pour ne pas augmenter sa douleur épi-

gastrique. Outre cette douleur, le malade se trouvait dans l'impos-

sibilité absolue d'articuler un seul mot. Il comprenait, dit-il, ce

qu'on disait autour de lui, mais il ne pouvait y répondre. Le seul

moyen par lequel il s'entendait, d'ailleurs assez bien, était la

mimique. Il ne savait ni lire ni écrire. Pas d'aphonie.

168 CLINIQUE NERVEUSE.

Au bout de dix minutes, ses douleurs ainsi que son trouble de

langage ont complètement disparu. Six heures se passent et le

malade se sent parfaitement bien, sans aucun symptôme cépha-

lique, ni aucune espèce de paralysie. A 11 heures du soir, une

paraplégie subite survient aux membres inférieurs avec une anes-

thésie tellement prononcée qu'on passait l'aiguille à travers les

membres paralysés du-malade sans qu'il en ressentit la moindre

sensation. Unerétention d'urines et de selles a nécessité le sondage

et les purgatifs. Le 4 juin la rétention a été suivie d'incontinence.

Vers la fin de la troisième semaine de son accident, il a com-

mencé à avoir des secousses, surtout la nuit.

Le 4 juillet, c'est-à-dire quarante jours après son accident, le

malade commence à se tenir debout et à faire quelques pas en

s'appuyant sur une corde du caique. Ses membres lui paraissaient,

dit-il, extrêmement lourds, et souvent, ils étaient agités d'un trem-

blement involontaire qui contribuait aussi à rendre la marche

plus difficile.

Le 20 juillet 1883, l'amélioration n'a fait que peu de progrès, car

il n'a pu marcher qu'à l'aide d'un bâton. Le 3 septembre, le sujet

marche sans appui, mais depuis lors, l'amélioration s'arrête et

le malade reste dans un état stationnaire jusqu'au 13 mai 1884

(c'est-à-dire pendant dix mois), jour de notre examen qui nous

a fourni les résultats suivants.

De loin, on peut faire le diagnostic de la paraplégie spasmodique,

car on entend le malade venir par le bruit qu'il fait en frottant

le sol. Pour détacher du sol sa jambe droite et la faire avancer, il

est obligé de lever la hanche droite et d'incliner le corps à gauche

et un peu en arrière. La même chose arrive pour le membre

opposé, de sorte que le malade a dans sa marche un balancement

tout particulier. Chaque membre en se portant en avant décrit

un tour, frottant en même temps le sol de la pointe de ses souliers,

qui s'use rapidement.

Tous les mouvements réflexes, provoqués par diverses excitations

et surtout par le chatouillement de la plante des pieds, ont été

trouvés exaltés. Le phénomène du genou des deux côtés est si

exalté que la jambe à chaque coup du marteau percuteur fait 2 à

3 projections, accompagnées d'un mouvement d'adduction de la

jambe opposée.

On observe aussi un phénomène du même ordre, qui est le sui-

vant. Le malade étant couché, les jambes tendues, et dans une

position horizontale, quand on tire de son côté la jambe gauche

par exemple, on voit que l'autre suit le membre tiré, en faisant

un mouvement dans le même sens. Quand on lire, au contraire la

jambe droite, la gauche fait aussi le même mouvement en suivant

la droite dans la même direction.

Une légère flexion du pied suffit pour faire paraître l'épilepsie

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 169

spinale. A droite même, pour faire cesser le tremblement, il faut

fortement fléchir le pouce du pied. L'épilepsie spinale existe aussi

spontanément et surtout dans les conditions que nous avons déjà

exposées aux observations qui précèdent. La nuit, le malade est

tourmenté de secousses fréquentes. Il sent aussi ses membres se

raidir dans l'extension pendant un temps variable.

La sensibilité examinée soigneusement sous toutes ses modalités

a été trouvée parfaitement normale. Il n'y a pas le moindre

trouble trophique. Les membres du malade ont leur volume nor-

mal. Leur musculature est parfaite. L'examen électrique a donné

un résultat complètement négatif. Le sens musculaire ne pré-

sente aucune altération.

Pas de troubles vaso-moteurs. Le malade a quelquefois un peu

de difficulté pour uriner. '

Du côté des organes génitaux il y a une abolition notable des

fonctions génitales. Les érections sont incomplètes. Au moment

où il se prépare à introduire son pénis dans le vagin, l'érection

incomplète cesse et en rend l'introduction impossible, ce qui a sur-

tout décidé le malade à venir me consulter. Pas de troubles du

rectum. Pas de symptômes céphaliques.

J'ai conseillé au malade le traitement par compression, c'est-à-

dire, de faire tous les jours 3 à 4 immergions dans la profondeur

de 18 à 20 mètres, et chaque fois de prolonger son séjour de trente

à quarante minutes. Quant à la décompression, qu'elle soit brusque

ou non, peu nous importe, pour les raisons qui seront exposées

dans la suite. L'amélioration a commencé d'une façon lente mais

progressive, au point qu'au bout de trois mois de ce traitement, le

malade a été presque guéri.

Etat actuel (20 août 1884). Le malade marche bien sans

boiter : impossible de reconnaître une allure quelconque de la

démarche spasmodique proexislante; cependant il se fatigue vite

en marchant.

Il faut faire marcher le malade pour pouvoir, par des essais

répétés, provoquer la trépidation épileptoïde. L'exaltation des

réflexes rotuliens existe encore, mais bien moindre.

Les petits troubles urinaires qui existaient ont disparu. Les

érections étant plus complètes et plus durables, l'introduction du

pénis peut avoir lieu, mais l'éjaculation se fait toujours immédiate.

Le malade s'est engagé volontaire dans l'armée, car il n'a pas

voulu continuer son travail dans l'air comprimé.

Pour compléter le traitement, je lui ai prescrit l'hydrothérapie,

l'application des petites pointes de feu faite tous les huit jours le

long de la partie dorsale et lombaire de la colonne vertébrale, et

une médication tonique. Le malade après un mois de traitement

marchait sans se fatiguer. Il était impossible de provoquer l'épi-

lepsie spinale. Rien du côté des organes génitaux. Enfin, le seul

170 CLINIQUE NERVEUSE.

signe qui existait comme souvenir pour ainsi dire et comme marque

de la proexistence de la paraplégie spastique du malade était une

petite exaltation des réflexes rotuliens, surtout à droite.

Observation VIII. Accident provoqué le 27 septembre 1873, à

5 heures du soir, à la sixième immersion, 30 brasses de profondeur,

une demi-heure de séjour, décompression brusque une minute.

Symptômes d'invasion : malaise; douleurs à l'hypogastre, qui

monte et se localise à l'épigastre ; gonflement gazeux de l'estomac ;

difficulté de respirer ; fourmillements. Disparition de ces symp-

tdmes à 9 heures. A minuit, paraplégie avec rétention d'urines

et de selles ; le malade reste paralysé pendant treize ans. Evo-

littion du syndrome spasmodique. Le 28 mai 1886, aggravation

de la paraplégie par un léger accident.

État actuel, le 15 juillet 1886. - Cortège synaplomatique de la

paraplégie spastique avec catarrhe vésical.

Georges Mangaphas, âgé de quarante ans, sans antécédents

héréditaires ou personnels, a commencé son métier de scaphan-

drier au mois de mai 1873 : il a travaillé cinq mois environ sans

avoir eu d'accident. Mais le 27 septembre de la même année,

après avoir fait déjà 5 immersions [c'était le système qui régnait

alors, dont nous parlerons au chapitre de I'E< ! 0<oe], de suite sans

accidents; il en fait une sixième, à 5 heures du soir, à une profon-

deur de 30 brasses, et séjourne dans le fond une demi-heure : la

décompression a été exécutée comme d'habitude, c'est-à-dire en

une minute. Aussitôt après sa montée, il a senti un malaise

général que le malade ne peut définir. Sans tenir compte de son

état, il remet son casque pour faire la septième immersion de

sa série. Mais dès qu'il se prépare à quitter l'échelle du bateau

pour se plonger, il sent une douleur à la région hypogastrique, et

il penche le corps en avant pour se soulager. La douleur, au lieu

de rester stationnaire, monte verticalement et gagne le creux de

l'épigastre ; alors, il reprend aussitôt le bateau pour se déshabiller.

Cette douleur qui était, d'après le dire du malade, semblable à

celle d'un coup de poignard, était accompagnée d'un gonflement

de l'estomac qui faisait une saillie énorme sur la partie supé-

rieure du ventre. Outre les symptômes décrits, la respiration était

très gênée : il sent aussi un besoin impérieux d'uriner et d'aller à

la selle, mais en vain il se force, rien ne sort. Ace moment, il est

pris à l'arrière du pied gauche d'un fourmillement très fort, qui

rapidement monte jusqu'aux côtes gauches. La même sensation

ayant la même marche ascendante arrive au côté droit. Le malade

marche très bien, sans vertiges ni mal de tête, ni embarras de la

parole; enfin aucun symptôme céphalique. Il s'endort à 9 heures

du soir, les fourmillements et tous les autres symptômes décrits

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 171

ayant disparu, sans excepter le gonflement de l'estomac, qui s'était

passé, à la suite d'un renvoi de gaz aussi bien par en haut que

par en bas.

A minuit, il essaye d'uriner, mais il n'y arrive pas; il voit en

outre que ses membres inférieurs sont complètement paralysés de

leur motilité ; leur sensibilité était diminuée mais non abolie.

Pour le faire uriner, on emploie la sonde, pendant sept jours de

suite, au bout desquels la rétention a fait place à l'incontinence.

Au début de la quatrième semaine de son accident, il com-

mence à avoir des secousses nocturnes. A la même époque, le ma-

lade urinait bien, toutefois avec une petite douleur à l'orifice

externe.

Le 9 novembre, le malade a eu .une hématurie intense qui se

répétait tous les cinq jours.

Le 11 décembre 1873, c'est-à-dire deux mois et demi après son

accident, le malade commence à se tenir debout et à faire quel-

ques petits pas en s'appuyant sur deux bâtons.

Le 26 janvier 1874, il a pu marcher à l'aide d'un bâton seule-

ment ; mais ses pieds étaient toujours très lourds et agités d'un

tremblement, frottant le sol, ayant des secousses et des contrac-

tures passagères, surtout la nuit. Ses membres paralysés ont

gardé, dit-il, leur volume normal. Le malade a commencé aussi à

avoir, outre son hématurie, du pus avec mucus en quantité con-

sidérable. Un dépôt très épais se formait toujours au fond du vase.

Le 10 février, il a pu marcher sans appui.

L'état du malade tel que nous venons de le décrire est resté

sans aucune autre amélioration jusqu'à 1886 ; il n'a pas suivi le

traitement par compression. Il se livrait pendant tout ce temps à

des excès de boisson. Le malade faisait tous les ans régulièrement

ses campagnes, sans avoir aucun accident.

Le 28 mai 1886, à 11 heures du matin, ayant déjà antérieurement

fait 4 immersions inoffensives, il en fait une cinquième, de même

profondeur : 50 à 55 mètres, et de même séjour que les 4 précé-

dentes. La décompression a été d'une minute. Un quart d'heure

après sa montée et l'enlèvement du casque, le malade est pris

d'une sensation de chaleur à la nuque qui bientôt après se trans-

forme en une constriction que le malade compare à quelque chose

qui l'écrasait, et qui était tellement forte qu'il pleurait en pous-

sant des cris comme un enfant. Au bout de vingt minutes, cette

douleur cesse pour faire place à un engourdissement siégeant aux

quatre membres, mais surtout aux inférieurs. Enfin l'état paraplé-

gique a considérablement empiré. Il n'a pas été forcé de s'ali-

ter, ni même de prendre un appui pour marcher; il ne s'était pas

servi jusqu'alors, mais cependant ses membres paralysés étaient

devenus bien plus tremblants, plus lourds, les genoux s'enclavaient

dans la marche, ce qui la rendait bien plus difficile encore.

'172 CLINIQUE NERVEUSE.

Etat actuel le 15 juillet 1886. Le malade marche toujours sans

bâton; sa démarche est fortement spasmodique. Les mouvements

réflexes examinés par les procédés habituels sont trouvés plus

exaltés. Le phénomène du genou est tellement exagéré qu'un seul

coup de marteau percuteur suffit pour projeter plus de deux fois

la jambe correspondante. Si on multiplie les coups de marteau,

on produit une contracture du membre percuté, qu'on fait dispa-

raître par le massage des muscles antagonistes.

Par une légère flexion des pieds, on provoque l'épilepsie spinale,

qui, une fois commencée, ne cesse qu'après avoir fortement fait

fléchir le pouce du pied. L'épilepsie spinale existe aussi spontanée,

surtout au réveil, après une longue marche et sous l'influence de

causes morales, émotions, etc.

Le malade a des contractures passagères, surtout la nuit, et un

peu plus fortes à gauche. Il a aussi des secousses qui le tour-

mentent surtout la nuit. Il y a une dyscampsie des articulations

que l'on constate facilement, si l'on fait mouvoir les membres du

malade.

La sensibilité examinée sous tous ses modes et très soigneuse-

ment, a été trouvée parfaite.

Pas le moindre trouble du sens musculaire. L'état trophique des

membres paralysés ne laisse rien à désirer, les muscles répondent

très bien à l'électricité. Pas de troubles vaso-moteurs. L'examen

des urines a montré une grande quantité de pus et de mucus.

Les fonctions des autres organes paraissent bien se faire. Il n'y

a rien du côté du rectum et des organes génitaux. La douleur

de l'orifice externe du méat a été supprimée. Pas de symptômes

céphaliques.

Observation IX. Accident provoqué le 15 juillet 1872, à la deuxième

immersion, faite à une profondeur de 23 brasses ; séjour de vingt-

cinq minutes ; décompression brusque. Paralysie de la motilité

et de la sensibilité des membres inférieurs avec rétention d'urines

et de selles. Pas de symptômes cérébraux gastriques ou autres.

Evolution des symptômes spasmodiques. Le malade reste

paraplégique jusqu'en 1884 : excès continus de boissons.

État du malade, le 20 juillet 1884. Syndrome de la paraplégie

spastique ; anesthésie en plaques; troubles vaso-moteurs et urinaires.

Le nommé D. Soutsos, âgé de trente-deux ans, ne présente rien

comme antécédents héréditaires. Bonne santé antérieure; pas

de syphilis, ni paludisme, ni maladies fébriles. 11 a commencé à

travailler dans l'air comprimé le 15 mai 1872.

Le 15 juillet, c'est-à-dire après deux mois juste de travail, il

était descendu à une profondeur de 23 brasses et avait séjourné

un quart d'heure ; tout cela se passe sans accident : il fait une

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 173

deuxième immersion à 10 heures du matin à la même profondeur

de 23 brasses, mais le séjour ayant été prolongé jusqu'à vingt-cinq

minutes, la décompression a été brusque comme toujours. Pas

de repas, pas de toux, pas de refroidissement avant l'immersion,

pas de fatigue. Le malade affirme que plusieurs fois déjà, antérieure-

ment, il avait fait des immersions dans les mêmes conditions, sans

avoir eu d'accidents.

Une demi-heure après la montée et l'enlèvement de son casque,

le malade est pris d'un frisson général absolument semblable,

dit-il, à celui des accès de fièvres intermittentes et bientôt après

il perd connaissance pendant une heure. Au bout de ce temps, le

malade revient à lui, sans avoir ni vertiges, ni trouble de langage,

ni bourdonnements d'oreilles, ni étourdissements, enfin aucun

autre symptôme céphalique. Mais par contre, il a une paralysie

de la motilité et de la sensibilité des membres inférieurs, qui est

accompagnée de rétention d'urines persistant pendant un mois.

On était naturellement forcé de sonder le malade tous les jours,

ou tous les deux jours. Au bout de ce temps, la rétention a été

remplacée par l'incontinence. Rien du côté du rectum et des

organes génitaux.

Au début de la quatrième semaine de son accident, le malade

commence à avoir des secousses. Il a été forcé de garder le lit

pendant plus de trois mois entiers.

Le 20 octobre, il commence à pouvoir se tenir debout et à faire

de petits pas à l'aide de deux béquilles. L'amélioration a continué

d'une façon lente, mais progressive. Le 6 octobre, il a pu marcher

un peu, à l'aide d'une béquille seulement.

Enfin, le 5 janvier 1873, c'est-à-dire cinq mois et demi après

l'accident, il marche sans béquilles, mais difficilement, et en boi-

tant d'une manière très visible. Ses membres lui paraissent très

lourds, ils étaient souvent agités d'un tremblement involontaire,

ils se contracturaient, surtout la nuit, pendant un temps variable,

toujours assez courtet enfin son incontinence continuait invariable-

ment. Là, cette amélioration très lente, mais enfin progressive

s'arrête définitivement. Depuis lors, jusqu'à aujourd'hui il est resté

presque tel qu'il était.

N'oublions pas de noter que ce malade n'a cessé de s'enivrer et

qu'il n'a jamais essayé le traitement par immersions.

Etat du malade le 20 juillet 1884. Le malade peut marcher sans

appui ; il ne s'en sert que quand il est fatigué. A chaque pas, le

malade incline le tronc de son corps à gauche et lève la hanche

droite, pour arriver à détacher du sol le membre inférieur droit,

qui se porte en avant, après avoir décrit un tour et frotter le sol.

Le même procédé doit être employé par le malade pour le mem-

bre gauche, qu'il ne peut détacher du sol et faire avancer sans

pencher le tronc à droite, etc.

- 174 CLINIQUE NERVEUSE.

Si l'on fait mouvoir les membres du malade, on sent une résis-

tance considérable sans opposition de sa part. Les mouvements

réflexes sont presque tous exaltés. Il y a une exagération considé-

rable des réflexes rotuliens. L'excitabilité de la moelle épinière est

tellement grande et diffuse que les coups portés sur les tendons

rotuliens secouent tout le corps du malade. La trépidation épilep-

toide peut être facilement provoquée par le procédé ordinaire.

Elle existe aussi spontanée surtout au réveil et sous l'influence des

émotions morales. Le malade est tourmenté de secousses et de

contractures passagères, surtout la nuit.

La sensibilité examinée sous tous ses modes a démontré une

anesthésie par plaques étendues. Sens musculaire parfaitement

normal, sauf peut-être un certain degré de signe de Romberg.

Les parties anesthésiées sont froides et livides. Pas de troubles

trophiques. Le malade a quelquefois un peu de difficulté pour

uriner. Les fonctions génitales et rectales sont normales. Pas de

symptômes céphaliques. Les autres appareils paraissent bien fonc-

tionner.

Observation X. Accident provoqué le 26 juillet 18S3 par la

cinquième immersion de la deuxième série. Une autre série de

5 immersions a été faite antérieurement sans suite ; mêmes condi-

tions de travail. Symptômes d'invasion : troubles respiratoires ;

éblouissement avec obscurcissement des yeux; bourdonnements

d'oreilles ; vertiges yyraloires. Paralysie et anesthésie des mcm-

bres inférieurs; l'extrémité supérieure s'était aussi paralysée peil-

dttnt une demi-heure; rétention d'urines ; douleurs aux lombes.

État actuel le 15 février 1884. Paralysie spastique du membre

inférieur gauche et un peu du droit. Sensations étranges du

membre gauche ; hyperesthésie au froid au niveau du pied corres-

pondant.

Nicolas Lagos, trente-deux ans ; il ne présente absolument rien

comme antécédents héréditaires : bonne santé antérieure, pas

d'impaludisme, pas d'accidents syphilitiques, pas d'alcoolisme. 11

a commencé à travailler dans l'air comprimé en 1879, et pendant

quatre ans de travail régulier, il n'a eu aucun accident sérieux,

sauf quelques petites douleurs, sans pouvoir apprécier les condi-

tions qui les ont occasionnées. Cet homme, alors effrayé, cesse son

travail pendant une année environ.

Au commencement du printemps de 1883, il reprend son métier

et travaille jusqu'au 26 juillet sans accident. Ce jour-là, étant à

Corphou, notre scaphandrier, parfaitement bien portant, fait

5 immersions l'une après l'autre sans suites fâcheuses : il se désha-

bille pour déjeuner et il mange très peu, n'ayant pas d'appétit.

Deux heures après il reprend sa sérié d'immersions et il en fait

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. '17 S

4 sans accident ; il en fait une cinquième à une profondeur de

25 brasses, le séjour n'ayant pas dépassé les douze minutes. Il

affirme, non seulement lui, mais encore un de ses compagnons,

qui assistait à notre examen, que cette immersion a été faite tout

à fait dans les mêmes conditions que les 4 précédentes, c'est-à-dire

même profondeur, même durée de séjour et même temps de

décompression.

Après sa montée, il était 5 heures du soir, on lui fait enlever le

casque. Immédiatement, il a été pris d'une dyspnée intense avec

sensation de suffocation imminente; la respiration était sonore,

mais il n'y avait pas de sifflement.

En outre, le malade ne voyait pas clair, ayant un éblouissement

et un obscurcissement assez prononcé. Le malade enfin ajoute

qu'il avait aussi des bourdonnements d'oreilles très forts ; le

malade croyait entendre par intervalles rapprochés des bruits forts

et violents, qu'il compare aux bruits d'une cascade considérable,

ce qui rendait l'ouïe confuse ; il avait en outre des vertiges ; les

objets environnants, dit-il, tournaient autour de lui sans qu'il

tournât aussi avec eux; pas de perte de connaissance, pas de

trouble du langage, enfin, aucun autre symptôme céphalique.

Bientôt après, ses deux membres inférieurs sont complètement

paralysés. L'extrémité supérieure gauche l'était aussi beaucoup,

car il ne pouvait le soulever. La sensibilité au niveau des

membres paralysés aurait été complètement abolie. On pouvait

lui traverser la peau de part en part avec une aiguille, sans que le

malade s'en aperçût.

A 5 heures et demie, c'est-à-dire une demi-heure après son

accident, le malade recouvra aussi bien la motilité que la sensibi-

lité de son membre supérieur gauche.

Le 27 juillet, la dyspnée avec le sentiment de suffocation, les

troubles oculaires et les vertiges ont disparu petit à petit. Il n'en

a pas été de même pour les bourdonnements d'oreilles qui persis-

tent. A ce moment, il essaye d'uriner, sans y arriver. Un médecin

de Corphou lui fait une application de la sonde. Constipation.

Le 31 juillet, il commence à pouvoir soulever ses membres, qui

jusqu'alors étaient complètement immobiles. Les bourdonnements

d'oreilles continuent. La rétention d'urine gêne beaucoup le

malade, car il est en voyage, et sa vessie depuis quatre jours déjà

n'avait pas été vidée.

Le 2 août, le malade fut rapatrié à Hydra. A l'instant, notre

excellent et distingué confrère M. Xanthos, qui assistait à notre

examen, a bien voulu nous communiquer les renseignements sui-

vants : il y avait une distension énorme de la vessie qui débordait

de plusieurs travers de doigts le pubis et il a rencontré beaucoup

de difficulté pour introduire la sonde ; les urines étaient rendues

en quantité considérable. La constipation a nécessité l'emploi de

176 CLINIQUE NERVEUSE.

purgatifs drastiques (huile de croton). La paralysie était à ce mo-

ment améliorée parce qu'il pouvait faire quelques pas, soutenu

toutefois par 2 personnes; il n'y avait pas trace de paralysie de

l'extrémité supérieure ni de la face. La sensibilité n'était pas alté-

rée. Le malade était tourmenté de douleurs lombaires, qu'il com-

parait à des coups de poignard; à chaque coup, il croyait que ses

reins s'ouvraient en deux. Rien du côté des sens spéciaux; pas de

bourdonnements ; le malade parlait bien ; il n'avait ni vertiges ni

aucun autre symptôme céphalique. 11 a ordonné comme trai-

tement des ventouses scarifiées, des frictions et des toniques : il a

continué à sonder le malade tous les matins pendant quatre jours,

au bout desquels la vessie est revenue à son état normal. Pas de

constipation. Le 22 août, le malade a pu marcher à l'aide d'un

seul bâton. Les douleurs de reins reviennent de temps en temps,

surtout après un peu de fatigue. Il a des secousses dans les mem-

bres paralysés. Il a aussi des contractures passagères ; les membres

s'étendent et se raidissent pendant un temps variable.

A la fin du mois de septembre, il marche sans bâton, tout en

boitant cependant et en frottant le sol par ses membres qui sou-

vent s'agitent d'un tremblement involontaire. Depuis lors le malade

n'a pas suivi son traitement.

Etat actuel, 15 février 1884. Le malade boite d'un seul côté ;

son membre inférieur gauche étant bien plus paralysé que le

droit, il est forcé d'incliner le tronc à droite et de lever la hanche

gauche pour pouvoir détacher du sol son membre inférieur gauche,

qui alors se porte en avant après avoir décrit un demi-tour et

frotté dans son chemin le sol avec la pointe de son soulier gauche,

car le talon touche à peine le sol. Il détache au contraire du sol

son membre droit et le fait avancer avec une grande facilité, de

sorte que le malade en marchant a un balancement unilatéral et

pour ainsi dire monotone. Les fléchisseurs de la jambe gauche

sont bien plus paralysés que les extenseurs.

Tous les mouvements réflexes du membre inférieur gauche

sont exagérés. Le réflexe crémastérien est très exalté. Il y a

une augmentation très marquée des réflexes rotuliens des deux

côtés, mais surtout à gauche.

Une seule flexion du pied gauche suffit pour déterminer la tré-

pidation épileptoïde du membre correspondant. Quant au

membre droit, il faut préalablement faire marcher le malade et

encore faire plusieurs essais pour obtenir le phénomène du pied.

Le malade est tourmenté de secousses, surtout à gauche, ses

membres se fléchissent et s'étendent tout d'un coup. Il a aussi

des contractures seulement dans le membre gauche, qui se raidit

pendant un temps variable, toutefois assez court. Si on fait mou-

voir le membre gauche du malade, on rencontre une très grande

b

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. H7 i

difficulté sans que le malade s'y oppose à cause de la dyscampsic

de ses articulations.

Au point de vue de la sensibilité, le malade présente la sensa-

tion étrange suivante : si on pique ou l'on touche simplement son

membre gauche, alors il sent depuis le genou jusqu'au pied une

sensation désagréable de picotement. Cette sensation ne se pro-

duit pas à droite. Il y a aussi une hyperesthésie exquise au froid

au niveau du pied gauche. Il n'y a pas trace d'atrophie; les

membres du malade, aussi bien le gauche que le droit, ont gardé

leur volume normal ; pas d'autres troubles trophiques. Comme

troubles vaso-moteurs, le malade se plaint seulement d'une sensa-

tion de froid qui peut être constaté aussi par l'application de la

main au membre gauche. Vessie, rectum, organes génitaux à

l'état normal. Il n'y a absolument aucun symptôme céphalique.

Les fonctions des autres organes ne laissent rien à désirer.

Observation XI. Accident provoqué le 15 mai 1874 à la cinquième

immersion. 4 immersions précédentes sans accident. Les condi-

tions du travail de la cinquième immersion étaient parfaitement les

mêmes que les 4 qui ont précédé, comme séjour, comme profondeur

et décompression. Aussitôt après l'enlèvement du casque, dou-

leurs au coude droit. Sixième immersion; à peine touche-t-il le

sol que l'intensité de la douleur du coude le force de remonter.

Immédiatement après la décompression (3 heures du soir), perte de

connaissance, êtourdissemenls. A 5 heures et demie, douleurs

aux articulations des 4 membres jusqu'à minuit, sommeil calme.

Au réveil, 7 heures du matin, paraplégie et anesthésie com-

plète des membres inférieurs. -A 10 heures et demie, amélioration

considérable et rapidement progressive au point qu'à 1 heure du

60t)' le malade a pu faire une course. Impuissance sexuelle com-

plète pendant trois mois. Parésie spastique. - Excès d'alcool

et abus de coït.

Etat actuel le 15 mars 18S4. Légère purésie spastique sur-

tout à la droite. 10 mai 1885, gfMërtsoH complète.

Michel Mostrios, âgé de quarante ans. Pas d'antécédents hérédi-

taires. Comme antécédents personnels, ce malade était atteint de

blennorrhagie intense, au moment même de son accident. Il a com-

mencé son métier de scaphandrier en 1870. et il avait travaillé pen-

dant quatre ans sans accidents. Le 15 mai 1874,àChypre, ayant déjà

fait 4 immersions, de S4 à 27 brasses de profondeur et de huit à

dix minutes de séjour, sans qu'elles fussent suivies d'accident, il

en opère une cinquième tout à fait dans les mêmes conditions.

La décompression ne dépassait pas chaque fois une demi-minute.

Il importe de remarquer que ce plongeur à scaphandre n'était

pas refroidi, il ne toussait pas et n'avait pas mangé avant cette

Archives, t. XVI. 12

478 CLINIQUE NERVEUSE.

immersion. Ajoutons aussi qu'il n'avait pas été fatigué. Presque

aussitôt après sa montée et l'enlèvement du casque (il était

3 heures du soir), il est pris de douleurs très fortes et continues

au coude droit. A ce moment le malade n'avait pas d'autres

symptômes.

Sans tenir compte de cette douleur, il remet son casque pour

opérer une sixième immersion. Mais la douleur qui augmentait

d'intensité d'un instant à l'autre était devenue, au sur et à mesure

qu'il descendait, de plus en plus forte, au point qu'à peine eut-il

touché le fond de la mer, il donna immédiatement le signal pour

le faire monter. Au moment même de l'enlèvement du casque, le

malade perd connaissance. On lui donne du vin chaud pour le faire

vomir; un soulagement immédiat suit le vomissement provoqué par

ce simple moyen et fait revenir le malade.-La durée totale de la

perte de connaissance a été de une heure et demie. Le malade

revenu à lui est pris d'étourdissements; il ressent un malaise;

tous les objets lui paraissent se mouvoir. Pas de troubles aphasi-

ques ou sensoriels ou autre symptôme céphalique. Comme symp-

tômes gastriques, le malade avait une grande soif qu'on a pris

garde de ne pas satisfaire; pas de douleurs ou de gonflement de

l'estomac; pas de troubles respiratoires.

A 5 heures et demie du soir, c'est-à-dire deux heures et demie

après son accident, le malade est pris de douleurs générales telle-

ment fortes qu'il poussait des cris horribles; ces douleurs étaient

plutôt localisées aux articulations des quatre membres ; elles étaient

continues ; mais, de temps en temps, les parties douloureuses

étaient traversées d'élancements intolérables. Il ajoute que toutes

les articulations étaient gonflées, mais surtout celles des genoux ;

il percevait aussi un bruit semblable à un craquement, pendant

les rares mouvements qu'il faisait ; pas de fièvre. La durée de ces

douleurs a été de six heures et demie, c'est-à-dire, qu'elles n'ont

cessé qu'à minuit. A ce moment, étant très fatigué, mais parfai-

tement bien portant, sans étourdissements et sans trace de para-

lysie, il s'endort.

A son réveil, 7 heures du matin, il voit avec un grand étonne-

ment que ses membres inférieurs sont complètement paralysés.

Ils ne pouvaient faire le moindre mouvement. La sensibilité non

seulement au niveau des membres paralysés, mais aussi depuis la

partie inférieure du tronc jusqu'aux côtes, aurait été complète-

ment abolie. C'est à peine si le malade avait le sentiment du

besoin naturel de la défécation, pas de troubles plus sérieux du

côté du rectum; rien du côté de la vessie.

A 10 heures du matin, le malade commence à sentir et à mou-

voir ses membres paralysés qui, jusqu'à ce moment, étaient restés

tout à fait insensibles et immobilisés; mais il ne peut encore se

tenir debout. D'un moment à l'autre l'amélioration fait de tels

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 179

progrès qu'à midi, il peut se tenir debout et faire quelques petits

pas à l'aide d'un bâton. '

A 1 heure du soir, il sort du bateau et fait une petite course ;

mais, il a remarqué qu'il était revenu très fatigué. Comme il était

d'un tempérament très enclin aux plaisirs de l'amour, il alla le

lendemain matin chez une ancienne amante, pour essayer, dit-il,

ses organes génitaux au bon état desquels il tenait beaucoup. Il

fut très affligé de constater une impuissance complète. Quelques

médecins empiriques consultés par lui ont ordonné diverses mix-

tures qui sont restées sans effet.

Le 18 mai, ce scaphandrier a repris son travail avec imprudence,

en faisant des immersions de 20 à 2b brasses de profondeur et de

huit à douze minutes de séjour. Heureusement, la reprise du tra-

vail dans les conditions sus-mentionnées n'a pas occasionné d'au-

tres accidents; mais, par contre, l'amélioration qui avait été véri-

tablement surprenante s'est arrêtée.

Au bout d'un mois à peu près, le malade a commencé à avoir

des secousses dans les membres parésiés : ils se pliaient et s'éten-

daient tout d'un coup ; ces secousses étaient plus fréquentes la

nuit : pas de contractures. Quand le malade faisait une longue

course, ou qu'il était sous l'empire d'une grande émotion, ses

membres s'agitaient d'un tremblement involontaire, mais plutôt

le membre droit. Cependant, le malade faisait des courses avec

son bâton sans boiter; toutefois, il sentait ses membres paresseux

et la fatigue venait vite, surtout du membre droit. A cette époque,

le malade avait recouvré la sensation de la défécation. L'impuis-

sance génitale persistait complète. -

Le malade continue son travail pendant les mois de juillet et

d'août suivants, sans nouvel accident. Au bout de ce temps, il fut

rapatrié à Synii. Il se trouvait à peu de choses près dans le même

état quant à la parésie de ses membres, c'est-à-dire qu'il se fati-

guait vite, qu'il avait des secousses de ses membres parésiés.

La trépidation épileptoïde n'a pas cessé d'avoir lieu, mais par

contre une grande amélioration est survenue dans ses organes

génitaux; en effet, il a commencé à avoir des érections accompa-

gnées de plaisir sexuel. Le retour des érections a rempli de joie

ce débauché, qui n'a pas manqué d'en profiter. Mais sa joie n'a

pas été sans mélange, quand il a vu que ses érections étaient

incomplètes et que l'éjaculation avait lieu au moment même de

l'introduction du pénis, laquelle lui coûtait bien des efforts.

Depuis lors, il faisait tous les ans régulièrement ses campa-

gnes pour la pêche d'épongés et, dans les intervalles des campa-

gnes, il se livrait à des excès de boisson et de plaisirs sexuels.

Malgré ce double abus, l'amélioration a fait quelques progrès; en

effet, il marchait sans bâton, ses membres lui paraissaient plus

180 CLINIQUE NERVEUSE.

légers, les érections, sans être tout à fait normales, étaient cepen-

dant plus complètes et l'éjaculation survenait moins vite.

Etat actuel (15 mars 1884). Le malade marche parfaitement

bien ; il constate seulement qu'après une longue course il se fati-

guait, et surtout le membre droit. 11 y a exaltation des réflexes

rotuliens des deux côtés, mais un peu plus grande à droite. De

temps en temps, surviennent des secousses, plus fortes et plus fré-

quentes au membre droit. Il a fallu faire marcher le malade et

tenter plusieurs essais pour obtenir la trépidation épileptoide

seulement à droite. Le malade ajoute que toutes les fois qu'il se

fatigue après avoir fait une longue course, il est pris d'un trem-

blement qui agite ses membres inférieurs, plus fortement le droit.

Il n'y a pas le moindre trouble trophique. La sensibilité est tout

à fait normale dans toutes ses modalités. Le sens musculaire est

parfait. Les membres ne sont ni froids ni rouges ou violacés.

Rien aux membres supérieurs ni à la face.

Les fonctions de la vessie ou du rectum sont normales. Les

fonctions génitales, d'après le dire du malade, laissent encore à

désirer. En effet, les érections sont fréquentes, mais pas aussi

complètes qu'avant l'accident. L'acte de coït est presque normal,

mais il dit qu'il n'est pas content, car il était plus fort avant l'ac-

cident. Pas de symptômes céphaliques. Je n'ai fait que lui régler

sa vie : pas de vin, pas de femmes, pas de tabac, pas de fatigue.

J'ai revu le malade le 10 mai 1885, et il était complètement

guéri. Il y avait, toutefois, un certain degré d'exaltation du réflexe

rotulien droit, qui seul trahissait pour ainsi dire l'existence

antérieure du syndrome spasmodique.

Observation XII. Accident occasionné le 22 avril 1886 par la

sixième immersion, 25 brasses de profondeur, quinze minutes de

séjour, une demi-minute de décompression. Douleurs intersca-

pulaires, poids épigastrique, gêne de la respiration. Parésie des

extrémités supérieures commençant par la gauche. Après une

demi-heure, parésie et dysesthésie des membres inférieurs, ayant

débuté par le gauche, rétention d'urines, difficulté de défécation.

Disparition de la parésie du membre gauche et réapparition au

bout de cinq minutes. 23 avril, paraplégie complète et anesthésie

des quatre extrémités. Le 7 mai, la malade a recouvré entière-

ment la motilité et la sensibilité de ses membres supérieurs. Le

10 juin, il peut se tenir debout et faire quelques petits pas; se-

cousses, contractures passagères.

Etat actuel (20 juillet 1886). Syndrome symptomatique de

paraplégie spastique exempt de tout autre trouble. Excès d'alcool,

tremblement toxique.

Histoire. Jean Maitezos, âgé de trente-cinq ans, pas d'antécé-

tj DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 181

dents héréditaires, pas d'impaludisme, pas d'accidents syphiliti-

ques ; enfin bonne santé antérieure. Il avait commencé son tra-

vail dans l'air comprimé en 1883 et il avait travaillé pendant trois

ans environ, sans aucun accident. - Le 22 avril 1886, il avait déjà

fait cinq immersions successives sans accident. Il ne peut appré-

cier les conditions du travail de ces immersions. Comme il n'a-

vait pas encore fini sa série, il fait une 6e immersion à 25 brasses

de profondeur et 15 minutes de séjour.

Quatre minutes après la décompression qui a été faite en une

demi-minute et l'enlèvement du casque (11 heures du matin),

il est pris d'une douleur très forte et continue entre les omoplates.

Bientôt après, il a senti un grand poids à la région épigastrique,

avec gêne de la respiration. Pas de douleurs ou gonflement de

l'estomac. Pas d'autres troubles respiratoires. Pas de symptômes

céphaliques. Cinq minutes après, éclate une parésie des membres

supérieurs, qui ayant commencé par l'extrémité gauche finit

quelques minutes après par occuper aussi la droite. La sensibilité

de ses membres parétiques aurait été assez diminuée. A ce mo-

ment,pas d'autres symptômes quelconques, de sorte que la parésie

de la motilité et de la sensibilité des membres supérieurs du

malade constituait à elle seule toute la symptomatologie de son

accident. 0

A onze heures et demie du matin, c'est-à-dire une demi-heure

après le début de l'accident, il est pris d'une parésie de la moti-

lité et de la sensibilité du membre inférieur gauche presque im-

médiatement suivie de la parésie du droit. A ce moment donc

ses quatre membres étaient parétiques, il avait en outre une ré-

tention d'urines, qui a nécessité l'emploi de la sonde. Les ma-

tières fécales étaient rendues avec quelque difficulté. Rien d'anor-

mal du côté de ses organes génitaux. A midi moins un quart, la

parésie du membre inférieur gauche a presque disparu. Le droit

inférieur et les deux supérieurs sont restés dans le même état

parétique, mais cette disparition ne devait pas durer bien long-

temps. En effet, au bout de cinq minutes seulement, la parésie

reparait telle qu'elle était auparavant. La douleur interscapulaire

et le poids épigastrique ont cessé.

Le lendemain matin 23 avril, la parésie des membres supé-

rieurs et des inférieurs, qui, déjà depuis la veille empirait consi-

dérablement d'une heure à l'autre, a fini par se transformer en

une paraplégie complète ; le malade ne pouvait soulever aucun

de ses quatre membres. A ce moment, l'abolition de la sensibilité

était complète; on a continué à sonder le malade, on lui a donné

un purgatif pour le faire aller à la selle. Aucun autre symptôme

ne s'est déclaré.

Le 27 avril, cinquième jour de son accident, les extrémités supé-

rieures ont commencé à recouvrer leur motilité. Les membres

182 CLINIQUE NERVEUSE.

inférieurs restent dans le même état. Le malade rend seul ses

urines bien que difficilement. Rectum à l'état normal.

Depuis ce moment, l'amélioration de ses extrémités supérieures

a marché rapidement; d'un jour à l'autre, leur motilité faisait des

progrès considérables au point que le 7 mai , c'est-à-dire quinze

jours après l'accident, le malade a recouvré l'intégrité de ses mem-

bres supérieurs. Son train postérieur continue à être immobile. La

difficulté d'uriner persiste; il est obligé de se forcer pour faire

sortir l'urine. Vers la fin de ce mois, il a pu soulever ses membres

inférieurs, impossibilité de se tenir debout; il a commencé à avoir

des secousses; la difficulté d'uriner persiste.

Le 10 juin, le malade commence pour la première fois à pou-

voir se tenir debout et, à l'aide de deux béquilles, faire quelques

petits pas. Ses membres étaient agités d'un tremblement involon-

taire très fort, et enfin ils avaient des contractures passagères ; ils

se raidissaient tout d'un coup et cette raideur durait un temps

variable, toutefois assez court. Les secousses sont devenues plus

fréquentes. La difficulté d'uriner n'était pas constante, quelquefois

l'urine sortait sans que le malade fût obligé de faire le moindre

effort. Depuis lors, part une très légère amélioration de la

motilité des membres paralytiques qui lui a permis de marcher à

l'aide d'un seul appui, l'état du malade est resté tel que nous allons

le décrire.

Etat actuel (20 juillet 1886). Allures de la démarche spasmo-

dique. Tremblement presque continuel qui, à chaque pas, agite

non seulement ses membres paralytiques, mais aussi par diffusion

son corps entier. Les secousses sont très fréquentes. Les membres

sont pris de contractures passagères. A chaque coup du marteau

sur les tendons rotuliens, la jambe se projette deux ou trois fois

d'une façon brusque et spasmodique. Par des coups répétés, on

provoque une contracture persistante en extension, qu'on peut

facilement faire disparaitre par la malaxation des muscles anta-

gonistes.

Pour peu qu'on fléchisse le pied sur la jambe, soit le gauche,

soit le droit, on provoque un tremblement involontaire dont l'in-

tensité augmente d'autant plus que le malade s'efforce de l'arrê-

ter. Ce tremblement ne tarde pas à se répandre dans tout le corps.

Il ert presque superflu d'ajouter que cette épilepsie spinale est

aussi spontanée et qu'elle augmente d'intensité surtout au réveil

et sous l'influence de la fatigue et des émotions morales. L'im-

puissance fonctionnelle des fléchisseurs est moindre que celle des

extenseurs.

La sensibilité sensitive examinée sous toutes ses modalités s'est

trouvée parfaitement normale. Sens musculaire physiologique.

Les membres paralytiques ne présentent et n'ont jamais pré-

senté aucune trace d'atrophie; leur musculature est remarquable;

DES ACCIDENTS PAR 1/EMPLOI DES SCAPHANDRES. 183

pas d'altération de la contractilité idiomusculaire, l'examen élec-

trique ayant été tout à fait négatif. Enfin aucun trouble trophique.

Il n'y a pas de troubles vaso-moteurs. La vessie fonctionne bien.

Selles régulières. Fonctions génitales normales. Rien aux membres

supérieurs, sauf un tremblement qui se fait sentir quand le ma-

lade étend les mains et écarte les doigts. Il commet des excès

d'alcool. 11 n'y a pas de symptômes céphaliques. Rien du côté des

autres organes.

Observation XIII. Accident provoqué le 25 mai 1886, première

immersion, déjeuner avant l'éclzesemerzt, profondeur de 28 à

31 brasses, séjour de huit minutes, décompression d'une minute.

Immédiatement après la décompression, dozclezcr interscapzclcciue

d'un quart d'heure. Intervalle de plus de dix heures et demie

de bien-être parfait. Au bout de ce temps, paraplégie complète

des membres inférieurs ; anesthésie ; rétention d'urines et de selles.

Le 48 juizz, marche ci l'aide d'un appui, secousses. Le 27 juin,

marche sans appui, tremblement involontaire.

Etat actuel (20 juillet 1886). Très léger boitement à droite,

exaltation des réflexes et trépidation épileptoïde. Diminution

de la sensibilité au membre droit. Troubles urinaires. Trwi-

tement, travail dans l'air comprimé, application des pointes de

feu, seigle ergoté, défense de toute sorte d'excès. Le 10 août,

guérison presque complète.

Histoire. K. Maguaphas, âgé de trente ans, pas d'antécédents

héréditaires, pas de maladies antérieures. 11 faut noter que cet

homme commet des excès d'alcool depuis qu'il s'est livré aux

travaux sous-marins. Il avait eu, avant l'accident, pendant plu-

sieurs années, un tremblement toxique et des rêves effrayants la

nuit. Il a commencé son métier de scaphandrier en 1878 et il a

travaillé en faisant tous les ans régulièrement ses campagnes

jusqu'au 25 mai 1886, sans aucune espèce d'accident. Ce jour-là,

après avoir bien déjeuné et surchargé son estomac, il fait sa pre-

mière immersion à 9 heures du matin, il est descendu à pic à une

profondeur de 28 brasses et étant dans le fond de la mer il s'est

rendu progressivement jusqu'à 32 brasses. Son séjour s'est prolongé

jusqu'à huit minutes. Décompression d'une minute.

Dès qu'on lui enlève le casque, ce scaphandrier eL pris entre

les omoplates d'une douleur tellement forte qu'il se débattait

au point que deux de ses compagnons ont dû le maintenir forte-

ment pour qu'il ne se fit pas du mal. Au bout d'un quart d'heure,

cette douleur violente et continue a disparu tout à fait. Alors le

malade se portait parfaitement bien. Pas de vertiges, pas de perte

de connaissance, enfin pas de symptômes céphaliques, pas de

J84 CLINIQUE NERVEUSE.

troubles respiratoires ni gastriques. A ce moment, pas de paraly-

sie. Le scaphandrier n'a pas fait d'autres immersions.

A 5 heures et demie, il sort de la barque, qui avait mouillé dans

le port de Chypre, et va avec ses compagnons dans un cabaret. Il

affirme qu'il s'est borné à voir seulement les autres boire du

vin sans prendre lui-même un seul verre. A 8 heures du soir,

- étant encore au cabaret, il a senti tout d'un coup ses membres infé-

rieurs lourds et parétiques ; il ne pouvait les mouvoir librement.

D'un moment à l'autre, cette paralysie progressait si rapidement

que, en une demi-heure, ses membres étaient condamnés à

l'immobilité la plus absolue. Il a fallu le faire transporter à l'aide de

quatre personnes dans la barque. La sensibilité au niveau des mem-

bres paralysés et de la partie inférieure du tronc aurait été com-

plètement abolie. A ce moment, le malade ne pouvait rendre ses

urines. Rétention des matières fécales. Pas de paralysie aux

membres supérieurs ni à la face. Pas d'autres symptômes. Un

médecin a employé la sonde et un purgatif. L'état du malade

pendant les trois jours suivants 26, 27 et 28 mai était ce qui suit :

immobilisation complète ; anesthésie. On le sondait régulière-

ment. Lavements purgatifs.

Le 29 mai, un léger changement s'était produit dans l'état du

malade. 11 pouvait soulever ses membres inférieurs, mais il lui

était impossible de se tenir debout. Il a rendu ses urines seul, mais

avec grande difficulté. Il était obligé de se forcer pour faire sortir

l'urine ; un intervalle de quelques minutes s'écoulait entre la sen-

sation d'uriner et l'acte lui-même. La défécation avait lieu d'une

façon normale. Le 2 juin, le malade peut se tenir debout et

marcher un peu en s'appuyant sur deux béquilles. La difficulté

d'uriner est un peu moindre. Depuis ce moment, l'amélioration a

grandement progressé.

Le 18 juin, le malade peut marcher à l'aide d'une seule canne.

Il avait des secousses la nuit. Aucun changement dans les troubles

urinaires. D'un jour à l'autre, le malade sentait ses membres infé-

rieurs plus libres, au point que le 27 juin il a pu marcher sans

appui. A ce moment, ses membres s'agitaient d'un tremblement

involontaire, qui se manifestait surtout sous l'influence de la fatigue

et des émotions morales.

Le 2 juillet, le malade se rendit à Egine, pays de son capitaine.

Depuis le moment de son accident, le malade n'a pas travaillé.

Etat actuel (20 juillet 4886). Il y a une paraplégie plus pro-

noncée au membre inférieur droit. La marche qui se fait sans appui i

quelconque ne présente rien de particulier, si ce n'est peut-être un

très léger boitement presque imperceptible. C'est à peine si l'on re-

marque que le malade traîne un peu le membre droit en marchant.

Il y a une exaltation très marquée des réflexes rotuliens, plus grande

à droite. Tous les mouvements réflexes sont un peu exagérés.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 185

Un tremblement involontaire agite ses membres inférieurs, sur-

tout le droit, toutes les fois que le malade se fatigue ou se trouve

sous le coup d'une émotion morale plus ou moins vive. On peut

provoquer la trépidation épileptoide par le procédé habituel qui

agite plus fortement le membre droit. La sensibilité examinée

sous toutes ses modalités s'est trouvée un peu et uniformément

diminuée au membre droit, parfaitement normale au membre

gauche. Sens musculaire normal.

Il n'y apas trace d'atrophie musculaire ; les muscles répondent

très bien aux courants électriques ; il n'y a pas non plus d'antres

troubles trophiques. - Aucune trace de troubles vasomoteurs. Le

malade éprouve un peu de difficulté pour uriner. Cette difficulté

devient plus grande après des fatigues et des excès soit alcooliques

soit vénériens.

Les fonctions rectales et génitales ne laissent rien à désirer.

Rien aux membres supérieurs ou à la face. Aucun symtôme

céphalique. Les fonctions des autres organes paraissent se faire

régulièrement.

Je lui ai conseillé : a) le traitement dans l'air comprimé; b) appli-

cation des petites pointes de feu à la moitié intérieure de la

colonne vertébrale, faite tous les huit jours ; c) prendre les quatre

premiers jours de la semaine, deux fois par jour, avant les repas,

20 centigrammes de poudre de seigle ergoté récemment préparée;

d) s'abstenir complètement de toute sorte d'excès et au premier

chef des excès d'alcool; e) éviter la fatigue. -Le malade a bien

suivi le traitement que nous lui avons prescrit.

Etat du malade (,10 août 4886). Au bout de vingt jours,

l'état du malade s'est considérablement amélioré. En effet, le ma-

lade nous dit qu'il fait une heure de chemin sans se fatiguer. Il

sent ses membres bien plus forts et plus légers, dit-il. La trépida-

tion épileptoïde existe spontanée, mais bien plus rare à gauche;

même il affirme qu'elle n'existe pas du tout. On doit faire marcher

le malade et essayer plusieurs fois pour obtenir avec beaucoup de

peine un peu de tremblement au membre droit. La difficulté

d'uriner n'existe presque pas. Pas de troubles de la sensibilité.

Depuis lors, nous avons vu plusieurs fois le malade

qui a continué son traitement et nous avons pu con-

stater que la guérison était presque complète. Nous

disons presque, car il y avait encore, à des intervalles

éloignés, un petit tremblement qui, avec l'exaltation

des réflexes, surtout du membre droit, constituait tout

le tableau clinique.

186 CLINIQUE NERVEUSE.

Les treize observations qui viennent d'être rappor-

tées suffisent amplement pour constituer les grandes

lignes de l'histoire clinique de notre forme spinale

centrale latérale.

, On peut facilement constater si l'on jette un coup

d'oeil sur le tableau suivant que l'explosion de cette

forme d'accidents spinaux a lieu tantôt immédiatement

après la décompression et l'enlèvement du casque

comme c'est arrivé pour les cas II, IV, VI, VII, X,

XI, XIII, et tantôt quelque temps après la décom-

pression, comme cela a eu lieu aux Observations 1,

III, V, IX, XII. Ce temps a varié entre deux minutes

(OBS. V), qui représentent le minimum d'intervalle entre

le moment de la décompression et l'explosion des

symptômes du début et une demi-heure (Cas. IX) qui

représente le maximum de cet intervalle. L'Observa-

tion VIII tient le milieu ; en effet, il n'y a pas d'une

part d'intervalle de bien-être parfait et d'autre part

quelques minutes se sont passées sans symptômes bien

définis, sauf un certain malaise vague et général.

On voit que le maximum de l'intervalle représenté

par 1 'Observation IX et qui ne dépasse pas une demi-

heure est bien loin de l'intervalle considérable de

vingt-quatre heures qui, dans le cas du nommé Gui-

delleur, rapporté par M. Gal, s'est écoulé entre la

décompression et le début de l'accident paraplégique.

Au point de vue clinique descriptif, nous devons

diviser en trois grandes catégories les symptômes de

cette forme : 1° les symptômes de début qu'on peut

à juste titre appeler extrinsèques; 2° les symptômes

de la paraplégie elle-même et 3° les divers symp-

tômes du syndrome spasmodique. ,

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 187 1

1. Symptômes DE DÉBUT

Les divers symptômes de début présentés par nos

malades peuvent être rangés en quatre groupes princi-

paux, qui sont les suivants : A). Groupe de symptômes

céphaliques ; B). Groupe de symptômes gastriques ;

C). Groupe de symptômes respiratoires; D). Groupe

de symptômes douloureux des articulations et des

muscles et divers autres symptômes sensitifs. Pas-

sons maintenant à la description spéciale des diffé-

rents symptômes de chacun de ces groupes en com-

mençant par celui qui figure le premier dans notre

tableau. -

A. Groupe de symptômes céphaliques. Les

symptômes céphaliques paraissent occuper une place

importante parmi les symptômes du début. En effet,

ils figurent dans sept de nos observations ; ils font au

contraire absolument défaut dans les six autres cas.

Les symptômes céphaliques qui ont existé dans nos

observations sont les suivants.

«). Perte de connaissance. Ce symptôme est très

fréquent, car nous l'avons rencontré quatre fois. Deux

fois, il a existé tout seul, isolé de tout autre symp-

tôme céphalique (Ces. Vf et IX) ; deux fois au con-

traire, il a été en connexion avec d'autres symptômes

céphaliques ; chez le malade de l'OBSERVATION I, la

perte de connaissance était précédée de vertiges, de

translation et chez celui de LOBSERVATION Ni, elle était

suivie d'étourdissements. La durée totale de la perte

de connaissance a été variable, toutefois assez courte,

188 CLINIQUE NERVEUSE.

elle a varié entre une heure (OBS. IX), et deux heures

(OBs. I). L'apparition ainsi que la disparition de ce

symptôme ont lieu d'une façon subite et complète.

Excepté le serrement spastique des mâchoires (Oss. VI),

qui était tellement fort qu'il était impossible de

séparer les mâchoires pour lui administrer quelque

chose et qui a disparu avec la perte de connaissance,

les compagnons de trois autres malades affirment

d'une manière catégorique qu'ils n'ont jamais présenté

de mouvements convulsifs.

Vertiges. Parmi les symptômes céphaliques,

les vertiges ont figuré deux fois aux observations pré-

cédentes. Les vertiges qui ont été présentés par nos

deux malades sont d'un aspect clinique différent. Chez

le malade de l'OBSERVATION I, le vertige avait les carac-

tères de ce qu'on appelle vertiges de translation, en

effet ce malade sentait que tout se mouvait autour de

lui et avec lui ; ayant essayé de se tenir debout et de

faire quelques petits pas, il sent immédiatement que

le bateau monte dans l'air, suivant lui-même aussi ce

mouvement d'ascension; à ce moment, il perd l'équi-

libre et tombe très effrayé, les yeux fermés et se

cramponnant aux objets environnants, pour éviter

cette sensation vertigineuse. Dès qu'on commençait à

le frictionner d'après les habitudes des scaphandriers,

ou même à le toucher tout simplement, la même sen-

sation que nous venons de décrire recommençait et le

malade poussait des cris, en priant ses compagnons

de le laisser tranquille. Ce vertige de translation après

avoir duré pendant trois heures se dissipe pour faire

place à un autre symptôme céphalique, la perte de

connaissance.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 189

Le vertige dont était pris le malade de l'OBSERVA-

TioN X ressemblait à ce qu'on appelle vertige gyraa

toire ; en effet les objets environnants tournaient

autour de lui, mais sans que lui aussi prît part à ce

mouvement en d'autres termes sans qu'il perdît l'é-

quilibre. Ce symptôme coexistait avec d'autres symp-

tômes céphaliques d'origine sensorielle à savoir les

troubles oculaires et les bourdonnements d'oreilles.

Ce vertige a disparu le lendemain de son invasion. On

ne peut en préciser la durée exacte. Nous reviendrons

plus loin sur le mode de production et la genèse de

ces vertiges.

7). Etourdissements. Ce symptôme a existé une

seule fois. Le malade de l'OBSERVATION XI revenu de

sa perte de connaissance a une incommodité qui fait

que tous les objets paraissent se mouvoir. A propre-,

ment parler l'étourdissement n'est autre chose qu'une

sorte de vertige giratoire avorté ou le premier degré

de ce vertige. Les étourdissements chez ce malade ont

duré environ sept heures et demie.

e). Troubles du langage. Parmi les différentes

espèces nosologiques de troubles du langage c'est

seulement l'aphasie motrice que nous voyons consti-

tuer deux fois un des symptômes du groupe cépha-

lique. Les malades des Observations V et VII avaient

perdu tout à fait la mémoire des mouvements qu'il

faut faire pour parler, car ils ne pouvaient pas même

articuler un seul mot; celui de l'OBSERVATioN V pouvait

émettre seulement quelques sons inarticulés : ah, ah,

ah, oh, oh, oh. L'un et l'autre avaient conservé tout

à fait la mémoire auditive des mots, car ils compre-

naient parfaitement bien ce qu'on disait autour d'eux

190 CLINIQUE NERVEUSE.

sans pouvoir y répondre. Le seul moyen à l'aide du-

quel ils parvenaient à s'entendre assez bien avec leur

entourage, était la mimique. Il n'y avait pour ces

deux malades ni mémoire visuelle des mots, ni mémoire

des mouvements graphiques, car ils ne savaient ni lire

ni écrire. Ce trouble du langage est survenu brusque

et complet, dès le moment de son invasion. Sa marche

a été si rapidement rétrogressive que chez le malade

de l'OBSERVATION V, l'aphasie motrice dans vingt-quatre

heures a commencé à se dissiper et le malade articu-

lait quelques mots; depuis ce moment, son vocabu-

laire devient tellement et si rapidement riche, qu'au

bout de quelques heures encore, il parlait aussi bien

qu'avant l'invasion de son aphasie motrice. La rapi-

dité de la marche rétrogressive de l'aphasie devient

surprenante chez le malade de l'OBSERVATION VU ; en

effet, l'impossibilité absolue d'articuler un seul mot a été

remplacée brusquement dans l'espace de dix minutes

seulement par un vocabulaire aussi riche qu'avant

l'invasion de son trouble du langage. Nous revien-

drons plus loin sur les caractères cliniques spéciaux

de cette aphasie, que nous décrirons comme forme

spéciale d'accidents *cérébraux; on peut l'appeler

aphasie par embolie gazeuse.

e). Symptômes oculaires. Ces symptômes qui ont

figuré deux fois parmi nos observations consistent

en des troubles de la vue, qui ont varié depuis un

simple éblouissement et un obscurcissement des yeux,

toutefois assez prononcé, comme chez le malade de

l'OBSERVATION X jusqu'à la cécité complète présentée

par le malade de ]'OBSERVATION V. La cécité de ce

malade a des caractères bien spéciaux et propres à

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 191

la distinguer des cécités d'autres origines : le premier

caractère est son invasion brusque, le second, c'est

qu'elle est tout à fait complète dès le moment de son

début, et le troisième, c'est la guérison complète et

définitive dans un espace de temps excessivement

court; à notre observation, cinq minutes à peu près

ont suffi- pour la guérison. Ces caractères spéciaux

peuvent parfaitement s'expliquer par l'origine même et

le mode de genèse de cette espèce de cécité à laquelle

nous proposons de donner le nom de cécité par embo-

lie gazeuse. Les symptômes oculaires étaient associés

chez notre malade à d'autres symptômes céphaliques :

chez celui de I'Observation V la cécité était associée à

l'aphasie motrice et chez l'autre de l'OBSERVATION X le

trouble oculaire coexistait avec des bourdonnements

d'oreilles et de vertige giratoire.

). Symptômes auditifs. Du côté du sens de

l'ouïe, le seul symptôme que nous rencontrons sont

les bourdonnements d'oreilles chez le malade qui fait

le sujet de LO.BSERVATION X et qui croyait entendre

par intervalles rapprochés des bruits violents qu'il

compare aux bruits d'une cascade considérable ; il

ajoute que, par suite de ce symptôme, il avait l'ouïe

un peu confuse.

B. Groupe DE symptômes respiratoires. Ces

symptômes sont aussi très fréquents, car ils ont été

présentés par sept de nos malades. Ils doivent être

divisés en deux catégories distinctes; la première a

son origine dans les troubles gastriques concomit-

tants, telle est la gêne de la respiration, qui est le

symptôme le plus fréquent, car elle a figuré six fois

192 CLINIQUE NERVEUSE.

parmi nos observations ; tantôt ce sont les douleurs

épigastriques qui gênent la respiration (OBS. I, IV, VII) ;

le malade craignant de faire des inspirations plus ou

moins profondes afin d'éviter l'exaspération de ces

douleurs. Tantôt à l'élément de la douleur vient s'en

ajouter un autre, le gonflement gazeux de l'estomac

(Oss. II et VIII), qui contribue par son action méca-

nique à entraver et à rendre la respiration encore

plus gênée. Enfin, pour le malade de l'Observation XII

les mouvements respiratoires sont gênés par le grand

poids que le malade sent à la région épigastrique.

La deuxième catégorie est celle dont les troubles

respiratoires ne résultant pas des troubles gastriques

ont leur genèse aux organes mêmes de la respiration,

en y appartenant en propre. Nous expliquerons au

chapitre de physiologie pathologique le mode de

cette genèse. Ces troubles respiratoires n'ont existé

qu'une seule fois chez le malade de l'Observation X,

et ont consisté eu une dyspnée intense avec sensation

de suffocation accompagnée de respiration sonore

sans qu'il y ait de sifflement. Chez ce malade, il n'y

avait pas de troubles gastriques. Il peut très bien se

faire qu'on rencontre chez le même malade les trou-

bles respiratoires des deux catégories susmentionnées

comme chez le malade de l'Observation I qui, à côté

de sa gêne respiratoire occasionnée par les douleurs

gastriques, sentait aussi sur la poitrine un poids

étouffant.

C). Groupe DE symptômes gastriques. Les symp-

tômes gastriques paraissent occuper en raison de leur

fréquence un rang important parmi les symptômes

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 191-1

du début, mais ils ne sont pas plus constants que les

autres, car si on jette un coup-d'oeil sur le tableau,

on ne les voit figurer que sept fois ; car, dans les six

autres observations, ils font complètement défaut. Pas-

sons rapidement en revue ces différents symptômes.

a.) Douleurs gastriques. C'est le symptôme le plus

fréquent, car il a été présenté par cinq mal ades (OBS. I,

II, IV, VII, VIII). Ce symptôme n'a jamais existé seul;

il était toujours accompagné d'autres symptômes gas-

triques. Les douleurs gastriques ont été toujours

intenses, parfois intolérables; elles sont caractérisées

par le malade de l'Observation VIII comme poignantes.

Leur durée totale a été assez courte et varie entre le

minimum de dix minutes (OBs. VII) et le maximum

de trois heures (Cas. I et VIII). Pour cette dernière

observation, il faut signaler cette particularité que la

douleur, ayant commencé par la région hypogastrique,

vient s'installer aussitôt après au-dessous de l'apo-

physe xiphoïde, après avoir suivi une marche ascen-

dante.

6.) Gonflement gazeux de l'estomac. C'est un

symptôme assez peu fréquent , parce que nous ne

l'avons rencontré que deux fois sur treize observations,

de sorte que le développement de gaz au moins en

quantité perceptible dans la cavité stomacale est loin

d'être constant. Nous utiliserons ce fait quand nous

parlerons de la pathogénie de ces accidents. Nous

prions aussi le lecteur de fixer son attention sur un

autre fait : le gonflement gazeux de l'estomac du

malade de l'Observation VIII, qui, ayant commencé

environ vers 6 heures du soir, avait disparu à

9 heures. Pendant ces trois heures il n'y avait pas

Archives, t. XVI. 13

194 CLINIQUE NERVEUSE. - ACCIDENTS PAR LES SCAPHANDRES.

trace de paraplégie, dont le malade n'a senti le déve-

loppement qu'à minuit, après son réveil. Le dévelop-

pement de gaz est tel que l'estomac chez nos deux

malades formait une saillie considérable et très mar-

quée à la partie supérieure du ventre. Ce développe-

ment est brusque et énorme dès le premier moment

de son invasion; il disparaît aussi très rapidement, le

malade renvoyant les gaz par les orifices du canal

digestif. La durée totale du gonflement était de une

demi-heure (Oss. II) et de trois heures (OBS. VIII).

Y). Pesanteur. Ce symptôme n'a existé qu'une

fois (OBs. XII), isolé de tout autre symptôme gastrique.

Pas de douleurs, pas de gonflement. Le malade res-

sentait seulement à la région épigastrique un grand

poids gênant la liberté des mouvements respiratoires.

Ce symptôme a été très fugitif ; il n'a duré que cinq

minutes.

a). Soif. Ce symptôme paraît souvent tourmenter

les malades. Parmi nos observations, il figure quatre

fois; il était associé à d'autres symptômes gastriques

(Cas. I, IV, VII), et une seule fois il existait seul

(Cas. XI). Les compagnons des malades se gardent

bien de satisfaire cette sensation, et avec raison,

comme on le verra dans la suite.

s). Brùlure. Cette sensation de brûlure a été

remarquée une seule fois chez le malade de l'Observa-

tion I, accompagnée d'autres symptômes gastriques.

Elle a duré trois heures. (A suivre.)

PATHOLOGIE NERVEUSE

contribution A L'ÉTUDE symptomatologique

DE la GLIOMATOSE médullaire';

Communication faite au 2e Congrès des médecins russes à Moscou

(Janvier 1887)

Par WLADI311R ROTH,

Privat-docent de l'Université de Moscou.

Les deux autres observations sont résumées.

- Observation IX

Nikita Ivanof, menuisier, âgé de trente-sept ans, est entré à l'hô-

pital Catherine le 8 mars 1887.

Etat PRÉSENT.- Homme robuste et bien bâti.

Peau. - Cyanose légère des mains, la chair de poule se pro-

duit facilement; homme autographique. Callosités sur les mains,

crevasses. Il a eu un panaris à la suite de traumatisme; des

brûlures « accidentelles » qui ont laissé des cicatrices; des am-

poules.

Atrophie de deux côtés (plus forte à gauche) des muscles de la

main (en griffe), des muscles sus et sous-épineux dans leur por-

tion postérieure et de la portion postérieure du deltoïde et du pec-

toral droits.

Faiblesse dans toutes les articulations des membres supérieurs.

Tremblement fasciculaire dans les muscles de l'épaule. Exagération

des réflexes du genou. Dans tout le reste, les membres inférieurs

ainsi que la région des nerfs crâniens sont normaux.

Sensibilité : analgésie du côté gauche, de la moitié du thorax

et du membre supérieur; à droite de l'avant-bras et de la main.

Titermanesthésie en jaquette : elle occupe les membres supé-

rieurs et thorax. A droite, elle s'étend du milieu du cou jusqu'à

l'ombilic; par derrière, du milieu de l'épaule jusqu'à la fesse. A

'Voy. Archives de Neurologie, t. XIV, p. 368; t. XV, p. 161; t. XVI,

p. 23.

196 PATHOLOGIE NERVEUSE.

gauche, elle descend plus bas par devant presque jusqu'au pli

de l'aine, et par derrière, elle s'élève plus haut, qu'à gauche, en

occupant la moitié de la nuque et de la tête jusqu'à la région du

nerf trijumeau. La sensibilité tactile est partout conservée, à l'ex-

ception d'une zone large comme la paume de la main sur la poi-

trine, s'élargissant un peu par devant à cet endroit ce mode de

sensibilité est en partie détruit, en partie diminué. Sensations

subjectives : état frileux, fourmillement, sensation de constric-

tion dans la partie supérieure de la poitrine. Pas de dispositions

neuropathiques, ni de fièvres intermittentes, ni de syphilis, ni

de traumatisme du dos, ni d'excès alcooliques ou vénériens. A

l'âge de vingt-sept ans, par un temps froid, une moitié du corps

s'est fortement refroidie ; à la suite de cela, les mains commen-

cèrent à devenir frileuses, les doigts s'incurvèrent peu à peu, la

force des mains diminua, l'atrophie se développa; tous les phé-

nomènes douloureux progressèrent de telle manière, qu'il y a

trois ans le malade cessa de travailler.

Observation X.

Georges W., paysan âgé de trente-cinq ans, entra à l'hôpital

Catherine le 38 avril 1887.

Etat actuel. - Bonne complexion et nutrition. La peau des par-

ties périphériques des membres supérieurs est de couleur rouge

bleuâtre; elle est habituellement froide au toucher. Une légère

irritation du dos et des membres supérieurs provoque une rou-

geur qui persiste longtemps. Callosités sur l'épiderme des paumes

des mains et des doigts; des fentes dans les plis interphalangiens,

des cicatrices restées à la suite de panaris antérieurs, des altéra-

tions onguéales.

Sur les coudes des traces de brûlures, produites il y a deux et

cinq ans, lorsque le malade dormait sur le poêle. Une fracture de

clavicule non consolidée produite au mois de septembre de l'an-

née passée, par suite d'un effort que le malade fit afin de soutenir

un chariot qui allait tomber. La fracture avait été indolente. Un

épaississement considérable des épiphyses osseuses dans l'arti-

culation métacarpo-phalangienne du pouce des deux côtés.

Atiophie progressive des muscles de la main et des scapulaires ;

celle-ci est moindre. La faiblesse des mouvements des membres

supérieurs est légèrement supérieure au degré d'atrophie.

Membres inférieurs : Faiblesse subjective du côté gauche; clo-

nus plantaire du même côté. Les autres réflexes ne sont pas exa-

gérés. Tremblement fnsciculaire dans les muscles du thorax, des

membres supérieurs et de la langue, dont la moitié gauche pa-

rait être légèrement atrophiée. Point d'autres troubles moteurs.

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 197

Sensibilité. La sensibilité tactile est partout conservée, à

l'exception de la face antérieure de la cuisse gauche et le dos de

la main gauche. La sensibilité à la douleur est abolie ou diminuée

dans différentes régions isolées de toute la moitié gauche du corps,

et occupant la moitié gauche de la tête et de la face (à un degré

moindre). Du côté droit, l'analgésie s'étend à la partie supérieure

du bras, descend jusqu'au mamelon par devant et jusqu'à l'omo-

plate par derrière et atteint à des degrés différents tout le mem-

bre supérieur droit.

Le sens de la température est diminué sur un large espace. Il

n'est complètement conservé que sur la cuisse droite en cein-

ture sur le ventre et les reins. 11 est légèrement diminué :

sur la moitié gauche de la face, le membre inférieur droit et la

face postérieure du membre inférieur gauche. Il est extrêmement

abaissé sur les avant-bras, les mains et le membre inférieur

gauche, où le malade ne distingue pas la différence thermique

de 30".

Le malade ne soupçonnait pas d'avoir de la thermanesthésie.

Les troubles moteurs et les amyotrophies se sont progressivement

développés durant les deux dernières années. Il n'existe pas

dans les antécédents du malade de moments étiologiques, qu'on

pourrait relier au développement de la maladie actuelle.

Symptômes De tout le tableau de lasymptôma-

tologie compliquée, que nous examinons dans le

groupe des cas de gliomatose spinale , quatre séries

de symptômes fondamentaux se dessinent plus

nettement : 1). L'alnalgésie et l'anestlcéie thermique

isolées, ou les deux simultanément; 2). Des troubles

subjectifs de la sensibilité ; 3). Troubles moteurs, paré-

sies limitées à des régions peu étendues, des mouve-

ments convulsifs, etc.; 4). Troubles trophiques et vaso-

moteurs : atrophie musculaire, distrophies cutanées et

celle du tissu cellulaire sous-cutané, etc. Nous consi-

dérons tous ces symptômes comme protopathiques

fondamentaux, non seulement à cause de leur fré-

quence relative, mais aussi en vue de ce que les

troubles primitifs et constants de l'affection décrite se

nichent dans la substance grise de la moelle épinière,

'198 PATHOLOGIE NERVEUSE.

et que la plupart des symptômes cliniques énumérés

est sans doute liée à la lésion anatomique de cette

partie de la moelle épinière et des parties homologues

de la moelle allongée.

C'est à l'examen plus détaillé de ces symptômes que

nous allons nous arrêter. Quant aux autres qui dépen-

dent d'une localisation irrégulière du processus patho-

logique dans la substance blanche, ils constituent plutôt

une complication accidentelle et paraissent habituelle-

ment à une période plus tardive. Non seulement ils

ne caractérisent pas la maladie, mais obscurcissent le

tableau caractéristique; nous nous en occuperons

peu en passant.

I. Anesthésies. J'ai observé l'anesthésie thermique,

avec conservation du sens du tact et du lieu dans tous

les dix cas à anesthésie partielle, qui se rapportaient à

la gliomatose centrale. Dans deux cas parmi les dix,

il n'y a pas eu d'affaiblissement, d'autres espèces de

sensibilité durant treize' et six ans. Dans un troisième

cas, et probablement après un plus grand nombre

d'années, vint s'ajouter une analgésie très limitée et

une anesthésie tactile sur une main à la thermanes-

thésie de toute la surface du corps. Dans les sept

autres cas, la thermanesthésie s'était accompagnée

d'une analgésie plus étendue ; deux fois les régions

d'anesthésies partielles de ces deux espèces de sensi-

bilités coïncidaient parfaitement (OBS. III et IV). Dans

d'autres, cette coïncidence n'était pas complète ; dans

certaines régions, il n'y avait que de la thermanes-

thésie ; dans d'autres que de l'analgésie; mais en gé-

1 Dans ce cas (observ. VI), après une anesthésie du sens thermique,

ayant existé durant lf ans, apparut aussi l'analgésie partielle.

DE LA- GL10MAT0SE MEDULLAIRE. 199-

néral la région de la thermanesthésie occupe habituel--

lement un espace bien plus grand quel'anesthésie des

autres espèces de sensibilité.

Parmi les auteurs modernes que j'ai cités plus

haut, et qui ont prêté une attention soutenue à l'exa-

men de la sensibilité, aucun n'a noté l'existence de,

l'anesthésie thermique seule et, sous ce rapport, nos

trois observations sont actuellement uniques dans la

science. Cela tient certainement à ce que la sensibilité

à la température est très rarement recherchée et

alors qu'on a constaté des troubles d'autres espèces

de sensibilité. Dans sept cas décrits par les auteurs

allemands et dans deux observations de Dreschfeld, il

y a eu analgésie partielle en même temps qu'il existait

des troubles du sens thermique. L'anesthésie se limi-

tait à cela ou bien l'on observait des endroits isolés de la

peau, où la sensibilité tactile était aussi affaiblie. Dans

l'observation d'Oppenheim, la sensibilité était diminuée

dans toute la région à limites caractéristiques, atteinte

d'analgésie et d'anesthésie thermique ; mais le trouble

des deux dernières espèces de sensibilité était plus

accusé.

Dans ses observations nombreuses, Morvan parait ne

pas avoir prêté une attention suffisante à l'examen du

sens de la température; néanmoins il a vu des lésions

de sensibilité à la douleur et à la température avec

conservation du sens du toucher.

Distribution de la thermanesthésie. Dans le pre-

mier temps de la maladie, l'anesthésie thermique

peut être limitée à un très petit espace, la main, par

exemple (OBS. VI). D'un autre côté, à une certaine

période de la maladie, la surface totale du corps peut

200 PATHOLOGIE NERVEUSE.

être atteinte. Dans la sixième observation, nous avons

pu suivre l'extension graduelle de la thermanesthésie

d'une région peu considérable à la totalité du corps.

Nous ne savons pas sûrement s'il arrive que la mu-

queuse de la cavité buccale soit aussi atteinte ; les

Observations II et III ne donnent pas d'anesthésie

marquée du sens thermique à la langue et la surface

interne des lèvres; je regrette d'avoir omis dans l'OB-

SERVATION I l'examen de ces parties.

La localisation de l'anesthésie est très caractéris-

tique : sa disposition se rapproche tantôt du type cé-

rébral, du spinal, tantôt du périphérique et pourtant

se distingue presque toujours par des particularités

non appropriées au type, auquel il lui convient le

plus d'être rangée.

En effet, la disposition de l'anesthésie thermique

est complètement originale : on peut constater ce

trouble, distribué d'une manière asymétrique, par

régions, en zones, non seulement dans le stade initial

de l'affection, lorsqu'elle n'occupe qu'un espace peu

considérable, une certaine partie du membre supé-

rieur par exemple, mais aussi dans le courant ultérieur

de cette maladie, lorsque, peut-être, la plus grande

partie de la peau est atteinte d'un certain degré de

thermanesthésie. Prenons le membre supérieur : c'est

la partie supérieure du bras, par exemple, ou la

main, qui est atteinte exclusivement ou de préférence,

avec le segment adjacent de l'avant-bras peut-être.

Du reste, dans ces régions-là, nous n'observons pas

d'ordinaire une délimitation marquée du segment

anesthésique de la partie située plus haut ou plus bas,

à l'exception des cas où il occupe, une surface allon-

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 201

gée de peu d'étendue sur un segment d'une extrémité.

Sur le thorax, a sa partie inférieure, Job (OBs. Il) et

à une certaine période de la maladie 111me L. (OBs. XVI ! )

avait une zone thermanesthétique nettement limitée

dans la région de la distribution des racines inférieures

thoraciques et des racines lombaires supérieures d'un

seul côté. Sur la tête, le cou et le thorax, la therma-

nesthésie se délimite souvent en haut et en bas par des

lignes marquées et presque horizontales.

Chez M. B. (Cas. III), à une certaine période de la

maladie, la région anesthésiée se dessinait du côté

droit du corps, sous forme de courte veste, s'étant ter-

minée au niveau du mamelon, mais étant descendue

plus tard à quelques côtes plus bas. Si dans quelques

cas la limite inférieure de la thermanesthésie arrive

jusqu'au niveau d'une des racines thoraciques infé-

rieures ou bien coïncide avec la limite supérieure de

la distribution des nerfs sensitifs du plexus lombaire,

il arrive que dans d'autres, elle est située au-dessus

de la région immersée parle renflement cervical, ou

bien occupe aussi la partie supérieure de cette région

(rayon du nerf axillaire). Mais en remontant à ces

derniers cas, nous trouverons que tantôt toute la moitié

du cou, de la tête et de la face sont atteints, tantôt que

l'anesthésie n'arrive qu'à la région du nerf trijumeau et

paraît être comme distribuée suivant les nerfs (nerf

occipital grand et petit, etc.); mais c'est ici justement

que les limites de la distribution des nerfs cutanés

correspondent aux régions innervées par certains

segments de la moelle épinière (et allongée), comme

il en est du reste sur le thorax également. Tandis que

si la thermanesthésie occupe une région où cette coïn-

202 PATHOLOGIE NERVEUSE.

cidence n'existe pas, par exemple celle qui est inner-

vée par le renflement cervical, nous voyons que

l'anesthésie ne se distribue pas suivant les nerfs, mais

suivant certaines parties ou subdivisions des membres.

On peut observer la même chose dans les parties inner-

vées par le segment cervical supérieur de la moelle

épinière. Dans le cas où cette région n'est pas atteinte

tout entière l'anesthésie ne se localise pas selon les ré-

gions des ramifications nerveuses, mais suivant les seg-

ments de la peau, limités par des lignes horizontales,

arrivant par exemple en haut, jusqu'au milieu du cuir

. chevelu (OBs. III), etc. Sur les extrémités, il y a des ! endroits ou des régions qui peuvent avoir la forme

; de taches ou de raies longitudinales, occupant parfois

1 un district entier (la surface postérieure de la cuisse).

Les extrémités supérieures sont atteintes le plus

souvent; habituellement c'est un seul membre qui est

atteint, ensuite la région adjacente du thorax est éga-

lement envahie jusqu'à la ligne moyenne; le membre

inférieur correspondant peut se prendre ensuite et

parfois la région du nerf trijumeau ; pourtant cette

hémianesthésie n'est pas régulière, mais elle est com-

posée de zones séparées et de régions tantôt non net-

tement délimitées et ne différant peut-être que par

degrés d'anesthésie, tantôt se séparant par des seg-

ments à sensibilité normale, A un degré considérable

d'anesthésie thermique dans toute la moitié du corps,

ce trouble de sensibilité n'est pas ordinairement limité

à cette seule moitié et envahit le membre supérieur

ou inférieur ou bien la région du nerf trijumeau ou

une certaine région du thorax du côté opposé. Nous

n'avons jamais observé d'anesthésie des deux membres

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 203

supérieurs sans lésion simultanée des segments thora-

ciques adjacents, mais il est très probable que dans

l'OBSERVATION IV, la marche ultérieure de la maladie

présentera ce tableau. En général, nous n'avons pas

observé dans les membres supérieurs et le thorax

de disposition rigoureusement symétrique de la ther-

manesthésie ; dans les deux cas où il y avait une cer-

taine symétrie, l'anesthésie occupait la région des

troisième et quatrième racines sensitives de la partie

cervicale de la moelle épinière. Même alors-, où l'a-

nesthésie envahit un grand espace et atteint, par

exemple, toutes les extrémités (OBS. VI), on observe

de l'asymétrie dans les différents degrés de lésion de

diverses régions isolées ; de sorte qu'un des membres

présenterait, par exemple, une lésion plus avancée

des parties périphériques, tandis que l'autre- des par-

ties centrales.

En parlant des limites des régions anesthésiées,

nous supposons, bien entendu, un moment donné de

la maladie. Elle peut s'arrêter pour un temps plus ou

moins long et peut rester stationnaire (jusqu'à dix

ans, OBS. VI), ses limites peuvent se resserrer tempo-

rairement, mais ordinairement elles ont de la tendance

à s'espacer de plus en plus, jusqu'à ce que la totalité

de la surface de la peau ne soit envahie par l'anesthésie.

Le degré de la thermanesthésie varie beaucoup. Il est

à remarquer que la perte absolue du sens de la tem-

pérature est relativement rare. Le malade sentie froid

de la neige, l'eau chaude lui donne une sensation de

chaleur, il ne suppose pas l'existence de son anes-

thésie thermique, sans percevoir pourtant la différence

de température à 20°-30°.

204 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Les degrés d'anesthésie à un certain moment sont

ordinairement très différents dans diverses régions.

La même disposition en zones, en segments, s'observe

pour des différents degrés d'anesthésie, comme il en

est de la thermanesthésie en général ; quoique cette

règle ne soit pas toujours observée ici et qu'un certain

champ thermanesthétique puisse être recouvert de

taches irrégulières à sensibilité plus ou moins bonne,

comparativement à celle des parties environnantes.

Il n'est pourtant pas facile de délimiter les régions

dans lesquelles le malade distingue, par exemple, un

écart de 5°, de celles où il en perçoit l'écart de 10° : 1l

n'est pas rare que le degré de thermanesthésie dans

le même endroit présente des variations très marquées

même au moment de l'examen, et il arrive que le ma-

lade, ayant distingué plusieurs fois de suite une diffé-

rence de 3° et même de 2°, ne perçoit plus, cinq mi-

nutes plus tard, la différence de 20° au même endroit.

Il parait exister dans ce cas une sorte de faiblesse

irritable^ d'épuisement rapide d'éléments dans cer-

tains groupes n'ayant pas subi de lésion, et ayant con-

servé la faculté de conduire les impressions thermiques.

Nous n'avons observé que peu de changements qua-

lificatifs dans la sphère du sens thermique. Dans l'On-

SERVATION II, nous avons vu sur un endroit limité de

l'épaule gauche, à un degré moyen d'anesthésie, une

diminution relativement plus grande du sens de froid

(le contact de la neige lui était indifférent), tandis

qu'à l'endroit symétrique la température perçue comme

chaleur du côté gauche, ne provoquait pas de sensa-

tions du côté droit, mais en revanche la neige donnait

la sensation de froid. Chez ce malade, on pouvait

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. Oi

aussi observer dans d'autres endroits de même que chez

d'autres malades que, dans les régions de la therma-

nesthésie, non seulement les limites existant entre les

perceptions de la chaleur et du froid s'élargissaient,

mais ils paraissaient s'éloigner davantage tantôt de

l'une, tantôt de l'autre modalité de la sensibilité ther-

mique. Il y avait comme une hypéresthésie relative

de la sensibilité au froid ou à la chaleur. Il peut

y avoir aussi perversion du sens de la température

les objets froids produisent une sensation de chaleur et

à l'inverse (OBs. IV). Nous n'avons pas constaté

de ralentissement de conductibilité des impressions

thermiques.

L'analgésie, dans les endroits où elle s'observe, suit

dans sa disposition la même règle que l'anesthésie

thermique, c'est-à-dire qu'elle se caractérise aussi par

une distribution en ceinture, en région qu'elle prédo-

mine d'un côté, qu'elle est nettement délimitée par la

ligne moyenne, là où la région analgésique d'un côté

ne conflue pas avec la zone analgésique de l'autre.

Les muqueuses de la cavité buccale peuvent aussi être

atteintes d'analgésie, comme le démontre une obser-

vation de Schultze24 (analgésie de la langue). Nous

avons vu que l'analgésie peut manquer pendant long-

temps ; dans l'OB,,ERVATIOiNVI, elle ne s'était ajoutée

à la thermanesthésie partielle qu'après quatorze ans.

Il paraît qu'une apparition semblable d'analgésie con-

sécutive ne constitue pas la règle. La relation existant

entre les régions des anesthésies partielles parle en

faveur de cela. Il n'arrive pas toujours que l'analgésie

n'occupe que certaines parties de la lésion thertnanes-

thésique. Parfois, dès le début, les deux espèces d'anes-

zou) PATHOLOGIE NERVEUSE.

thésie partielle se distribuent dans les mêmes limites,

atteignent simultanément de nouveaux endroits

(OBS. III) et peuvent probablement exister simultané-

ment dès le début de la maladie (OBs. IV). Enfin, dans

.la troisième série d'observations, il peut exister une

analgésie partielle dans les régions, non occupées

par la thermanesthésie ; cela fait supposer la possi-

bilité de l'existence chez quelques malades de l'anal-

gésie partielle, seule avec conservation de tous les

autres modes de sensibilité au moins pendant

un certain temps. Pourtant ni moi, ni les autres au-

teurs, n'avons observé de l'analgésie isolée sans ther-

anesthésie. M. Morvan, qui signale dans toutes ses

observations de l'analgésie et, dans quelques cas excep-

tionnels la thermanesthésie partielle concomitante,

présente une exception à cette règle; mais ses obser-

vations, comme nous l'avons déjà remarqué, ne pa-

raissent pas être assez exactes sous ce rapport. Nous

devons dire la même chose de deux cas présentant

une distribution caractéristique de l'analgésie (cein-

ture sur la poitrine dans un de ces cas, moitié de la

face et le membre supérieur dans l'autre) que nous

avons rencontrés en 1881 au dispensaire de la Société

des médecins russes, mais qui n'ont pas été portés sur

la liste, parce que la sensibilité thermique n'y était

pas étudiée. Le ralentissement de conductibilité des

impressions douloureuses a été observé par nous

aussi bien que par d'autres auteurs (OBs ? 11) ; mais en

général on la voit très rarement.

L'anesthésie du sens du tact et du lieu, tantôt ne

s'observe pas du tout, tantôt paraît par-ci, par-là, en

occupant une région peu considérable et en suivant

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 207

dans sa distribution la même règle, que le changement

de la sensibilité à la chaleur et à la douleur.

Chez notre malade, par exemple (OBS.V), on observait

à côté d'une thermanesthésie de la totalité de la peau

une anesthésie incomplète des autres espèces de sensi-

bilité, et qui avait occupé du côté externe de la main,

un espace peu considérable, innervée cependant par

trois nerfs. Dans d'autres cas, toute la région therma-

nesthétique sent les attouchements d'une façon diffé-

rente, et à cette différence subjective ne correspond

pas un changement objectif marqué ; où bien il y a une

diminution très insignifiante du sens de lieu, comme,

par exemple, dans notre premier cas et surtout chez

le malade d'Oppenheim, chez lequel l'anesthésie tac-

tile incomplète coïncidait avec analgésie complète et

anesthésie du sens thermique avec distribution carac-

téristique de ces dernières.

Enfin, dans la troisième série des cas les nôtres

n'en présentent pas l'anesthésie peut se manifester

sous la forme habituelle qu'elle a dans les affections de

la moelle épinière et obscurcir ou détruire complète-

ment le tableau caractéristique de la maladie. Schup-

pel a décrit un cas d'anesthésie générale, dans lequel

on trouva à l'autopsie les cornes et les cordons posté-

rieurs complètement détruits, tandis qu'au début de

la maladie existaient des troubles partiels de sensibi-

lité que nous reconnaissons comme typiques de la

gliomatose médullaire. Une anesthésie de ce genre

doit être rangée dans le nombre de symptômes secon-

daires, deutéropathiques. 1

Le sens de la pression marche ordinairement côte à

côte avec le sens du tact et s'abaisse parallèlement à

208 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ce dernier. Il avait été excessivement abaissé dans la

région de l'anesthésie générale de notre neuvième

cas. A juger d'après notre Observation III, il faut

croire qu'une certaine diminution du sens de la pres-

sion peut exister dans les endroits thermanesthétiques,

percevant le plus léger attouchement, quoiqu'il soit

ici ordinairement couservé et, autant que nous avons

pu voir, ne présente pas de diminution marquée. Sous

ce rapport, du reste, il serait désirable d'avoir des

recherches plus précises, pour lesquelles il n'existe

pas de méthode complètement commode.

Le sens musculaire avait été conservé chez nos ma-

lades. Généralement, il est conservé dans les cas où il

n'y a que des symptômes fondamentaux, caracté-

ristiques, indiquant la distribution quasi systématisée

du processus morbide. Il a été aussi conservé dans le

cas d'Oppenheim, où toutes les autres espèces de sen-

sibilité étaient atteintes.

Dans les périodes ultérieures de la maladie, lorsque

le tableau fondamental se complique ou s'obscurcit

même par une série de symptômes de lésion diffuse

ou en foyer des cordons blancs de la moelle épinière,

on peut observer la perte de sensibilité musculaire.

2). Les altérations subjectives de la sensibilité, ne

présentent pas un phénomène ininterrompu, mais pa-

raissent toujours dans le courant de la maladie,

pour un temps plus ou moins long.

Plus souvent les malades se plaignent de paresthé-

sies de différente sorte : sensation de refroidissement,

sensibilité au froid des membres, ne dépendant pas

toujours du refroidissement de ces parties, sensation

du froid se répandant sous la peau, etc.; parfois, au

DE LA GLI011ATOSr MEDULLAIRE. 209 )

contraire c'est une sensation de chaleur et de

tiédeur, allant jusqu'à la douleur, une sensation de

« cuisson froide », de constriction, de corps étranger

dans le côté, le dos, de fourmillement, etc. Ces pa-

resthésies ne se localisent pas exclusivement sur la

peau : elles se font sentir aussi dans les muscles,

sous forme de légère douleur sourde, de constriction,

de « douleur agréable ».

Les douleurs : tantôt elles sont le résultat direct des

paresthésies aggravées, de « douleur sourde », « dou-

leur agréable », de « cuisson »,, tantôt ce sont des

douleurs excentriques dans les membres, la nuque

et le thorax, rappelant les douleurs névralgiques;

tantôt c'est une douleur locale siégeant dans les

muscles atrophiés, les grandes articulations, les nerfs,

la colonne vertébrale, formant peut-être dans ce der-

nier cas une manifestation de la méningite chronique,

compliquant la maladie, si l'hyperplasie gliomateuse

atteint les enveloppes de la moelle.

Nous avons vu que la douleur peut exister avec l'a-

naque l'augmentation de pression dans le sys-

tème veineux (la toux, Féternuement, etc.), peut aug-

menter les douleurs; mais plus souvent on ne réussit

pas à saisir les moments provoquant ou entretenant

ces douleurs, dont le caractère central est habituelle-

ment évident.

La continuité des douleurs est différente ; parfois

elles paraissent par accès pour quelques moments,

quelques heures; mais dans d'autres cas elles durent

avec quelques variations d'intensité pendant des jours,

des semaines et des mois. L'intensité de la douleur

était ordinairement moindre qu'on pourrait le sup-

ARcHivEs, t. XVI. 14

210 PATHOLOGIE NERVEUSE.

poser d'après les plaintes des malades ; à l'exception

de rares exacerbations, elle n'interrompt même pas

leur sommeil.

3). Les troubles vaso-moteurs ne sont pas rares; leur

caractère et leur localisation sont très variés. Plus

souvent on observe un certain rétrécissement des ar-

tères, ralentissement de la circulation périphérique,

une rougeur par stase veineuse, accompagnée de re-

froidissement des membres. Dans d'autres cas, l'ir-

ritation mécanique de la peau provoque une hypé-

rhémie locale disproportionnellement intense (Oss. X)

même avec de l'épanchement dans les papilles; et

dans le nombre des malades atteints de gliomatose

sont notés les « hommes autographiques » (Schultze,

Fûrstner et Zacher, nos Observations II et III), faisant

le pendant de la femme autographique de Dujardin-

Beaumetz.

Dans les observations de Zacher et de Fürstner,

cette paralysie réflexe des nerfs vaso-moteurs s'éten-

dait à une plus grande surface de la peau et avait été

plus accusée d'un côté. Dans d'autres cas, il se dé-

veloppe comme des hypérhémies spontanées de la peau,

de la rougeur en plaques, etc. Morvan signale des

hémorrhagies des organes internes au nombre de

symptômes, observés chez ses malades. Les troubles

vaso-moteurs paraissent être la source de quelques

paresthésies et jouent probablement un rôle assez im-

portant dans l'origine des distrophies cutanées.

Les sueurs sont plus souvent augmentées dans la

sphère de l'anesthésie et parfois à un degré consi-

dérable : elles sont surtout nettement accusées dans la

forme hémianesthétique. Plus rarement, il y a

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 2't't

diminution d'excrétion sudorale du côté anesthé-

tique.

L'inégalité pupillaire. Il nous est arrivé de l'ob-

server dans deux cas, sans d'autres symptômes deuté-

ropathiques. La réaction à la lumière et à la conver-

gence avait été conservée, maisune pupille s'élargissait

plus que l'autre, de sorte que ses faisceaux sympa-

thiques avaient été légèrement atteints.

Les distrophies cutanées et les processus morbides

siégeant dans le tissu cellulaire sous-cutané se ren-

contrent dans plus de la moitié des cas, même sans

compter les observations de Morvan, qui avait ras-

semblé ses cas, en se basant sur ce symptôme. Sur la

peau de la paume et des doigts surtout, on voit sou-

vent des épaississements de l'épiderme; chez les ou-

vriers se produisent souvent des callosités, des cre-

vasses, allant jusqu'aux tendons fléchisseurs des doigts,

des tendinites, des phlegmons etc. Les ampoules sur

les paumes et sur les doigts présentent un phénomène

fréquent. Très souvent, l'on peut voir des éruptions de

différentes sortes : l'eczéma squameux, impétigineux,

les dartres, etc. Kahler a observé la nécrose de la

peau avec formation de cicatrice kéloïdale. Le pana-

rts et le phlegmon dans différents endroits, les mem-

bres supérieurs surtout, se rencontrent relativement

souvent dans le courant de la maladie. En vue de re-

lation indubitable de ces processus avec l'affection

fondamentale, nous pouvons supposer parfois, d'après

leur existence dans les antécédents du malade, qu'elle

s'est développée plusieurs années avant l'apparition

de tout autre symptôme, dont s'aperçut le malade.

La formation de tumeurs pâteuses limitées dans le

2112 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tissu cellulaire sous-cutané, dans le genre de celles

que nous avons observées dans 1' Observation V est men-

tionnée par d'autres auteurs également. Ces tumeurs

ne sont pas accompagnées de rougeurs de la peau, ne

dépendent pas seulement de l'oedème locale, mais

d'une infiltration de consistance plus solide; tantôt

elles durent pendant de longs mois, tantôt elles se ré-

solvent toutes seules.

Il arrive aussi d'observer des altérations des gaines

tendineuses, occasionnant parfois l'immobilité des ar-

ticulations interphalangiennes; des processus inflam-

matoires chroniques dans l'une ou l'autre des grandes

articulations (celle de l'épaule), limitant les mouve-

ments et accompagnés parfois de douleur (Cas. III,

cas de Remak). Dans l'OBSERVATION X existaient des

épaississements considérables des extrémités osseuses

dans l'articulation métacarpo-phalangienne du pouce

des deux côtés. Des luxations et surtout des fractures

des os survenant en dehors d'un mouvement mécanique

suffisant avaient été observées assez souvent. D'ordi-

naire les malades ne sentent pas ces fractures; le ma-

lade décrit par Schultze n'avait deviné que par le

bruit de la fracture, qu'elle s'était produite; notre

malade (OBs. X) n'a appris la fracture de sa clavicule

que le lendemain, s'étant aperçu du gonflement de

l'épaule. Morvan a trouvé chez ses malades, outre les

troubles trophiques locaux, un abaissement de nutri-

tion générale avec abaissement de la température du

corps.

Nous n'avons pas l'intention d'énumérer tous les

troubles trophiques, observés dans la gliomatose. Ils

sont excessivement variables, surviennent déjà dans

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 213

les premières périodes de la maladie et contribuent

d'une manière considérable à la bigarrure de son ta-

bleau clinique. Nous ne nous arrêterons pas non plus

sur l'examen détaillé de la pathogénie de ces troubles

disons seulement que nous ne nous voyons pas forcés

de les expliquer par la lésion des nerfs trophiques

hypothétiques. Mais nous ne partageons pas l'opinion

de Schultze, que la fragilité des os ne dépend que de

la contracture musculaire' démesurée et nous ne sup-

posons pas, qu'en général la source unique des dis-

trophies de la peau etc., siège dans la diminution

de la sensibilité à la douleur, ne permettant pas au

malade de s'épargner à temps les moments trauma-

tiques ainsi que d'autres irritations, d'autant plus

que, comme le démontrent nos deux observations, les

altérations pathologiques citées plus haut ont été aussi

observées dans les cas où l'analgésie manquait, ou au

moins, dans les endroits, où la sensibilité thermique

était seule altérée. Des recherches ultérieures devront

définir d'une manière plus intime les relations réci-

proques existant entre les troubles vaso-moteurs pro-

duits dans la sphère de sensibilité d'un côté et les

troubles trophiques de l'autre.

La plupart de ces derniers ont un caractère acci-

dentel, épisodique : de grandes cicatrices de la peau

sont attribuées par le malade à une brûlure « acciden-

telle » des fractures osseuses à un traumatisme

accidentel, etc., et pourtant ces accidents se répètent

chez la plupart des malades avec un caractère typique

remarquable. Ces troubles sont liés à la maladie

d'abord parce qu'elle ne permet pas de s'apercevoir,

de prévoir et d'éloigner, des traumatismes arrivant à

9.14 PATHOLOGIE NERVEUSE.

chaque pas, etc., secondement, parce qu'elle diminue

l'énergie trophiqué des tissus. Nous sommes obligés

de supposer, que grâce à la nutrition affaiblie des tis-

sus d'un côté (par suite de l'abaissement delà tempé-

- rature locale, des conditions défavorables de la

circulation, etc.), la réaction altérée des nerfs vaso-

moteurs de l'autre, différentes causes pathogé-

niques externes et internes provoquent tel trouble

ou tel autre. Par exemple : une blessure insignifiante

ou une infection provoque le phlegmon, le panaris;

une irritation insignifiante provoque l'eczéma, etc.

Morvan a observé chez un de ses malades un eczéma

impétigineux siégeant dans la sphère de l'analgésie

mais la maladie existait à un léger degré sur la tota-

lité du corps. Il est évident que sa cause dépendait de

conditions, qui n'ont rien de commun avec la myélo-

' gliose, mais cette dernière avait créé dans certains en-

droits des conditions locales plus favorables au déve-

loppement de la maladie.

L'atrophie musculaire nous présente cet intérêt,

.qu'elle constitue un symptôme précoce de la maladie.

Dans nos six observations', elle était localisé dans les

muscles de la main et présentait le tableau considéré

comme caractéristique de l'atrophie musculaire spi-

nale protopathique (type soi-disant Aran-Duchenne-

Charcot). Chez un malade- la localisation prédomi-

nante dans les muscles scapulaires et ceux de l'épaule

rappelle aussi l'atrophie musculaire progressive, mais

idiopathique de mon type fondamental (type scapulo-

1 Dans le dernier temps, je pus observer encore trois cas de gliomatose

médullaire avec atrophie musculaire du type Aron-Duchenne liée a

l'anesthésie termique avec analgésie.

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 215

humerai Landonsy-Dejerine). Dans d'autres cas, ta dis-

tribution de l'atrophie est moins trompeuse : elle se

borne longtemps à un seul côté, et ayant envahi

l'autre, ne manifeste ordinairement pas cette symétrie

(dans la localisation initiale, dans la sanction et le

degré de lésion des muscles atteints), qui est observée

dans les atrophies musculaires progressives protopa-

thiques. L'atrophie des membres inférieurs est exces-

sivement rare et dans ces cas le degré d'atrophie peu

considérable ne correspond pas au degré de la paraly-

sie. Dans les muscles atrophiés, on observe souvent la

réaction de dégénérescence plus ou moins nettement

accusée, ne constituant pas, du reste, l'apanage né-

cessaire de l'atrophie musculaire dans la gliomatose

de la moelle épinière, pas plus que dans d'autres

amyotrophies spinales.

L'atrophie des muscles peut ne pas avoir lieu pen-

dant très longtemps, comme le démontrent nos OBSER-

vations III et VII. Une fois parue, elle se développe

très lentement, et ne montre habituellement pas de

tendance à se généraliser; mais dans certains muscles

(de la main le plus souvent) elle atteint parfois un

degré élevé.

(4). Les troubles par étiques des mouvements se loca-

lisent surtout dans les membres supérieurs; la fai-

blesse prédomine habituellement sur l'atrophie. Ces

deux espèces de troubles atteignent rarement une

étendue considérable. Parfois les troubles moteurs se

bornent pour longtemps à une certaine maladresse de

la main, un léger changement d'écriture, etc. Il

est à remarquer que les muscles transversaires épi-

neux sont atteints assez souvent, à la suite se déve-

'316 6 PATHOLOGIE NERVEUSE.

loppe la scoliose musculaire dans les premières pé-

riodes de la maladie. (OBs. I, II.) En fait d'autres

altérations de la position des membres il faut citer la

main en griffe et la contracture atrophique des articu-

lations des doigts. Au début, l'atrophie musculaire et

la faiblesse se localisent dans la même région que

l'anesthésie (OBS. II, III, IV, VI, VIII, IX, X). Plus

tard, comme le prouve notre premier cas, l'atrophie

des muscles et les troubles moteurs peuvent être plus

accusés du côté où les altérations de la sensibilité sont

moins développées. Des troubles moteurs plus étendus

se rapportent à cette sorte de symptômes accidentels

de la maladie, qui peuvent paraître dans des combi-

naisons les plus variées, si le processus pathologique

s'étend à la substance blanche de la moelle épinière,

ce qui, à notre point de vue, constitue déjà une com-

plication du tableau clinique pur. Des complications

semblables par des phénomènes de paralysie plus

accusés accompagnés de phénomènes plus ou moins

considérables de l'hypertonie sont cependant observés

parfois dans les périodes relativement précoces de la

maladie. A l'extension du processus à la moelle

allongée et plus haut on peut observer des troubles

bulbaires et oculo-moteurs.

La paralysie atrophique, développée chez lllme L...

(OBs. VI) dans les membres inférieurs, se rapporte

probablement d'après les symptômes qui l'accompa-

gnaient et d'après sa marche à la méningite chronique,

qui est venue compliquer la maladie fondamentale;

la possibilité d'une complication pareille est anatomi-

quement prouvée, comme nous l'avons mentionné

plus haut.

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 2'1*

Au nombre des symptômes caractéristiques, que

nous avons observés dans tous les cas où il y avait

faiblesse et atrophie des muscles de la main, se rap-

portent les tressaillements convulsifs des muscles iso-

lés de l'avant-bras et de la main; cela se voit rarement

dans les autres muscles. On observe aussi des spasmes

toniques, surtout dans les muscles longs, au moment

d'une forte contraction exagérée de ces derniers.

Les mouvements fibrillaires et fascieullaires sont loin

d'être rares. L'état des réflexes cutanés et tendi-

neux présente des variations diverses dans tel ou tel

sens, étant sous la dépendance de la localisation ac-

cidentelle du processus morbide. Les altérations

fonctionnelles des organes du bassin, de même que

les symptômes bulbaires, constituent un phénomène

très rare ne se rapportant pas au nombre des symp-

tômes fondamentaux de la maladie.

Pour conclure, il convient de citer la préoccupation

sur la santé, la disposition à 1'liypochondi,ie , l'hu-

meur parfois mélancolique, qui constituent des symp-

tômes qu'on observe souvent chez nos malades.

La source de ces phénomènes se trouve, selon nous,

dans la fréquence des paresthésies et de diverses sen-

sations indéfinies, enchaînant constamment l'attention

du malade, épuisant son système nerveux, surtout

au moment des douleurs, et agissant d'une manière

dépressive sur son état général.

Tous les symptômes décrits peuvent se rencontrer

à une certaine période de la maladie sous des combi-

naisons diverses et se développe, probablement dans

une succession différente. D après nos observations,

la thermanesthésie est habituellement le premier

218 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

symptôme; ensuite viennent des troubles subjectifs de

la sensibilité ou l'analgésie, ou les troubles moteurs et

l'atrophie des muscles. Plusieurs années peuvent s'é-

couler, le malade peut mourir sans avoir présenté la

totalité ou la plupart des symptômes typiques, quoique

durant ce temps il ait pu avoir déjà les phénomènes

deutéropathiques. Nous nous arrêterons plus loin

avec plus de détails sur la signification diagnostique

de cas semblables non complètement accusés ou pré-

sentant des complications. (A suivre.)

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

ÉTUDE PATHOGËN1QUE ET EXPÉRIMENTALE

SUR LE VERTIGE MARIN';

· Par le D, P.-S. PAMPOUKIS,

En mission scientifique par l'Université d'Athènes.

Les exemples suivants ne sont pas moins frappantes :

Au mois de novembre de 1886, nous nous embarquâmes au Pirée

pour llfarseille ; la mer était aussi calme qu'on pouvait le désirer.

Mais aussitôt après, nous trouvâmes la mer dans une folle agitation.

Immédiatement, nous sentons le vertige. Nous essayons de rester

encore sur le pont; mais le tangage augmentait, et, avec lui notre

vertige, de sorte que quelques minutes après, quand nous avons

voulu descendre dans notre cabine, nous n'avons pu y parvenir

qu'avec l'aide d'un de nos amis. D'ailleurs, tous les voyageurs

avaient déjà gagné leurs cabines; car ils ont vu que la mer ne

nous souriait plus.

Au mois de novembre de 1885, nous nous rendîmes de Paris à

Athènes. De Marseille à Gênes la mer était bien calme. Vers

' Voir Arcle. de Neui,ol., t. XV, p. 393, et t. XVI, p. 1.

DU VERTIGE MARIN. 219

onze heures du soir nous quittions le port de Gênes avec le même

temps; nous étions alors dans notre cabine, comme d'ailleurs la

plupart des passagers. Aussitôt éloignés du port, la tempête com-

mence, et, avec elle notre vertige. Plus le bateau avançait, plus la

tempête devenait violente, de sorte que la vapeur ne pouvait plus

vaincre l'action du vent et des flots. Tout se bouleversait dans le

bateau. Tous les voyageurs souffraient plus ou moins. Le bateau

ne pouvait presque plus avancer : on essaya alors d'employer les

voiles. Pendant ce temps, quelques-unes des grandes touries d'acide

nitrique qu'on apportait à Naples se cassent. Les voyageurs ne

sachant de quoi il s'agissait, crient : i Au feu ! au feu ! »

Notons que jusqu'à ce moment notre vertige marin était à son

apogée; les vomissements étaient presque incoercibles, nos forces

complètement épuisées. Mais au danger de la tempête survient

un autre plus terrible encore , celui de l'incendie en mer ! ! Ce

mot nous a tellement effrayés que notre visage a changé com-

plètement. Tandis quejusqu'à cet instant nous étions évanouis et

épuisés par les vomissements, lesquels, pendant deux heures nous

tourmentaient; à la nouvelle du danger du feu nous avons eu tel-

lement peur que les vomissements ont cédé comme par magie;

nous prenons du courage et nous essayons de monter en haut

pour nous sauver, s'il était possible. Une dame qui souffrait encore

plus que nous a été tellement effrayée en apprenant l'incendie,

que ses vomissements ont aussi cessé à l'instant même.

Naturellement peu de temps après, nous avons constaté qu'il n'y

avait aucun danger.

Le capitaine Hellène N. K. faisait un voyage, dans un bateau à

voiles, de Grèce en Espagne. Un des matelots.qui n'étaitpas encore

habitué au vertige marin a souffert presque pendant toute la tra-

versée, car la mer était mauvaise. Près de l'Espagne, la tempête

devint tellement forte que les voiles furent mises hors de service,

et le danger de naufrage fut imminent. Cet accident inattendu a

tellement impressionné notre brave matelot, que non sulement

les vomissements ont cessé immédiatement, mais de plus il a

réussi à se lever et à venir en aide à ses camarades, qui travaillaient

pour sauvegarder le bateau.

Nous-même nous fûmes tellement impressionné pendant un

trajet en caâot à Corintbe, où nous craignions le chavirement

de l'embarcation par les flots, que notre attention tout entière se

concentra à cette idée du danger, ce qui empêcha le cerveau de

réagir contre l'influence de tangage et de manifester par le ver-

tige sonimpressionnabilité.

De ces exemples nous pouvons conclure que le

danger imminent du naufrage ou du feu impres-

220 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

sionne tellement le système nerveux, que l'action du

vertige marin cède la place à une impression plus

grande. C'est traiter le mal parle mal. La grande joie

peut agir pareillement. Ainsi, le docteur G. Coromilas

nous a communiqué l'exemple, dont il a été témoin.

Au mois de janvier de 1878 , le régiment de Messéniens com-

posé de 800 soldats s'embarqua à Patras sur un voilier pour Misso-

longhi, d'où on devait se rendre immédiatement à la frontière;

cardans ce moment, on croyait à une guerre entre la Grèce et la

Turquie. Depuis rembarquement à Patras jusqu'à Missolonghi, la

mer était folle d'agitation; la plupart des soldats allaient pour la

première fois en met'; cependant ils passaient le temps à chan-

ter des chansons patriotiques et à raconter des histoires de

batailles de nos pères contre les Turcs. De ces 800 soldats, aucun,

mais absolument aucun, n'a ressenti les symptômes du roulis et du

tangage, malgré leur séjour assez long dans un bateau par une vio-

lente tempête. Au contraire, la plupart des passagers d'un bateau

à vapeur, qui en même temps faisait le même voyage, ont terri-

blement souffert du vertige marin.

En résumé , le vertige peut ne pas se produire ou

s'arrêter subitement, malgré la continuité du tangage

ou le roulis, si les voyageurs se trouvent en face du

danger imminent de naufrage ou d'incendie, ou bien

encore si leur imagination se surexcite par une idée

patriotique ou par une grande joie.

La prédisposition individuelle influence aussi beau-

coup l'apparition des symptômes du vertige marin.

En général, le tout dépend du degré d'excitabilité du

système nerveux et de l'état de l'estomac. Ainsi , les

personnes anémiques , les neuropathes, surtout les

femmes', et ceux qui ont une lésion dynamique ou

matérielle de l'estomac, sont prédisposés plus que les

autres. La crainte d'avoir le vertige prédispose et

prépare le système nerveux central. Ceux qui voya-

gent pour la première fois sur mer sont, à peu d'ex-

DU VERTIGE MARIN. 1

ception près, presque tous prédestinés à sentir plus

ou moins les symptômes du vertige. Nous relatons ici

les cas observés par M. le docteur C. Nicoclès pendant

son voyage de Syra à Marseille, il y a un an.

Parmi les passagers il y avait un aliéné, un curé très anémique

et une famille qui voyageaient pour la première fois par mer. On

part le matin de Syra, et dix minutes après on sortait du port

par une mer calme. Mais dès qu'on est en pleine mer, il s'élève

une violente tempête (tangage). Presque la moitié des voyageurs

souffrent du vertige marin. M. le docteur Nicoclès était prédis-

posé au vertige ; il en a souffert toutes les fois qu'il a voyagé en

tempête. Peu de temps avant ce voyage, il a eu une congestion

cérébrale assez forte; eh bien, cette fois, il n'a pas souffert du ver-

tige marin; est-ce la congestion cérébrale qui a contribué à cela ?

L'aliéné, maniaque, âgé de quarante ans, est resté calme pendant

la traversée; il mangeait bien, sans vertige ni vomissements. -

Le curé, âgé de vingt-six ans, très anémique, a beaucoup souffert.

La famille a souffert également. -

Enfin, nous citons qu'un malade de Crète, âgé de vingt-cinq

ans, marchand, très anémique, à cause d'une tumeur de la langue

(sarcome), pour laquelle il a été opéré par le professeur M. Are-

taios (d'Athènes), a eu le vertige marin à son plus haut degré.

Nous devons dire aussi qu'il y a des personnes qui

malgré la tempête ne souffrent pas , ayant, pour ainsi

dire, une immunité au vertige marin. Ainsi notre pro-

fesseur de langues, M Mousson (de Paris), ayant tra-

versé la Manche cinquante-six fois dans l'espace de

douze ans, même en forte tempête, n'a jamais rien

senti, excepté une seule fois où même l'équipage du

navire, y compris le capitaine, ont vomi.

Nous avons dit déjà que ce sont des mouvements

spéciaux du navire qui marquent le point de départ

de la manifestation du vertige marin. Maintenant

c'est bien le moment d'étudier le milieu dans lequel

on voyage. Ainsi dans la barque on souffre moins que

sur un voilier; dans un navire à vapeur plus que sur

222 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

le voilier. Quelle est la cause de ces différences ? Voilà

une question qui n'a pas été étudiée.

Voyage en barque. Dans la barque on souffre,

d'après nous, moins que dans tout autre bateau pour

quatre raisons. Avec la barque, on fait rarement des

voyages au large, et par conséquent la tempête n'a pas

sa pleine puissance d'action. La barque ne déplaçant

pas une grande quantité d'eau, mais restant presque à

la superficie , ne décrit pas des lignes sinueuses trop

élevées, non plus trop brusques , et par conséquent

lé tangage et le roulis ne sont pas bien accentués. Le

séjour dans la barque jusqu'à l'arrivée au bateau n'é-

tant pas bien long, l'intention du voyageur et son

imagination se fixent sur le bateau. En grande tem-

pête, les embarqués s'adonnent à la crainte que la

barque pourrait chavirer et par conséquent leur sys-

tème nerveux est attaché à cette idée du danger im-

minent.

Voyage en voilier. Ce que nous avons dit

-pour la barque à propos du déplacement de l'eau s'ap-

plique aussi au voilier relativement au bateau à va-

peur. Le voilier reprend immédiatement son équilibre;

étant plus léger qu'un bateau à vapeur il reste plus à

la surface, grâce aussi à ses voiles. Ainsi, par un temps

de brise, le voilier effleure la surface de la mer sans

effort, tandis que la vapeur la creuse. Le navire se

dirigeant seulement par la vapeur agite et remue tu-

multueusement et sans cesse autour de lui l'eau de la

mer, et subit des secousses , qui se transmettent à

l'homme, provoquant le vertige marin. Quand un flot

se brise sur un vapeur, alors celui-ci fait plusieurs

DU VERTIGE MARIN. 223

mouvements latéraux ; avant de pouvoir se mettre en

équilibre, un nouveau flot se brise sur lui et alors des

nouveaux mouvements de roulis apparaissent. Quand

au contraire un flot se brise sur un voilier, celui-ci

reprend immédiatement son équilibre, et avant qu'un

second flot s'y brise, le voilier prend le temps néces-

saire pour marcher pendant quelques instants sans su-

bir le roulis.

Voyage en bateau à vapeur. Nous avons déjà

rappelé que ce navire entre plus profondément en

mer que le voilier; les courbes du vapeur en mar-

che sont plus élevées et l'enfoncement du bec de la

proue dans la mer se fait plus brusquement que dans

les voiliers, d'où vient subitement la perte de l'équi-

libre de l'homme ; enfin le vapeur revient en équilibre

plus difficilement qu'un voilier. Nous ne croyons pas

inutile d'ajouter ici que l'élévation des vagues varie

de 1 à 8 mètres ; que leur durée moyenne est de 5 à

8 secondes; qu'enfin leur vitesse de 15 à 30 mètres

par seconde (Bénard).

Nous acceptons comme cause occasionnelle du ver-

tige marin la chaleur qui se dégage des chaudières et

qui se répand dans le navire. Cette chaleur modifie

beaucoup l'air du navire , le dilate et contribue par

conséquent à la diminution de l'oxygène. Donc les

oxydations deviennent plus difficiles et l'organisme se

prédispose ainsi à l'anémie, qui se manifeste dès

que le tangage ou le roulis commencent. C'est pour

cette raison surtout que les voyageurs qui restent dans

leur cabine ou à la salle à manger souffrent plus que

ceux qui restent sur le pont. Ajoutons aussi que l'air

324 4 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

de l'intérieur des cabines se renouvelle difficilement ;

que les cabines étant à l'avant et à l'arrière du na-

vire subissent des mouvements dont les courbures sont

plus élevées que celles du pont. Ajoutons enfin l'in-

fluence de l'odeur du goudron, de peintures impré-

gnées d'humidité, etc. Nous avons connu des per-

sonnes qui voyageant par les voiliers ne souffrent pas,

taudis qu'ils éprouvent le vertige à bord des vapeurs.

d) Réflexions sur la pathogénie du vertige marin

de l'homme. Voici maintenant le moment d'aborder

l'étude de la nature du vertige marin. Nous tâche-

rons d'exposer nos réflexions d'après les résultats de

nos expériences sur les animaux. Parmi toutes les

théories qui ont été émises jusqu'à présent, une

seule vaut la peine d'être discutée, celle de Maurius

Autricsur les oscillations du liquide céphalo-rachidien.

Mais avant d'examiner cette théorie, nous croyons

indispensable de rapporter ce que la physiologie nous

enseigne à propos de ce liquide.

Le liquide céphalo-rachidien est placé entre le

feuillet viscéral de l'arachnoïde et la pie-mère; ce

liquide communique aussi avec les ventricules du cer-

veau. D'après Magendie, sa quantité doit être d'environ

soixante grammes; quanta sa composition il ressemble

au sérum du sang avec une grande diminution d'albu-

mine. Les vaisseaux du système nerveux se répandent

à la surface de la pie-mère ; là, ils se divisent à l'in-

fini et enfin pénètrent à l'état capillaire dans la subs-

tance du cerveau et de la moelle. Lorsqu'on a enlevé

le liquide céphalo-rachidien, en faisant une ponction

aux membranes de la moelle d'un animal vivant, les

DU VERTIGE MARIN. 22S

vaisseaux de la pie-mère laissent échapper la partie

liquide du sang au travers de leurs parois; et comme

la pie-mère est très riche en vaisseaux, ce liquide se

reproduit avec une grande rapidité.

Lorsqu'on donne issue à ce liquide par une piqûre

pratiquée dans l'espace interoccipito-atloïdien, on

remarque que le premier flot du liquide sort en jet.

Dans l'état normal, les centres nerveux subissent une

certaine pression de la part de ce liquide. La soustrac-

tion de cette pression normale provoque d'après

Magendie le trouble des fonctions locomotrices. Ma-

gendie, a remarqué que les animaux, après cette opé-

ration, chancelaient sur leurs pattes, comme s'ils

étaient ivres; ils tombaient tantôt d'un côté, tantôt

de l'autre. Pour Longet le trouble des mouvements est

dû à la section des muscles de la nuque; lorsqu'on

détermine l'issue du liquide par les lames postérieures

d'une vertèbre dorsale et qu'on ne divise pas par con-

séquent les muscles de la nuque, alors la démarche

des animaux ne présente aucune incoordination;

l'animal éprouve seulement un grand affaiblissement;

il a de la peine à se tenir sur ses jambes et il reste

couché. Pour Béclard la section des muscles de la

nuque provoque le trouble des mouvements très pro-

bablement par la suppression brusque des points

d'attache de la masse des muscles du dos, qui jouent

un rôle capital dans l'équilibre de la station. Si nous

augmentons le liquide céphalo-rachidien par l'injection

de sérum étendu d'eau distillée et à la température de

37°, alors on voit survenir les résultats de la compres-

sion du cerveau.

Étudions maintenant l'influence de la circulation et

Archives, t. XVI. 15

226 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

de la, respiration sur les mouvements du liquide

céphalo-rachidien. Pour le système nerveux central,

comme aussi pour les autres organes nous avons des

augmentations et. des diminutions alternatives de

volume en, relation avec la respiration et la circula-

tion. Le sphymoscope en ampoule dans la trépanation

nous démontre cela.

Par les expériences de Mosso, Frank, Buisson et

autres sur la sphygmométrie volumétrique, nous

savons que les changements de volume des organes

sont isochrones avec les pulsations artérielles; le

volume des organes augmente ci l'expiration et diminue

à l'inspiration, surtout dans les respirations forcées.

Pendant la systole cardiaque, le sang du cerveau

étant augmenté, le liquide céphalo-rachidien descend

en partie dans la cavité rachidienne.

Quant à la respiration, nous avons diminution du

liquide dans l'inspiration, et augmentation dans l'expi-

ration. Ces mouvements se montrent surtout quand

la respiration s'exagère et aussitôt que l'animal fait

effort. Au moment de l'aspiration déterminée par

l'ampliation du thorax, le' plexus veineux du rachis,

qui, étant placé contre les parois osseuses du canal,

occupe une grande place, tend à se vider du côté

des gros troncs veineux thoraciques. Le liquide

céphalo-rachidien descend alors dans le rachis pour

remplir la place. Au moment de l'expiration, les

plexus veineux du rachis se gonflent et le liquide

céphalo-rachidien est refoulé dans la boîte crânienne.

Par conséquent, la respiration et la circulation dé-

terminent dans l'encéphale des ébranlements con-

tinus.

DU VERTIGE MARIN'. 227

Si nous tirons de ces données physiologiques les

parties les plus intéressantes pour notre étude, nous

voyons que les vaisseaux du cerveau se divisant en

capillaires dans la pie-mère, où se trouve aussi le

liquide céphalo-rachidien, peuvent être comprimés. Le

liquide céphalo-rachidien à l'état normal exerce une

certaine pression sur les centres nerveux, A la suite

de la suppression de ce liquide, l'animal éprouve un

grand affaiblissement; il a de la peine à se tenir sur

ses pattes et il reste couché. L'augmentation de ce

liquide provoque les signes de la compression du cer-

veau. La systole cardiaque fait descendre le liquide

dans le rachis. Pendant les inspirations, surtout les

exagérées, le liquide descend dans le rachis; au con-

traire, pendant les expirations, surtout les forcées,

il remonte au cerveau.

Considérons maintenant comment M. Autric a

expliqué la pathogénie du' vertige marin. « Dans les

grandes oscillations du navire et surtout dans le tan-

gage, le liquide céphalo-rachidien animé d'une impul-

sion, considérable reflue vers le cerveau; de là un

obstacle à l'accès du sang vers l'encéphale, d'où l'ané-

mie cérébrale avec ses symptômes. » Mais M. Autric ne

nous explique pas comment les oscillations du navire

provoquent l'accumulation du liquide. C'est là cepen-

dant le point essentiel. Or, voici nos idées à propos

de la pathogénie du vertige marin. Nous savons déjà

que quand on abaisse la tête d'un animal, le liquide

céphalo-rachidien s'élève à la région céphalique et

réciproquement.

En tempête, le navire fait des mouvements brus-

ques, de sorte que l'enfoncement du bateau se fait

228 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

subitement; alors la tête du voyageur fait des mouve-

ments de balancier avec une courbure plus accentuée

et plus subite dans l'inclinaison que dans le soulève-

ment du navire ; ces mouvements de la tête sont suivis

par de pareils mouvements d'ascension et de descente

du liquide céphalo-rachidien. Cette promenade du

liquide amène le trouble circulatoire du cerveau, d'où

les symptômes du vertige sur un terrain préparé déjà

à subir ces troubles, attendu que l'air raréfié du

navire, etc., y prédisposent aussi. Les troubles de la

circulation et de la respiration qui surviennent par

suite du vertige marin, comme cela a été démontré

par nos expériences, aggravent la situation.

Telles sont les applications que nous avons pu faire

des données physiologiques. Mais pour bien com-

prendre ce mécanisme, n'oublions pas qu'en tempête

l'enfoncement du navire se fait brusquement et avec

une certaine résistance. Par conséquent, c'est surtout

pendant la descente du navire que la tête s'abaisse

aussi brusquement; alors le liquide céphalo-rachidien

s'accumule avec une grande vitesse, il comprime les

vaisseaux capillaires du cerveau et provoque ainsi

l'anémie cérébrale. Cette chute brusque provoque

aussi la commotion cérébrale et par inimitio ? i con-

tribue à la production instantanée du vertige. Nous

croyons même que nous devons donner à l'inimition

de Brown-Sequard une grande influence'sur la produc-

tion du vertige marin.

Le liquide céphalo-rachidien entrant avec rapidité

dans la cavité crânienne comprime en même temps les

vaisseaux du bulbe, d'où les troubles circulatoires et

respiratoires paraissent avec des vomissements ou s'ag-

DU VERTIGE MARIN. 19 9

gravent s'ils existent déjà. Le cervelet se comprime

aussi et subit par les mouvements brusques du cerveau

un ébranlement et un léger tiraillement, qui se com-

muniquent aux pédoncules cérébelleux moyens, d'où le

vertige, vomissements, etc.

Par nos expériences relatées déjà, et par celles que

nous relaterons dans notre mémoire avec M. le pro-

fesseur Dastre, nous avons démontré que les viscères

abdominaux subissent un grand déplacement, auquel

prend part consécutivement le diaphragme. Ces con-

tractions du diaphragme agissent sur la respiration,

sur l'estomac et sur la circulation, d'où les symptômes

spéciaux. Ces déplacements auraient pu agir par ini-

mition sur le système nerveux et provoquer ainsi le

vertige, etc. -

En résumé, nous déclarons que la pathogénie du

vertige marin n'est pas due à une seule et unique cause.

Elle dépend du navire, du degré de la tempête et de la

prédisposition individuelle. Le plus souvent, le vertige

marin est le résultat de l'anémie cérébrale, laquelle se

produit par le liquide céphalo-2achiclieî pendant la des-

ceiite brusque du vapeur ; en même temps, nous avons

l'ébranlement et le tiraillement du cerveau, et surtout

du cervelet et de ses pédoncules cérébelleux moyens.

Cette pathogénie s'applique surtout au vertige marin

dans les vapeurs en grande tempête et en tangage.

Mais il y a des circonstances où prédomine surtout

le déplacement des viscères abdominaux ; qui a pour con-

séquence des tiraillements des nerfs mésentériques;

alors les voyageurs ressentiront surtout des symptômes

du côté du ventre avec léger vertige. Enfin, il y a des

cas où le vertige marin se provoque par ? / ! ? y ? ? ? 7M ? ? ;

230 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

c'est ici que nous faisons entrer les cas du vertige

marin en tempête à peine marquée, soit en vapeur,

soit surtout en voilier.

Maintenant que nous avons exposé nos idées sur la

pathogénie du vertige marin, nous pouvons le définir

-ainsi : Le vertige marin se produit chez la plupart des

voyageurs, et surtout chez les anémiques, zzeuropatlaes et

dyspeptiques, toutes les fois que par les mouvements spé-

ciaux d'2cz navire en tempête, et surtout par sa descente

brusque, survient soit un choc avec anémie cérébrale et

ébranlement cérébelleux, soit des grands et subits dé-

placements de viscères abdominaux et des contractions

du diaphragme, avec les résultats de leur action locale ou

réflexe par ininzition, d'où surtout proviennent le vertige

et les vomissements, symptômes essentiels de la ma-

ladie.

e). Traitement du vertige marin.

Moyens prophylactiques. Il faut bien serrer

tout le ventre par une large ceinture de 4 mètres de

longueur sur 30 centimètres de largeur. Par cette

ceinture, nous obtenons deux résultats : d'abord nous

diminuons et même nous empêchons les mouvements

des viscères abdominaux, qui exercent une grande

influence sur les contractions du diaphragme, comme

nous l'avons démontré par nos expériences; ensuite,

par la ceinture, nous pressons l'aorte abdominale en

comprimant le ventre, et, par conséquent, nous dimi-

nuons l'anémie cérébrale. Il faut manger quelques

heures avant d'entrer en bateau ou avant d'approcher

DU VERTIGE MARIN. 231

la contrée à tempête; car ainsi l'aorte se comprime,

les mouvements du diaphragme diminuent, la circu-

lation cérébrale s'active et par conséquent l'anémie

cérébrale diminue. ,

" On ne doit pas se promener, surtout quand l'agita-

tion de la mer commence; il est préférable de se re-

poser à la cabine. Ceux qui ont déjà l'habitude de la

mer, peuvent rester sur le pont, mais en approchant

du centre du navire et en aspirant le grand air. Il faut

éviter, autant que possible, les boissons avant et pen-

dant le voyage; cette donnée a été extraite de nos

expériences sur la grande saignée. Nous écrivons cela

surtout pour les habitants des pays chauds qui ont

l'habitude de boire plusieurs verres d'eau par jour. En

évitant les boissons, nous diminuons la pression du

sang et, par conséquent, nous diminuons les sécré-

tions, salivation, etc. Nous conseillons l'emploi, pen-

dant la traversée, de petits verres de cognac, qui agit

en excitant la circulation et congestionnant le cerveau ;

mais il ne faut pas en abuser, car l'alcool en grande

dose augmente la pression sanguine. Pendant le

voyage, ou doit manger peu et nourrissant (bissteck,

oeufs).

- Moyens thérapeutiques. Si le vertige marin

menace d'apparaître, il faut se mettre à la cabine, en

serrant bien la ceinture du ventre ; tâcher de suivre

les mouvements du bateau, car on évite ainsi les se-

cousses qui provoquent le vertige, comme nous l'avons'

démontré; serrer la tête et surtout le front; mettre des

rideaux devant la fenêtre pour éviter l'action de la lu-

mière. En même temps, on commence à prendre une

232 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

petite cuillerée de la potion suivante, que nous avons

formulée d'après nos expériences :

DU VERTIGE MARIN. 23,')

fois sont suffisants ; si les vomissements empêchent le

malade d'absorber l'antipyrine, celle-ci peut être in-

jectée sous la peau à la dose de 1 gramme. En résu-

mé, comme médicaments,, nous préférons soit la co-

caïne, soit l'antipyrine, prises à l'intérieur. Quant aux

médicaments à injection sous-cutanée, ceux qui ont

voyagé en mer savent combien il est difficile de pra-

tiquer les injections; d'abord, la plupart des bateaux,

excepté les vapeurs des grandes compagnies, n'ont

pas de médecins; ensuite, la plupart des voyageurs

sentent simultanément leur vertige marin, dès que la

tempête commence; l'on peut se rendre compte si le

docteur peut satisfaire tous les souffrants. Que chaque

voyageur prenne les mesures prophylactiques que nous

avons recommandées; qu'il prenne aussi avant de

s'embarquer soit la solution de cocaïne, soit celle

d'antipyrine.

Tels sont les moyens auxquels on doit recourir pour

éviter autant que possible les symptômes du vertige

marin. Mais le moyen le plus pratique et le plus ra-

dical serait de demander aux compagnies de naviga-

tion de faire faire des lits suspendus, d'après le système

des lampes marines. En évitant ainsi les mouvements

du bateau, on empêcherait la manifestation des symp-

tômes du vertige marin. Il serait aussi désirable de

généraliser l'emploi du bateau jumelle, comme on le

fait actuellement de Calais à Londres.

CLINIQUE NERVEUSE

DE 1,'ÉI)ILI ? PSII PROCURSIVE';

Par BOURNEVILLE et P. 13RIC0N.

VI. Anatomie pathologique (Suite).

Nous rapprocherons de l'observation précédente

une autre observation suivie également d'autopsie; le

malade n'avait présenté que très tardivement des acci-

dents procursifs; aussi le cervelet ne semble-t-il que

très légèrement atteint; les lésions principales trou-

vées à la nécropsie étaient l'atrophie cérébrale et la

méninge - en cépha Vite .

Observation XLIV. - Atrophie cérébrale. e/n/ë ? <' gauche.

Débilité mentale et épilepsie.

Père et grand-père paternel alcooliques. Grand-père maternel

paralytique et alcoolique. Frère mort de convulsions. Accoit-

cément laborieux ; circulaires du cordon. A deux ans convul-

sions limitées au côté gauche avec hémiplégie gauche. Accès

d'épilepsieprocursive douze ans. - Affaiblissement intellectuel,

augmentation de la paralysie, céphalalgie avec vomissements.

Gâtisme. Augmentation du nombre des accès. - Alo7·t dans un

accès.

Autopsie : Congestion et oedème pulmonaires. Persistance du

trou de Botal. Rate supplémentaire. Thymus persistant. z

Adhérences de la dure-mère. Atropine du cerveau et surtout de

1 Voy. Archives de Neurologie, vol. XIII, p. 321 ; vol. XIV, iios 0,

et il, p. 55 et 235, juillet et septembre 1SS7, - vol. XV, Il'§ 13 et H,

p. 75 et 227. janvier et mars 1888; vol. XVI, n" S5, mai 1888.

DE l/ÉPILEPSIE PR0CURS1VE. 2 ! t5

l'hémisphère droit. Epaississemcnt et oedème de la pie-mère.

Anomalies artérielles. Hydrocéphalie légère. Atrophie du

pédoncule cérébral droit, de la moitié droite de la protubérance, de

la pyramide et de l'olive droites. Dégénéralion secondaire de la

moelle.

Maison)]... né le 1° juillet 1868, est entré à

Bicêtre le 15 mars 1882 (service de M. Bourneville) et y ost

décédé le ter avril 4885.

Renseignements fournis par sa mère (28 mars 1882). Père,

quarante-sept ans, travaillait aux champs autrefois ; depuis cinq

ans il est ouvrier dans une fabrique de produits chimiques; il

fume un peu depuis la guerre ; il est colère et faa des excès de

boisson; il rentre deux ou trois fois par mois ivre (vin, un peu

d'eau-de-vie); pas de migraines, pas de dartres. etc. [Père, maçon,

bien portant, nombreux excès de boisson. Mère, bien portante,

ainsi qu'un frère, une soeur (deux enfants), une autre (sept

enfants). Pas d'aliénés, d'épileptiques, etc., dans la famille.]

Mère, quarante et un ans, journalière aux champs, peu intelli-

gente, taille ordinaire; pas de migraines, pas d'antécédents

nerveux, etc. [Père, homme de peine au chemin de fer, mort au

bout d'un an ; nombreux excès de boisson. Mère, pas de détails ;

elle est morte de la poitrine, dit-on, peu de temps après la nais-

sance de la personne qui nous renseigne. Grands-parents

paternels et grand'mère maternelle, pas de renseignements.

Grand-père maternel, mort à quatre-vingt-huit ans, on ne sait de

quoi. - Un frère mort à trente-trois ans ; on croit qu'un des

amants de sa femme l'a «jeté à l'eau »; il se portait bien ; ses

qualre enfants sont vivants et en bonne santé. - Une soeit7- (deux

enfants), rien de particulier. Pas d'aliénés, etc.] - Pas de COHSM-

guinité.

Huit enfants : 1° garçon, mort à trois semaines de co2tvzilàiois;

2o garçon, mort à quatre mois, en nourrice, on ne sait de

quoi ; 3° fille, mort-née ; 4° notre malade; 5° fille, morte

à cinq mois, de la variole; 6° et 7° deux filles, huit ans et neuf

ans, bien portantes, pas de convulsions, intelligentes; 8° garçon,

seize mois, bien portant, rien de particulier; tous ces enfants

sont bien conformés. Deux fausses couches à cinq et à trois

mois.

Notre malade. Rien de particulier à la conception; pas de

rapports sexuels durant l'ivresse alcoolique du père. Grossesse :

au sixième mois, émotion vive de la mère causée par la vue d'at-

laques d'hystérie d'une de ses patroiines. - Accoitcheineiii à terme,

naturel. A la naissance la tête serait restée trois quarts d'heure.,

236

CLINIQUE NKRVEUSE.

au passage et, de plus, l'enfant avait, des circulaires du cordon

autour du cou (ce qui était déjà arrivé pour la plupart de ses

frères et soeurs) ; malgré cela, il n'y aurait pas eu de cyanose.

Elevé au sein par sa mère jusqu'à seize mois. A six mois il aurait

été soigné pour des accidents cérébraux qui ont duré deux mois,

sans convulsions, ni paralysie. Première dent à huit mois. Il a

parie a un an, n a mar-

ché qu'à trois ans et n'a

été complètement propre

qu'à cinq ans.

A deux ans, il ne dif-

férait pas beaucoup des

autres enfants. A cette

époque, convulsions sans

prodromes qui n'ont t

duré qu'un quart d'heure

et n'ont porté que sur

le côté gauche. Le jour

même, on a constaté que

le bras gauche était pa-

ralysé et que l'enfant

remuait moins bien la

jambe correspondante.

Dans les premiers temps,

il ne pouvait porter la

main à la bouche ; ce

mouvement n'est devenu

possible qu'au bout de

cinq ou six mois. Les

jambes sont toujours res-

tées faibles, surtout la

gauche qu'il traîne en-

core ; les genoux se co-

gnaient l'un contre l'au-.

tre dès qu'il a cômmencé

à marcher. En même

temps, l'intelliffence a

diminué d'une façon notable. Il a commencé alors à se plaindre

de douleurs frontales s'accompagnant de vomissements et revenant

deux fois par mois; ces sortes de migraines seraient encore plus

intenses depuis la fin de 1880. -A la même époque, il aurait eu

encore la vue très affaiblie au point de ne pouvoir distinguer une

épin gle.

Vers la fin de 1880, c'est-à-dire vers l'âge de douze ans, Maisonh...

a eu des crises singulières : étant assis, il se levait tout à coup, cou-

rait comme un fou dans la chambre, se cognant ati-c pernn qui s

Fig. 19 .

DE L'EPILEPSIE PROCURSIVE. 237

trouvaient devant lui, puis il revenait s'asseoir; il pâlissait et les

mouvements du coeur étaient tumultueux. Rien ne l'avertissait de

l'approche de ces crises ; il ne tombait pas, mais parfois urinait

dans sa culotte. Ces crises qui se montraient au début deux ou

trois fois par semaine sont devenues de plus en plus fréquentes,

mais elles ont toujours été exclusivement diurnes : le maximum

par jour était de cinq ou six. Le sommeil était bon. Jamais de

grands accès. Depuis l'apparition de ces crises, l'intelligence a

encore diminué et la paralysie a augmenté ; l'enfant a aussi

commencé à bégayer. A deux ans et demi, rougeole, quelques

croûtes dans les cheveux, quelques manifestations scrofuleuses,

quelques ascarides. Onanisme invétéré surtout la nuit. l3ron-

chite à six ans.

1882. 17 mars. A son entrée, on constate que Maisonh...

marche avec difficulté et s'affaisse souvent sur lui-même. Le

côté gauche est plus faible que le droit. Il parle, mais en trem-

blant beaucoup ; il sait épeler, sait encore écrire, mais illisible-

ment ; il connaît les chiffres. L'enfant mange assez proprement;

il ne gâte pas, se nettoie seul, cire lui-même ses souliers ; il ne

sait pas très bien se vêtir (/t{/. 19).

30 mars. Conjonctivite. A'«tMfSSgm6K< des membres infé-

rieurs si prononcé que la station debout est impossible.

24 mai. Maisonh... sort de l'infirmerie et retourne à la petite

école. On constate que ses facultés intellectuelles ont encore baissé,

qu'il ne peut plus du tout écrire et qu'il ne répond que très diffici-

lement à ce qu'on lui demande.

12 juillet. Maisonh... peut se tenir sur ses jambes, mais la

marche est titubante et il tomberait si on ne l'aidait. L'affaiblis-

sement porte du reste sur les deux côtés. Il ne peut pas remon-

ter seul sur son lit. Les deux jambes sont roides, surtout la gauche.

Gâtisme complet. Durant l'examen il produit presque sans cesse

un bruit sec avec les lèvres.

G octobre. Eruption papuleuse sur les deux fesses. Petite

ulcération recouverte de croûtes au niveau de la commissure

droite.

1883. 7 juillet. Dentition : mâchoire supérieure : douze dents

saines, mais mal rangées et atrophiées ; les incisives sont coniques

ou tendent à le devenir, Mâchoire inférieure : douze dents, les

quatre incisives sont atrophiées et présentent le type conique. Arti-

culation défectueuse; les six dents antérieures de la mâchoire

inférieure viennent se placer en avant des supérieures. Voûte

palatine et gencives normales.

238 8

CLINIQUE NERVEUSE.

28 décembre. Amélioration très notable qui permet de le ren-

voyer à la petite école. La parole est très limitée, il ne dit que

quelques mots ; il n'aurait, du reste, jamais prononcé de phrases

complètes depuis son entrée à l'hospice. Pas d'onanisme. Durant

tout le ténias de la miction, il pousse des cris.

1884. 18 juillet. - Augmentation considérable du nombre des

accès. La marche est redevenue impossible et n'est possible qu'à

la condition qu'on le soutienne des deux côtés. Il s'avance alors

en soulevant lour-

dement les pieds et

en frappant le sol ;

le tronc est incliné

à gauche et les

deux genoux co-

gnent l'un contre

l'autre, les pieds

étant notablement

écartés, au con-

traire. Légère iné-

galité pupillaire et

blépharile ciliaire.

Pas de tremble-

ment de la langue

ni des lèvres.

Parole réduite au

mol« merde » qu'il 1

prononce et répète

avant ses accès. Il

sourit quand on le

fait marcher, al-

longe la langue

quand on le lui de-

mande et recoii-

nait encore ses pa-

rents.

13 décemLl'e. -

Marche de plus en

plus difficile.

1885. Juillet. Etat actuel. Tète bien développée, bosses

frontales saillantes, bosses pariétales peu marquées; protubérance

occipitale en relief. Front large, bombé, saillant. Yeux nor-

maux, iris bleu; nez petit.. bouché, 4 centimètres, lèvres moyenne-

ment épaisses; oreilles bien développées, détachées; lobule semi-

adhérent. ,

Fig. 20.

DE l'épilepsie PROCURSR'1;. 239

240 CLINIQUE NERVEUSE.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 241

sillons. Par suite de la déviation du tronc basilaire vers la gauche,

l'artère cérébrale postérieure droite est plus longue que la gauche.

La communiquante postérieure est filiforme ainsi que la cérébrale

antérieure du même côté. Le pédoncule cérébral droit paraît

plus étroit que le gauche. La pyramide droite est réduite à un

tractus d'une largeur de 2 à 3 millimètres. L'olive droite est

plus longue et plus large d'un tiers que la gauche. Les nerfs crd-

niens paraissent normaux.

Cervelet, bulbe et protubérance, 150 gr. Les ventricules latéraux

contiennent une certaine quantité de liquide et sont dilatés. La

moitié gauche de la moelle paraît atrophiée et le cordon latéral de

ce côté est un peu grisâtre sur toute sa longueur.

Hémisphère gauche. La scissure de Sylvius laisse voir entre ses

deux lèvres le lobule de l'insula; ses rameaux antérieurs sont irré-

guliers. Le sillon de Rolando est assez profond et très sinueux. La

scissure perpendiculaire externe est séparée de la scissure interpa-

riétale par un pli de passage à niveau allant du lobule pariétal

supérieur au lobe occipital. La scissure interpariétale, qui forme

en arrière de la pariétale ascendante une scissure parallèle

presque complète, se prolongejusque dans le lit du premier sillon

occipital et envoie deux rameaux descendants, l'un en avant,

l'autre en arrière du pli courbe; un peu au-dessous de la partie

moyenne de la circonvolution pariétale ascendante elle fournit

un rameau transversal qui va se jeter dans le sillon de Rolando.

Le lobe orbitaire est formé de circonvolutions grêles, atteintes

pour la plupart de méningo- encéphalite surtout prononcée vers l'in-

cisure en Il. Face convexe. Lobe, frontal. En avant de la fron-

tale ascendante, il existe une scissure parallèle frontale presque

complète, interrompue seulement au niveau de la scissure inter-

hémisphérique par un pli d'insertion de la première frontale et

vers son tiers supérieur par un pli d'insertion de la deuxième

frontale à sa moitié inférieure; elle est parallèle à une autre

scissure transversale située à un centimètre en avant, qui commu-

nique d'une part avec la deuxième scissure frontale, d'autre part

avec elle-même et divise en bas le pied de la troisième circonvo-

lution frontale.

La. première frontale, peu développée, envoie trois plis de pas-

sage à niveau à la seconde; sa moitié postérieure est atteinte de

mérzirtgo-ettcéphalite. La première scissure frontale, sinueuse,

assez profonde, est interrompue par les plis de passage ci-dessus

indiqués et communique avec la scissure parallèle frontale. La

deuxième frontale, qui est le siège de méningo-encéphalite en quel-

ques points de ses parties moyenne et postérieure, est très plissée,

très découpée et irrégulière; elle projette deux plis de passage à

niveau à la partie triangulaire de la troisième frontale. La

Archives, t. XVI. 16

242 CLINIQUE NERVEUSE.

deuxième scissure frontale, très irrégulière, scindée en plusieurs

tronçons, présente une partie moyenne isolée allant rejoindre

par un rameau descendant la scissure de Sylvius à la pointe du

cap de la troisième frontale; celle-ci, moyennement développée,

présente également, surtout sur son pied, des traces de méningo-

encéphalite, mais moins prononcée que sur les première et

deuxième frontales. La frontale ascendante est grêle ; on trouve

- sur presque toute sa surface des traces de méningo-encéphalite. La

pariétale ascendante est moins grêle, atteinte aussi de méningo-

encéphalite, surtout à son tiers supérieur, mais à un degré moins

prononcé. Lobe pariétal. Le lobule pariétal supérieur peu volumi-

neux est envahi par la méningo-eizcéphalite dans ses deux tiers

antérieurs; le lobule pariétal inférieur très maigre, présente ainsi

que le pli courbe, plus développé des traces de méningo-encépha-

lite disséminée; un pli de passage à niveau relie le pli courbe à la

première circonvolution occipitale. Le lobe occipital est plutôt

petit; la méningo-encéphalite y est peu accentuée.

Lobe temporal. Les première et deuxième temporales présen-

tent des lésions de méningo-encépfecclite sur presque toute leur

étendue; la première envoie deux plis de passage à niveau à la

seconde. La première scissure temporale communique d'une

part avec la scissure de Sylvius par un sillon profond et oblique

qui longe le bord supérieur d'une circonvolution transverse

temporo-pariétale bien développée; d'autre part, avec la deuxième

scissure temporale qui est sinueuse, irrégulière, interrompue par

des plis de passage à niveau allant de la deuxième à la troisième

temporale qui est très découpée.

Face interne. Lobe temporo-occipital. La méningo-encéphalite

atteint principalement toute l'extrémité antérieure du lobe tem-

poral et s'étend jusqu'au delà de la partie moyenne de la

deuxième circonvolution temporo-occipitale; celle-ci envoie des

plis de passage à niveau à lapremière circonvolution temporo-occi-

pitale, ces deux circonvolutions sont assez bien développées en

arrière, plus maigres en avant.

La circonvolution frontale interne est assez bien développée, sauf

dans son quart antérieur où la méningo-encéphalite est très pro-

noncée. La scissure cnlloso-margitccle ne présente rien de parti-

culier. La circonvolution du corps calleux est atteinte à un degré

moins prononcé de méningo-encéphalite sur toute son étendue.

Le lobule paracentral, relativement assez gros, paraît peu lésé,

sauf dans sa partie la plus postérieure. Le lobule quadrilatère

possède une scissure sous-pariétale en H, dont la branche anté-

rieure est reliée à la scissure calloso-marginale par un petit sillon

horizontal; il existe un pli pariéto-limbique postérieur. La scis-

sure perpendiculaire interne est très profonde. Le coin paraît un

. DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 243 3

peu grêle' dans sa partie supérieure. La fissure calcarine, la

couche optique, le lobule de l'insula n'offrent rien à noter. Le

corps calleux, surtout dans son tiers antérieur, le corps strié, vers

sa partie postérieure, paraissent atrophiés.

Hémisphère droit. La scissure de Sylvius laisse à découvert le

lobule de l'insula dont les circonvolutions sont un peu jaunâtres;

elle envoie deux rameaux ascendants antérieurs allant se jeter

dans la deuxième scissure frontale et isolant ainsi complètement

le pied de la troisième circonvolution frontale du cap et de la cir-

convolution frontale ascendante. Le sillon de Rolando, sinueux,

communique en avant par un sillon profond avec la première

scissure frontale et en arrière vers son tiers inférieur avec la scis-

sure interpariétale par un sillon moins profond que le précédent.

La scissure perpendiculaire externe est séparée de la scissure inter-

pariétale par un pli de passage à niveau se rendant du lobule

pariétal supérieur au lobule occipital. La scissure perpendiculaire

externe forme, en arrière de la pariétale ascendante, une scissure

parallèle complète débordant sur la face interne; en bas elle est

isolée de la pariétale ascendante par un pli de passage à niveau

contourné, allant de celle-ci au pli pariétal inférieur, au delà de

son coude elle est interrompue par un pli de passage transversal

atrophié, se rendant du pli pariétal supérieur au pli courbe; plus

loin, elle va se confondre avec le sillon occipital transverse.

Le lobule orbitaire est atteint de méningo-encéphalite dans toute

sa moitié interne et postérieure; les circonvolutions de toute sa

moitié antérieure sont en retrait, vermiformes et atrophiés.

Face convexe. Lobe frontal. Il existe une scissure parallèle

frontale interrompue seulement vers son quart supérieur par un

pli de passage à niveau atrophié, allant de la deuxième frontale à

la frontale ascendante. La première frontale s'insère à la frontale

ascendante par deux plis de passage à niveau, atrophiés, vernzi-

formes ; elle est complètement atrophiée, vermiforme, dans ses

parties postérieure et antérieure, dans sa partie moyenne, il existe

seulement deux îlots non atrophiés. La première scissure fron-

tale sinueuse communique en arrière avec le sillon de Rolando

par le sillon déjà décrit; au tiers antérieur on y rencontre un pli

de passage étroit, atrophié et au tiers postérieur un autre pli de

passage profond. La deuxième frontale s'insère à la frontale ascen-

dante par un pli de passage courbe, atrophié; elle est atrophiée,

vermiforme, sauf à sa partie moyenne où se rencontrent des traces

de méningo-encéphalite ; en avant elle envoie deux plis de passage

à niveau, atrophiés, à la troisième frontale; sur les parties anté-

rieures des première et deuxième frontales, l'atrophie est beaucoup

plus prononcée que sur les parties postérieures. La deuxième

scissure frontale, profonde, sinueuse postérieurement est inter-

244 CLINIQUE NERVEUSE. ·

rompue en avant par un des plis de passage dont il vient d'être

question. La troisième frontale, dont le pied et la moitié du cap

sont relativement assez développés, avec quelques traces d'adhé-

rences, est atrophiée dans sa moitié antérieure, mais c'est surtout

la moitié antérieure du cap qui est atteinte. Les frontale et pariétale

ascendantes sont atrophiées dans leur moitié supérieure, la pre-

mière plus que la seconde.

Lobe pariétal. Le pli pariétal supérieur est tout à fait atrophié,

vermiforme, sauf sur une surface d'un peu moins d'un centimètre

carré qui présente toutefois une couleur un peu ocreuse et forme

son extrémité postérieure. Le pli pariétal inférieur et le pli courbe

sont relativement assez bien développés ; sur le dernier on

remarque quelques traces d'adhérences ; la coloration de la

substance cérébrale paraît à peu près normale.

Le lobe occipital, sans être manifestement atrophié, offre cepen-

dant une coloration légèrement ocreuse, surtout dans sa partie

supérieure.

Lobe temporal. Les trois circonvolutions temporales sont assez

bien développées, sinueuses. La deuxième envoie à la troisième

deux plis de passage à niveau; sur la moitié antérieure de la

première et sur toute la deuxième, on constate de la méningo-

encéphalite. Les scissures ne présentent pas d'anomalies dignes

d'être notées.

Face interne. Lobe temporo-occipitnl. La première circonvo-

littioit ternporo-occipitale un peu jaunâtre, légèrement en retrait

vers l'incisure préoccipitale, pousse deux plis de passage à niveau

grêles à la troisième circonvolution temporale. La deuxième

tenzpooo-occipitale, plus jaunâtre que la précédente, est assez

développée, elle envoie un pli de passage à niveau Li la première

vers son tiers antérieur. Les scissures sont assez profondes,

interrrompues par les plis de passage ci-dessus.

La circonvolution frontale interne est atrophiée dans presque toute

son étendue ; le lobule paracentral l'est également, mais à un

degré un peu moins prononcé. La scissure calloso-ma2giiiale est

peu profonde, ses bords sont écartés dans sa parlie moyenne.

La circonvolution du corps calleux est atrophiée dans sa moitié

antérieure, vermiforme vers son pôle frontal ; il en est de même

du corps calleux. La corne antérieure du ventricule latéral est dilatée.

Le lobule quadrilatère est atrophié, vermiforme dans sa moitié

.antérieure ; il existe un pli pariéto-limbique antérieur et un pos-

térieur ; la scissure sous-pariétale a la forme d'un -1. La scissure

perpendiculaire interne est très large ; le coin parait relativement

assez bien développé ; la fissure calcarine est normale.

Le corps strié est atrophié; la couche optique semble à peu près

normale,. elle a cependant une teinte jaunâtre à sa surface qui

est très légèrement bosselée.

' DE l'épilepsie PROCURSIVE. 245 5

Examen HISTOLOGIQUE, par M. Pilliet interne du service. Cer-

veau et bulbe durcis dans l'alcool. Moelle durcie dans le liquide

de Muiler.

Cerveau droit. Portions atrophiées. Substance grise. Ces

membranes n'ont pas enlevé des portions de substance cérébrale

en se détachant; la première couche de la substance grise est

confondue avec la seconde; elle présente, comme cette dernière,

une néoformation considérable, les capillaires apparaissent sur les

coupes, étoiles, arqués, formant un réseau serré. L'organe lym-

phatique est rempli de cellules rondes; autour d'elles existe un

espace clair dû au retrait qu'a subi la pièce dans l'alcool. Sur

des points où la lésion est' plus avancée, il existe autour de ce

vaisseau vasculaire serré des fibrilles conjonctives en plus ou

moins grande épaisseur; plus loin, la lésion est plus avancée

encore. Ces fibrilles conjonctives forment un véritable tissu fibroïde

de sclérose qui tranche vivement par son aspect sur le tissu névro-

glique ambiant. Ainsi sont constituées des bandes scléreuses

larges et plates, occupant et remplaçant la deuxième couche

de la substance grise, celle des petites cellules pyramidales. Ces

bandes ne sont pas pures, mais contiennent un certain nombre

d'amas névrogliques et de cellules nerveuses arrondies, granu-

leuses et pigmentées ; elles empiètent sur la substance grise des

deux couches qui les contiennent par des bandes conjonctives qui

suivent les trajets des vaisseaux; elles ont par conséquent un

bord dentelé et festonné. Au niveau de ces points, la première

couche de substance grise est épaissie, fibrillaire et chargée de

noyaux. La troisième couche, celle des grandes cellules, ne pré-

sente que des séries de cellules petites, à fins noyaux sphériques,

noyés sans ordre apparent dans une trame névrogtique granuleuse.

Mais la vascularisation exagérée des couches corticales

moyennes et la formation de bandes de tissu scléreux par pla-

ques dans la même région ne sont que les deux premiers degrés

de l'altération. Sur d'autres points, entre les mailles du tissu con-

jonctif ainsi formé, se crée des vides qui étaient remplis par un

liquide à l'état frais. On a sous les yeux des cavités aréolaires.

irrégulières, cloisonnées par des travées conjonctives épaisses et

par de fines trabécules, le long desquelles sont dispersées de

grosses cellules irrégulières à protoplasma irrégulier. L'aspect

ressemble beaucoup sur les coupes à celui du grand épiploon

réticulé de certains rongeurs. En même temps la couche corti-

cale qui recouvre ce tissu aréolaire s'amincit et n'est plus qu'un

simple feuillet et les cavités s'agrandissent au point de former un

tissu aréolaire visible à l'oeil nu. Ces lésions expliquent l'état cha-

griné qui résulte de l'effondrement des couches moyennes de la

substance grise et l'état kystique, aréolaire qu'on observe, beau-

coup plus prononcé d'ailleurs dans d'autres cas d'idiotie.

246 CLINIQUE NERVEUSE.

Au-dessous de ces points très lésés, il n'existe plus de grandes

cellules nerveuses, mais on en rencontre tout à côté par amas

abondants; elles sont seulement groupées sans ordre apparent, au

lieu, d'être disposées en, séries verticales comme à l'état normal.

Les couches suivantes de la substance grise et la substance

blanche sont chargées de petites cellules rondes. On y voit, en

grande abondance des blocs volumineux, réfringents, irréguliers,

comme formés de la fusion de plusieurs boules. Malgré le séjour

des pièces dans l'alcool, ce bloc se colore en noir intense par

l'acide osmique sur les coupes laissées vingt-quatre heures dans ce

réactif.

Lobe occipital droit en dehors delà lésion. Vaisseaux nombreux,

vascularisés, à cavité large, avec infiltration des gaines. Pourtant la

sériation verticale des éléments nerveux à laquelle nous attachons

une grande importance est conservée sur la plupart des points.

Si ce n'est dans la couche la plus profonde de la substance grise

où elle est morcelée parle réseau vasculaire. A ce point, ainsi que

dans la substance blanche, nombreux corps granuleux et blocs

graisseux semblables à ceux que nous venons d'indiquer.

Cervelet du côté droit ? Cellules de Purkinje assez nombreuses.

Couche externe et couche des myélocytes normales. On retrouve

un certain nombre des gros blocs graisseux qui paraissent dus

à l'action de l'alcool sur la pièce.

Cerveau. Hémisphère gauche. Il existe dans le lobe frontal

une vascularisation très développée avec diminution de nombre et

de volume des cellules nerveuses qui ont perdu leur sériation

dans les points examinés. Nombreux corps granuleux dans la

substance blanche. Dans le lobe occipital, on retrouve, à côté de

points normaux dans l'écorce, des taches de désintégration au

début. Les coupes du cervelet droit, examinées comparative-

ment avec celles du côté gauche n'ont pas paru présenter de

différence sensible. Les coupes du bulbe à la portion inférieure

du quatrième ventricule, au-dessous des olives montrent d'abord

.des lésions péri-vasculaires très marquées, surtout du côté

gauche. Diminution comparative du volume des noyaux. Du même

côté, dans la moelle cervicale, les cornes antérieures sont petites

mais avec leurs cellules bien nettes, de même les cordons anté-

rieurs. Ilots de tissu scléreux de dégénérescence descendante, en

dehors de la corne supérieure du côté gauche. Cette corne paraît

un peu plus volumineuse que celle du côté opposé. Dans cet îlot

à contours diffus un certain nombre de tubes nerveux persistent.

En résumé, les lésions du bulbe et de la moelle sont consécu-

tives ainsi que celles de la couronne de Reil.

Les lésions de l'écorce sont surtout marquées au niveau de la

deuxième couche de la substance grise et on peut leur distinguer

de L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 247

trois étapes : 1° prolifération vasculaire; 2° sclérose et atrophie

des cellules nerveuses; 3° formation des cavités.

Ces lésions forment aussi à la surface des hémisphères un cer-

tain nombre de taches diffuses semblables à celles qu'on trouve

dans la plupart des cerveaux d'idiots. -

Ce malade a eu des accidents cérébraux dès l'âge de

six mois sans convulsions, ni paralysie ; mais à deux

ans il eût des convulsions qui n'ont porté que sur le côté

gauche dont on constate aussitôt la paralysie qui per-

sista d'une façon plus ou moins complète et s'atténua

plus tard de manière à permettre quoique incomplè-

tement la marche. Ces symptômes : prédominance des

convulsions et paralysie du côté gauche sont en rap-

port avec les lésions trouvées à l'autopsie, qui étaient

en effet plus prononcées sur l'hémisphère cérébral droit

et atteignaient surtout les centres moteurs des membres.

C'est aussi à la suite de ces convulsions que l'intelli-

gence a diminué et que survint de la céphalalgie

frontale accompagnée de vomissements, puis d'affai-

blissement de la vue. Ce n'est que vers l'âge de douze

ans qu'apparurent les premiers accès procursifs. La

parésie qui avait succédé à la paralysie augmenta ;

l'affaiblissement intellectuel s'accentua et l'on constata

du bégaiement.

La paralysie d'abord limitée à gauche, puis amé-

liorée, reparaît et envahit aussi le côté droit; la

parole, peu développée, se limita de plus en plus, ce

qui est en rapport avec les lésions relevées à l'autopsie

qui nous a montré que la troisième circonvolution fi,on-

tale est plus atteinte à gauche qu'à droite.

L'autopsie nous a fait voir une atrophie de l'hémi-

sphère cérébral droit qui pèse 50 grammes de moins

que le gauche; aussi le cerveau ne recouvrait-il le

248 CLINIQUE NERVEUSE. - DE l'épilepsie PROCURSIVE.

cervelet qu'en partie, le laissant complètement à

découvert sur la partie médiane. La pie-mère est

oedématiée, l'artère communicante postérieure et l'ar-

tère cérébrale antérieure gauches sont filiformes; le

pédoncule cérébral et la pyramide du côté droit sont

atrophiés.' Contrairement à la règle, ce n'est pas l'olive

droite qui est atrophiée, mais la gauche. Les ventre-

cules latéraux sont dilatés (Hydrocéphalie consécutive).

La moitié gauche de la moelle est atrophiée.

Nous ne reviendrons pas sur les lésions rencontrées

sur les circonvolutions cérébrales; elles ont été décrites

plus haut; nous rappellerons seulement qu'outre l'a-

trophie ou la gracilité de certaines circonvolutions,

nous avons surtout constaté de la méninyo-encéy7aalite,

plus prononcée à droite au niveau des centres moteurs.

Le cervelet est moins atteint que les hémisphères

cérébraux ; ce n'est du reste que tardivement, vers

1880, qu'apparurent les premiers phénomènes pro-

cursifs. Lors de l'autopsie, le poids du cervelet, de

l'isthme et du bulbe était de 150 grammes. Matheu-

reusement ces diverses parties de l'encéphale n'ont

pas été pesées isolément ; notre attention n'ayant pas

encore à cette époque été attirée sur le cervelet.

Toutefois il existait une légère atrophie portant sur

leur, ensemble, puisque le poids moyen de ces organes

est d'environ 172 grammes. Les deux hémisphères

cérébelleux étaient sensiblement égaux, toutefois le

gauche paraissait un peu plus petit.

C'est aussi lors de l'apparition des premiers phéno-

mènes procursifs que l'on nota la diminution de la

vue ; nous ne pouvons affirmer dans notre cas si ce

symptôme doit être attribué à une lésion cérébelleuse,

DE l'axe cérébro-spinal. 249

vu l'étendue et la dissémination des lésions rencon-

trées à l'autopsie, mais nous croyons devoir rappeler

que l'amaurose est un des symptômes le plus fré-

quemment noté dans les cas d'affection cérébelleuse.

Parmi les autres symptômes pouvant être rattachés

à une lésion cérébelleuse nous signalerons encore la

titubation. (A suivre.) ,

REVUE- CRITIQUE

NOTES ET SCHÉMA SUR LA TOPOGRAPHIE PATHOLOGIQUE

DE L'AXE CCR>J13R0-SPIT1L' ;

Par Jules GLOVER.

D'après les résultats obtenus tant par la méthode anatomo-

clinique que par la méthode expérimentale, nous sommes

tenté de diviser l'écorce cérébrale en deux régions : une pre-

mière région, dont les lésions produisent manifestement des

troubles moteurs variés et une deuxième région, dont la lésion

reste à peu près silencieuse, au point de vue des troubles de

de la motilité. La première est la zone motrice corticale,

la seconde est une zone dite latente. Si nous établissons

cette division un peu trop rigoureuse, c'est uniquement

la clarté de l'exposition anatomique que nous recher-

chons, car il est manifeste, qu'à tout instant, nous nous

trouverions en face d'arguments contrariant par exemple la

donnée suivante : (la zone corticale dite latente est ainsi

nommée, parce que sa lésion ne provoque aucun événement

pathologique de la motilité), si nous n'envisagions que cette

donnée comme base de notre division.

' Voir tome XVI, p. 39.

250 REVUE CRITIQUE.

La zone motrice corticale (Planche I, fig. 1, Bleu)1, encore

appelée zone épilepto-ène en raison du nombre de faits ana-

tomiques précis, assez grand pour autoriser à localiser dans les

circonvolutions qu'elle circonscrit le point de départ des

accès épileptoïdes, cette zone répond d'après M. le professeur

Charcot à la circonvolution frontale ascendante, à la parié-

tale ascendante et au lobule paracentral. Elle empiète aussi,

d'après quelques auteurs, sur le pied des circonvolutions fron-

tales. MM. Charcot et Pitres dans leur plus récent travail,

ont cependant placé avec Nothnagel le pied des circonvolu-

tions frontales dans la zone latente, sauf évidemment le pied

de la troisième frontale (aphémie) et de la deuxième frontale

gauche (agraphie)

La zone corticale latente au point de vue des troubles de la

motilité, comprend toute l'étendue de l'écorce cérébrale qui

ne répond pas à la zone motrice. Dans la zone latente corti-

cale, on peut essayer de distinguer deux zones secondaires

mal connues du reste dans leur étendue et leurs limites ; la

zone intellectuelle et la zone sensitive. La zone intellectuelle

(PL. I, fig. 1, violet) occupe d'après l'opinion générale, les

circonvolutions antérieures ou d'une manière plus précise, la

première circonvolution frontale, les deux tiers antérieurs de la

deuxième et de la troisième frontales. La zone sensitive semble

correspondre aux circonvolutions postérieures, aux circon-

volutions occipitales, sans détermination plus exacte. C'est à

cette région de l'écorce encore mal définie, que Meynert. fait

aboutir les fibres du faisceau, qui provient du carrefour sensi-

tif. Les faits anatomiques manquent et les faits expérimen-

taux ne sont pas à cette heure assez précis pour vérifier les

assertions de Meynert. H. Nothna;el3, croit que, d'après les

faits anatomo-cliniques actuels, les circonvolutions pariétales,

' Nous ne représentons pas l'extension de la zone motrice corticale au

lobule paracentral, afin de ne pas surchargeii,le schéma d'une figure de

la face interne de l'hémisphère gauche, à l'absence de laquelle il est du

reste facile de suppléer par l'imagination.

* Nothnagel. Traité clinique du diagnostic des maladies de l'encé-

phale basé sur l'etudc des localisations. Traduit et annoté par Kéraval.

Paris, 1885.

3 Meynert. Voir les travaux de Meynert complètement exposés en fran-

çais dans Huguenin. Anatomie des centres nerveux, trad. Keller; Paris,

1879.

* NothnageL Maladies de l'encéphale, p. 441, 1885. In loc. cit.

DE l'axe cérébro-spinal. 251

abstraction faite de la pariétale ascendante, doivent « entrer,

au contraire, les premières en ligne de compte à propos des

troubles de la sensibilité ». En outre, des observations de

lésions corticales du côté des circonvolutions frontales avec

« troubles légers de la sensibilité » ; des lésions de la plus

grande partie de la région fronto-pariétale avec «. paralysie des

mouvements et diminution de la sensibilité 2 D, permettent de

dire qu'assigner à l'écorce des lobes occipitaux exclusivement,

le rôle de zone sensitive n'est qu'en partie vrai et seulement

pour le faisceau de Meynert, dont nous parlons plus loin. Enfin

M. Ballet3 donne à la zone sensitive corticale une étendue

beaucoup plus considérable. Elle comprend, d'après cet auteur,

toute la partie de l'écorce située en arrière du pied des cir-

convolutions frontales. La zone motrice y est incluse, par-

ticipant dès lors à la constitution d'une zone seizsz*tivo-inotrice.

Les circonvolutions situées en arrière des frontale et pariétale

ascendantes sont exclusivement sensitives.

Les observations anatomiques que nous signalons plus haut

et d'autres encore démontrent que la zone sensitive corticale

doit certainement dépasser la région occipitale. En somme,

rien de précis sur les limites de la zone corticale sensitive \

Nous n'avons point coloré la zone sensitive occipitale sur la

figure.

Outre les zones intellectuelle et sensitive, à peu près cir-

conscrites, dans la zone latente de l'écorce, se trouvent encore

disséminés plusieurs centres fonctionnels : la cécité ver-

bale, l'hémianopsie, le ptosis, dont nous avons indiqué le

siège.

Chacune de ces zones de l'écorce cérébrale est l'aboutissant

' Grasset. Rev. mens. (Fév. 1880, 161.)

' R. Tripier. Rev. mens. (Janv. et fév. 1880.)

3 Ballet. Voir les Recherches anatonziques et cliniques sur le faisceau

sensitif. In th. Paris, 1881, et art. Sensibilité du Dict. Dech. Charcot

et Pitres. Rev. mens. Se mémoire (1883).

4 Du reste, nous verrons dans le cours de cet exposé combien l'on doit

faire de restrictions, non seulement sur le siège à l'écorce cérébrale de la

zone sensitive, comme de la zone intellectuelle, mais aussi sur le trajet

intra-cérébral des fibres sensitives, ainsi que des fibres intellectuelles.

Intelligence et sensibilité sont deux fonctions qui, jusqu'à présent, ont

échappé aux efforts de la localisation et qui probablement déjoueront

toutes les tentatives faites dans le but de leur assigner un centre fonc-

tionnel. » (Legroux et de Brun. Encéph., 1881, 263 et 403.)

252 REVUE CRITIQUE.'

ou l'origine des fibres du centre ovale, selon la fonction res-

pective attachée à chaque faisceau des fibres. Nous prendrons

donc à l'écorce cérébrale pour les suivre successivement dans

leur trajet intra-cérébral au centre ovale, dans la capsule

interne, le pédoncule et la protubérance et enfin dans le

bulbe et la moelle, chacun des faisceaux de fibres centripètes

ou centrifuges. Nous colorerons sur les dessins, de la même

teinte la zone cortico-cérébrale et le faisceau cérébro-médul-

laire correspondant. De telle sorte qu'il sera facile par le

simple examen du schéma, de prendre une idée d'ensemble

du trajet d'un faisceau pris isolément, du trajet des diffé-

rents faisceaux pris collectivement, avec leurs connexions

réciproques, sur toute la longueur de l'axe cérébro-spinal.

- Pour exécuter cette carte topographique de l'axe cérébro-

spinal, nous avons dû associer à une figure de la face externe

de l'hémisphère gauche pour l'étude de la région corticale,

quelques-unes des coupes de Pitres pour l'étude du centre

ovale, la coupe de Flechsig pour celle de la capsule interne,

une coupe du pédoncule cérébral, de la protubérance et

une coupe de la moelle, en un point d'élection, pour l'étude des

régions pédonculaire, protubérantielle et médullaire. Ces

différentes coupes, nous les réunissons par des lignes pointil-

lées de colorations différentes et qui représentent le trajet de

chaque faisceau individuellement. Le passage du faisceau au

niveau d'une coupe est indiqué sur celle-ci par la même colo-

ration en teinte plate que celle du faisceau.

Quelques mots sur les diverses coupes entrant dans la

constitution de nos schémas.

Les Coupes de Pitres1 sont faites dans le sens oblique trans-

versal, en dirigeant le couteau parallèlement à la scissure

rolandique. La manière d'opérer de Pitres, généralement sui-

vie dans les autopsies, est plus apte à mettre les faisceaux

blancs en rapport avec les circonvolutions que la méthode de

Bitôt 2, qui pratique des coupes verlico-transversales, en por-

tant le couteau perpendiculairement à la scissure inter-hémis-

phérique. La coupe préfrontale passe par la partie moyenne

des trois circonvolutions frontales; la pédiculo- frontale, par le

' Pitres. - Recherches sur les lésions du centre ovale des hémisphères

au point de vue des localisations cérébrales. Th. Paris, 1877. /iMM/)AerM

' Bitôt. Essai de topographie cérébrale par la cérébrolomin métho-

clique. Paris, 1878.

DE L'AXE CÉRÉBRO-SPINAL. 253

pied des frontales ; la frontale, par la frontale ascendante ;

la pariétale, par la pariétale ascendante'. Les fibres blanches,

qui, sur chacune de ces quatre coupes constituent le centre

ovale, sont groupées par Pitres en trois ordres de faisceaux :

supérieur, moyen et inférieur. Faisant précéder ce qualifi-

catif du nom même de la coupe, on a, pour chaque coupe, les

faisceaux préfrontaux, pédiculo-frontaux et pariétaux : supé-

rieur, moyen et inférieur. La coupe de Flechsig est une

coupe horizontale, faite de dehors en dedans, en partant d'un

point situé un peu au-dessus de la scissure de Sylvius, pour

aboutir à un niveau correspondant sur la face interne de

l'hémisphère. Il est plus facile de pratiquer la coupe dite de

Brissaud 2, horizontale aussi, mais faite en allant de la face

interne de l'hémisphère où les points de repaire sont plus

denses, à la face externe. Pour faire cette coupe, on passe le cou-

teau par la partie moyenne de la couche optique 1. La coupe du

pédoncule, celle de la protubérance ont leurs siège et direction

indiquées en pointillé noir sur la fig. 4, de la PL. II. (A. A.-B.

B.-C.) qu'il faut examiner simultanément avec les différentes

coupes ( fig. 1,` ? , 3, de la Pl. II) mises en regard. Enfin, la coupe

de moelle à laquelle nous nous reporterons pour retrouver les

faisceaux cérébraux, capsulaires, pédonculaires et protubéran-

tiels, parvenus dans l'axe spinal, est prise à la région dorsale

supérieur immédiatement au-dessous du renflement brachial de

la moelle. A ce niveau, en effet, la coupe delamoelleseprésente

avec l'ensemble de tous ses éléments constituants. Plus haut ou

plus bas dans l'axe spinal, nous risquerions de ne pas ren-

contrer sur la coupe, dans une région trop élevée, la trace de

la colonne de Clarke, par exemple, dans une' région trop infé-

rieure, la coupe de cette même colonne de cellules, qui

n'existe qu'à la moelle dorsale et la coupe du faisceau céré-

belleux direct par exemple encore, qui disparait à la moelle

lombaire. C'est donc là un point d'élection, auquel il nous

semble nécessaire de nous reporter pour avoir sous les yeux,

1 Voir sur la ligure 1 de la pl. I la direction des quatre coupes de Pitres

indiquées en pointillé noir.

' Brissaud. Recherches anatomiques et physiologiques sur la contrac-

ture permanente des hémiplégiques. Th. Paris, 1880.

3 Voir sur la fig. 1 du sch. I la direction un peu oblique en bas et en

arrière dans le sens autéro-postérieur de la coupe horizontale indiquée

en pointillé noir. 1

254 REVUE CRITIQUE.

sur une coupe unique, la topographie complète de la

moelle'.

Ces quelques remarques faites sur les diverses coupes figu-

rées sur les schéma, nous commençons la lecture du trajet des

faisceaux blancs dans le cerveau et dans les cordons de la

moelle.

1° Faisceau INTELLECTUEL (violet). Le faisceau intellec-

tuel, qui répond par son origine corticale aux circonvolutions

antérieures ou frontales, n'est à peu près connu que dans une

très courte étendue de son trajet.

Au centre ovale, les fibres intellectuelles forment les fai-

sceaux préfrontaux : supérieur, moyen et inférieur dans leur

totalité sur la coupe préfrontale de Pitres (PI,. I. fig. 2, 6).

Dans la capsule interne*, le faisceau intellectuel occupe les

deux tiers antérieurs du segment lenticulo-strié de la capsule

(PL. I, fig. 6, a, (violet). Toutefois, ce segment de la capsule

interne ne serait pas le lieu de passage exclusif des fibres intel-

lectuelles : « d'après M. le professeur Charcot, le segment len-

ticulo-strié de la capsule interne contiendrait aussi des fibres

centrifuges, qui descendraient dans le segment interne du

pied du pédoncule et s'arrêteraient à la protubérance. (Voir

plus loin, faisceau pyramidal.)

Dans le pédoncule : on retrouve le faisceau intellectuel, à la

partie interne de l'étage inférieur 3. (PL. II, fig. 1, violet.)

Plus bas enfin, dans la protubérance et au delà, le trajet de

ce faisceau est à peu près ignoré.

Les données sur lesquelles reposent ces notions'sur le trajet

1 Nous renvoyons à l'explication des planches pour les indications plus

complètes sur chacune de ces coupes.

' Il est bien entendu qu'à chacun de nos passages dans la capsule in-

terne durant le trajet des différents faisceaux sur nos cartes de topogra-

phie cérébro-spinale, nous n'envisageons que les fibres directes de la

capsule, fibres pédonculaires proprement dites, laissant de côté les fibres

indirectes, qui ne nous occupent pas et que nous ne figurons pas par

simplification. Ces fibres indirectes sont de deux ordres et vont : 1° les

unes, du pied du pédoncule aux noyaux du corps strié en suivant l'étage

inférieur; à la couche optique, en suivant l'étage supérieur; 2° les autres,

de chacun des noyaux gris centraux à l'écorce cérébrale (libres cortico-

optiques ou thalamiques et fibres cortico-striées et cortico sous-optiques

de Luys. Encéph. 1884, p. 516.

' Nous utiliserons à chaque instant cette division en étages, des coupes

du pédoncule et de la protubérance bien qu'elle soit un peu vieillie, car

elle facilite beaucoup la description.

DE L'AXE CEREBRO-SPINAL. ZOO

du faisceau intellectuel sont déduites des résultats anato-

miques obtenus par la méthode d'étude des dégénérescences

secondaires. Chaque fois que la lésion première à l'écorce

cérébrale, ou au centre ovale ou àla capsule interne porte dans

ces trois régions aux points assignés plus haut au trajet du

faisceau de fibres qui nous occupe, la dégénérescence secon-

daire des fibres de ce faisceau s'arrête inférieurement au

pédoncule dans la partie interne de son étage inférieur et cette

lésion secondaire systématique coïncide toujours avec des trou-

bles psychiques purs et simples, sans aucune manifestation

paralytique.

A propos des deux faisceaux, dont nous allons maintenant

suivre le trajet, le faisceau de L'aphasie et le faisceau géniculé

proprement dit, une discussion s'élève entre MM. Raymond et

Artaud d'une part et Brissaud d'autre part. Ces deux faisceaux

sont-ils nettement distincts l'un de l'autre ? forment-ils au con-

traire, à eux deux, un seul et même faisceau ? Le second

auteur émet cette dernière opinion; les premiers' sont

d'avis contraire. Avec iVIIIL,Raymond et Artaud, nous éta-

blirons la distinction du faisceau de l'aphasie et du faisceau

géniculé proprement dit. Et nous suivrons individuellement

et successivement chacun de ces deux faisceaux dans leur

trajet.

2" Faisceau DE l'aphasie (aphémie). C'est le faisceau de

fibres partant des cellules de l'écorce du pied de la troisième

circonvolution frontale gauche et probablement de l'insula de

Reil qui prend le nom de faisceau de l'aphasie (PL. I, fig. 1,

jaune).

Au centre ovale, le faisceau de l'aphasie constitue le

faisceau pédiculo-frontal inférieur sur la coupe pédiculo-

frontale de Pitres (Pij. I, fig. 3, jaune), de même que

les fibres parties de l'écorce du pied de la deuxième frontale,

siège de l'agraphie, forment le faisceau pédiculo-frontal

moyen sur la même coupe de Pitres, avec cette diffé-

rence que le trajet du faisceau de l'aphasie (aphémie) est

connu plus loin dans la capsule et le pédoncule, tandis que le

trajet du faisceau spécial de l'agraphie reste pour l'heure

actuelle dans l'inconnu. Le sommet du triangle que forme sur

1 Brissaud. Th. Paris,, 1880. Loc. cit.

°- Raymond et Artaud. Arch. teneur., t. VII. p. 299, loc. cit.

256 REVUE CRITIQUE.

la coupe pédiculo-frontale, le faisceau pédiculo-frontal infé-

rieur est considéré par Bitot comme un carrefour du langage

parlé, qu'il fait en tous points analogue aux carrefours moteur

et sensitif de la capsule interne. Une lésion du centre ovale

au niveau du carrefour du langage de Bitot interrompant faci-

lement en ce point où elles sont réunies la continuité de

toutes les fibres du faisceau, engendre une aphémie com-

plète.

Dans la capsule interne, nous retrouvons le faisceau de

l'aphasie, àla partie postérieure du segment lenticulo-optique,

entre le faisceau intellectuel, situé immédiatement en avant

et le faisceau géniculé au genou de la capsule, immédiatement

en arrière (PL. I, fig. 6, jaune).

Dans le pédoncule, le faisceau de l'aphasie vient se placer à

l'étage inférieur, entre le faisceau intellectuel en dedans et

le faisceau géniculé en dehors. Comme le faisceau intellec-

tuel, le faisceau de l'aphasie est inconnu au delà du pédon-

cule. Toutefois, il existe un seul fait d'aphasie protubérantielle

avec lésion du milieu du côté droit de la protubérance. Celui

de Hermann Weber et Altdoerfer2, est insuffisant il est vrai

pour déterminer le lieu de passage du faisceau de l'aphasie sur

la coupe de la protubérance, mais il permet au moins de

supposer que ce faisceau ne s'arrête pas au pédoncule et doit

atteindre le bulbe (Charcot-Féré-Brissaud).

Les différents faits anatomo-cliniques (lésions, engendrant

l'aphémie, de l'écorce au pied de la troisième frontale, lésions

du faisceau pedieulo-frontal inférieur, du carrefour du langage

parlé de Bitot et dégénérescences secondaires à ces lésions

supérieures, dans la capsule interne, dans le pédoncule) sur

lesquels on s'est basé pour décrire le trajet du faisceau de

l'aphasie sont assez nombreux pour qu'il n'y ait actuellement

aucun doute sur l'exactitude de sa description.

3° Faisceau géniculé (commun au grand hypoglosse, au

facial inférieur et à la branche motrice du trijumeau). Du

centre cortical d'origine de ce faisceau, au pied de la frontale

' Bitot.- Sur la capsule interne et la couronne rayonnante de Reil.

Anch. de Neur., (1881, I, 52) ; Du siège et de la direction des irradiations

capsulaires, chargées de transmettre la parole. Ai-ch. de Neur., (1881,

VIII, n°' 22 et 23) ; Grasset, (fn Montpellier méd., oct. 1881) et quelques

auteurs réfutent l'opinion de Bitot sur le carrefour du langage.

s Hermann Weber et Altdoerfer. Bi,ilish ? iéd. Joitrn., janv. 1877.

DE l'axe cérébro-spinal 257

ascendante en empiétant légèrement sur le pied de la pariétale

ascendante (PL. I, fig. i, vert) partent les fibres essentielle-

ment motrices formant ce faisceau et qui vont :

Dans le centre ovale, constituer le faisceau frontal inférieur

de la coupe frontale de Pitres (PL. I, fig. 4, vert).

Dans la capsule interne, le faisceau géniculé occupe exacte-

ment le genou delà capsule, d'où son nom (PL.. I, fig. 6, b,

vert).

Dans le pédoncule, le faisceau géniculé se place à l'étage infé-

rieur, entre le faisceau de l'aphasie situé en dedans et le fais-

ceau pyramidal situé en dehors (PL. II, fig. 1, vert).

Dans la protubérance, les faits anatomiques sont encore peu

probants pour assigner à ce faisceau un lieu de passage précis.

Trois cas de ramollissement de la protubérance avec glosso-

plégie font supposer que le faisceau géniculé passe dans la

protubérance à la partie postérieure et interne des pyramides

motrices.

Au bulbe. Enfin, parvenus au bulbe, les fibres centrifuges

des deux faisceaux de l'hypoglosse, des deux faisceaux

géniculés droit et gauche par conséquent, s'entre-croisent

et atteignent les noyaux gris bulbaires. Des noyaux bul-

baires, qui pour le grand hypoglosse sont représentés par deux

colonnes grises, dépendances de la base des cornes antérieures

de la moelle et sous-jacentes aux ailes blanches internes du

plancher du quatrième ventricule2, de ces noyaux, les fibres

de l'hypoglosse se portent en avant et un peu en dehors pour

venir émerger par dix à douze racines du sillon qui sépare

l'olive de la pyramide antérieure (origine apparente). Ainsi

donc les noyaux gris du bulbe, d'après ces nouvelles données

d'anatomie, peuvent être considérés comme de simples gan-

glions nerveux placés sur le trajet intra-bulbaire des nerfs

Grand hypoglosse facial (facial inférieur) et branche motrice

du trijumeau, qui n'auraient plus dès lors, une origine réelle

bulbaire à ces noyaux, mais bien une origine corticale, au

pied de la circonvolution frontale ascendante.

' Raymond et Artaud. Arch. de i\'eur., VII, p. 300 et suiv.

' On décrit aussi un noyau accessoire de l'hypoglosse, a la partie in-

terne du noyau antéro-latéral ; ce noyau accessoire' parait être une

dépendance de la substance grise du noyau antéro-latéral. Il présente

ordinairement des lésions identiques à celles du noyau principal dans la

paralysie labio-glasso-laryngée d'origine bulbaire.

Archives, t. XVI. 17 -1

258 revue CRITIQUE.

Sur la figure 4 de la Planche II (5, 6, 7, vert), nous nous

sommes spécialement proposés de montrer le mode de disso-

ciation terminale dans la région bulbo-protubérantielle des

trois groupes de fibres qui entrent dans la constitution du fais-

ceau géniculé : fibres de l'hypoglosse, fibres du facial infé-

rieur, fibres de la branche masticatrice du trijumeau. Unique

dans la région pédonculaire, le faisceau se divise dans la pro-

tubérance pour donner naissance à ces trois groupes de fibres,

qui, après avoir évidemment traversé leurs noyaux gris bul-

baires, vont respectivement émerger, le premier au point que

nous avons indiqué; le second, du bulbe au niveau de la fos-

sette sus-olivaire, constituant en partie le tronc du facial à son

origine apparente (facial inférieur); le troisième enfin de la

protubérance sous le nom de petite racine du trijumeau

(branche motrice du trijumeau).

Ce trajet du faisceau géniculé bien connu aujourd'hui depuis

la publication du mémoire de MM. Raymond et Artaud, l'est

surtout par les recherches anatomiques auxquelles se sont

livrés ces auteurs sur les lésions causales de la paralysie

labio-glosso-laryngée d'origine cérébrale et les trois faits per-

sonnels de glossoplégie protubérantielle qu'ils ont réunis.

Faisceau pyramidal (Dénomination anato7no'-eliiiique), ou

faisceau moteur (dénomination physiologique*).

Le faisceau pyramidal a été bien étudié par Flechsig. C'est

de tous les faisceaux cérébro-médullaires, le mieux connu dans

son trajet. Ses fibres centrifuges partent de l'écorce cérébrale,

de toutel'étendue de la zone corticale motrice 2.

' F.-Franck, fe. sur les fonct. motrices du cerveau, Paris, 1887. Le-

çons XXVII et XXVIII.

1 Le point de départ, à l'écorce cérébrale du faisceau pyramidal, dépasse

certainement la limite de la zone motrice proprement dite, car une por-

tion de ses fibres, les fibres antérieures, étudiées par Brissaud (Voir

Thèse citée), émane des circonvolutions frontales, que l'expérimentation

démontre n'être pas motrices et que l'étude anatomo-clinique désigne

comme une zone dont la lésion se révèle par des troubles psychiques

(zone intellectuelle). Ce sont ces fibres cérébrales antérieures non mo-

trices, entrant néanmoins dans la constitution du faisceau pyramidal,

que Brissaud, soutenant la vraisemblance de cette hypothèse que la

faculté modératrice dans ce qu'elle a de plus général, est un caractère

évident de supériorité intellectuelle se trouvant dans un rapport étroit

avec la volonté (autre faculté d'un développement vraisemblablement

proportionnel à celui du cerveau antérieur) volonté de répression des

impulsions motrices, propose de regarder comme des fibres à influence

DE l'axe cérébro-spinal. 259

Elles réunissent les cellules motrices de l'écorce cérébrale

aux grandes cellules motrices des cornes antérieures de la

moelle et à leurs représentants bulbaires, où elles aboutissent,

constituant ainsi le faisceau qui représente dans l'axe cérébro-

spinal, le grand système cortico-moteur.

Dans le centre ovale, les fibres du faisceau pyramidal vien-

nent former : 1° Sur la coupe frontale de Pitres, le faisceau

frontal supérieur (fascicule des fibres motrices du membre infé-

rieur en partie' (PL. I, fig. cl, bleu), le faisceau frontal moyen

(fascicule des fibres motrices du membre supérieur) (PL. I,

fig. 4. d. 5, bleu) et le faisceau frontal inférieur (faisceau

géniculé) (PL. I, fig. 4. e. 6, bleu).

2o Sur la coupe pariétale de Pitres, le faisceau pariétal supé-

rieur (fascicule des fibres motrices du membre inférieur dans sa

totalité (PL. I, tg. 5, f, bleu), les faisceaux pariétaux moyen

et inférieur (PL. I, fig. 5, 5, 6, bleu). De là, le faisceau pyra-

midal se porte vers la capsule interne.

Dans la capsule interne, il occupe les deux tiers antérieurs

du segment lenticulo-optique (PL. I, fig. 6, c, bleu) se plaçant

entre le faisceau géniculé, qui est en avant et le faisceau

sensitif, qui se trouve en arrière2.

modératrice sur l'élaboration de ces incitations motrices. L'auteur ne

retire pas pour cela aux régions corticales motrices la propriété possible

de commander également à la répression des mouvements, ni celle delà

représentation du siège à l'écorce des influences modératrices dont il

s'agit, comme à la région cortico-frontale.

' C'est à Pitres (Thèse citée) que l'on doit la fasciculation métho-

dique du centre ovale, si commode pour démêler par imagination l'é-

cheveau de fibres blanches rayonnantes de cette région du cerveau et

concevoir le trajet respectif des différents fascicules moteurs partant de

différents points bien circonscrits de la zone corticale motrice. Chacun de

ces fascicules moteurs représente les origines à l'écorce cérébrale des

nerfs moteurs périphériques (hypoglosse, nerfs du membre supérieur,

sciatique et crural, etc.). Huglings Jackson avait du reste déjà prédit la

vérification actuelle de ce fait anatomo-physiologique : l'origine aux cel-

lules de l'écorce cérébrale, des nerfs périphériques.

'Fr.-Franck. Fonctions motrices du ceraeatv, 1887. Voir le dessin du

Dr E. Brissaud, fait d'après le texte de la 28e leçon. En examinant cette

ligure, on peut se rendre compte d'une façon très précise de la forme en

pyramide que prend dans son ensemble le faisceau moteur, pyramide

très allongée, à base supérieure corticale, formée par toute la zone mo-

trice corticale, à sommet inférieur pédonculaire, constitué par les fibres

motrices. Au niveau des deux tiers antérieurs du segment postérieur de

la capsule, lieu de passage du faisceau moteur dans la région, la pyra-

mide motrice se trouve en quelque sorte tronquée.

260 - REVUE CRITIQUE.

Dans le pédoncule, on retrouve le faisceau pyramidal à la

partie moyenne de l'étage inférieur (PL. II, fig. 1, bleu),

entre le faisceau géniculé qui est en dedans et le faisceau sen-

sitif qui occupe toute la région externe. Au pédoncule, le

faisceau pyramidal commence à se dissocier. Un groupe de

fibres motrices s'isole du tronc du faisceau et vient se placer

dans, l'étage supérieur en dedans des fibres centripètes de cet

étage (PL. II, fig. 1, bleu 4). Ce sont ces fibres centripètes de

l'étage supérieur du pédoncule qui, dans la moelle, constitue-

ront les cordons antérieurs.

Dans la protubérance, la dissociation du faisceau pyramidal

est complète. Ce faisceau s'y présente sous l'aspect d'un réseau

presque inextricable de fibres entremêlées avec les fibres trans-

versales de la région. Il est toutefois assez facile de distin-

guer : 1° dans l'étage inférieur de la protubérance, la partie

du faisceau pyramidal que nous retrouverons, entrant dans la

formation des cordons latéraux de la moelle (PI,. II, fig. 2,

bleu 1); 2° dans l'étage supérieur, le fascicule, qui réprésen-

tera les cordons antérieurs de la moelle (PL. II, fg. 2,

bleu 3).

Au bulbe, nous pouvons envisager le faisceau moteur en

trois points différents : '

1° Avant la décussation des pyramides , le faisceau pyramidal

dissocié dans le pédoncule et surtout dans la protubérance,

réunit ses éléments et se trouve alors constitué par les deux

fascicules que nous trouverons dans la moelle sous le nom de

portion directe du faisceau moteur, dépendance du cordon

antérieur et de portion croisée, dépendance du cordon latéral;

la portion directe d'un côté s'unit à la portion croisée du côté

opposé pour former la couche superficielle Ou motrice des pyra-

mides antérieures du bulbe.

2° Au niveau du collet du bulbe, chacun des deux faisceaux

pyramidaux, auxquels sont venus se joindre les fibres centri-

fuges de l'étage supérieur du pédoncule et de la protubérance,

se dédouble à nouveau en deux fascicules, comme nous l'an-

noncions tout à l'heure, pour leur division définitive dans la

moelle : un fascicule postérieur et externe, le plus volumineux,

Centre-croisé avec le fascicule correspondant du côté opposé, ou

il passe dans le cordon latéral de la moelle (faisceau pyra-

midal croisé); un autre fascicule antérieur et interne, le moins

DE l'axe cérébro-spinal. 261 1

volumineux, ne s'entre-croise pas, et suit un trajet verticale-

ment descendant dans le cordon antérieur de la moelle (fais-

ceau pyramidal direct). Le mode de décussation des fibres du

système cortico-moteur est assez variable ainsi que l'a montré

Flechsig, il s'ensuit que le mode de dédoublement au collet du

bulbe de chacun des deux faisceaux pyramidaux varie propor-

tionnellement. La décussation est complète, cas type, ou par-

tielle, cas moins fréquent. Ces variétés du mode de décussation

des faisceaux pyramidaux sont surtout intéressantes à con-

naître au point de vue clinique. Flechsi-1 en admet trois :

'1" variété : variété ordinaire, chaque pyramide fournit un

faisceau direct et un faisceau croisé. Le faisceau croisé cons-

titue alors presque à lui seul la couche motrice de la pyramide,

d'où l'interprétation facile des monoplégies ou hémiplégies

croisées, si fréquentes. Mais, quelquefois, l'inverse se produit;

le faisceau direct prime le faisceau croise dans la formation

de la couche motrice de la pyramide et l'explication anato-

mique des paralysies directes se trouve ainsi naturellement

donnée (cas de Pierret, Brown-Séquart). 2e variété : Décus-

sation totale, pas de faisceau direct, variété la plus rare.

3° variété : s'observant quelquefois; en tout, trois faisceaux,

c'est-à-dire une pyramide formée par un faisceau croisé et un

faisceau direct; l'autre pyramide formée uniquement par un

faisceau croisé, sans faisceau direct. Du reste, autant de varié-

tés de décussation des fibres motrices au bulbe, autant d'ano-

malies apparentes dans la manifestation d'un fait anatomo-

clinique correspondant à chaque variété'.

3° Après la décussation du faisceau moteur, les fibres centri-

fuges entre-croisées se mettent en l'apport avec les cellules des

noyaux d'origine des nerfs moteurs du bulbe dont les fibres

constituantes se détachent, .selon toute probabilité, pour

quelques-uns de ces faisceaux.

Dans la moelle, à partir de la décussation des pyramides, le

faisceau moteur est donc définitivement divisé en deux parties :

le faisceau pyramidal croisé et le faisceau pyramidal direct.

Les faisceaux pyramidaux croisés (PL. II, fig. 3. ; 2 bleu)

1 Flechsig. Ctlblt. nzéct., n°> 36, p. 561, 187r; Die Leitttngsbaueit in

Gehirn ! Md Rückennzark. Leipsig, 1876.

* Pitres.0&. ! erua<MMs de décussations variées du faisceau moteur, ré-

vélées par les dégénérescences secondaires. In Arch. de phys., 15 fé-

vrier 1884.

262 "2 REVUE CRITIQUE.

occupent le fascicule postérieur ou cordon latéral delà moelle.

Ils répondent en dedans aux cornes postérieures ; en dehors,

ils sont séparés de la pie-mère spinale par l'épaisseur de la

coupe du faisceau cérébelleux direct. Ce faisceau cérébelleux

direct, disons-le en passant, occupe une étroite portion de la

région périphérique postérieure du cordon latéral et s'étend

du pédoncule cérébelleux inférieure à la moelle lombaire. Ils

se présentent à l'observateur, sur des coupes transversales de la

moelle, faites à la région cervicale, sous l'aspect d'un disque

de petite dimension; à la région dorsale, c'est un triangle

à sommet interne et à base externe, légèrement convexe en

dehors et séparée de la pie-mère par le faisceau cérébelleux

direct; enfin, à la région lombaire, c'est encore un triangle à

angles arrondis ; mais, à ce niveau, le faisceau cérébelleux

direct a disparu, de telle sorte que la base du triangle que

représente la coupe^du faisceau pyramidal croisé, touche la

pie-mère à la périphérie de la moelle. Le faisceau pyramidal

croisé diminue donc graduellement de volume ; ses fibres

constituantes s'arrêtent progressivement aux divers étages

de la moelle, surtout au niveau des deux renflements médul-

laires, pour entrer en rapport avec les organes cellulaires

moteurs de la moelle. Le faisceau pyramidal croisé disparaît

complètement au niveau du renflement lombaire.

Les faisceaux pyramidaux directs (PL. II, fig. 3 ; 1, bleu),

constituent le fascicule interne du cordon antérieur de la

moelle. On les appelle encore, faisceaux de Turk, à cause de

leur importance, démontrée par LudwigTurk et Charcot, dans

la systématisation des lésions anatomiques dégénératives des-

cendantes. Ils sont en rapport en dedans avec le sillon antérieur

de la moelle ; en dehors, ils répondent aux zones radiculaires

antérieures. Sur des coupes de la moelle, faites à divers étages,

depuis la région cervicale, ils représentent ordinairement un

petit triangle à base externe et antérieure, périphérique et à

sommet interne et postérieur, central; l'un de ses bords, son

bord interne répond immédiatement au sillon médian antérieur

de la moelle. Dans quelques cas, cependant, sur des moelles

dégénérées, le faisceau de Turk n'est révélé que par une bande

étroite de fibres en dégénérescence et appliquée au sillon

antérieur. Des régions supérieures les faisceaux pyramidaux

directs vont en s'amincissant vers l'extrémité inférieure de

l'axe spinal, pour se terminer plus haut que les faisceaux

DE l'axe cérébro-spinal. 263

pyramidaux croisés, à la région dorsale moyenne, tantôt au-

dessus, tantôt au-dessous'.

C'est par l'expérimentation physiologique encore, largement

aidée et complétée dans ses résultats par la méthode anatomo-

clinique, que sont nettement individualisés les faisceaux pyra-

midaux ainsi du reste que les cornes grises antérieures de la

moelle. Leur lésion expérimentale en outre répond toujours à

des troubles moteurs ; les faisceaux pyramidaux et les cornes

grises antérieures représentent donc les éléments d'un système

moteur médullaire spécial.

Méthode expérimentale. Sur l'écorce et au centre ovale,

dans la région dite excitable (région rolandique), ces lésions

destructives expérimentales produisent des accidents paraly-

tiques croisés des membres et de la face peu marqués, ni per-

manentschez le chien et surtout le lapin (Albertoni et llichieli,

Lussana et Lemoigne, Luciani et Tamburini, Goltz, etc.),

plus accentués et quelquefois persistants chez le singe (Fer-

rier, Luciani et Tamburini). Sur la capsule interne, les

recherches ont été faites très minutieusement : Vulpian etVeys-

sière2 avec un trocart à lame élastique sectionnent la capsule

sur divers points, se proposant de vérifier expérimentalement

les lésions que Ludwig Turk et Charcot avaient observé chez

l'homme atteint d'hémianesthésie croisée. Ces physiologistes

obtiennent tantôt l'hémianesthésie seule, tantôt l'hémianesthé-

sie avec hémiplégie. Mais, ils ne déterminent pas les points

capsulaires dont la section correspond à l'hémianesthésie, ceux

dont la section correspond à l'hémiplégie. Carville et Duret'

précisent le siège des lésions capsulaires, produisant isolément

l'hémiplégie ou l'hémianesthésie : la capsule interne sectionnée

en avant « entre le noyau caudé et le noyau lenticulaire »,

' Il est démontré par la marche progressive de la paralysie atteignant

dans la compression lente de la moelle, d'abord les membres supérieurs,

puis les membres inférieurs dans la suite, que, dans le cordon antéro-

latéral de la moelle, le tractus moteur cortico-brachial est périphérique

et superficiel et le tractus moteur cortico-crural, central et profond.

Brown-Sequart. Juurnal de la physiologie, etc., t. VI, 1865, p. 139, 631

et 632. Enlenburg. Functionnellen Nervenkrankh. Berlin, 1871, p. 379.

* Veyssière. Recherches cliniques et expérimentales sur l'hémianesthésie c

de cause cérébrale. Th. Paris, 187 i.

3 Carville et Duret. Critique expérimentale des travaux deFritsch, Hit-

zig et Ferrier (Soc. de biologie, déc. 1873 et janvier 1874). Sur les fonc-

tions des hémisphères cérébraux, (.1. cli. de phr)siol. Mai-juillet. 1875).

264 REVUE CRITIQUE. ,

l'hémiplégie complète se produit ; la section portant plus en

arrière « entre la couche optique et le noyau lenticulaire » c'est

de l'hémianesthésie que l'on obtient. Avec ses données expéri-

mentales établies par l'exploration des régions corticale, centre

ovalaire et capsulaire, les observations expérimentales aussi des

dégénérations secondaires descendantes systématiques, la phy-

siologie a conçu le « système de conducteurs indépendants,

reliant la surface excitable du cerveau aux organes cellu-

laires moteurs du bulbe et de la moelle. » Mais c'est certaine-

ment la méthode anatomo-clinique, qui a donné toute sa per-

fection à la description topographique du faisceau pyramidal'.

Méthode anatomo-clinique. Ne considérant, suivant la

règle posée par M. le professeur Charcot, comme démonstra-

tives, que les observations dans lesquelles les symptômes

observés pendant la vie peuvent être expliqués par une lésion

unique, pour l'exactitude absolue sur la question des rapports

entre le siège de la lésion et celui des troubles moteurs,

destructive et non simplement irritative, pour qu'il soit nette-

ment établi que la suppression de la fonction répond bien à la

suppression complète de la région motrice, ancienne (la plaque

jaune type), afin qu'on ne coure pas le risque de « confondre des

accidents d'ordre irritatif avec des accidents de suppression 11,

bien limitée, chose absolument nécessaire pour l'exactitude de

l'analyse anatomique, ne considérant donc que les cas, qui,

d'après cette loi très rigoureuse, présentent tous ces caractères

réunis, on peut se rendre compte que les faits anatomo-

cliniques sont assez nombreux pour trancher la question de

la topographie du faisceau pyramidal. A l'écorce cérébrale,

pour qu'il y ait paralysie, il faut une lésion destructive des

parties de l'écorce qui recouvre les circonvolutions frontale et

pariétale ascendante, et du lobule paracentral. Si « ces lésions

sont étendues, il en résulte une hémiplégie totale du côté

opposé du corps; si elles sont bornées à une partie seulement

de la zone motrice, l'hémiplégie est partielle; si elles sont très

limitées, la paralysie n'atteint qu'un membre ou même qu'un

groupe musculaire2. »

1 Fr.rFranck. Fonctions motrices du cerveau. Leçons XXVII etXXVIII.

In loc. cit.

' Fr.-Franck et Pitres. Art. Encéphale du Dict. Dech. Charcot et

Pitres, série de mémoires. Revue mens. 1877, 79, 83. Ci. de Boyer.

Th, citée.

. DE L'AXE CÉRÉBRO-SPINAL. 265

Au centre ovale, les lésions de la région intermédiaire aux

deux coupes préfrontale et occipitale de Pitres ont toujours

déterminé une paralysie croisée, persistante, hémiplégie ou

monoplégie. A la capsule interne, ce sont toujours les lésions

primitives ou secondaires dégénératives du tiers moyen, qui

s'accompagnent de paralysie persistante, hémiplégie totale

ordinairement, vu le peu d'étendue de la région motrice capsu-

laire facilement détruite dans sa totalité, ou même monoplégie,

d'après quelques observations, presque exclusivement expéri-

mentales, bien que quelques faits anatomo-cliniques ou cli-

niques seulement de monoplégie capsulaire aient été relevés,

lorsque les tractus cortico-brachial (portion antérieure de la

région motrice capsulaire), ou cortico-crural (portion posté-

rieure de la région motrice capsulaire), étaient isolément

atteints'.

Consécutivement aux lésions de l'écorce motrice, des fasci-

cules moteurs, du centre ovale, du segment moteur de la

capsule interne, surviennent constamment des troubles tro-

phiques représentés physiologiquement parla perte de l'exci-

tabilité directe, surtout dans le centre ovale et la capsule

interne, anatomo-pathologiquement par la dégénération des-

cendante des faisceaux blancs. Le lieu de passage du faisceau

pyramidal dans les différentes régions de l'axe cérébro-spinal

se trouve ainsi révélé par sa mortification même, puisque par

des lésions supérieures, ses fibres constituantes interrompues

dans leur continuité sont plus ou moins complètement séparées

de leur centre trophique à l'écorce cérébrale.

' Fr.-Franck. et Pitres. Bull. de la Soc. de biol., déc. 1877. (Voir

aussi Franck, Fonctions motrices, 1887, p. 271, note 1.) Bennett et

Campbell, Un cas de monoplégie brachiale gauche, produite par un foyer

de ramollissement du volume d'un haricot situé à la partie supérieure de

la région moyenne de la capsule droite. (Sem. nzéd. 22 avril 1885.)

2 En raison des faits de dégénérescence descendante secondaire à des

lésions du couronnement cortical des régions centre-ovalaire ou capsu-

laire du faisceau pyramidal, faits de dégénérescence que l'on assimile

généralement aux faits de dégénérescence du bout périphérique d'un

nerf sectionné, on est en effet conduit à attribuer aux cellules de la zone

corticale motrice, une influence trophique analogue à celle que l'on

attribue aux grandes cellules motrices des cornes antérieures. Quant au

mécanisme de la dégénération descendante, il est très discuté et compris

de façons très différentes, tout comme l'est, du reste, celui de la dégene-

ration des nerfs sectionnés. (Voir à ce sujet. Art. Nerfs du Dict. Decli.,

1876, Renaud)

266 REVUE CRITIQUÉ.

Nous n'avons pas à insister sur le premier des deux troubles

trophiques : la perte de l'excitabilité directe du faisceau

moteur' .

Quant aux dégénérescences secondaires, elles se montrent à

la suite d'une lésion destructive supérieur ! ; : au pédoncule, dans

la partie moyenne du pied du pédoncule ; à la protubérance, la

dégénérescence est mal localisée, un peu diffuse, bien qu'il

soit possible cependant de retrouver les fascicules moteurs

. dégénérés; au bulbe, elle suit les pyramides antérieures (couche

superficielle) et subissent au collet du bulbe une décussation

plus ou moins complète, les faisceaux en dégénérescence se

portent en arrière et en dehors vers la partie du cordon latéral

de la moelle contiguë à la corne postérieure. Ordinairement un

fascicule dégénéré qui ne s'est pas entre-croisé au collet du

bulbe, suit une marche verticalement descendante dans la

partie interne du cordon antérieur de la moelle (faisceau de

Turk)3.

' Fr.-Franck. Fonctions motrices, 1887. Première partie de la

leçon XVIII. : Voir pour l'étude détaillée de la question des dégénérescences des-

cendantes fasciculées, du pédoncule, du bulbe et de la moelle, consé-

cutives aux lésions destructives localisées à la zone motrice corticale,

au centre ovale ou à la capsule interne. A. Pitres. Mémoire, in Proq.

méd., n° 7, 1877. Issartier. Des dégén. second.de la moelle. Th. Paris,

1878, déjà citée. Charcot et Pitres. Dernier mémoire, in Rev. nien-

suelle, 1883. - Linley et Sherrington. Nlémoire, in Jour. of phys.,

Cambridge, vol. V, n° 2. P. Schiefferdeckcr, Ueb. Deg., lieg. u. 4)-/i.

d. Rückenniark. (Arch. f. path. anal. u. phys., LXVII, p. 5r2.)- Bins-

wanger. Tngeblàtt 52. Naturf. Yersanzml., S. 379, 1879, et Arch. f. a ? lat.

u. phys., 1880, p. 435, 437. Fr.-Franck et Pitres, Gaz. zctéd., Paris,

n° 12, 20 mars 1880. Forel, Cdrresp. Bltt. f. Schw. Aerzte, n° 19,

p. 626, oct. 1880. (Anal. Rev. de llayem., XXI, 1 p. 17.) Singer.

Sitszzugsb. d. lvieit. Akad. Ilf., III, 1881, p. 390. Lowenthal. Ai-eh.

f. d. ges. phys. Bd. 31, p. 350, 1883. Schafer, Jour. of. plzys., Cam-

bridge, IV, p. 316, 1883. V. Monakow. Arch. f. psychiatrie, XII, 53b,

1882. Gudden. Corresp. Bltt. f. Schw. Aerzte II. Ferrier et Yeo.

Proceed. roy. Soc., XXXVI, n° 229, 188î. inloeli, Arch. f. psch. M.

Nerv. Krank, Bd. XIV, H. 1. 180. Charcot, Leçons sur le faisceau

pyramidal. (Prog. znéd., n° 14, 19, 20, 1879.) Brissaud. De la con-

Fonctions motrices du cerveau, Paris, 1887. (Pour l'historique de la

question : la deuxième partie de la leçon YXV1LL)

1 Brissaud (v. thèse citée) dans sa thèse confirme par ses études sur

la disposition des bandes de dégénération que présente, chez des sujets

porteurs de lésions localisées des hémisphères, la partie interne du pé-

doncule cérébral, les faits anatomiques avancés par Flechsig.

DE L'AXE CÉRÉBRO-SPINAL. 267

Si le faisceau pyramidal, l'un des éléments du système

moteur médullaire est bien isolé dans le département antérieur

de la moelle par la dégénérescence secondaire descendante,

provoquant la contracture', la corne antérieure de la moelle,

second élément du même système moteur médullaire, l'est

aussi par l'altération atrophique de ses grandes cellules

motrices qui engendre en effet constamment une amyotro-

phie', ayant toujours pour conséquence la paralysie progres-

sive. Car les cornes antérieures de la moelle paraissent être

avec les zones radiculaires antérieures (trajet intra-spinal des

racines antérieures), les seules régions de la moelle épinière

qui correspondent à la nutrition des muscles. La lésion des

grandes cellules motrices des cornes antérieures est-elle p2,i-

naitive ? Elle donne naissance, si la marche de la maladie est

aiguë, au type paralysie spinale atrophique de l'enfance (po-

' Blocq. Des contratures. Paris, 1888.

- Bien qu'il ne s'agisse ici que des amyotrophies myélopathiques, nous

pensons qu'un tableau synoptique de la division des .amyotrophies en

général, ne sera pas sans quelque utilité.

On divise les amyotrophies en quatre groupes, d'après la localisation

anatomique de la lésion destructive : dans la moelle (amyotrophies m\é-

lopathiques), aux racines rachidiennes (amyotrophies radiculaires), dans

les nerfs périphériques (amyotrophies névritiques), ou dans les muscles

mêmes (amyotrophies myopathidues). '

1" groupe. Amyotrophies d'origine nzyélopathique représentées par

les types : .'

1° Atrophie musculaire progressive spinale protopathique (type Du-

chenne-Aran).

2° Paralysie spinale atrophique de l'enfance.

3° Paralysie spinale aiguë de l'adulte.

4° Amyotrophies spinales deutéropathiques (scléroses latérales amyo-

trophiques).

5° Type scapulo-huméral de Vulpian.

2* groupe. - Amyotrophies d'origine radiculaire.

3° groupe. Amyotrophies d'origine névritique.

4" groupe. Amyotrophies d'origine myopathique représentées par les

formes : -.

lo Forme infantile de l'atrophie musculaire progressive de Duchenne

ou type facial de MM. Landouzy et Dejérine.

2° Forme juvénile d'Erb.

3° Type paralysie pseudo-hypertrophique avec ou sans hypertrophie

(\i11. Enlenher et Conheim et M. Charcot) ; Myorite interstitielle li-

pomateuse de M. Lancereaux.

4° Forme héréditaire de Leyden-Mobins ou type des membres infé-

rieurs.

268

REVUE CRITIQUE

liomyélite antérieure aiguë de l'enfance)1, ou au type para-

lysie spinale aiguë de l'adulte (poliomyélite antérieure aiguë des

adidtes)2, même maladie d'appellation différente par l'âge seul

du sujet; si la marche de la maladie est chronique, le type

atrophie musculaire progressive spinale protopathique' (type

Duchenne-Aran, poliomyélite antérieure chronique) avec ou

sans 1)aî,alysie labio-glosso-lL, ? -yigée bulbaire* se réalise.

La lésion est-elle secondaire à une pachyméningite spinale

par exemple, à une sclérose des faisceaux postérieurs, à

une myélite centrale chronique, à une hydromyélie ou syrin-

gomyélie, à une tumeur intra-spinale, à la sclérose en pla-

ques, etc., etc., elle engendre alors une amyotrophie spinale

deuteropathique (sclérose latérale amyotrophique) .

Faisceau DE l'hémianesthésie6 (dénomination anatomo-rli-

nique), ou Faisceau sensitif (dénomination physiologique).

On s'entend généralement pour regarder l'écorce grise des cir-

convolutions postérieures occipitales comme l'aboutissant d'un

faisceau de fibres centripètes, les fibres rayonnantes du fais-

ceau de Meynert. Nous suivrons les fibres sensitives dans leur

marche centripète, les prenant à la périphérie pour les con-

duire à cette zone corticale,

Dans la moelle, le faisceau sensitif forme dans sa totalité le

cordon postérieur (PL. II, fig. 3, rose). Le cordon postérieur de

la moelle est à peu près entièrement exploré etconnu parlesphy-

siologistes, et les pathologistes, contrairementau cordon antéro-

latéral où l'on peut voir une large zone presque latente, la zone

radiculaire antérieure (partie fondamentale de Flechsig). Le

' Charcot. Leçons, t. II, 1883. Leçon IX. Grasset. Traité pratique des

maladies du système nerveux. Paris, 1886, p. 429. A. d'Espine et

Picot. Manuel pratique des maladies de l'enfance. Paris, 1884, p. 365.

s Charcot. Leç., t. II. Leçon X. Grasset. Mal. dit syst. nerv. 1886, p. 441.

Cliai-cot. Lef., t. II, Leçon XI, et Progr. méd. 1885. Grasset. Mal.

du syst. nerv. 1886, p. 397'. Parisot. Th. agré. Paris, 1886. Flo.

rand Revue critique. In 4)-e/t. gén. de méd. 1886.

' Grasset.- N ? clu syst, nerv., 1886, p. 551.

8 Gombault. De la sclérose latérale amyotrophique. Th. Paris, 1877.

Florand, Th. Paris, 1886. Charcot. Leç., t. II, 1885. Leçons XII et XIII.

Grasset. Mal. du syst. ncrv., 1886, p. 418.

° Charcot. Leçons, t. I, 1880. Leçons VIII. Veyssière. Recherches

cliniques et expérimentales sur l'laénzianeslhésie de cause cérébrale. Paris,

1874, n- 379. Rendu. Thèse d'agrégation. Paris, 1875. G. Ballet,

Th. Paris, 1381. Rev. in Arcla. de Neurol. 1882, IV, 67. Art. Sensi-

bilité du Dict. Dech.

DE l'axe cérébro-spinal. 269

faisceau sensitif dans le cordon postérieur de la moelle doit être

divisé en deux fascicules distincts, ayant leur mode de dévelop-

pement propre, leur expression anatomo-clinique spéciale : un

fascicule externe (PL.II, fig. 3 ; 7), ou cordon de Burdach re-

présenté dans sa portion contiguë à la corne postérieure par

la zone radiculaire interne des racines rachidiennes posté-

rieures ou bandelettes externes des cordons postérieurs (zone

de l'ataxie), un fascicule interne (PL. II, fig. 3 ; 5), cordon ou

faisceau de Goll. Ces deux fascicules du faisceau sensitif sont

très distincts dans le cordon postérieur, chez le foetus où ils

sont séparés l'un de l'autre par un sillon apparent, le sillon

intermédiaire postérieur.

Les bandelettes externes, et le cordon de Burdach, la colonne

de Glarke et la corne poslérietcre, le cnrdon de Goll, ainsi que

le faisceau cérébelleux direct, que nous avons trouvé à la par-

tie externe et postérieure du cordon latéral, paraissent se réu-

nir en anatomie pathologique pour révéler, par l'analogie de

leur lésion et la succession presque régulière de leur atteinte

par la maladie, un système médullaire sensitif dans le dépar-

tement postérieure de la moelle, entièrement distinct du sys-

tème médullaire moteur que nous avons vu formé par les

faisceaux pyramidaux et les cornes antérieures et dont ils

représenteraient les divers éléments. Ces différentes régions

du cordon postérieur sont en effet généralement toutes atteintes

et presque toujours dans l'ordre suivant lequel nous les

énumérons par les lésions des tabès' (type : ataxie locomo-

trice progressive (Duchenne), lésions se traduisant entre

1 M. le prof. Charcot (Geç., t. II, 1885. Leçon I) établit dans la sclé-

rose postérieure «deux formes bien distinctes, lesquelles peuvent se

montrer isolées, indépendantes l'une de l'autre, ou au contraire entrer en

combinaison : » 1° la sclérose fasciculée systématique médiane ou sclé-

rose des cordons de Goll, consécutive (sclérose ascendante) ou primitive

et à symptomatologie mal déterminée; 2o la sclérose fasciculée systénaa-

tique latérale des cordons postérieurs ou sclérose des bandelettes extei,-

nes deutéropathique ou protopathique et à symptômes tabétiques.

« Celle-ci n'est autre que le substratum anatomique de l'ataxie-locomo-

trice progressive la lésion scléreuse des bandelettes latérales est le

seul fait anatomique essentiel et primitif dans l'ataxie. » Cette lésion

existe à toutes les époques de la maladie. Elle peut se trouver accom-

pagnée dans la suite par la sclérose et l'atrophie des régions voisines.

Aux douleurs fulgurantes, expression symptomatique de la localisation de

la sclérose aux bandelettes externes, succède ordinairement l'incoordi-

nation motrice, conséquence de l'élargissement en même temps en

dehors et en dedans de la bandelette scléreuse. L'anesthésie annonce

270 O REVUE critique.

autres symptomatiquement par des troubles sensitifs très mar-

qués. (Douleurs fulgurantes, etc.)

Au niveau du bulbe, les fibres centripètes qui constituent le

faisceau sensitif d'un côté s'entre-croisent avec celles du côté

opposé en un point situé au-dessus du lieu ou cesse l'entre-

croisement des fibres motrices et elles se réunissent pour for-

mer la portion sensitive ou profonde de la pyramide bulbaire

antérieure.

Dans la protubérance, le faisceau sensitif vient occuper l'é-

tage moyen (PL. II, fig. 2, rose 2). Il y est séparé parles fibres

transversales du pédoncule cérébelleux moyen, en avant, de

la portion du faisceau pyramidal qui représente dans la protu-

bérance les cordons latéraux de la moelle, en arrière de la

portion du faisceau pyramidal, qui représente les cordons an-

térieurs.

Dans le pédoncule (PL. II, fig. 1, rose) : le faisceau sensitif

répond à la partie la plus externe de l'étage inférieur'. Le

faisceau sensitif n'est pas cependant représenté uniquement

dans le pédoncule par ce groupe de fibres centripètes externes

de l'étage inférieur. D'autres fibres centripètes paraissent oc-

cuper l'étage supérieur (PL. II, fig. 1, rose) ; ce qui accroît con-

sidérablement l'étendue du territoire occupé par le faisceau

sensitif sur la coupe du pédoncule. Cette portion du faisceau

sensitif occupant l'étage supérieur siège assez exactement vers

la partie médiane de la coupe pédonculaire. Elle y est séparée

en bas de l'étage inférieur et des différents faisceaux qui le

constituent par le Locus nige ? en haut et en dedans, ce fas-

cicule sensitif répond à cette partie du faisceau pyramidal

correspondant aux cordons antérieurs prolongés de la moelle,

traversés à ce niveau par les fibres du pédoncule cérébelleux

supérieur. :

l'atrophie des cornes et des libres radiculaires postérieures; la parésie

révèle la sclérose de la zone radiculaire externe des racines rachidiennes

postérieures. Enfin, rien ne change dans l'aspect général de la maladie

quand la sclérose envahit les cordons de Goll.

' Nous avons pu voir dans l'exposé du trajet successif des faisceaux

cérébro-spinaux, qu'unmême faisceau partant en aboutissant à une région

de l'écorce cérébrale d'autant plus antérieure, occupe dans l'étage infé-

rieur du pédoncule une partie d'autant plus interne. Ainsi, le faisceau

intellectuel, né à la région cortico-frontale, se place au segment interne

du pied du pédoncule; le faisceau sensitif aboutissant à la région cor-

tico-occipitale, se place au segment externe.

- DE l'axe cérébro-spinal. 2711

Dans la capsule interne, le passage du faisceau sensitif est

nettement précisé pour les fibres du faisceau de Meynert au

tiers postérieur du segment lenticulo-optique de la capsule

interne (PL. I, fig. 6, rose) immédiatement en arrière du fais-

ceau pyramidal' en un point où toutes les fibres occipitales

se rapprochent et se réunissent pour constituer un carrefour

sensitif, analogue au carrefour moteur de la capsule, analogue

encore au carrefour de l'aphasie de Bitot.

Dans le centre ovale, le faisceau sensitif doit nécessairement

correspondre aux faisceaux occipitaux delà coupe occipitale de

Pitres (non figurée sur la planche I), puisque les fibres

rayonnantes du faisceau de Meynert se rendent à l'écorce des

lobes occipitaux.

Les fibres centripètes que nous avons vues distinctes du fais-

ceau de Meynert se rendent dans la couche optique où elles

aboutissent, se terminant dans une masse grise située en

avant et au-dessous du noyau rouge de Stilling.

De telle sorte que, dans le cerveau, les fibres centripètes pa-

raissent être de deux ordres : une partie du faisceau sensitif

atteignant la couche optique ou fibres indirectes sensitives de

la capsule interne et une partie atteignant l'écorce aux lobes

occipitaux, après avoir traversé directement la capsule sans

s'arrêter aux noyaux gris centraux ou fibres pédonculaires ou

directes delà capsule interne.

Précisons bien cependant que le siège au tiers postérieur du

segment lenticulo-optique de la capsule n'est assigné qu'au

passage des fibres du faisceau de Meynert. On tend à ad-

mettre toutefois que les fibres sensitives- qui doivent aboutir à

la couche optique occupent aussi le segment postérieur de

la capsule, que la couche optique précisément limite en de-

dans.

Enfin la zone sensitive corticale, à laquelle se rend le faisceau

est, avons-nous dit, assez mal délimitée sur l'écorce des lobes

occipitaux.

Comme pour la description du trajet du faisceau moteur on

s'est basé pour établir celle bien moins complète du trajet du

faisceau sensitif sur lesrésultats-anatomiques2 fournis par la lé-

sion causale de l'hémianesthésie sur l'étude des dégénérescences

' Veyssière. Loc. cit.

' Virenque. De l'hémianesthésie. Th. Paris, 1874, n° 93. Charcot.

Leçons, t. I, 1883.

272 REVUE CRITIQUE.

secondaires ascendantes des cordons médullaires lors d'hémia-

nesthésie de cause spinale (compression lente delà moelle, etc.)

De plus, certaines lésions de la moelle révélées en clinique sur-

tout par des troubles de la sensibilité, par ce fait même

qu'elles se limitent toujours aux mêmes cordons de la moelle

avons-nous dit, conduisent à penser que ces cordons repré-

sentent un système médullaire sensitif spécial'. Enfin, l'expéri-

mentation physiologique moins précise pour la détermination

du trajet du faisceau sensitif que la méthode anatomo-clinique

est cependant venu quelquefois confirmer les résultats obte-

nus par cette dernière.

En résumé, on a pu voir par la lecture, sur les schémas du

trajet des faisceaux de fibres conductrices centripètes ou

centrifuges dans toute la longueur de l'axe cérébro-spinal, que

ce trajet est connu dans une étendue restreinte pour quelques-

uns ; qu'il est au contraire presque entièrement déterminé pour

les autres. Les faisceaux, intellectuel de l'aphasie, géniculé sont

connus, surtout le dernier, de l'écorce cérébrale au bulbe, ce

sont les trois faisceaux cortico-bulbaires; les faisceaux moteurs

et sensitifs sont à peu près complètement décrits, surtout le

premier, dans leur trajet de l'écorce cérébrale à la moelle, ils

représentent les deux faisceaux cortico-médullaires.

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE I

Fie. I. Face externe de l'hémisphère gauche. - F. 1, F. 2, F. 3; pre-

mière, deuxième et troisième circonvolutions frontales. F. A.; circ.-

frontale ascendante. - P. A. ; cire, pariétale ascendante. P. s. ;

lobule pariétal supérieur. P. i.; lobule pariétal inférieur ou du pli

courbe. Pl. c. ; pli courbe. T. 1, T. 2, T. 3 ; première, deuxième et

troisième cire, temporales. 0. 1, 0. 2, 0. 3; première, deuxième et

troisième cire, occipitales. R. R.; scissure de Rolando. - S. S. ;

sciss. de Sylvius. S. i. p.; sciss. interpariétale. - S. p. ; sciss. paral-

lèle. - S. p. e. ; sciss. perpendiculaire externe. 2, 2 ; 3, 3 ; 4, 4; 5, 5; 6, 6;

direction des coupes préfrontale, pédiculo-frontale, frontale et pariétale

de Pitres et de la coupe horizontale de Flechsig représentées par les fi-

gures 2, 3, 4, 5 et 6 de ce schéma.

I. Aphémie (type Bouillaud-Broca). - II. Agraphie. III. Cécité ver-

bale. IV. Surdité verbale. V. Motilité du membre supérieur.

'1 Veyssière. licch. cliniq. et expér. sur l'hémianesthésie cérébrale. Th.

Paris, 1874, p. 379.

DE Laye CEREBRO-SPINALK. 2/3 3

VI. Motilité du membre inférieur. - VII. Contre cortical du grand hypo-

glosse (Facial inférieur et branche motrice du Trijumeau). - VIII. Hé-

mianopsie.

.Violet, faisceau intellectuel. Jaune, faisc. de l'aphasie. Vert,

fiiisc. géniculé Bleu, faisc. pyramidal. - Rose, faisc. sensitif. (Mêmes

couleurs pour les planches I et IL) .

rlc. 2. Coupe préfronlale gauche (Pitres). 1, 2, 3 ; première

deuxième et troisième cire, frontales. 4 ; cire, orbitaires. 5 ; cire,

de la face interne du lobe frontal. 6; faisceaux préfrontaux du centre

ovale.

rlc. 3. Coupe pédiculo frontale. 1, 2, 3; première, deuxième et

troisième cire frontales. 4 ; extrémité antérieure du lobule de l'in-

sula de Reil au fond de la sciss. de Sylvius. 5; extrémité postérieure

des circ. orbitaires. - 6 ; faisceau pétliculo-frontal supérieur. - 7; faisc.

])éd.-frontal moyen (de l'agraphie, a). 8 ; faisc. péd.-front. inférieur

(de l'aihéri21e, b). 9; l'aise, orbitaire. 10; corps calleux. 11 ;

z (grosse extrémité, antérieure). 12; capsule interne (por-

tion répondant au segment lenticiilo-strié sur la coupe horizontale de

Flechsig). 13; noyau lenticulaire.

Fig. z Coupe frontale. - 1 ; cire, frontale ascendante. 2; lobule

de l'insula (partie moyenne). 3; cire, sphénoïdales.- 4 ; faisc. fron-

tal supérieur (tractus moteur cortico crural, c). 5 ; faisc. frontal mo\en

(tractus moteur cnrlico-bracleial, d). 6; faisc. frontal inférieur (de

l'hypoglosse, etc. e). 7 ; faisc. sphénoïdal. 8 , corps calleux. 9;

njyau caudé (petite extrémité ou extrémité postérieure). 10; couche

optique. 11 ; capsule interne (genou). 12; noyau lenticulaire. -13;

cipsule externe. lt; avant-mur de Burdach.

rlc. 5. Coupe pariétale. z cire, pariétale ascendante. 2 ; ex-

trémité postérieure du lobule de l'insula. 3 ; cire, sphénoïdales.

i; faisc. pariétal supérieur (tractus moteur cortico-crural, f). - 5 ;

faisc. pariétal moyen. 6 ; faisc. pariétal inférieur. 7 ; faisc. sphe-

noltlal. 8, 9, 10, 12, 13, 11 ; comme dans la précédente figure. 11 ;

capsule interne (segment lenticulo-optique).

Fie. G. Coupe horizontale de Flechsig. a ; segment antérieur de la

capsule interne. 11; genou de la capsule. c; segment postérieur de

la capsule. 1 ; extrémité antérieure, 3 ; estr. postérieure du noyau

caiulé. - 2 ; noyau lenticulaire. 1 ; couche optique 5 ; capsule ex-

terne, G; avant mur. 7 ; section de la sciss. de Sylvius,

Fie. 7. Coupe transversale du pédoncule cérébral immédiatement en

avant de la protubérance . - 1 ; étage inférieurs 2; locus niger de

JI.CInI11C1'ritl. 3 ; étage supérieur.

PLANCHE Il

IC. 1. - Coupe des pédoncules cérébraux immédiatement au-dessus

de la protit&o'ace. 1, 1 ; étage inférieur (et les différents faisceaux

qui le constituent). 2, 2 ; locus niger. 3, 3; portion sensitive des

pyramides. 4, 't ; cordons antérieurs traversés parles libres des pédon-

cules cérébelleux supérieurs (étage supérieur). 5, 5; noyaux d'origine

des nerfs moteurs oculaires communs. 6, 6 ; coupe des tubercules

yuadrilumeaux. - 7 ; coupe de l'aqueduc de S\l\ius.

Archives, t. XVI. 18

274 Il REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

Prc. 2. Coupe de la protubérance au niveau de sa partie moyenne.

1, 1 ; portion motrice des pyramides (étage inf.) 2, 2 ; leur portion

sensitive (étage moyen). -3, 3 ; coupe des cordons antérieurs prolongés

de la moelle (étage sup.). , 1 ; grosso racine de la cinquième paire.

5, 5; libres transversales formant par leur réunion les pédoncules

cérébelleux moyens.

FIG. 3. Coupe de la moelle immédiatement au-dessous du renfle-

ment brachial. 1, 1 ; cordon de Turk ou faisc. pyramidal direct

(Flechsig). 2, 2; faisc. pyramidal croisé (Flechsig). 3, 3 ; corne an-

térieure. 4, -1 ; zone radiculaire antérieure (Pierrot) ou partie fonda-

mentale (Flechsig). 5, 5; cordon de Goll. 6, G; bandelette externe

du cordon postérieur ou zone radiculaire interne des racines rachidien-

nes postérieures. 7, 7 ; cordon de BLii,(Iacli. - 8, 8; corne posté-

rieure. 9, 9; colonne de Cliti-lie. 10, 10; faisc. cérébelleux direct.

FiG. 4. Tracé schématique du nzésocéplrale et de la moelle cervicale

(face latérale) pour montrer la terminaison des faisceaux cortico-bul-

baires. A; pédoncule. B; protubérance. C; bulbe. D; moelle,

cervicale. - a, a ; b, 1) ; e direction des coupes représentées par les

ligures 1, 2 et 3 de cette planche. 1, 2, 3 ; pédoncules cérébelleux sup.

moy. et inf. - t; locus niger. Emergence de la racine motrice du

trijumeau. 6; facial. 7; grand hypoglosse. 8 et 10; pyraumle

antérieure et postérieure du bulbe. - 9; olive. 11, 12, 13; cordons

antérieurs, latéraux et postérieurs. 14, 15 ;sillons collatéraux antérieurs

et postérieurs 10; renflement brachial, 17; commissure blanche

formée par rentre-croisement des cordons ant3rieurs.=1S; lieu d'entre-

croisement des cordons latéraux et des cordons postérieurs.

REVUE DE MEDECINE LEGALE

I. UN cas de SIMULATION d'idiotisme; par M. Guinsciiso ? 4.

(Archives de Psychiatrie, Kharcow, 1886, L. VU ! , 1105 1 et 2.)

Dans la maison d'aliénés de la ville de Koursk fut placé, au

mois de mai 1885, un jeune soldat pour subir un examen

médical. Les médecins du régiment n'ont pu se prononcer

d'une façon catégorique, si le jeune homme dont il s'agit et qui

répondait d'une façon incohérente à toutes les questions qu'on lui

posait était oui ou non idiot. La chose pourtant élait bien facile.

L'examen physique n'a donné aucun des signes qu'on trouve si

souvent chez les dégénérés, et le système nerveux était absolument

indemne de toute affection aussi bien héréditaire qu'acquise.

A côté de cet état physique, l'état mental se caractérisait par une

apathie profonde et se manifestait par l'attitude suivante : les

membres et le tronc étaient à l'état de légère flexion, et la tête

REVUE DE MEDECINE LEGALE. 275

était courbée de façon que le menton touchait la fourchette ster-

nale ; on était obligé-de le nourrir; ses paroles, quoique très nettes

étaient absolument incohérentes et quand on lui demandait

son nom, par exemple, il répondait : » Les chevaux sont beaux...»

Il était facile de démontrer que la demi-flexion des membres était

factice; on sait, en effet, que chez les vrais idiots, la flexion des

membres est la conséquence d'une insuffisance d'innervation des

muscles extenseurs qui s'atrophient à la suite d'une inaction pro-

longée; or, le système musculaire du sujet observé était absolu-

ment normal. D'autres considérations physiologiques ont démon-

tré que la flexion de la tête était également un acte volontaire.

Restait la prétendue incohérence de la parole. Il a suffit démet-

tre le sujet dans la section de gâteux, et le lendemain même,

il a demandé au médecin en chef de le placer ailleurs, en disant

que l'odeur de la salle lui était insupportable : il tenait cette

fois la tête et le tronc bien droits et parlait très raisonnablement.

J. RoUBtKOYITCU. '

II. Incendie commis par une hystérique rN état de désordre, D'EN-

CHEVÊTREMENT sensoriel transitoire; par W. ST1ll&. (ILJ. Zeitsch.

f. Ps,ych., lLlIl, 3.)

Tare héréditaire, hypéresthésie psychique, hystérie chronique,

(dysménorrhée, ovaie, céphalalgie, agrypnie, dyspepsie). Carac-

tère, intelligence et humeur des hystériques avec accès transitoires,

de désordre, de confusion dans les idées et des sens. Ces accès, qui

peuvent apparaître d'emblée après les règles, sont souvent provo-

ques par des émotions (émotivité pathologique). Ils ont pour pro-

dromes : de l'augmentation de la céphalalgie, de l'excitabilité, de

l'agitation avec angoisse, et sont d'ordinaire proportionnels à

l'intensité des causes provocatrices. On constate, à la période

d'acmé de l'accès : de l'obnubilation de la connaissance, des

rêvasseries, de la sommation, des troubles de la perception avec des

hallucinations; l'accès est suivi de lacunes du souvenir. Le délire

ne sépare pas complètement la malade du monde extérieur; c'est

pourquoi elle avait conçu le projet de se brûler elle-même. P. K.

III. Sur les violences commises par les épileptiques, par

G. ECHEVERRIA. (The Journal of ille71lal Scieizee, avril 1885.)

Dans ce long et substantiel mémoire où se trouve discuté

avec beaucoup de soin et de compétence un des points les plus

intéressants de la médecine légale des aliénés, l'auteur s'est pro-

posé de rechercher, d'après des données positives : 1° si le

trouble mental qui accompagne les attaques d'épilepsie exclut

l'existence de toute animosité dans un acte quelconque de vio-

276 G revue d'anatomie pathologique.

lence pnst-épileptique; 2° s'il est vrai que dans les cas les plus s

nettement accusés de manie épileptique, on constate générale-

ment l'absolu défaut de tout motif ou de toute cause de que-

relle. M. Echeverria a lui-môme résumé son travail dans les

conclusions suivantes :

« Il n'existe aucune différence essentielle entre les impulsions

automatiques soudaines qui apparaissent après une attaque ordi-

naire d'épilepsie et celles qui sont exécutées par un fou épilep-

tique durant un paroxysme frénétique. Dans un cas comme dans

l'autre, on trouve, à l'origine de l'acte, un état psychique sem-

blable; dans un cas comme dans l'autre, la violence est automa-

' tique. »

« Les actes impulsifs soudains, qui se rapportent aux manifesta-

tions psychique de l'épilepsie révèlent très souvent dans une exé-

cution automatique un dessein logique prémédité, ainsi qu'une

délibération que l'on peut reconnaître même dans les opéra-

tions intellectuelles coordonnées qui accompagnent le déve-

loppement de l'accès, et cela dans les cas où l'on pourrait au

premier abord supposer l'absence complète de motifs; d'autre

part, l'explosion et la violence inconsciente n'est pas, il s'en faut

de beaucoup, assez brusque ou instantanée pour rendre comme on

l'a généralement cru'jusqu'ici, toute délibération impossible.

« Les explosions de violence des épileptiques sont fréquemment

comme la manifestation psychique d'attaques inaperçues de petit

mal, pouvant aisément aboutir à des catastrophes criminelles, et

présentant par conséquent une importance clinique et médico-

légale de la plus haute valeur. » .

« Les épileptiques ne peuvent être tenus pour responsables d'au-

cun acte de violence accompli durant leur automatisme incons-

cient ; car ils n'ont eu ni le pouvoir de contrôler, ni la capacité

d'apprécier de pareils actes. R. M. C.

BEVUE 1 D'ANATOMIE PATHOLOGIQUE

I. LÉSIONS DE LA MOELLE l;PINI1 : RE CHEZ L'HOMME DANS L'IN-

TOXICATIOX arsenicale AIGUË ; par M. Poiorr. (Medizinskoë

Obo,-2,é711é. Revue médicale, n° 24, t. XXYIII. Moscou, 1886.)

Il s'agit d'un nommé K..., âgé de vingt-six ans, qui a été

amené à l'hôpital de Marie, à Saint-Pétersbourg, le 15 décem-

REVUE D'ANATOMtE PATHOLOGIQUE 277 -i

bre 1886, avec tous les signes caractéristiques d'une intoxica-

tion arsenicale aiguë. Le 16 décembre il meurt. Nous repro-

duisons ci-dessous le protocole de l'autopsie pratiquée le

18 décembre.

Le cadavre est d'une taille et d'une constitution moyennes.

Sur la région dorsale, on aperçoit des taches pourpres cada-

vériques. ,

Les os du crâne, ainsi que les enveloppes du cerveau ne

semblent présenter aucune altération pathologique. Le tissu

cérébral est anémié; les cavités des ventricules latéraux con-

tiennent une quantité modérée d'un liquide séreux. ,

Le sommet du poumon droit adhère à la cage thoracique,

mais son tissu, de même que celui du poumon gauche, est par-

tout perméable à l'air.

Le coeur, recouvert d'une masse considérable de tissu adipeux

est augmenté de volume. Le ventricule droit est dilaté; dans la

cavité ventriculaire gauche, on trouve des caillots bruns et

compactes; les parois de ce ventricule sont épaissies et présen-

tent à la coupe une coloration jaunâtre; les valvules sont

saines.

Le foie est gras ; sa capsule est resplendissante, lisse ; le tissu

hépatique présente une couleur jaunâtre et crie sous le couteau.

La cavité stomacale contient les trois quarts d'un verre

d'un liquide trouble de couleur verdàtre. La muqueuse est

friable, elle présente par places de petites extravasations. ,

Le gros intestin et l'intestin grêle sont remplis de matières

fécales; leur muqueuse ne parait pas malade. La rate pré-

sente un volume normal; son tissu est compacte.

Les deux reins sont d'un volume moyen ; leur couche corti-

cale est hypérémiéo; la capsule s'enlève facilement. La

vessie contient un peu d'urine.

La moelle épinière frappe par la mollesse de son tissu et

par la couleur rouge intense de la substance grise dont les con-

tours s'aperçoivent à l'oeil nu.

.Immédiatement après l'autopsie, on a placé la moelleépiniôrc

dans une solution de 2 p. 100 de bichromate de potasse où elle

est restée pendant cinq mois.

L'examen ultérieur fait sur les coupes transversales prati-

quées à des différentes hauteurs de la moelle permet d'affirmer

l'existence de phénomènes pathologiques de deux sortes. Ce

qui frappe tout d'abord, ce sont les modifications dans le sys-

278 8 revue d'anatomie pathologique

tème vasculaire : les petits et les grands vaisseaux et surtout

les veines sont très dilatés et remplis do globules sanguins; à

côté de quelques-uns de ces vaisseaux et surtout dans les por-

tions cervicale et dorsale de la moelle, près du canal central,

ainsi que dans le domaine des cornes postérieures et des cor-

dons blancs latéraux, on observe des foyers hémorrhagiques

de grandeur variable et quelquefois assez étendus. De plus, au

niveau du renflement cervical, près des veines centrales, on

trouve des masses d'un exsudat plasmatique qui infiltre lo

tissu fondamental entourant le canal central oblitéré ; des amas

de cet exsudat s'interposent dans les intervalles entre les élé-

ments du tissu sous-jacent. Quant aux cellules nerveuses de la

' moelle épinière, une grande partie n'a subi aucune modification

pathologique apparente, mais on rencontre assez souvent des

cellules avec un protoplasma granuleux d'un aspect trouble,

dans lequel il est impossible de distinguer le noyau; leur

forme est arrondie; elles sont complètement dépourvues de

prolongements, ou à peu près; les cellules de ce type se ren-

contrent principalement au niveau des cornes grises posté-

rieures. Un phénomène plus rare est représenté par des

cellules nerveuses qui se distinguent par un protoplasma fine-

ment granuleux, se colorant faiblement par le carmin, par leur

noyau qui est conservé et se présente avec des contours bien

tranchés, par leur forme arrondie, résultant de l'absence à peu

près complète do prolongements.

Les cellules de ce type se rencontrent seulement dans les

groupes des cornes antérieures ; parfois, on peut observer dans

leur protoplasma des vacuoles arrondies de grandeur variable

qui d'ailleurs se trouvent plus souvent dans le corps de cellules

qui ne présentent pas d'autres modifications. Il faut cependant

dire que, d'une façon générale, les cellules munies de vacuoles

se rencontrent très rarement dans le cas actuel.

En comparant ces lésions avec celles qu'il avait constatées

antérieurement' chez les chiens empoisonnés par l'acide arsé-

nieux, l'auteur arrive à cette conclusion que le tableau macro-

scopique et les détails microscopiques de l'examen de la moelle

épinière sont dans ces deux cas absolument identiques. Cette

identité dans les résultats anatomo-pathologiques, dit M. Po-

pofr, permet d'affirmer, avec plus de certitude encore, que la

1 Matériaux pour servir il l'étude sur la « myélite aiguë d'origine

toxique» 1882, ainsi que in ll'irclrow's lrchio. 1883. fit). 93.

REVUE D'ANATOMIE PATHOLOGIQUE 79

moelle épinière présente dans l'intoxication arsenicale un

ensemble de modifications pathologiques ressemblant à celles

que la plupart des auteurs contemporains décrivent comme

appartenant en propre à la myélite aiguë.

Quant aux altérations du système nerveux périphérique sur-

venues à la suite d'une intoxication de ce genre, l'auteur

avoue n'avoir trouvé sous ce rapport aucune donnée en anato-

mie pathologique, jusqu'à présent du moins; il croit qu'en ne

prenant en considération que les lésions de la moelle épinière

seule, on peut parfaitement bien expliquer la plupart des symp-

tômes nerveux si fréquents et si variables qu'on observe dans

le tableau clinique de l'intoxication arsenicale aiguë ou chro-

nique'. J. ROUBINOV1TCH.

IL Contributions A l'étude SYSiPT011fATOLOGIQUE DES LÉSIONS

de la protubérance; par le professeur MiERZEJEwsKY et le

privat-docent Rosenbach. ( (le Messager de psy-

chat7,ie), de M. le professeur Mierzejewsky, '1885, 1.1.)

M. Ch..., âgé de trente-quatre ans, présente une paralysie

faciale droite totale (supérieure et inférieure) et une déviation

conjuguée des yeux. Pas de paralysie des membres supérieurs

ni inférieurs. Abolition des réflexes rotuliens. Exagération de

la contractilité galvanique des muscles de la face du côté para-

lysé. Déviation en dedans de I'oeil droit, secousses convulsives

fréquentes en haut. Impossibilité absolue de porter l'oeil en de-

hors. Conservation des mouvements de l'aeil gauche en bas,

en haut et en 'dehors. Parésie du muscle droit interne, les

mouvements du globe oculaire en dedans ne dépassant pas la

ligne médiane. La paralysie du muscle droit externe, ainsi

- que la parésie du muscle droit interne gauche s'observent

1 Indications bibliographiques : Lancereaux. Paralysies toxiques. Gazette

des hôpitaux, 1883, n° 40. AliHs. Arsenical paralysis. Boston Med. a)ta'.

surg. Journal. Mardi 15, 1883. Scolozouboff. Paralysie arsenicale

(,I),ch. de Physiologie, 1881, n° 7; Gazette Mect. de Paris, 1875, n" 31, 32,

et in Arch. de Physiologie. 1875.) Kreissig. Uebeu die l3escla/Jizlteit des

Ituckenmarks bés Ka ? iiiicheit ii ? ed llundeji naclz Phosphor 24jid ai-senik-

vergiftung nebst Untersuchungcn ueber die normale strttctttr e.<seMen.

Il'ii-chow's Arch. 1885, Btl. 102, Il. 2.) Richard Schnliz. Ueber ai-lifi-

cielle, cadaverôse nnd paihologische J'eiaiide,ii ? ige2 des liuckentuaoks.

Neurolog. Central., 1883, n" 23. Hosenhach. II'ralclt, 1SS, n" 51.

l'ecl.cr. Wcstmik l'sykliiatris, 1886.

280 REVUE d'anatomie pathologique

aussi bien dans la vision binoculaire que dans la vision mono-

culaire. Egalité pupillaire neuro-rétinite double à l'examen

ophthalmoscopique.

L'affection, au dire du malade, aurait débuté par de violents

.maux de tête, accompagnés de vomissements fréquents, surve-

.nant à la suite ou indépendamment des repas. Il y a un mois

brusquement seraient survenues la paralysie faciale et la dé-

viation oculaire. Par moments, étourdissements et diplopie.

Pas d'alcoolisme, pas de syphilis. Le malade succombe à

une pneumonie chronique.

A l'autopsie, on constate une tumeur gliomateuse, sphéri-

.que de deux centimètres de diamètre, riche en vaisseaux et en

foyers de dégénérescence caséeuse siégeant à la partie supé-

rieure de la moitié droite de la protubérance, faisant saillie

sur le plancher du quatrième ventricule, rejetant à gauche la

tige du calamus et les parties susjacentes. Processus inflam-

matoire chronique au voisinage de la tumeur.

N. SIiWORTZOFF.

III. Contribution A l'étude des dégénérescences du r(UI3 ? N' de

REIL; par P. MEYER. (Arch. f. Psych., XVII, '2.)

Observation unique, particulièrement intéressante à ce titre.On

voit, entre autres lésions, une dégénérescence ascendante du ruban

' de Reil, consécutive ci un foyer bulbaire et prouvant, par conséquent,

.l'existence de fibres trophiques ascendantes issues des faisceaux

- grêles et cunéiformes de la moelle (fibres arciformes se dirigeant

dans le ruban de Reil du côté opposé). Le ruban de Reil contient

donc, entre autres systèmes de fibres, des fibres issues du cordon

postérieur du côté opposé; il peut donc, par suite de sa com-

'plexité, selon les systèmes de fibres interrompus, détruits par une

altération, subir, comme dans ce cas, la dégénérescence ascen-

dante, ou, dans d'autres conditions, la dégérescence descendante.

P. K.

IV. SOFA un CRANIO DI LADRO; par le DI Giuseppe ÂMADEI.

Le crâne dont l'auteur donne la description et dont la figure

.est jointe à la fin de sa brochure, est celui d'un voleur ayant

subi de nombreuses condamnations et mort dans les prisons

'de Modène. Ce crâne a attiré l'attention par sa singularité

qui mérite vraiment d'être décrite et dessinée. Ce qui rend ce

crâne intéressant, ce sont ses caractères régressifs et patholo-

.REVUE D'ANATOMIE PATHOLOGIQUE 281

giques. Considérés soit isolément, soit pris dans leur ensemble,

c'est qu'ils représentent le type de ceux dont l'anthropologie

criminelle a signalé la fréquence et le caractère propre dans

les crânes des criminels. Quoique la distinction entre les carac-

tères négatifs et pathologiques ne soit pas facile, on pourrait

cependant désigner comme appartenant plus particulièrement t

'1" aux caractères régressifs : la dolicocéphalie très exagérée,

la disposition simiesque des lignes temporales, le développe-

ment disproportionné de la face et spécialement de l'arcade

sourcilière ; 2° aux caractères pathologiques : l'épaisseur et

la sclérose crâniennes, la solidité des sutures, la petitesse

générale de la tète.

- On peut ajouter que ce crâne est dans un excellent état de

conservation, mais incomplet; il lui manque la plupart de ses

dents, des os des fosses nasales et de la moitié droite de la

mâchoire. Il est coupé verticalement en deux parties égales.

En examinant la légère usure des molaires, on peut lui donner

trente-cinq ans environ. Il a appartenu à un individu mâle,

très robuste et musculeux..

On voit de suite que ce crâne fut celui d'un individu qui,

s'il était un criminel persévérant, dut être aussi imbécile ou

.au moins à moitié imbécile, ce que démontre la petitesse

générale de la tète, mais plus particulièrement la petitesse

-véritable et propre du front. Paul BLOC(,.

V. Contribution AU. connussance de L1 névrite infectieuse

ai g en \II : LTILOCUL.\llll ? parla. RoSE'UEtM. (r7'(')t61. f. Psych.

xviii, 3.)

Observation d'une affection desnersspériphériques éclose chez un

tuberculeux et l'ayant tué en dix-sept jours. L'autopsie révèle une

intlammation aiguë des gros troncs nerveux avec hémorrhagies

interstitielles; faible lésion du parenchyme. Intégrité des nerfs,

du cerveau et de la moelle au-dessus des parties atteintes; au-

dessous, quelques altérations dansle tissu interstitiel ; intégrité des

rameaux intermusculaires. Atrophie dégénéralive des muscles en

rapport avec la manifestation clinique de la réaction dégénéralive

partielle. Les deux sciatiques présentent des perles de substance

du parenchyme probablement congénitales absolument indépen-

dantes de la névrite récente. Les colonies microbiennes des pou-

mons tuberculeux ont infecté les nerfs non pas de leur substance

môme, mais de leurs produits de combustion organique (ptomai's

loxico-infeclieuses) ; telle est l'opinion de M. Itoseuhcim. I'. fi.

282 REVUE D'ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

VI. Contribution .1 la Pathologie ET A L'ANATOLE pathologique

DE L\ PARALYSIE AIGU1; COMPLÈTE (ALCOOLIQUE) DES MUSCLES DES YEUX.

(Polio-encéphalite aiguë supérieure de Wernicke) ; par R. TuomsrN.

IAz·clc. . Psych. XIX. 1.)

Deux observations avec nécropsies, de paralysie aiguë des

muscles des yeux ayant surtout porté sur les muscles extrinsèques

du globe : intégrité des sphincters pupillaires, des muscles

accommodateurs, des élévateurs des paupières supérieures, en un

mot oplalkalmoplégie nucléaire externe de illcczulcczer (malgré la len-

teur de la réaction pupillaire), à forme aiguë, complète ou presque

complète. La rigidité pupillaire ou le ptosis en de semblables cas

ne renverse pas le diagnostic clinique, pas plus que ces manifesta-

lions ne permettent de supposer l'existence de processus ana-

logues mais d'un autre genre. Durée de la maladie : 12 à 20 jours.

Symptômes simultanés psychopathiques et parétiques en rapport

avec l'imprégnation alcoolique. l'autopsie décèle l'altération des

noyaux d'origine des nerfs crâniens correspondants, dans les

conditions que voici. C'est, dans la première observation, surtout

le plancher du quatrième ventricule qui, principalement sur le

territoire du noyau de l'oeulo-inoteur commun,' est atteint d'hy-

pérémie avec hémorrhagies capillaires de plus en plus profuses

et intenses à mesute qu'on monte. Dans le second cas, hypérémie

sans hémorrhagie mais avec hyperplasie vasculaire considé-

rable dans le domaine des noyaux mêmes de l'oculo-moteur

externe, de l'oculo-moteur commun, du pathétique, de l'hypo.

grosse, noyaux des plus dégénérés. p. Ici.

Vil. UN CAS DE GOMME DE L\ \. BASE DU CERVEAU AVEC LÉSION DU CHIASMA

des nerfs optiques; par E. SIE.)irRLI.IG. (Arch, f. Psch.,

xix, 2.)

Longue et complète observation. Le néoplasme avait totalement

englobé et transformé la bandeletle optique gauche sur toute son

étendue, y compris les corps genouillés et le pulvinar. Infiltration

syphilitique au coeur de la bandelette droite, du chiasma et des

deux nerfs optiques surtout à gauche ; atrophie commençante.

Seul un trousseau de fibres a échappé à la destruction et présente

sa continuité normale; il occupe le N. 0. droit, passe dans la

bandelette optique, et se retrouve dans la moitié droite du

chiasma. L'étude clinique avait révélé : à gauche, une amau-

rose totale; à droite, de la diminution de l'acuité visuelle, une

liéminnopsie temporale marquée. De ces constatations, l'auteur tire

ce qui suit :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 383

« Les fibres qui vont innerver la partie temporale de la rétine, c'est-

« à-dire en réalité les libres du trousseau non entre-croisé occupent la

.. région latérale du tronc du nerf optique; la plupart d'entre elles occu-

« peut la plus grande partie de la périphérie de ce tronc. Dans l'orbite,

« elles se dirigent plus en bas, et plus elles gagnent le centre, plus elles

« prennent le plan externe. Dans le chiasma, voila le faisceau non entre-

« du chiasma, il gagne graduellement la face dorsale du chiasma, pour

« la portion postérieure de ce dernier. llais, dans la Landelette, le fais-

« ceau non entre-croisé occupe une situation centrale et n\irri\e point

PL ? 1'il)llérie. » P. Keiuval.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ \IGDICO-l'S1'CIIOf.OGIQUC

Séance du Tj juin tSSS. Présidence DE 11. Cotard.

Présentations de malades. M. Bux présente deux paralytiques

généraux dont la maladie reconnaîtrait comme causes : pour le

premier, la peur occasionnée par la foudre dont il aurait subi une

sorte de choc en retour ; pour le second, une section accidentelle

du nerf cubital. Une troisième maladie présentée par AI. Bail est

une femme d'une trentaine d'années, qui, frappée de vertiges épi-

lepliques, accomplit, consécutivement à cesverliges, des actes im-

pulsifs dont elle a parfois conscience.

M. croit voir dans celle dernière malade une impulsive

ordinaire conservant, suivant la règle, le souvenir de ses impul-

sious, mais sujette à des vertiges, sous t'influence desquels se pro-

dumeut alors les impulsions inconscientes.

M. BLL pense que toutes ses impulsions sont liées au morbus

sacer, car le délire d'action de sa malade est toujours précédé de

la même phrase : « Ah ! mon Dieu, lâchez-moi ! », qu'elle conserve

ou non le souvenir de ses impulsions.

Du délire chronique (suile de la discussion). M. R ? D 0,'Z de

284' SOCIÉTÉS SAVANTES.

Montyel s'excuse d'intervenir dansladiscussion, alors que le sujet

semble épuisé. N'appartenant à aucune école, il s'est fait une opi-

nion par l'étude même des pièces du procès et l'examen direct

des malades. Il pense que les arguments contradictoires qui ont

été exposés font à chacun un devoir de rechercher la vérité. Jus-

qu'ici, dit-il, deux points importants ont été négligés : le caractère

habitue] des malades, qui joue un grand rôle dans leur délire et

aussi leur dissimulation, qui est très fréquente à la troisième pé-

riode. Le fait que tous les orateurs ont reconnu avoir observé des

aliénés traversant les quatre périodes, est la preuve de la synthèse

de M. Magnan et les objections n'ont pu que restreindre cette syn-

thèse sans la renverser. Ces objections sont au nombre de cinq :

10 Objection de M. Rail d'après lequel la synthèse ne peut exister,

parce qu'elle serait basée sur la seule évolution du délire, base qui

ne suffit pas tt créer une entité morbide. On pourrait répondre

que la synthèse n'est pas basée sur la seule évolution du délire,

mais sur J'apparition nécessaire de symptômes différents consti-

tuant un ensemble spécial et typique. La longue durée de chaque

période tient à la longue évolution de toute folie quelle qu'elle

soit. D'ailleurs, il en est de même de l'ataxie locomotrice dont le

diagnostic se fait plusieurs années avant la confirmation de la ma-

ladie. L'anatomie pathologique, faite dans ces temps derniers seu-

lement, est venue plus lard donner raison à Trousseau et à Du-

chenne. 20 On peut observer le délire des grandeurs d'emblée

sans qu'il ait jamais été précédé d'aucune idée de persécution.

Les idées de persécution et de grandeur se rencontrent, en effet,

dans une foule d'états vésaniques, mais le délire systématisé de

grandeur est toujours précédé d'un délire systématisé de persécu-

tions. L'analyse critique de tous les cas apportés aux débats prouve,

au contraire, le bien fondé de celle assertion. 3° Il existe, dit-

on, des persécutés qui ne deviennent jamais ? iz-jgaloîi2ancs. - Il faut

tout d'abord écarter les malades, qui n'ayant pas à proprement

parler d'idées de grandeur, ont, de l'optimisme, une opinion exa-

gérée d'eux-mêmes, la certitude d'être méconnus en même temps

queviclimes,car ce sont ausi des mégalomanes à leur façon. Sans

aller jusqu'à penser comme M. Briand que ceux qui meurent sim-

plement persécutés seraient peut-être devenus ambitieux, s'ils

eussent vécu plus longtemps, il faut reconnaître avec lui que les

délirants chroniques avouent à l'entourage bien moins facilement

leurs idées de grandeur, qu'ils ne parlent de leurs persécutions.

D'ailleurs, les rares persécutés qui resteraient toujours et rien que

persécutés, ont leurs analogues dans la clinique générale.

4° On a aussi objecté l'obscurité de la genèse des conceptions ambi-

lieuses. Les délirants chroniques ont dès leur enfance les germes

de leur future maladie. Ils sont méfiants et orgueilleux. Il est de

règle en médecine mentale [que toutes les folies mentales coin

SOCIÉTÉS SAVANTES. 283

mencent par de la dépression, c'est pourquoi la phase lypéma-

niaque ouvre toujours la scène, mais le sentiment orgueil du ca-

ractère antérieur persiste et c'est lui qui, subissant l'action du

délire des persécutions, tous les deux réagissant l'un sur l'autre,

va lentement, sournoisement se développer, grandir, amener l'es-

prit à une modalité psychique, telle qu'il suffira d'une circons-

tance fortuite, d'un mot entendu ou de la lecture d'un « fait di-

vers » pour déterminer une explosion de conceptions délirantes

de grandeurs, explosion qui semblera soudaine, spontanée, alors

qu'elle aura été préparée par un travail antérieur de plusieurs an-

nées. Si l'aliéné entend une voix qui l'appelle saint ou fils de roi,

il ne se doutera pas que cette voix n'est que l'écho d'une méta-

morphose profonde de son être. Le délire chronique étant ainsi un

développement d'un caractère, il peut se rencontrer chez des hé-

réditaires ayant des stigmates physiques de dégénérescence.

5° Le délire des persécutions pourrait se terminer par la démence

sans passer par la mégalomanie. Les membres de la Société

n'ont apporté aucun fait personnel. On a invoqué un cas de La-

sègue, mais à cette époque, la synthèsedudélire chronique n'étant

pas connue, il n'y a rien d'étonnant à ce que la période ambi-

tieuse soit passée inaperçue. Quant aux deux malades de M. Mai-

ret, l'un était malade alcoolique et l'autre a éprouvé, au dire

même de l'auteur, une modification complète de sa manière d'être

avec idées religieuses. Ke serait-ce pas une mégalomanie mystique ?

Le terme de délire chronique mérite toutes les critiques qui lui ont

été adressées. La dénomination la meilleure est celle proposée par

M. Garnier : Psychose systématique progressive, ou mieux encore

psychose systématique, car tout délire systématisé est forcément

progressif.

11. h'.1LL. La discussion se trouve arrivée à ce degré qu'eu ma-

thématique on appelle les quantités irréductibles. Il est impos-

sihle maintenant d'en retirer quoi que ce soit de nouveau.. Je crois

dans ces conditions que ce qu'il y a de mieux à faire est de se

recueillir et d'attendre des faits nouveaux pour entrer dans la lice.

Je propose à la Société de mettre en discussion le projet de clas-

sification des maladies mentales.

M. PALRET fait remarquer que son père avait déjà indiqué que

le délire des persécutions, loin d'être immuable, pouvait se trans-

former. demande à la Société de continuer la discussion par

l'étude des différentes formes de la mélancolie. MARCEL Briand.

28G SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONCISES ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ DES MEDECINS

ALIÉMSTES ALLEMANDS.

Session de Franceort 1887 1.

Séances des t7 et 18 seon'f.rre ? Hce de M. Ltrnn.

La Société a perdu pendant l'année qui vient de s'écouler

MM. Richarz (d'l : ndenich), Loechner (de Un té-

légramme du doyen des aliénistes allemands, de M. IIERGT,

apporte à l'assemblée les salutations de ses collègues d'Illcnau.

Les deux membres du bureau sortant, 11\I. V'ES1'I'IL1L et hCL11.1N

sont réélus. Apuration des comptes de M. Sciiuele, trésorier.

AI. Bww.wcFa. D, : l'état actuel des recherches relatives ci l'hypno-

tisme. D'après ses investigationspersonnelles, l'état d'hypnotisme

produit par Braid et (leidenhain sur des individus sains et par

Charcot chez des hystériques, résulte de manoeuvres d'ordre phy-

sique. M. Binswanper n'a cependant pu retrouver constamment

les signes de Charcot. L'hypnose par suggestion de Liébeault et

Bernheim se traduit par des états de sommeil tout spéciaux dans

lesquels le sujet se montre exagérément accessible à tous les

accidents hypnotiques provoqués par la même méthode (catalep-

sie, contractures, paralysies, hallucinations). Quant à la sugges-

tion pendant l'état de veille, elle n'est possible que chez certains

sujets, privilégiés entraînés, et ne possède pas cette portée que

Cernheim et autres lui attribuent; la continuation des phéno-

mènes après que l'hypnotisme a cédé n'a pas non plus une aussi

grande valeur. On a eu tort de mélanger les procédés de Braid.

Charcot, Liébeault; on a ainsi embrouillé les modalités de t'hypno-

tisme. En ce qui concerne l'hypnotisme chez les aliénés, M. Bins-

wanger est parvenu à produire des formes d'hypnotisme abortif

très originales, consistant en une somuiatiou,nuesurémotivité pas-

sionnelle, avec délire hallucinatoire, flux de conceptions pressées

et incohérentes, actes impulsifs. L'hypnotisme peut provoquer une

exacerbation de la folie systématique hallucinatoire aiguë, par

exmple une nouvelle poussée de cette maladie chez les convales-

cents. Une faudrait donc pas en faire une panacée, puisqu'en réalité

elle transforme un nervosisme lalent en un état neuropalliique

et psychopathique grave qu'elle peut implanter à jamais et que,

1 Voy. Arch. de Neurologie, t XIII, p. 't28.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 1287

silos pratiques hypnotiques niitigent ou font disparaître passagè-

rement certains accidents ncuropathiquos, jamais elles ne guériront

la maladie fondamentale.

Discussion : 11. Preyer. Faisons beaucoup d'expériences avec

l'hypnotisme chez les sujets sains comme chez les aliénés et pre-

nons beaucoup d'observations. C'est un- procédé d'analyse physio-

logique incomparable, supérieure la vivisection et à Hypnotisme

animal, puisque l'animal ne peut parler. La France nous menace

sur ce sujet d'exagération.

AI. OBI : IiSIEt\I : Ii. L'hypnotisme à petites doses, celui qui constitue

une sorte de phase de transition entre l'hypnose et l'état normal

est celui qu'il faut choisir pour l'élude physiologique. On peut

ainsi calmer des agités d'une façon permanente. Enfin les psychia-

tres n'ont pas le droit d'ignorer cette question dont les magistrats

se préoccupent.

11111. Gn.sn ? Binswanger, Mesciiede, Kaiirer, de Lcdwiger.

La suggestion après l'hypnose est-elle réelle ? Et d'abord quel est

l'état de la mémoire et du souvenir chez un hypnotisé ? Tantôt

l'individu qu'on vient d'hypnotiser se souvient de ce qui s'est

passé pendant qu'il dormait, tantôt il n'a conservé qu'un souvenir

partiel, tantôt il ne se rappelleahsolumcntrien,exactemenlcomme

dans les cas d'obnubilation, de stupidité épileptiques. On a pu,

chez une personne incrédule, produire en l'hypnotisant une para-

lysie de la parole et même nue paralysie généralisée persistant

pendant un certain temps au réveil, qui cependant se dissipe bien-

tôt. Mais il est impossible d'hypnotiser les gens contre leur volonté,

même pour la première fois. AL Siemerling insiste sur ce fait qu'à

la Charilé de Berlin, chez les hystériques ou les hystéro-épilepti-

tlties hypnotisés, il n'en est qu'un petit nombre ayant révélé les

deux stades de Charcot et leur dérivation l'un de l'autre. L'hypno-

tisme coupe admirablement l'agitation délirante avec désordre

dans les idées de l'hystérique, mais ne peut modifier les agitations

d'une autre nature. Au fond, il faudrait le déconseiller (13t-sw,%,N-

G £ ti)coiiiiiie agent thérapeutique chez les aliénés, et ses résultats ne

seraient que temporaires et partiels chez les individus sains. Il

est malheureusement impossible d'en doser, d'eu calculer les

effets. Il fautse garder d'en faire usage devant le personnel ouïes

aulres malades pour des raisonsfaciles à comprendre (Gn.sttEV).

M. JOLLY. De l'atténuation de la responsabilité. (Publié in extenso'.)

Discttssioat : 11. Awor. La liberté de la détermination volontaire

est toute relative. On ne sait en réalité rien de certain sur celle

question de la volition. C'est de la question de la réflexion au

' Voy. 1(evties analytiques.

288 SOCIETES SAVANTES.

moment de l'acte incriminé que doit décider le médecin. Les no-

tions de responsabilité, d'irresponsabilité, de responsabilité miti-

gée sont du ressort juridique. Quand le médecin a analysé le cas,

c'est au juge de conclure. Mais au fond, quand la. liberté de la

détermination volontaire est abolie il n'y a pas crime; quand elle

est limitée, comment ne pourrait-elle qu'atténuer la responsa-

bilité ?

- M. MESCHEDE. Sans doute, la décision appartient au magistrat,

mais le médecin doit avoir soin de signaler que le cas d'aliéna-

tion mentale qui lui est soumis se traduit par des phénomènes qui

empêchent particulièrement l'exercice de telles activités et entra-

vent la volonté dans telle ou telle mesure. Il y a des faits dans

lesquels la responsabilité morale est simplement affaiblie.

rll. Peluan se range à l'avis de M. JOIIV. Il faut'absolument, dans

certains cas, conclure à la diminution de la responsabilité.

M. Spamer. En effet, et cela d'autant plus qu'il faut se mettre à la

portée des juges en suivant le sens même des textes de loi.

Ut. Obersteiner pai lage celte opinion.

M. Grasiiey. La responsabilité partielle a son revers. En effet, un

individu qui comme aliéné a encouru une peine mitigée pour

cause d'atténuation de sa responsabilité, est-il, à sa sortie do

prison, un aliéné dangereux ? Faut-il l'envoyer dans un asile ou

non ? Voici qu'un délit peut envoyer un accusé dans un asile ou

dans un établissement pénitentiaire ? c'est illogique au plus haut

point.

Sur la proposition de Grasliey, QEheke et Herz, le Bureau

est chargé de composer une commission qui voudra bien traiter

la question suivante : Faut-il introduire dans le Code pénal une

décision relative ci la diminution de la responsabilité ?

AI. Schuele. De lu valeur et de la recevabilité des sorties préma-

turées des aliénés. L'asile est un instrument de traitement à action

négative, de même que le bandeau desopblhalmiques, et en même

temps à action positive, de même qu'une station thermale, dont le

milieu psychique dispense la santé aux infirmes du système ner-

veux. C'est donc dans cette salutaire atmosphère qu'il con-

vient de guérir et d'affermir la guérison. La maturité d'un conva-

lescent à l'égard de la sortie comporte les indications suivantes :

il faut qu'il ait pleine conscience de sa maladie passée, qu'il se

sente en possession naturelle de lui-même, qu'il ait récupéré sa

sensibilité morale antérieure, qu'il jouisse d'une humeur calme

et maîtrisable, qu'il comprenne, remarque, apprécie les condi-

tions extérieures qui l'attendent à sa sortie, qu'il présente une

parfaite régularité dans les fonctions de la vie végétativeet dansles

forces correspondantes. L'idéal, c'est qu'il reconnaisse spontané-

ment la fausseté des conceptions délirantes dont il se rappelle le

SOCIÉTÉS SAVANTES. 289

détail intime, se souvenant en même temps de son existence

psychopathique. A côté de cela, il est une classe de faits dans les-

quels on est bien obligé de se contenter d'une guérison relative et

de laisser sortir le malade parce que, à raison des reliquats de la

modalité psychopathique ou du terrain de l'individu, ou ne peut

s'attendre à cette parfaite égalité d'équilibration : exemples : folie

systématique aiguë ou folie stupide (récupération de la mémoire

impossible), névropathies constitutionnelles (débilité mentale,

hystérie). Enfin, en certains cas, nous obtiendrons la guérison d'au-

tant plus vite que nous abrégerons la séquestration dans l'asile à

une certaine époque de la maladie.

Quels sont les états morbides, quelles sont les phases de la ma-

ladie, dans lesquels il y a intérêt à faire sortir prématurément

l'aliéné ? Ou cette sortie constitue un acte de sagesse ; ou bien elle

est une nécessité. Dans une première catégorie de faits, le retour

précoce à la maison sera un agent thérapeutique supérieur à celui

du séjour à l'asile; dans une seconde, le retour chez soi s'impose

impérieusement parce qu'une détention plus longue devient nui-

sible. En somme, la sortie précoce bien comprise est toujours oeuvre

de traitement. Par bien comprise il faut entendre qu'au dehors

même de l'établissement on puisse résoudre les problèmes posés

par la seconde partie de la cure (personnel médical entourage

stylé, intelligent, attentif, bien outillé).

Indications spéciales. A. Mélancolie. C'est elle qui fournit

le moins d'exemples à la thèse en question, parce qu'il est bien

rare qu'au dehors on puisse mettre ce genre de malades en des

conditions favorables et leur fournir les succédanés de la thé-

rapeutique de l'asile. Voici quand il y a un avantage positif à

les faire sortir Lorsque, soit dans la lypémanie prolon-

gée, soit pendant la convalescence, apparaît une nostalgie qui

absorbe le patient, tend à se transformer en idée fixe obsédante,

à engendrer des actes instinctifs de suicide, à déterminer de l'in-

somnie. On peut de cette sortie espérer un bon résultat lorsque,

la lucidité et la connaissance commençant à renaître, le malade

est utile chez lui; on l'accordera alors sans s'arrêter aux défec-

tuosités de l'état mental ou physique Quand il existe un

opiniâtre refus de nourriture à la période de convalescence, soit

par nostalgie, soit par vague dégoût de l'asile, tandis que le ma-

lade commence déjà à rectifier les erreurs de son délire ou lorsque,

dans la mélancolie prolongée avec sitiophobie , ou voit l'aliéné

accepter la nourriture de la main de ses parents. Les hypochon-

drivqucs et les mélancoliques hystériques ne doivent pas rester à

l'asile plus d'un certain temps, car ce qu'ils y voient alimente leur

délire; ils ont soif de douleurs, de médecins, d'assistance ; dès

qu'ils tendent à la chronicité , renvoyez-les. B. Afanie. Fournit

Archives, t. XVI. 19

290 SOCIÉTÉS SAVANTES.

un contingent plus discret encore de cas à la sortie prématurée.

A part l'hypomanie de Mindel (ou manie douce) surtout lors-

qu'il s'agit de manie raisonnante dans laquelle la discipline in-

térieure devient un motif de surexcitation et par suite, d'aggrava- '-

tion plutôt que de traitement, le caractère général des manies

ordinaires (agitation, violence, loquacité) impose la séquestration.

11 n'est qu'une forme de manie pour laquelle la sortie soit possible :

c'est la manie vraie prolongée, à excitation persistante mais mo-

dérée, ne dépassant pas les limites du caractère, greffée sur un

fond de faiblesse psychique temporaire, c'est la moria dans

laquelle le maniaque qui entre en convalescence reste impulsif,

cruel, brutal, sauvage comme à plaisir et se sait excusable parce

que, « dit-il, il est dans une maison de fous ». Il n'est pas rare de

voir ces aliénés au dehors reprendre possession d'eux-mêmes et

apprendre à se maîtriser. Ils guérissent, tandis qu'une séquestra-

tion prolongée s'oppose à leur guérison. C. Folie systématique.

Chronique ou aiguë, acquise ou congénitale, elle nous donne un

appoint plus fort à notre thèse que la manie. Prenons le délire des

persécutions : un grand nombre de ces malades s'engluent, par

la tranquillité et l'uniformité de la vie de l'asile , dans leurs

courants d'idées délirantes, surtout lorsqu'on ne peut leur procu-

rer d'occupation convenable et féconde ; dans ce cas, la vie exté-

rieure représente le meilleur, le plus renouvelé des palliatifs , des

dérivatifs au fardeau de leurs pensées. Ce sont au contraire à l'asile

des patients insociables que la séquestration irrite et rend quin-

teux ostensiblement ou non, cristallise dans leur délire et pousse

à la démence. A cette période, il n'est pas rare que la sortie en-

traîne une rémission de plusieurs années sinon de toute la vie,

le malade accommodant son délire à l'existence réelle. Les hallu-

cinations, qui, au fond, sont une contre-indication contre ces sor-

ties, disparaissent quelquefois en liberté, alors qu'elles étaient

tenaces à l'asile. On en peut dire autant de la grande excitabilité.

Ce sont ces deux éléments qui donneront à réfléchir en matière

de sortie prématurée, principalement à propos des persécutés

spinaux (troubles de la sensibilité générale avec interprétation

allégorique) bien plus dangereux que les persécutés purement

cérébraux. Mais il y a des exceptions à faire. La folie systématique

du masturbateur a cependant été considérée avec circonspection eu

ce qui a trait aux sorties à cause des violences brusques et brutales si

caractéristiques auxquelles ces aliénés se livrent. Alais dans la folie

systématique aiguë il faut en user, à la période de convalescence,

quand le malade reprend un peu possession de sa personnalité,

quand, encore un peu dans l'ombre, le moi revient à la réalité

et récupère graduellement la conscience, quoique les débris du

délire persistent, l'indien ne distinguant point encore bien ce

qui appartient au monde réel. Que si cette phase demeure sta-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 291

tiounaire avec ses illusions, faites sortir; vous verrez souvent

alors dès les premiers jours, l'aliéné ne plus méconnaître les

personnes, ne plus faire d'erreurs de faits, de temps, de lieux,

vous verrez disparaître le délire de jalousie, les hallucinations,

l'excitabilité de l'humeur et les colères contre l'entourage. Quel-

quefois cependant, au lieu de les transférer d'emblée chez eux, il

vaut mieux les mener dans un endroit neutre, intermédiaire.

Mais il faut qu'il existe une assez grande lucidité pour que le pa-

tient soit capable de puiser dans le monde réel des impressions

utiles et de savoir s'en servir. Ces réflexions sont applicables à la

stupidité, à la période de convalescence, notamment lorsque le

malade commence à être tourmenté de nostalgie normale.

D. Etats chroniques secondaires On usera de la sortie dans une

assez large mesure pour les individus dépourvus d'initiative ,

inaptes au travail, qui, à l'asile , s'abrutissent toute la journée,

dans un laisser-aller , un far-niente interminable, indisciplinés,

dépités et butés. Le travail agricole devient lui-même impuissant

à leur égard. De retour chez eux au contraire, ils reviendront à

de bons sentiments, et se mettront à travailler, ils ne perdront plus

mais utiliseront, en les développant, les quelques facultés qui leur

restent. Tels sont les déments en général , au moins pour un

grand nombre, et les fous systématiques chroniques. E. La

folie morale, incurable comme on sait, mérite cependant, plus que

toute autre infirmité psychique, que l'on tiennecompte des individus

et des conditions déjà énumérées en faveur et contre la sortie.

Une contre-indication formelle à la sortie, c'est le développement

exagéré des penchants sexuels. A côté de cela, certains de ces ma-

lades sont aigris par leur séjour à l'asile, et deviennent d'irrécon-

ciliables ennemis de la discipline à leur préjudice ; ils ont à béné-

ficier de la liberté.

Enfin , si l'on arrivait à préciser scientifiquement les indica-

tions de la sortie prématurée pour l'ensemble des aliénés, on dé-

chargerait nos asiles à tous points de vue. L'ère nous semble

venue de nous départir des errements par trop doctrinaires du

passé. Il est évident que, de même que toutes les choses humaines,

l'asile a deux faces : un côté lumineux, un côté ténébreux. 11

s'agit de l'améliorer au profit de tous. Alais, nous dira-t-on, il

faudrait se préoccuper d'organiser l'assistance des aliénés mis

dehors par mesure thérapeutique ? Eh ! sans doute. Puissions-nous

traiter celte question corrélative plus tard ! 1

Discussion. M. PELMAN : Si l'asile constitue un agent d'exci-

tation qui trouble la guérison , ou s'il a donné une suffisante im-

pulsion à la guérison, congédiez vos malades bien que non guéri-.

Il est manifeste que dans un certain nombre de cas l'asile est un

excitant désavantageux, ne serait-ce que parce qu'il perpétue chez

292

SOCIETES SAVANTES.

le malade le souvenir de son délire. àl. Hertz ; Les formes al-

ternes rentrent dans les catégories de AI. Schuele.

M. MESCHEDE cite une série d'exemples de folie systématique

partielle incurable concernant des malades déclarés dangereux

pour la sécurité publique qui reprirent leur profession après leur

sortie. -nI. Schuele invite ses collègues à faire l'expérience et à

dresser l'inventaire exact de leurs faits afin qu'on puisse établir

plus tard une statistique instructive sur cette question.

M. GRASHEY. Des rapports de service dans les asiles d'aliénés.

L'auteur recommande l'usage de rapports dressés quotidiennement

par les surveillants et surveillantes en chef et remis au médecin

avant la visite, sur l'emploi du temps et la distribution du per-

sonnel dans les quartiers pendant les vingt-quatre heures écou-

lées. Ces rapports compléteraient les rapports journaliers du per-

sonnel sur les allures des malades. M. Grashey s'en est bien trouvé

àDe ? endorf ot5 pour 300 aliénés il avait 30 gardiens ou gardiennes,

ainsi qu'au Kreisirrenanstalt de la Bavière supérieure de Alunich

où, pour plus de 600 aliénés, il a 70 gardiens ou gardiennes, 2 gar-

diens en chef, 2 gardiennes en chef.

Nous reproduirons une partie du schéma imprimé rempli par

ces employés :

Asile d'aliénés DE MUNICH

Rapport de service pour le quartier antérieur des hommes, du 27 octobre 1887.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 293

« efforts de la Société allemande contre. l'abus des boissons alcoo-

« liques, appuyant d'avance la motion imminente de cette der-

« nière pour provoquer une loi propre à infliger des pénalités à

« l'ivresse qui blesse laconscience publique et à décréter les moyens

nécessaires à l'interdiction des ivrognes par habitude ainsi qu'à

leur guérison forcée en des asiles de buveurs. La Société invite

« le bureau à collaborer à la rédaction de la motion en question

comme il convient. »

11f. H. LOEER. Comme quoi l'expérience n'a pas confirmé l'opinion

du législateur, d'après laquelle l'admission des aliénés clans les

asiles pourrait devenir la cause d'une séquestration arbitraire provo-

quée ou maintenue. Conclusions. Les lois actuelles n'empêchent ou

ne peuvent empêcher que quelqu'un n'arrive dans un asile d'alié-

nés sans être fou; seul le médecin aliéniste s'oppose à ce que qui

n'est pas aliéné soit conservé à l'asile. On est donc autorisé à in-

viter les légiférants dans l'intérêt de l'Etat à sortir le médecin de

l'asile de la situation exceptionnelle qui lui est faite par une loi

spéciale que n'expliquent pas cent années d'expérience. On peut

se contenter du § 239 du code pénal de l'empire, de même que

pour tous les habitants de l'empire.

Discussion : AI. Jeun rapporte un fait £ de séquestration, de par

l'autorité, d'un simple vagabond qui réduit à la dernière misère

avait lente de se pendre. M. PËLMAN. Le législateur doit con-

tinuer à se préoccuper de la liberté individuelle. Mais il ne faut

pas que les mesures de prudence entravent les admissions et nui-

sent au rôle curatif des asiles. C'est donc une loi de réception et

non un réquisitoire contre nous qui est nécessaire. AI. AIeschede.

La loi de séquestration, c'est notre sauvegarde. Le; règlements

légaux obligatoires, et leur prescription, c'est la réponse aux accu-

sations de la presse et des romanciers. M. ARNDT. La séques-

tration par le médecin n'existe pas. Celle qui provient de l'auto-

rité existe. En pareil cas, l'établissement établit que l'individu ne

saurait être maintenu; il le renvoie et se met à l'abri comme

dans le cas d'une admission erronée. àl. Ocnrxc. Sans doute

on peut d'après la loi actuelle amener à l'asile n'importe qui,

mais, dès que l'observation a montré que le sujet en question

n'et pas fou, une plus longue détention est en Allemagne impra-

ticable.

M. Hoestermann. Toute séquestration illégale est d'autant plus

impraticable que la procédure actuelle de l'interdiction pour

aliénation mentale laisse au magistrat la décision suprême de

l'existence ou non de la folie, même contre l'avis de l'aliéniste, et

de l'élargissement immédiat. Ce qu'on pourrait souhaiter c'est

qu'un laisse les coudées plus franches à l'aliéniste.

M. Oiîersteiner. En Autriche, en tous les cas, on commence par

.294 SOCIÉTÉS SAVANTES.

procéder à l'interdiction. Par conséquent l'examen officiel de

l'aliéné a lieu. Dans les asiles privés, l'inspection régulière des

autorités y supplée. Préserver les aliénés ou les séquestrer dans

les asiles, c'est très bien; mais il faut aussi préserver le public des

aliénés dangereux et, à ce point de vue, on a besoin d'ordon-

nances réglant les admissions.

AI. MESCHEDE. Sans doute, ce n'est qu'en théorie qu'on s'imagine

que la séquestration d'individus déjà immatriculés se puisse per-

pétuer malgré l'absence de folie. Mais, avant que le diagnostic

définitif d'un malade ou d'un prétendu malade soit fait, l'admis-

sion n'en existe pas moins. AI. de LUDWIGEII. Provoquer l'inter-

diction c'est appeler la lumière et décharger la responsabilité du

médecin. Mais c'est toujours une dépense coûteuse pour la famille

qui se trouve ainsi parfois ruinée contre son gré et à son insu.

111. Lan n'a pas eu la prétention de modifier du premier jet

une loi centenaire. Il est convaincu que dans 50 ans on s'éton-

nera de ce qu'on ait pu considérer les asiles autrement que comme

des hôpitaux ou des hospices. Il a voulu poser une question obscure

à élucider. Cette discussion a mis en évidence les difficultés de la

solution. A l'avenir de parler. Hui. Siemens décrit le nouvel

asile d'aliénés provincial construit sur ses propositions à Lauen-

burg en Poméranie. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLIV, 4-5.)

P. KÉRAVAL.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN

Séance du 15 décembre 1886'. - Présidence de AI. LOEHR.

M. GocK. D'une forme rare de névrose vasculaire de la peau.

La première observation concerne un érythème noueux chez une

femme de trente-quatre ans; les deux premières atteintes sur-

vinrent brusquement sans prodromes, la troisième fut précédée

d'une angine folliculaire. L'auteur fait remarquer l'autonomie

de l'affection cutanée et la rapproche de la constatation matérielle

de la diminution de calibre des vaisseaux. La seconde observa-

tion a trait encore à un érythème noueux chez une femme de vingt-

quatre ans ; ici hérédité névropathique (migraines, herpès zoster),

'Voy. Archives de Neurologie, t. XV, p. 307. A cet égard nous ferons

remarquer que, par suite d'une erreur de mise en pages, les séances de

décembre et janvier ont paru dans les Archives à la suite de celle de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 295

mais, pas plus que dans la première observation, on ne constata

de rhumatisme articulaire, ni de fièvre intermittente; intégrité du

coeur de l'utérus, des poumons ; notable rétrécissement des vais-

seaux. Aussi Ai. Gock adopte-t-il l'opinion de Koebener et Lewin ; en

raison de la symétrie de l'éruption, de l'existence de quelques

accidents nerveux, de l'absence de causes connues de cette derma-

tose, il y a lieu de penser à un trouble fonctionnel des nerfs ré-

gulateurs des vaisseaux, soit dans le centre vaso-moteur lui-même,

soit comme manifestation réflexe. Du reste, quand l'érythème

noueux coïncide avec d'autres maladies , on peut admettre qu'il

est, non le symptôme de la maladie principale, mais bien une

affection autonome provoquée chez un névropathe par suite du

dérangement qu'a produit dans les nerfs vasculaires périphéri-

ques ou dans leur organe central la maladie précédente. C'est

ainsi qu'à la suite d'une angine simple, il y a lieu de penser,

quand il n'y a pas infection, à un réflexe vaso-moteur vers la

peau. En outre , l'étroitesse particulière des vaisseaux notée

chez ces deux malades constituait une prédisposition à l'érythème

noueux.

M. H. Loehr. La surveillance des établissements privés consacrés aux

aliénés.- Le 25 septembre 4 885, ce thème était l'objet d'une longue

discussion à la Société des fonctionnaires médicaux de la Fruste

à Bei,lin; le 10 juillet 1886 parut un décret gouvernemental pour

le district de Postdam, d'après lequel l'admission d'un malade

dans un établissement privé devait dépendre de l'agrément de la

police du lieu d'origine; le ! " décembre 1886, circulaire du mi-

nistère royal de Prusse, d'après laquelle les gouverneurs étaient

invités à manifester leur avis relatif à la surveillance des établis-

sements d'aliénés privés, en le fondant sur la démonstration de

la pratique dans leurs districts ainsi que sur l'avis de la déléga-

tion scientifique. Enfin en France, tout récemment, le gouverne-

ment a fait demander leur manière de voir à tous les directeurs

et médecins des asiles d'aliénés publics. Il y a donc lieu de pro-

voquer ici, dans le sein de cette Société, les avis des gens éclairés.

L'orateur fait l'historique médico-administratif des dispositions

légales depuis la sentence du conseil d'État à la date du 29 sep-

tembre 1803 et signale les points principaux de législation inter-

nationale. Il termine ainsi :

«L'Allemagne, a sur la plupart des autres nations, l'avantage de

posséder un état-major médical plus nombreux qu'ailleurs qui se

consacre à la psychiatrie et y est passé maitre. Comme tous ces

savants ne peuvent arriver à des situations officielles, on voit ceux

qui, en grand nombre, sont attachés à leur profession chercher

par des asiles privés les éléments d'observation qu'il leur faut;

si assistés par les fonctionnaires et les lois du pays, ils peu-

.296 SOCIÉTÉS SAVANTES.

veut consacrer leurs soins au développement de leurs instituts

particuliers, le public n'a plus à se commettre avec des fon-

dations défectueuses... Et l'Etat, encombré, en usera avec

d'autant plus d'abandon que le développement de ces établis-

sements reste moins entravé. Quant aux asiles privés de mé-

diocre qualité, ils s'accommoderont avec la plus grande facilité

de l'ingérence de la police et des tracasseries qu'elle fait naître

car ils ne manquent pas de clientèle. »

Voici donc les quatre propositions fondamentales que comporte

la question à l'étude : 10 La Société Psychiatrique de Berlin ex-

pose qu'elle ne connaît pas de fait bien constaté de séquestration

illégale dans les asiles d'aliénés ; son expérience propre ne lui en a

pas plus révélé que la bibliographie; 2o Aucune immixtion de

la police dans les formalités d'admission d'un aliéné dans un asile

n'estjustifiée. 3° Pour recevoir dans un asile de traitement un

malade, il faut exiger un rapport aussi détaillé que possible du

médecin particulier qui, jusque-là, a dirigé le traitement médical,

ou d'un autre praticien amené par les autorités. Le malade une

fois entré dans l'établissement, son repos ne saurait être troublé

par des recherches relatives au diagnostic, si ce n'est à la requête

du tribunal. 4° Un asile de traitement qui a été installé en

cette qualité conformément aux exigences des temps modernes,

et qui est dirigé par un spécialiste endossant- la responsabilité, a

besoin d'une autre surveillance de l'Etat qu'un asile d'hospitali-

sation dans lequel les malades sont soignés par des gens qui ne

sont pas médecins.

Présidence de M. MENDEL.

Première question. ii-l-C)t y2l établir ci coup sûr qu'il y avait eu

des cas de séquestration illégale dans les asiles d'aliénés ?

D'après les assertions de MM. Liman, McED, JASTROWITZ, FALE, EDEL,

c'est plutôt le contraire qui eût été mis en lumière; on aurait

plutôt laissé en liberté sans traitement un certain nombre de ma-

lades.

Sur la motion de M. Jastrowitz, acceptée par 11AI. EDEL, FALK,

1LI, la rédaction du paragraphe premier est adoptée telle qu'elle

a été proposée par M. LOEiiR.

Deuxième question, relative à l'ingérence de la police dans rffd-

mission des aliénés dans les asiles d'aliénés privés. M. FALK. A

la réunion de la société des fonctionnaires médicaux de la Prusse,

en 1885, j'ai développé mes opinions en détail, sur la forme con-

venable à donner à la surveillance des asiles privés. Je me con-

tenterai de mentionner actuellement que je me suis alors expres-

sément élevé contre l'ingérence de la police de sûreté dans les

SOCIÉTÉS SAVANTES. 297

formalités d'admission d'un aliéné à un asile privé, excepté, bien

entendu, quand la police doit elle-même amener à l'asile un indi-

vidu dangereux pour les autres, pour lui-même, ou pour- l'ordre

public. Sinon il faut s'en passer, il ne faut souhaiter ni qu'elle

soit saisie du.fait, ni, etc, D'ailleurs, mon éloquence n'eut au-

cun succès; une instruction officielle prescrivit l'action ou l'agré-

ment de la police non seulement du lieu même de l'asile, mais

,de la patrie d'origine du malade ; il en résulte des longueurs, des

lenteurs, des indiscrétions. A mon avis le contrôle permanent des

asiles d'aliénés exige simplement et uniquement l'activité des

fonctionnaires médicaux du Cercle (reis) et de la magistrature

debout, activité rendue possible par les lois de l'empire. Vf\I. );nI,,

JASTROWITZ, ZENKER, SAKDER, FALK examinent les lois et les modes

de procédés selon les régions.

AI. MENDEL. Nous avons le devoir de veiller à ce que le public

acquière de plus en plus la conviction que les asiles .d'aliénés ne

sont que des hôpitaux. Eh bien ! y a t-il un pays au monde où. la

police surveille les hôpitaux et vienne donner son agrément à

l'admission et à la sortie ? Les asiles d'aliénés n'ont rien à voir

avec la police, à moins qu'il ne s'y passe des choses qui exigent

son intervention.

La motion suivante de \I11. Lan, Linan, ZENKFR entraîne l'una-

nimité de la société. « Aucune immixtion de la police dépassant la

teneur des prescriptions légales relatives aux déclarations dans le

changement de résidence, n'est justifiée en ce quia trait à l'admis-

sion d'un aliéné dans un asile. La nécessité de continuer sans

plus tarder cette discussion fait décider la tenue d'une séance

extraordinaire au 15 janvier prochain.

Séance extraordinaire du 15 janvier 1887. Présidence DE

AIM. LCEHR et Zinn.

Discussion. Troisième question, relative a la nécessité du cer-

tificat d'un médecin fonctionnaire pour recevoir un malade dans un

asile d'aliénés privé. M. Sander. La rédaction proposée par

AI. Loehr n'est pas suffisamment précise. nI, FALK. Voici ce que

je propose, et dans l'intérêt de la profession, et dans l'intérêt de

nos collègues en administration : - En principe, l'ingérence d'un

fonctionnaire médical dans la réception d'un aliéné dans un

asile d'aliénés privé est commandée. Dans le cas où, avant l'admis-

sion, il n'aurait pas été possible de se procurer un certificat de ce

médecin, la réception aurait.lieu, pour le moment, sans celte

pièce, sous la condition que, aussitôt après, le fonctionnaire médi-

cal serait avisé d'avoir à établir son certificat. » Si, en effet, il

y a, lieu d'assimiler un asile d'aliénés à un hôpital et d'en écarter

298 SOCIÉTÉS SAVANTES.

la police, on ne saurait admettre cependant une assimilation com-

plète, car en somme, on prive les malades malgré eux de la

liberté ; c'est pourquoi le public a le droit de réclamer un cer-

tain contrôle. Sans doute, on n'a jamais vu de séquestration

arbitraire, mais cela peut se produire; notons, en effet, que par-

fois les directeurs d'asiles privés ne sont pas-médecins, et qu'enfin

il faut toujours prévenir de mauvais desseins. Aussi l'Etat inter-

vient-il par son organe technique, par son fonctionnaire médical.

La dépense sera à la charge de l'Etat. Si ce fonctionnaire n'a pas

de connaissances psychiatriques suffisantes, c'est affaire à l'auto-

rité supérieure de prendre les mesures convenables.

M. EDEL. Mieux vaut que l'admission se fasse sous la sauve-

garde d'un examen médical quelconque et que plus tard le

.Ki,eisphysikits' soit envoyé aux frais de l'Etat pour se convaincre

que l'individu est bien aliéné.

M. MENDEL. Facilitez les admissions; ne faites donc pas interve-

nir la police quand un intérêt général ne l'exige pas. N'ayez pas

recours aux autorités du lieu d'origine à moins de cas médico-

légaux ; vous nuiriez au malade en ébruitant sa maladie et d'ail-

leurs en quoi cela gênerait-il l'individu qui voudrait se rendre

coupable de séquestration arbitraire. L'intervention du Kreis-

physikus pour l'admission est absolument inutile. Est-ce que le

médecin qui a délivré le premier certificat, le docteur de l'asile,

les assistants ne reconnaissent pas la maladie ? Et contre cette

majorité de médecins le rapport du physikuq, qui généralement

n'est pas psychiatre, nesauraitprévaloir. A côté de cela, la surveil-

lance de l'Etat est indispensable; elle doit être continue et active;

de la nos propositions relatives à la quatrième question. Cette

surveillance doit porter et sur les séquestrations illégales, et sur

la durée de la séquestration, et sur l'hygiène générale et sur cer-

taines conditions juridiques.

M. Jastrowitz. Le Physikus n'a rien à voir avec l'admission.

D'abord il y a des cas où on ne saurait l'appeler, parce qu'il

habite loin, parce qu'il est en inimitié avec la famille de l'aliéné, etc.

D'ailleurs, il peut bien établir son certificat après coup. On peut

toujours tourner la loi. Et puis qui paiera ? Tous les malades ne

le peuvent toujours. Enfin, s'il s'agit d'affirmer par là le caractère

de fonctionnaire du physikus, pourquoi l'Etat lui-même (ordon-

nance pour Berlin) demande-t-il qu'un praticien signe avec lui ?

Ce sont là conditions tout bonnement propres à rendre les admis-

sions difficiles.

1 On sait, depuis les nombreuses communications de tous ordres éma-

nant de l'Allemagne, que c'est le médecin officiel de l'Etat attaché à un

cercle territorial. p. K.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 299

M. Folk. Il me semble que le propriétaire d'un établissement

privé devrait s'estimer très heureux de voir écraser dans l'oeuf,

par un certificat de médecin fonctionnaire, tous les bruits calom-

nieux. Quant au second certificat, il est inutile, il a d'ailleurs été

prescrit, non par défiance à l'égard du fonctionnaire mais

pour jouer le rôle d'une sorte d'information auprès du fonc-

tionnaire. On a ordonné en outre que le Kreisphysikus fût saisi

de l'original des certificats des médecins de l'asile privé après récep-

tion du malade; eh bien ! ce fonctionnaire n'a-t-il pas toute lati-

tude ? Je suis au surplus l'ennemi des formalités d'une admission

spéciale pour les établissements d'hospitalisation pure (maisons de

santé pour chroniques); à quoi bon notamment exiger que le mé-

decin établisse un certificat d'incurabilité hâtif ? Dans la plupart

des cas, il est mauvais de prime abord d'admettre ou de rejeter

l'incurabilité. Je suis l'ennemi également des inspections par une

commission, car les mesures propres aux autres établissements

hospitaliers conservent toute leur valeur pour les asiles d'aliénés.

En effet, à partir de l'instant où le parquet est informé de l'ad-

mission d'un malade dans un asile d'aliénés, et par suite, devient

libre d'introduire l'inslance en interdiction, la question de sé-

questration arbitraire n'a plus de raison d'être; les inspections

n'ont donc plus qu'à s'occuper d'hygiène et de formalités admi-

nistratives.

M. JASTROWITZ. Un asile privé est un organisme très fin et très

sensible. Simplifiez les admissions le plus possible. Il suffirait

d'un certificat d'un médecin approuvé, certificat que nous pré-

senterions au Playsihus préposé à la surveillance de l'établisse-

ment. A quoi bon s'adresser au lieu d'origine du malade ?

M. Kanzow. L'aliéné avant tout ! Ce qu'il faut d'abord et au plus

vite, pour lui assurer les bénéfices d'un traitement approprié et

rationnel, c'est faciliter le plus possible son admission dans un

établissement bien conduit. La police n'a donc à intervenir que

quand se dressent des questions de danger public, de fugues par

défaut de surveillance etc.; mais, dans ces cas, il vaudrait mieux

que la séquestration ei7tlieu dans un établissement appartenant à

la police. Sinon c'est au médecin seul qu'appartient l'apprécia-

tion de la nécessité et du quomodo de la séquestration ; c'est sur

un certificat de lui qu'elle doit être faite. Mais il n'est pas toujours

facile d'obtenir le concours immédiat d'un médecin fonctionnaire

ou non. Laissez donc latitude au directeur. Du reste nécessité ou

faculté d'admettre, nécessité ou faculté de détenir, sont deux

choses différentes. Le maintien d'une séquestration tombe sous le

coup de la surveillance de l'Etat. La direction doit donc être

tenue de fournir les preuves sur-le-champ.

En ce qui concerne la surveillance de l'Etat dans les établisse-

300 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ments d'aliénés privés, ce n'est ni à la police ni à l'adminis-

tration centrale, qui manquent de spécialistes, qu'il faudrait la

confier, mais bien au E ? '6 ! Sp/K/s ! M. C'est ce qui fonctionne

dans le district de Postdam. Le directeur de l'asile prévient sur-le-

champ le parquet de toute admission, ou le fonctionnaire étran-

ger quand il s'agit d'un étranger, et fait sa déclaration au Kreis-

physikus. Celui-ci détermine exactement les conditions qui ont

- présidé à l'entrée, prend connaissance des papiers du malade, ré-

clame ceux. qu'il lui faut, examine le patient. S'il hésite à valider

l'admission, la police entre en jeu. Sinon, en cas de réclamation,

rapport d'un médecin compétent concluant à la séquestration.

Il y a, somme toute, une différence à établir entre les asiles de

traitement et les asiles d'hospitalisation pour incurables. A l'é-

gard de ces derniers on atout le temps voulu pour en parler ;

il y a souvent antérieurement interdiction ou réquisition de

police.

Après présentation de preuves et constatations à l'appui, les au-

torités n'ont'pas besoin d'un rapport médical ni d'une observa-

tion détaillée en faveur de l'admission; mais, si le malade de-

meure dans l'établissement, il faut que l'observation journalière

soit aussi exactement prise que possible. La surveillance l'exige.

Plus tard, la surveillance sera faite par le Physikus. De trop fré-

quentes inspections sont inutiles et même nuisibles.

M. MENDEL. Effectivement, la plus mauvaise chose que l'on

puisse faire, c'est de décider l'intervention du Kreisphysikus à

propos de l'admission. Mais, comme fonctionnaire supérieur du

service sanitaire, il a le droit d'inspecter l'asile, de même que tout

autre hôpital, et déconsigner ses remarques, ses observations, en

ce qui concerne la nécessité de la séquestration, et sa justifi-

cation. '

M. SANDER. Il vaut mieux que le Physiktas vienne aussitôt après '

l'admission, car quatre semaines plus tard, quand le malade, un

peu habitué à l'établissement, est en voie de traitement, sa ve-

nue serait plutôt nuisible. Il est nuisible non pas parce qu'il re-

fusera l'admission. Voici où est 'le danger. Jadis, c'étaient des

médecins ayant blanchi sous le harnais dans les asiles publics ou

des médecins prenant un vif intérêt à l'aliénation mentale qui

installaient des asiles privés. Aujourd'hui, qui le fait ? Quelles es-

pèces de gens ? Quelles garanties offrent-ils ? Quel bon médecin

ira s'exposer aux vexations qui sont attachées à un asile privé ? ' ?

Et cependant l'Etat a intérêt à avoir de bons asiles privés, car

il ne peut suffire avec ses asiles publics aux gens aisés. Or, pour

avoir de bons asiles privés , il faut leur épargner des vexations

superflues.

Quatrième question relative à la surveillance des asiles privés.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 301

M. EDEL accepte l'idée de l'inspection par une commission plutôt

que par le fonctionnaire actuel ; mais on doit en limiter les pou-

voirs à l'hygiène et aux principes sanitaires, sans lui accorder le

droit de décider qu'un individu séquestré est malade ou non ;

il faut pour cela un examen approfondi qui exige du temps

qu'elle n'a pas, et les fonctionnaires proposés n'ont pas qualilé

pour cela.

M. FALK. Créer une fonction d'inspecteur du service des aliénés

au ministère n'est pas nécessaire. A côté du bureau central des

requêtes, existe une corporation spéciale dans laquelle la psy-

chiatrie est représentée.

hI. 111ENDrL. C'est à l'Etat qu'incombe le devoir d'instituer une

minutieuse surveillance des asiles d'aliénés. Une commission est

nécessaire à l'Etat, et nécessaire aux directeurs, qu'elle préserve

des attaques et des calomnies. C'est dans son sem que le psy-

chiatre lèvera les doutes et détruira les suspicions du magistrat,

éclairera sa religion quand il prendra en mains les questions de

droit de quelques malades. Au Physikus ou conseiller médical du

gouvernement seront laissées les questions d'administration pure

et d'hygiène.

M. SCANDER se prononce contre une commission, parce que la

responsabilité est disséminée entre les membres composants, alors

qu'en réalité un seul est prépondérant. Or, l'aliéniste ne peut

acquérir de certitude qu'en observant bien et longtemps le ma-

lade, en ayant à sa disposition de sérieuses notes, en appelant à

la rescousse d'autres médecins aliénistes ou légistes qui font au-

torité.

L'Assemblée décide finalement de confier les résultats de cette

discussion à une commission qui devra les transmettre à qui de

droit. Cette commission se compose des membres du bureau :

MM. GUTTSTADT, LOEHR,MENDEL, MOELI, ZINN. On adopte la rédaction

suivante :

1° La Société Psychiatrique de Berlin expose que son expé-

rience personnelle, non plus que les recherches bibliographiques,

ne lui ont pas montré qu'il y. ait eu des cas de séquestration arbi-

traire par les asiles d'aliénés publics ou privés.

2° 11 n'y a pas lieu d'admettre la police à intervenir pour l'ad-

mission d'aliénés dans un asile privé, excepté quand la sécurité

publique l'exige. Cette intromission ne se justifie point, tant

qu'il ne s'agit pas des prescriptions légales relatives aux déclara-

tions de changement de domicile.

3° Faire dépendre l'admission d'un aliéné dans un asile privé

de l'apport d'un certificat d'un médecin-fonctionnaire, c'est léser

les intérêts des malades et de leurs familles; c'est un besoin qui

jusqu'à ce jour n'est pas démontré. '

302 SOCIÉTÉS SAVANTES.

4° D'accord en cela avec le voeu répété de la Société des méde-

cins aliénistes allemands, la Société psychiatrique de Berlin expose

qu'il n'est pas le moins du monde nécessaire d'appeler au minis-

tère des cultes, de l'instruction publique et des affaires médicales

un directeur d'asile expérimenté, pour inspecter et diriger l'assis-

tance des aliénés dans la monarchie '.

(Allg. Zeitsch., f. Psych. XLIV, 1.) P. IGR,1V.4L.

Séance du 15 juin 4 887. Présidence de M. L.OEHR senior.

Cette séance, de fin d'année, s'ouvre par le résumé des travaux

de la Société et le renouvellement du bureau. Par acclamation,

sont réélus : MM. La;an sert., MINDEL, MOELt, GUTTST.%DT et ZINN,

ces deux derniers secrétaires.

M. MENDEL. Un cas de folie gémellaire. A propos d'un cas em-

prunté au travail de M. Euphrat, l'orateur communique unie

observation de folie induite qu'il a vue dans ces derniers temps.

Vers le 13 mai, une jeune fille de vingt-deux ans, dans la famille

de laquelle il n'y a pour tout antécédent héréditaire qu'un oncle

paternel aliéné, fut prise d'hallucinations de l'ouïe : «Les gens lui

adressaient des injures et lui reprochaient de se prétendre le bon

Dieu, l'accusant de fierté, de présomption vaniteuse ; sous ce pré-

texte ils voulaient la transporter dans un hospice. » Elle se met alors

à réciter des versets bibliques et des psaumes ou des cantiques,

pour gagner son salut, s'agite, et, de temps à autre, devient ma-

niaque. Diagnostic. Folie systématique hallucinatoire aiguë. Huit

jours après, la mère de cette enfant, dans la famille de qui on ne

constate aucun trouble mental, présente exactement les mêmes

phénomènes. Sa fille lui a dit qu'elle a un aveu sur le coeur : « Ce

secret mystérieux, c'est le péché. » Dieu lui parle, il faut qu'elle

- prie et travaille. Répétition, à peu près termes pour termes, des

idées délirantes de la jeune fille.

Discussion : - M. WErtDT parle d'un cas de folie gémellaire sur-

venu chez deux soeurs ayant toujours vécu ensemble, bornées d'ail-

leurs et originales, qui furent, vers le milieu de leur vingtième

année, simultanément affectées de manie légère. L'une d'elles

fut soignée pendant neuf mois à l'asile, où elle guérit. Puis

on y conduisit l'autre. Ressemblance physique et psychopathique

identique. Pas d'hérédité. M. ZiNN. La mère dont parle

M. Mendel vient d'être admise à Eberswalde. Il n'a, lui, observé

1 A l'unanimité, la Société des aliénistes de la Basse-Saxe et de West-

phalie a souscrit aux mêmes conclusions, dans sa séance de Hanovre

le 2 mai 1887.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 303

qu'un exemple de folie gémellaire, dans lequel le père et la mère

étaient aliénés. Les deux jumeaux avaient été élevés séparément

en des familles différentes. Tous deux furent affectés à un an et

demi ou deux ans de distance de folie systématique halluci-

natoire.

M. HASSE traite depuis quelque temps un couple gémellaire

(femme et fille), atteint de mélancolie avec angoisse très accusée de

couleur hystérique très marquée. La jeune femme a vingt-six ans;

elle est devenue aliénée quatorze jours après avoir mis au monde

son premier enfant. Il y a six ans, sa soeur a été aliénée comme

elle. Chez les deux malades, il y a une tendance au suicide très

intense. La jeune femme, en traitement depuis trois mois, allait

mieux, quand elle apprit qu'il y a six semaines on venait d'ad-

mettre sa soeur à l'asile; elle retomba malade. Identité de ressem-

blance physique et psychopathique. Hérédité très chargée. Il y a

dix ans, la mère a eu une mélancolie très grave, mais dont elle

a parfaitement guéri en dix-huit mois de traitement : une légère

récidive ultérieure put évoluer dans la famille même. Chez la

jeune femme, hallucinations très marquées de l'ouïe et de la vue,

et de temps à autre du goût. Il en est de même chez sa soeur, mais

c'est l'angoisse qui prédomine actuellement.

M. P. REHSI. Un cas d'intoxication par la paraldéhyde. Il s'agit

d'un négociant de trente-six ans, qui, à la suite d'une vie mouve-

mentée et très accidentée (voyages aux colonies), d'excès d'opium,

et d'un travail excessif, prit, par prescription médicale, pour com-

battre une insomnie avec agitation, sensation d'angoisse, misan-

thropie, à partir du milieu de novembre 1885, de uneàquatre cuil-

lerées par soirée, en augmentant progressivement la dos 3, d'une so-

lution composée de : rhum 60 grammes, paraldéhyde 20 grammes.

Si bien que finalement il absorbait d'un coup la potion

presque entière. Bons résultats. Mais aumilieu de décembre,bouil-

lonnements congestifs, tremblements et convulsions des membres,

angoisse, brûlure épigastrique, nausées, vomituritions, étouffe-

ments, vomissements, excitabilité, dépression, tristesse, incapa-

cité au travail, hébétude, allure enfantine timorée et penaude.

rougeur de la tête, parole lourde et hésitante; il ne peut que

donner quelques signatures dans l'après-midi. Après avoir, durant

quelques jours, cessé l'usage de la paraldéhyde, il fournit quelques

renseignements : sa mémoire est bonne, le travail physique ou

intellectuel l'épuisé vite, il n'a plus d'énergie, redoute tout, tremble

et devient confus, s'arrête de parler et se met à trembler sans

raison surtout des bras, de sorte qu'il est incapable d'écrire. Con-

servation de sa force, exagération excessive des réflexes, incerti-

tude dans les mouvements quand on lui ferme les yeux, pas

d'hyperesthésie sensorielle, mais pleure quand il entend de la

304 SOCIÉTÉS SAVANTES.

musique. Pupilles de moyen volume, égales, réagissant bien.

Serait devenu vite myope pendant qu'il prenait la paraldéhyde.

Fond de l'oeil normal ; vaisseaux à peine un peu dilatés. Odorat

normal. Goût troublé par la paraldéhyde. Excitabilité galvanique

normale; diminution de l'excitabilité faradique; rougeur, tumé-

faction, surcharge graisseuse de la peau du tronc jusqu'au nombril;

sudation, surtout à la paume des mains. Intégrité de la respiration.

P 150. Chaleur céphalique avec angoisse précordiale. La langue

sort droite, mais elle estagitée de tremblements fibrillaires, très

rouge, plus grosse que normalement, et présente un enduitsaburral

au centre. Pas d'appétit et cependant peu d'amaigrissement. Selles

assez régulières. Légers accidents hémorrhoïdaux remontant à

l'usage de la paraldéhyde. Ventre tendu non douloureux. Foie

augmenté de volume. Urine claire; ni sucre ni albumine. Vie

sexuelle demeurée normale. - La suppression du médicament

ramène l'insomnie, mais les autres accidents diminuent. Le troi-

sième soir on lui donne un peu de bromure qui n'agit que deux

jours plus tard après addition de 0,50 d'hydrate de chloral. Le

lendemain, mieux-être, pas de vomissements, un peu d'appétit.

Au bout de trois semaines, a repris ses allures, ses occupations; le

matin de ce jour a encore eu un tremblement assez fort

mais le pouls est normal, le malade a augmenté de deux livres

et peut écrire l'après-midi. Encore une semaine, et il dort bien,

sans aucun médicament; aspect de la santé, activité, tremble-

ment des mains : faradisation au pinceau salutaire sur les avant-

bras. Guérison dans le courant du mois de mars. Le 10, il a repris

toutes ses occupations : il ne lui reste que des pituites matutinales

mucoséreuses exactement comme chez les alcooliques avec lipo-

thymies.M.Rehm croit que l'économie du malade avait manifes-

tement été détériorée avant l'usage de la paraldéhyde, que les

soixante grammes derhum qui constituaient le véhicule du médica-

ment ne sauraient avoir agi comme toxique sur un sujet de

ce genre, que c'est bien, par suite, la paraldéhyde qui l'a empoi-

sonné. Les accidents disparurent, d'ailleurs, par la cessation de la

paraldéhyde, tandis qu'il continuait à prendre du cognac.

Discussion - M. Lmttn sen. On fait dans son asile un usage très

fréquent de paraldéhyde depuis des années; on ne se sert pres-

que plus du chloral. Elle n'a pas de désavantages malgré son

goût et son odeur. Seulement, il la tire de la fabrique deSchering

et l'emploie à la dose de 3 à 8 grammes.

M. HEBOLD (de Sorau). Un cas d'atteinte du nerf vague dans la

paralysie progressive. Il y a six ans, traumatisme céphalique,

syphilis : puis, délire des persécutions avec plaintes de douleurs de

tête et de battements de coeur. En janvier 1886, crise laryngée

caractérisée par une dyspnée brutale, des battements de coeur,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 305

des douleurs de tête. Plus lai il, tremblement dans les bras et les

jambes, parole chevrotante, idées de suicide. Pouls à peine per-

ceptible, pas tout à fait régulier. Les accidents paralytiques crois-

sent ; la démarche devient difficile; la parole, indistincte; l'an-

goisse fait place à une courte agitation; après quoi le malade

reprend sa bonne humeur, tout en restant un peu pleurard. En

août, attaque congestive apoplectiforme laissant après elle des

phénomènes paralytiques très marqués. Finalement apathie (se

plaint continuellement, exclusivement de-ses battements de coeur) ;

il meurt dans un accès (respiration difficile, stridente, avec accélé-

ration du pouls, et hyperthermie). A l'aMfopSM, altérations pul-

monaires, identiques à celles des lapins dont on a coupé le nerf

vague; dégénérescence graisseuse peu accusée du myocarde au

microscope, le noyau bulbaire du nerf pneumogastrique et de

l'accessoire présente une petite partie dégénérée (friabilité avec

petites taches apoplectiques).

M. Il. Loeiir. De l'acétonurie chez les aliénés. Nouvelles recher-

ches. D'abord, il ne faut croire à l'existence de l'acétone dans l'urine

que quand le produit de la distillation de celle-ci présente : 1° dé-

gagement d'iodoforme par addition d'iodure d'ammonium ioduré

ou de teinture d'iode et d'ammoniaque ; 2° coloration rouge par addi-

Lion de lessive de potasse et de nitro-prussiate de soude, coloration

passant au pourpre quand on acidulé par l'acide acétique, enfin

quand l'urine distillée dissout l'oxyde de mercure dans une solution

alcaline, ou encore lorsqu'on obtient une coloration rouge par addi-

tion de nitro-prussiate de soude etd'ammoniaque acidulés par une

goutte d'acide acétique. Il y a diacéturie quand le perchlorurede fer

forme dans l'urineune coloration rougeâtre qui pâlit par l'ébullitiou

ou par l'addition d'acide sulfm ique, et qu'on trouve dans le produit

de la distillation de l'acétone (réactions upra).Or, fièvre et

diabète mis à part, chez les aliénés à désordre très accusé dans

les idées et en état d'agitation , l'acétone ne se montre dans l'u-

rine que lorsque, parla sitiophobie, l'inanition entre enjeu. Sou-

vent l'acétonurie apparaît vingt-quatre heures après que l'aliéné

s'est réduit à la beurrée ou à une petite quantité de lait; a for-

tio ? ,i, s'il n'a rien mangé pendant cette journée ; on la trouve tou-

jours quand l'inanition absolue compte trente-six heures. Apriori,

on peut admettre que l'agité qui épuise promptement par ses

exercices musculaires excessifs sa provision d'albumine excrète plus

facilement de l'acétone.- Malheureusement, l'acétonurie ne peut

servir d'indication pronostique relativement aux dangers de l'i-

nanition des sitiophobes, l'acétone apparaissant très tôt dans l'u-

rine, et la quantité d'acétone étant très difficile à déterminer, et

d'une manière très inexacte. D'un autre côté, il n'est pas non plus

démontré que sa disparition ultérieure graduelle dénote la né-

cessité de l'alimentation forcée. Sans doute, eu théorie, l'acétone

Ancnrvrs, t. W'I. 20

306 SÉNAT.

provenant de l'albumine, sa diminution dans l'urine indique que

l'albumine des tissus va manquer. Sans doute aussi , d'après de

Jaksch, la diacéturie représente un degré de plus que l'acétonurie

et doit donner à réfléchir invariablement. Mais, on peut dès les

premiers jours de l'inanition rencontrer de la diacéturie qui, en

somme, y est presque aussi fréquente que l'acétonurie, sans que

l'évolution clinique diffère.Dans le diabète même, il peut arri-

'ver qu'il y ait acétonurie abondante et non diacéturie, jusque

dans la période comateuse mortelle, tandis qu'un diabétique con-

servant un état de santé satisfaisant présentera de la diacéturie

et pourra même guérir de ses troubles intellectuels en pleine

phase diacéturique.

M. ZiiN. Débilité mentale. Incendie. Rapports contradictoires.

Rapport suprême décisif. Ce fut lui qui conclut à l'irrespon-

sabilité certaine. La séance est close à cinq heures. Prochaine

réunion le 15 décembre 1887. (Allg. Zeilsch., XL1V, 45.)

' P. ILIiA V.1L.

SÉNAT

DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS

Sicite de lct séccnee dZt sctnzc.li r décenzbre 18SG c.

\l. CAZi : LLES, commissciire dcc Gouuerczcnzeat. Messieurs, l'hono-

rable M. Combes, en finissant son discours, vient de vous dire

que vous feriez à la magistrature un cadeau dangereux si vous lui

donniez le droit de statuer sur l'internement d'tili ,iliéiié.Je dirai,

moi, en commençant, que vous feriez au corps médical un

cadeau très dangereux si vous lui donniez, pour la première fois,

le droit de prononcer des séquestrations. (Très bien ! à gauche.)

Ce n'est pas moi qui pourrais avoir quelque chose à reprendre

aux paroles d'éloge prononcées dans cette enceinte par l'hono-

rable M. Combes à l'endroit du corps médical ; mais je puis dire

que le corps médical n'a jamais pétendu jouir du droit d'être un

pouvoir dans l'Etat. L'argumentation de l'honorable M. Combes

roule tout entière sur cette idée dominante que le médecin

doit rendre des décisions. (Approbation sur les mêmes bancs.)

1 Voy. Arch. de Neurologie, t. XH, p. 13a, : a, 439; t. XIV, p. 13,

307, S ? 1; t. YV, y. 13b, 311, iS7; t. \'l, fi. lUl.

SÉNAT. 307

Mais jamais un médecin ne donne de décisions ! Il donne des

avis, et lorsqu'il remplit une fonction sociale, ce qui est le cas,

dans le concours qu'il cloU donner à l'application de la loi sur les

aliénés, ou lorsqu'il remplit sa fonction privée, lorsqu'il est appelé

auprès d'un malade pour lui donner des soins, il fait exactement

la même chose : il ne donne qu'un avis, un avis compétent, que

lui seul peut donner; mais c'est aussi un avis que le malade est

libre de suivre ou de ne pas suivre. C'est aussi un avis que le corps

social, représenté par l'autorité qui doit prononcer la séquestra-

lion. sera libre de suivre ou de ne pas suivre. C'est bien là l'es-

prit de la loi.

M. nr G.1V.1RDIE. Ce sera toujours un avis que donnera le méde-

cin. Dans aucun cas, ce ne sera une décision. (Bruit.) 11 faut que

la question soit bien posée.

M. le commissaire du ; Gouvernement. Je crois que je l'ai posée

nettement, en disant que le médecin ne donne jamais qu'un avis.

M. de GAVARDIE. C'est ce que nous soutenons aussi.

M. Tkstelin. Je demande la parole.

M. le commissaire du Gouvernement. Ainsi, lorsque le médecin

écrit sur une feuille de papier l'avis qu'il a donné auprès du lit

d'un malade, on appelle cet.écrit une ordonnance, mais pas un

ordre. Le médecin que vous allez charger du titre d'inspecteur des

aliénés doit donner son avis dans les cas de séquestration. Il sera

appelé à formuler une opinion, et non pas à donner un ordre

d'internement. Et pourquoi le chargez-vous de ce soin ? En sui-

vant la discussion de la loi qui est soumise à vos délibérations,

on s'aperçoit bien vite que le Gouvernement, la commission et

même l'opposition ne trouvent pas grand'chose à reprendre à la

loi de 1838.

M. TESTEHN. C'est évident !

M. le commissaire du Gouvernement. Ils pensent que cette loi de

1838 a sauvegardé et suffisamment protégé jusqu'ici la liberté des

citoyens. Cependant, elle n'a pas échappé à des critiques, et c'est

précisément pour cela que vous êtes occupés à la reviser et à lui

ajouter des dispositions destinées à combler des lacunes. Vous

l'avez fait pour quelques-unes ; et il ne reste plus qu'à empêcher,

autant que possible, que des accusations soient portées désormais

contre le corps médical et contre l'administration. On croit géné-

ralement et c'est pour cela que le public s'émeut qu'il suffit,

en vertu de la loi de 1838, de l'avis d'un médecin complaisant et

des mauvais sentiments d'une famille pour décider et faire passer

en acte la séquestration d'un aliéné, ou d'une personne dont les

facultés mentales sont légèrement dérangées sans être pour cela

incompatibles avec la jouissance de la liberté commune, ou même

d'un individu sain d'esprit.

308 SÉNAT.

Je suis heureux de voir que, dans le apport de M. Roussel, cet

ordre d'idées est traité très rapidement, et qu'il résulte du texte

que les accusations qui ont été portées contre l'application de la

loi de 1838 ne sont pas bien sérieuses. Cependant, ces accusations

ont fait du chemin, et l'opinion vous oblige à prendre des me-

sures pour qu'elles ne puissent plus se reproduire. On dit aujour-

d'hui qu'il suffit de l'avis d'un médecin complaisant pour qu'un

aliéné ou un prétendu aliéné soit séquestré. On veut une garantie

que ces faits n'auront plus lieu, et cette garantie il faut la chercher.

Allez-vous la demander encore aux médecins ? Vous créez fonc-

tionnaire un médecin-inspecteur ? Allez-vous le charger lui-même

de décider aussi si le prétendu aliéné est réellement aliéné ? Il

est parfaitement compétent, et lui seul est compétent pour don-

ner cet avis. Allez-vous le charger de faire plus et de décider,

comme M. Combes et les signataires de l'amendement, que

l'internement sera effectué, c'est-à-dire que la partie essentielle

du traitement, qui est l'isolement par séquestration dans un

asile, sera prononcée ? Si vous le faites, vous vous trouvez en

présence de la même accusation.

Le soupçon qui s'est attaché au premier médecin qui a fait le

certificat et au second médecin celui de l'asile, qui certainement

est moins suspect, qui n'a pas de relations avec la famille, ce

soupçon s'attachera au troisième, et vous en joindriez un qua-

trième qu'il n'y échapperait pas davantage. Ainsi, il n'y a pas

d'autre moyen d'éviter ces accusations que de rechercher une

autorité à laquelle on puisse conférer le soin de prononcer si l'a-

liéné sera interné ou laissé en liberté.

11 y avait deux moyens de résoudre la question. Le premier,

c'était de ne pas s'écarter beaucoup de la loi de 1838 et de traiter

les placements volontaires comme la loi de 1838 traitait les place-

ments d'office ; c'était de faire intervenir l'administration préfec-

torale et de demander aux préfets un ordre de séquestration, dans

le cas où, après avis du médecin traitant et du médecin de l'asile

dans lequel l'aliéné avait été placé, il était bien constaté que le

malade était aliéné. Mais ici se présente la même difficulté. L'ad-

ministration préfectorale n'a pas échappé aux soupçons, et bien

qu'on n'ait pu élever aucune accusation formelle, bien qu'on

n'ait pu citer aucun fait, qu'il ne s'en soit même pas présenté un

seul...

M. de Gavardie. A la bonne heure !

51. le commissaire du Gouvernement.... où l'administration pré-

fectorale ait pu être légitimement ou même injustement accusée

d'avoir participé à la séquestration d'un citoyen ; malgré cela,

comme le soupçon s'attache à l'autorité du préfet l'honorable

M. de Gavardie le disait lui-même dans une précédente séance

SÉNAT. 3(.)'.) )

je ne veux pas du contrôle du préfet, il ne faut pas confier au préfet

le droit de prononcer la séquestration. Que vous confiiez le droit

de séquestration provisoire, une séquestration d'attente, si vous

me permettez cette expression, rien de mieux. Il ne peut, en effet,

en être autrement.

Le préfet est investi des fonctions d'officier de police judiciaire,

et encore aujourd'hui il ne fait pas, en pareille circonstance, autre

chose, lorsqu'il agit en vertu des attributions qui lui sont confé-

rées par le code d'instruction criminelle ; il peut donc faire une

séquestration provisoire, une séquestration d'attente, et le Gou-

vernement accepte ce rôle pour les préfets, dans ces conditions.

Mais il croit devoir mettre ces magistrats à l'abri du soupçon qui

subsiste toujours, et que l'honorable M. Combes vous a parfaite-

ment dépeint, en confiant le soin de statuer définitivement sur la

liberté individuelle de l'aliéné à un corps qui a justement pour

mission dans la société de décider dans tous les cas qui touchent

à la liberté d'une personne ou à son état. Ce corps-là jouit d'une

qualité tout à fait exceptionnelle; il jouit d'une véritable infailli-

bilité. Je ne parle pas, bien entendu, de l'infaillibilité au point

de vue philosophique. Les décisions de la magistrature sont des

décisions d'hommes, et, comme les décisions d'hommes, elles sont

parfaitement susceptibles de mettre l'erreur à la place de la vérité.

Mais je parle de l'infaillibilité légale, de celle qui doit exister

dans toute société et qui consiste tout simplement à empêcher

tout recours contre les décisions. Est-ce que le médecin peut pré-

tendre à une infaillibilité de ce genre ? Mais il ne peut pas la ré-

clamer même dans l'exercice privé de sa profession. Il n'est pas

besoin d'être médecin pour le savoir : il suffit d'avoir été malade.

Personne n'ignore quel doute s'élève dans l'esprit des malades

sur la valeur du conseil que le médecin adonné. On ne peut donc

pas véritablement confier au corps médical, confier à un médecin,

quelles que soient les garanties qu'il ait données par ses études,

par les concours, par sa pratique, un droit qui n'est pas un droit

de simple avis, mais qui le constituerait à l'état d'autorité, qui

ferait de lui le représentant du corps social, qui lui donnerait le

droit de priver un malade ou un citoyen de sa liberté pendant un

certain temps.

M. Comues. En fait, c'est ce qui va se produire avec votre système.

M. le commissaire du Gouvernement. Je ne le crois pas.

M. Connes. Mais si la commission avait déclaré que le tribunal

statuerait d'après l'avis conforme du médecin inspecteur... (Ru-

meurs à gauche.) Permettez, je ne parle que de l'argumentation

de M. le Commissaire du Gouvernement. Si la commission avait

dit cela, voire argumentation serait bonne.

M. le commissaire Dr GOUVERNEMENT. Si la commission avait mis

310 SÉNAT.

ces mots : « D'après l'avis conforme», je combattrais le texte de

la commission comme je m'oppose à celui qui est présenté par

M. Combes.

M. Combes. Cependant... (Protestations à gauche.)

M. le PnÉsfDENi ? e vous en prie, M. Combes, vous aurez la pa-

role tout à l'heure.

- M. le commissaire dû Gouvernement. Il ne faut pas que le corps

médical soit appelé à dicter une décision administrative. Il y a

dans le corps social une autorité chargée de ce rôle ; ce rôle, per-

sonne ne peut l'exercer à sa place. (Très bien ! à gauche.) Je ne

pense pas que cette compétence que je refuse aux magistrats

puisse être confondue avec la vraie compétence qui leur appar-

tient, qui est toute légale, qui est de déterminer si, étant donné

un avis du médecin, cet avis doit être suivi. M. Combes disait tout

à l'heure que si la loi indiquait que le tribunal pourrait s'éclairer

par d'autres avis que l'avis des médecins, il comprendrait son rôle

et sa compétence. Mais il va de soi que le tribunal pourra de-

mander des informations autres que des avis médicaux, et cela

n'a pas besoin d'être inscrit dans la loi.

Ce que vous devez prescrire dans la loi, c'eslque pour toutes les

informations que le tribunal ne peut pas se procurer sans s'a-

dresser à des hommes spécialement compétents, ayant la com-

pétence scientifique et l'ayant seuls, il ait recours au\- médecins.

Cela fait, vous n'avez plus rien à prescrire, vous êtes certains que

le tribunal sera éclairé sur la question de la maladie; il ne l'est

que par les dispositions que vous prenez. Mais il le sera pleine-

ment, et, quand il aura été assez éclairé, je suis bien persuadé

qu'il ne rendra des décisions que dans l'intérêt de la liberté et

dans l'intérêt des aliénés. (Très bien ! très bien ! )

M. de Gavardie. Je demande la parole.

M. Testelin. Pardon ! je l'ai également demandée.

M. le Président. M. 1'esterlin avait demandé la parole avant vous,

monsieur de Gavardie. La parole est à M. Testelin.

M. Testelin. Messieurs, c'est avec une grande hésitation que je

monte à celte tribune. Je me trouve d'abord en présence d'une

commission dont je respecte infiniment le savoir, et la thèse a été

si bien soutenue tout à l'heure par mon honorable collègue

M. Combes, que j'ai véritablement beaucoup de difficultés à trou-

ver de nouveaux arguments à vous présenter. D'un autre côté,

M. le Commissaire du Gouvernement est un homme si distingué,

que son opinion m'en impose beaucoup, je le déclare. Il a dit :

Mais alors ceux qui ont déposé un amendement comparable à ce-

lui-là devraient être partisans de la loi de 1838. Assurément,

quant à moi, à part la garantie de la fortune des aliénés, je ne

vois pas ce qu'il y avait à changer à la loi de 1838.

SÉNAT. 311

11. or Gw.wnc. 'frès hien.

M. 'l'li3TELIV..Ie déclare qu'à mes yeux, c'est une des lois les plus

humaines, les plus politiques et les mieux conçues que j'aie jamais

vues et que j'aie jamais lues. Jamais l'esprit humain n'a fait un

effort aussi considérable et n'a fait accomplir à une question, d'un

seul coup, un aussi grand progrès. Et la preuve, c'est que toutes

les autres nations se sont empressés de copier notre loi.

M. de Gavardie. A la bonne heure 1 (Sourires.)

M. le Rapporteur. C'est vrai 1

M. Testelin. Mais ici, il s'agit d'une question de malades, car,

au bout du compte, qu'est-ce qu'un aliéné ? C'est un malade. Oh !

cela n'a pas toujours été reconnu, et cela n'a pas été facile à faire

admettre. Le combat dure depuis longtemps, car IIippocrate, le

père de la médecine, disait déjà, en parlant de l'aliénation men-

tale : « Non, ce n'est pas une maladie divine plus que les autres,

c'est une maladie comme les autres.» Il a fallu que les médecins

arrachassent les aliénés, pour ainsi dire, à la superstition. La so-

ciété païenne les regardait avec une pitié mêlée de crainte. On

les croyait presque les favoris de la divinité ; on les consultait.

La plupart, et les pythies comme les sibylles, n'étaient pas autre

chose que des aliénées.

M. de Gavardie. Des aliénées volontaires !

M. Testelin. Puis, ensuite, la superstition chétienne, passez-moi

le mot, les a traitées beaucoup plus durement.

M. de Gavardie Oh ! 1

M. 1'csTH;cm. Je ne dis pas « catholique », je dis « chrétienne »,

car les protestants se sont conduits absolument comme les catho-

liques à cet égard-là ! On en a fait alors des possédés, je ne

m'étends pas sur toutes les conséquences de ce mot, puis des

criminels; c'est la loi de 1838 qui les a arrachés à cette définition

de criminels.

Je dis donc que puisqu'il s'agit d'une question médicale, c'est

la médecine qui devrait avoir la haute main. Je ne réclame pas

du tout pour les médecins le privilège de déclarer qu'un malade

restera enfermé ou ne restera pas enfermé. La loi de 183S ne

disait pas cela, notre amendement ne dit pas cela; c'est absolu-

ment l'amendement de l'honorable M. Bardoux, sauf une phrase

que nous retranchons : le recours à la chambre du conseil. Hé ! 1

messieurs, ne trouvez-vous pas ceci étrange : Pourquoi enferme-

t-on les aliénés ? Parce que ce ne sont pas des malades comme

les autres ; ce sont des malades dangereux pour eux-mêmes,

dangereux pour la société. C'est donc et pour les préserver et

pour préserver la société qu'on les enferme. Voilà un premier

point. Mais il y en a un second : c'est que presque toujours c'est

le meilleur mode de traitement.

312 ), SÉNAT.

Certainement, dans la classe très riche, où l'on peut isoler un

aliéné de tout son ancien entourage, de toutes les conditions au

milieu desquelles il est devenu malade, cela fait le même effet

que s'il était enfermé dans un asile ; mais la grande majorité

des citoyens qui ont des parents atteints d'aliénation mentale ne

peuvent recourir à ce procédé. Eh bien, ne trouvez-vous pas

étrange qu'il faille un tribunal pour décider qu'un malade sera

traité d'une façon ou d'une autre, car ce n'est pas autre chose ?

La chambre du conseil va donner la permission à des parents de

faire traiter leur parent par un procédé qui peut amener la gué-

rison...

M. Mazeau. Et les conséquences, au point de vue de la fortune ?

M. Morellet. Et même au point de vue politique ?

M. TFSTELIN. Il me semble que j'ai des adversaires assez redou-

tables sans qu'une collection d'interruptions vienne me couper la

parole.

M. IIARTHÉLEllY-5.11\T-IIIL : 11111 ? Vous n'en avezpaspeur ! (Sourires.)

M. ÏESTEDX. Je reprends le fil de mon discours. Il va falloir un

jugement pour déclarer que vous pouvez vous faire traiter; puis

un second jugement pour déclarer que vous êtes guéri. L'autre

jour, on avait peur d'un registre sur lequel on écrirait les noms

des aliénés ; mais ici, vous allez avoir un double casier judiciaire,

si vous procédez ainsi : un casier constatant qu'ils sont aliénés,

et un second casier constatant qu'on les croit guéris.

M. de GAvAiiDiE. Parfaitement !

M. le rapporteur. C'est une erreur !

M. TESTELIN. Vous trouvez que cela est une bonne chose ? ...

N. LE rapporteur. Non, ce n'est pas dans la loi !

111. TETELIn.... Pour moi, je ne le peuse pas.

Mais il y a autre chose. On dit : Comment ! vous voulez que sans

l'intervention de la magistrature on puisse détenir un citoyen et

le priver momentanément de sa liberté dans un but d'intérêt

public ? Mais cela s'est fait depuis la loi de 1838 jusqu'à présent, 1,

et les accusations qu'on a portées contre cette loi, on ne les épar-

gnera pas davantage à celle-ci, par ce qu'il y a un système qui

consiste à ne trouver rien de boit ! C'est la seule manière de se

frayer une route au milieu d'une société plus ou moins bien orga-

nisée. Si vous trouvez tout bien, on dit : « C'est un homme comme z

un autre ! » Dès que vous voulez parvenir, vous trouvez tout mal !

M. de Gavardie. Ce n'est pas mal, cela ! (Rires.)

M. TESTELIN. Vous dites : « Prenez garde ! vous allez donner à

l'autorité administrative le droit de séquestrer un citoyen ! « Est-ce

que c'est seulement en cas d'atiéLatmn mentale que ce fait se

sénat. 313 ii,

produit ? Avez-vous oublié les lois sur les épidémies et sur les

quarantaines ? J'arrive de Vienne où règne le choléra. A la fron-

tière, on me dit : Pardon ! le droit de circulation existe ; mais,

comme vous venez d'un pays contaminé, vous ne circulerez pas.

Puis : Vous circulerez après avoir été interné dans un lazaret;

vous y resterez le nombre de jours qui nous conviendra ! De plus,

je tombe malade dans le lazaret : est-ce qu'on va aller chercher

le tribunal pour décider que la maladie est le choléra ou une ma-

ladie contagieuse quelconque ? ` ?

M. Mazeau. Ce sont des mesures de police.

M. TusTHLiN. Ce sont des mesures de police ? Eh bien, quant aux

aliénés, ce sont des mesures de police aussi. Les aliénés produi-

sent des désordres publics ; ils commettent souvent des outrages

à la morale publique; ils compromettent la sécurité des citoyens

la situation est exalemeut la même. (Protestations à gauche.) Oui,

dans le cas de péril public imminent, dans tous les Etats organisés,

l'autorité administrative a le droit d'intervenir. Maintenant vous

dites : Elle intervient provisoirement. 11 peut y avoir des abus.

Est-ce que nous prétendons que les médecins échapperont à l'exa-

men des magistrats ? Le médecin qui donne un certificat pour les

aliénés peut pécher de deux-façons : il peut pécher par ignorance.

Si c'est un médecins d'asile ou un inspecteur, vous le révoquerez,

s'il fait preuve d'ignorance. Il pourait à la rigueur avoir une in-

tention coupable : mais alors le magistrat le poursuivra. Le dia-

gnostic des maladies est le propre des médecins ; le diagnolic des

crimes et des criminels est le propre de la magistrature. Chacun

restera ainsi dans ses habitudes, dans son ordre d'étude, et tous

ira bien.

Remarquez-le bien, niessiciiis, - on n'a pas assez insisté là-

dessus, je crois que votre disposition n'est pas pratique. Le

nombre des internements d'aliénés du département de la Seine

est de 3,800 et plus par an ; toutes les grandes villes sont un lieu

de rendez-vous des aliénés, et Paris étant une des plus grandes

et des plus intéressantes capitales du monde, il y arrive des alié-

nés de tous les coins de l'univers, et malheureusement il n'en

reste que trop en liberté.. Savez-vous ce que cela représente, 3,800

aliénés ? Cela représente 3,800 décisions de la chambre du conseil

pour les faire enfermer, et 3,800 décision» pour les laisser sortir,

ce qui fait 7,600.

M. le rapporteur. Mais non ! Il n'est pas besoin de décision

pour laisser sortir un aliéné.

M. Testeln. Pardon ! il faut une décision de la chambre du

conseil pour les laisser sortir, pour déclarer qu'ils sont guéris, car

on ne veut pas même laisser au médecin le droit de déclarer qu'un

aliéné est guéri et qu'on peut le laisser sortir. Je vais plus loin, et

314 varia.

je dis qu'un diagnostic d'aliénation moniale n'est pas si facile que

cela à faire. Je sais bien que les magistrats ont une propension

d'esprit très louable : c'est, de vouloir Lout constater par eux-mêmes,

et quand il s'agit d'un délit, d'un accusé, de l'interroger, de se rendre

compte de tout par eux-mêmes; mais malheureusement, dans la

plupatt des esprits des magistrats, il existe ce prégugé qu'un

aliéné doit toujours déraisonner.

Paris. C'est vrai !

VARIA.

ORGANISATION DU CONCOURS POUR LES PL\CES DE MÉDECIN ADJOINT

DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS

Le président du conseil, ministre de l'intérieur,

Sur la proposition du directeur de l'Assistance publique et des

institutions de prévoyance : Vu la loi du 30 juin 1838, l'ordon-

nance du 't8 décembre 1839 et les décrets des 6 juin 1863 et

4 février l875; Vu le décret du 25 mars -t8j2 :

Vu l'arrêté ministériel en date du 6 mars 1888 instituant une

commission chargée d'étudier le meilleur mode de concours à

organiser pour l'admission aux emplois de médecins adjoints des

asiles publics d'aliénés; Vu le rapport présenté par ladite

commission 1 ; Vu l'avis de M. le ministre de l'instruction

publique et des beaux-arts; Arrête :

Article premier. Il est constitué un concours pour l'admissi-

bilité aux emploisde médecins adjoints des asiles publics d'aliénés.

ART. 2. - Le concours sera régional : il y aura autant de

régions que de facultés de médecine de l'Etat. La circonscrip-

tion de chaque région sera composée comme il est indiqué dans

le tableau annexé au présent arrêté.

ART. 3. Les candidats devront être Français et docteurs

d'une des Facultés de médecine de l'Etat. Leur demande devra

être adressée au ministre de l'intérieur qui leur fera connaître si

elle est agréée et s'ils sont admis à prendre part au concours. Ils

ne devront pas être âgés de plus de trente ans au jour de l'ouver-

ture du concours. Ils auront à justifier de l'accomplissement d'un

stage d'une année, au moins, comme internes dans un asile

' Cette commission était composée de LU. ) ! ourrt(*\'iUe, président et

Doiiiiet, médecin-directeur de l'asile de Vaucluse; Giraud,

(le l'asile (le

varia. 315

public ou privé consacré au traitement de l'aliénation moniale.

Toute demande sera en conséquence accompagnée des pièces

faisant la preuve de ce stage, de l'acte de naissance du postulant,

ainsi que de ses états de services quelconques. Les candidats seront

libres de concourir, à leur choix, dans l'une ou l'autre des régions.

Au sur et à mesure des vacances d'emplois qui se produiront

dans les asiles publics de la région où ils auront passé le'concours,

les candidats déclarés admissibles seront désignés au choix des

préfets, suivant l'ordre de classement établi par le jury d'aptes le

mérite des examens.

Anv.4.- Un premierconcourssera ouvert en 1888 dans chaque

région pour l'application du présent arrêté, à une date qui sera

ultérieurement déterminée. Ce concours aura lieu en vue de

l'admission de trois candidats dans la région de la Faculté de

médecine de Paris et de deux candidats dans chacune des autres

régions. Un nouveau concours n'aura lieu ensuite dans chaque

région que lorsque la liste des candidats déclarés admissibles y

sera épuisée à une seule unité près.

Chaque concours sera annoncé au moyen d'insertions faites au

Journal officiel et dans le Recueil des Actes administratifs de la

préfecture du chef-lieu de chaque région.

Tout admissible qui n'aurait pas été pourvu d'un emploi dans un

délai de six ans à compter de la date du concours, aurait à se sou-

mettre de nouveau aux épreuves instituées par le présent arrêté,

à moins qu'il ne justifiât avoir, dans l'intervalle, été attaché, pen-

dant trois ans au moins, un asile d'aliénés eu qualité d'interne '.

A titre exceptionnel, et lorsqu'il y aurait urgence à nommer le

médecin adjoint d'un asile dans une région où la liste des admis-

sibles se trouverait épuisée, l'administration supérieure conser-

vera la facullé d'appeler à cet emploi un candidat d'une autre

région à la condition que celui-ci déclarera expressément renoncer

au droit qui lui appartient d'obtenir son poste de début dans la

région où il a subi le concours.

A titre exceptionnel également et lorsqu'une nécessité d'ordre

supérieur le recommanderait, ou encore par mesure disciplinaire,

tout médecin adjoint nommé pour son début dans la région où

il aura concouru, pourra être ensuite envoyé avec ses mêmes fonc-

tions dans un asile situé hors de cette région.

ART. 5. Les médecins adjoints pourront être nommés méde-

cins en chef ou directeurs-médecins dans toute la France.

1 Il nous paraît difficile qu'il n'y ait pas de vacance d'emploi de uteuc-

cin alljoint tians un délai plus rapproché; - la condition de redevenir

iiilerne après un concours supérieur, nous parait tout au moins bizarre

et ne peut s'eylirperyue par une connaissance insuffisante des concours

(liiis les btii,eiii.\ (lit iiiiiiistèi-o (1(, l'iiitéi-ietit-,

316 VARIA.

Art. 6. Le jury chargé de juger les résultais du concours sera

composé, dans chaque région : 10 de trois directeurs-médecins

ou médecins en chef de la région ; 2° d'un inspecteur général des

établissements de bienfaisance '; 3° d'un professeur désigné par

la Faculté de médecine de la région.

Les directeurs-médecins et les médecins en chef appelés à faire

partie du jury seront désignés par voie de tirage au sort parmi

-les docteurs qui remplissent l'une ou l'autre de ces fonctions dans

un des asiles publics de la région. Il sera procédé, en outre, au

tirage au sort d'un juré suppléant pris également parmi les direc-

teurs-médecins et médecins en chef.

Art. 7. Les épreuves sont au nombre de quatre :

1" Une question écrite portant sur i'ftM(f<om<e et la physiologie du

système nerveux pour laquelle il sera accordé trois heures aux

candidats. Le maximum des points sera de 30;

2° Une question orale portant sur la médecine et la chirurgie

ordinaires pour laquelle il sera accordé 20 minutes de réflexion et

15 minutes pour la dissertation. Le maximum des points sera de 20.

3° Une épreuve clinique sur deux malades aliénés. Il sera accordé

30 minutes pour l'examen des deux malades, 15 minutes de

réflexion et 30 minutes d'exposition. L'un des deux malades

devra être examiné et discuté plus spécialement au point de vue

médico-légal. Le maximum des points sera de 30 ;

4° Une épreuve sur titres. Les travaux scientifiques antérieurs

des candidats seront examinés par le jury et feront l'objet d'un

rapport qui pourra être communiqué aux candidats sur leur

demande. Le maximum des points sera de 10. Les points pour

cette épreuve devront être donnés au début de la première

séance de lecture des compositions écrites.

Arir. 8. - Ne sera pas soumis aux épreuves du concours ins-

titué par le présent arrêté le chef de la clinique des maladies

mentales organisée à l'asile Sainte-Anne; lorsqu'il sera chargé

des fonctions de médecin adjoint dans cet établissement, confor-

mément aux dispositions des articles 3 et 4- de l'arrêté minis-

tériel du 8 octobre l8î9 2.

ART. 9. - Le directeur de l'Assistance publique et des institu-

tions de prévoyance est chargé de l'exécution du présent arrêté.

Paris, le 18 juillet 1888. Pour le président du conseil, le sous-

secrétaire d'État, signé : Léon Bourgeois.

4 Nous avions demandé un inspecteur général, médecin, ce qui nous

semble logique. Pourquoi ne pas le dire ?

- Voilà une disposition singulière que rien ne justifie. Si elle était

juste pour Paris, il faudrait l'appliquer aux chefs de cliniques des autres

Facultés. Limitée t Paris c'est une prérogative qui sent le favoritisme.

VARIA.

317

Tableau déterminant la circonscription de chacune des six

régions où aura lieu un concours' :

FAITS DIVERS.

AQILL D.1LII : NIsS. °- Nominations. M. le Dr Gaillau, directeur

médecin de l'asile public de Fains (Meuse) est nommé aux mêmes

fonctions à l'asile public de Saint-Lixier (Ariège), en remplacement

de M. le Der LOGL1UD, décédé. M. le 1)r B.yLr, ancien médecin

en chef des asiles publics, est nommé médecin directeur à Fains,

(Meuse) (arrêté du 30 juin). M. SLVarne est nommé directeur

de l'asile public du Mans (arrêté du 19 juillet). M. le Dr Guyot,

médecin adjoint à l'asile public de Quatremares, est nommé direc-

teur médecin de l'asile public de Chatons (arrêté du 10 août).

Promotions. M. Barroux, directeur de l'asile public de Ville-

juif est promu à la 2e classe à partir du 17 juillet (Arrêté du

SSjuin).Sont promus à partir du 1er juillet : A la classe excel)-

tîo ? îîîelle, M. le Dr muret, directeur médecin de l'asile public

d'Auch ; à la 1 ? classe, M. Cullerre, directeur-médecin de la

Roche-sur-Ion; - M. le Dr médecin en chef à Maré-

ville ; M. le Dr Lemoine, médecin adjoint à Bailleul ; - ci la

2o classe, M. Germain CORTYL, directeur médecin à Alençon ; M. le

1l BOUBIL ? médecin en chef à llarseille (arrêté du 7 août).

Asile de Chalons. - M. le Dl 11, Bonnet est admis, sur sa

demande à faire valoir ses droits à la retraite (Arrêté du 10 août).

Concert aux aliénés DE BfCÈTRE. Comme tous les ans, à pareille

époque, a eu lieu le concert olfert par les frères Lionnet, avec le

concours de nombreux artistes. La fête a débuté par un choeur

chanté par les enfants et un certain nombre d'adultes. Puis, un

grand nombre d'artistes, dont la plupart avaient déjà prêté leur

concours à la fête de la Salpêtrière ont pris part à ce concert.

Citons Mmo Thérésa qui a été l'objet de véritables ovations;

jmcs Auguez, Mole, Chevalier, Degrandi, de l'Opéra-Comique ;

M11» Ducreux, du Conservatoire, 111 ? Madeleine Godard, violo-

niste, MM. Soulacroix, Lubert, 13ertili, Bat,iiolt, Fugère, de l'Opéra-

Comique ; Caron et Ourdin, de l'Opéra; Saint-Germain, Péricaud

et Fugere, de l'Ambigu. Après le concert, un banquet a réuni

les artistes et les invités sous la présidence de M. Peyron qui

a porté un toast de remerciements aux artistes, auquel M. Clovis

Hugues, qui assistait à cette fête, a répondu. Avant de se sépa-

rer, les artistes ont pour la plupart redit en manière d'adieu

quelques-uns de leurs meilleurs morceaux. Un concert ana-

320

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

loguc avait eu lieu quelques jours auparavant à la Salpêtrière.

Tout eu adressant des félicitations aux artistes qui prêtent leur

concours à ces fêtes, nous devons regretter qu' ils se fassent sans

que les médecins soient consultés. Aussi n'est-il pas rare que cer-

taines parties du concert aillent contre le but.

Faculté DE médecine DE Paris. Concours pour le clinicat des

maladies mentales. M. Rouillaiuj vient d'être nommé chef de cli-

nique titulaire ; M. Semelaigne, chef de clinique adjoint.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Avis aux Auteurs et aux Éditeurs. Tout ouvrage dont il nous sera

envoyé un seul exemplaire sera annoncé. Il sera fait, s'il y a lieu, une ana-

lyse de tout ouvrage dont nous recevrons deux exemplaires.

CIIARCOT (J.-M.). Leçoiis sur les maladies du système nerveux, pro-

fessées à la Salpêtrière et recueillies par JIM. B.nIN3KI, Bernard, lréns,

Gu]NON, Marie et Gilles de la Tourette. Tome III, 2° fascicule. Un

volume in-8 de 380 pages, avec 61 figures dans le texte. Prix : 9 fr. ;

pour nos abonnés, prix : 6 Ce fascicule complète le tome troisième.

UEBVÉ (G.). La circonvolution de l3roca. Étude de morphologie céré-

brale. Volume in 8° de 165 pages, avec 10 figures et t planches coloriées.

Prix : 6 fr. Paris, 1888. Lecrosnier et Babé.

La dame. Procès criminel de la dernière sorcière brûlée à Genève, le

6 avril 1652, publié d'après les documents inédits et originaux conser-

vés aux archives de Genève (Sixième volume de la Bibliothèque dicrbo-

lique, collection l3ourneoille. Un volume in-8° de 60 pages. Prix

2 fr. 50). Pour nos abonnés : 1 fr. 75; numéros 1 à 50, papier Japon,

prix : 5 francs; pour nos abonnés : 1 fr.; numéros 51 à 1GG, papier par-

cheminé, prix : 3 fr 50; pour nos abonnés : prix, 2 fr. 75.

' ? 7t ! ) ? ? /'</t CM7 ! ! M//fepO)0 ? e.P<'7t ? U ? i,'aM ! < : Training Scliool for Fee-

bie-nt2 .iicled C/t ! M;'6K, Uwyn, Delaware Country. Brochure in-8° de

30 pages. West Chester, Pa., 1887. Hickman. Printer, Cor.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

Iereu : , Ch. IIsmsser, mp. -- 56.

Catsaras, Tableau I.

TABLEAU DE LA FORME CENTRALE SPINALE LATÉRALE

Vol. XVI. Novembre 1888. Nu 48.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE MENTALE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA. FOLIE COMMUNIQUÉE';

- Parle Dr LEGRAIN, ancien interne des asiles de la Seine,

Médecin de la Colonie de Vaucluse.

On a beaucoup parlé de la contagion de la folie, et,

en dehors du monde scientifique, il n'est pas encore

rare d'entendre émettre cette opinion, qu'à la longue,

le contact des aliénés exerce une certaine influence

sur les esprits bien pondérés : nous verrons dans le

cours de cette étude ce qu'il faut en penser réelle-

ment. Huit observations de délire communiqué que

nous avons recueillies, nous permettront d'énoncer

quelques considérations sur cette variété de vésanie,

plus fréquente qu'on ne le croit. Il n'est pas rare

d'observer en effet, dans un même milieu, dans une

même famille, par exemple, dont les membres vivent

dans une'grande intimité, plusieurs individus atteints

du même délire : un père et son fils, une mère et sa

fille, deux soeurs, etc., se trouvent en communion

d'idées délirantes.

1 Celte étude a été lue 1 la Société de Physiologie psychologique, séance

du 27 juin 1887.

Archives, t. XVI. 21

322 PATHOLOGIE MENTALE.

Que de fois le médecin de l'asile n'entend-il pas les

doléances d'un mari, soutenant qu'il n'a jamais cons;

taté trace de folie chez sa femme, justifiant le délire

de celle-ci par des interprétations de même nature,

protestant enfin contre un internement illégal ? Heu-

reux quand il s'en tient à la simple protestation, car

on en voit dont la conviction est telle, qu'ils pro-

voquent, du côté des autorités, une enquête dont le

résultat est toujours la sanction de l'internement. Ce

mari s'est associé aux idées délirantes de sa femme,

et se les est assimilées tellement, qu'il les défend avec

une ardeur digne d'une meilleure cause. Il est rare

pourtant que les deux malades reproduisent exacte-

ment la même physionomie; en d'autres termes, le

délire de l'un ressemble rarement en totalité au délire

de. l'autre; s'il y a contagion, il n'y a pas contagion

intégrale.

La question n'est pas neuve. Sans chercher à en

faire un nouvel historique, nous devons toutefois rap-

peler un certain nombre de travaux qui nous sug-

gèrent quelques critiques. Jusqu'à présent, la folie

communiquée n'est considérée que comme une va-

riété de délire à deux, à côté de laquelle on place : la

folie imposée de Lasègue et Falret', la folie simulta-

née de Régis 2, la folie transformée de Kiernan, la folie

induite de Lehmann3. Nous pensons qu'il est vraiment

inutile d'encombrer la nomenclature déjà si"compli-

quée des maladies mentales, et d'attribuer à une seule

espèce morbide un véritable luxe d'épithètes. Conser-

' Lasègue et Falret. - La Folie à Deux. (A),ch. gén. de méd., 1877.)

1 Régis. La Folie à Deux, th., 1880.

9 Lehmann. - Folie induite. (dreh. fiir Psychiatrie, t. XIV.)

DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 323

vons, si l'on veut, le terme générique de folie à deux,

et réduisons à deux le nombre de ses variétés cli-

niques.

Les observations de délire partagé se rangent, en

effet, dans deux catégories. Dans les unes, les moins

nombreuses, les deux- malades sont actifs ; ils écha-

faudent leur délire en commun ; ils réagissent l'un

sur l'autre, et c'est de leur collaboration qu'émane

tout le système délirant. C'est là, la véritable folie à

deux, celle à laquelle conviendrait pleinement, croyons-

nous, le terme de folie simultanée, employé par Régis,

pour désigner un cas un peu différent. Voilà pour la

première catégorie.

La seconde comprend des malades dont la part est

très inégale dans la confection du délire. Ces malades

sont tous sous le coup d'une influence générale com-

mune, d'une cause occasionnelle plus ou moins puis-

sante, d'ordre politique, moral, religieux, etc., telle

que les émotions inséparables d'un grand événement :

dans ce groupe se rangent les folies épidemiques, la

folie des convulsionnai) 'es , en un mot, les folies qui

frappent du même coup un grand nombre d'individus.

Dans un autre cas, le groupe délirant est plus res-

treint, ne comprend que deux, trois ou quatre ma-

lades, parmi lesquels un seul joue un rôle actif et im-

pose ses idées aux autres. Ces deux groupes méritent

bien l'étiquette de folie communiquée, et la clinique

les différencie totalement de la première catégorie de

malades que nous avons indiquée.

De ces quelques lignes, il ressort que les termes :

folie communiquée, folie simultanée de Régis, folie

transformée, folie induite, sont synonymes, avec une

324 PATHOLOGIE MENTALE.

nuance toutefois pour la folie transformée, dans la-

quelle les malades passifs sont des individus déjà dé-

lirants, au moment où ils subissent l'influence d'autres

malades. Ce sont les cas de folie communiquée qu'il

- n'est pas rare d'observer dans les asiles, où certains

aliénés actifs, intelligents , réagissent sur d'autres,

passifs, plus faibles d'esprit. A cette nuance près, il

est bien évident qu'il s'agit ici encore d'une folie

communiquée.

Nous croyons donc qu'il serait bon de substituer à

tous ces termes, celui de folie communiquée, em-

ployé par Marandon de Monthiell et préférable à

cause de son sens plus général, à celui de folie impo-

sée. La folie, en effet, n'est véritablement imposée

que dans un nombre restreint de cas.

Que faut-il penser de la pathogénie de ces délires

communiqués ? Par une sorte de suggestion instinctive,

irrésistible, l'homme a tendance à imiter ce qu'il voit

faire. Il y a là une sorte d'entraînement des esprits

vers l'imitation, qui s'est rencontrée à toutes les

époques. Nous verrons que ces tendances entraînent

des conséquences bien différentes chez l'homme sain

d'esprit et chez l'homme taré au point de vue céré-

bral. Les épidémies de convulsions, dont l'histoire est

aujourd'hui trop connue pour que nous y insistions,

ont été de véritables épidémies de délire. La conta-

gion trouvait le terrain préparé, il est vrai, chez des

esprits déséquilibrés, chez des sujets essentiellement

névropathes ; mais, outre cet élément fondamental,

sans lequel la contagion ne saurait se concevoir, il y

1 Marandon de Monthiel. Folie à Deux. (Ann. médico-psychol. Jan-

vier 1881.)

DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 925

avait un véritable entraînement, un besoin réel d'i-

mitation. Il y a dans ces épidémies si curieuses d'in-

coordination motrice, racontées récemment- par Gilles

de la Tourette et Guinon, un fait du même genre '.

Nous avons essayé de montrer dans un autre travail 2,

que ces épidémies ne sauraient germer ailleurs que

sur un terrain préparé, qui, dès lors, joue dans l'es-

pèce un rôle étiôlogique indispensable. De nos jours,

comme à toutes les époques, ces tendances imita-

trices existent. Dans une société, la constitution des

esprits est variée à l'infini ; il est possible pourtant, au

point de vue qui nous occupe, de les réduire à trois

types principaux : les actifs, les passifs, les indiffé-

rents. Les premiers sont aventureux, entreprenants;

leurs facultés sont dans une perpétuelle ébullition; ils

donnent toujours de l'avant, marchent à la recherche

de l'inconnu, s'emballent sans réflexion pour une cause

bonne ou mauvaise; ils comprennent : les fanatiques,

les passionnés, les enthousiastes de toute espèce.

Les passifs, incapables de volonté, de conviction,

esprits toujours fluctuants, éminemment influençables,

subissent tous les entraînements; ils sont la proie des

premiers; ils comprennent les timorés, les faibles

d'esprit. Entre les deux, sont les indifférents; calmes,

bien pondérés, ils assistent à Y emballement des der-

niers à la suite des premiers, et ne prennent de déter-

mination qu'à bon escient. C'est dans la constitution

des esprits, telle que nous venons de l'esquisser, qu'il

faut rechercher, croyons-nous, le secret de ces grands

1 G. delà Tourette. Archives de Neurologie, 188f-988. - Guinon (G.)

Sur la maladie des Tics co7autilsifs (Rév. de méd., 1886 et 1887).

' * Du délire chez les dégénérés. Paris, 1886.

326 PATHOLOGIE MENTALE.

mouvements de l'opinion, de ces grandes passions po-

litiques, religieuses ou autres, qui se sont produits à

toutes les époques.

On a depuis longtemps remarqué que les événe-

ments surviennent en quelque sorte par séries; un

événement, qui a produit pendant quelque temps une

émotion vive dans les esprits, semble en solliciter un

autre semblable, jusqu'à ce que l'entraînement psy-

chique produit par le premier se soit épuisé, ou ait

fait place à un autre qui conduit le courant des idées

dans une nouvelle direction. Il est à noter aussi que

ce sont les idées souvent les plus étranges, les plus

extravagantes, et par conséquent les plus marquantes,

qui trouvent ainsi à faire facilement leur chemin. Une

idée bizarre, excentrique, livrée aux quatre vents de

la publicité-, germe sûrement dans quelque cerveau

mal équilibré. Est-il besoin de rappeler, par exemple,

ces attentats criminels qui se produisent si fréquem-

ment avec le vitriol depuis que le procédé a été ima-

giné. Le premier homicide, qui a trouvé bon de couper

sa victime en morceaux, a fait école. Les exemples

abondent. Il est certain que les événements saillants,

qui s'accomplissent chaque jour, jettent le trouble

dans beaucoup d'esprits faibles, qui s'en préoccupent

outre mesure, aidés qu'ils sont par les nombreux

commentaires, les récits plus ou moins dramatiques,

dont les colonnes des journaux sont remplies.

Les esprits bien pondérés apprécient les faits à leur

juste valeur, mais les névropathes, les prédisposés

s'émeuvent; certains voient momentanément leur

équilibre mental se détruire. Il est notoire que les

grands événements produisent des faits semblables.

DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 327 7

Au moment des élections, on voit entrer à Sainte-

Anne un grand nombre de malades ambitieux décla-

rant qu'ils viennent d'être élus députés; au moment

du tirage des grandes loteries, nombre de déséquili-

brés sont séquestrés avec un délire ambitieux, dont

le gros lot est la principale base. Lorsqu'un crime à

sensation vient de se produire, beaucoup de névro-

pathes à tendances mélancoliques ne tardent pas à

s'accuser d'en être les auteurs. Récemment nous avons

observé un dégénéré qui, s'étant trouvé quelque res-

semblance avec l'auteur présumé du crime de la rue

Montaigne, s'est imaginé qu'il était cet assassin. Puis,

comme ses souvenirs ne s'accordaient nullement avec

les faits, et qu'il se trouvait sans peine un alibi, il

finit par se persuader qu'il avait commis le crime dans

un accès de somnambulisme. Enfin, peu satisfait de sa

trouvaille, il crut reconnaître dans la personne de son

domestique l'auteur du crime ; il se demanda anxieu-

sement s'il n'était pas de son devoir de l'aller dé-

noncer. On peut voir ainsi à quelles extrémités peut

se porter une imagination déséquilibrée, sous le coup

d'une violente impression.

Ce fait est bien connu, d'ailleurs, qu'aux différentes

époques, les délires reflètent les idées du moment. Si

l'on examine l'état mental des malades, on retrouve

celui des déséquilibrés, ceux que nous avons signalés

plus haut comme susceptibles au premier chef, d'être

influencés d'une manière quelconque.

Il n'est pas jusqu'à l'entraînement au suicide qui ne

s'observe parfois'. Nous désignons, non pas ces sui-

' Schpolianski. - Des Analogie entre la Folie à deux et le Suicide à

deux. Th. 1885. 1

338 8 PATHOLOGIE MENTALE.

cides, qni sont un syndrome du délire mélancolique,

ni ceux qui sont l'effet d'une impulsion morbide irré-

sistible, mais bien ceux qui sont l'oeuvre de malheu-

reux dégénérés, et qui sont accomplis froidement, fa-

talement, bien qu'aucun motif pathologique ne semble

préexister à l'acte. Nous avons connu plusieurs familles

où le suicide était héréditaire, sans être, le plus souvent,

un syndrome d'un état mélancolique : « Mon père s'est

pendu à trente ans,disait froidement un membre de l'une

de ces familles, je me pendrai à trente ans. » Et à trente

ans le suicide s'effectuait, stupéfiait tout le monde,

car, la veille encore, le malade était actif et n'était

nullement mélancolique. Renseignements pris, on ap-

prenait que« c'est l'habitude dans la famille ». Un fait

authentique et bien curieux nous a été rapporté par un

de nos confrères de la province, qui le tire de sa propre

clientèle ; il a la valeur d'une observation.

Trois paysans rentraient du marché dans un état

de demi-ébriété. Pendant qu'ils étaient attablés au

cabaret, l'un d'eux croit trouver un véritable trait

d'esprit en proposant à ses deux compagnons de se

suicider tous les trois, le soir même, à 9 heures, dès

qu'ils seraient rentrés au logis, « histoire de faire une

niche à leur femme ». L'idée est acceptée ; le reste de

la journée se passe dans différents cabarets. Aucun

d'eux ne pense plus à l'idée baroque suggérée par l'un

des trois ivrognes. Mais le soir à 9 heures, au milieu

des fumées du vin, l'idée reparaît, et ainsi qu'il était

convenu, les trois individus se pendent dans leur écu-

rie. D'eux d'entre eux, privés de secours, meurent; le

troisième, secouru par sa femme, a pu raconter l'his-

toire au médecin.

DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 329

11 y a eu dans ce cas une véritable auto-suggestion,

un véritable entraînement, une contagion. Ce fait ré-

sume dans sa simplicité tous les cas rangés communé-

ment sous la rubrique : délires communiqués. Il est

impossible de faire rentrer le suicide de ces trois

paysans soit dans le délire mélancolique, soit dans

l'impulsion au suicide des dégénérés, soit dans tout

autre cadre nosologique déterminé. Mais par quel pro-

cédé, l'idée du suicide s'est-elle ainsi propagée si ra-

pidement ? Il faut un terrain spécial pour que la

contagion existe. L'intermédiaire obligé est ici cons-

titué par l'état mental des sujets. Ceci nous amène à la

véritable pathogénie de ces accidents.

L'état mental, jouant un rôle prépondérant, doit

être étudié avant le délire. Cette étude nous conduit à

reconnaître que, le plus souvent, les deux malades qui

ont associé leurs conceptions délirantes, ne jouissent pas

du même état mental. L'un joue un rôle actif, l'autre

joue un rôle passif. C'est le premier qui a fabriqué le

délire, c'est le second qui l'a copié. Le premier peut

être un malade intelligent, le second est toujours un

faible d'esprit. Il en est autrement dans le délire à

deux, dont l'étiologie est tout autre. Deux malades,

pouvant fort bien être intelligents, s'associent pour

échafauder un délire à l'édification duquel chacun ap-

porte une part égale. C'est un travail en commun; il

y a une émulation réciproque; l'un n'est pas la vic-

time passive de l'autre, comme dans la folie induite,

tous deux sont également actifs. L'entraînement existe

encore, mais il a changé de caractère.

Nous avons dit qu'au point de vue des conséquences,

l'entraînement subi. par l'homme pondéré était bien

330 PATHOLOGIE MENTALE.

différent de celui que subit l'homme malade. Dans

l'espèce, la participation de l'homme pondéré ne sera

jamais que momentanée; elle ne peut exister qu'en

vertu de ce fait que l'homme prête assez générale-

- ment une oreille complaisante aux souffrances d'au-

trui. On conçoit qu'il se laisse parfois entraîner' à

prendre en considération certaines conceptions déli-

rantes, en apparence logiques et bien coordonnées ,

mais il ne tarde pas à s'apercevoir qu'il s'est four-

voyé ; il apprécie à leur juste valeur les exagérations

dont il a écouté le récit. Là s'arrête sa participation à

une erreur, dans laquelle on tombe fatalement, quand

on n'est pas initié à l'évolution des maladies de l'es-

prit. L'homme, malade suit dès le début, les yeux fer-

més, la fausse piste qui lui est indiquée; il adopte

sans réflexion les erreurs du malade et, finalement, il

se les approprie.

Un semblable égarement, une telle facilité à subir

une influence étrangère ne supposent-ils pas une in-

telligence débile ? Donc, dans la folie communiquée,

l'un des délires est l'oeuvre d'un malade actif qui l'a

tiré de lui-même, les autres sont subis, et ne sont que

le reflet, l'écho plus ou moins fidèle du premier. La

meilleure preuve à fournir en faveur de cette asser-

tion est encore l'étude chronologique de ces différents

délires. Ils ont rarement évolué simultanément, et leur

apparition s'est faite dans un ordre déterminé ; l'un a

fourni déjà une partie de sa carrière, lorsque l'autre

éclate; jamais ils ne sont parus exactement à la même

époque. Il en est un qui a, le premier, occupé la scène,

c'est le délire le plus actif, le plus systématisé, celui

qui servira plus tard de modèle. Puis, celui-ci, s'est

DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 331

propagé en atteignant les faibles d'esprit, formant

l'entourage du malade, en commençant logiquement

par le plus faible, par conséquent le plus apte à dé-

lirer.

La grande majorité des délires qui trouvent un écho

dans d'autres esprits est constituée par des délires

tristes avec idées de persécution, et parmi eux, prin-

cipalement par le délire chronique. Tout persécuté,

tout mélancolique trouve en général facilement' une

âme charitable pour entendre ses doléances imagi-

naires, d'autant plus que celles-ci n'ont pas toujours

une apparence invraisemblable, surtout au moment

de leur apparition. Ce n'est que, quand au délire, se

mélangent des idées véritablement étranges, frappées

indubitablement au coin de la folie, même pour les

esprits les plus indulgents, qu'il s'opère une réaction

contre les idées du malade de la part des gens bien

pondérés. Mais il n'en est pas ainsi pour les débiles

dont la crédulité sans bornes est un des traits les plus

caractéristiques de leur esprit. Aussi, ne faut-il pas

s'étonner de les voir s'associer aux délires les plus

invraisemblables, même les plus absurdes, croire à

des persécutions par l'électricité, le magnétisme, par

une puissance démoniaque ou humaine sans même

songer à la possibilité de semblables persécutions.

Quand le délirant actif est atteint de délire chro-

nique, la contagion se conçoit d'autant mieux. Ici, le

malade est un homme intelligent, possesseur pour tout

le monde, sauf pour le médecin, de toutes ses facul-

tés. Son délire est un type de systématisation; il est

bien lié, bien déduit, logique, et sa vraisemblance est

telle qu'il faut souvent un long interrogatoire avant

332 PATHOLOGIE MENTALE.

de mettre à nu l'idée délirante ou l'hallucination capi-

tales qui permettent d'asseoir cliniquement un dia-

gnostic que l'on avait seulement pressenti. Aussi, le

délirant chronique fait-il beaucoup de complices avant

d'être interné. Et même après l'internement, que de

protestations delà part delà famille, des amis, etc.,

que de réclamations signées, contre-signées et même

apostillées ! Les autorités administrative et judiciaire

sont saisies, à chaque instant, d'affaires relatives à des

délirants chroniques, qui sont bien les malades les

plus difficiles à tenir enfermés, en raison de leur ap-

parente lucidité. Il est donc facile de concevoir qu'un

débile, vivant au contact de pareils malades, se laisse

aller inconsciemment à partager leur conceptions dé-

lirantes.

La contagion d'un délire ambitieux est un fait beau-

coup plus rare ; il en existe pourtant des cas. On se

méfie plus facilement d'un ambitieux que d'un persé-

cuté, et d'autre part une idée ambitieuse, d'origine

délirante, a toujours un cachet frappant d'excentricité,

tellement que pour y croire, il faut être déjà malade

soi-même. En d'autres termes, l'idée ambitieuse pro-

voquera le plus souvent des doutes que l'idée de per-

sécution ne provoquera pas, et ces doutes porteront

un coup à la contagion, pour l'existence de laquelle la

crédulité est un élément indispensable. C'est ce qui

explique la rareté du délire ambitieux communiqué.

Un délire qu'il n'est pas rare d'observer, chez des

faibles d'esprit, est le délire des possédés. Renouvelé

de celui des convulsionnaires d'autrefois, il a trouvé

un regain de vigueur à notre époque, où les questions

relatives à l'hypnotisme, au, spiritisme, etc., sont en

DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 333

faveur, et sont malheureusement tombées dans le do-

maine public. On voit un nombre considérable de

névropathes, de faibles d'esprit, devenir autant de vic-

times, de pratiques intempestives. Aussi ne saurait-on

faire mieux que de s'associer aux conclusions du livre

de M. G. de la Tourette', en souhaitant que les pra-

tiques hypnotiques ne sortent jamais du domaine de

la science. Le délire des possédés se communique avec

une très grande facilité, à des faibles d'esprit soumis

aux mêmes. influences. En voici un cas très net, qui

donnera une juste idée de ce qu'ont dû être les épi-

démies de convulsions.

Observation 1.

Délire communiqué. Mère débile. Fils débile. : 11m P... est entrée à Sainte-Anne, au bureau d'admission,

service de M. Magnan, au mois de juillet 1885. C'est une dégéné-

rée, débile, portant de nombreux stigmates physiques de dégéné-

rescence. Depuis un an, elle s'occupe de spiritisme, et croit à la

réalité des esprits , ainsi qu'à leur intervention dans la vie des

hommes. Vivement impressionnée par les expériences auxquelles

elle assistait, elle s'est imaginée, il y a quelques mois, qu'elle

était possédée par un esprit malin. En même temps, se dévelop-

pait un tableau clinique des plus curieux qui n'était que l'expres-

sion extérieure du fonctionnement isolé et irrésistible de tous ses

centres cérébro-spinaux. Constamment, ses membres sont agités

de mouvements bizarres, rappelant les contorsions des convulsion-

naires ; ces mouvements sont essentiellement automatiques, et la

malade n'y peut rien. D'autres fois, le visage est grimaçant ; d'au-

tres fois encore, les mouvements sont accompagnés de l'émission

de sons laryngés, sans aucune signification. La malade interprète

ses mouvements irrésistibles en disant que c'est l'esprit malin qui

la pousse à agir ainsi. La double personnalité est frappante :

« C'est l'esprit qui me tord », dit-elle, < je ne puis l'empêcher. »

Elle est surprise au milieu de la conversation par une série de

Gilles de la Tourette. L'hypnotisme et les états analogues au point

de vue médico-légal, Paris, 1887.

334 PATHOLOGIE MENTALE.

mouvements, et elle dit immédiatement : « Voyez-vous, c'est l'es-

prit ! » Les centres cérébraux interviennent aussi ; elle accompa-

gne souvent sa mimique convulsive de l'émission de certains mots

presque tous les mêmes : a Je vous hais, je hais Dieu, je vous hais

tous. » Puis elle ajoute : « Ce n'est pas moi qui vous dis cela, c'est

l'esprit qui parle, vous comprenez bien que je ne suis pas capable

de dire ces choses-là ; moi, je vous aime ! » Et d'autres fois :

« Vous avez beau faire, vous ne m'empêcherez pas de la pos-

séder. »

Les centres corticaux postérieurs sont encore intervenus, quand

l'esprit l'a poussée, malgré elle, à la recherche d'un homme, le

premier venu, pour se livrer à lui. Elle ne l'a pas fait , mais elle a

dû lutter. En passant dans la rue près d'un homme, elle disait à

haute voix : « Voilà ton affaire. » C'est l'esprit qui parlait ; elle

se révoltait et ne se livrait pas.

Cette malade a un enfant de douze ans, également débile, vi-

vant avec elle, et à qui elle a communiqué ses idées délirantes.

Celui-ci, usant d'imitation, se croit également possédé, et se livre

à des contorsions grotesques rappelant celles de sa mère dont il

répète aussi les paroles. On le voit se rouler à terre, en poussant

des cris, agiter ses membres en tous sens; il s'arrête toutà coup;

mais, fait absolument caractéristique, il recommence dès qu'on l'en

prie. Il y a là un phénomène de contagion bien connu dans l'his-

toire des convulsionnaires. Chez cet enfant, les troubles étaient

beaucoup moins profonds que chez la mère. Quelques jours de

présence à l'asile ont suffi pour lui faire abandonner à peu près

complètement ses idées délirantes. Sa mère a guéri également en

quelques semaines.

Nous avons expliqué de notre mieuxla possibilité de

la contagion. Une fois celle-ci effectuée, est-il possible

encore de constater des différences, entre le délire du

malade actif, du chef de file en quelque sorte et celui

des malades passifs ? Nous avons déjà noté, chemin fai-

sant, une différence capitale relative à l'époque de

l'apparition de ces deux délires. Il est extrêmement

rare d'observer un délire subi, exactement semblable

au délire qui lui a servi de modèle ; le plus souvent,

le malade influencé ajoute à son délire sa note person-

nelle, et celui-ci n'est qu'une copie plus ou moins

exacte. A ce point de vue, il faut établir une distinc-

DE LA FOLIE COMMUNIQUEE. 335

tion. Des deux malades, l'un est délirant chronique,

l'autre est débile ; ou bien, tous deux sont débiles.

Dans le premier cas, le malade influencé étant a priori,

un débile, n'ayant à sa disposition que de faibles

moyens, il ne pourra jamais reproduire son modèle

avec la même logique rigoureuse, la même systémati-

sation. Basant leurs conceptions délirantes sur les

mêmes faits, ou sur les mêmes interprétations, l'un

pourra les défendre avec toute l'énergie d'un individu

convaincu, d'un malade qui est bien l'auteur de son

délire, l'autre sera pris constamment en défaut, se

contentera le plus souvent d'affirmations qu'il ne sera

pas difficile de battre en brèche ; il défendra mollement

des idées qu'il ne pourra jamais s'assimiler complè-

tement. L'attitude des deux malades sera évidemment

si caractéristique, que la différence qui les sépare

s'imposera. C'est dans ces cas que la participation du

malade influencé au délire primitif est forcément in-

complète, en.raison même de la complexité de ce dé-

lire. C'est aussi dans ces cas qu'on observe une autre

manière d'être du malade passif. Une fois que son

équilibre intellectuel déjà instable a été ébranlé, le

débile peut à son tour créer un délire pour son propre

compte, au milieu duquel alors les conceptions déli-

rantes d'emprunt ne joueront plus qu'un rôle secon-

daire, ety seront en quelque sorte noyées. C'est ici que

nous devons placer deux autres de nos observations.

Observation II.

Délire communiqué. - Mère délirante chronique. Fille débile.

Les deux malades qui font le sujet de la présente observation

sont la mère et la fille. Elles sont entrées le même jour à Sainte-

336 PATHOLOGIE MENTALE.

Anne, au bureau d'admission. La mère, M-e L... âgée de cin-

quante-deux ans est atteinte de délire chronique; la fille Maria

L... est une débile, qui a subi les influences de sa mère, et qui

participe à son délire.

Quelques mots suffiront pour indiquer l'histoire pathologique

de 111m L... Depuis quatre ans, mais vraisemblablement depuis

un nombre plus considérable d'années, elle est en proie à un dé-

lire de persécution qui forme aujourd'hui tout un système. Son

vocabulaire spécial est tout à fait caractéristique, il est très riche,

composé de néologismes et de mots détournés de leur sens pri-

mitif. Suivant son expression, on « exerce sur elle » au moyen

d'engains qu'on lui a fait sentir et qu'on lui envoie par ses portes

et par ses fenêtres. Elle désigne en bloc toutes les influences ex-

térieures qu'elle subit sous le nom d'« articles de commerce j, et

l'article que l'on fait agir sur elle est désigné sous le nom d'« uni-

fication d'heure ». Elle désigne sa personnalité sous les noms

d'heure et de montre et voici comment elle s'explique. « Chaque per-

sonne a son heure; moi, je ne possède plus la mienne ; on me l'a

prise, à partir du jour où on m'a lancé des engains. Je sais que je

ne m'appartiens plus, que je n'agis plus par moi-même. » Ainsi

dépourvue de sa personnalité, et de sa libre détermination, elle

ne peut plus travailler ; on la guide, on lui fait éprouver toutes

sortes de vexations, qu'elle est obligée de subir, et conséquem-

ment, on l'a plongée dans la plus noire misère. Des interpréta-

tions délirantes et des hallucinations de l'ouie complètent tout ce

système.

Malgré ses tourments, 11-e L... n'a pas l'attitude d'une persé-

cutée ordinaire. C'est que l'ère des persécutions touche à sa fin,

et la troisième période du délire chronique est probablement en

voie d'évolution. Complètement résignée, elle commence à croire

que ces opérations n'ont qu'un but, celui delà rendre heu-

reuse plus tard; elle espère maintenant, et elle prévoit le

temps où son heure lui sera restituée. Telle est en peu de mots

l'histoire de la malade active de notre groupe. Esquissons main-

tenant celle de sa tille.

Maria est une faible d'esprit, âgée de vingt-sept ans. Malgré

son âge, elle a conservé une naïveté enfantine qu'elle accuse elle-

même, et qu'il est important de noter parce qu'elle explique à

elle seule la contagion du délire. « J'ai le caractère enfantin, dit-

elle, je n'ai pas de défense, je me laisse prendre. Elle n'est

d'ailleurs susceptible d'aucun jugement. Dès l'enfance, se révèle

un certain degré de perversion morale qui s'accentue plus tard et

qui s'accompagne d'un état à peu près complet d'inconscience rela-

tivement aux actes accomplis. A l'école, elle se livre à l'onanisme ;

à quinze ans, elle se soumet naïvement, sans résistance, à des at-

touchements réitérés de la part de son propre père. « Ma mère,

DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 337

dit-elle, m'avait dit de faire tout ce que mon père voudrait. » A

partir de dix-huit ans, elle se prostitue, d'abord naïvement, sans

songer à mal faire, parce qu'elle trouvait cela drôle , puis, après

avoir vu qu'elle gagnait de l'argent par ce procédé, elle se pros-

titue pour vivre. Mais elle le fait d'une façon très irrégulière, et seu-

lement quand elle manque de travail. Sur cet état mental se sont

greffés des syndromes épisodiques et des idées délirantes. De tout

temps, Maria a eu des rires irrésistibles, absolument non motivés,

que la malade elle-même distingue très bien d'autres rires égale-

ment inextinguibles, mais motivés par une hallucination, ou par

un propos gai. Inversement, elle a été obsédée plusieurs fois, mais

très passagèrement, par l'idée du suicide.

Pour ce qui est de ses idées délirantes, elles doivent être sépa-

rées en deux catégories ; celles qui lui sont personnelles, et celles

qui lui ont été communiquées par sa mère. Débile, elle a le droit

de créer des idées délirantes pour son propre compte. Elle a tou-

jours eu des idées de persécution, trouvant leur cause dans des

interprétations défectueuses des faits ordinaires de la vie, mais

assez intenses parfois pour s'accompagner d'hallucinations. Ne

pouvant trouver d'ouvrage, elle en conclut qu'on l'empêche d'en

trouver.

« On m'en veut, on est jaloux de moi, on me fait des misères,

on dit que je fais la vie. La concierge a fait courir le bruit que

j'étais enceinte ; elle me lançait ça sans en avoir l'air quand je

passais pour sortir; elle disait : « ça y est ».

Voici maintenant les idées délirantes communes à la mère et à

la fille. Plongées dans la même misère, toutes deux l'interprètent

de la même façon. Toutes deux comprennent qu'il existe une ma-

noeuvre à laquelle elle ne peuvent se soustraire; mais, tandis que

la fille ne cherche aucune.explication de ce fait, la mère fait in-

tervenir l'histoire des engains qui deviennent la véritable cause

de leur misère.

Si Maria a copié un certain nombre des idées délirantes de sa

mère, elle est loin d'en reproduire la systématisation et la logi-

que ; il n'y a plus entre elles aucun lien. Elle connaît bien l'his-

toire des engains, mais elle est trop compliquée pour son entende-

ment ; à défaut de comprendre, elle croit aveuglément; elle sait

et croit que sa mère est persécutée, et, partant de cette idée pré-

conçue, elle accepte tout ce qui est susceptible de rentrer dans le

délire de sa mère. Un jour celle-ci lui dit, en parlant des fameux

engains qu'on lui lançait : «Est-ce que tu ne sens pas ? » Elle

répond « oui, je crois que ça sent, » et aujourd'hui, interrogée à

ce sujet, elle répond encore : « Il me semblait bien que ça sentait,

mais je n'y attachais pas d'importance u.

Le fait capital, de l'histoire de nos deux malades,

Archives, t. XVI. 22

338 PATHOLOGIE MENTALE.

celui qui a entraîné leur internement le même jour,

est celui-ci. Passant un jour sur les grands boulevards,

en compagnie de sa fille, lflme L..., croit entendre

tout à coup un passant chuchoter un mot obscène à

son adresse. Elle fait part de son hallucination à sa

fille qui la croit immédiatement sur parole. A quelque

temps de là, nos deux malades se promenaient sur le

boulevard Haussmann; Mme L... remarque tout à coup

qu'un agent de police la toise de la tête aux pieds, et

qu'en la regardant, celui-ci touche d'une manière si-

gnificative un bouton de son habit. Elle voit dans cet

attouchement une allusion blessante au propos obscène

qu'elle a entendu antérieurement. Elle fait de nou-

veau part de son sentiment à sa fille, qui, convaincue

encore de la réalité du fait, esquisse à l'adresse de

l'agent de police un geste trivial. La mère et la fille

sont alors arrêtées et dirigées sur le Dépôt.

Observation III.

Délire communiqué. Soeur aînée, délirante chronique.

Soeur cadette, débile.

T... (Anne), âgée de qnarante-quatre ans, délirante chronique

simple, est entrée au bureau d'admission de Sainte-Anne le même

jour que sa soeur. Intelligente, elle a su tirer des conséqueces

logiques mais erronées des faits auxquels elle a été mélangée

depuis quatorze ans, et elle a constitué un délire dont la systéma-

tisation est rigoureuse.

A cette époque, elle s'aperçoit qu'on cherche à lui nuire, en

contrecarrant sa situation ». Au même moment, coïncidence

fâcheuse, sa mère part pour le Cantal, pour régler des affaires

d'intérêt, et on apprend, qu'elle est morte par pendaison. Cette

mort semble inexplicable. Anne croit à l'intervention de personnes

malveillantes qui ont pendu sa mère. De nombreuses interpréta-

tions délirantes se greffent sur ce fait. A la poste où elle s'adresse pour

envoyer une dépêche, on lui demande dix-huit francs; elle trouve

cela extraordinaire; « c'était, dit-elle, un prix fait exprès pour

nous; c'est qu'on voulait m'empêcher de constater que ma mère

DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 339

avait beaucoup changé. Je suis sûre d'un fait, en tout cas, c'est

que ma mère ne s'est pas pendue toute seule. J'ai trouvé étrange

que ma mère fût enterrée avant notre arrivée; les scellés étaient

mal gardés. On avait sujet d'ailleurs de nous faire disparaitre,

puisqu'on trouve que notre famille n'est pas propre. Seuls, mon

père, ma soeur et moi, nous nous sommes doutés qu'il y avait un

assassinat. Ces derniers mots indiquent que, déjà à cette époque,

la malade tendait à faire admettre ses idées délirantes dans son

milieu habituel.

Rentrée à Paris, elle n'y est plus tranquille et une ère de persé-

cutions commence pour elle. On la tourmente, on lui nuit dans

son travail, on l'empêche de gagner sa vie, on lui cherche noise

à tout propos. Elle ne voit jamais qu'une seule fois les clientes

pour qui elle travaille; elle les recevait d'ailleurs assez mal; vrai-

semblablement elle se méfiait d'elles . Puis surviennent des

hallucinations de l'ouïe. Dans la rue, elle entend des mots inju-

rieux, des camouflets à son adresse.

Il y a six ans, son père meurt aussi de mort violente. Après une

longue maladie, on le trouve un beau jour pendu au-dessus de

son lit. Cette mort est encore l'aeuvre des gens qui lui nuisent;

elle ne voit plus là qu'un assassinat. Toutes ses affaires périclitent;

on cherche à lui voler et à exploiter au profit des autres une ferme

que sa mère lui a laissée dans le Cantal. Depuis une année enfin,

les persécutions redoublent. On paie des gens pour l'injurier dans

la rue. Elle ne peut plus travailler parce qu'on lui refuse de l'ou-

vrage; on veut faire un dossier sur son compte ; on dit qu'elle

gratte, qu'elle vole; on agit indirectement sur elle sans qu'elle

puisse deviner l'énigme. Elle a entendu son propriétaire dire : on

ne meurt qu'une fois ! Enfin, à deux reprises, elle a eu des craintes

d'empoisonnement.

Dans un pareil état d'esprit, elle s'est isolée avec sa soeur,

qu'elle a faite la confidente et bientôt la victime de ses soucis

imaginaires. A la suite de démêlés avec sou propriétaire, elle fut

arrêtée avec sa soeur, et toutes deux furent envoyées à l'asile.

Anne a une attitude méfiante, pleine de réticences. Elle est

réservée et parle à mots couverts. Cette attitude contraste sin-

gulièrement avec celle de sa soeur, Marie T..., âgée de vingt-

sept ans, faible d'esprit, qui semble avoir pris à tâche à elle seule,

de démontrer l'inanité des soupçons de folie dont ou l'accuse en

compagnie de son aînée, en même temps que la vérité des persé-

cutions dont elles ont été l'objet. Contraste bizarre, c'est elle qui

subit l'influence de l'autre, et c'est elle qui joue en apparence

le rôle le plus actif. Mais son peu de jugement, sa niaiserie, la

faiblesse de ses arguments, bien peu en rapport avec la force de

sa convictfon, démontrent, sans plus ample informé, qu'elle n'est

qu'un écho. '

340 PATHOLOGIE MENTALE.

Son délire repose sur trois points principaux qu'elle défend avec

les mêmes arguments que sa soeur, mais différemment présentés.

A la première objection, elle est au bout de son raisonnement,

tandis que l'autre se défend avec beaucoup de finesse. Elle affirme

d'abord que sa soeur et elle sont l'objet de persécutions, mais elle

ne précise aucun fait, ne fixe pas un nombre d'années et fait tou-

jours les mêmes réponses stéréotypées. Les deux autres points sont

relatifs à la pendaison de la mère et à celle du père. Le récit de

la cadette est la reproduction de celui de l'aînée, mais il n'est pas

difficile de la trouver en contradiction avec elle-même ; taudis que

l'aînée affirme énergiquement, la cadette le fait timidement, et

parfois elle doute; son esprit passe par une série de fluctuations

bien fortes pour démontrer le peu de fondement de ses idées déli-

rantes.

Poursuivons maintenant l'étude des différences cli-

niques qui séparent le délire actif du délire subi.

Ces différences concernent les phénomènes halluci-

natoires. Il est exceptionnel de voir les deux malades

partager les mêmes hallucinations. Dans l'évolution du

délire chronique, elles ont un cachet bien typique

qu'il est à peu près impossible d'imiter ; de plus, elles

tiennent le premier rang parmi les phénomènes mor-

bides de la maladie. Chez le débile qui copie le délire

chronique, l'hallucination peut parfois exister, encore

faut-il qu'elle soit directement provoquée par le ma-

lade actif.

Dans ce cas, les deux hallucinations se produiront

d'après un mécanisme tout différent. De plus, chez le

délirant chronique, l'hallucination revient sans cesse

et persiste longtemps avec le même caractère, puisque

c'est grâce à cette persistance que la maladie prend

un cachet si net de systématisation. Il ne saurait en

être ainsi d'une hallucination provoquée qui n'est

qu'un phénomène fugitif. Le plus souvent, l'hallucina-

tion de l'un ne provoque chez l'autre qu'une illusion,

et ce sont surtout les illusions et les interprétations

DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE.. 341,

délirantes qui forment le cortège symptomatique des

délires communiqués.

Lorsque le malade actif est un faible d'esprit, son

délire est beaucoup plus simple, beaucoup moins

logique que celui du délirant chronique, et, en tout

cas, beaucoup moins systématisé ; il ne se compose

en général que d'un nombre assez restreint d'idées

mal liées entre elles, souvent passagères et transi-

toires. Lorsque l'élément hallucination intervient, son

mécanisme est tout différent, et, en tout cas, il ne

joue plus un rôle prépondérant. C'est un symptôme ra-

rement persistant avec le même caractère, il est fugitif

et fait très vite place à un autre. Il est plus facile

d'adopter complètement des conceptions délirantes

passagères, sans beaucoup de fond, qu'un délire bien

coordonné et complexe. Aussi, un délire communi-

qué par un débile à un autre débile, se transmet-il

plus communément avec tous ses éléments, mais la

ressemblance est néanmoins toujours imparfaite.

Dans la folie communiquée, les conceptions déli-

rantes ne sont pas les seuls éléments susceptibles

d'être imités. Chez les faibles d'esprit, dont les facultés

sont tout à fait restreintes, la volonté peut être com-

plètement annihilée. Dans ces conditions, les malades

n'acceptent pas toujours un délire dont ils seraient

peu capables de faire les frais, mais si ce délire s'ac-

compagne d'actes, on les voit y prendre part avec la

plus grande facilité. Témoin l'histoire suivante d'une

imbécile qui s'associe sans murmurer au suicide de

son père et de sa mère, acceptant le fait comme une

chose très simple, sans avoir la notion exacte de l'acte

qu'elle accomplit.

342 PATHOLOGIE MENTALE.

Observation IV.

Délire à trois. Père et mère mélancoliques. Fille imbécile.

J... (Marie), âgée de trente-neuf ans, entre au bureau d'admis-

sion de Sainte-Anne le 4 novembre 1886, à la suite de circons-

- tances tragiques qu'elle raconte avec une simplicité ingénue, bien

peu en rapport avec la gravité des faits qu'elle relate.

Son père et sa mère, simples journaliers, vivaient depuis long-

temps dans un dénûment complet. La mère avait toujours été

triste d'une façon exagérée. Depuis un mois particulièrement,

elle était tombée dans une mélancolie profonde, dont la cause

déterminante avait été les conditions misérables de son existence.

Elle pleurait constamment, gémissait, ne pensait plus qu'à la mort,

prétendant que celle-ci rendait aux gens le bonheur qu'ils

n'avaient pas sur terre. Dans cet ordre d'idées, elle ne tarde

pas à penser au suicide; mais, considérant le malheur de son

mari et de son enfant égal au sien, elle caresse l'idée de mourir

en leur compagnie. Pendant un mois, elle harcèle son mari pour

l'engager dans cette voie; celui-ci ne voulait pas mourir et résistait.

Enfin elle triomphe de toutes les oppositions, et un matin, après

avoir fait une grande provision de charbon, obturé portes et

fenêtres, elle allume un réchaud, fait coucher son mari après lui

avoir fait absorber du rhum. Elle-même se couche auprès de lui,

après avoir été chercher sa fille qui, elle, ne voulant pas mourir.

s'était tenue à l'écart et s'était couchée. Elle force sa fille à se cou-

cher auprès d'elle, le long du mur.

Le père ne tarde pas à expirer. La mère vivait encore ; plusieurs

fois le réchaud s'éteint, plusieurs fois elle le rallume; elle absorbe

une partie de la fiole qui avait servi au père et force sa fille à

boire le reste. Celle-ci refuse. Au bout de peu de temps, la mère

agonise ; la fille, toujours couchée auprès de sa mère, pleure, sans

pourtant se rendre un compte exact de sa situation. Elle voit

l'écume sortir de la bouche de sa mère, elle l'essuie avec son

mouchoir. Bientôt après, la mère expire. La fille, anéantie par

l'effet de l'oxyde de carbone, reste étendue auprès du cadavre de

son père et de sa mère pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que les

voisins, étonnés de la disparition des trois personnes, provoquent

des recherches. En ce moment, Marie J..., complètement revenue

à elle, était encore couchée auprès des cadavres dans un état com-

plet de putréfaction : « ça sentait très mauvais, » ajoute-t-elle

sans s'émouvoir.

Ces faits donnent déjà une juste idée de l'état mental de la

malade, qui, absolument sans défense et sans initiative, a laissé,

sans presque s'en apercevoir, se consommer deux suicides qui la

DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 343

laissent sans soutien. Elle a d'ailleurs l'attitude d'une imbécile.

Incapable de s'occuper à quoi que ce soit, elle reste assise toute la

journée, la tête inclinée sur la poitrine, la bouche entr'ouverte,

d'où s'écoule parfois la salive. Sa parole est lente, traînée, em-

brouillée, son langage est niais. Mise à l'école pendant plusieurs

années, elle a tout juste appris à reconnaître quelques lettres

imprimées; encore les confond-elle souvent entre elles. 11 lui arrive

de déchiffrer quelques mots dont elle ne comprend pas le sens.

Elle ne sait ni écrire, ni compter, ni reconnaître l'heure. Ses

notions sont donc à peu près nulles. Elle n'a d'ailleurs jamais pu

se rendre utile; apprendre un métier, était au-dessus de ses

moyens.

Sa résistance contre le suicide a été à peu près complètement

passive. Ses paroles à cet égard sont absolument typiques : « Je

me suis gendarmée, je ne voulais pas que ma mère meure, mais

elle le voulait absolument. Elle voulait qne je meure avec elle ; elle

ne voulait pas que je reste sur terre pour souffrir. Je pleurais, je

n'ai pas crié. Si j'avais appelé les voisins, ma mère m'aurait dit

des sottises; vous ne la connaissez donc pas ? Que voulez-vous que

je dise à une femme de cet âge ? il n'y a rien à dire; c'était elle

la maîtresse de tout; j'ai pris mon courage à deux mains; oh !

je vous assure que j'ai eu du courage ! Mon père a consenti à mou-

rir pour faire plaisir à ma mère; ça lui faisait quelque chose de

mourir; il ne voulait pas. Je disais à ma mère : Au moins vis

pour moi. » Elle répondait : - Nous mourrons tous les trois; tous

trois dans le même cimetière, dans le ciel ! »

Elle raconte toutes ces choses, comme si elles étaient naturelles,

sans aucune larme. Elle ne comprend pas l'étendue de sa perte.

C'est avec une complète ingénuité qu'elle ajoute : « Quelle secousse,

je n'en suis pas encore remise ! »

Ajoutons, pour compléter son histoire pathologique, que J... a

eu des convulsions dans l'enfance et qu'elle est épileptique.

La marche et la durée des délires établissent encore

une différence entre les malades actifs et les malades

passifs. Ces derniers ne sont en quelque sorte que les

dépositaires d'idées délirantes dont il ne sont pas les

créateurs. D'où il suit logiquement que, dans la plu-

part des 'cas, chez les passifs, le délire n'a pas de

solides attaches. Ce sont des malades influencés, mal-

léables par excellence, et de même qu'ils ont subi une

première influence qui a été funeste, ils peuvent subir

344 PATHOLOGIE MENTALE.

une' influence contraire, celle du médecin, qui n'a gé-

néralement pas beaucoup de peine à faire disparaître

toute conception délirante. Mais pour arriver à ce ré-

sultat, il est bon de ne pas perdre de temps, afin d'é-

viter que le malade passif, une fois ébranlé, n'écha-

faude pour son propre compte un délire. La marche

du délire communiqué sera donc des plus irrégulières,

et essentiellement dépendante des diverses influences

auxquelles le malade sera soumis. Il est bien évident

que les ressources du traitement seront d'autant plus

nombreuses que l'on aura affaire à un malade plus

faible d'esprit, car le degré de systématisation d'un

délire croît en raison directe des moyens que possède

l'aliéné.

Il en est tout autrement du malade actif. Son délire

aura la marche et la durée justement en rapport avec

la forme du délire qu'il aura créée. Si le délire du ma-

lade passif échappe à toute description clinique, celui

du malade actif rentre forcément dans un cadre noso-

logique connu.

Est-il besoin de soulever à propos du délire com-

muniqué la question médico-légale ? Un récent procès

a amené devant la barre quatre malades complices du

même crime. Il s'agissait en réalité d'un cas de folie

communiquée. L'une des quatre personnes, intelli-

gente, mais déséquilibrée et délirante, avait seule per-

pétré le crime, entraînant à sa suite les trois autres,

considérées comme autant de faibles d'esprit. Le jury

admit la responsabilité partielle de la principale accu-

sée, qui fut condamnée. Si nous considérons cette

doctrine de la responsabilité partielle au point de vue

qui nous occupe, elle nous inspire les réflexions sui-

DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE. 345

vantes : On se demande comment peut s'opérer, au

point de vue psychologique, un pareil dédoublement;

la moitié de nous-même peut-elle rester étrangère aux

déterminations que prendrait l'autre moitié ? Notre

individualité n'est-elle pas la résultante synergique de

toutes nos forces intellectuelles ? La destruction de

cette synergie ne peut être qu'un fait pathologique, et,

partant, élimine toute idée de responsabilité. Cette

théorie de la responsabilité partielle nous rappelle le

temps où l'on admettait encore que notre organisation

psychique est réductible à un nombre déterminé de

facultés distinctes, pouvant fonctionner et pouvant

être lésées séparément, théorie qui a donné naissance

en psychiatrie à la doctrine des monomanies. En ma-

nière de conclusion, nous pensons qu'au point de vue

médico-légal, il est illogique de soulever la question

de responsabilité tant pour le délirant actif que pour

le délirant passif.

Le traitement à adopter pour la folie communiquée

découle de l'exposé précédent. Il faut séparer radica-

lement le délirant actif, des malades sur lesquels il a

fait sentir son influence, et interner le premier qui

pourrait faire d'autres victimes. Le malade passif gué-

rit souvent de lui-même, quand il reste seul pour en-

tretenir un délire dont il n'est pas l'auteur. Mais il est

des cas toutefois, où il devient nécessaire de faire in-

tervenir l'influence du médecin pour achever la gué-

rison. Un traitement moral, bien dirigé, produit géné-

ralement les meilleurs résultats.

CLINIQUE NERVEUSE

RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-

DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES' ;

Par M. le D' Michel CATSARAS,

Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes; Médecin de l'asile de Dromocaitis; Membre

de la Société Médico-psychoiogiquc de Paris.

D. GROUPE DE différentes douleurs ET de DIVERS

autres symptômes sensitifs. Les douleurs sont de

deux ordres : douleurs articulaires ou arthropathies

douloureuses et douleurs musculaires ou myopathies

douloureuses. Les douleurs articulaires tantôt existent

seules (OBs. XI), et tantôt sont accompagnées de dou-

leurs musculaires (OBS. III). La même chose arrive

aux douleurs musculaires.

Les arthropathies peuvent se localiser à une seule

articulation, comme par exemple, les douleurs que le

malade de l'OBSERVATION III avait à l'articulation de

l'épaule; il ne sait pas s'il y avait du gonflement de

l'articulation ; il ajoute seulement qu'il avait été forcé

de garder son membre dans l'immobilisation, afin de

ne pas exaspérer la douleur. Elles peuvent par contre

se généraliser et occuper presque toutes les articula-

tions, comme c'est arrivé à notre malade de l'OBSER-

VATION XI, qui, au moment de l'invasion de l'accident,

' Voy. Archives de Neurologie, n° il, p. li5.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 347 Î

avait seulement des douleurs à l'articulation du coude

et bientôt après, fut pris de douleurs générales aux

articulations des quatre membres, lesquelles étaient en

même temps gonflées, surtout celles du genou. Lemalade

percevait aussi un bruit semblable à un craquement

pendant les mouvements qu'il faisait, fort rares d'ail-

leurs, afin de ne pas exaspérer la douleur. Il n'y avait

pas trace de fièvre. Ces arthropathies sont d'une inten-

sité toujours très grande, parfois exceptionnelle, au

point que le malade pousse des cris déchirants. Elles

sont continues, parfois traversées d'élancements. Le

maximum de leur durée est de vingt-quatre heures.

Les myopathies peuvent avoir pour siège plusieurs

parties du corps; ainsi le malade de l'OBSERVATION III

avait une pression douloureuse constrictive à la nuque.

Ceux de ]'OBSERVATION XII et XIII avaient les douleurs

entre les omoplates et enfin celui de l'OBSERVATION IV

les avait aux lombes. Les douleurs musculaires sont

assez fortes, mais moins intenses que les articulaires.

Leur durée est aussi de quelques heures.

Divers autres symptômes sensitifs semblent pouvoir

se présenter parmi les symptômes du début. Tels sont

le frisson généralisé de l'OBSERVATION IX et les four-

millements très forts du malade de l'OBSEIiVATIONVIIl,

lesquels ayant commencé par le pied gauche et suivi

une marche rapidement ascendante, arrivent jusqu'aux

côtes gauches. Quelques moments après, la même

sensation se produit exactement au côté opposé. Ces

fourmillements ont persisté environ trois heures.

Par la description précédente des différents symp-

tômes qui peuvent constituer le début de cette forme

spinale, on est certainement frappé aussi bien de leur

348 CLINIQUE NERVEUSE.

extrême variabilité et de leur multiplicité, que de leur

instabilité et de leur fugacité. En effet, parmi nos

groupes, il n'y en a pas un seul qui ait é é constant

et il n'y a pas un seul cas qui ait simultanément

présenté à son début les symptômes de ces quatre

groupes. Ainsi, tantôt c'est un symptôme d'un groupe

quelconque qui constitue à lui seul toute la symp-

tomatologie du début, comme par exemple, à notre

Observation VI il n'y a parmi les symptômes cépha-

liques que la perte de connaissance, suivie immé-

diatement après de l'explosion de la paraplégie : de

même à observation XIII, la douleur interscapu-

laire est le seul symptôme du début. Tantôt plusieurs

symptômes d'un même groupe, isolés de tous les

autres, peuvent constituer le début comme par exemple

à l'OBSERVATION V l'accident a débuté par la cécité

fugitive et l'aphasie motrice, symptômes du groupe

céphalique : ou comme à l'OBSERVATION III, la pression

douloureuse constrictive à la nuque et les douleurs

à l'épaule droite, symptômes du groupe de dou-

leurs ont marqué le début de cet accident. Enfin,

des symptômes de plusieurs groupes peuvent cons-

tituer le tableau clinique du début : comme par

exemple à ! 'OBSERVATioN I, les vertiges de translation

et la perte de connaissance, symptômes du groupe

céphalique, la pesanteur sur la poitrine et la gêne

de la respiration, symptômes du groupe respiratoire,

les douleurs atroces épigastriques, la sensation de

brûlure et la soif, symptômes du groupe gastrique,

annoncent en même temps l'invasion de cette forme.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 349

2. Période paralytique OU paraplégique.

Il paraît que pour la plupart des cas, l'explosion

de la paraplégie a lieu soit pendant que les symp-

tômes du début existent encore soit immédiatement

après leur disparition sans aucun intervalle (Cas..11,

III, IV, V, VI, IX, X. XII). Cependant, il est assez

fréquent de constater un intervalle plus ou moins long

entre la disparition complète' des symptômes du début

et l'invasion de la paraplégie. Durant ce temps, le

scaphandrier n'a absolument aucun trouble quel-

conque, il se porte à merveille. Cet intervalle de bien-

être parfait a existé chez cinq de nos malades. Sa durée

est à peu près d'un quart d'heure (OBS. I), six heures

(OBS. VII), et dix heures et demie (OBS. XIII). On ne

peut préciser la durée exacte de cet intervalle chez

les malades des Observations VIII et XI, car tous les

deux se sont endormis, le premier à 9 heures du soir,

le second à minuit, parfaitement bien portants et en

se réveillant, le premier à minuit et le second à

7 heures du matin, ils voient leurs membres inférieurs

complètement paralysés et immobiles. Cet intervalle,

outre sa spécificité, est bien de nature à prouver l'in-

dépendance et l'autonomie des symptômes du début;

tous sont extrinsèques. Nous y reviendrons au cha-

pitre de physiologie pathologique.

Il est temps maintenant de procéder à l'étude de la

paraplégie elle-même, sous le rapport de son mode

d'invasion et de ses symptômes associés.

A. Mode d'invasion. L'invasion de la paraplégie

350 CLINIQUE NERVEUSE.

est presque toujours brusque. Dans l'immense majo-

rité des cas, la paraplégie est complète dès le premier

moment de son invasion (OBS. III, IV, V, VI, VII, IX,

X, XIII). Pour quelques cas, il paraît qu'il faut à la

paraplégie un certain temps pour arriver à son com-

plet développement. Ce temps, toujours très court,

varie entre quelques minutes (comme chez le malade

de l'OBSrRVATION I, dont la paraplégie ayant commencé

par un affaissement brusque, était devenue complète

après quelques minutes) et quelques heures (trois

heures pour l'OBSERVATION II, plus de douze pour l'OB-

SERVATION XII).

La paraplégie des membres inférieurs peut être

accompagnée de monoplégie d'un membre supérieur

soit droit (CES. Il), soit gauche (OBs. III et X). La mono-

plégie de ces dernières observations est complète dès

le moment de son invasion, comme d'ailleurs la para-

plégie qu'elle accompagne. En revanche, celle de

I'Observation II a mis comme la paraplégie trois

heures pour se compléter.

Il est des cas où ce n'est plus une monoplégie mais

une paraplégie des membres supérieurs qui accom-

pagne et précède même quelquefois pendant un cer-

tain temps la paraplégie des membres inférieurs. Tel

est le cas de I'OBSERVATION XII. Ce malade était pris à

1 1 heures du matin d'une parésie des membres supé-

rieurs, qui ayant commencé par le membre gauche a

fini, quelques minutes après, par envahir aussi le droit.

Durant une demi-heure, la parésie des membres supé-

rieurs existait seule sans trace de parésie des mem-

bres inférieurs qui est survenue au bout de ce temps,

c'est-à-dire à onze heures et demie. A ce moment donc,

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 351

les quatre membres étaient parétiques. Nous ne

devons pas oublier de mettre en relief une autre par-

ticularité présentée par le même malade dans l'éta-

blissement de sa paraplégie. La parésie du membre

inférieur gauche a presque disparu, le droit inférieur

et les deux supérieurs étant restés dans le même état

de parésie : cette disparition n'était pas destinée à

durer bien longtemps, car au bout de cinq minutes,

la parésie reparait telle qu'elle était auparavant.

Depuis ce moment, la parésie de ses quatre membres

s'aggravait d'une heure à l'autre, au point que le

lendemain, elle était remplacée par une paraplégie

double complète, le malade étant dans l'impossibilité

absolue de faire le moindre mouvement.

Les paralysies des membres supérieurs, qui accom-

pagnent la paraplégie, tantôt sont éminemment fugi-

tives et durant un temps très court, par exemple une

demi-heure (OBs. X), six heures (Cas. II), tantôt elles

sont passagères et durent quelques jours. C'est ainsi

que la monoplégie du membre supérieur gauche du

malade de I'Observation III et la paraplégie des extré-

mités supérieures du malade de I'Observation XII ont

commencé à se dissiper le quinzième jour pour dis-

paraître tout à fait, quelques jours après.

Examinons maintenant les symptômes qui s'allient

à la paraplégie, c'est-à-dire ceux que nous avons

appelés symptômes associés.

B. Symptômes ASSOCIÉS.- Les symptômes qui peu-

vent s'associer à la paraplégie sont divers. Les prin-

cipaux sont ceux qui ont existé chez nos malades et

qui consistaient en troubles : 1° de la sensibilité, 2° de

382 ' CLINIQUE NERVEUSE.

la vessie, 3° du rectum, 4° des organes génitaux, et

5° douleurs aux lombes.

1). Symptômes sensilifs. La sensibilité paraît être

constamment altérée ; au moins sur les treize obser-

vations cette altération n'a jamais fait défaut, elle a

toujours accompagné l'altération de la motilité. Cette

altération consiste rarement en une diminution, qui

toutefois est très marquée (Cas. V et VIII), très souvent

au contraire en une anesthésie complète (OBS. I, II,

III, IV, VI, VII, IX, X, XI, XII, XIII). L'abolition de

la sensibilité est si complète, que les membres para-

lysés sont absolument insensibles, non seulement à la

simple piqûre, mais encore plus d'une fois, quand

on a transpercé la peau. L'existence des troubles de

la sensibilité est toujours recherchée par les compa-

gnons du plongeur atteint, car ils attribuent à cette

épreuve une certaine importance pronostique.

2). Troubles de la vessie. Les troubles vésicaux

qui ont été présentés par nos malades sont les suivants :

La rétention d'urines, qui est presque constante; en

effet, elle a manqué une seule fois sur treize observa-

tions. Chez le malade que nous avons observé avec

M. le Dr Xanthos, la rétention d'urines avait occa-

sionné une distension considérable de la vessie, for-

mant une tumeur qui débordait le pubis de plusieurs

travers de doigt. Ce symptôme a duré un temps qui

a varié chez nos malades entre deux jours (Cas. V) et

un mois (OBs. II et IX); pendant ce temps, la néces-

sité de sonder le malade devient impérieuse, ce qui

oblige les scaphandriers d'avoir la sonde avec eux.

La rétention une fois disparue, tantôt fait place, mais

rarement, à l'état normal de la vessie (OBs. X), tantôt

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 353

laisse après elle une difficulté plus ou moins grande

pour uriner (OBS. XII et XIII); enfin, ce qui arrive

très souvent, huit fois sur treize, la rétention est sui-

vie d'incontinence involontaire d'uriner. Une seule

fois, l'incontinence chez le malade de l'OBSERVATION VI,

a eu lieu d'emblée pendant la durée de la perte de con-

naissance. Pour finir avec les troubles vésicaux, il

faut mentionner le catarrhe vésical de l'OBSERVATioN VIII

avec les douleurs de l'orifice externe.

3), Troubles du rectum. Ici encore, comme pour

la vessie, la rétention est presque toujours le premier

trouble du rectum qui apparaît et qui, à de rares ex-

ceptions près, marche de concert avec la rétention

d'urines, et comme elle, une fois dissipée, fait place

rarement à un état normal, moins rarement à la diffi-

culté de défécation, très souvent au contraire, àol'in-

continence involontaire de matières fécales. Une. seule

fois (OBS. VI), le malade d'emblée, durant sa perte de

connaissance, a rendu ses matières.

4). Troubles génitaux. Ces troubles sont bien

loin d'avoir la même fréquence que les précédents.

En effet, ils ne figurent guère que deux fois dans notre

tableau. Les symptômes génitaux qui ont été présen-

tés par ces deux malades sont de nature différente,

en quelque sorte opposée. Chez celui de t'OBSERVA-

TION VI, qui était pris d'un priapisme très fort, le pé-

nis était dans un tel état d'érection qu'il raconte

n'avoir jamais vu son membre viril si dur et si turges-

cent. Ajoutons en passant, que ce priapisme avait sur-

vécu treize jours à la paraplégie, ce qui fait au total

seize jours. Chez l'autre malade de l'OBSERVATION XI,

il y avait par contre une impuissance complète.

Archives, t. XV. 23

354 ' CLINIQUE NERVEUSE.

5). Douleurs aux lombes. C'est un symptôme qui

a existé chez deux de nos malades (OBS. I etX); celui

de la dernière observation comparait ses douleurs à

des coups de poignard, à chaque coup, il croyait que

ses reins s'ouvraient en deux.

3. PÉRIODE DU syndrome spasmodique

L'examen direct de l'étape ultérieure de l'histoire

pathologique des différents malades qui ont servi de

sujets pour la constitution de cette forme morbide

d'accidents spinaux a mis en évidence : A), des cortèges

symptomatiques positifs, c'est-à-dire divers groupes

de symptômes qui peuvent figurer au tableau clinique

de notre forme ; B), des cortèges symptomatiques

négatifs, à savoir des groupes de symptômes qui ne

peuvent ni même ne doivent pas jouer de rôle dans

la représentation de la scène morbide de cette forme.

A). Symptômes positifs. Les divers symptômes

qui figurent dans notre tableau peuvent être ramenés

aux six groupes suivants : a), syndrome de symptômes

spasmodiques; b), symptômes sensitifs, c), symptômes

vaso-moteurs; d), symptômes vésicaux; e), symptômes

rectaux; /), symptômes génitaux.

a). Syndrome de symptômes spasmodiques. Voilà

le syndrome qui seul est constant et ne fait jamais

défaut, et par cela même il devient le caractère fonda-

mental de cette forme. Presque toutes, pour ne pas

dire toutes les paraplégies provenant de l'emploi des

scaphandres, et qui se prolongent au delà d'un mois,

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 355

c'est-à-dire pendant un temps suffisant au développe-

ment des symptômes spastiques, presque 'toutes ces

paraplégies , dis-je, sont spasmodiques, et en sens in-

verse, il n'y en a pas une seule qui soit flaccide.

Exception faite du malade de l'OBSERVATION VI qui, le

troisième jour de son accident, était complètement

guéri ; en conséquence, le syndrome de la paraplégie

spasmodique n'a pas eu le temps suffisant pour son

développement ; nous remarquons seulement un cer-

tain degré d'exaltation de réflexes, ébauche du syn-

drome spastique qui commençait : les paraplégies des

douze autres cas étaient toutes spasmodiques. Nous

croyons pouvoir considérer cette loi comme complète-

ment acquise : nous pourrions même la prolonger au

delà du nécessaire, en citant un grand nombre de

faits que j'ai laissés de côté, dans la crainte de fatiguer

l'attention du lecteur par une suite monotone d'obser-

vations toujours plus ou moins analogues entre elles.

Si les symptômes constitutifs de notre paraplégie spas-

modique provenant de l'emploi des scaphandres ne dif-

fèrent certes en rien de ceux qui s'observent dans les

paraplégies spastiques d'autres origines, il n'en est

pas de même, disons-le tout de suite, sous le rapport

de leur évolution et de leur marche. Cela posé, passons

maintenant à la description spéciale de chaque symp-

tôme de ce syndrome.

1). Exaltation des réflexes roluliens. C'est un

signe qui n'a manqué dans aucune de nos observations.

Son intensité varie sans doute suivant le degré de l'ex-

citabilité de la moelle. En effet, tantôt à chaque coup

du marteau percuteur ou du bord cubital de la main

droite, la jambe se projette d'une façon brusque et

356 CLINIQUE NERVEUSE.

spasmodique, mais une seule fois; tantôt l'exaltation

des réflexes est telle que chaque coup est suivi de deux

ou trois projections de la jambe; il est même des cas

où l'excitabitité myélitique est tellement grande et dif-

fuse que les coups portés sur les tendons rotuliens

secouent tout le corps du malade. Il nous est arrivé

parfois de constater, en même temps que la projection

de la jambe gauche p. e., lorsque le tendon rotulien

gauche est percuté, un mouvement d'adduction de la

cuisse droite.

Tous les autres mouvements réflexes provoqués par

diverses excitations de la peau, et surtout par le cha-

touillement de la plante des pieds, se trouvent égale-

ment avoir augmenté plus ou moins d'intensité.

2). Epilepsie spinale. C'est un signe constant. En

effet, tous les paraplégiques, par l'emploi des sca-

phandres, tremblent des pieds ou ont tremblé- s'ils

sont presque ou tout à fait guéris. Pour ne parler que

des observations rapportées, on voit l'épilepsie spinale

figurer onze fois sur douze; la paraplégie de l'OBSER-

VATION VI ne peut être comptée comme n'ayant duré

que trois jours, de sorte que le malade de l'OB-

SERVATION V est le seul chez lequel nous n'ayons pu

constater de visu l'existence de ce signe, au moment

de notre examen; mais si l'on jette un coup d'oeil sur

l'historique de cette observation, on lira « ses pieds

« tremblent surtout au réveil et sôus l'influence des

« émotions et des fatigues ». Donc, en somme, l'épi-

lepsie spinale n'a jamais fait défaut. Elle se manifeste

aussi bien spontanée, surtout sous l'influence des con-

ditions sus-mentionnées, que provoquée et facile à

constater, soit et principalement, à l'aide du procédé

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 387

ordinaire , en relevant brusquement l'avant-pied ,

soit par diverses excitations, faradisation, pincement

de la peau, chatouillement de la plante des pieds, ex-

tension du grand doigt de pied, etc., etc. Souvent

la trépidation est tellement intense et continue qu'il

fallait fortement et brusquement fléchir le grand doigt

du pied pour faire cesser le tremblement involonlaire.

3). Secousses. C'est encore un symptôme qui ne

fait presque jamais défaut. Elles sont plus fréquentes

la nuit : tout d'un coup, les membres inférieurs des

malades se fléchissent et s'étendent brusquement.

4). Contratures passagères. Lorsque la paraplégie

spastique est plus ou moins avancée, les membres de

nos malades se raidissent en extension pendant un

temps variable, il est vrai, mais toutefois assez court,

quelques minutes. Les contractures passagères sont

bien plus fréquentes la nuit.

5.) Dyscampsie des articulations. - Quand on fait

mouvoir les membres des malades, on sent une résis-

tance plus ou moins marquée, proportionnelle au degré

de la rigidité musculaire qui existe sans que la volonté

des malades s'y oppose. En général, dans les cas

avancés, les membres de ces malades sont rigides et

quasi lourds et ils les sentent comme de véritables

barres de fer.

6.) Démarche spasmodique. L'intensité de la dé-

marche spasmodique varie suivant que la paraplégie

est plus ou moins avancée et suivant le moment où

l'on examine le malade. Les allures cliniques de la

démarche spasmodique de la paraplégie spastique

provenant de l'emploi des scaphandres ne diffèrent

certainement en rien de celles qui s'observent dans les

358 CLINIQUE NERVEUSE.

paraplégies spasmodiques ayant une toute autre ori-

gine. On a pu se convaincre par la description de la

démarche spasmodique de nos malades.

Les allures cliniques de cette démarche, quand elles

existent, sont tellement caractéristiques-on le sait-

qu'un simple coup-d'oeil suffit pour la constater et

naturellement diagnostiquer le syndrome de la para-

plégie spasmodique. Ce n'est pas seulement le sens de

la vue qui peut, quand les allures existent, révéler la

paraplégie spasmodique, c'est également le sens de

l'ouïe qui, percevant de loin le bruit tout particulier

que ces malades font pendant la marche en frottant le

sol, trahit ce syndrome sans le secours de la vue.

Il arrive souvent que la paralysie prédomine d'une

façon très prononcée à un des membres inférieurs, soit

le droit (Oss. IV, XI et XIII) soit le gauche (OBS. X);

alors naturellement le syndrome spasmodique, c'est-

à-dire, exaltation des réflexes, épilepsie spinale tant

provoquée que spontanée, secousses, contractures

passagères, dyscampsie des articulations, rigidité mus-

culaire, etc., prédomine au membre le plus paralytique

ou le plus parétique. Dans ce cas-là, lorsque le malade

boite d'un seul côté, la démarche spasmodique est uni-

latérale : ainsi le malade de l'OBSGRVATION IV était

obligé d'incliner le tronc à gauche et un peu en ar-

rière et de lever la hanche droite pour arriver à déta-

cher du sol son membre inférieur droit et le faire

avancer; par contre pour détacher du sol et faire

avancer son membre inférieur gauche, il n'était nul-

lement obligé d'incliner son tronc à droite et de

lever sa hanche gauche, car les muscles de ce mem-

bre n'étaient pas assez rigides pour en empêcher

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 359

la flexibilité. La même chose, mais vice versa, arrivait

au malade de l'OBSERVATION X qui avait une prédomi-

nance des phénomènes paralytiques spasmodiques à

son membre inférieur gauche.

Voyons maintenant, comment ces différents symp-

tômes du syndrome spasmodique se groupent entre

eux, comment ils se développent et quelle est leur ter-

minaison ; en d'autres termes, étudions l'évolution du

syndrome de la paraplégie spasmodique provenant de

l'emploi des scaphandres.

Voici comment les choses se passent : Un scaphan-

drier, soit immédiatement après l'enlèvement de son

casque, soit au bout d'un certain intervalle de bien-

être, après avoir présenté un ou plusieurs symptômes

du début, est pris soudain de paraplégie complète,

soit dès le moment de son invasion, soit quelques

minutes ou même quelques heures après : alors de deux

choses l'une : ou bien cette paraplégie guérit dans un

délai moindre d'un mois et alors le syndrome spas-

modique n'a pas eu le temps de se développer au

moins d'une manière plus ou moins appréciable, ou

bien elle se prolonge bien au delà de ce temps. Alors,

vers la fin de la quatrième semaine ou au début de la

cinquième après l'accident paraplégique, le syndrome

spasmodique commence par des secousses; tôt ou

tard l'épilepsie spinale fait son apparition. A ce mo-

ment, il est presque inutile d'ajouter que les réflexes

sont et doivent être exagérés. Il est des cas où l'évo-

lution de notre syndrome s'arrête là : la paraplégie

spasmodique est pour ainsi dire avortée. Une fois

arrivé à ce point de développement, ce syndrome

avorté commence à rétrograder et devient de plus en

360 CLINIQUE NERVEUSE.

plus faible, de plus en plus fruste, il va même jusqu'à

disparaître; ce qui est arrivé chez le malade de

l'OBSERVATION XT, qui, un mois après l'invasion de sa

paraplégie avait commencé à avoir des secousses aux

membres inférieurs; ses membres, surtout le droit,

sous l'influence de certaines conditions, s'agitaient

d'un tremblement involontaire. A ce moment, on

n'était pas là pour constater s'il y avait de l'exaltation

des réflexes rotuliens; toutefois, on peut affirmer

que cela ne saurait être autrement. L'exaltation même

des réflexes dans le syndrome spasmodique, au point

de vue chronologique, se développe plus ou moins

avant que l'épilepsie spinale fasse son apparition. Ce

malade dans le cours de sa maladie n'a jamais eu ni

contractures ni démarche spasmodiques : c'était un

syndrome spasmodique avorté dans son évolution. Non

seulement il n'a pas suivi un traitement, mais encore

il commettait des excès alcooliques et vénériens con-

sidérables. Grâce à ces conditions défavorables, son

syndrome spasmodique avorté existait encore, bien que

plus atténué, le 15 mars 1884, jour de notre examen.

Le 10 mai, jour où nous avons revu le malade, son

syndrome a disparu : pas de parésie, pas de secousses,

pas d'épilepsie spinale, ayant laissé à titre de souvenir

un certain degré d'exaltation du réflexe rotulien droit.

Chez le malade de )'OBSERVATiON XIII, le syndrome

spasmodique s'avorte aussi dans son évolution, ensuite

il rétrograde, s'atténue, et finalement disparaît presque

complètement.

Mais dans un grand nombre de cas, le syndrome

spasmodique, au lieu d'avorter tend au contraire à se

compléter. La contracture passagère, la rigidité mus-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 361

culaire, la dyscampsie des articulations, la démarche

spasmodique s'ajoutent à l'état morbide. Poursuivons

maintenant la marche de ce syndrome, arrivé à ce

point de son évolution. Pour la plupart des cas, sa

marche est rétrogressive et le syndrome de la para-

plégie spasmodique s'atténue de plus en plus : c'est

ainsi que le malade de l'OBSERVATION 1, le'15 février

1876, marchait en s'appuyant sur deux bâtons avec

une grande difficulté, traînant les jambes qui lui parais-

saient lourdes et rigides comme de véritables barres de

fer; il frottait le soi ; ses membres s'agitaient à chaque

pas d'un tremblement très fort ; il avait des secousses,

etc.. Une fois arrivé à ce point, le syndrome s'arrête

dans son évolution; la rétrogression commence, le

syndrome s'atténue et nous voyons le malade vers le

milieu du mois d'avril 1876, marcher sans béquilles,

frotter fort peu le sol, avoir des secousses plus rares;

son tremblement bien moins intense et moins fré-

quent et les contractures rares. L'atténuation de ce

syndrome continue lentement' avec le temps, mais à

pas sûrs et le 15 février, jour de notre examen, les

allures de la démarche spasmodique sont extrême-

ment légères et bornées seulement au membre droit.

Les contractures passagères ont disparu. Les autres

symptômes sont a leur tour atténués, surtout au mem-

bre gauche. Depuis ce moment, nous n'avons pas revu

le malade pour constater si la rétrogression a con-

tinué son chemin. Le malade de ! 'OBSERVATION IV, le

2 juillet, marche en s'appuyant sur deux béquilles ;

ses membres inférieurs sont très lourds et très rigides;

il les traîne en frottant fortement le sol; tremblement

survenant à chaque pas et très intense; contractures

362 CLINIQUE NERVEUSE.

passagères fortes, etc. Ici encore, le syndrome spasmo-

dique commence à rétrograder, à s'atténuer et le

22 juillet, le malade frotte bien moins et traîne moins

ses membres qui lui paraissent moins lourds et moins

rigides ; son tremblement est moins fréquent et moins

intense; secousses et contractures passagères atté-

nuées. Là s'arrête la rétrogression, grâce aux excès

alcooliques et à l'absence de tout traitement, et le

15 juillet 1884, c'est-à-dire sept ans après son acci-

dent, nous trouvons le malade avec son syndrome

spasmodique atténué, surtout au membre gauche. La

rétrogression et l'atténuation chez les malades des

Observations V et VII vont jusqu'à la disparition com-

plète de ce syndrome.

A côté de ces cas relativement plus nombreux, il

y en a d'autres dont les syndromes spasmodiques

arrivés au point d'évolution que nous venons d'étu-

dier, loin de rétrogresser, de s'atténuer, s'arrêtent ou

ne rétrogradent que très peu (OBs. Il, III, VIII). On

ne doit pas tenir compte de J'OBSERVATION XII; car il I

s'agit d'un cas de trois mois. Cet arrêt est dû dans

un certain nombre de cas à deux causes principales :

1° l'absence d'un traitement approprié qui certes aurait

bien facilité cette tendance naturelle à la guérison, et

2° aux excès considérables de toute sorte et avant

tout aux excès alcooliques. Nous sommes bien con-

vaincu que si les malades, une fois tombés paraplé-

giques, étaient à temps soumis à un traitement appro-

prié et si ces malades étaient soustraits aux excès,

surtout aux excès alcooliques qui enrayent la marche

rétrogressive de la maladie, cette rétrogression dans

la généralité des cas au lieu de s'arrêter continue-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 363

rait son chemin. La marche rétrogressive de la para-

plégie spasmodique peut en outre être enrayée par

un nouvel accident paraplégique. En effet, au cours

de cette marche essentiellement rétrogressive, le

malade fait une campagne de pêche et une nouvelle

paraplégie soudaine et complète survient, qui enraye

son état, en voie d'amélioration. Chez le malade de

l'OBSERVATION I, dont l'état se trouvait en rétrogression

fort avancée et qui avait repris son travail, survien-

nent quatre nouveaux accidents paraplégiques à des

intervalles rapprochés qui fort heureusement furent

éminemment fugitifs, chacun d'eux n'ayant pas duré

plus d'une heure et demie, au bout de laquelle l'état

parétique était tout à fait le même qu'auparavant. Il

est des cas où ces accidents paraplégiques intercurrents

ne sont pas si complets, mais par contre, l'état du

malade s'aggrave, par exemple l'état du malade de

l'OBSERVATION VIII, qui était resté stationnaire pendant

treize ans, est aggravé par un état paraplégique inter-

current incomplet voire même léger survenu au bout

de ce temps.

Toutefois, s'il y a des cas où ce syndrome montre

peu ou pas de tendance à s'atténuer et à rétrograder

et le nombre de ces cas déjà inférieur à celui des

autres sera encore diminué par l'application d'un trai-

tement propre à faciliter leur tendance naturelle à la

guérison et par la suppression des alcooliques, etc.,

il n'y en a pas un seul où le syndrome tend à pro-

gresser et à aller jusqu'à la contracture permanente

au pied bot spasmodique. Bref, l'évolution du syn-

drome de la paraplégie spasmodique n'arrive jamais

au terme de son développement complet et une

364 CLINIQUE NERVEUSE.

fois arrivée aux points que nous avons longuement

décrits, la marche ultérieure de ce syndrome dans

l'immense majorité des cas est essentiellement rétro-

gressive ; dans quelques cas très peu nombreux, elle

est peu rétrogressive, quelquefois même elle reste

stationnaire, mais presque jamais, pour ne pas dire

jamais, elle n'est progressive.

b). Symptômes sensitifs. Les troubles sensitifs

que nous avons vus exister presque constamment et

marcher de concert avec les troubles de la motilité,

sous forme de paralysie plus ou moins complète au

moment de l'invasion et aux premiers temps de la

maladie, deviennent moins constants à une étape ulté-

rieure de cette forme. En effet, à cette époque, la

moitié de nos observations ne présentait plus d'alté-

ration de la sensibilité; par contre, dans les six autres

observations, elle a été trouvée altérée. L'altération de

la sensibilité dans l'immense majorité des cas s'est

manifestée par une paralysie soit incomplète, diminu-

tion de la sensibilité, soit complète, anesthésie. L'anes-

thésie est tantôt uniformément altérée sur presque

toute la longueur des membres et plus haut, tantôt

elle l'est par plaques, par exemple (Cas. IX). Il est

des cas où la sensibilité est plus ou moins paralysée

sous toutes ses .modalités (OBS. I). Il en est d'autres

où elle n'est affectée que sous un seul mode, la dou-

leur, par exemple (OBs. 11).

Parfois la sensibilité, au lieu d'être paralysée, est au

contraire pervertie, paresthésée, et exagérée. C'est

ainsi que, si l'on piquait ou si l'on touchait le membre

gauche du malade de l'OBSERVATION X, celui-ci éprou-

vait une sensation désagréable de picotements, depuis

.DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 365

le genou jusqu'au pied. Ce même membre était le

siège d'une hypéresthésie extrême au froid. Enfin,

pour en finir avec les troubles sensitifs, nous allons

faire observer qu'ils peuvent prédominer ou siéger

exclusivement sur un des membres inférieurs.

c). Symptômes vaso-moteurs. - Le système vaso-mo-

teur est quelquefois troublé. Les troubles vaso-moteurs

figurent trois fois sur douze observations a). le

malade de t'OBSERVATiON I avait le pied droit froid en

même temps que sa couleur était rouge bleuâtre b).

le malade de'l'OBSERVATION IX avait ses plaques anes-

thésiques froides et livides. Enfin c), celui de l'OBSER-

VATION X avait aussi ses membres froids, surtout le

gauche, qui en même temps était le plus spasmodique

et le siège de prédilection des troubles sensitifs. Quant

aux neuf autres observations, on voit qu'il n'y avait

pas le moindre trouble vaso-moteur.

d). Symptômes vésicaux. Les troubles très mar-

qués de la vessie que nous avons vus figurer presque

toujours au moment de l'invasion et marcher de pair

avec la paralysie aussi bien de la motilité que de la

sensibilité, car, sur treize observations, ils n'ont fait

défaut qu'une seule fois Observation XI, s'atténuent,

se frustrent, au sur et à mesure que l'affection marche

et arrive à une étape ultérieure et, dansungrand nom-

bre des cas, ils disparaissent tout à fait. En effet, sur

les douze cas, où les troubles de la vessie vraiment

graves ont existé au commencement, nous constatons

au moment de notre examen, que les sept Observations

II, III, IV, V, X, XI, XII, sont tout à fait négatives, la

vessie ayant recouvré complètement l'intégrité par-

366 CLINIQUE NERVEUSE.

faite de ses fonctions. En outre, le malade de l'OBSER-

VATION VII, le 15 mai 1884, présentait encore des

troubles de la vessie bien que très atténués, consis-

tant en quelque difficulté d'uriner, qui lui survenait

de temps en temps ; le 20 août, cette petite difficulté

qui revenait intermittente a cédé complètement, comme

du reste, tous les autres symptômes de l'affection;

le malade fut complètement guéri. Il en est exacte-

ment de même pour le malade de l'OBSERVATION XIII

qui, le 20 juillet, présentait encore de temps en temps

un peu de difficulté pour faire sortir l'urine et, le

10 août, il était guéri.

A côté de ces cas, il en est d'autres où les troubles

de la vessie persistent, bien qu'atténués. Ainsi le

malade de l'OBSERVATION IX, le 10 juillet 1884, c'est-

à-dire douze ans après son accident, avait encore de

temps eu temps un peu de difficulté pour uriner. Le

malade de l'OBSERVATION I, le 15 février 1885, c'est-

à-dire neuf ans et demi environ après son accident,

avait encore de temps en temps de la parésie, qui par-

fois était précédée et suivie, pendant un certain temps,

d'un malaise à la région lombaire. Pour être complet,

n'oublions pas que les urines du malade, le 15 juillet

1886, c'est-à-dire environ treize ans après l'accident,

contenaient une grande quantité de pus et de mucus,

laissant voir ainsi les signes d'un catarrhe vésical

chronique qui a compliqué l'accident.

e). Symptômes rectaux. Les troubles du rectum,

qui rarement font défaut au moment de l'invasion et

à la première étape de l'affection, ne font pas non plus

exception à la marche éminemment rétrogressive de

la maladie; ils diminuent, s'atténuent et finalement

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 367

disparaissent dans la majorité des cas. En effet, dans

notre tableau, les symptômes rectaux ne figurent plus

qu'une seule fois, atténués, et même presque guéris.

Chez le malade de l'OBSERVATION I qui, au moment

de l'invasion de son accident, le 18 octobre 1885,

avait de la rétention de selles suivie au bout de dix

jours, d'une parésie qui lui faisait rendre involontai-

rement ses matières fécales, peu à peu et avec le

temps cette parésie diminuait d'intensité, s'atténuait

et finalement a presque disparu; carie 15 février 1886,

les troubles du rectum ont consisté dans l'accomplis-

sement immédiat et impérieux du besoin de défécation

à peine senti. Cela démontre une fois de plus la

marche éminemment rétrogressive de la maladie.

0

f). Symptômes ? a ? y.Les troubles des organes

génitaux peuvent figurer quelquefois, mais comme les

autres troubles, ils ont aussi une tendance naturelle à

s'atténuer, voir même à disparaître. C'est ainsi que

chez le malade de l'OBSERVATION VII, le 15 mai 1884,

jour de notre premier examen, y avait une abolition

notable des fonctions génitales; le 20 août, nous avons

trouvé une amélioration très marquée et le 21 septem-

bre, les organes génitaux étaient revenus à leur état

normal. Il en est exactement de même pour les trou-

bles génitaux du malade de LOBSERVATION XI, qui

s'atténuaient, peu à peu rétrogradaient et finalement

ont disparu complètement. Il est des cas où la rétro-

gression des troubles génitaux ne va pas jusqu'à la

disparition. C'est ainsi que le malade de l'OBSERVATION I

avait encore des troubles génitaux consistant à des

érections incomplètes suivies plusieurs fois de pertes

séminales.

368 CLINIQUE NERVEUSE.

B). Symptômes négatifs. A côté du grand nom-

bre de symptômes positifs dont quelques-uns sont

d'une importance capitale, car ils ne manquent jamais

et ne doivent pas manquer dans le tableau clinique et

d'autres d'une importance moindre, car ils peuvent

figurer sans que leur existence soit constante et par

suite obligatoire ; il y en a qui ne peuvent et même

ne doivent pas exister ; ce qui nous a permis de les

nommer négatifs. Ils sont de trois espèces : a). Symp-

tômes des cordons postérieurs b). Symptômes mya-

trophiques etc). Symptômes céphaliques.

a). Symptômes tabetoïdes ou des cordons postérieurs.

Les symptômes qui résultent de la lésion des cor-

dons postérieurs, c'est-à-dire les douleurs fulguran-

tes, en ceinture, le signe de Romberg, l'incoordination

motrice et l'absence des réflexes font absolument

défaut à la forme centrale spinale latérale de la patho-

logie dés plongeurs à scaphandre.

b). Symptômes des cornes antérieures ou myairoplii-

ques. Les symptômes qui résultent de la lésion des

cornes antérieures et plus spécialement des grandes

cellules motrices ou pyramidales, c'est-à-dire myathro-

phies, absence des mouvements réflexes, n'ont jamais

existé. On a pu facilement remarquer que la myatro-

phie n'a figuré dans aucune de nos observations.

Nous croyons pouvoir annoncer que dans l'immense

majorité des cas, les paraplégies spasmodiques provenant

de l'emploi des scaphandres ne sont pas accompagnées

de myatrophies. Nous nous sommes appuyé pour for-

muler cette loi négative sur un nombre considérable

de faits qu'il, nous a été donné d'observer, sans remar-

quer la myathrophie. Par cela même, ce caractère

DES ACCIDENTS PAR L EMPLOI DES SCAPHANDRES. 3l3'J 11)

négatif doit être considéré comme d'une importance

vraiment capitale.

c). Symptômes céphaliques. On a pu 'voir que les

symptômes céphaliques du début sont tout à fait tran-

sitoires, passagers, indépendants, extrinsèques. Il n'y

en a pas un seul permanent, qui puisse accompagner

le syndrome spasmodique. ,

Les symptômes céphaliques du malade de I'Obser-

'ATION IV, frayeurs la nuit, rêves toxiques, insom-

nies, etc., sont dus à l'intoxication alcoolique qui

complique l'affection spinale.

Celui qui a parcouru la description des symptômes

du début a dû être frappé, nous l'avons déjà dit,

aussi bien de la multiplicité que de la variabilité du

début de cette forme; en d'autres termes, son début est

éminemment polymorphe, mais une fois entré dans

la deuxième période et au delà, le polymorphisme

disparaît; elle devient semblable à elle-même, et enfin

de compte, elle aboutit à un complexus clinique pres-

que uniforme pour tous les cas. Précisons davantage :

cette forme peut être inaugurée par les symptômes

les plus multiples et les plus variés ; elle débutera

par exemple chez tel malade, par un symptôme du

groupe céphalique ou autre. Chez tel autre^ par plu-

sieurs symptômes d'un groupe quelconque. Chez un

troisième, par divers symptômes de plusieurs groupes

et ainsi de suite. On voit, quelle est la variété pos-

sible de symptômes comme entrée en scène. x

Par contre, une fois ces symptômes disparus, l'uni-

formité se manifeste par un complexus clinique

toujours identique, à savoir troubles moteurs sous

forme de paralysie, troubles de la sensibilité sous

AIICIIIVES, t. XVI. 21

370 CLINIQUE NERVEUSE.

forme d'anesthésie et troubles de la vessie et du rec-

tum. Finalement, cette uniformité sera caractérisée

par un fond commun de symptômes identiques cons-

titué par un groupe capital, qui se rencontre chez tous

les malades sans exception, c'est-à-dire le syndrome

spasmodique..Voilà le syndrome à la fois constant et

fondamental de l'étape ultérieure de cette forme. Voilà

l'aboutissant par excellence de la forme centrale spi-

nale latérale, de beaucoup la plus fréquente.

Donc, début polymorphe, uniformité du dénouement

ou évolution uniforme, voilà les deux grands carac-

tères généraux cliniques que nous désirons mettre en

relief. Ces deux grands caractères généraux, joints aux

caractères partiels, tels que nuances cliniques spéciales

des symptômes du début, intervalle spécial entre la

disparition des symptômes du début et l'invasion de

la paraplégie, mode de l'invasion de la paraplégie,

symptômes positifs et symptômes négatifs de l'étape

ultérieure, marche de l'affection qui, en règle géné-

rale, est rétrogressive, rarement peu rétrogressive

parfois même stationnaire, mais presque jamais pro-

gressive, ces caractères, dis-je, donnent notre forme

centrale spinale latérale un cachet clinique tout à fait

spécial qui ne se rencontre dans aucune maladie con-

nue du système nerveux central.

13. Forme centrale spinale l'0511'sn0-LAllin.lLC.

OusHRVADON XtV. Accident provoqué le 10 octobre 1882. Troisième

immersion, mêmes conditions que les deux précédentes, profondeur

de vingt-quatre ci vingt-cinq brasses, dix ci douze minutes de séjour,

une minute de décompression. Immédiatement après l'enlèvement

du casque, perle de connaissance, trois heures de durée. Para-

plégie des membres inférieurs un peu moins prononcée au membre

gauche, anesthésie, légère rétention d'urines. Le 4 novembre, il

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 371 1

marche à l'aide de deux appuis. Le 24 novembre, il marche

avec un seul appui.

Etat actuel, le 2 avril 1883. Il marche sans appui, démarche

spasmodique, d ! /scampsMa)'<;'cuc[/t'e, secousses, exaltation des

réflexes, épilepsie spinale aussi bien spontanée que provoquée.

Douleurs fulgurantes, douleurs en ceinture, chatouillement très fort

si la plante des pieds, anesthésie en plaques, signe de Romberg.

Traitement : travail dans l'air comprimé, pointes de feu, seigle

ergoté, hygiène. Etat du malade le 2 juin 1884. Amende-

ment considérable des symptômes spasmodiques qui sont réduits à

l'exaltation des réflexes et ft l'épilepsie spinale. Amélioration

très grande des symptômes des cordons postérieurs.

Histoire. l.e nommé DéineLrés Zannakis, âgé de vingt-six

ans. Pas d'antécédents héréditaires. Bonne santé antérieure, pas

de syphilis, pas d'alcoolisme, pas d'impaludisme. Il a commencé

le travail dans l'air comprimé l'été de 1877 ; dès lors, il faisait

régulièrement ses campagnes sans aucun accident, jusqu'au 10 oc-

tobre 1882. Ce jour-là, il avait commencé à faire ses immersions à

8 heures et demie. Une demi-heure après, i ! en avait déjà fait

deux sans accident, à une profondeur de 24 à 25 brasses, dix à douze

minutes de séjour, la décompression ne dépassant pas une minute.

A 9 heures, il fait sa troisième au même endroit, dans les mêmes

conditions, à savoir : même profondeur, même séjour, même

temps de décompression.

Il est bon de remarquer que ce plongeur n'était pas du tout

indisposé; il n'avait pas chargé son estomac avant l'éclusement.

Pas de fatigue. Au moment de la fin de la décompression et

de l'enlèvement du casque (9 heures et quart), le scaphandrier,

sans prodromes, perd soudain connaissance.

Un de ses compagnons qui assiste à notre examen, nous affirme

que le malade n'était pas pris du moindre mouvement couvulsif;

au bout de trois heures, le malade revient, n'ayant ni troubles de

la parole, ni troubles oculaires, ni symptômes auditifs, enfin, aucun

symptôme céphalique; pas de troubles du côté de l'estomac ou des

organes respiratoires, pas de douleurs articulaires ou musculaires :

par contre, il a constaté qu'il était paraplégique, la paralysie étant

un peu moins prononcée au membre gauche, En effet, le membre

droit était condamné à l'immobilité absolue, tandis que quelques

petits mouvements étaient possibles au membre gauche, la sensi-

bilité à son tour était complètement abolie; on pouvait lui traverser

la peau avec une aiguille sans provoquer la moindre sensation. En

ce moment, le. malade ayant envie d'uriner essaye, mais en vain.

Cette rétention n'a pas duré longtemps ; en effet, à 10 heures du soir,

il a pu uriner tout seul. Rien du côté du rectum et des organes

génitaux. Le 4 novembre, c'est-à-dire 3j jours après l'accident

372 q CLINIQUE NERVEUSE.

durant lesquels il était resté au lit, il a pu, pour la première fois

se tenir debout et faire quelques petits pas, à l'aide de doux appuis;

à la même époque, le malade a commencé à avoir des secousses.

L'amélioration qui avait déjà grandement marché continue son

chemin; le 24 novembre, le malade a pu marcher à l'aide d'un seul

appui : à ce moment, ses membres ont commencé à être agités de

- temps eu temps d'un tremblement plus ou moins fort.

A 3 heures du soir, il était pris de douleurs qui occupaient les

membres inférieurs et le dos, survenaient subitement avec une

intensité très grande au point que le malade criait, et après une

durée momentanée, elles disparaissaient brusquement pour revenir

et ainsi de suite, jusqu'à 10 heures du soir, de sorte que l'accès

de ces douleurs qui présentaient si nettement les caractères des

douleurs fulgurantes a duré 7 heures. Pendant deux mois de

suite, le malade continuait à marcher à l'aide d'un appui, traînant

ses jambes, frottant le sol, ayant ses membres agités fréquemment

de tremblement et de secousses. En outre, il était pris de temps en

temps, et surtout la nuit, de contractures passagères. Tous les dix

ou quinze jours, les douleurs fulgurantes suivenaient au malade

par accès d'une durée variable, toutefois assez-courte, trois à dix

heures. 11 affirme qu'au sur et à mesure que le temps avançait,

ses membres paralysés devenaient de plus en plus libres. Le Sa jan-

vier 1883, il a pu marcher sans appui, traînant bien moins ses

jambes, frottant moins le sol, ses membres étant moins raides.

Les mois suivants, février et mars, l'amélioration aussi bien de la

motilité que des autres symptômes marchait à pas rapides, sauf

les douleurs fulgurantes, qui ne cessaient pas de survenir avec la

même fréquence et la même intensité. En outre, au commence-

ment du mois de mars, le malade a commencé à souffrir des

douleurs constrictives, à la base du thorax.

Etat actuel (2 avril 1883). Le malade marche sans appui. Un

coup d'oeil suffit pour constater les allures de la démarche spas-

modique ; c'est ainsi que le malade est obligé d'incliner son tronc

à gauche et de lever sa hanche droite pour détacher du sol le

membre inférieur droit et le porter en avant. Il fait la même chose

en sens inverse, mais à un moindre degré pour son membre infé-

rieur gauche. Si on veut mouvoir les membres du malade on sent

une résistance assez marquée, grâce à la rigidité musculaire. Très

souvent ses membres se fléchissent et s'étendent brusquement ;

fréquemment ses membres se raidissent en extension pendant

quelques minutes, surtout la nuit. Tous les réflexes et plus spé-

cialement les réflexes rotuliens sont considérablement augmentés,

surtout ceux du membre droit.-

Très souvent, les membres paralysés s'agitent d'un tremblement

rythmique qui se développe surtout sous l'influence des émotions

morales, de la fatigue, au moment du réveil, etc.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 373

Le tremblement ou cette épilepsie spinale peut être facilement

provoquée par les procédés les plus élémentaires. Le malade dit

qu'au point de vue de ses accès de douleurs fulgurantes, il se trouve

dans le même état. Il en est de même pour ses douleurs en

ceinture. Il est pris très souvent d'un chatouillement très fort à la

plante des pieds, et dont il se plaint beaucoup. Il y a au niveau

des membres, çà et là, quelques plaques d'anesthésie.

Si l'on dit au malade de fermer les yeux, il oscille énormément ;

les yeux fermés, la marche devient impossible, il n'y a pas d'atro-

phie musculaire, pas de troubles vaso-moteurs.

Vessie, rectum et organes génitaux sont à l'état normal. Pas de

symptômes céphaliques. Les fonctions des autres organes paraissent t

se faire régulièrement. Nous lui avons ordonné : l°le travail dans

l'air comprimé dans les conditions que nous décrirons au chapitre

du traitement; 2° faire une application de petites pointes de feu,

aux deux tiers inférieurs de la colonne vertébrale; 3° prendre, les

quatre premiers jours de la semaine, un paquet de seigle ergoté

de 25 centigrammes, récemment préparé, une demi-heure avant

chaque repas; 4° une hygiène appropriée.

Le malade a bien suivi le traitement pendant deux mois. Voici

son état le 2 juin 1884. Il ne boite plus ; impossible de constater la

moindre allure de démarche spasmodique. La dyscampsie articu-

laire n'existe presque plus. Les contractures passagères ne sur-

viennent plus que rarement. Les secousses sont bien plus rares et

moins intenses. Les réflexes n'ont pas subi de grandes modifica-

tions, étant presque aussi exaltés qu'à notre premier examen. Il en

est de même pour l'épilepsie spinale aussi bien spontanée que

provoquée. Les crises des douleurs fulgurantes surviennent plus

rarement ; elles sont moins fortes et leur durée est plus courte.

Les douleurs en ceinture sont moins constrictives et, de continues

qu'elles étaient, surviennent d'une manière intermittente.

Le malade est aussi très content,d'être débarrassé de ce chatouille-

ment de la plante des pieds qui lui était si désagiéable.

La fermeture des yeux qui rendait la marche presque impossible

n'a presque plus d'influence. Le signe de Rombprg est en très

grande amélioration, il oscille à peine en fermant les yeux. Depuis

ce moment, je n'ai pas vu le malade ; toutefois on a pu remarquer

que le malade est en voie de guérison.

OBSERV.%TIO-q XV. Io Accident dit 4 juin 1883. Paraplégie très

fugitive, à peine de vingt-quatre heures, précédée d'une perte de

connaissance de cinq minutes.

2° Accident survenu le 2 mars 1886, (t la quatrième immersion,

faite dans les mêmes conditions que les trois précédentes. Douleurs

ci l'épaule droite et illusions visuelles. Il en fait une cinquième ;'

continuité de 1 illusion visuelle au fond de la mer. Perte de con-

374 CLINIQUE NERVEUSE.

naissance, au moment (4 heures et demie) o'< le plongeur quitte le

fond. A4 heures 35, il revient à lui. De 4 heures 35 ci

4 heures 45, intervalle de bien-être. De 4 heures 45 tu 5 heures,

retour des douleurs de l'épaule; céphalalgie. De 5 heures à

G heures, autre intervalle de bien-être. A 6 heures, paralysie

des membres inférieurs et du supérieur droit. Anesthésie, rétention

d'urines. A 11 heures du soir, disparition de la paralysie, de

~~ l'anesthésie et de la rétention d'urines. Auréveil, 3 mai, 7 heures

du matin, retour de la paraplégie des membres inférieurs, de l'anes-

thésie et de la rétention d'urines et de selles. 18 ? ntti, marche avec

un seul appui. Le 28 mai, possibilité de la marche sans appui.

Etat actuel (2 juin 1886). Allures de démarche spasmodique

à droite. Dyscampsie des articulations ait membre droit. Contrac-

tures passagères. Secousses. Exaltation des 7-éflexeg 7,ottilieî2s. Epi-

lepsie spinale. Douleurs fulgurantes et constriclives. Perte de

notion de position des membres inférieurs. Signe de Itonzberg.

Histoire. Nicolas Thermiotis, âgé de 35 ans. Pas d'antécédents

héréditaires, bonne santé antérieure. Pas de syphilis. Pas d'impa-

ludisme. Pas d'alcoolisme. Il a commencé son travail de scaphan-

drier l'été de 1883. 11 a très régulièrement fait ses campagnes

pendant deux années entières sans accidents d'aucune espèce,

mais, le 4 juin 1885, à la cinquième immersion faite à 10 heures

du matin, et qui ne différait pas du tout des quatre précédentes,

au point de vue de la profondeur qui oscillait entre vingt-cinq et

vingt-six brasses, séjour au fond de la mer de cinq minutes et

décompression d'une minute, au plus deux minutes après l'enlè-

vement du casque, le plongeur perd complètement connaissance

pendant cinq minutes. Au bout de ce temps, il revient, sentant

un poids considérable sur l'estomac, sans gonflement ni renvoi de

gaz. Pas d'autres symptômes céphaliques, pas de symptômes res-

piratoires, pas de douleurs articulaires ou musculaires. Aussitôt

après la disparition du poids gastrique, il se sent affaibli et tout

à coup, il tombe paraplégique des membres inférieurs, qui en

même temps étaient tout à fait anesthésiques. Rétention d'urines.

- An bout de 24 heures, paraplégie, anesthésie, rétention d'urines

ont disparu subitement. Le malade reprend ses immersions.

Le 2 mars 1886, à Samolhraki, péchant des éponges, el ayant

déjà fait trois immersions, vingt-sept brasses de profondeur, cinq

à six minutes de séjour et une minute de décompression sans rien

sentir, il descend pour la quatrième fois dans les mêmes condi-

tions de travail. Il n'est pas sans intérêt de remarquer que ce

plongeur n'était pas refroidi, il ne toussait pas et il n'avait pas

fait de repas avant l'immersion qui a occasionné l'accident. Pas de

fatigue. Presque immédiatement après la décompression et l'enlè-

vement de son casque, il est pris de douleurs très intenses à l'épaule

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 375 â

droite et en même temps d'une illusion visuelle qui lui faisait

voir les objets environnants d'une grandeur surnaturelle, mais ce

scaphandrier, faisant bon marché de sa douleur et de son illusion,

est redescendu une fois encore dans les mêmes conditions. Le

malade dit que, étant dans le fond, il était dél)arrassédosa douleur,

mais non de son illusion visuelle, par suite de laquelle il lui a été

impossible d'attraper une seule éponge. Malgré cela, il a prolongé

son séjour pendant cinq minutes. Dès que le scaphandrier a quitté

le fond de la mer, en d'autres termes, dès que la compression a

commencé, il avait à peine conscience de son état et avant l'enlè-

vement de son casque il avait perdu connaissance. On se hâte de le

déshabiller et on commence à le frictionner. Cinq minutes ne se

sont pas passées que le malade revient; il se lève, il se promène

parfaitement bien portant. Au bout de dix minutes, il se plaint

d'une céphalalgie intense qui siégeait surtout au sommet de la

tête et de douleurs lancinantes à l'épaule droite. La céphalalgie

et les douleurs ont été de très courte durée, à peine d'un quart

d'heure, de sorte que, à 5 heures, il était débarrassé de tout symp-

tôme. Plus de symptômes céphaliques, plus de douleurs. Pas de

symptômes respiratoires ou gastriques ou autres. Cet intervalle de

bien-être parfait a duré une heure.

A G heures, tout d'un coup, le malade tombe paralytique des

membres inférieurs et du bras droit tout entier, le gauche

étant tout à fait intègre. Rien à la face ; anesthésie complète,

rétention d'urines. A 10 heures, une amélioration surprenante

a commencé et a marché à pas si rapides, qu'à Il heures du

soir, ses membres étaient dégagés de la paralysie, aussi bien de la

motilité que de la sensibilité ; il rend bien ses urines et ne se plaint

de rien. Il dort bien, croyant avec raison que l'accident est fini.

A son réveil, à peu près à 7 heures du matin, il a constaté qu'il

était repris de sa paraplégie et de sa rétention d'urines et de selles.

L'ancsthésie aussi était complète, mais cette fois-ci, l'extrémité

inférieure droite n'était pas reprise de sa paralysie. On applique

la sonde et tous les petits moyens que les plongeurs mettent en

usage en cas d'accident. Le 3 mai, la rétention a été suivie d'une

incontinence qui n'a duré que trois jours, de sorte que le 8 mai,

il a pu uriner tout seul.-Ce jour aussi, la constipation opiniâtre

a disparu. L'amélioration n'a pas lardé à se faire sentir et, au

bout de quinze jours, c'est-à-dire le 18 mars, le malade a pu mar-

cher en s'appuyant sur un seul bâton. Le 28 mai, il marche sans appui.

Etat actuel (2 juin ±8SG). Le malade est atteint d'une para-

lysie qui est assez prononcée au membre droit, peu marquée au

gauche. Pour faire avancer la jambe droite en marchant, il

incline son' tronc à gauche. A ce moment, plusieurs fois il est

agité d'un tremblement rythmique. Il n'en est pas de même pour

la jambe gauche, qui, étant plus dégagée, peut se détacher du sol et

376 6 CLINIQUE NERVEUSE.

s'avancer sans inclination du corps. Il y a une exaltation considé-

rable des réflexes rotuliens. Les coups du marteau percuteur por-

tés surtout au tendon rotulieu droit font projeter la jambe deux à

trois fois. Les membres paralysés sont très fréquemment troublés

parl'épilepsie spinale, qui d'ailleurs peut être facilement provoquée

par le procédé habituel. Inutile d'ajouter qu'elle est bien plus

marquée à droite. -

Il y a de la dyscampsie des articulations assez accusée au membre

droit, presque pas au gauche.

Souvent des secousses surviennent aux membres paralysés, plus

intenses et plus fréquentes au membre droit, qui, un grand

nombre de fois, est saisi aussi de contractures passagères. Ce

membre se raidit en extension durant quelques minutes. Pas de

trace de paralysie aux membres supérieurs et à la face. La sensi-

bilité est fortement troublée, au membre droit, qui, sous tous les

modes, est anesthésique dans toute son étendue. On peut suivre

cette anesthésie au-dessus du membre droit jusqu'à la moitié

droite de la base du thorax. Au membre gauche, on découvre trois

plaques d'anesthésie dont l'une siège presque au milieu de la

partie antérieure de la cuisse, l'autre au niveau de la partie supé-

rieure du jarret et la troisième au dos du pied. Le malade, étant

dans le lit, perd la notion de la position de ces membres. La

marche devient très incertaine lorsqu'il ferme les yeux. Si on

commande au malade d'approcher les pieds à la station debout

et de fermer les yeux, il est tout de suite pris d'oscillations très

marquées. Il se plaint avec amertume de deux sortes de douleurs :

les unes qui viennent subitement, qui traversent les membres

inférieurs avec la rapidité d'un éclair pour revenir ensuite. (Il a

déjà été pris, jusqu'au moment de notre examen, trois fois, et

chaque fois, elles ont duré à peu près deux jours.) Les autres

douleurs sont, dit-il, plus permanentes, plus lourdes, accompagnées

d'une sensation de serrement de constriction. Elles choisissent

comme siège de prédilection la jambe. Pas de troubles trophiques.

Sauf un certain degré d'hypéridrose à la plante du pied gauche, il

n'y a pas d'autres troubles vaso-moteurs. Rien du côté de la vessie,

du rectum et des organes génitaux, pas de symptômes céphaliques.

Depuis ce moment, nous avons perdu de vue le malade.

Observation XVI. Accident provoqué le 20 janvier 1884 à la

quatrième immersion de la deuxième série, trente brasses de pro-

fondeur, vingt minutes de séjour, quarante secondes de décompres-

sioiz. Il avait déjà fait une série de sept immersions sans accidents,

vingt-trois à vingt-cinq brasses de profondeur, dix ci douze minutes

de séjour, trente secondes de décompression. Deirx minutes

d'intervalle entre l'enlèvement du casque et l'invasion de l'accident.

Gonflement de l'estomac, accompagné de gène de la respiration.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 377 Î

A 4 heures du soir, première perte de connaissance ; à 5 heures, il

revient; à 5 h. 10, deuxième perte de connaissance; ci 5 h. 40, il

revient; à G heures, élourdissement suivi de perte de connaissance.

Le lendemain, 21 janvier, 6 heures du soir, il revient. Intervalle

de bien-être de deux heures, entre la disparition des symptômes

céphaliques et l'invasion de la paraplégie. AS heures du soir,

paralysie complète et soudaine de la ? 71otililé et de la sensibilité des

quatre membres. Soif. Rétention d'urines et de selles. Décubitus

aigu, accompagné de décomposition d'urines et de fièvre, guéri.

Le 15 février, retour de la motilité et de la sensibilité aux membres

supérieurs. Secousses. Douleurs en ceinture. Le 20 mars, clispa-

iitio)2 de troubles urinaires et rectaux. Contractures passagères. Le

25 mars première crise de douleurs fulgurantes. Le 15 mai, il

a pu se tenir debout et faire quelques petits pas. Le 2 juin,

lisibilité de marcher ci l'aide d'un appui.

Etat actuel (20 et 21 juin 1884). Crises de douleurs fulgu-

rantes. Crises gastriques. Douleurs en ceinture. Signe de Romberg.

Perte de notion de position des membres paralysés. Impossibilité de

marcher dans l'obscurité. Anesthésie en plaques. Exaltation des

réflexes rotuliens, clonus des pieds spontané et provoqué. Secousses.

Discampsie articulaire. Contractures passagères. Démarche spas-

modique.

Histoire. Le nommé Demetrès Cosmitis, âgé de 35 ans. Pas

d'antécédents héréditaires. Comme antécédents personnels, il n'y

a rien de remarquable à signaler. Pas de syphilis, pas d'impalu-

disme, pas de maladies antérieures. Il avait commencé à travailler

clans l'air comprimé, au mois de juin 1878, faisant tous les ans

régulièrement ses campagnes pour la pêche d'épongés sans jamais

avoir eu le moindre accident. Le 20 janvier 1884, après avoir déjà

fait le matin sept immersions sans accident, à une profondeur

qui variait entre vingt-trois et vingt-cinq brasses, dix à douze

minutes de séjour au fond de la mer et une demi-minute de

décompression. A 2 heures du soir, il reprend ses immersions et

il en fait trois dans les mêmes conditions que celles du matin sans

accident aussi. Enfin, ayant vu beaucoup d'épongés à un endroit

un peu plus éloigné, il fait une quatrième immersion à une pro-

fondeur de trente brasses et ayant séjourné vingt minutes.

Deux minutes après la décompression qui n'a pas duré plus de

quarante secondes et l'enlèvement du casque, le scaphandrier sont

son estomac très gonflé et en quelques secondes perd connais-

sance (c'était 4 heures du soir) pendant une heure sans prodromes.

A 5 heures,-il revient complètement. Pas de symptômes cépha-

liques, pas de paralysie. Le gonflement continue accompagné de

.gêne de la respiration. A 5 h. 10, il perd subitement connaissance

pour la deuxième fois-, mais cette fois-ci, la durée n'a pas été de

378 S CLINIQUE NERVEUSE.

plus d'une demi-heure, de sorte qu'à 5 h. lio, il revient lout à fait.

Une vingtaine de minutes se passent sans que le malade présente

aucun symptôme. Pas de gonflement gastrique, et en conséquence

pas de gêne respiratoire. A 6 heures du soir, il lui survient un

étourdissement très fort, suivi bientôt de perte de connaissance

-complète; c'était déjà la troisième fois. Cette fois-ci, elle a duré

vingt-quatre heures. Durant cette perte de connaissance, on a

employé des sangsues au sacrum, des frictions et la titillation de

la gorge pour provoquer des vomissements. Le lendemain 21 jan-

vier, vers 6 heures du soir, le malade revient sans avoir aucun

symptôme céphalique, sans paralysie, enfin parfaitement bien

portant. Ce bien-être a duré à peu près deux heures; ses compa-

gnons ont cru que l'accident était fini. A 8 heures du soir, tout

d'un coup, à son grand étonnement, il tombe -paralytique de ses

quatre membres ; la paralysie était si complète qu'aucune de ses

extrémités ne pouvait exécuter le moindre mouvement; il ne

remuait que la tête. La sensibilité à son tour était tout à fait abo-

lie au niveau des membres paralysés. Il avait une soif ardente,

pas de gonflement de l'estomac, pas de gaz, pas de douleurs gas-

triques. Impossible de rendre ses urines et ses selles. Pas de

troubles respiratoires, pas de douleurs articulaires ou musculaires,

à ce moment, pas de symptômes céphaliques. Le 22 janvier est

venu s'ajouter une sensation désagréable à la région sacrée, sur

laquelle ses campagnons ont constaté une plaque rouge.

Le 25 janvier, cette plaque rouge s'ulcère, il avait de la fièvre.

Ses urines rendues par la sonde exhalaient une forte odeur. Les

autres symptômes étaient restés stationnaires. Les jours suivants,

1'escarre du sacrum loin de s'aggraver s'améliore.

Le 6 février, l'escarre était complètement guérie, les urines

n'avaient presque plus d'odeur, il a commencé à mouvoir ses

membres supérieurs. La rétention d'urines et de selles persiste ; on

continue l'emploi de la sonde et des purgatifs. Aucun mouvement

n'est possible aux membres inférieurs.

Le 15 février, c'est-à-dire vingt-cinq jours après l'invasion de la

paralysie, les extrémités supérieures étaient complètement dégagées

de leur paralysie aussi bien et avaient recouvré la motilité et la

sensibilité. Par contre, les membres inférieurs étaient restés presque

dans le même état; nous disons presque, car il ne faisait dans le lit

que quelques mouvements très faibles, très limités de ses membres,

qui, de temps en temps, se fléchissaient et s'étendaient tout d'un

coup. Il a commencé à se plaindre de douleurs constrictives à la

base du thorax.

Le 30 mars, ce qui fait juste deux mois depuis l'accident, il a,

pour la première fois, rendu tout seul ses urines et ses selles. Pas

d'amélioration aux membres inférieurs qui se raidissaient en exten-

sion durant un temps variable, toutefois très court. On lui applique

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 379 q

deux cautères à la région lombaire. Le 25 mars, jour que le

malade, dit-il, n'oubliera jamais, car il a eu une crise douloureuse

consistant en douleurs très intenses, qui parlaient avec la rapidité

d'un éclair le long de ses membres inférieurs, il a été tourmenté

par des douleurs fulgurantes toute la journée. Les douleurs en

ceinture continuent; elles sont même plus fortes. Le 15 mai, le

malade a commencé à se tenir debout et à faire quelques petits

pas à l'aide de deux bâtons ; ses membres lui paraissent très lourds

et s'agitent souvent comme d'un tremblement rythmique. D'un

moment à l'autre, sa marche devenait plus libre.

Le 2 juin, il a pu marcher avec un seul appui.

Etat actuel (20 juin 1884). Au moment de notre visite, nous

avons trouvé le malade en proie à des douleurs très intenses, qui,

survenant subitement à ses membres, lui font pousser un cri

déchirant. Ces douleurs, après une durée momentanée, reviennent

à des intervalles qui ne dépassaient pas deux minutes. En même

temps, le malade avait des douleurs du même caractère, mais

moins fortes et des vomissements répétés sanguinolents. Ayant

toujours été très sobre, il ne se plaignait pas de son estomac.

Il nous dit qu'il a eu, à plusieurs reprises, des crises de douleurs

fulgurantes, très souvent accompagnées de crises gastriques, qui

surviennent quelquefois d'une manière isolée. Nous lui faisons une

application de pointes de feu à la région lombaire et dorsale de

la colonne vertébrale et une injection morphinée. Le lendemain,

nous avons revu le malade pour compléter notre examen. Quand

on fait marcher le malade, on remarque que pour détacher du sol et

faire avancer son membre inférieur droit, il est forcé d'incliner

son tronc à gauche et, de cette manière, lever sa hanche droite.

Il fait la même chose en sens inverse pour son membre inférieur

gauche, mais, à un bien moindre degré, il peut marcher sans

bâton, mais il se fatigue très vite, tandis qu'à l'aide d'un bâton,

il peut faire de longues courses et se fatigue moins vite. Il lui est

matériellement impossible de descendre un escalier ou de marcher

sur un plan incliné.

Le malade est très souvent pris de secousses; ses jambes, de

temps en temps, se raidissent en extension durant quelques

minutes, de préférence la nuit; la droite surtout s'agite fréquem-

ment de mouvements convulsifs rythmiques, qu'on peut facilement

provoquer par le procédé élémentaire qui consiste à relever brus-

quement l'avant-pied.

Les réflexes rotuliens plantaires sont très exagéré-. Un coup

même sur le tendon roLulien droit fait projeter la jambe deux ou

trois fois. En répétant les coups de marteau, on arrive à donner

naissance à un tremblement postéro-iatéra) du corps tout entier.

L'examen de la sensibilité a relevé des plaques d'anesthésie à

diverses régions des membres paralysés. Le sens musculaire est

380 CLINIQUE NERVEUSE.

fortement troublé. Il perd très souvent la notion de position de

ses membres inférieurs et il ne sait pas où ils sont. Il oscille quand

il ferme les yeux et ne peut marcher dams l'obscurité. Les nerfs

vaso-moteurs sont, eux aussi, troublés; en effet, ses membres sont

froids et son pied droit est affecté d'anidrose. Il n'a pas sué depuis

son accident. Il n'en est pas de même pour son pied gauche. La

nutrition musculaire ne laisse rien à désirer. Il n'y a aucune trace

de invatropliie. La contractilité faradique est normale, sauf un cer-

tain degré de difficulté d'uriner qui rarement survient au malade.

Les fonctions de la vessie paraissent se faire régulièrement.

Rien du côté du rectum et des organes génilaux. Pas de symptômes

céphaliques. Les fonctions des autres organes sont normales.

Observation XVII. Accident provoqué le 8 novembre 1882, qita-

trième immersion. Après la décompression, douleurs dans l'aine

gauche. Cinquième immersion, éblouissement des yeux, vision

d'étincelles. -Au bout de trois ci quatre minutes, perte de connais-

sance, huit heures de durée. Revenu à lui, il a de la dyspnée, de

la pesanteur d'estomac, des doideurs aux articulations des coudes.

Paraplégie, anesthésie, rétention d'urines et de selles, pouls

petit, fréquent et irrégulier. Le 10 novembre, rougeur avec une

petite excoriation à la région sacrée. Le 9 décembre, possibilité

de marcher M l'aide d'un seul appui. Amélioration progressive,

douleurs fulgurantes, secousses, contractures passagères. - Le

19 décembre, possibilité de marcher sans appui.

Etat actuel (30 janvier 1885). Allures de démarche spas-

modique ci droite, exaltation des réflexes rotuliens, contractures

passagères, secousses, dyscampsie articulaire, épilepsie spinale ;

tous ces symptômes sont bien plus marqués au membre droit.

Douleurs fulgurantes, signe de Romberg, difficulté très grande à

marcher dans l'obscurité, perte de notion de position des membres,

troubles étranges de la sensibilité.

Histoire. ? Le nommé Stratis Scoufos, âgé de 28 ans. Pas d'an-

técédents héréditaires, ni personnels, pas d'impaludisme, pas

d'accidents syphilitiques, pas de maladies antérieures. Il a com-

mencé à travailler dans l'air comprimé le mois de mai 1881 et il

a fait ses campagnes pour la pêche d'épongés jusqu'au mois de

novembre .882, sans accident.

Le 8 novembre, il a fait trois immersions sans accident, vingt à

vingt-trois brasses de profondeur et dix à douze minutes de séjour,

il fait la quatrième de sa série dans les mêmes conditions du tra-

vail. Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du

casque, il est pris d'une douleur légère dans l'aine gauche. Faisant

bon marché de cette douleur, il est redescendu pour la cinquième

fois à une profondeur de sept brasses au commencement et peu à

DES ACCIDENTS PAU L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. S81 1

peu, en péchant des éponges, il est arrivé jusqu'à vingt-trois brasses.

La durée totale de son séjour a été de une demi-heure. Presque

aussitôt après la décompression très brusque, il a été pris d'un

éblouissement des yeux, il voyait des étincelles. Au bout de trois à

quatre minutes, ces symptômes oculaires ont été remplacés par

une perte de connaissance complète, qui a duré huit heures; pas

de convulsions. Le malade revenu à lui, se plaignait d'une

dyspnée considérable, accompagnée d'un certain degré de pesan-

teur de l'estomac ; en outre, le malade avait des douleurs intenses

aux articulations des coudes des membres supérieurs.

La paraplégie n'a pas lardé à jouer son rôle dans le drame mor-

bide, subite et complète, dès le moment de son invasion. Le même

jour, on le fait transporter à Hydra et voici ce que M. le docteur

Xanthos a constaté : paraplégie complète des membres inférieurs

au point qu'il était impossible au malade de faire le moindre

mouvement. L'anesthésie était complète dans tous ses modes :

rétention d'urines et de selles, petitesse, fréquence et irrégularité

du pouls. Des symptômes du début, c'est seulement la dyspnée

qui continuait encore, mais améliorée. A l'auscultation, on consta-

tait des râles sibilants.

Il a ordonné comme traitement des ventouses scarifiées et puis

sèches, des frictions irritantes, sondages et purgatifs.

' Le lendemain matin, au réveil, le malade n'avait plus de

dyspnée; pas de râles sibilants, pas d'anomalies du pouls. Il n'en

a pas été de même pour l'état des membres inférieurs, qui n'a pas

changé. Le 16 novembre, M. Xanthos a constaté de la rougeur avec

une petite excoriation à la région sacrée, pas d'escarres. Le malade

a commencé à mouvoir un peu ses membres inférieurs. Depuis

ce moment, l'amélioration a continué à pas rapides, de sorte que

le 9 décembre, il a pu se tenir debout et marcher, les pieds trem-

blants, à l'aide d'un bâton. ce moment, il avait aussi des secousses;

d'un jour à l'autre, la marche devenait plus libre, mais, par contre,

il a été plusieurs fois victime de douleurs fulgurantes qui ne sur-

venaient pas par crise mais isolées et d'une façon très irrégulière.

Ses membres se raidissaient en extension pendant un temps

variable, toutefois très court, surtout au lit. Le 19 décembre, il a

pu marcher sans appui. Depuis lors, l'amélioration n'a pas cessé

de continuer à faire des progrès, très lentement, il est erai, mais

presque régulièrement.

Etat actuel (30 janvier 1885). Il y a une parésie des membres

inférieurs, le membre droit est bien plus parétique, ce qui fait

boiter le malade. En effet, quand il marche, il est obligé de s'ap-

puyer sur le membre gauche et d'incliner le tronc de son corps de

ce côté pour soulever et porter en avant la jambe droite qui alors

décrit un petit tour et parfois frotte le sol. Il n'en est pas de même

pour la gauche qu'il soulève et avance sans aucune difficulté appa-

382 CLINIQUE NERVEUSE.

rente. Après une longue course, le membre droit tremble et sur-

tout quand il marche sur un plan incliné; rarement le malade

tremble de son membre gauche. Il y a une exaltation des réflexes

rotuliens bien plus marquée à la jambe droite qui, à chaque coup

du marteau, se projette deux à trois fois et d'une manière plus

spasmodique. Il est à plusieurs reprises tourmenté de secousses

- qui surviennent surtout la'nuit et au membre droit; les contrac-

tures passagères sont devenues bien moins fréquentes, moins

intenses et moins durables.

Le clonus des pieds qui existe spontané, nous l'avons dit, peut

être, après plusieurs essais, provoqué, mais pas très marqué.

Les douleurs fulgurantes sont plus rares et moins intenses. Le

signe de Romberg est très marqué. La marche devient très diffi-

cile en fermant les yeux et dans l'obscurité. 11 perd la notion de

position de ses membres. 11 a des troubles étranges de la sensibi-

lité, seulement au membre droit; quand ou pince, à l'aide d'un

instrument piquant, par exemple une aiguille, une région quel-

conque de ce membre, le malade ressent la même sensation de

picotements d'aiguille sur toute la longueur du membre; la même

sensation se produit par le contact. L'application du froid ne pro-

duit plus cette sensation de picotements d'aiguilles, mais un senti-

ment très désagréable de tout le membre et que le malade ne peut

définir. Pas d'autres troubles sensitifs.

11 n'y a aucune trace d'atrophie musculaire, il n'y a pas de

troubles vaso-moteurs, il n'y a pas de symptômes céphaliques. Il

n'y a fréquence d'urines, et, de temps en temps, le malade rend

involontairement ses urines. Les fonctions du rectum et des or-

ganes génitaux sont normales. Les fonctions des autres organes

paraissent se faire régulièrement.

Observation XVIII. Accident survenu le 20 mai 1879, après

la troisième immersion faite dans les mêmes conditions que les

deux I)i,écétIci2tes, seize ci dix-sept brasses de profondeur et une

demi-heure de séjour, même temps de décompression. Immédia-

tement après la décompression, douleur lancinante subite et très

vive au genou gauche, dyspnée d'une demi-heure de durée. -

Paraplégie, anesthésie, rétention d'urines et de selles suivie d'incon-

tirzence. Le 10 juin, première crise de douleurs fulgurantes. -

Le 3 juillet et dans la suite, crises de douleurs fulgurantes , secousses,

contractures passagères, épilepsie spinale, perte de notion de posi-

tion des membres, etc. Vers la fin du ptois de novembre 1880,

possibilité de se tenir debout et de marcher ri l'caicle de deux appuis.

Janvier 1881. Possibilité de marcher avec un appui. Au

mois de murs de la même année, il marche sans appui.

Etat actuel (30 janvier 1885). - Syiî(12-ônze spasmodique.

Signe de Romberg. l'as de notion exacte de différentes positions

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 383

qu'on imprime aux membres inférieurs. Marche très difficile sans le

concours de la vue. Crises de douleurs fulgurantes très espacées et

de moindre intensité.

Histoire. Le nommé Nicolas Perrachis, âgé de 36 ans. Pas

d'antécédents héréditaires ou personnels. Il y a douze ans qu'il a

travaillé dans l'air comprimé, il a travaillé sans accidents jusqu'au

20 mai 4879. Ce jour-là, après avoir fait deux immersions, à seize

à dix-sept brasses de profondeur et une demi-heure de séjour, la

décompression étant toujours très brusque, il eu fait une troisième

dans les mêmes conditions ; immédiatementaprèsfa décompression

et l'enlèvement du casque, il est pris d'une douleur lancinante

subite et très vive au genou gauche, sans gonflement au moins

apparent de l'arliculation, et d'une dyspnée intense ; le malade

avait la sensation d'un poids considérable qui l'étoull'ait. Pas de

symptômes céphaliques, pas de troubles gastriques ou autres. Cette

douleur aussi bien que la dyspnée aptes avoir duré une demi-

heure disparaît et fait place à une paraplégie brusque et complète

dès le premier moment de son invasion, accompagnée d'anesthé-

sie non moins complète et d'une rétention, très pi ononcée, d'urines

et de selles qui a duré dix jour=. 1.% sonde n'ayant pas été appli-

quée pendant ce temps de rétention, la vessie, grâce à l'accumula-

tion d'une quantité énorme d'urines, a formé une tumeur considé-

rable dans le bas-ventre. Ses compagnons en comprimant la vessie

sont arrivés après bien des efforts à la vider. La rétention d'urines

a été suivie d'incontinence. La constipation était combattue par

Jespurgatifs. Le 10 juin, une escarre se forme à la région sacrée,

très étendue, accompagnée de fièvre. Le 20 juin, un nouveau

symptôme se déclare; ce sont des douleurs très fortes qui sur-

viennent subitement, elles parcourent les membres inféiieurs et

après une durée instantanée disparaissent subitement pour revenir

au bout d'un intervalle très court; elles n'ont cessé que le

23 juin.

Le 3 juillet, une nouvelle crise de douleurs survient au malade,

avec la même intensité, le même caractère et à peu près la même

durée. A ce moment, le malade a commencé à avoir des secousses,

ses membres se fléchissent et s'étendent tout d'un coup.

Plus tard, ses membres se raidissent en extension, cette raideur

étant toutefois passagère; en outre, ils s'agitent par intervalles

très variés d'un tremblement rythmique involontaire, surtout

développé sous l'influence des émotions et do la fatigue.

Il, lui arrivait fréquemment de perdre la notion de position de

ses membres. Enfin, durant une année et demie, le malade a été

forcé de garder le lit, son état étant tel qu'il suit : paralysie très

prononcée au point que le malade ne pouvait se tenir debout;

anesthésie, incontinence d'urines et de selles, secousses, clonus des

384 CLINIQUE NERVEUSE.

pieds, contractures passagères, crises de douleurs fulgurantes,

perte de notion de position de ses membres.

Vers la fin du mois de novembre 'JS80, le malade a pu se tenir

debout et faire quelques pas à l'aide de deux appuis.

L'amélioration ayant continué ses progrès, il a pu marcher les

premiers jours de janvier 1881 avec un appui.

Au mois de mars de cette~année, le malade a été dans la possi-

bilité de marcher sans appui.

Etat actuel (31 janvier 1885). Il marche sans appui. De loin,

on peut distinguer que la paraplégie des membres inférieurs, dont

cet homme est atteint, est spasmodique. En effet, il est forcé de

s'appuyer sur un de ses membres, par exemple le gauche, et d'in-

cliner son tronc de ce côté pour détacher et soulever le membre droit

qui, de cette manière, se porte en avant après avoir décrit un

demi-tour et frotté le sol. La rigidité musculaire est assez marquée ;

grâce à elle, si on communique aux membres des mouvements

passifs, on sent une résistance notable.

Tous les réflexes crémastériens, plantaires etrotuliens sont très

exaltés. Les membres inférieurs, surtout au réveil et sous l'influence

de la fatigue et des émotions morales, s'agitent d'un tremblement

rythmique involontaire. On peut le provoquer aussi en soulevant

btusquement l'avant-pied. Très souvent, il arrive à se fléchir et à

s'étendre alternativement. Quand il est au lit, il est pris fréquem-

ment de contractures passagères : ses jambes se raidissent en

extension. L'examen de la sensibilité dans tous ses modes nous

a fait remarquer des dysesthésies en plaques étendues.

Il se trouve dans la nécessité de porter dans son pantalon un

tube en caoutchouc, afin de recevoir les urines qui s'écoulent

goutte à goutte. Parfois, il rend involontairement ses selles; pas

de troubles des fonctions sexuelles.

Les crises de douleurs fulgurantes ne manquent pas de tourmen-

ter le malade, bien que les intervalles de crises soient plus espacés,

et que leur force soit quelque peu amoindrie. Le malade oscille

quand il ferme les yeux, il marche avec beaucoup de difficulté

sans le concours de la vue. Il n'a pas une notion exacte des diffé-

rentes positions qu'on imprime à ses membres paralytiques. Il n'y

a aucune trace d'atrophie musculaire. Nous n'avons pas rencontré

de troubles vaso-moteurs. 11 n'y a aucun symptôme céphalique.

Rien du côté des autres organes.

Observation XIX. Accidents du 5 mars 1873, première inznacn-

sion, vingt-deux ci vingt-trois brasses de profondeur et une demi-

heure de durée, décompression brusque. Trois ou quatre minutes

après la décompression et l'enlèvement du casque, ci 10 heures du

matin, douleurs lombaires très vives, aphasie motrice, vertiges de

translation.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 383

A 10 heures et demie, disparition brusque et complète de

l'aphasie, douleurs et vertiges. Un quart d'heure d'intervalle

de bien-être parfait. Ail heures moins un quart, du malin,

paralysie subite et complète des deux membres inférieurs et du

supérieur droit, anesthésie, rétention d'urines pendant deux jours.

Dans la journée du 23 mars, il recouvre les fonctions de son

membre supérieur droit. Le 4 avril, possibilité de se tenir debout,

Le 7 avril, il marche à l'aide d'un seul appui ; le soir, crise de

douleurs fulgurantes pendant toute la îzztit. -Le 17 auril, possibilité

de marcher sans appui. - Pour plusieurs raisons, l'amélioration

s'arrête et l'étntduntalccde, pendant cinq années, reste stationnaire.

Etat actuel (10 juin 1884). Syndrome spasmodique prédo-

minant au membre droit. Signe de Romberg, difficulté de mar-

cher sans le concours de la vue; crises fulgurantes.

Histoire. Le nommé N. Putsinas, âgé de 28 ans, n'ayant eu ni

accidents syphilitiques, ni paludéens, ni maladies antérieures et

sans antécédents héréditaires, a commencé à se plonger dans l'air

comprimé au mois de mars 1878. Il a travaillé pendant une année

sans accidents, quand le 15 mars 1879, il fait la première immer-

sion de sa série à une profondeur de vingt-deux à vingt-trois

brasses et une demi-heure de séjour; il aurait fait un grand

nombre d'immersions à cette profondeur sans accidents, la décom-

pression ayant été isochrone, mais il n'aurait jamais demeuré plus

de dix à douze minutes. Pas de refroidissement, pas de toux,

pas de repas avant l'immersion. Trois ou quatre minutes après la

décompression brusque comme toujours, et l'enlèvement du casque,

il était 10 heures du matin, le malade a été atteint de douleurs

très vives aux lombes, qu'il compare à des coups de poignard, et

en même temps de l'aphasie; il lui était impossible d'articuler un

seul mot, il comprenait, dit-il, parfaitement bien ce qu'il enten-

dait et il pleurait, parce qu'il ne pouvait répondre. Il ne sait ni

lire ni écrire. Il avait, en outre, des vertiges de translation. Le

malade sentait le bateau fortement s'agiter sans qu'il y ait eu de

vent et sans que la mer fût troublée. Pas de perte de connaissance

ni autre symptôme céphalique. Pas de troubles de la respiration,

ni gastriques.

A 10 heures et demie, tout d'un coup, le malade a recouvré

complètement la mémoire des mouvements de l'articulation des

mots et il parle comme avant son accident. Pas de vertiges, pas de

douleurs lombaires; il se croyait sauvé et considérait l'accident

comme fini, mais son espoir n'a pas tardé à être déçu au bout

d'un quart d'heure. A 11 heures moins un quart, tout d'un coup,

sans prodromes, il était atteint d'une paralysie subite et complète

aussi bien de la motilité que de la sensibilité, des deux membres

inférieurs et du supérieur droit, suivie de rétention d'urines.

Archives, t. XVI. 25

386 CLINIQUE NEIIVEUSE.

Le 17 mars, il a pu uriner seul. L'état de la paralysie des trois

membres n'a pas changé.

Le 23 mars, c'est-à-dire huit jours après l'accident, à son réveil,

il constate qu'il pouvait remuer le bras droit, jusqu'ici complè-

lement paralysé. Cette amélioration a grandement marché, si bien

que le soir il a pu recouvrer les fonctions intégrales de ce membre;

-la paralysie de ses membres inférieurs est restée stationnaire.

Le 4 avril, il a pu se tenir debout; on lui présentait des chaises

sur lesquelles il pouvait marcher en s'appuyant.

Le 7 avril, il marche à l'aide d'un seul appui. Ce jour-là, le malade

ayant beaucoup marché, dit-il, et s'étant fatigué, fut pris, le soir,

de douleurs très intenses qui survenaient comme des éclairs et

siégeaient surtout aux articulations; il n'a pas fermé l'eeil toute

la nuit. De grand matin, les douleurs ont disparu. Les jours sui-

vants, le malade avait des secousses et du tremblement aux pieds.

Le 17 avril, il a pu marcher sans appui, mais il lui était impos-

sible d'accomplir cet acte sur un plan incliné ou de descendre un

escalier. L'amélioration a fait encore quelques progrès, mais le

malade ayant continué son travail sans aucune prudence, s'étant

adonné à la boisson (cinq à six litres de vin par jour) et n'ayant

été soumis à aucun traitement, l'amélioration s'arrêta. Aussi son

état n'a pas changé beaucoup durant le temps fort long (plus de

cinq ans) qu'on suit l'histoire de ce malade. Il traînait toujours les

pieds qui, de temps en temps, frottaient le sol et s'agitaient d'un

tremblement rythmique, et à des intervalles variables, il était pris

de douleurs fulgurantes qui ne duraient que quelques heures.

. Etat actuel (10 juin 1884). Il y a une paraplégie des membres

inférieurs qui prédomine à droite. La marche du malade est nette-

ment spasmodique, il s'appuie un peu plus sur le pied gauche pour

soulever sa hanche droite et, de celte façon, détacher et avancer

le membre droit. Il y a une exaltation très marquée de tous les

réflexes facilement constatable par les procédés les plus élémen-

taires. Le clonus des pieds existe aussi bien spontané que provoqué,

surtout au membre droit.

La sensibilité examinée sous tous ses modes a été trouvée par-

faitement normale. Ses membres se fléchissent et s'étendent tout

d'un coup, surtout la nuit. Plusieurs fois aussi, ils se raidissent en

extension pendant un temps variable, toujours très court. Il oscille

beaucoup quand il ferme les yeux; dans ce cas-là, aussi bien que

dans l'obscurité, il marche difficilement. Le malade est pris,

maintes fois, de douleurs fulgurantes.

Il n'y a pas d'atrophie musculaire, sauf une anidrose complète des

pieds qui existe même quand il fait très chaud; il n'y a pas d'autres

troubles vaso-moteurs. Rien aux membres supérieurs, rien du côté

de la vessie, du rectum et des organes génitaux; pas de symptômes

céphaliques. Les fondions des autres organes paraissent régulières.

DES ACCIDENTS PAR 1,'E)IPLOI DES SCAPHANDRES. 387

PATHOLOGIE.

En s'appuyant sur ces six observations, que nous

venons de relater, nous allous essayer d'esquisser les

grandes lignes de l'histoire clinique de notre forme

centrale spinale postéro-latérale. Ici encore, comme

pour la forme que nous venons de décrire, l'explo-

sion de cette forme d'accidents spéciaux, tantôt se fait

sans aucun intervalle, immédiatement après la dé-

compression et l'enlèvement du casque (Obs. XIV, XV,

XVII. et tantôt quelque temps après, deux

minutes pour ['OBSERVATION XVI et trois à quatre

minutes pour t'OasERYATioN XIX.

La bonne description clinique nous impose, croyons-

nous, de distinguer trois périodes : 1° la période des

symptômes du début ou extrinsèques; 2° la période

paralytique, et 3° la période des syndromes spasmo-

dique et tabétoïde.

I. Période de symptômes DU début OU EXTRINSEQUES.

Nous allons brièvement exposer les différents

symptômes qui constituent cette période, car ils se

présentent au clinicien, presque sous les mêmes allures

cliniques que dans la forme centrale spinale latérale.

En effet, les symptômes divers et multiples, que Ton

remarque au tableau précédent se divisent d'eux-

mêmes en quatre groupes, dont nous avons déjà

longuement décrit les symptômes constitutifs. ,

- A. Syndrome des symptômes céphaliques. Ces

388 CLINIQUE NERVEUSE.

symptômes ont une place prépondérante parmi les

symptômes du début, aussi bien eu raison de leur fré-

quence que de leur importance clinique; en effet,

nous les voyons figurer dans cinq observations. Ces

symptômes sont : -

a). Perte de connaissance . Elle a existé quatre

fois, une fois isolée (OBs. XIV) et trois fois accompa-

gnée d'autres symptômes céphaliques ; ainsi, la perte

de connaissance chez le malade de I'Observation XV

était précédée d'illusion visuelle et suivie de cépha-

lalgie. Chez le malade de I'OI3SLRVATION XVII, elle

était précédée d'éblouissement des yeux et vision

d'étincelles. Chez celui de 1'013SERVATION XVI, la troi-

sième attaque de perte de connaissance était précédée

d'étourdissements. Certes, en lisant cette observation,

on a dû être frappé des allures cliniques très origi-

nales que ce symptôme a présentées. Eu effet, la pre-

mière attaque de perte de connaissance, après avoir

duré une heure, disparaît et fait place à un intervalle

de lucidité parfaite pendant dix minutes, au bout des-

quelles survient une seconde attaque de perte de

connaissance d'une demi-heure. après quoi le malade

revient complètement. Ce nouvel intervalle de lucidité

n'avait pas encore dépassé vingtminutes, que le malade

avait été pris d'une troisième attaque qui, cette fois-ci,

s'était prolongée jusqu'à vingt-quatre heures. Nous

expliquerons plus loin le mécanisme de ces allures

cliniques. La durée totale de la perte de connaissance,

dans ces différents cas, a considérablement oscillé,

depuis cinq minutes jusqu'à vingt-qnatre heures. Son

invasion et sa disparition ont eu lieu soudaines et

complètes. Enfin ajoutons, avant de finir la descrip-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 389

tion de ce symptôme, que la perte de connaissance n'a

jamais été accompagnée de convulsions.

b). Vertiges. Ce symptôme, qui a figuré à l'On-

servation XIX, a présenté les caractères de vertige de

la translation. Le malade sentait le bateau s'agiter

sans qu'il y ait eu du vent et sans que la mer fût

troublée. Ce symptôme, accompagné d'aphasie mo-

trice, avait duré une demi-heure.

c)..E7oM ? 'f/M ? ? . Nous constatons une seule

fois l'existence des étourdissements qui avaient pré-

cédé quelques moments l'invasion de la troisième

attaque de la perte de connaissance du malade de

1'0] ! SËRVAT[ON XVI.

d). Troubles du langage. - Nous n'avons rencontré

ces troubles que chez le malade de l'OBSERVATION XIX.

Nous ferons la même remarque qui a déjà antérieure-

ment été faite, que le trouble de ce malade consiste

aussi en aphasie motrice. Il comprenait, dit-il, parfai-

tement bien ce qu'on disait autour de lui, mais il lui

était impossible d'articuler un seul mot. Il ne sait ni

lire ni écrire. L'invasion, aussi bien que la disparition

de l'aphasie, ont été très brusques. La durée totale

n'a pas dépassé une demi-heure.

e). Céphalalgie. Elle a été présentée par un seul

malade. D'une intensité remarquable, elle siégeait

surtout au sommet de la tête.

Symptômes oculaires. Illusions visuelles. On voit

figurer ce symptôme chez le malade de l'OBSERVA-

tion XV, qui, étant descendu pour la quatrième fois

après sa décompression, a été pris d'une illusion qui

lui faisait voir les objets environnants d'une grandeur

surnaturelle. L'illusion a continué durant la com-

390 CLINIQUE NERVEUSE.

pression de la cinquième immersion; pour cette rai-

son, il ne lui a pas été possible d'attraper une seule

éponge. Elle a été immédiatement suivie de perte de

connaissance qui n'a duré qu'une dizaine de minutes.

B). Syndromes de symptômes respiratoires. Ce syn-

drome est largement représenté dans la forme que

nous décrivons, car nous le rencontrons trois fois sur

six observations. Encore ici, il faut diviser les symp-

tômes de ce syndrome en deux catégories distinctes,

dont la première contient les symptômes qui doivent

leur.origine, leur genèse aux troubles gastriques con-

comitants : telle est la gêne de la respiration présentée

par le malade de I'Observation XVI et due au gonfle-

ment de l'estomac coexistant. La deuxième catégorie

comprend les symptômes qui ont leur genèse aux

organes mêmes de la respiration, et ils en dépendent

directement. Telle est la dyspnée du malade de J'OB-

SLRVATION XVIII, qui avait même la sensation d'un

poids considérable sur la poitrine, lequel l'étouffait.

C). Syndrome de symptômes gastriques. Comme

symptômes appartenant à ce syndrome, nous avons :

a). Le gonflement de l'estomac (Ous. XVI), qui était

assez prononcé pour occasionner la gêne delà respira-

tion. Il a duré environ une heure et demie.

b). La pesanteur de l'estomac a existé parmi les

symptômes du début une seule fois chez le malade de

1'013SERVATION XVII sans être accompagnée d'autres

symptômes gastriques. Les malades des Observa-

TIONS XIV, XV, XVIII, XIX n'ont pas présenté de

symptômes gastriques.

D). Syndrome de différentes douleurs. Des symp-

tômes qui appartiennent à ce syndrome, les uns sont

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 391

de l'ordre des douleurs musculaires ou myopathies

douloureuses, comme les douleurs lombaires très

vives ; les autres sont de l'ordre des douleurs articu-

laires ou arthropathies douloureuses. Les douleurs

articulaires tantôt se localisent à une seule articula-

tion, comme, par exemple, chez le malade de l'On-

servation XV à l'épaule droite, chez celui de l'OBSER-

VATION XVIII au genou gauche ; tantôt elles se

localisent à plusieurs articulations, comme chez le

malade de t'OBSERVATtON XVII, aux articulations des

coudes et de la hanche gauche. L'intensité de ces

douleurs a été toujours très grande; elles sont conti-

nues et non accompagnées de fièvre. Toutefois leur

durée a été toujours très courte.

Le court exposé des différents symptômes qui

peuvent constituer la période du début de cette forme,

nous fait clairement voir leur extrême variabilité et

leur multiplicité, en même temps que leur instabilité

et leur fugacité. En effet, les plus variables et les plus

multiples combinaisons peuvent avoir lieu à cette

période; tantôt c'est un symptôme d'un syndrome

quelconque qui constitue toute la symptomatologie du

début, comme à ]'OBSERVATION XIV, la perte de con-

naissance en est le seul et unique symptôme. Tantôt

le début est représenté par deux symptômes dont

chacun appartient à un syndrome, comme, 1 par

exemple, à l'OnsrRVAToON XVIII, la dyspnée et les dou-

leurs au genou gauche; tautôt plusieurs symptômes

d'un syndrome peuvent se combiner à un symptôme

d'un autre syndrome; c'est le cas de ]OBSERVATION XV

où les illusions visuelles, la perte de connaissance, la

céphalalgie se combinent aux douleurs à l'épaule

393 »1 CLINIQUE NERVEUSE.

droite. La même chose se passe à I'Observation XVI,

où les trois attaques de perte de connaissance et les

étourdissements se combinent au gonflement de l'es-

tomac ; aussi à l'OI3SN : ItVATION XIX, l'aphasie motrice

et les vertiges de translation se combinent aux dou-

leurs lombaires. Enfin, plusieurs symptômes de plu-

sieurs syndromes peuvent se combiner pour former la

période du début, c'est ce qui est arrivé pour l'OB-

servation XVII où le symptôme céphalique est repré-

senté par l'éblouissement des yeux, la vision d'étin-

celles et la perte de connaissance, le syndrome des

symptômes respiratoires par la dyspnée, le syndrome

gastrique par la pesanteur de l'estomac, le syndrome

des douleurs par les douleurs dans l'aine gauche et

aux articulations des coudes.

II. Période paralytique. L'invasion de la para-

lysie chez trois de nos malades. (Cas. XIV, XVII,

XVIII) a eu lieu sans intervalle entre la disparition de

tous les symptômes de la période du début et la

période paralytique. Chez les trois autres, au con-

traire (Obs. XV, XVI, XIX), il y a un intervalle très

net durant lequel tout symptôme du début a com-

plètement disparu et le bien-être est parfait; le ma-

lade se croit tout à fait guéri jusqu'au moment où

l'invasion de la paraplégie vient démentir d'une ma-

nière brutale ses vaines espérauces. Cet intervalle,

pour ces trois malades, a été de un quart à deux

heures. Cela dit, passons tala description de la para-

plégie elle-même. Nous avons à étudier successive-

ment et brièvement son mode d'invasion et ses symp-

tûmes associés.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 393

a). Mode d'invasion. Chez 15s six malades, l'in-

vasion de la paraplégie a été très brusque, soudaine.

Chez les malades aussi elle a été complète dès son

début, la paralysie ayant eu dès le premier moment

de son invasion le maximum de son intensité. Ici en-

core nous retrouvons le même fait, qui est remar-

quable et original, à savoir que la paralysie des

membres inférieurs peut être accompagnée de mono-

plégie d'un membre supérieur quelconque; c'est le

droit pour les Observations XV et XIX. La monoplégie

de ce cas a été brusque et complète, comme la para-

plégie qu'elle accompagnait. Chez le malade de l'OB-

SERVATION XVII, ce n'est plus une monoplégie, mais

bien une paraplégie de membres supérieurs qui au

même moment subite et complète accompagnait la

paralysie des membres inférieurs, de sorte que la

paraplégie, dès le début, était complète aux quatre

membres. Ces paralysies de membres supérieurs

tantôt t sont fugitives (la monoplégie de l'OBSERVA-

tion XV a duré cinq heures), tantôt elles sont passa-

gères et disparaissent' après avoir duré quelques jours,

(huit pour l'OBSERVATiON XIX et vingt-cinq pour l'OB-

servation XVI.) Dans presque tous les cas, la dispari-

tion a lieu très rapidement; il est même des cas où la

disparition a lieu très brusquement (OBS. XV). Il ne

falitpas oublier de si-iialer un fait bien remarquableet

bien original, en ce qui concerne lemode de l'invasion de

la paraplégie du malade de l'OBSERVATION XV. En effet,

après l'intervalle de bien-être d'une heure, qui a

suivi la disparition des symptômes du début, la para-

plégie survient a 6 heures du soir, subite et com-

plète dès le moment de son invasion, accompagnée

39'1 CLINIQUE NERVEUSE. ACCIDENTS PAR LES SCAPHANDRES.

de la monoplégie du* bras droit, et dure cinq heures.

Ail heures du soir la paralysie de ses trois mem-

bres disparaît brusquement et complètement pour

revenir le lendemain matin à 7 heures, sans la mo-

noplégie du bras droit; la même chose est arrivée aux

symptômes associés.

Passons maintenant à l'examen des symptômes

qui peuvent s'allier à l'élément paralytique, en d'au-

tres termes à l'étude des symptômes associés.

b). Symptômes associés. Ils consistent en symp-

tômes : l°sensitifs; 2° vésicaux ; 3° rectaux.

c). Symptômes sensitifs. Chez les six malades, la

sensibilité a été trouvée profondément altérée. L'in-

tensité de cette altération est tout à fait proportion-

nelle à l'intensité de l'altération de la motilité. Celle

altération sensitive consiste en une abolition complète,

en une paralysie parfaite. Son invasion est subite.

L'élément anesthésique est le compagnon le plus fidèle

et le plus inséparable de l'élément paralytique.

d). Symptômes vésicaux. Les symptômes vési-

caux ont constamment accompagné la paralysie de

la motilité et de la sensibilité; ils ont consisté dans

tous les cas, en une rétention d'urines. Par suite de

cette rétention, qui a duré dixyjours chez le malade

de l'observation, la vessie a été énormément distendue

et elle a formé une tumeur énorme dans le bas-

ventre. La durée de la rétention a beaucoup varié

pour les six cas, depuis douze heures à deux mois.

La rétention, une fois disparue, tantôt fait place à

l'état normal (OBs. XIV, XV, XIX), tantôt à une diffi-

culté d'uriner, le malade étant obligé de pousser pour

D L.1 GLIO>L1TOSU ? II : DULI,.\IRG. 393

faire sortir l'urine (OBs. XVI) et tantôt à l'incontinence

(OBs. XVII et XVIII). Avant de finir les troubles vési-

caux, n'oublions pas de noter la décomposition

d'urines qui a eu lieu chez le malade de l'OBS. XVI.

e). ? Mr6CM ? Dans la majorité des cas,

la rétention de selles marche de pair avec la réten-

tion d'urines, c'est le trouble initial du rectum; une

fois dissipée, tantôt elle fait place à l'état normal et

tantôt à l'incontinence de selles. (A Suivre.)

PATHOLOGIE NERVEUSE

contribution A l'étude ST\IP'fOIIA'fOL001QU1,

de la f,Li011 : 1'fOSC MÉDULLAIRE';

Communication faite au 2' Congrès des médecins russes à Moscou

(Junior 1887)

1"IV \'L%DIMIR IIOTH,

Privnt-Hoceut de l'Université de loscou.

Anatomie pathologique. Le substratum auato-

mique du tableau, que nous avons décrit, est constitué

par des processus morbides, tantôt portant le nom de

gliome de la moelle épinière, tantôt celui de syringo-

myélie. Les observations de ces maladies avaient été

examinées par nous au point de vue anatomique il y

a neuf ans20. Les recherches ultérieures confirmèrent

complètement les conclusions auxquelles nous étions

amené à cette époque.

'Voy. Archives de Neurologie, t. XIV, p. 368; t. XV, p. ICI; t. XVI,

p. 23 et 195.

39G PATHOLOGIE NERVEUSE.

Nous avons montré que l'on confondait sous le nom

de syringomyélie des processus pathologiques diffé-

rents dans leur essence et que, pour cette raison, on ne

pouvait prendre une cavité de la moelle épinière pour

~ point de'départ d'une classification. La syringomyélie

peut dépendre d'un ramollissement plus ou moins

grand d'un néoplasme gliomateux, dans ces cas,

elle ne constitue qu'une complication de ce processus

fondamental et n'a rien de commun, par exemple,

avec l'hydromyélie et les cavités formées par d'autres

voies. Dans le même travail, nous avons indiqué ce

fait, que parmi les divers processus pathologiques

ayant lieu dans la circonférence du canal central, il

existait des degrés de transition. Il est donc impos-

sible de délimiter rigoureusement différentes espèces

d'hyperplasie de la neuroglie et de la syringomyélie.

Mais la différence qui existe entre les altérations

anatomiques dans divers cas isolés est si grande que

leur groupement est quand même nécessaire; aussi

est-il réalisable, non seulement en se fondant sur les

symptômes purement anatomiques, mais en partie

sur les particularités pathogéniques et les tableaux

cliniques de la maladie; il faut seulement ne pas ou-

blier la remarque que nous'venons de faire.

Nous n'avons pas l'intention de nous arrêter ici sur

des détails anatomiques; il ne nous importe que de

déterminer à quel groupe anatomique se rapportent

les cas que nous examinons et de tâcher, autant que

possible, de relier les phénomènes cliniques aux alté-

rations anatomiques. Parmi les processus anatomiques

décrits sous le nom synthétique de la syringomyélie,

il faut distinguer : '

DE L\. GI,101ATOSr, MÉDULLAIRE. 397

1). L'hydromyélie congénitale et la dilatation par

diverses causes du canal central ou de sa partie pos-

térieure détachée dans la période embryonnaire. Ces

altérations anatomiques n'ont rien de commun avec

le complexus symptomatique décrit par nous.

2). Les cellules épithéliales du canal central qui

sont restées de la période embryonnaire emprisonnées

dans les cordons postérieurs de la substance blanche,

peuvent, par leur prolifération, donner lieu à des

tumeurs occupant un espace plus ou moins grand le

long de la moelle épinière. Leur partie centrale dégé-

nère parfois en formant des cavités, et ces tumeurs à

syringomyélie n'ont pas de relation directe avec nos

observations.

3). L'épendyme du canal central normal s'hyper-

plasie sous forme d'une tumeur plus limitée et

solide; dans ces cas, les symptômes manqueront ou

bien leur caractère sera essentiellement différent de

celui que nous avons observé dans nos cas (Reisin-

ger18 et autres).

4). La névroglie s'hyperplasie d'une manière plus

diffuse et pénètre entre les éléments nerveux. Dans

cette forme se produit le plus souvent la dégénéres-

cence et la liquéfaction du tissu pathologique avec

formation de cavités, ce qui, du reste, ne constitue pas

un phénomène nécessaire, comme l'a démontré l'au-

topsie faite par Schultz". Les cas correspondant à

notre tableau clinique se rapportent justement à cette

quatrième catégorie. Il ne peut s'agir ici de tumeur

rigoureusement parlant. Schultze appelle cette forme

gliose de la moelle épinière, mais ordinairement elle

se combine avec des hyperplasies néoplastiques de

398 PATHOLOGIE NERVEUSE

l'épendyme plus limitées de forme et de structure,

comme nous l'avons vu dans le cas décrit auparavant ?

voilà pourquoi nous employons la dénomination gé-

nérale de gliomatose pour toutes ces formes.

- Comme on le voit,-sur trois.cas de Schultze, 1'liy-

perplasie de la neuroglie a pour siège primitif non seu-

lement l'épendyme, mais aussi la substance gélatineuse

de Rolando et celle de la racine ascendante du

nerf trijumeau, qui lui est homologue. Comme le

prouvent les autopsies de Schultze, le processus mor-

bide atteint de préférence la substance grise; les li-

mites de ce processus coïncident par places avec les

limites de cette dernière. La syringomyélie avait existé

dans tous les cas, mais elle n'occupait que le second

plan, dans un d'entre eux de petites cavités (des

fentes) ne s'observaient que par places dans le renfle-

ment cervical.

A l'exception d'un cas de Schultze, le processus

morbide longeait toute la moelle épinière et trois fois

sur quatre s'étendait jusqu'à la moelle allongée. Ici

le lieu favori du processus est la racine ascendante du

nerf trijumeau, où s'hyperplasie la neuroglie de la

substance gélatineuse. Mais, en outre, on observe

comme une localisation plus accidentelle d'hyperplasie

et de cavités dans différents endroits de la moelle al-

longée (l'olive, le noyau de l'hypoglosse, etc.). La sub-

stance blanche n'est pas atteinte dans tous les cas et

toujours à un degré moindre. Ordinairement, ce sont

les parties des faisceaux blancs adjacents à la com-

missure postérieure qui sont atteintes ; mais la neu-

roglie s'hyperplasiant envoie parfois des prolonge-

ments dans les cordons antérieurs et atteint aussi

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 399

tantôt d'une manière plus diffuse ou par voie d'hyper-

lllasie néoplastique, les parties des cordons latéraux

adjacents à la substance grise. Toutes ces altérations

de la substance blanche ne sont point du tout égales

en lieu et degré de lésion dans différents cas et oc-

cupent toujours le plan secondaire, ou bien manquent

complètement.

Sans vouloir entrer ici dans l'analyse détaillée du

processus anatomique, nous devons pourtant nous ar-

rêter un peu sur la relation existant entre l'hyper-

ptasie pathologique de la neuroglie et les éléments

nerveux et l'altération produite dans ces derniers. Il est

regrettable que les méthodes d'examen de la moelle

épinière que nous possédons, et d'autant plus ceux

qui avaient existé jusqu'au dernier temps, ne soient

pas suffisamment parfaites pour nous donner une repré-

sentation bien nette sur les cellules et surtout sur les

fibres atteintes. Dans bien des cas , on ne voit pas du

tout correspondre au tableau de la destruction com-

plète de la partie centrale de la moelle épinière (cas

de Krauss) quelques troubles de sensibilité marqués

dans les régions innervées par les parties situées plus

bas ou par le segment correspondant ; la moelle épi-< q

nière augmente en épaisseur, les éléments se disso-J

cient par la ueurogtie proliférant au centre, des fais-

ceaux entiers peuvent se déplacer, se détacher, sans

subir la dégénérescence. Dans d'autres cas, on observe

la dégénérescence qui paraît se faire en bloc d'une

certaine partie sans altérations de ses fonctions, des

cornes postérieures, par exemple; j'ai pu m'en con-

vaincre par le cas que j'ai examiné au point de vue

anatomique. Il est très probable que les éléments ner-

- 400 r.\.T)10LOG)E KERVUUSE.

veux n'ont pas été détruits ici par la neuroglie proli-

férée, mais n'ont pas pu être reconnus à cause des

méthodes d'examen non perfectionnées. En effet,

là où nous avons eu affaire à des faisceaux plus volu-

mineux, il était aisé de les reconnaître au milieu du

tissu de nouvelle formation. A la dégénérescence de

ce dernier s'ajoutait un gonflement, une dégénéres-

cence de la myéline, devenant plus transparente, à

réfraction plus faible et enfin se confondant avec la

neuroglie, transformée en masse amorphe, taudis que

le cylindre axe conservait encore longtemps ses pro-

priétés morphologiques. Le même fait se trouve cou-

firme par les récentes observations de Schultze20, qui,

à l'aide de la méthode de Weigert, avait constaté la

destruction de la myéline dans les cornes postérieures,

ainsi que celle des cordons postérieurs, tandis que les

cylindres axes avaient été conservés par places. Les

altérations des éléments nerveux de caractère régressif,

diverses altérations de la myéline, des cylindres axes

et des cellules nerveuses avaient déjà été constatés par

Zacher et Fùrstner\ Mais quand même, nous savons

trop peu sur le caractère de l'altération pathologique

dans les cornes postérieures et la substance grise

pour trouver une explication toute prête des phéno-

mènes des anesthésies partielles, des symptômes tro-

phiquesetvasomoteurs. En général, nous connaissons

seulement que certains groupes de fibres et cellules

nerveuses peuvent périr, se détruire et se déplacer en

masse ; que dans d'autres cas le néoplasme-remplit,

pour ainsi dire, par pénétration tous les intervalles qui

les séparent, les rend méconnaissables avec les mé-

thodes habituelles d'examen, mais ne détruit pas com-

DE LA GL10MATOSE MÉDULLAIRE. 40'I

plètement leur structure et fonction pendant long-

temps peut-être. Mais quels sont les éléments de la

moelle épinière et comment s'altèrent-ils dans l'anal-

gésie, par exemple ? Nous ne trouvons point d'in-

dications détaillées dans les autopsies faites jusqu'à

présent répondant à cette question. Jl est très possible

que ce soient des particularités déterminées d'un pro-

cessus pathologique, et non sa localisation grossière,

qui constituent la source des sypmptômes patholo-

giques fondamentaux dans le groupe d'observations

que nous étudions.

Il est regrettable que nos connaissances sur la

marche des voies sensitives dans la moelle épinière

nous aident peu, si nous voulions compléter l'insuffi-

sance des'faits par des suppositions théoriques. Nous

ne savons même pas sûrement s'il existe en réalité des

conducteurs anatomiques isolés pour la sensibilité tac-

tile, thermique, et de la douleur, sans parler déjà de

la direction que ces différentes voies prennent après

l'entrée des racines dans la moelle épinière et de leur

marche ultérieure dans la substance blanche et grise.

Au contraire, les cas de gliomatose nous donnent jus-

tement l'espoir d'atteindre la solution de ces questions

physiologiques.

Dans ces cas, la nature fait sur l'homme une expé-

rience précise qu'aucune vivisection ne saurait répé-

ter, et même, si cela était possible, l'expérience sur

l'animal ne pourrait amener à aucun résultat. Des re-

cherches détaillées et moins grossières dans la sphère

de sensibilité ne sont possibles que chez l'homme.

En attendant de nouveaux faits anatomiques, l'ana-

lyse clinique doit éclairer un peu le champ des inves-

Archives, t. XVI. 20

1102 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tigations. Sous ce rapport, les intérêts de la physio-

iogie coïncident avec notre but principal qui est de

nous rapprocher de l'explication au moins hypothé-

tique des phénomènes les plus saillants de l'anes-

thésie partielle du sens thermique et de l'analgésie.

Nous avous vu déjà que les grandes cavités par elles-

mêmes ne produisent pas de symptômes semblables ;

dans le cas de Reisinger8, une énorme tumeur au

centre de la moelle épinière, ayant dilaté les parties

environnantes, marchait longtemps sans présenter au-

cun symptôme et, en général, nous savons avec quelle

facilité les fibres nerveuses s'écartent et s'accommodent

à une pression se formant lentement de côté. D'autre

.part, ces grossières lésions varient comme nature,

Consistance, délimitation dans les différentes hau-

teurs d'une même moelle. On ne pourrait donc pas

invoquer une pression en masse occasionnée ici par

le néoplasme, là par le contenu liquide de la lacune,

- -pour expliquer des symptômes si uniformes, comme,

par exemple, la thermanesthésie généralisée (OBs. 111,

V, VI). Ces symptômes indiquent une lésion élective,

quasi-systématique. Elle peut être produite seulement

par ce fait que le processus intensif, s'associant aux

altérations grossières plus délimitées, affecte de préfé-

rence certains systèmes de cellules et de fibres ner-

veuses. Cette localisation spéciale d'un processus

diffus pourrait être déterminée par quelques condi-

tions anatomiques. Nous les voyons dans la distribu-

tion de la substance gélatineuse, qui se trouve autour

du canal central, dans les cornes postérieures, et leur

prolongation dans le bulbe et la protubérance (racine

ascendante du trijumeau) . C'est cette.substance qui

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 403

est le siège principal et le point de départ du proces-

sus hyperplastique. Des faits cliniques nous obligent

aussi de rattacher l'anesthésie à une lésion des cornes

postérieures : la répartition segmentaire de l'anes-

thésie, puis la coïncidence fréquente au début avec

une atrophie musculaire dans les mêmes régions,

nous fait supposer l'altération également segmentaire

des parties de la moelle où, premièrement, les con-

ducteurs sensitifs des zones anesthésiées sont encore

séparés par ceux d'autres parties, situées plus bas et,

secondement, où l'entrecroisement des voies sensitives

ne s'est pas encore produit. Cet endroit ne peut être

que la porte d'entrée des racines postérieures dans la

moelle épinière et les cornes postérieures.

Nous avons vu que les autopsies confirment cette

supposition, en ce que les cornes postérieures et la

racine ascendante du trijumeau ont été trouvées alté-

rées chaque fois qu'il y avait une anesthésie partielle

des parties correspondantes. Mais quelles sont les

rapports intimes entre ce symptôme et les lésions

anatomiques ? L'intensité variable des anesthésies par-

tielles souvent peu prononcées, malgré leur extension

considérable à la surface du corps, leur apparition

isolée ou combinée, leur amendement parfois bien

notable toutes ces circonstances nous empêchent

d'admettre que ce symptôme puisse être produit par

l'accroissement de la lacune ou du gliome qui détrui-

rait pour ainsi dire en bloc les parties avoisinantes de

la substance grise. Il serait inutile de revenir sur

cette supposition s'il n'y avait des faits anatomiques,

qui paraissent parler en sa faveur. Dans certains cas

d'anesthésie partielle, on voit une destruction en ap-

404 PATHOLOGIE NERVEUSE.

parence complète avec substitution de la corne posté-

rieure, soit par la lacune, soit par le néoplasme. Mais il

faut se rappeler que les éléments nerveux peuvent être

conservés au milieu des parties les plus altérées, comme

le démontre mon observation mentionnée plus haut20.

Il est certain que les lacunes ne sont pas en réalité

aussi grandes qu'après l'endurcissement de la moelle

épinière et sont remplies durant la vie par un contenu

liquide ou semi-liquide, dans lequel les éléments ner-

veux peuvent former une sorte de trame, qui ne ré-

siste pas aux procédés de préparation ; d'autres fibres

sont probablement repoussées aux parois de la ca-

vité ; d'autres encore se trouvent dans la substance

gliomateuse, uniforme en apparence. Quoi qu'il en

soit, on ne peut expliquer l'analgésie et la thermanes-

thésie partielle dans mes observations et leurs ana-

logues que par des troubles nutritifs des éléments

nerveux dans les cornes postérieures, consécutifs

à l'hyperplasie avec dégénérescence du tissu intersti-

tiel. Comment se fait-il cependant que les sens tactil et

musculaire restent habituellement intacts ?

On pourrait supposer que les conducteurs isolés de

ces espèces de sensibilité ne s'avancent pas loin dans

les cornes postérieures, mais tournent dans les cor-

dons blancs; si avec cela existait toujours parallèle-

ment la lésion du sens de la température et de dou-

leur, cette explication fournirait le plus de probabilité.

Mais nous savons que la sensibilité à la douleur et à la

température peuvent être atteintes isolément ; que le

processus diffus, se répandant le long des cornes

postérieures de la moelle épinière dam chacun de ses

segments lésés, détruit, par exemple, la seule fonc-

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 405

tion de conductibilité des impressions thermiques.)

Il est presque impossible de nous figurer que le

processus pathologique interstitiel longeant toute la

moelle épinière se localisât seulement dans les voies

thermesthésiques isolées, en respectant partout les

voies de sensibilité à la douleur. Il faut admettre que

l'altération pathologiqne, en imbibant pour ainsi dire \

le segment donné de la corne postérieure, y inter-

rompt d'une certaine manière la nutrition des nerfs

sensitifs. Ces conditions de nutrition altérées agissent

seulement sur les éléments qui servent de conducteurs

aux impressions thermiques. (Nous savons que les -

fibres nerveuses de diverses catégories ne réagissent '/7

pas également sur les influences nocives la près- 6,

sion, C 0, etc.), Mais on pourrait de même supposer t,

que si des conducteurs spécifiques n'existent pas, un ' ?

agent nocif déterminé diminue ou suspend seulement

dans les voies sensitives la faculté de conduire les im-

pressions thermiques.

On peut appliquer le même raisonnement à l'expli- z

cation de l'analgésie, mais nous devons admettre

l'existence d'une altération d'im autre genre, par

exemple, dans un cas, la dégénérescence hyaline de la

neuroglie et de la myéline, altérant chimiquement les

conditions de nutrition des cylindres axes, agirait sur

la conductibilité des impressions thermiques; dans un

autre cas, la prédominance de l'hyperplasie de la neu-

roglie, agissant mécaniquement, troublerait la fonction

des nerfs qui ne servent qu'à conduire les impressions i

de la douleur, ou bien déprimerait la conductibilité à I

la douleur (s'il n'existe pas des conducteurs spéciaux

aux différentes espèces de sensibilité).

406 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Le degré d'influence de ces deux facteurs servira à

déterminer celui des troubles de sensibilité; leur qua-

lité servira à déterminer le caractère de ces troubles,

l'anesthésie thermique ou l'analgésie, ou bien l'une

-ou l'autre en présence des deux facteurs patholo-

giques, qui se trouveraient réunis simultanément.

Si nous admettons la justesse de notre hypothèse sur

la résistance différente des conducteurs de diverses

espèces de sensibilité aux altérations morbides siégeant

dans la moelle épinière (ou bien de la conductibilité de

diverses espèces de sensibilité dans les mêmes conduc-

teurs), il n'y a pas de raison d'admettre encore un

trajet séparé des conducteurs des impressions tactiles.

Ils peuvent siéger à côté des autres en possédant une

résistance plus grande ; ou bien si les conducteurs

tactiles isolés n'existent pas, ce serait la conductibilité

des impressions tactiles par les voies sensitives qui s'y

interrompt plus difficilement par diverses influences

nocives, que la conductibilité des impressions doulou-

reuses et thermiques et ne disparaît presque qu'avec

la destruction des cylindres axes. Une lésion aussi

considérable des éléments nerveux, mais limitée par

un très petit espace de la corne postérieure dans la

partie inférieure du renflement cervical, serait celle

de l'OBSERVATION V à anesthésie générale de la moitié

externe de la main.

La marche de la maladie est généralement lente,

mais souvent irrégulière. Nous avons vu dans I'Obser-

VATION VI, que les symptômes fondamentaux peuvent

rester stationnaires. Généralement, durant plusieurs

années, un certain degré d'atrophie et de faiblesse

reste stationnaire ; dans d'autres cas, l'on voit un dé-

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 407

veloppement relativement rapide de nouveaux symp-

tômes et l'aggravation des anciens. Dans les cas

nos I, II, et III, nous avons vu une amélioration

des symptômes ou un arrêt du développement ulté-

rieur de la maladie durant tout le temps, pendant

lequel nous avons observé les maladies, c'est-à-dire

de quelques mois à deux ans. D'autres auteurs ont

également vu l'état stationnaire de nombreux symp-

tômes dans le courant de quelques, années (Morvan,

Fûrstner et Zacher).

Terminaison de la maladie. Dans notre ancien cas 20,

ne correspondant pas rigoureusement parlant au ta-

bleau clinique de la forme analysée ici la mort est

survenue par suite de l'extension du processus mor-

bide trois ans après l'apparition des premiers symp-

tômes. Mais généralement la mort par progrès de la

maladie arrive plus rarement que par des complica-

tions accidentelles, reliées du reste parfois à la mala-

die. Dans un cas de Schultze ", par exemple, le ma-

lade estmortdepyémie; le phlegmon, souvent observé

dans la gliomatose spinale avait été négligé et avait

pris un caractère putride; l'amputation dans ce cas

ne sauva pas la vie du maladie..

La guérison de la maladie est-elle possible ? Nous

avons vu que de nombreux symptômes peuvent s'amé-

liorer considérablement; nous avons vu également,

que le processus morbide peut ne pas progresser d'une

manière notable durant dix ans, par exemple. En vue

de tout cela nous pouvons admettre la possibilité de l'ar-

rêt de la maladie et de son amélioration considérable

et peut-être même la disparition des symptômes mor-

bides.

408 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Le pronostic découle de ce qui vient d'être dit plus

haut. Il n'est pas aussi fatal que dans beaucoup d'au-

tres maladies de la moelle épinière, ne portant pas le

nom terrible de néoplasme.

Causes prédisposantes. L'âge : chez cinq de mes

malades, l'affection s'est déclarée entre dix-sept et

vingt-cinq ans; chez un autre malade elle parut à

quarante-neuf ans et chez un autre encore elle avait

probablement déjà existé à l'age de onze ans. Et dans

les observations des auteurs, où le début de la maladie

est signalé - il se rapporte presque exclusivement à

l'âge de quinze à trente-cinq ans. La différence du

sexe se fait sentir dans ce sens que le nombre

d'hommes est à peu près trois fois plus considérable

que celui des femmes.

Aux causes déterminantes on pourrait rapporter :

le traumatisme, le refroidissement, l'épuisement du

système musculaire, les fièvres intermittentes et d'au-

tres influences nocives, ayant procédé aux premières

manifestations de la maladie aperçues par les malades,

Mais il n'est pas rare de trouver dans les antécédents

du patient, que des symptômes de la maladie avaient

précédé, les causes, auxquelles avait été attribuée son

origine. Nous pensons que différents moments épui-

sants par lesquels passe le malade ne donnent qu'un

coup de fouet à la marche plus rapide du processus,

mais la vraie cause de son développement est incon-

nue.

Dans d'autres formes de la gliomatose de la moelle

épinière et de syringomyélie on peut considérer comme

démontrée la dépendance de la maladie des déviations

morphologiques dans le développement du canal cen-

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 409

tral ou de l'épendyme. Mais dans la forme qui nous

occupe les anomalies embryologiques semblables

n'existent pas; des éléments de neurogiie d'apparence

normale s'hyperplasient dans la commissure et les

cornes postérieures. Mais comme la maladie se déclare

dans le jeune âge, comme aussi par sa nature même,

elle reste longtemps à l'état latent, il est très pro-

bable que le début réel du processus pathologique pré-

cède de plusieurs années ses premières manifestations

cliniques. On peut supposer que ces causes premières

siègent dans les conditions altérées du développement

embryologique de la substance grise de la moelle épi-

nière et que différentes causes accidentelles externes

agissent d'une manière débilitante sur la nutrition des

éléments nerveux, en diminuant leur résistance aux

éléments de la neuroglie, tendant à s'hyperplasier. La

supposition que la maladie soit d'origine parasitaire

n'a pas de données'.

Diagnostic. Nous avons vu que le symptôme le

plus caractéristique et le plus constant de la maladie

est l'anesthésie partielle du sens de la température,

plus souvent combiné à de l'analgésie. Le diagnostic

est facile dans les cas oui) des troubles de sensibilité

plus ou moins étendus de ce genre se combinent avec

2) des phénomènes parétiques ou 3) les atrophies mus-

culaires. Les distrophies de la peau et du tissu cellu-

laire sous-cutané, les troubles vaso-moteurs, les altéra-

tions de la sécrétion sudorale, lalésion des articulations,

la fragilité des os etc., constituent dans ces cas des

1 Sauf la ressemblance très marquée qui existe entre le tableau symp-

tomatique que j'ai décrit avec les phénomènes neuropathiques, observés

dans quelques cas de lèpre. (Rosenbach. 30.)

410 PATHOLOGIE NERVEUSE.

symptômes de luxe, ne servent qu'à confirmer le dia-

gnostic régulier, fondé, sur les symptômes cités plus

haut. Les symptômes vaso-moteurs el trophiques s'ils

sont les premiers, frappant notre attention, exigent

qu'elle soit fixée sur l'examen delà sensibilité du ma-

lade. Leur existence en elle-même, sans anesthésie

partielle concomitante, n'a pas de signification dia-

gnostique. Si nous venions à les rencontrer sans qu'ils

soient accompagnés de troubles de sensibilité notables

et d'atrophies musculaires, nous pourrions seulement

soupçonner l'existence de la gliomatose de la moelle

épinière. Mais nous ignorons si des cas semblables

peuvent en réalité dépendre de ce processus pathologi-

que qui à l'exception des particularités de localisation

eût été en tout identique à celui qui forme la base du

groupe de cas étudiés par nous. D'autres phénomènes

tenant à la lésion des cordons postérieurs et latéraux

de la moelle épinière, de la moelle allongée, etc.,

indiquant l'extension ultérieure du processus mor-

bide, peuvent masquer les symptômes caractéristi-

ques fondamentaux.

Mais le diagnostic est quand même possible; il ne

faut pas oublier que dans aucune autre maladie les

symptômes de lésions en foyer de la moelle épinière

ne se combinent avec la distribution d'anestlcsie

partielle caractéristique de la gliomatose; et étant

donné ce dernier symptôme; quelle que soit la locali-

sation de différents symptômes deutéro-pathiques, ils

ne doivent pas exclure l'existence de la gliomatose de

la moelle épinière'.

] ' ' La . où une anestbésie générale s'est développée vers la lin de la ma-

ladie, comme dans le cas de Schuppel, on a encore la ressource four-

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 411

Une seule remarque est pourtant nécessaire à faire.

Nous pouvons nous figurer des cas de tabès dorsalis

tout à fait exclusifs et compliqués, présentant des

atrophies musculaires, des paralysies et de la prédo-

minance de thermanesthésie, qui se trouvent en con-

tradiction avec la proposition exprimée plus haut.

Mais dans ces cas-là, la marche de la maladie, l'exis-

tence des symptômes indubitables de tabès et l'ab-

sence de la distribution de l'anesthésie caractéristique

de la gliomatose lèvent la difficulté du diagnostic.

Il est plus difficile à faire, si l'on observe une

thermanesthésie plus ou moins partielle des membres

inférieurs combinée à certains troubles de l'appareil

locomoteur. Il est possible de supposer ici, qu'un

foyer limité, par exemple une plaque sclérosée, ait dé-

truit la conductibilité des impressions thermiques

suivant la moelle épinière et venant des régions in-

nervées par toutes les racines situées plus bas'.

Là où les troubles caractéristiques de sensibilité

partiels et les troubles moteurs dans lesquels l'atro-

phie des muscles est bornée à une région limitée au

membre supérieur par exemple (OBSERV. IV), il se peut

nie par les données de la marche, les antécédents, indiquant, qu'au dé-

but, il avait existé une altération de sensibilité caractéristique, sans quoi

bien entendu un diagnostic anatomique précis des cas semblables de-

viendrait impossible.

'Ces derniers jours j'ai vu un cas semblable : il se développait progres-

sivement chez 111. \... durant trois années une fatigue des membres in-

férieurs et une certaine faiblesse de mouvements. Dans les membres su-

périeurs la force est conservée, l'écriture est devenue plus difficile, des

mouvements accessoires involontaires se produisent facilement. Il y a

hypertome, plus accusée dans les membres inférieurs et le clonus du

pied. Une diminution du toucher peu accusée dans les membres infé-

rieurs, un léger affaiblissement de la douleur, une diminution très accu-

sée de la sensibilité thermique sur le pied et diminuant vers les cuisses,

où elle est normale. Dans ce cas nous n'avons pas de données suffisantes

pour diagnostiquer la gliomatose de la moelle épinière.

4 1 z2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

que nous doutions, si nous n'avons affaire à uneneu-

rite d'autant plus que nous pouvons tomber sur

des cas, où la sensibilité douloureuse des cordons

nerveux et des muscles nous induira en erreur.

Il faut se rappeler, que dans les névrites locales non

multiples, le processus est limité à la sphère de distri-

bution d'un certain nerf, et dans la gliomatose par une

certaine région (celle de la main, de l'avant-bras, delà

partie supérieure du bras etc.). Une telle disposition

n'exclue pas il est vrai une lésion d'une série de ra-

cines d'un côté une rhenitis primitive ou consécutive à

une pachyméningite hypertrophique. Mais à cela il

faut objecter : que dans les névrites périphériques, per-

sonne n'a observé jusqu'à présent d'anesthésie ther-

mique partielle, quoique l'attention ait été déjà attirée

sur ce point.

Nous avons vu (OBSERV. VI) qu'un tableau précisé-

ment pareil - la thermanesthésie partielle delà partie

périphérique du membre avec atrophie de muscles de

la main avait été observé à un certain degré de la

maladie chez une de nos malades, chez laquelle nous

avons pu suivre la marche ultérieure de la therma-

nesthésie, ne laissant pas de doute sur l'existence de

la gliomatose cérébro-spinale. D'un autre côté, comme

le démontre l'observation de 1-P C... (Observ. IV), les

douleurs locales dans les nerfs, sans parler des douleurs

musculaires, ce qui s'en va de soi, n'excluent pas la

localisation centrale du processus : la gliomatose de

la moelle épinière entraîne souvent après elle des

troubles de circulation et de nutrition de la peau, des

muscles, des articulations et probablement aussi dans

les nerfs. Le diagnostic de la gliomatose doit être posé

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 413

aussi dans les cas qui ne présentent pas de troubles

locomoteurs bien accusés s'il existe une thermanesthé-

sie partielle à disposition caractéristique segmentaire

ou par région occupant en cas de localisation mono-

plégique, un membre supérieur et la partie adjacente

de la poitrine, par exemple, ou bien occupant les

épaules d'une manière plus ou moins symétrique dans

les cas de localisation bilatérale; dans la thermanes-

thésie à forme hémiplégique, ou avec la zone therma-

nesthétique sur la poitrine et le ventre d'un côté ou

des deux, avec extension du processus sur la région

du nerf trijumeau; ou bien si t'anesthésie partielle est

limitée par la ligue médiane du corps et des lignes ho-

rizontales, ne correspondant pas aux sphères de dis-

tributions nerveuses, mais à la lésion de parties de

certains segments des colonnes postérieures de la

substance grise de la moelle épinière et de la subs-

tance gélatineuse de la racine ascendante du tri-

jumeau. A notre avis, une disposition semblable de la

thermanesthésie seule ou accompagnée d'analgésie et

sans autres symptômes de lésion anatomique de la

moelle épinière ou allongée est pour nous pathogno-

monique de la gliomatose.

Dans un de nos cas (OBSERV. Viol), en fait de sympa

tomes d'une lésion anatomique il n'existait qu'une ther- 1

manesthésie partielle de ce genre, mais il y avait; i

d'autres symptômes caractéristiques du côté de la sen-

sibilité : des paresthésies cutanées, des douleurs le long

des nerfs occipitaux, une humeur hypochondriaque;

nous supposons que si ces symptômes mêmes venaient à

nous manquer, nous aurions le droit de diagnostiquer la

gliomatose. Il convient d'exclure le tabès dorsalis dans

414 PATHOLOGIE NERVEUSE.

les cas de la dernière catégorie et dans la localisation

insolite de la thermanesthésie dans les membres infé-

rieurs. En outre, on ne peut à l'état actuel de nos con-

naissances (comme pour le cas cité plus haut) ex-

clure quelque affection limitée en foyer détruisant la

conductibilité des voies cérébro-spinales sensitives.

Mais là où existe la disposition caractéristique de la

thermanesthésie que je viens de signaler on ne peut

admettre que l'idée de tabès dorsalis. L'existence

de l'analgésie partielle, ou de l'anesthésie tactile est

assez souvent observée dans cette maladie; quant à

la thermanesthésie partielle, elle présente un phéno-

mène exceptionnellement rare. On pouvait douter

de son existence jusqu'à ce dernier temps. M. Bolko

Stern =3) fait remarquer que dans cinq cas de tabes,

l'anesthésie avait débuté par le sens de la tempéra-

ture avec intégrité du toucher. 11 est regrettable qu'il

ne donne pas une seule observation détaillée pour

élucider ce fait et nous ne savons rien sur la localisa-

tion de la thermanesthésie et la propriété de quelques

autres symptômes, qui ont obligé l'auteur à diagnos-

tiquer dans son cas le tabès dorsalis. Il nous semble

qu'on peut supposer trois alternatives à un diagnostic

différentiel :

1)Thermanesthésie partielle avec symptômes carac-

téristiques du tabès (oculaires, perte du réflexe ro-

tulien, douleurs, ataxie, etc.) le diagnostic : tabes ;

2). Thernianesthésie partielle (avec ou sans analgésie)

à localisation caractéristique (moitié supérieure du

corps, forme hémiplégique, disposition par région, etc.)

manque de symptômes, nécessaires au diagnostic du

tabes; diagnostic : gliomatose de la moelle épinière;

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 4J5 J

3). L'anesthésie thermique dans les membres infé-

rieurs sans autres phénomènes du côté de l'appareil

locomoteur, sans symptômes diagnostiques de l'ataxie

locomotrice diagnostic douteux. Dans les paraly-

sies alcooliques (Korsaho(i), on observe parfois la pré-

dominance de l'analgésie et de la thermanesthésie, sur-

tout dans les membres inférieurs, à côté des phénomènes

caractéristiques de la paralysie alcoolique.

On pourrait confondre la gliomatose spinale avec

quelques cas de lèpre anesthétique, grâce à l'atrophie

musculaire, l'anesthésie thermique et l'analgésie (Ro-

senbach 3') surtout dans les cas où les altérations cu-

tanées de la lèpre sont peu accusées; elles sont parfois

réduites à une simple raie hypérémiée, délimitant les

plaques ou les régions anesthétiques. Cependant l'a-

nesthésie elle-même peut présenter dans cette dernière

maladie quelques caractères distinctifs. Elle ne s'arrête

pas à la ligne médiane : 1) des îlots anesthésiques

peuvent se trouver au milieu du dos, de la poi-

trine etc., étant distribués d'une manière capricieuse

à la surface du corps; 2) leurs contours sont irrégu-

liers, tortueux, comme sur une carte graphique

(voyez les beaux dessins dans le livre de M. Le-

loir) ; 3) il y a transition brusque des régions avec

analgésie et thermanesthésie, à peu près complètes,

aux parties ayant conservé leur sensibilité normale.

Il ne faut pas en outre oublier l'atrophie avec affai-

blissement des muscles orbiculaires des paupières qui

est caractéristique pour les cas de lèpre dans lesquels

elle se voit. L'analgésie et surtout l'anesthésie ther-

mique n'arrêtent pas pour la plupart du temps l'at-

tention des malades et souvent échappent à l'observa-

410 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tion du médecin dans le cas où le malade le consulte

pour d'autres symptômes.

Pour cette raison, il est donc nécessaire de toujours

examiner la sensibilité à la température et à la dou-

leur : 1) dans les troubles trophiques énumérés plus

haut, les abcès, les panaris, surtout lorsque ces der-

niers se répètent souvent ou paraissent être peu dou-

loureux ; 2) dans les fractures des os survenant sans

cause externe suffisante; 3) dans différentes' pares-

thésies indéterminées, douleurs, troubles de la sécré-

tion sudorale et vaso-moteurs ; 4) dans les atrophies

musculaires.

L'atrophie progressive des muscles avec localisation

préalable dans les mains et les muscles de la ceinture

scapulaire etc., accompagnée d'analgésie partielle ou

d'anesthésie thermique, comme nous l'avons dit plu-

sieurs fois, indique la gliomatose spinale; mais l'ab-

sence de ce dernier symptôme ou l'existence d'une

anesthésie plus ou moins étendue de tousses modes

de sensibilité (notre cas décrit en 1878) n'exclue pas

ce processus. II peut également se manifester par

l'atrophie musculaire seule accompagnée de phéno-

mènes d'hypertonie, comme le démontre l'autopsie

faite par Schultze d'un malade chez lequel Erb avait

diagnostiqué durant sa vie la sclérose amyotrophique

latérale. Je n'ai pas l'intention de toucher ici ces cas,

quoique la plupart d'entre eux appartient peut-être au

même processus morbide fondamental (n'ayant atteint

que les cornes antérieures) qui existe dans les cas à

paralysie de sensibilité partielle. Mon observation citée

plus haut peut servir d'anneau reliant les uns aux

autres.

I)1; 1..1 GLIOI1TOSP ILsDULLIIR. 417 -1

Traitement. Nous voyons que le processus mor-

bide admet l'amélioration de quelques symptômes et

que la thérapeutique dans la gliomatose n'a pas du

tout une tâche aussi ingrate à remplir, comme cela

peut en avoir l'air à priori. Nous pouvons agir sur la

maladie ou en augmentant la résistance, en amélio-

rant la nutrition des éléments nerveux, ou en tâchant

d'éloigner les productioiis pathologiques et limiter leur

développement ultérieur.

Nous atteindrons le premier but à l'aide de mesures

habituelles d'hygiène, de diététique, de pharmaceu-

tique : par la nutrition, l'hydrothérapie, l'électricité,

le nitrate d'argent pris à l'intérieur, le fer, l'arsenic,

la quinine, la strychnine, etc.

Nous pourrions tendre à l'exécution de la seconde

tâche en employant différents altérants des bains chauds

de boue, de saumure, des emmaillotements de Priest-

nitz en fait de traitement externe; l'emploi prudent

d'iode, d'après mon expérience, est plutôt utile que

nuisible en fait de traitement interne. Les frictions

à l'onguent gris chez un sujet qui avait eu jadis

la syphilis, parurent nuisibles. Les vésicatoires, les

pointes de feu paraissent être utiles. Bien entendu

que l'expérience clinique ultérieure nous aidera à

classer d'après leur mérite tous les moyens cités plus

haut.

Nous attachons une plus grande importance au

traitement tonique, mais l'idée d'agir sur les produits

pathologiques ne doit point nous sembler absurde.

Peut-être l'absorption exagérée de la iieuro-lie ra-

mollie, dégénérée, débarrassera-t-elle les éléments ner-

veux de la pressiou et de l'altération, apaisera-t-elle

ncmvES, t. 1n 27

418 PATHOLOGIE NERVEUSE

les douleurs etc. D'un autre côté, nous trouvons par-

fois côte à côte avec les produits spécifiques (notre

cas et les observations deZacher-Fùrstner) l'infiltration

lymphoïde, l'hyperplasie du tissu conjonctif, l'hypéré-

mie, l'oedème. Contre ces phénomènes nous espérons

lutter par l'iode, les révulsifs, etc. Enfin, étant donné

que le processus morbide peut être arrêté, réussira-

t-on peut-être à contribuer par quelque moyen à l'arrêt

de sa marche progressive.

Le traitement symptomatique est aussi très impor-

tant ; il conviendra de le suivre selon les règles géné-

rales, en profitant entre autres des moyens cités plus

haut. Dans les cas présentant de l'analgésie, il est très

important de préserver la peau du malade des influen-

ces nocives traumatiques et autres; sa tonification,

l'amélioration de sa circulation (le massage, l'électri-

cité) et le traitement opportun des distrophies cuta-

nées. Nous pouvons par ce moyen détourner le déve-

loppement de complications pénibles (comme le

phlegmon, la pyémie) menaçant la vie du malade.

La maladie, à l'étude clinique de laquelle j'ai con-

sacré ma communication, nous présente une série de

taches, d'énigmes, de contrastes et de paradoxes. Nous

voyons premièrement le processus pathologique, por-

tant le nom de néoplasme, de tumeur, mais agissant

sur l'organe malade non par la masse, par la pression

mais en y provoquant des altérations d'élection avec

symptômes de caractère plus systématique que dans

les affections primitives des systèmes, et rappelant plu-

tôt l'action d'un agent chimique spécifique.

Secondement, le processus anatomique, progressif

par sa nature, crée des symptômes, capables de retro-

DÉ LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 419

grader, est accessible au traitement plus que ne sont

les autres altérations de la moelle épinière, moins

effrayant et par le nom et par l'extérieur. Par ce pro-

cessus la nature fait toute une série d'expériences,

dont l'étude promet de répandre une lumière nouvelle

et sur la physiologie de la sensibilité des vaso-moteurs,

des troubles trophiques, etc., et en même temps sur

l'architectonique physiologique de la moelle épinière

même. Si notre hypothèse un peu compliquée sur l'o-

rigine de l'anesthésie partielle est juste, nous avons

peu d'espoir de résoudre la question de l'existence de

conducteurs spécifiques par la voie de l'étude anato-

mique de cas de gliomatose avec anesthésie partielle.

Mais, indépendamment de cela, nous pouvons nous

attendre à des résultats précieux des recherches mi-

croscopiques à l'aide des méthodes perfectionnées

(Frend-Meynert, Weigert, Golgi, etc.) dirigées sur des

cas récents, dans lesquels des altérations anatomiques

limitées des cornes postérieures de la moelle épinière

ou de la racine ascendante du trijumeau correspon-

dant à des symptômes d'élection insignifiants (d'anes-

thésie partielle, des troubles trophiques).

En considérant ce qui vient d'être dit, il est parti-

culièrement important de diagnostiquer la maladie

dans ses premières périodes et d'examiner avec pré-

cision le caractère et la localisation de l'anesthésie et

d'autres symptômes cliniques. 11 faut être toujours

prêt à profiter du matériel anatomique, qui peut nous

être fourni par la mort accidentelle d'un pareil ma-

lade. Si je réussis par ma communication à faciliter à

quelqu'un le diagnostic précoce d'un cas de gliomatose

écrébro-spinale et à contribuer aux moyens théra-

- 420 PATHOLOGIE NERVEUSE.

peutiques plus conformes au but, ou bien à l'utilité ne

fût-ce que d'une seule autopsie, je considérerai le but

de mon travail comme complètement atteint.

DE 1.'ÉPILGPSII, PROCURSIVE1;

Par BOUHEVILLE et P. BRICOX.

VI. - Anatomie pathologique (Fin).

Des deux observations qui précèdent, relatives à des

malades atteints l'un d'épilepsie procursive , pouvant

être rattachée à une lésion du cervelet, et l'autre d'ac-

cidents procursifs tardifs nous rapprocherons une

observation de M. i)lescliede«2 . Toutefois nous devons

faire remarquer que cette observation diffère un peu

des nôtres au point de vue clinique, car les accidents

procursifs qui précédaient et suivaient l'accès avaient

une durée beaucoup plus longue et ne semblent pas

avoir constitué à proprement parler des accès.

Observation LVI. Epilepsie avec idées religieuses extatiques,-

mouvement de manège forcé de gauche à droite. Démarche va-

cillante, impossibilité d'exécution de mouvements (fonctions) com-

pliqttés. Altitude de la tète quelquefois penchée en arrière.

Parole lente, le plus souvent tremblée. Sensation intercurrente

' Voy. Archives de Neurologie, vol. XIII, p. 321; vol. XIV, nos 40,

et il, p. 55 et 235, juillet et septembre 188î; - vol. XV, nM 43 et 1t,

p. 75 et 227, janvier et mars 1888; vol. XVI, 11" 45 et 47, mai et sep-

tembre 1888.

,)Iescliede. Ein Fall voit Epilepsie mit Zwaczgs-Beweguzzgezz und

tt'aK[)0 ? M ? ! yf';t und Sclérose cizzer A'e ? t ! 'r7t ? eM ? tfB;'e. (Vir-

c/<otu'J)-e/t.l880,p.560.)

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 431

de chaleur brûlante dans le corps. Fréquentes attaques d'hypé-

réznie aiguc pulmonaire. Durée de l'épilepsie : au moins huit

ans. Mort à quarante ans.

Autopsie. Etat trouble de la pie-mère de la convexité.

Adhérence de la corne droite postérieure. Sclérose et atro-

phie de l'hémisphère droit du cervelet. Etat cartilagineux du

corps dentelé du cervelet. Induration des deux olives.

OEdème et hépatisation des poumons.

Johann Luth, évangéliste non marié, auparavant berger, admis

en 1853 pour épilepsie à l'hôpital de Schwetz, transféré plus tard

pour troubles mentaux à l'asile d'aliénés. Observé de 1857 à sa

mort (1800). Pas de renseignements sur les causes et le dévelop-

pement de la maladie. Les accès étaient relativement peu fréquents

(3 à 5 par mois), en deux ans il eut 100 accès dont 91 diurnes.

Rarement plus d'un accès en vingt-quatre heures; en deux ans

et demi, Il fois seulement le maximum des accès a été de 2 par

jour. Le plus long espace entre les accès a été de vingt-sept à

vingt-huit jours. Dans le cours de l'année 1859, 35 accès; 12 diur-

nes, 23 nocturnes. Parfois, vomissements et céphalalgie consé-

cutifs.

Quelques jours avant ou après un accès, il présentait parfois

des phénomènes de locomotion involontaire se répétant d'une façon

déterminée, consistant : 1» soit en une course de côtés et d'autres,

d'une durée quelquefois d'une heure, ou d'une marche d'un pas

rapide dans le corridor; 2° soit en mouvements de manège,

c'est-à-dire locomotion en cercles de gauche à droite; - 3° soit

même en rotation dans l'axe longitudinal (en attitude debout),

également de gauche à droite. Ces mouvements duraient souvent

une heure; si l'on cherchait à les arrêter, J. [luth s'emportait, s'il

élait interrogé, prétendant du'. « on ne devait pas l'arrêter,

qu'il courait pour délivrer le monde ». Ces mouvements circulaires

étaient limités en étendue, environ six pieds de diamètre. La

marche était quelquefois chancelante sans paralysie. La tête et la

nuque étaient quelque peu inclinées en arrière. La parole peu cou-

lante, hésitante et irrégulière nécessitait souvent un certain effort

convulsif ; parfois, au début, on constatait une répétition des mots

avec accompagnement brusque d'un tremblement extraordinaire

de l'intonation. L'articulation se faisait cependant très convena-

hlement, mais avec un traînement très prononcé de quelques

mots ou de quelques syllabes.

Le malade était maladroit, lourd, incapable d'exécuter un tra-

vail soigné. Il eut de nombreuses attaques d'hyperhémie pulmo-

naire aiguë qui mirent souvent sa vie en danger (saignée du bras

ou scarification à la lûle); c'est à une attaque de ce genre que

succomba le malade,

423 PATHOLOGIE NERVEUSE.

M. llescllede s'étend ensuite sur l'élat intcllectuel du malade

tombé presque en démence et sujet à des périodes d'excitation ma-

niaque, accompagnées d'idées religieuses résultant de sa profession.

A Y autopsie, on constata une sclérose ati-ophi(jte de hémisphère

cérébelleux droit, l'adhérence de la corne postérieure du ventricule

latéral droit à l'ergot de Morand et une certaine induration des

deux olives. L'hémisphère cérébelleux gauche et la corne posté-

rieure du ventricule latéral gauche ne présentaient aucune ano-

malie. La sclérose cérébelleuse droite était plus prononcée sur

le corps rhomboïdal réduit à la grosseur d'un noyau de prune et

d'une dureté cartilagineuse.

Nous ne retiendrons de l'examen du cerveau que les faits sui-

vants : la dure-mère au niveau du frontal et des pariétaux était

adhérente; la pie-mère de la convexité avait un aspect laiteux,

était quelque peu épaissie, non adhérente.

Les poumons étaient oedématiés, emphysémateux à leur bord;

le lobe inférieur droit présentait une hépatisation rouge. Le cceur,

en surcharge graisseuse, était légèrement hypertrophié.

Dans le cas de Meschede, les symptômes observés

sont en rapport avec la lésion cérébelleuse rencontrée

à l'autopsie, locomotion involontaire, rotation, dé-

marche chancelante, bégaiement et tremblement de la

parole.

Les phénomènes procursifs diffèrent quelque peu de

ceux que nous avons observés chez nos malades,

toutefois l'absence d'antécédents nous empêche d'é-

tablir une comparaison exacte entre ce cas et les

nôtres.

Parmi les observations anciennes que nous avons

publiées dans notre historique, on trouva à l'autopsie,

dans deux cas, des lésions profondes de la protubé-

rance et, dans un autre cas, une lésion du corps strié;

dans ces trois cas il s'agissait de vastes foyers d'hé-

morrhagie ; la difficulté dans ces circonstances de bien

localiser la lésion, son retentissement sur les organes

environnants ne permettent pas de discuter avec fruit

ces observations.

DE L'l'·PILEPSIE PROCURSV'1 : , 423

Anatomiquement parlant, il semble donc, d'après les

quelques rares autopsies pratiquées jusqu'à ce jour,

que dans l'épilepsie procursive, les accidents procur-

sifs, certains mouvements de manège, de rotation, sont

liés à une lésion cérébelleuse '. Celle-ci peut être tantôt

primitive, tantôt secondaire, ce qui explique l'appari-

tion précoce ou tardive des phénomènes procursifs.

En 1869, MM. Luys et A. Voisin' ont attiré l'at-

tention sur les lésions du cervelet et de ses pédon-

cules chez les épilel)ti(lues; ils attribuaient à ces lésions

un rôle important dans les phénomènes convulsifs,

assertion du reste discutable, car la lésion cérébelleuse

était associée à d'autres lésions encéphaliques; aucun

de leurs malades n'est signalé comme ayant présenté

des accidents procursifs, mais il est noter que tous

étaient atteints d'épilepsie depuis l'enfance, et qu'il

est possible que les accès procursifs disparus depuis

longtemps aient été omis dans les commémoratifs

fournis par les parents, soit qu'ils les aient ou-

bliés, soit que le médecin n'ait pas provoqué d'expli-

cations précises sur les caractères des accès aux

différentes périodes de la maladie.

En ce qui concerne l'anatomie pathologique, les

détails contenus dans les observations anciennes sont

loin d'être suffisants. Il est à désirer que, à l'avenir,

« Les impulsions rectiligurs ou selon l'axe qui peuvent être repro-

duites expérimentalement par la section ou l'irritation de certains points

de l'encéphale sont liées à des lésions du cerveau et l'on constate dans

l'intervalle des accès de locomotion d'autres symptômes en rapport avec

la maladie encéphalique. » (Jaccoud. Leçons de clinique médicale de

Lariboisière, Paris, 1873, p. liO.)

°- Luys et A. Voisin. Contribution à l'anatomie pathologique du cer-

velet, du bulbe et des corps striés dans l'épilepsie. (Archives générales de

médecine, décembre 18G9.)

424 -if PATHOLOGIE NERVEUSE.

dans les cas d'épilepsie procursive, on procède à un

examen minutieux, non seulement du cerveau, mais

encore et surtout du cervelet qui, très souvent, n'est

l'objet que d'un examen sommaire.

VII. Pronostic, diagnostic, etc.

Le pronostic de l'épilepsie procursive proprement

dite est toujours grave. Aux accès procursifs succèdent,

en général, au bout d'un temps plus ou moins long,

des accès à type commun; la marche est alors celle de

l'épilepsie commune. Il semble toutefois que les acci-

dents procursifs ont beaucoup moins d'influence sur

l'état intellectuel de ces malades; tant qu'ils existent

seuls, l'intelligence paraît, en effet, peu atteinte et la

mémoire semble bien conservée.

La marche et la dii2ée sont celles de l'épilepsie ordi-

naire et par conséquent sont très variables.

Le diagnostic nous paraît facile. Les accidents pro-

cursifs, vertiges ou accès, diffèrent de la chorée et des

différentes affections à type saltatoire par la perte de

connaissance, ou une obnubilation profonde des

facultés intellectuelles, par le long intervalle qui

sépare les accidents, par la perte du souvenir de l'ac-

cident, etc. C'est à tort que Rilliet et Barthez ratta-

chent l'épilepsie procursive à la grande chorée : la

substitution des accès d'épilepsie ordinaire aux accès

d'épilepsie procursive, nous le répétons, démontre la

nature comitiale de la maladie'.

'Ces auteurs ont confondu encore sous le nom de grande chorée des

cas évidents d'hystérie tels sont entre autres les cas de Dewat- coit-

DE l'épilepsie procursive. ! 12,')

On observe souvent chez les hystériques, à la fin

des séries d'attaques surtout, des accidents procursifs,

un besoin de courir, mais ces accidents ne consti-

tuent qu'un épisode de l'attaque et ne la composent

pas tout entière, comme dans l'épilepsie procursive.

VIII. Considérations générales sur la physiologie

ET l'ÉTIOLOGIE DES MOUVEMENTS PROCURSIFS.

La plupart des physiologistes s'accordent à faire

jouer au cervelet un rôle dans la locomotion, la seule

des fonctions qu'on lui a attribuée dont nous ayons

à nous occuper à l'occasion de l'épilepsie procursive.

Disons de suite que la propriété de coordonner les

mouvements paraît devoir être exclusivement réservée

à son lobe moyen. Or, nous avons vu que, chez

Duch... (Obs. LIV), le lobe moyen du cervelet était en

partie atrophié.

Parmi les phénomènes les plus constants observés

à la suite des lésions ou des excitations expérimentales

du cervelet, nous citerons les mouvements de rotation

et le tremblement. Chez les pigeons, Alitchell et

Richardson auraient observé, suivant la durée de la

réfrigération par la rhigotène, un mouvement en avant,

puis plus tard un mouvement de recul \

Pour certains auteurs, les phénomènes observés

seraient des phénomènes d'entraînement, des impulsions

cernant cinq enfants de la même famille (épidémie d'hystérie).

(Rilliet et Barthez. Traité pratique et clinique des maladies des enfants ;

2° édition, t. 1(, p. 578, Pans, 1861.)

' D'après Benunis, Nouveaux éléments de l'hilsiologie humaine, Ir, édi-

tion, 1876, p. 1005,

43G 6 pathologie- NERVEUSE.

irrésistibles qu'ils rattachent à des troubles de l'inuer-

vation cérébelleuse. C'est ainsi que M. Luys admet

l'action sthénique du cervelet dans tout effet volon-

taire ou involontaire.

« Les phénomènes étranges d'impulsions irrésistibles que pré-

sentent certains sujets qui sont invinciblement entraînés, soit à

courir en avant (Scélolyrbe festinans), soit à accomplir une série de

mouvements involontaires de la tête, du tronc ou d'un des mem-

bres, etc. (chorées rotatoires, chorées vibratoires) trahissent, écrit-il, 1,

dans l'ordre des faits pathologiques, leur parenté avec ceux que

j'ai signalés à propos des troubles de l'innervation cérébelleuse;

on ne peut s'empêcher de reconnaître, en effet, que les tendances

procursives présentées par certains sujets, les mouvements rota-

toires accomplis par d'autres, ne sont en définitive que la répéti-

tion, chez l'homme, des mouvements d'entraînement latéral, des

mouvements de rotation, des impulsions procursives variées, provo-

quées artificiellement chez les animaux, lorsqu'on vient à inté-

resser un point quelconque de la sphère où se dissémine l'influx

cérébelleux périphérique'. »

M. Nothnagel n'admet, au contraire, aucune liaison

entre les lésions cérébelleuses et l'épilepsie'.

« Les accès épileptiformes, dit-il, réclament encore quelques

mots. Ils ne peuvent revendiquer aucune espèce de signification

diagnostique au profit d'une lésion du cervelet ; cela va de soi, lors-

qu'on envisage leur présence dans diverses affections cérébrales.

Cependant, lorsqu'on veut faire la part de leur fréquence assez

grande dans l'atrophie cérébelleuse, c'est-à-dire dans une lésion

qui ne restreint pas l'espace de la cavité splanchnique, il semble-

rait à priori qu'il y ait lieu, ajuste titre, de se demander si les

accès n'auraient pas quelque rapport direct avec le cervelet. La

réponse négative nous parait incontestable. Ils sont absents dans

touteautre affection de déficit du cervelet; on a parfois dans l'atro-

phie cérébelleuse trouvé la protubérance et le bulbe concurrem-

ment intéressés et, à part cela, nous savons que tels accès peuvent

aussi affecter une fréquence insolite dans les affections du système

nerveux central les plus diverses dénuées d'action sur l'aire des

1 Luys. Recherches sur le système nerveux cérébro-spinal. Paris,

1865, p. 616.

Nothnagel. Traité clinique du diagnostic des maladies de l'encc-

phale baie sur l'étude des localisations. Traduction Kéraval, 188a, p. 56.

de l'épilepsie PROCURSIVE. 427 I

cavités, sans que pour cela on relie « l'épilepsie » alors observée à

la zone locale atteinte. Je ne vois nulle part jusqu'ici les éléments

d'une démonstration relative à l'origine de ces accès épilepti-

formes dans le cervelet lésé; bien au contraire, les attaques pro-

viennent toujours de la protubérance ou de la moelle allongée,

soit que les parties se trouvent directement comprimées par une

lésion restreignant l'espace ambiant, soit qu'il s'agisse d'états

d'hyperémie ou d'anémie de ces organes, soit enfin qu'on ait

affaire à une épilepsie provoquée « secondaire » (dans le sens que

nous avons attaché à ce mot autre part), le cervelet servant de

facteur intermédiaire (épilepsie symptomatique réflexe)'.

Pour M. Hitzig2, « les mouvements irrésistibles sont

tous, dès l'origine, des mouvements volontaires qui

prennent un caractère irrésistible de par le fonction-

nement à faux de diverses parties de l'organe. C'est

ainsi qu'il peut se produire des mouvements en appa-

rence irrésistibles quand l'individu s'illusionne sur sa

situation dans l'espace. »

Les mouvements de rotation ont été également obser-

vés à la suite des lésions des pédoncules cérébelleux.

« M. Bethomme, dans un mémoire sur le tournis, lu à l'Académie

de médecine en 1833, cite l'observation d'une demoiselle qui, à

l'âge de quarante-sept ans, eut, à la suite d'une commotion

morale violente, des crises nerveuses avec besoin de tourner. De

nouvelles émotions ramenèrent de nouvelles crises, qui bientôt

se répétèrent spontanément quatre ou cinq fois dans la journée,

puis jusqu'à vingt fois. Ces crises s'accompagnaient d'un mouve-

ment de rotation de droite à gauche, mais quelquefois aussi de

1 Si on laisse de côté les accès procursifs et que l'on n'envisage que les

accès à type commun qui les accompagnent ou leur succèdent, l'on peut

admettre, en eflet, avec Nothnagel, que ces derniers sont dus à la lésion

secondaire de la protubérance ou de la moelle allongée; c'est ainsi que

chez Duch... l'hémisphère cérébral gauche, le pédoncule cérébral

gauche et la moitié correspondante de la protubérance étaient légère-

ment atrophiés ainsi que la pyramide et l'olive droites. Chez Car...

la moitié gauche de la protubérance était plus petite qu'à droite.

Chez Maisonh..., le pédoncule cérébral droit, la pyramide et l'olive

droite sont atrophiés, ainsi qu'à la moitié gauche de la moelle.

2 IYe congrès des neurologistes et aliénisles de l',Illeniag ? ze du Sud-

Ouest, séance du 16 juillet 1884. (Archives de Neurologie, n° 25, vol. IX,

1885, p. 99.)

428 PATHOLOGIE NERVEUSE.

gauche à droite, qui s'opérait delà manière suivante; la malade

étant assise roulait sur son siège avec une grande rapidité pen-

dant un temps plus ou moins long. Ces mouvements de rotation,

qui, pendant longtemps furent la caractéristique des crises, s'éloi-

gnèrent à mesure que la maladie fit des progrès ; la déglutition

devint difficile, l'intelligence s'altéra de plus en plus, et la malade

mourut huit ans après le début de son affection.

L'autopsie montra, sur les côtés de la gouttière hasitaire, deux

saillies osseuses du volume d'une petite noisette, ayant l'appa-

rence d'exostoses; la gouttière basilaire était évidemment rélrécie;

l'exostose de gauche était un peu plus grosse que celle du côté

droit, et toutes deux étaient rugueuses comme les points osseux

qui servent d'insertion aux muscles. Le cerveau n'avait point

d'autre lésion que l'atrophie des nerfs optiques, une diminution

notable du volume de la protubérance annulaire, mais surtout

une dépression sensible, principalement à gauche, sur chacun

des pédoncules du cervelet, au point correspondant aux exostoses

signalées à la gouttière basilaire'. '.

Les lésions cérébelleuses s'accompagnent de dégé-

nérations secondaires, particulièrement de la protu-

bérance, lésions secondaires auxquelles peut être

attribué le remplacement des mouvements procursifs

par des accès type d'épilepsie. Aussi croyons-nous utile

de dire quelques mots de la physiologie de la protu-

bérance des pédoncules cérébraux et du corps strié.

On sait que la galvanisation de la protubérance

produit des convulsions épileptiformes et que la lésion

d'un pédoncule cérébral produit un mouvement de

manège du côté opposé à la lésion. « Dans ce mouve-

ment de manège, l'animal décrit un cercle de rayon

variable, et le cercle parcouru serait d'autant plus

petit que la lésion se rapproche davantage du bord

antérieur de la protubérance et qu'elle atteint un plus

grand nombre de Cibres » » (l3eaunis). Dans trois cas de

1 Mesnet. Des mouvements circulaires (Archives générales, mai 1882).

°- l3eaunis. Nouveaux éléments de physiologie humaine. le édition,

p. 999. Paris, 1876,

de L3RPILEPSIE PROCURSIVE. 3

lésion de la partie supérieure et externe du pédoncule

cérébral, le même auteur a constaté des mouvements

de rotation sur l'axe.

Magendie admettait dans les corps striés un centre

dont l'excitation déterminait chez les animaux un

mouvement de recul ; après leur ablation, il y aurait

une impulsion irrésistible poussant le corps en avant,

impulsion qui serait due à l'action du cervelet que ne

contrebalance plus l'action de recul du corps strié.

Richardson et Mitchel ont vu des mouvements en

avant très marqués par le refroidissement des corps

striés (Beaunis).

Nous savons, d'un autre côté, qu'on a observé chez

le chien, après l'ablation complète du noyau caudé, un

mouvement de manège fort particulier (Carville et

Duret) et que Nothnagel a admis dans le corps strié

chez le lapin un nodus cursorius dont l'excitation pro-

duisait un mouvement de course irrésistible.

D'autres auteurs, entre autres M. Steiner, attribuent

les mouvements irrésistibles à un défaut d'asymétrie

de l'innervation 1.

Les lésions cérébelleuses peuvent être latentes,

mais elles s'accompagnent souvent de phénomènes

variables, inconstants, parfois transitoires, sans qu'il

soit le plus fréquemment possible d'établir un dia-

gnostic précis ou d'en déterminer exactement la loca-

lisatioll, par suite des rapports intimes du cervelet

avec les organes du voisinage et à cause des actions

à distance possibles sur les autres parties de l'encé-

phale. Aussi la symptomatologie des lésions céré-

1 Archives de Neurologie, 1885, t. IX, p. 99.

430 pathologie nerveuse. DE l'épilepsie PROCURSIVE.

belleuses et la physiologie pathologique du cervelet

sont-elles encore entourées d'une très grande obscu-

rité. Nous ne croyons pas que nos observations soient

à l'abri de toute critique sous ces divers rapports, car

les lésions rencontrées à l'autopsie n'étaient pas stric-

tement localisées à une partie du cervelet, et elles

sont, par suite, susceptibles d'interprétations variées;

toutefois, nous avons été frappés, surtout dans l'ob-

servation de Duch..., de la coïncidence de la lésion

cérébelleuse paraissant primitive, avec les phénomènes

procursifs observés à une certaine période de l'affec-

tion de ce malade , de l'étendue de cette lésion

cérébelleuse et de sa plus grande ancienneté par

rapport aux autres lésions rencontrées à l'autopsie.

L'interprétation des phénomènes observés pendant

la vie et leur relation avec la physiologie du cervelet

encore si indéterminée nous semble d'autant plus

difficile que les altérations du cervelet peuvent facile-

ment retentir sur les organes du voisinage (bulbe,

moelle, protubérance, etc.) avec lesquels cet organe

a des connexions si intimes. Des observations ulté-

rieures peuvent seules confirmer ou infirmer l'hypo-

thèse de la relation possible entre l'épilepsie procur-

sive et une lésion cérébelleuse.

Etiologie. Nous ne connaissons rien de l'étiologie

de l'épilepsie procursive. D'après nos observations,

nous pouvons seulement dire que la lésion encépha-

lique semble débuter dès l'enfance.

IX. Traitement.

Les traitements les plus divers employés contre les

IDIOTIE AVEC CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 431

accès procursifs sont jusqu'ici restés inefficaces, seuls

les accès consécutifs d'épilepsie classique paraissent

justiciables d'un traitement amenant parfois une amé-

lioration passagère dans l'état du malade.

RECUEIL DE FAITS

NOTES SOMMAIRES SUR DEUX CAS D'IDIOTIE AVEC CACHEXIE

. PACHYDERMIQUE (IDIOTIE Cfil;'f1V01DE)

Par BOURNEVILLE.

Les cas d'idiotie avec cachexie pachydermique sont beau-

coup plus communs qu'on ne pourrait le croire, si l'on en

jugeait d'après le petit nombre des malades de cette catégorie

qui sont admis dans les asiles. Cette rareté s'explique d'ailleurs

par la difficulté qu'opposent les administrations à la réception

des malheureux enfants atteints d'imbécillité et d'idiotie. Il y a

quelques mois, notre ami, M. le D'' P. Marie, nous a donné la .

photographie, prise parle garçon de laboratoire de la clinique

de la Salpêtrière, d'une jeune fille de Bonneval (Eure-et-Loir)

atteinte d'idiotie crétinoïde 1. Un autre de nos amis, M. le

D'Guillaumin, médecin à Nogent-le-Roi, dans le môme dépar-

lement, nous a fait voir à la fin de septembre deux autres cas

tout à fait caractéristiques. Ce sont ces cas que nous allons

rapporter, bien qu'il ne nous ait été possible de prendre que

des notes sommaires.

OBSERVATION I. Vas... (Georges), cinq ans, habitant la com-

mune de Piuthiires. Père, grand, fort, physionomie régulière,

intelligenl. Mère, assez grande, bien portante. Deux frères en

bonne santé. Aucun des membres de la famille ne présente un

aspect rappelant celui de l'enfant. Un cousin germain est faible

' Nous espérons pouvoir publier plus tard l'observation de cette malade. »

4M RECUEIL DE FAITS.

d'esprit et fait des fugues fréquentes (épilepsie larvée ? ). Pas de

consanguinité.

Vas... a 70 centimètres de hauteur; il marche seul, lourdement,

lentement. Sa physionomie est tout à fait caractéristique; sa tête

ressemble à celle du Pacha et de Graf..., dont nous avons publié

1'liistoire (voir A ? ,ch. tle Netti-olog., 1886, torii. XII, p. 111.2, 145 et

292, et Compte Rendu 'de l31cctre, pour 1886). Les cheveux, peu

abondants sur la moitié postérieure du crâne, sont rares en avant

et ont une coloration rousse. Le cuir chevelu est le siège de crasses

et d'une éruption eczémateuse qui se reproduisent sans cesse. La/'on-

tcsnelle antérieure persiste et est encore large. Les sourcils sont peu

fournis, les cils assez abondants; le nez est camus; les lèvres sont

très épaisses ainsi que la langue qui sort souvent de la bouche.

La dentition est en retard; les canines viennent seulement de

percer. Les joues sont épaissies.

Le cou est court et ni M. le Dr Guillaumin, ni nous-même, n'a-

vons pu sentir la glande thyroïde. Il existe des paquets jiseudo-

lipomateux dans les creux sus-claviculaires et dans les aisselles.

Les membres supérieurs et inférieurs sont courts et gros. Les

mains sont épaisse-, pseudo-oedémateuses, ainsi que les pieds, mais

ceux-ci à un moindre degré. Le ventre est large, volumineux. Il

n'y a pas de hernie inguinale, mais nous avons trouvé une petite

hernie ombilicale. Les testicules ont la dimension d'un oeuf de

passereau.

La parole est limitée à quelques mots simples. La voix est éraillée,

rauque, stridente. Le regard est hébété. V... ne s'aide en rien; il

tient un peu les objets avec les mains. Il est gâteux, fiileux,

résiste au mouvement et aime beaucoup le lit. La peau est pâle,

cireuse.

Observation II. Pih... (Pauline), vingt-sept ans, réside dans

la commune de Croisilles. Ses parents sont bien portants; pas de

goitreux, pas de consanguinité ; inégalité d'âge de deux ans. Elle

est la cinquième et dernière enfant ; les autres sont en bonne

santé. Elle n'a pas eu de convulsions et on ne sait à quoi attribuer

la maladie. Sa taille n'est que de 89 centimètres.

Cheveux longs, d'un brun roux, peu abondants en arrière et

sur le bas des tempes, très rares sur les régions pariétales et tem-

porales supérieures. Crasses presque généralisées du cuir chevelu

se reformant très rapidement. Tête grosse, surtout en arrière ;

pariétaux très fuyants; fontanelle antérieure non oblitérée : on sent

une rainure large de cinq à six millimètres et longue de plusieurs

centimètres. Front bas, ridé, peau de la face jaune, cireuse;

paupières supérieure et inférieure pâles, bleuâtres, bouffies,

comme oedémateuses. Sourcils assez maigres, cils peu fournis.

En raison de la bouffissure des paupières, les yeux sont enfoncés

IDIOTIE AVEC C : 1CHL.lIE PACHYDERMIQUE. 433

et paraissent petits. Le regard est sans expression. I\le : : camus très

prononcé, épaté; lèvres très épaisses, entr'ouvertes; bouche large;

double rangée de dents comme chez Je Pacha (1° dentition et

2e incomplète). Langue très épaisse. Bajoues volumineuses et

trerabiottautes. Prognathisme très accusé qui, avec les autres carac-

tères du vidage et du crâne, lui donnent un aspect simien tout à

fait hideux.

Le coM est court et ni M. Guillaumin, ni nous, n'avons pu perce-

voir la cme</f;/)'0 ! e..1J(Msespseudo-)ipomateuses sus-claviculaires

très nettes; celles des aisselles sont moins prononcées. - Thorax

déformé par une déviation du rachis (rachitisme); seins flasques,

de la grosseur d'une moitié de mandarine ; mamelons déprimés.

Ventre large et très gros. Hernie ombilicale. Fesses assez

grosses, baiottantes. Grandes lèvres assez développées avec un

bouquet de poils assez longs mais rares; rien au pénil. Pih... n'a

jamais été réglée; elle aurait rendu une fois du sang par la

boucüe. Les membres supérieurs et intérieurs sont gros, courts;

les mains et les pieds offrent les caractères classiques. La parole

est limitée à quelques mots. La voix est stridente, rauque, érail-

lée. Pdi... reconnaît ses parents, ses voisines, sait expliquer, sur-

tout par signes, ce qu'elle veut; elle mange seule, ne gâte pas, est

sujette à la constipation. Sa démarche est très lourde, très lente,

dandinante. Pih... est très sensible au froid. Sa peau est jaunâtre,

cireuse ; eczéma des lombes, du dos et un peu des bras.

Ces deux malades présentent dans l'ensemble et dans les

détails tous les caractères de nos anciens malades, atteints

d'idiotie avec cachexie pachy dermique. Aussi nous contenterons-

nous de quelques remarques. Tous deux ont le nez camus

(c'est la règle), bien que leurs parents aient des nez aquilins.

De même que nos autres malades, ils ont : 1° des cheveux

bruns-z·oux ou blonds-roux, gros, rudes et rares, principale-

ment sur la région moyenne de la moitié antérieure de la tête ;

2° le cuir chevelu est le siège d'une éruption eczémateuse ;

- 3° la fontanelle antérieure est persistante ' ; 4" la denti-

tion défectueuse et en retard; - 5° la peau cireuse, un peu

jaunâtre, luisante, eczémateuse; 6° la partie inférieure des

joues épaissie, comme tremblottante; 7° les creux sus-clavi-

culaires et les aisselles sont gonflés par des masses pseudo-lipo-

Chez Then..., dit le Pacha, mort à 21 ans, la fontanelle persistait. Il

en est de même chez Gra..., âgé de 30 ans, qui est encore dans noire

service. (le en était encore ainsi chez un autre enfant dont nous publierons

soi-vice. Il eti ,tlit ellc(,rc Iilisi cliez iiii ilitre enfant (tout iiotis ptil)lierons

prochainement l'observation dans le Progrès médical. Même chose chez

un malade de Cuiling, de M. Bonchand, etc., etc.

Archives, t. XVI. 28

434 REVUE DE PATHOLOGE NERVEUSE.

mateuses; 8° les mains et les pieds sont épais, boursouflés,

comme oedémateux, bien que nulle part, la pression du doigt

ne laisse d'empreinte ; 91 la voix est rauque, stridente, érail-

lée : c'est le caractère qu'elle avait chez tous les idiots créli-

noïdes que nous avons observés, caractère que nous n'avons

pas suffisamment mis en relief; 10° nous avons vu que le

Pacha et Gra... avaient des hernies inguinales, nos deux nou-

veaux malades ont des hernies ombilicales ; cette fréquence des

hernies inguinales et surtout ombilicales mérite d'être relevée;

11° notons enfin l'absezce p·oGczGle de la glande thyroïde qui,

ainsi que nous l'avons démontré dans notre travail avec

M. Bricon, parait être la caractéristique anatomo-pathologique

de l'idiotie crelinoïde '.

IlEiVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XVII. Des convulsions provoquées far l'excitation électrique DE

l'écorce du cerveau ; par Th. Zieiien. (.17-eh. f. Psych., XVII, 1.)

C'est à l'écorce qu'il faut rattacher l'élément clonique de la

convulsion épileptique artificielle. C'est dans les centres moteurs

non corticaux, inférieurs, qu'il faut en localiser l'élément tonique.

Quand, en effet, on limite l'action électrique à l'écorce ou quand

on l'excite faiblement, on n'obtient que des attaques cloniques ;

un fort courant provoque, en sollicitant non seulement l'écorce

mais les centres moteurs inférieurs, clonisme et tonisme. Un

courant très fort tétanise le sujet parce qu'il se produit une solli-

citation corticale (clonisme) puis une sollicitation des centres

inférieurs (tonisme), finalement une exagération de l'état tonique,

de par la surexcitation des centres inférieurs, qui masque le clo-

nisme, l'emporte en un mot sur la sollicitation corticale (léta-

nisme). Tout commence donc par l'écorce et se termine par les

éléments non corticaux. L'apparence clinique d'après laquelle

l'état tonique paraît résulter de la confusion des contractions

cloniques n'est qu'une erreur. La convulsion clonique n'est pas

davantage le fait d'une action d'arrêt exercée par l'écorce sur les

1 Nous avons constaté cette absence de la glande thyroïde u l'autopsie

d'un nouveau malade, nommé Bourg...

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 435

centres inférieurs, car les convulsions cloniques d'un groupe

musculaire, produites par des courants affaiblis, se calment tota-

lement quand on a extirpé l'écorce correspondante. Quant à

l'ordre sériaire des divers éléments convulsifs chez le chien, il est

variable, à raison probablement et de la variabilité des points

. d'application, et du volume, etdu degré d'excitabilité des régionsde

l'animal. En ce qui concerne la transmission des convulsions à la

moitié du corps du côté opposé, on note de grandes différences ;

souvent la succession des éléments convulsifs d'une attaque est

telle que, comparée à l'attaque de la moitié du corps du côté

opposé, elle est incompatible avec l'idée de l'origine corticale,

mais la transmission et la succession des éléments de l'attaque

ne contredisent nullement à l'idée que l'hémisphère cérébral non

excité, a, par propagation de la sollicitation, engendré l'élément

clonique. Les excitations électriques de la substance blanche con-

firment cet exposé, car une région corticale envisagée une fois

enlevée, on produit, en excitant la substance blanche sous-jacente,

des contractions toniques dues à la sollicitation des centres mo-

teurs inférieurs correspondant à la même région, et, par l'inter-

médiaire des fibres d'association, des contractions cloniques

d'origine corticale sur d'autres muscles. Tel est le résultat d'expé-

riences dont le protocole n'est pas consigné dans le mémoire.

. P. Keraval

XVHL Un C9 d'hystérie bien NET chez un garçon de onze ans, par le

Dr S.wcie. (The Journal of Mental Science. Juillet 188.)

Voici le résumé de cette observation : Garçon de onze ans§

antérieurement bien portant et intelligent ; pas d'antécédents

héréditaires ; il assista le 4 janvier à l'enterrement de sa petite

soeur; le 5, il est triste, ne joue pas; toutes ses habitudes sont

changées. Il prétend ne pouvoir aller à la garde-robe ; mais on

s'aperçoit qu'il a jeté ses matières fécales par la fenêtre. Il refuse

de prendre part au repas de famille, mais dérobe des aliments

pour les manger en cachette. Même état durant les mois de février

et de mars; il se cache la figure et pousse des cris. Pas d'alté-

ration de la santé physique.

Admis à l'Asile à la fin d'avril, il se plaint de maux de tête,

localisés au niveau du vertex. Il déclare toujours ne pas aller à la

selle, mais continue à jeter ses matières fécales, ou à les cacher.

Il ne parait pas avoir d'habitudes vicieuses.

M. Savage considère ce petit malade comme hystérique ; le

traitement a consisté à ne pas faire attention à l'enfant, à lui

administrer des douches en pluie, à lui faire faire chaque jour de

la gymnastique et de la natation. Le malade est en bonne voie

de guérison. R. 1)1. C.

436 REVUE DE Z NERVEUSE.

XIX. Recherches sur LE vertige par E. IW r. (Arch. f.

Psyclc., \VIII, 3.)

D'après les nouvelles recherches de l'auteur, il y en auraitquatre

degrés caractérisés par de l'hébétude, des mouvements de la tête,

des mouvements des yeux, la mobilité apparente des objets. Ainsi

quand on ferme le circuit, la tête se penche ou s'élève du côté

où se trouve l'anode, ou bien elle oscille à la manière d'un pen-

dule du côté de l'anode à celui de la cathode, irrégulièrement,

plusieurs fois de suite. Quand on ouvre le circuit c'est vers le lieu

de la cathode que s'effectue le mouvement, cette fois plus fort

qu'au moment de la fermeture. Il n'est pas rare d'observer la

combinaison des deux sens transverse et anLéro-posLérieur. Dans

les mêmes conditions il se produit des mouvements des yeux qui

transverses, qui horizontaux, qui associés; quand le regard est

dirigé à l'infini, le nystagmus est purement rotatoire, il devient

horizontal si l'on fait regarder de près. Le nystagmus rotatoii-e se

traduit au moment de la fermeture du circuitpar un mouvement

qui porte brusquement l'extrémité supérieure du méridien verti-

cal vers le côté de la cathode et une réaction uniforme du côté de

l'anode; le nystagmus horizontal commence, à la fermeture, par

un mouvement de convergence très énergique qui se porte uni-

formément vers l'anode et réagit vers la cathode, mais sans que

le rhythme cesse d'être lent. La mobilité apparente des objets a

lieu, quand le malade regarde à l'infini, dans le sens d'une roue

à rotation perpendiculaire dont le circuit monte vers l'anode et

descend du côté de la cathode; quand le malade regarde de près

la roue tourne horizontalement, 'foules ces manifestations se rat-

tachent au cervelet, car un chien auquel Gol(z a depuis plusieurs

années extirpé des portions de cet organe ne présentait pi us que des

manifestations affaiblies du vertige galvanique; l'autopsie démon-

tra que la destruction du vermis était aussi complète que pos-

sible sauf la lingula (extrémité antérieure) de celle région; les

hémisphères cérébelleux étaient demeurés intacts.

P. Keraval.

XX. Nouvelle méthode DE déterminer ET d'éprouver judicieuse-

ment LE SENS DE LA 'PE11L'1 : I1.1TUftE; par A. GOLDSCIIEIDEII. (A ? ,chiv. f.

Psych., XVIII, 3.)

Normalement la sensibilité thermesthésique se répartit sans

Uniformité à la surface du corps suivant l'expansion des nerfs sen-

silifs et s'y montre surtout accentuée là où il y a abondance de

filels nerveux ; de plus, il y a des régions du corps plus sensibles

ou exclusivement sensibles à la chaleur ou au froid, enfin chaque

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 437

endroit possède son maximum de sensibilité infranchissable

(sensibilité absolue). C'est cette topographie physiologique dont il

faut connaître exactement l'allure normale. Avant tout sur soi-

même. AinsiafaitM.Goldscheider à l'aide d'un cylindre métallique

terminé par une plateforme de un centimètre de diamètre, ramené

à une température de 150 centig. ou au contraire échauffé jusqu'à

45°, 49° centig. Désignant provisoirement les sensalious obtenues

sous les épithètes : sensible faible fraîche un peu froide

froide très froide, etc., et les rapprochant des chiffres ther-

miques, l'auteur a obtenu une gamme qu'il a mise ensuite à

l'épreuve sur les différentes régions du corps de beaucoup d'au-

tres personnes. Il a ainsi construit des fables de répartition de la

sensibilité thermesthésique se composant de douze échelons en ce

qui a trait au froid, huit échelons en ce qui regarde la chaleur, et

pu établir la carte du corps humain par régions à l'aide de

hachures conventionnelles et de chiffres correspondants (six

planches) ; de sorte que la topographie physiologique et physique

(intensités des échelons) se trouve ainsi comparativement fixée.

Des tableaux complémentaires dans le texte précisent les lieux et

les territoires nerveux. Sept observations cliniques sont données

comme exemples d'application de ce nouveau système. P. K.

XXI. Contribution A la genèse DU tremblement qui survient A

l'occasion DES mouvements volontaires; par B. H. Stephan.

(A)'c/t. f. Psych., XVIII, 3, XIX, 1.)

Analyse critique à propos de quelques nouvelles observations

de sclérose en plaques. Dans une première partie, l'auteur établit

que, selon toutes probabilités, la localisation cérébrale du foyer

scléreux joue le rôle nécessaire à la production du tremblement,

car, dans les cas de lésions en foyer exclusivement limitées à la

protubérance et au bulbe, il ne se produit pas de tremblement

intentionnel. Mais c'est dans l'épilepsie corlicale, dans les cas de

contractures secondaires avec épilepsie spinale, dans les acci-

dents de la molilité prco ou post-hémiplégiques qu'on l'a observé.

Les travaux d'IIublin : s Jackson, 1'ilrclc, Bouchard, Charcot,

Flechsig ont tranché les deux premières questions. Les troubles

moteurs posl-béiiiiplégiques se jugent généralement par une alté-

ration qui englobe : couche optique, pied de la couronne rayon-

nante, partie limitrophe de la capsule interne, qui, quelquefois

ne dépasse pas la couche optique, qui même peut se limiter au

segment postérieur de la capsule interne, qui, quelquefois ne

dépasse pas la couche optique, qui même peut se limiter au seg-

ment postérieur de la capsule interne (entre la couche optique et

le noyau lenticulaire) ; somme toute, ces endroits seraient positifs

en ce qui regarde l'apparition de la chorée, de l'athétose, de

438. REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'ataxie, de la paralysie agitante, du tremblement intentionnel

post-hémiplégiques. Enfin (3e partie) y a t-il réellement des mo-

tifs de rattacher le tremblement intentionnel à l'existence de

foyers scléreux dans ces diverses zones. Une 2° observation person-

nelle : étude critique des cas et des opinions des auteurs.

M. Stephan penche pour la couche optique. P. K.

XXII. Contribution A l'étude clinique de la névrite alcoolique

D1ULTILOCULAIBI : ; par A. WITIIOWSKI. (,12,ch. f. Psych., XVIII, 3.)

Deux observations importantes à cause de l'intensité et de la

localisation des lésions. Et à propos de ces observations, idées

originales. D'après l'auteur, la névrite alcoolique débute par les

muscles, c'est-à-dire par les organes terminaux de l'appareil ner-

veux, ce qui expliquerait le tremblement, les accidents du côté de

la sensibilité générale et musculaire, la fatigue, l'impotence fonc-

tionnelle, la paresse ; puis se produisent des atrophies musculaires

avec diminution quantitative de l'excitabilité électrique. Les

choses peuvent demeurer ainsi de longues années en station, la

sensibilité cutanée et les réflexes persistant intacts. Les membres

inférieurs sont principalement pris. L'atrophie musculaire pro-

gressant, apparaissent les troubles sensibles et l'ataxie du muscle,

le signe de Romberg. Enfin, tout à fait à la fin, les troncs nerveux

sont atteints à leur tour : douleurs spontanées, réaction dégénéra-

tive, troubles de la sensibilité cutanée, diminution et abolition

des réflexes tendineux. P. K.

XXIII. Un cas DE paralysie progressive chronique DES muscles DES

veux (ophthalmoplégie externe); description DE groupe* de CI : L-

LULES NERVEUSES SUR LE TERRITOIRE DU NOYAU DU NERF OCULOMO-

TUEUR commun; parC. 'VESTPII-1L. (r19'C%L. f. Psych., XVIII, 3.)

Un héréditaire de quarante-quatre ans présente successivement

en 1881, du délire des persécutions hypochondriaques, une attaque

apoplectiforme avec hémiplégie droite, de l'incohérence et du

désordre dans les idées. Un an après, les deux globes oculaires

déviés en dehors. demeurent complètement immobiles ; un peu de

mydriase gauche, mais fixité des deux pupilles ; conservation de

l'acuité visuelle et de la vision pélipliérique. A partir de février

1882; atrophie papillaire marchant de dehors en dedans, trem-

blements convulsifs périhuccaux, atrophie de la moitié gauche de

la langue, parole embarrassée, indistincte, vague (oubli de cer-

taines syllabes), parésie du voile du palais, légers troubles mo-

teurs dans les jambes qui oscillent pour un rien; absence à droite

du réflexe tendineux patellaire, miction involontaire goutte à

goutte. Finalement, démence progressive rapide. Autopsie :

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 439

octobre 1887. OEdème pie-mérien, coagulum récent dans la pie-

mère à la base du bulbe et de la protubérance. Dégénérescence

grise et atrophie 111·LologiIue de toute la région des oculo-moteurs

communs (troncs, fibres radiculaires, cellules des noyaux réels) ;

à côté de cela, on trouve à cheval au-dessus de ces noyaux ordi-

naires, deux nouveaux groupes de cellules encore inconnus dont

les cellules sont plus petites que ne le sont celles de ces derniers.

Atrophie des racines et des noyaux des oculo-moteurs externes.

Région d'origine dos pathétiques : intégrité de leurs grandes cel-

lules mais atrophie presque complète de groupes cellulaires

(petites cellules) encore inconnus qui siègent au niveau de l'entre-

croisement des pathétiques, là où le locus cmruleus n'est pas

encore distinct, des deux côtés, au-dessus du faisceau longitudinal

postérieur ; atrophie presque complète des segments intramédul-

laires de ces nerfs et de quelques-uns de leurs rameaux musculai-

res. Hypoglosse gauche atrophié ainsi que son noyau. Nerfs

optiques; légère altération interstitielle d'une partie du bout péri-

phérique jusqu'au milieu de l'orbite seulement. Dégénérescence

et sclérose grise des cordons postérieurs depuis la région cervicale

jusqu'en bas. P. K.

XXIV. Contribution C\SUtSHQUE aux localisations Cérébrales

par Siemerling. (.4och. f. Psych., XVIII, 3.)

Observation. Femme de soixante-quatre ans. Ictus apoplec-

tique ; hémiparésie droite ; aphasie ; attaques épileptiformes avec

convulsions cloniques de la moitié droite du corps, de la char-

pente musculaire de l'abdomen et du membre supérieur du même

côté. Autopsie. Foyer de ramollissement dans le lobe occipital

gauche. Foyers de ramollissement microscopiques de divers

volumes dans l'écorce et la substance blanche de l'hémisphère

cérébral gauche. P. li.

XXV. Localisations CLItÉBli.ILCS.-i10\OPLÉGIR brachiale consécutive

A une lésion corticale; par W. Julius Mickle (The Journal of

Mental Science. Avril 1885.)

L'autopsie révéla chez le malade dont il s'agit un foyer de ra-

mollissement rouge aigu, nettement circonscrit, et limité à l'é-

corce grise de la partie supérieure de la circonvolution centrale

antérieure gauche et à celle de la partie postérieure du sillon

frontal supérieur et des bords avoisinants de la première et de

la seconde circonvolution frontales. Cette lésion, tout en irritant

la couche corticale qu'on en suspendant le fonctionnement, avait

donné lieu à une monoplégie brachiale droite absolument com-

plète, puis, ultérieurement, à une parésie légère du membre

4'0 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. '

inférieur droit, à quelques tiraillements survenant de temps en

temps dans les doigts du côté droit, ct à des convulsions unilaté-

rales à droite, sans abolition de la sensibilité dans les régions

affectées.

L'auteur rappelle que d'autres faits pathologiques ont déjà mis

en lumière les rapports physiologiques qui unissent la eircouvo-

lution centrale antéroeuregauciie avec le membre supérieur droit;

' le cas acluel viendrait en outre à l'appui de l'opinion suivant la-

quelle ce rapport physiologique existerait avec le tiers supérieur

plutôt qu'avec le tiers moyen de cette circonvolution. La première

et la seconde frontales, qui étaient ici atteintes, sont également

signalées comme ayant quelque influence sur les fonctions du

membre supérieur. Quant au membre inférieure droit, le siège

même delà lésion faisait prévoir qu'il ne serait que légèrement

affecté. R. )I. C.

XXVI. Des affections du système nerveux A LA suite de maladies

infectieuses aiguës; par M. LUNZ. (A7'CIt. f. Psych., XVIII, 3.)

Après avoir donné une observation personnelle d'ataxie suite

de diphlhérie, qui ne céda qu'à la galvanisation de la moelle,

l'auteur étudie principalement les troubles nerveux consécutifs à

la fièvre typhoïde. Nous relevons : trois observations à l'appui de

la théorie anémique et consomplive des paralysies posltypliiques

(anémie et épuisement des centres nerveux) dont une relative à

une aphasie sans paralysie (sorte de faux pas du coeur). Deux

observations propres à appuyer la théorie fonctionnelle, mais loca-

lisée, des ataxies et névroses convulsives après la fièvre typhoïde.

Puis M. Lunz examine ensuite les troubles nerveux par inllam-

malion infectieuse (quatre observations) et par altérations vascu-

laires du système nerveux contial (hémorrhagies, thromboses em-

bolies). " P. l.

RaVII. LIN C.1S DE SCL1;RGSI : \fULTILOCUL llltE du systèmenerveux central

par K. IlEss. (Arclt, f. Psych., XIX, 1.)

Courte période prodomique : une attaque apoplectiforme suivie

d'hémiplégie gauche avec troubles de la sensibilité par tout le

corps. Deux semaines plus tard, brusque diminution de l'acuité

auditive. Puis, pendant plusieurs années, il ne resle plus qu'une

monoplégie de la jambe. Finalement, parésie spasmodique des

deux jambes, amblyopie, ralentissement de la parole, troubles de

la digestion, de la vessie, accidents gangreneux du décubitus,

mort. Durée : huit ans.A : <<oSte.'Sclérose en plaques spinu-

bulbo-protubérautielle, à forme diffuse dans le bulbe et la protu-

bérance. Particularités : intégrité des cylindraxes au milieu des

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ï ! i l

foyers scléreux (aussi pas de dégénérescence secondaire) ;

conservation de la myéline; les altérations vasculaires, sur-

tout marquées dans les foyers, portent sur les gros vaisseaux

(hyperplasie, sclérose) ; infiltrations de toutes petites cellules

au sein des foyers protubérantiels et bulbaires. Pathogénie : la

sclérose diffuse est due à l'altération vasculaire préexistante qui

laisse passer des leucocytes; de là, prolifération iiévro-lique,

intégrité des gaines myéliniques; la sclérose en plaques se

rattache à une altération vasculaire beaucoup plus marquée,

aussi y a-t-il atrophie myélinique et disparition des cylindraxes.

P.K.

XXVIII. Le PARAMYOCLONUS multiple ; par BECHTEREW.

(A2-eh. f. Psych., XIX, 1.)

Observation personnelle caractérisée par des contractions spas-

modiques et symétriques des muscles intacts dans leur vigueur,

leur coordination, leur nutrition; intégrité de l'excitabilité galva-

nique et faradique ; notable exagération des réflexes tendineux.

Les contractions sont et toniques et cloniques. Elles ont lieu tantôt

sans discontinuer, tantôt en laissant entre elles des intervalles de

quelques minutes. La crise s'annonce par une légère douleur

spéciale, des tremblements de la peau, elle arrive ensuite d'em-

blée, généralement à l'état eloiiiqllesur les extrémités supérieures

et inférieures et à la face, si parfois elle devient tonique c'est d'un

seul côté et pour quelques minutes. Provoquée par l'inquiétude

morale, le décubitus, l'excitation mécanique des tendons et de la

peau, elle se calme par l'exercice et l'activité; de fortes excita-

tions en pleine crise interrompent les contractions qui, inverse-

ment, se peuvent montrer au milieu du sommeil nocturne.

L'auteur insiste sur le diagnostic différentiel entre le paramyo-

clonus multiple et le tic convulsif et sur l'éliologie de l'anémie ou

toute autre influence affaiblissante dans la maladie qui nous

occupe. P. Kerwal

XXIX. Du Myoclonus ET DE la \IYOCCOwE; par Th. Ziehen.

(-1·c7a. f. Psych., XIX, 2.)

Les maladies convulsives des muscles semblables au paramyoclo-

nus multiple deFriedreich(convutsionscIoniquesde muscles symé-

triques des extrémités, ne cessant que pendant le sommeil et les

mouvements volontaires, avec faible amplitude de l'excursion des

convulsions) mériteraient nom de.IYOCLO-.\I[-S : on appellerait par

exemple : le hpe même de Friedreicli), parumyoclonie bwochiu-

crurale ; la chorée électrique, myoclonie diffuse; les tics convulsifs,

myoclonie faciale. 11 s'agit là de myoclonie essentielles. (V. 2 obser-

442 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

vation.) Quant aux myoclonies symptomatiques, attribuez leur le

terme de Myoclonus. Voici une curieuse observation relative à

un épileptique de dix-huit ans présentant toule espèce d'ano-

nialies dans les mouvements musculaires, un vrai musée de mo-

utilité pathologique : tout cela (voir le texte) c'est du myoclonus

cortical ou non. P. Ii.

XXX. Contribution A l'étude DE la tuberculose dans LE système

nerveux central ; par A. Hoche. (rh·c7t. f. Psyciv., XIX, 1.)

Deux observations de méningite tuberculeuse cérébro-spinale

avec destruction de la substance blanche de la moelle (phéno-

mènes paralytiques). Observation I. Lepto-méningite et myélite

aiguë, avec nombreuses plaques circulaires de nature inconnue,

occupant les racines postérieures de la moelle lombaire et ayant

détruit une quinzaine de fibres nerveuses ; elles sont finement

grenues et possèdent chacune plusieurs noyaux irrégulièrement

répartis. Observation IL Nombreux foyers constitués chacun

par une soixantaine de cylindraxes tuméfiés ; dégénérescence

secondaire des cordons de Go ! t et des faisceaux latéro-pyrami-

daux de la moelle lombaire par névrite des racines postétiettt·es.

Diagnostic : Myélite pure, dès l'origine interstitielle, mais par

trouble circulatoire préexistant. P, I\.

XXXI- DE la poliomyélite antérieure chronique; par Il. Oppexueim,

(lrclt. f. Psych., XIX, 2.)

Une femme de cinquante-deux ans, toujours bien portante, pré-

sente au mois d'août 1883, un affaiblissement du bras droit, qui,

en quelques mois, s'élend à toutes les extrémités; en octobre

1884, l'aspect est celui de la paralysie générale, si ce n'est les phé-

nomènes nerveux et psychiques accoutumés ; en février 188H, en

sus, dégénérescence musculaire graduellement progressive. En

somme, le système locomoteur est seul pris et succombe à la dégé-

nérescence y compris le cou, la nuque, la langue, les lèvres, la

respiration. Mort trois ans après le début de la maladie par suub-

cation. Lésion des cornes antérieures absolument pure; atrophie,

disparition presque totale des cellules de la substance fondamen-

tale ; ces altérations, surtout marquées dans le renflement lom-

baire, se prolongent jusqu'à l'entre-croisement des pyramides.

Intégrité des cornes postérieures, des colonnes de Clarhe, de la

substance blanche, des noyaux et des racines des nerfs, dégéné-

rescences musculaires considérables (régression des fibres pro-

tiféfation des noyaux). Faible atrophie des nerfs périphériques;

dégénérescence insignifiante des racines antérieures. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 4li3

XXXII. Contribution A L'I : rUDE DESI',lnILYSIE9DES \IUSCLIsSDF : S yeux se

RATTACHANT A LA B1SE UU CERVEAU ET AUX NOYAUX DES NERFS COR-

nESroD.»rs; par M. BORNHARDT. (Arch. f. Psych., XIX, 2.)

Observaiion I. Paralysie musculaire de l'aeil, unilatérale niais

totale. Diagnostic. Syphilis circonscrite du revêtement de la fosse

moyenne gauche du crâne. Pas d'autopsie. Trois observations

de paralysie nucléaire. V. diagnostic, étude critique. Pas d'autop-

sie. Dans l'un des cas, guérison incomplète, dans les autres, fue-

rison plus ou moins parfaite. P. K.

XXXIII. Contribution LA PATHOLOGIE des paralysies laryngées

d'origine centrale ; par C. Eisenlohr. (Arch. f. Psych., XIX, 2.)

Observation. Aiiestliésie de la branche maxillaire inférieure du

trijumeau, portant, bien qu'incomplète, sur toutes les propriétés

de la sensibilité ; il en est de même du nerf cervical supérieur.

Intéârilé de la muqueuse bucoo-linguale, de la face interne des

joues, du goût à la pointe de la langue et même dans la partie

gauche et postérieure de cet organe; la sensibilité est atteinte

sur le côté gauche du.palais et de la jrorge. Légère parésie de la

moitié gauche du voile palatin, luette déviée à gauche, difficultés

de la déglutition. Paralysie totale de la moitié gauche du larynx,

avec anesthésie et perte de l'excitabilité réflexe. Nystagmus rota-

toire en regardant de côté. Evolution subaiguë, état stationnaire

pendant trois ans ; puis, formation d'abcès pulmonaires et

hronehectasier (vomiques), abcès pleurétiques, mort. Autopsie. Un

foyer de myélite ancienne occupe, sur le côté gauche du bulbe,

de bas en haut, la première racine de la première paire cervicale

jusqu'au noyau de l'oculo-t-noLeur externe. Les organes atteints

sont : le tubercule de Rolando, la substance gélatineuse delà

corne postérieure, les racines de l'accessoiré de \1'illis, - le

noyau postérieur du pneumo-gastrique, le faisceau solitaire,

le noyau antérieur-moteur du nerf vague, le noyau du glosso-

pharyngien, une partie de la racine ascendante du trijumeau,

le noyau des cordons latéraux, dans le domaine de l'acous-

tique, une partie du corps restiforme, du noyau interne de

l'acoustique, quelques-unes des fibres qui joignent le cervelet à

ce nerf. Intégrité du noyau de Iloller, des noyaux de l'hypoglosse,

du facial, du noyau moteur et de la racine descendante du triju-

meau. l'. Ii.

11V. CO\1'lilüUTIOV au recueil DE faits concernant l'atteinte des

NERFS PÉRIPHÉRIQUES DANS LE TABES DORSAL ; par NONNE. (i9'C%t. f.

Psych., XIX, 2.)

Une première observation de névrite avec atrophie musculaire

4'l4 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

inexpliquée, si ce n'est par la syphilis (infection deux ans aupara-

vant), et suivie quatre-ans plus fard de tabès lentmais progressif,

les accidents atrophiques demeurant dès lors stationnaires. En

somme, névrite périphérique unilatérale (répartition de l'atrophie,

examen électrique) et, longtemps après, tabès ! Deux autres

observations de névrites passfts'ë ? '6, isolées, dans le cours même du

tubes; paralysie brusque, sans troubles delà sensibilité, évolution

favorable. Les dégénérescences que les autopsies permettent

souvent de rencontrer dans les branches terminales de nerfs

périphériques quelconques se traduisent pendant la %ic par des

modifications électriques (deux observations nouvelles). Néan-

moins, il faut plus que jamais examiner comparativement les nerfs

périphériques au point de vue clinique et les pièces anatomiques.

Ce qu'on peut affirmer dès maintenant,c'est que les névrites du

tabès ne tiennent pas à la syphilis, car l'existence ou l'absence de

syphilis en pareils cas comporte une proportion égale. P. K.

XXXV. Contributions neuropathologiques; par M. Bernhardt.

(Arch. f. Psych., XIX, 2.)

Ce sont : A. Un cas de paralysie pae compression du radial

droit, chez un adolescent de dix-huit ans. -13. Deux faits de para-

lysie par compression de presque tous les nerfs d'une ou des deux

extrémités (ceinture de gymnastique. bande d'Gsmarch.)

C. une observation de crampe par excès de fatigue et de travail

dans le domaine des nerfs médian et du cubital droit; il s'agit d'un

homme qui, auparavant bien portant, présentait néanmoins le

signe de Westphat ; peut-être était-il déjà en proie à des anoma-

lies fonctionnelles neuropathiques. P. K.

XXXVI. Courte communication sur un cas DE tubercule solitaire DE

la moelle cervicale; par 15. S : 1CI1S. (Neurol. Celttrcclbl, 1887.)

Observation ayant son intérêt en ce que : 1° la tumeur occupait

la substance même de la moelle sans léser les méninges; 21 le

tubercule solitaire ouvrit la marche des accidents, la tuberculose

généralisée suivant bien plus tard; 3° il se produisit une myé-

lite symptomatique d'une violence extrême; 4° les troubles de

la sensibilité prédominèrent. P. K.

XXXVII. Deux exemples DE l'effet produit par l'abolition delà FA-

CUL'l'L supérieure DE contrôle personnel; par le 1)' S,V.1GE. (Tlte

J0211'n(ClGf .lleratal Science. Juillet z.)

Dans le premier cas, c'est chez une malade atteinte de folie

chronique avec accès récurrents que cet effet a été observé :

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 445

celle malade, qui a été antérieurement très agitée, est actuelle-

ment calme dans la journée ; le soir elle se couche tranquillement

dort d'un sommeil paisible durant plusieurs heures; mais à son

réveil elle se met à jurer et à interpeller de la façon la plus gros-

sière tout le personnel de l'asile; elle déclare savoir que sa con-

duite est blâmable, mais ne pouvoir se comporter autrement; au

bout de deux heures environ, elle redevient calme et témoigne

même quelque regret de ce qu'elle a fait.

Dans le second cas, il s'agit d'un homme atteint d'une manie

aiguë et en voie de guérison : soumis par une petite manoeuvre

chirurgicale à quelques inhalations de chloroforme, il se remit,

sous le chloroforme, à délirer de la même manière et dans les

mêmes temps qu'au plus fort de son accès de manie; le délire

di=parul en môme temps que l'action anesthésique. Un peu plus

tard, le malade ayant été agité, on lui administra une faible dose

d'hyoscyamine; l'effet du médicament passé, il fut encore repris

d'un délire et d'une agitation qui persistèrent plus longtemps

qu'après les inhalations de chloroforme. R. M. C.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

I. 'LE TRAITEMENT DES CAS RÉCENTS D'ALIÉNATION DANS LES

ASILES ET DANS LES MAISONS PARTICULIÈRES ; par FIELDING-

BLANDFORD. 3/e. Press., p. 367, 188î.)

Il y avantage, quand on se trouve en présence de cas aigus,

à les traiter en dehors des asiles, à cause du dommage que ce

séjour cause aux gens par le fait de l'opinion produite dans le

public. Il est donc utile d'établir dès le début si le cas sera

aigu et rapide ou chronique.

La manie transitoire est bien connue. Son principal carac-

tère est la soudaineté de l'attaque. Il peut y avoir ou non des

symptômes prémonitoires. Elle passe fréquemment avec la

même rapidité qu'elle est survenue, mais non toujours, et

peut passer à l'état chronique. Si la .cause est récente, bien

définie, on peut espérer que l'accès finira vite. Si on ne peut

supprimer la cause, la réclusion et l'éloignement donneront à

4M revue DE thérapeutique.

l'esprit le temps de recouvrer son calme. Elle peut survenir

par le fait d'excitation religieuse, ce qui est fréquent ; à la fin

ou dans le cours de maladies aiguës, non pas quand la fièvre

est à son summum, mais plus tard ; ou encore à la suite de

nombreux accès d'épilepsie ; enfin dans l'alcoolisme.

L'existence de plusieurs attaques antérieures est très

importante et assombrit beaucoup le pronostic au point

de vue de la durée. Qu'y a-t-il pour déterminer le pronostic

de la durée d'une attaque ? La température donne peu d'aide,

mais le pouls peut servir. Quand le paroxysme cesse, le pouls

tombe, même au-dessous de la normale. S'il ne tombe pas et

reste rapide, même si le malade est calme, il y a des chances

pour que l'attaque soit longue. Le manque de sommeil est

toujours un symptôme important et souvent, après un som-

meil artificiel par un narcotique, le malade se réveille guéri,

ou du moins amélioré. -

Si l'accès parait devoir se prolonger pendant des mois, que

faire, si l'entourage s'oppose à l'envoi dans un asile ? Il faut

alors mettre le malade dans une chambre à part et l'isoler de

tout le monde. Généralement, au bout de quelque temps, les

gens en ont assez de soigner leur parent et de le surveiller et

consentent à l'envoyer dans un asile. Certains devraient y

être envoyés, ne fût-ce que pour profiter de l'exemple. Tel

qui, pris à part, ne veut pas manger, le fait quand il se trouve

au milieu de vingt autres qui mangent.

La guérison des aliénés sans les envoyer dans un asile, est

agréable et pour le médecin et pour les parents, et souvent on

peut les traiter en dehors de l'asile.- Aussi l'auteur demande-

t-il que la loi permette aux médecins de traiter des cas dans

les maisons privées, sans certificats, tout comme un cas de

delirium tremens ou de fièvre. C'est permis en Ecosse et non

en Angleterre. P. S.

II. L'emploi de l'atropine dans LE ptyalisme; par 0. Hebold.

(Allg. Zcitsch. f. Psych., 1LII, 6.)

Pour qu'il y ait ptyalisme, il faut qu'on constate un réel excès

de production de salive soit que la cause réside dans la mu-

queuse bucco-pharyngienne, soit qu'elle vienne du système ner-

veux. L'auteur relate deux cas de ptyalisme du dernier genre gué-

ris par l'atropine. Dans l'un, il s'agit d'un alcoolique ayant en

même temps présenté, alors qu'il fournissait jusqu'à un litre de

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE..147 7

salive en vingt-quatre heures, de l'albuminurie, de la trivcosu-

rie. L'autre concerne unéptteptiquedéfnent. L'atropine est le vrai

médicament du ptyalisme. il. K.

III. SUR LA NÉCESSITÉ D'UN TRAITEMENT HOSPITALIER POUR LES C\S

curables d'aliénation ment\le, par S ? 1.-Ii. STIt.\U.\N, (Tlte

Jozwnactl of dlclatnl Sciet2ce. Juillet 1885.)

M. Strahan estime qu'il est difficile, sinon impossible, à un

directeur d'asile, surchargé de soucis et de responsabilités de

toute sorte, de consacrer le soin, le temps et l'attention néces-

saires- au traitement des aliénés curables. Il souhaiterait en con-

séquence que l'on pût placer les fous guérissables dans un petit

hôpital d'une trentaine de lits, qui serait, si on voulait, une

dépendance de l'asile, et où ils seraient soignés par un médecin

spécial, lequel ne serait chargé d'aucun autre service. Lorsque le

traitement curatif aurait été reconnu impuissant, les aliénés

passeraient dans le grand asile, où ils trouveraient les soins et la

surveillance qui leur'seraient désormais plus nécessaires que le

traitement médical proprement dit. R. M. C.

IV. Contribution A L'LTfULOGIE, A lv SIMP1011\TOLOGIE, ET A Li

TIII;ItPEUI1QUC DU TABES DORSAL; par J. HOPP3f.\\N. (Arch. f.

Psych., XIX, 2.)

Cinq observations purement cliniques : Elles concernent surtout

les crises gastriques ou entéralgiqucs ayant motivé la consultation;

toujours accompagnéesd'hypersécrétion d'un sue gaslriquesouvent

très acide, et d'excès de sécrétion salivaire. intestinale (etitérou-

rhées), ou de vomissements très opiniâtres. Un cas de fièvre d'ori-

gine centrale. Deux faits d'accidents épileptiformes. - La moelle

allongée, contenant les origines du pneumogastrique, des nerfs

secrétoires et vaso-moteurs, c'est d'elle que partent ces accidents.

Observation de légère paralysie du radial droit tout acciden-

telle par compression. L'auteur recommande de toujours prescrire

le traitement antisyphilitique de concert, quand il y a lieu, avecles

médicaments toniques, pour peu que les commémoratifs fassent

mention d'un accident de ce genre. P. K.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ i)IÉDICO-I'SYCIIOLOGIQUI,,

Séance du 30 juillet 1888. Présidence de M. COTARD.

111. Lr secrétaire général lit un rapport de Ai. Lagrange sur le

Délire ambitieux dans l'alcoolisme chronique. *

Classification des maladies mentales. - La Société de médecine

mentale belge ayant demandé à la Société médico-psychologique

un plan de classification des maladies mentales, en vue d'une

statistique internationale, une commission, dont M. Gantier était

le rapporteur, avait été chargée d'élaborer un projet de classifi-

cation. Mais la discussion ouverte sur le délire chronique rendait

impossible avant sa clôture l'adoption d'aucune conclusion, aussi

M. Garnier s'excuse-t-il au nom delà commission de n'avoir pu

répondre plus tôt à l'appel de la Société de médecine mentale

belge '.

Présentation du malade. M. Lwofî présente un malade atteint

d'un trouble vaso-moteur qu'il désigne du nom d'Urticaire gra-

phique'. Si l'on écrit sur la peau de cet individu avec une pointe

mousse, il se produit d'abord une érection des papilles en même

temps que le tracé pâlit. Après quelques minutes, la ligne tracée

se dessine en relief de deux ou trois millimètres de hauteur; la

température locale augmente en même temps ; mais au bout d'une

demi-heure ou trois quarts d'heure, le phénomène se dissipe pro-

gressivement. M. Lwoff considère cette sorte d'urticaire sans déman-

geaisons comme l'une des nombreuses manifestations anormales

du système nerveux chez les dégénérés.

M. CIIRISTIAN pense que l'absence de prurit devrait faire écarter

la terminologie, d'urticaire.

M. Ciiambart qui a déjà présenté un malade offrant les mêmes

manifestations neuro-cutanées n'a pas osé prononcer le mot d'ur-

' Le résumé du rapport de 1f. Garnier sera donné plus utilement dans

dans le compte rendu de la séance où il sera discuté.

Sociétés savantes. 449

ticilire à cause de l'absence du prurit; cependant, il ajoute qu'en

z

pathologie ordinaire et qu'au point de vue morphologique, le

malade de M. Lwotî présente bien une affection qu'on peut classer

sous le terme générique d'urticaire, malgré l'absence des déman-

geaisons. Muicel BtUAXD.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE LA PROVINCE DU rein '.

Séance du lu novembre 1884.

Après la réélection du même bureau, la Société passe aux com-

inuiiicatioiis suivantes :

M. Heyden. D., l'emploi de l'électricité chez les aliéiés2 (Zeitsch. f.

Psych., t. XLII).

M. Eickiioldt. Communications casuistiques3.

M. PGItE'f1't. De l'influence de la grossesse sur les pSyCItt),çCS4 (Arch.

tsycli., t. XVI).

M. IIUUIRTY. De l'emploi du nalro-salieylate de caféine dans les

affections cardiaques des aliénés.

Séance du 13 juin 1883.

M. Hebold. Un cas d'altération ( ! ) ! e'M ? ? snM/6 des capillaires de la

moelle avec pièces microscopiques à l'appui* (Arch. f. Psych.

t. XVI).

M. Nasse. Quelques mots relatifs à ['aliénation mentale d'origine

paralytique, et notamment à la. guérison de la paralysie générale, à

la paralysie générale alcoolique, aux rapports qu'affecte la syphilis

avec la paralysie générale6 (Voy. Zeitsch. f. Psych., t. XLII).

M. Hertz. L'expérience nous apprend-elle que la syphilis céré-

orale puisse revêtir la forme d'une psychose à évolution précisée et

nettement coordonnée (manie avec désordre dans les idées et halluci-

nations sensorielles relativement supportables) sans troubles de la

motilité ?

' Vov. Arclciees de Neurologie, 5ld. Revues aiialuiques. 3 Id. -

'Id. z Id., t. X, p. fi,ï ct t56.

Archives, t. XVI. I. 29

480 sociétés savantes.

Séance du 11 novembre 1883.

M. Scnnmrnn. De la recevabilité légale au point de vue de l'entente

des sourds-muets (Voy. Zeitsch. f. Psych., t. XLII).

M. IÏEBOLD. De l'emploi de l'atropine dans le p/yalisme1 (Voy.

Zcelch. f. PSclt., RLII).

M. GOTTLON. Des affections mentales chez les montagnards. Qua-

rante observations caractérisées, à l'exception dcsixpsychopathies

dues à des lésions céphaliques et à d'autres dommages, par de la

folie systématique chronique semblable au délire de persécution

par hallucinations sensorielles. L'auteur n'en donne qu'une en

détail. Chez les montagnards, il y aurait tendance marquée à être

atteintpar des hallucinations sensorielles; c'est ce qui se voit en par-

ticulier chez les mineurs. La vie de ces individus favorise la genèse

d'hallucinations sensorielles; ce qu'ils racontent indique une ten-

sion spéciale, surtout des organes de la vue et de l'ouïe, en faveur

de laquelle plaide encore le nystagmus souvent observé chez les

montagnards. Il ne faut pas que les mineurs améliorés retournent

à la fosse; il faut les occuper au grand jour, sinon il y aurait

rechute rapide.

Sur la proposition de M. Cmrewnunc, l'assemblée nomme une

commission composée de \IVI. N ssr, Tigges et 111\i(GLNIIURG afin de

faire des recherches statistiques sur les psychoses de la province

du Rhin, suivant les cercles territoriaux, les professions, etc.

Séance du 'G juin 1886.

Avant de passer aux orateurs inscrits, le président consacre au

souvenir de de Gudden des paroles émues. L'assistance se lève tout

entière en l'honneur de sa mémoire.

M. Pelman. Des suicides dans les asiles d'aliénés. Comparant le

nombre des suicides observés à firafenberg pendant les dix pre-

mières années d'existence de cet établissement et la fréquence des

suicides en d'autres établissements, l'oraleur exalte les avantages

de la suppression de toute contrainte à l'intérieur de l'asile.

MM. OIuLhL,.P>;r ? rt et Nasse pensent qu'il convient de signaler

. tout cas de suicide à la police locale; c'est à clic qu'appartient la

transmission du fait au parquet.

M. Tigges ajoute que, la proportion centésimale de la mortalité

générale des asiles étant trois fois supérieure àccllede la morta-

lité de la population ordinaire, les allures du suicide dans un

1 Archives de Neurologie. Revues anal; tiques.-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 45t

asile ne sont pas aussi défavorables qu'elles le pourraient paraître

au premier abord, par un simple rapprochement des chiffres

empruntés à un de ces établissements et à la vie commune.

En ce qui concerne la surveillance, M. 1'iccta rappelle un exemple

qui lui est personnel : on crut que l'excès de précautions exagérait

chez lemaladel'impulsiouausuicide; on l'abandonna à lui-même :

il tua.

M. ne );I1RENN ? LL. Sans doute il existe des faits dans lesquels

l'impulsion au suicide est exagérée par la surveillance, mais ce n'est

pas un motif pour se départir de rigoureuses précautions. Il

existe d'ailleurs des précautions illusoires. Telle l'administration

d'hydrate de chloral ; sans doute la nuit sera occupée par le

sommeil forcé, mais le lendemain matin, l'agitation est extrême et,

avec elle, l'impulsion au suicide. - Il n'est pas nécessaire, ce qui se

voit assez souvent, de condamner le gardien à être tué pendant

son sommeil par ce forcené assoiffé de suicide; mieux vaut que celui-

ci demeure seul dans sa chambre. On dispose un plancher de lattes

qui, recouvertes de linoléum, établissent, des que le malade se lève,

un courant électrique : ce courant, par un signal, réveille le gardien

couché dans une chambre voisine.

M. Nasse. La défaveur des asiles parmi le public n'est pas du

tout eu décroissance, contrairement à l'opinion de M. Pelman.

En second lieu, Hagen avait calculé, qu'en rranconie centrale, pour

un suicide se passant dans un asile, quatre-vingts se produi-

saient chez des aliénés vivant en dehors d'un asile. Enfin, il n'est

pas besoin que l'aliéné se lève et mette les pieds à terre pour se

tuer ; il se peut tuer sans bruit (se pendre, s'étrangler).

* M. OCI13EKE. La proportion des cas de mort par suicide parait bien

plus défavorable pour les petits établissements, qui naturellement

présentent également une faible mortalité, que pour les grands

asiles où les psychopathies chroniques abondent ainsi que les cas

de mort. 11 faut surveiller les aliénés suicides dans leur propre

chambre au moyen de gardiens qui se relaient.

M. Hertz procède ainsi. Le jour, surveillance à l'aide d'une

porte en treillage substituée à la porte pleine. Fenêtres obturées

par un grillage. La nuit, une sentinelle devant la porte en treil-

lage.

M. Pelman. Il ressort nettement de la statistique que le nombre

des suicides dans les asiles est moindre que chez les aliénés vivant

en dehors de l'établissement. Il faut faire surveiller ces malades

par deux gardiens. Pas davantage.

M. TtGGES. La variété des nombres qui s'appliquent aux suicides

suivant les divers asiles s'explique en partie par la variété de fré-

quence des suicides, suivant les diverses régions.

4o2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. IIUBERTY. Des troubles psychiques qui succèdent aux mauvais

traitements corporels sans lésions crâniennes vraies. Douze observa-

tions dont voici les conclusions :

Quand, peu detemps après un mauvais traitement qui s'est traduit par

une lésion légère, se manifestent, de concert avec une mélancolie plus ou

moins stupide, des idées de maléfices ou de persécutions, dont la

-teneur se rattache au mauvais traitement enduré, quand les idées déli-

rantes constituent, quels que soient les épisodes morbides, le fil d'Ariane

indiscontinu de la psychopathie tout entière, quand, lorsque celle-ci

aboutit à l'affaiblissement des facultés intellectuelles, les mêmes idées

forment dans le complexus un noyau manifeste, il est probable, presque

certain même, que l'aliénation mentale tient à ce mauvais traitement.

M. IIEDOLD. Communications casuistiques sur la simultanéité du

tabès et de l'aliénation mentale. - L'orateur distingue avec soin

la paralysie générale qui reconnaît les mêmes causes que le tabès,

des psychoses qui peuvent survenir accidentellement dans le cours

de ce dernier. Voici, par exemple, un homme de quarante ans,

sujet, depuis sa jeunesse, à des lipothymies ; pendant son enfance,

il a été soumis à deux traumatismes graves; il y a quatorze ans, il

a été atteint de dysenterie; enfin, depuis le début de sa trentième

année, il présente du tabes. A la fin de 1883, il est, à la suite

d'émotions violentes, devenu maniaque : excitation progressive,

désordre dans les idées, irritabilité permanente, et, de temps à

autre, idées de grandeur, hallucinations de l'ouïe, conceptions itré-

sislibles (obsessions). Puis, l'agitation s'est lentement apaisée, et,

depuis le commencement de z, il doit être tenu pour guéri de

son affection mentale, tandis que le tabès est demeuré tel quel. Ce

n'est pas à dire que souvent l'on ne puisse se tromper, car

M. IIebold mentionne une observation dans laquelle l'aspect cli-

nique décelait une paralysie générale associée au tabes; or, l'au-

topsie montra qu'il existait, en effet, une dégénérescence des

cordons postérieurs avec névrite optique, mais que les symptômes

psychiques tenaient à un sarcome du lobe frontal.

M. A. Scnntrrz. Communications sur quelques nouvelles lois relatives

aux aliénés ou quelques nouveaux projets de loi. Ils sont inspirés

par les exigences de la liberté individuelle. En France, le projet

Gambetta-Magnin (18fi9) inapplicable, ne peut que glacer d'hor-

reur le psychiatre. Celui de 1882 met le plus d'entraves à l'admis-

sion des aliénés dans l'intérêt de ceux des individus sains d'esprit

qui pourraient être confondus avec les premiers et enfermés par

méprise. La loi espagnole du 19 mai z, extrêmement simple,

fait cependant concourir le pouvoir judiciaire à l'admission d'un

aliéné, audétrimentdelacéléritédansie traitement; les fréquentes

visites des asiles n'ont aucun objet. La nouvelle loi hollandaise

du 27 avril 1884 est pire que celle de 1841. Rien d'exécrable comme

les conditions d'admission et toutes les formalités de l'instruction

SOCIÉTÉS SAVANTES. 453

médico-légale; tel l'article 20 du § 3 d'après lequel les médecins

d'asile sont tenus de consigner sur un registre des notes sur l'état

du malade, quotidiennement pendant les quatorze premiers jours

qui succèdent à l'admission, puis toutes les semaines pendant six

mois, enfin tous les mois. La Suède possède sa loi du 2 no-

vembre 1883, en vigueur depuis 1881. Le § distingue les établis-

sements d'Etat en hôpitaux d'aliénés (établissements de traite-

ment) et asiles (établissements de conservation). On a amélioré la

situation du directeur à tous points de vue. On n'a guère modifié

les conditions d'admission; à côté du questionnaire médical, on

demande encore le certificat du pasteur.

M. Pelman. Il est bon de savoir ce qui se fait en d'autres pays

afin d'éviter les mêmes bévues.

M. N vssc. Contrairement à ce qu'il a jadis écrit z0), il pense

qu'il faut considérer comme un bienfait la statistique en Allemagne,

à cet égard. ,

Séance du 10 novembre 188G.

Après avoir consacré quelques paroles d'éloge à la mémoire de

AI. Aleyer (d Eitoi,o et avoir énuméré les places vacantes qui se

sont produites pour diverses causes dans la Société, le président

fait procéder à l'admission de nouveaux membres. Le bureau

est lui-même ainsi renouvelé : 11111. Nasse, HERTZ, Ripping.

M. Finkelnburg lit un rapport sur les travaux de la commission

choisie par la Société dans sa séance du 1 1 novembre 1885, à l'effet

de rédiger des propositions pour dresser une stéitistiqzicprofes-

siontzelle de l'aliénation mentale dans la province du Rhin. L'as-

semblée invite la commission à marcher dans cette- voie, à

prendre tous les moyens possibles pour aboutir, et à faire parvenir

à tous ses collègues des imprimés de statistique convenables.

M. 13\STftLBERG traite du rouge du Congo en micrographie et de son

application à l'étude du système nerveux central : préparations à

l'appui.

Séance du 18 juin 1887.

Les feuilles statistiques envoyées aux membres de la Société,

sur la question de l'aliénation mentale d'après sa répartition pro-

fessionnelle, n'ayant pas suscité de critiques importantes. M. Fin-

EELKUURG annonce que, d'après les renseignements recueillis par lui

auprè du bureau de statistique, les dépenses decette enquête ne dé-

passeraient pas 300 marks. La Société décide que, pour les couvrir, elle

s'adressera au conseil d'administration de la province du Rhin, et

qu'en cas de refus, elle s'associera une autre société intéressée à la

4o4 SOCIETES SAVANTES.

solution de celle question. Sur le souhait de l'assemblée, nl1(.

Finkelnhurg et Tigges se eliar-entd'e\écuLei,les opérations scieilli-

ftques que comportent les éléments statistiques obtenus.

Plusieurs membres de la Société apportent une confirmation

éclatante aux assertions de M. Nasse, dans son mémoire relatif à

la transformation soudaine d'une modalité psychopalhique en une

autre au point de vue clinique ' .

M. Bastelberg. De l'emploi de l'hyoscyamine dans les états d'agio

talion chroniques. Il a pu l'administrer jusqu'aux doses de un cen-

tigramme à douzemilligrammes sans constater d'inconvénients, à

la condition de commencer par trois milligrammes etd'augmenter

rapidement. Tout le mystère réside dans la pureté extrême de

l'hyoscyamine cristallisée. D'après. M. Bastelberg, en pareils cas,

la sédation est prompte. Les avis des membres de la Société sont

cependant partagés.

Séance du 16 novembre 1887.

M.le président communique que le conseil d'administration de

la province du Rhin a accordé le crédit de 300 marks nécessaire à

l'établissement d'une statistique de l'aliénation mentale dans ses

rapports avec les diverses professions et avec les différents métier*.

àl. Hoesteruann (de Boppard). Du coctiinisine. Après avoir observé

plusieurs faits, dont l'orateur donne communication, dans lesquels

on a employé de la cocaïne, soit de concert avec la morphine

pour l'atténuer, soit à la place de la morphine pour sevrer les

morphinomanes, M. Hcestermann a acquis la conviction que la

cocaïne exerce une action bien plus délétère que la morphine. 11

conclut :

« Plaise à la Société psychiatrique de la province du Rhin, de vouloir

« bien intercéder auprès de S. Wc. le ministre de l'instruction publique,

« des cultes et des affaires médicales, pour que, à raison des effets extrc-

- moment pernicieux de la cocaïne sur la santé physique et mentale, et

« en présence de la constatation alarinatile de l'expansion croissante de

« l'abus de cet agent toxique, la législation qui règle la vente de la

« morphine s'applique le plus tôt possible a celle de la cocaïne. »

A la suite d'une longue discussion, à laquelle prennent part :

111\L. OEDEKE, TiGGLes, Nasse, Scumitz, Freusberg, Fauricius, Jeun,

la précédente motion est adoptée.

M. B.aSTr;LBEt2G. De l'anatomie pathologique de l'attaque congés-

tive. D'abord la démence paralytique est une affection de tout le

système nerveux central. Sans doute, en bien des cas, elle se loca-

lise surtout dans le cerveau antérieur, c'est-à-dire dans les hémis-

vos. Archives de Neurologie. Revues analytiques.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 433

pères cérébraux et le système optoslrié, pour exercer de là son

influence délétère sur les autres groupes d'organes, mais il n'en

est pas moins vrai que tout le système est peu'ou prou atteint.

Examinant, par conséquent, le système nerveux central d'un

malade mort au cours d'une première attaque congestive brutale,

M. Eastelberg ne trouve, comme c'est la règle, de lésions ni dans

l'encéphale ni dans la moelle, qui fournissent l'explication de cette

attaque. Il n'en était pas de même du bulbe. Ici, altérations récentes

de l'épendyme du quatrième ventricule, tuméfié, trouble, infiltré

.de leucocytes; sclérose sous-épeudymaire allant jusque dans la

région des noyaux gris sur le plancher du quatrième ventricule et

les atteignant eux-mêmes. Le plein développement du processus

était au niveau de la protubérance (centre convulsif de Kotli-

rna-el). Peut-être cette méthode de recherches appliquée à d'au-

tres faits viendra-t-elle donner la loi pathogénétique.

M. Nasse rappelle à ce propos que Beclilerew explique les atta-

ques congestives par les fluctuations dans la pression du liquide

cérébrospinal et dans' ses stagnations ; ce sont ces oscillations géné-

ralisées qui produiraient les attaques épileptiformes ; localisées,

elles détermineraient les attaques apoplectiformes.1'

M. Tigges. Un grand nombre de ces attaques, de par leur aspect

même (elles sont unilatérales ou même limitées à une seule extré-

mité), doivent être rattachées aux hémisphères cérébraux.

M. OEDEKE. Chez un malade observé par lui, à la suite de trois

attaques héinilatérales caractérisées par une paralysie de plusieurs

mois, l'examen microscopique ne révéla pas de différence entre

les deux hémisphères.

AI. JEIIN. Des bruits auriculaires objectivement perceptibles. Ce tra-

vail paraitra séparément' (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLV., 1-2).

P. KHRAVAL.

XXIO CONGRÈS DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DES ÀLINISTFS

DE LA BASSE-SAXE ET DE WESTPUALIE 3 -

Session de HANOVRF

Séance du 2 mai 1887. Présidence de M. Snell.

NICOL présente un garçon de trois ans et trois mois atteint

depuis près d'un an d'aphasie avec paralysie de tout le système

. 1 Voy. Archives de Neurologie. Revues analytiques.

' Ici., t. XIV, p. 293.

4§6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

musculaire, à l'exception de la face. C'est en pleine santé et sans

que son développement ait présenté d'anomalie, que, vers le milieu

de juin de l'an dernier, graduellement, il en arriva à ne plus pou-

voir marcher, et, finalement, à ne plus se tenir debout, à ne plus

demeurer assis, à no plus conserver la tête droite. Il cessa progres-

sivement aussi de parler. Vers la fin de l'an dernier, il disait

encore « papa » « maman ». Actuellement il dit encore parfois

« Ja ». Nystagmus fréquent. Conservation de la santé physique et

de l'ouïe. La maladie a atteint sa période d'acmée en quatre à six

semaines. M. BERKXAN et M. WuLF en font une idiotie. La plu-

part des membres présents sont de cet avis.

M. SNELL parle de la simulation de l'aliénation mentale. A ses cinq

observations relatives à la simulation d'affaiblissemeut intellectuel

avec désordre dansles idées (Allg. Zeitsch. f. Psych., XIIIELXXXVII),

il ajoute un sixième fait. Il s'agit d'un escroc de trente ans,

qui simulait la démence consécutive à des attaques convulsives.

Ces attaques, il eut soin de ne pas les avoir devant le monde

et surtout devant les médecins ; mais il dépassa le but, prétendant,

par exemple, ne plus pouvoir lire le journal, et énonçant 7ht)td

au lieu de Deulschland, calculant 2 et 2 font 9 ou 7, et signant

lIei-î ? 2eiîz J)J6 ! He)' au lieu de Ilermann Meyer, écrivant comme quan-

tième l'année 2882, méconnaissant la valeur des cartes àjouer.

Un autre individu de cinquante-sept ans, mis en observation à la

suite d'une banqueroute frauduleuse avec falsification de docu-

ments, prétend avoir presque totalement perdu la mémoire, ne

sait plus, dit-il, en quelle année il est, ne se rappelle pas ce qu'il

vient de manger et boire, mais raisonne sensément sur les choses

de la politique et de la vie industrielle, se souvient des cours des

valeurs de bourse; de plus, il finit, à force de parler, par tenir

des propos qui contredisent «sa prétendue amnésie »; c'est en

vain qu'il prétendit à l'existence d'une paralysie qui se démentit

à la longue.

M. 0. SNELL soumet à l'assemblée des préparations d'écorce céré-

Loale d'une malade morte de délire aigu. Femme mariée, sans

enfants, âgée de trente-six ans. Sa mère avait été atteinte de

manie à la suite d'une fièvre typhoïde. Pendant l'été de 1886, elle

eut, par accès, des battements de coeur avec agitation anxieuse.

Brusquement, le 18 novembre, dans l'après-midi, elle présente une

vive agitation avec alternative d'humeur triste et gaie sous l'allure

maniaque, et insomnie, jusqu'au 2G du même mois. A ce moment,

peau froide, pouls petit; comme elle n'a pas pris de nourriture

pendant ces huit jours, on lui passe la sonde oesophagienne. Elle

meurt néanmoins à 1 heure et demie après-midi. Autopsie : Lésion

mitrale, myocarde altéré. Congestion des bases et des bronches.

Pie-mère congestionnée. Le cerveau pèse 1,350. La' substance

SOCIÉTÉS SAVANTES. 457

cérébrale sèche, ferme, pâteuse, offre à la coupe de nombreux

points itématiques. On colore, selon la méthode de iniz-sl, le 2yrus

reclus, la deuxième et la troisième fronlales, la circonvolution en

crochet, de l'hémisphère droit la deuxième frontale, toute la

frontale ascendante. la partie antérieure et postérieure de la pre-

mière temporale, le lobe paracenirai, la pointe du lobe occipital,

de l'hémisphère gauche le cervelet. Les espaces périvasculaires

sont gorgés de globules blancs. Les cellules rondes et les noyaux

prédominent par rapport aux cellules pyramidales, soit dans

l'écorce, soit dans la lisière de l'écorce vers la substance blanche.

L'auteur a pris des moyennes. Il a trouvé que :

Sur un cerveau normal la couche des grandes pyramides présente dans

la 111 temporale gauche 1,3 cellule ronde pour 1 cellule nerveuse.

Sur le cerveau de cette malade, elle présente dans la même temporale

1,8 pour 1.

Sur un cerveau normal la couche des grandes pyramides présente dans

la 2, frontale gauche 1,4 cellule ronde pour 1 cellule nerveuse.

Sur le cerveau de celte malade, elle présente dans la même frontale

1,9 pour 1.

Donc le nombre des cellules rondes de l'écorce augmente consi-

dérablement dans le délire aigu. Cela est tout simplement dû à

des globules blancs du sang extravasés. Quant aux cellules ner-

veuses, elles se colorent moins par les couleurs d'aniline que dans

les cerveaux normaux; leur noyau est moins nettement limité, le

nucléole moins brillant.

M. B.1RT1;LS.Du poicls du cerveau chez les aliénés1. Publié in extezzso.

M. 0. Snell. De la phthisie pulmonaire chez les aliénés 2.

M. Schoefer. Des principes suivant lesquels il faut régler la situation

des asiles d'aliénés vis-ci-vis de l'État et du public. Voici le résumé

des neuf propositions qui constituent les idées de l'orateur :

1° Il convient d'abord de ne pas perdre de vue que l'on a affaire à

des malades qu'il .s'agit de soigner ; les asiles sont donc des établisse-

ments hospitaliers. 2" Comme il y a, en effet, séquestration contre la

volonté du patient, comme on est obligé de prendre des mesures de

sécurité à raison de la nature de la maladie (méthode particulière de

traitement), l'Etat a le droit d'exercer sur ces établissements une surveil-

lance spéciale, qui, d'ailleurs, sauvegarde l'établissement et son direc-

teur, mais l'intérêt des malades et de leur famille, celui du fisc et celui

de l'avenir de l'assistance des aliénés exigent que l'on tempère les

mesures de surveillance. 3- Et, a cet égard, il est à remarquer que, mal-

gré de nombreuses lacunes sur ce point, on n'a jamais eu encore à

déplorer de scandale, jamais de séquestration arbitraire dans les asiles

allemands. 4° Dans ces conditions, il est incontestable que l'intérêt de

l'aliéné exige qu'on lui facilite le plus possible sa réception, qu'on fasse

1 Voy. Revues analytiques.

°- ld, .

4S8 8 SÉNAT.

ressembler les formalités à celles d'une admission dans un hôpital quel-

conque, en même temps que la sécurité du malheureux, impose l'obli-

gation de prévenir l'autorité et d'assurer l'inspection régulière d'un

fonctionnaire techniquement compétent. b' Quant à la justice et à la

police, son ingestion ici est malsaine. Toute latitude pour les placements

des malades dont ils sont légalement responsables doit être accordée aux

parents, aux communes, atix coi-pot-atiotis, au £ divers ivitiits droit. 11 faut

limiter l'action de la police et du tribunal à des molifs vraiment spéciaux,

fondés sur des décisions julidiques ou législatives. 6° Le concours à

l'admission du Kreisphysikus, n'a pas de raison d'être en ce qui concerne

la surveillance. Quant à la question de science, tous les médecins pra-

ticiens doivent être autorisés à faire un certificat, et faudrait qu'ils

fussent en état de le faire parfait. Les établissements, eux, sont en

situation d'obtenir tous les renseignements médicaux nécessaires, quand ils

demanderaient au besoin qu'on remplisse un questionnaire tout préparé à

) ? N ? m ? MMM ? sa)on[

lieu de naissance du malade, aux tribunaux, aux parquets correspondants.

8° L'inspection des asiles a tout à gagner de la création, urgente, d'une

fonctionsupérieure médico-tecimique, destinée, dans le royaume de Prusse

ou dans l'empire entier, à surveiller l'assistance des aliénés et ses rouages,

elle servirait en même temps à éclairer le ministère et le conseil fédéral.

9° Les asiles privés seront, en ce qui concerne les mesures de survetl-

lance, assimilés aux asiles publics. On pourra seulement charger les

Kreisphysikus de la visite de ceux qui n'ont pas de médecin particulier

résident.

M. Schipfer donne leclure de quetqucs-nucs des décisions adop-

tées par la Société psychiatrique de Berlin1 relativement à la situa-

tion des asiles privés. L'assemblée les adopte.

La prochaine séance aura lieu le le, mai 1888 à Hanovre lasteii*s

Ilotel, 4 Ueures de l'après-midi. (llly. Zeitsclt. f.Pych., \LIV, r, : i.)

P. KÉRAYAL.

SÉNAT

DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS.

Suite de la séance du samedi 4 décembre 18S63.

M. TESTEUR. Je ne voudrais pas vous faire un cours sur l'alié-

nation mentale, cela me serait très difficile, mais permettez-moi

1 Vov. Archives de Neurologie. Séances de décembre 1886 et janvier 1887.

T. VII, p. 299.

°- 1'oc-. Arckires de Neurologie, l. \II, p. 13,ï, ` ? 58, f;19; t. lI V, p. 13a,

307, 'r21 ; t. : C1', p. 138, 3t I, 481 ; t. \'I, p. 101, 30G.

SÉNAT. 4S9

de dire qu'on peut diviser les aliénés en deux grandes clauses : la

première comprend ceux qui ont un trouble dans leurs idées, c'est

la folie intellectuelle. Ceux-là, tous ceux qui ont reçu une éduca-

tion libérale, comme vous tous, messieurs, comme les magistrats,

peuvent la constater du premier coup d'oeil. Mais il y a la « folie

affective », la folie des sentiments, et c'est la plus dangereuse de

toutes. En réalité, il est bien rare que l'intelligence ne soit pas

plus ou moins prise; mais il faut une élude approfondie qu'un

médecin seul peut faire pour s'en apercevoir, et c'est la classe la

plus dangereuse. On les fait venir, ces aliénés, en présence des

.magistrats; ils répondent aussi bien que l'avocat qui les attaque...

M. DE Gwardie. C'est évident !

M. TESTEUR ... Et c'est dans cette classe qu'on trouve surtout le

gens portés- au suicide et à l'homicide.

M. Paris. C'est la monomanie.

M. Testelin. C'est là un grave danger qui explique très bien les

mesures qu'on a prises. Comment les magistrats feront-ils pour

décider ? On vous citait tout à l'lieure un fait, mais on ne serait

pas embarrassé de citer six, huit, dix cas d'aliénés qui ont été

mis en liberté sur réquisition du procureur du roi ou de la Répu-

blique et qui, peu de jours après, ont commis des crimes.

M. de GIV.111DIE. Parfaitement i

M. Testelin. Cela se voit très fréquemment. Je ne voudrais pas

en dire davantage, parce que je me suis aperçu que la plupart

d'entre vous sont guidés par une opinion qui n'est pas la mienne,

l'idée que dans tous les cas, quand il s'agit de séquestrer momen-

tanément un citoyen, soit dans son propre intérêt, soit dans l'in-

térêt de la société, il faut que la magistrature intervienne. Elle ne

l'avait pas fait jusqu'à présent; vous vous en apercevez sur le tard,

comme on dit vulgairement. Je dis que c'est là une chose fâcheuse,

funeste, que cela n'aura aucune espèce d'efficacité.

Je suis parfaitement convaincu que les, décisions en chambre

du conseil n'auront aucune espèce de fondement autre que le dia-

gnostic des médecins. Je ne dis pas : les magistrats jugeront in

verbia magislri, mais à coup sûr ils jugeront in verba medici. Cela

retardera les entrées définitives, les sorties, et cela n'aura aucune

espèce d'avantage Je vous conseille donc de voter notre amende-

ment, qui consiste tout simplement dans un seul retranchement

à l'amendement de M. Bardoux que vous avez volé. (Très bien !

très bien ! sur divers bancs.)

M. le rapporteur. Je demanderai la permission de faire une ob-

servation. J'ai, tout à l'heure, interrompu l'honorable M. Testelin

.pour dire qu'il se trompait en appliquant aux sorties la décision

du tribunal. La discussion des articles 24,23, 2G et 27 démontrera

460 SÉNAT.

que les sorties sont régies par nne toule antre règle et que le tri-

bunal n'intervient que lorsqu'il y a opposition. Celte opposition

doit être jugée par la chambre du conseil ; mais, dans tous les

autres cas, les sorties doivent être réglées comme nous l'avons'in-

diqué précédemment. Elles se font dès que l'aliéné est déclaré

guéri sur les registres. Pour les placements volontaires, ils se

font, quand le médecin demande la sortie, par le préfet.

L'article 27 dit que le préfet peut toujours, après avoir pris l'avis

du médecin traitant ou de la commission permanente, ordonner

la sortie des personne placées dans les établissements d'aliénés.

Il s'agit ici des placements volontaires, et ce n'est qu'en cas d'op-

position que le tribunal a à intervenir.

M. Combes. C'est encore un manque de logique. Il y a encore

une question d'état également engagée dans l'affaire.

M. DELSOL. Messieurs, je vous demande la permission d'exposer

devant le Sénat, et très rapidement, les raisons qui ont déter-

miné votre commission à introduire dans le projet de loi dont vous

êtes saisis cette innovation, ou plutôt à accepter innovation im-

portante qui figurait dans le projet qui vous a été soumis, et qui

consiste à appeler, dans toutes les circonstances, la chambre du

conseil à statuer sur le placement définitif des aliénés.

Tout' d'abord, je rencontre dans les orateurs qui m'ont précédé

à cette tribune et qui soutiennent l'amendement de M. Combes,

une première objection à ce système. Us disent : La chambre du

conseil n'a pas de compétence ; la compétence n'appartient qu'aux

médecins; il s'agit.d'une maladie et, en conséquence, la chambre

du conseil n'apportera aucun élément nouveau à la solution qu'il

s'agit de donner àla grosse dinculté de savoir si un individu est ou

n'est pas aliéné. On ajoute qu'en définitive, il n'y a qu'un simple

traitement à déterminer ; que l'on est en présence d'un malade et

que la médecine sule peut déterminer le traitement qui convient

à ce malade, et que la chambre du conseil n'a rien avoir dans

une pareille question.

Messieurs, s'il s'agissait en effet d'un simple diagnostic à établir;

s'il s'agissait d'un simple traitement de malade, assurément, ni le

Gouvernement dans son projet, ni la commission dans ses conclu-

sions, n'auraient songé à faire intervenir la chambre du conseil ;

mais il s'agit ici d'autre chose.

Plusieurs sénateurs ci gauche. C'est cela !

M. Delsol. Il s'agit d'un traitement qui a des conséquences très

graves, puisque ce traitement aura cette première conséquence de

priver le malade de sa liberté individuelle, et cette autre consé-

quence non moins grave de diminuer sa capacité civile et de porter

atteinte à son état civil et social. (Très bien, très bien ! sur plu-

sieurs bancs.)

SÉNAT. 461

Je crois donc que c'est par une confusion d'idées que les auteurs

de l'amendement sont venus revendiquer ici exclusivement au

profit du docteur médecin, de l'inspecteur médecin, le droit de

statuer sur le sort du malade. Il y a cette distinction capitale

à établir : s'agit-il du diagnostic, du traitement, s'agit-il parti-

culièrement du traitement dans la période provisoire, les méde-

cins ont toute latitude; ils peuveut procéder immédiatement au

traitement du malade, ils peuvent ordonner toutes les pres-

criptions nécessaires pour améliorer son état. Mais si cet état

se prolonge, si la maladie se caractérise et s'il est démontré

qu'il y a là un cas d'aliénation mentale, il est nécessaire de pro-

céder à des mesures ayant un caractère moins provisoire, plus

définitives, non pas irrévocables, mais plus définitives, et qui

ont pour objet d'empêcher de porter une atteinte très grave aux

droits, à l'état civil et à la capacité du malade. (Nouvelles marques

d'approbation à gauche.) Or, c'est précisément ce que la commis-

sion propose.

D'accord avec le gouvernement, elle estime qu'il est absolu-

ment impossible de donner au médecin, qui est souverain en

matière de diagnostic, le droit de décision, le droit de tirer les

conséquences de ce' diagnostic et de statuer à lui tout seul sur

l'état et la capacité civile du malade. Nous rencontrons ici une

situation qui existe déjà dans nos lois civiles. Vous connaissez tous

la procédure en matière d'interdiction judiciaire. Comment les

choses se passent-elles ? Lorsqu'un individu est dans un état habi-

tuel d'imbécillité, de démence ou de fureur, ses parents et quelque-

fois le ministère public, lorsqu'il y a état de fureur, introduisent

une instance pour demander l'interdiction de*ce malade.

Que fait alors la justice ? La justice ordonne presque toujours

une expertise médico-légale. On commet un ou plusieurs médecins

qui sont chargés d'examiner le malade et de dire s'il est ou non

dans état habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur. Est-ce

à dire que la justice abdique devant l'avis du médecin ? Est-ce que

ces médecins ont jamais eu la prétention de dire le dernier mot

du procès en interdiction ? Jamais. La pratique du code civil,

depuis le commencement de ce siècle, démontre que là, comme

dans toutes les questions médicales et techniques, il y a, d'une

part, l'homme que j'appellerai l'homme de l'art qui examine,

fait son expertise, dépose son rapport et éclaire le magistrat,

mais qui, en définitive, ne fait, qu'exprimer un avis personnel; et

d'autre part, le magistrat qui, lui, statue en conséquence, après

avoir pris connaissance de tous les éléments de décisions. C'est

donc toujours la justice qui, dans notre législation actuelle, est

appelée à prononcer sur l'état et la capacité civile de la personne

résultant de l'aliénation mentale.

M. de Gavardie. Eh bien, cela suffit.

li, 6 -) SÉNAT.

M. DELSOL. Permettez ! vous dites que cela suffit.' ? On a cru que

cela suffisait; mais l'expérience a démontré que les dispositions

du code civil en matière d'interdiction judiciaire étaient tout à

fait insuffisantes, parce qu'elles ne s'appliquaient qu'à des cas

véritablement exceptionnels. Il faut être dans un état habituel

d'imbécillité, de démence ou de fureur, pour que l'interdiction

puisse être prononcée; et, assurément, cette définition de l'aliéna-

tion qui se trouve dans le code civil, ne convient pas à tous les

cas d'aliénation mentale qu'il s'agit de traiter dans les établis-

sements publics ou privés. D'ailleurs, cette procédure d'interdic-

tion, tout le monde sait combien elle est longue, difficile, coûteuse,

retentissante, et combien les familles redoutent d'engager des

procès de cette nature. Evidemment, messieurs, il y avait quelque

chose de plus à faire pour protéger les malheureux malades qui

n'ont pas la plénitude de leurs facullés; c'est précisément cette

protection des malades qui ne peuvent pas être interdits ou dont

les familles ne veulent pas demander l'interdiction que la loi

actuelle a pour but d'accorder. (Très bien ! sur divers bancs.)

On prétend que l'opinion publique ne demandait pas cette

réforme, et que c'est une pure illusion de cette opinion publique

qui a réfléchi sur les pouvoirs publics et déterminé le dépôt du

projet de loi sur lequel vous avez à statuer. Il faut véritablement,

messieurs, fermer les yeux à la lumière pour ne pas reconnaître

que, depuis au moins vingt années, l'opinion publique surexcitée

par des débats très passionnés auxquels ont donné lieu certaines

affaires de prétendus aliénés je ne veux pas rappeler ici de

noms propres- il faut, dis-je, fermer les yeux à la lumière pour

ne pas reconnaître que, depuis au moins une vingtaine d'années,

l'opinion publique réclame des garanties autres que celles de la

loi de 1838, qui n'en contient, à proprement parler, aucune.

En effet, en vertu de cette loi, il suffit d'un médecin complai-

sant et si honorable que soit le corps médical, il peut se ren-

contrer parfois un médecin complaisant il suffit d'un médecin

complaisant pour qu'un membre d'une famille lasse enfermer une

personne gênante. Ce sera tantôt une femme qui se débarrassera

de son mari; tantôt un tuteur qui, pour se décharger d'une

tutelle, fera enfermer le mineur dont il avait la garde. Eh bien,

cette opinion publique dont le projet n'est que la réalisation et la

mise en oeuvre s'est manifestée, comme je le disais, à plusieurs

reprises dans le Parlement même.

Il me suffira de vous rappeler que le besoin de cette innovation

sur laquelle nous discutons avait trouvé sa formule dans un projet

élaboré en 1870, dans le projet qui fut déposé par M. Gambetta et

notre honorable collègue M. Magnin au Corps législatif; en 4871,

dans les travaux de la Société de législation comparée; en 1872,

dans la proposition qui fut faite à t'Assemblée nationale par notre

SÉNAT. si 63

honorable collègue M. Théophile Roussel, M. Albert De=jardins et

111. Jozon.

M. le Rapporteur. Le tribunal n'intervenait pas. La principale

réforme consistait dans l'institution de la commission permanente.

M. Delsol. Mais enfin, dans le projet, on demandait des garan-

ties, précisément pour prévenir les abus qui avaient été commis

sous l'empire de la loi de 1838.

Et, messieurs. le Gouvernement actuel, en 188), a nommé une

commission extra-parlementaire dans laquelle je vois figurer

deux de nos honorables et des plu ! autorisés collègues du Sénat,

l'honorable M. Allou et l'honorable M. Dauphin; cette commission

extra-parlementaire qui a jeté les bases du projet actuel, voulant

ajouter une garantie nouvelle à celles qui pouvaient exister déjà

dans la loi de 1838, demandait l'intervention de l'autorité judi-

ciaire. Ce n'est donc pas une innovation purement de fantaisie et

arbitraire ; c'est une innovation qui a été réclamée avec insistance,

et, encore une fois, le projet actuel me fait donner satisfaction à

l'opinion publique sur ce point particulier. Il s'agit de savoir si la

garantie qui consiste dans l'intervention de la chambre du con-

seil est, oui ou non, une garantie sérieuse.

L'honorable M. Combes et l'honorable M. Testelin ont prétendu

que cette garantie était purement illusoire, que la chambre du

conseil n'avait pas de compétence spéciale, que dès lors elle se

contenterait d'homologuer purement et simplement l'avis donné

par le médecin ayant examiné le malade, et qu'en conséquence, la

chambre du conseil, au détriment même de sa dignité, ne serait

qu'une chambre d'homologation qui enregistrerait purement et

simplement l'opinion d'un autre.

Je ne partage pas du tout cette manièrede voir, je la trouve

profondément erronée. Je reconnais qu'en fait, dans la plupart

des cas, la chambre du conseil se contentera, après avoir examiné

es pièces, et lu notamment le rapport détaillé qui lui aura été

fait sur le caractère et les phases de la maladie de l'individu dont

il s'agit, se contentera d'ordonner purement et simplement le

placement définitif de l'aliéné. Je le concède très volontiers. Mais,

s'il arrive que le rapport du médecin soit contesté, quelquefois

contredit par d'autres rapports, si on est en présence d'un cas

douteux et difficile, comme cela arrive souvent, si un membre

de la famille ou l'individu qu'on prétend être aliéné se présente,

se défend, conteste les avis émis par les différents médecins, alors

la garantie que. le prétendu aliéné trouve dans la chambre du

conseil est une garantie complète, absolue, et je dirai tout à fait

nécessaire ; car, enfin, messieurs, dans ce cas douteux, qui est-ce

qui peut trancher la question ?

Les médecins ne sont pas d'accord ; un médecin certifie que tel

Ik 6 lui» sénat.

individu doit être enfermé dans un asile d'aliénés, et le lende-

main un autte médecin déclare que l'aliénation n'est pas réelle.

Qui départagera ces médecins qui sont en contradiction ? Evi-

demment il faut une autorité et cette autorité sera précisément

la chambre du conseil. Cette considération^seule suffirait à justi-

fier l'innovation qui vous est proposée.

Ce n'est pas tout, messieurs. On a l'air de considérer la cham-

bre du conseil comme devant toujours et nécessairement ratifier

l'avis des médecins. Mais l'article 21 qui vous est proposé prévoit

précisément le cas où la chambre du conseil, se trouvant en pré-

sence d'un cas difficile, de contestations, de documents contra-

dictoires, et estimant qu'elle n'est pas suffisamment éclairée pour

statuer, déclare par un jugement motivé qu'elle surseoit à sa

décision pendant un délai qu'elle fixe dans le jugement.

Et alors la chambre du conseil se trouvant, par la nature et la

force même des choses, transformée en quelque sorte en un tri-

bunal jugeant sur une affaire d'interdiction, pourra ordonner

une expertise médico-légale. Elle pourra, par exemple, si les cer-

tificats des médecins ne lui paraissent pas décisifs, faire appel aux

inspecteurs généraux d'aliénés ; elle pourra s'adresser aux autori-

tés de la science. Et alors, véritablement, le rôle que la chambre

du conseil sera appelée à jouer dans ces circonstances, dans ces

cas difficiles qui ne seront pas très fréquents, je vous l'ac-

corde, mais qui se présenteront certainement le rôle de la

chambre du conseil sera très considérable et, en vérité, on ne peut

pas donner à une autre autorité qu'à l'autorité judiciaire le droit

de statuer sur des difficultés de cette nature.

M. Paris. Voulez-vous me permettre de vous demander qui

payera tous ces frais ? 2 '

M. DELSOL. L'assistance judiciaire, si c'est un indigent. Mainte-

nant, on nous dit que cette innovation n'est pas pratique, et l'on

s'empresse de nous citer un exemple qui revient toujours dans

cette discussion : l'exemple du département de la Seine.

On dit : Le département de la Seine a, par an, environ -3,600

aliénés; c'est, par conséquent, à peu près 10 aliénés par jour,

c'est-à-dire 10 jugements à rendre par la chambre du conseil par

jour pour les placements définitifs. Or, une pareille oeuvre, un

travail aussi gigantesque est absolument impossible dans la pra-

tique. Je ferai à cela deux réponses. Et d'abord, acceptons qu'il

v ait 10 jugements à rendre par jour. J'avoueque ces 10 jugements

ne m'effrayent pas le moins du monde pour la chambre du con-

seil. Nous avons, au tribunal civil de la Seine, d'autres chambres

où les magistrats, lorsqu'ils se trouvent en présence d'une besogne

plus considérable, ont l'habitude d'apporter plus d'activité dans

l'instruction et dans le jugement de ces affaires... -

SÉNAT. li 65

M. du. Gwnmc. 'uu ne connaissez pas bien les magistrats !

M. Delsol. Je puis citer, par exemple, les chambres correction-

nelles : combien de jugements rendent-elles par jour ? 20, 30, 40,

quelquefois davantage. Et cesjugements sont rendus dans des af-

tan'es où il y a un contradicteur, où il faut entendre les personnes,

où il faut entendre le prévenu, l'interroger ; il y a, de plus, les

conclusions du ministèie public. Par conséquent, ce sont des

affaires qui, par leur nature, demandent plus de temps que n'en

demanderont les affaires concernant les placements définitifs d'a-

liénés.

Eh bien, je vousdemande si ce fait ne répond pas complètement

à l'objection ? Eu effet, lorsqu'il s'agit du placement d'un aliéné,

il n'y a pas d'interrogatoire, il n'y a pas de conclusions autres

qu'un mot dit par le ministère public ; il n'y a ni débat ni con-

tradiction et, en conséquence, j'ai bien le droit de dire que le ju-

gement de ces affaires sera plus facile et plus prompt que le juge-

ment des affaires rendues en police correctionnelle.

M. Combe. Vous êtes en contradiction avec le rapport. C'est le

rapport qui dit qu'il faudra créer plusieurs chambres du conseil.

(Dénégations à gauche.)

M. Delsol. C'est une erreur complète. A cette réponse, que je

puise dans la pratique quotidienne du tribunal civil de la Seine,

j'en ajoute une autre : Votre commission a apporté un scrupule

extrême dans toutes les informations, dans tous les renseignements

qu'elle a cru devoir prendre pour vous proposer quelque chose

qui soit à la fois raisonnable, sensé et pratique. Aussi, lorsqu'il

s'est agi de cette question, nous avons appelé au sein de la com-

mission les deux hommes qui étaient le mieux en situation de

nous renseigner exactement, el sur la valeur de l'innovation con-

sidérée en elle-même, et sur sou caractère pratique, sur son appli-

cation devant le tribunal de la Seine; ces deux hommes étaient

M. le procureur de la Itépublique près le tribunal civil de la Seine

et le président du tribunal de première instance, M. Aubépin.

Nous les avons entendus successivement, et tous deux ont été

d'accord pour trouver notre innovation excellente au fond et eu

elle-même. L'honorable président du tribunal de première ins-

tance en particulier a employé ces expressions : « C'est là une

innovation très heureuse...» Et quand il s'est agi de l'application;

tous deux ont reconnu que cette application ne souffrirait pas de

difficultés sérieuses. La seule difficulté qui pouvait exister a.dis-

paru daus la rédaction nouvelle de votre commission. Il fallait,

d'après la première rédaction, que le procureur de la République

ou son substitut visitât l'aliéné dans le délai de trois jours ; nous

avions mis ensuite « huit jours ». 1 , '

Ces visites, en effet, devenaient impraticables; aussi y avons-

AncmSes, t. XVI. 30

466 SÉNAT.

nous renoncé pour leur substituer une visite beaucoup plus effi-

cace : c'est la visite du médecin inspecteur que vous avez créée. Eu

conséquence, le ministère public, qui a toujours le droit de visiter,

qui peut toujours faire venir la personne, qui peut toujours se

transporter dans l'établissement public ou privé, qui peut prendre

toutes les informations qu'il jugera convenable, mais qui n'e.-t

pas obligé défaire cette visite dans les trois ou dans les cinq jours de

la réception des pièces, le ministère public, dis-je, toutes les fois

qu'il n'apercevra pas un cas douteux, une difficulté particulière,

n'aura qu'à prendre ses réquisitions devant la chambre du cuit-

seil, et sa besogne est la plus simple du monde. Quant à la cham-

bre du conseil, éclairée par tous les documents qui sont passés

entre ses mains, elle n'aura qu'à rendre une décision qui, dans

la plupart des cas, ne lui demandera que quelques minutes d'exa-

men.

M. de Gavardie. Elle enregistrera la décision du médecin 1

M. Delsol. Si personne ne le conteste, et s'il résulte des cerli-

ficats des médecinsque l'individu est aliéné, s'il n'y a aucun doute,

oui, évidemment. C'est absolument comme dans toutes les exper-

tises. Quand l'expert a parlé, si le tribunal n'a pas de doute sur

la sincérité du rapport de l'expert et sur la vérité de ses conclu-

sions, le tribunal entérine purement et simplement son rapport.

Il fera ici la même chose.

Je crois avoir répondu, messieurs, au nom de la commission,

à toutes les objections graves, sérieuses, qui ont été présentées à

cette tribune. Comme vous le voyez, l'innovation qui consiste à faire

intervenir dans tous les cas la chambre du conseil, est due à l'opi-

nion publique d'abord, au projet du Gouvernement ensuite. La

commission elle-même n'a rien innové; elle ne fait que vous recom-

mander l'adoption de cette mesure. (Très bien ! très bien ! )Quant

à l'exécution même de cette mesure, quant à la possibilité de

l'appliquer, je vous ai, ce me semble, donné tous les renseigne-

ments nécessaires. Soyez-en convaincus, l'innovation que vous

aurez ainsi volée et adoptée sera une innovation aussi heureuse

en elle-même que facile à mettre en oeuvre dans la pratique or-

dinaire. (Marques nombreuses d'approbation.)

M. de Gavardie. Je demande la parole. (Exclamations à gauche.)

- La clôture ! la clôture 1

M. LE Président. La parole est à M. de Gavardie contre la clô-

ture.

M. de Gavardie. Messieurs, je vous supplie de ne pas clore une

discussion de cette importance... (Bruit et interruptions.)

M. le Président. Je vous prie, messieurs, de laisser M. de Gavar-

die s'expliquer sur la question de clôture.

SÉNAT. 4G7

M. Di.(j\\AHDOE. Je vous remercie, monsieur le président. Il est

évident, messieurs, qu'il faut répondre aux observations présen-

tées par l'honorable commissaire du Gouvernement et par l'ho-

norable M. Delsol. Ils exercent tous deux une légitime influence

auprès de vous, et il faut pouvoir réfuter des arguments qui

n'ont encore été suivis d'aucune réponse. Celle réponse, si vous

voulez bien l'écouter avec bienveillance, sera, je crois, décisive.

Voix nombreuses. La clôture ! la clôture !

M. de Gavardie. A quoi servira la clôture ? (Exclamations à

gauche.) On reprendra en seconde lecture, et plus longuement

encore, cette discussion : voilà tout. Vous ne faites qu'ajourner la

discussion, alors que vous avez le temps...

M. le Président. Avez-vous terminé vos considérations sur la

clôture ?

M. de Gavardie. A peu près, monsieur le président.

M. le Président. Je consulte le Sénat sur la clôture. (La clôture

est prononcée.)

M. le Président. Je mets aux voix l'amendement de M. Combes

et de ses collègues ; cet amendement consiste à remplacer le pa-

ragraphes de l'article 20 par la disposition suivante : «Dans la

quinzaine du placement provisoire de l'aliéné, le médecin inspec-

teur statuera définitivement sur son maintien dans l'asile ou sur

sa sortie. »

M. de Gavardie. Je demande la parole sur la proposition de la

question. (Nouvelles exclamations à gauche.)

M. le Président. La parole est à M. de Gavardie sur la proposi-

tion de la question.

M. de Gavardie. Messieurs, ne croyez pas que je veuille employer

un moyen détourné d'obstruction : fias le moins du monde : Vous

allez voir combien la position est délicate.

Le système de l'honorable M. Combes, soutenu d'une façon si

probante et si spirituelle, à mon avis, par l'honorable M. Testelin,

est la contre-partie et la contre-partie trop énergique, si je

puis m'exprimer ainsi du système de la commission . Entre ces

deux opinions, il y a un moyen terme, et si l'honorable M. Combes

voulait changer deux mots seulement à son amendement, je crois

que la question pourrait être posée d'une manière plus nette et

plus simple.

L'honorableM. Combes, dans son amendement, dit que le mé-

decin « statuera». Ce mot semble impliquer une décision. Nous,-

et je crois que c'est, au fond, l'avis de l'honorable M. Testelin

nous parlons d'un avis du médecin. Ce ne sera donc qu'un avis,

mais un avis qui, lorsqu'il se trouvera conforme à l'avis du mé-

468 SÉNAT.

decindetasite, aura une portée que n'auront pas les vaines in-

vestigations de pure forme avec les inconvénients de la publicité de

la chambre du conseil.

Voilà comment la question doit être posée. Et remarquez, mes-

sieurs, que si on ne la pose pas bien, les votes ne peuvent pas

intervenir d'une manière intelligente...

M. le Président. C'est un sous-amendement que vous proposez,

'monsieur de Gavardie; ce n'est pas du tout une interprétation

telle que je la pose, de la question

M. de Gavardie. Mais, monsieur le président, je prie M. Combes

de vouloir bien s'expliquer sur ce point : a-t-il entendu parler

d'une décision proprement dite ?

M. BARDOUX, Parfaitement.

M. DE Gavardie. Oh ! mais ce n'est pas vous.

M. le Président. Mais enfin, monsieur de Gavardie, on ne peut

pas interpeller ainsi ses collègues. Vous avez le droit de faire un

sous-amendement et de dire que je ne pose pas bien la question ;

vous ne pouvez pas interpeller vos collègues sur leurs intentions.

Ils ont déposé un amendement ; combattez-le ou votez-le, ou

amendez-le.

M. de Gavardie. Eh bien, je sous-amende. (Rires.) Le médecin

n'émettra qu'un simple avis.

M. LE Président. Vous avez entendu, messieurs, la proposition

de M. de GAVÀRDIE, qui consiste à rédiger ainsi, par voie de sous-

amendement, la proposition de M. Combes..« Dans la quinzaine

du placement provisoire de l'aliéné, le médecin inspecteur émettra

un avis sur le maintien dans l'asile ou sur la sortie. » Je mets

aux voix cette proposition. (Le sous-amendement, mis aux voix,

n'est pas adopté.)

M. LE Présibent. Je consulte le Sénat sur l'amendement de

M. Combes. (L'amendement, mis aux voix, n'est pas adopté.)

M. le Président. Nous arrivons alors à la disposition proposée

par la commission. Elle est ainsi conçue : » Dans les cinq jours de

la réception de ces pièces, le médecin inspecteur doit visiter la

personne placée. « Je consulte le Sénat. (L'épreuve a lieu.)

M. de GAVARDIE. Je demande qu'on mette... (Exclamations à

gauche.)

M. LE Président. Monsieur de Gavardie, le vote est commencé,

je ne puis pas vous donner la parole.

M. de Gavardie . Il y a surprise !

M. LE PrésIdent. Monsieur, je ne vous permettrai pas de pro-

noncer une pareille parole. Il n'y a pas de surprise ; je me suis

assez clairement expliqué. Tant pis pour vous si vous ne deman-

dez pas la parole en temps utile ! 1

SÉNAT. 469

M. DE Gavardie. Il n'y arien de blessant dans ce que je dis !

M. le Président. Vous n'avez pas la parole, monsieur de Gavardie.

M. de Gavardie. Oh ! vous êtes plus impatient que moi, mon-

sieur le président. (Exclamations et rires à gauche.)

M. le Président. C'est le règlement, ce n'est pas moi. Je con-

tinue l'épreuve commencée sur le 3= paragraphe. (La contre-

épreuve a lieu. Le 3° paragraphe est adopté.)

M. Le Président. Je mets aux voix le 4e et dernier paragraphe :

« Quinze jours après ce placement, il est adressé au préfet et au

procureur de la République un nouveau certificat circonstancié

du médecin de l'établissement. » (Le 4° paragraphe est adopté.)

M. le Président. Je mets aux voix maintenant l'ensemble de

l'article 20.

M. de Gavardie. Je fais remarquer que j'aurais le droit de pren-

dre la parole sur l'ensemble de l'article. J'y renonce.

M. le Président. Voulez-vous la parole, monsieur de Gavardie ?

Je suis prêt à vous la donner.

M. de G%VATIDIE. 1\'On ! non ! On dirait encore que je fais de

l'obstruction ! (Rires.)

M. LE Président. Je consulte le Sénat.

L'ensemble de l'article 20, mis aux voix, est adopté.)

M. le Président. Article 21.

Sur quelques bancs. A lundi !

M. Delsol. Cet article se confond avec celui que l'on vient de

discuter, on peut le voter immédiatement.

M. le Président. Messieurs, l'article 21 est, en effet, une consé-

quence logique et forcée de celui que le Sénat vient d'adopter.

M. de GvARDrie. Oh ! il donnera encore lieu à un débat.

M. le Président. Vous aurez la parole si vous la demandez,

monsieur de Gavardie ; il est à peine cinq heures.

M. de Gavardie. 11 vaudrait mieux renvoyer la discussion et

nous donner ainsi le temps de réfléchir !

M. le Président. Vous ne dirigez pas les débats, monsieur de

Gavardie Je consulte le Sénat sur le renvoi de la discussion à une

prochaine séance. (Le Sénat, consulté, décide que la discussion

continue.)

M. LE Président. Je donne lecture de l'article 21 : « Art. 21.

Aussitôt après les formalités prescrites à l'article précédent,

e procureur de la République adresse ses réquisitions écrites, avec

es rapports médicaux de vingt-quatre heures et de quinzaine

et l'avis du médecin inspecteur au tribunal de l'arrondissement

où l'établissement est situé. Le tribunal statue d'urgence, en

470 O SÉNAT.

chambre du conseil, sur la maintenue ou la sortie delà personne

placée. La décision de la chambre du conseil est notifiée sur-le-

rhamp au préfet et au chef responsable de l'établissement. Cette

notification doit avoir lieu dans les vingt jours à partir du place-

ment provisoire, moins que la chambre du conseil, estimatif

qu'elle n'est pas suffisamment éclairée pour statuer, ne déclare,

par un jugement motivé, qu'elle surseoit à sa décision pendant un

délai qu'elle fixe dans ledit jugement. »

M. Bozérian. Je demande à poser une question à la commission.

La décision rendue en chambre du conseil sera-t-elle suscep-

tible d'appel ?

M. DELSOL. Il y a plus loin un article qui statue sur cette ques-

tion-là.

M. le Président. Quelqu'un deutaudo-t-il la parole sur l'article

31 ? ` !

M. de Gavardie. Je demande la parole.

M. le Président. La parole est à M. de Gavardie.

M. de Gavardie. Messieurs, je ne reprendrai pas la discussion

sous une forme détournée ; cela en vaudrait cependant la peine ;

mais je voudrais adresser à mon tour une question à la commis-

sion. « Le tribunal statue d'urgence, en chambre du conseil, sur

la maintenue ou la sortie de la personne placée... » dit l'article.

- Statue d'urgence » : remarquez déjà les inconvénients de celle

déclaration d'urgence. Elle est forcée, je le reconnais; mais voilà

un tribunal qui est composé de trois juges, qui n'a qu'un seul

chef, qu'un seul membre du parquet, et un grand nombre se

trouvent dans ce cas aujourd'hui, voilà un tribunal qui, écar-

tant les affaires d'une urgence également considérable, sera

obligé de statuer d'urgence sur la question maintenue ou de sortie

des aliénés.

Voilà un chef de parquet qui est appelé à faire un transport

judiciaire ; le tribunal n'a pas de membre du parquet, il y a des

tribunaux où il n'y a pas de juge suppléant; on prend un avocat.

Mon Dieu ! je ne veux pas médire des avocats ; mais croyez-vous

qu'ils soient, la plupart du temps, bien préparés à remplacer le

ministère public dans des questions de cette gravité ? Evidemment

non. Voilà déjà un des inconvénients de cette urgence. Maintenant,

l'honorable M. Delsol disait lui-même tout à l'heure que les

chambres du conseil et leur travail sera, par cela même,

ajoutait-il, moins considérable statueront seulement sur la

question d'entrée et non pas sur la question de sortie. (Dénéga-

tions à gauche.) Vous n'avez pas retranché cela ! Je voudrais bien

avoir là-dessus l'avis autorisé de M. le commissaire du Gouverne-

ment.

Je voudrais qu'il nous d11, s'il ne recule pas devant les inconvé-

sénat. 47'1

nients de cette multiplicité de jugements rendus. Sur la question

d'entrée, encore peut-on dire, jusqu'à un certain point, que la

liberté individuelle peut avoir quelques craintes, quelques risques

à courir; mais pour la sortie, lorsque la multiplicité d'agents qui

surveilleront aura pu s'exercer, vous n'aurez plus aucune espèce

de craintes à avoir au sujet de la liberté individuelle. Vous restez

donc en face de celte masse effrayante" d'entrées et de sorties.

M. DEllOLE, garde des sceaux, ministre de la justice. Il n'y a

pas de jugement de sortie. Lisez l'article 27.

M. le Rapporteur. C'est le même jugement...

111. le Président. N'interrompez pas, monsieur le rapporteur,

je vous en prie.

M. DE Gavardie. L'article dit : « Jugement sur la maintenue et

la sortie. » Mais, si vous l'entendez comme cela, je suis bien aise

de votre interruption, et là je vous prends ! (Rires.) Vous voulez...

Véritablement, messieurs, on a besoin de se contenir (Nouveaux

rires) dans des circonstances comme celles-là, quand on voit des

hommes graves venir émettre celte prétention exorbitante que

ce sera le même'jugement entendez bien cela. Les races

futures ne le croiront peut-être pas ! ... (Hilarité.) Mais... non,

messieurs que ce sera, dis-je, le même jugement qui statuera

sur la question d'entrée et de sortie ! 1

M. Munier. Si l'individu n'est pas maintenu, il sortira ! Ce sera

l'un ou l'autre. Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée ! 1

M. LACOMXE. Il sera maintenu s'il ne sort pas; c'est le même

jugement qui statue !

M. de Gavardie. Comment ! mon cher collègue, vous qui faites

preuve... (Interruptions.)

M. le Présidnet. Je vous en prie, messieurs, n'interrompez pas

l'orateur. Vous n'arriverez'pas à le convaincre... (Rire général)

surtout par des interruptions.

M. DE Gavardie Ah ! par des interruptions, à la bonne heure !

Mon cher collègue, ayez la bonté de suivre un peu mon raisonne-

ment. J'ai une grande déférence pour votre opinion, mais vous

me troublez un peu par votre interruption ; je croyais que vous

étiez absolument de mon avis. (Nouveaux rires.) Ayez donc la

bonté de suivre mon raisonnement. Vous dites que c'est le même

jugement qui statuera il faut que je relise les termes de la

disposition a ... sur la maintenue ou la sortie ». Sur la main-

tenue, jusqu'à un certain point, je le comprends, car enfin on

n'amènera pas devant le tribunal un homme -qui n'aura pas

donné des signes d'aliénation mentale, évidemment; mais com-

ment voulez-vous que, séance tenaille, on statue sur un simple

interrogatoire ? J'en ai vu, et je sais ce que c'est. Quant aux inouï-

472 1-) SÉNAT.

bres de la commission, ils n'ont jamais assisté à un interrogatoire

judiciaire; aucun d'eux, pas même l'honorable M. Delsol, qui est

un excellent professeur de droit, mais qui ne sait pas ce que c'est

qu'un interrogatoire judiciaire... (Hilarité.)

M. DELSOL. Vous vous trompez à la fois, mon cher collègue, et

sur ma profession et sur mes connaissances pratiques.

M. le Président. Ce n'est pas la première fois, monsieur Delsol.

(Nouveaux rires.) Continuez, monsieur Gavardie.

M. de Gavardie. Vous savez, monsieur Delsol, combien j'ai d'es-

time pour vous...

M. DELSOL. J'en suis très honoré.

M. DE Gavardie... Mais vous n'êtes pas ce qu'on appelle un

homme pratique (Hilarité générale)... au point de vue judiciaire.

M. Emile LENOFL. Qu'a-t-il donc fait pendant vingt ans à la

barre ?

M. le Président. Monsieur de Gavardie, cessez ces colloques de

collègue à collègue. Cela n'a rien à voir avec le débat.

M. de Gavardie. Il n'y a pas grand inconvénient...

M. le Président. Vous faites perdre son temps au Sénat, cela

est suffisant. (Très bien ! à gauche.)

M. de Gavardie. Je suis fâché que vous le preniez comme cela,

monsieur le président. (Rires.) Car enfin, s'il est permis à un pré-

sident d'intervenir, je ne tolérerai jamais des interventions de ce

genre... (Protestations et interruptions àgauche.) On prétend que

c'est moi qui donne naissance aux conflits. Si je pouvais rappeler

les précédents, je démontrerais que jamais la première responsa-

Liiité n'est venue de moi. Il me serait facile de le prouver, vous

vouliez me donner le temps de le faire... (Dénégations et rires sur

les mêmes bancs.,)

M. le Président. Revenons à la discussion de l'article 21 , je vous

prie, monsieur de Gavardie.

M. de Gavardie. Je continue ma discussion et je vous remercie,

monsieurle président, de comprendre que je suis absolument dans

l'exercice de mes droits et de mon devoir. Je dis, messieurs, que

vous devez être éclairés par l'impossibilité matérielle et morale

de statuer, dans une même séance et par un même jugement, sur

une question de maintenue ou de sortie.

M. Munier. Mais c'est l'un ou l'autre, on maintiendra ou on fera

sortir, cela est clair !

Sur plusieurs bancs. C'est évident !

M. le Président. Messieurs, je vous en conjure encore une fois,

n'interrompez pas, vous prolongez inutilement le débat.

sénat. 473 3

111. DE Gavardie. J'ai commencé à vous expliquer que le tribunal

n'aura, dans la plupart des cas, aucun élément d'appréciation

pour savoir s'il peut prendre cette décision dangereuse de remettre

hic et nunc, en libellé un homme qui va peut-être, en sortant du

tribunal, commettre un crune ou un délit. Jamais un tribunal

n'osera, dans une même séance, prendre une détermination de ce

genre, et voilà pourquoi l'honorable M. Delsol disait c'est le

bon sens qui lui arrachait cette concession à l'opinion que je

défends -que le tribunal n'interviendrait que pour la maintenue,

mais qu'il n'interviendrait pas à ce moment-là pour la sortie. z

M. Munier. Vous faites une confusion perpétuelle ! Encore une

fois, si l'individu n'est pas maintenu, il faut qu'il sorte, il n'y a

pas d'autre alternative ! (C'est cela ! Très bien ! à gauche.)

M. le Président. Si vous persistez à interrompre, messieurs, je

serai obligé de recourir au rappel à l'ordre.

M. de Gavardie. Je ne suis pas bien compris; évidemment, je

m'explique mal, mais vous concevez qu'avec ces interruptions on

est exposé à s'exprimer imparfaitement, fatigué surtout comme

je le suis. Je dis quelle tribunal n'aura pas entre les mains les

éléments d'appréciation nécessaires pour ordonner la mise en

liberté, voilà ce que je dis, et vous aurez cette multiplicité de

jugements que je redoute et sur laquelle l'honorable M. Combes

et l'honorable M. Testelin se sont exprimés si énergiquement.

Voilà, messieurs, les inconvénients que présente cet article, et

c'est pour cela que je vous demande de vouloir bien ordonner son

renvoi à la commission pour qu'elle puisse aviser. (Aux voix ! aux

voix ! )

M, le Président M. de Gavardie demande le renvoi de l'article à

la commission. Je consulte le Sénat sur cette proposition. ( Le ren-

voi à la commission n'est pas ordonné.)

M. Lacombe. Je demande la parole.

M. le Président. La parole est à M. Lacombe.

M. Lacombe. Messieurs, ce n'est pas du tout dans l'intention de

me placer au même point de vue que l'orateur qui descend de la

tribune que j'ai demandé la parole.

Je me bâte, de plus, de dire que je n'ai pas l'intention d'infliger

au Sénat un discours, ni même de lui apporter un amendement.

Mais, j'eslime que la rédaction de l'article 21 appelle quelques

observations, et je crois utile de les soumettre à la commission,

pour que, dans l'intervalle qui s'écoulera entre la ira et la 2e dé-

libération, elle voie ce qu'elles peuvent avoir de fondé.

L'article 21 organise la compétence de la chambre du conseil.

Il veut- etje suis d'accord avec lui que la chambre du conseil

ait à statuer sur les cas d'internement dans les asiles d'aliénés.

474 -Ik SÉNAT.

Sans doule, on aurait pu faire une objection autre que celle faite

par l'honorable M. Combes dans son amendement. On aurait pu

dire : Mais enfin, y a-t-il une grande utilité à ce que le tribunal

statue, même lorsqu'il n'y a pas de contestation portée devant lui ?

M. de Gavardie. Tout est là ! 1

M. Lacombe. On aurait donc pu dire : Dans le cas où il n'y a pas

de contestation, le jugement que vous prévoyez ne sera qu'un

jugement d'homologation. Y a-t-il grand intérêt à ce que ce juge-

ment d'homologation soit rendu ? C'était une question, et cette

question pourra encore être soulevée au moment de la 2e délibé-

ration ; mais ce n'est pas celle sur laquelle je veux rappeler en ce

moment, d'une manière spéciale, l'attention de la commission.

Je me place dans l'hypothèse d'une contestation, et j'admets

que la chambre du conseil doive statuer. Il me semble que la

commission, en prévoyant cette jurisprudence spéciale, ne l'a pas

organisée d'une manière complète. Il faut que l'instance qui se

déroulera devant le tribunal et qui portera sur les intérêts les plus

importants des justiciables, soit sérieuse, et, pour qu'elle le soit,

on doit, dans la mesure du possible, faire appel à la contradiction.

Or. qui pourra jouer le rôle de contradicteur devant la chambre

du conseil ? On me répondra peut-être : Celui qui voudra. Je dis

que la réponse ne serait pas satisfaisante. 11 faut appeler expres-

sément devant le tribunal les personnes auxquelles revient de

droit le rôle de contradicteur. Il y a une personne immédiatement

désignée, c'est celle dont l'internement est demandé et dont les

rédacteurs du projet de loi ont voulu protéger la liberté indivi-

duelle. Vous ne pouvez pas, selon moi, décider une question de

cette nature sans appeler l'intéressé devant la chambre du conseil.

C'est ce que le projet de loi n'a pas prévu. Et cependant, il n'y

avait pas d'hostilité systématique dans la commission contie ce

système; car, dans un article ultérieur, s'occupant de la manière

dont le malade détenu dans une maison d'aliénés devra être tra-

duit devant les tribunaux, elle a décidé qu'il serait assigné en la

personne de son administrateur provisoire, sauf pour le cas d'urler-

diction, car, dans ce cas, il devra en outre être remis à l'aliéné

lui-même une assignation personnelle.

Il me semble que si vous appelez ainsi l'aliéné lui-même, per-

sonnellement, à être partie dans le jugement qui doit prononcer

sur son interdiction, vous devez, au même degré et par les mêmes

motifs, sinon par des motifs plus graves encore, l'appeler à figurer

contradictoirement dans un jugement statuant sur son interne-

ment dans une maison d'aliénés. Ce jugement, il est vrai, ne sta-

tuera pas sur l'interdiction pioprement dite, mais il aura à peu

près les mêmes effets et il privera celui qui en sera l'objet de la

capacité civile à peu près de la même manière.

SENAT. k 1 O

M. de Gavardie. C'est forcé ! 1

M. Lacombe. Il serait donc nécessaire, selon moi, que l'article

21 disposât que l'aliéné sera appelé à intervenir devant la chambre

du conseil et à y présenter ses moyens de défense. Je voudrais,

de plus, qu'on admit à intervenir devant cette juridiction toutes

les personnes auxquelles la loi civile donne le droit de provoquer

l'interdiction d'un membre de la famille. Ici, il ne s'agit plus

d'assigner un contradicteur devant le tribunal, mais de lui réserver

simplement le droit d'intervenir. Le législateur a, en effet, compris

que les instances en interdiction ne pouvaient pas être soumises

aux règles habituelles des autres instances portées devant les

tribunaux, et il a admis que les parents de la personne qu'il s'agit

d'interdir pourraient toujours demander l'interdiction.

S'ils peuvent provoquer cette mesure, à plus forte raison peu-

vent-ils intervenir dans une instance en interdiction engagée soit

par un tiers, soit par le procureur de la République, auquel la loi

reconnaît le droit de la provoquer en certain cas. Il me semble,

par conséquent, nécessaire que le projet en discussion autorise,

d'une manière expresse; les parents de l'aliéné à intervenir.

M. Munikr. C'est le droit commun !

M. Lacombe. Non, mon cher collègue, ce n'est pas le droit com-

mun. Si vous consultez les jurisconsultes qui siègent dans cette

assemblée, je crois qu'ils seront unanimes à vous dire que ce n'est

pas le droit commun, et qu'une disposition formelle est nécessaire,

parce que ceux qu'il s'agit d'autoriser à intervenir ne sont ni par-

ties dans l'instance, ni personnellement intéressés. En tout cas,

il vaudrait mieux insérer dans la loi une disposition inutile que

d'en omettre une essentielle.

On me dira peut-être qu'au lieu d'inscrire dans l'article 21

diverses dispositions de détail comme celles que je réclame, il serait

plus simple de déclarer que les règles de la procédure en inter-

diction seront applicables au cas prévu dans cet article ; si la

commission consent à ce changement, elle donnera satisfaction,

d'une manière complète, aux observations que je viens de pré-

senter.

M. DELSOL, membre de la commission. Je demande la parole.

M. le Président. La parole est à M. Delsol.

M. DELSOL,. Messieurs, la commission pensait avoir rédigé l'ar-

ticle 21 dans des termes assez larges pour donner satisfaction aux

préoccupations que mon honorable collègue et ami M. Lacombe

vient d'apporter à cette tribune. Notre pensée, quia été parfaite-

ment conforme au déir qui nous a été exprimé par le président

du tribunal civil, lorsqu'il a bien voulu venir dans la commission,

notre pensée, dis-je, a été que la chambre du conseil aurait toute

476 6 sénat.

latitude pour prendre toutes les informations qu'elle jugerait

nécessaires, afin de statuer en connaissance de cause sur l'état

mental de l'aliéné ou prétendu tel;qu'elle pourrait, en conséqence

le faire comparaître ou, si cette comparution présentait des incon-

vénients, le faire itiletrogei- par un juge, dans rétablissement

public ou privé où il-se trouvait ; qu'elle pourrait demander des

renseignements à sa famille, notamment sur le but visé par la

personne qui demande le placement de l'aliéné, sur la moralité

de ce placement même. La chambre du conseil, dans notre inten-

tion, aurait la fncullé de demander tous ces ienseignemenls, et

de les demander à qui elle voudrait.

M. de Gawrdie. Ce n'est donc pas aussi simple que vous le di-

siez !

M. DELSOL. Si toutefois on craint qu'il ne se produise quelques

difficultés d'application, notamment en ce qui concerne l'inter-

vention des parents qui viendraient prendre fait et cause pour le

prétendu aliéné, la commission est disposée à accueillir un amen-

dement qui serait rédigé en vue de parer à ces difficultés par

notre honorable collègue, et à la seconde lecture elle proposerait

à l'approbation du Sénat une rédaction modifiée qui donnerait

satisfaction à M. Lacombe.

M. 1,ACOMBE. En présence des explications qui viennent d'être

données, je me déclare satisfait, et d'ici à la 2° délibération je

présenlerai en amendement en ce sens qui sera, je l'espère, ac-

cepté par la commission, ainsi que l'honorable M. Delsol vient de

le déclarer en son nom.

M. DE Gavardie, de sa place. Je tiens à faire remarquer qu'il ne

peut pas dépendre de la volonté d'un tribunal de confirmer une

mesure qui doit toucher la personne et les biens, car c'est là

votre prétention, de prendre une décision quelconque en une

matière si grave, sans que l'intérressé soit présent ou représenté.

On ne peut pas laisser un tribunal juge de la question de savoir si

l'individu prétendu aliéné comparaîtra on ne comparaîtra pas.

M. le Président. Vous revenez au texte de l'amendement de

M. Lacombe, et M. Lacombe a reçu satisfaction, puisque la com-

mission déclare qu'elle examinera sa proposition entre la l le et

la 2° délibération.

M. DE Gavardie. Mais non, monsieur le président.

M. LE Président. Si vous voulez prendre la parole, montez 1 la

tribune, monsieur de Gavardie.

La parole est à M. de Gavardie.

M. de Gavardie. Voici la déclaration qui a été faite par l'hono-

rable M. Delsol. Le tribunal, quand il le croira nécessaire, fera

comparaître le prétendu aliéné. Or, fous les tribunaux du monde,

SENAT. ? 1 -1

lorsqu'ils ont à rendre une décision intéressant la liberté et les

biens d'une personne, tous les liibunaux du monde, dis-je, déci-

dent que si celle personne, en raison de circonstances paili-

culières, ne peut pas comparaître, elle sera représentée par un

avocat. C'est tellement vrai, qu'on nomme, dans certaines cir-

constances, des avocats d'office. S'il n'y avait pas d'avocat pour

représenter l'aliéné, il faudrait que le tribunal en nommât un

d'office ; voilà la vérité judiciaire, voilà la vérité légale, que la

commission foule aux pieds...

M. Delsol. Ce que vous dites est exact en matière criminelle.

M. Il n'y a pas toujours d'avocat en chambre .du cou-

seil.

M. de Gavardie. Vous dites, mon cher collègue, qu'il n'y a pas

toujours d'avocat en chambre du conseil. Mais, c'e.-t parce qu'il

ne s'y agite pas toujours des questions aussi graves que celle-là.

D'ailleurs, un avocat a toujours le droit de se présenter à la

chambre du conseil, vous le savez bien. Permettez-moi, pour le

démontrer, cette petite anecdote. (Murmures à gauche.)

Un sénateur à droite. Nous écoutons.

M. de Gavardie. Un jour, les membres d'un tribunal se chauf-

faient à la chambre du conseil : survient un avocat ; les magis-

trats ne se dérangent pas. Alors, l'avocat leur dit : Messieurs, je

suis appelé à parler par devant le tribunal, et non par derrière.

(Rires.) Je rappelle cette anecdote pour vous prouver que les avo-

cats ont le droit d'entrer à la chambre du conseil. (Bruit et inter-

ruptions à gauche.) Monsieur le président, vous entendez ? ... Il

faut que je sois bien calme ! ...

M. le Président. Je n'ai rien entendu.

M. de Gavardie. Pour moi, j'ai l'oreille fine. Mais c'est toujours

comme cela, et toujours du même côté, remarquez-le bien. De

ce côté (L'orateur désigne la droite), jamais ; au centre... presque

jamais (Hilarité); mais là... (L'orateur montre la gauche), perpé-

tuellement.

Un sénateur à gauche. C'est à l'état chronique.

M. de Gavardie. A l'état chronique ? ... J'allais dire une méchan-

ceté ; mais j'en ai dit assez, et je la retiens. (Sourires.) Je reviens

à la question, qui me parait extrêmement grave. Voyez, mes-

sieurs, l'inconvénient de toucher à celte loi de 1838, dont l'hono-

rable M. Testelin faisait un magnifique éloge, un éloge si juste t

Vous allez sacrifier la liberté individuelle que vous voulez proté-

ger. Vous organisez un semblant de justice ; ce sera pour la forme

qu'on se présentera devant la chambre du conseil. Mais vous serez

arrivés à cette barbarie, - lion seulement par les débats inévi-

tables qui auront lieu à la chambre du conseil et qui passeront

478 S sénat.

quelquefois par la fenêtre, mais aussi par la nécessité de l'eure-

gistrement de toute décision judiciaire, à cette barbarie, dis-

je, de'mettre et de laisser les secrets de famille entre les mains

des petits expéditionnaires ! Voilà ce que vous faites ! Eh bien,

en présence de pareils inconvénients, alors que M. le commissaire

du Gouvernement vous disait que jamais et c'est vrai un

abus ne s'était produit, je ne comprends pas que des hommes

sensés, sérieux, viennent bouleverser une législation éprouvée par

une expérience décisive, et trancher, au mépris des droits les

plus sacrés, des questions de cette gravité par des dispositions qui

tourneront même, la plupart du temps, contre les intérêts des

aliénés.

Savez-vous en effet quel précédent vous allez créer ? Lorsqu'il

s'agira et on est presque toujours obligé d'en venir là, à un

moment ou à un autre lorsqu'il s'agira de faire prononcer

l'interdiction, les magistrats devant lesquels la demande sera

portée se seront d'avance prononcés, et cela, à un moment où ils

ne le pouvaient réellement pas, au début de la maladie; car,

remarquez-le bien, c'est au début de la maladie que vous voulez

appliquer ce système monstrueux, alors que les magistrats sont

absolument incompétents ! Vous leur aurez fait prendre une déci-

sion qui pèsera, dans la suite, sur leurs résolutions, qui leur enlè-

vera la liberté définitive de leur jugement ! 1

Messieurs, plus j'examine la disposition proposée, et plus je

suis convaincu que c'est le bouleversement de toutes les garanties

de la liberté individuelle, le sacrifice complet de l'intérêt des

familles et de leurs biens, dont vous prétendez vous préoccuper. En

vérité, je necomprendrais pas que le désir de précipiter vos délibé-

rations vous empêchât de renvoyer un pareil article à la coni-

M. ROGEI2-iIItVAISE. Messieurs, je voudrais appeler l'attention

du Sénat et celle de la commission sur la rédaction même de

l'article en discussion, en priant la commission de n'apporter à

cette rédaction aucune modification, et de ne pas accueillir sur-

tout les observations qui ont été présentés, il y a un instant, par

l'honorable M. Lacombe. Voici pourquoi : Je crois que dans la

discussion qui a eu lieu devant le Sénat à l'occasion de cet article 21,

on a considérablement amplifié la portée de cette disposition

et qu'on a perdu un peu de vue le rôle qu'est appelé à jouer le

tribunal en pareille circonstance. A mon sens, la garantie que

l'on demande à l'intervention de l'autorité judiciaire consiste

beaucoup moins dans l'appréciation de l'état mental de la per-

sonne en cause que des circonstances dans lesquelles l'aliéné ou

celui qu'on prétend aliéné entre dans un hospice. C'est l'appré-

ciation de ces circonstances qu'on a voulu lui.donner au tribunal,

afin de constituer une garantie réelle en faveur de cet aliéné, ou

sénat. 479 9

prétendu tel. Mais si vous faisiez iulerven,r à ce moment dans la

procédure l'intéressé aliéné lui-même, si vous l'appeliez devant t

le tribunal, est-ce que vous ne vous arrêteriez pas devant toutes

les difficultés en présence desquelles on se trouverait ? On vous

citait, notamment, que dans les départements de la Seine il y

avait 3,000 personnes qui peuvent être appelées à entrer dans un

hospice d'aliénés.

M. LE Rapporteur. Il y en a près de 4,000.

M. Roger-Mvrvaise. Voyez-vous, le tribunal obligé de faire venir

devant lui toutes ces personnes qui pourraient entrer dans un

hospice d'aliénés ?

M. L1COVBE. Je n'ai jamais demandé cela.

M. de Gavardie. Vous violez les principes, si vous ne le faites

pas.

M. Roger-Marvaise. Messieurs, je trouve que toute garantie est

donnée à l'aliéné dans un article ultérieur du projet, dans l'ar-

ticle 50, et c'est sur cet article que je voudrais appeler immédia-

tement attention du Sénat.Voici dans quels termes est, en effet,

conçu le premier paragraphe de cet article : « Toute personne

retenue dans un établissement d'aliénés ou toute autre personne

intéressée peuvent, à quelque époque que ce soit, se pourvoir

devant le tribunal du lieu où est situé l'établissement, qui, après

les vérifications nécessaires, ordonne, s'il y a lieu, la sortie im-

médiate. Il suffit, à cet effet, que le réclamant adresse une demande

sur papier libre au procureur de la République, qui doit, sans

retard ,en saisir la chambre du conseil. »

M. de Gavardie. Vous confondez deux des périodes ; il s'agit ici

du début...

M. LE Président. Monsieur do Gavardie, je vous prie de garder

le silence.

M. llocrn-llnvatse. Je ne confonds pas le moins du monde les

différentes périodes, je dis que, dans cette article 30, des

garanties, et des garanties sérieuses sont données à la personne

aliénée.

M. de Gavardie. Après coup !

M. Roger-Marvaise. Mais nous sommes à un moment où il faut

que le tribunal marche vite. Il doit statuer d'urgence : car c'est

une mesure, en quelque sorte d'administration que l'on sollicite de

lui. On lui demande, en effet, d'apprécier les circonstances dans

lesquelles l'internement provisoire doit être prononcé, et si vous

organisez tout un système de procédure, vous enrayez nécessaire-

ment le tribunal dans l'accompplisement de son devoir qui est,

avant tout, un devoir d'administration.

t80 SÉNAT.

Je mc roppcllc rl i';r nn eeiiain moment, il y a eu des arrestations

arbitraires qui ont fait beaucoup de bruit. Certaines personnes

dont on voulait se débarrasser ont été enfermées dans des asiles

d'aliénés. Le tribunal n'intervenant pas, on avait produit tout

simplement un certificat de médecin; les personnes avaient

disparu et étaient restées enfermées pendant un certain temps

dans des hospices d'aliénés. Est-ce que vous croyez que ces

arrestations auraient été possibles avec l'intervention du tribunal ?

Est-ce que cette intervention n'est pas une garantie sérieuse pour

la personne que l'on prétend enfermer comme aliénée ? La

mission du tribunal, en pareille circonstance, ne consiste pas

tant à apprécier l'état mental de la personne que les circonstances

dans lesquelles l'internement provisoire est airectué, C'est pour

cela que, quant à moi, je me contente absolument du texte de la

commission et que je la prie de ne pas organiser tout un système

de procédure qui ne ferait, je le répète, qu'enrayer le tribunal

. dans l'accomplissement de la mission qui lui est confiée. (Très

bien ! très bien ! )'

M. de Gavardie. Je prie le Sénat de retenir un mot qui est la

condamnation du système de la commission. L'honorable

M. Roger-Marvaise, qui est un esprit pratique, vous a dit : « Le

tribunal prendra une mesure d'administration ! » C'est monstreux !

Cela suffit pour montrer ce que vaut la proposition de la

cornmssiou. Elle est jüâée !

M. LE Président. Personne ne demande plus la parole sur

l'article 21 ? ... Je consulte le Sénat. (L'article 21, mis aux voix,

est adopté.)

M. LE Président. Nous avions ' réservé un amendement de

M. Bardoux sur l'article Il ; mais je crois que complète satis-

faction lui est donnée par le vote de l'article 21.

M. le Rapporteur. M. Bardoux n'est pas présent en ce moment;

mais, comme vient de le dire M. le président, la commission lui

a donné satisfaction.

Voix nombreuses. A lundi !

M. le Président. On demande le renvoi de la discussion. (Oui !

oui ! ) Il n'y a pas d'opposition ? ... La suite dé la discussion est

renvoyée à la prochaine séance.

BIBLIOGRAPHIE

Xi. Considérations sur les épilepsies particulières;

par M. Bigorre. Th., Paris, 1887.

Il s'agit dans ce travail d'un résumé succinct et incomplet des

connaissances actuelles sur l'épilepsie partielle. Il s'y trouve ce-

pendant quelques observations assez intéressantes. Je note à ce

point de vue deux cas d'ataxie locomotrice au cours desquels sont

survenues des convulsions jaksonniennes. Malheureusement,

quoique la terminaison ait été fatale, il n'est pas question d'au-

topsie, en sorte que les hypothèses de l'auteur concernant la pa-

thogénie des attaques n'offrent qu'une valeur discutable. P. B.

XV. Contribution à l'élude des troubles médullaires chez les cithéi,o-

. rnateux; par M. Copin. Th., Paris, 1887.

L'auteur essaye la différenciation des diverses affections con-

fondues à tort, à son avis, en anatomie pathologique et en cli-

nique sous le nom de moelle sénile, et étudie en particulier la

myélite dépendant de l'artério-sclérose. Contrairement à l'opinion

de M. Démange, M. Copin n'admet pas que l'artério-sclérose soit

fonction de sénilité ; cette lésion n'existe pas dans tous les cas, et

quand elle apparaît', est d'ordre irritatif.

Il y a donc heu de distinguer une régression simple des tubes

médullaires s'accompagnant d'un léger degré de sclérose secon-

daire, et une autre altération bien différente qui consiste en une

sclérose diffuse liée à la localisation spinale de l'artério-sclérose

généralisée. La première de ces lésions à laquelle seule convient

le nom de moelle sénile est une hypoplasie, qui se rapproche des

dégénérescences spinales secondaires. La myélite scléreuse d'ori-

gine artérielle au contraire, est une hyperplasie, une véritable

myélite, analogue au processus histologique de la sclérose en

plaques et du tabes.

Les principales formes cliniques qui expriment cette altération

de la moelle sont : l'affaiblissement progressif des vieillards, la

contracture tabétique progtessive et les complexus symptoma-

tiques simulant les scléroses systématisées de la sclérose en pla-

ques. P. B.

Archives, t. 11'1. 31

482 BIBLIOGRAPHIE.

XVI. La circonvolution de Broca; par M. le Dr Georges Hervé.

Paris, Lecrosnier et Bahé, éditeurs, 1888.

Une étude de morphologie cérébrale qui intéressera au plus haut

point les lecteurs des Archives de Neurologie sera certainement

le mémoire de notre maître et savant ami, M. le Dl Georges

Hervé, professeur à l'Ecole d'anthropologie, secrétaire général

adjoint de la Société d'anthropologie de Paris. Ce travail, dédié au

professeur Mathias Duval, constitue une monographie des plus com-

plètes sur la principale circonvolution cérébrale, la Bi,ocit's circon-

volution des Anglais. L'auteur a laissé de côté volontairement la

physiologie et la clinique de cette portion si importante de l'é-

corce et n'a voulu s'occuper que du côté anatomique du sujet.

Déjà Duret avait décrit la circulation autonome de cette circonvo-

lution, Belz sa structure intime ; M. Hervé a pensé à bon droit

qu'il y aurait grand intérêt à comparer la troisième frontale chez

les divers groupes ethniques, à l'étudier aux différentes phases de

son évolution formatrice, aussi bien dans la série animale que

chez l'embryon humain.

Ce point en particulier méritait toute l'attention, puisque

l'homme seul possède le langage articulé. Trouverait-on, chez

l'animal, quelque chose d'analogue à ce qu'il y a chez l'homme ?

Peut-on saisir sur le cerveau plus ou moins fruste des mammi-

fères quelque indice de la circonvolution de Broca ?

M. Hervé s'est attaché à l'étude de ces questions, en s'appuyant,

avec la conviction qui règne à l'Ecole d'anthropologie, sur les

données de la doctrine transformiste et a pleinement réussi.

Dans une série de chapitres très fournis de faits et d'idées origi-

nales, il a traité successivement de la circonvolution de Broca

chez l'homme adulte, puis chez le foetus humain et chez les pri-

mates ; il termine par des considérations très curieuses sur cette

circonvolution chez les êtres inférieurs et chez les intellectuels.

Quatre magnifiques planches, en outre des figures intercalées dans

le texte, permettent de suivre les descriptions anatomiques les

plus minutieuses. Citons seulement les principales conclusions de

cet ouvrage, que tout neurologiste devra lire en entier. Le type

cérébral primitif des primates est un type à deux et non à trois

étages frontaux, et la circonvolution de Broca n'apparaît dans la

série animale qu'à partir des anthropoïdes, en même temps que

la branche horizontale antérieure de la scissure de Sylvius. Elle se

forme par dédoublement du second étage frontal primitif. Cette

circonvolution de Broca constitue en réalité chez les anthropoïdes

et chez l'homme une quatrième frontale, car la seconde frontale

des classiques comprend deux circonvolutions. Chez le foetus, le

développement de la circonvolution de Broca reproduit le déve-

loppement dans la série zoologique. Celle du côté droit apparaît

BIBLIOGRAPHIE. 48 ! !

presque toujours plus tôt. Chez l'adulle, elle se prolonge nette-

ment sur le lobule orbitaire. En s'y réunissant en un point de

convergence commun, elle forme te p6lc fro>zGul,situé à l'extrémité

postérieure du sillon olfactif. Nous attirons spécialement l'atten-

tion des médecins sur les dernières conclusions : chez les micro-

céphales, celle circonvolution est ou bien absente (ler type) ou

bien rudimentaire comme chez les anthropoïdes (type simien

ou 2° t\po),ou presque normale (3° type). Chez les idiots, les im-

béciles, les sourds-muets, de même que dans certaines races

humaines inférieures, elle est atrophiée, rudimentairc ou arrêtée

dans son développement. Chez les intellectuels, (c'est là un des

chapitres les plus nouveaux de cette tlivse),11. Hervé a montré que

la complexité morphologique du centre de Broca est d'une façon

générale corrélative à la puissance de la fonction. Pour l'établir,

il se base sur les descriptions des cerveaux de Cuvier, Asseline,

Assézat, Condereau, Bertillon, et surtout de Gambetta'. 1.

Marcel BAUDoutx.

XVII. L't folie chez les enfants; par le Dl Paul Moreau (de Tours).

J.-B. l3aillière, ISSS.

Le litre de cet ouvrage ne correspond pas précisément à ce

qu'on y trouve, car l'auteur ne s'est pas borné à nous parler des

formes que la folie affecte chez les enfants, mais aussi de tous les

troubles nerveux qu'ils peuvent présenter tels que convulsions,

tics, bâillements et rires nerveux, hoquet, etc., etc. La première

partie de l'ouvrage traitant des causes do la folie dans l'enfance

a reçu de grands développements. Par contre, l'étude des modifi-

cations que la folie subit quand elle survient chez l'enfant tient

une moins grande place que le titre ne permettrait de l'espérer.

De nombreuses observations sont intercalées dans le texte, mais

empruntées pour la plupart à des auteurs anciens elles ne pré-

sentent pas la rigueur scientifique qu'on a l'liallude de leur

demander aujourd'hui et ont plutôt un caractère anecdotique.

Elles n'en présentent certainement pas moins beaucoup d'intérêt;

mais on est surpris de ne pas voir cités à propos de certains cha-

pitres comme l'idiotie, l'épilepsie, le crétinisme, l'imbécillité,

etc., etc., les médecins qui s'en occupent le plus de nos jours.

Très complet et très consciencieux en tout ce qui touche aux

affections nerveuses et mentales des enfants, cet ouvrage pourra

toujours être consulté avec fruit. Un style clair et élégant en

rend du reste la lecture facile et attrayante. il. S.

Voir iii lli,ogi,ès )îzétlical, 11- 30, p. 611, 1886, un irticle q(ie nous

avons publié sur le Cerveau, de Gambelta, d'après la desciiptiou du nolro

clrcr mailre, \I. lo l' 1)uval. (\I. U.)

484 BIBLIOGRAPHIE.

XVI 11. Manuel de mélallolhérapie et de métalloscopie ; par

le DT Moricourt. Lecrosnier et Babé, 4888.

Le DTllforicourt qui a été le chef de clinique du Dr Burq rend

aujourd'hui hommage aux idées et aux découvertes de son maître

en les exposant dans ce manuel. Après avoir exposé les phases

par lesquelles la métaltothérapie a passé avant de former un

corps de doctrine et avoir décrit les différents instruments du

Dr Burq, l'auteur expose les différentes théories proposées par

l'interprétation des phénomènes métatfoscopiques. Dans la

seconde partie de son livre, il en vient alors aux applications de

ces phénomènes à la thérapeutique. Trois catégories de maladies

seraient justiciables de la ni étal 1 otliérapie les affections ner-

veuses, le diabète, et les maladies parasitaires, épidémiques ou

contagieuses. 11 est permis de faire des réserves pour les deux

dernières classes. Mais il n'est pas douteux que dans certains cas

d'affections nerveuses, les métaux appliqués d'une façon rationnelle

ne produisent d'excellents résultats, et le manuel du Dr Moricourt

sera certainement utile à ceux qui voudront expérimenter la mé-

tallothérapie ou l'employer. P. S.

â IS. La descendance des alcooliques ; par Combemalle.

L'auteur débute par une élude sur l'hérédité en général qu

n'est que le développement de la récente thèse d'agrégation de

Déjeune.

L'hérédité physique et psychique y sont envisagées et forment

une transition à l'hérédité dans les maladies. Vient ensuite une

revue des lésions causées par l'alcoolisme et il prend le terme

d'alcoolisme dans son sens le plus large sans s'attacher a distin-

tinguer les effets produits par les divers alcools et les essences.

L'étude des effets physiologiques et pathologiques de l'alcool est

faite d'après Magnus Iluss, Lancercaux, Yetautt, Leudet, etc.

L'auteur admet des lésions de stéalose portant sur toutes les

glandes; des plaques d'athérome à tous les degrés dans les artères,

la pachyméningite et la périencéplialile. La résistance inégale des

différentes races à l'alcoolisme est esquissée à propos des Austra-

liens, des Hottentots et des Peaux-rouges.

Dans sa seconde partie, l'auteur aborde l'étude de la descen-

dance des alcooliques. Après avoir envisagé ce qu'ondoitentcndre

par dégénérescences, après avoir montré qu'elles peuvent être

géographiques, climatériclues ou sociales, M. Combemalle isole un

groupe de dégénérescences toxiques; il montre que l'étude de ces

dégénérescences a de tout temps attiré l'attention des hygiénistes,

des philosophes et des médecins et cite à ce propos les Cartha-

ginois, les Romains et les Mahometans. Ce n'est que récemment

BIBLIOGRAPHIE. 1183

que la folie héréditaire a été isolée et que l'alcool en a été re-

connu le facteur étiologique le plus important.

Par quel mécanisme l'alcool agit-il sur la descendance ? Ce

serait en atrophiant les testicules elles ovaires. L'auteur rappelle

une observation de dément dont le père était alcoolique,

et en état d'ivresse au moment de la procréation. L'auteur

aborde ensuite l'étude des effets de l'alcoolisme sur la progé-

niture et rappelle la note à l'Académie des sciences qu'il a

présentée avec M. Mairet. Une chienne prend pendant vingtetun

jours de deux à quatre grammes d'absinthe ordinaire par jour et

par kilogramme; elle a six chiens, un mort-né, un n'a qu'un tes-

ticule descendu, leur intelligence à tous n'est pas à la hauteur de

celle de la mère. Une chienne, fille de la précédente, sans avoir

été alcoolisée a deux chiens et une chienne, le premier animal

est chétif, le second meurt après quelques jours d'athrepsie le

troisième meurt le lendemain de la mise bas; il a des anomalies

de développements multiples, gueule de loup, coeur à droite,

pied droit antérieur en varus, quelques orteils de cette patte sont

atrophiés. Un chien est intoxiqué avec de l'absinthe Pernod cal-

culée à 100° jusqu'à dix grammes par jour et par kilogramme, il

est enfermé avec une chienne qui procrée douze petits, dont voici

le décompte : deux morts-nés; deux, pneumonies; un, accident,

étouffe; un, oxyures; un, entérite vermineuse et secousses épilep-

toïdes généralisées; un, vers intestinaux nombreux, congestion

des méninges ; un, hémisphère droit moins pesant de 9/9 déci-

grammes, coa-ulelix dans le sinus longitudinal supérieur; foie

graisseux, reins normaux, l'intestin rempli d'entozoaires; un,

entozoaires nombreux, foie marbré; un, entozoaires dans les

intestins et l'estomac formant parfois un bouchon, hémisphère

gauche congestionné pesant manifestement près d'un gramme de

moins que le droit. Le dernier meurt de péritonite probablement

tuberculeuse. L'hémisphère gauche pèse deux grammes de moins

que l'autre.

On voit que l'absinthe a déterminé chez les chiens nés du mâle

intoxiqué des lésions nombreuses et variées qui sont caractérisées

surtout par des processus atrophiques partiels. L'auteur cite à ce

propos la parole de Dickinson « l'alcool n'est-il pas le génie delà

dégénérescence ? » Le reste du travail de M. Combomalle est con-

sacré à l'étude des signes physiques des dégénérés alcooliques;

il reprend ceux que donne Legrain d'après Magnan; difformité

crânienne, asymétrie faciale, prosnatisme, arrêt de développe-

ment des membres, pied bot, lésions des organes génitaux uri-

naires. Il cite des observations de ces différents états, montre que

l'alcoolisme diminue le degré de résistance à la maladie, scro-

fule chez les enfants d'alcooliques, stérilité précoce ou ultime.

L'étude des effets de l'alcoolisme sur l'état intellectuel des descen-

486 VARIA.

danls est une des parties les plus intéressantes de ce travail. L'au-

teur y donne des observations d'idiotie, d'anomalie des facultés

de l'âme; volonté, passion, intelligence, puis d'aliénation men-

tale, de paralysie générale de névroses.

La dernière partie du mémoire est consacrée à l'étude médico-

légale et à la question si importante de la responsabilité des

aliénés. -

On lira avec intérêt ce travail riche en bibliographie et où l'au-

teur, à côté de ses expériences dont on vient de voir l'importance

et d'abondantes notes cliniques fait preuve d'un très réel talent

littéraire.

VARIA

Thèses sur les maladies nerveuses 1888. (Paris.)

ravreau : Du secret professionnel en médecine mentale. - Junin :

De l'étiologie héréditaire de la paralysie faciale dite à fi,igoî,e. z

Lefèvre : De la révulsion des troubles médullaires ci frigore.

Du délire des grandeurs. Etude séméiologique. Texior : Du traite-

ment de la chorée par l'antipyrine. Fourrier : Respiration artifi-

cielle dans l'tclampsie puerpérale. Le Etude sur les

formes cliniques de la paralysie saturnine. Dupain : Eludes

cliniques sur le délire religieux. Essai de sémèiologie. Deszoi, :

Déviations de la taille d'origine réflexe. Laurent : De la méthode

révulsive dans le traitement du mal de Bright. l3arlliomeuf : C'on-

sidérations sur les folies intermittentes. Mcnat'd : Contribution

« l'étude de la sciatique et particulièrement de son traitement

par 1'ttizilgésiie. Arnaud Léon : Recherches cliniques sur la

paralysie générale chez l'homme. Colin : De la nature infectieuse

du tétanos. Nimère : Perte des réflexes tendineux dans le

diabète sucré. - Ilamaide : Contribution ci l'étude clinique des

anesthésies dépendant de lésions en foyer de l'écorce cérébrale.

Tostivint : Contribution cc l'étude de l'hystérie pulmonaire

(pseudo-p7ttisie hystérique). Penasse : Contribution à l'élude

des méningites chroniques et spécialement d'une terminaison fréquente

chez les enfants, l'idiotie. Lancial : Tlirombrose des sinus veineux

de la dure-mère. Paolidès : tubétique du pied.

Furet : Contribution « l'élude de l'hystérie dans ses rapports avec

divers étals morbides. - Horchollo : Contribution ci l'élude de la

· VARIA. 487

chorée rythmée. Jleloir : Etude sur la forme épileptique de la

17.éniiigite tuberculeuse de l'adulte. Duclos : Du système artériel

chez les alcooliques. Sattier : Contribution à l'étude clinique de

quelques accidents consécutifs à la z antérieure aiguë

(paralysie infantile). Puech : Contribution ci l'étude des hémiplé-

gies chez les diabétiques. De Gorski : Quelques considérations sur

la folie puerpérale et sur sa nature. Albournac : De l'influence de

l'alcool sur la santé des enfants. Journiac : Du délire hypocon-

(1)iarliie (valeur séintiologique). Lauzit : Aperçu général sur les

actes des aliénés. Pison : De l'asymétrie f,o ? 21o-fiteiale dans

l'épilepsie. Fouiraux : Contribution ci l'étude du traumatisme dans

ses rapports avec l'aliénation mentale. Delacroix : Contribution

à l'élude du strophantus. 13oisvert : Etude clinique des formes

atténuées de la paralysie alcoolique.

Concours pour H. nomination des médecins adjoints

DES asiles d'aliénés.

Dans le numéro de septembre, nous avons publié l'arrêté de

M. le Ministre de l'inlérieur organisant le concours pour l'admissi-

1>ilité aux emplois de médecins adjoints des asiles publics d'aliénés.

Nous avons accompagné cette publication de quelques notes criti-

ques sommaires. Nous croyons devoir revenir aujourd'hui sur

quelques points de cet arrêté.

L'article 3 déclare que les candidats ne devront pas être âgés de

plus de trente ans au jour de l'ouverture du concours. Cette limite,

au moins quant à présent, aura peut-être l'inconvénient d'exclure

quelques candidats méritants. Plus tard, lorsque le concours sera

bien connu, et les candidats prévenus, les inconvénients de cette

limitation seront moindres. La limite d'âge a surtout son utilité

incontestable pour la sortie des carrières et c'est là qu'elle devrait

être appliquée sans aucune exception 1. Le même article dit que

les candidats auront à justifier de l'accomplissement d'un stage

d'une année au moins, comme internes dans un asile public ou

privé, consacré au traitement de l'aliénation mentale. Faut-il en

conclure que les internes des hôpitaux de Paris, Montpellier, Ror-

deaux, Lyon, Lille, Nancy, etc., nomné au concours, qui n'auront

point passé une année dans les asiles ou les quartiers d'hospices

consacrés aux aliénés seront exclus du concours ? S'il en était

ainsi, ce serait profondément regrettable.

Nous lisons à l'article 4 que « tout admissible qui n'aurait pas

' Le règlement du concours des asiles de la Seine permet aux ém-

diants de coucoulir jusqu'à trente aus. Comment concilier ces deux

réglementations ? 9

488 VARIA.

été pourvu d'un emploi dans un délai de six ans à compter de la

date du concours, aurait à se soumettre de nouveau aux épreuves

instituées par le présent arrêté, à moins qu'il ne justifiât avoir,

dans l'intervalle, été attaché pendant trois ans au moins à un

asile d'aliénés en qualité d'interne ». Cette mesure nous parait

absolument inexplicable. Un docteur en médecine qui aura subi

avec succès le concours pour une place de médecin adjoint, coiz-

cours supérieur, n'ira pas concourir pour une place d'interne.

Ajoutons que souvent on n'autorise à concourir pour l'internat

que les étudiants en médecine. Quant à l'obligation de concourir

une seconde fois pour la place de médecin adjoint, si au bout de

six ans, on n'a pas été placé, c'est là une obligation que rien ne

justifie. Les médecins et les chirurgiens du Bureau central des

hôpitaux de Paris, par exemple, peuvent être en disponibilité

pondant des années et revenir ensuite prendre possession de leurs

fonctions sans être astreints à un nouveau concours. Et c'est

juste.

A l'article G il est dit que : « l'un des inspecteurs généraux des

établissements de bienfaisance fera partie du jury. » La Commis-

sion dont nous étions membre avait spécifié que cet inspecteur

général serait un médecin. Il aurait mieux valu adopter sa propo-

sition.

L'article 8, dont la Commission n'est nullement responsable, ne

devrait pas être maintenu. Nous en reproduisons le texte :

« ART. 8. Ne sera pas soumis aux épreuves du concours ins-

titué par le présent arrêté le chef de la clinique des maladies

mentales organisée à l'asile Sainte-Anne, lorsqu'il sera chargé des

fonctions de médecin adjoint dans cet établissement, conformé-

ment aux dispositions des articles 3 et 4 de l'arrêté ministériel du

8 octobre 1879. »

Cet article accorde une nouvelle faveur à celles dont on a déjà

comblé le professeur de clinique des maladies mentales de la

Faculté de médecine de Paris. Personne ne peut donner une rai-

son sérieuse d'une telle faveur. Elle aura pour conséquence de

diminuer le nombre des candidats sérieux : les réclamations qui

nous ont déjà été adressées ne nous laissent aucun doute à cet

égard. En effet, les anciens internes des asiles de la Seine, recru-

tés par le concours ou les internes des hôpitaux de Paris qui

auront été un an à Bicêtre ou à la Salpêlrière, consentiront difi-

cilement à prendre part au concours pour les places de médecins

adjoints, avec la perspective de ne pas pouvoir revenir dans les

asiles de la Seine, sûrs d'avance que les places de médecins adjoints

de ces asiles y seront données aux anciens chefs de clinique. Il

n'est jamais venu à personne l'idée de confondre le concours des

médecins des hôpitaux avec le concours d'agrégation. Un agrégé

FAITS DIVERS. 489

n'est pas, de ce fait, médecin des hôpitaux, pas plus qu'un méde-

cin des hôpitaux, n'est, pour cette raison, abrégé. Le docteur en

médecine qui veut être agrégé et médecin des hôpitaux subit deux

concours différents. Cette confusion a été faile dans les bureaux

du Ministère de l'Intérieur et certainement la responsabilité n'en

incombe pas à M. 1,. Bourgeois, sous-secrétaire d'Etat, qui a signé

J'arrête'.

Nous terminerons par une dernière réflexion : le recrutement

des médecins adjoints des asiles par le concours est, notre avis,

le meilleur. Il assure à l'administration un personnel instruit, à

la hauteur de sa mission. Ce personnel sera peut-être plus indé-

pendant, n'hésitera pas à faire valoir les droits des malades et de

la science, n'en déplaise aux Bureaux ; le gouvernement n'en sera

pas moins maître de son personnel médical, car il a toujours le

moyen et le devoir de se débarrasser d'agents qui manqueraient

de tact et se mettraient en hostilité avec lui. Il faut enfin, si l'on

veut que le concours donne tous les bons résultats qu'on peut légi-

timement en attendre, qu'il soit bien entendu que, à l'avenir,

toutes les places de médecins en chef et de directeurs médecins

seront attribuées sans exception aux médecins adjoints qui auront

été nommés au concours. S'il en était autrement, le concours

serait un leurre et une duperie.

B.

FAITS DIVERS.

Asile D'AUHKÉs. Nomination. M. le De DuBuissoN, ancien

médecin adjoint des asiles publics en disponibilité, médecin en

chef à l'asile privé de Leyme (Lot), est> nommé médecin adjoint à

l'asile public de Quatre-mares (Seine-Inférieure) 11*0 classe (arrêté

du 37 août).

Évasion D'UN aliéné. Gabriel Guipon, âgé de cinquante ans,

enfermé depuis quelques mois à l'asile des aliénés de Sainte-

Catherine, s'évadait jeudi soir de cet établissement, prenait la

route de Souvigny et arrivait, vers neuf heures, dans sa famille.

Il paraissait très calme et rien dans ses allures ne pouvait faire

prévoir ce qui allait se passer le lendemain. Hier matin, il apprit

que deux gardiens de l'asile le recherchaient dans la commune; i

' Nous devons ajouter que les dix points accordés pour les titres

permettent de tenir compte des services rendus parles chefs de clinique.

490 bulletin bibliographique.

pour leur échapper, il quitta le domicile de sa femme et vint se

réfugier dans un grenier régnant sur une grange appartenant à

son père.

Prévenus de la fuite du fou, la gendarmerie et le garde cham-

pêtre s'étaient mis à sa recherche. Sa cachette fut découverte, on

vint pour l'arrêter. Mais c'était chose fort difficile. Afin d'éviter

toute surprise, Guipon avait enlevé l'échelle qui lui avait servi pour

monter dans le grenier; de plus, il avait pratiqué dans la toiture

plusieurs trous, par lesquels il brandissait un énorme couteau dont

il s'était muni en apprenant l'arrivée des gardiens, et avec lequel,

disait-il, il tuerait le premier qui tenterait de l'approcher. « Je

suis décidé à tout, ajoulait-il, car je ne veux plus retourner à

Sainte-Catherine; et si l'on essaie de m'arrêter, je mets le feu au

bâtiment. »

Sans tenir compte de ces menaces débitées d'un ton furieux,

les gendarmes appliquèrent deux échelles contre les extrémités du

bâtiment, sur lequel ils arrivèrent bientôt. Ils allaient saisir le

pauvre fou, quand tout à coup celui-ci se sauva précipitamment

dans le fond du grenier et ramassa un tas de foin auquel il mit le

feu.

Suffoqué bientôt par la fumée, Guipon se décida à quitter son

refuge. Il sortit par l'un des trous de la toiture et sauta dans nu

jardin, tenant toujours à la main le couteau dont il s'était armé.

Un gendarme, embusqué près de là, l'invita à jeter ce couteau, ce

qu'il fit sans la moindre difficulté. On put alors le saisir et c'est à

ce moment que l'on s'aperçut qu'il avait la poitrine entièrement

couverte de sang. Le malheureux, se voyant pris, avait cherché à

se tuer et s'était porté trois coups de son arme.

Guipon fut alors conduit à son domicile où deux médecins

vinrent panser ses blessures, qui n'ont aucun caractère de gravité.

Pendant que se déroulaient ces événements, l'incendie avait pris

de rapides proportions et menaçait, avec le vent violent qui

soufflait, de gagner les habitations voisines. Heureusement, la

population se rendit en toute hâte sur le lieu du sinistre et orga-

nisa les secours, grâce auxquels tout danger disparut après une

heure de travail. Seuls la grange et le foin furent détruits. (La

Lanterne du 31 août 1888.)

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Avis aux Auteurs et aux Éditeurs. Tout ouvrage dont il nous sera

envoyé un seul exemplaire sera annoncé. Il sera fait, s'il y a lieu, une ana-

lyse de tout ouvrage dont nous t'eccu'onsDhuxexemptaires.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 49 L

Biakchi (L.). Suds un caso di lesiorze dislrztfliva del lobo lemporo-

sfenoidale sinistre izz un moncino epibletlico enr, alcien dislurbo délia

parola. Brochure in-S° de 19 pages, avec deux planches hors texte.

1888. Nicola Jovene et Ce.

Publications nu l'nocnrs Médical. J. M. Ciuncor. Maladiei du

poumon, du sang, du cceuo et des vaisseaux, f l'orne V (tes OEuvres

complètes.) Un volume (le 050 pages avec il ligures dans le texte

et deux planches en chromo-lithographie. Prix : 15 francs. Pour les

abonnés des Archiva de Neurologie, prix : 10 francs.

Ciiarcot (J.-11.). Leçons sur les maladies du système nerveux, pro-

fessées à la Salpêtrière et recueillies par MM. l3enN.ano, FMÉ.

GmNOrr, Marie et Gilles de la TounET'tE. Tome 111, 21 fascicule. Un

volume in-8 de 380 pages, avec 61 figures dans le texte. Prix : 9 fr. ;

pour nos abonnés, prix : G fr.- Ce fascicule complète le. tome troisième.

Ladame. - Procès criminel de la dernière sorcière brûlée à Genève, le

G avril 1652, publié d'après les documents inédits et originaux conser-

vés aux archives de Genève (Sixième volume de la Bibliothèque diabo-

lique (collection Bourneville.) Un volume in-S" de 60 pages. Prix

2 fr. 50). Pour nos abonnés : 1 fr. î.ï; numéros 1 à 50, papier Japon,

prix : 5 francs; pour nos abonnés : 4 fr. ; numéros 51 à 100, papier par-

cheminé, prix : ;i fr50; pour nos abonnés : prix, 2 fr. 75.

de Lagihve. Hypnotisme. Etats intermédiaires entre le som-

met/et la veille. Volume in-16 de 160 pages. Prix : fr ? Paris, 1888-

Librairie J.-B. Baillière et fils.

GmssËT. Leçons sur l'hysléro-traumatisme. Recueillies et publiées

par l3ouncucr (f..). Brochure in-8" de 37 pages. - 1888. Lecrosnier

et Babé.

Luis (.T.).- Eludes sur le dédoublement des opérations cérébrales et

sur le rôle isolé de chaque hémisphère dans les phénomènes de la patho-

logie mentale. Brochure iii-8- de ii pages. Paris, 1888. Aux

bureaux de l'Encéphale.

Marina (A.-R.) Paramioclono mulliplo e spnsnzi tnuscolari idio-

pnlici. Brochure in-8" de 27 ltaes. - lteio c\ell' Gutili,t, 1SSS. -

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Z (11). Traité clinique des maladies mentales. 3e édition tra-

duite par les docteurs .1. Dagonet et G. Duhamel. Itevue et augmentée par

l'auteur. Préface du Dr Il. Daguet. 2' fascicule. Un volume z de

287 pages. Prix : 5 fr. Prix de l'ouvrage complet : 9 fr. Paris,

1888. Lecrosnier et Babé.

z aiznitil Report of the Pennsylvania Training SCIc00l for

Feeble-iiiiiuled Children, Ei%v\-ii, Delaware County. - Brochure in-S", do

30 j.ages. \\-est Chester, Z z Ileckman. l'rmter, Cor.

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of thé gênerai sanitary sciences tltrouâhout the worlrl by Cli. E. Sajous.

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nervous Systems; Diseases of heart and pei-ic,-ii,(Iitiiii; Ievers; Diseases

0' illoiiili, stomuclt, pancréas and liver ; Diseases or intestines and

pei,iloiieiiiii ; Intestinal iiiti otlter parasites ; Diseases ouf bloocl and

spleen ; ltteomattsm and goût; Diabètes an diseases suprarenal capsules;

Diseases of Kidneys and Ll : ultler; Uriualyis, chyhuia, etc.; Mental

4M BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

diseases. Volume in-8° de 5'rl pages T'orne 7/ : SLii ? 01-y Bi,tili and

nerves ; Surgery of abdomen ; Diseases of rectum and anus ; Genno-

uhnary surgery ; Diseases and injuries of iirteries and veins ; Fractures,

Dislocatcons aua spiams ; Diseases ot' I)OIles 111(l joints. Amputations,

etc ; Gunshot and pnnctnred woumls ; Surgicat tnhcrcutosis,

abcess, etc.; Diseases of the skin ; Tumors ; Veneral diseases; Surgicat

diseases, Anaestlzetics ; Surgical z Volume in-8" de 550 pages;

Tome 111 : Diseases of the eye ; Diseases of thé car ; Diseases of the

nose and accesory cavities; Diseases of the pharynx Trachea and -1 ? ol)lia-

gus : Diseases of the th)ronl gland ; Diseases'of longs and pleura in

adults; [nebriety, ulorpainism. and Kindred diseases; Oral surgery,

Dental 1)itliolog aii(J therapeutics· Prothelic (1t,ii(li,;ti-y and 1 oitlio loiiiii';

Surgical dressings; Clnrolzodistry. Volume in-8" de 503 "pages; 7'orne ?

Diseases of the utérus ; Menstruation and its discordes ; Diseases of

ovaries and tubes; Diseases z and externat jenito-urmary orgiiiiis;

Diseases of Z Ohstetrics ; Puerpéral diseases; Dicteties of

infancy and chilclhooel ; 0.LliopoeLiic surgery ; General tlcerapeutics ;

Expérimental therapputics. Volume in-S" de*518 pages; 7'orne :

Climatology iiicl b-,iliieolo-1-y ; Elocti-o-tliei ? tl)etitics ; le(lical chemistry

aud toxicol'o,,y ; Légal meclicme ; Demography ; Hygiène, Disposai or

ihe dad ; Anatomy z Brain ; Générât anatomv; 1'lysiolo'ç; Growth

ans âge : Technology ; tiistotogy ; Emhnotog'y; Anomalies, etc.; Dental

1,i.,[olo,v ; General pathotogy ; Gênerai'index. Yotume in-S° de 566

pages.

Avis a nos LECTEURS. VoM appelons vivement l'atten-

tion de nos lecteurs sur la discussion, au Sénat, de la

nouvelle LOI sur les aliénés. En reproduisant ces débats,

nous croyons être agréable à tous les médecins des asiles

d'aliénés, de quelque nationalité qu'ils soient. De plus,

nous insérerons dans la mesure du possible, les lettres coî2z-

mentant ou critiquant cette discussion qu'ils voudraient

bien nous adresser. Enfin, nous prions ceux d'entre eux

dont l'abonnement est expiré avec ce numéro, de bien

vo2cloir nous adresser le montant de leur réabonnement

avant la fin de l'année.

Le éclactcisr-9éranl, BuonsewvLe.

TABLE DES MATIÈRES

Acétonurie chez les aliénés, par

Loelir, 305.

Aliénation (traitement des cas ré-

cents d' - dans les asiles privés),

lar Cielding B ! audford, -'r45; -

(traitement hospitalier pour les

cas curables d'), par Strahau,

'a17; - (StaUsUque de l'), par

Finkelnburg.453.

Aliénés (dans les hôpitaux et hos-

pices de province), 137; (sor-

ties prématurées des), parSchuele,

288; - (séquestration arbitraire

des), par t.oehr, 293; (surveil-

lance des établissements privés

d'), par Lcehr, ` ? 9J; - (nécessité

d'un médecin fonctionnaire pour

l'admission des), 297; (concert

aux-de Bicêtre),319- (revision

de la loi de 1838), 101, 306, 458;

- (projet de loi sur les), par

Schmitz, SJ2; (poids du cer-

veau chez les), par Bartels. 457;

(phtisie pulmonaire chez les),

parSnell, i : ï7.-(Evasion d'un), r8'J.

Amaurose par épuisement, par Im-

mermann, 91.

Anévrvsmes capillaires de la moelle,

par Hebold, 449.

Aphasie avec paralysie totale, par

Nicol, 455.

Arthropathie tabétique du pouce, par

Bichardière, 70.

Asiles d'aliénés (nominations et pro-

motions), 1 42, 319.

Association médico-psychologique

(discours présidentiel de 1'), par

I : ames, 1 i 1.

Attaque congestivc (anatomio patho-

logique de" 1'), par Bastelberg, ta4.

Bibliographie. - Epilepsie jakson-

nienne, par Roland, 125; Som-

nambulisme provoqué, par Beaunis,

12G; Hypnotisme et doublecons-

cience, parAzam.126; monde

des rêves, par M. Sirnoit, 127 ; -

Pathogénie des névrites périphé-

riques, par Gtimodie, 128; Le

corps et l'esprit, par Ilaclc Tuke,

129; - Etioloye des psychoses,

par ilibiux, 130; - \laladie de

Basedow, par Sainte-Marie, 132;

- Amnésies toxiques, parcacarrié,

133; Asphyxie locale des extré-

mités, par Bourrelly, 133;- Trau-

matisme et neuropathie, par Ba-

taille, 13î; Paralysie générale,

parGréoire, 136; - lllaladie de

Parkinson, par Lacoste, 136.

Epilepsies particulières, par Bi-

gorre, 481. Troubles médul-

laires chez les athéromateux, par

Copin, 481. Circonvolution de

Broca, par 182. - Folie

chez les enfants, par Moreau, 483.

par Moricourt,

18 I)esceii(laiice des alcooli-

ques, par Combemalle, 181.

Catatonie, par Séglas et Chaslin, 52.

Cellules ganglionnaires (altérations

des -) dans les inflammations,

par Friedinann, 99.

Cérébro-spinal (topographie patholo-

gique de l'axc), par Glover,39, 2Éfl.

Classification des maladies mentales,

448.

Cocainisation, par Hoetcrmanii, 451.

Concours (des médecins adjoints des

asiles), 31 r,'tS7;-(du chnicat des

maladies mentales), 320.

Congrès des neurologues de l'Alle-

magne du sud-ouest, 85; - des

aliénistes allemands, 2S6; des

aliénistes de Basse-Saxe, 153.

Contrôle personnel (abolition de la

faculté du), par Savage, 444,

49 i

TABLE DES MATIERES.

Convulsions par l'excitation élec-

trique de l'écorce du cerveau, par

Zirhen, f34.

Cordo ! .spos)6tieurs (persistance du

phénomène du genou dans la déné-

iii,eceiice des). pir 67. i,

Coips strié, par Edinger, 96.

Crânes (pathologiques), par liecklin-

ghausen, 95; - (d'nu vol`eur), lar

Amadei, 280.. v-

Dégénérescence secondaire à travers

la substance blanche cérébrale, par

Zacher, 9.

Délire aigu (écoroe cérébrale d'nne

malade morte de), par Snell, 450.

Délire chronique, par Séglas, S1 ; -

par inlitraiidon de imoiityel, 283.

Electricité chez les aliénés, par

Heyden, 449.

Electiique (machine transpor-

lablc), par Stein, 92.

Epilepsie procursive. par Bourne-

mlle et Bricon, 2 : S'r, 120.

Epileptiques (violences commises

par les), par Echeverria, 276.

Folie morale, par Tnke, 80; en

Espagne, par Jelly, 81; géniel-

laire, par lllendeÎ, 30 ? ; - com-

muniquée, par Legrain, 321.

Gliomatose médullaire, par Roth,

23, 195, 395.

Gomme du cerveau avec lésions du

chiasma optique, par Siemerlin"

282.

Grossesse (influence de la -) sur les

psychoses, par Peretti, 449.

Hémiplégie diabétique, par Lapine

et Blanc, 70.

Hypnotique (nouvel agent), par Me-

îing, 92.

Hypnotisme état aciucl de la ques-

tion de l'), par Binwanger, 286.

Hystérie chez un garçon de onze ans,

par Savage, 435.

Idiotie crétinoide (deux cas d'), par

Bourneville, 431.

Idiotisme (simulation d'), par Star) ! ,

Imbécillité avec antécédents hérédi-

taires, par Beach. 80.

Impressions maternelles (influence

des-) sur les difformités congéni-

tale ? , par Stedman, 77.

Incendie commis par une hystérique ,

par Stark, 275.

Intoxication (lésion de la moelle

dans 1' arseuicale aiguë), par

Pjpoff, 21(i; - (par la j[ardl-

déliyds), pnr Ilchm, ;103.

Localisations cérébrales, par Sie-

merling, 439.

Médecine psychologique (nécessité

des cours de), par lloore, 142.

Mélancolie profonde guérie, par

Johtistoiie, 79.

Méningite et surdi-mutité, par

Schùllz-», 86.

Moelle (état de la dans l'élonga-

tion du sciatirlnr), par Teissier, ï3 ;

(anévrysmesmiliairesde la), 7'r;

(granulations des cellules de 'a

des lapins), par Virchow, 100;

(tubercu)e de la-cervicale), par

Saclrs, 919 ; - (lésion systéma t iyue

primitive combinée de la), par

Sttncmpell, 71.

Monoplégie brachiale consécutive à

une' lésion corticale, par Muckte,

439.

.Montagnards (affections mentales

' chez les), par Gottleb, tj0,

Morphinisme (psychoses dues au),

par Schmidt, 76.

Motilité (troubles de la-) posthémi-

I plégiques, par Grerdenberg, 70.

Musculaires (atrophies aiguës

simples), par Kast, 93.

Rlyéliteaiguè disséminée, par Kncst-

ner et Brosnier, 72.

Myoclonus et invoclotiie, parZiehen,

iîl.

Myopathie juvénile, par Ilitzig, SS.

rferfs périphériques dans le tabès dor-

sal, par Nonne, 4t3.

Neuropathologiques (contributions),

par Bernhafdt, 441.

Névrite (alcoolique), par Laquer, 98;

(infectieuse aiguë, par ltosens-

tein, 2S1 ; - par nlithonsl.i, i : IS.

Nominations, li·3, 319, 489.

Optiques (altérations expérimentales

des nerls -) par la rotation forcée,

par Fuerstner, 89.

Paralysie alcoolique des muscles des

yeux, par Tlromsen, 252; - (pro-

gressive chronique des muscles des

yeux), par Weslphal, 538; laryn-

ée d oriâine centrale), l : isenlolir,

ir3; (générale), par Nasse, 75,

449; (spinale de l'adulte), par le-

clerc et Blanc, 70.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

- 49o

Paramyoclonus multiplex, par Bpch-'

tercw, 441.

Peau (névrose vasculaire de la), par

Gock, 294.

Plexus brachial (paralysie radicu-

laire dn), par Rendu, 68.

Poliomyélencéphahte (rapports de la

avec la maladie de Bascolow"

par Jotidrassik, 66.

Poliomyélite antérieure chronique,

par Oppenheim, iî2, - par Bern-

liardt, W 3.

Prix de la Société médico-psycholo-

gique, 81.

Protubérance (lésions de la), par Mier-

z et Rosenbach, 279.

Pty.ilismiî (atropine dans le), par

IIebold, 446.

Responsabilité (atténuation de la),

par Jolly, 287.

Revue critique, par S ? la3 et Chas-

fin, z.

Ruban de Reis (dégénérescence du),

par Meyer, 280.

Scaphandres (accidents causés par

l'emploi des), par Catsaras, 145,

346.

Sclérose en plaques (glycosurie dans

la), par Richaidièie, 68.

Sclérose spinale consécutive à des

lésions cérébrales, par iNlickle,-i5;

inuililoctil;tire du système ner-

veux central), par Hess, 140.

Sénat (discussion de la loi sur les

aliénés au), 101, 300, îS.

Simulation de l'aliénation mentale,

par Snell, 456.

Société médico-psychologique, 81,

283, 44S ; de psychiatrie de

Ceriin, 99, 29É; - psycliiatriyue

delà province du Rhin, 449.

Suicides dans les asiles d'aliénés, par

Pelman, 450.

Surdi-mutité (méningite aiguë et),

1),Ir Selililtze, 86.

Syphilis (intoxication chronique par

la), par Rumpf, 88; (cérébrale),

par Hertz, 449.

Système nerveux (affections du

après les m.ladies infectieuses),

par Lunz, 440; (tuberculose du),

par Hoche, 442.

Tabès dorsal (rapports des anomalies

de la sensibilité, avec l'ataxie

dans le), par Stprn, 65; (et alié-

nation mentale) par Hebold, 15 ;

- - (contribution au), par Holl-

maiin, 447.

Température (méthode pour éprnu-

ver le sens de la), par Goldscheider,

t36.

Thèses de Paris, 186.

Tics convulsifs (maladie des), par

Guinon, 6J.

Traitements corporels (troubles psy-

chiques consécutifs aux mauvais),

par Iluberty, 452.

Tremblement dans les mouvements

I volontaires,par Steptmn, 437.

Urticaire graphique, par Lwôfr, 445.

Vertige marin, par Pampoukis, 1,

21S; (galvanique), par Kny, 436.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Alll,i(lci, 280.

Dartel',tj7.

Bastelberg, 454.

Baudouin, 483.

liearli, 80.

] ! cchterey,4U.

1V·ruli,rdt, ! rÉ3, fi4.

13111\1'1117âG'r, Sli.

Blanc, 71.

1310cq, 129, LJ3, 131. lJa, IJU ? 81, 181.

13onrueville, 140, `7.3r, 120, 131, 487.

13riann, 81. 5 ? 285, 119.

IW con, 23e, i ? 0.

Brosier, 72.

CaLSras, 1 io, 36.

Chaslin, 52.

496

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Deny, 68, 69, 70, 73.

Eames, 141.

Echeverrios, 276.

Edinger, 96.

Eisenlohr, 413

Fielding, 445.

Finkelnburg, 453.

Friedmann, 99.

Fuerstner, SG.

Glover, 39, 2r9.

Gock, 294.

Godscheider, 436.

Gottleb, 450

Greidenberg, '0.

Guinon, 69.

Guirschon, 275.

Guy, 79.

Hastermann,4oi.

] ! ebo),30t,tm,H9.i2.

Hertz, 449.

Hess, 440.

Heyden, 449.

Hitzig, 8S.

Hoche, 442.

Iloffmann, 447.

Huberty, 450.

Immermann, 91.

Jelly, 81.

Jendrassik, 66.

Johnstone, 79.

Jolly, 287.

Kast, 93.

liéraval, 66, 67, 71, 72, 73, 76, 77,

101, 2îâ, 2SG, 29f, 30 ? , 30G, f3J,

43G, 't37, 438, 439, 410, 4>1, 442,

443,444,447,458.

Kny, 136.

Kuestner, 72.

Laquer, 98.

Leclerc, 70.

Lenrain,321.

Lépine, 70.

Loehr, 293, 295, 305.

Lunz, 440.

LoYofr,448.

Dlarandon de Aiontycl, 283.

Monde), 302.

llérino, 92.

Aleyer, 280.

llliclcle, ia, 439.

Mierzejeusky, 279. ,

Aloore, 142.

Musgrave-Clay, 75, 79, 80, 81, 27G,

435, 440, 165 467.

Nasse, 75, 449.

Nicol, 455.

Nonne, ff3. '

Oppenheim, 412.

Paupoukis, 1, 218.

Pelman, 150.

Peretti, 119.

Popoff, 276.

Raoult. 79, 132.

Itecklinahausen, 95.

Rehm, 303.

Rendu, 68.

R'chardière, 68, 70.

llosenbach, 219.

Rosenstein, 251.

Itoth, 23, 195, 395.

Itoubinovitch, 2îa, 2ï9.

Rumpf, 8S.

Sachs, 444. z

Savage, 435, 4îi. f .

Schmidt, 76, 452.

Srhuele, 288.

Schultze, 80.

Sêgtas,52,8t.

Siemerliug, 282, 439.

Skevoi-izofl', 280.

Snell, 456, 457.

Sollier, 125, )2( ! , 127, 128, 130, 130,

î 16, 18 1. ·

Sore ? t. i.

Stark, 275.

Stedman, 77.

Stein, 92.

Siephaii, 437.

Stem,65.

Strahan, 447.

Struempell, 71. 1.

Teissier, 73.

Thornsen. 282.

Tuke 80.

Virchow, 100.

\Vesphal. G7. t38.

Witkouski, 438.

Zacher, 97.

Zilten, f3F, .iFl,

Archives de Neurologie Tome XVI Pl I -'

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE PREMIÈRE

Fin. I. Face externe de ? CMt/tet'eaMee. F. 1, F. 2, F. 3; pre-

mière, deuxième et troisième circonvolutions frontales. F. A.; cire,

frontale ascendante. - P. A. ; cire, pariétale ascendante. P. s. ;,

lobule pariétal supérieur. P. i.; lobule pariétal inférieur ou du pli

courbe. PI. c. ; pli courbe T. 1, T. 2, T. 3 ; première, deuxième et

troisième cire, temporales. 0. 1, 0. 2, 0. 3; première, deuxième et

troisième cire, occipitales. R. R.; scissure de Rolande S. S. ;

sciss. de Sylvius. - S. i. p.; sciss. iriterpai-iétale. - S. p. ; sciss. paral-

lèle. - S. p. e. ; sciss. perpendiculaire externe. 2, 2 ; 3, 3 ; 4, 4; 5, 5; 6, 6;

direction des coupes préfrontale, pédiculo-frontale, frontale et pariétale

de Pitres et de la coupe horizontale de Flechsig représentées par les

figures 2, 3, 4, 5 et 6 de ce schéma.

I. Aphémie (type Bouillaud-Broca). II. Agraphie. III. Cécité ver-

bale. IV. Surdité verbale. V. Motilité du membre supérieur.

VI. Motilité du membre inférieur. - Vil. Centre cortical du grand hypo-

glosse (Facial inférieur et branche motrice du Trijumeau). VIII. Hé-

mianopsie.

Violet, faisceau intellectuel. Jaune, faisc. de l'aphasie. Vert,

faisc. géniculé. Bleu, faisc. pyramidal. Rose, faisc. spnsitif. (Mêmes

couleurs pour les planche : ) I et II.)

Fiv. 2. Coupe préfrontale gauche (Pitres). 1, 2, 3 ; première

deuxième et troisième cire, frontales. 4 ; cire, orbitaires. 5 ; cire.

de la face interne du lobe frontal. 6; faisceaux préfrontaux du centre

ovale.

Fis. 3. Coupe pédiculo frontale. 1, 2, 3; première, deuxième et

troisième cire, frontales. 4 ; extrémité antérieure du lobule de l'in-

sula de Reil au fond de la sciss. de Sylvius. 5; extrémité postérieure

des cire, orbitaires. 6; faisceau pédiculo-frontal supérieur. - 7; faisc.

péd.-frontal moyen (de l'agraphie, a). 8 ; faisc. péd.-frotit. inférieur

(de l'aphémie, b). 9 ; faisc. orbitaire. 10; corps calleux. 11 ;

noyau caudé (grosse extrémité, antérieure). 12 ; capsule interne (por-

tion répondant au segment lenticulo-strié sur la coupe horizontale de

Flechsig). 13 ; noyau lenticulaire.

FIG. 4. - Coupe frontale. 1 ; cire, frontale ascendante. 2; lobule

de l'insula (partie moyenne). 3 ; cire, sphénoïdales. - 4 ; faisc. fron-

tal supérieur (tractus moteur cortico crural, c). 5 ; faisc. frontal moyen

(tractus moteur cortico-brachial, d). 6; faisc. frontal inférieur (de

AIICIIÈVES, t. XVI. 32

498 EXPLICATION DES PLANCHES.

l'hypoglosse, etc. e). 7 ; faisc. sphénoïdal. 8 , corps calleux. 9;

noyau caudé (petite extrémité ou extrémité postérieure). 10; couche

optique. 11 ; capsule interne (genou). 12; noyau lenticulaire. -13;

capsule externe. H; avant-mur de Burdacli.

Fie. 5. -- Coul)e -pa ? -iétale. l ; cite. pariétale ascendante. 2; ex-

trémité postérieure du lobule de l'insula. 3 ; cire, sphénoidales.

4 ; faisc. pariétal supérieur (traclus moteur contico-crural, f). 5 ;

faisc. pariétal moyen. 6; faisc. pariétal inférieur. 7; faisc. sphé-

noïdal. 8, 9, 10, 12, 13, 1 i ; comme dans la précédente figure. 11 ;

capsule interne (segment leuticulo-optique).

FtG. 6. Coupe horizontale de Flechsig. a ; segment antérieur de la

capsule interne. b; genou de la capsule. c; segment postérieur de

la capsule. 1 ; extrémité antérieure, 3 ; CXLR. postérieure du noyau

caudé. 2 ; noyau lenticulaire. - f ; couche optique 5 ; capsule ex-

terne, 0; avant mur. 7 ; section de la sciss. de Sylvius,

FtG. 7. Coupe transversale du pédoncule cérébral immédiatement en

avaitt de /sp''o<t<&e;'aKce. 1 ; étage inférieur. 2; locus niger de

Soemmerring. 3 ; étage supérieur.

- 1 ? ? ui uuic ' " rome xvl. Y1 il 1

EXPLICATION DES PLANCHES. 409

PLANCHE Il

FiG. 1. Coupe des pédoncules cérébraux immédiatement au-dessus

de la protubérance. 1, 1; étage inférieur (et les différents faisceaux

qui le constituent). 2, 3; locus niger. 3, 3 ; portion sensitive des

pyramides. t, t ; cordons antérieurs traversés par les fibres des pédon-

cules cérébelleux supérieurs (étage supérieur). 5, 5 ; noyaux d'origine

des nerfs moteurs oculaires communs. 6, 0 ; coupe des tubercules

quadrijumeaux. 7 ; coupe de l'anueduc cie Sylvius.

Fig. 2. Coupe de la protubérance au niveau de sa partie moyenne.

1, 1 ; portion motrice des pyramides (étage inf.) 2, 2 ; leur portion

sensitive (étage moyen).-3, 3 ; coupe des cordons antérieurs prolongés

de la moelle (étage sup.). 4, î ; grosse racine de la cinquième paire.

5, 5; fibres transversales formant par leur réunion les pédoncules

cérébelleux moyens.

FiG. 3. Coupe de la moelle immédiatement au-dessous du renfle-

ment brachial. 1, 1 ; cordon de Turk ou faisc. pyramidal direct

(Flechsig). 2, 2; faisc. pyramidal croisé (Flechsig). 3, 3 ; corne an-

térieure. 4, 4 ; zone radiculaire antérieure (Pierret) ou partie fonda-

mentale (Flechsig). 5, 5 ; cordon de Goll. 6, 6 ; bandelette externe

du cordon postérieur ou zone radiculaire interne des racines rachidien-

nes postérieures. 7, 7 ; cordon de Burdach.S, 8 ; corne posté-

rieure. 9, 9 ; colonne de Clarke. 10, 10; faisc. cérébelleux direct.

Fig. i. Tracé schématique du nzésocéphale et de la moelle cervicale

(face latérale) pour montrer la terminaison des faisceaux cortico-bul-

baires. A; pédoncule. B; protubérance. - C; bulbe. D; moelle,

cervicale. a, a ; b, b ; c ; direction des coupes représentées par les

figures 1, 2 et 3 de cette planche. 1, 2, 3 ; pédoncules cérébelleux sup.

moy. et inf. - t ; locus niger. Émergence de la racine motrice de

trijumeau. 6; facial. 7 ; grand hypoglosse. 8 et 10; pyramide

antérieure et postérieure du bulbe. - 9 ; olive. 11, 12, 13 ; cordons

antérieurs, latéraux et postérieurs. - 11, 15 ; sillons collatéraux antérieurs

et postérieurs. - 16; renflement brachial, 17; commissure blanche

formée par l'entre-croisement des cordons antéreurs.-1S; lieu d'entre-

croisement des cordons latéraux et des cordons postérieurs.

Etieui. Ch. lial,issuv, imp. - 1188.

CATSARAS. Tableau II.

TABLEAU DE LA FORME CENTRALE SPINALE POSTÉRO-LATÉRALE.