(1888) Archives de neurologie [Tome 15, n° 43-45] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1888) Archives de neurologie [Tome 15, n° 43-45] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

t;VREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES UËRISSKY

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NEUROLOGIE

REVUE

DES MALADIES NlliVl;lISI : S ET MENTALES

PUBLIEE SOUS LA DIHISCT10N DE

.1.-111. CHARCOT

mec LA cot.cmonmov nn

MM. BABINSICI, BALLET, BITOT IILANC.IIAI1), BLOCQ,

B(1\NAIISI's i.), BONNET (11.), ISOlIGl1f31t1 ? AU, BBIAND (M.), BRICON (P.).

ISItISS.4lIU (1 ? ), BIlOliAlIlJEL (l'.), CHARPENTIER, f.IIASLIN, COTAItU, 1)P.130\'Is (M.

I)rLASIAU%'I : , DENI', UUVAL (Aleums), PIsltItllsll,

GILLES DE LA TOUIITTf3, GOMBAlI1.T, GISASST, JOIeFI10Y (A.),

KIÍIIA \' AL (l'.), LANUOUG1', hIAGNAN, DIAltll : , h113\UI : LSSO1W, MI ? II'l.I : Jfs\\'SK1'.

MULLEI1-LYER, hIUSGILA\'1 : l : l.A1', NEUMANN, PAlllNAliU, PIP.ItItl3T, l'11'ItS,

1'01'01'1', IIAOU1.T, ItA1'hIONI) IF.), ])AYHOND (P.),

]tMNA)U)(A.), REGNARI) (P.). ] ! tCHER(P.), BOUBINO\Y1SCEL. \ ? ROTH.

ROUSSELET (A.), SÉGJ,AS, SEGUIN (E.-C.). SOLLIBR, SOREL. 1'ALAM01>,

TEINTURIER (E.), T11UL1É (II.), 1'IIOISII\II (I.),

YIGOUROll.Y (II.), VOISIN (J.).

Rédacteur en chef : I;OUI%NEV91,LL ?

Secrétaire de la rédaction : Cil. 11`slti,`

Dessinateur : LEUBA.

Tome XV. - 1888.

Avec 6 planches et 44 figures dans le texte.

PARIS

BUREAUX DU PHOGHÈS MÉDICAL

1.'i, rue des Canjies.

1888

Vol. XV. Janvier 1888. Nu 43

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

/. ' ·

te z

PATHOLOGIE NERVEUSE

SUR UNE DÉFORMATION PARTICULIÈRE DU TRONC CAUSÉE

PAR LA SCIATIQUE;

Par le Dr J. BABINSKI, clief de clinique de la Faculté de médecine

il la-Salpêtrière.

Nous nous proposons d'établir dans ce travail que

dans certains cas de sciatique il se développe une

déformation particulière du tronc qui nous paraît avoir

échappé jusqu'à présent à l'attention des observa-

teurs. Cette déformation donne 'aux malades une

attitude toute spéciale que notre maître M. Charcot

nous semble être le premier à avoir remarquée. C'est

sur un malade de sa clientèle privée que M. Charcot

a observé la première fois cette déformation qu'il a

représentée sur un dessin que l'on trouvera annexé

à l'OBSERVATION IV. Peu de temps après se présentait à

la Salpêtrière un homme atteint de sciatique et offrant

la même attitude (Cas. 1).

Le rapprochement de ces deux cas paraissait bien

montrer qu'il y a entre la sciatique et la déformation

en question non pas une simple coïncidence, mais

Archives, l. XV. 1

2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

une véritable relation de cause à effet, et depuis,

nous avons plusieurs fois vu M. Charcot, dans

ses leçons cliniques, annoncer à distance chez les

malades présentant ce symptôme, non seulement

l'existence d'une sciatique, mais encore son siège

sur tel ou tel membre. L'examen plus direct du

malade confirmait ensuite de tous points le dia-

gnostic. M. Ballet a eu dans ces derniers temps

l'occasion de rencontrer un malade de cette catégorie

qu'il a présenté à la Société médicale des hôpitaux

(séance du 8 juillet 1887). L'attitude de ces malades

est, comme nous l'avons dit, toute spéciale, si bien

qu'elle nous semble pouvoir être distinguée des di-

verses déformations que peuvent provoquer d'au-

tres affections, telles que la coxalgie, par exemple,

et qu'elle peut même servir il établir le diagnostic de

la sciatique dans un cas douteux. C'est ainsi que

M. Ballet n'est arrivé chez son malade à reconnaître

la sciatique que grâce à la connaissance de ce carac-

tère.

Les observations que nous publions sont au nombre

de 5, dont 2 nous ont été communiquées par M. Charcot

et dont les trois autres ont été recueillies par nous

dans le service de notre maître à la Salpêtrière. Nous

commencerons par exposer une à une chacune de ces

observations en cherchant à établir qu'il s'agit réelle-

ment de sujets atteints de sciatique et que la défor-

mation qu'ils présentent doit être mise sur le compte de

cette affection. Nous essayerons ensuite par l'étude com-

parative de ces divers cas, de faire ressortir les carac-

tères propres à cette déformation ainsi que sa nature,

DE LA DÉFORMATION DU TRONC. 3

et à la différencier des attitudes vicieuses qui pour-

raient être confondues avec elle et qui sont sous la

dépendance d'autres causes.

Observation I.

(Voir l'caacue I, fig. 1 et 2.)

R..., trente-sept ans, pasteur, entre à la Salpêtrière, dans le

service de M. CHARCOT, le 15 décembre 1886.

Antécédents héréditaires. Mère rhumatisante. Père mort

d'une maladie d'estomac. Frère atteint de lithiase biliaire. Deux

soell1'S bien portantes.

Antécédents personnels. - Dans l'adolescence, deux fluxions de

poitrine et la scarlatine. Vers l'âge de vingt-cinq ans il souffrait

souvent de lumbagos et de névralgies intercostales. Depuis trois

ans il habite dans le Loir-et-Cher, où il exerce la profession de

pasteur. La maison qu'il habite est saine et bien située, mais il

dit que sa profession l'oblige à des visites nombreuses dans des

quartiers et des logements humides et malsains.

En novembre 1884 il a commencéà éprouver les premières dou-

leurs dans la fesse et la hanche gauches, qui ont été sans cesse en

augmentant et ont gagné le creux poplité, la jambe et le pied.

Ces douleurs avaient les caractères suivants : elles étaient presque

continues et sujettes à des exacerbations qui survenaient sous

l'influence de la pression, de la fatigue, et quelquefois sans cause

appréciable. Le malade a continué pourtant à vaquer à ses occu-

pations habituelles. Vers la même époque, le malade commença

à éprouver dos troubles dyspeptiques ; après les repas il se sen-

tait oppressé, somnolent, il avait des renvois, et parfois il res-

sentait, au moment de l'ingestion des aliments, de vives dou-

leurs. '

Un an environ après le début des douleurs du membre inférieur,

la déformation du tronc, sur laquelle nous reviendrons plus loin,

commença à se développer.

Divers traitements ont été essayés successivement, mais sans

produire jamais autre chose qu'un soulagement momentané ;

citons en particulier les vésicatoires, le massage, les pointes de

feu, les douches de vapeur, les pulvérisations avec le chlorure de

méthyle, l'électricité galvanique, le séjour à Aix.

Etat actuel. - Les douleurs ne sont pas continues, mais elles

reparaissent assez fréquemment; elles sont profondes, contu-

sives, durent généralement plusieurs heures de suite et parfois se

présentent sous forme d'élancements apparaissant et disparaissant t

brusquement et rappelant les douleurs fulgurantes. Ces douleurs

4 ' PATHOLOGIE NERVEUSE.

se manifestent surtout quand le malade marche quelque temps

ou que l'on cherche à modifier l'attitude anormale qu'il présente;

s'il cherche en particulier à se coucher sur le ventre et à étendre

la cuisse gauche sur le bassin, il ressent des douleurs. Le malade

en éprouve aussi lorsqu'on cherche à étendre complètement la

jambe sur la cuisse

On réveille les douleurs en comprimant certains points, la ré-

gion sacro-iliaque, la région de l'échancrure sciatique, la partie

postérieure de la cuisse le long du sciatique, la partie externe du

creux du jarret, la partie postérieure de la malléole externe. La

percussion de la région trochantérienne et du talon, lorsque le

membre inférieur est étendu, ne provoque pas de douleurs. La

flexion, l'abduction, l'adduction et la rotation de la cuisse sur le

bassin peuvent être elfectués sans souffrance.

Lorsque le malade est debout, il présente une attitude toute

particulière : le tronc est incliné à droite du côté opposé à la

cuisse où siège la douleur, de telle façon que le corps porte da-

vantage sur le membre inférieur droit; outre l'inclinaison laté-

rale, on observe encore une légère flexion du tronc sur le bassin

et un certain degré de rotation du tronc sur son axe vertical, en

vertu de laquelle l'épaule droite est située sur un plan antérieur

à celui de l'épaule gauche. Les deux épaules sont situées à peu

près à la même hauteur. La crête iliaque gauche est plus élevée

de deux ou trois travers de doigt que celle du côté droit. On

observe au-dessus de la crête iliaque droite plusieurs plis de la

peau dirigés transversalement et correspondant à l'inclinaison

latérale du tronc et le rebord costal droit est très rapproché de

cette crête.

Si l'on examine le dos du malade on constate que la colonne

vertébrale présente deux courbures, l'une occupant la région

lombaire à concavité droite, l'autre dans la région dorsale et à

concavité gauche. La plante des pieds porte à terre de deux côtés,

mais appuie davantage à droite. La jambe droite est légèrement

fléchie sur la cuisse. Cette déformation du tronc ne peut être mo-

difiée, car, dès que l'on cherche à redresser le malade, il éprouve

de la douleur et l'on sent une résistance qui paraît difficile à

vaincre. Dans le lit, la déviation du tronc ne disparaît pas non

plus; l'inclinaison latérale du tronc persiste quand le malade est

couché sur le dos et la cuisse gauche est fléchie sur le bassin ; il

est impossible au malade, en raison de la flexion du tronc sur le

bassin de s'étendre sur le ventre, et même en faisant des efforts

et en endurant des souffrances, il ne peut arriver à prendre,

ne serait-ce que temporairement, l'attitude normale.

Revenons au membre inférieur gauche, siège des douleurs. Les

téguments ne présentent aucune modification; on ne constate ni

d'éruption d'aucune sorte ni de troubles vaso-moteurs. Il y a un

DE LA DÉFORMATION DU TRONC. 5

certain degré d'amyotrophie. Voici le résultat des mensurations :

6 PATHOLOGIE NERVEUSE.

commises. Dans le cas présent, pourrait-il en être

ainsi ? Assurément non, car les caractères positifs et

négatifs relevés dans le cours de l'observation sont,

nous semble-t-il, tout à fait concluants : il suffit de se

rappeler, en particulier, d'une part, que la percussion

de la région irochantérienne et du talon, lorsque le

membre inférieur est étendu, ne provoque pas de dou-

leurs, que la flexion, l'abduction, l'adduction et la ro-

tation de la cuisse sur le bassin peuvent être effectuées

sans souffrance, et, d'autre part, que la pression, sur

certains points particuliers, tels que la région sacro-

iliaque, la région de l'échancrure sciatique, la partie

postérieure de la cuisse le long du sciatique, la partie

externe du creux du jarret, la partie postérieure de la

malléole externe fait apparaître des douleurs. Quanta à

la déformation, elle s'est développée après le début de

la sciatique, et il ne nous paraît pas discutable qu'elle

doive être mise sur le compte de cette affection.

..

Observation II.

(Voir Planche II, fig. 1 et 2.)

L..., trente-cinq ans, cordonnier, entré le 25 janvier 1887 à la

Salpêtrière, salle Bouvier, numéro 4, dans le service de M. Char-

COT.

Antécédents héréditaires. - Rien de spécial à signaler.

Antécédents personnels. - Rougeole à l'âge de trois ans. A l'âge

de six ans, fluxion de poitrine. Bonne santé générale pendant

l'enfance, l'adolescence et l'âge adulte. En 1870, il est soigné pen-

dant un mois et demi à t'hôpital de Metz pour une fièvre mu-

queuse, à la suite de laquelle il souffre pendant trois mois de

diarrhée avec coliques. Depuis cette époque il est sujet à des co-

liques, surtout pendant l'automne. Depuis quatre ou cinq ans, il

contracte des bronchites tous les hivers; lorsqu'il est enrhumé, il

est souvent pris de céphalalgie. Depuis le même temps, il est

devenu chauve. Il n'est ni syphilitique, ni alcoolique. Depuis trois

ans, il exerce sa profession de cordonnier, au rez-de-chaussée, 3

DE LA DEFORMATION DU TRONC. 7

dans un logement carrelé et humide, où les papiers sont décollés

du mur par l'humidité ; il ypasse neuf à dix heures par jour.

Il y a quatre mois et demi (octobre ] 886), il est reslé pendant

une heure dans une cave humide pour mettre du vin en bou-

teilles ; deux ou trois heures après, il ressentit des picotements

- douloureux dans la région fessière gauche. Ces douleurs étaient

continues, mais cependant supportables, et pondant un mois et

demi le malade continua son travail. Les douleurs devinrent

ensuite plus intenses et se firent sentir non seulement à la fesse,

mais encore tout autour de la hanche, à la partie postérieure de

la cuisse et dans le jarret; il est alors obligé de se coucher, ne

peut plus remuer le membre inférieur gauche, et le poids même

de couvertures est douloureux ; il fait des frictions à l'alcool cam-

phré.

A la fin de décembre 1886, les douleurs persistant, il va à la

consultation de la Pitié; on lui fait une seule pulvérisation de

chlorure de méthyle qui lui enlève complètement la douleur de

la fesse et celle du jarret. Mais il continue à souffrir autour de la

hanche et en avant de la malléole externe, d'où les douleurs

gagnent la partie antéro-intcrne de la jambe et la partie posté-

rieure de la cuisse. U applique alors deux vésicatoires, puis trois

rangées de pointes de feu le long de la partie postérieure de la

cuisse, puis quatre nouveaux vésicatoires en divers points du trajet

du nerf sciatique. Tous ces révulsifs ont un peu calmé les dou-

leurs, mais sans les supprimer. C'est alors qu'il entre à la Salpê-

trière le 23 janvier 1887.

Etat actuel. Le malade ressent dans le membre inférieur

gauche, le long du nerf sciatique, une douleur sourde et continue,

qui devient plus intense quand il marche ou qu'il reste quelque

temps assis. La douleur se fait sentir à la fesse, à la partie pos-

térieure de la cuisse jusque dans le creux poplité, le long de la

partie anléro-externe de la jambe jusqu'à la partie postérieure

de la région dorsale du pied. La pre,sion exagère la douleur aux

points fessier, trochantérien, poplité, péronier et dorsal du pied.

Les douleurs irradient dans la région crurale antéro-supérieure

en dedans et en dehors, au niveau du .muscle droit interne en

dedans, et du tenseur du fascia lata en dehors, le long des nerfs

crural et fémoro-cutané. Les mouvements actifs et passifs

de l'articulation de la hanche provoquent quelques douleurs dans

la fesse et au niveau du pli inguinal, mais ils sont tous aussi éten-

dus que du côté opposé. Le malade n'éprouve pas de souffrances

lorsqu'on percute le grand trochanter ou que l'on presse sur le

talon, après avoir fait étendre la jambe.

Quand le malade est debout, on constate qn'il repose surtout

sur le membre droit et que le tronc est fortement incliné à droite

et légèrement fléchi sur le bassin. L'épaule droite est plus élevée

8 PATHOLOGIE NERVEUSE.

que la gauche. Le rebord costal droit est rapproché de la crête

iliaque. La colonne vertébrale présente deux courbures latérales,

l'une inférieure, à concavité droite, l'autre supérieure, à concavité

gauche. La plante des pieds repose des deux côtés sur le sol. On

ne peut pas modifier cette attitude etla déformation du troncper-

siste quand le malade est au lit ; le malade ne peut se coucher

sur le ventre, et quand il est sur le dos, la cuisse est légèrement

fléchie sur le bassin et la jambe sur la cuisse. La déformation que

nous venons d'indiquer a commencé à se développer deux mois

après le début des douleurs. Le malade souffre quand dans la

marche le membre inférieur gauche vient poser sur le sol ; il

marche plus facilement avec une canne qu'il tient du côté droit,

c'est-à-dire du côté sain. Du côté des téguments, il n'y a pas de

trouble trophique, mais les muscles du membre inférieur gauche

sont un peu atrophiés. L'amyotrophie est surtout accentuée à la

fesse et à la cuisse. Voici les résultais de la mensuration : -.

DE LA DÉFORMATION DU TRONC. 9

trochantérien, poplité, péronier et dorsal du pied.

D'autre part, les mouvements actifs et passifs de l'ar-

ticulation de la hanche sont tout aussi étendus du côté

malade que du côté opposé, et le malade n'éprouve

pas de douleurs lorsqu'un percute le grand trochanter

ou que l'on presse sur le talon après avoir fait éten-

dre la jambe. Les différents caractères que nous ve-

nons d'énumérer suffisent à éliminer l'hypothèse de

coxalgie et à établir le diagnostic de sciatique. La dé-

formation s'est développée après l'apparition des dou-

leurs et elle est liée manifestement à la sciatique.

Observation 111.

(Voir Planche III, fig. 1 et 2.)

M..., trente et un ans, marchande de"journaux, vient à la Sal-

pêtrière à la consultation de M. CHARCOT, le 22 juillet Il 887.

Antécédents héréditaires . Père mort à cinquante-deux ans

d'entérite, dit la malade.- Mère vitet se porte bien. Un frère est

très nerveux, a souvent des cauchemars la nuit, se lève parfois et

marche tout endormi. - Grand'mère maternelle morte à quatre-

vingt-huit ans; elle était paralysée depuis trois ans. Un oncle

paternel a eu un accès de folie furieuse.

Antécédents personnels. La malade a toujours été très ner-

veuse. Elle a eu trois enfants, dont deux morts de convulsions.

L'aînée vit ; c'est une petite fille de treize ans qui est bien por-

tante, mais très nerveuse. La malade tousse un peu tous les

hivers.

La douleur dont souffre actuellement la malade a débuté il

y a trois mois : elle éprouva une nuit une sensation d'engour-

dissement dans tout le membre inférieur droit, puis des dou-

leurs très vives le long du trajet du nerf sciatique droit. Le

lendemain du jour où ont débuté ces douleurs, elle prend un bain

très chaud, au sortir duquel les douleurs névralgiques deviennent

excessivement intenses et la malade tient le tronc fortement

incliné du côté gauche. Elle assure qu'elle se tenait parfaite-

ment droite avant le début de l'affection. Elle garde la chambre

10

PATHOLOGIE NERVEUSE.

huit ou dix jours, éprouve au bout de ce temps une légère amé-

lioration, dont elle profile pour aller, quoiqu'elle souffre encore

beaucoup en marchant, à la consultation de l'hôpital Necker

(fin du mois d'avril 1887) : là, on lui fait, à trois reprises, des

pulvérisations de chlorure de méthylc, mais sans obtenir aucune

amélioration. Elle va ensuite consulter le Dr Kismisson, qui lui

ordonne des douches de vapeur : elle en prend dix-sept. En même

temps, dans le service du professeur Bail, on J'électrise avec des

courants induits et on lui fait deux injections hypodermiques

d'antipyrine. Insensiblement, il y a eu, depuis trois semaines,

une légère amélioration : les douleurs sont devenues un peu

moins vives et la marche plus facile.

Etat actuel (22 juillet 1887). La malade souffre encore beau-

coup tout le long du trajet de son nerf sciatique droit : la douleur

se fait sentir depuis la malléole externe jusque dans la région

lombaire et n'occupe pas du tout le pied; elle est continue et

sourde, mais très violemment exaspérée par le moindre mou-

vement du tronc, le rire, la toux. La marche augmente aussi la

douleur.

Les mouvements provoqués des articulations du cou-de-pied et

du genou droits, sauf l'extension de la jambe sur la cuisse, qui

fait souffrir la malade, n'exaspèrent que très peu la douleur ; il en

est de même de la flexion, de l'extension et de l'adduction de la

cuisse droite; l'abduction de la cuisse est un peu douloureuse;

mais ce mouvement peut être aussi étendu de ce côté que du

côté opposé. La pression sur les points ischiatique et poplité pro-

voque de la douleur. Lorsque la malade est assise, elle ne repose

que sur la fesse gauche. Lorsque la malade est debout, son atti-

tude est la suivante : elle est penchée un peu en avant, mais ce

qui domine, c'est l'inclinaison latérale; le tronc est fortement

incliné à gauche sur le membre inférieur correspondant; l'épaule

droite est un peu plus élevée que la gauche; il en est de même

de la crête iliaque droite par rapport à la crête iliaque gauche.

Dans la station, le malade repose presque exclusivement sur le

membre inférieur gauclie ; cependant la plante du pied droit est

dans toute son étendue en contact intime avec le sol ; on ne pour-

rait placer aucun corps étranger, pas même une feuille de papier,

entre le sol et le talon ou la pointe du pied droit.

La malade étant debout, les talons écartés l'un de l'autre de

dix centimètres, un fil à plomb, dont l'extrémité supérieure est

placée au niveau de l'apophyse épineuse de la septième vertèbre

cervicale, tombe par son extrémité inférieure au niveau du talon

gauche. La colonne vertébrale présente une double courbure

latérale, l'une inférieure à concavité gauche, l'autre supérieure à

concavité droite.

Si l'on cherche à modifier l'attitude de la malade, elle éprouve

DE LA DÉFORMATION DU TRONC. 1'1

de la souffrance. Mais elle dit que l'inclinaison n'est pas toujours

également marquée : c'est ainsi que le matin à son réveil, alors

qu'elle est reposée, elle est moins inclinée que vers la fin de la

journée.

Le membre atteint no présente pas d'autres troubles : la sensi-

bilité est normale; il n'y a pas d'amyotrophie, pas de phénomènes

vaso-moteurs. Rien du côté des viscères. On conseille à la

malade de continuer les bains de vapeur et on lui fait prendre

1 gr. 50 d'acetaniiide par jour.

La malade revient quinze jours après. Les douleurs sont bien

moins fortes ; la déformation est moins accentuée qu'au début, mais

elle existe encore.

Nous ne pourrions, à propos de cette observation,

que répéter ce que nous avons dit au sujet des deux

observations précédentes. Pour des motifs analogues

à ceux que nous avons invoqués, le diagnostic de

sciatique s'impose, et il suffit de lire attentivement

l'observation pour ne conserver aucun doute à cet

égard. La déformation est aussi, comme dans les cas

précédents, manifestement sous la dépendance de la

sciatique.

Les deux observations succinctes qui suivent se rap-

portent à deux malades qui ont été examinés par

M. Charcot en consultation. L'un de ces deux cas est

celui qui a attiré la première fois l'attention de mon

maître sur cette déformation de la sciatique. M. Charcot

a pris brièvement quelques notes sur ces malades et

en a fait des croquis que nous reproduisons ici, qui

font voir les caractères essentiels de la déformation

qu'ils présentaient.

Observation IV.

Malade examiné le 3 septembre 1886.

Sciatique gauche remontant à dix-huit mois. Inclinaison remar-

quable du tronc du côté opposé. Diminution des réflexes tendi-

12

PATHOLOGIE NERVEUSE.

neux du côté gauche. Léger amaigrissement du membre inférieur

gauche,

Observation V. '

Malade âgé de quarante-sept ans et demi, examiné le 8 dé-

cembre 1886. C'est un amateur de pêche qui s'est souvent exposé

à l'humidité. Sciatique gauche. Début remontant à un au. Dou-

leurs intenses depuis trois mois et déformation depuis cette

, Fig. 1.

1,'ig. 2.

DE LA DÉFORMATION DU TRONC. 13

époque. Le tronc est incliné à droite. Le rebord costal droit

touche la crête illiaque correspondante. Les deux pieds portent

à terre dans toute leur étendue. Il y a une légère amyotrophie

du membre inférieur gauche.

Ces deux dernières observations sont évidemment

trop brèves pour qu'il soit possible d'établir avec ri-

gueur, au moyen des symptômes consignés, le dia-

Fig. 3.. .

Fig. t.

il, PATHOLOGIE NERVEUSE.

gnostic de sciatique. Mais est-il besoin de faire

remarquer que le diagnostic ayant été porté par

M. Charcot, après examen attentif, ne peut être mis

en doute ?

Nous croyons avoir établi que les observations pré-

citées ont bien trait à l'affection connue sous le nom

de sciatique et que la déformation présentée par les

malades est sous sa dépendance. Nous devons cher-

cher actuellement, par l'étude comparative de ces

observations, à voir si l'attitude anormale que nous

avons signalée a quelques caractères constants et si

elle peut être différenciée des déformations que l'on

peut rencontrer dans d'autres affections, entre autres

dans la coxalgie. Les anomalies que nous avons signa-

lées en décrivant l'attitude de nos malades portent,

comme on l'a vu, sur diverses parties du corps, et

nous avons indiqué tour autour la position occupée par

les épaules, le thorax, l'abdomen, le bassin, les mem-

bres inférieurs.

Occupons-nous d'abord de la situation des épaules.

Dans t'OBSERVATioN I (sciatique gauche), l'épaule

droite est située sur un plan antérieur à celui de

l'épaule gauche, et les deux épaules sont à peu près à

la même hauteur. Dans l'O13SI ? R'AT10N II (sciatique

gauche), l'épaule droite est plus élevée que la gauche;

aucune autre modification. Dans I'Observation III

(sciatique droite), l'épaule droite est un peu plus éle-

vée que la gauche. Dans l'OBSCRV.1'l'ION IV (sciatique

gauche), le dessin montre que l'épaule gauche est

plus élevée que la droite. Dans l'Onsl : nv.Tios V

(sciatique gauche), le dessin fait voir que l'épaule

droite est plus élevée que la gauche.

DE LA DÉFORMATION DU TRONC. 1e'7

Ainsi donc, ce n'est que dans t'OBSERVATioN 1 que se

trouve indiquée la situation d'une épaule sur un plan

antérieur à celui de l'épaule opposée, et, d'autre part,

l'épaule du côté malade est, dans un cas, sur le même

niveau que l'épaule du côté opposé; dans deux cas,

l'épaule du côté malade est plus élevée que du côté

sain, et, dans deux autres cas, c'est la disposition in-

verse qui s'observe. Aussi, en ce qui concerne la

situation de l'épaule, on ne peut établir aucune règle,

et nous devons chercher ailleurs la caractéristique de

la déformation.

Eludions maintenant l'attitude du tronc et du

bassin. Dans l'OBSERVATION 1 (sciatique gauche) le tronc

est incliné à droite et il est en même temps légère-

ment fléchi sur le bassin.

Au-dessus de la crête iliaque droite, on observe

plusieurs plis de la peau dirigés transversalement, et

le rebord costal droit est très rapproché de cette crête.

La crête iliaque gauche est plus élevée de deux ou

trois travers de doigt que celle du côté opposé. La

colonne vertébrale, présente deux courbures, l'une

inférieure occupant la région lombaire, à concavité

droite, l'autre supérieure, dans la région dorsale et à

concavité gauche. Dans t'OBSERVATtON II (sciatique

gauche) le tronc est fortement incliné à droite et

fléchi sur le bassin. Le rebord costal droit est rap-

proché de la crête iliaque. La colonne vertébrale pré-

sente deux courbures latérales, l'une inférieure à

concavité droite, l'autre supérieure, à concavité

gauche. Dans l'OBSI-1-111AT[ON I I (sciatique droite)

la malade est un peu penchée en avant, mais

ce qui domine c'est l'inclinaison latérale; le tronc est

Il) li 111*1'1101OGIL m : Kw.usL.

fortement incliné à gauche. La crête iliaque droite est

située sur un niveau plus élevé que la crête du côté

opposé. La colonne vertébrale présente une double

courbe latérale, l'une inférieure à concavité gauche,

l'autre supérieure à concavité droite. Dans les Observa-

riows IV et V (sciatiques gauches), on voit d'après les

liq. 1, 2, 3 et 4 que le tronc est fortement incliné du

côté droit et que le rebord costal droit est très rapproché

de la crête iliaque. On observe aussi sur les deux des-

sins une double courbure latérale, l'une inférieure à

concavité droite, l'autre supérieure à concavité gauche.

On peut constater facilement par l'étude compara-

tive de ces cinq cas, que la situation du tronc est

toujours la même dans ses principaux traits. En effet,

dans toutes les observations, on note que le tronc est

incliné du côté opposé à celui où siège la sciatique,

et que le rebord costal du côté où le tronc est incliné

est très rapproché de la crête iliaque. La déviation de

la colonne vertébrale est aussi toujours la même; on

note constamment une double déviation latérale, l'une

inférieure correspondant à la région lombaire à con-

vexité tournée du côté de la sciatique, l'autre supé-

rieure correspondant à la région dorsale à convexité

tournée en sens inverse. La flexion du tronc sur le

bassin est notée dans les trois premières observa-

tions. Il est impossible de voir sur les croquis se

rapporlant aux deux dernières observations s'il y

existe la même disposition. Pour ce motif je ne puis

attacher à cette particularité l'importance que j'ai attri-

buée aux caractères précédents. La crête iliaque dans

tes Otismv.\'no\s t et ni est située sur un niveau plus

élevé du côté malade que du côté opposé. La disposi-

DE LA DÉFORMATION DU TRONC. 1Î 't

tion relative des deux crêtes iliaques n'est pas mention-

née dans les autres observations ; il est vraisemblable

qu'elle était semblable à celle qui a été notée dans les

deux cas où l'attention a été dirigée de ce côté, car

l'élévation de la crête iliaque du côté malade doit être

sous la dépendance de l'inclinaison du tronc en sens

opposé. Mais s'il en est ainsi, ce n'est là qu'une dis-

position accessoire et nous pouvons ne pas en tenir

compte.

Il nous reste à considérer l'attitude des membres

inférieurs. Dans l'OBSERVATiON I (sciatique gauche) la

jambe droite est légèrement fléchie sur la cuisse, et la

plante des pieds porte à terre de deux côtés mais

appuie davantage à droite. Dans l'OBSERVATiON II il

est noté que la plante des pieds repose des deux côtés

sur le sol. Dans l'OBSERVATION III on remarque que

le malade repose presque exclusivement sur le

membre inférieur gauche, mais la plante du pied droit

est dans toute son étendue en contact intime avec le

sol; on ne pourrait placer aucun corps étranger, pas

même une feuille de papier, entre le sol -et le talon ou

la pointe du pied droit (il s'agit d'une sciatique droite).

Dans l'OBSERVATION V les deux pieds portent à terre

dans toute leur étendue. Dans l'OasERVATiON IV il

n'est pas fait mention de l'état du pied. En somme,

comme on le voit dans toutes les observations où

l'attention a été dirigée de ce côté, on a constaté

que le pied du côté malade, quoique appuyant sur le

sol avec moins de force que celui du côté opposé, était

néanmoins en contact intime avec lui. Il s'agit donc

là d'un caractère constant qui nous paraît avoir une

assez grande importance.

Archives, 1. xv. 2

18 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Nous venons de voir les signes qui caractérisent la

déformation de la sciatique lorsque le malade se tient

débout. Nous devons encore l'étudier à d'autres points

de vue.

Dans les trois premières observations il est noté

qu'il est impossible de modifier l'attitude en cherchant

à imprimer au tronc des mouvements passifs, et que

la déformation persiste lorsque le malade est couché.

Il serait intéressant de savoir ce que cette déforma-

tion devient pendant le sommeil et sous l'influence de

la chloroformisation; mais nous avons négligé de

faire ces recherches et nous ne pouvons pas, par

conséquent, répondre à ces questions.

Nos observations ne peuvent nous donner des no-

tions complètes sur l'évolution de cette déformation et

en particulier sur son mode de terminaison, car nous

n'avons pas pu suivre les malades assez longtemps.

Voici les quelques renseignements qu'elles nous

donnent à cet égard. Dans l'OBSERVATION I la déforma-

tion du tronc commença à se développer un an environ

après l'apparition des douleurs. Dans l'OBSERVATION II,

deux mois après le début de la sciatique alors que les

souffrances devenaient plus fortes, la déformation ap-

paraissait. Dans l'OBSERVATION III il est noté que le

lendemain du jour où l'affection a debuté, les dou-

leurs névralgiques sont excessivement intenses, et la

malade tient le tronc fortement incliné du côté gauche.

Dans l'OBSERVATION V la déformation ne s'est déve-

loppée que neuf mois après le début de la sciatique,

en même temps que les douleurs devenaient plus

intenses.

DE LA DÉFORMATION DU TRONC. 19

Comme on le voit, la date de l'apparition de la dé-

formation par rapport au moment où la sciatique

commence à se développer est très variable; c'est

un an, neuf mois, vingt-quatre heures après le début

de l'affection que l'inclinaison du tronc peut être

constatée .

Ainsi donc le développement de la déformation

n'est pas lié à la durée de la sciatique, mais il semble

être sous la dépendance de l'intensité des douleurs ;

on peut remarquer en effet, de la façon la plus nette,

que dans trois de nos observations l'attitude vicieuse

a apparu en même temps que les souffrances de-

venaient très fortes.

Il n'est pas sans intérêt de remarquer que la défor-

mation ne présente pas toujours le même degré d'in-

tensité aux divers moments de la journée. C'est ainsi

que dans l'OBSERVATION III la malade est moins inclinée

le matin à son réveil, alors qu'elle est reposée, que

vers la fin de la journée.

En ce qui concerne l'évolution ultérieure de cette

déformation, il nous est impossible de donner d'indica-

tions précises. Nous pouvons dire seulement qu'elle est

susceptible de s'atténuer lorsque les douleurs devien-

nent moins fortes. En effet, dans l'OBSERVA'noN II, il

est noté qu'à la sortie de l'hôpital, vingt jours après

l'entrée, les douleurs sont moins intenses et la dé-

formation un peu moins accentuée. Chez la malade

qui fait le sujet de l'OBSERVATION III, il en a été de

même ; quinze jours après le moment où elle s'est

présentée pour la première fois à l'hôpital, les dou-

leurs avaient notablement diminué et la déformation

était moins accentuée qu'au début. -

20 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Cette déformation peut-elle disparaître complète-

ment ? Il y a tout lieu de croire que, dans certains

cas au moins, ce mode de terminaison est possible,

mais cette opinion n'est pas basée, pour le moment,

sur des faits précis. -

Nous devons, maintenant, chercher à déterminer la

cause et la nature de cette déformation. Il faut tout

d'abord remarquer que cette déformation est loin

d'être constante dans la sciatique, et même si l'on con-

sidère qu'elle n'a pas été encore signalée par les pa-

thologistes, on doit être porté à croire qu'il s'agit là

d'une exception..11 nous semble, toutefois, qu'il est

bon de ne pas encore se prononcer à ce point de vue.

On sait, en effet, que, lorsque l'attention n'a pas été

préalablement mise en éveil, bien des choses pas-

sent inaperçues, alors qu'elles semblent manifestes à

un observateur prévenu.

D'autre part, il est vraisemblable, sinon certain,

que, dans bien des cas, l'attitude vicieuse dont nous

nous occupons existe, tout en étant moins accentuée

que chez les malades dont nous avons rapporté les

observations. Or, il est indispensable, pour percevoir

nettement une pareille déformation, lorsqu'elle est

légère, d'examiner le malade tout nu, et l'on n'a guère

l'habitude, surtout lorsqu'il s'agit de femmes, de faire

l'examen dans ces conditions; c'est ce qu'il faudra

faire désormais, si l'on veut déterminer son degré de

fréquence. M. Charcot insiste, dans ses cliniques, sur

l'importance, en neuropathologie, de ce genre d'exa-

men. 11 est vrai que celui-ci exige, pour être vraiment

fructueux, des connaissances relatives à l'anatomie

des formes du corps humain, plus étendues et plus

DE LA DÉFORMATION DU TRONC. 21

profondes que ne le sont celles que possèdent les mé-

decins pour la plupart.

Est-il possible de dire pourquoi cette déformation

atteint certains sujets et épargne les autres ? On pour-

rait répondre qu'il doit en être de cela comme de

beaucoup d'autres états morbides qui ne se dévelop-

pent que sur certains terrains. Il est, en effet,

tout naturel d'admettre que, sous l'influence d'une

même excitation, la réaction puisse être différente

suivant le sujet, et que le tronc s'incline chez un indi-

vidu, reste dans la rectitude chez l'autre, alors qu'ils

sont tous deux atteints de sciatique de même intensité.

- Mais on peut aussi se demander si cette déformation

n'est pas tout simplement l'apanage des sciatiques in-

tenses, car nos observations se rapportent à des cas

de sciatique de cette catégorie. Le membre affecté pré-

sente, chez la plupart de nos malades, un peu d'amyo-

trophie, et la déformation s'est développée lorsque les

douleurs sont devenues violentes. Nous avons déjà

relevé plus haut cette particularité, et il nous semble

certain que l'élément douleur joue, dans la production

de cette attitude anormale, un rôle prépondérant, sinon

exclusif. -Il est, dureste, facile de concevoir comment

la douleur de la sciatique peut amener ce résultat.

En effet, lorsque le tronc est incliné, comme on l'a

vu, tout le poids du corps porte presque uniquement

sur le membre sain, et la compression normale, que le

nerf sciatique doit subir, lorsque les muscles du mem-

bre inférieur entrent en contraction, est supprimée

dans le membre malade par suite du relâchement de

ses muscles. D'autre part, le malade, tout en évitant

d'exercer une pression du côté affecté, laisse son pied

22 ) PATHOLOGIE NERVEUSE.

complètement appliqué sur le sol, car le soulèvement

du membre amènerait un tiraillement du nerf qui se-

rait suivi de douleurs. Il nous semble qu'on peut com-

prendre ainsi le mécanisme de cette attitude toute

spéciale, dont les caractères essentiels sont l'inclinai-

son du tronc du côté opposé ci la sciatique et l'absence

complète de soulèvement du pied du côté malade. Il

s'agit donc là simplement d'un mouvement instinctif

effectué dans le but d'atténuer la souffrance, et l'in-

clinaison est, par conséquent, due, au début, à une

contraction musculaire qui doit cesser lorsque le ma-

lade se met dans la position horizontale. Biais, à la

longue, sous l'influence de l'habitude que le malade

contracte d'incliner son tronc, il se développe sans

doute un état spasmodique des muscles, qui n'est plus

susceptible de se modifier d'un instant à l'autre, et

c'est ce qui fait que, même dans la position horizon-

tale, comme on l'a vu dans nos observations, les ma-

lades ne peuvent modifier leur attitude vicieuse. Enfin,

on peut aussi très bien admettre que, chez certains

sujets prédisposés, il se forme, après un laps de

temps plus ou moins long, comme dans quelques cas

de contracture ou de paralysie, des rétractions

fibreuses'. S'il en est ainsi , la déformation devien-

drait évidemment, chez ces malades, indélébile, même

' si la sciatique venait à disparaître.

Nous avons signalé la double déviation de la co-

lonne vertébrale qui est notée dans toutes nos obser-

1 Voir Bulletin médical, N° 7, I An « Rétractions fiiJro-teI1lEneliscs

dans les paralysies spasmodiques par lésions organiques spinales et

dans la contracture spasmodique hystérique». Leçon de M Charcot

recueillie par M. Babinski.

DE LA DÉFORMATION DU TRONC. 23

vations. La courbure inférieure lombaire présente sa

concavité tournée dans le même sens que l'inclinaison

du tronc, et elle est sous sa dépendance; quant à

la courbure supérieure dorsale, elle est tournée en

sens inverse, et c'est une courbure de compensation.

Il n'y a pas donc lieu de s'arrêter sur ce point.

Il nous reste maintenant à établir le diagnostic diffé-

rentiel de la déformation que nous venons d'étudier.

Il nous paraît inutile d'établir un parallèle entre cette

déformation et celles qui peuvent être consécutives au

mal de Pott, aux fractures de la colonne vertébrale,

au rachitisme. Parfois, les hystériques présentent

une déviation du tronc qui ressemble un peu à celle de

la sciatique et qui pourrait, à première vue, prêter à la

confusion (voir Planche V, fig. 1 et 2); mais ces ma-

lades sont atteints en même temps, le plus générale-

ment, de torticolis spasmodique, et les deux membres

inférieurs exercent sur le sol la même pression, con-

trairement à ce que l'on voit dans la sciatique. Du

reste, la sciatique ne peut guère être confondue avec

les affections que nous venons d'énumérer, et le dia-

gnostic différentiel ne présente pas d'intérêt dans

ces cas.

La sciatique, au contraire , est fréquemment con-

fondue avec la coxalgie qui, de son côté, amène sou-

vent une déviation du tronc. La comparaison des

attitudes vicieuses, produites par ces deux espèces

d'affections, présente donc un plus grand intérêt.

L'inclinaison du tronc dans la coxalgie se fait généra-

lement du côté sain, comme dans la sciatique; mais,

en même temps, il se fait, parfois, une torsion du

tronc en sens inverse, en vertu de laquelle le rebord

'4 PATHOLOGIE NERVEUSE.

costal du côté sain se rapproche de la crête iliaque

(Planche IV), ce qui est l'inverse de ce qui s'observe

dans la sciatique. D'autres fois, la déformation du tronc

est en tout semblable à celle de sciatique; mais, dans la

plupart des cas, le membre malade est légèrement

soulevé, et le talon, de ce côté , n'est pas exactement

appliqué sur le sol (Planche IV), comme dans la scia-

tique. Ainsi, on le voit, c'est la coïncidence de ces deux

caractères, sur lesquels nous avons insisté plus haut,

qui donne à l'attitude vicieuse de la sciatique un aspect

particulier qui permet d'établir le diagnostic.

SUR UNE AFFECTION CARACTÉRISÉE PAR DE L'ASTASIE

ET DE L'ABASIE

(INCOORDINATION MOTRICE POUR LA STATION ET POUR LA MARCHE (ClIAR-

COT ET R1CIIEItI. - ATAXIE MOTRICE HYSTÉRIQUE (V. MiTCHELL).

cot et Riciier). Ataxie motrice hystérique (V. Mitchell). z

ATAXIE PAR DÉFAUT DE COORDINATION' AUTOMATIQUE) (JaCCOUD) ;

Par PAUL BLOCQ, interne des hôpitaux.

Nous désignons ainsi un état morbide dans lequel

l'impossibilité de la station verticale et de la marche

normale contraste avec l'intégrité de la sensibilité,

de la force musculaire, et de la coordination des

autres mouvements des membres inférieurs. En dépit

des néologismes que nous employons, il ne s'agit pas

d'une maladie nouvelle à proprement parler, car déjà,

en 1883, MM. Charcot et P. Richer l'ont décrite sous

le nom « d'impuissance motrice des membres infé-

rieurs par défaut de coordination relative à la station

et à la marche», et, depuis, M. Charcot en a fait à

DE l'astasie ET DE l'abasie. 25 5

diverses reprises le sujet de ses leçons cliniques. Ce

sont, du reste, ces leçons mêmes, jointes aux notes

inédites et aux documents rassemblés par M. Charcot

sur la question, qui forment la base de ce travail dont

notre maître nous a ainsi donné et l'idée et les élé-

ments à l'occasion d'un cas que nous avons observé

récemment dans son service à l'hospice de la Salpê-

trière.

La définition qu'on a lue implique l'idée de para-

lysie de synergies musculaires déterminées, c'est-à-

dire de mouvements systématisés, comparable à ce

qui se passe dans l'agraphie, par exemple. Dans l'a-

graphie motrice pure, comme on sait, l'impuissance

motrice n'est pas due à une paralysie des mouvements

ordinaires, puisque le malade se sert très bien de sa

main pour exécuter les mouvements vulgaires et

même certains mouvements systématisés, comme pour

dessiner, dans quelques cas, mais il a perdu le sou-

venir des mouvements spécialisés nécessaires pour

tracer l'écriture. De même dans l'astasie, l'impuis-

sance motrice ne tient pas à une paralysie des mou-

vements généraux puisque le malade exécute, à l'aide

des membres inférieurs, avec la plus grande préci-

sion, des actes divers et peut même sauter, dans quel-

ques cas, ou «marcher à quatre pattes », mais il a

perdu le souvenir des mouvements spécialisés néces-

saires pour se tenir debout (astasie) et pour marcher

(abasie). '

Aussi nous a-t-il semblé indispensable de stigma-

tiser par un vocable analogue plus court et aussi si-

gnificatif que la périphrase « incoordination motrice

portant exclusivement sur la station et sur la mar-

26 PATHOLOGIE NERVEUSE.

che » ce trouble caractéristique. D'après l'avis'éclairé

de M. Girard, membre de l'Institut, que nous'remer-

cions ici de l'obligeance empressée avec 'laquelle il

nous a accueilli, nous'avons adopté les expressions

qui figurent plus haut ? '

. i - ' . i ,

I. HISTORIQUE. - La littérature médicale ne ren-

ferme qu'un nombre extrêmement restreint de- faits

qu'on puisse. rapprocher de ceux que nous décrivons

et les- leçons de M. Charcot constituent presque à

elles seules les documents actuels sur la matière. Ce-

pendant, nous trouvons, ainsi que M. Charcot l'a fait

remarquer, la. première indication du syndrome qui

nous occupe, dans un livre déjà ancien de M. le pro-

fesseur Jaecoud; la description, pour être sommaire,

n'en est pas moins très explicite, et se rapporte à ce

que l'auteur, appelle « ataxie par défaut de ! coordina-

tion automatique». « Enpa ! ! 1Ogéni; 'dit-il, cette

forme ne' diffère de t'ataxie; complète que par' la con-

- servatiôn de la coordination volontaire,' c'est-à-dire

du sens musculaire ; en clinique elle se distingue par

les résultats négatifs de l'épreuve des yeux et par

l'adaptation régulière des mouvements au but voulu.

Cette forme, très rare, n'a été vue jusqu'ici que chez

les hystériques, et elle paraît tenir à l'exagération de

- ' Voici un extrait, de la lettre que. nous a adressé a ce sujet I. Girard,' C'est L

bien astasie (às-zcniz) etabasie (29zst,-) qui paraissentconvenirle mieux.

Il faut deux mots pour exprimer les deux idées distinctement. Si vous -s

n'en voulez qu'un, il me semble que c'est le premier qu'il' faudrait choisir,

l'impossibilité de se tenir debout entraînant, si je ne me trompe, celle de

marcher. J 1 1 1 '

Le mot astasie a été déjà employé par Gubler. Il appelait « astasie

musculaire ,, une variété de tremblement saturnin précurseur de la

paralysie. Employé dans ce sens le terme n'a pas survécu. 1

DE l'astasie ET DE l'abasie 21

l'excitabilité réflexe de la moelle bien plutôt qu'à la

perturbation des irradiations spinales. Ce qui le

prouve, c'est que les mouvements sont .normaux lors-

qu'ils sont exécutés dans lcz station couchée et assise; ils

ne deviennent ataxiques que dans la station debout et

pendant la marche; on voit alors des contractions in-

volontaires troubler. l'équilibre ou interrompre l'har-

monie de l'acte fonctionnel toutes les fois que la plante

du pied pose sur le sol, c'est-à-dire lorsque les im-

pressions centripètes résultant du contact mettent en

jeu l'hyperkinésie morbide de la moelle'.» Il y a évi-

demment dans cette description la différenciation du

trouble que nous étudions, mais l'interprétation pa-

thogénique de M. Jaccoud ne semble pas applicable,

ainsi que nous le verrons ultérieurement à la majorité

de nos cas.

La première étude où soit affirmée l'existence de

cette affection est un travail de MM. Charcot et

P. Richer publié dans la Medicina Contemporanea, en

1883, sous ce titre : « Sur une forme spéciale d'im-

puissance motrice des membres inférieurs par défaut

de coordination relative à la station et à la marche. »

Cette affection atteint en particulier les enfants et les

jeunes sujets et survient tout à coup, à l'occasion

d'une émotion ou d'un traumatisme. En général, le

lendemain, ou peu après l'émotion ou la chute, sur-

vient une impuissance motrice des membres infé-

rieurs. Rien n'attire l'attention du côté de ces mem-

bres, le malade peut se lever, mais, dès qu'il a les

pieds à terre, il ne peut se tenir debout ou marcher;

. Jaccoud. Paraplégies et ataxie du mouvement . Paris, 18G}, p. 653.

2b PATHOLOGIE NERVEUSE.

cependant, le sujet couché a conservé l'intégrité de la

force musculaire et la précision des mouvements des

membres. On observe quelques variétés; parfois, lors

de la station avec le secours d'un aide, les jambes

s'embarrassent l'une dans l'autre, ou se fléchissent sur

le bassin, ou encore, lors des essais de marche, il y a

des mouvements désordonnés, il arrive enfin que la

progression, en sautant à pieds joints ou en sautant à

cloche-pied, est possible. Le pronostic est générale-

ment favorable, le trouble disparaît lentement ou brus-

quement et est sujet à des récidives. Il paraît en rela-

tion avec la diathèse hystérique. Il ne s'agit pas,

comme le veut Jaccoud, d'un excès de réflectivité

spinal, mais d'un simple défaut de coordination des

mouvements spéciaux relatifs à la station et à la

marche'.

En 1884, M. Charcot revient sur ce sujet dans plu-

sieurs de ses Leçons, publiées par le Dr lliliotti, à

propos de la malade Gom..., dont nous donnons plus

loin l'observation. Il établit le diagnostic différentiel

de ce cas, facile à confondre avec la chorée rythmée,

et montre aussi les différences et les analogies qui

existent entre « cette forme spéciale d'impotence

motrice des membres inférieurs » et les paralysies

psychiques; mais, cette fois encore, nous ne trou-

vons pas là de description didactique à proprement

parler du cas dont il s'agit. On s'en tient à la diffé-

renciation clinique rigoureuse du type morbide et à

son étude approfondie. M. Charcot rappelle à cette

1 Charcot et Richer. Su di una forma speciale d'impotenza motrice

degli arli inferiori par <li/jëtto di coordinazione (.1fcdicina conlempora-

nea, 1883, Nu 1, p. G).

DE l'astasie ET DE l'abasie 29

occasion les faits déjà exposés dans le travail que nous

avons cité '.

M. Weir-Mitchell décrit sous le nom d'ataxie mo-

trice hystérique des troubles analogues et appuie sa

description sur un certain nombre d'observations cli-

niques très intéressantes dans ses Leçons sur les ma-

ladies nerveuses des femmes (1885). Il distingue tout

d'abord deux modes d'incoordination motrice chez

les hystériques. Le premier est la forme étudiée par

Briquet et Lasègue3 3 dans laquelle le trouble est

sous la dépendance de l'anesthésie et ne s'observe

qu'alors que les malades sont privés du contrôle de la

vue. Le second est une forme non encore décrite.

Quelquefois elle est combinée à des phénomènes pa-

ralytiques, mais souvent elle existe sans aucune

espèce de paralysie. La malade, dans ces cas, n'a pas

de troubles de la sensibilité dans les membres infé-

rieurs et conserve le libre usage de ces membres

quand elle est couchée. Mais, debout ou à genoux,

l'absence de coordination se manifeste immédiate-

ment. La malade tombe alors d'un côté, cherche à se

redresser, tombe en conséquence de l'autre côté et

aussi en avant ou en arrière. Elle semble avoir perdu

la notion de l'équilibre ou de degré de puissance qu'il

faut employer pour le rétablir. Les efforts dirigés dans

ce but dépassent la mesure, il paraît y avoir défaut

dans l'action antagoniste normale des muscles. Peut-

' Cliarcot. - Lezioni cliniche dell'anno scolastico 1883-Si. SitUe ma.

lattie del sllstenao nervoso, ,'cdatte del dottore Domenico Jl11liotli, 1880.

2 Briquet. - Traité de l'hystérie, p. 477.

3 Lasèguc. - Aizeslhdsie et ataxie hystériques. (Etudes du Pr Lasègue,

t. II, p. 25.

30 PATHOLOGIE NERVEUSE.

être y a-t-il un retard dans l'incitation cérébrale des

muscles, et alors l'incoordination résulterait de la

lenteur de la perception de la nécessité d'exciter un

muscle antagoniste ou de la lenteur de l'exécution de

cette excitation En général, cette forme intéres-

sante d'incoordination est relative seulement aux

mouvements complexes et n'apparaît pas dans les cas

de mouvements volontaires d'un membre; la faiblesse

n'y est pour rien, car la malade, assise, montre une

force considérable'.

On peut aussi faire rentrer dans le cadre que nous

esquissons l'observation que nous rapportons plus

loin, publiée par Erlenmeyer. Dans son travail, l'au-

teur différencie, sous le nom de convulsions statiques

(Statische reflexlcra.nap fe, les convulsions qui sont

mises en jeu par les mouvements de locomotion du

corps et les distingue des spasmes fonctionnels. Mais

cette distinction ne repose que sur des considérations

d'une valeur discutable. La convulsion statique est

relative seulement aux mouvements du corps, tandis

que la convulsion fonctionnelle ne concerne pas le

corps; de plus, l'excitation corticale qui semble en-

gendrer l'un et l'autre trouble, serait primitive lors

de convulsion statique, secondaire lors de convulsion

fonctionnelle. Erlenmeyer rapproche les convulsions

statiques de la forme décrite par Bamberger sous le

nom de spasme saltatoire2.

Nous ne faisons ici qu'indiquer ce mémoire, sur les

conclusions duquel nous aurons à revenir. '

' Weir Metchell. Lect. of diseuses of the ne¡'vous systeni espezeall

in IVomen, (Philadelphia, 1885, p. 39.)

'Erlenmeyer. Uetier statische Reflexkrantpf. Leipsick, 1885, p. 808.

DE L'ASTASIE ET DE L'ABASIE. 31

Le D' Roméi publie en 1885, sous le titre « Para-

plégie infantile du seul acte de la marche », une

observation que nous reproduisons et la rapproche

des faits de M. Charcot. Elle est, en effet, de tous

points conforme à la description contenue dans les

leçons de cet auteur. Cette observation n'est publiée

qu'à titre de document et n'est accompagnée d'autres

commentaires que de la discussion du diagnostic dif-

férentiel '.

Nous aurons terminé cette rapide revue en citant

deux Leçons de l'an dernier faites à la Salpêtrière par

M. Charcot au sujet de cette même malade Gom...,

dont a été parlé déjà dans les Leçons recueillies par

M. Miliotti. M. Charcot y établit formellement les ca-

ractères cliniques de cette affection en même temps

qu'il en esquisse la théorie. Nous ferons à ces Leçons,

restées inédites, de si larges emprunts, qu'il serait

superflu de les analyser à cette place.

II. Exposé des faits. Les observations que nous

avons rassemblées, et qui forment la base de notre

travail, sont au nombre de onze. C'est encore peu

pour oser aborder la description d'un type morbide,

mais on se convaincra aisément que la plupart de ces

faits ont des caractères nettement tranchés qui ne per-

mettent pas de les classer dans les divisions nosogra-

phiques actuelles, que tous sont unis par un lien com-

mun que fait ressortir leur groupement.

Les différences qui existent entre ces observations

représentent en quelque sorte les divers degrés d'al-

' Dr Serafino Roméi. - Paraplegia infantile ne/solo atto délia imbu-

lazione. (Gazetta degli ospitali, n° 76, p. G03,)

32 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tération que peut subir la fonction de la station et de

la marche.

Ainsi, dans les quatre premières observations,

la fonction est complètement absolue; dans l'observa-

tion V, elle n'est qu'affaiblie; dans les observations

VI, VII, VIII, IX et X elle est troublée; enfin, dans la

dernière observation, l'astasie et l'abasie n'intervien-

nent qu'à titre de complication; mais, dans tous les

cas, le trouble fonctionnel est toujours le même, par-

faitement original, et différant à tous égards des di-

vers troubles de coordination jusqu'ici décrits et caté-

gorisés.

Observation 1.

(Rédigée d'après les notes communiquées par M. le professeur Charcot.)

MIlle L... vient consulter M. Charcot, pour sa fille, le 8 juillet

1883.

Antécédents héréditaires. - Grand'mère maternelle atteinte

depuis longtemps de névropathie générale. Le père, né de

parents goutteux, est mort de myélite aiguë; à ce moment,

l'enfant n'était âgée que de six mois, et sa mère la nourrissait;

elle dut cesser l'allaitement. La mère est née d'une famille de

rhumatisants et de goutteux confirmés; elle est rhumatisante

elle-même et de tempérament nerveux; elle a eu des attaques

d'hystérie. Il y a aussi des alcooliques dans la famille.

Antécédents personnels. L'enfant, venue à terme, a eu une

dentition difficile, accompagnée de convulsions. A l'âge de

deux ans et demi, elle eut une fièvre typhoïde accompagnée de

convulsions. A l'âge de cinq ans, elle se plaignait fréquemment

de douleurs névralgiques. Elle n'a eu aucune affection nerveuse

avant le début de la maladie actuelle. 1

Début et marche. Le 2 janvier 1883, en jouant avec ses cama-

rades, l'enfant serait tombée sur le dos sur un amas de branches;

le dos et la nuque auraient porté. Elle serait revenue à la maison

sans trop pleurer, et l'on n'aurait constaté ni plaie ni confusion.

Le lendemain, elle commença à se plaindre du dos et de la

nuque, et assurait ne pouvoir se tenir debout sans difficulté. Elle

`i1

/

DE L'ASTASIE ET DE l'ABASIE. 33

se couchait sur le ventre, pour éditer le décubitus dorsal doulou-

reux. Sa mère a remarqué qu'alors même qu'elle dormait le

moindre attouchement sur les parties hypereslhésiées la faisait

sauter comme si elle avait été frappée d'une commotion élec-

trique. Le sommeil est de plus habituellement agité.

Depuis quelque temps, vers 7 ou 8 heures du soir, il survient

spontanément une crise douloureuse; en dehors de ces crises,

l'hyperesthesie ne se révèle que sous l'influence des mouvements

et des attouchements. Il y a eu aussi quelques douleurs dans les

deux flancs. Quelques troubles visuels seraient survenus récem-

ment, caractérisés par une sorte de brouillard gênant la vue par

moments.

La marche est devenue peu à peu impossible; et depuis le

début, la jeune L... a passé la plus grande partie de son temps

soit au lit, soit couchée sur un sofa. Depuis le 25 avril, il y a une

exacerbation des douleurs et des phénomènes moteurs, et la ma -

Jade reste constamment au lit.

Etat actuel (8 juillet 1883). - Il s'agit d'une fillette grande

pour son âge, blonde, pâle, d'apparence strumeuse; le bord des

paupières est un peu rouge. Elle repose dans le décubitus latéral

droit ou gauche, elle paraît éviter d'être tout à fait sur le dos.

Elle a une hyperesthésie très marquée de la région vertébrale

depuis la nuque jusqu'à l'extrémité de la colonne vertébrale.

Lorsqu'on appuie légèrement sur ces points, elle donne des

signes de douleur vive et s'écarte. L'hypéresthésie, quoique

moindre, est également perceptible sur les cuisses, mais non

sur la tête et les bras.

Lorsqu'on lui dit de remuer les membres inférieurs au lit, elle

les porte aisément dans toutes les directions. On ne peut im-

primer de mouvements passifs en raison de l'hyperesthésie qui

rend douloureux le fait seul de prendre un segment de membre.

Il n'y a pas de trépidation du pied, ni trace de contracture.

On fait descendre la malade du lit en l'aidant, et elle se tient

debout parfaitement en appuyant chacune de ses mains sur cha-

cune de celles de l'aide. Etant ainsi debout, l'occlusion des

paupières ne produit pas la moindre oscillation.

Si on lui dit de marcher, elle affirme qu'elle ne le peut pas, et,

en effet, les membres inférieurs restent accolés l'un à l'autre. Le

pied droit se détache cependant et se porte en avant, mais le

reste des mouvements ne se produit pas. Lorsqu'on lui dit de

sauter, elle esquisse un saut pieds joints, mais ne va pas jusqu'au

bout. Il est à remarquer que, lorsqu'on la fait lever, il n'y a pas

de mouvements contradictoires.

L'examen ophthalmoscopique, fait par M. Parinaud, donne les

résultats suivants : champ visuel rétréci dans les deux yeux, plus

à droite. Toutes les couleurs sont reconnues à la vision centrale.

Archivas, t. XV. 3

34 PATHOLOGIE NERVEUSE.

On ne peut déterminer le champ des couleurs à cause de la fatigue

et des spasmes musculaires.

Dès le début du traitement, il y eut une améliora-

tion marquée : au bout de huit jours, la situation et

la marche étaient redevenues faciles.

Observation II.

(Rédigée d'après les notes communiquées par M. CHARCOT.)

Charles V..., âgé de quatorze ans, a été soumis à l'examen de

M. Charcot. le 13 avril 1877.

- Sa mère est migraineuse : lui-même n'a jamais été malade.

Il est tombé malade brusquement le 3 mars; à l'occasion d'une

solennité, il fut chargé de faire un discours à l'évêque qui visitait

la pension où il faisait ses études. Il fut très fortement émotionné

et ressentit tout d'abord des maux de tête, et, le même jour, un

affaiblissement marqué des membres inférieurs. Le lendemain,

il ne put se lever. Le médecin qui l'examina à ce moment cons-

tata l'impossibilité de la marche et remarqua que, couché,

Charles pouvait imprimer à ses membres des mouvements de

flexion et d'extension assez rapides.

Les autres fonctions, appétit, sommeil, vue, excrétions, s'ac-

complissaient, du reste, régulièrement, mais la paralysie de la

marche persistant, l'enfant fut amené à la consultation de

M. Charcot qui constata qu'au lit, cependant, la force musculaire

était absolument intacte dans les membres inférieurs, et Ja coor-

dination parfaitement conservée. Le malade, soutenu, ne peut

que se traîner au lieu de marcher. 11 n'y avait pas d'exagération

des réflexes, ni d'anesthéaies. Le champ visuel n'a pu être

examiné.

L'enfant fut traité dans une maison de santé et y séjourna

deux mois loin de sa famille. Au bout de peu de temps, le 8 mai,

un grand changement s'opérait, « l'enfant ne marchait pas

encore, mais il pouvait se servir de ses jambes et sautait comme

une pie, tantôt sur un pied, tantôt sur un autre, parcourant ainsi

toute la maison ». Cet état dura quinze jours, et le 29 mai, subi-

tement, Charles se mit à marcher normalement, et depuis, con-

tinua à se bien porter. Le 4 octobre, il fut repris subitement du

même trouble, sans aucune cause apparente, et se plaignit de

douleurs de tête, en même temps qu'il lui était impossible de se

tenir debout et de marcher : il fut obligé de se coucher. Cette

fois, la guérison survint au bout d'un mois et se maintint défini-

DE L'ASTASIE ET DE l'ABASIE. 35

tive. Du moins en 1882, cinq ans après, le malade n'avait plus eu

aucun accident nerveux depuis.

Observation III.

(Personnelle.)

Henri Gob..., âgé de quinze ans et demi, est entré le 23 juin

4887 à la Salpêtrière et occupe le lit n° 7 de la salle Pruss, dans le

service de M. Charcot.

Antécédents héréditaires. Le père est ordinairement bien

portant, ainsi que les oncles paternels. La mère est rhumatisante,

et a eu une attaque de rhumatisme polyarticulaire aigu. Le grand-

père maternel est rhumatisant. Rien à noter chez les autres

ascendants. Les quatre frères de l'enfant sont en bonne santé.

Antécédents personnels. Goh... n'a jamais été malade pen-

dant sa première enfance. A l'âge de cinq ans, il a eu la rougeole

et, la même année, la fièvre muqueuse. L'année suivante, il eut

la coqueluche.

Début et marche. Au mois de mars 1887, Henri Gob... eut une

bronchite suivie de fièvre typhoïde, qui dura un mois. Lors de sa

convalescence, on s'aperçut, en voulant le faire lever (fin d'avril),

qu'il lui etait impossible de se tenir debout. Depuis, son état

général resta excellent, mais le trouble moteur persista tel quel,

et l'enfant fut conduit à la consultation externe de la Salpêtrière.

Etal actuel (23 juin 1887). 11 s'agit d'un jeune garçon de

constitution moyenne, assez bien développé pour son âge, qui

lépond intelligemment aux questions qu'on lui adresse. Lorsqu'il

est assis sur une chaise ou couché, il ne présente rien d'anormal.

Mais lorsqu'on lui demande de se lever, il déclare que cela lui est

absolument impossible. Lorsqu'on le met debout en le mainte-

nant sous les aisselles, ses jambes fléchissent sous lui comme

impuissantes à le porter, et il s'affaisserait si on ne le maintenait.

Lorsque, étant assi-, on lui ordonne d'exécuter divers mouve-

ments, tels que projeter le pied en avant comme pour donner un

coup de pied, tenir les jambes horizontalement, mettre les pieds

sur les barreaux de la chaise, croiser les jambes l'une sur l'autre,

il accomplit tous ces actes rapidement, et avec force et précision.

On s'assure aisément, du reste, de la conservation de la vigueur

musculaire des membres inférieurs eu lui faisant étendre la

jambe et en lui ordonnant de résister a la flexion qu'on cherche

alors à produire. Etendu sur- le dos, il se redresse aisément.

Henri Gob... peut, de plus, progresser de diverses manières : il se

laisse glisser de sa chaise a terre et marche très bien ci quatre

pattes, ou bien encore, assis sur sa chaise, il la l'ait avancer

36 , . PATHOLOGIE NERVEUSE.

par petits petits sauts. Toutefois, peut peut ni sauter, ni mari lL

cloche-pied. On le porte il un arbre de la cour, en fin lui finir»

de grimper : il monte un peu à l'arbre, mais mal; il nous dit, du

reste, n'êtrp- pas familiarisé avec cet exercice.

DE l'astasie ET DE l'abasie. 37

Depuis qu'il est malade, dit-il, il n'a jamais fait de rêves dans

lesquels il marchait.

Les jambes ne présentent rien d'anormal : ni amaigrissement,

ni troubles trophiques d'aucune sorte. La sensibilité générale et

spéciale est conservée dans tous ses modes. Les réflexes tendi-

neux sont forts des deux côtés; il n'y a pas de trépidation spinale.

Pas de stigmates hystériques : ni points hystérogènes, ni anes-

thésies sensorielles, et pharyngée, ni diathèse de contracture.

Toutefois, il y a un léger rétrécissement du champ visuel. Il n'y a

pas de troubles des réactions électriques.

Les organes génitaux sont normaux. Les sphincters et tous les

appareils fonctionnent bien.

26 juin. A la suite d'une séance de transfert à laquelle l'a

soumis M. Bahinski, Henri Gob... a pu marcher. - Le lendemain,

en se levant, il a encore un peu d'hésitation dans la démarche.

Depuis. le trouble disparaît complètement.

5 septembre. Nous avons vu l'enfant, dont la truérison s'est

maintenue depuis, et qui n'a soutfert d'aucun autre trouble ner-

veux.

Observation IV.

(Dr Serafeno ROME.)

Antoine D. M..., jeune enfant âgé de onze ans, d'une famille

aisée, est d'une bonne constitution physique; il a les muscles et

les os bien développés, n'a aucun défaut corporel, sauf un stra-

hisme congénital, comme l'affirment sesparents. Sa mère est jeune

et jouit d'une bonne santé; son père est mort depuis plusieurs

années. Le petit malade n'a soufferk précédemment d'aucune affec-

tion semblable. Au mois de juillet 1882, il passait avec des cama-

rades dans un petit chemin étroit quand il vit près de lui un âne

chargé de bois qui menaçait de le jeter contre le mur. Il se gara

autant qu'il put, puis, aidé de ses autres camarades il réussit à

éviter le choc en faisant tomber l'âne de l'autre côté. L'ànier fu-

rieux se mit à la poursuite de l'enfant, une hache à la main.

L'épouvante saisit les jeunes écoliers; notre sujet, plus effrayé

que les autres, se sauvait à toutes jambes. Le soir il se relira dans

sa chambre, pâle et un peu préoccupé. Ses parents lui deman-

dèrent s'il n'éprouvait aucun malaise, mais il répondit qu'il se

trouvait bien. Il resta ainsi pendant deux jours, après quoi il fut

atteint d'nne violente douleur de tête qui le contraignit à garder

le lit. Il fut si.igné par le docteurlerrari; au boutde quatre jours

la douleur se calma et l'enfant se sentit mieux. Il voulut se lever,

s'habilla, mais une fois il terre il s'aperçut avec une douloureuse

surprise qu'il ne pouvait pas marcher, ni même se tenir sur ses

00 PATHOLOGIE NERVEUSE.

pieds. Pendant les jours suivants il renouvela à diverses reprises

cette tentative, mais sans succès. Entre temps, je fus invité par

la famille à le visiter.

Au mois de septembre 1883, il souffrit de douleurs avec léger

gonflement à l'articulation du pied gauche; ces douleurs se cal-

mèrent après un certain temps. Au mois d'avril 1884, il com-

mença à marcher un peu courbé et avec une difficulté visible

pour monter l'escalier ; sur les surfaces planes et sur les pentes il

se tenait médiocrement. Interrogé par son oncle, il répondit qu'il

se sentait bien. Mais son plus jeune frère raconta tout. Il dit qu'il

souffrait depuis plusieurs jours, et qu'une fois alors qu'ils étaient

allés se promener (car ils se trouvaient au séminaire de Cosence),

toutd'un coup les jambes lui manquèrent, tellement qu'il lui fut

impossible de marcher, et il fut transporté par quatre de ses com-

pagnons, parce qu'il titubait comme un homme ivre. La pression

était ressentie avec douleur au niveau des vertèbres dorsales. A

ce moment il fut visité par un médecin du lieu qui déclara qu'il

était atteint d'un commencement de xyphose, par ramollissement

d'une vertèbre dorsale. Les professeurs Thomas et Cantani de

Naples, où il fut conduit deux mois après, déclarèrent qu'il était

atteint de rhumatismes : ils prescrivirent les bains thermo-miné-

raux de Bagnoles, et au quatrième bain les douleurs cessèrent

tout à coup.

Quand je fus appelé en consultation auprès de lui au mois de

juillet 1882, avec le docteur Ferrari, la singularité du cas m'en-

gagea à l'observer avec le plus grand soin.

La sensibilité et l'énergie musculaire des deux membres infé-

rieurs étaient normales. le reste des fonctions organiques, dans

de bonnes conditions; seulement, la simple pression provoquait

une légère douleur dans la colonne vertébrale.

Etendu sur un lit, le malade essayait de-- mouvements variés

avec les pieds, il allongeait et ramenait ses cuisses ensemble et

isolément, il les levait toutes deux à la fois et séparément avec

vigueur et sans désordre. Invité à marcher dans la chambre, il

mit les pieds à terre, mais il ne put pas se tenir sur ses jambes,

ni même s'éloigner du bord du lit. Quand on voulait qu'il marchât

il fallait qu'il fût soutenu de chaque côté et il avançait ainsi ;

mais ses jambes faisaient avec son corps une sorte de plan incliné

et paraissaient comme disloquées.

Il avait la bonne volonté de marcher, mais pour faire un pas il

ressemblait à un jeune enfant qui commence pour la première fois à

marcher..le lui fis essayer divers mouvements, non seulement en

se tenant sur son lit, mais encore debout pendant qu'on le soute-

nait ; je lui fis bander les yeux et je remarquai la même faiblesse,

le même désordre dans les mouvements. Leréllcxerotulicn n'était

ni exagéré ni diminué. '

DE L'ASTASIE ET DE L'ABASIE. 39

De toutes ces observations je ne pouvais conclure qu'à une ano-

malie consistant dans le manque d'énergie et de coordination des

mouvements de la marche. Il ne s'agissait pas d'une lésion anato-

mique du système nerveux, mais d'une altération dynamique

fonctionnelle.

Je manifestai à la famille l'espoir que la guérisdn viendrait

bientôt et que la maladie disparaîtrait définitivement sans laisser

aucune trace. Mais je ne pus donner aucune raison d'une forme

clinique aussi étrange. Sur un lit, on voyait un jeune enfant vigou-

reux, a)ant les mouvements des membres inférieurs bien coor-

donnés, lorsqne cet enfant était sur pied on constatait une impuis-

sance motrice qui faisait pitié.

Observation V.

WEIR-IITCHEI.L. (Résumée.)

Mm0 B..., âgée de vingt ans, atteinte d'asthme depuis dix-huit

mois, est prise brusquement de perte de la parole avec incons-

cience et convulsions. Cinq semaines après, se développe la para-

plégie spéciale.

Au lit, la puissance musculaire des membres inférieurs est con-

sidérable, toutefois les mouvements se font par secousses. Debout,

elle oscille à droite et à gauche, et plus encore quand elle marche;

pour se maintenir quand elle penche d'un côté, elle fait des

efforts qui dépassent le but, et la rejettent de l'autre côté.

Observation VI.

(Rédigée d'après les notes communiquées par M. Charcot).

M. Ir..., du Chili, vu à l'hôtel du Louvre le 30 juin 1883. C'est

un garçon âgé de quinze ans, fort et bien musclé. Trois soeurs et

deux frères sont bien portants. Rien. dans les antécédents de fa-

mille, sinon un grand-père goutteux. L'enfanl lui-même n'est pas

rhumatisant et n'a jamais été malade.

L'affection a débuté sans cause morale ou physique appréciable

en novembre 1882 : à cette époque survinrentdes attaques hystéro-

épileptiques qui paraissent avoir eu la forme classique (arc de

cercle, attitudes passionnelles) d'après la description du père.

Les crises, qui au début duraient parfois la journée entière, sont

devenues plus rares, et ont cessé en février 1883.

Peu après, il y eut de l'anorexie et de l'amaigrissement, puis sur-

vinrent les accidents qu'on observe aujourd'hui, dans les membres

inférieurs,

40 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Etat actuel. Le malade se tient couché sur un lit ou sur un

soplia et il est dans l'impossibilité absolue de se tenir debout et

de marcher.

Le malade se sert de ses membres supérieurs, mais les mains

sont fermées : le père assure que pendant le sommeil on peut dé-

flécliir les doigts, mais que la flexion revient aussitôt, bien que

le sommeil continue.

Les membres inférieurs sont dans l'extension et se raidissent

quand on veut les fléchir : le malade lui-même peut les fléchir, on

constate alors que les réflexes rotuliens sont exagérés; on ne peut

démontrer le phénomène du pied.

On met le malade à terre : il se tient les genoux fléchis. Il

montre qu'il est capable par un mouvement de ressort de sauter

sur un fauteuil, mais il manque une ou deux fois son coup, et

tombe lourdement à terre. Il est donc capable de sauter, mais ne

peut se tenir debout.

On lui dit de se mettre debout avec l'aide du bras de deux per-

sonnes. On voit alors ses membres inférieurs s'élever au-dessus du

sol et se mettre rigides comme des barres, en flexion à angle

droit sur le tronc. ' .

En somme, il semble que, à part l'acte du saut et celui de flé-

chir les membres inférieurs qui répondent jusqu'à un certain

point la volonté toute coordination volontaire des membres in-

férieurs soit impossible.

Il n'y a pas de contracture, mais l'adaptation musculaire pour

la marche et pour la station sont choses impossibles.

Sur la plus grande partie du corps, le pincement même très

énergique, et l'applicalion d'nn corps froid ne sont pas perçus.

Au contraire, un léger frôlement ou chatouillement, surtout celui

de la plante du pied, sont suivis de sensations désagréables et de

secousses cloniques.

Aucun trouble actuel de la vision : il aurait vu gris (achroma-

topsie) pendant un temps.

L'état général est bon : aucun trouble des autres appareils.

Observation VII.

(Rédigée d'après les notes communiquées par M. Chancit.)

1111° G..., âgée de quatorze ans et demi, a été examinée par

M. Charcot, le 18 décembre 1883.

Le père de la malade, banquier, a été condamné pour attentats

aux moeurs, accusé d'avoir acheté des petites filles. Sa soeur a

treize ans; elle est atteinte d'hystérie à forme anorexique.

bllie G... elle-même est réglée depuis un an : le début de l'af-

DE L'ASTASIE ET DE L'ABASIE. 41

fection actuelle remonte à six mois (juin 1883). Elle ressentit alors

une douleur dans le flanc gauche (qualifiée de péri-ovarite par

le médecin) et fut traitée par des applications de sangsues, etc.

La douleur se calma, mais revint dans la région dorsale, la malade

se tient courbée. Puis survinrent les troubles des membres

inférieurs qui empêchèrent la marche. Les chirurgiens consultés

diagnostiquèrent un mal de Pott, une myélite, etc.

Depuis ce moment, la malade porte un corset. Elle est depuis

plusieurs mois étendue dans son lit, sur le dos, sans bouger, im-

passible et indifférente.

Un jour, à la suite d'une émotion, elle s'est levée et s'est mise

à courir, puis elle est redevenue paralytique.

Etat actuel (décembre 1883). C'est une grande fillette blonde

d'une physionomie plus vieille que son âge. Après lui avoir fait

enlever son corset, un constate tout le long du dos, une hyperes-

tésie considérable. Le doigt promené sur cette région provoque

des mouvements de défense énergiques, sans sensations d'aura.

C'est une zone hyperesthésique et non hystérogène.

Les membres inférieurs ne sont ni mous, ni roides; les réflexes

tendineux sont normaux; il n'y a pas de trépidation épileptoïde.

Il n'y a pas d'anesthésie, ni de diminution du sens musculaire.

Couchée au lit, les membres inférieurs sont fléchis et il

est impossible à la malade de les étendre volontairement; sa

mère dit que ses membres s'allongent pendant le sommeil. Elle

peut cependant lever les jambes de dessus le lit, mais elles re-

tombent rapidement. Dans l'épreuve des mouvements communi-

qués avec résistance dela part du sujet, les segments des membres

ne se laissent pas déplacer indifféremment, mais ils quittent la

position sous l'effort, rapidement et pour ainsi dire sans lutte.

Assise on étend les membres fléchis, sans la moindre diffi-

culté, et la malade résiste quand, la jambe étendue, on veut

la fléchir, mais la résistance cesse tout à coup sans transition.

Quand elle fait effort elle parvient à étendre ses jambes

taudis que dans son lit cela lui est impossible. Debout, soutenue

par des aides les jambes restent à demi fléchies, sans mou-

vements incoordonnés. Il y a impossibilité d'exécuter les mouve-

ments nécessaires pour la marche. Dans la station, à l'aide de

béquilles les membres fléchis restent en l'air.

Observation VIII.

Erlenmeyer. (Résumée.)

A... T..., vingt-huit ans, référendaire, sans antécédents nerveux

héréditaires, ni personnels. Pas d'excès alcooliques ni sexuels. En

1833-1884, excès de travail pendant huit à dix mois, à la suite

42 PATHOLOGIE NERVEUSE.

desquels survinrent des secousses dans tous les muscles du corps,

tantôt localisées à certains groupes, tantôtgéneratisées; en même

tempsT... souffrait d'insomnies, etil commit dès lors desexcèsde

hoissons, surtout de bière.

Un soir, en quittant la brasserie, sans être ivre, il tomba dans

la rue et resta plusieurs minutes sans connaissance; il n'eut pas

de convulsions. On dut l'aider à rentrer chez lui et on le coucha.

A la suite de cet accident,- il resta faible et sans sommeil une

quinzaine de jours; puis reprit la marche peu à peu.

Deux mois après surviennent d'étranges mouvements des mem-

bres inférieurs. Pendant la marclie ordinaire qui n'est pas dou-

loureuse, tout à coup le genou gauche fléchit. Cette flexion d'a-

bord rare et peu intense, devient de plus en plus forte, tandis que

l'extension compensatrice du tronc devient de plus en plus pro-

noncée. Jamais il n'y a eu chute.

Le malade récupérait bientôt le pouvoir de maîtriser ses

muscles et se redressait. Puis le membre inférieur droit fut atteint

à son tour.

Une nouvelle aggravation fut un saut convulsif, ou mieux que

lé malade ne'pouvait empêcher. Aussitôt que les genoux étaient

fléchis tout le corps était projeté en l'air l'aide des deux pieds,

et ainsi se succédaient un certain nombre de sauts très réguliers,

dans lesquels les pieds quittaient le sol.

A proprement parler c'était un saut sur place, mais en raison

de ce que ce mouvement survenait alors que le corps était lancé

en avant. c'était un saut en avant.

D'abord ce saut se produisit le corps étant à moitié étendu, bien

qu'avec flexion des genoux, mais peu à peu la flexion s'exagéra

tellement que le malade était complètement courbé, si bien que

la partie postérieure de la cuisse touchait le mollet. Quand, dans

cette phase, le malade progressait sans soutien, il fléchissait tout

à coup après cinq il six pas snr les deux genoux, et prenait une

position très fléchie vers le sol, exécutait dans cette position un,

deux, trois sauls en avant, se redressait avec effort, faisait quel-

ques pas en avant, pour fléchir encore et se dresser en quelques

sauts... et ainsi de suite. Aucune douleur.

Etat actuel. - Les réflexes palellaires sont très exagérés; la

cuisse se soulève, et il va une secousse générale de tout le corps,

les bras y compris, surtout à gauche. Le clonus du pied n'existe

pas.

Il n'y a aucune modification de la force, aucun trouble de la

coordination. Les membres ne sont pas rigides.

La flexion du genou a lieu au moment où le pied est posé sur

le sol. En conséquence l'axe du corps est momentanément projelé

en arrière. Pour empêcher la chute que ce mouvement amènerait,

DE L'ASTASIE ET DE L'ABASIE. 43

le malade fait un mouvement compensateur en avant, et comme

le saut survient il ce momenl. il a lieu en avant.

Le saut se fait sans exception, la plante du pied tout entière

restant sur le sol. Il ne survient pas, quand le pied porte sur la

pointe, ni quand le corps est étendu. Jamais on ne le voit comme

symptôme primitif convulsif, ', toujours il est précédé par une flexion

du uenou.

C'est un saut dans lequel tout le corps s'élève de plusieurs

pouces au-dessus du sol. Quand le malade s'appuie sur les bras

d'un aide, il ne saute pas, il se redresse, et, môme sans appui étant

redressé, il peut faire quelques pas sans sauter, puis cela revient.

Alors le coeur bat, et le visage rougit.

L'application ordinaire du pied sur le sol ou bien la percussion de

la plante du pied par un corps dur, par exemple dans le lit contre

les barreaux, ne produit également aucun mouvement.

Au contraire, quand le malade est debout, on provoque la

flexion du genou en percutant avec le marteau le tendon du bi-

ceps du serni-tendineux et du semi-membraneux ; les genoux se

fléchissent alors, et le malade est menacé d'une chute. Il n'y a

aucun trouble de la sensibilité cutanée.

Observation IX.

(Rédigée d'après les notes de I. le ]).. B,\UlNSIiI,)

Ceorâette C..., coulurière, âgée de vingt-sept an", entre le

28 février z1886, à la Salpêtrière, dans le service de M. Charcot.

Antécédents héréditaires. - Père, auteur dramatique et acteur,

mort à soixante-trois ans de fièvre typhoïde avec complications

cérébrales, était sujet à des névralgies. - -Mère, actrice très im-

pressionnable, se met facilement en colère, et dans cet état perd

connaissance : elle a quitté ses enfants, et ne s'en est plus occupé.

La malade ne peut donner de renseignements sur ses autres pa-

rents, sinon qu'un frère et une soeur sont bien portants.

Antécédents personnels. - Elle a eu la rougeole à l'â ? e de deux

ans. Depuis son enfance elle a fréquemment des troubles gaslro-

intestinnux légers. Elle a été réglée à dix-sept ans. Depuis l'âge

de dix-huit ans elle est sujette à des attaques de céphalalgie qui

durent trois à quatre jours et qui reviennent à peu près toutes les

semaines. C'est une douleur qui commence entre les sourcils et

que la malade compare une constriction par un lien élas-

tique.

Depuis la même époque elle a des idées tristes, des cauchemars,

. des envies de pleurer, la solilude l'effraye ?

44 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Début et marche. Dans les derniers jours de l'année 1883, a la

suite de contrariétés, au moment où elle venait de terminer sa

prière du soir (étant à genoux) lorsqu'elle voulut se relever elle

s'aperçut qu'elle ne pouvait se tenir debout, en raison de mouve-

ments semblables à ceux qu'elle présente actuellement, néanmoins

le lendemain, elle pu sortir, étant soutenue.

Elle enlra à la Salpêtrière en février 48SIr, où elle fut l'objet

d'une leçon de M. Charcot. La station et la marche présentaient

à à cette époque, les mêmes caractères qu'aujourd'hui. Pendant son

séjour à l'hôpital elle a eu deux attaques semblables à celles

qu'elle a maintenant. Elle est sortie en juillet 1884, très améliorée

mais non guérie.

Il y a deux mois, elle a eu une attaque, et c'est à partir de ce

moment que son état a commencé à s'aggraver; dès lors, elle

n'a pas cessé d'avoir deux à trois attaques par semaine environ.

Etat actuel. -Au repos dans la station assise, un ne remarque

rien d'anormal : elle exécute très bien tous les mouvements qu'on

lui commande; mais elle dit que de temps en temps elle éprouve

dans les genoux une sensation particulière qui lui fait croire que

les membres sont agités de secousses alors qu'ils sont au repos.

Dans la station debout il se produit une série de saccades qui

s'accentuent par l'occlusion des yeux. Ces saccades consistent

dans des flexions du bassin sur les cuisses et des cuisses sur les

jambes assez analogues à ce que l'on voit se produire lorsqu'une

personne se tenant raide sur ses jambes reçoit à l'improviste un

coup sec sur le creux du jarret.

Dans la marche les troubles atteignent leur maximum. A chaque

pas que fait la malade elle se baisse et se redresse alternativement

par des mouvements brusques et rapides; à mesure qu'elle avance

ces secousses deviennent de plus en plus rapides; elle est alors

sur le point de tomber; au lieu de continuer à avancer on la voit

alors faire quelques pas de côté ou en arrière présentant l'appa-

rence d'une personne qui s'est butée à un obstacle et qui cherche

à retrouver son équilibre. Les secousses ne consistent pas seule-

ment en des mouvements d abaissement du corps; si on cherche

à les analyser voici ce.qu'on observe : au moment où la malade

se baisse, les cuisses se fléchissent sur les jambes, et le tronc se

fléchit sur le bassin, la tête éprouve, par rapport au tronc, un

mouvement de flexion et de rotation, et les avant-bras se fléchis-

sent sur les bras. La marche est très pénible. 1;... éprouve des

tiraillements dans les genoux et le cou, et est obligée de s'asseoir :

sa figure exprime la fatigue, et elle est couverte de sueur.

Aussi s'est-elle créée une marche spéciale qui lui permet la pro-

gression, c'est une sorte de claudication; mais dès qu'elle veut

marcher comme tout le monde, le trouble réapparaît.

Elle peut également oxéruler snnsincoordinalion d'autres modes

DE l'astasie ET de l'abasie. 45

de progression : elle saule picds joints très aisément, marche

facilement à quatre pattes.

On ne peut provoquer les secousses par aucun procédé lors-

qu'elle est assise : en examinant les membres inférieurs, on cons-

tate qu'il n'y a pas d'atrophie; la force musculaire est conservée,

et les mouvements sont coordonnés.

La sensibilité cutanée est légèrement diminuée du côté gauche.

Le sens musculaire est intact. Les réflexes tendineux sont pres-

que complètement abolis. 11 existe un léger rétrécissement du

champ visuel à gauche. L'ouïe et le goût sont également diminués

du même côté. Dans la fosse iliaque gauche et au-dessous de

la mamelle gauche existent deux zones hystérogènes déterminant

des sensations d'aura, et des attaques. Celles-ci sont ainsi consti-

tuées.

G... a d'abord quelques 'secousses dans les mollets et dans les

bras : celles-ci sont de plus en plus rapides et fréquentes, et res-

semblent un peu aux saccades qu'elle présente dans la marche,

mais les mouvements de la tête sont beaucoup plus accentués, et

sa face est grimaçante. La compression du point ovarien arrête

l'attaque. La malade conserve sa connaissance pendant toute la

durée de l'attaque.

D'habitude la marche»devient plus facile après les attaques. Il

y aurait, au dire de la malade, une sorte de balancement entre

les attaques et la difficulté de la marche.

Observation X.

(Communiquée par mon ami le Dr BABINSKI, chef de clinique de la Faculté.)

Mm0 C..., âgée de vingt-deux ans, mariée depuis quatorze mois,

demeurant en province.

Antécédents héréditaires. Père et mère bien portants. Une

cousine germaine a été internée pendant quelques mois dans un

asile d'aliénés.

Antécédents personnels. A toujours joui d'une bonne santé.

Depuis son enfance elle est très irritable, emportée, mais jus-

qu'au moment de l'apparition de la maladie actuelle, elle n'a

pas eu d'affection nerveuse. Depuis l'époque de son mariage, elle

a eu des contrariétés et des chagrins. Elle est accouchée il y a

deux mois et demi. L'accouchement fut laborieux et nécessita

l'auestllésiecllloroformique. Quelques jours après l'accouchement,

elle a commencé à avoir des crises nerveuses ainsi constituées :

battements dans les tempes, sensations de constriction dans la

gorge, puis perte de connaissance, et raideur des. membres

et de tout le corps ; cela dure dix à quinze minutes, puis la ma-

46 pathologie NERVEUSE.

lade revient à elle un peu l'alignée, mais sans présenter aucun

abattement intellectuel. Ces crises se reproduisent parfois plu-

sieurs fois par jour. En même temps l'appétit est diminué.

Quinze jours après ses couches, lorsque Ja malade voulut se

lever, il lui fut impossible de marcher, et impossible de se tenir

debout plus de quelques secondes. Cet état persista sans modifi-

cations pendant six semaines, après lesquelles elle se décida à

venir à Paris où nous avons l'occasion de l'examiner.

Etat actuel (20 août 1887). Femme de taille moyenne, bien

développée, paraissant jouir d'une bonne santé générale. Elle at-

tire immédiatement l'attention sur l'impossibilité dans laquelle

elle se trouve de marcher et de se tenir debout. Nous l'invitons à

chercher à marcher : elle se lève alors, fait quelques pas dans la

chambre d'une façon à peu près normale, mais au bout de cinq

à six pas la difficulté apparaît, on voit comme des secoussésdans

les membres inférieurs qui vont en s'accentuant rapidement, et

la malade est au bout d'une demi-minute dans l'impossibilité ab-

solue de se tenir debout, elle tomberait si on ne la soutenait ou

si elle ne s'asseyait. Si on analyse avec plus de soin la démarche

de la malade voici ce qu'on observe : au moment où la gêne ap-

pâtait on voit une cuisse fléchir sur la jambe, et le bassin sur la

cuisse, en même temps le talon se soulève une ou plusieurs fois

et vient frapper le sol, la malade cherche alors à éviter une chute

et s'efforce de rétablir l'équilibre au moyen du membre inférieur

opposé, et elle le change de situation; puis, du côté de ce dernier

membre se répètent les mêmes phénomènes, et on voit, à mesure

que la malade continue à faire des efforts pour marcher, les

symptômes sus-énumérés s'acceuluer. La malade porte un pied en

avant puis en arrière, piétinant sur place sans pouvoir avancer,

les jambes fléchissent puis s'étendent, le tronc se porte en avant,

puis en arrière; on entend le bruit des talons qui viennent frapper

le sol, et bientôt la malade s'affais,-e. Il lui est impossible de des-

cendre même quelques marches d'un escalier.

Lorsque la malade est assise, on constate que la force muscu-

laire des membres inférieurs est tout à fait conservée. Il existe

une légère hémi-aneslhésie sensitivo-sensorielle gauche, ainsi que

de l'ovarie du même côté.

Intelligence normale. Viscères thoraciques et abdominaux nor-

maux. '

Séance tenante je cherche à l'hypnotiser et j'arrive à amener

rapidement une torpeur intellectuelle légère sans qu'il y ait au-

cun caractère somatique du grand hypnotisme. Par suggestion je

fais disparaître immédiatement les troubles de la marche, et la

malade peut descendre un escalier de trois étages. Elle fait dans

la journée plus d'une lieue avec l'acuité. Le soir cependant la gêne

DE l'astasie ET DE l'abasie. 47 7

de la marche revient en partie. La SU C-"CSI i 0 Il est l'épétée plusieurs

fois pendant une période de quinze jours. La malade paît com-

plètement guérie : les crises elles-mêmes n'ont pas reparu.

Observation XI.

(Personnelle.)

111°e Ch..., couturière, âgée de cinquante-deux ans, entre le

20 juillet 1887 à la Salpêtrière dans le service de M. Chaucot (salle

Duchenne de Boulogne, n° 16). Ses parents sont morts à un âge

avancé : elle ne connaît pas de maladies nerveuses dans sa fa-

mille.

Elle-même n'a jamais fait de maladies, sinon qu'elle a eu la

rougeole étant enfant. Elle a été réglée à douze ans, et l'a été ré-

gulièrement depuis jusque il y a dix ans. Mariée une première

fois à l'âge de dix-huit ans, elle a eu de cette union deux enfants

aussi en bonne santé. Elle n'est ni alcoolique, ni syphilitique.

Elle n'a jamais été sujette à des crises de nerfs, ou à d'autres phé-

nomènes nerveux.

Début. Le 12 février 1886 elle fit une chute sur le dos sur un

traîneau de menuisier, et perdit connaissance; elle en eut une

entorse qui la tint trois mois au lit.

Au mois d'août de la même année tout à coup, sans cause ap-

parente, émollle tiaumatique, ou autre, elle ressentit de vives

douleurs lombaires, sans fièvre, ni trouble des sphincters, qui la

forcèrent à s'aliter. - Trois jours après le début de ces douleurs,

en voulant se lever, elle tomba du lit, et ne s'aperçut qu'à celte

chute que ses membres inférieurs ne pouvaient la porter. On dut

la recoucher, et dès ce moment elle ne recouvra plus l'usage des

membres inférieurs : à cette même époque alfirnre-t-elle l'état

général restant satisfaisant, les membres supérieurs et la tête

auraient été paralysés au point qu'elle ne pouvait se se; vu' de ses

mains pour rien même pour manger. Cet état de complète impo-

tence dura deux mois, au bout desquels le mouvement revint

complètement dans les membres supérieurs, mais très imparfai-

tement dans les membres inférieurs.

Pendant cette seconde période il y eut aussi de l'anurie pen-

dant trois jours, et en même temps des douleurs et des fourmil-

lements constants dans les membres inférieurs.

Depuis la difficulté de la marche seule a persisté ainsi que les

douleurs lombaires, et la malade vint à la Salpêtrière.

Etat actuel. C'est une femme de constitution moyenne ; elle

répond intelligemment aux questions qu'on lui adresse. Les dou-

48

PATHOLOGIE NERVEUS

leurs lombaires sont assez vives mais supportables, fixes comme

siège au niveau des dernières lombaires et du sacrum, continues,

Fiq, 7.

DE L'ASTASIE ET DE L'ABASIE.

49

s'irradiant parfois à l'épigastre, exagérées parles mouvements, non

par la pression.

, Fi ? S..

Archives, t. XV. 4

o

PATHOLOGIE NERVEUSE.

Les membres inférieurs atteints dans leur leur motilité, dans (

leur sensibilité, existe de plus des troubles de la station et de

la marche paraissent indépendants de ces ces altérations. re-

pos, les jambes ne présentent rien d'anormal, sinon un état vari-

queux assez prononcé.

La sensibilité est abolie dans tous ses modes jusqu'au niveau du

DE L'ASTASIE ET DE L'ABASIE. 51

pli de l'aine (sensibilité cutanée et articulaire et sens musculaire.)

Les réflexes sont normaux. La puissance musculaire est très

diminuée; la malade résiste mal aux mouvements qu'on im-

prime à ses membres inférieurs, et ne peut garder la jambe éten-

due horizontalement : les mouvements qu'elle fait sont toutefois

coordonnés et assez puissants.

La station debout est possible, mais très difficile sans appui.

Dans cet état il se produit des oscillations, et aussi des flexions

brusques du bassin sur les cuisses et des cuisses sur les jambes.

Pendant la marche ces mouvements s'exagèrent considérablement :

la malade iléchit à chaque pas sur les genoux comme si elle allait

tomber, son tronc est en même temps projeté en arrière puis en

avant. Les'secousses sont inégales, et se produisent sur les deux

jambes. Les pieds ne traînent pas sur le sol comme pour les para-

plégiques ordinaires. La station et la marche sont impossibles les

yeux fermés, car alors la malade s'affaisserait si on ne la soute-

nait. Les troubles sont plus prononcés du côté gauche. La malade

marche à l'aide de deux cannes, les yeux fixés constamment à

terre : les mouvements paraissent plutôt maladroits que désor-

donnés tout en présentant les caractères que nous avons décrits.

Les autres appareils organiques n'offrent rien d'anormal.

Mais la malade présente des stigmates hystériques très caracté-

ristiques. Le champ visuel est très rétréci à droite (fig. 9 et 10).

Le goût est obnubilé. Il existe enfin un point hyperesthésique

dans la région dorsale, et une ovarie très accentuée à droite :

(fi.g. 7 et 8) lorsqu'on presse sur cette région la malade sent

« que cela lui remonte et la suffoque ».

4r octobre. Les modes de traitement habituel, n'ont pas

amené jusqu'à présent d'amélioration sensible dans l'état de la'

malade. (A suivre.)

CLINIQUE NERVEUSE

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE;

Par M. PADL RAYMOND, interne des hôpitaux.

I.

S'il est dans la pathologie médicale une branche

qui ait été dans ces dernières années étudiée et mer-

52 CLINIQUE NERVEUSE.

veilleusement élucidée, c'est assurément la pathologie

du système nerveux. La gloire en revient tout entière

et sans conteste aux éminents représentants de la mé-

decine française qui, en s'appuyant sur les bases tra-

ditionnelles de l'observation unie à l'expérimentation,

ont su tirer du-chaos et grouper en bon ordre les faits

aussi riches que variés qu'envisageait avant eux sans

les pouvoir expliquer l'école clinique de 1830.

Aujourd'hui les points principaux sont acquis; les

grandes lignes sont tracées; néanmoins, dans ce do-

maine si vaste de la neuropathologie il reste encore

bien des poins obscurs. Nous nous proposons d'étu-

dier ici un trouble assez rare et encore peu connu du

système nerveux : les sueurs localisées de la face, les

épidroses faciales.

Pendant notre année d'internat à l'Hôtel-Dieu dans

le service de notre excellent et très honoré maître

M. Moutard-Martin, il nous a été donné d'observer un

cas intéressant d'éphidrose faciale. Dans les recher-

ches que nous avons faites à ce sujet, nous avons pu

nous convaincre de l'obscurité qui entoure encore

cette question et des difficultés qui surgissent lorsque

l'on cherche à interpréter les différentes observations

publiées. Ces observations d'hypersécrétion sudorale

limitée à la face ne sont pas des plus communes ;

nous avons pu en réunir environ soixante tant dans la

littérature médicale française que dans la littérature

étrangère. Les citer toutes ici ne serait pas d'un grand

profit : les unes sont incomplètes, écourtées, n'ont pas

été suivies d'autopsie; il est difficile de reconnaître les

lésions qui les ont produites. D'autres sont suscepti-

bles d'être interprétées de différentes façons; on pourra

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. 53

les retrouver dans les indications bibliograhiques que

nous donnerons plus loin.

Récemment nous avons pu observer dans le service

de notre savant maître M. le Dr Lancereaux un malade

atteint de tuberculose pleuro-pulmonaire et qui pré-

sentait également une éphidrose limitée à la moitié

droite de la face. Nous avons fait l'autopsie de ce ma-

lade et nous avons pu examiner au microscope le

sympathique cervical. Les faits dans lesquels cet exa-

men microscopique a pu être pratiqué sont rares; en

outre les altérations des ganglions sympathiques

peuvent encore prêter à discussion. Toutes ces raisons

nous ont déterminé à réunir les différentes observa-

tions et à y joindre les deux faits que nous avons

personnellement recueillis.

Lorsqu'on étudie ces observations, on peut remar-

quer que dans toutes, le système nerveux est affecté,

fait qui, pour le dire en passant aurait son importance

si la subordination de la fonction sudorale au système

nerveux était encore à démontrer. On voit en outre

que malgré leur dissemblance apparente, il est possible

de réunir en quelques groupes les cas divers que nous

passerons en revue.

Nous nous proposons donc ici, après avoir relaté

les deux observations qui ont été le point de départ de

ces recherches, de réunir les faits les plus importants

d'éphidrose faciale qui ont été publiés, de les exposer

brièvement en essayant de les classer. Pour ce faire,

nous prendrons comme base la physiologie patholo-

gique dont nous rappellerons quelques points princi-

paux, confirmés eux-mêmes par des expériences fon-

damentales. Nous terminerons enfin en discutant le

51 1 CLINIQUE NERVEUSE.

diagnostic de la lésion qui chez notre premier malade

a pu produire les symptômes relatés.

Nous n'avons eu vue ici que les sueurs de la face,

et particulièrement les sueurs limitées à un côté de

la face. Une éphidrose faciale peut être, en effet, gé-

nérale ou partielle.

Dans le premier groupe rentrent les hypersécrétions

sudorales que l'on rencontre à la suite des violentes

douleurs de l'angine de poitrine, des coliques hépa-

tiques, ou néphrétiques, de l'étranglement herniaire par

exemple. Ges sueurs restent quelquefois localisées à la

face, mais le plus souvent elles coexistent avec des

sueurs sur d'autres parties du corps; ce sont alors des

hypéridroses. Nous ne nous en occuperons pas.

Dans ce groupe, on doit aussi faire rentrer les sueurs

émotives, les sueurs des herpétiques, des alcooliques

qui ne sont parfois que des sueurs frontales, mais qui

deviennent le plus souvent des hypéridroses; les sueurs

que l'on observe à la suite de quelques maladies de

la face, comme cela a été signalé dans l'érysipèle par

exemple, ou enfin des sueurs qui sont généralement

partielles, mais que l'on rencontre dans quelques cas sur

toute la face : telles sont les éphidroses qui succèdent

à l'excitation des nerfs du goût (exemple de M. Brown-

Séquard cité plus loin), ou encore celles qui ressortis-

sent à une lésion nerveuse centrale d'ordre réflexe.

Les éphidroses partielles de la face sont certai-

nement plus fréquentes que les éphidroses totales,

celles-ci coïncidant le plus souvent, comme nous

l'avons dit, avec une exagération de la sueur sur

d'autres parties du corps et rentrant alors dans le

groupe des hypéridroses.

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. 55

Tantôt elles occupent une moitié de la face : éphi-

drose hémilat'érale; tantôt elles n'occupent qu'une

région suivant généralement le trajet de fibres ner-

veuses irritées : éphidroses parotidiennes, éphidrose

du trijumeau (cas de M. Ollivier et de M. Leudet);

tantôt elles sont encore plus localisées, éphidrose

palpébrale de de Graefe.

Enfin, il est des cas où une éphidrose, d'abord loca-

lisée offre une tendance à l'extension : elle gagne le

cou, l'épaule, le membre supérieur. On n'a plus alors

affaire à une éphidrose; ce sont des sueurs unilaté-

rales, des hémidroses.

Nous ne parlerons pas ici des éphidroses faciales

provoquées. On connaît les belles recherches de

M. Straus (1879), dans lesquelles cet auteur a appliqué

au diagnostic du siège de la lésion dans la paralysie

faciale les résultats que donne la sudation par la pilo-

carpine. Dans la paralysie d'origine périphérique, il ya

un retard d'une à deux minutes dans la sudation du côté

paralysé. Les sueurs paraissent aussi persister un peu

plus longtemps de ce côté, tandis que dans la paralysie

d'origine cérébrale la fonction est égale des deux côtés.

Ir

OBSERVATION . - Ephidrose faciale droite. Mydriase du côté

correspondant. Thermanesthésie et troubles de la sensibilité

dans le membre supérieur droit.

Le nommé Emile D..., âgé de trente et un ans, charcutier,

entré le 8 février 1886 à l'Hôtel-Dieu, dans le service de

M. MOUTARD-MARTIN. '

Jusqu'à présent, cet homme n'a jamais été malade. Il y a .

cinq ans cependant il aurait eu une typhlite. Il y a un an, il est

56 CLINIQUE NERVEUSE.

tombé d'une échelle sur le coude : il en est résulté une plaie et

une ostéite du cubitus qui ont nécessité un séjour d'un mois à

l'hôpital Saint-Louis.

Dans son enfance, il a été atteint de scrofule sous forme d'é-

coulement d'oreilles et d'adénopathie cervicale. On ne trouve

chez lui ni syphilis, ni rhumatisme, ni alcoolisme, ni impalu-

disme. -

Lesparents vivent encore et sont bien portants. On ne trouve

chez eux aucune diathèse non plus que chez les grands-parents.

Deux soeurs sont en bonne santé et ne sont pas nerveuses.

Lui-même étant jeune, ne présentait pas de signes de ner-

vosisme, mais des migraines : il est d'un caractère sombre,

taciturne, indolent et parait s'irriter assez facilement.

Il raconte qu'au mois de mai 1880, il s'aperçut que des

sueurs survenaient à la tempe droite lorsqu'il mangeait. Cette

sueur apparaissait une ou deux minutes après la première in-

gestion des aliments et cessait lorsque le repas était fini.

Peu à peu l'éphidrose s'est étendue et a envahi sur la

partie latérale droite de la face, la joue, l'oreille, puis la moitié

correspondante du cuir chevelu, du cou et du moignon de l'é-

paule. Cette dernière n'est le siège d'hypersudation que depuis

quelques mois seulement, tandis que les autres parties ont été

envahies dans l'espace de dix-huit mois environ. On ne trouve

aucune exagération de la sueur dans l'aisselle, au bras, ni à la

main. La fonction sudorale du côté gauche du corps et sur le

tronc semble normale.

Le malade remarque que depuis plusieurs mois il sne davan-

tage et, bien qu'il ne souffre pas, cette affection est assez gê-

nante pour qu'il réclame son admission à l'hôpital.

Il sue en mangeant, environ une demi-minute après que les

aliments ont. été mis en contact avec la muqueuse buccale. En-

viron cinq minutes après le repas il n'y a plus de sueur. L'im-

pression seule des aliments suffit pour amener la sudation et

inconvénients de mastication n'ont aucun effet. Cependant du

sel et du sucre déposés sur la langue n'amènent pas la sueur du

visage. Au contraire, le vin, le lait déterminent l'éphidrose

rapidement. Les aliments chauds produisent plus rapidement

l'hypersudation que les aliments froids. Le malade n'a jamais

remarqué que l'idée de manger, ni la pensée d'aliments sapides

fissent apparaître la sueur à la face. Les mouvements violents

sont également sans influence. Quand il a la tête couverte, le

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. ' -1<

cuir chevelu est en moiteur dans sa moitié droite, mais cette

moiteur se remarque seulement sur les parties recouvertes par

la casquette.

D... a remarqué que l'éphidrose ne se produisait pas seule-

ment sous l'influence de l'alimentation; quelquefois, le matin

en se levant, il a vu la tempe et la partie latérale droite du

front couvertes de gouttelettes de sueur, mais bien moins

abondantes que lorsqu'il mange. D'autres fois, c'est pendant

son travail qu'il s'aperçoit d'une transpiration au niveau des

parties indiquées et dans ces cas l'éphidrose est précédée d'une

série d'étourdissements.

Si l'on fait manger le malade on voit presque aussitôt sourdre

de fines gouttelettes de sueur qui se réunissent pour couler le

long du visage et du cou. Cette sueur occupe la partie mé-

diane et latérale droite du front, la tempe, la partie correspon-

dante du nez. L'oreille et le cou sont seulement en moiteur.

Elle est limpide, claire, fortement acide, contient des chlorures,

ne renferme aucune trace d'albumine. L'éphidrose s'arrête

exactement à la ligne médiane de la face. En passant la main

dans ses cheveux, on sent que toute la partie droite du cuir

chevelu est mouillée, la moitié gauche reste sèche. Jamais

nous n'avons constaté de changement de couleur des tégu-

ments, aucune rongeur, aucune dilatation vasculaire, ni au-

cune anomalie du côté de la conjonctive : celle-ci n'est pas

hypérémiée, il n'y a pas d'exophthalmie. L'ouverture palpé-

brale est égale des deux côtés. Il n'y a pas d'élévation de tem-

pérature : du côté de la muqueuse buccale on ne trouve ni

rougeur, ni hypersécrétion salivaire correspondant à la

moitié droite.

La sueur coule abondamment : il est assez difficile d'en éva-

luer la quantité; elle persiste tant que dure le repas et ne cesse

que cinq ou six minutes après que le malade a fini de

manger.

En plaçant alternativement sur la face dorsale de la langue,

du sel, puis du sucre, on peut se rendre compte que les sensa-

tions générales ou spéciales sont parfaitement perçues par le

malade, mais on ne détermine aucune hypéridrose. Les impres-

sions perçues par la muqueusebuccale sont également normales.

Tous les viscères sont sains : il n'y a aucune lésion du coeur

ou do l'aorte, aucune tumeur appréciable du cou ni du thorax.

Les urines sont normales.

58 CLINIQUE NERVEUSE.

L'état général est bon. D... mange bien, dort bien. Use plaint

seulement d'étourdissements qui surviendraient par moments,

tous les jours et même plusieurs fois par jour, sans cause ap-

préciable, mais surtout lorsqu'il est très fatigué et qui ne durent

que quelques secondes. Le malade dit que sa tète tourne; mais

il n'est pas obligé de s'asseoir ni de se retenir : il n'est jamais

tombé. Il n'accuse ni douleurs de tête, ni perte de mémoire,

ni aucun trouble de sensibilité spéciale. Du côté de la vue no-

tamment, on ne constate rien d'anormal.

Mais il existe une inégalité pupillaire des plus manifestes :

la pupille droite est dilatée et reste plus paresseuse à la lu-

mière. Une semble pas d'ailleurs que cette mydriase du côté

droit ait ralenti sur l'acuité de la vision. L'examen de sensibilité

montre que celle-ci est intacte dans tous ses modes, à la face,

au tronc et aux membres inférieurs.

Mais il n'en est pas de même aux membres supérieurs.

D... a remarqué, depuis quelques années, qu'en plongeant

les bras dans l'eau chaude, il ne sentait pas à la main droite la

température de cette eau, tandis qu'il l'appréciait parfaitement

du côté gauche. Ces phénomènes persistent encore aujourd'hui

et voici ce que l'examen de sensibilité nous revèle.

La sensibilité à la température est égale aux deux bras et aux

avant-bras. Mais déjà au niveau du poignet droit le malade

commence à différencier plus difficilement le chaud du froid.

A la main droite sur ses deux faces, le froid ne donne plus

qu'une sensation de contact, le chaud est à peine perçu et

plutôt encore comme sensation de contact. Aux doigts et sur-

tout à partir de la moitié inférieure des premières phalanges,

le malade ne perçoit plus du tout la chaleur. On peut le

brûler sans qu'il accuse une sensation outre que celle du con-

tact. A la main gauche on ne constate rien de semblable.

La sensibilité, au contact, à la douleur la' sensibilité élec-

trique persistent dans toute l'étendue des membres supérieurs;

mais le malade nous dit qu'il sent moins du côté droit, affir-

mation dont le compas de Weber montre l'exactitude. A la

main droite, D... paraît sentir aussi bien sur la sphère du

cubital que le long du trajet des autres nerfs. Il n'y a pas de

retard des sensations.

D... raconte en outre, que depuis '18"/7 il ressent des douleurs

dans le membre supérieur droit. Ces douleurs ont débuté par

le poignet sous forme de fourmillements, puis elles ont gagné

DES ÉPHIDROSES .DE LA FACE. 39

l'avant-bras et le bras, et actuellement D... ressent dans la

sphère du cubital, principalement dans l'annulaire, des four-

millements, des élancements revenant à peu près tous les

jours et même plusieurs fois par jour, durant environ trois ou

quatre minutes, remontent le long de lapartie interne du bras

pour se perdre dans l'épaule. On ne détermine d'ailleurs au-

cune douleur par la pression sur les nerfs du membre supé-

rieur droit, non plus qu'au niveau du plexus brachial.

Enfin D... se plaint d'avoir, depuis quelques semaines, une

sensation de poids, de gêne, parfois des élancements au niveau

de la partie moyenne et latérale du thorax du côté droit, mais

il n'y a aucun signe de névralgie intercostale. Cependant la

pression provoque de la douleur à la partie moyenne des

côtes le long de la ligne axillaire.

Il n'y a pas d'amiotrophie du membre supérieur droit, les

forces y sont conservées. Les réflexes du coude, des fléchis-

seurs, du genou, sont normaux. La température est normale et

égale des deux côtés du corps.

On ne trouve aucun signe de tabes, de paralysie générale,

de tumeur cérébrale d'hystérie.

12 janvier. On a injecté sous la peau de la joue droite

un milligramme de chlorhydrate de pilocarpine; on voit appa-

raître aussitôt de la rougeur locale, mais sans sudation.

13. -Injection dedeux milligrammes. Même rougeur locale

et appartion sur la tempe, le nez, la joue d'une sueur claire,

limpide, acide qui persiste une demi-heure.

15. -Injection au même point de quatre milligrammes. On

ne constate pas de rougeur locale. La sueur apparaît après une

minute un quart. La sudation dure quarante-cinq minutes,

mais n'atteint que les parties qui suent habituellement. Le

reste du corps est sec.

Une injection d'un centigramme amène une sueur généra-

lisée, plus abondante du côté droit de la face et du cou.

Le traitement par l'atropine, l'ergotine, le tannin échoue.

Les courants continus (7 à 10 milliampères) sur la colonne

cervicale et le sympathique cervical ne donnent aucun ré-

sultat.

Le malade quitta l'hôpital le 15 février.

(Nous avons revu ce malade à la fin de juillet. Son état est

toujours le même. Les douleurs thoraciques ont augmenté et

sont dues à une névralgie intercostale du côté droit.)

60 CLINIQUE NERVEUSE.

lit.

Passons maintenant en revue les principales obser-

vations que nous avons relevées. Elles sont suscepti-

bles d'être ramenées à l'un des quatre groupes que

voici : '

A. Dans une première classe, il y a une altération

matérielle du système nerveux cérébro-spinal. A cette

catégorie appartiennent les observations suivantes :

Bichat cite le fait d'un malade atteint d'éphidrose faciale

gauche avec hémiplégie gauche. Mickle rapporte trois

cas d'éphidrose faciale chez des paralytiques généraux.

Bazire relate l'observation d'un ataxique chez qui,

au moment des paroxysmes douloureux une transpira-

tion abondante survenait sur le côté gauche du front.

Il y avait chez ce malade des troubles oculaires.

Roque rapporte le cas d'un jeune homme qui, à la

suite d'une congestion cérébrale vit survenir des sueurs

du côté droit de la tête et du moignon de l'épaule. Les

repas les émotions augmentaient cette sécrétion et,

quatorze ans après, les parties qui en étaient le siège

s'étaient amaigries : les cheveux avaient blanchi du

même côté.

Anstie a vu un enfant de six ans atteint de crises

épileptiques avec éphidrose partielle de la face.

De même Ramskill a vu un épileptique chez qui se

développait une sudation exagérée d'un côté de la face

lorsqu'il marchait vite.

Meschede signale une observation d'hémidrose, sur-

tout prononcée au visage et datant de vingt ans. A

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. 61

l'autopsie on trouva une hypérostose concentrique des

os du crâne et une atrophie d'une partie des circonvolu-

tions de la base de l'encéphale.

0. Berger rapporte le cas d'un homme atteint d'é-

phidrose latérale gauche de la face et du cou. La peau

n'était pas rouge : il n'y avait aucun trouble pupillaire,

aucun trouble de sensibilité. La pression au niveau des

apophyses épineuses des dernières vertèbres cérvicales

provoquait de la douleur. Kiedemeister a vu chez un

aliéné une éphidrose palpébrale gauche qui a envahi

consécutivement la tempe et le front. Morselli(de Flo-

rence) a publié en 1870 l'observation que nous don-

nons en résumé :

Femme de cinquante-cinq ans qui éprouvait depuis quelque

temps de la faiblesse des jambes, des maux de tête, etc.,

lorsque survint une paralysie de la jambe droite. La céphalal-

gie limitée au côté droit devint de plus en plus pénible et fré-

quente. Des vertiges et des attaques comateuses apparurent.

La malade entre à l'hôpital dans le coma. Le visage est

plus coloré à droite, l'oeil droit est larmoyant. 'Les pupilles

sont également dilatées. Le lendemain le coma a cessé. La rou-

geur intense de la moitié droite de la face s'étend à la con-

jonctive, au cou et à l'oreille. La joue droite est enflée, plus

volumineuse que la gauche et ruisselante de sueur. La tem-

pérature est plus élevée du côté droit. La pupille est con-

tractée, presque insensible à la lumière.

A l'autopsie, on trouva à la partie antérieure de l'hémisphère

gauche un gliome s'étendant jusqu'au corps strié.

On trouva en outre des lésions du grand sympathique cervical.

Le ganglion cervical supérieur du côté droit est notablement

hypertrophié. Au microscope on constate la pigmentation et la

dégénérescence graisseuse des cellules nerveuses ; la proliféra-

tion des éléments conjonctifs. On note une thrombose des

capillaires avec prolifération du noyau de leurs parois ; chez

quelques-uns à une période plus avancée, de l'épanouissement

marqué des parois avec dégénérescence graisseuse de leur con-

62 CLINIQUE NERVEUSE.

tenu. En somme sclérose ot dégénérescence graisseuse des

ganglions.

Nous avons rapporté cette observation avec quelques déve-

loppements. C'est en effet l'un des rares cas où l'autopsie ait

été faite et eu égard aux lésions du sympathique qui y sont

signalées, nous aurons l'occasion d'y revenir plus loin.

B. - Dans une deuxième classe la lésion n'est plus

centrale, mais.elle affecte le grand sympathique dans

sa portion cervicale ou au niveau de son premier gan-

glion thoracique. C'est ainsi que l'éphidrose faciale

a été signalée dans les anévrysmes de la crosse de

l'aorte ou du tronc brachio-céphalique.

Gairdner en a rapporté deux cas : l'éphidrose était

exactement limitée à un côté de la face : il y avait

contraction pupillaire du même côté.

Bartholow rapporte un cas analogue dans lequel il

s'agissait probablement d'un anévrysme : il y avait

également du myosis du côté de l'éphidrose.

Weir Dlitchell rapporte une observation dans laquelle

deux ans après une blessure du cou par un balle, il y

avait une hypéridrose de la face et du cou.

Ogle a vu un malade chez qui à la suite d'une abon-

dante suppuration du côté droit du cou il s'était déve-

loppé une éphidrose faciale du même côté. Il y avait en

outre, pendant les exercices et parfois aussi au repos,

une rougeur plus marquée de ce côté de la face qui était

aussi plus chaud.

Mais un exercice violent ou la fièvre renversaient les

conditions de sudation des deux côtés de la face. Le

côté gauche suait, alors que le côté droit restait sec.

M. Verneuil a vu se développer une éphidrose

facialeà la suite d'une ligature (le la carotide. Il y avait

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. 63

en outre du myosis du même côté avec dilatation vascu-

laire et augmentation de température de cette partie

de la face.

Frankel cite un malade qui, avec une hypertrophie

du corps thyroïde, était atteint d'une éphidrose faciale

gauche.

Nitzelnadel (cité par Rosenthal) rapporte l'observa-

tion d'un malade atteint de goître exophthalmique qui

présentait une éphidrose faciale. 11 y avait de plus du

myosis, de la rougeur des téguments et une augmen-

tation de température.

On peut faire rentrer dans cette classe les deux obser-

vations de M. Fritz dans lesquelles l'éphidrose faciale

survint dans le cours d'une thrombose des sinus crâ-

niens. La distribution des branches afférentes du

nerf vertébral semble donner l'explication de ce

symptôme.

M. Riehl a publié, en 1884, une observation dont

voici le résumé :

Femme atteinte depuis plusieurs années de douleurs dans

le côté gauche de la tête. Ces douleurs survenaient à inter-

valles irréguliers et s'accompagnaient de rougeur, hyper-

thermie et éphidrose de la moitié correspondante de la

tête. Pendant ces accès la pupille gauche était dilatée, mais

non au maximum : elle ne réagissait qu'avec paresse aux

excitations lumineuses. Il existait en outre une diminution de

l'acuité visuelle de ce côté et une légère injection de la con-

jonctive. A l'autopsie on trouva une intégrité absolue du sym-

pathique cervical droit et du sympathique gauche, sauf pour

le ganglion cervical supérieur. Celui-ci atteignait un volume

double de celui du côté opposé. A la coupe il était'injecté et de

coloration rosée. Au microscope on trouva une infiltration de

cellules rondes entre les faisceaux nerveux et les cellules gan-

glionnaires. Les vaisseaux étaient remplis de sang et quelques

veines étaient inégalement dilatées par places. La plupart des

64 CLINIQUE NERVEUSE.

cellules ganglionnaires ne présentaient pas d'altération. Dans

un point cependant les cellules étaient ratatinées. Dans un

autre endroit on trouva une hémorrhagie ponctiforme. Le

noyau des cellules était très net : il y avait une pigmentation

prononcée du protoplasma.

Les fibres du sympathique n'étaient altérées ni au-dessus

ni au-dessous du ganglion.

Cette observation nous paraît être la seule dans

laquelle, avec les symptômes les plus manifestes d'une

paralysie du sympathique cervical, on s'est trouvé en

présence d'une dilatation pupillaire (incomplète, il

est vrai), au lieu du myosis qui est la règle. Peut-

être dans ce cas faut-il admettre que la dilatation pu-

pillaire tenait à une action réflexe déterminée par la

douleur. En effet, d'après les expériences de MM. Vul-

pian et Liégeois, une semblable lésion ganglionnaire

en quelque sorte destructive aurait dû avoir pour

effet d'exagérer le myosis. Peut-être aussi faut-il

admettre une dissociation des fibres irido-dilatatrices et

vaso-motrices, la même cause qui déterminait la para-

lysie de celles-ci ne produisant qu'une phase d'excita-

tion de celles-là. D'après M. Fr. Franck, Schiff a signalé

des exemples de cette dissociation entre ces deux

ordres de fibres'.

Quoi qu'il en soit, M. Riehl ne donne aucune expli-

cation de cette mydriase que l'on ne rencontre pas

habituellement, comme nous le verrons dans les cas

de paralysie du sympathique cervical.

On trouve encore dans cette observation, sur laquelle

nous insistons à dessein, une lésion déjà signalée par

1 Fr. Franck. Art. Grand Sympathique, du Dict. encljclop¡}¡[¡qlle,

3e série, t. 1X, p. fi7.

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. go

Ebsteinet que nous retrouverons plus loin : pigmenta-

tion des cellules ganglionnaires, dilatation des vais-

seaux. M. Riehl cite dans son travail une observation

due à M. Guttmann et qui se rapproche par beaucoup

de points de la précédente :

Il s'agit d'un homme atteint d'une affection pulmo-

naire et qui présente une éphidrose faciale gauche avec

exophthalmie légère de ce côté et dilatation de la

pupille correspondante. Par instants, la sueur gagnait

la partie correspondante du cuir chevelu et du cou.

On voit souvent des phénomènes concomitants de

rougeur diffuse ou bien sous forme de plaques isolées :

cette rougeur peut survenir indépendamment des

sueurs. Il y a aussi de l'hyperthermie et parfois un

peu d'injection de la conjonctive avec de l'épiphorase.

La mydriase varie d'intensité : le diamètre pupillaire

peut augmenter ou diminuer en quelques minutes. La

pupille réagit normalement à la lumière. Une lésion des

ganglions du sympathique cervical reste possible : la

pression sur le sympathique gauche dit Guttmann est

un peu douloureuse.

Dans cette deuxième observation il y a paralysie des

fibres vaso-motrices, comme dans l'observation de

M. Riehl, et, comme dans celle-ci, on se trouve égale-

ment en présence d'une mydriase qu'il faut bien rap-

porter à une excitation des filets oculo-pupillaires. Il

est à remarquer toutefois que les symptômes de para-

lysie ou troubles vaso-moteurs étaient intermittents, ce

qui tendrait à faire admettre qu'à la suite de la période

d'excitation produisant l'éphidrose et la mydriase sur-

venait un stade de paralysie avec les phénomènes

habituels. Les variations successives de diamètre pu-

Ancurves, t. XV. a

66 . CLINIQUE NERVEUSE.

pillaire viendraient corroborer cette opinion. Disons

cependant, par anticipation, que telle n'est pas la

marche habituelle de la paralysie du sympathique

cervical, et que, dans les expériences de M. Nicati, on

ne relève rien de semblable. D'ailleurs, en l'absence

d'autopsie, il serait imprudent d'entrer plus avant

dans cette voie hypothétique. C'est également dans

cette classe que l'on doit ranger notre deuxième

observation.

Le nommé Emile S..., commissionnaire, âgé de trente-neuf

ans, entre le 27 avril 1887 à la Pitié, service de NI. le Dr LAN-

CEREAUX.

Comme antécédents morbides, on relève chez ce malade une

fièvre typhoïde, une pneumonie et une pleurésie, celle-ci da-

tant de deux ans et ayant affecté la plèvre gauche. On note

aussi un léger degré d'alcoolisme.

Il raconte que depuis quelques mois, il toussait et était

essoufflé; il a cessé son travail il y a un mois et depuis il a vu

survenir de l'anorexie, des sueurs nocturnes en même temps

que l'amaigrissement.

Il crache assez abondamment l'expectoration est mu-

queuse, aérée; quelques crachats déchiquetés. Examen du

malade. Thorax aplati et amaigri. Matité aux deux som-

mets, en avant et en arrière. Respiration rude râles caver-

nuleux, surtout à droite. Dans le reste de l'étendue des pou-

mons, râles sous-crépitants avec respiration soufflante; à

droite, tonalité plus élevée qu'à gauche -perte de l'élasticité.

Léger épanchement pleural. Une ponction faite avec la

seringue de Pravaz permet de retirer un liquide citrin qui

coagule par l'acide nitrique. Cependant le murmure vésiculaire

persiste en ce point; il est seulement affaibli pas d'égo-

phonie pas de pectoriloquie aphone pas de frottements.

En résumé, tuberculose pulmonaire à la deuxième période et

pleurésie tuberculeuse à droite.

En outre le malade est couvert d'une sueur abondante sur

toute la partie droite de la figure. Cette hémidrose est nette-

ment localisée à droite et atteint principalement la région

DES éphidroses de la face. 67

frontale. Elle commence à la ligne médiane, envahit la tempe,

la racine du nez à sa partie latérale droite, la région malaire

et s'étend jusqu'au cou, mais ce dernier n'est pas atteint par

l'hypersudation. La sueur est abondante, acide, sécrétée à

tout instant, aussi bien au repos que lorsque le malade est

éveillé, parle ou mange. Elle n'augmente pas sous l'influence

des mouvements de mastication, des émotions ou des mouve-

ments.

Au réveil, le malade est couvert de sueurs générales, et la

sudation de la face est notablement plus considérable à droite

qu'à gauche.

Il n'y a pas de rougeur de cette partie de la face; pas d'aug-

mentation de la température pas de troubles pupillaires.

Les pupilles sont égales; elles semblent toutefois un peu plus

étroites que normalement; mais elles réagissent également

bien à la lumière et à l'accommodation. Pas de troubles de

sécrétion lacrymale. - Rien d'anormal dans la sécrétion sali-

vaire.

Le malade n'accuse aucune sensation subjective; il n'est

gêné que par l'abondance de la sueur. Il est atteint de cette

éphidrose depuis plusieurs mois, mais il n'en peut préciser le

début. On ne trouve sur le trajet du sympathique aucune

tumeur, ni rien qui puisse expliquer cette éphidrose faciale.

Les jours suivants les sueurs augmentent encore; aussi

bien l'éphidrose de la face que les sueurs générales. Le

malade s'affaiblit de plus en plus.

Le 16 mai, il est pris d'une attaque épileptiforme; les mou-

vements convulsifs ont duré quelques instants; le malade a

déliré pendant un quart d'heure, puis il a repris connaissance.

Au début, dit-il, il avait parfaitement conscience de son état,

et il aurait été prévenu de cette attaque par de l'obtusion des

idées.

Dans la nuit, deuxième crise semblable à la précédente. Il

a de nouveau assisté au développement de cet accès ; après

deux minutes d'anxiété, il a perdu connaissance. Cependant, il

accuse une légère amélioration. Les sueurs ont été moindres,

et il ressent un certain bien-être.

Le 18 mai, état stationnaire. - Le malade mange un peu.

Le 19 mai, il meurt subitement. - Ses voisins n'ont pas

remarqué qu'il ait fait avant de mourir le moindre mouve-

ment.

68 CLINIQUE NERVEUSE.

Autopsie. A l'ouverture du thorax on constate que le

péricarde est distendu par un verre environ d'un liquide teinté

par le sang. Pas de fausses membranes de péricardite.

Adhérences pleurales intimes des deux côtés, mais surtout

à droite. Pleurésie multiloculaire avec faible quantité de

liquide séro-fibrineux.

Tandis qu'à gauche les fausses membranes sont faibles, peu

adhérentes, à droite au contraire elles constituent une véri-

table pachypleurite de deux millimètres et plus d'épaisseur et

tapissées de tubercules qui atteignent les dimensions d'un

gros grain de millet environ.

Le long de la colonne vertébrale on ne détache qu'avec

peine cette plèvre qui comprime le tronc du sympathique à sa

partie inférieure toutefois ce dernier est sain. Mais lorsqu'on

arrive au ganglion cervical inférieur, il faut en quelque sorte

sculpter ce dernier qui se trouve en plein tissu de pleurésie

tuberculeuse appliqué étroitement contre le col de la première

côte. Il est allongé, mais aplati et de dimensions bien moindres

que celui du côté gauche. Il ne parait cependant pas plus

rouge que l'autre, mais il est entouré par cette pachypleurite

qui remonte même au-dessus de lui, au niveau du reflet de laplè-

vre. Le tronc du sympathique cervical est sain; le ganglion cer-

vical moyen est un peu plus gros de ce côté que celui du côté

gauche; à gauche le sympathique est également normal. Le

ganglion cervical inférieur est très développé, mesure environ

deux centimètres et demi de large. Il est dur et résistant,

tandis que celui du côté droit semble plus mou à la coupe.

Les deux poumons sont infiltrés de petits tubercules. Aux

deux sommets on trouve de petites cavernules. Conges-

tion et emphysème disséminés. Les autres viscères sont

sains.

Examen microscopique du ganglion cervical inférieur, du

côté malade. (Voir planche V'.) - L'enveloppe fibreuse du

ganglion est normale; elle n'est pas épaissie et les vésicules

graisseuses qui l'entourent ne présentent rien de particulier.

- Les tractus celluleux qui partent de cette enveloppe exté-

rieure du ganglion pour se diriger vers le centre sont plus

volumineux qu'à l'état normal. En certains points de la

' Cette planche paraitra avec le prochain numéro.

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. 69

préparation, ces cloisonnements sont seulement composés de

fibres qui dissocient les éléments du ganglion sans présenter

de cellules de nouvelle formation; mais dans la plupart des

points de la coupe, on trouve dans ces tractus fibreux une

infiltration considérable d'éléments embryonnaires qui entou-

rent à la fois les cellules nerveuses et les vaisseaux, sans tou-

tefois prédominer autour de l'un ou l'autre de ces éléments.

Tandis que les vaisseaux sont sains et ne présentent aucune

trace d'endartérite ni de périartérite, sans qu'on puisse

trouver aucune thrombose veineuse, on trouve au contraire

des altérations manifestes des cellules. - En quelques points

de la préparation, notamment à la périphérie, on trouve une

forte congestion vasculaire. Dans les points où celles-ci sont

à peine entourées d'éléments embryonnaires, elles présentent

leurs dimensions normales, mais elles sont granuleuses et

l'on ne peut distinguer leurs noyaux. Elles sont, en général,

arrondies ou ovoïdes. Dans les points, au contraire, où la

néoformation conjonctive est plus abondante, on voit ces

cellules petites, ratatinées et comme atrophiées par la com-

pression ; elles sont fortement colorées en rouge par le carmin,

tandis que les cellules saines fixent davantage l'acide pi-

crique.

Les fibres nerveuses qui traversent le ganglion sont parfai-

tement saines.

Dans l'intérieur même du ganglion on trouve, au milieu du

tissu conjonctif, quelques vésicules adipeuses bien colorées en

. noir par l'acide osmique. Les autres ganglions cervicaux

du sympathique sont sains. Ils ne présentent non plus que

ceux du côté gauche l'infiltration nucléaire que l'on trouve

dans le ganglion cervical inférieur du côté malade. - Le

tronc du nerf est également normal. En résumé, prolifération

nucléaire abondante, compression des cellules du ganglion

qui s'atrophient : telles sont les deux altérations principales

que l'on observe ici.

C. Dans une troisième classe, ce sont les nerfs de

la face qui sont lésés. 11 y a dans ces cas une irritation

des fibres excito-sudorales qui accompagnent le facial

ou le trijumeau.

70 CLINIQUE NERVEUSE.

On connaît plusieurs exemples d'hypéridrose fa-

ciale dans les névralgies du trijumeau. M. Débrousse-

Latour en rapporte dans sa thèse.

On sait de même que dans la migraine, on peut

observer des faits analogues.

M. Ollivier a rapporté un cas très intéressant

d'éphidrose limitée à la branche maxillaire supérieure

du trijumeau. Au moment où la sudation atteignait son

maximum, il y avait hypérémie de la région. Chez

ce malade, l'affection paraissait être héréditaire : la

soeur en était atteinte, ainsi que trois enfants qu'elle

avait.

A cette classe appartiennent aussi la plupart des

observations d'éphidrose parotidienne. Le plus sou-

vent, en effet, à la suite de parotidites suppurées de

tumeurs de la parotide, d'opérations pratiquées sur la

région, il y a irritation des fibres sudorales et l'éphi-

drose s'ensuit.

On connaît le cas de Bérard qui était atteint d'éphi-

drose parotidienne, depuis une parotidite qui était sur-

venue lors d'une fièvre grave.

On trouve aussi dans la thèse de M. Bézard, dans

celle de M. Bouveret, dans un travail de M. Bergou-

nhioux, des observations semblables de malades trai-

tés dans le service de Nélaton. Ces observations ne

sont pas très rares.

Comme le fait remarquer M. Bouveret, cette éphi-

drose dépasse parfois la région et se manifeste sur les

régions voisines et même sur une étendue considérable

de face. Dans tous les cas, un traumatisme de la région

se rencontre à l'origine du mal. M. Bouveret fait aussi

remarquer que tandis que la joue se couvre de sueurs,

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. Î'1 Il

la moitié correspondante de la muqueuse buccale reste

sèche, mais ce n'est pas là une règle absolue.

Dans ces cas, la sudation est généralement d'ordre

réflexe et elle succède à une excitation des nerfs du

goût. Ces faits vont nous servir de transition pour

passer à ceux que l'on peut ranger dans la classe sui-

vante.

D. - Dans cette quatrième classe, l'éphidrose est

d'ordre réflexe. On la rencontre ordinairement chez des

sujets hystériques, chez des nerveux. L'hyperexcita-

bilité sudorale est mise enjeu par l'impression de cer-

tains nerfs périphériques ou même par des influences

psychiques.

Dans les éphidroses parotidiennes, avons-nous dit,

ce sont les nerfs du goût qui interviennent comme point

de départ du réflexe. Le malade mange, et aussitôt on

voit perler sur la région de la parotide des gouttelettes

- de sueur qui se réunissent et finissent par couler sur la

joue.

Mais en dehors de ces cas, où l'éphidrose limitée à

la région de la parotide ou ayant débuté par cette ré-

gion pour s'étendre ensuite, est consécutive à un trau-

matisme ancien, il en est d'autres où il n'y a eu aucune

lésion antérieure et dans lesquels l'éphidrose est d'ordre

purement réflexe, sans excitation préalable des fibres

sudorales du facial.

En 1740, Kastremsky rapportait le fait d'un malade

qui suait lorsqu'il prenait des aliments salés ou de

haut goût. Barthez a publié l'observation d'un homme

qui suait d'un seul côté de la face, lorsqu'il mettait

du sel sur le côté correspondant de sa langue qui

72 CLINIQUE NERVEUSE.

était excoriée. Hartmann rappelle l'observation d'un

homme qui suait du côté gauche de la face après avoir

mangé. -

M. Bouveret a vu chez M. Gallard un malade atteint

d'éphidrose faciale, lorsqu'il prenait des aliments : la

sueur cessait avec la mastication.

On trouve signalés dans la thèse de M. Bézard quel-

ques faits d'éphidrose faciale, à la suite d'ingestion

d'aliments très épicés ou dans la préparation desquels

il rentrait des acides, du vinaigre, du citron. On con-

naît enfin l'exemple de M. Brown-Séquard, rapporté

par lui dans les Comptes-rendus de la Société.de bio-

logie.

« Chez M. Brown-Séquard, une sécrétion très abon-

dante de sueur au visage a lieu toutes les fois qu'il excite

les nerfs du goût par des aliments très salés, très épicés

ou très sucrés, en un mot d'une saveur très vive. La

sécrétion a lieu également en hiver et en été. Le mou-

vement des mâchoires n'y est pour rien, car avec des

aliments très peu savoureux, mâchés pendant long-

temps, l'effet n'a pas lieu, tandis qu'il se produit alors

même, s'il n'y a pas de mastication etqu'un aliment très

sapide est tenu pendant quatre ou cinq minutes dans

la bouche. M. Brown-Séquard a constaté le même phé-

nomène, mais avec moins d'intensité que chez lui, sur

six personnes. Il fait l'expérience devant la Société de

Biologie : la substance savoureuse est du chocolat. En

moins de cinq minutes, son visage est baigné de

sueur. »

Dans d'autres cas, ce n'est plus une excitation des

nerfs du goût qui détermine l'hypéridrose. Ce sont

alors différents nerfs, soit de sensibilité spéciale, soit de

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. 73

sensibilité générale qui sont le point de départ de l'ac-

tion réflexe et peut-être aussi les filets viscéraux

du sympathique. M. Débrousse-Latour cite le cas d'un

jeune homme dont le front se couvrait d'une sueur

abondante, lorsqu'il respirait du vinaigre.

Tackenberg (in Lyon médical, 1879) a vu un homme

atteint d'une obstruction ancienne de la narine droite,

par déviation de la cloison. Il y avait de l'anosmie de ce

côté et une éphidrose faciale droite, lorsque le malade

parlait. Le cathétérisme amena la guérison de cette

oblitération et une diminution de l'éphidrose.

Erasmus Wilson mentionne le cas d'un malade qui,

après de violentes douleurs gastriques, suait d'un côté de

la face. Il rapporte également une observation intéres-

sante où une éphidrose latérale de la face succéda à

l'ingestion d'une boisson froide. Il s'agissait d'un jeune

acteur qui s'était grimé pour jouer un rôle de vieillard.

La sueur qui coulait d'un seul côté de la face lui avait

rendu ses traits naturels et la double expression de son

visage excitait chez les spectateurs une hilarité que le

malheureux acteur attribuait à son jeu irréprochable.

On connaît, d'ailleurs, d'autres exemples où l'inges-

tion de certains aliments, de l'alcool, produisent une

hypersécrétion sudorale de la face générale ou unilaté-

rale. Il en est de même dans certains cas d'indigestion,

ou bien à la suite d'états dyspeptiques. Bartholow

rapporte un cas d'éphidrose faciale gauche, survenue

chez un phtisique atteint de gastralgie avec vomisse-

ments.

Il rapporte également un cas d'éphidrose droite avec

nausées et douleurs gastriques. Dans un autre ordre

de faits, c'est une émotion, une excitation psychique

74 1, CLINIQUE NERVEUSE.

qui déterminent l'éphidrose. Parfois même, il n'y a

aucune cause occasionnelle appréciable : les sujets sont

seulement des neurasthéniques.

Tuke rapporte une observation de Gratiolet, dans la-

quelle une excitation émotionnelle fut suivie d'une

éphidrose unilatérale de la tête.

Bartholow cite l'observation d'une femme qui pré-

sentait par instants des accès de rougeur de la face

avec hypéridrose et hyperthermie sans autre trouble

apparent de la santé.

M. Leudet (de Rouen) a rapporté au congrès de Bor-

deaux l'observation d'une femme nerveuse atteinte

d'éphidrose latérale droite de la face, suivant le tra-

jet des deux premières branches du trijumeau. La suda-

tion survenait sous l'influence de toute préoccupation.

Il n'y avait ni rougeur, ni troubles pupillaires, mais

amblyopie du même côté.

En résumé, dans toutes les observations d'éphidrose

de la face, il est possible de noter un trouble dans le

fonctionnement du système nerveux. Ces éphidroses

peuvent rentrer, pensons-nous, dans l'un des quatre

groupes suivants : .

1° Altération matérielle du système nerveux cen-

tral ; ;

2° Lésion du cordon cervical du grand sympa-

thique ;

3° Lésion des nerfs de la face (facial ou surtout tri-

jumeau) ;

4° Trouble réflexe dont le point de départ réside

dans une excitation des nerfs du goût, des nerfs de

sensibilité générale ou spéciale, ou encore dans une

perturbation psychique. Dans quelques cas, l'éphidrose

DE l'épilepsie PROCURSIVF. 75

paraît n'être qu'une détermination locale du nervo-

sisme.

C'est probablement parmi les faits de ce genre que

l'on doit classer les observations où l'on n'a noté aucune

lésion apparente dans les différents organes. M. Bar-

tholow pense que dans ces cas il y a quelque altération

d'un ou de plusieurs des ganglions cervicaux du sym-

pathique. Nous reviendrons plus loin sur cette ques-

tion. (A suivie.)

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE;

Par BOURNEVILLE et P. BRICON

IV. VERTIGES PROCURSIFS.

Nous avons déjà vu dans les observations précé-

dentes des malades présenter concurremment avec des

accès de type procursif divers des accidents procursifs

dont quelques-uns semblent se rapprocher des verti-

ges. La distinction entre l'accès procursif et le vertige

procursif est souvent fort difficile à établir. Il faut au

surplus se rappeler que la plupart des divisions sont pu-

rement artificielles, que si elles sont nécessaires pour la

compréhension et l'exposé des phénomènes observés,

il ne s'ensuit pas qu'on puisse y adapter chaque cas

particulier. Leurs frontières sont fort mal délimitées.

N'observe-t-on pas, du reste, fort souvent une gradua-

' Voy. Archives de Neurologie, vol. XIII, nez 39, mai 1887, p. 321, et

vol. XIV, Il"' 10 et il, p 55 et 23à, juillet et septembre 1887.

76 . CLINIQUE NERVEUSE.

tion symptomatique entre les différents actes épilep-

tiques, de l'absence à l'accès le plus franc, d'où la

difficulté de classer certains phénomènes considérés

différemment selon les auteurs.

Nous avons dit que dans certains cas nous considé-

rions l'acte procursif comme constituant un accès in-

complet, mais il s'agit alors de malades chez lesquels

on constate la transformation graduelle des accès pro-

cursifs en accès d'épilepsie ordinaire qui, plus tard,

persistent seuls. Il n'en est pas de même pour ceux

où l'accident procursif n'apparaît que longtemps

après le début de l'épilepsie et chez lesquels il paraît

être un accident isolé indépendant de l'accès, Tel est

le cas du malade qui fait l'objet de l'observation sui-

vante :

Observation XXV. -Père, mort phthisique. Mère migrai-

neuse de l'âge de six ans à la ménopause. Grand'mère

maternelle, migraineuse . Une tante et trois oncles mater-

nels migraineux. - Cinq frères morts jeunes de convulsions.

- En fant adultérin.

Convulsions à dix mois. - Début à sept ans à la suite

d'une peur. Diminution rapide des facultés intellec-

tuelles. Vertige procursif isolé en 1886.

Niv... (Louis-Georges), né le 20 mai 1861, est entré à Bi-

cétre le 15 mai 1877 (service de M. BouRNEVILLE).

Renseignements fournis par la mère. Père naturel, plom-

bier zingueur, pas d'accidents saturnins, sobre, mort de

phthisie à l'âge de quarante-deux ans. [Père et mère, soeurs

et frères bien portants. Pas d'épileptiques, pas de suicides,

etc., dans la famille.]

Mère, soixante-deux ans, marchande des quatre saisons ;

migraineuse dès l'âge de six ans ; les migraines ont disparu à la

ménopause; a eu une pleurésie et une pneumonie, mais est

actuellement bien portante. [Père, pas de détails. Mère,

migraineuse, morte du choléra. Une saur et trois frères

DE L EPILEPSIE PROCURSIVE. 7 <

migraineux, morts on ne sait de quoi. Pas d'épileptiques, etc.,

dans la famille.] Pas de consanguinité.

Neuf enfants. De son mari, une fille. De son amant

les six premiers enfants sont morts jeunes à la suite de con-

vulsions ; un autre est mort également jeune d'une fracture de

la colonne vertébrale. Notre malade est né treize mois avant

le décès du père. Grossesse, bonne. Accouchement, normal.

Pas d'asphyxie à la naissance. Bien venant, il a marché

et parlé de bonne heure. A dix mois, il eut des convulsions

sans cause connue et sans troubles physiques et intellectuels

consécutifs. Il était intelligent, allait à l'école où il apprenait

bien. A sept ans, un ivrogne l'a enlevé et porté sur sa tête, il

eut peur. Trois jours après, étant à table, il tape dans son

assiette avec les mains, puis la tête tombe dans l'assiette et il

a un accès. Les accès se répétèrent ensuite fréquemment, au

nombre parfois de neuf à dix par jour; on nota de temps à

autre des intervalles de trois à quatre jours, et une fois seule-

ment de trois ou quatre mois. Les accès avaient lieu avec ou

sans cri, avec ou sans aura. Jamais on n'avait noté de course

avant ou après. Les facultés intellectuelles ont rapidement

diminué. On avait essayé de lui apprendre le métier de

bijoutier sur deuil.

Description d'un accès (1882). Le malade était assis dans un

fauteuil, on entend un cri étouffé, on s'aperçoit qu'il a glissé à

côté du fauteuil, puis, par un autre mouvement brusque sous

le lit. Les membres inférieurs sont écartés, les membres su-

périeurs allongés le long du thorax; il y a de la raideur des

deux côtés. On dégage les jambes de dessous le lit. A ce mo-

ment, la tête se met dans l'extension, la bouche s'ouvre, tout

le corps devient rigide. Cette période de rigidité ne dure que

quelques secondes, et, comme on le voit, elle a été précédée

d'une phase d'un genre particulier. Puis secousses tétani-

formes de la face et des membres.

Période clonique. - 10 La face se tourne à droite, le bras et

la jambe correspondant sont animés de convulsions cloniques

qui se répètent quatre ou cinq fois ; 2° la face se tourne à

gauche, et alors les membres du côté gauche sont pris de con-

vulsions cloniques à leur tour. Durant cette période, le visage

s'est congestionné ; les yeux étaient convulsés en haut directe-

ment, d'abord à droite, puis enfin à gauche.

78 CLINIQUE NERVEUSE.

Période de stertor. Décomposition de la face qui devient

d'une pâleur bleuâtre, livide, résolution complète, écume non

sanglante et abondante. Cette dernière période dure longtemps

et aboutit à un sommeil profond qui permet de prendre la

température du malade sans qu'il réagisse. T. R., 37° 9 1/2.

Pas de miction involontaire. Au bout d'un quart d'heure

environ, il se réveille et, faisant allusion à son accès, il dit que

ce n'est pas vrai.

Ce malade est d'habitude violent, plusieurs fois, on a retrouvé

sur lui des effets appartenant à d'autres. L'an dernier, on a dù

le faire remonter parce qu'il avait souffleté sa soeur au

parloir.

1885. 3 mars. - La mémoire est assez bien conservée; la

parole est libre. Le malade est sujet à des périodes d'excitation

violente après les accès. Dynamomètre à droite : 3J; à gauche :

46. Traitement : capsules de bromure de camphre.

1886. Janvier. - La mémoire est médiocre; le malade est

dans un état de semi-démence. Dynamomètre à droite : 30; à

gauche : 40. Le malade se roule pendant les accès.

{"juillet. Le traitement par les capsules de bromure de

camphre est supprimé.

1887. Janvier. - Description d'un vertige procursif. Le ma-

lade, se trouvant au cbauiFoir se met tout à coup à courir l'es-

pace de sept mètres, puis va se jeter sur le matelas où il se

roule, en se grattant en même temps la tète, pendant trente

secondes environ ; il se relève ensuite et se met à se promener

comme si rien ne lui était arrivé. Il ne se souvient pas de son

vertige. On aurait noté, dans ces derniers temps, plusieurs

accès et vertiges précédés de course ou de marche.

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80 CLINIQUE NERVEUSE. DE l'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

Poids. 1879. Novembre. 44 kil.

1880. Septembre. 4t kil. 500 gr.

1881. Juillet. 45 kil. 400 gr.

1882. Janvier. 45 kil. 300 gr.

- - Juin. 47 kil. 800 gr.

1883. Janvier. 46 kil. 700 gr.

Juin. 4o kil. 600 gr.

1884. Janvier. 46 kil. 800 gr.

- Juin. 45 kil. 500 gr.

1885. Janvier. 43 kil. 700 gr.

Août. 46 kil. 500 gr.

1886. Janvier. 48 kil.

- Août. 45 kil.

Taille. - 1 m. 59.

Cette observation est intéressante à bien des points

de vue. Nous appuierons, dès l'abord, sur l'hérédité

nerveuse hétéromorphe, comme il a été si souvent

noté dans ces derniers temps '. Comme nous l'avons

mentionné dans nos diverses observations que nous

avons publiées, la migraine semble jouer un rôle pré-

pondérant dans l'étiologie héréditaire de l'épilepsie,

tandis que l'hérédité réelle paraît être beaucoup plus

rare. La peur qui avait été l'origine apparente de

l'épilepsie n'est ici, comme toujours, qu'une cause

occasionnelle chez un malade prédisposé. Nous

noterons que, jusqu'à ces derniers temps, c'est-à-dire

pendant une longue période, le malade n'a présenté

aucun phénomène procursif; que ceux-ci, du reste, ne

semblent pas pouvoir être rapprochés des actes procur-

sifs constituant l'épilepsie procursive proprement dite,

qu'ils ne seraient ici que des phénomènes procursifs

accessoires, isolés, constituant plutôt des vertiges que

des accès incomplets. Toutefois, on pourrait se de-

mander si ces actes procursifs ne sont pas liés à la

' Déjérine. - De l'hérédité dans les maladies du système nerveux.

RAPPORT SUR MISTRAL. 81

notable accélération survenue dans ces derniers mois

chez ce malade, amélioration qui s'est encore accen-

tuée en 1887, mais ce n'est là que pure hypothèse.

Rappelons de plus que ce malade avait des accès

accompagnés de tournoiement. (A suivre.)

MÉDECINE LÉGALE

RAPPORT PRÉSENTÉ A M. LE MINISTRE IDE L'INTÉRIEUR

AU SUJET DE L'ALIÉNÉ MISTRAL;

' Par -'DI. CHARCOT et P1ERRET.

Jean Mistral était né dans la petite ville de Saint-Remy

(Provence) en '18lu et appartenait à une famille influente et

riche. Son père, homme énergique et singulièrement tenace,

le destinait au commerce et dans ce but lui fit donner une édu-

cation très complète.

Toutes ces acquisitions cérébrales se dissocièrent un jour,

et après avoir inquiété ses parents par des actes excentriques,

et des dépenses exagérées, après les avoir mis à bout par un

mariage déraisonnable, le jeune Mistral donnant des signes évi-

dents d'aliénation mentale fut, sur la demande de son père,

interné pour la première fois le 28 septembre '1838. Il devait

s'éteindre en 1886 à soixante-douze ans, à l'asile de Pont-

Saint-Côme, après avoir été de nouveau tiré de son refuge

pour subir devant le tribunal civil de Tarascon un dernier et

mortel interrogatoire.

Ce malheureux aliéné, victime de l'intérêt bien mal entendu

qu'il inspirait au public, n'a jamais eu le loisir de délirer à son

aise. La mort seule lui a donné ce genre de tranquillité dont

jouissent également les fous et les raisonnables.

Archives, l. XV. G

82 MÉDECINE LÉGALE. '

Nous aurions hésité à raviver le souvenir de l'histoire

déjà vieillie du fou aux 40 millions, si l'opinion publique ne

nous semblait entraînée à se tromper chaque jour davantage

sur ses devoirs envers les aliénés, et si la révision prochaine,

urgente, de la loi de 1838 ne donnait aux expertises faites sur

les aliénés riches et inoffensifs, la valeur de documents légis-

latifs.

Jamais un aliéné n'a été plus surveillé, plus interrogé, plus

protégé que le malheureux Jean Mistral. Jamais aussi le pu-

blic ne s'est plus complètement fourvoyé qu'il ne l'a l'ait à la

remorque de ceux qui, par un zèle intempestif, ont privé

Mistral d'un bien que la société doit avant tout assurer aux

malades d'esprit reconnus incurables : nous voulons dire le

repos. Au moment où la Chambre des députés, dans un élan de

philanthropie sentimentale, allait peut-être imposer au minis-

tère la mise en liberté de Jean Mistral, l'administration, jalouse

de s'éclairer davantage, voulut bien nous confier une dernière

expertise.

Ce n'était pas la première ; mais le rapport qui suivit fut le

dernier qui ait été rédigé concernant l'état mental de l'opulent

aliéné. Nous le publions aujourd'hui, en le faisant précéder d'un

extrait des minutes du greffe du tribunal de Marseille z1539) et

suivre de fragments des interrogatoires que nous avons fait subir

à J. Mistral. Enfin, nous terminerons cet exposé en transcri-

vant simplement les réponses faites par le malheureux aliéné

quand il dut, pour la dernière fois, comparaître devant le tri-

bunal de Taraseon (1886).

18 juillet 1839.

Interrogatoire de Jean Mistral par le président Regain.

D. Quels sont vos nom et prénoms ? - R. Je m'appelle Jean

Mistral.

D. Depuis la dernière fois que je vous ai vu, avez-vous reçu des

nouvelles de voire père ? - li..\ou, je n'ai icçu de nouvelles de

personne.

D. Avez-vous écrit à votre père ? R. Oui, monsieur, souvent;

je ne compte plus sur lui : lorsque dans la société on n'est plus

utile, on ne peut plus compter sur personne.

RAPPORT SUR MISTRAL. 83

Je vous ai dit que, de ce que mon père ne m'avait pas répondu,

j'eu ai conclu qu'il ne tenait plus à moi.

D. Est-ce qu'il ne met pas quelque condition, il votre sortie

d'ici ? R. Non, monsieur, il ne m'a pas écrit, je ne \ous cache

1 ieu, il ne m'a pas écrit, je n'ai pas de nouvelles de lui -.j'en aoûts

reçu une lettre; depuis, je lui ai écrit plusieurs fois sans avoir reçu

de ses nouvelles.

D. Avez-vous à vous plaindre ? N'êtes-vous pas bien traité, ici ?

li. Je resterai ici jusqu'à ce que je m'en aille

D. Avez-vous des enfants ? R. Non, monsieur.

D. Ou m'a dit que votre femme était enceinte ? - R. C'est un

mensonge, personne ne m'a rien réclamé; je dois croire que per-

sonne n'a besoin de moi.

D. Cependant, vous avez été assez longtemps avec elle pour

avoir des enfants ? R. Qu'importe ça ? on n'a pas besoin tou-

jours de faire des enfants, l'amour ne fait pas d'enfants; ça fait

coucher ensemble, mais je crois que ça se fait par l'opération du

Saint-Esprit, et non par opérations machinales; c'est comme une

machine à vapeur; il faut mettre de l'huile pour que ça marche;

ça marche toujours : c'est un entr'acte.

D. On m'a assuré qu'elle était enceinte ? R. Non, monsieur,

cela n'est pas; si elle l'était, elle serait venue me le dire. Je vou-

drais bien qu'elle lût venue me réclamer, je me serais amusé

avec elle; il y a dix mois que nous sommes séparée, je l'aurais vue

avec plaisir.

D. Vous avez cependant votre liberté ? R. La pensée, c'est le

mouvement, c'est la violence, elle se porte hors des murs; la

nature ingrate nous renferme, nous ne voulons pas vivre comme

des moines. Je n'ai pas le désir de faire le mal ; quelquefois, on

les heurte dans ses désirs, mais ça n'est que momentané, elle

passe; heureux celui qui est libre : tant que je serai libre, je serai

heureux, mais l'esclavage ne vaut rien; on est enclave d'un désir

propre, mais non d'un désir supposé; je ne pense pas vivre sur le

londeinent d'autrui. Monsieur voulait nie débaser : chaque édifice

a sa base. Il n'y a rien de plus désagréable que lorsqu'un ne

s'accorde pas dans ses désirs.

Les bonnes raisons sont pour tout le monde, parce qu'elles repo-

sent sur des désirs naturels; toutes les raisons qui ne donnent pas

la libellé à tout le monde sont mauvaises : l'un aime à boire de

l'eau, l'aulre du vin : chacun son goût.

SI,. MÉDECINE LÉGALE.

Fragments de l'e¡¡rll1èle dirigée par la commission de 188 k

On ouvre devant Mistral un livre trouvé dans sa chambre.

C'est un voyage en Palestine.

u 0

D. Qu'est-ce donc que la Terre sainte ? R. Rli ! eh ! eh ! je ne

sais pas.

D Lisez donc. - R. Mais ce n'est pas écrit.

Fig. 11. Spécimen de l'écriture de Mistral.

(Expertise foute en ISS'I- par ,nI. Charcot, Dl1pl'P, ricJ'I'ct et Y\cs.)

RAPPORT SUR MISTRAL. 85

D. La Palestine ? Il. C'est un endroit qui est opposé à la

mémoire.

On le force à fixer son attention sur une gravure représen-

tant les pyramides d'Egypte et l'obélisque.

D. Dites-moi ce que c'est que cela. - R. (Très vite.) C'est les

pyramides d'Egypte, je crois C'est des palmiers peut-être. Je ne

sais pas On ne peut pas dire. C'est un pays où l'on n'entend

pas les croyables.

D. Et ceci (l'obélisque) ? R. Diable : ce n'est pas un doigt

coupé - je ne sais. Je ne suis pas encore entré au service.

On lui montre une méthode de clarinette.

li. C'est une note de musique qui invite les gens à se lever et à

ne pas croire quand ils ne sont plus.

D. Prenez-la donc. - R. Non. Il faut chercher la boule et la

balle. Ça nous tomberait dessus. Bougre ! C'est le monde.

D. Mais n'êtes-vous pas musicien ? Non.

D. Vous avez un piano, cependant. R. Si le piano nous tom-

bait dessus, nous serions perdus.

D. Que peut-on faire avec un piano ? On attend le renouvel-

lement de l'année.

Rapport adressé par la commission à 111. le Ministre

de l'intérieur.

Nous, soussignés, J. Charcot, professeur de clinique des ma-

ladies nerveuses à la faculté de médecine de Paris, officier de

la Légion d'honneur ; DUPRÉ, professeur de clinique médicale

à la faculté de médecine de Montpellier, sénateur, officier de

la Légion d'honneur; PIERRrT (A.), professeur de clinique des

maladies mentales à la faculté de médecine de Lyon, médecin

en chef à l'asile départemental de Brou ; Dr YvES, médecin de

la faculté de Paris, médecin du ministère de l'intérieur, avons

l'honneur d'adresser à M. le Ministre de l'Intérieur, conformé-

ment au désir qu'il en a manifesté, les résultats de l'enquête à

laquelle nous nous sommes livrés sur l'état mental actuel du

sieur Mistral, pensionnaire à l'asile de Pont-Saint-Côme

(Hérault).

Nos constatations ont été faites avec le plus grand soin pen-

dant les journées du samedi 17 et du dimanche 18 mai de

l'année courante, et nous avons dirigé nos recherches de ma-

nière à pouvoir répondre en toute conscience à la principale

86 MÉDECINE LÉGALE.

question posée : Est-il de l'intérêt bien entendu de l'aliéné

Mistral d'être rendu à son tuteur ? ' ?

Notre enquête a porté successivement sur l'état mental

actuel de l'interné, les conditions matérielles dans lesquelles

il se trouve et les soins qu'il reçoit de l'asile privé de Pont-

Saint-Côme.

§ 1. Etat mental de Mistral. - Mistral se présente à nous

sous l'aspect caractéristique de l'aliéné chronique prédisposé,

avec malformations crâniennes' congénitales. La tête est

longue, le front fuyant et en carène. La physionomie est

d'ordinaire sans expression ; les yeux saillants, demi-clos, la

tête penchée, la lèvre inférieure pendante, Mistral reste de

longues heures immobile. marmottant des paroles indistinctes

qu'il accompagne de gestes d'hésitation. Quand on lui parle et

que son attention est éveillée, il relève ses longues paupières,

jette un regard furtif et répond par des phrases incohérentes,

souvent grotesques, jamais grossières, ou des expressions dubi-

tatives telles que : peut-être ; ou, je ne sais pas : c'est le monde ;

je ne peux pas ; puis, il retombe dans son mutisme et reprend

son air absorbé. Mis en marche, il s'avance sans trop d'hésita-

tion les bras écartés du tronc, le dos arrondi et avec une sorte

de balancement. Il se trompe d'ailleurs de direction et reconnaît

à peine sa chambre. Laissé sans impulsion il s'arrête bientôt,

tourne sur lui-même d'un air inquiet, dérange et replace ce

qu'il trouve à sa, portée, fouille sous les bancs pour en retirer

des insectes et de petits plâtras qu'il écrase avec acharnement,

tout en grommelant, entre les dents.

Les facultés intellectuelles, dans leur ensemble, sont très

gravement atteintes. L'incohérence est complète, portant

sur tout ordre d'idées, et, dans ce chaos, il est impos-

sible de trouver une conception prédominante, sauf une sorte

d'appréhension vague, se traduisant par des phrases de ce

genre : « Il ne faut pas le faire, nous serions perdus ! Si le

ciel nous tombait dessus, nous serions morts, bougre ! » Les

sentiments affectifs sont absolument nuls; Mistral ne s'est

attaché à personne et à rien.

Dans l'établissement, il reconnaît vaguement le directeur et

ne prend aucune part Il ce qui se passe autour de lui. Il ne

parait pas avoir conservé de l'affection pour sa famille; il n'en

parle jamais, et l'évocation du souvenir de sa femme ou de son

RAPPORT SUR MISTRAL. 87 I

frère ne lui arrache aucun signe de sensibilité. Sa volonté est

nulle; il fait exactement et sans retard tout ce qu'on lui de-

mande et n'hésiterait pas à sortir demi-nu si on l'en priait

avec quelque persistance.

La mémoire des noms et des choses est mieux conservée, et

lorsque Mistral est d'humeur gaie, quelques souvenirs classi-

ques, des phrases latines tronquées, des expressions scienti-

fiques isolées, émergent par instants au milieu d'un torrent

d'idées baroques. Pendant tout ce temps, la tenue est bonne

et assez correcte; Mistral salue quand il faut; il est d'ailleurs

soigneux de sa personne et range ses effets avec beaucoup

d'attention. Sans rien faire d'indécent, Mistral manque absolu-

ment de pudeur; il satisfait sans honte ses besoins sur iavoie

publique ou exhibe ses organes génitaux à la première invita-

tion, mais sans paraître y mettre d'intention immorale.

11 était nécessaire de rappeler ces détails non pour contrôler

un diagnostic déjà posé et d'une exactitude incontestable,

mais pour établir le degré d'influence qu'un changement de

milieu pourrait exercer sur Mistral.

Comme les experts qui nous ont précédés, nous déclarons

donc Mistral atteint de démence avec abolition presque com-

plète de la volonté, des sentiments affectifs, du sens moral, du

pouvoir d'association des idées et conservation très incomplète

de la mémoire. L'état mental actuel n'est que la conséquence

d'une longue folie à forme rémittente, accompagnée d'accès

d'excitation et qui s'était développée chez un prédisposé. C'est

à cette dernière influence qu'il convient d'attribuer la marche

extrêmement lente de la démence. '

§ II. Conditions matérielles dans lesquelles se trouve ill. Mis-

tral à l'asile Saint- Côme. M. Mistral occupe au 1°r étage

d'un des bâtiments de la maison de Pont-Saint-Côme, un petit

appartement récemment remis à neuf et très convenablement

meublé. Ce logement comprend un salon, une chambre à

coucher, un cabinet de toilette et une petite chambre où couche

le domestique attaché à la personne de Mistral. Ces différentes

pièces sont saines et bien éclairées et, sauf la façon d'ailleurs

discrète dont le lit est retenu en place, il serait difficile de

deviner que l'on est dans la chambre d'un fou. Le seul

reproche que l'on pourrait faire à cette installation, c'est que

les fenêtres donnent sur ln cour des autres pensionnaires; que

88 MÉDECINE LÉGALE.

Mistral a des voisins, et que l'accès des jardins n'est pas assez

facile.

Sauf ces légers défauts dont Mistral est d'ailleurs incapable

de s'apercevoir, l'installation matérielle est aussi bonne qu'elle

peut l'être, et nous ne voyons pas ce qu'on pourrait faire de

mieux dans l'établissement.

Les repas sont réguliers et suffisants; Mistral paraît préférer

les légumes à la viande, mais, en somme, ne manifeste de

goût marqué pour quoi que ce soit. 11 mange proprement, sans

gloutonnerie; le sommeil est bon, les fonctions digestives régu-

lières et sauf un léger souffle à la base du coeur, on n'observe

chez Mistral aucun signe de déchéance organique.

A en juger par les résultats, on peut donc affirmer que le

régime auquel Mistral se trouve soumis est parfaitement

suffisant. Y aurait-il lieu de le rendre plus luxueux ? nous ne

le pensons pas.

Volontairement, Mistral est incapable de dépenser quoi que

ce soit; il ne désire rien et ne veut rien. Pourquoi soumettre à

une alimentation raffinée un homme physiquement bien por-

tant, et qui, en raison de son âge, se trouverait cent fois

mieux d'une vie simple et d'un régime presque frugal; faut-il

donc ordonner à Mistral parce qu'il est aliéné, ce que tout

médecin consciencieux interdirait à Mistral sain d'esprit ?

En ce qui concerne les promenades au dehors, il suffit à la

conscience publique qu'elles soient régulièrement proposées

par le médecin chaque fois que le temps est beau, et qu'elles

amènent Mistral au milieu d'une population qui l'aime et le

connaît de longue date. 'l'out luxe affiché pendant ces sorties

nepourraitétre l'expression d'un désir formulé par Mistral, mais

le résultat d'une consigne donnée dans un but presque théâtral.

Nous pensons donc qu'il est inutile de dépenser pour Mistral

plus d'argent qu'il n'en est actuellement employé. Les besoins

de ce pauvre aliéné sont très limités, et il est loin de manifester,

comme certains déments, un goût marqué pour la représenta-

tion. L'administration de l'asile, comme elle l'a d'ailleurs

avoué, et l'entourage du malade profileraient seuls d'une

augmentation de dépense.

§ III. Réponse à la question posée par M. le Ministre. -

Maintenant que nous avons étudié d'une façon sommaire l'état

mental de M. Mistral, décrit son installation, apprécié les soins

RAPPORT SUR MISTRAL. 89

dont il est l'objet et leurs résultats, nous devons répondre à la

principale question posée :

Est-il de l'intérêt bien entendu de l'aliéné d'être rendu

à son tuteur ? La réponse est facile.

Dans l'étal de démence où il est plongé, incapable de s'at-

tacher à qui que ce soit et à quoi que ce soit, Mistral ne peut

ressentir, même à un faible degré, les joies de la famille. La

mémoire, qui joue un si grand rôle dans la durée des senti-

ments affectifs, est muette chez lui, en ce qui concerne les

choses du coeur. D'ailleurs, que lui rappellerait- elle ? Ne

serait-il pas comme un étranger dans sa propre famille ?

Dans ces conditions, quel intérêt pourrait-il y avoir pour ce

malheureux insensé, à se voir brutalement imposé aux soins

directs et à l'affection d'une famille dont aucun membre

autorisé ne parait vouloir se charger d'une telle mission.

Mistral échangerait donc les attentions banales peut-être,

mais régulières et sûres tout au moins qu'il trouve dans la

maison de santé, pour les soins problématiques d'une famille

qui entend rester dans la stricte limite des obligations légales.

Qui sait, même, si, comme le fait s'est présenté dans le départe-

ment du Rhône, Mistral, rendu à son tuteur, par un arrêté

préfectoral, ne se verrait pas bientôt replacé dans un asile de

l'étranger, échappant ainsi complètement à la surveillance de

l'administration comme à la protection d'imprudents amis.

Le séjour dans la famille n'est un bien pour un aliéné que si

tous les bras s'ouvrent pour le recevoir, et l'affection ne se

décrète pas.

Nous n'hésitons donc pas à déclarer qu'il n'est pas de l'in-

térêt bien entendu de Mistral d'être rendu à son tuteur. Nous

disons plus : il est de l'intérêt bien entendu de Mistral de rester

dans un asile au moins jusqu'au moment où les Chambres

auront mieux déterminé les devoirs des familles et de la société

envers les aliénés incurables et inoffensifs.

Mistral est de ceux-là : il ne peut guérir et n'est pas un

danger pour la société; mais, la société est pour lui pleine de

périls. 11 ne faut pas que ce pauvre insensé inconscient de la

lutte qui se livre autour de lui, soit exposé à devenir une sorte

de machine de guerre entre les mains de l'un ou l'autre des

partis en présence. Faute de pouvoir mieux faire, la nation doit

assurer au moins le repos de Mistral. Or, c'est dans une

maison de santé seulement, maison publique ou privée peu

90 MÉDECINE LÉGALE.

importe; c'est là seulement que dans l'état actuel des choses,

Mistral peut trouver une retraite ou rester à l'abri de protec-

teurs enthousiastes ou de parents attiédis.

Que les portes de cette maison s'ouvrent pour lui chaque

jour, tout en se fermant devant la curiosité et l'intrigue; que

des promenades journalières permettent aux concitoyens de

Mistral déjuger par eux-mêmes de son état de santé physique

ou morale : cette surveillance anonyme et bienveillante ne

saurait froisser personne.

En terminant, disons-le bien haut, le seul service qu'il soit

possible de rendre au pauvre dément, c'est de le défendre

également contre les déterminations éventuelles d'une famille

exaspérée par une longue polémique, et contre les excès d'un

zèle louable peut-être, mais inconsidéré.

l3roo, le 12 juin 1881. Paris, 17 juin 1881.

Signé : Piisuuet, rapporteur. Charcot, Yves.

18 juin 1881.

DUPIIÉ,

A la suite de ce rapport, Mistral fut très justement main-

tenu dans sa retraite de Pont-Saint-Côme, il y serait mort

tranquillement, si les juges de Tarascon n'avaient cru de leur

devoir d'interroger encore une fois le pauvre dément. Nous

donnons un extrait de cet examen judiciaire à la suite duquel

le malade fut sans hésitation renvoyé dans son asile.

TRIBUNAL CIVIL DE TARASCON

(Etirait du Figaro, 24mai 1886.)

Dernier interrogatoire de D. Mistral.

D. Comment vous appelez-vou= ? - li. Je n'en sais rien.

U. Avz-vous oublié votre nom ? R. Mon nom était comme il

était précédemment.

D. Quel âge avez-vous ? R. Quatorze cent mille ans c'ect

comme l'affiche, un rayon du soleil lui tomba dessus et elle fut

contente de le voir.

D. Où habitez-vous ? R. Les régions modérées.

U. Etes-vous marié' ? - R. La terre n'est pas morte, on peut

vivre encore; c'est un pava perdu.

I). 1),lIh quelle ville ? li. Il y a le soleil; s'il y

RAPPORT SUR MISTRAL. 91 l

avait des planches, des échelles, l'on verrait autre chose que des

cil .'-.

D. Vous n'avez plus votre père ? E<=t-il mort ? R.fH'et cer-

tainement ; si on ne mourait plus, c'est preuve qu'ily aurait cause

à cela.

D. Connaissez-vous les personnes qui vous accompagnent ?

R. Ils ne sont pas dans la fortune.

Il. Voudriez-vous sortir de l'asile où vous êtes ? Oh ! non,

même je n'y suis pas, je n'y pense pas.

D. Y a-t-il longtemps que vous y êtes ? R. Certainement, ils

ne pleureront pas toujours.

D. N'avez-vous jamais voulu vous marier ? R. Il va des livre»,

des encriers entassés quelquefois ; c'est quelque chose ; quelquefois

on ne peut pas en faire usage ; elle viendra ou elle ne viendra

pas; si elle vient, tant mieux pour elle.

D. Avez-vous de la fortune ? - IL Elle doit venir ou elle ne

doit pas venir : dès qu'elle a chaud elle n'a pas froid.

IL Avez-vous des parents ? R. S'il en est venu, il y en a; s'il

n'en est pas venu, il n'y en a pas.

D. Qui vous a lait cadeau de la canne que vous portez ? -R.

C*eet le hon Dieu; il est venu au monde sans avoir nn trou à l'o-

reille ; peut être que ci viendra; c'est l'absence de parenté.

D. Voulez-vous rester ici ? R. Cela ne signifie rien ; ce n'est

pas ainsi que les horloges sont faites, comme on dit.

1). Vous avez un domestique qui vous accompagne ? R. C'est

la terre : on ne peut pas voir ce qu'il y a au delà ; la fortune, que

voulez-vous que jeu f.... ! .

D. Que faites-vous à \Ioutpellier ? - R. Je ne fais rien ; j'ai

laissé tomber cette règle. J'ai laissé tomber cette science en dé-

suétu le.

U..\vez-vous de l'argent sur vous ? R..le ne m'en sers pas.

U. Connaissez-vous Saint-liémy ? - Il. C'est une jolie ville ; elle

vaut : i00-000 fr.; quand les gens se f... d'un 5° étage, ils ne savent

plus que dire.

D. Connaissez-vous M. Fournier ? R. C'est un honnête boni me;

il a eu raison de dire ce qu'il a dit, c'est leur parent à eux ; ils ne

feront pas toujours ce qu ils ont fait.

1). Voulez-vous aller a Saint-Rémy ? R. C'est une ville mo-

dique.

1). SWPZ-VOU5 écrire : ' - R. Ce n'est pas nécessaire d'écrire; il

faut attendre le témoin du monde.

U. N'avez-vous jamais quitté la France' ? - il, Non, ça ne s'est

jamais arrangé.

Le simple rapprochement de documents recueillis à des

dates si différentes ne laisse, il nous semble, aucun doute sur

92 REVUE CRITIQUE.

ce fait que dès l'année 1837 l'état mental de Mistral était déjà

tel que l'incurabilité de la maladie devenait évidente. Mistral

était alors un dément, et comme c'est la règle chez les prédis-

posés, on vit cet état de démence ne progresser que lentement,

et do telle sorte que la différence entre le premier interroga-

toire et le dernier n'est véritablement appréciable que pour

les spécialistes. '

En dépit de l'évidence de son délire, le malheureux Mistral

fut considéré comme une victime de sa famille et de l'adminis-

tration. Sa mort a remis les choses en place, mais elle a

démontré de la façon la plus navrante, combien il est dan-

gereux pour un aliéné de tomber sous la protection d'ignorants.

REVUE CRITIQUE

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE

Par GILLES DE LA TOUHËTTE

Chefde clinique des maladies du S&tèIllL nerveux.

I.

« Un grand anatomiste, je dy grand et célèbre, duquel les

livres réparent aujotird'huy les estudes des hommes doctes,

lequel estant pour lors résidant en Espagne, fut mandé pour

ouvrir une femme de maison qu'on estimoit eslre morte par

une suffocation de matrice. Le deuxiesme coup de rasoir qu'il

luy donna, commença la dite femme à se mouvoir et démons-

trer par autres signes qu'elle Ùvoit encore, dont tous les

assistants furent grandement estonnez; je laisse à penser au

lecteur comme ce bon seigneur faisant cest oeuvre, fut en per-

plexité, et comme on cria Toile après luy, tellement que tout

ce qu'il peut faire fut de s'absenter du pays ; car ceux qui le

devoyeut excuser, c'estoyent ceux qui luy couroyent sus : et

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTERIQUE. 93

optant exilé, tost après mourut de desplaisir : qui n'a esté sans

une grande perte pour la république '. »

La lecture de cette observation, dans laquelle l'illustre Am-

broise Paré prend si chaudement le parti du célèbre André

Vesale, ne permet pas un seul instant de douter que l'anato-

miste italien n'eût l'infortune de se trouver en présence d'un

cas de coma hystérique, d'une attaque de sommeil, comme

nous dirions aujourd'hui.

A la vérité, il existe, ainsi que nous le verrons, des états

pathologiques presque semblables aux précédents, nés en

dehors de l'hystérie, mais A. Paré a bien soin de spécifier que

la femme était morte on le croyait tout au moins d'une

1( suffocation de matrice » et la valeur qu'on attribuait alors à

cette expression toute historique est plus que suffisante pour

corroborer le diagnostic rétrospectif.

On s'exagérait du reste, singulièrement alors, le rôle de

l'utérus dans la production des phénomènes hystériques et,

A. Paré, nourri de la littérature ancienne, adoptait encore les

idées d'un philosophe qui avait écrit2 : 1( La matrice est un ani-

mal qui désire ardemment engendrer. Lorsqu'il reste longtemps

stérile après la puberté, il a peine à le supporter, il s'indigne,

il parcourt tout le corps, obturant les issues de l'air, arrêtant

la respiration, jetant le corps dans des dangers extrêmes, et

occasionnant diverses maladies. » Ces idées, le chirurgien

français les traduit ainsi qu'il suit : « Et si les dites vapeurs

(de la matrice) montent jusqu'au cerveau, causent épilepsie,

catalepsie (qui est quand tout le corps demeure roide et froid

et en mesme figure qu'il est au-paravant que tomber en tel

mal, les yeux ouverts, sans voir et sans ouïr), léthargie, apo-

alexie, et souvent la mort 3. »

Comment du reste méconnaître l'hystérie lorsqu'il ajoute :

« Mais il n'y a rien do plus admirable, qu'à quelques-unes

cette affection (la suffocation de matrice) commence par un ris,

à autres par pleurs, à autres par tous deuxensemble. A ce propos,

M. Holier raconte que les deux filles du Président de Rouen,

qui estoit de son temps, lorsqu'elles commençoient à entrer

1 Les OluV1'es d'A. Paré, Paris 1607, YIVe livre, chap. uv, p. 976 : Les

signet pour cognoistre si une femme est morte ou non par une suffocation

de matrice.

OEuvres de Platon, trarl. Cousin, t. XII, p. 12.

3 Loc. cit., chap. lu, p. 975. De la suffocation de la matrice.

9t REVUE CRITIQUÉ.

en paroxysme de ce mal, estoyent surprises d'un ris qui leur

duroit une et deux heures, lesquelles on ne pouvoit arresler

11 par leur faire peur et terreur, ny par honte et admonitions,

de sorte que, tancées par leurs parents, respondoyent n'estre

en leur puissance de se garder de rire. Autres tombent en

ectase qui est un esvanouissement on ravissement des esprits,

comme si l'âme estoit séparée du corps. Autres disent que c'est

un sommeil par lequel les facultés et. puissances de rame sont

ensevelies, en sorte qu'il semble que l'on soit mort. »

Léthargie, apoplexie, mort apparente, évanouissement, som-

meil, nous retrouvons là les termes employés tour à tour par

les auteurs modernes pour désigner les attaques que nous

allons décrire.

Les auteurs qui, jusqu'au xix° siècle, suivirent A. Paré, pu-

blièrent la vérité des observations de sommeil hystérique, mais

nul mieux que lui ne sut les rapporter à leur véritable cause.

On en trouve en eflet de nombreux exemples dans les relations

de ces épidémies de démonopathie qui désolèrent le xvie et le

xv Il" siècles, ainsi que le prouvent les extraits suivants que

nous empruntons avec P. Richer (Thèse, 1879) à UatIIieu'.

« Catherine de Naguille, dit Delancre", et sa compagne, nous

assurent qu'elles avaient été au sabbat on plein midi, et que

c'était dai.s l'église, où elles étaient endormies, que cela leur était

arrivé.

« Jeannette d'Abadie en dit autant ; elle avait passé plusieurs

l1uib à l'église et s'endotmait pendant la messe à Silzore; c'est

alors qu'elle fut menée au sabbat. »

« l3odin raconte ce fait important : « Je tiens du président de

la Tourelle qu'il a vu, en Dauphiné, une sorcière qui depuis fut

brûlée' vive pendant qu'elle était en extase. Elle n'entendait rien,

ne sentait rien. Son maître la nappait à coups tte verges, et, pour

savoir si elle était morte, on Jui lit mettre le feu aux parties les

plus sensibles; elle ne s'éveilla pas. On la crut morte et on l'aban-

donna; le lendemain on la trouva couchée dans son lit. »

Voici ce que rapporte dom Calmot 4 :

« On lit dans le Marteau des Sorciers qu'une femme s'alla dé-

' Etudes cliniques sur les maladies des femmes, 1817, 1). 197.

7'a&/eaMde< ? tCo ? M<aKcedcsf<eMOMt, hv. Il.

3 Démonomanie, liv. Il, chap. v.

4 De l'apparition des esprits, chap. xiv.

DÈS ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. :

noncer aux inquisiteurs, leur disant qu'elle était sorcière et qu'on

avait heau l'enfermer que Je diable l'emmenait au sabbat. On

l'enferma dans une chambre; aussitôt elle se coucha et parut

morte : on la remua, elle ne le sentit point; on lui approcha du

pied une chandelle avec laquelle on la bt ûld sans qu'elle le sentit.

Quand elle se réveilla elle donna des nouvelles du sabbat ; elle

accusa alors une grande douleur au pied, sans pouvoir dire d'où

cela lui venait. »

Enfin, nous trouvons dans l'autobiographie de soeur Jeanne

des Anges ', cette hystérique dont les accusations contribuèrent

tant à la perte d'UrbainGranier : « Peu de temps après, j'en-

tray dans un grand assoupissement avec de grandes inquiétudes :

je sentois à toute heure comme si un animal eût couru dans

mon lit et m'eust touchée en diverses parties du corps. Cela

dura près d'heure sans que je pusse me retirer de cet assoupis-

sencenl. » ,

Il serait facile de multiplier les faits analogues aux précé-

deutsqui, bien qu'incomplets, présentent par certains côtés un

intérêt qui ressortira encore mieux ultérieurement, mais, il

faut savoir se borner en pareille matière, etnous renvoyons au

Traité de Pathologie interne de Frank 2 où l'on trouvera une

longue bibliographie concernant les faits analogues relatés

dans les différents ouvrages parus au xviiie siècle. Toutefois,

nous devons accorder une mention spéciale il Sydenham qui

décrivit parfaitement en quelques ligues J'apoplexie hystérique.

Cependant ne faudraitpas accorder à ces faits une valeur

plus grande que celle qui leur a été attribuée par les auteurs

eux-mêmes et il faut arriver véritablement aux écrivains mo-

dernespour voir se dégager nettement la notion étiologique, si

importante dans l'espèce. Une attaque de sommeil prolongé, en

effet, ne permet pas ipso (acte de préjuger laquestion de nature

1 Légué et Gilles de la Tourette. Soew' Jeanne des Anges, autobio-

graphie d'une hystérique possédée (\\'11" siècle); préface de N. Charcot,

Paris, 1886.

2 .. Les annales de la science, dit cet auteur, sans parler des autres (ainsi

l'histoire ecclésiastique de Nicéphorc, liv. XLX, chap. XLV, contient le iécit

d'un sommeil qui ne dura pa, moins de 37 ans) contiennent des exemples

où le sommeil a duré, r, 0, 10, 17, 49 joins; 2, \, 6, J8 mois, 4 ans et

plus. Quelques-uns étaient périodiques, les aulles continus. 1'. 111,

chap. vi, p. 28, Pans, 1838, art. Calaphora.

3 Opera medica, Genevce, 1157, t. 1, p. 257. Disserl. epistollll'is ad

Gitil. Cote.

: 1() REVUE CRITIQUE.

et nous verrons que, même en s'aidant des notions les plus

récemment acquises, il est encore de nombreux cas où il est

permis au diagnostic d'hésiter.

Pendant la première moitié du siècle deux auteurs ont sur-

tout contribué à éclaircir la symptomatologie des phénomènes

que nous étudions; nous avons nommé Louyer-Vlllermay et

Landouzy auxquels nous adjoindrons Pl'endler (de Vienne)

dont la thèse ', soutenue devant la Faculté de Paris, est rem-

plie de faits intéressants pour nous, quoique le plus souvent

interprétés d'une façon insuffisante et très peu scientifique.

Louyer-Yillermay 2 place les attaques d'apoplexie hysté-

rique dans sa troisième classe, de toutes la plus grave. « A

l'agitation nerveuse la plus intense, dit-il, aux convulsions

les plus violentes, succède le trouble le plus effrayant delà res-

piration et de la circulation ; tout fait craindre une congestion

cérébrale, une sorte d'apoplexie hystérique; d'autres ibis les

malades tombent dans une espèce de collapsus. Les fonctions

du coeur et des poumons paraissent suspendues ; le pouls

est insensible et la chaleur animale semble entièrement

éteinte; les malades sont froides, pâles, insensibles, immo-

biles et restent dans un état plus ou moins prolongé de mort

apparente qui peut se terminer par l'extinction totale de la

vie. »

Suivent des observations personnelles caractéristiques aux-

quelles nous ajouterons des cas analogues publiés par Fores-

tus dont Louyer-Villermay est le continuateur3.

Les précédentes observations sont soigneusement relevées

par Landouzy qui, dans son Traité complet de l'hystérie (18/f6)

décrit les attaques de sommeil sous la rubrique de « Perte de

connaissance. Syncopes D. Peut-être l'analyse des faits qu'il

rapporte est-elle un peu écourtée, mais la description est

néanmoins assez complète pour qu'on ait lieu de s'étonner

que Briquet ? auquel nous emprunterons tant, ait pu écrire

(p. 413) : « Malgré ce qu'en ont dit les auteurs, les attaques

hystériques avec sommeil sont peu communes et ont très peu

' Quelques observations pour servir H l'histoire de la léthargie. Paris,

1833, sil 309.

Traité des maladies nerveuses ou vapeurs et particulièrement de l'hys-

térie et de l'hypoconclrie, 1816, t., 1., p. 61.

3 De mul. morb. llb. XXXVIII, obs. 35, 36.

* Traite clinique et thérapeutique de l'hystéiie, 1859.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 97

fixé l'attention ; on n'en trouve pas d'exemple dans les 350 obser-

vations analysées par M. Landouzy. » - - - -r -1

Toutefois, le désaccord est beaucoup plus apparent-que réel

entre ces deux auteurs qui ont tant fait pour l'étude de la né-

vrose ; il s'agit encore là d'une de ces erreurs, basées sur la

différence des termes, qui sont si fréquentes aux premières

périodes de la description raisonnée d'une maladie.

Et pourtant, Briquet emploieunesynonimie assez large puis-

qu'il décrit dans son même chapitre vu les «attaques de som-

meil, de coma et de léthargie » simples « degrés de la même

modification pathologique ». Entre la syncope et le coma hys-

térique la différence est bien peu sensible, surtout lorsque l'on

considère, comme l'a fait Landouzy (p. 67), que «cet état syn-

copal varie de plusieurs minutes à plusieurs jours quant à la

durée et qu'il peut passer par tous les degrés, depuis les simples

phénomènes produits par la diminution des principales fonc-

tions jusqu'à ceux qui résultent de leur abolition momentanée

et qui vont jusqu'à simuler la mort ».

Nous reviendrons sur la description de Briquet. Mais nous

pouvons déjà dire que cette partie de son excellent livre

marque un progrès considérable sur tous les travauxdeses de-

vanciers, progrès qui s'accentue encore avec la thèse de Boutges ' 1

(1875), inspirée par Lasègue.

Il était réservé à M. Charcot et à l'Ecole qu'il a fondée de

faire cesser toutes ces divergences. En effet, jusqu'à la publi-

cation des travaux de notre éminent maitre sur la grande

attaque hystéro-épileptique, travaux présentés avec un talent

et une originalité si remarquables parM. Paul Richer 2, les phé-

nomènes en apparence si variables constitutifs de la grande

attaque étaient le plus souvent décrits sans ordre, bien que

l'analyse de chacun d'eux en particulier eût été déjà poussée

très loin. M. Charcot en montrant que cette attaque présentait

presque constamment quatre périodes dont les unes pouvaient

être plus ou moins atténuées par rapport aux autres, créa

pour ainsi dire une nouvelle entité morbide dont l'observation

et l'interprétation en ce qui regarde les symptômes

devint dès lors relativement facile.

' De l'hystérie comateuse. Paris, 1875.

* Etude descriptive de la grande attaque hystérique ou hystéro-épilep-

tique et de ses principales variétés. Th. Paris, 1879. - Etudes cliniques

sur la grande hystérie ou Ill/siéra-épilepsie, 2- éd., 1885.

Archives, t. XV. Î

98 REVUE CRITIQUE.

A l'étude isolée et partant incomplète d'un phénomène le

. sommeil- succéda celle de l'attaque ordinaire avec immixtion

de phénomènes léthargiques (Richer, chap. vu) et désormais,

à l'aide de cette donnée précieuse, il fut permis de reconnaître

qu'on se trouvait toujours en présence d'une variété d'un même

syndrome, ce qui, on le comprend, est d'une importancecapitale

pour le nosographe.

A ce propos, nous ne pouvons que placer au premier rang

dans le sujet spécial qui nous occupe l'ouvrage si'pré-.

cieux et si documentaire de MM. Bourneville et Regnard :

Y Iconographie photographique de la Salpêtrière ('1877-'1880

dont le troisième volume renferme une description des

attaques de sommeil qui forme la monographie la plus complète

que nous possédions encore sur la question. L'observation XI,

dont la malade qui en est le sujet est encore à la Salpêtrière,

poursuivie par M. Bourneville depuis 1866, peut passer pour

un modèle du genre et les considérations dont l'auteur la fait

suivre, ainsi que les observations IX et X, nous seront d'un

grand secours dans la rédaction de ce travail.

Les ouvrages de1111LBournevilleetRegnardetdeM. P. Richer

ouvrent pour ainsi dire ce que nous appellerions volontiers la

période actuelle de la question, période féconde, comprenant

plusieurs travaux importants que nous aurons l'occasion d'a-

nalyser chemin faisant. Toutefois, nous devons immédiatement

mentionner comme fondamentaux plusieurs leçons de M. Char-

cot sur les attaques de sommeil, recueillies par llillioti'; un

mémoire de M. Pitres =, l'éminent doyen de la Faculté de

Bordeaux, et la thèse récente de M. Achard 3, inspirée par

M. Debove, qui avait précédemment approfondi le sujet dans

plusieurs publications ".

Nous avons eu nous-même l'occasion d'observer plusieurs

cas de ce genre; devant nous borner, nous n'en rapporterons

qu'un seul absolument typique, dont l'observation a été rédigée

sur les notes qui nous ont été obligeamment confiées par M. le

1 Lezioni cliniche dell. anno scolastico, 1883-81, suite malattie dell.

sistema nervoso. Milan, 1885.

Des zones hystérogénes et lzpnogézzes; des attaques de sommeil. Bor-

deaux, 1885.

3 De l'apoplexie hystérique. Th. Paris, 1887.

* De l'apoplexie hystérique . Bull. et mém. de la Soc. m éd. des hôpitaux, £ ,

août 1886, p. 370; et Gaz. hebd. de 11led et de chi ? 20 août 1886, p. 15t

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTERIQUE. 90

Dr Charlier (d'Origny Sainte-Benoîte) auquel nous adressons

tous nos remerciements.

II.

Ainsi que nous l'avons fait pressentir, nous confondrons sous

la même dénomination d'attaque de sommeil, à laquelle nous

adjoindrons l'épithète d'hystérique les cas de syncope, de léthar-

gie, de coma, d'apoplexie, relevant de la névrose. Nous ne I

nions pas pour cela le bien-fondé au point de vue clinique de I

ces diverses appellations, mais nous croyons qu'il serait

oiseux aujourd'hui de s'attarder à une longue discussion pour

démontrer que tous ces états sont de même nature et qu'une

seule question de degré pourrait en apparence les séparer. '

Avant d'aller plus loin, il nous sera permis de rapporter

' l'observation de la dormeuse de Thenelles (près Origny), qui a

si vivement excité l'attention publique. Depuis plus de quatre

ans cette malade est plongée dans le sommeil hystérique; elle

a été l'objet de rapports plus ou moins fantaisistes et même de

polémiques fastidieuses; nous espérons que la relation suivante

réduira toutes ces discussions à leur juste valeur en même

temps qu'elle sera une bonne introduction à l'étude sympto-

matologique des attaques de sommeil'.

1\1[10 M. B..., vingt-cinq ans, habitant le village de Thenelles

près Origny-Sainte-13enoîle (Aisne), adonnée aux travaux des

champs, est née d'un père alcoolique qui a quitté le domicile

conjugal. Sa mère a présenté pendant sa jeunesse des accidents

convulsifs de nature hystérique. M. B... est l'aînée de trois filles.

De ses deux 'soeurs, la cadette, A. B ? a eu dans son enfance des

accès de somnambulisme spontané suivis un peu plus tard d'atta-

ques hystériformes; la plus jeune, J. B..., s'est faite religieuse;

c'est une monomane qui passe une partie de ses nuits en prière,

grelottant la fièvre intermittente sur les dalles de l'église, malgré

les conseils des médecins. Il nous a été impossible de remonter

plus loin dans les antécédents héréditaires.

1 M. le docteur E. Bérillon a publié dans la Revue de l'hypnotisme

(1« août, 1887) qu'il dirige, un excellent article sur la «Léthargique de

Thenelles ». Cet article est illustré de deux planches habilement et

fidèlement dessinées par M. Georges Coutan. Nous adressons à M. Béril-

lon et à son collaborateur nos remercîments pour l'obligeance avec la-

quelle ils nous ont communiqué ces clichés.

100 REVUE CRITIQUE.

M. B... qui fait le sujet de celte observation, bien que délicate

pendant son enfance, n'avait jamais fait de grave maladie. Tou-

tefois elle fut toujours nerveuse et, à la suite d'une peur, - nous dit

la mère elle aurait présenté des phénomènes névropathiques

sur le eompte desquels il est difficile d'obtenir des renseignements

circonstanciés.

Habituellement bien réglée, M. B... devint enceinte dans le con-

rant de l'année 1882 en même temps que sa soeur cadette ; elles

accouchèrent le même jour. L'accouchement de sa soeur ayant eu

des apparences de clandestinité, les gendarmes se présentèrent

(31 mai 1883) dans la chaumière qu'elles habitaient ensemble pour

faire une enquête. M. B... ressentit à leur vue une extrême frayeur

et, une heure environ après leur départ, elle fut prise d'attaques

d'hystérie très violentes et très nettement caractérisées. Cette suc-

cession d'attaques dura environ vingt-quatre heures, et la malade

resta après la dernière dans l'état léthargique où elle est encore

aujourd'hui (7 avril I S8 i).

Le lendemain et les jours suivants, l'état de la malade ne se

modifiant pas, il fallut songer à pratiquer l'alimentation artifi-

cielle, car les dents étaient serrées par un violent trismus et l'in-

troduction d'une sonde oesophagienne ne se faisait qu'avec de

très grandes difficultés. On eut recours aux lavements de lait, de

bouillon, de vin, et enfin de peptone. C'est avec ces derniers

qu'elle se nourrit exclusivement à l'heure actuelle.

Les selles, étaient au début, d'après le dire de la mère, séparées

par un intervalle de plusieurs jours ; elles devinrent de plus en

plus rares; la malade rendit involontairement des matières dures

toutes les deux ou trois semaines et même plus rarement; la mic-

tion, également involontaire, devint aussi très rare; les règles

ne reparurent pas.

L'état de calme léthargique était interrompu à des distances

variables, tous les mois, tous les mois et demi environ, par des

attaques convulsives survenant brusquement pendant lesquelles

la malade se déchirait la poitrine et la figure avec ses ongles ;

plusieurs personnes étaient nécessaires pour la maintenir cou-

chée ; l'arc de cercle fut nettement observé. Ces attaques d'hys-

térie se terminaient par une salivation abondante semblable à

des vomissements ou par des sueurs profuses ; jamais l'intelligence

n'a reparu, la perte de connaissance est toujours restée totale.

L'anesthésie fut générale dès le début. Toutefois, un examen

attentif permit de reconnaître au niveau de la partie moyenne

du sternum une zone hystéi-ogdize très limitée, dont le moindre

attouchement provoquait une attaque convulsive.-Les mouvements

limités d'abord au tronc, qui paraissait par des efforts de torsion

fuir sous la pression du doigt, se généralisaient bientôt à tout le

corps qui était agité par des secousses cloniques très énergiques.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 101

Un jour, la malade perdit une certaine quantité de sang par

le nez et par la bouche ; à partir de ce moment la zone hystéro-

gène disparut et il devint possible, sans provoquer aucune réac-

tion, d'exercer de fortes pressions sur la partie moyenne du

sternum.

Peu de temps après les mêmes phénomènes se reproduisirent

dans le même ordre de succession : 4 apparition de la zone hys-

térobène ; 2° épistaxis; 3° disparition de la zone; et cela à di-

verses reprises. Cette zone n'existe plus aujourd'hui et il y a plus

de deux mois que la malade n'a pas eu de crises spontanées.

Fig. 12.

102 REVUE CRITIQUE.

7 avril 1887. -Nous trouvons M. B... dans le décubitus dor-

sal ; elle est très amaigrie, les joues sont pâles et creuses, le

ventre excavé en bateau; néanmoins, la physionomie n'est pas ca-

davérique, et, bien que les traits soient sans expression, on ne se

croirait pas en présence d'une femme qui, depuis quatre ans bien-

tôt, ne s'alimente presque exclusivement qu'avec des lavements.

Le tissu cellulo-adipeux a presque complètement disparu ; cepen-

dant, lorsqu'on pince la peau, le pli ne persiste que très peu de

temps.

Parfois, la face se colore légèrement ; elle s'injecte même, mais

ces phénomènes sont de courte durée ; en résumé, le facies est

celui d'une femme amaigrie plongée dans un sommeil calme et

profond. Lorsqu'on ouvre brusquement les paupières, les yeux

apparaissent dans leur situation normale, la pupille moyenne-

ment contractée, mais le plus léger contact, l'impression de l'air,

suffisent à les faire se convulser en haut, en strabisme divergent.

La respiration est calme, légère et lente (16-18). Le pouls est

régulier, assez rapide; il bat en moyenne quatre-vingt-quinze à

quatre-vingt-dix-huit fois par minute. La température prise plu-

sieurs fois dans l'aisselle donne de 37 à 37",8.

L'anesthésie de la surface cutanée et des muqueuses est totale;

la malade ne réagit sous l'influence d'aucune excitation. Toute-

fois, l'introduction de la sonde oesophagienne ou celle de quelques

gouttes de liquide dans la bouche provoque parfois un spasme

très violent ; quelquefois aussi il se produit un spasme convulsif

de déglutition. La sensibilité cependant reparut à un moment

donné, sous l'influence d'injections hypodermiques contenant

chacune environ un milligramme de sulfate d'atropine. La réap-

parilion se fit d'abord au niveau des pieds, qui devinrent sensi-

bles à la piqûre ; pendant plus d'une semaine, ces injections, pra-

tiquées tous les jours, amenèrent une extension ascendante et

symétrique de la zone sensible qui s'étendit au tronc et aux mem-

bres. La tête resta toujours insensible, et cette anesthésie repa-

rut totale pour tout le corps après la cessation des injections

hypodermiques.

En enlevant les oreillers sur lesquels semble appuyée la tête

de M. IL., afin de rechercher s'il n'existe pas à la partie posté-

rieure du tronc quelque zone hystérogène, nous remarquons que

la tête ne repose pas directement sur ces oreillers ; elle reste fixe,

légèrement courbée en avant par suite de la contracture dont les

muscles du cou sont le siège. La malade est du reste éminem-

ment contracturable. Si on soulève un des bras on le voit garder

la position donnée; il est raide, de même les doigts, et cette atti-

tude peut persister des heures entières. Les réflexes rotuliens sont

très exagérés et le simple relèvement du pied donne lieu à la tré-

pidation spinale. Cette trépidation ne tarde pas à se généraliser à

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE.

103

l'autre membre inférieur, et le corps tout entier est bientôt agité par

la trépidation qui l'envahit également. C'est à cette hyperexcita-

bilité musculaire qu'il est logique d'attribuer la convulsion des

yeux en haut qui se produit aussitôt qu'on soulève les paupières.

Fig. 13.

104 REVUE CRITIQUE.

Pendant ces périodes d'excitation provoquée, la face se colore, le

pouls devient plus rapide et la température s'élève à 37°,8.

Les organes thoraciques et abdominaux paraissent sains; la

percussion indique que la vessie est presque complètement vide;

la miction est involontaire, les urines très peu abondantes; de

temps en temps on vide le rectum, toujours peu chargé de ma-

tières dures, à l'aide de lavements appropriés.

Le fait que nous venons de rapporter nous servira, avons-

nous dit, considérablement dans l'étude symptomatologique

des attaques de sommeil, mais, avant d'entreprendre de les

décrire il est nécessaire d'exposer certaines considérations par-

ticulièrement relatives à l'étiologie toute spéciale de cette

variété de l'attaque hystérique.

Nous ne nous arrêterons que fort peu sur les antécédents

héréditaires des sujets. L'hystérie, comme on le sait, appar-

tient à la grande famille neuro-pathologique ' et, en ce qui

regarde spécialement les attaques de sommeil, la lecture des

nombreuses observations rapportées par les auteurs nous

montre que les individus qui en sont atteints n'échappent pas

à la règle commune. De-ci, de-là, on trouve des faits soigneu-

sement étudiés (0ns. I, Achard) dans lesquels ces antécédents

semblent faire défaut, mais ce sont encore des exceptions

qui confirment une règle assez solidement assise aujourd'hui

pour se passer de discussion.

Toutefois, en ce qui regarde les antécédents personnels du

sujet nous devons préciser la date de l'apparition des attaques

de sommeil par rapport aux autres accidents hystériques dé-

veloppés chez le même individu. En un mot, quelle place

occupent les attaques de sommeil au milieu de l'apparition et du

développement des autres phénomènes de la série hystérique ?

Cette question en amène une autre qui lui confine de bien près :

quelle est la fréquence des attaques de sommeil relativement

aux autres variétés de l'attaque hystéro-épileptique ou aux

phénomènes nerveux de même ordre ?

La première question est importante à préciser surtout t

lorsque l'on envisage la forme d'attaque de sommeil plus par-

ticulièrement désignée sous le nom d'apoplexie hystérique. Un

exemplefera mieux comprendre notre pensée. Un médecin est t 11 p-

' Voy. Déjerine. L'hérédité dans les maladies du système nerveux.

Th. agrég., Paris, 1886.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 105

pelé, ainsi quelefait s'est présenté àplusieurs reprises, près d'un

individu plongé dans le coma le plus profond. Certains signes qu'il

constate peuvent lui faire penser à une affection organique :

il interroge les personnes qui vivent d'ordinaire avec le ma-

lade et celles-ci lui apprennent que le sujet souffre ordinaire-

ment d'attaques convulsives dont la description le met immé-

diatement en éveil sur la nature hystérique des phénomènes

actuellement soumis à son observation. Son diagnostic trouve

donc dans les anamnestiques un point d'appui solide qui lui

permettra de porter immédiatement un pronostic raisonné de

la plus haute importance.

Toutefois, il faut aussi savoir que cette étude des anamnes-

tiques n'est pas toujours chose aisée : un individu est subi-

tement frappé dans la rue, il est amené à l'hôpital, et tous

renseignements font défaut : le diagnostic devra s'établir néan-

moins ; ce qui n'est pas une raison cependant pour négliger

l'étude des antécédents personnels lorsque ceux-ci peuvent

être obtenus.

'Nous plaçant au point de vue nosographiquepur nous dirons

qu'il résulte, pour nous tant de la lecture d'un nombre consi-

dérable d'observations que des opinions émises par les divers

auteurs qui se sont occupés de la question que les attaques de

sommeil sont très rarement les premières en date dans l'évo-

lution des phénomènes de la série hystérique chez un même

sujet.

Ces accidents nerveux antérieurs sont très variés, et il fau-

drait passer en revue presque toute la symptomatologie de

l'hystérie pour les énumérer. Cependant, il en est qui, par leur

fréquence, priment tous les autres; nous voulons parler des phé-

nomènes convulsifs de la grande attaque qui si souvent pré-

cèdent, lorsqu'ils ne s'y mêlent pas, les attaques de sommeil.

« Le plus ordinairement, dit Briquet (p. 416), le sommeil

hystérique n'arrive qu'à la fin des attaques de convulsions. »

« Le sommeil hystérique, dit M. Charcot ', est une attaque

hystéro-épileptique modifiée. » Aussi M. P. Richer a-t-il par-

faitement raison de décrire comme nous l'avons noté ces

accidents sous la rubrique : «Variété de l'attaque par immixti-

tion de phénomènes léthargiques », ajoutant plus loin (p. 260) :

«En résumé, les attaques de sommeil hystérique sont souvent

' Lezioni cliniche; loc. cit., p. 38.

106 REVUE CRITIQUE.

précédées de phénomènesconvulsifs pouvant être rapportés aux

deux premières périodes de la grande attaque. »

Néanmoins, comme on le sait, les phénomènes convulsifs

toniques et cloniques ne constituent que les deux premières

périodes de la grande attaque. Or il est assez souvent donné

d'observer chez le sujet les phénomènes des deux der-

nières : attitudes passionnelles, rêve et délire; de même que

les diverses variétés d'aura peuvent simplement précéder im-

médiatement l'apparition des phénomènes léthargiques. Cette

sorte d'inversion du type tient surtout à ce que le sommeil,

lorsqu'il n'est pas primitif d'emblée, survient souvent, non pas

consécutivement à une attaque isolée, mais bien plutôt à une

série d'attaques dont les symptômes fréquemment frustes

empiètent successivement les uns sur les autres au point de

dénaturer leur expression symptomatique.

Tout ce que nous venons de dire se trouve parfaitement

résumé dans les lignes suivantes empruntées à MM. Bourne-

ville et Regnard (p. 137) : « Quelquefois les attaquesviennent

sans prodromes; le plus souvent on note un certain nombre

de phénomènes : les malades sont de mauvaise humeur, aga-

cées, tristes et pleurent; ou bien elles sont gaies outre mesure,

rient aux éclats sans motifs, ne peuvent se retenir; l'une d'elles

avait des hallucinations de la vue ; la tête est lourde ; elles

ont des secousses, laissent échapper les objets qu'elles tiennent

à la main; par instants, elles sont incapables de parler, quoi

qu'elles fassent ; elles ont une tendance très visible à dormir,

contre laquelle elles luttent; les paupières se ferment. Cotte

situation a une durée qui varie de quelques minutes à plu-

sieurs heures, même une journée. »

Joignons à cela la connaissance d'accidents antérieurs plus

éloignés, d'ordre variable, et la fréquence immédiate des

accidents convulsifs, signalés par P. Richer, et nous pourrons

conclure que les attaques de sommeil ne sont que très rarement

le symptôme de début des accidents de la série hystérique, chez

le sujet qui les présente actuellement.

Abordons maintenant l'étude de la seconde question. Quelle

est la fréquence absolue des attaques de sommeil, comme symp-

tôme dominant, par rapport aux. autres phénomènes hysté-

riques ou mieux par rapport aux autres variétés de la grande

attaque.

« Les attaques de sommeil sontpeu communes », dit Briquet

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. '107

(p. 148), qui, sur 420 malades, a seulement relevé « trois cas

d'hystérie avec des attaques consistant en un véritable som-

merl cinq cas d'attaques comateuses et huit de véritable

léthargie.

L'opinion émise par Briquet et adoptée par MM. Bourne-

ville et Regnard est certainement vraie, mais les conclusions

du premier de ces auteurs sont peut-êtreun peu trop absolues.

Nous avons dit, en effet, qu'une mauvaise interprétation basée

sur une synonimie défectueuse lui avait fait écrire « qu'on

n'en trouve pas d'exemple dans les 350 observations analysées

par M. Landouzy » alors que, sous le nom de syncope et de

mort apparente, cet auteur (p. 67) ne rapporte pas moins de

27 observations tant personnelles qu'empruntées à ses prédé-

cesseurs dont la lecture ne laisse aucun doute sur l'identité des

phénomènes observés avec ceux que nous décrivons. Evidem-

ment, il existe là comme partout ailleurs des questions de

degré et nous ne voulons pas assimiler les syncopes du petitmal

hystérique aux attaques de sommeil, mais enfin, lorsque Lan-

douzy écrit que « cet état syncopal varie de plusieurs minutes

à plusieurs jours quant à la durée » on ne saurait raisonna-

blement lui refuser d'avoir observé un certain nombre d'at-

taques soporeuses. Leur rareté est donc, de ce fait même, un

peu moins grande que ne le dit Briquet.

Pour ce qui est de l'âge et du sexe nous nous en tiendrons aux

données généralement admises en ce quiregarde l'explosion des

accidents hystériques envisagés sous toutes leurs formes. Nous

devons dire cependant que les récentes études de M. Charcot

ont singulièrement étendu chez les hommes le domaine de

la névrose. Aussi, sans chercher à préciser davantage que ne

l'a fait M. Achard, dirons-nous avec lui, en ne considérant que

la forme particulière de l'attaque de sommeil qu'il a étudiée :

z L'apoplexie hystérique frappe aussi bien le sexe masculin

que le sexe féminin. Elle s'observe non seulement chez des

sujets jeunes ou dans la force de l'àge, mais aussi, bien que

plus rarement, chez des vieillards'. » (A suivre.)

i Op. cit., p. 87, obs. XVI, 62 ans; obs. XIX, 65 ans.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

I. DES SYMPTOMES DE LA MOTILITÉ DANS LES PSYCHOSES

simples; par Freusbers. (4 ? 'cA. f. Psych., XVII, 3.)

Les phénomènes qui dans la folie se produisent sur le sys-

tème locomoteur sont de six espèces, d'après M. Freusberg :

1" Modifications de l'excitabilité de l'appareil locomoteur ;

2° modifications de latonicité musculaire; 3° phénomènes mo-

teurs paradoxaux; 4° mouvements intentionnels et motilité

en rapport avec les conceptions; 5° mouvements automa-

tiques.

Enfin, il existerait une classe qui mériterait le nom de

décharge motrice paroxystique, Elles se produirait dans les

psychoses aiguës sous la forme de semi-rigidités ou de semi-

convulsions musculaires revêtant l'aspect d'accès n'ayant

rien à voir avec l'hystérie ni l'épilepsie, mais représentant

des phénomènes d'arrêt ou d'excitation de l'appareil muscu-

laire, par conséquent bien localisées. Ces rigidités, mouve-

ments irrésistibles ou convulsions seuls ou associés, de courte

durée, qui n'ont rien à faire avec la conservation ou l'ab-

sence de connaissance, sont absolument différentes de la ca-

tatonie de Kahlbaum, d'abord parce qu'ils ne se produisent

point dans les folies chroniques, en second lieu parce qu'ils

représentent des perturbations paroxystiques passagères des

folies aiguës ou des stades initiaux des folies aiguës; enfin,

parce qu'ils fréquentent indistinctement toutes les modalités

psychopathiques ; ils sont des accidents spéciaux dans les condi-

tions que nous venons d'énumérer. Quatorze observations à

l'appui. On les rencontre plutôt, il est vrai, dans la folie

systématique et dans le désordre des idées hallucinatoire

(délire asthénique), mais, outre qu'ils y sont rares, ils n'ont

aucune importance pronostique, et par suite ne forment pas

un complexus compréhensif autonome. P. IiERAVaL.

REVUE DE pathologie mentale. 109

II. CONTRIBUTION A l'anatomie pathologique DE la démence POST-

FÉBRILE. Remarques sur les fibres nerveuses de l'éeorce cérébrale;

par H. E31MINGHAUS. (Arch. f. Psych., XVII, 3.)

Jeune homme de dix-neuf ans, atteint, à la suite d'une fièvre

récurrente grave, à évolution prolongée, au moment de la

convalescence, de troubles intellectuels, revêtant, le masque de

démence aiguè. Il avait été atteint de fièvre récurrente en février

1884; on l'apportait à la clinique le H juin 1884; il mourait le

9 juillet dans le collapsus, le coma, la cyanose, avec une tempé-

rature de 30° 6; ralentissement de la respiration et du coeur. L'au-

topsie révéla une pneumoniechronique ulcéreuse du lobe supérieur

gauche, de l'oedème pulmonaire, des abcès furonculeux et métas-

tatiques dans les deux reins, un foyer hémorrhagique dans le

péricarde, avec péricardite séro-fibrineuse, des ecchymoses avec

hypérémie du tube digestif, adénome des deux capsules surré-

nales. L'examen approfondi du cerveau décèle une tuméfaction

albumineuse des cellules corticales ; intégrité des fibres ner-

veuses. P. K.

III. UN cas DE NEUROPSYCHOSE mortelle SE combinant avec

DES SYMPTOMES DE LÉSION EN FOYER APPARENTS, SANS ALTÉ-

RATION anatomique ; par R. THOMSEN. (AI'ch. f. Psych.,

XVII, 3.) ,

Jeune homme de vingt et un ans, jusque-là bien portant.

Tare héréditaire. A la suite d'excès de boissons, vertiges,

puis attaques épileptiformes, agoraphobie, accès de delirium

tremens. Un de ces derniers se termina par une folie systé-

matique hallucinatoire (idées de persécution), qui guérit en

plusieurs mois ainsi que l'agoraphobie. En même temps hé-

mianesthésie mixte et stationnaire. Rétrécissement concentri-

que du champ visuel et hémianopsie droite. Quelques mois plus

tard, exaspération de la psychose ; un accès d'angoisse nocturne

se termine par une hémiplégie droite comprenant le facial;

blépharoptose et paralysie du droit interne de ce côté, para-

lysie de l'hypoglosse gauche. Contraction paradoxale. Puis tout

disparaît, mais bientôt la paralysie reparaît sur les extrémi-

tés. Finalement, la paralysie de l'hypoglosse droit remplace

celle de l'hypoglosse gauche, et, à cette seconde hémiplégie

s'adjoignent de violentes douleurs dans les deux jambes et de

l'entéralgie constituant des accès accompagnés de fièvre élevée.

Série d'exacerbations et de rémissions des accidents psychiques

et nerveux; guérison graduelle presque complète. Mort subite

110 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

imprévue. Durée totale : quatre ans et demi. Nécropsie ab-

solument négative, à part une légère dégénérescence des

nerfs périphériques. ' Après avoir étudié, analysé le diagnostic

différentiel entre la sclérose en plaques, et une psychose com-

binée à une névrose (hystérique ou hystériforme), l'auteur

tendrait à l'idée d'une inconnue complète. L'influence de

l'alcool se révèle par des altérations des nerfs périphériques.

P. K.

IV. DE QUELQUES phénomènes initiaux rares dans la démence para-

LYTIQUE ; par PEHZOEUS. (Neurol. CenGralbl., 1886.)

Deux observations : l'une d' hypercrinie salivaire avec douleurs

dans la gorge, et légère dysphagie, ayant précédé de trois mois la

paralysie générale; l'autre de parésie fonctionnelle d'une des cordes

vocales, parésie disparaissant au moment de l'examen laryngosco-

pique, reparaissant aussitôt après, parésie accompagnant et pré-

cédant de trois mois les phénomènes caractéristiques de la pa-

ralysie progressive. P. K.

V. CONTRIBUTION au rapport qui EXISTE ENTRE la paralysie GÉNÉ-

RALE ET la syphilis. Contribution casuistique ; par W. Sommer

(Neural. Centralbl., 1886.)

Paralysie générale chez un jeune homme de vingt ans, qui avait

été infecté au sein par sa nourrice. P. K.

VI. UN cas DE paralysie progressive, compliquée DE sclérose LATÉ-

RALE AMYOTROPIIIQUE; par ZACHER. (Neurol. Centralbl., 4886.)

Paralysie générale avec dégénérescence des faisceaux pyrami-

daux dans les cordons latéraux depuis la moelle lombairejusqu'à

la décussation. Peu d'altérations dans la substance grise des cornes

antérieures si ce n'est dans le renflement cervical. Dégénérescence

des nerfs périphériques et des muscles. Altérations vasculaires et

conjonctives de l'ensemble du système nerveux central et périphé-

rique. L'évolution générale démontre que l'altération des fais-

ceaux pyramidaux dans les cordons latéraux a été la première en

date; d'où une première période de paralysie spasmodique; puis,

les organes périphériques sont, dit l'auteur, devenus malades et

l'atrophie s'est développée, s'opposant à la persistance des trou-

bles spasmodiques. (C'est là ce qui distingue cette amyotrophie

de l'amyotrophie cellulaire du type Charcot.)Tel est le complexe

neuropathique survenu chez un paralytique général. Il est inté-

ressant de signaler que les altérations corticales de la périencé-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 111

phalite ne se sont pas étendues de proche en proche des ascen-

dantes au faisceau pyramidal du centre ovale, puisque au-dessus

de la décussation on ne constate pas de lésions. Les altérations

vasculaires du système nerveux central et périphérique n'auraient,

d'après Zacher, aucune relation avec l'ensemble du processus

dégénératif cérébro-spinal, puisqu'on ne constate pas de lésions

inflammatoires dans les cordons latéraux, la substance grise, les

fibres nerveuses. P. K.

VII. D'UNE forme TOUTE particulière D'ILLUSIONS DE la VUE ;

par 0. ROSENBACH. (Centmlbl. f. Nervenheilk., 1886.)

Un monsieur parfaitement bien portant à tous égards croit

en sortant dans la rue, à la suite d'une tension d'esprit pro-

longée, que toutes les personnes qu'il rencontre lui sont con-

nues, une attention soutanue lui démontre qu'il y a illusion,

mais il faut qu'il réfléchisse et qu'il se rende compte qu'une

circonstance toute spéciale, la similitude d'un détail, a rappelé

en lui la physionomie d'individus qu'il connaissait, quoique

souvent leur existence lui fût jusque-là tout à fait sortie de la

mémoire. Le mécanisme serait, d'après M. Rosenbach : con-

ceptions erronées, émanant d'une perception sensorielle quel-

conque mal pesée, mal analysée, avec projection somatique

dans le monde extérieur de ces conceptions ou associations

d'idées. L'illusion ordinaire au contraire provient d'une per-

ception incertaine, une image rétinienne obscure conduisant à

une conception fausse. P. K.

VIII. D'un TROUBLE précoce DE L1 sensibilité dans la démence para-

LYTIQUE ; par Tu. ZIEHEN. (neural. Cenlralbl., 1886.)

11 arrive souvent que chez un paralytique général, la sensation

d'une piqûre d'aiguille soit au moment même exactement loca-

lisée ; mais laisse-t-on s'écouler quinze secondes ou davantage

entre le moment de l'application et l'interrogation, on voit se

commettre des erreurs de localisation considérables. P. K,

IX. Paralysie générale associée A DE l'aphasie SENSO-

RIELLE; par A. ROSENTHAL. (Centl'albl. f. Yeruenlaeilk.,1886.)

Il s'agit d'un syphilitique présentant en mai 1881 une atta-

que d'apoplexie suivie de perte complète de la parole; il la récu-

père, mais en ayant perdu la notion des noms qui s'appliquent

aux objets, et se trouve obligé de s'exprimer par des périphrases,

112 C-) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

estropie les mots en les répétant, ne se rappelle les substantifs

que lorsqu'on lui offre les objets. Amnésie partielle des adjectifs

et des verbes. Pour garder le souvenir des dénominations'qui

lui reviennent se met prendre des notes. Ses phrases sont en-

fantines pour ces motifs. Ne sait compter que jusqu'à dix et se

montre incapable de multiplier quatre par six (il obtient qua-

rante-six) ; lit très lentement, connaît les lettres et les syllabes,

mais embrouille les syllabes les unes dansles autres etne peut

venir à bout d'expliquer le sens de ce qu'on lui lit. Copie l'im-

primé, peut même spontanément écrire une lettre de quelques

lignes, mais son style est périphrastique comme son élocution,

par conséquent peu varié. Intégrité, des viscères; quelques pla-

ques d'anesthésie ou plutôt d'analgésie légère; sensationsretar-,

dées; démarche lente et lourde. S'occupe tranquillement sans

rien comprendre à ce qu'il fait. Démence paralytique graduelle,

marasme, mort après deux ans et demi de maladie. On cons-

tate, de concert avec les altérations de laparalysie générale, que

le lobe temporal gauche est réduit en bouillie : ce ramollisse-

ment commence à l'extrémité antéro-inférieure des Il et IIIe

temporales, se prolonge en s'élargissant en arrière et en haut,

atteint le milieu de la partie moyenne du versant inférieur

de la première et se termine en se rétrécissant à la limite du

pli courbe et de la deuxième occipitale. Ce foyer aune longueur

de dix centimètres ; son plus grand diamètre transverse est de

2 à 3 centimètres, sa profondeur est de 1 à 1,5, l'écorce et

la couche blanche sont intéressées.. P. K. >

X. UN CAS REMARQUABLE DE SYPHILIS CÉRÉBRALE-, par

L. GOLBSTEIN, (Cenlmlbl. f. Nervenheilk. 1886.)

Homme de trente-quatre ans, atteint il ya sept ans de syphi-

lis. Un an après l'infection, ictus apoplectique léger. Trois ans

plus tard, nouvel ictus suivi de diplopie et de difficulté dé

a démarche. Un an encore, et petits accès épileptiformes.

Finalement trouble de la parole consistant en hésitations, ra-

lentissements traînants suivis de précipitation dans l'élocution

avec effort manifeste de l'esprit : efforts inutiles. Lit en com-

mençant couramment, puis s'interrompt, hésite à plusieurs

reprises, laisse de côté certaines lettres et bientôt des syllabes

entières, de sorte que le texte devient absolument inintelligi-

ble. Ecriture tremblée, également incompréhensible par -l'omis-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '1'13

sion de lettrés. Désordre dans les idées, agitation, excitation.

Une attaque épileptiforme débutant par la rotation de la tète à

droite, et convulsions de la moitié droite delà face et des deux

extrémités de ce côté, se généralise bientôt ; un état de mal se

déclare. On constate finalement des accès de folie postépilep-

tique alternant avec des accès épileptiformes ou de grandes

attaques épileptoïdes. Gangrène spontanée de tous les orteils

du pied droit. Démence, marasme. Mort après sept ans de ma-

ladie. Autopsie. Artérite syphilitique de l'encéphale ayant

déterminé une anémie cérébrale extrême et rien de plus. L'au-

teur adopte la pathogénie suivante : l'anémie extrême a agi

comme excitant soit sur l'écorce grise, soit sur les centres

profonds. P. K.

XI. UN cas DE dypsomanie guérie par la strychnine;

par ToLViNSKY. (Wratsch, 1886, n°38'.)

11 s'agit d'un boulanger âgé de trente-quatre ans. Excessivement

anémique il a un souffle très net dans les veines jugulaires. Rien

d'anormal du côté des poumons et du coeur. Le foie tuméfié est

sensible au toucher. Pas d'albumine ni de sucre dans l'urine dont

la quantité et le poids spécifique sont parfaitement normaux. La

sensibilité générale et spéciale sont conservées. Dans les anté-

cédents héréditaires on constate que son père était dypsomane

et sa soeur hystérique. Les premiers phénomènes de dypsomanie

se sont manifestés chez notre sujet à l'âge de vingt-cinq ans; il

avait été bien portant jusqu'alors. Les accès de la maladie sur-

venaient irrégulièrement et duraient parfois des mois entiers. Les

prodromes se caractérisaient par une tristesse sans cause et des

palpitations; puis survenait un désir irrésistible de boire, qu'il était

obligé de satisfaire aussi bien le jour que la nuit. Pendant l'ivresse

il avait des hallucinations de la vue (animaux) et de l'ouïe, il dor-

mait très peu, avait des nausées- fréquentes, ne mangeait presque

pas. Ses membres tremblaient; il était très affaibli; il avait des

constipations rebelles. Ce n'est qu'après neuf ans, que ses parents-

ont consulté pour la première fois M. Tolvillsky. au mois d'août

1883. Différents médicaments, tels que le cliroral, l'opium, lebro-

mure de potassium n'ont produit aucune modification dans son.

état. C'est seulement après avoir échoué avec ces remèdes que-

l'auteur se décida d'essayer, en 1886, l'azotate de strychnine en

pilules des gr. 001 milligr. chacune, à prendre trois par jour.

1 Une bibliographie détaillée de la question aétéindiquée parle. Popoff

dans un travail sur le traitement de la dypsomanie (Wratsch, 1886, n° 10).

Archives, t. XV. 8

114 SOCIÉTÉS savantes.

Déjà le lendemain, une amélioration 'était survenue; le malade ne

voulait plus boire, l'insomnie et l'anorexie avaient un peu diminué

d'intensité. Le quatrième jour de ce traitement : amélioration no-

table de l'état psychique, diminution du tremblement, sommeil

et appétit; disparition de douleurs de la région hépatique et de

sa tuméfaction ; plus de nausées ni de vomissements. Le neuvième

jour, il a pu reprendre sa profession. Il a continué de prendre

2 milligrammes de strychnine par jour pendant six semaines.

L'auteur l'a vu trois mois après : le sujet n'a pas d'accès de dypso-

manie, il travaille et n'éprouve aucun désir do boire.

J. IiUUüINOVITC11.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MEDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 31 octobre 1887. -- Présidence de AI. Magnan.

M. le Président annonce la mort de M. Bigot, à la mémoire

duquel il rend hommage.

LE Secrétaire général exprime le regret de s'être trouvé dans

l'impossibilité de représenter la Société à ses obsèques.

De l'accumulation de la morphine dans le foie d'une morphiomane.

- 111. BALL communique l'histoire d'une morphiomane guérie de

ses impulsions par la spartéine et décédée tout à coup le dix-

septième jour de sa.... guérison. L'observation a déjà été pré-

sentée à l'Académie, mais ce que M. Ball n'a pas dit à l'Académie,

« dans la crainte des chimistes », c'est qu'il avait trouvé dans le

foie de la malade 4G centigrammes de chlorhydrate de morphine

à l'état libre. Cet emmagasinage expliquerait comment des acci-

dents imputables à la morphine peuvent se produire après que les

malades en ont cessé l'usage.

Dit délire chronique (suite de la discussion). M. Charpentier a

rencontré les idées de persécutions dans plusieurs cas; il estime

qu'ils peuvent se diviser en dix groupes principaux : Premier

groupe : Idées de persécutions traumatiques ou chirurgicales.

Deuxième groupe : Idées de persécutions survenant pendant et

SOCIÉTÉS savantes. 113

après les maladies aiguës. Troisième groupe : Idées de persé-

cutions empruntées à des rêves. Quatrième groupe : Idées de

persécutions dont les manifestations délirantes simulent l'ivresse.

Cinquième groupe : Idées de persécutions chez les pléthoriques

et les congestifs à tempérament sanguin. Sixième groupe :

Idées de persécutions chez les arthritiques mélancoliques à forme

torpide. Septième groupe : Idées de persécutions simples dans

le délire des persécutions ordinaires. Huitième groupe : Idées

de persécutions avec hallucinations et troubles de la sensibilité

générale. (Ce groupe comprend trois variétés : A, les persécutés

sensoriels; B, les persécutés psychiques; C, les persécutés mixtes.)

Neuvième groupe : Idées de persécutions dans la mélancolie

anxieuse (auto-persécuteurs). Dixième groupe : Idées de persé-

cutions aboutissant à la mégalomanie (persécutés par vanité

chronique).

De l'action des médicaments à distance. Suggestion, auto-

suggestion et vivucité du souvenir dans le sommeil hypnotique.

M. J. Voisin fait part à la Société de ses nouvelles recherches sur

l'action des médicaments à distance chez les hystériques. Ses con-

clusions sont identiques à celles qu'il a formulées l'année der-

nière. La suggestion et l'auto-suggestion sont les seules causes des

phénomènes que nous voyons se dérouler sous nos yeux, mais il y

ajoute un nouveau facteur, la mémoire. La vivacité du souvenir

est très nette dans la nouvelle observation qu'il communique.

Elle nous explique la répétition des mêmes phénomènes à une

époque éloignée du début de l'expérience. Elle est consécutive à

la suggestion.

Le médecin de la Salpêtrière profile de cette circonstance pour

réfuter les arguments que MM. Bourru et Burot développent dans

leur nouveau livre sur la suggestion mentale. Il se sert du texte

de leurs observations pour prouver que les sujets sur lesquels ils

ont expérimenté n'étaient pas à l'état de veille, comme le

prétendent les expérimentateurs, mais bien dans un état hypno-

tique et que cet état qui, d'après eux, n'est pas susceptible

de suggestion, est justement le plus favorable à la suggestion.

En terminant, M. Voisin tire une déduction thérapeutique de son

observation : c'est la suppression momentanée (six mois) des

attaques d'hystérie et des vomissements, par la suggestion.

M. LARIIOQUL n'a pas vu les expériences de MM. Bourru et Burot,

mais il a assisté à la réédition qu'en donna M. Luys à la Charité,

et il a remarqué que les sujets étaient prévenus de supercherie,

de l'action attribuée au médicament présenté. Sans même parler

il est bien évident que les malades subissaient tout simplement

une suggestion. M. B.

116 sociétés savantes.

Séance du 28 novembre 1887. Présidence de M. Magnan.

Période pré-délirante de la paralysie générale. - M. Christian,

énumère un certain nombre de troubles morbides qu'il a notés

chez beaucoup de malades atteints plus Lard de paralysie générale

et qui, sous leur apparente diversité, lui semblent constituer un

groupe unique et avoir une signification pathologique bien déter-

minée. Ces troubles morbides sont tantôt des troubles de la vision

(diplopie, strabisme ou ptosis), tantôt des affections viscérales

simulant des lésions organiques graves du côté de l'estomac des

intestins, de la vessie, etc. Il faut y joindre également les

troubles trophiques dont le mal perforant est un eemple et, peut-

être, les ulcérations imaginaires de la langue que M. Verneuil a

récemment signalées à l'Académie de médecine.

Quoi qu'il en soit, tous ces désordres, si graves qu'ils paraissent,

peuvent s'effacer et 's'évanouissent souvent quand éclatent les

symptômes cérébraux qui caractérisent la maladie confirmée.

D'une façon générale, ils ressemblent à ceux que l'on observe

dans le tabès et qui forment les symptômes de la période pré-

ataxique de l'ataxie locomotive progressive, aussi M. Christian

propose-t-il de réunir dans un chapitre nouveau tous les troubles

morbides qu'il a énumérés et d'en constituer la période pré-déli-

rante de la paralysie générale.

M. GARNIER tout eu reconnaissant l'intérêt de la communication

de M. Christian répond que sa description figure chaque année e

dans les lecons de M. Magnan qui en a fait l'objet de sa thèse

dès 1868.

M. Féré rappelle aussi que ces mêmes faits ont été signalés

autrefois par Baillarger.

M. GILBERT Ballet sans nier l'existence de ces symptômes,

répond qu'ils ne se rencontrent que chez les paralytiques jénér

raux à forme ataxique, au moment où les lésions, qu'elles débu-

tent parla moelle ou qu'elles s'y propagent, s'installent dans cet

organe.

M. FALRET. C'est en effet chez des malades de cet ordre que

Baillarger les avait surtout rencoutrés.

M. GtLBERT Ballet fait une communication sur un cas d'hallu-

cinations auditives survenues à la suite de troubles de l'ouïe. il

s'agit d'un malade âgé de trente-trois ans acluellement en obser-

vation à l'hôpital Broussais, qui, à la suite de chagrins de famille,

ressentit au cours de l'année de 188G des bourdonnements de

l'oreille limités au côté gauche, puis bilatéraux. Les hallucinations

apparurent peu de temps après. Elles consistèrent tout d'abord

en des bruits vagues et se caractérisèrent bientôt avec plus de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 'H7 I

netteté. Actuellement, le malade entend des voix qui sont tou-

jours de son oncle on de sa femme. Ces voix le « suivent pas à

pas » pendant plusieurs heures de suite. Kilos sont tantôt mena-

çantes, tantôt impératives, tantôt moqueuses. Elles disent, par

exemple, « Nous te surveillons; tu ne tueras personne; tu ne

déshonoreias pas ta famille; ne pense plus à ta femme, c'est une

coquine; pense à ta mère, etc. » Le malade les entend aussi bien

de l'oreille droite que de l'oreille gauche. Il ne s'abuse nulle-

ment sur leur nature et s'est toujours rendu compte qu'il est le

jouet d'une obsession maladive. Les hallucinations sout presque

toujours précédées de bourdonnements d'oreilles.

Ce cas fait observer M. Ballet, semble au premier abord donner

raison aux auteurs qui subordonnent certaines hallucinations aux

troubles des organes des sens. Mais il n'y a là qu'une apparence.

Discutant son observation, M. Ballet montre que son malade était

un nerveux, bien avant d'être un halluciné, que si chez lui les

hallucinations se montrent d'ordinaire à la suite et peut-être à

l'occasion des bourdonnements d'oreille, elles naissent aussi sous

l'influence de diverses impressions d'un autre ordre. Il s'agit là. en

somme, d'un sujet chez lequel la plupart des réactions nerveuses

se traduisent par l'hallucination de l'ouïe comme chez d'autres

elles se traduisent par des impulsions.

M. Ballet ne croit pas qu'un trouble sensoriel puisse de toute

pièce engendrer des hallucinations. Ce trouble intervient au plus

comme cause occasionnelle. C'est la prédisposition nerveuse qui

crée l'hallucination. Dans les cas analogues à celui dont il s'agit,

on a atfaire à des dégénérés qui ont des perceptions fausses tout

comme d'autres ont des impulsions, de l'onomatomanie, de l'in-

version du sens génital. Au point de vue de la physiologie patho-

logique on peut envisager l'hallucination verbale de l'ouïe comme

le résultat d'une excitation morbide du cenlre des images audi-

tives des mots. On serait en droit, dès lors, de les rapprocher de

certaines formes d'onomatomanie qui semblent dépendre d'une

excitation anormale du centre des images verbales motrices. Les

hallucinations auditives analogues à celles observées chez le

malade dont il s'agit, doivent être rangées parmi les stigmates

physiques de la dégénérescence. Elles présentent, en effet, les

deux caractères principaux de ces stigmates : en premier lieu,

elles sont obsédantes et déterminent chez le malade un phéno-

mène d'angoisse des plus pénibles, en second lieu, elles sont cons-

cientes en ce sens, que le sujet ne s'abuse pas sur la réalité des

voix qu'il entend.

M. BALL n'a pas la prétention de dire que les troubles des

organes de l'ouïe suffisent à déterminer des hallucinations. Dans

ses diverses communications et dans les travaux qu'il a inspirés

à Begis, il poursuit un seul but, celui de réfuter la doctrine de

118 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ceux qui pensent que l'hallucination de l'ouïe n'est qu'une idée

projetée au dehors. C'est là une doctrine contre laquelle on ne

saurait trop s'élever. Pas d'hallucination sans cause matérielle.

Le malade dont parle M. G. Ballet n'est pas un véritable hallu-

ciné, tout le monde peut avoir physiologiquement des hallucina-

tiuns de l'ouïe; j'en éprouve moi-même quelquefois, ajoute

M. Bail. Pour être un véritable halluciné, il faut encore croire en

ses hallucinations.

M. Ballet ne pense pas que l'hallucination puisse jamais être

considérée comme un phénomène physiologique.

M. B...

CONFÉRENCE ALLEMANDE RELATIVE A L'ASSISTANCE

DES IDIOTS »;

Va SESSION (FR.1NCORT-SUR-LG-lCIN

Séances des 14, 15, 16 septembre 1886.

On compte vingt-neuf collaborateurs présents, dont deux méde-

cins, et vingt-quatre personnes étrangères à l'oeuvre, dont six

médecins.

Séance préparatoire. Présidence de M. SENGELMANN. Le pré-

sident fait l'historique des faits relatifs à l'assistance des idiots

qui se sont passés dans les trois années écoulées.

Il relate la mort de M. l'instituteur en chef PFLUGK (d'Iluber-

tusburp); du Dr Klvn (de Laii,,enlia2eti); le jubilé de vingt-cin-

quième année de Gladbach; les subventions de l'ordre de Saint-

Jean.

Il met en relief la fondation de nouveaux établissements :

en 1879, s'ouvrait l'établissement de Saint-Joseph, à Ilerthen, près

Bade, destiné aux idiots et aux crétins, avec 198 malades : direc-

tion du pasteur Rolfus; le 15 juin 1882, s'installait avec

1 II nous parait indispensable de publier l'analyse de cetle Société qui,

à force de persévérance et d'étude, nous semble traiter d'une façon pra-

tique et tout à la fois scientifique l'ensemble des questions de ions

ordres que soulève l'assistance de l'idiotie. Nous appelons notamment

sur ce congrès l'attention des administrateurs, des instituteurs et des

médecins de notre pays. P. KEXAVAL.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 119

27 arriérés (24 du sexe masculin, 3 du sexe féminin), la maison de

Saint-Joseph à Gmuenden, sur le Mein; - le 10 mars 1884, établis-

sement d'éducation et de traitement pour enfants idiots catho-

liques, à Essen, sur le Rhin. Enfin, on est en train d'installer à

Dessau l'établissement d'éducation pour imbéciles, arriérés et

idiots israélites; on vient d'ouvrir avec 13 enfants l'établissement

de Sayn, près Coblenz. Directeur, M. Jacobi et celui de Hillinghau-

sen, près Stetten.

En même temps, on installe ou l'on augmente les classes muni-

cipales annexes propres à l'instruction des enfants atteints de débi-

lité mentale ' 1 à Brunswick, Géra, Cologne, Hamhurg, Vienne.

Total : 36 établissements assistent actuellement 4,247 idiots, dont

3,800 coûtent près d'un million et demi de marks (1,875,000 fr.).

Première séance. M. l'instituteur en chef municipal, le Dr Miquel,

souhaite en termes des plus cordiaux la bienvenue à l'assistance.

Puis, le Dr Vor.ar (de Langenhagen) examine quels sont les motifs

à faire valoir en faveur d'une alimentation convenable, appropriée

à un but envisagé pour les idiots de nos établissements. La question

de la nourriture occupe un des premiers rangs parmi les desiderata

de l'assistance des arriérés; en effet, ces enfants sont incapables

de discerner la qualité ou la fraîcheur des aliments qu'on leur

donne, et de plus, il faut leur choisir des aliments qui impriment

à leur économie une marche ascendante au double point de vue

matériel et mental. Ce n'est pas tout; il faut absolument adapter

à l'état de chacun d'eux le mode d'alimentation; consulter la sen-

sibilité de leurs organes digestifs afin d'éviter ou de les gaver ou

de les inanitier soit par surcharge, soit par défaut d'assimilation.

Les quantités moyennes de principes alimentaires servis dans

nos établissements aux enfants des deux sexes comportent par

tête et par jour . albumine, 75 gr. ; giaisse, 55 gr. ; - hydrates

de carbone, 360 gr. La proportion générale entre l'albumine

végétale et l'albumine animale est de 1 : 3.

Gardons-nous de leur faire ingérer trop d'hydrates de carbone,

trop de pain, trop de pommes de terre. Donnons-leur des aliments

d'excellente qualité, très soigneusement préparés, une nourriture

mixte (animale et végétale) convenablement alternée dont on

essaiera de produire à l'établissement les matières premières

(c'est la meilleure façon de s'assurer de l'excellente qualité et de

prévenir les falsifications). Faisons-leur faire trois, ou mieux,

cinq repas par jour; on évite ainsi les excès d'ingestion, la sur-

charge des organes digestifs. Chaque repas sera soigneusement

surveillé par des personnes sûres et intelligentes.

' Voyez plus loin.

1120 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Discussion. - Opinions contradictoires contre les quantités

moyennes des matières alimentaires énoncées; contre la mul-

tiplicilé des repas; contre les grand» réfectoires; d'aucuns

préconisent le hareng aux pommes de terre et la nécessité de

rassasier les jeunes gens le soir : on spécifie une trentaine de

pommes de terre comme nécessaires en l'espèce. Sous le mérite

de ces observations, le mémoire de M. WulIF est adopté.

Seconde séance. M. le Dr Berman (de Brunswick). Présentation

d'un crâne de crétin adulte de Slyrie. - Rachitisme de la base, ossi-

fication prématurée des sutures entre le sphénoïde et la partie

de la base connue en anthropologie sous le nom d'os basilaire

(splréno-occipital) , ossification qui a déterminé un raccour-

cissement de la base, proéminence de l'épine nasale; grand

nombre d'os intercalaires. Remarques sur la genèse des crânes

d'aztèques. Les progrès de la civilisation et les modifications du

genre de vie en ont réduit le nombre là même où ils étaient

jadis si abondants. '

M. le pasteur PALMER. De l'entretien dans les établissements d'idiots

de la notion des fêtes. Elles ont l'avantage, tout en se prêtant

admirablement à la culture du christianisme, d'égayer les enfants;

utilité de la musique vocale et instrumentale. Il y a lieu de dis-

tinguer la fête mondaine de la fête ecclésiale.

Discussion. Ajoutez-y les fêtes patriotiques, les jeux, et per-

mettez de fumer, surtout la pipe.

A[.le directeur B.I ItTJJOLD (de Gladbach). Devoirs du médecin dans

un établissement d'idiots. 1° L'idiotie consiste en des lacunes et

des anomalies de l'encéphale consécutives à des processus

inflammatoires ayant évolué pendant la vie foetale ou dans la

tendre enfance; de là l'entrave apportée au développement des

facultés intellectuelles; - 2° par conséquent l'idiotie incombe à

la médecine et à la pédagogie; 3° il ne saurait être question

de guérison absolue; - 4° diriger sur l'encéphale un traitement

médicamenteux n'a pas d'objet : mais il est possible d'étendre le

développement des facultés intellectuelles entravées; tel est le but

et le devoir principal de la pédagogie ; - 1° les maladies consti-

tutionnelles associées à l'idiotie (scrofule par exemple), les trou-

bles digestifs et nutritifs, les dyscrasies ne regardent que le

traitement médical; G° les troubles psychiques qui se montrent

chez maints idiots se rattachent au traitement psychiatrique;

7° la complication de l'épilepsie appartient, à la pratique médi-

cale ; il ne faut faire intervenir sa pédagogie que lorsqu'on l'a

améliorée ou supprimée; - 8" dans les maladies intercurrentes

intervient le médecin seul; il ne perdra pas de vue la faible vita-

lité, le peu de résistance de ces individus ; 9° au médecin aussi

SOCIÉTÉS SAVANTES. 121

le devoir spécial de scruter les éléments étiologiques de l'idiotie,

de lutter contre les affections cérébrales de l'enfance dont l'idiotie^

est souvent la conséquence, et par ce moyen, de battre en brèche

l'idiotie. Pédiatrique des petits enfants, éducation et soins des

nourrices, éducation et surveillance des bonnes d'enfants; alcoo-

]isme; voilà ce qu'il faut envisager; - 10° par un traitement spé-

.cial bien approprié (hygiénique ou autre), le médecin contribue

dans une mesure fondamentale -à faciliter la tâche de l'institu-

teur ; de concert avec ce dernier, il arrivera à améliorer le sort

physique et mental des idiots.

Discussion. - Quel sera le directeur de l'établissement ? Un

médecin, un instituteur, un prêtre ? - Cette question est écartée

comme inopportune; quant à la compétence absolue du mé-

decin sur toutes choses en l'espèce, elle est universellement re-

connue.

Troisième séance. M. le Dr n.\RTELS, directeur de l'enseigne-

ment scolaire municipal de Gera, communique le résultat de ses

observations et de l'expérience qu'il a faite des classes destinées

aux arriérés de celle ville. Il en est très partisan. Ces enfants qui,

dans les écoles ordinaires, étaient laissés de côté, tournés en déri-

sion, et ne progressaient pas parce qu'on ne s'en occupait pas,

qui, finalement, devenaient des non-valeurs, se trouvent très bien

et tirent grand profit de leur enseignement spécial. Le plus diffi-

cile est la question des professeurs; il faut à cet égard aviser à

trouver des maîtres solides et à les conserver tels en ne les surme-

nant pas; pour cela, il convient de leur réserver quelques heures

de travail dans les classes d'enfants normaux 1.

M. le directeur 13.ItTIIOLD. Du développement du sens de la forme

chez les idiots. Les enfants que l'on rencontre dans les établis-

sements d'éducation d'idiots présentent une grande diversité

quant aux lacunes ou aux anomalies que l'on constate dans les

diverses forces psychiques ou les divers sens de chacun d'eux.

Autrement dit les sens eux-mêmes considérés individuellement

sont aussi susceptibles d'un développement différent. Ainsi le

sens de la forme est plus capable de développement que le sens

du nombre. D'ailleurs, le sens de la forme se compose de i'intel-'

' Nous ne pouvons nous empêcher de faire remarquer quelle vitalité

dans la voie du progrès chez nos voisins. D'où que vienne la propulsion

matérielle ou morale, on rencontre partout des essais fructueux, quand

il s'agit du perfectionnement de l'homme. Est-il d'ailleurs un terrain plus

passionnant que celui de l'enfance; la soigner par tous les moyens pos-

sibles, n'est-ce pas instituer la prol'hlaie de l'avenir la plus utilitaire

et assurer dans ses sources vices le développement de la race au meilleur

marché. Il. KEltAVH.

122 Cl) SOCIÉTÉS SAVANTES.

ligence (reconnaissance et distinction), de la forme et de la

mémoire de la forme. Suivant qu'existe ou que prédomine chez tel

ou tel individu l'une de ces modalités de la faculté totale ou l'une

des facultés du sens de la forme, l'individu en question est apte à

subir telle ou telle branche d'enseignement; si elles sont toutes

deux développées au même degré, il pourra écrire, dessiner, lire.

La prédominance, chez lui, de l'intelligence de la forme, l'entraî-

nera à apprendre à écrire et à dessiner, mais non à lire. Si c'est

la mémoire de la forme qui tient la tête, l'enfant apprendra bien

à lire, mais non à écrire ni à dessiner. C'est aussi du genre du

sens de la forme que dépendront les progrès dans l'enseigne-

ment visuel et le travail manuel. L'enseignement des idiots doit

donc comporter dans une large mesure la culture du sens de ! a

forme. Enseignement théorique par les démonstrations des formes

et l'ensemble de l'enseignement visuel, enseignement pratique

par l'enseignement de l'écriture, de la lecture, du calcul, du tra-

vail manuel. L'étude plastique et théorique des formes oblige à fixer,

à observer, regarder, comparer, distinguer, assembler, réfléchir,

juger et préparer l'utilisation du reste de renseignement visuel, et

vice vend. Le sens de la forme grandit par l'enseignement de l'écri-

ture, de la lecture, du dessin et prend vie parla nécessité de recon-

naitre, comparer, juger la représentation graphique des formes

matérielles. En combinant ces diverses branches de l'enseigne-

ment, on prépare l'enseignement du travail manuel qui les com-

plète et est, lui, tout à fait approprié à la vie pratique '.

M. le pasteur SENGELMANN (d'Alsterdorf). Que faut-il faire pour

façonner et obtenir un bon personnel propre a l'enseignement et ci

l'assistance des idiots dans les établissements consacrés ci ce genre

de malades' ? Pour avoir un personnel capable de rendre les mul-

tiples services qu'exige l'assistance des idiots, et possédant les

qualités intellectuelles et morales indispensables à ces services, il

faut l'instruire dans un établissement d'idiots étendu et possédant

toute espèce de malades de ce genre (instruction théorique et

pratique). On évitera de changer trop souvent ces infirmiers en les

payant convenablement et en leur procurant des distractions.

Ces distractions consisteront précisément à instituer des réunions

de ces serviteurs dans lesquelles on leur dispensera l'instruction

propre et professionnelle sous forme de cours, de conférences,

1 Cela a été démontré il y a près de cinquante ans par notre compa-

triote E. Seguin, créateur de la méthode à Bc6tru. Mil. Delasiauve et

Bourneville eu ont étendu le champ. Voir d'abord, étudier l'objet tet

quel, puis l'analyser, le reproduire graphiquement; qu'il s'agisse de

formes géométriques, du lettres, de clJill'res, d'ornements, d'hommes,

d'animaux, la France doit rewucliyuer la méthode. Visitez plutôt le ser-

vice modèle de ISicêtre de il. Bourneville. P. KEXAYAL.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 123

d'entretiens; on les exercera au chant, on organisera des jeux en

commun. Mais la première condition, c'est que le directeur et les

fonctionnaires supérieurs prennent en main cette organisation; la

suivent pas à pas, y participent activement.

Enfin, c'est sur la proposition du directeur rarlllold qu'est

abondonnée l'ancienne dénomination de « Traitement curatif de

l'idiotie »; la proposition du président M. Sengelmann fait

adopter celle de « Conférence relative à l'assistance des idiots ».

La réunion se termine par la visite de l'asile d'idiots du grand-

duché de Hesse, près Darrnstadt : population 123 malades, et celle

de l'établissement de Scheuern. près Nassau : population 175 ma-

lades. (Allg. Zeitsch. f. Psych. XLIV, 1.) P. KERAVAL.

XI. CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET ALIÉNISTES

DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST.

SESSION DE 13.1DB. '.

Séance du 22 mai 1886.

M. le premier curateur l3rr..trut,>;n ouvre la séance. M. le profes-

seur Eiti3 est nommé président; secrétaires : ))rs L\QUER (de Franc-

fort), Hoffmann (d'Heidetherg).

111. le pro fesseur GOLTZ (de Strasbour=). Contribution à la physiologie

f ? dcorccdMeeeau.Présentation de deux encéphales de chiens,

chez lesquels l'expérimentateur avait déterminé de colossales

pertes de substance. Chez l'un, il avait enlevé : à gauche, en deux

séances, le lobe frontal et toute la zone motrice; a droite, outre les

mêmes régions, la plus grande partie de l'écorce du lobe occipital.

Cet animal pouvait encore fléchir la colonne vertébrale à droite

et à gauche, il aboyait, grondait, percevait les sensations en tous

les points du revêtement cutané; il ne présentait aucune paralysie

motrice. Mais il paraissait complètement aveugle, bien que la

sphère visuelle gauche n'eût pas été touchée et que celle de droite

existât encore en partie. Il semblait sourd, quoique la région

auditive n'eût pas été enlevée. Chez l'autre chien, destruction très

'Voy. Archives de Neurologie, X" Congrès, tome XI, p. 302.

124 SOCIÉTÉS SAVANTES.

étendue et très profonde des deux lobes occipitaux; anéantisse-

ment eomplet des deux zones visuelles; et cependant il voyait

parfaitement. Voici maintenant un cerveau de singe chez lequel

on avait déterminé une lésion très étendue des circonvolutions cen-

trales gauches; l'hémiplégie, très complète, n'avait été que passa-

gère ; l'animal récupéra très vite et tout à fait l'usage de ses

membres. Il est vrai que, pour l'habituer à se servir de la main

droite, parésiée, on lui attachait l'autre; ce procédé réussit égale-

ment chez un chien qui présentait après la mort une destruction com-

plète des centres moteurs des membres. Il n'y aurait donc pas dans

l'écorce de centres circonscrits servant obstinément à des fonc-

tions déterminées. Néanmoins, la théorie des localisations n'est

pas nulle, car tous les animaux qui ont survécu à des destructions

symétriques offrent des troubles extrêmement marqués dans l'in-

gestion alimentaire ainsi qu'une grande lourdeur dans les mou-

vements. ·

M. le professeur WIEDERSIIEIM (de Fribourg). Contribution il l'his-

toire des origines des organes sensoriels élevés. - Résultat des

travaux de Blaue, Beard, Froriep, concernant le développement

des nerfs crâniens et des organes sensoriels situés dans le domaine

de la tête. A une certaine période de leur développement, les

nerfs crâniens dits dorsaux engendrent à leur périphérie un

ganglion qui adhère intimement il 1'épiderme. En cet endroit,

les cellules épidermiques ne transforment en neuroépithéliums

qui correspondent aux organes d'un sixième sens découvert par

Leydig. Une partie de ces appareils occupe l'extrémité supérieure

d'une fente branchiale. Exemples : le glosso-pharyngien, le facial,

le pneumo-gastrique. Or, le même processus s'observe pour l'ol-

factif, les nerfs ciliaires, le trijumeau, l'acoustique; on en peut

donc conclure qu'au niveau de ces nerfs se trouvaient jadis autant

de fentes branchiales. Cette hypothèse trouve un important point

d'appui dans ce fait que la fente buccale des poissons résulte de

l'abouchement de deux fentes branchiales et que, d'un autre

côté, les muscles des yeux appartiennent, au point de vue mor-

phologique, à la catégorie des muscles viscéraux (A. Dohrn).

L'appareil de l'adorât n'était, à l'origine, qu'un 0 'gante sensoriel

branchial (organe sensoriel branchial de neal'd), car dans les

embryons de poissons, d'amphibies, de mammifères, la muqueuse

olfactive se compose encore de renflements nerveux semblables à

ceux que l'on rencontre il la peau des poissons et des amphibies

aquatiques. Par conséquent, les organes de l'odorat et du goût

ce dernier appareil présente également les mêmes renflements

nerveux), et probablement aussi l'organe de l'ouïe doivent dériver

d'un sens cutané ditius, répandu sur la surface entière du corps

des poissons. Mention du travail de II. de Graaf, important pour

la morphogénie et la phylogénie de la glande pinéale des verte-

.SOCIÉTÉS SAVANTES. 1 2o la

brés. Le sommet de cet organe affecte, chez les reptiles, les

allures d'un appareil sensoriel qui, d'après sa structure, ne saurait

être comparé qu'à un oeil impair; cet oeil, jadis, émergeait de la

surface du crâne par le trou pariétal qui existe encore chez les

sauriens.

M. le professeur ERB (d'Heidelberg). Etat anatomique des muscles

dans la forme juvénile de la dystrophie musculaire progressive.

(Voy. Neurolug. Centrvlbl., 188G'.)

M. le Dr Laquer (de Francfort). Communication sur un cas d'hy-

2ca'tropleie musculaire généralisée véritable. Il s'agit d'un véritable

homme muscle de trente et un ans, qui s'exhibe dans les foires à

cause du colossal développement de ses muscles, surtout des pecto-

raux, des deltoïdes, des biceps, des grands dentelés, des muscles

du tronc, du cou, de l'épaule. Quand il les contracte, on sent la

dureté du bois, mais d'une façon tout uniforme. Nulle part de

dégénérescence graisseuse, de pseudo-hypertrophie. Même aspect

athlétique des extrémités des membres inférieurs, des mains, des

avant-bras, mais moins accentué que celui du tronc et des extré-

mités supérieures. Aucune anomalie du côté de la face ou de la

langue. L'individu est t) es vigoureux, mais sa force ne correspond

pas à l'excessif volume des muscles hypertrophiés; il se fatigue

aisément quand il s'exerce trop longtemps ou d'uue manière trop

active. Intégrité de l'excitabilité électrique; un peu d'hyperexci-

tabilllé mécanique; intégrité des muscles eux-mêmes ; pas de trace

de maladie de Thomsen; nulle trace de myotonie congénitale.

C'est, en un mot, de l'hypertrophie vraie, complètement géné-

ralisée.

M. le professeur 1 oEns'rwa (d'Ileidelberâ). Lésions spinales dans,

la paralysie progressive. Il y a des cas de paralysie générale

dans lesquels, des années durant, les premiers phénomènes que

l'on constate sont des accidents tabétiques. D'autres, au contraire,

sont exclusivement caractérisés par la dégénérescence des faisceaux

pyramidaux (dégénérescence primitive, d'après Westphal, Zacher,

Schultze). Si, en effet, dans l'immense majorité des cas, les phé-

nomènes spasmodiques apparaissent secondairement, il en est

plusieurs dans lesquels ils ouvrent la scène exactement comme

les accidents tabétiques : telle est, par exemple, l'exagération des

réflexes tendineux si accusés des extrémités; ce n'est alors que

plus tard que le diagnostic des accidents cérébraux apparaît indubi-

table. Dans ces cas-là, il est fréquent d'observer, pendant les der-

niers stades, des contractures des extrémités (exclusivement sur

les fléchisseurs), de la raideur musculaire, une tension très in-

tense et très étendue dans les organes contractilcs (F. Zeicher).

1 Voy. Revues analytiques.

121(7 SOCIÉTÉS SAVANTES..

L'immense majorité des observations dans lesquelles il y avait

dégénérescence limitée aux faisceaux pyramidaux se signala par

une évolution assez rapide (deux à trois ans). Un troisième

groupe comprend les faits dans lesquels la lésion atteint avec les

faisceaux pyramidaux, les tractus latéraux cérébelleux, en laissant

absolument indemnes, les cordons postérieurs. M. luerstnereu

communique deux observations. Evolution très rapide; deux ans

au maximum ; émaciation extrêmement rapide. Quatrième

groupe : les faisceaux pyramidaux sont lésés, mais non dans tous

les systèmes de fibres qu'ils renferment. Cinquième groupe : lé-

sions en plaques des faisceaux pyramidaux. Sixième groupe :

lésion des tractus latéraux cérébelleux, des faisceaux pyramidaux,

des cordons postérieurs. - Septième groupe : lésion combinée

des faisceaux pyramidaux et des cordons postérieurs, etc. En exa-

minant tous ces divers faits, on arrive à cette constatation que,

malgré la lésion des faisceaux pyramidaux, il ne se produit pas

de phénomènes spasmodiques si les zones radiculaires des cor-

dons postérieurs des segments de la moelle correspondants sont

altérées (Zacher, Westphal). Cette proposition est également vraie

pour la dégénérescence secondaire, si l'on s'en rapporte à un fait

de F'uerstner dans lequel il existait, depuis longues années, un

tabès avec absence de réflexes. Plus tard apparurent des accidents

paralytiques du côté droit qui rétrocédèrent quelques mois après ;

finalement, accidents paralytiques du côté gauche permanents.

Mort quelques minutes après le derniers ictus. L'autopsie révéla

deux foyers symétriques dans le segment antérieur de la capsule

interne; dégénérescence descendante bi-latérale; dégénérescence

grise bi-latérale des cordons postérieurs et en particulier des

zones radiculaires postérieures jusque dons la moelle cervicale. A

aucune période de la maladie il ne s'était produit d'accidents

spasmodiques, et notamment d'exagération des réflexes tendi-

neux.

Maintenant est-ce que, étant donné ces diverses lésions spi-

nales, les altérations cérébrales de la paralysie générale sont

toujours itentiques à elles-mêmes ? Y a-t-il par exemple, dans les

cas de tabes avec paralysie générale, celte atrophie des fibres

corticales dont parle Tuczek et présente-t-elle alors des particu-

larités spéciales, quand les faisceaux pyramidaux ont concurrem-

ment dégénéré ? Prenons parallèlement le cas de Zacher 2 caracté-

risé par des accidents spasmodiques extrêmes, les faisceaux pyra-

midaux étant demeurés indemnes; les altérations de la paralysie

générale portaient-elles sur les mêmes parties du cerveau que

1 Voy. Archives de Neurologie, t. VI, Vil, VIII, X.

' Voy. pour tous les faits cités Revues analytiques antérieures.

SOCIÉTÉS SAVANTES. I : ! 7 i

d'ordinaire ? Et lorsqu'on est certain que le paralyptique général

eu question a eu antérieurement la syphilis, les cordons poslé-

lieurs sont-ils prédisposés à la dégénérescence grise ? En ce qui

concerne cette dernière question, depuis plusieurs années Fuert-

ner s'est préoccupé à ce point; son expérience contredirait à

l'admission de cette opinion ; il a notamment observé quatre cas

dans lesquels les anamnestiques révélaient la syphilis; ce furent

les faisceaux pyramidaux et non les cordons postérieurs qui furent

affectés.

M. le Dr Edinger (de Francfort). Des conditions d'origine du nerf

auditif et du «tractus cérébelleux sensoriel direct » . - D'après ses

recherches personnelles sur de nombreux fa.lu, humains,

des embryons de chats, des encéphales d'adulles : 1° la racine

postérieure de l'acoustique émane du noyau acoustique antérieur

en connexion lui-même avec l'olive supérieure du côté opposé,

par l'intermédiaire d'un puissant tractus qui se dirige dans le

corps trapézoïde, avec l'olive supérieure du même côté par l'in-

termédiaire de quelques fibres, avec le noyau acoustique interne

par l'intermédiaire de fibres arcuées qui sont situées au-dessous

des stries acoustiques ; l'olive supérieure est en connexion avec

le cervelet, ainsi qu'avec le noyau de l'oculomoteur externe; ? laracine antérieure de l'acoustique émane du noyau acoustique

interne en connexion lui-même avec l'olive supérieure. L'acous-

tique reçoit encore le segment interne du pédoncule cérébelleux

de Meynert que M. Edinger appelle tractus cérébelleux sensoriel

direct. Ce tractus émane de la 'région des noyaux du toit; il

commence par des fibres assez épaisses qui existent en dedans du

corpus dentatum cerebelli, se sépare nettement de la partie spinale

du corps restiforme qui embrasse latéralement le corps dentelé

cérébelleux, arrive tout contre la commissure antérieure d'entre-

croisement du vermis de Slilling et se divise en deux branches.

L'une de ces branches aboutit à l'acoustique; l'autre descend plu

bas en avant jusqu'au trijumeau. Une troisième même gagne en

arrière les cordons postérieurs; comme on constate dans cette

direction que le tractus s'amincit, il est probable qu'il fournil des

libres au glosso-pharyngien et au pneumogastrique : ce faisceau

qui n'a rien à voir avec l'auditif est identique àce que Roller dé-

signe sous le nom de racine ascendante de l'acoustique ; il est

extrêmement puissant chez les animaux inférieurs, notamment t

chez les poissons. Somme toute, le cervelet envoie des fibres di-

rectes aux nerfs sensoriels périphériques. Le noyau de Deiters se

trouve englobé dans le tractus cérébelleux sensoriel direct; on

s'explique comment la résection des cordons postérieurs entraine

la dégénérescence de ce noyau (llunalcow, Vejas) 1, puisque la sec-

' Voy. Revues analytiques.

'128 SOCIÉTÉS SAVANTES.

lion porte en même temps sur la branche postérieure du trac-

tus cérébelleux sensoriel direct.

M. le professeur Thomas (de Fribourg). S1tI'Wl cas de polynévrite.

Observations d'un homme de trente-deux ans, grand buveur de

bière, qui, après avoir présenté de l'embarras gastrique simple (fév.

1881), fut pris, en mai 1881, de douleurs dans les extrémités infé-

rieures avec un peu de fièvre. Hypéresthésie et émaciation des

membres inférieurs, légères douleurs du tronc et des extrémités

supérieures. En juin, hypéralgésie, amaigrissement prononcé des

jambes et du bras droit; un peu de glycosurie. Fin juin et début

de juillet, les douleurs décroissent, les membres jusque-là para-

lysés reprennent leur motilité; intégrité de l'urine. Diagnostic :

polynévrite rhumatismale compliquée de glycosurie.

M. le docent Rumpr. Contribution à la pathologie des centres

corticaux moteurs. Homme de trente ans, frappé à la tête d'un

coup de fourche à fumier qui l'étend sans connaissance. Pendant

longtemps après, paralysie des extrémités droites et de la jambe

gauche. Exagération des réllexes cutanés et tendineux; intégrité

de la sensibilité dans tous ses modes; intégrité du sens musculaire.

Lésion avec enfoncement des deux tiers supérieurs du pariétal

gauche et de l'extrémité supérieure du pariétal droit. Trépanation

pratiquée par'l'rendelenburg. Rapide amélioration ; quelques se-

maines plus tard, le malade se sert de son bras droit et marche

à l'aide de deux cannes. Démarche spasmodique.

M. le professeur HACK (de Fribourg). Contribution à la thérapeu-

tique opératoire de la maladie de l3asedow. - Il s'agit d'une femme

présentant dès s'a plus tendre enfance de l'exophthalmie, un défaut

de concordance entre le mouvement de la paupière et l'abaissement

du regard, une dilatation de la fente palpébrale; plus tard, hyper-

trophie modérée de la glande thyroïde, battements de coeur très

prononcés. Hypertrophie cardiaque se portail surtout sur la gauche.

La malade vient consulter pour des phénomènes d'obstruction

existant depuis longtemps dans le nez; on constate une hy-

pertrophie considérable des renflements des cornets moyen

et inférieur des deux côtés. Destruction galvano-caustique. Le

lendemain dujour où le côté droit a été opéré, le globe ocu-

laire du même côté rentre complètement dans l'orbite; même

phénomène pour le côté gauche. Avec la disparition de l'exo-

pjlllralmie disparait la fixité du regard, disparaissent les batte-

ments de coeur; l'hypertrophie cardiaque diminue ainsi que celle

de la glande thyroïde. Cette amélioriation s'était maintenue plu-

sieurs mois après. Conclusion pratique. Examinez le nez d'indi-

vidus atteints de goitre exophthalmique surtout quand ils se

plaignent d'accidents du côté de cet organe.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 129

Séance du 23 mai. Présidence du professeur BEnLIN.

Sur la proposition du professeur JOLLY, la prochaine séance du

congrès aura lieu à Strasbourg, à raison de l'intérêt qu'offre la

clinique psychiatrique nouvellement installée. Secrétaires pour

l'année suivante : professeur Jolly (de Strabourg); Dr Fischer

(d'Illenau).

Présenlation par M. RIEGEn du nouveau galvanomètre à res-

sort du professeur KOIILRAUSCH; simplicité, bon marché, retour

rapide à l'état d'équilibre, telles sont les qualités qui recom-

mandent cet instrument dont on trouvera la description dansson

livre (Grundriss der medicinischen Elect2-icitâtsleh ? ,e). % N

Présentation par le Dr EDINGEN des microphotographies et des

épreuves photographiques de la maison Kühl et Ci°, de Francfort.

Méthode orthrochromatique. Clarté, netteté, même pour des pré-

parations qui, comme celles de la méthode à l'hématoxyline de

Weigert, ne sont pas toujours venues avec la précision dési-

rable. Elles supportent l'examen à la loupe; ainsi sur une coupe

de moelle faiblement grossie on saisira, sur le dessin, à l'aide

de cet instrument, toutes les cellules.

M. le professeur KAST (de Fribourg). Contribution à l'anatomie

pathologique de la paralysie infantile cérébrale. On ne connaît

cette maladie que depuis vingt ans; les nécropsies. assez rares, sont

loin d'expliquer rationnellement les phénomènes cliniques. C'est

Bourneville et ICundrat' qui ont fourni la plupart des descriptions

anatomo-pathologiques. Dans ces dernières années, Struempell2 a

proposé la dénomination de polioencéphalitc qui correspondrait,

d'après lui, au complexus clinique observé. Or Kast a observé les

faits suivants :

Observation I. Enfant de six mois pris soudain pendant la nuit de

vomissements et de convulsions du côté droit, nuque indemne. Les con-

vulsions reparaissent pendant plusieurs jours et laissent après elles de

l'hémiparésie droite. Quelques mois après, seconde série deconvulsionssui-

vies d'hémiplégie gauche. D'autres attaques portèrent surtout sur' la moi-

tié droite du corps. Après l'apparition de dix à douze séries, mort à l'âge de

quatorze mois. Autopsie. Abondance de sérosité sous dure-mérienne.

Réduction de volume de tout l'ensemble des circonvolutions et de la subs-

tance blanche; absence d'hydropisie ventriculaire. La région motrice

paraît principalement étriquée; il en est de même, mais à un moindre

degré, des circonvolutions occipitales et frontales. Intégrité du crâne, de

la dure-mère, de la pie-mère. Pas d'encéphalite apparente, mais le mi-

' Voy. « Revues Analytiques antérieures et Sociétés ».

$Id.

Archives, t. XV. 9

130 SOCIÉTÉS SAVANTES.

croscope décèle une sclérose diffuse des circonvolutions cérébrales por-

tant sur la substance blanche comme sur la substance grise. Observa-

tion II. Enfant issu d'une mère nerveuse. Il est, en pleine santé, pris de

convulsions qui portent sur le côté droit et se renouvellent tous les deux

mois. Le second accès laisse après lui une parésie spasmodique de la

moitié droite du corps. Mort à l'âge de trois ans. L'autopsie révèle une

atrophie très accusée d'un hémisphère cérébral sans autre dégénéres-

cence ; pas d'encéphalite.

Comme d'autre part une statistique d'un hôpital de Genève

donne sur soixante autopsies cinq à six cas seulement de cica-

trices encéphaliques, Kast pense qu'il serait prématuré d'adopter

l'idée de Struempell et qu'il faut réserver la question anatomo-

pathologique. Remarquons d'ailleurs que la paralysie infantile

spinale tend, après le premier assaut, à décroître, tandis que la

paralysie infantile cérébrale tend à progresser.

M. le Docent Enrcessen (de Fribourg). Sur un cas de rhumatisme

articulaire aigu compliqué de paralysie spinale. - Homme de cin-

quante-sept ans. Le 18 décembre 1886, angine tonsillaire; le 24,

fièvre (+ 390 C.), rhumatisme articulaire aigu généralisé jusqu'au

29. Le 31, fièvre (+ 390 2) et douleurs très violentes au niveau de

la cinquième lombaire et du sacrum; puis les douleurs s'étendent

à toute la colonne lombaire. Une amélioration très passagère

émane de l'emploi du salicylate de soude, puis les douleurs re-

prennentde plus belle empêchant tout mouvement ; angoisse; l'em-

ploi du salicylate de soude et de l'antipyrine fait disparaître les

douleurs. On en constate bien encore le long du sciatique et des

nerfs cruraux, mais la sensibilité au tact et à la douleur parait

intacte. Le 20 janvier, essai infructueux de marcher malgré l'ap-

pui de deux personnes; parésie musculaire, surtout de la jambe

droite; épuisement des réflexes patellaires à droite, diminution

des mêmes réflexes à gauche, réaction dégénérative sur plusieurs

groupes de muscles qui présentent en même temps de l'hyperexci-

tabilité mécanique. Sous l'influence de l'électrisation galvanique

de la colonne vertébrale et des groupes musculaires traités indivi-

duellement, amélioration lente mais radicale. Cure à Bade-les-

Bains. Aujourd'hui la marche est encore assez pénible ; elle

cause une certaine angoisse, mais le malade peut marcher à l'aide

de deux cannes, sans autre appui, pendant un certain temps, et se

tenir debout les yeux fermés.

Conclusion. Les douleurs du début le long de la colonne ver-

tébrale sont imputables à une arthrite lombosacrée; les douleurs

ultérieures irradiant dans les extrémités inférieures témoignent

d'une méningite lombaire; les phénomènes paralytiques ont été

le signal d'une myélite lombaire des cornes grises antérieures;

l'absence de troubles de la sensibilité implique l'intégrité de la

moelle postérieure. Le processus s'élant limité exclusivement à la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 131

moelle lombaire, l'auteur croit que l'inflammation s'est propagée

des articulations vertébrales à la méninge et à la moelle..

M. le U° rncnuavrr (de Stephansfeld). Des altérations histologiques

dans les formes traumatiques de l'encéphalite aiguë. - Résultats

d'expériences sur des lapins et des moineaux. L'inflammation

varie suivant le mode opératoire. Une cautérisation détermine

autour du point nécrosé, dans les premiers jours la formation

d'une charpente conjonctive constituée par de nombreux éléments

fibroplastiques fusiformes et étoilés qui englobent de grosses cel-

lules rondes, la plupart à plusieurs noyaux, cellules contenant

graisse et substance blanche nerveuse dans lesquelles, par un

traitement approprié, on fait apparaître la scission karyokiné-

tique des noyaux; il n'y a pas ou presque pas de cellules de pus.

L'irritation septique est caractérisée parla production précoce de

nombreux extravasats de cellules rondes issues des vaisseaux voi-

sins ; ces cellules préforméës prolifèrent dans le tissu même à la

façon des protoplasmas et non des fibres; il ne se produit pas

d'abcès : la substance conjonctive se détruit et forme avec le pus

des amas cellulaires pleins de micrococcus (méthode de recherche

de Gram). Si, au pourtour du foyer purulent, le tissu conjonctif

se met à se transformer en fibres-cellules, il se produit une mem-

brane. Une irritation purement mécanique parfaitement aseptique

détermine aussi une nécrose centrale ; puis, se montre une zone de

dégénérescence avec amas granuleux assez abondants ; enfin, une

zone irritative moins intense et se limitant essentiellement au tissu

conjonctif et aux parois vasculaires, de sorte que dans les pre-

mières semaines, il ne se forme pas de réseau conjonctif continu.

Donc le premier stade de l'encéphalite aiguë ou ramollissement

rouge présente des différences selon qu'il se produit de la suppu-

ration ou une véritable organisation primitive. Les stades plus

avancés de l'inflammation par cautérisation (quatrième à huitième

semaine) se traduisent par une tendance à l'épaississement con-

jonctif (nombreuses fibres-cellules accolées les unes aux autres en

étoiles ou en fuseaux avec cellules ordinaires disséminées entre

les premières. Toute irritation intense (cautérisation ou inflamma-

tion septique) détermine de but en blanc, et dans le tissu conjonc-

tif, et dans le parenchyme nerveux, des altérations intenses égale-

ment, tandis qu'une excitation faible porte seulement sur la né-

vroglie. Cependant, dans la substance blanche de la moelle, le

premier résultat peut être, même par une lésion mécanique, une

tuméfaction étendue de cylindraxes. Si l'on envisage le point de

vue hi;togéniqtte, on ne perçoit l'existence d'un processus progres-

sif qu'à partir du milieu du second jour; il se traduit d'abord par

l'intrication de fins trabécules formés par des noyaux, puis par

une rapide tuméfaction des cellules mêmes du tissu conjonctif, et

en même temps par la formation des cellules granuleuses. Les

132 SOCIÉTÉS SAVANTES.

través de tissu conjonctif néoformé dérivent dans l'inflam-

mation due à la cautéri sation, principalement de la prolifé-

ration des cellules de la névroglie dont une grande part serait

manifestement en rapport avec les parois des vaisseaux prolifé-

rantes. Ainsi, dans la substance grise, dès le second jour, sur le

bord de la cavité qui renferme des granulations, on voit s'établir

une sorte de demi-lune constituée par le gonflement et la saillie

des cellules endothéliales qui bientôt prolifèrent pour donner

naissance à des cellules du tissu conjonctif. Les cellules à plusieurs

noyaux englobées dans le réseau conjonctif, remplies de graisse

et de substance blanche nerveuse, émanent, au moins pour un

certain nombre, des granulations qui subissent la scission karyo-

kinétique. Quand doit survenir la suppuration, on voit se gonfler

les granulations, qui n'ont pas dès le premier jour subi la

destruction molécule à molécule; les cellules marginales de

la demi-lune que nous avons mentionnée plus haut, s'hypertro-

phient et s'anastomosent entre elles. Mais il est impossible de dé-

montrer que des cellules de pus émanent de cette prolifération.

La prolifération vasculaire parait se produire par l'abouchement

et la canalisation des cellules-araignées et des cellules fusiformes

du tissu conjonctif. La pie-mère et l'épendyme qui avoisine le

foyer inflammatoire participe vivementà toutes les proliférations.

Les cellules nerveuses subissent en même temps la régression : re-

coquillement, sclérose avec perte du noyau, tuméfaction homo-

gène, finalement déchéance granuleuse, formation de cellules

granuleuses. Les cylindraxes ne paraissent pas subir d'hyperplasie.

On constate simplement une tuméfaction homogène, puis ils se

fendent d'abord en gros grains, puis en morceaux; mais ils ne

subissent ni la prolifération nucléaire, ni la prolifération cellu-

laire. Les manchons de myéline augmentent de volume, se cas-

sent très vite et disparaissent en donnant naissance à la forma-

tion de cellules granuleuses.

M. le professeur SCHOLTZE (d'Heidelberg). Présentation de prépa-

rations de selé7@ose ? ntiltiloculaii . .traitée par la méthode de Freud

au chlorure d'or. On y voit, grâce à l'élection double, un grand

nombre de cylindraxes dénuées dans la région scléreuse. Ce qui

prouve bien que le cylindraxe ne prend pas la même coloration

que la substance blanche ni que la névroglie. Présentation de

préparations de ganglions spinaux de chat et de chien et de coupes

de moelles de chiens, afin de montrer que les cellules nerveuses

normales présentent dans les ganglions et la moelle des réactions

colorées différentes même à l'état nurmal. -Courte observation

de tubercule dans la moelle épinière et le bulbe chez un homme de

quarante-huit ans. Paralysie progressive de la motilité et de la sen-

sibilité dans les extrémités inférieures. Le tubercule siégeait dans

la partie la plus supérieure du renflement lombaire dont il occu-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 133

pait, à droite, la plus grande partie de la section transverse de

l'organe. La compression qu'il exerçait sur l'autre moitié de la

moelle avait déterminé une dégénérescence ascendante secon-

daire des cordons postérieurs. On trouva encore un tubercule du

volume d'un noyau de cerise dans le corps restiforme d'un côté; i

celui-ci parait n'avoir déterminé aucun accident pendant la vie.

M. le professeur SCHOTTELlUS (de Fribourg). Des vaccinations pré-

servat ? 'ices de Pasteur. - Exposé doctrinaire qui résulte d'un

voyage fait par l'orateur à Paris, pour étudier la méthode et les

recherches du savant français. On ne peut, conclut-il, en considé-

rant les principes théoriques et les preuves pratiques alléguées

par le maître, blâmer Pasteur de s'être adressé à des maladies

infectieuses quelconques, de les avoir manipulées pour les faire

servir de vaccins préservateurs. Mais, pour le moment, on ne sautait

encore décider si les vaccinations antirabiques auront un résultat

utile, pas plus qu'on n'est en droit de les critiquer. Quoi qu'il en soit,

pour nous Allemands, le succès de ces vaccinations n'a pas d'ap-

plication utile, car chez nous, nos mesures sanitaires préventives

sont telles que la rage du chien a, somme foute, été exterminée;

il en est tout autrement en France où la rage joue le rôle de notre

trichinose qui, inversement, n'existe pas en France.

M. le Docent TuczET (de Marbourg). Nouvelles communications

sur les troubles nerveux permanents consécutifs à l'ergotisme. - Il

s'agit toujours des fait ? d'ergotisme spasmodique épidémique de

Frankenberg (1879-1880) (Archiv. f. Psych. XI, VIII)1, caractérisés

par des troubles intellectuels, des convulsions épileptiformes, la

lésion des cordons postérieurs (quatre autopsies déjà communi-

quées). Sur les vingt-cinq malades restants, cinq autres ont suc-

combé; il y a eu de nombreuses récidives; deux présentent

encore des convulsions épileptiformes, douze sont atteints de la-

cunes plus ou moins profondes de l'intelligence, quatre sont en

proie à des parèsthésies, neuf à de la céphalalgie. Chez deux seu-

lement le phénomène du genou a reparu des deux côté»; chez un,

d'un côté-; chez les autres, il manque encore. En aucun cas l'on

n'a eu à constater de progression ni dans la démence ni dans la

lésion des cordons postérieurs (analogie avec des lésions semblables

produites par d'autres poisons). Une des quatre moelles décèle

(préparations à l'appui), une atrophie presque complète des

réseaux de fibres nerveuses dans les colonnes de Clarke.

M. le professeur Berlin (de Stutlgarl). Nouvelles observations de

dyslexie avec autopsie. Le terme de dyslexic désigne un accident

intermédiaire à l'alexie et à la paialexie. L'auteur a fait, il y a

' Voy. Analyses des Archives de Neurologie. Volumes antérieurs.

134 SOCIÉTÉS SAVANTES.

trois ans, une communication' qui portait sur cinq malades; trois

étaient déjà morts. Aujourd'hui il a une somme de six cas à sa

disposition ; les six malades ont succombé, dont cinq à l'affection

qui avait débuté par de la dyslexie constituant un des symptômes

du début ou le symptôme vraiment initial, et l'autre à un érysi-

pèle. La dyslexie consiste dans l'impossibilité de lire, qpel que

soit le caractère imprimé, plus de trois, quatre, cinq mots l'un

après l'autre. Ces quelques mots sont lus correctement sans para-

phasie, puis le malade se trouve incapable de continuer; après

une pause de quelques secondes, il reprend, lit de nouveau trois,

quatre, cinq mots et s'arrête encore. De cette fraction d'efforts

il ne peut former un tout satisfaisant, qu'il lise à haute voix ou

des yeux. Intégrité complète de la parole qu'il comprend, qu'il

émet spontanément, qu'il peut répéter. Intégrité de la vision, ou

troubles de la vue n'ayant rien à voir avec cet accident. Soudai-

neté d'ailleurs delà dyslexie survenue chez des hommes jusque-là

bien portants, ce qui permet de la rattacher à une maladie du

cerveau, d'autant plus que, soit de concert avec elle, soit plus

tard, on constate des vertiges, de la céphalalgie, des obnubila-

tions passagères du sensorium, de l'hémianopsie, de l'aphasie,

des convulsions occupant la moitié droite de la face, une sensa-

tion annulaire au petit doigt du côté droit, de la paralysie des

extrémités droites, dans un cas même, des extrémités gauches,

de la perte de connaissance, des convulsions généralisées, etc...

La dyslexie occuperait, d'après M. Berlin, la même situation dans

le centre nosologique que la cécité verbale isolée. D'après le

schéma de Lichtheim', cette dernière émanerait d'une interrup-

tion entre le cadre des images écrites et le centre des images

phonétiques, lescentres eux-mêmes et toutes les autres voies de

transmission ayant conservé leur intégrité. La dyslexie ne devrait

donc pas être rattachée aux aphasies proprement dites; elle

représente une aphasie dans un sens plus large, un trouble de la

faculté signatrix de Kant. Ce qui la différencie de sa cécité verbale

proprement dite, c'est que, dans la dyslexie le malade reconnaît

encore les mots, mais il n'en peutreconnaitre beaucoup; ce serait

donc une cécité verbale incomplète et isolée. Il est probable en

outre que dans la dyslexie tous les tractus propres à la faculté

d'écrire sont intacts (écriture spontanée, écriture sous la dictée,

écriture d'après un modèle); si M. Berlin n'a pas examiné à ce

point de vue ses malades, c'est que ses observations sont anté-

rieures au schéma de Lichlheim. D'ailleurs, il supposait qu'il

serait difficile, en l'espèce, de savoir si la difficulté d'écrire, qui

eût pu se manifester, tenait à la dyslexie, ou avait son autonomie

1 Voy. Archives de Neurologie, t. VIII, p. 375.

' Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 92.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 135

propre (dysgraphie pure). En tous cas la dyslexie est un symptôme

de lésion en foyer; sa lésion doit résider dans l'hémisphère

gauche, si l'on s'en rapporte à l'observation quasi simultanée

d'accidents paralytiques, convulsifs, sensoriels et sensitifs du côté

droit, ainsi qu'à quatre des nécropsies qu'a vues M. Berlin. Sur les

deux observations qui lui sont personnelles il a vu, en un cas,

absence absolue de toute altération manifeste de la substance

cérébrale, mais en revanche, l'artère sylvienne gauche et celle-là

seule, était athéromaleuse jusque dans ses plus fins rameaux. Dans

l'autre cas, existait un ramollissement étendu de la substance

grise.de la pariétale inférieure gauche, ramollissement englobant

précisément la zone sur laquelle, il y a trois ans il appelait l'at-

tention à propos de l'autopsie après dyslexie dont ou se souvient'.

Mais, comme il existe aussi quelques cas de cécité verbale isolée

avec lésion de la pariétale inférieure, lésion siégeant seulement

un peu plus en arrière, ce siège engage précisément à une grande

réserve, surtout quand on a trouvé, comme dans l'espèce, d'autres

lésions de l'écorce, en matière de localisation, de généralisation;

on hésite alors à dire que l'altération envisagée au lieu indiqué

est fatalement la lésion de la dyslexie. Il convient donc simple-

ment d'appeler l'attention sur le fait en question, et de faire

remarquer que, dans cette forme d'aphasie, c'est sans exception

la moitié gauche du cerveau qui se trouve lésée. Quoi qu'il en soit

au surplus de l'inconstance ou de la constance, de la contradic-

tion même des lésions et de leur localisation clinique dans le

présent ou dans l'avenir, les observations cliniques actuelles

relatives à la dyslexie conduisent incontestablement à ceci. Cet

accident, en apparence si insignifiant, si facile à confondre,

si on ne l'analyse pas à fond, avec un trouble simple de la vue,

qui, dans tous les cas observés, est passager, car il ne dure généra-

ment pas plus de quatre semaines environ, est tout simplement

un symptôme de lésion en foyer du cerveau et comporte sans

exception un pronostic mortel; dans tous les cas, cette lésion a

pris sa source, quel qu'en ait été le mode d'évolution ultérieur,

dans les artères cérébrales.

M. le Dr von HOFF3fAIN (de Bade). Sur un cas de méningite

avec suppuration dans l'espace intravaginal du nerf optique. -

Homme atteint, la septième semaine de son mariage récent, d'a-

bord d'éruption furonculeuse à la nuque; le 12 juin 1886, vio-

lentes céphalalgies, notamment au-dessus de l'oeil gauche, insen-

sibilité morale et intellectuelle, réflexion pénible, ralentissement

du pouls et de la respiration. Température normale. Ne peut

supporter sur la tête la glace qui augmente ses douleurs. Mal-

gré les purgatifs administrés, l'état demeure le même jusqu'au

Voy. Archives de Neurologie, VIII, p. 375, et IX, p. 92.

136 SÉNAT.

15 juin. A ce moment complète cécité de l'oeil gauche, pouls : 44.

21 juin, légère exophtalmie et fièvre (38,7), réponses lentes et

embarrassées. L'oeil gauche présente, outre une exophtalmie ré-

ductible, de la hlépharoplose, une immobilité absolue du globe, de

la mydriase; les milieux sont transparents, la pupille est extrê-

mement gonflée. Le 31 l'oeil est déplacé en bas et en dedans, et

n'est plus réductible. Le 1 juillet, on va à la recherche du pus

sans résultat dans l'orbite; il occupe par conséquent le trajet du

nerf optique; on va déchirer la gaine dont il sourd de l'espace

ampullaire dilaté : un drain est placé. On favorise par la position

de la tête l'écoulement d'une sécrétion d'abord purulente, puis

aqueuse; les choses durent ainsi quatorze jours, la plaie se ferme

- ensuite rapidement. Le 20 juillet, retour à la maison : allure

anxieuse, parole encore lente et embarrassée, disparition de la

fièvre; coeur et appétit normaux. Après avoir fait un trajet de

trois heures et demie pour arriver chez lui, il ressent, à son arri-

vée, des douleurs dans le côté gauche. Huit jours plus tard, au-

dessous des fausses côtes, dans la région dorsale, du même côté,

apparaît un abcès froid. On l'évacué artificiellement le 10 août; un

demi-litre de pus de bonne nature; le doigt atteint une cavité

sise dans la région de la rate (infarctus splénique assez probable);

irrigation; guérison le 23 août. Guérison complète, mais cécité

de l'oeil gauche par atrophie blanche de la papille. Diagnostic :

éruption de furoncles ayant déterminé une méningite suppurée

qui a fusé dans l'espace intravaginal du nerf optique, ainsi qu'un

abcès de la rate.

M. le Dr IIECKER (de Johannesberg). Des conditions d'admission dans

les maisons de santé dites ouvertes pour maladies nerveuses. Le

nombre des maisons de santé ouvertes, correspondant à un réel

besoin, a augmenté considérablement pendant ces dernières an-

nées. Sans doute c'est un abus et une chose regrettable que de

voir la plupart des directeurs de ces établissements déclarer

qu'ils peuvent recevoir les hystériques, les hypochondriaques, les

anxieux, les individus atteints d'obsessions, tandis qu'à.côté de

cela ils disent que les troubles psychiques sont exclus deleurs éta-

blissements. Cette contradiction tient à ce que les prospectus

s'adressent à des profanes qui ne considèrent pas comme aliénés

les malades dont nous parlons. D'un autre côté, il est incontes-

table que tels de ces malades conviennent plutôt à un établisse-

ment fermé, tels autres à un établissement ouvert. Il importerait

par conséquent de trouver une clef pratique propre à rendre

compte' de l'opportunité de placer chaque malade en tel ou tel

établissement. Voici ce que M. Hecker a trouvé :

Peuvent seuls être placés dans une maison de santé ouverte : 1° ceux

qui ont pleine conscience de leur maladie, plein discernement de leur

SOCIÉTES SAVANTES. 137

état morbide; 2° ceux qui viennent d'eux-mêmes se faire traiter par un

médecin ; 3 ceux qui, maîtres de leurs actes, sont capables de donner

suite aux prescriptions médicales; 4° ceux qui n'ont besoin d'aucune sur-

veillance spéciale; 5° ceux enfin qui ne frappent pas leur entourage

parleurs anomalies intellectuelles et qui, parsuite, ne sont aucunement à

charge à personne.

M. Hecker ajoute que, depuis qu'il a vulgarisé ces conditions, il

n'a pas vu commettre d'erreurs. Il faut seulement que le patient

remplisse l'ensemble de ces cinq desiderata, une seule des

conditions prescrites ne suffisant pas. Comme, en outre, l'admis-

sion'des patients qui répondent aux cinq exigences en question ne

présente pas un caractère d'urgence, la chose peut aisément se

traiter par correspondance. Et l'on ne serait craindre de dépeu-

pler nos maisons de santé en en éliminanttous ceux qui ne rentrent

pas dans la catégorie envisagée; des milliers de malades y répon-

dent qui cependant doivent subir un traitement psychologique.

C'est ce que prouve d'ailleurs la fréquence des maisons de santé

ouvertes, se soumettant rigoureusement aux prescriptions sus-énon-

cées. Comme les malades en question doivent être reçus dans des

maisons de santé ouvertes, il faut que les directeurs soient des alié-

nistes ; seuls du reste ils sont en état d'opérer la sélection voulue,

d'assurer toutes les installations de rigueur, d'empêcher que l'é-

tablissement ne soit transformé en un asile d'aliénés déguisé et mal

outillé, de voir si, dans le cours de la maladie, l'une des cinq con-

ditions précédentes ne se trouve plus remplie.

M. le Dr A. 1 ncx (de Bade). De l'influence des bains d'étuve dans

le traitement mercuriel de la syphilis. Nouvelles éludes sphygmo-

graphiques d'après lesquelles la pression et la tension artérielle dé-

croit dans le bain, la fréquence du pouls augmentant. Sous l'in-

fluence des allusions froides, le pouls revient rapidement à la

fréquence normale, tandis que la pression et la tension vasculaire

montant considérablement dépassent de beaucoup les conditions

normales. Le bain d'étuve dans le traitement mercuriel de la sy-

phylis : 1° excite l'appétit et accélère les échanges nutritifs; 2° sert

à assurer le diagnostic dans les cas douteux; 3° accélère l'excrétion

du mercure devenu sans effet pour la neutralisation des bacilles

syphilitiques. Quand, par exemple, il s'agit de savoir si la syphilis

est guérie ou demeure latente, la sudation en mobilisant les

germes latents provoquera une nouvelle éruption. Veut-on se

rendre compte de la nature syphilitique ou mercurielle d'une

éruption donné, la sudation augmentera l'intensité de la première,

améliorera la seconde. La sudation en décomposant les matières

albuminoïdes libère le mercure intimement uni à ces der-

nières. Le meilleur mode de traitement hydrargytique, c'est la

friction à l'onguent, ou, en cas d'urgence, les injections sous-cu-

138 SÉNAT.

tanées de sublime et de chlorure de sodium. En administrant le

médicament, on prescrit les bains d'étuve à intervalles réguliers

suivant le degré de la maladie et la résistance du malade. (Anch.

f. Psych. u. Nerv. XVIII, .) P. KERAVAL.

SENAT

DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS

Suite de la séance du jeudi 2 décembre 18S6 '.

M. PAR'S. Je demande la parole.

M. le Président. La parole est à M. Paris.

M. Paris. Messieurs, j'approuve l'amendement présenté par

l'honorable M. Bardoux et accepté par la commission; mais en

môme temps je propose d'y apporter une très légère modification

concernant le paragraphe 2. Il serait, à mon avis, rédigé ainsi :

« Un administrateur nommé par le ministre de l'intérieur sur la

liste dressée par le tribunal civil », je supprimerais, par consé-

quent, ces mots : « des anciens notaires ou avoués ». A cette sup-

pression, je trouve deux avantages : le premier, c'est qu'on évite

d'imposer ainsi à la présentation du tribunal et, par suite, au

choix de M. le ministre de l'intérieur, une trop grande restriction.

Il pourra se rencontrer des circonstances dans lesquelles, pour un

arrondissement, le nombre des anciens notaires ou des anciens

avoués acceptant ces fonctions sera tellement limité que ce sera

pour ainsi dire la carte forcée.

M. DGSMOLE, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous avez

absolument raison ! ·

M. Paris. Et, d'un autre côté, si le tribunal est obligé de porter

sur sa liste tous les anciens notaires ou tous les anciens avoués,

on risquerait quelquefois d'appeler le choix du ministre de l'in-

térieur sur des personnes qui pourraient n'être pas absolument

dignes de sa confiance. Laissons, par conséquent, au tribunal le

' Voy. Arc/¡. de Neurologie. XIII, p. 135, 258, 139 et t. XIV, p. 135, 307,

421.

SÉNAT. 139

soin de dresser sa liste de présentation ; il la composera de toutes

les personnes qu'il jugera, par leur connaissance des affaires,

mériter la confiance du ministre de l'intérieur. En première ligne,

il y placera les anciens notaires et les anciens avoués, s'il en

existe, qui méritent cette confiance, et, à côté, il pourra faire

figurer d'autres personnes de manière à présenter au choix une

plus grande quantité de sujets. Cette proposition, vous le voyez,

messieurs, respecte complètement la pensée qui a inspiré l'amen-

dement de M. Bardoux, et, à mon avis, elle l'améliore. (Approba-

tion sur un grand nombre de bancs.)

M. Bardoux. J'adhère aux observations qui viennent d'être pré-

sentées par l'honorable M. Paris.

M. LE Rapporteur. La commission s'y associe également.

M. le Président. Personne ne demande plus la parole ? ... Nous

nous trouvons toujours en présence de l'amendement de M. Com-

bes, qui, quoique s'en référant à l'avis actuel de la commission,

maintient ces mots « et après un concours public ».

M. B.nnoux. Monsieur le président, vous savez que je me suis

expliqué sur ce point à l'article 6.

M. le Président. Monsieur Combes, vous n'insistez pas, alors ?

M. COM13ES. Non, monsieur le président.

M. le Président. Je donne une nouvelle lecture de la rédaction

de l'article 11 proposée par M. Bardoux et acceptée par la com-

mission : « Art. 11. - Dans chaque département, un docteur en

médecine, nommé par le ministre de l'intérieur, sur une liste de

présentation dressée par le conseil supérieur des aliénés, confor-

mément à l'article 6, surveillera dans sa circonscription, sous l'au-

torité du préfet, l'exécution de la présente loi et des règlements

relatifs aux aliénés, assurera la protection de leurs personnes,

contrôlera leur placement et leur maintien dans les asiles publics

et privés, surveillera leur séjour, veillera à leur sortie... »

Je m'arrête ici, puisque la commission se réserve de discuter la

disposition qui suivait, à propos des articles 20 et 21, et je passe

au deuxième paragraphe : « Un ou plusieurs administrateurs

nommés par le ministre de l'intérieur sur la liste dressée par le

tribunal civil, seront chargés des fonctions d'administrateur pro-

visoire vis-à-vis des personnes non interdites placées dans les éta-

blissements publics ou privés d'aliénés. » Je consulte le Sénat sur

cette nouvelle rédaction de l'article 11. (L'article 11 nouveau, mis

aux voix, est adopté.)

M. le Président. Il est bien entendu que l'article 11 est adopté

sauf la partie réservée pour la discussion des articles 20 et 21.

Nous arrivons, messieurs, à l'article 12. Il y a sur cet article un

ameudement de M. Bardoux ; il est conçu en ces termes : « Les

140 SÉNAT.

honoraires de ces deux fonctionnaires seront réglés ainsi qu'il

sera dit à l'article 48. L'administrateur fera partie de droit de la

commission administrative de surveillance. Un règlement d'admi-

nistration publique déterminera au surplus leurs fonctions. » La

parole est à M. Bardoux.

M. BARDoux. Messieurs, quelques courtes explications vous feront

comprendre la portée du second amendement que j'ai rédigé sur

l'article 12. et qui est également accepté par la commission et par

le Gouvernement. Cet amendement pose un principe : c'est que

les deux fonctionnaires ou les deux agents créés par l'article 11 ne

rempliront pas des fonctions gratuites. Messieurs, l'expérience

apprend, et tout spécialement quand on examine les enquêtes

faites sur la loi de 1838, que tout service exigeant un travail assi-

du, régulier, ne s'exécute bien que lorsqu'il comporte une lému-

nération ou des honoraires.

M. DR Gavardie. C'est une erreur !

M. B : ncoox. Je vous demande pardon, monsieur de Gavardie ;

je vous prie de vouloir bien vous en référer aux enquêtes, aux

déclaiations faites devant la Société de législation comparée par

M. Vaney, ancien substitut à Paris, lequel disait qu'à Paris même,

le magistrat inspecteur ne possédait aucun renseignement sur la

situation des malades. Il est impossible d'obtenir de l'administra-

teur qui a été nommé conformément à la loi de 1838, qu'il s'oc-

cupe avec continuité, avec assiduité, avec vigilance, des intérêts

si nombreux qui lui sont confiés. Qu'arrive-t-il alors ? C'est

qu'on est obligé de laisser un des bureaux de la préfecture du

département de la Seine s'occuper seul de ces fonctions-là. Je lis

dans un document sérieux ces observations aussi vraies que pro-

fondes :

« Les biens des aliénés ne sont pas suffisamment protégés. La

question de l'administration des biens des aliénés a été trop

négligée jusqu'à présent. La plupart des auteurs qui ont écrit sur

la législation des aliénés, admettent sans examen que leur for-

tune est suffisamment garantie. C'est une erreur qu'il faut atta-

quer et détruire. m :

Lorsqu'il s'agit plus spécialement des départements, et que

l'asile n'est pas établi au chef-lieu, qu'il est situé à une extrémité

d'un arrondissement, il est très difficile d'obtenir de ce conseil de

surveillance administrative de se transporter dans l'asile; il est

très difficile d'obtenir même que l'administrateur provisoire s'en

occupe, et la même enquête nous dit que, dans la plupart des

départements, l'administrateur provisoire des biens des aliénés

n'intervient que quand il y est sollicité soit par le préfet, soit par

les notaires, soit par le ministère public.

Le préfet ne réclame l'intervention de l'administrateur provi-

SÉNAT. 141

soire que si l'aliéné interné possède des ressources suffisantes

pour qu'il paraisse légitime de lui imposer une quote-part dans

le payement des frais d'entretien ; le ministère public et les

notaires ne s'adressent à lui que dans les cas où son intervention

est absolument nécessaire pour régler judiciairement des ques-

tions intéressant les aliénés internés. II y a tant d'autres cas inté-

ressants ! On ne peut pas exiger de personnes qui font un travail

gratuit, si honorables, si dévouées qu'elles soient, ce qu'on peut

exiger de quelqu'un qu'on rémunère. J'ai la plus haute estime

pour la plupart des hommes qui font partie, soit des commissions

administratives des hospices, soit des commissions administratives

des asiles d'aliénés ; mais quand on est en présence des faits,

messieurs, on est.bien obligé d'avancer que même le dévouement

et la charité sont impuissants à remplir utilement certaines fonc-

tions. Il faut avoir recours absolument à un agent qui soit res-

ponsable, qui ne fasse que cela, qui soit assidu à sa tâche.

Voilà pourquoi vous êtes obligés d'avoir un administrateur pro-

visoire nommé par le ministre et recevant une rémunération.

Comment le rémunérerez-vous ? Ce n'est pas à propos de l'ar-

ticle 12 que nous devons examiner la question de savoir comment

on rémunérera l'administrateur provisoire, et aussi le médecin

inspecteur. Il y a un article spécial qui crée un fonds commun

d'une part, et qui, d'autre part, dispose qu'une taxe sera prélevée

proportionnellement à la fortune des aliénés et sur les directeurs

des asiles privés. Lorsque l'article 48 viendra en discussion, mes-

sieurs, vous examinerez si, oui ou non, ces dispositions doivent

être retenues ; mais le principe doit être inscrit à l'article 12 ; car

vous ne pouvez pas exiger des deux fonctionnaires que vous venez

de créer qu'ils remplissent leurs fonctions gratuitement, et,

d'autre part, vous ne pouvez pas, dans la situation actuelle de nos

finances, dire, dès à présent, que ce sera l'Etat qui payera direc-

tement ces deux agents.

Messieurs, je désire m'expliquer également sur une observation

qui a été présentée par mon honorable collègue M. Boulanger.

M. Boulanger désirerait voir déterminer d'une façon positive,

dans l'article 12, les fonctions de l'administrateur provisoire...

M. En : EST Boulanger. Pardon, monsieur Bardoux; je désire que

nous réservions la question pour la discuter au moment où l'ar-

ticle 54 sera soumis au Sénat.

M. BARDOUX. Si vous voulez la réserver, réservons-la, mais je

peux vous donner satisfaction dès à présent. Dans la section 5 du

projet, on a défini article par article ce que j'appellerai les fonc-

tions judiciaires de l'administrateur provisoire. Mais, en dehors de

ces fonctions judiciaires, il y a beaucoup d'autres points sur les-

quels l'intervention de l'administrateur provisoire est nécessaire ;

142 SÉNAT.

si on ne les détermine pas dans la loi, on pourra croire qu'il ne

pourra pas remplir ces fonctions-là. Il est donc nécessaire de s'en

référer au règlement d'administration publique dont la nécessité

a été reconnue dans l'article 9. Voilà ma réponse à l'obser-

vation.

Enfin, messieurs, comme nous laissons subsister les conseils de

surveillance de la loi de 1838, nous décidons que l'administra-

teur provisoire en fera partie de droit ; il en sera, en réalité, la che-

ville ouvrière. C'est là, je crois, une innovation extrêmement utile,

et je suis convaincu que le Sénat acceptera l'article 12 comme il a

déjà accepté l'article Il. (Très bien ! sur divers bancs.)

M. LACOMBE. Je demande la parole. -

M. LE PRÉSIDENT. La parole est à M. Lacombe.

M. LAcomBE. Messieurs, en adoptant l'article 11, le Sénat a voté

un double principe : il a décidé d'abord que, dans chaque dépar-

tement, il y aurait un médecin inspecteur, chargé de fonctions

extrêmement nombreuses et qui lui prendraient beaucoup de temps,

mais sur lesquelles nous ne nous sommes pas expliqués parce que

c'est à un article postérieur que se réfèrent, pour la plupart, les

dispositions de la loi nouvelle au sujet de la mission confiée à ce

médecin.

M. le Rapporteur. Cet article est supprimé, c'était l'article 12.

Les fonctions du médecin inspecteur seront déterminées par un

règlement d'administration publique,

M. Lacombe. Je ne fais pas de difficulté sur ce point; mais,

en outre du médecin inspecteur, l'article 11 a prévu qu'un ouplu-

sieurs administrateurs uommés par le ministre de l'intérieur, sur

une liste dressée par le tribunal civil, seraient chargés des fonc-

tions d'administrateur provisoire à l'égard des personnes non in-

terdites placées dans les établissements publics ou privés. Voilà le

second principe qui a été voté par le Sénat. Le Sénat ne s'est pas

occupé jusqu'à présent de savoir quelles seraient les fonctions de

l'administrateur provisoire, dont la nomination est ainsi prévue

par l'article 11, et nous ne savons pas encore quelle sera au juste

sa mission...

M. Oscar DE Vallée. Et sa responsabilité !

M. Lacombe... ni, par conséquent, sa responsabilité.

Dans cette situation, il me semble téméraire de voter l'article

12, même dans ses premiers paragraphes; nous ne pouvons le

faire en connaissance de cause qu'après avoir préalablement réglé

ce que sera le mandat confié à cet administrateur. (Assentiment.)

Notre honorable collègue, M. Boulanger, a demandé que le troi-

sième paragraphe de l'article 12 fût réservé. Je demande, à mon

tour, qu'on réserve également le premier, en tant du moins qu'il

s'applique à l'administrateur provisoire.

sénat. 143

Quant aux observations qui vous étaient présentées tout à

l'heure par l'honorable M. Bardoux, je les connaissais, et je comp-

tais me les approprier ; mais, je dois le dire, je compte tirer de

ces observations, sur lesquelles j'aurai l'honneur de revenir plus

tard devant le Sénat, une conclusion qui n'est pas la même que

celle à laquelle est arrivé notre honorable collègue. L'honorable

M. Bardoux nous disait : Jusqu'à présent, l'administrateur provi-

soire, tel qu'il existe en vertu de la loi de 1838, n'était pas dans

une situation où il pût réellement s'acquitter de son mandat.

On était obligé de supplér à son insuffisance dans une certaine

mesure ; par exemple, à Paris, c'est un bureau spécial de la pré-

fecture qui remplit le mandat confié par la loi aux administra-

teurs provisoires. On ne les voit en réalité intervenir que lorsqu'un

pressant besoin s'en fait sentir et lorsque leur intervention est

obligatoire, et sur la réquisition de la famille ou des intéressés.

Je crois en effet que telle est la véritable situation, dans les dépar-

tements aussi bien qu'à Paris. Mais faut-il conclure de là qu'il soit

nécessaire de créer un fonctionnaire nouveau, avec le mandat

prévu par la commission dans les articles 54 et suivants du pro-

jet de loi ? C'est une tout autre question et qui, pour le moment,

me parait devoir être réservée. Ce n'est pas à l'occasion de l'ar-

ticle 12 que nous pouvons discuter les dispositions projetées par

les articles 54 et suivants. (Approbation.)

J'ajoute que le premier paragraphe de l'article 13 qualifie de

fonctionnaire l'administrateur provisoire. Eh bien, ce sera encore

peut-être une question à débattre que celle de savoir si l'admi-

nistrateur provisoire sera désormais un fonctionnaire (Très bien ! 1

très bien ! à droite), ou s'il ne restera pas ce qu'il a été jusqu'à

présent, une personne privée recevant, soit comme conséquence

de sa qualité de membre de la commission administrative de sur-

veillance, soit parfois par suite d'une désignation faite par le tri-

bunal civil, un mandat spécial, non rétribué jusqu'à ce jour,

mais qui pourrait l'être sans que celui qui est appelé à l'exercer

doive être rangé parmi les fonctionnaires publics. Ce caractère

n'est pas en effet attaché à la dévolution d'un mandat en tout

analogue, par exemple, à la curatelle ou à la tutelle soit de mi-

neurs soit d'interdits. (Nouvelle approbation sur les mêmes

bancs.) De ce que la désignation des administrateurs provisoires

sera faite par le ministre de l'intérieur, sur la liste qui en sera

préalablement dressée parie tribunal civil, il ne résulte pas né-

cessairement qu'ils exercent une fonction publique. C'est ainsi que

les tribunaux dressent des listes d'experts auxquels est confi'é le

mandat de faire les constatations nécessaires sans que pour cela

ces experts deviennent des fonctionnaires publics. (Très bien ! très

bien ! à droite.) Le deuxième paragraphe de l'article 12 me parait,

de son côté, prêter matière à une discussion assez sérieuse. Mais

144 SÉNAT.

je préfère me contenter de poser une question, pour savoir quelle

est l'appréciation, soit de l'auteur de l'amendement, l'honorable

M. 13ardoux, soit de la commission elle-même. Voici comment est

conçu le deuxième paragraphe de l'amendement : « L'adminis-

trateur fera partie de droit de la commission administrative de

surveillance. »

C'était très bien, avec l'ancienne rédaction de l'article H. Il y

avait, en effet, un administrateur nommé par le ministre dans

chaque département, sur la liste dressée par le tribunal civil.

Mais, maintenant que vous avez admis que, à raison de la multi-

plicité de leurs occupations, il y aurait, dans nombre de départe-

ments, plusieurs administrateurs provisoires désignés suivant que

le besoin s'en ferait sentir, je.demanderai si, dans l'intention de

l'auteur de l'amendement ou dans celle de la commission, tous

les administrateurs provisoires qui seront désignés dans un dépar-

tement, en nombre illimité, par le ministre, devront faire partie

de la commission administrative, ou bien, si ce sera seulement

lorsque la commission aura à s'occuper des intérêts de tel aliéné,

qu'on devra convoquer à la réunion de la commission l'adminis-

trateur chargé de veiller aux biens de cet aliéné ?

M. BARDOUX. C'est bien entendu, et il n'en peut pas être autre-

ment. Dans la plupart des départements, il n'y a qu'un adminis-

trateur provisoire ; si, dans le département de la Seine, où il y a

plus de 3,000 aliénés placés dans les asiles publics ou privés, on

nommait 25 ou 30 administrateurs provisoires, vous devez bien

comprendre que ces administrateurs provisoires ne peuvent

prendre part aux délibérations de la commission qu'autant que

ces délibérations portent sur les intérêts spécialement confiés à

chacun d'eux.

M. Lacombe. Je l'admets volontiers, mais vous admettrez bien

aussi qu'il est nécessaire d'apporter une modification au texte du

second paragraphe de l'article 12, tel qu'il est actuellement pro-

posé au Sénat. Qu'on le modifie dans le sens que vient d'indiquer

l'honorable M. Bardoux, c'était en réalité le but de mon observa-

tion, et, par là, j'aurai reçu satisfaction. Pour le troisième para-

graphe, l'honorable M. Bardoux et la commission acceptent qu'il

soit réservé. En résumé, il y aurait alors à réserver les para-

graphes 1 et 3, et à modifier le paragraphe 2 suivant l'interpréta-

tion que vient d'eu donner M. Bardoux. (Très bien ! à droite.)

M. BARDOUX. Je ne fais pas d'opposition au renvoi des para-

graphes 1 et 3 ; quant au paragraphe 2, je pense que les explica-

tions que nous venons d'échanger sont suffisantes ; la modification

réclamée par AI. Lacombe pourra être apportée au texte de ce'

paragraphe dans l'intervalle des deux délibérations.

M. le Président. Vous paraissez être d'accord, messieurs, sauf

SÉNAT. 145

une modification ultérieure de rédaction. Mais si l'on veul réser-

ver deux paragraphes sur trois, il vaut mieux, ce me semble,

réserver l'article tout entier. (Assentiment.) Il n'y a pas d'opposi-

tion ? ... L'article 12 est réservé. Je donne lecture de l'article 13 :

« Le préfet du département est tenu de visiter, une fois au

moins chaque semestre, les établissements publics ou privés situés

dans le département.

« Le procureur de la République de l'arrondissement dans

lequel un ou plusieurs établissements publics ou privés d'aliénés

sont situés, est tenu de visiter ces établissements une fois au

moins chaque trimestre.

« S'il le juge nécessaire, il se fait assister du médecin des alié-

nés ou d'un autre médecin choisi par lui et procède ou fait procé-

der à une enquête sur la situation des personnes placées et sur

les circonstances d'où est résultée la nécessité de leur placement

ou sur celles qui exigent leur maintenue à l'asile.

« Le président du tribunal de l'arrondissement, le juge de paix

du canton, le maire de la commune où est situé l'établissement

public ou privé d'aliénés, peuvent visiter ledit établissement, lors-

qu'ils le jugent convenable. D Quelqu'un demande-t-il la parole

sur l'article 13 ?

M. Paris, de sa place. Voulez-vous me permettre, monsieur le'

président, de présenter de ma place une observation ? Il me parait

nécessaire de retrancher de l'article 13 ce membre de phrase :

« ou d'un autre médecin choisi par lui » ; si je comprends en effet

que vous autorisiez le procureur de la République à se faire assis-

ter, dans ses visites, par un homme de l'art, au moins faut-il qu'il

présente toute garantie. C'est ainsi que vous désignez, dans ce

but, le médecin chargé de la surveillance du service des aliénés.

Mais les termes dont je demande la suppression semblent per-

mettre au procureur de la République de laisser cet agent spécial

à l'écart, et de choisir qui bon lui semble. Telle ne peut être la

pensée de la commission. Je propose donc de restreindre la dési-

gnation faite par le procureur de la République au docteur en

médecine nommé par le Ministre de l'intérieur, en vertu de l'ar-

ticle 41. (Très bien ! très bien ! )

M. le Rapporteur. Ce sont les intentions de la commission.

C'est un oubli matériel commis sur le texte remis à M. le prési-

dent.

M. Paris. Le Sénat me permettra de lui soumettre encore une

observation. Vous savez que, d'après l'article 7, les aliénés qui

sont soignés à domicile par un membre de la famille, sont sou-

mis à la même surveillance que ceux qui sont placés dans des

établissements privés. Eh bien, si le texte de l'article 13 n'était

pas modifié, il résulterait du rapprochement des deux articles 7

Archives, t. XV. 40

lu6 SÉNAT.

et 13 que la visite que le préfet et le procureur de la République

de l'arrondissement sont autorisés à faire, pourrait avoir lieu

dans la maison privée où l'on traite un aliéné aussi bien que dans

les établissements de santé. Je ne crois pas que la commission

veuille pousser l'assimilation jusque-là. Il serait nécessaire, par

conséquent, que le texte qui nous sera présenté en seconde déli-

bération fit disparaître, sur ce point, l'obscurité que je signale.

(Très bien ! très bien 1)

M. le Rapporteur. Il s'agit là d'une assimilation aux asiles pri-

vés ; la commission tiendra certainement compte de l'observation.

Il est évident que le préfet ne peut pas être obligé il visiter des

asiles qui sont assimilés aux asiles privés, Ce sont les asiles pro-

prement dits qui seuls sont soumis à la visite du préfet.

M. Paris. Ma dernière observation est motivée par le désir que

j'ai d'améliorer le texte de la loi en discussion. L'article 14 auto-

rise le procureur de la République « à procéder ou à faire procé-

der à une enquête sur la situation des personnes placées dans un

établissement d'aliénés et sur les circonstances d'où est résultée

la nécessité de leur placement ou sur celles qui exigent leur main-

tenue à l'asile. » Je comprends que sous sa responsabilité le pro-

cureur de la République prenne personnellement les renseigne-

ments qui lui paraissent nécessaires pour s'éclairer à ces ditré-

rents points de vue sur la situation des aliénés qu'il visite; mais

au lieu de procéder par lui-même à l'enquête, la commission lui

permet d'y faire procéder, sans indiquer par quel agent.

M. LE Rapporteur. Par le juge de paix.

M. Paris. 11 faudrait préciser ce point dans le texte et dire :

«... procède ou fait procéder par le juge de paix du canton... ».

L'intervention d'un magistrat nous donnerait des garanties. Au

contraire, si le procureur de la République pouvait déléguer le

soin de faire une enquête à qui bon lui semblerait, ces garanties

feraient défaut.

Un sénateur au centre. Il faudrait dire : « par le juge de paix

assisté d'un médecin. »

M. Paris. Cela est dans l'article.

M. LE Rapporteur. Il sera tenu compte des observations de

M. Paris lors de la deuxième délibération.

. M. LE Président. Les propositions de M. Paris sont fermes, mon-

sieur le rapporteur ; il faut que la commission s'explique. M. Paris

demande, d'abord, la suppression de ces mots : « ou d'un autre

médecin choisi par lui ». 11 fait observer qu'il est suffisant que le

médecin inspecteur des aliénés assiste celui qui fait la visite. Il

demande ensuite^qu'on ajoute aux mots : « Le procureur de la

République procède ou fait procéder », ceux-ci : « par le juge de

paix du canton ». 0

SÉNAT. 147

M. le Rapporteur. La première phrase dont M. Paris demande

la supi-es31oii : « ou un autre médecin choisi par lui », a été mise

dans l'article pour prévoir le cas où le médecin de la commission

permanente serait dans l'impossibilité d'être à la disposition du

chef du parquet. Les circonstances peuvent être pressantes. La

pensée de la commission est respectée, et je crois que M. Paris

accepterait cette rédaction, si l'on mettait ces mots : « ou à dé-

faut... » Il faut, en effet, prévoir le cas où le médecin qui inspire,

le plus de confiance ne pourrait se mettre à la disposition du

chef du parquet.

M. Paris. On pourrait mettre : « ou en cas d'empêchement».

M. le Rapporteur. Si on le préfère, on mettrait : « ou en cas

d'empêchement », ce qui répondrait parfaitement à l'intention

de la commission et de M. Paris. Quant au second point, je disais

tout à l'heure que, dans la rédaction dont M. Paris vient de par-

ler, la commission avait entendu que quand le procureur de la

République ne procéderait pas lui-même à une enquête, il se

ferait représenter par son représentant direct, naturel dans le

canton où se trouve la famille de l'aliéné, c'est-à-dire par le juge

de paix; il n'y a pas {l'inconvénient à le dire expressément dans

l'article et à mettre : « ... ou fait procéder par le juge de paix du

domicile du malade à une enquête... »

M. LE Président. Alors vous êtes d'accord avec M. Paris ? 2

M. le Rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. LE Président. Je donne au Sénat une nouvelle lecture, non

pas des deux premiers paragraphes de l'article 13, sur lesquels

on est d'accord, mais du troisième paragraphe, dont la rédaction

serait ainsi modifiée :

« S'il le juge nécessaire, il se fait assister du médecin inspec-

teur des aliénés ou, en cas d'empêchement de celui-ci, d'un autre

médecin choisi par lui, procède ou fait procéder par le juge de

paix du canton à une enquête sur la situation des personnes

placées et sur les circonstances d'où est résultée la nécessité de

leur placement ou sur celles qui exigent leur maintenue à l'asile. »

(Le troisième paragraphe de l'article 13, ainsi modifié, mis aux

voix, est adopte.)

M. LE Président. Je mets maintenant aux voix le dernier alinéa

de l'article 13 : « Le président du tribunal de l'arrondissement,

le juge de paix du canton, le maire de la commune où est situé

l'établissement public ou privé d'aliénés, peuvent visiter ledit

établissement, lorsqu'ils le jugent convenable. » - (Adopté.)

(L'ensemble de l'article 13, mis aux voix, est adopté.)

M. le Président. « Art. 14. - Un décret du président de la' Répu-

blique, délibéré en conseil d'Etat et rendu dans le délai d'un an,

à partir de la promulgation de la présente loi, réglera l'organi-

or48 ? ...¡ SÉNAT.

sation et le fonctionnement ainsi que le cadre du personnel et les

conditions du lerutenleut de l'inspection générale, du service des

aliénés. « Les inspecteurs généraux sont nommés à la suite d'un

concours sur litres dont le Ministre de l'intérieur détermine les

conditions.

« Sont admis à concourir : les membres de l'Académie de mé-

decine, les professeurs et agrégés des lacullés de médecine, les

docteurs en médecine ayant rempli pendant cinq ans au moins

les tondions de directeur-médecin ou de médecin en chef d'un

asile d aliénés, ou de secrétaire d'une commission permanente

des aliénés ; les docteurs en médecine qui, s'etant distingués par

leur enseignement ou leurs écrits sur les maladies mentales,

elaient l'objet d'une présentation du comité supérieur. Chacun

des établissements publics ou privés d'aliénés est visite, au moins

une l'ois chaque année, par un des inspecteurs généraux. J)ans

leurs tournées annuelles, qui doivent comprendre tous les dépar-

tements, les inspecteurs généraux convoquent chaque commission

permanente, se font rendre compte de son fonctionnement et

s'assurent de la bonne exécution des lois et règlements relatifs

aux aliénés, et de la bonne teuue des archives. » Quelqu'un de-

nlaude-t-il la parole sur l'article 14 ? ' !

M. DE Gavardie. Je désirerais savoir si M. le commissaire du

Gouvernement...

M. LE Président. Veuillez monter à la tribune, monsieur de

Gavaruie ; on n'entend pas.

AI. de Gavardie, à La tribune. Messieurs, je désirerais savoir si

M. le commissaire du Gouvernement accepte cet article, s'il le

trouve utile et si réellement ces inspecteurs généraux pourront

servir à quelque chose de sérieux. Nous avons des inspecteurs

'généraux des préfectures ; vous savez ce qu'ils font : ils sont titu-

laires de fonctions, et voilà tout. Je voudrais avoir l'avis de M. le

commissaire du Gouvernement sur ce point, avant de discuter

1 article.

M. LE Président. La parole est à M. le commissaire du Gouver-

nement.

111. LE commissaire du Gouvernement. Messieurs, je défère avec

plaisir à l'invitation de ! Il. de Gavardie qui me demande si le

Gouvernement juge utile de reconstituer l'inspection générale des

aliénés. S'il y a un voeu bien légitime qui ait été formulé par la

commission sénatoriale constituée pour l'examen de la loi en dis-

cussion, c'est surtout la reconstitution de cette inspection géné-

rale. (Marques d approbation.) L'honorable M. Roussel fait remar-

quer dans son rapport que l'instrument principal, le moyen par

lequel le Gouvernement eût pu s'assurer du bon fonctionnement

de la loi de 1838, c'était précisément l'inspection générale ; or,

SÉNAT. 149

cette inspection Générale, la loi avait oublié de la constituer. Il y

avait alors un homme éminent entre tous les aliénistes, qui a

laissé un nom respecté dans la science, M. Ferrus.

M. Ferrus était non seulement inspecteur zéiiéral. mais il ins-

pirait toutes les mesures qui se rapnortaient à l'administration

des aliénés. Après lui, il v eut d'autres médecins énvnents,

Il ! . Parchappe, M. Constant, M. Lunier, et, aujourd'hui, le dernier

qui nous reste comme inspecteur général, M. Foville, qui est aussi

distingué comme savant que comme écrivain, représente tout

seul une institution que nous regrettons de ne pas voir amplifiée.

M. Foville est obligé d'examiner, tout seul, dans le courant d'une

année, c'et-à-dire dans la période de l'année où l'on peut faire

des inspections, nn nombre d'établissements qui s'élève à loft.. Il

est impossible qu'il puisse, dans ce court espace de temps, ren-

seigner le Gouvernement sur l'exécution de la loi dans tous les

établissements.

Nous pensons, eu examinant la chose de près et en ne nous

livrant pas à des exagérations, que, pour assurer le service de

l'inspection générale, il faudra créer cinq postes d'inspecteurs.

Nous croyons, avec la commission sénatoriale, que la visite faite

annuellement dans chacun de ces établissements permettra d'éclai-

rer le comité supérieur qui doit être créé si vous votez l'article 15

du projet de loi, et de renseigner exactement le ministre de l'in-

térieur sur les détails de l'application de la loi et surtout sur les

points qui nous tiennent le plus à coeur et qui ont inspiré les

modifications légales soumises à votre examen : sur toutes les

questions qui se rattachent à la liberté individuelle, Je crois avoir

répondu aux objections de l'honorable M. de Gavardie. Je me

tiens, du reste, à sa disposition s'il en désire de plus étendues.

M. de Gavardie. Je demande la parole.

M. LE Président. La parole est à 111. de Gavardie.

DE Gavardie. Il me semblait, messieurs, que les nombreux

fonctionnaires qui vont être créés, si cette loi est votée, suffiraient

pour garantir tous les droits et tous les intérêts en cette matière.

C'est, en effet, à mes yeux un véritable luxe que cette institution

des grandes inspections. Est-ce que les préfets ne peuvent pas,

aussi bien que les inspecteurs généraux, - et même d'une ma-

nière plus précise et plus pratique, renseigner le Gouvernement

sur les inconvénients et les abus qui se produiront ?

Un sénateur à droite. C'est vrai ! 1

M. de Gavardie. En tout cas. si vous admettiez le principe, je

crois qu'il faudrait s'arrêter aux deux premiers paragraphes de

l'arlicle 14 et supprimer tout le reste. On doit laisser au Gouver-

nement une entière liberté dans le choix de ces inspecteurs gêné- z

'150 SÉNAT.

ranz. Je suis persuadé qu'il serait ainsi meilleur que celui qui

résulterait d'un concours. ' 1 '

AI. I)PLSOL,7nembi-e de la commission. Le con cours a lieu sur litres.

AI. de Gavardie. A mon avis, l'article devrait être rédigé ainsi :

« Un décret du président de la République... » II faudraits'arrê-

ter là et supprimer tout le reste de l'article. Je vois de très grands

inconvénients sur ces concours publics. ! IL Dupré. président de la commission. Ce n'est pas d'un concours

public qu'il s'agit, mais d'un concours sur titres; ce qui est bien

différent.

M. DE Gavardie. Le concours est public par le nombre des per-

sonnes qui sont appelées à y participer. Voilà ce que je voulais

dire. Je retire, du reste, l'expression dont je me suis servi ; elle

n'est pas, je le reconnais, absolument exacte. Il s'agit donc d'un

concours sur titres. Qu'entendez-vous par là ? Y aura-L-il un exa-

men ? S'il y a purement et simplement une comparaison, comme,

en définitive, cette comparaison sera faite d'une façon souveraine

par 11. le ministre de l'intérieur, je retirerai mes observations;

mais si vous déterminez le choix par un examen, pour ma part je

m'y oppose énergiquement. Je voudrais que la commission s'ex-

pliquât sur ce point.

nI. le Rapporteur. Il s'agit d'un concours sur titres, encore une

fois; c'est ainsi qu'on nomme les professeurs des facultés de mé-

decine et des différentes facultés.

M. de Gavardie. J'ai demandé qu'on s'explique purement et

simplement. Ainsi il n'y aura pas d'examen ?

)1. le Rapporteur. Non.

M. de Gavardie. Alors, je n'ai plus rien à dire.

M. le Rapporteur. C'est un concours sur litres, avec des catégo-

ries déterminées, pour ne pas livrer cela au caprice, au libre

arbitre et aux mauvaises chances qui ont fait que ce personnel a

été si inégal et a si peu répondu l'attente même du .Gouvernement.

M. de Gavardie. Du momeut où il n'y a pas d'examen, je retire

tout ce que j'ai dit.

11f. le Président. Quelqu'un demande-l-il encore la parole sur

l'article 14 ?

111, de Gavardie. Seulement, pour la question de principe, je

crois que c'est un rouage absolument inutile ! 1

111. LE Président. Eh bien vous voterez contre. (L'article, mis

aux voix, est adopté.)

M. le Président. « Article 15. Dans le délai fixé à l'article

précédent, il sera constitué, près le ministère de l'intérieur, un

comité supérieur des aliénés composé comme il suit : un membre

SÉNAT. 151

du Conseil d'Etat, élu par le conseil; un memhre de la Cour de

cassation, élu par la cour; le procureur général près la cour

d'appel de Paris ou l'un des membres du parquet de celte

cour, désigné par lui; un membre de l'Académie de médecine,

élu par l'académie; le professeur de la faculté de médecine de

Paris chargé de l'enseignement clinique des maladies mentales;

un directeur du ministère de la justice désigné par le Ministre ;

un directeur du ministère de l'intérieur, désigné par le Ministre ;

les inspecteurs généraux du service des aliéné ? ; les membres

désignés par le Conseil d'Etat, la Cour de cassation et l'Académie

de médecine sont élus pour cinq ans.

« Ce comité recevra communication de tous les documents et

rapports transmis par les préfets; il donnera son avis sur les

règlements particuliers, sur les plans et projets de construction

générale ou partielle des asiles, sur les traités passés par les dépar-

tements pour le traitement de leurs aliénés indigents, sur les

tarifs des prix de journée des aliénés, sur les autorisations à

accorder aux asiles privés et sur toutes les mesures propres à assu-

rer l'exécution des lois et règlements concernant le service des

aliénés; il reçoit chaque année du Ministre de l'intérieur commu-

nication du rapport général qui sera présenté par le Ministre,

publié au Journal officiel et distribué aux Chambres. »

M. DE Gavardie. Mais nous avons tous compris que cet article

n'était pas maintenu.

AI. le RAPPOIITEUR. C'est une erreur M. de Gavardie. J'ai dit,

au commencement, qu'il n'y avait entre la commission et M. le

Ministre de désaccord que sur les articles 11 et 12; que pour les

modifications demandées sur l'article 45 et qui résultent de la

lecture du texte que 11. le président vient de soumettre au Sénat

AI. le Ministre et la commission étaient d'accord.

111, DE GIVARDIE, Je demande la parole.

M. le Président. La parole est à 111. de Gavardie.

AI. de Gavardie. Messieurs, après avoir accueilli autour de moi

bien des observations, je pensais que cet article ne serait accepté

par personne et surtout par le Gouvernement. Comment ! le

Gouvernement accepterait, - car je ne puis pas croire qu'il l'ac-

cepte définitivement encore, - le Gouvernement accepterait un

comité permanent et supérieur.

M. 'l'I.\.11LLE-S.1L1G\Y. Elle conseil supérieur des prisons ?

DE Gavardie... siégeant au ministère de l'intérieur et contrô-

lanl ses actes ? Mais cela est contraire à toutes les notions d'ad-

ministration ! Pour ma part, si j'avais l'honneur d'être ministre,

j'aimerais mieux cent fois m'en aller je sais bien que cela

n'arrive pas très souvent aux ministres que d'accepter un article

pareil !

152 SÉNAT.

M. le Rapporteur. Vous ne l'avez pas lu, 11. de Gavardie ! Ce

comité ne peut rien imposer au ministre. C'est simplement un

comité consultatif qui, comme les autres, éclaire le ministre dans

des cas où il a besoin d'être éclairé.

M. DE GAVARDIE. Il ne manquerait plus que ce comité lui impo-

sât ses ordres ! Sans même lire votre article, je ne pouvais pas

supposer qu'il y aurait cela ! Mais je lis mieux que vous ne pensez.

Messieurs, ce comité-là est absolument inutile. 11 est contraire

aux règles administratives et ne peut créer des embarras. J'espère

qu'à la seconde lecture le Gouvernement ne l'acceptera pas.

M. le commissaire du Gouvkrnement. Je demande la parole.

M. LE Président. La parole est à JI. le commissaire du Gouver-

nement.

M. le commissaire du Gouvernement. Messieurs, j'aurais été

obligé de donner pleinement raison à l'honorable M. de Gavardie...

111. de GAVAItDIE. Cela m'aurait fait bien plaisir ! (Rires.) .

M. le commissaire Du Gouvernement. C'est un plaisir que je ne

puis pas vous faire. J'aurais donc donné raison à 1(. de Gavardie, si

l'article avait conservé la rédaction qui avait été présentée par

la commission. L'article 15, tel que vous le lisez dans le projet de

la commission, faisait partie d'un ensemble de dispositions aux-

quelles le Gouvernement n'a pas pu adhérer. La commission

avait constitué auprès du préfet une commission dite permanente

qui avait des attributions administratives et plaçait en même

temps auprès du ministre un comité supérieur pourvu d'attribu-

tions administratives. Ces attributions ont fait, de la part de M. le

ministre de l'intérieur, l'objet d'une opposition devant laquelle la

commission a consenti à modifier la rédaction de l'article H et

de l'article 15. La rédaction de l'article Il a été modifiée par

l'amendement de l'honorable M. Bardoux. Vous l'avez adoptée.

- La rédaction de l'article 15 a été modifiée par la commission

elle-même, en conséquence de l'adoption que vous avez faite de

l'amendement de 1(. Bardoux. Du moment que cette rédaction est

modifiée dans le sens du texte qui vient de vous être lu, il ne reste

dans les attributions de la commission qu'un rôle qui est celui

d'un nombre déjà important de commissions constituées auprès

des divers ministères.

Il existe des commissions pour les bâtiments civils, pour les

travaux publics; il existe au ministère de l'intérieur une commis-

sion supérieure pour l'application de la loi de 1875 sur le régime

pénitentiaire. Il y a enfin une commission plus récemment entrée

en fonctions pour la protection des enfants du premier âge.

La commission supérieure qui est créée par l'article 15 est pour-

vue d'attributions qui sont toutes consultatives. Pour que celte

commission puisse donner un avis éclairé au Gouvernement, il

VARIA. 153

est bien certain que le Gouvernement devra lui apporter les docu-

ments de l'administration, les rapports des préfets, des médecins

et des inspecteurs départementaux et généraux ; il faut qu'elle ait

tout ce qui peut l'éclairer, elle donne un avis sur des règlements

particuliers, sur les plans et projets de construction générale ou

partielle des asiles, sur les traités passés par les départements

pour le traitement de leurs aliénés indigents.

il n'y a rien là-dedans qui fasse de cette commission une ma-

chine de ziierre contre l'autorité du ministre ; et un ministre, à

moins qu'il ne désire tout trancher par lui-même et ne s'éclairer

aucunement auprès des personnes qui ont une compétence spé-

ciale, - et vous avez composé, dans l'article 15, cette commission

de personnes qui ont une compétence inconteslable, à moins

d'avoir cet esprit d'autoritarisme exagéré, un ministre doit être

heureux de pouvoir s'appuyer dans ses décisions sur l'avis d'une

commission composée comme celle de l'article 1 ? Il reste in fine

une attribution qui consiste à publier chaque année au Journal

officiel un rapport général qui sera distribué aux Chambres. Je ne

vois pas non plus dans cette disposition un acte qu'on puisse qua-

lifier d'acte d'administration. En adoptant l'article 15 tel que la

commission l'a modifié et que le Gouvernement l'a accepté, je

crois que vous rendrez service au Ministre de l'intérieur et que

vous assurerez le bon fonctionnement de la loi. (Très bien ! très

bien ! sur un grand nombre de bancs.)

AI. de G.aVARDIB. Je demande la parole. (A suivre.)

VARIA

JEUNE PRODIGIEUX DE L'ÉVÊQUE DE SPIRE

narration extraite DES OEUVRES

du très illustre Jean PONTAN, docteur ès médecine.

En l'an de grâce 1) \'9, Rodolphe de Franckeinstein,

évêque de Spire, était un des hommes les plus renommés,

par sa piété et son érudition. Dès le commencement de son

épiscopat, il travailla avec une ardeur extrême, et se plongea

154 VARIA.

tout entier dans l'étude et la lecture des Pères de l'Eglise,

pour y puiser toutes les qualités nécessaires à ses fonctions.

Il se livrait à cette besogne, sans relâche, sans repos.

Un jour, un anachorète, de l'ordre des Frères Mineurs, se

présenta à lui. Cet homme à l'aspect froid et ascétique,

troubla, par de pernicieux discours, le cerveau du prélat,

déjà fort ébranlé. Il parvint à lui persuader qu'il n'y avait

plus pour lui de salut possible au monde, s'il conservait les

us et coutumes de ce qu'on est convenu d'appeler la foule des

profanes, s'il n'abandonnait pas, en un mot, tous ses biens et

ne renonçait pas aux habitudes du siècle.

Ainsi endoctriné, notre évêque, après avoir passé de longs

jours dans l'anxiété et la tristesse, tomba dans la mélancolie.

Il vécut seul avec l'anachorète, n'admettant plus autour de

lui aucun de ses conseillers. Ces derniers firent à la fin éloi-

gner le moine. Malgré cela, le prélat s'exclamait sans cesse

qu'il voulait abandonner son évêché. Il essayait même d'at-

tenter à ses jours : on fut obligé de le mettre sous une étroite

surveillance. Des médecins, mandés vers lui, apportèrent un

soulagement passager à sa maladie; mais il retomba presque

aussitôt dans le même état et commença à s'écrier à chaque

instant que personne, sauf le jeûne, ne pourrait arrêter son

ardeur divine.

Aussitôt dit, aussitôt fait : il s'abstint de toute nourriture

et de toute boisson pendant quarante jours et quarante nuits,

durant lesquels il demeura sans dormir, sans s'asseoir, ni

même se coucher. lise tint constamment debout et immobile,

ou se promena de long en large dans sa chambre. Les qua-

rante jours expirés, il se remit à manger et à boire comme

par le passé; mais soudain, ses pieds enflèrent si fortement,

qu'il ne put dès lors faire un pas. A la suite de cet accident,

il recouvra enfin la raison, et, une fois son pied guéri, il reprit

les rênes de son épiscopat.

Vers le commencement du printemps de l'année courante

(i 6o), il retomba dans une mélancolie héroïque ( ? )'

plus grave. Il songeait déjà à réformer tous les statuts

du christianisme. Il alla même trouver l'archevêque de

Mayence, pour l'engager à collaborer avec lui à cette

réforme. Il écrivit une foule de lettres d'un style remar-

1 Le tr : W e [turte : heroicatn.

VARIA. 155

quable, au Pape, à l'Empereur, aux Rois et aux Princes,

mais toutes remplies du délire mélancolique. Ces lettres

traitaient des moyens d'atténuer les abus de l'Eglise.

Enfin, on fut obligé à nouveau de le mettre sous garde. Il

vociférait à chaque instant que sa tête était perdue. En cette

même année I 5 60, le dimanche même du Jubilé, après avoir

bu et mangé copieusement, il recommença à jeûner. Ni ses

frères, ni ses soeurs, ni ses intimes ne purent chasser cette

résolution de son esprit. Il voulait continuer jusqu'au qua-

rantième jour. Mais au bout du trente-cinquième, il eut un

tel affaiblissement de tous les membres qu'il fut, bon gré

mal gré, forcé de se coucher. On appela encore une fois les

médecins qui ne purent, malgré leurs exhortations, arriver

à lui faire absorber un réconfortant quelconque, soit

externe, soit interne. C'était fini : au bout de quarante-

huit jours de jeûne, après qu'on lui eut fait boire de l'eau

de la fontaine acide de Gceppingue (vulgairement Saur-

brunn), près de laquelle il avait été transporté par ses amis,

il rendit son âme à Dieu, après avoir dit ses dernières

prières, dans la ville de Lauterbourg, distante à peu près

d'un jour de marche de ce village, où une certaine jeune fille

de Rhodes avait vécu trois ans, sans boire ni manger.

Il est, parmi les auteurs, nombre d'exemples de longs

jeûnes; mais tous ont été entretenus par la viscosité des hu-

meurs et une douce chaleur. Dans cet homme si patient,

on ne trouve que la mélancolie. Nous recommandons à

toutes les personnes curieuses de s'instruire, de recher-

cher comment les fonctions naturelles et vitales ont pu ré-

sister à ce point, et comment l'évêque de Spire a pu se sou-

tenir si longtemps.

Après avoir fait l'ouverture du corps, on trouva, parmi

les viscères et les intestins, l'estomac ridé et aplati comme un

sac replié. (Traduit du latin par ALB1N Rousselet.)

I : DUC1TION DES ENFANTS FAIBLES D'ESPRIT

On sait qu'un grand nombre d'enfants sont incapables de ré-

pondre aux obligation scolaires, soit à cause de maux de tête

fréquents, soit de chutes épilcptique, de paralysie, de nervosité

extrême. De tels enfanls étant incapables de travailler pour les

156 VARIA.

examens sont souvent dispensés de l'école pendant longtemps, ou

d'une façon permanente. 11 est évident qu'un enfant qui a des ac-

cès d'épilepsie ou de la chorée ne peut pas rester au milieu des

autres enfants. Il n'y a cependant pas de raison pour ne pas pour-

voir à une éducation convenable. Comme nous l'avons déjà dit. il

serait facile qu'une inspection médicale semestrielle des écoles,

décidât quels sont les enfants qui devraient être mie à part. et in-

vitât les maîtres à ne pas permettre la non-assuidité pour cause

de mauvaise santé pendant plus de six mois, et à soumettre les

enfants dans ce cas aux inspecteurs deux fois par an.

L'école serait ainsi débarrassée des membres débiles qui sont

au désavantage de la classe. Les enfants ainsi choisis pourraient

être placés dans une classe spéciale avec un maître spécial. Ils

pourraient être traités dans le but de développer leurs fonctions,

et exemptés des examens ordinaires. De l'ordre, de bonnes habi-

tudes, et l'obéissance peuvent être cultivés, et ceux qui ont le plus

besoin de culture intellectuelle seraient ainsi pourvus, comme c'est

leur droit, et toute excuse de non-assiduité de ces enfants pour

cause d'incapacité, écartée par la même. Une inspection soi-

gneuse de ces enfants serait faite et encouragerait le maitre. Un

tel plan est non seulement praticable, mais encore réclamé

d'urgence. (Brit. mcd. Journal, p. 138. 488î.) C'est là une ques-

tion qui mérite d'atlirer sérieusement l'attention. (Voir Progrès

médical, 1887, 186 et suiv., 2e série, t. VII.)

LES ALIENES DANS LES MAISONS DE CHARITE

La première visite complète dans les maisons de charité du

llfassasuchets a été faite en 1884. Elle a révélé un nombre déplo-

rable de négligences et de traitements injustes. Par économie,

les villes font le moins possible de ce qu'elles ont à faire. Le rap-

port signale que la plupart des malades visités étaient couverts

de vermine. Dans beaucoup de villes, l'état de malpropreté et de

désordre des maisons de charité est tout simplement honteux. On

trouve aussi que des cas aigus accidentels de folie, au lieu d'être

l'objet d"une séquestration légale et d'un traitement dans un asile

à une époque précoce où la maladie est encore curable, sont, par

raison d'économie pour les villes, confinés dès l'abord dans des

maisons de charité. La séparation entre les aliénés et les

sains d'esprit entre les hommes et les femmes n'est pas observée

à proprement parler dans un grand nombre de maisons.

En ce qui concerne les points suivants : sélection des cas;

observations de la maladie et de la mort des aliénés; logement,

propreté, hygiène : séquestration et restraint; nombre et espèce

des « cages » et des cellules; espèce et quantité du régime ali-

faits DIVERS. 157

mentaire; état du couchage, des vêtements, etc., des observations

défavorables ont été faites maintes fois. 1tlals, disons-le, elles ne

s'appliquent pas à certaines maisons des grandes villes.

Les efforts récents de la commission supérieure pour remédier

à ces défauts paraissent être bien dirigés, et on ne peut que re-

gretter qu'ils n'aient pas commencé plus tôt. La nouvelle législa-

tion et en particulier celle qui oblige à transférer les cas qui ne

conviennent pas aux maisons de charité, et les visites annuelles

faites maintenant par la direction de la commission supérieure,

indiquent qu'on a compris la nécessité de la surveillance et qu'on

désire améliorer le sort de ces iniortunés. (The Boston med. jour-

nal, 17 mars 1887, p. 265.) S.

FAITS DIVERS

Asiles d'Aliénés. Nominations et promotions. AI. Pinot,

directeur de l'asile public de Saint-Robert, est admis à laire

va ! oir ses droits à la retraite à partir du 1 cr décembre et est nom-

mé directeur honoraire (arrêté du 9 novembre). Al. le Dr Du-

four, médecin en chef de l'asile de Saint-Robert, est nommé

directeur-médecin (arrêté du 21 novembre). M.]e Dr DUUAS,

directeur-médecin de l'asile public de Dijon, est promu à la pre-

mière classe à partir du 1 cr janvier 1888 (arrêté du 7 décembre).

M. Je Dr 13ELL : 1T, médecin adjoint du même établissement est pro-

mu à la classe exceptionnelle à partir du 1 cl février 1888 (arrêté

du 7 décembre 1887).

Asile d'aliénés du comté DE SUSFEX, A HAYwARD'S HE.1TH. - L'a-

sile contenait 824 malades à la fin de 1886; c'est-à-dire 29 de

moins que l'an dernier. H y a eu 2-10 admissions, sur lesquelles,

40 cas p. 100 ont paru curables à l'entrée. La proportion des

guérisons a été de 41,2 p. 100, et celle des morts de 8,8 p. 4 00.

11 y a eu 19 transferts aux workhouses; les cas aigus et les

agités ont été plus nombreux depuis quelques années. A la fin de

1886, il y avait 80 épileptiques et 16 paralytiques généraux.

(liritish vlled. Journ., 12 nov. 1887.)

Asile d'aliénés du CUMBERLAND ET du WESTMORLAXD, A G.1RL.ND'S.

- Outre les aliénés venant des deux comtés, l'établissement a reçu 33

malades payau chacun par semaine la somme de 14 s. En 1886 il y

'158 faits divers.

avait 1167 malades, 21 de plus que l'année précédente. Il y a eu

une proportion de 43,7 guérisons sur 100 admission ? parmi ces

cas (67), 42 étaient à l'asile depuis moins de neuf mois. Les morts

ont été de 7,4p.t00.0n comptait à la fin de 1886 : 49 épilep-

leptirlues et 21 paralytiques généraux. '

Les malades jouissant d'une certaine liberté dans cet établisse-

ment sont moins portés à des actes de violence, de tapage et de

destruction. Les individus âgés et infirmes ont pour eux des pro-

menades larges et abritées. A l'asile il y a 1 infirmier pour '15 ?

hommes, et une infirmière sur 13,5 femmes, nombre qui parait

largement suffisant. Dans l'année qui vient de s'écouler, il n'y a

eu aucun accident mortel, ni grave; il n'y a eu qu'une seule éva-

sion. On a adopté les cloches de lllillar pour la surveillance de

nuit. (Bi-ilish âietl. Journ.. 12 nov. 1887.)

Institution nationale écossaise pour les enfants imbéciles.

A la réunion annuelle de l'Association auxiliaire d'Edimbourg,

on a exposé des statistiques montrant le bien qu'a produit l'insti-

tution de Larbert. Cette maison compte actuellement 187 en-

fants. Les directeurs regrettent qu'on ne puisse garder les

enfants plus de cinq années, afin de les perfectionner encore;

tandis qu'une fois rentrés dans leurs familles, ils perdent une

grande partie de ce qu'ils ont acquis. L'orateur exprime le désir

de pouvoir ajouter un établissement à celui actuellement existant

pour les imbéciles plus âgés. Les fonds s'élèvent cette année à

11,500 livres. (Britishdled. JOZC1'12., 12 nov. -issu.)

Nécrologie. 111. le Dr Achille Foville ou de Foville1, fils du

savant auteur du Traité complet de l'anatomie et de la pathologie

du système nerveux, né à liouen en 1830, vient de mourir à Paris.

Il était inspecteur général des établissements de bienfaisance

(1880), secrétaire général de l'Association des médecins de France.

M. Foville a été reçu interne en 1853. Il a passé sa thèse

en 1857 (Considérations physiologiques sur l'accès d'épilepsie). Parmi

ses publications nous citerons : Des tumeurs sanguines de l'oreille

(1859); Observation de syphilis constitution avec zona et ictère (Gaz.

hebd., 1858); - Paralysie de certains muscles de l'oeil et rapports

avec l'anatomie et la physiologie de la protubérance annulaire

(Ibid., 1859); Des divers modes de l'Assistance publique uppli-

tuables aux aliénés (1805); - Du detirium tremens, etc. (1807);

- Recherches cliniques et statistiques sur la transmission hérédi-

taire de l'épilepsie (isOS); Etude comparative sur les législations

étrangères en ce qui concerne les aliénés traités à domicile (1884);

1 Ainsi que l'écrit l'Annuaire de l'internat, ou encore Dc1'uville, comme

l'indique sa thèse.

Faits DIVERS. l89

- Les médecins dans les drames de Shalispeare (18S;)); JJis¡Jcn-

saires pour enfants malades (1881); - Différents articles dans le

Dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques : Paralysie yéné-

rctle; Nymphomanie; Lypémanic ; Manie; Hypochondrie; Idiotie;

Imbécillité; Folie; Folie instinctive; Folie des actes; Délire; Dé-

mense; Dyhsomatie; Convulsions; Convulsions de l'enfance; Manie

congestive (1880) : Manie avec prédominance du délire des grandeurs

chez un ancien hémiplégique (1880); Mégalomanie terminée par ta

démence avec délire généralisé (1880); - Délire aigu paralytique

(1882); - Contribution à l'étude des rapports entre la syphilis et la

paralysie générale (1879); Symptômes passagers de paralysie

générale chez un épileptique (1879); Des relations entre les troubles

de la motilité dans la paralysie générale et les lésions de la couche

corticale des circonvolutions fronlo-pariélales (1877); -- Les aliénés

voyageurs ou migrateurs ( ! 87'); De la paralysie générale par

propagation (1873); - Moyens pratiques de combattre l'ivrognerie

(lSî2);-Nonzeazclulatre et classification des maladies mcntales (1872);

- Historique du délire des grandeurs (1870); - Aliénés : Elude

pratique sur la législation et l'assistance qui leur sont propres (1870);

- Sur les aliénés aux Etats-Unis; Sur la législation relative aux

aliénés en .inuletel1'e et en Ecosse; Etudes sur les législations écran-

gères en ce qui concerne les aliénés traités à domicile; De la cons-

traction et de l'administration des hôpitaux (188, etc., etc.

1f. Foville était un des principaux collaborateur» des Annales

médico-psychologiques dont il était un des rédacteurs depuis

4 88 f.

D.ms ses fonctions d'inspecteur général, M.-Fovilie aurait pu,

s'il avait suivi les traces de Ferrus et de P,IrcUappe, rendre de

très grands services. Matheureusetnent, au lieu d'avoir les vues

larges et généreuses de ces deux hommes éminents et de cher-

cher sinon à innover, au moins à appliquer les réformes déjà

réalisées à l'étranger, il s'est borné à être un bon inspecteur sui-

vant les idées bornées et routinières de la bureaucratie. Nous

ne connaissons de lui aucune réforme sérieuse. C'est triste à

dire alors qu'il y a tant à faire dans les établissements de bien-

faisance au point de vue de l'hygiène hospitalière et de l'hu-

mamté.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

BOURNEVILLE. - Discours prononcés les 3, 8 et 9 août 1887 aux distri-

butions des prix des Ecoles municipales d'infirmières laïques (dixième

année scolaire), n^ 8 de la collection. Brochure \lI-8° de 56 pages.

Prix : 1 Ir. 50; pour nos abonnés, 1 fr. - Aux bureaux du Progrès rl1lidi-

cal, 14, Rue des Carmes.

Bourru (H.) et BunoT (P.). La suggestion mentale et l'action à dis-

tance des substances toxiques et médicamenteuses. Volume in-12 de

313 pages, avec 10 figures. Prix : 3 fr. 50. - Paris, 1887, librairie

J.-B. Baillière et fils. ,

HEBZEN (A.). Le cerveau et l'activité cérébrale, au point de vue

psycho-physiologique. Volume in-12 de 312 pages. - Prix : 3 fr. 50. -

Paris, 1887.

Marina (A.-R.). Reazioni dei nervi e sei muscoli aile eccilazioni clet-

triche in donna che, per ripet2zte ipnosi, presenlava fenomeni ipnotici in

istalo di veglia. Brochure in-S' de 22 pages. - Regro nell' Emilia, 1887.

Tiporafia Calderini e Fiâlio.

SGoBBo (F.). L'isterismo nell'nonzo e l'isterismo nell'esercito. Bro-

chure in-8° de 53 pages. - Roma, 1887, V. Carlo. ,

VÉTAULT (V.). Etude medlco-légale sur l'alcoolisme. Des conditions de

la responsabilité au point de vue pénal chez tes alcoolises. Volume in-8"

de 237 pages. Prix : 4 fr. Paris, 1887, librairie J.-B. Baillière.

Avis A nos LECTEUIIS.- Nous appelons vivement l'atten-

tion de nos lecteurs sur la discussion, au Sénat, de la

nouvelle LOI sur les aliénés. En reproduisant ces débats,

nous croyons être agréable à tous les médecins des asiles

d'aliénés, de quelque nationalité qu'ils soient. De plus,

nous insérerons dans la mesure du possible, les lettres com-

mentant ou critiquant cette discussion qu'ils voudraient

bien nous adresser. -Enfin, nous prions ceux d'entre eux

dont l'abonnement est expiré avec le dernier numéro, de

bien vouloir nous adresser le montant de leur réabonne-

ment.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

EHCU1, Lu. LIL'ti-Ky, 11,]P. - 1287.

Vol. XV. Mars 1888. N" 44

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

, PATHOLOGIE NERVEUSE

s ! 1 u ` ' V

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE SY11P'fOlI1T00GLQÛE

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE1 j

Par WLADIMIR ROTH.

Observation II.

Homme de vingt-deux ans. - A onze ans panaris. - Depuis rage

de dix-neuf ans, scoliose parétique et atrophie progressive des mus-

cles, surtout des scapulaires et des deltoïdes. Therizo-`cnesthésie

des membres supérieurs et du thorax. - Analgésie limitée.

Job Kousmine, paysan de vingt-deux ans, entra à l'hôpital de

Catherine le 20 janvier 1886, se plaignant de la faiblesse des

membres supérieurs.

Le malade naquit dans le gouvernement de Foula, dans un

endroit réputé non fiévreux. Il a été nourri par sa mère : il ignore

s'il est venu à terme. Il était le deuxième; huit de ses frères et

soeurs sont morts à des âges différents. Dans sa famille, autant

qu'il sache, il n'y a eu ni scrofule, ni syphilis. Personne de ses pa-

rents ne présente de phénomènes, de paralysie, de crampes, d'a-

trophies, de psychose, etc. Jusqu'à l'âge de neuf ans, le malade

restait à la campagne, se portant bien et étant aussi fort que

' Voy. Archives de Neurologie, t. XIV, p. 368. - ERRATA. Page 383,

ligne 1 ; au lieu de : S A M. 1 M S... 5 AI S; lisez : 0,8 M A. 1 il A... 5 AI A,

ligne 3; au lieu de : " " lisez : (11) -(11)

Archives, t. XV. 1 1

162 ^ pathologie NERVEUSE.

ses camarades; mais il était chétif avant d'être sevré. Depuis

l'âge de neuf ans, il était apprenti tailleur. Depuis l'âge de onze à

douze ans il travailla chez le harnacheur ; à cette époque, par

suite de cause inconnue, il eut un panaris au médius. Le doigt lui

fit mal près de quinze jours, l'ongle tomba, la plaie guérit assez

vite, on ne fit pas d'incision, il sortit peu de pus. Le malade ne

se souvient pas d'avoir souffert le long de l'avant-bras ou d'avoir

eu du gonflement de la main, mais lorsque le doigt fut guéri, il

arriva que l'extension maxima des doigts dans l'articulation méta-

carpo-phalangienne devint impossible; le médius était en re-

tard sur les autres doigts. En essayant l'extension forcée passive,

le malade éprouvait une douleur dans les tendons des fléchisseurs

sur le tiers inférieur de l'avant-bras; à l'extension passive maxima

se produisaient des mouvements convulsifs dans le médius. Depuis

l'âge de treize ans, le malade travaillait le métier d'enduiseur en

été et de tailleur en hiver. Des tiraillements continuaientà se pro-

duire dans les doigts après la fatigue du travail, de même qu'à

l'extension maxima passive; pendant le dernier temps, ils devin-

rent plus rares et il n'y a pas plus d'une année qu'elles ont cessé.

Jusqu'à l'âge de dix-huit à dix-neuf ans, Job a été bien portant.

Dès l'enfance, il buvait de l'eau-de-vie, parfois avec excès; son

père l'enivrait lorsqu'il était tout petit. Plus tard, il lui arriva de

s'enivrer, mais rarement, surtout les jours de grandes fêtes; il

n'a pas fait d'excès vénériens; onanisme modéré à l'adolescence.

Vers Noël 1883, parut pour la première fois et se répéta depuis,

de temps en temps, un gonflement indolent du dos de la main

droite. Le gonflement durait une journée pour disparaître en-

suite ; il n'était accompagné ni de douleur ni de rougeur de la

peau. En automne 1883, le malade se brûla le dos pour la pre-

mière fois, après s'être endormi sur le poêle; depuis les brûlures

se répétèrent. En hiver 1883, il souffrait de céphalalgie, de con-

gestion des oreilles; sa vue s'obscurcissait par moments; cet état

durait près de huit jours et cessa pour reparaître pendant l'hiver

1885 avec ténacité. Vers l'âge de dix-neuf ans, très épuisé par le

travail et l'insuffisance du sommeil, le malade se rendit chez lui à

pied vers la Noël. Après avoir fait plusieurs kilomètres, il se sen-

tit complètement épuisé, en partie probablement sous l'influence

d'une affection fébrile aiguë déjà commençante, qui l'obligea à

garder le lit pendant huit jours; ensuite il commença à se réta-

blir et se maria au mois de janvier, se sentant parfaitement bien;

mais depuis le printemps (1884), le bras commença à faiblir dans

l'articulation de l'épaule; dans le côté gauche il éprouvait une

douleur sourde, un poids, la sensation qu'on éprouve à une forte

tension musculaire et peu à peu se développa la scoliose. Vers

l'été le bras gauche faiblit également. Le malade ne put plus

s'occuper de son métier, mais continua à coudre encore durant

DE LA GHOMATOSE MÉDHLLAIRE. 163

l'automne et la moitié de l'hiver, mais depuis le commencement

de 1885, il abandonna aussi ce travail.

Etat actuel. - Le malade est de taille moyenne, de com-

plexion faible, la face maigre'; il a la peau et les muqueuses

pâles. Sur la surface postérieure du corps, sur le côté radial ex-

terne des extrémités supérieures et les fesses, il y a de nombreuses

cicatrices superficielles restées, à la suite de brûlures antérieures.

En outre, sur la face antérieure du bras et de l'avant-bras, la

peau est couverte de rayures toutes blanches; ce sont les traces

d'égratignures (ayant été faites pendant un traitement parties

fourmis). Au-dessus des articulations des doigts, du côté de la face

dorsale, il y a une induration calleuse de 1 épidémie. Outre les

cicatrices décrites, il y a une petite cicatrice, située un peu

au-dessous du pli inguinal droit; les ganglions de l'aine sont lé-

gèrement augmentés de volume, ce qui n'existe pas du côté gau-

che ; pas de cicatrices sur le pénis. Les ganglions de la nuque

sont à peine augmentés, ceux du coude ne sont pas perçus au pal-

per. La cicatrice de l'aine est restée après une suppuration anté-

cédente d'un ganglion que le malade rattache à la brûlure de la

fesse. Il porte encore une cicatrice sur le genou gauche et sur le

ventre on observe des taches blanches de forme irrégulière, en-

tourées d'une bordure plus pigmentée, de la grandeur de i 1/2 à

2 centimètres; ce sont les restes des dartres antécédentes; la

peau des mains un peu cyanosée, froide au palper, n'est pas

oedématiée. Les ongles sont bien conformés, à l'exception de ce-

lui du pouce gauche qui, étant tombé s'est reformé, avec fentes

longitudinales; la troisième phalange du médius de la main

droite n'existe pas et l'extrémité de la seconde forme un moignon

un peu épaissi. La colonne vertébrale présente une incurvation sco-

liotique à droite qui ne se redresse pas à la position horizontale

du malade. La courbe est produite par toute la partie thoracique

de la colonne vertébrale; le sommet en est occupé par l'apophyse

épineuse de la huitième vertèbre thoracique, distante de 2 centi-

mètres de la ligne verticale moyenne. Dans la partie lombaire

existe (depuis la première vertèbre lombaire) une scoliose com-

pensatrice dirigée à gauche.

La poitrine est élevée. La cage thoracique présente des alté-

rations consécutives : du côté droit une grande convexité en

arrière et en dehors, surtout dans la partie inférieure ; mais du

côté gauche la partie inférieure de la cage thoracique parait

concave et légèrement proéminente ; en avant le bout inférieur

du sternum regarde légèrement à droite, de sorte que la ligne

moyenne, allant de l'incisure jugulaire vers l'ombilic, forme un

arc, dont la convexité est dirigée à droite. Les os ne présentent

d'épaississement nulle part, ni d'altérations pathologiques indi-

quant le rachitisme. Le malade rattache l'incurvation de la co-

'164 pathologie NERVEUSE.

lonne vertébrale à son travail d'enduiseur. Le malade s'aperçut

pour la première fois d'une déformation marquée de la cage

thoracique il y a trois ans. La position des omoplates correspon-

dant aux déformations de la colonne vertébrale est normale. Le

tissu adipeux sous-cutané est peu développé; il manque presque

complètement.

Les muscles sont par places très atrophiés. Les sous-épineux

sont atrophiés au plus haut degré ; au palper ils semblent avoir

disparu; la peau paraît comme collée sur l'os; pourtant l'existence

des muscles est rendue évidente par l'application du courant

électrique. Les sus-épineux sont aussi considérablement atrophiés.

Les deltoïdes présentent une atrophie marquée des portions pos-

térieures ; les parties antérieures et moyennes ont été légère-

ment atteintes (surtout à gauche); le muscle trapèze est conservé dans

sa portion supérieure et paraît atrophié dans les autres. Les res-

tants des muscles de la ceinture scapulaire ne présentent pas

d'atrophie notable et le muscle pectoral droit paraît même hyper-

trophié en comparaison du gauche. Les muscles du bras présen-

tent le degré moyen de l'atrophie. Elle est plus accusée à droite

qu'à gauche. Le biceps et le brachial antérieur sont plus atro-

phiés que le triceps. A l'avant-bras droit, le long supinateur a

presque disparu et se fait sentir au palper sous forme d'un

mince cordon; en général, tout l'avant-bras dans sa partie supé-

rieure a l'air d'être aminci; du côté gauche,l'avanl-bras est con-

sidérablement plus gros et le long supinateur seul présente une

atrophie marquée, appréciable au palper. Le biceps et le long

supinateur du côté droit présentent une consistance plus molle

et non uniforme, parce qu'ils sont formés de faisceaux pins

solides mollement réunis entre eux. Sur les mains on n'observe

que l'atrophie du premier espace interosseux et un léger amai-

grissement du second. Les muscles des membres inférieurs et les

autres muscles plats du tronc, à l'exception de ceux cités plus

haut, ne présentent pas d'atrophie notable. Les muscles situés le

long de la colonne vertébrale à droite, surtout vers la partie

spinale de la colonne vertébrale, présentent un petit bourrelet

solide proéminent (hypertrophie); du côté gauche les muscles

paraissent ne pas être atrophiés. Les muscles de la face, autant

qu'on puisse en juger, ne présentent pas d'atrophie.

Mouvements. -Le bras droit ne peut être soulevé; des mouve-

ments d'élévation en tous sens du bras gauche ne se produisent

qu'à un angle de o ; dans ces limites, le mouvement est assez

énergique, quoique un peu affaibli. Le mouvement du bras

gauche en arrière se fait avec une certaine force et sans au-

cune en avant; l'adduction est assez énergique, mais elle est

quand même au-dessous de la normale. Du côté droit tous ces

mouvements ne sont que peu affaiblis. A la flexion du coude : à

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 1 65

droite, mouvement limité; à gauche, la flexion est étendue, mais

peu énergique. L'extension des deux côtés est suffisamment forte.

Sa supination est affaiblie à gauche et légèrement limitée d'éten-

due ; à droite, elle manque complètement; à gauche, tous les

mouvements de la main et des doigts sont normaux et assez

étendus; à droite, l'extension et la flexion de la main est légère-

ment limitée ; sa flexion radiale est assez considérable; les autres

mouvements delà main et des doigts sont assez faibles. L'oppo-

sition du pouce est incomplète. Le dynamomètre indique 20 à

droite et 35° K. à gauche.

Membres inférieurs. Le malade marche et court bien;

cependant il lui semble que les membres inférieurs sont un peu

plus lourds qu'ils n'étaient auparavant. Dans la sphère des nerfs

crâniens, il n'y a pas d'altérations motrices. Point de crampes,

ni de contractures.

Des mouvements fibrillaires s'observent dans les muscles du bras

et du thorax. Les cordons nerveux et les muscles ne sont pas

douloureux à la pression.

Eleclro-contructilité. Courant constant. Les chiffres en milliam-

pères. L'électrode d'épreuve a 1 centimètre de diamètre; la neutre

se place sur la poitrine, son diamètre est de 50 cent. carré. Cou-

rant induit : appareil à chariot, au grand élément de Grenet ; la

tige métallique est enlevée de la première hélice. Les chiffres indi-

quent en centimètres à combien la deuxième hélice est repoussée.

Recherche du 9 lévrier 1886.

jÔ PATHOLOGIE NERVEUSE.

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE.

167

l'omoplate par la sensibilité normale ; dn côté droit une anesthé-

sie modérée du sens de la température se répand jusqu'à la crète

iliaque. Le malade perçoit partout les différences de température

de 4° en 4° sur le dos, a 1 exception de la

région des sus-épineux, où il a une anes-

thésie égale à celle des membres supé-

rieurs. Mais sur la poitrine il ne perçoit

pas de différence moindre de 5° et sur un

certain espace de forme sémi-lunaire,

dont la limite convexe supérieure corres-

pond à la poignée du sternum et dont la

limite inférieure passe horizontalement

par le milieu de la place thermo-anesthé-

sique située sur la poitrine, le malade

ne perçoit même pas la différence de 15°.

La partie supérieure du bras droit et la

partie inférieure du bras gauche ne per-

çoivent pas la différence de température

entre -j- 50° et + 40°. Sur la limite des ra-

mifications périphériques du nerssus-sca-

pulaire (par erreur non indiquée sur le

dessin) se fait une amélioration rapide de

la sensibilité thermique. 11 est à remar-

quer qu'à mesure qu'on se rapproche de

la ligne moyenne du côté droit apparaît

d'abord la sensation de chaleur et des

deux températures sus-indiquées lemalade

commence à percevoir d'abord la t° de

+ 50°, qui ne donne au malade qu'une

sensation de tiédeur, mais du côté gauche

au contraire, la perception du froid a été

moins atteinte et là où + 50° n'éveillent

pas un sentiment de chaleur, + 4° éveillentun sentiment de froid.

Des différences de 1° et moins se perçoivent sur le ventre et les

membres inférieurs.

Le plus léger attouchement au pinceau se perçoit partout et se

localise normalement. Dans les endroits analgésiques et thermo-

anesthésiques, le sens du tact est en aussi bon état qu'ailleurs. A

l'examen par le compas de Weber, on observe un phénomène qui,

d'après mes observations, n'est pas rare : l'épaule supérieure, par

exemple, ne perçoit qu'un seul attouchement les pieds du

compas étant écartés de cinq centimètres, tandis qu'en plaçant

à tour de rôle les pieds du compas sur les mêmes^endroits le

malade indique avec une grande précision l'endroit de chacun de

ces deux attouchements. En général, le sens de localisation est

assez fin, même sur les doigts, où l'épiderme est fort épaissi. Au

Fig. li.

'168

PATHOLOGIE NERVEUSE.

bout des doigts les pointes du compas de Weber donnent la per-

ception double d'attouchement du côté gauche à une distance de

3 mill., à l'exception du pouce où elle est obtenue à 4, du côté

droit sur le petit doigt à 2, sur le quatrième doigt et le pouce

à 4; sur les autres à 3 ; à l'avant-bras droit partout à 45 mill., et

à l'avant-bras gauche du côté radial à 45 et du côté cubital à 50,

sur les épaules à 50, sur le thorax du côté externe des deux côtés

à 3, snr le dos à droite à 65, à gauche à 70.

Durant tout son séjour a inopitai, sur-

tout les premiers temps, Job se plaignait

continuellement de différents symptômes

indéfinis subjectifs et faisait attention à

ses sensations d'une façon peu habituelle

aux gens de'sa classe.

Le plus souvent, il se plaignait de dif-

férentes douleurs, par exemple : dans le

côté droit par suite de la pression des côtes

sur la crête iliaque ; puis dans les mus-

cles de la cuisse, sur le côté gauche de

la nuque, à l'avant-bras gauche, à la par-

tie inférieure du ventre, dans le muscle

deltoïde droit toutes ces douleurs ob-

tuses et de courte durée une cépha-

lalgie tenace généralement obtuse, du-

rant pendant plusieurs jours de suite.

Puis, de temps en temps, il se plaignait de

picotements et simultanément d'une sen-

sation plus forte du froid à l'épaule droite;

cette sensation a été remplacée par un

sentiment de constriction.

En général, la main droite était la plus

frileuse et transpirait davantage.

Le 23 août, il y eut état fiévreux et sur

le côté cubital de la main gauche forma-

tion d'une ampoule, grande comme une

noix, avec rougeur et gonflement oedéma-

teux des parties environnantes; la rougeur

s'étendait jusqu'à la moitié de l'avant-bras.

L'ampoule creva, un liquide séro-veineux

s'épancha ; le gonflement et la rougeur des parties voisines

disparurent en quatre ou cinq jours, et il resta une petite ulcé-

ration granulée qui bientôt se cicatrisa.

Quant aux autres phénomènes qui eurent lieu pendant les

douze mois que le malade passa à l'hôpital, ils ne présentèrent

pas de changements : l'atrophie des muscles demeura station-

naire, le sens de la douleur a la face redevint normal ; mais eu

Fig. 15.

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 169

revanche, il se développa un abaissement de la sensibilité dou-

loureuse dans la plus grande partie de la région thermo-anes-

thésiée. La dernière augmenta sur le thorax; une raie de Lher-

mo-anesthésie profonde, parut nettement limitée en haut par le

niveau de l'ombilic, en bas par les expansions nerveuses supé-

rieures du plexus lombaire (fig. 3)'. La thermo-anesthésie se ré-

pandit sur la totalité du corps à un degré plus ou moins élevé

et descendit le long des faces internes et externes des cuisses,

où du reste elle était très peu accusée. On n'observa pas de

perversion des sensations thermiques. Le degré de la thermo-

anesthésie présentait des variations assez considérables à des

moments différents'.

Une difficulté de miction se présenta plusieurs fois, mais sans

qu'elle durât plus de quelques jours; cet accident se passa sans

qu'on ait eu besoin de recourir au cathétérisme. L'état général

du malade s'améliora peu. Le traitement consistait principale-

ment dans la galvanisation de la moelle épinière et des bains

tièdes. Le premier temps, on administrait au malade de l'iodure

de potassium qui agissait défavorablement sur son état général

et fut par suite abandonné.

Dans ce dernier cas, les symptômes sont des plus

caractéristiques. Une analgésie partielle, isolée ou

coïncidant par endroits avec une partie de la région

thermo-anesthésique et se limitant par la partie supé-

rieure du corps ; faiblesse et atrophie musculaire

nettement accusée dans la sphère de l'anesthésie

partielle, des troubles trophiques de la peau, un

panaris dans les antécédents. Autant de symptômes

fondamentaux, caractéristiques de la gliomatose de la

moelle épinière. Une série d'autres symptômes qui

s'associent à ceux-là avaient été remarqués dans le

premier cas' et en partie observés par divers auteurs :

4 Elle est représentée trop bas sur le dessin.

5 Par exemple il la nuque : le degré qu'elle atteignait .d'abord était

comme c'est marqué sur le dessin de I. 87. Dans cet endroit une diffé-

rence thermique de 30" n'était pas perçue des deux côtés et il IV, 87, le

ll1alade prrcevalt la djllérene de 10 ?

170 PATHOLOGIE NERVEUSE.

des soubresauts musculaires, de la scoliose, des

troubles subjectifs de la sensibilité, de la préoccu-

pation de sa santé. Sans parler de la lésion des nerfs

périphériques, nous ne connaissons pas d'autre affec-

tion qui pourrait provoquer une lésion progressive

des cornes postérieures et antérieures de la substance

grise de la moelle épinière, ayant une symptomato-

iogie semblable.

«

Observation III.

Homme de cinquante-quatre ans. Theermo-anesthésie partielle et

analgésie sous forme hémiplégique. Plus tard lésion du coté opposé.

Pa1'eslhésies. Douleurs. IIypocond1'ie. Aggravation sous

l'influence du traitement mercuriel. Amélioration survenue plus

tard.

M. B..., âgé de cinquante-quatre ans, est un militaire en re-

traite. Le père avait souffert de céphalalgies intenses, le frère

s'est suicidé. Le malade avait joui d'une santé parfaite, avait

fait de nombreuses campagnes, s'était impunément exposé à

diverses influences nocives, surtout rhumatismales. Du reste, il

tousse depuis sa jeunesse, par moments très fort, et les accès de

toux sont accompagnés de fortes douleurs à la nuque.

A l'âge de vingt-neuf ans il contracta la syphilis; il s'était ré-

gulièrement soigné et n'a pas eu d'accidents tertiaires. A l'âge

de quarante-cinq ans, chancre mou. La maladie actuelle, à l'avis

du malade, commença depuis le mois d'octobre 1883 par un chan-

gement de sensibilité dans le membre inférieur droit; sa jambe

lui semblait étrangère, il y éprouvait une certaine sensation qui

la lui faisait paraître plus lourde. En été 1884, durant deux, trois

semaines, il se développa dans le bras droit un état semblable à

celui qu'il éprouvait dans la jambe et présentant des variations

d'intensité considérables.

Etat actuel (janvier 1885). Bonne nutrition; la peau, le

tissu cellulaire sous-cutané, les muscles, le squelette n'ont pas

subi de changements. Emphysèmeconsidérable et bronchite chro-

nique. Catarrhe chronique de l'estomac ; tendance à la constipa-

tion ; foie légèrement augmenté; le coeur est normal, les vais-

seaux athéromateux. Pas de traces de syphilis. L'urine n'a pas

subi d'altérations pathologiques.

Motilité. Membres inférieurs. Pas d'altérations objectives; le

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE.

171

malade marche beaucoup et bien ; la jambe droite et plus lourde

subjectivement. Membres supérieurs : les petits mouvements de

la main sont moins adroits, l'écriture est restée presque inal-

térée. Il serre le dynamomètre avec une force de 27 k. à droite

et de 34 à gauche. Le triceps droit est un peu plus faible que le

gauche. Tous les autres muscles sont également et suffisamment

. forts des deux côtés. Les fonctions des muscles du thorax, du cou,

de la nuque et de tous les nerfs moteurs crâniens sont complète-

ment normales. Les réflexes du genou

sont conservés ; ils manquent dans les

tendons du triceps brachial; les réflexes

plantaires cutanés n'ont pas subi de

changement; les réflexes abdominaux

sont nettement accusés des deux côtés.

Sensibilité. Une série d'altérations

subjectives : le malade se plaint éter-

nellement de sensations indéfinies dans

les membres droits qui tiennent tou-

jours son attention en éveil; tantôt

c'est un sentiment d'incommodité, de

pesanteur, de chaleur, etc., tantôt de

la pesanteur de la tête, chaleur dans le

côté gauche et le dos au moment de la

toux. Des douleurs presque constantes

à la nuque, tantôt à droite, tantôt à

gauche. Objectivement : Analgésie con-

sidérale dans la sphère de distribution

de nerfs de la partie supérieure de la

moelle épinière du côté droit, nette-

ment limitée par la ligne moyenne

(fig. 4). En haut et en arrière, l'anal-

gésie s'élève jusqu'au milieu de la

nuque, en avant, jusqu'à la région in-

nervée par le trijumeau, descend un

peu au-dessous du mamelon pour se

terminer au même niveau par der-

rière. Sur la partie inférieure du tho-

rax, entre le côté droit et le gauche,

il n'y a presque pas de différence dans

Ja seusibilite a la douleur; sur le membre inférieur droit, cette

dernière est abaissée, plus encore dans les parties périphériques ;

mais ici également la piqûre provoque une sensation de douleur.

Le sens de la température est très abaissé dans la région anal-

gésique ; le membre inférieur droit, par exemple, ne sent pas la

dillérence de 40. Pour la face, elle est de 1 i/3 et moins, de

même que pour toute la moitié gauche du corps. Sur le membre

Fig. 16.

1 I PATHOLOGIE NERVEUSE.

inférieur droit le malade perçoit de petites différences ther-

miques de 2-3°, mais toujours "en comparaison du. côté gauche, il

existe une certaine anesthésie. Le sens de la pression examiné sur

la paume et le dos de la main paraît égal des deux côtés ; le

malade est assez inattentif et ne perçoit que.les différences de

pression de 1/2 ou de 3/4 (au baresthésiomètre de Iiowaewsky).

Il sent bien le plus léger attouchement et localise régulièrement

des deux côtés.

Le compas de Weber ne donue que par places, des chiffres un

peu plus élevés pour le côté droit ; par exemple : côté gauche,

bouts des doigts 2, 3 mil., le pouce - 3, 4. Côté droit, bouts

des doigts du deuxième, troisième 5 mil., quatrième et cin-

quième 2 mil., pouce 3 mil. Paume de la main gauche 12,

droite 30 mil., partie inférieure de l'avant-bras gauche par de-

vant 20, du droit 40 mil. ,

Le sens musculaire est conservé. Organes des sens. La vue,

d'après l'examen de M. Mahlakofi : fond de l'oeil, champ visuel,

ne présentent pas d'altérations; l'étendue de l'accommodation est

diminuée; l'acuité visuelle est normale; les muscles normaux.

L'ouïe est normale ; le malade éprouve dans l'oreille gauche

un bruit synchronique avec le pouls. L'odorat est conservé.

Sphère psychique. Préoccupation de sa santé, douleurs

obtuses, impossibilité de s'abstraire de n'importe quelle sensa-

tion douloureuse quoique légère, une humeur triste ; l'activité

intellectuelle est normale. Le sommeil est bon.

Mois d'août 1885. Au printemps, le malade avait pris de l'io-

dure de potassium et suivi un traitement à la station thermale

d'Essentouky en été. Amélioration considérable des phénomènes

subjuctifs; le bruit d'oreille a disparu. L'analgésie et la therma-

nesthésie du thorax sont descendus de cinq travers de doigts.

Le nerf trijumeau est en bon état; les autres symptômes du

système nerveux n'ont pas subi d'altérations.

Mars. Au mois de décembre 1885, le malade éprouva une

douleur très pénible à la nuque. Il vient de terminer un traite-

ment énergique antisyphilitique, entrepris selon le conseil d'un

autre confrère (friction et KJ.). Les douleurs ont cessé au début

même du traitement ; tous les autres symptômes ont empiré. Le

malade a beaucoup maigri, la bronchite empiré, le foie aug-

menté, le coeur faibli. Membres supérieurs : les mouvements de

l'articulation de l'épaule sont plus faibles, la main gauche ne

s'élève pas du tout au-dessus de la ligne horizontale. Au dynamo-

mètre : main droite, 14; gauche, 15. Douleur .sourde conti-

nuelle, devenant par moments plus aiguë dans l'articulation de

l'épaule gauche ; la motilité passive y est un peu limitée par les

' muscles qui se contractent; point d'altérations anatomiques no-

tables dans les articulations. Le malade se plaint principalement t

DE LA GLI01A'fOSP MÉDULLAIRE. 'lï8

de l'épaule, d'une constriction pénible éprouvée dans la cuisse

droite et des paresthésies antérieures. Les troubles objectifs de la

sensibilité ont considérablement augmenté. (fig. 5.) Dans la

région du nerf grand occipital des deux côtés de tout le nerf tri-

jumeau droit et de la branche supérieure du trijumeau gauche il

s'est développé une thermo-anesthésie et une analgésie considé-

rables. Ces mêmes troubles se sont étendus à la sphère du sus-

scapulaire gauche par derrière. En outre, à droite, l'analgésie

descend par devant et par derrière en

s'affaiblissant jusqu'à la fesse et le pli de

l'aine.

Outre les endroits cités plus haut, une

thermanesthésie, quoique peu profonde,

s'observe sur les membres inférieurs, sur

le membre supérieur gauche et les parties

du thorax restés auparavant libres. Dans

tous ces endroits le malade ne perçoit que

la différence 3-4°. Ainsi un degré plus ou

moins élevé de l'anesthésie du sens ther-

mique a occupé la totalité de la surface

du corps.

L'attouchement par un pinceau de crin

est très bien perçu partout, mais moins

distinctement à droite qu'à gauche sur i

la paume des mains et les doigts. Sur les

paumes de la main, le malade ressent une

pression de 300 grammes comme si c'était

un attouchement. Le malade perçoit

l'augmentationdu poids de 400 à4;)0gram-

mes, tout cela d'une manière égale des

deux côtés. Il sent une pression de 100

à 200 grammes sur le dos et une augmen-

tation de 40 grammes.

Mai 1886. Une amélioration considé-

rable de tous les phénomènes est surve-

nue à la suite de pointes de feu appliquées

sur le dos et le traitement par le courant

constant. Le tnorax au-dessous des ma-

melons, tout le membre supérieur gauche et les membres infé-

rieurs perçoivent maintenant la différence de température de

1 1/2°; à gauche au-dessus du mamelon de 2°. Le degré de la

thermanesthésie de la face et de la nuque avait considé-

rablement diminué, et ce n'est que dans la partie supérieure

de l'épaule gauche qu'elle est comparativement plus grande

que dans les endroits symétriques du côté droit (atteinte plus tôt).

Là une différence de 2° est encore perçue, tandis qu'ici le malade

ne perçoit que 4° de différence. L'état général est bien meilleur.

Fig. 17.

174 PATHOLOGIE NERVEUSE.

4887. Janvier. Point d'altérations motrices nouvelles. La

force des extrémités supérieures a augmenté. Le dynamomètre

indique 34 à droite, 50 à gauche. Sécheresse de l'articulation de

l'épaule gauche, craquement, limitation des mouvements passifs

par la tension des muscles. Point d'épaississements de l'appareil

ligamenteux et d'altérations notables des extrémités articulaires.

Pas d'atrophie musculaire ni à l'épaule gauche, ni dans d'autres

endroits. Pas de troubles trophiques de la peau. La région de

l'anesthésie a de nouveau augmenté, son caractère est resté le

même. L'analgésie coïncide avec une anesthesie thermique. Toute

la face est légèrement atteinte ; la nuque, de même que les

épaules, le sont davantage. Le membre supérieur gauche a été

bien moins atteint; de même la moitié gauche du thorax (en

haut jusqu'à la clavicule) et le pied gauche. Ici, comme à la face,

le malade perçoit la différence t° de 2 à 3° ; des piqûres d'épingles

assez faibles provoquent une douleur aussi bien qu'un courant

induit modéré ; tandis qu'à la partie supérieure de la moitié droite

du thorax, qui perçoit un courant induit faible, le courant le plus

intense ne provoque pas de douleur et qu'une piqûre profonde ne

produit que l'effet d'un attouchement. Le membre inférieur

droit est dans le même état qu'il présentait au premier examen.

Mais sur le thorax, l'anesthésie thermique, l'analgésie du côté

droit sont descendues encore davantage; une zone d'anesthésie

tactile de la largeur de 15 centimètres est venue s'ajouter aux

anesthésies précédentes; cette zone est limitée en haut et en bas

par des lignes horizontales, tandis que par derrière et par devant

elle s'étend jusqu'à la ligne passant par le plan médian du corps.

L'ombilic occupe le milieu ;de sa limite antérieure. Les phéno-

mènes subjectifs sont demeurés dans le même état. Hypocon-

drie marquée; des sensations diverses sont éprouvées dans le dos

et le ventre : le malade est obsédé par la crainte de toutes sortes

de maladies qu'il découvre en lui, comme du cancer, de la

phtisie, etc. L'état général du malade s'est considérablement

amélioré pendant l'été qu'il a passé à Essentouky, où le malade

prenait des bains tièdes et buvait de la source alcaline n° 17 avec

du lait.

Le caractère hémiplégique des troubles existants

chez ce malade dans le premier stade de la maladie,

faisait supposer l'existence d'un foyer (d'origine

athéromateuse) siégeant dans le cerveau. Une appa-

rition plus tardive d'un segment analgésique sur

l'épaule, du côté opposé, fil douter de la justesse de

. DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. '173

cette supposition; la délimitation caractéristique des

régions à sensibilité altérée (sur la nuque et le thorax),

des troubles prédominants des membres supérieurs,

la participation du nerf trijumeau des deux côtés, ne

laissaient pas douter que, dans ce cas également, nous

ayons affaire à une lésion des cornes postérieures de

la moelle épinière et de la racine ascendante du tri-

jumeau. Rien que ces phénomènes d'anesthésie par-

tielle à distribution d'abord hémiplégique et ensuite

asymétrique, délimité non par les expansions des

nerfs sensibles, mais par des lignes plus horizontales,

sont, à notre avis, des signes typiques de la glioma-

tose de la moelle épinière. Des paresthésies, des

douleurs excentriques de la nuque, l'arthropathie de

l'épaule sont des signes caractéristiques, confirmant

le diagnostic. A ces derniers, il faut ajouter l'hypo-

condrie qui, chez notre malade, s'était manifestée

à un degré très marqué.

Observation IV.

Demoiselle âgée de vingt-sept ans. - Des douleurs, de l'analgésie et

de la thermo-anesthésie partielle du membre supérieur droit; atro-

phie des muscles de la main; des tiraillements convulsifs.

M110 S..., âgée de vingt-sept ans, vient me consulter le 24 avril

1886 à l'occasion des douleurs qu'elle éprouvait dans la main

droite.

Etat actuel. La malade est pâle, maigre, mais ne présente

pas de troubles du côté des organes de la digestion, de la circu-

lation et de la respiration. Les règles durent une semaine environ

et s'accompagnent de vertiges légers. Le squelette est bien régu-

lier, la peau ne présente pas d'altérations trophiques. Toute la

musculature est amaigrie. Les muscles thénars et hypothénars de

la main droite sont modérément atrophiés. A l'examen par les

courants constants et induits, on n'observe pas de diminution de

l'excitabilité nerveuse et musculaire, comparativement au côté

- 176 6

PATHOLOGIE NERVEUSE.

opposé;- on ne remarque non plus aucune réaction de dégénéres-

cence.

Les mouvements ne sont troublés que dans le membre supé-

rieur droit; ici, ils sont considérablement limités, surtout dans

les parties périphériques du membre, par suite des douleurs qu'ils

provoquent. La parésie parait manquer. De temps en temps, des

mouvements convulsifs et des spasmes se produisent dans les s

muscles interosseux et parfois aussi dans les autres muscles de la

main et de 1 avant-bras. La malade se

plaint d'une douleur sourde et profonde

siégeant dans le membre supérieur droit,

surtout dans la main. Toute secousse, tout

mouvement actif, l'effroi, l'émotion, la

toux provoquent ou augmentent la dou-

leur à un degré plus ou moins considérable

et pour plus ou moins longtemps. La

sensation vague de douleur existant pres-

que continuellement augmente aussi au

moment du refroidissement de la main.

Outre la douleur, existe une forte hyperes-

thésie de la peau : les plis de la robe, la

moindre secousse irritent le bras sans

provoquer de douleur locale, mais en pro-

duisant une agitation sympathique, irra-

diée du centre ; la douleur s'irradie le long

de tout le membre et est ressentie dans ses

parties superficielles et profondes. Le

plexus brachial est douloureux par places

à la pression. Une pression produite sur

lés nerfs et les muscles périphériques

augmente la douleur générale, mais on

ne réussit pas à déterminer l'endolorisse-

ment local de tel ou tel autre organe.

Sensibilité. - Membre supérieur droit.

Le plus léger attouchement est partout

perçu et bien localisé par la malade. La

sensibilité à la douleur est abaissée dans

es parties périphériques au memnre; on la trouve en menteur

état à mesure que l'on observe plus haut et elle est normale à

la partie supérieure de l'épaule. (Fig. 6.)

Le sensde la température est abaissé dans la même région que la

sensibilité générale. Les mains ne sentent pas la différence de

t° entre 17 et 28°. La malade trouve qu'une température de 7° est

plus chaude que celle de 25°. Pourtant elle perçoit la différence

entre 32 et 26°, car 32° provoquent une sensation de chaleur et

une t° de z6^ ne la provoquent point. A l'avant-bras, elle sent la

/'ig. 18.

DE LA GLIOMATOSE MEDULLAIRE. 177

différence de 6°, mais à la partie supérieure de l'épaule elle peut

percevoir une différence moindre de 2°.

Membre supérieur gauche. Toutes les espèces de sensibilité

sont normales ; douleurs sourdes de temps en temps, mais pas de

douleur à la pression.

La sensibilité est normale dans le reste du corps. Les organes

du bassin, les organes des sens et la sphère psychique sont nor-

maux. Les réflexes tendineux sont conservés. A la face, sur la poi-

trine et le dos se produisent facilement des taches rouges. Pas

de changement dans la sécrétion sudorale.

Antécédents du malade. - L'époque à laquelle parut la therma-

nesthésie du membre supérieur droit nous est inconnue. Il y. a

deux ans, au moment où le malade travaillait, une douleur se diri-

geant vers le pouce le long de l'avant-bras droit parut pour dispa-

raître bientôt après. Cette douleur se répétait à un degré plus

élevé et de temps en temps survenaient des mouvements convul-

sifs dans les doigts. Tantôt la douleur disparaissait pour toute

une journée, tantôt elle reparaissait plusieurs fois parjour

et cessait bientôt. Dès le début de l'apparition de la douleur, le

bras commence à faiblir.

L'amaigrissement de la main débuta aussi en même temps que

survint la douleur.

La cause de la maladie nous est inconnue. La malade habite la

campagne du gouvernement de Kalouga et s'occupe d'ouvrage

manuel. Pas de neuropathies, ni de tuberculose, ni de syphilis

dans la famille. Ses parents avaient eu onze enfants : cinq d'entre

eux sont morts à différents âges, les autres jouissent d'une bonne

santé. La malade jouissait en général d'une bonne santé ; les

règles parurent à l'âge de dix-sept ans; dès cette même époque,

elle commença à maigrir sans aucune cause apparente.

D'abord on administra à la malade le traitement par le mas-

sage à la suite duquel l'hypéresthésie des parties périphériques

diminua, mais les douleurs montèrent et parurent dans la région

scapulaire, près de la clavicule et à la partie supérieure du bras

à la moindre secousse. L'articulation de l'épaule restait nor-

male.

On administra des vésicatoires sur la nuque et le plexus bra-

chial : les douleurs se calmèrent un peu, les autres phénomènes'

restèrent sans changement. La malade éprouva une seule fois une

douleur sourde dans tout le membre supérieur gauche; mais cette

dernière avait un caractère légèrement différent de celle du côté

droit. La malade ne passa qu'un mois à Moscou, après quoi elle

partit pour la campagne.

Tous les symptômes (atrophie musculaire, anes-

Archives, t. XV. , 12

178 pathologie NERVEUSE.

thésie partielle, douleurs) se localisèrent ici presque

exclusivement dans un seul membre.

Malgré le tableau clinique simulant une affection

périphérique, nous n'avons pourtant pas affaire à

une lésion des nerfs périphériques : 1) La sensibilité

est altérée plus que le mouvement ; 2) des degrés

différents d'anesthésie et la sphère anesthésiée sont

tous limités par des segments du membre et ne coïn-

cident pas avec la région de la distribution des

cordons nerveux séparés ; 3) on ne saurait admettre

l'action de quelque cause locale d'origine traumatique

ou autre produisant la lésion de tous les nerfs du

membre supérieur droit au-dessous de l'épaule ;

4) nous ignorons l'existence d'une anesthésie par-

tielle du sens de la température dans le courant

d'une affection des nerfs périphériques. Cette cir-

constance parle contre une pachyméningite cervicale

hypertrophique. Une lésion de la substance grise dans

la moitié droite du renflement cervical de la moelle

épinière, ayant le même caractère que celle des cas

précédents, explique parfaitement les symptômes

cliniques. Des altérations trophiques existent proba-

blement dans les muscles, de même que leur hyperé-

mie associée peut-être à celle des cordons nerveux,

ce qui explique leur sensibilité douloureuse à la

pression.

Observation V.

Homme de trente ans. Thermanesthésie partielle généralisée. -

Anesthésie limitée de la main. - Pareslliésies. Atrophie

musculaire progressive de la main. Phelgmon, panaris, etc.,

dans les antécédents du malade.

Mathieu Béliaïeff, âgé de trente ans, jardinier, est né et

demeure à 1'erlcnié-ICottey, à 4 lieues de Moscou.

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 179

Il n'y a jamais eu de cas d'atrophie musculaire, de para-

lysies, de psychoses, etc., dans sa famille. Son grand-père était

un vieillard robuste, mort il y a trois ans. Son père est mort

quatre ans plus tôt d'une maladie aiguë. Sa mère vit encore et

donna le jour à quatorze enfants. Dix d'entre eux sont morts à

des âges différents; outre le malade sont restées vivantes deux

filles adultes et un fils, se portant bien. Mathieu se maria à

vingt-un ans et devint père de six enfants, qui moururent dans la

première enfance, à la suite de diarrhées; une seule fille, âgée de

quatre mois, est en vie. Il s'occupe de jardinage, s'expose à

diverses influences atmosphériques nocives, mais ne se souvient

pas d'avoir eu de refroidissement intense; pas de traumatisme du

dos, ni de travail épuisant autant qu'il s'en souvienne. Jamais il

n'a eu ni syphilis, ni fièvre intermittente. Pas d'excès alcooliques

ni vénériens. En fait de maladies antérieures, Mathieu ne se

souvient que d'une hydropisie (oedème des membres inférieurs

et des testicules), dont il était atteint vers l'âge de quinze ans,

à l'hôpital des enfants.

Vers l'âge de vingt ans, vertiges au lever du lit. Durant

quinze jours auparavant, le malade s'était mal nourri (c'était le

carême).

A l'âge de vingt-un ans, il se forma dans le tiers inférieur de

l'épaule, du côté, interne, un abcès de la grosseur d'un oeuf de

poule. Il fut ouvert à l'hôpital ; la maladie se termina au bout de

trois semaines. Le gonflement ne s'était pas étendu à toute la

main. Il y a six ans, le petit doigt de la main gauche enfla en

même temps que la partie voisine de la main (l'enflure ne

s'étendait pas jusqu'au bord radial), il se forma un abcès qui

s'ouvrit entre les doigts et donna lieu à une plaie béante séparant

les parties molles interdigitales et descendant du dos et de la

paume de la main jusqu'au niveau des têtes métacarpiennes. La

maladie dura près de cinq semaines environ. L'enflure de la

paume était considérable et s'étendait jusqu'à la face dorsale de

la main. L'avant-bras n'enflait pas. La douleur avait été parfois

très intense. Le malade ne consultait pas les médecins et se con-

tentait de fermer la plaie à l'aide de la charpie ; tout se termina

au bout de cinq semaines (l'abcès s'ouvrit quinze jours après le

début de l'inflammation). Après la guérison de l'abcès (au prin-

temps), les mouvements de la main étaient encore parfaitement

normaux, mais depuis l'été, commença à paraître une crampe

dans la première et la deuxième phalange de l'index et, vers le

printemps suivant, il s'incurva; il se développa simultanément

une faiblesse dans le petit doigt d'abord et dans tous les doigts

ensuite, faiblesse qui se manifestait d'autant plus franchement

que les doigts avaient plus froid. L'amaigrissement au début ne

sautait pas aux yeux et ce n'est que depuis le moment où le pouce

180 PATHOLOGIE NERVEUSE.

commença à être gêné dans ses mouvements, il y a deux ans de

cela, que le malade s'aperçut d'une petite excavation dans le

voisinage du doigt et de l'amaigrissement des autres muscles

interosseux. Depuis que la main s'était affaiblie, elle éprouvait

des fourmillements et des crampes se produisaient tantôt dans

un doigt, tantôt dans l'autre pour deux ou trois minutes. La

faiblesse de la main continue à augmenter légèrement encore. Il

n'y a pas eu d'augmentation de sueurs; une sensibilité au froid,

se manifesta dès le début de l'affaiblissement. La sensibilité

était bonne ; il n'y avait pas de douleurs. De temps à autre, une

fois par an par exemple, d'après le dire du malade, il se produisait

une contraction idio-musculaire du muscle biceps brachial (appa-

rition d'une petite boule semblable à celle qui se forme à la suite

d'un coup sec sur le muscle). A la main droite, il y a près de deux

ans, une crampe tonique commença à se produire tantôt dans un

doigt, tantôt dans l'autre, rarement dans deux doigts simultané-

ment, pour ne durer qu'une minute ; elle était due à une con-

traction qui se produisait ou dans les interosseux, ou dans les

longs fléchisseurs. Dans le courant de la dernière année com-

mencèrent à se produire simultanément aux contractions des

mouvements fibrillaires : le malade les sent; ils ne se produisent

pas dans les mains seules, mais aussi dans l'avant-bras et

l'épaule, et augmentent d'intensité par le froid. Il y a deux ans,

une faiblesse se fit sentir également dans la main droite, mais au

moment où elle est exposée au froid seulement pas de faiblesse

à une douce température. Depuis cette époque, se développa l'ano-

malie dans le petit doigt.

Etat actuel. - Main gauche. - Entre le pouce et le deuxième

métacarpien, une excavation : les espaces interosseux sont aussi

excavés. Le petit doigt est fléchi sous un angle de 100o dans l'arti-

culation de la première phalange avec la deuxième. Il se redresse

passivement presque jusqu'à 180o; les autres doigts sont aussi

légèrement fléchis dans les articulations correspondantes; ils ne

se redressent pas activement ; mais passivement, cela se fait sans

peine. L'extension active isolée dans les articulations interpha-

langiennes est impossible ; il se produit simultanément l'extension

des articulations métacarpo-phalangiennes. Le thénar est très

aplati, ainsi que l'hypothénar. La peau de la paume de la main

est facilement dépressible ; on n'éprouve aucune résistance au-

dessous d'elle.

Le pouce peut être fléchi dans la première articulation et

ramené vers la paume de la main, mais ces mouvements sont

absolument impuissants. La flexion dans l'articulation métacarpo-

phalangienne et l'opposition sont impossibles. Les autres doigts

se fléchissent très faiblement, leur adduction et leur abduction

sont égales à zéro. Le petit doigt est un peu déjeté et n'est pas

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 181

ramené vers les autres doigts. L'extension est forte dans l'articu-

lation métacarpo-phalangienne et manque de force dans les

autres. Les mouvements des articulations radio-carpiennes et les

autres articulations des membres supérieurs ne sont pas atteints.

Contractilité électrique. Courant induit (grand appareil de

Stohrer), le court adducteur du pouce se contracte à 5°, le premier

interosseux à 0, les autres muscles de la main ne se contractent

point. Courant constant. Les nerfs sont normaux dans les muscles

atrophiés, 30 éléments avec l'alternative de Volta ne provoquent

pas de contraction.

Main droite. Il n'existe nulle part de l'atrophie musculaire,

le petit doigt est fléchi dans l'articulation entre les deux pre-

mières phalanges sous un angle de 150° et il est légèrement

déjeté des autres doigts. L'extension passive ne réussit pas com-

plètement. Activement le petit doigt ne se rapproche pas du

quatrième doigt, quoique le quatrième doigt se rapproche de lui.

La flexion du petit doigt dans l'articulation métacarpo-phalan-

gienne est forte. Son extension dans les articulations interpha-

langiennes est considérablement affaiblie, les mêmes mouve-

ments des autres doigts sont légèrement affaiblis en comparaison

de l'état normal. Les mouvements de la main sont libres et forts,

de même que tous les autres mouvements du membre supérieur

droit. Souvent se produisent les mouvements fibrillaires décrits

plus haut dans les extenseurs des pouces, du côté gauche dans

le court abducteur et l'interosseux et parfois aussi dans les

muscles de l'avant-bras. Ils se produisent de temps à autre pour

deux ou trois minutes dans les muscles de la main droite alterna-

tivement des contractures spasmodiques décrites plus haut, mais

à un degré peu marqué.

Point de phénomènes d'hypertonie musculaire. Les réflexes

tendineux sont conservés dans la rotule ; ils sont faibles dans le

tendon d'Achille; les réflexes cutanés sont conservés.

Sensibilité. - Le malade sent et localise partout régulièrement

l'attouchement par un cheveu ; cela est moins bien senti sur les

bouts des doigts, où la peau est légèrement épaissie. L'examen

par le compas de Weber donne partout des chiffres dans les

limites de la normale. Aux membres supérieurs : les bouts des

. doigts des deux côtés, 2 mill. ; le dos de la troisième phalange,

6 ; de la première, 10. Main gauche, première phalange, face

palmaire, 4-5 ; de la deuxième et troisième, 6 et 7 ; la paume de

la main, 12 ; sur Je dos de la main gauche, 2 centimètres et

l'attouchement de chaque pied du compas séparément est très

justement localisé par le malade, de même que l'attouchement

dans chaque espace interosseux ; tandis qu'un attouchement

simultané fait sur deux espaces interosseux ne donne que la

sensation d'un seul attouchement. L'attouchement du tendon

18 PATHOLOGIE NERVEUSE.

extenseur de chaque doigt se définit aussi d'une manière parfai-

tement juste. Le malade se trompe à l'avant-bras dans la locali-

sation d'attouchements séparés à un ou deux travers de doigts

dans la direction longitudinale et ne sent qu'un seul attouche-

ment si on le touche avec les pointes du compas écartés de

5 centim. A droite, au milieu de la face dorsale de l'avant-bras

les pointes du compas étant écartées de 7 centim., pris séparé-

ment, il localise les deux attouchements consécutifs d'une manière

très précise, et à -l'attouchement simultané des deux pointes, il

ne lui parait pas double. Le sens du lieu est très bien développé

sur les membres inférieurs.

La sensibilité à la douleur examinée par de légères piqûres et

par le courant induit parait être parfaitement conservée sur toute

la surface du corps. Le malade détermine infailliblement la diffé-

rence de pression entre 300 et 350 grammes sur les paumes des

mains. Le sens musculaire est conservé.

Le sens de la température est affaibli à un degré considérable

sur toute la surface du corps ; il l'est un peu moins sur le front

et la joue gauche, où le malade sent la différence thermique de

2 à 3°; au maximum dans les membres supérieurs où le malade

ne perçoit pas de différence de 25°, et à la partie supérieure du

bras de 40°, entre 0 et 40°. Aucune de ces températures ne

provoque ici de sensations spécifiques de chaleur et de froid.

Le thorax et les membres inférieurs occupent le milieu dans

l'anesthésie thermique. Il est à remarquer qu'ici la différence de

4e et de 2° et 1/21 parfois est justement définie, et ensuite une

différence de 1 à 20° n'est pas perçue.

Durant tout le temps que le malade a passé à l'hôpital il se

plaignait de toute une série de sensations subjectives : tantôt de

céphalalgie, tantôt d'autre chose ; les douleurs venaient et

cessaient; tantôt il sentait des picotements, tantôt des tiraille-

ments dans la poitrine,- des fourmillements sous-cutanés, d'eau

froide coulant sous la peau des membres inférieurs dans la direc-

tion du nerf sciatique, etc.

En général il suit, avec attention extraordinaire chez un ouvrier,

les sensations les plus insignifiantes et se plaint de quelque chose

au médecin à chaque visite. -

Point d'altérations dans les autres sphères du système nerveux.

Les organes des sens sont normaux, les pupilles sont égales, elles

réagissent bien. Les nerfs moteurs de l'oeil, de la face, la dégluti-

tion, l'articulation et les organes du bassin sont à l'état normal.

Les organes internes sont en bon état. La complexion est solide.

Le malade ne resta pas longtemps à l'hôpital et sortit dans le

même état. De temps en temps il venait se faire voir par moi

dans le courant de l'année suivante.

8 Janvier 1883. Les troubles du mouvement et de la sensibi-

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE.

183

lité ne présentent pas de changements notables. La main droite

est subjectivement plus atlaiblie.

Les muscles de la partie supérieure de

l'avant-bras sont très rudes au palper,

ne sont pas douloureux et « sont comme

brûlants », selon l'expression du malade.

Il lui semble qu'ils sont plus forts. La

main plongée dans une cruche d'eau à40o,

« est comme dans un espace vide». Les

soubresauts persistent ; pendant l'examen

on observe une série de mouvements de

flexion et d'extension non rythmés et non

étendus dans l'articulation interphalan-

gienne du pouce de la main gauche ; si-

multanément il y a un tremblement et

une trépidation rapide des muscles de

la face interne de l'avant-bras; si le ma-

lade, après avoir fortement serré le poing,

ouvre la main droite, l'index reste pour

une minute spasmodiquementfléchi. Mou-

vements fibrillaires comme auparavant.

9 octobre 1883. Depuis le mois de juillet,

le malade sent un affaiblissement du sens

de la douleur et du toucher à la moitié

radiale de la main droite (fig. 7 et 8). Il

occupe les trois premiers doigts et la ra-

diale du quatrième; sa limite va exacte-

ment au milieu de la paume de la main

et de la face dorsale du quatrième doigt

en descendant. Sur la paume de la main

la ligne séparant la partie anesthesiee forme dans le tiers supé-

rieur de la main une courbe qui con-

tourne la partie inférieure du thénar et

vient se joindre à la ligne frontière de

l'anesthésie venant à sa rencontre du dos

de la main, où sa disposition est sem-

blable à celle qu'elle a sur la paume

(fig. 7. et 8). Bientôt après l'apparition de

l'anesthésie, commença à se développer, le

gonflement de la main droite existant jus-

qu'à présent. Le dos de la main est oedé-

matié dans sa partie supérieure, et sur la

limite de l'articulation radio-carpienne;

l'oedème est de consistance plus solide; il

n'existe pas de fluctuation. La peau est

rougeâtre, point de douleur, les mouvements sont peu limites

Fig. 19.

Fig. 20.

184 pathologie NERVEUSE.

par l'oedème; il augmente parle travail ; au repos il ne per-

siste qu'au-dessus de l'articulation. Celle-là est sans changements

appréciables. Dans la première moitié de 1883 une enflure sem-

blable existait au-dessus de la maléole interne d'un côté, il ne

disparaissait pas sous l'influence de l'iodure de potassium et de

frictions, mais disparut tout seul, après avoir existé pendant plus

de six mois.

26 janvier 1884. L'oedème de la main a disparu, mais en re-

vanche, on observe sur les faces palmaires et dorsales de l'articu-

lation radio-carpienne du côté (radial) externe des intumescences

de consistance molle et élastique, sans fluctation. Ils ne sont pas

nettement limités, siègent dans le tissu cellulaire sous-cutané, et

sont de la grandeur d'un sou sur la face palmaire, et de dix

centimes sur la face dorsale; ces tumeurs sont assez plates, la

pression du doigt ne laisse pas de trace, on observe dans les os et

les tendons de cette région rien d'anormal ; il n'y a point de dou-

leurs.

Les sens du toucher et de la douleur sont abaissés, quoiqu'ils

ne soient pas détruits, sur les mains et les doigts dans les limites

antérieures. L'atrophie et la faiblesse de la main gauche sont

restées stationnaires. A la main droite atrophie partielle des

muscles du thénar, surtout dans la partie inféro-externe, et un

commencement d'atrophie du premier muscle interosseux ; tous

les mouvements du pouce sont conservés ; objectivement on n'ob-

serve point de faiblesse, mais le malade se plaint d'un affaiblisse-

ment du pouce et de la main.

28 février. L'affaiblissement de la main droite progresse, il

y a une légère main en griffe, l'extension complète des phalanges

est impossible. Les muscles interosseux sont considérablement

affaiblis et présentent un commencement d'atrophie. Le thénar

et l'hypothénar sont atrophiés, le pouce est faible. Le malade

serre assez fort le poing. L'état de sensibilité est partout demeuré

stationnaire. Les tumeurs sont diminuées et devenues plus

solides.

Le cas cité est très intéressant, grâce à l'extension

de la thermanesthésie isolée, occupant la surface

totale du corps.

Ce tableau remarquable de vaste lésion d'élection,

rigoureusement systématique (au point du vue symp-

tomatique), ne s'est compliqué que vers la fin de la

maladie d'une altération des autres espèces de sensi-

DE LA GLIOMATOSE MÉDULLAIRE. 185

bilité de la main. Ici la région occupée par l'anesthésie

générale n'a pas seulement complètement répondu à

la région innervée par un seul nerf, mais même aux

limites de la distribution de deux ou trois branches

nerveuses ; elle donne peut-être quelque indication de

la distribution topographique dans les cornes posté-

rieures des nerfs sensitifs de la main. Dans ce cas,

nous voyons, outre l'anesthésie partielle les altéra-

tions trophiques caractéristiques décrites par d'autres

auteurs, des tumeurs pâteuses dans le tissu cellulaire,

tantôt paraissant, tantôt disparaissant, le phlegmon,

le panaris, la tendovaginite, etc.

Il est à remarquer que ce malade aussi nous a fait

entendre toute une série de plaintes de sensations

indéfinies et pas bien accusées; on n'entend des

plaintes semblables que des hypocondriaques oisifs ,

elles sont d'autant plus caractéristiques qu'elles par-

tent de la bouche d'un ouvrier. last nos least

atrophie musculaire ayant le caractère de l'atrophie

musculaire progressive protopathique spinale, pour

laquelle elle avait été prise d'abord, lorsque je vis

le malade au dispensaire, et l'examen ne fit pas

découvrir d'anesthésie à la douleur et au toucher, et

lui-même déclara que ses mains sentaient la diffé-

rence entre la chaleur et le froid. Une anesthésie

profonde du sens de la température avait ainsi

échappé pendant très longtemps à l'attention du

malade et ne fut déterminée par moi qu'à l'hôpital,

quoiqu'elle pût être constatée sans aucune peine, si,

n'ayant pas cru au malade, je m'étais contenté au

moins d'une épreuve grossière, faute d'avoir mon

thermesthésiomètre sous la main.

186 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Tous ces symptômes permettent à peine de douter

du diagnostic gliomatose spinale et bulbaire à

tel point ils sont nombreux et caractéristiques. A la

vérité, nous nous trouvons là pour la première fois en

présence d'une anesthésie partielle du seul sens de la

température, mais la première et la deuxième obser-

vation nous prouvent qu'elle peut exister seule dans

certaines régions (entre autres dans celle du nerf

trijumeau) en se combinant avec l'analgésie dans

d'autres. Ici nous n'avons que l'absence de ces der-

nières régions (pas toujours grandes dans d'autres cas

aussi), d'anesthésie partielle combinée et une augmen-

tation considérable de la région de thermanesthésie

isolée, occupant un espace considérable dans d'autres

observations également.

L'atrophie musculaire associée à l'anesthésie par-

tielle diffuse confirme le diagnostic définitivement; les

petits mouvements spasmodiques des muscles sont

très typiques et quant aux maladies chirurgicales du

tissu cellulaire, aussi bizarre que cela puisse sembler

de premier abord, leur liaison avec les symptômes

fondamentaux de la maladie, contribue au tableau

clinique de notre observation en lui prêtant ses traits

caractéristiques. (,t suivre.)

DE l'astasie ET DE l'abasie. '18ï I

SUR UNE AFFECTION CARACTÉRISÉE PAR DE L'ASTASIE

ET DE L'ABASIE 1

(Incoordination motrice pour la station ET pour la. marche (Ciiar-

COT et IiICIIE11. Ataxie motrice hystérique (V. nI(TCIIGLL.

Ataxie par défaut DE coordination automatique) .L1CCOUD;

Par PAUL BLOCQ, interne des hôpitaux.

III. Description du syndrome. Les observations

qui précèdent nous permettront de tracer l'esquisse

d'un tableau de cette affection.

Dans la plupart des cas, le début est assez brusque ;

à la suite d'une émotion vive ou d'un léger trauma-

tisme, le trouble s'établit soit d'emblée, soit progres-

sivement en l'espace de vingt-quatre heures. Il n'est

pas rare qu'à ce moment il soit précédé ou accompa-

gné de quelques phénomènes douloureux, tels que

céphalalgie ou rachialgie.

Le désordre porte exclusivement sur les actes asso-

ciés de la station debout et de la marche, qui sont

empêchés à des degrés divers. Mais il importe, tout

d'abord, de constater ce fait commun à tous les cas :

lorsque le malade est assis ou couché, on n'observe

rien d'anormal, quoiqu'il existe cependant quelquefois

des altérations de la sensibilité cutanée des membres

inférieurs. Mais, du moins dans les cas typiques, la

puissance dynamométrique des muscles des mêmes

membres persiste, la conscience musculaire est in-

demne ; enfin, le malade exécute, avec force et préci-

sion, tous les mouvements qu'on lui ordonne. Ainsi

' Tome XV, n° 13, p. 2 1.

188 pathologie NERVEUSE.

peut-on lui faire lancer un coup de pied, croiser ses

jambes sous lui, atteindre avec le pied le but qu'on lui

désigne, etc.

De plus, les membres inférieurs ne présentent ni

mouvements involontaires, ni secousses.

Ce n'est que lorsqu'on commande au malade de se

tenir debout et de marcher que se révèlent les anoma-

lies. Celles-ci offrent, dès lors, quelques variétés dont

il importe de tenir compte dans la description.

Dans certains cas, la station debout et, a fortiori, la

marche sont complètement impossibles. Dès qu'on

met le malade sur pied, en le maintenant sous les ais-

selles de chaque côté, on le voit fléchir comme si ses

jambes étaient de coton, et il s'affaisserait s'il n'était

soutenu. Cependant, contraste saisissant, le même

malade, mis dans la position genu-pectorale, marche

« à quatre pattes » sans aucune difficulté.

Dans d'autres cas, le malade se tient debout lors-

qu'il est faiblement maintenu ; mais, dès qu'il s'agit de

marcher, il ne fait guère que se traîner, soutenu de

chaque côté par des aides : alors, les membres infé-

rieurs restent accolés l'un à l'autre sans raideur, les

pieds se détachant à peine du sol ; ces mouvements

n'ont de la marche que l'alternance des actes des deux

membres et ressemblent beaucoup à ceux d'un petit

enfant qui apprend à marcher.

Il arrive aussi que, lors de ces essais de marche à

l'aide de deux aides ou de béquilles, on constate di-

vers mouvements contradictoires et incoordonnés : les

jambes paraissent comme disloquées et s'embarrassent

l'une dans l'autre, ou bien les membres, souples au

lit et dans la station assise, se raidissent dès qu'ils

DE l'astasie ET DE l'abasie. 189

touchent le sol et se mettent convulsivement en demi-

flexion à angle droit avec le tronc.

Enfin, dans une autre forme, la station et la marche

ne sont plus que gênées au plus haut degré tout en

restant néanmoins possibles.

Les phénomènes qu'on observe alors n'en sont pas

moins caractéristiques.

Pendant la station, il se produit des mouvements de

brusque flexion des genoux suivis d'une extension très

rapide; à chacune de ces flexions des membres corres-

pond une flexion du tronc sur le bassin et, aussitôt

après, un mouvement d'extension du corps. L'en-

semble de ces actes rappelle assez ce qui se passe

lorsqu'on donne, à l'improviste, un coup sec sur le

creux du jarret, le membre étant dans l'extension.

Ces contorsions capitales entraînent des mouvements

secondaires compensateurs des membres supérieurs et

de la tête, destinés à maintenir l'équilibre autant que

possible et à prévenir la chute. Ces troubles s'accen-

tuent de plus en plus pendant la marche en restant

semblables; il y a même flexion de la cuisse sur la

jambe et du tronc en avant, suivis de redressement

ayant lieu à chaque pas. Même alors, l'extension con-

sécutive à la flexion des jambes peut être à ce point

intense qu'elle détermine un véritable saut, pendant

lequel le corps tout entier est projeté à quelques cen-

timètres au-dessus du sol.

En tout cas; ces mouvements sont irréguliers et non

rythmés; quelquefois, ils sont inégaux des deux côtés

du corps. -

On observe aussi qu'il'se produit, seulement pen-

dant la station et la marche, des oscillations du corps

190 pathologie NERVEUSE.

en avant et en arrière ou de droite à gauche, par une

série d'efforts, pour maintenir l'équilibre, qui dépas-

sent le but..

Ajoutons, enfin, qu'à son moindre degré, le trouble

peut ne consister qu'en une sorte d'incertitude de la

station et de la marche, figurant assez la marche pieds

nus, sur un sol'rocailleux, chez des individus inac-

coutumés.

L'influence de l'occlusion des yeux est inconstante;

toutefois, elle paraît d'habitude aggraver le désordre.

Les réflexes tendineux sont normaux dans la majo-

rité des cas, et il n'existe pas non plus de clonus du

pied.

Un point intéressant à relever, c'est que des modes

de progression autres que la marche normale peuvent

persister : tels, le saut, l'acte de grimper, la marche

à cloche-pied , la marche à quatre pattes. Nous

n'avons pu faire d'observations concernant d'autres

combinaisons musculaires comme la danse, la nata-

tion, le patinage, etc.; ces constatations seraient du

plus grand intérêt, et nous les signalons dans ce but.

Il arrive ainsi que quelques malades se créent des

procédés de translation particuliers, par exemple « en

sautant comme une pie » ou à l'aide d'une chaise sur

laquelle le malade s'asseoit et qu'il soulève avec ses

mains en la faisant progresser par petits sauts, mouve-

ment dont nous sommes coutumiers pour, étant assis,

nous rapprocher légèrement d'une table sans nous

lever.

Le fait capital reste, en somme, l'intégrité des actes

musculaires dans le décubitus, et leur non-appropria-

tion à l'accomplissement aux fonctions spéciales de la

DE l'astasie ET DE l'abasie. '19'1

station et de la marche, d'où la justification des termes

astasie et abasie que nous avons proposé d'adopter.

Dans beaucoup de cas, l'examen complet et appro-

fondi du malade ne décèle rien de plus que cette in-

coordination motrice fonctionnelle. Dans une obser-

vation, toutefois, nous avons cru devoir ranger la

malade dans la catégorie que nous décrivons, quoique

les fonctions des membres inférieurs fussent, au repos,

altérées à un certain degré, parce que leur impo-

tence était insuffisante à expliquer-les troubles de la

station et de la marche, qu'on pourrait considérer ici

(Ous. X) comme étant survenus à titre de compli-

cation.

M. Babinski nous a également communiqué un cas

de ce genre, dans la relation duquel il est dit : « Lors-

que la malade, est au lit, elle peut bien étendre la

jambe sur la cuisse, et elle résiste assez énergiquement

lorsqu'on veut fléchir le membre... Cependant, la sta-

tion n'est possible qu'avec des aides. »

Assez fréquemment (5/11 de nos observations), les

désordres du mouvement sont accompagnés des phé-

nomènes révélateurs de la diathèse hystérique, tels que :

ovarie, zones hypéresthésiques, analgésiques, rétrécis-

sement du champ visuel , troubles sensoriels divers,

attaques, qui devront, par suite, toujours être recher-

chés avec le plus grand soin dans les cas semblables.

- Enfin, on prévoit les cas où les phénomènes de

l'astasie et de l'abasie se trouveront entremêlés avec

des symptômes révélateurs d'une affection organique

spinale.

A part cela, toutes les fonctions s'accomplissent ré-

gulièrement et l'état général reste bon.

192 pathologie NERVEUSE.

D'après nos observations et la description que nous en

avons tirée, il est déjà possible de distinguer plusieurs

formes d'astasie et d'abasie correspondant aux divers

degrés auxquels les fonctions station et marche sont

atteintes. Celles-ci sont, en effet, amoindries, abolies ou

troublées, également ou inégalement l'une par rapport

à l'autre, et l'oil rangera aisément nos faits dans l'une

de ces catégories. On conçoit, du reste, qu'il puisse

exister de nombreuses variétés dans l'espèce sans que,

pour cela, l'individualité du type en soit compromise.

La marche de cette affection est assez capricieuse ;

ainsi, le trouble, déjà établi depuis plusieurs mois, a pu,

dans un cas, disparaître complètement pendant vingt-

quatre heures, pour réapparaître et persister ensuite

assez longtemps. Toutefois, d'ordinaire, l'état station-

naire dure et est suivi de la cessation brusque du

désordre. Sa durée a varié entre trois et quinze mois,

mais la guérison a été jusqu'à présent la règle. Le pro-

nostic serait donc à peu près toujours favorable.

Cependant, il faut compter avec les récidives : elles se

sont produites chez deux de nos sujets. Ajoutons que la

bénignité de cette affection ne saurait être sans doute

applicable à tous les cas; il serait prématuré de décré-

ter à ce sujet des règles absolues, et nous avons fait

allusion déjà aux cas où le syndrome abasie-astasie

viendrait se combiner aux symptômes d'une affection

organique.

Diagnostic. Les caractères fondamentaux de l'af-

fection sont assez particuliers et assez saisissants pour,

qu'une fois l'attention attirée sur ce point, il soit im-

possible de la confondre avec toute autre espèce d'im-

DE l'astasie ET DE l'abasie 193

puissance motrice des membres inférieurs , quelle

qu'elle puisse être. Cependant, le diagnostic est difficile

dans quelques cas, et, dans la plupart des relations

que nous donnons, des erreurs grossières ont été com-

mises à cet égard, même par des médecins distingués.

De plus, l'emploi d'un diagnostic différentiel rigoureux

confirmera l'autonomie du syndrome que nous étu-

dions.

Dans le cas où l'impossibilité de la station et de la

marche n'est pas absolue, le contraste entre ce qui

s'observe au repos et lors de la marche peut faire

songer à l'ataxie locomotrice; il y a, en effet, ataxie,

si ce mot est pris dans sa signification la plus large

(de fait, ce diagnostic a été porté au sujet de la ma-

lade de notre observation I), mais ce n'est pas l'ataxie

tabétique. Dans le tabès, les membres inférieurs se

dérobent souvent, mais jamais de façon à constituer

l'obstacle unique à la progression. La marche du tabé-

tique offre des particularités connues bien différentes

(projection du pied en avant). Mais, surtout, le malade

au repos offre toujours de l'incoordination pour tous

les mouvements des membres inférieurs. Enfin, il

existe d'autres signes : absence des réflexes, troubles

oculaires, douleurs fulgurantes, troubles vésicaux, etc.,

tout à fait spéciaux.

Lors de la maladie de Friedreich, l'incoordination se

manifeste également, le malade étant assis ou couché

et affecte aussi les membres supérieurs; de plus, le

nystagmus, l'embarras de la parole, la perte des

réflexes, la marche même de la maladie ne permettront

pas de douter longtemps.

Le trouble que Briquet puis Lasègue ont nommé

Archives, t. XV. 13 3

194 pathologie nerveuse.

ataxie hystérique, c'est-à-dire l'incoordination motrice

qui se manifeste sur des membres privés du sens

musculaire et articulaire lors d'occlusion des yeux,

n'est nullement comparable à l'astasie, de par cette

seule définition.

Lorsque la station et la marche sont complètement

impossibles, il serait permis de croire à une paraplégie

hystérique, et cela d'autant mieux qu'on décèle assez

fréquemment des stigmates hystériques chez nos ma-

lades, et que souvent aussi l'occasion du développe-

ment de l'affection porte à croire à une paralysie

psychique. Or, on sait que la paralysie hystérique se

présente sous deux formes cliniques typiques qui, au

premier abord, semblent séparées, mais qui, en réa-

lité, se rattachent l'une à l'autre par des cas intermé-

diaires qui font la transition. Dans un premier groupe,

la paralysie est avec flaccidité, dans l'autre, la para-

lysie est avec rigidité.

Dans ce dernier cas, la contracture est trop facile

à distinguer pour que l'erreur soit possible. Dans le

premier cas, il s'agit d'une diminution réelle ou d'une

abolition de la force dynamométrique, qui se révèle

aussi bien pendant la station assise et lorsque le ma-

lade est couché que dans le cas où il est debout.

Quand l'affection se présente sous sa dernière

forme, c'est-à-dire qu'il existe des mouvements désor-

donnés et contradictoires, pendant la station et la

marche, leur apparence choréiforme pourrait donner

le change et faire croire peut-être qu'il s'agit là de la

chorée, non de la chorée vulgaire, en tous cas, qui,

entre autres caractères, affecte les membres supérieurs

et la face, et, de plus, ne cesse pas lors de décubitus,

DE l'astasie ET DE l'abasie. 195

mais de la chorée hystérique. La chorée rythmée offre

comme caractères spéciaux le rythme et la cadence

des mouvements, leur intermittence sous forme d'ac-

cès ; de plus, les accès eux-mêmes se produisent pen-

dant que la malade est couchée; enfin, lors de l'accès,

tous les autres mouvements (saut, marche à cloche-

pied) sont empêchés. L'erreur sera donc aisément

évitée.

La confusion serait plus facile avec l'affection dé-

crite par M. Bamberger sous le nom de convulsion

réflexe saltatoire (Saltatorisch Reflexkrampf). Il s'agit

de sujets chez lesquels aussi les mouvements anor-

maux nuls dans la station assise, et si le malade est cou-

ché, se manifestent aussitôt qu'il pose le pied à terre.

Mais les désordres qui se produisent alors consistent

en véritables sauts brusques et très rapides qui sou-

lèvent le corps à 10 et 15 centimètres du sol et qui

ne cessent que quand le malade retombe épuisé ou

s'assied. Dans la majorité des cas, le malade étant

assis ou couché, les mouvements des membres infé-

rieurs reparaissent de nouveau à un certain degré

quand on chatouille la plante des pieds ou quand on

la presse fortement, phénomènes qui diffèrent essen-

tiellement de ceux que présente l'astasie. L'impres-

sion des auteurs qui ont étudié les cas de ce genre

est qu'il s'agit là d'un phénomène relevant de l'exa-

gération des réflexes tendineux et plus précisément,

suivant Erb, d'un phénomène connexe de la trépida-

tion épileptoïde qui se produit chez les sujets atteints

de paraplégie spasmodique par le redressement de la

pointe du pied.

Il n'y aurait pas lieu de distinguer l'affection qui

196 pathologie nerveuse.

nous occupe de celle qu'a décrite Erlenmeyer sous le

nom de convulsion statique, si l'on s'en tenait à l'ob-

servation publiée par cet auteur et que nous avons

reproduite, quoiqu'il la range dans la catégorie des

spasmes saltatoires de Bamberger. Ce fait se rappro-

che, en effet, tellement des nôtres, qu'il est permis de

lui attribuer semblable interprétation. Le malade dont

Erlenmeyer relate l'histoire, offre des phénomènes

presque identiques à ceux de la malade Go..., dont le

cas si typique a été l'occasion de plusieurs des leçons

de M. Charcot. La marche a lieu avec les mêmes alter-

natives de flexion et de redressement des membres

inférieurs et du tronc ; le saut que présente le malade

d'Erlenmeyer, et qui survient après quelques pas,

résulte de l'exagération progressive des mêmes mou-

vements incoordonnés. Ce cas n'a que cette parti-

cularité secondaire de commune avec les spasmes

saltatoires; il s'en éloigne en ce que les sauts ne

se produisent pas immédiatement aussitôt que le pied

a touché le sol, ne se continuent pas ensuite jusqu'à

épuisement du malade, enfin en ce que ni la percus-

sion ni le chatouillement de la plante du pied ne dé-

terminent le phénomène.

On différenciera enfin les rares convulsions fonc-

tionnelles dont sont passibles les membres inférieurs :

spasme des jumeaux chez les ouvriers employés à la

machine à coudre, spasme des rémouleurs décrit par

Duchenne, spasme des chorégraphes, danseuses de

ballet (Schultze). Toutes occupent un groupe de muscles

déterminé et ne se révèlent qu'à l'occasion de l'exer-

cice de la fonction à l'exécution de laquelle ce groupe

musculaire est préposé.

DE l'astasie ET DE l'abasie. 197

Ainsi que nous l'avions fait prévoir, l'astasie et

l'abasie ne peuvent rentrer dans aucune des divisions

nosographiques actuelles. Aussi bien n'existe-t-il pas

d'autre affection dans laquelle les mouvements parti-

culiers normaux quand le malade est couché ou assis,

et encore dans certains actes complexes, comme la

saltation, par exemple, deviennent à ce point incoor-

donnés dans la station et dans la marche qu'ils rendent

ces actes à peu près ou complètement impossibles. Il

s'agit donc en réalité d'un complexus symptomatique

spécial, et ce contraste est pathognomonique de l'asta-

sie et de l'abasie, quelles qu'en soient les variétés.

Causes. L'affection frappe l'un et l'autre sexe :

elle atteindrait plutôt les enfants de dix à quinze

ans, mais les adultes n'en sont pas indemnes,

deux de nos malades avaient vingt-deux et vingt-

cinq ans. Nous avons même constaté l'existence de

ce trouble chez une femme de cinquante-deux

ans. La cause immédiate des accidents paraît être

le plus souvent une émotion plus ou moins vive,

appréhension, frayeur ou encore un traumatisme

de minime importance survenu dans une chute, et

l'on peut se demander si c'est la chute ou l'émotion

qui l'accompagne qui est en jeu. Dans un cas la ma-

ladie a succédé à une couche laborieuse, dans un

autre à la fièvre typhoïde. D'autres fois aucun motif

n'est manifeste. Vraisemblablement, il ne s'agit là

que de causes occasionnelles qui n'acquièrent leur

toute-puissance que parce qu'il s'agit de sujets pré-

disposés ; la concomitance habituelle de stigmates hys-

tériques en fait foi.

'198 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Traitement. - Le traitement qui a été institué et

suivi de succès dans la plupart de nos observations

n'est autre que celui que M. Charcot applique d'ordi-

naire aux manifestations hystériques : traitement mo-

ral, isolement, hydrothérapie, etc. Les procédés.mis

en oeuvre habituellement pour la cure des accidents

hystériques, la suggestion hypnotique, notamment,

ont également réussi. Disons que, dans l'un de nos

cas, M. Babinski a obtenu une guérison rapide par

la méthode du transfert d'un sujet à l'autre de l'ai-

mant, qu'il a imaginé. Enfin, il serait logique à l'aide

de travailler à rééduquer les malades et de leur appren-

dre à marcher.

IV. Physiologie pathologique. Les considéra-

tions qui suivent seront peut-être de nature à éclairer

la physiologie pathologique du syndrome astasie-aba-

sie, dont nous avons essayé de déterminer les carac-

tères cliniques.

Il est utile, au préalable, de rappeler ici quelques

points relatifs à la physiologie de la station et de

la marche considérées à l'état normal. Nous em-

pruntons d'abord à M. Mosso un passage qui nous

paraît approprié au but que nous nous proposons

d'atteindre : « Rien que 'pour apprendre à mar-

cher, dit-il, l'homme éprouve de grandes difficultés.

Au commencement, les enfants ont une grande peur

de se laisser tomber, même lorsqu'il ne leur est pas

arrivé de faire de chute. Nous faisons tous nos mou-

vements avec peine et non sans un travail sérieux ;

peu à peu l'acte devient moins raisonné et enfin à

peine volontaire, nous ne saurions dire automatique,

DE l'astasie ET DE l'abasie. 199

car la volonté intervient au moins au commencement.

Mais une fois engagés dans une route pour nous pro-

mener ou pour faire un voyage, nous pouvons mar-

cher longtemps sans nous en apercevoir. Ribot' parle,

d'après Trousseau, d'un musicien qui faisait sa partie

de violon dans un orchestre et qui était pris de ver-

tige épileptique pendant lequel il perdait la cons-

cience. « Cependant, il continuait à jouer en mesure

quoique restant absolument étranger à ce qui l'entou-

rait, quoiqu'il ne vît ni n'entendit plus ceux qui l'ac-

compagnaient. » Il nous arrive à tous de lire à haute

voix sans savoir ce que nous lisons et d'écrire un mot

pour un autre quand nous sommes distraits. Bien des

gens accablés de fatigue ont dormi en marchant. On

pourrait citer en grand nombre des exemples qui

prouvent que des mouvements qui, au début, ont coûté

de grands efforts de volonté, sont devenus tellement

habituels qu'on les accomplit sans en avoir cons-

cience.

Demandons-nous maintenant comment s'opère cette

transformation du mouvement volontaire en mou-

vement automatique ? Lorsque nous faisons pour

la première fois des mouvements compliqués notre

cerveau est le siège d'une grande activité. Rien

ne se fait sans le secours des cellules du plan

supérieur, c'est-à-dire des circonvolutions auxquelles

viennent en aide les organes des sens, afin de dé-

brouiller l'enchevêtrement d'ordres et de contre-

ordres à envoyer aux fibres musculaires. Le travail

s'accomplit sous une direction compétente et éclairée

1 Th. Ribot, Les Maladies de la mémoire.. Paris, 1881, p. 9.

200 pathologie NERVEUSE.

mais, à force de répéter le même travail, les commu-

nications deviennent plus étendues et les voies plus

aisées. A la longue le travail finit par être exécuté

par le plan inférieur et sans le concours de la volonté.

On comprend, en effet, que plus une action est fré-

quente, plus aussi le mécanisme qui sert à l'accom-

plir tend à s'organiser '. »

L'enfant qui commence à exécuter l'acte complexe

de la marche fait d'abord maladroitement les mouve-

ments jusqu'à ce que, à force d'essais et après beau-

coup d'efforts volontaires, il les accomplisse réguliè-

rement. Lorsque l'ensemble des mouvements a enfin

été associé, leur exécution simultanée devient de plus

en plus aisée et finit par être accomplie sans effort et

même sans conscience : la marche est devenue alors,

comme on dit, une action automatique secondaire ou

acquise. L'enfant acquiert avec la même lenteur la fa-

culté de maintenir son corps dans l'équilibre requis

pour se tenir debout 2. Comment se développent ou

mieux se créent ces centres médullaires d'actions

coordonnées ? « A la manifestation de l'énergie ner-

veuse correspondent une modification et une usure de

la substance nerveuse; et, quoique la nutrition régé-

nère peu à peu les éléments usés et rétablisse l'équi-

libre statique, cette réparation même s'effectuant sur

le trajet modifié, sert à enregistrer l'expérience. Ce

n'est pas une simple intégration qui a lieu, mais une

réintégration : la substance est restaurée d'une façon

spéciale, ce qui fait que la modalité fonctionnelle qui a

A. Mosso. - La Peur. Tracl. française. Paris, 188G, p. 42.

' J. Mill. Anal. IIt41n, rni1HI., p. 271.

DE l'astasie et DE l'abasie. 201

eu lieu est pour ainsi dire incorporée ou incarnée dans

la structure de la moelle épinière et y subsiste à titre

de substratum d'un mouvement potentiel ou abstrait.

Il en résulte pour l'avenir, une tendance à la répé-

tition de la même fonction , tendance renforcée par

chaque répétition. Ainsi, toute impression laisse après

elle une trace ou résidu qui est de nouveau mis en jeu

par un stimulus approprié : par là, les facultés de la

moelle s'élaborent et mûrissent graduellement '. »

Ces actions coordonnées s'établiraient, du reste,

avec d'autant plus de facilité que le germe de l'har-

monie des organes de la locomotion semble inné et

prêt à entrer en action à l'époque voulue 2, comme le

démontre ce fait que, longtemps déjà avant de mar-

cher, les enfants font des mouvements alternants avec

leurs jambes lorsqu'on les tient de façon à ce que

leurs pieds touchent le sol \ Vulpian remarque, à cette

occasion, que si l'homme ne marche pas dès sa nais-

sance, c'est vraisemblablement à cause du développe-

ment incomplet de ses centres nerveux. « Si l'en-

fant, dit-il, présentait un degré de développement

égal à celui du cochon d'Inde, il marcherait dès le

premier jour. » La question de mécanisme présente,

du reste, une importance relative, et, se plaçant à un

point de vue moins spéculatif, il est permis de se bor-

ner à considérer que les facultés de la moelle épinière

sont acquises par l'éducation. « L'enfant a certaine-

ment la faculté d'apprendre à marcher, mais le pro-

cédé de l'apprentissage consume beaucoup de temps et

1 Maudsiey, PhysIOlogie de l'esprit, trad. fr., p. HO.

° A. Bain. Les sens et l'intelligence.

3 Maudstey. Loco citato, p. 143.

202 pathologie NERVEUSE.

d'énergie et correspond à un développement progressif

de la moelle épinière; il est, en un mot, le devenir de

sa faculté \ »

Sans entrer trop avant dans le champ des hypo-

thèses, il est permis d'admettre, pensons-nous, qu'il

existe dans l'écorcedes groupes cellulaires différenciés

qui, par des commissures spéciales, entrent en relation

avec des groupes cellulaires correspondants dans les

centres spéciaux. Des groupes corticaux part le stimu-

lus, à l'occasion duquel ces centres spinaux entrent

automatiquement en action.

M. Charcot rend ce mécanisme saisissant à l'aide

d'une image. Il compare les divers centres médul-

laires, relatifs à la marche, à ces rouleaux de cuivre

des boîtes à musique, hérissés de petites pointes, dont

la disposition variable correspond à des airs différents.

Dans le groupe cérébral cortical serait le ressort

qu'il suffit de déplacer pour mettre l'appareil en action.

La comparaison nous parait d'autant plus instructive

en la circonstance que le même ressort a, dans l'orgue,

la double fonction de suspendre le mouvement et de

changer l'air. C'est ainsi que, dans le cas de la mar-

che, les centres spinaux, une fois activés par le centre

cortical, continuent à agir automatiquement jusqu'à ce

que survienne l'ordre d'arrêt ; et l'on conçoit qu'au

lieu de commander soit la station, soit la marche, le

groupe cérébral puisse mettre en jeu les groupes cel-

lulaires spinaux où réside le mécanisme de la course

ou du saut, etc.

Cette théorie de la station et de la marche, envisa-

llfaudsley. In loc. cit., p. 144.

DE l'astasie ET DE l'abasie. 203

gées comme actions automatiques secondaires résidant

dans des centres spinaux, s'appuie, d'ailleurs, sur un

ensemble assez cohérent de faits anatomiques, physio-

logiques et pathologiques.

Il est tout d'abord un certain nombre d'expériences

qui démontrent que, chez certains animaux, le centre

des mouvements coordonnés pour la marche est dans

la moelle.-Si on coupe la tête d'un canard d'un coup

de couteau, il s'agite et bat des ailes comme s'il vou-

lait fuir. On dit que l'empereur Commode faisait,

dans le cirque, trancher la tête à des autruches à

l'aide de faulx et que ces animaux continuaient à

courir pendant un certain temps. Une grenouille

décapitée peut encore nager ou sortir du vase qui la

contient quand on la touche ; mais ce n'est pas là un

acte cérébral, car si on réchauffe l'eau, la grenouille

se laisse- rôtir sans réagir, ce qui n'aurait pas lieu si

les excitations étaient capables de produire des actes

conscients. - Tieel tranche la tête à un serpent d'un

seul coup, puis le touche avec une baguette de fer

rouge ; le serpent, tout en se brûlant, grimpe autour

de la baguette en rampant '. Il s'agit bien là évidem-

ment de mouvements dont le mécanisme est dans la

moelle épinière , mouvements automatiques et non

raisonnés.

Physiologiquement, cette théorie explique comment

une impulsion unique de la volonté suffit pour provo-

quer une longue série de mouvements périodiques

qui se succèdent jusqu'à ce qu'une impulsion nouvelle

de la volonté les arrête. S'il n'en était pas ainsi, nos

1 Messes Loco citato, p. 26 et suivantes.

204 pathologie NERVEUSE.

actes habituels, et en particulier la marche, exige-

raient une multitude d'impulsions qui provoqueraient

la fatigue à bref délai *.

On peut ajouter que, si le mécanisme d'exécution

immédiate était dans l'écorce, un très grand nombre

de fibres nerveuses seraient nécessaires pour trans-

mettre les ordres à chaque cellule médullaire. En ad-

mettant, au contraire, que le cerveau ne transmet

qu'un ordre sommaire, il n'a besoin que de peu de

fibres pour mettre en jeu le groupe cellulaire où

réside le mécanisme d'exécution. Or, précisément,

M. Charcot a eu l'occasion d'observer un fait patholo-

gique qui réalise presque une expérience à cet égard.

Il s'agissait d'une malade qui fut, pendant sa vie,

atteinte de mal de Pott et de paraplégie 2. La para-

lysie des membres inférieurs avait disparu au boutd'un

certain temps et la marche était redevenue possible.

Pendant plus d'un an, on vit la malade marcher régu-

lièrement et sans fatigue, souvent pendant plusieurs

heures consécutives. A l'autopsie, on fut frappé de ce

que le volume de la moelle, sur la longue étendue du

siège de la compression , était réduit à celui d'un

tuyau de plume. De là, pouvait-on conclure, qu'en

raison du petit nombre de fibres nerveuses qui subsis-

taient, un centre cérébral organisé pour la marchen'au-

rait pas disposé d'assez de fibres pour transmettre son

action isolément à chacune des cellules du groupe spi-

nal, que, par suite, le centre des mouvements coor-

donnés pour cet acte subsistait intact dans la moelle

1 Hartmann. Philosophie de l'lncocascienl, t. I, p. 150 (traduction

française de D. Nolen). Paris, 1877.

2 Observation in Th. Michaux.

DE L'ASTASIE ET DE L'ABASIE. 205

lombaire; seulement, pendant la période paraplé-

gique, il ne pouvait être mis en jeu faute d'impulsion

psychique : dès que, par suite de la régénération de

quelques fibres nerveuses, la transmission de cette im-

pulsion fut rendue possible, la fonction reparut. Une

interprétation du même genre a été proposée par

M. Brown-Séquart à propos du cas communiqué par

M. Charcot.

En résumé, la station et la marche s'apprennent, et

l'apprentissage est long. Dans ce mécanisme, des grou-

pes de cellules corticales et spinales sont en jeu; mais,

tout d'abord, les groupes corticaux prédominent.

Toutes les forces de l'attention et de la volonté sont

employées à établir, à organiser et à régulariser ce

mécanisme. Mais, à mesure que le sujet devient de

plus en plus expert, ces phénomènes deviennent de

plus en plus automatiques, inconscients. Le rôle cor-

tical s'efface graduellement, et presque tout se passe

désormais dans les centres spinaux. Dans ces centres

s'est organisé un appareil de cellules reliées entre

elles, qui fonctionne de lui-même suivant de certaines

règles, lorsqu'il est mis en jeu parune influence venue

de l'écorce.

L'impulsion corticale est toujours le phénomène

initial ; mais l'appareil organisé pour la station, pour

la marche, peut opérer de lui-même, sans participation

de l'écorce, réglé qu'il est à l'avance du moment où

il est mis en action. Toutefois, le premier stimulus

cortical est nécessaire. - La représentation mentale

d'un escalier à monter est, par exemple, le phéno-

mène initial, puis l'ascension s'opère à l'aide du mé-

206 pathologie NERVEUSE.

canisme acquis, que ce fait psychique suffit pour ac-

tionner. On peut dire que si les groupes corticaux

ont la mémoire du genre d'impulsion qu'il faut donner

pour déterminer le fonctionnement du mécanisme de

l'ascension, de la descente, de la marche sur un plan,

et, pour tel ou tel mode d'ascension et de descente

(mémoire psychologique), les centres spinaux, eux,

chargés de l'exécution dite automatique, inconsciente,

ont la mémoire des réactions nécessaires pour répon-

dre à ces divers ordres d'origine encéphalique (mé-

moire organique).

Chaque fonction particulière acquise par l'éduca-

tion est automatiquement représentée à la fois par un

centre d'incitation et de représentation cortical et par

un ou plusieurs centres spinaux où seule réside

désormais la mémoire des détails des mouvements

associés qui doivent réaliser et objectiver la repré-

sentation mentale.

Pour en revenir maintenant au mécanisme des phé-

nomènes d'astasie et d'abasie, nous pouvons imaginer

qu'il s'agit ici d'une influence d'arrêt portant son ac-

tion soit sur le centre cortical de la station ou de la

marche - cas dans lequel l'impulsion initiale fera

défaut, soit sur le centre spinal, et alors l'ordre

donné n'est pas exécuté. - Dans l'état de nos con-

naissances sur ce sujet, il serait actuellement témé-

raire d'établir que, dans tous nos cas, uniformément,

le siège de la perturbation est primitivement cortical,

ou, au contraire, spinal. Il est vrai que, dans beau-

coup de nos faits, l'existence d'influences psychiques

qui paraissent avoir présidé soit au développement,

DE l'astasie ET DE l'abasie. 201

soit à la disparition du trouble moteur, plaiderait en

faveur de l'origine corticale; mais il semble, par

contre, que dans l'une au moins des observations (la

dixième), l'affection aurait été primitivement médul-

laire. On sait, en effet, par les détails de l'observa-

tion, que dans l'acte de la marche la malade pouvait

faire quelques pas normalement, et ce n'est qu'ensuite,

en continuant de marcher, que les désordres apparais-

saient et s'aggravaient progressivement ; d'où l'on

pourrait induire que le stimulus venant de l'écorce se

transmettait normalement, mais que l'exécution auto-

matique des actes du centre spinal, en conséquence

de quelque désordre survenu dans celui-ci, cessait

bientôt de se poursuivre avec la régularité habi-

tuelle.

Il est facile de comprendre, en tous cas, que, sous

l'influence de l'action inhibitrice supposée, la station

et la marche seront tantôt impossibles, tantôt difficiles

seulement, ou désordonnées, selon l'intensité même

de l'action d'inhibition. Le rôle du centre cortical

étant, en somme, de mettre en jeu le mécanisme spi-

nal, si l'arrêt est complet il y aura abolition de l'acte,

si l'arrêt est imparfait les ordres seront transmis iné-

galement, d'une façon désordonnée, et, en consé-

quence, il pourra y avoir, dans le premier cas,

suppression totale de la station ou de la marche, et,

dans le second, désharmonie, incoordination plus ou

moins prononcée des mouvements.

.C'est ainsi que, dans la station, alors que les con-

tractions synergiques et immanentes des muscles anta-

gonistes sont nécessaires à l'accomplissement régulier

de l'acte, il pourra y avoir cessation momentanée de

208 pathologie NERVEUSE.

l'action des extenseurs, bientôt suivie d'une action trop

brusque de ces mêmes muscles, ou bien encore d'une

action exagérée des fléchisseurs à laquelle pourra

succéder la contraction excessive des extenseurs, con-

traction qui pourra aller même jusqu'à produire le

saut, ainsi que cela se voit dans quelques observa-

tions. L'appareil où se produit la représentation mo-

trice nécessaire à l'impulsion peut être en défaut,

comme aussi l'appareil d'exécution, et l'on comprend

aisément que par suite des perturbations survenues

dans le fonctionnement de ce double mécanisme il

puisse se produire des contractions musculaires là où

il faudrait un relâchement, et, dans de certaines cir-

constances, des contractions et des relâchements qui

dépassent de beaucoup le but à atteindre et prennent

l'apparence de phénomènes spasmodiques analogues à

ceux qui ont été signalés en particulier dans l'obser-

vation de Gomp..., étudiée par M. Charcot.

Du moment où l'astasie et l'abasie représentent l'af-

fection d'un système organique fonctionnellement

différencié, autonome en quelque sorte, on comprend

que le syndrome se présente en clinique parfaitement

limité et indépendant de toute immixtion de symptô-

mes relevant d'une participation des centres affectés

au mécanisme du saut et de divers autres modes de

progression; on comprend aussi que les mouvements

spécialisés pour la marche et la station soient seuls

affectés alors que les mouvements généraux des mem-

bres inférieurs, quant à la force et à la direction,

restent parfaitement indemnes; on comprend enfin

qu'il se produise dans le syndrome astasie-abasie, des

variétés cliniques et physiologiques nombreuses, en

DE L'ASTASIE et DE l'abasie. 20\J

rapport, d'une part, avec la participation plus ou

moins générale ou partielle de l'appareil, et, d'autre

part, avec l'intensité plus ou moins grande de l'at-

teinte qu'il a reçue.

Une vérification, en quelque sorte expérimentale des

faits qui viennent d'être exposés, peut être obtenue

d'ailleurs par voie de suggestion chez des malades

hystériques plongées dans l'état de grand hypno-

tisme.

Gr... est plongée dans la période somnambulique du grand hyp-

notisme, eton lui suggère « qu'elle ne peut plus marcher, mais

qu'elle peut sauter ». Pendant quelques instants elle boite en

marchant, puis elle se décide à marcher en sautant les pieds rap-

prochés. Quand on lui dit de se tenir debout, elle ploie sur ses

jambes et manque de tomber; elle n'évite la chute que par un

saut. On la fait asseoir, et on constate que, étant assise, la résis-

tance aux mouvements provoqués est considérable et la direction

des mouvements parfaite. Réveillée, la marcheest pendant quelque

temps encore impossible, mais elle saute très bien et très vite.

Ci... étant en somnambulisme, on lui dit ces simples mots :

« Tu ne penses plus marcher. » Aussitôt les jambes fléchissent, et

elle tomberait, si on ne la maintenait. La marche et la station

sont impossibles. Il n'y a pas étant assise de modification de la

force dynamométrique des membres inférieurs, ni de la coordina-

tion des mouvements. Elle progresse très bien en marchant à

quatre pattes et en sautant à pieds joints. Réveillée elle conserve

l'impatience de la marche avec les mêmes caractères. Lorsqu'après

avoir fait disparaître le trouble par suggestion on lui dit : « Tu ne

sais plus marcher, » CI... présente une incoordination delamarche

tout à fait caractérique; elle vacille, ses genoux fléchissent et en

même temps son tronc s'incline en avant et se redresse d'une

façon exagérée alternativement.

Il y a lieu de penser que l'injonction « Tu ne peux

plus marcher » suggère chez ces sujets l'idée d'une

impuissance motrice complète, relative à la marche,

et, de fait, la manifestation consiste en une absolue

impossibilité de marcher; au contraire la phrase «Tu

Archives, t. XV. I i

210 pathologie nerveuse.

ne sais plus marcher » suggère l'idée seulement d'une

impuissance relative, dont l'incoordination est la tra-

duction clinique. C'est de cette façon, du moins, que

suivant notre expérience, la plupart des sujets inter-

prètent ces deux modes de suggestion. Mais, on com-

prendra, du reste, qu'il puisse y avoir 11 cet égard

puisqu'en somme il s'agit d'interprétation des

variations presque à l'infini.

L'étude étiologique nous a montré que la peur, une

émotion quelconque, un traumatisme souvent fort

léger, figurent parmi les causes provocatrices de l'af-

fection qui nous occupe. Or, justement, on sait qu'une

émotion un peu vive, la peur eu particulier, a régu-

lièrement pour effet de produire chez la plupart des

sujets une sorte de parésie avec ou sans tremblement

des membres inférieurs. Ces phénomènes se mon-

trent d'une façon très accentuée chez les animaux et

l'on sait, entre autres, que le singe terrifié ne peut

plus se tenir debout ni marcher; il en est quelque-

fois de même chez l'homme.

Or, il est vraisemblable, et c'est un point sur lequel

M. Charcot a beaucoup insisté dans ses leçons 1, que

cette sorte de paralysie émotive peut dans certains

cas, en particulier chez un sujet psychiquement pré-

disposé, être le point de départ d'une suggestion

d'impuissance motrice se réalisant sous l'une des

formes que nous nous sommes attaché à décrire.

Ne pourrait-on pas invoquer un mécanisme du même

ordre dans le cas même où l'influence émotive paraît

1 Leçons sur les maladies du système nerveux, t. 111, p. 453, sur les Pa-

ralysies émotives.

DE l'astasie et DE l'abasie. 211

n'avoir pas existé ? On sait aujourd'hui, et Leibnitz

savait déjà, qu'il existe des phénomènes de cérébra-

tion, d'idéation inconsciente lesquels peuvent expli-

quer, par exemple, comment un problème se résout

dans notre esprit sans que nous ayons participé

consciemment à sa solution. La seule chose dans ces

cas de rumination inconsciente, comme les appelle

Schopenhauër, qui parvienne à notre conscience, c'est

le résultat obtenu. Ne peut-on pas admettre que

quelquefois au moins l'idée d'impuissance motrice

pour la station et pour la marche se soit développée à

l'insu du sujet, dans un rêve peut-être qui n'aurait

pas laissé de souvenir, et que cette idée, en raison de

la prédisposition native ou accidentelle du sujet, ait

pu acquérir assez d'intensité pour se réaliser sous une

forme objective ?

Il n'est pas douteux, d'après les faits d'ordre

clinique qui forment la substance de notre travail, que

l'incoordination motrice astasique et abasique relève

le plus souvent d'une altération purement dynamique

sans lésion matérielle appréciable, et nos observations

montrent suffisamment qu'elle peut se trouver associee

aux stigmates hystériques vulgaires, ou alterner avec

divers symptômes du même ordre. Mais, tout dyna-

mique qu'elle soit, l'affection n'en occupe pas moins \

dans les centres nerveux certaines régions, certains

organes, qui, secondairement ou primitivement mis

en cause dans un cas de lésoin organique, doivent dé-

terminer cliniquement le même ensemble symptoma- \

tique. C'est là une question intéressante qui ne man-

quera pas d'être résolue sans doute bientôt à l'aide

d'observations appropriées.

CLINIQUE NERVEUSE

DES ÉPHIDROS1 : S DE LA FACE ' ;

Par M. Paul RAYMOND, interne des hôpitaux.

IV

Si l'on cherche maintenant une explication à ces

différents phénomènes, il semble que ce soit aux lé-

sions du système sympathique qu'il faille tout d'abord

s'adresser. Et en effet, même dans les cas où l'etlcé-

phale paraît présider à l'apparition d'une éphidrose, le

rôle du sympathique est mis hors de doute 2.

C'est donc aux expériences portant sur ce nerf

que nous essaierons de demander la solution du pro-

blème.

Lorsqu'on examine les diverses observations d'éphi-

drose de la face, on en trouve plusieurs dans lesquelles

l'hypersécrétion sudorale coexiste avec une hypérémie

et une augmentation de température de la région cor-

respondante, tandis que, dans d'autres cas, ces der-

niers symptômes manquent l'éphidrose existant seule.

C'est là une première distinction qu'il importe

d'établir.

1 Voir tome XV, m 53, page 51.

E Browu-S6quard. - Archires de physiol.

DES éphidroses DE la face. 213

Il y a en effet des éphidroses liées à des modifica-

tions de la circulation capillaire, à des troubles vaso-

moteurs. , '

Il en est d'autres absolument indépendants de toute

perturbation vaso-motrice et qui relèvent de l'excita-

tion des nerfs sudoraux.

Dès 1876, Ostroumow, Luchsinger ont montré l'in-

dépendance des phénomènes vaso-moteurs et excito-

sudoraux, dans leurs expériences sur le sciatique du

chat. Déjà en clinique, Eulembourg avait différencié

les nerfs vasculaires des nerfs sécrétoires.

M. Vulpian a prouvé que les sécrétions sudorales

abondantes ne sont pas en rapport nécessaire avec une

suractivité de la circulation cutanée. L'hypersécrétion

sudorale ne relève donc pas toujours de l'hypérémie

vaso-motrice et elle peut en être parfaitement dis-

tincte, liée alors à une irritation des seules fibres excito-

sudorales.

Dans l'expérience de Luchsinger, après la section

du sympathique abdominal, la sueur ne se produit plus

dans les pattes de l'animal en expérience. Mais la

faradisation du bout périphérique ramène aussitôt des

gouttes de sueur sur les pulpes digitales.

Au contraire, dans l'expérience célèbre de Pourfour

du Petit, reprise par Dupuy (d'Ifort), puis par CI. Ber-

nard, une section du sympathique cervical détermine

chez le cheval une sudation abondante qui cesse dès

que l'on électrise le bout périphérique du nerf.

Il y avait donc contradiction apparente entre ces

expériences.

MM. Vulpian et F. Raymond les reprirent alors et

ils constatèrent que le cordon cervical ne contenait que

214 lë pathologie NERVEUSE.

peu de fibres excito-sudorales, si même il en contenait,

et qu'il n'agissait sur la sécrétion de la sueur que par

l'intermédiaire des filets vaso-moteurs. Les variations

de la circulation capillaire amènent des modifications

parallèles dans l'activité des éléments anatomiques des

glandes sudoripares.

Dans l'expérience de Luchsinger, au contraire, la

sudation est le fait de l'excitation directe des fibres

sudorales.

MM. Vulpian et Raymond pensent que les fibres

excito-sudorales de la face accompagnent le nerf ver-

tébral ou encore émanent des filets bulbaires ou pro-

tubérantiels du sympathique. Elles se répartissent

ensuite entre les diverses branches du facial (Vulpian

et Raymond, Adamkiewicz, Straus) ou du trijumeau '.

Ainsi donc, en résumé, deux ordres de faits cli-

niques distincts, deux groupes d'éphidroses faciales :

1° Ceux dans lesquels, comme dans l'expérience de

CI. Bernard, l'hypersécrétion sudorale correspond à

une action vaso-motrice.

2° Ceux dans lesquels l'éphidrose est le fait d'une

excitation des fibres sudorales;

Dans ceux-ci, la sueur locale existe seule sans phé-

nomènes d'hyperthermie, ni de dilatation vasculaire. Il

y a le plus souvent dilatation pupillaire ou bien les

pupilles restent normales et égales.

Dans les premiers, il y a, outre l'hypersudation,

rougeur et chaleur des téguments, c'est une véritable

'D'après les expériences de Prévost, Jolyet et 1.a(Tont, Dastre et Morat,

et les recherches plus récentes de Luchsinger, Nawrocki, le trijumeau

aurait un rôle prépondérant dans la distribution à la face des filets du

sympathique.

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. 2t5 S

expérience physiologique. Généralement cette para-

lysie du sympathique cervical s'annonce par du

myosis qui peut même être le seul symptôme ; puis

viennent la rougeur et l'hyperthermie et enfin l'hyper-

sudation. Dans beaucoup de cas de paralysie du sym-

pathique-cervical, ce dernier symptôme peut manquer.

On peut donc conclure, lorsqu'on trouve sur un

côté de la face et du cou ce syndrôme clinique, rou-

geur, hyperthermie hypéridrose et myosis que l'on a

affaire à une paralysie du tronc du sympathique cer-

vical.

Mais comment expliquer les cas dans lesquels on ne

trouve que de l'hypersudation avec dilatation pupil-

laire ?

Ici il faut se reporter aux expériences de M. Vulpian

et aux expériences plus récentes de M. Luchsinger

(1880) et de M. Nawrocki.

La dilatation pupillaire peut être, à la vérité, pro-

duite par une excitation du tronc du sympathique

cervical. Toutefois, dans les nombreuses observations

où une phase d'excitation a précédé une paralysie du

sympathique cervical on a bien noté cette mydriase,

mais pas d'hypéridrose concomitante. Les fibres excito-

sudorales et irido-dilatatrices paraissent donc nette-

ment séparées.

De même., il y a des observations où les filets sudo-

raux sont seuls excités (éphidrose), les filets irido-dila-

tateurs restant indemnes (observation de 0. Berger,

notre observation H, par exemple, la plupart des

observations de notre quatrième classe), nouvelle

raison encore pour admettre deux voies distinctes pour

les fibres irido-dilatatrices (suivant on le sait, le

216 6 PATHOLOGIE NERVEUSE.

cordon sympathique) et les fibres excito-sudorales et

cela parait conforme aux expériences de 1'111\1. Vulpian

et Raymond.

Mais en 1880, M. Luchsinger a repris ces expériences.

11 a expérimenté sur un cheval préalablement chloro-

formé et chez lequel il avait injecté une solution de chlo-

ral, supprimant ainsi quelques-unes des nombreuses,

difficultés inhérentes à ce genre de recherches. Or, il

a constaté que l'excitation du bout supérieur du sym-

pathique cervical déterminait une sudation peu abon-

dante, mais très évidente sur la peau de la face préala-

blement rasée.

Ces expériences, renouvelées sur le cochon par

Luchsinger, puis par Nawrocki, ont amené les mêmes

résultats. Il semble donc, que de même que le sympa-

thique thoracique et le sympathique 'abdominal, le

sympathique cervical contient des fibres excito-su-

dorales.

Dès lors, l'excitation de ces dernières jointe à l'exci-

tation des fibres iriennes, donne la raison d'être de

notre deuxième catégorie de faits, éphidrose et

mydriase.

La question est toutefois plus complexe qu'elle ne le

paraît au premier abord.

En effet, outre que, comme nous l'avons dit, on ne

voit pas signalées dans les observations d'excitation

du sympathique, la mydriase et l'éphidrose, outre que

ces résultats ne concordent pas avec ceux de M. Nicati

qui a montré que la première phase d'une paralysie

du sympathique était une période d'excitation caracté-

risée par de l'abaissement de la température de l'exo-

phthatmie, de la mydriase, mais dans laquelle il n'est

DES ÈPHIDROSES DE LA FACE. 217 -1

pas question d'hypersudation; il semble peu probable

qu'une excitation portant sur les fibres sudorales et

iriennes du tronc nerveux ne porte pas également sur

les fibres vaso-motrices du même tronc. Or, l'excitation

de ces dernières déterminerait de la pâleur des tégu-

ments et de l'abaissement de température. C'est ce qui

n'est pas signalé, c'est ce que nous n'avons pas vu.

Il serait donc imprudent, actuellement du moins,

de chercher à expliquer, par une excitation du tronc

du grand sympathique cervical, les symptômes que

nous présentait notre premier malade et qui sont ana-

logues à ceux qui sont signalés dans diverses observa-

tions ; il est préférable d'attendre la continuation des

expériences de Lucksinger, qui, reprises par Nawrocki,

ont déjà donné de si importants résultats.

Que si l'on se reporte maintenant aux expériences

de MM. Vulpian et Raymond, voici ce que l'on cons-

tate.

Les filets irido-dilatateurs naissent par trois groupes

espacés entre la sixième paire cervicale et la cinquième

dorsale'. Le groupe supérieur qui provient des 6% 7°,

8° paires cervicales passe par le nerf vertébral.

Par ce nerf aussi passent les fibres excito-sudorales

de la face 2.

Puis ces fibres un instant unies aux fibres irido-di-

latatrices remonteraient le long de l'artère vertébrale,

tandis que les fibres irido-dilatatrices, après s'être réu-

nies au niveau du premier ganglion thoracique aux

1 Fr. Flanck. - Dict. encyclopéd., arl. Grand sympathique, t. XIV,

p. 6.

'Vulpian et Raymond. - Origine des fibres excito-sud. de la face.

C. R. Acad. des sciences, 1879.

z'18 8 CLINIQUE NERVEUSE.

fibres homologues des deux derniers groupes, remon-

tent le long du tronc du sympathique cervical. Quant

aux fibres vaso-motrices de la face, elles proviennent

des 2e, 3% 4% 5e paires thoraciques, puis se mélangent

dans le tronc du sympathique avec les fibres irido-

dilatatrices, tandis que les fibres excito-sudorales,

nous l'avons vu, n'empruntent pas cette voie'. i.

On est donc conduit à cette déduction que lorsqu'il

y a éphidrose faciale avec dilatation pupillaire du côté

correspondant, sans rougeur ni chaleur de la partie

atteinte, on est en présence d'une lésion irritative

qui intéresse soit le nerf vertébral mais dans ses fibres

descendantes seulement, puisque les fibres qui accom-

pagnent l'artère vertébrale ne contiennent pas de filets

irido-dilaiateurs (Franck), soit plutôt un point de la

moelle ou même des centres supérieurs commun aux

filets sudoraux et irido-dilaiateurs. Une lésion siégeant

en ces points n'intéresse pas le système des filets vaso-

moteurs.

Eu résumé, ce syndrome-mydriase-éphidrose serait

le fait d'une lésion irritative, soit du tronc du sympa-

thique csrvical (expériences de Lucksinger et Nawrocki),

soit d'un point de la moelle ou du bulbe, mais que

nous ne saurions préciser (expériences de Vulpian

et Raymond). Quant à déterminer l'influence qu'exer-

cent sur ces divers ordres de fibres la moelle, l'encé-

phale, la moelle allongée, c'est là une question bien

difficile à résoudre.

Il est cependant probable que les centres supérieurs

1 Dartre et lltorat. - In Dllval, art. Vaso-moteurs, Dict. (le Jaccoud,

p. 475.

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. 219

exercent une action sur la production de tels phéno-

mènes.

Il est, en effet, des cas où la lésion siégeant au ni-

veau du bulbe et même dans l'encéphale a donné lieu à

des troubles vaso-moteurs ou sudoraux. Des observa-

tions telles que celles de Bichat, de Meschede, de Mor-

selli que nous avons relatées en font foi. Nous-même,

nous avons pu observer dans le service de M. Moutard-

Martin le fait d'une femme qui mourut dans le coma

après avoir présenté tous les symptômes d'une hé-

morrhagie cérébrale. Nous constatâmes avec du myosis

de chaque côté une éphidrose limitée au côté gauche

de la face. L'hémiplégie gauche était complète. Mal-

heureusement nous ne pûmes faire l'autopsie.

Il semble donc exister des éphidroses faciales dues

à une lésion de l'encéphale. Elles seraient produites

soit par la lésion directe de l'écorce cérébrale, soit par

retentissement sur les centres bulbaires.

On connaît à cet égard l'opinion de M. Brown-

Séquard, celle de M. Vulpian1; mais malgré leurs expé-

riences auxquelles se sont ajoutées celles de M. Adam-

kievicz3, de M. Blochg, etc., cette question reste en-

tourée d'obscurité et, manquant des éléments néces-

saires à sa solution, nous n'y insisterons pas davantage.

De même, la moelle peut, dans certains cas bien dé-

terminés, donner lieu à la production des symptômes

qui nous occupent4.

Nous ne pouvons mieux faire à ce propos, que de

'C R. Acad. des sciences, 1878. t LXXXVI.

= Die Sécrétion der Schweisses, Berlin, 1878 et C. R. SJc. physiol.,

Berlin, septembre 1819.

3 Thèse citée.

. Voir l'observation de Raymond et (Iieviie de 22zé(leciiie, 18S4.)

-20 CLINIQUE NERVEUSE.

rappeler les recherches de M. Pierret et de citer la

communication qu'il fit en 1882 à l'Académie des

sciences au sujet de certains symptômes secondaires

de l'ataxie locomotrice.

« J'ai été amené, dit-il, à rechercher la cause de

symptômes observés dans le tabes : crises douloureuses

viscérales, crises de diarrhée, troubles sécréteurs ou

vaso-moteurs observés sur le tégument sous forme de

sueurs locales ou de dilatations vasculaires plus ou

moins étendues et quelquefois dimidiées.

Il est dans la moelle un système anatomique inter-

médiaire aux zones motrices et sensitives, qui s'ad-

joint aux fibres ascendantes qui occupent le cervix

cornu posterions et la partie profonde des cordons la-

téraux, région éminemment mixte qui renferme des

tubes nerveux sensitifs, moteurs et vaso-moteurs. Ces

derniers émanent visiblement de la chaîne d'amas

ganglionnaires qui occupe l'angle externe de la corne

antérieure, porte le nom de tractus iutermédio-laté-

ralis et passe avec raison pour représenter les origines

intra-spinales du grand sympathique. Dans le cours du

tabes sensitif, cette région, qui renferme non pas des

nerfs mixtes mais des faisceaux mixtes de nerfs, est

fréquemment intéressée. Alors apparaît toute une série

de phénomènes sensitivo-vaso-moteurs qui viennent

compliquer la marche et obscurcir le diagnostic de la

maladie. J'ai pu m'assurer de ces lésions plusieurs

fois et démontrer que c'est toujours à la sclérose se-

condaire ou primitive de ce système bulbo-spinal, sa-

tellite de nerfs réputés mixtes, que l'on doit attribuer

l'apparition de tous les symptômes qui, de près ou de

loin impliquent un trouble circulatoire ou une alté-

DES ÉPHIDHOSES DE LA FACE. 221 t

ration de la sensibilité des organes splanchniques. »

Les recherches de M. Pierret mettent donc ce fait hors

de doute : c'est que les lésions de l'ataxie locomotrice

portant uniquement sur la moelle suffisent à expliquer

les éphidroses que l'on observe dans cette affection.

L'interprétation que M. Pierret donne de ces phé-

nomènes semble également pouvoir s'adapter à l'ob-

servation personnelle que nous avons relatée. Outre

l'éphidrose faciale que présentait notre malade, nous

avons vu que si les sensibilités spéciale et générale de

la face étaient indemnes, il n'en était pas de même de

la sensibilité du bras droit. Il y avaitde la thermanes-

thésie de la main ainsi que des élancements et des

crises douloureuses dans le membre supérieur droit, et

cela dans la sphère du nerf cubital. On ne peut s'em-

pêcher de rapprocher ces phénomènes douloureux de

ceux que l'on observe dans le tabès et dont le siège iden-

tique répond à un substratum anatomique, la lésion des

bandelettes externes et de la substance grise posté-

rieure. Nous ferons toutefois des réserves pour l'ataxie

locomotrice. Si les symptômes que nous avons passés

en revue sont ceux du tabes sensitif, il faut reconnaître

que ces derniers sont d'ordinaire accompagnés d'une

réunion d'autres symptômes dont le groupement laisse

peu de doute pour le diagnostic. Or ici tout autre

signe fait défaut : quant aux autres symptômes du

tabes moteur, l'observation a montré qu'il n'en existait

aucun.

Il n'est pas jusqu'à certains nerfs qui ne puissent

eux aussi donner naissance au syndrome observé, di-

latation pupillaire et éphidrose. 11. Vulpian a, en effet,

montré qu'après avoir excité le ganglion cervical su-

LI CLINIQUE NERVEUSE.

périeur et premier thoracique, l'électrisation du bout

supérieur du nerf sciatique sectionné amène une di-

latation pupillaire par des fibres provenant du triju-

meau'. Quant aux filets sudoraux, ce nerf en contient

sans aucun doute comme le nerf facial.

Quoi qu'il en soit, en résumé, des expériences de

Luchsinger et Nawrocki, d'une part, de MM. Vulpian

et Raymond, d'autre part, il faut se garder d'y cher-

cher l'explication de tous les faits cliniques. S'il en

est qui se trouvent éclairés par telle ou telle expé-

rience, il en est d'autres qui ne peuvent se plier à la

théorie. Tels sont ceux, par exemple, dans lesquels

on constate une altération des ganglions sympathiques

(notre observation II) et dans lesquels on observe,

suivant les cas, tantôt le syndrome vaso-moteur,

tantôt le syndrome mydriase éphidrose. Constatons

les faits, précisons les inconnues et demandons la

solution du problème à de nouvelles expériences, à

de nouvelles observations.

Quant aux altérations des ganglions du grand sym-

pathique cervical qui ont été signalées en l'absence

de toute lésion correspondante du tronc du nerf, que

faut-il en penser ?

Nous avons vu que Morse ! ) ! , Ebstein, Riehl avaient

noté dans les autopsies de leurs malades certaines

altérations portant sur les ganglions cervicaux et no-

tamment sur le ganglion cervical supérieur du sym-

pathique. Ces lésions peuvent-être ramenées à une

hypertrophie du ganglion avec sclérose, altérations

cellulaires consistant tantôt en une atrophie simple ou

1 Vu'pian. - C. il. Académie des sciences. Août 1878.

DES PIIIDROSES DE LA FACE. 223

pigmentaire, tantôt en une dégénérescence graisseuse

des cellules nerveuses et en altérations vasculaires,

congestion et thrombose veineuse.

Bartholow tend à expliquer par des lésions ganglion-

naires, les faits dans lesquels on ne trouve qu'intégrité

absolue du système nerveux.

M. dans les observations qu'il rapporte d'é-

phidrose faciale survenant chez des paralytiques gé-

néraux, fait remarquer que MM. Poincaré et Bonnet

ont parfois trouvé dans la paralysie générale une

pigmentation marquée et une sclérose des ganglions

du sympathique, et il n'est pas éloigné de chercher

dans une lésion similaire l'explication des phénomènes

morbides qu'il a observés.

Ces lésions des ganglions ne paraissent pas cepen-

dant être toujours en rapport avec l'éphidrose de la

face. M. Vulpian a vu souvent les ectasies veineuses,

les pigmentations ganglionnaires sans qu'il y eût eu

d'éphidrose.

Alarcacci a trouvé une injection des ganglions cer-

vicaux avec une abondante prolifération nucléaire

comprimant les cellules et riche dépôt de pigment, en

faisant l'autopsie d'une malade atteinte d'eczéma gé-

néralisé et morte de bronchite. Il n'y avait eu d'ail-

leurs aucune sorte d'hypersudation non plus que dans

le cas suivant dû à Brigidi. Il s'agissait d'une paralysie

pseudo-hypertrophique et l'on trouva dans les gan-

glions cervicaux une dilatation marquée de vais-

seaux, l'atrophie des cellules nerveuses avec accu-

mulation de granulations pigmentaires cuivrées et

développement exagéré d'éléments fibreux étranglant

les éléments nerveux.

2 CLINIQUE NERVEUSE.

Mais il est probable que, dans ces deux cas, la

phase de destruction des cellules avait remplacé la

période d'excitation et ainsi s'expliquerait fort bien

l'absence des phénomènes qui nous occupent.

Quoi qu'il en soit, on peut voir, sur la planche que

nous ajoutons à ce travail, les altérations que nous

avons trouvées en examinant le ganglion cervical

inférieur de notre malade.

Ce sont justement celles qui ont été signalées par

Jlforselli, Ebstein, Riehl, Mickle; nous nous croyons

donc autorisé à réunir notre deuxième observation

aux faits précédents et à nous rallier à l'opinion des

auteurs que nous venons de citer.

Une lésion des ganglions cervicaux du sympathique

peut amener une éphidrose de la face.

Celle-ci est la conséquence de l'excitation des

cellules du ganglion ou des filets nerveux qui la

traversent.

il est donc avéré, pour conclure, que des lésions de

l'encéphale de la moelle, du tronc et des ganglions du

grand sympathique cervical peuvent déterminer une

éphidrose faciale. Celle-ci répond en clinique à deux

types : 1° syndrome, éphidrose, myosis, troubles

vaso-moteurs; 2° éphidrose seule ou le plus souvent

accompagnée de dilatation pupillaire.

Avant de terminer, nous désirons appeler l'attention

sur deux ordres de faits que l'on trouve dans notre

première observation, comme d'ailleurs dans plusieurs

des cas ci-dessus relatés.

Nous ferons ressortir en premier lieu la persistance

de la mydriase alors que les troubles sudoraux sont

temporaires et passagers. Tandis que la dilatation pu-

DES ÉPHIDROSES DE LA FACE. 225

pillaire reste à peu près invariable, l'éphidrose ne se

produit que sous l'influence d'un mouvement ou

lorsque tout le corps est en sueur ; -le malade remar-

quera alors que la sudation est plus prononcée du

côté atteint. D'autres fois, c'est une perturbation

morale ou le plus ordinairement l'impression d'un

nerf de sensibilité générale ou spéciale qui provoquent

l'hypersudation. A la suite de l'impression des nerfs

du goût, ainsi que cela se voit le plus fréquemment,

survient soit l'éphidrose, soit le syndrome vaso-moteur

et l'on n'aperçoit à ce moment^aucun changement dans

le diamètre pupillaire; la mydriase ou le myosis

n'augmentent pas. Puis bientôt, les troubles sudoraux

ou vaso-moteurs, suivant les cas, disparaissent et les

phénomènes pupillaires persistent seuls.

Nous signalerons, en second lieu, la tendance

qu'offrent certaines de ces éphidroses à envahir les

parties voisines. Tantôt débutant par une région bien

circonscrite comme la région temporale, la sueur

gagne bientôt le front puis la joue, le cuir chevelu et

enfin toute la moitié correspondante de la face, n'em-

piétant sur le côté opposé qu'autant que le permet

l'intrication des filets nerveux qui dépassent la ligne

médiane.

Puis tantôt lentement, tantôt rapidement, l'éphidrose

envahit le cou, la nuque, l'épaule, le bras. Les

exemples ne sont pas très rares de ces hémidroses qui

n'étaient au début qu'une éphidrose faciale. Elles sont

évidemment de même ordre que celles qui atteignent

d'emblée toute une moitié du corps.

Il faut ajouter cependant que le plus souvent ces

éphidroses faciales restent stationnaires et qu'on en a

Archives, t. XV. 15

226 CLINIQUE NERVEUSE.

signalé qui, après plusieurs années, avaient disparu

spontanément.

Quant à la thérapeutique, elle est le plus souvent

inefficace. La sueur n'est ici que la manifestation lo-

cale d'une lésion qui intéresse soit le système grand

sympathique, soit les centres bulbaire ou spinal. Elle se

présente au même titre que les troubles pupillaires et

les phénomènes vaso-moteurs. Ceux-ci n'incommodant

pas les malades, réclament moins impérieusement un

traitement qui pourrait d'ailleurs demeurer tout aussi

inactif. Mais il n'en est plus de même pour cette éphi-

drose, qui survient à tout moment et qui devient pour

le malade une gêne perpétuelle, une préoccupation de

tous les instants. Pour la traiter, c'est à la lésion cen-

trale qu'il faut logiquement s'adresser. Nous avons vu,

en effet, que chez notre malade toutes les substances

dirigées contre le seul symptôme sueur avaient échoué.

En dehors des cas où la chirurgie pourrait intervenir

avec avantage, il y aura lieu d'essayer les courants

continus sur la moelle, les sédatifs du système ner-

veux, l'opium, le bromure de potassium ou encore et

surtout l'iodure de potassium.

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EXPLICATION DE LA PLANCHE V.

Coupe du ganglion cervical inférieur du grand sympathique.

A. Enveloppe fibreuse du ganglion.

B. Tubes nerveux intéressant le ganglion.

C. Tissu cellule-adipeux et vaisseaux.

D. Cloisonnements partant de l'enveloppe et entourant des cellules

ganglionnaires.

E. Cellules normales du ganglion.

F. Prolifération embryonnaire comprimant.

G. Les cellules malades du ganglion.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE' ;

Par BOURNEVILLE et P. BRICON

V. Automatisme

Nous avons cru intéressant de rapprocher de Vépilep-

sie procursive et des actes procursifs les phénomènes

1 Voy. Archives de Neurologie, vol. XIII. p. 321; - vol. XIV, nos 40

et 41, p. 5j et 235, juillet et septembre 1887; vol. XV, p. 75.

228 CLINIQUE NERVEUSE.

automatiques que l'on observe si fréquemment chez cer-

tains épileptiques. Nous rejetons, du reste, toute as-

similation étiologique avec la procursion; l'automa-

tisme n'est, en effet, que la répétition inconsciente

d'actes simples accomplis quotidiennement' par le ma-

lade. II se voit le plus souvent à la suite de vertiges

ou d'accès aigus; cette forme est la plus fréquente, et

beaucoup d'auteurs n'admettent même que l'auto-

matisme post-épileptique.

Nous citerons, dès l'abord, quelques cas d'auto-

matisme que nous avons eu l'occasion de relever chez

nos malades de Bicêtre.

I. Automatisme simple. L'automatisme simple

revêt souvent une importance considérable en méde-

cine légale; on comprend en effet à combien d'inter-

prétations peut donner lieu, par exemple, l'acte de se

déshabiller accompli par un épileptique selon le lieu

où il se passe, et les circonstances qui l'accom-

pagnent. Herpin, Gowers, etc., en citent de nombreux

exemples. Herpin rapporte qu'une cantatrice se mit

tout à coup à se déshabiller dans son cabinet; Gowers3,

cite un professeur de musique qui, en donnant une

leçon à une demoiselle, eût un accident épileptique si

léger que son élève ne s'en aperçut pas et qui, aussitôt

après, commença à se déshabiller. Il dut abandonner

sa profession. On attribua cet acte à toute autre cause

1 Disons toutefois que certains épileptiques peuvent exécuter des actes

n'ayant aucun rapport avec leurs habitudes; tel est le cas de la malade

de Herpin qui paraissait imiter un joueur de guitare, quoique n'ayant

jamais tenu cet instrument.

* Herpin. Des accès incomplets d'épilepsie. Paris, 1867, p. 135.

a Gowers. - De l'épilepsie, trad. Carrier. Paris, 1883, p. 485. '

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 229 9

que la maladie. Une interprétation tout aussi erronée

peut résulter d'actes accomplis par des épileptiques

s'appropriant des objets ne leur appartenant pas, ou

s'introduisant inconsciemment dans des propriétés pri-

vées. L'automatisme ambulatoire, du reste très fré-

quent, s'observe non seulement à la suite de vertiges

et d'accès, mais constitue encore une des formes les

plus communes de l'épilepsie larvée.

Observation XXXVI.

Grand'mère paternelle morte d'apoplexie. Grand-père ma-

ternel alcoolique. - Premier accès à onze ans précédé de

vomissements alimentaires et bilieux comme les suivants. -

Pas d'aura. - Etourdissements. - Accès de colère. - Ten-

tative de suicide. - 7 ? posps<as ? af mal (novembre

1884). - Automatisme. - Mort en état de mal (1SSG).

Autopsie. Atrophie et aspect chagriné de différentes

circonvolutions. Atrophie cérébelleuse. - Anomalies des

circonvolutions et des scissures cérébrales.

Gr... (Martial-Auguste), né le 21 mai 1867, est entré le

30 novembre 1884 à Bicêtre (service de M. BOURNEVILLEJ et y

est décédé le 12 mars 1886.

Renseignements fournis par sa mère (8 novembre 1884). --

Père, tailleur, assez grand, très sobre, calme, mort à cinquante

ans, il y a un mois, probablement d'une tumeur du bassin.

[Père, mort des suites d'un refroidissement ( ? ) en trois jours ;

tisserand, sobre. - Mère, morte à soixante-douze ans, d'une

attaque d'apoplexie. Pas de détails sur les grands-parents.

- Pas d'aliénés, pas d'épileptiques, d'idiots, de difformes, de

suicidés, ni de criminels dans la famille.]

Mère, quarante-quatre ans, couturière, brune, de taille

plutôt petite, impressionnable, assez colère, assez intelligente.

[Père, mort en 1871, de la varioloïde, menuisier. Excès de

boisson. - Mère, bien portante, soixante-six ans, sobre. z

Grand-père et Grand'mère paternels pas de détails. - Grand-

230 CLINIQUE NERVEUSE.

père maternel, mort d'une tumeur abdominale à soixante-cinq

ans, sobre. Grand'mère maternelle, morte de vieillesse à

quatre-vingt-sept ans. Pas d'aliénés, etc., dans la famille.]

Deux enfants etune fausse couche : 1° notre malade; 2° fausse

couche à deux mois et demi ; 3° garçon, cinq ans, intelligent,

n'a pas eu de convulsions.

Notre malade. A la conception qui a eu lieu peu de jours

après le mariage, elle était bien portante ainsi que son mari;

ni émotions, ni discussions. Grossesse bonne, pas de trau-

matisme, pas de peurs, pas d'alccolisme. Accouchement à

terme, naturel. A la naissance, pas d'asphyxie, bel enfant,

fort. Elevé au sein par une cousine. - A deux ans et demi

lorsque sa mère l'a repris, il avait toutes ses dents. De bonne,

heure, il marchait, parlait bien, était intelligent. - Sa santé

a été bonne jusqu'à onze ans; jamais de convulsions.

A onze ans, la nuit, indigestion ( ? ) à la suite de laquelle il

s'est mis à crier, à se détendre, « les nerfs étaient roides ( ? ) ;

c'était un accès comme ceux qu'il a, mais moins forts ». A

dater de cette époque, il a eu des étourdissements qui reve-

naient toutes les deux semaines, tous les mois et de plus

des accès.

Le second accès est venu un mois après le premier. Durant

les six premiers mois, il a eu un accès mensuel et chaque fois

l'accès était précédé de vomissements alimentaires et bilieux.

De onze ans et demi à douze ans, il n'aurait eu qu'un accès

de deux en deux mois ; il suivait alors le catéchisme pour sa

première communion, ce qui fait que sa mère attribue cette

diminution des accès à une « permission de Dieu». Durant cette

année, l'intelligence n'avait pas diminué, il apprenait assez

bien ; allait à l'école. Jamais d'aura. De douze à treize ans,

situation passable, point d'aggravation. - A quatorze ans, on

a cessé de l'envoyer à l'école. Il tombait environ trois fois par

mois. A quinze ans et demi, il est allé en Prusse (en pleine

campagne, dans la famille de sa mère). Il y est resté deux mois;

il a eu peur, il aurait eu beaucoup d'accès; on l'a ramené

parce qu'il s'ennuyait. Les accès ont alors augmenté pro-

gressivement et depuis le mois de mai 1884 ils sont de plus

en plus fréquents. En 1883, il avait un accès par semaine.

Depuis mai z, il a eu en outreplusieurs séries. Le maximum

des accès, cette année, en vingt-quatre heures, a été de sept

et le plus long intervalle a été de trois jours. - Accès diurnes

DE l'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 231

et surtout nocturnes.- Depuis deux ans, les étourdissements

qui ont débuté, ainsi que nous l'avons vu, aussitôt après les

accès, sont devenus plus nombreux; ils ont encore augmenté

depuis mai 1884.

On a noté en outre depuis un an des accès de colère contre

sa mère qu'il prenait par les cheveux, contre son petit frère

(cinq ans), contre les objets qu'il cassait. Un jour, une dame

voyant qu'il se révoltait contre sa mère, l'a souffleté ; alors,

de rage, il a pris un couteau et s'en est donné un coup dans

la région précordiale (hémorrhagie assez abondante). Ceci se

passait à la fin de septembre.

L'intelligence a diminué progressivement depuis deux ans.

Pas de folie avant les accès; parfois il avait la manie de s'en

aller ; c'est ainsi qu'il a été arrêté à Vincennes, puis rue de

Varennes. - Pas de violences après les accès, pas d'halluci-

nations. - Sommeil bon, il s'endormait souvent après les

accès. Pas de cauchemars ; pas de secousses, pas de fièvre,

pas de peurs. '

Il a eu beaucoup de vers étant jeune. Pas d'onanisme. Pas

de traumatisme. On ne sait à quoi attribuer sa maladie. Trai-

tement : Bromure de potassium ; iodure de fer, etc. Il n'a

pas eu la rougeole ni la scarlatine ; pas de varioloïde. Coque-

luche à sept ans.

Etat actuel (décembre z1884). - Tète un peu écrasée dans

son ensemble. Crâne régulier; prédominance des parties

occipitales; bosse occipitale cependant peu saillante; bosses

pariétales également. - Front bas, étroit. La bosse frontale

droite est peut-être un peu plus saillante que la gauche.

232 CLINIQUE NERVEUSE.

gées ; manquent : deux petites molaires et premières molaires

arrachées pour carie. Trois dents cariées. -Mâchoire injë1'ieure :

douze dents; manquent : premières molaires droite et gauche

arrachées pour carie. Gencives en bon état. Articulation nor-

male. Menton bas, retiré en arrière. Régions molaires

saillantes, larges, égales. Oreilles égales, longues (6 cent.);

lobule à demi détaché à gauche, presque entièrement adhérent

à droite. - Cou moyen (circonférence 32 cent.).

Thorax bien conformé (circonférence aux mamelons, 73

cent.), ainsi que l'abdomen et le bassin. Percussion et auscul-

tation normales. Membres supérieurs et inférieurs réguliers-

Peau blanche et fine; les cheveux, rouges, descendent bas sur

le front et avancent beaucoup sur les tempes; sourcils très

marqués, très longs : ils descendent en dehors de l'apophyse

orbitaire externe et se joignent presque en dedans ; ils sont

bien arqués. Cils larges, nombreux. - Très léger duvet aux

joues, à la lèvre supérieure et au menton.

Organes génitaux. Poils dorés, frisés, très abondants au

pénil, à la racine des bourses et sur les bourses. Verge longue

et grosse (circonférence au-dessous du gland, 9 cent.; long.,

10 cent. ) Bourses pendantes, plus à droite qu'à gauche.

Testicules de la grosseur d'une grosse noix. - Pas d'onanisme.

- Hypospadias : à la place de méat normal, orifice allongé se

terminant par la partie supérieure de l'orifice anormal et com-

muniquant avec lui. Entre les deux, en écartant le méat on

constate une bride légèrement saillante et linéaire; l'orifice

anormal à l'état ordinaire a la forme d'un triangle isocèle dont

la base répond à la bride signalée; son extrémité la plus infé-

rieure est angulaire ; la longueur du méat comprenant les deux

orifices dont nous venons de parler est de 14 millim., l'orifice

anormal occupe les deux tiers supérieurs du pénis.

Etat mental. Affectueux, il dit quelquefois au garçon : « Je

vous aime », et cherche parfois àl'embrasser; dit : do voudrais

bien voir ma mère. » Caractère très doux, très obéissant. Il sait

e nom des objets usuels. Les premiers jours de son séjour ici, il

voulait écrire à Jeanne d'Arc. On lui a présenté un tableau noir,

et il n'a tracé que des lignes informes. Après les accès, ou

les vertiges, qui sont plus fréquents, il reste hébété pendant

environ un quart d'heure. Ce matin encore quoique très fatigué,

il s'intéressait à ce qui passait autour de lui ; il a dit distincte-

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 233

ment : « J'ai soif.» La parole est assez correcte, mais d'une façon

particulière; il ouvre de grands yeux ou plisse le front; quand

il va parler, il semble faire un effort pour ressaisir la notion

dont il va faire usage. Il a tout à fait l'air d'un dément.

Quand il demande quelque chose, par exemple à manger, il

est très tenace, et réitère plusieurs fois sa demande. Il ne

refuse jamais de faire ce qu'on lui ordonne.

Motilité. Avant ses séries d'accès, le malade marchait, en

chancelant un peu, se servait bien de ses bras, mangeait pro-

prement avec la cuiller et la fourchette. Sensibilité générale

et spéciale normales.

Nutrition. - Il redemande très souvent à manger, ne mange

cependant pas gloutonnement. Mastication normale; il

gâte la nuit seulement.

Description des accès. - Cri étranglé, se produisant parfois

à la fin de la période tonique. Chute tantôt en arrière, tantôt

en avant. Rigidité générale, égale. Quelques secousses

cloniques. -Stertor, un peu d'écume. Parfois, il se mord les

lèvres et la langue ; il urine sous lui toutes les fois qu'il a de

forts accès. Sommeil consécutif. Actes automatiques : il bou-

tonne et déboutonne ses habits.

Description des vertiges. Quelquefois cri étranglé, et c'est

fini ; il a un brouillard devant les yeux, clignotement des pau-

pières ; durée : quelques secondes. On n'a remarqué ni pâleur,

ni chute; il lâche les objets.

1884. zzovembre. Soir : T. R. 40°,2. 6 nov. Dans

la nuit, le malade a eu vingt-deux accès; dans la journée, il en

a eu trois, et de 7 à 8 heures du soir, douze. On lui a appliqué,

dès le début, six sangsues aux apophyses mastoïdes, des sina-

pismes aux cuisses ; dans la journée, il a pris 30 grammes d'eau-

de-vie allemande. Le soir, le pouls étant vibrant et rapide, on

a pratiqué une saignée de 300 grammes. Le malade a eu

trois accès pendant les préparatifs de la saignée.

T. R. Matin : 39 ? Soir : 39 ? (9 heures du soir), 38°,9,

de suite après la saignée.- Minuit : T. R. 39o ?

7.-De 9 à 10 heures du soir : douze accès ; trois de minuit à

une heure; cinq de 3 à 6 heures. Malin : T. R. 40°,8; - Soir :

38°,6. - Pas de nouveaux accès.

La sensibilité cutanée avait disparu, le réflexe tendineux

234

CLINIQUE NERVEUSE.

rotulien était conservé sauf de suite après les accès. - Aujour-

d'hui, le malade est agité, prononce des paroles incohérentes,

cherche à se lever. Le pouls est moins fort, plus rapide. La

sensibilité cutanée est revenue. - Pupilles étroites, égales,

sensibles. Traitement : lotions vinaigrées, eau-de-vie alle-

mande, sinapismes, sulfate de quinine.

8. - Pas d'accès. T. R. 38°,8; Soir : 38°,6.

9. - T. R. 38ou. - Soir : 38°.

10. - T. R. 38 ? - Soir : 38°.

11. T. R. 38o,u). - Soir : 37°,8.

12. - T. R. 37 ,8. - Soir : 3-il,6. ( ? 21.)

13. T.R. 38 ? - Soir : 38°. -Lemalade a eu quelques

vertiges, mais pas d'accès; il a bon appétit; la soif est tou-

jours vive. -

1,*ig. 21.

DE 1,'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 235

lr. - T. R. 37°, 8. -Soir : 37°,6. Gr... s'est levé aujour-

d'hui.

15 au 19. La température normale s'abaisse progressive-

ment jusqu'à 36°,8. - Le 17 et jours suivants, le malade a

demandé à aller à l'école, ou chez ses parents, le tout en

pleurant. - 6 Décembre : Série d'accès (7 de jour et de nuit).

1885. Pendant le cours de l'année, la déchéance intellec-

tuelle s'est accentuée ainsi que le montrent les notes de l'école

et son écriture. La parole est un peu traînante ; tremblement

de la pointe de la langue. En décembre, on constate un léger

tremblement de la langue et des lèvres, de l'embarras de la

parole. La mémoire est nulle. La miction est involontaire

depuis trois mois; parfois défécation également involontaire.

Cyanose très prononcée des mains. Il a été soumis au traite-

ment par l'élaxir polyb/'omu7'é.

1886. 9 mars. Le matin, quand on l'apporte à l'infirme-

rie, il avait eu 3 accès et était sans connaissance. Il a eu son

premier accès à l'infirmerie à 10 heures; à partir de là, les

accès sont survenus à un quart d'heure d'intervalle, sans re-

tour de la connaissance.

11 h. 50. Le malade est dans le décubitus dorsal, dans le

coma avec stertor, la face est un peu rouge, les pupilles sont

dilatées. Le pouls est très rapide, incomptable. Les mouvements

respiratoires sont rapides, mais réguliers.

'18" accès. - Subitement le malade tourne la tête vers la

droite, les yeux sont fortement portés de ce côté, puis il reporte

la tête à gauche; la face rougit, la contracture devient générale;

le cou est en extension ; le tronc raidi se dresse à moitié; les

membres supérieurs sont contractures dans la flexion ; le pouce

est dans la main, les doigts fléchis; les membres supérieurs

sont en extension forcée. Tout le corps est ensuite agité de

mouvements rapides. Le membre inférieur gauche se relève à

une distance de 20 ou 50 centimètres du plan du lit; la jambe

droite reste horizontale. La tête se reporte à gauche. Les con-

vulsions continuent. La face devient cyanosée. La contracture

est plus marquée à droite : une écume peu abondante, mais

épaisse, non sanguinolente, vient sur les lèvres. Durée de l'ac-

cès, minutes. Après l'accès, coma et stertor. L'infirmier

raconte qu'au début du 9° accès le malade a poussé un cri. Ce

cri ne s'est pas renouvelé jusqu'à présent. T. R. 39°.

236 CLINIQUE NERVEUSE.

16" accès. En tout semblable au précédent. Pas de cri

initial, mais un bruit étouffé. Au début de l'accès, la tête et les

yeux sont fortement portés à gauche, puis à droite; la mâ-

choire inférieure en abaissement forcé, avec un mouvement

latéral qui la;porte fortement à gauche, puis à droite... Durée :

une minute. Le malade a uriné sous lui. T. R. immédiatement

après l'accès, 39o ?

`6° accès.- Rien de nouveau. Durée moindre (40 secondes).

T. prise sous l'aisselle pendant l'accès ; zip00,4. Pouls, après

l'accès, petit, incomptable. Sueurs abondantes. - Traitement :

lotions vinaigrées, sinapismes, sangsues à l'anus.

44e accès. Période tonique très écourtée. Rien de particu-

lier, sauf une cyanose localisée, dès le début de l'accès, à la

Fig. 22. - o, T. une demi-heure après la mort; H, T. une apiès.

DE L EPILEPSIE PROCURSIVE.

237

main et au poignet droits. Les sangsues n'ont pas pris à l'anus;

on en mettra cinq à chaque apophyse mastoïde.

10 mars. - Gr... n'a eu que deux accès la nuit dernière ; il

reconnaît un peu ce matin l'infirmière. T. R. 38°, 8. P. fréquent,

faible, dépressible, face vultueuse ; respiration courte et gênée,

avec ronchus s'étendant à distance. Il y a eu en tout 47 accès.

Traitement : 60 ventouses ; Jul. acétate d'ammoniaque ; quin-

quina, etc. Soir : T. R. 40°.

Il.- T. R. 39 ? - Soi2- : T. R. 39°,6.

Depuis le 9 mars ni accès, ni secousses. Après les ventouses

les symptômes d'asphyxie ont momentanément diminué, puis

ilsont reparu plus intenses. L'affaiblissement fait des progrès.

112. - T. R. 41°, matin et soir. Symptômes de conges-

tion méningitique. Le malade meurt à 7 h. 45 du matin. T. R.

immédiatement après la mort : 41°,2 ; une demi-heure

après : 4'1° ; une heure après : 39°, ? . ! % ig. 22)

238 ' CLINIQUE NERVEUSE

Poids. - 1886. Janvier. 57 kil. I.

- Mars. Après décès. 48 kil.

Taille. - 1 m. 60.

Autopsie. Symphyse cardiaque ancienne; b¡'anc1w-pneu-

manie double surtout aux bases; on ne constate dans les cavi-

tés thoracique et abdominale aucune autre lésion digne d'être

rapportée.

L'encéphale pèse z160 gr.; le liquide céphalo-rachidien est

légèrement augmenté. - La pie-mèl'e présente une vasculari-

sation aussi prononcée à la base qu'à la convexité, presque

ecchymotique surtout du côté droit. -L'hémisphère cérébelleux

droit pèse 15 gr. de plus que le gauche. Cervelet et isthme,

poids : 160 gr. On ne constate ni adhérence de la pie-mère, ni

lésion en foyer, etc.

Hémisphère gauche. La.-scissure de Sylvius est normale,

et ne présente qu'un prolongement d'un centimètre environ

dans le lobule pariétal inférieur. Le sillon de Rolando est

sinueux, profond. - La scissure perpendiculaire externe se

prolonge en arrière par l'intermédiaire de la scissure interpa-

riétale sur un centimètre de longueur avec le sillon occipital

transverse, la partie postérieure isolée de la seconde scissure

temporale et va former enfin un sillon préoccipital et aboutir à

l'incisure préoccipitale. Il résulte de cette disposition que le

lobe occipital est complètement isolé des lobes pariétal et

temporal. - La scissure interpariétale prend son origine au

fond de la scissure de Sylvius; elle est sinueuse, profonde, en-

voie au niveau de son coude un prolongement en Y formant

ainsi en arrière de la circonvolution pariétale ascendante une

scissure parallèle ; à un centimètre en arrière de son coude,

elle envoie d'abord un rameau ascendant qui, après avoir tra-

versé le lobule pariétal supérieur, va se terminer en encoche sur

la face interne, puis un rameau descendant allant rejoindre la

scissure parallèle temporale, et séparant le lobule pariétal in-

férieur du pli courbe. A quelques millimètres plus loin on

trouve un autre rameau descendant à parcours peu étendu.

Le lobule orbitaire est bien développé, très sillonné.

Face convexe. Lobe frontal. - En avant de la circonvolution

frontale ascendante il existe une scissure parallèle fi'onlalecom-

plète, prenant son origine dans la scissure de Sylvius et se ter-

minant à 2 millim. de la scissure interhémisphérique. - La

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 239

première circonvolution frontale très sinueuse, fortement dé-

coupée dans tous les sens et bien développée, envoie deux plis

de passage à la seconde circonvolution frontale qui interrom-

pent la continuité de la première scissure frontale qui est si-

nueuse et profonde. La deuxième circonvolution frontale est

également bien développée, très découpée; à sa partie médiane

se trouve un sillon profond allant de la première scissure fron-

tale au sommet de la partie triangulaire de la troisième circon-

volution frontale, ce sillon est bordé au niveau de la deuxième

scissure frontale de deux plis de passage à niveau qui inter-

rompent la continuité de la deuxième scissure en reliant les

parties antérieure et postérieure du cap à la seconde circon-

volution frontale. La troisième circonvolution frontale paraît

assez bien développée.-La circonvolution frontale ascendante,

sinueuse, est bien conformée. - La circonvolution pariétale

ascendante, également sinueuse, est uu peu grêle.

Lobe pariétal. - Les lobules pariétaux supérieur et inférieur

ne présentent pas d'autres particularités que celles résultant

du trajet de la scissure interpariétale ci-dessus décrite. Le

pli courbe est volumineux et relié à la deuxième circonvolution

temporale par un pli de passage à niveau. Le lobe occipital

n'offre pas d'anomalies, mais ses circonvolutions sont un peu

maigres.

Lobe temporal. La première circonvolution temporale peu

développée possède des circonvolutions temporales transverses

très peu développées. La scissure parallèle, interrompue vers le

milieu de son parcours par un pli de passage profond, envoie

en avant de celle-ci un sillon profond qui divise entièrement

la première circonvolution temporale; de ce même point part

obliquement une autre incisure moins profonde qui se ter-

mine à l'incisure préoccipitale, après avoir divisé la seconde

til'convolutz'on tempo1'ale qui est bien développée. - La deuxième

scissure temporale est très irrégulière et tronçonnée. - On ne

saurait distinguer de troisième circonvolution temporale, qui, ici

se trouverait confondue avec la seconde.

Face interne. Lobe temporo-occipital. La première scis-

sure temporo-occipitale est irrégulicre, divisée en tronçons

dont l'un envoie un sillon à la deuxième scissure temp01'o-occi-

pitale à travers la première circonvolution temporo-occipeale

qui, quoique bien développée est par suite très irrégulière et

240 CLINIQUE NERVEUSE.

mal délimitée du lobe temporal. -Toutes les parties situées à

l'entour de l'incisure préoccipitale, mais surtout en arrière,

soit sur la face convexe, soit sur la face interne, soit un peu en

retrait et chagrinées. La deuxième scissure et la deuxième

circonvolution temporo-occipilales paraissent assez bien con-

formées, toutefois la partie médiane de la circonvolution est

légèrement en retrait et chagrinée. La circonvolution fron-

tale interne est bien développée, très sillonnée. Le lobule para-

central est très développé, bien isolé des circonvolutions envi-

ronnantes ; il présente un sillon médian transversal. - La

scissure calloso-marginale est sinueuse et va se perdre sur la

face convexe à deux centimètres en avant de la scissure inter-

hémisphérique. - La circonvolution du corps calleux ne pré-

sente rien de particulier, mais à sa partie la plus postérieure

au niveau du bourrelet du corps calleux, elle est un peu en

retrait. Le lobule quadrilatère, moins bien développé, est

divisé par un sillon vertical, aboutissant à la scissure sous-

pariétale, il n'existe qu'un pli de passage pariéto-limbique

postérieur. - Le coin, la scissure perpendiculaire interne,

la fissure calcarine ne présentent aucune anomalie. Le

corps calleux, le corps strié, la couche optique paraissent nor-

maux. Il en est de même du lobule de l'insula.

Hémisphère droit. La scissure du Sylvius se termine dans

le pli pariétal inférieur où elle atteint presque la scissure in-

terpariétale ; à l'endroit où elle pénètre dans le pli pariétal in-

férieur, on trouve un petit pli de passage un peu en retrait qui

isole sa partie pariétale; il existe deux rameaux antérieurs as-

cendants, l'un situé entre l'opercule et la circonvolution fron-

tale ascendante va se jeter dans le sillon précentral inférieur,

l'autre situé entre l'opercule et la partie triangulaire de

la troisième circonvolution va se perdre dans la deuxième

scissure frontale. Le sillon de Rolando, très profond, a la

forme d'un S. - La scissure perpendiculaire externe n'atteint

pas la scissure interpariétale dont elle est séparée par un pli de

passage à niveau allant du pli pariétal supérieur au lobe occi-

pital. La scissure interpariélale est très irrégulière, forme

en arrière de la circonvolution pariétale ascendante une scis-

sure parallèle presque complète, mais peu profonde à sa par-

tie inférieure; elle envoie un peu au-dessus de son coude un

sillon horizontal profond qui divise presque entièrement la

pariétale ascendante en deux parties, une supérieure, et une

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 241

inférieure; à un centimètre en arrière de son coude, son traiet

est interrompu par un pli de passage à niveau allant de la

partie postérieure du pli pariétal supérieur au pli courbe; plus

loin la scissure interpariétale va se terminer dans le premier

sillon occipital. Le lobule O1'bifaÙ'e est bien développé, normal.

Face convexe. Lobe frontal. - En avant de la circonvolution

frontale ascendante, on trouve une scissure parallèle qui n'est

interrompue que par un pli de passage un peu en retrait, allant de

la deuxième circonvolution frontale à la frontale ascendante.

- La première circonvolution frontale qui est bien développée,

très sillonnée, envoie à son tiers antérieur un pli de passage

à niveau, grêle, à la deuxième circonvolution frontale qui est

bien développée, mais très irrégulière; celle-ci est très sillonnée;

à son tiers antérieur, elle est divisée par un sillon profond qui

longe la face antérieure du pli de passage ci-dessus et fait

communiquer entre elles la première et la deuxième cÏ1'convo-

lution frontale; à un centimètre et demi environ plus en ar-

rière on trouve un autre sillonprofond qui, après être descendu

d'abord verticalement dans la deuxième frontale, marche en-

suite parallèlement à elle vers son milieu et va se jeter dans la

scissure parallèle frontale, en formant ainsi un dédoublement

de la partie postérieure de la deuxième circonvolution fron-

tale. Un pli de passage légèrement en retrait, allant de la

partie supérieure de l'opercule à la deuxième frontale, inter-

romptla continuité de la deuxième scissure frontale à sa partie

la plus postérieure. - La troisième circonvolution frontale est

bien développée, mais irrégulière; on y trouve encore à sa partie

la plus antérieure un pli de passage se rendant à la deuxième

circonvolution frontale. La circonvolution frontale ascen-

dante, sinueuse, est déprimée à son centre qui est très grêle et

surplombé par la circonvolution pariétale ascendante bien

développée à sa moitié inférieure, mais plus grêle que de cou-

tume à sa moitié supérieure.

Lobe pariétal . - Le pli pariétal supérieur, bien développé

dans ses deux tiers antérieurs, est maigre dans son tiers posté-

rieur isolé du reste du lobule par un rameau ascendant de la

scissure interpariétale, rameau qui, après avoir contourné la

scissure interhémisphérique, se termine sur la face interne. -

Le lobule pariétal inférieur, bien développé, est isolé du pli

courbe, également bien développé, par un sillon descendant se

rendant de la scissure interpariétale, à la scissure parallèle.

Archives, t. XV. G G .

242 CLINIQUE NERVEUSE.

La presque totalité du lobule pariétal inférieur, surtout dans

sa partie postéro-inférieure, est chagrinée ; il en est de même

du pli courbe, mais à un degré moins prononcé.

Le lobe occipital est assez volumineux ; mais ses deuxième

et troisième circonvolutions sont un peu chagrinées.

Lobe temporal. La première circonvolution temporale est

bien développée, présente des circonvolutions temporales

transverses semblables à celles de gauche. La scissure paral-

lèle, très profonde, se divise à son extrémité postérieure en

deux rameaux, l'un antérieur qui se perd dans le pli pariétal

inférieur, l'autre postérieur qui, après avoir pénétré dans la

portion postérieure de la seconde circonvolution temporale, est

coiffé par le pli courbe.-La deuxième circonvolution temporale

est bien développée et chagrinée dans sa moitié postérieure.

- La deuxième scissure temporale est irrégulière, tronçonnée,

mais on peut à la rigueur, surtout postérieurement, distinguer

une troisième circonvolution temporale également un peu

chagrinée et légèrement en retrait vers l'incisure préocci-

pitale.

Face interne. Lobe temporo-occipital. La première scis-

sure temporo-occipitale est assez profonde, sinueuse. La pre-

mière et la deuxième circonvolutions temporo-occipitales sont

bien développées. La deuxième scissure temporo-occipitale

est profonde.

La circonvolution frontale interne, bien conformée, est très

sillonnée. Le lobule pamcentral, bien développé, a la forme

d'une bourse dont l'ouverture siégerait au niveau de la scis-

sure calloso-marginale qui est normale ; un pli de passage à

niveau, maigre, relie la partie inféro-antérieure du lobule

paracentral à la circonvolution frontale interne. - Le lobe

quadrilatère est petit, maigre, possède un petit pli pariéto-

limbique postérieur. - Le coin, la scissure perpendiculaire

interne, la fissure calcarine ne présentent pas d'anomalies.

Le corps calleux, le corps strié, la couche optique n'offrent

rien de particulier. Il en est de même du lobule de l'insula.

Le malade Gr. a présenté des actes automatiques ne

se différenciant guère de ceux qu'on observe ordinai-

rement chez les épileptiques; mais l'on a noté, en

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE 243

outre, des phénomènes rotatoires qui se rencontrent

également assez souvent chez certains épileptiques`,

soit d'une façon à peu près constante, soit à de rares

intervalles et sur la nature desquels il est encore dif-

ficile de se prononcer. Les lésions portent surtout sur

l'hémisphère cérébral droit dont certaines circonvolu-

tions des lobes pariétaux et temporal offrent un cer-

tain degré d'atrophie et un aspect chagriné.

L'hémisphère cérébelleux gauche était atrophié et

pesait 15 grammes de moins que le droit. Les phéno-

mènes rotatoires présentés par le malade auraient été

sous la dépendance de cette lésion; mais nous ne sau-

rions lui attribuer de même les actes automatiques

simples que nous avons signalés; ajoutons toutefois,

qu'avant son entrée à Bicêtre, Gr... avait la manie de

s'en aller, qu'il a été retrouvé dans différents endroits

de Paris, mais nous ignorons s'il était procursif.

Les circonvolutions et les scissures cérébrales étaient

très anormales; à gauche la scissure perpendiculaire

externe, en se prolongeant jusqu'à l'incisure préocci-

pitale, isolait, comme chez le singe, les lobes pariétaux

et temporal du lobe occipital.

Bien que cela nous écarte un peu de notre sujet, il

est un point de l'histoire de ce malade que nous ne

pouvons laisser passer sans attirer sur lui l'attention

de nos lecteurs : il s'agit des deux états de mal qu'il

a eus en 1884 et en 1886. Dans les deux cas, la tem-

pérature centrale a suivi la marche régulière signalée

souvent par l'un de nous (lïq. 2 1 et 22). Le premier tracé

' « One or iiiv patients alwaw hopped round the room before he

fell in a lit. » ((;owers, On Epilepsg, p. 121.)

: 2M" CLINIQUE NERVEUSE.

montre la marche de la température dans un état de

mal qui se termine par la guérison; le second nous

donne la marche de la température dans un cas d'étal

de mal aboutissant à la mort, avec les deux sommets

classiques, l'un correspondant à la fin de la période

convulsive, l'autre correspondant à la période mél71ll-

gilique terminale. '

Observation XXXVII. Mère, nerveuse. - Grand'mère maternelle,

attaques de nerfs, somnambulisme, migraines.

Conception par viol. - Grande différence d'âge entre les père

et mère. - Premières convulsions Ii six mois. - De quinze mois ri

quatre ans, vertiges. - Premier accès à sept ans. - Débilité

mentale. - Idées mélancoliques après les accès. - Excitation

maniaque, - Onanisme. - Hydrothérapie et bromure de so-

dium. - Kyste hydatique du foie : Ponction ; guérison.

Led... (Charles), né le 13 mars 1863, est entré le 4 mai à Bicêtre

(service de : 'il. BOURNGVILLE).

Led.. n'a que des accès de nuit ; après l'accès, il cherche à faire

son lit, parcourt la salle, puis va se coucher dans le premier lit venu.

Observation XXXVIII. - Pas d'antécédents héréditaires. - Incon-

tinence nocturne intermittente d'urine. - 1s'pilepsie, attribuée à

des coups qu'il aurait reçus d'une employée de son père.

Jarr..., né le 20 mars 18G. Ce malade a des vertiges diurnes

accompagnés de marche. - Après les accès nocturnes il se lève

parfois, va embrasser son père inconsciemment et se recouche.

Observation .T1RI\. - Père mort d'un cancer de la langue. -

Cousine germaine du coté maternel, hystérique Deux frères

morts de méningite. - Asphyxie a la naissance'. - Marche et

parole à quatre ans. - Convulsions à treize mois. - Incontinence

nocturne d'urine jusqu'il seize ans. - Onanisme dès l'enfance. -

Intelligence peu développée. - Sodomie. - Inversion du sens

génital. - Début de l'épilepsie non précisé. - Parfois aura. -

Hallucinations après l'accès. - Hernie inguinale gauche.

Gib... (Arthur-Philibert), né le 22 décembre 48;s0, est entré le

2 septembre IS8 ? à Bicêtre (service de 11. ftOURNl : 1'ILLC),

1 C'est 1;1 une des causes les plus fréquentes des maladies de l'encé-

phale qui produisent l'idiotie, et sur laquelle nous avons souvent appelé

l'attention (13.).

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 12115

Ce malade accomplit des actes automatiques après ses accès...

Avant de tomber, il fait trois ou quatre pas en tournant. Après

l'accès, pendant vingt minutes environ, il cherche sous les tables,

les armoires, de prétendus rats et des souris.

Observation XL. Père douteux. Mère débauchée. - Début

des accès a quatre ans. - Chute dans la Seine. -- Roulement,

automatisme. Etourdissements précédant les accès. - Ottca-

nisme. - Kleptomanie, gloutonnerie, herbivore. Clastomanie,

fugues. - Ingestion exagérée de boudin; retour des aliments, in-

troduction dans les voies respiratoires. - Mort.

Autopsie : OEsophage, larynx, bronches remplis de boudin; esto-

7zt«r; plein; thymus persistant. - Atrophie des lobes occipitaux. -

Hémisphère droit 20 gr. de moins que le gauche.

Iaue... (Léon), né le 1 1 juillet 1870; est entré le 17 juillet 1885

à Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE) et y est décédé le 2 dé-

cembre 1 SSo . - Ce malade se déchire, se déboutonne, retire son

pantalon, le laisse tomber, prend sa verge, se touche et souvent

s'endort.

Obseuvation XLI.-Grcand'7zèrep«tenzelle, névralgies. - tendance

aux congestions dans la famille paternelle. - Oncle paternel,

mort de convulsions. - Tante paternelle, attaques de nerfs tt

insuffisance intellectuelle. Grand'mère maternelle et deux

oncles maternels, suicide. - Trois morts subites duns la famille

maternelle. Un frère, une 1>(1HlI', une cousine geimaine, morts

de convulsions.

Premières convulsions à six semaines portant exclusivement

sur le côté droit et prédominant au bras. - Vertiges (deux ans

et demi à six ans). - Premiers accès à six ans. - Ült(L7ttS))ie. -

Hémiplégie droite. - Imbécillité. - -IIic2,océph(tlie.

Lacro... (Henri), né le 5 avril 1866, est entré le 14 juillet 1882,

à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Après les accès, Lacro... déchire régulièrement ses draps et ses

effets.

Observation -Epilepsie. Légère déchéance intellectuelle.-

Automatisme.

Jaao... (Adolphe-Henri), né le 8 janvier J861, est entré, le

31 mai 1877, à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Jaco ? à la suite de ses accès, se déshabille complètemenl,

cherche à se coucher dans le lit de camp, comme si c'élait un véri-

table lit.

246 CLINIQUE NERVEUSE.

Observation XLIII. -Père, mort plzllhisique. Un frère, mort de

convulsions.- Un autre : hémiplégie gauche non infantile.- Peur

pendant la grossesse. Accouchement huit jours après. - Con-

vulsions de six semaines à trois ans. Puis accès convulsifs. -

Aura médiate. - Soubresauts. - Pyromanie. - Excitation ma-

niaque. - Violences. Tlémor1'lwïdes. Diminution des facul-

tés intellectuelles. - Hydrothérapie.

Pla... (François-Dominique), né le 2 janvier 189, est entré le

15 janvier 4815à à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Aussitôt l'accès terminé, Pl... saisit les colonnes de la salle du

chauffoir, cherche à les ébranler; il prend ensuite les matelas du

lit de camp, simule l'acte de faire un lit.

Avant son entrée à Bicêtre, on avait constaté qu'après les accès,

PI... cherchait à sortir, il fallait le maintenir, le surveiller.

Observation XLIV. - Père mort phthisique. Un oncle paternel

phthisique. Un autre épileptique. - Mère migraineuse.

Grand'mère maternelle hystérique. - Une tante maternelle

phthisique. Soeur, morte de convulsions. - Gémellarité.

, Premières convulsions a treize mois. Début des accès à vingt-

deux ans. Diminution des facultés intellectuelles. Ona-

nisme. Automatisme.

Louq... (Paul-Denis), né le 29 novembre 1850, est entré le

26 novembre 1881 à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Ce malade cherche après l'accès, pendant dix minutes, à ouvrir

toutes les portes avec n'importe quel objet qui lui tombe sous la

main. Il cherche souvent également à se déshabiller.

Etant encore chez sa mère, Louq... accomplissait des actes

automatiques : il voulait s'en aller : c Oh ! ça y est, disait-il, je veux

aller travailler. » Il se déboutonnait, cherchait dans ses poches,

commençait à se déshabiller. Quelques jours avant son entrée à

Bicêtre, il se serait, après un vertige, déshabillé dans la rue Cardi-

nal-Lemoine ; il accrochait ses habits. On l'a reconduit chez lui

(rue Rollin) et on l'a couché sans qu'il s'en doute. Au bout de

quelques minutes, il revint à lui.

Observation XLV. Mère, nerveuse, inconduite, migraineuse,

morte phthisique.- Cousin germain idiot. Frères, morts de con-

vulsions. Premiers accès à douze ans. - Aura nasale. Au-

tomatisme post-épileplique.

Dog... (Jacques), né le 3 janvier 1865. est entré le ,12 août 1880 à

Bicêtre (service de M. BOUftNEVILLE).

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 247 -1

Ce malade, dont l'un de nous a déjà publié l'observation', pré-

sente de l'automatisme à la suite de ses accès : il se lève, l'air

égaré, traverse toute la salle de l'infirmerie, va à un lit vide,

essaie de l'ouvrir par le pied, finit enfin par relever le drap et se

couche sous la couverture. II répond à peine aux questions et par

monosyllabes : a Je ne sais, mon lit, etc., » puis il s'endort paisi-

blement. C'est sous cet aspect que nous avons observé chez ce

malade l'automatisme à la suite d'un accès le 8 février 1882.

Observation XLVI. - Père diabétique. Grand'mère paternelle

phthisique. Mère hystérique. Deux cousins germains de la

mère du côté paternel, épileptiques. - Vertiges à dix-huit mois,

accès à six ans. Phénomènes cataleptiques. Aura. - Folie et

courses consécutives. - Pyromanie et kleptomanie. Mort dans

un accès.

De Buss... (Gaston-Emile), né le 5 mai 1859, est entré le

16 mars 1874 à Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE) et y est décédé

le 8 septembre 1883.

A : < ! 'u.Au début il s'écriait : «Maman, bobo», il se plaignait que

ça lui piquait dans la tête et dans le nez. Il accourait vers sa

mère chez laquelle il ne s'est jamais blessé. Dans son sommeil il

appelait également : « Maman, bobo », poussait un cri très fort ;

rigidité générale, secousses cloniques. Pas d'écume; morsure rare

de la langue. Après les accès, sommeil d'une demi-heure. Quel-

quefois folie consécutive : il criait, gesticulait, courait dans la

chambre, dans l'avenue (à Saint-Mandé), voulait tuer sa mère

parce qu'elle ne voulait pas lui laisser faire tout ce qu'il voulait.

Il voulait se jeter par la fenêtre pour la même raison. Ces

« furies p ne duraient que quelques minutes. Il a mis une fois le

feu dans la salle à manger où il s'était enfermé.

IL Automatisme professionnel. Les actes auto-

matiques professionnels sont presque aussi fréquents

que les précédents, mais leur importance en médecine

légale est bien moindre.

Observation XLVII - Mère, morte d'un cancer au sein.

Début de l'épilepsie vers l'âge de trente-quatre ans.

Crél... (Félix). né le 12 octobre 1825, est entré le 2 : 5 mars 1886,

à Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE).

1 Bucon (P.). Du traitement de l'épilepsie; Paris, 1882, obs. X,

p. 97. '

248 CLINIQUE NERVEUSE.

Nous avons ici affaire à un cas d'automatisme professionnel; ce

malade est tailleur; après l'accès il fait semblant de coudre au

moins pendant dix minutes.

Observation X).VU ? P'euCOOMe, céplaulcclqique, rhumatisant,

mort d'apoplexie ainsi qu'un oncle paternel. Un petit-cousin

paternel, imbécile. - Alcoolisme. - Premier accès à vingt-neuf

uns. - Vertiges. - Aura médiate au début. - Diminution de la

mémoire. Périodes de mélancolie et (['agitation.- Rhumatismes.

.Automatisme.

Ru... (Louis-Pierre), néle26avil 1842, est entré le 23 décembre

1880 à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Ce malade est occupé à la buanderie; il a présenté de l'automa-

tisme professionnel observé durant uu verlie. était en train de

plier du linge, il pâlit, se lève sans mot dire, prend un drap, le

plie seul, répond machinalement aux questions qu'on lui adresse ;

la face devient pourpre, et le malade se dirige vers le bassin,

prend du imce et une brosse et se met à frotter pendant vingt

minutes tout à fait automatiquement. Revenu à lui, il est tout

étonné de se trouver là et dit aux personnes qui l'environnent :

« ilion Dieu, que c'est bête d'avoir cette maladie ! où suis-je ? » »

Il se remet ensuite paisiblement à son travail. Chez lui Bu...

accomplissait parfois, avant l'accès, des actes automatiques. S'il

était en train de manger, il remuait sa cuiller, écartait son

assiette, chiffonnait avec les mains, faisait mouvoir sa langue

entre les dents.

Observation XLIX. - A ! <M. Diminution des facultés

intellectuelles. - Onanisme.

Tixi... (Victor-Jules), né le 21 juin 1862, est entré le 21 mars

1878, à Bicêtre (service de M. Bourneville).

C'est encore un exemple d'automatisme professionnel. Ce malade

travaille au marais. Après un des accès observés, il se met à se

promener dans le réfectoire et fait le simulacre pendant huit

minutes de semer des pois ou d'autres graines.

III. Automatisme précédant l'accès. L'automa-

tisme préépileptique est assez rare; on en trouve

cependant quelques exemples dans les auteurs. Tels

sont, par exemple, les cas suivants publiés par

Herpin '.

' Herpin. Loc. cil., p. 122.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 210

- Une couturière, qui essayait une robe à une dame, 10pèle à

plusieurs reprises la courle phrase qu'elle prononçait au moment

de perdre connaissance ; elle s'assied, l'oeil hagard, elle baise le

verre d'eau qu'on lui présente, se raidit de tous les membres, et

l'attaque se complète.

- Le fils d'un médecin, pris à table un jour devant son père, jette

au loin le verre dont il buvait le contenu au moment de perdre

connaissance ; une autre fois, saisi au milieu d'un jeu, dans la

cour d'un lycée, il entre sans tunique dans une classe qui n'était

pas la sienne, insulte un maître d'étude, puis se roidit et tombe.

- Le neveu d'un autre médecin, étant à table et mangeant, en

présence de son oncle, se lève brusquement et, par des mouvements

désordonnés, mais non convulsifs, renverse les objets qui étaient

devant lui ; bientôt, flexion de la tête en avant, lèvres avancées,

aucun cri, on le retient dans sa chute, contraction générale, figure

pourpre.

A ces cas nous ajouterons les suivants, observés

chez des malades du service de Bicêtre :

Observation L. - Père alcoolique. - Mère phthisique. - Soeurs

et pères ¡¡¡¡¡lfomu;s et convulsifs. - Hydrocéphalie légère. -

Epilepsie consécutive (huit ans). - Aura stomacale et rotatoire ;

alcoolisme. - Vagabondage. - Déchéance intellectuelle. - 1 ? ai-

lC1l1Cllt" divers. Hydrothérapie Bromure de nickel, sans succès.

\for.. (Charles), né le 7 décembre 1865, est entré le 2¡ septembre

1882, à Bicêtre (service de I. BOU1\NEVJLLi : ),

Il s'agit dans ce cas de mouvements automatiques précédant

immédiatement l'accès. - ¡\lor.... se frotte la tête et marche en

disant : « Oh ! j'ai mal il la tète, je vais tomber. » ·

Observa noN Ll. - Père alcoolique, colérique, eczémateux, mort

phthisique. - Grand-père maternel alcoolique. - Frère mort de

convulsions. - Autre frère, convulsions et tumeurs blttliches. -

Première dent « sept mois; parole Ii un an, marche 11.lJuin ? e mois.

Cotlitelzicite ci deux ails et demi, puis fièvre typhoïde et pneu-

monie. Rougeole ci quatre Accitieizis cérébraux deux aux.

- . Scw'latine, premier accès ci dix ans. - Accès surtout noc-

turnes. - Kleptomanie. - Sauts et courses, congestion ménin-

ctitilue, déchéance intellectuelle, onanisme. - Automatisme. -

Bromure d'arsenic, aimant, nitrate de pilocarpine.

Del... (Léon-Jules), né le 19 décembre lsc9, est entré le 10 mars

1881, à Bicêtre (service de 31. Bourneville) et y est décédé le

15 avril 188.

250 CLINIQUE NERVEUSE.

L'observation de ce malade a déjà été publié par l'un de nous*.

Il s'agit dans ce cas d'au toi ? îa lis ine pg,éépilop tique. Qu'il soit endormi

dans son lit ou sur une chaise, il se lève d'un bond; il a peur,

semble regarder un point fixe en l'air, les bras en avant, il va à

reculons, comme pour fuir un danger, profère des cris étouffés;

une fois on l'a entendu dire : « Ils sont deux »; une autre fois, il

tapait sur son oreiller à coups de poings, disant : « Je le tue » :

d'autres fois, il dit : « Ça y est » ; durée : deux minutes ; mais si

à la suite, il y a des convulsions, cela dure plus longtemps ; il

s'affaisse, les yeux se tournent, les membres se raidissent, puis il

a des secousses, de l'écume; il ne se mord pas la langue, mais

urine quelquefois sous lui; enfin il se rendort.

Observation LI ! . -Mère hystérique, intelligence peu développée.-

Grand'mère maternelle, mélancolie, idées de persécution. - Né

avant terme : convulsions ri vingt-deux mois, début de l'épilepsie ci

trois ans. Aura. Etat de mal. Déchéance intellectuelle. -

Violences. Délire qostépileptique. Iileplonzanic, automa-

- Etat de mal. - Mort.

AuTOpsiE.Pe)'S ! Stat : ce du thymus-, épiploon de livésicitle biliaire.

Persistance oblique du trou de Bot,d. Légère induration du bord

libre d'une valvule mitrale. 11Jéningo-encéphalite.

Vissi... (Alexandre-Rapllat : l-feores), né le 30 décembie 1868,

est entré le 13 mars 1885, à Bicêtre (service de M. Buunr`I : \·ILLE),

et y est décédé le 19 avril 1885.

Nous avons affaire ici à un cas d'automatisme préépilcptique.

Tout d'un coup Viss... se levait, marchait ou non et donnait de

violents coups de pieds, ou de violents coups de mains; tantôt

dans le vide, tantôt sur les personnes; un jour, la première fois

qu'on a remarqué ces accidents, il a donné un violent coup de

main sur l'épaule de sa mère. Jamais il n'a frappé son père;

il lui disait : « Papa attache-moi ! «Dans ses mouvements, les objets

étaient brisés.

A Bicêtre, le malade n'avertissait pas, mais on assure que avant

ses accès, il courait une vingtaine de pas, donnait un soufflet à la

personne qui se trouvait devant lui et tombait en accès; la main

ouverte, il frappait où il pouvait; l'infirmier qui nous renseigne

aurait été frappé deux fois.

1 Bricon, - Du traitement de l'épilepsie, 1882, p. 91.

Nous avons eu l'occasion d'observer souvent la persistance du

thymus, même chez des adultes; nous consacrerons prochainement à ce

sujet une note.

' DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 251

Les divers auteurs qui ont traité de l'épilepsie ont,

pour la plupart, parlé de l'automatisme, souvent, il

est vrai, en termes fort concis. On trouve disséminées

dans les journaux et les recueils de médecine des

observations de malades atteints d'épilepsie accompa-

gnée d'automatisme.'

Dans sa thèse sur la -Pathologie des états épileptoïdes,

0. Berger - établit un rapprochement entre une de ses

observations et celle publiée antérieurement par Sem-

mola, qui se rapporte à l'épilepsie procursive propre-

ment dite. Nous n'y voyons, pour notre part, qu'un de

ces cas d'automatisme si fréquemment observés chez

les épileptiques. Nous croyons toutefois utile de le

rapporter entièrement, laissant au lecteur le soin de

juger eu dernier ressort.

Observation LUI. Mère morte maniaque. Signes

légers de dégénérescence. Début à vingt-deux ans. Ver-

tiges. Accès procursifs. - Morsure de la langue.

Irritabilité très prononcée. Déchéance intellectuelle assez

notable.

Johann S..., vingt-sept ans, messager postal, ancien con-

ducteur de chemin de fer, est un individu pâle, un peu chétif.

Son père vit encore, sa mère est morte maniaque à l'âge de

quarante ans. Frères et soeurs bien portants. J... S... n'aurait

1 Nous n'avons pas la prétention de relater ici toutes les observations

d'automatisme publiés par les auteurs; il nous faudrait citer presque

tous les médecins qui se sont occupés de l'épilepsie; nous rappellerons

seulement que c'est peut-être à Herpin que nous sommes redevables du

plus grand nombre d'observations de ce genre. (Loc. cit., p. Hi, 153,

154, 155, 156, 158, 159, 186, 193, 195. 199). - Voir encore pour l'auto-

matisme les observations de Stevens et C. H. Hughes (The A/iellisl and

l1'eurologist., aui11880, analyse dans Archives de Neurologie, t. I, p. 318),

d'Atthaus (B>-'l. nzed. Journal, 1886), de A. Robertson (Brif. med. Jour-

nal, 21 avril 1887), Gowers, p. 185, 186, 187, 188), etc., etc.

2 0. Berger. - Zur Pathologie der epilep/oiden Zuslande nach 25 Beo-

bactungen der Kgl. Charité zu Berlin. Inaugural. Dissertation. Ber-

lin, 1867. Observ. 1, p. 24.

2S2 CLINIQUE NERVEUSE.

été atteint d'aucune maladie en dehors de l'épilepsie. La tète,

par rapport au corps, est fortement développée; lé crâne est

aussi plus développé; le crâne est de même plus développé que

la face. Le front étroit est très proéminent ; une crête assez

marquée indique très manifestement la suture bi-frontale. Au

toucher, on constate que la tète est très sensible dans toutes

ses parties. Les oreilles sont longues et larges, les organes

génitaux sont bien développés. Les'poumons, le coeur, les

organes abdominaux sont normaux. Le malade, les yeux

fermés et les pieds rapprochés l'un de l'autre, a quelque peine

à se tenir debout ; après une demi-minute de station debout,

il risque de tomber en arrière et ressent encore de la gêne

motrice même après avoir ouvert les yeux. Veut-il tourner sur

son axe ? il tombe bientôt en arrière; la chute est plus rapide

s'il essaie de tourner à gauche. On ne note pas de troubles de

la sensibilité et de la motilité. Le malade présente une hyper-

esthésie généralisée à tout le corps, et un examen répété

menace de produire une chute. Le fond de l'oeil est très

pigmenté, les veines sont très dilatées, les pupilles sont nor-

males.

Le malade eut son premier accès, il y a cinq ans, sans

cause connue. Sans aura préalable, il fut pris d'un vertige et

tomba évanoui. Les accès se repétèrent ensuite chaque se-

maine de deux à trois fois ; à leur suite, le malade ne revenait t

à lui qu'après un assez long temps. Depuis son entrée à

l'hôpital, J. S... a eu deux ou trois accès par jour, leur durée

est de deux à trois minutes. Après l'accès, le pouls radial est

intermittent, tout à fait arythmique, modérément plein et

facilement compressible. D'ordinaire, une forte pulsation est

suivie d'une plus longue pose, puis viennent trois ou quatre

pulsations à de courts intervalles. Le coeur n'est hypertrophié

dans aucun de ses diamètres, les tons sont purs.

Les accès sont tantôt légers, tantôt forts. Dans le premier

cas, ils se présentent sous la forme vertigineuse : pâleur de la

face, chute sans mouvements convulsifs. Le pouls est accéléré

et le malade reste à la suite hébété pendant quelques minu-

tes ; il regarde autour de lui d'un air étonné, ne répond pas

aux questions ; toutefois, il revient complètement il lui peu de

temps après.

Les accès ont parfois un tout autre caractère ; en voici un

exemple : Le malade essayait de tirer un tiroir droit à lui, lors-

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 253

qu'il pâlit subitement ; la tète s'incline en avant, puis alors il

commence à décrire, avec assez de lenteur, de petits cercles de

droite à gauche ; au troisième tour, il tombe en arrière. Au-

devant de la bouche quelque peu entr'ouverte se trouve une

petite quantité d'écume non sanguinolente. Les yeux sont

directement dirigés en bas, les pupilles moyennement dilatées ;

les extrémités sont, comme à l'ordinaire, en demi-flexion ; on

ne constate ni secousses cloniques, ni secousses toniques.

Après une à une minute et demie environ, le malade complè-

tement hébété se relève, déchire ses effets, ramène vivement

son pantalon jusqu'au-dessus des genoux, ne répond à aucune

question. Un quart après il est à peu près complètement

revenu à lui ; il répond d'une façon assez juste aux questions,

mais d'un ton quelque peu criard. - Ces sortes d'accès alter-

nent irrégulièrement avec les crises vertigineuses décrites

plus haut.

Etal psychique. - Dans les premiers temps de son*séjour à

la Charité le malade ne présentait qu'un léger degré d'affaiblis-

sement intellectuel ; il travaillait avec assez de zèle, était d'une

politesse exagérée. Mais peu à peu il devint très irritable,

cherchant dispute pour la moindre cause. Il élait excité, cir-

culait avec rapidité dans les salles, menaçait et injuriait si

l'on n'exécutait pas ses volontés, et même si l'on s'y

soumettait. Il expliquait d'une voix criarde et en gesticulant

vivement sa maladie au médecin, demandait à ne plus suivre

de traitement « pour se chercher son droit dehors ». En par-

lant au médecin, les mains, toujours en mouvement, sont

placées devant lui ; il prononce tous les mots avec une into-

nation spéciale et forte; il discourt pendant quelques minutes,

d'une voix criarde et animée de toutes choses, mêmes de

celles qui lui sont tout à fait indifférentes. L'affaiblissement des

facultés intellectuelles s'est enfin accru au point que le malade

ne saisit plus bien le sens des questions un peu longues.

Il s'agit ici d'actes automatiques précédant l'accès

suivis de mouvements rotatoires, mais l'on ne saurait

assimiler ces actes à l'épilepsie procursive proprement

dite, dont ils diffèrent de tous points. - Dans le

même travail Oscar Berger rapporte plus loin quel-

254 REVUE CRITIQUE.

ques cas d'épilepsie accompagnés de phénomènes mo-

teurs que nous ne croyons pas utile de rapporter ici;

nous y renvoyons le lecteur.

Il nous resterait à donner l'explication physiolo-

gique de l'automatisme, nous aimons mieux de nous

abstenir de toute hypothèse nouvelle. Nous rappel-

lerons seulement t qu'Anstie, Thompson, Dikson,

Hugh ! ings Jakson, etc., ont attribué l'automatisme

à l'épuisement des centres cérébraux supérieurs par

la décharge, et à la perte temporaire du contrôle que

ces derniers devraient exercer sur les centres com-

plexes qui se trouvent juste au-dessous d'eux et

agissent, par conséquent, d'une façon automatique

et insubordonnée. (1 suivre.)

REVUE CRITIQUE

LA CATATONIE;

Par J. SÉGLAS, médecin-suppléant de la Salpêtrière, et Pu. CHASLIN,

médecin-suppléant de Bicêtre.

On a cherché de tout temps à grouper ensemble quelques-

uns des nombreux faits épars dans le vaste champ de l'aliéna-

tion mentale, à constituer des espèces pathologiques distinctes.

La paralysie générale reste la seule indiscutée jusqu'à présent.

D'autres essais ont été faits plus ou moins justifiés. Nous

avons l'intention d'examiner ici une de ces tentatives suscitée

par le désir de donner un pendant à la méningo-encéphalite et

sur laquelle les auteurs ne sont pas encore d'accord : nous

voulons parler de ce qui a été décrit en Allemagne sous le nom

de Catatonie ou Spannungs-Irresein.

LA CATATONIE. 3

I

Le premier et le principal travail sur la Catatonie date de

1874 et est dû à Kahlbaum ', qui tente, dans une importante

monographie, de délimiter une forme de maladie dans laquelle

certains symptômes somatiques et plus particulièrement mus-

culaires accompagnent, comme dans la paralysie générale, et

aussi fréquemment que dans cette maladie, certains phéno-

mènes psychiques et jouent un rôle capital daus tout le pro-

cessus morbide.

Cette nouvelle forme de vésanie serait extrêmement voisine

de ce qu'on appelle la mélancolie attonita que l'on considère

ordinairement comme une maladie distincte; mais si l'on exa-

mine soigneusement les cas de mélancolie attonita (ou plus

brièvement de Attonitat), on découvrira, d'après Kahlbaum,

très souvent au début de la maladie des attaques épileptiformes

ou d'autres manifestations de crampes arrivant par attaques.

Puis ces états devenus durables atteignent leur plus grand dé-

veloppement dans la flexibilité cireuse de l'attonitat et per-

sistent encore la partie dans la démence terminale. A côté de

ces symptômes que leur importance met en parallèle avec les

phénomènes paralytiques de la paralysie générale, on trouve

encore d'autres caractères somatiques et surtout psychiques,

notamment une espèce particulière d'exaltation que l'on peut

qualifier d'extase pathétique et aussi une tendance à parleren

forme de discours, à déclamer; qui donneraient à la mú ? llle

une physionomie caractéristique à côté des symptômes habi-

tuels de la mélancolie attonita. Tout cet ensemble constitue la

Catatonie. Jusqu'à un certain point, cette forme serait un pen-

dant à la paralysie générale avec ou sans délire des grandeurs;

analogue à celle-ci par la succession des différents états psy-

chiques en relation avec des symptômes musculaires, elle en

différerait au contraire par la qualité de la modification mus-

culaire et psychique et, par suite, par le pronostic.

Si l'on considère l'ensemble des phénomènes psychiques de

la Catatonie on trouve qu'elle présente successivement les

formes principales qu'affectent les troubles intellectuels, mélan-

Kalilbatini. - Die Kataloitie. Berlin, 1874.

1256 REVUE CRITIQUE.

colie, manie, stupeur (flltnnlat), affaiblissement intellectuel

avec conceptions délirantes actives mais peu systématisées et

souvent même incohérentes(Vertuirrlleeit), démence. La durée

de chaque stade est très variable et souvent on voit des alter-

natives de dépression et d'excitation; mais c'est en somme l'é- "

tat mélancolique qui est le plus long. La mélancolie avec stu-

peur suit immédiatement la mélancolie initiale ou en est

séparée par un accès de manie, ce qui est le plus fréquent. Il

est à remarquer que, dans les cas où cet accès maniaque

manque, il y a eu souvent dans les années antérieures un accès

de manie. Dans des cas très rares, c'est la mélancolie avec v

stupeur qui ouvre la scène : ce fait se présente surtout quand

il y a eu des chocs violents physiques ou moraux (frayeur in-

tense, traumatismes, pendaison, etc.). D'autres fois, après une

stupeur de courte durée arrive de nouveau de l'excitation ou un

état de franche mélancolie à laquelle succède la stupeur avec

ou sans stade de manie, ce que l'on peut considérer comme

une recrudescence du processus morbide. Quelquefois au

milieu d'un long stade (semaine ou mois) de manie appa-

raissent quelques jours seulement de stupeur. Dans des cas

plus rares, la stupeur alterneavec un état de Verwirtheit secon-

daire. Les terminaisons peuvent être la démence, la guérison

ou la mort. - Il y a encore des cas où la Catatonie se déve-

loppe au milieu d'un état d'excitabilité nerveuse ou d'un état

de dépression physique générale. Mais alors elle ne débute

plus par de la mélancolie, à moins qu'elle ne soit annoncée

par une légère teinte hypocondriaque : c'est un stade ma-

niaque qui commence la maladie.

Dans la majorité des cas, c'est la stupeur qui l'emporte en >

durée sur tous les autres stades; mais il faut noter cependant

que la transition à la démence se fait d'une manière insen-

sible.

Quoiqu'il en soit, il y a toujours un caractère cyclique mars

que. Ordinairement le début se fait lentement et progressive-

ment ; puis la Catatonie arrive à un stade d'acmé et redescend

se perdre dans la démence. Dans beaucoup de cas après la

stupeur (Attonitat) se développe un état de Verwirtheit secon-

daire ou général avant la démence complète, et avant cette

stupeur se place un état maniaque qui la sépare de la mélan- ^

colie initiale. La stupeur marquerait ainsi le commencement

du stade de décroissance.

LA CATATONIE. 257

Quant au symptômes en particulier, ils n'ont rien de bien

spécial sauf cependant ceux du stade d'exaltation. Comme en-

semble c'est ou bien de la mélancolie agitée ou bien l'excita-

tion la plus violente, ou bien un délire systématisé (Wahnsinn)

plus fixe. On rencontre alors quelques symptômes particuliers

à la Catatonie et qui peuvent servir à faire le diagnostic même

avant le stade de stupeur. C'est d'abord le caractère pathétique .

sous forme d'exaltation théâtrale, d'extase tragico-religieuse

que revêtent les paroles et les actes des malades. Ils déclament

et récitent perpétuellement en gesticulant, arrivant souvent

même à l'idée qu'ils veulent être acteurs ou même qu'ils le

sont. Ils disent des banalités, comme s'ils étaient convaincus

qu'elles sont d'un intérêt capital pour l'humanité ou bien

causent de choses extrêmement sérieuses bien au-dessus de

leur profession, et sans délire de grandeur bien caractérisé ils

en arrivent à croire que le monde est particulièrement inté-

ressé aux petits événements de leur existence. La manie de

lire, de déclamer, de réciter à haute voix (Redesucht) que l'on -

rencontre dans le stade de l'exaltation est très différente du

bavardage et des cris des maniaques ordinaires. Entre autres ca-

ractères propres à la Catatonie, elle présente le fait de la répé-

tition de mots et de phrases sans aucun sens ou ne se suivant

pas, mais prononcés comme si le malade faisait un discours.

Cette « Verbigération » est une crampe coordonnée du centre

cérébr11 des organes de la parole qui est absolument spéciale

à la Catatonie. Il ne faut pas la confondre avec la radoterie des

déments loquaces (Verwirten) et des affaiblis, avec la Redesucht

ordinaire, avec l'idéorrhée (Ideenflucht) avec la Confabulation1 . i

Cependant, au cours de la maladie, la verbigération peut se

transformer en l'une quelconque de ces autres formes. En

outre à côté de la verbigération il faut noter l'hahitude remar-

quable d'employer souvent des diminutifs. Quant au mutisme f

de la stupeur, il peut être absolu ou relatif, partiel, intermit-t

tent. Tantôt il est volontaire (dû à la crainte causée par une »^

idée délirante ou une hallucination), tantôt involontaire (par |

absence d'idée et incapacité d'attention), tantôt il reste inex-

plicable. Tandis que la loquacité déclamatoire (Redesucht)

' La confabulation se distingue de la verbigération par son caractère

d'imagination créatrice et fantaisiste (pliantastiscli-pruductiver Inhalt).

Kahlhaum; loc. cit., p. 39.

Archives, t. XV. 17

-2oS REVUE CRITIQUE.

et la verbigération seraient dues à une convulsion clonique,

le mutisme serait dû, au contraire, à une convulsion to-

nique.

Assez souvent pendant la stupeur il y a absence d'idéation,

arrêt de la pensée. D'autres fois on constate d'une part des

idées délirantes avec hallucinations comme dans la mélancolie

et, d'autre part, des idées de grandeur, de naissance illustre :

quelques malades, durant le stade de stupeur, ne sont pas la

proie d'idées dépressives, mais au contraire ils ont de temps

en temps des idées assez gaies si l'on en juge d'après le rire que .

l'on constate chez eux par instants. Les idées religieuses et éro-

tiques sont très fréquentes.

Il faut encore noter dans la manie catatonique la monotonie

des actes et la résistance, l'opposition des malades lorsqu'on

cherche à faire prendre à ces actes une autre direction. Le cata-

tonique aime à rester au lit, refuse la nourriture même dans

le stade de manie, par peur du changement ou du mouvement,

mais généralement sans raison, délirante ou non.

Signalons enfin une certaine tendance à faire des gestes sté-

réotypé" ouàprendre des attitudes bizarres, à faire des grimaces

spéciales, en particulier à allonger la bouche en museau

(sclmau;;kl'ampf), même dès le début ou pendant les rémissions

quand le délire n'est plus apparent. ,

Quant aux symptômes somatiques, ils* sont tous basés sur

une perturbation de l'innervation motrice. Très fréquemment,

et surtout dans l'état de stupeur, on constate une flexibilité ! ¡

cireuse des membres; on peut trouver aussi et dès le début >

des convulsions choréiformes, épileptiformes, tétaniformes ;

du trismus, des convulsions généralisées ou partielles. Les

convulsions, cloniques ou toniques, doivent être mises sur le

compte en partie de l'état psychique, en partie de l'état phy-

sique. Il n'y a jamais deparalysie motrice : on peut trouver de

l'anesthésie plus ou moins complète, apparente ou réelle : -

hypéresthésie fréquente : la céphalalgie occipitale localisée est - "

assez caractéristique delà Catatonie.

Parmi les autres phénomènes physiques, signalons l'oedème

fréquent des membres inférieurs, quelquefois des paupières ; 1

la desquamation cutanée abondante; l'anorexie, la fétidité de

l'haleine, les troubles de la défécation : la chloro-anémie est

fréquente. Il faut noter enfin l'importance et la fréquence

excessive de la phthisie, rare pour Kahlbaum dans les autres

LA CATATONIE. 2;)V li

formes mentales. Ce fait seraità opposer à la prédominance de

la pneumonie dans la paralysie générale. /

L'étiologie n'offre rien de bien particulier suivant Kahlbaum, "

l'hérédité serait bien rarement à incriminer; le sexe serait in- »

différent, mais la maladie surviendrait surtout dans la jeunesse

et l'âge adulte. Les excès sexuels, l'onanisme dans le jeune âge

créeraient une prédisposition sérieuse; chez la femme, il fau-

drait plutôt incriminer la grossesse, l'accouchement. Les excès

de travail, la religiosité joueraient aussi un rôle important, et

l'on compte parmi les catatoniques une grande quantité d'ins- \

tituteurs, ou de fils d'instituteurs et de théologiens. Enfin S

parmi les causes prédisposantes, l'anémie et la nervosité tien- !

ciraient la première place Les causes occasionnelles sont celles

des autres formes mentales; à signaler encore cependant le

traumatisme, surtout la pendaison. Il nous semble aussi que

l'imitation jouerait un rôle dans l'étiologie de la maladie au (\.

point de vue de Kahlbaum, car il range dans la Catatonie les

épidémies des convulsionnaires et des prédicateurs (Suède...).

Le pronostic de cette affection est assez favorable contraire- - z

ment à celui de la paralysie générale; les habitudes d'onanisme

antérieure l'aggraveraient. En dehors des complications tuber-

culeuses, la Catatonie peut amener la mort par elle-même ;

guérie, elle ne récidive pas et ne crée pas une hérédité fâcheuse

pour la descendance des personnes qui en ont été atteintes.

Disons toutefois en passant que l'auteur nous parait en géné-

ral peu partisan de la dégénérescence avec laquelle pour lui

l'hébéphrénie n'aurait non plus aucun rapport.

Pour ce qui touche à l'anatomie pathologique, Kahlbaum

rapporte très longuement les résultats de sept autopsies de

catatoniques, et il institue une comparaison avec la paralysie

générale. Il y aurait au début de la maladie une stase dans !

tous les vaisseaux cérébraux, avec exsudation séreuse qui\

amène le ramollissement du tissu du cerveau sans rétraction,

mais avec formation d'exsudats à la surface intérieure et sur

les enveloppes, particulièrement l'arachnoïde et surtout à la

base. Dans les cas anciens, on trouve une rétraction du tissu

~et l'organisation des exsudats. Contrairement à ce qui se g

passe dans la paralysie générale, il n'y a ordinairement pas

d'hémorrhagie méningée. Mais l'arachnoïde est régulièrement

le siège de modifications ; dans les cas où la mort est arrivée

tôt, l'arachnoïde était louche à la place du pont étendu du

260 REVUE CRITIQUE.

cervelet à la moelle allongée, derrière le quatrième ventricule..

Dans les autres cas, elle était constamment trouble en cet «

endroit, et, de plus, il y avait une tendance remarquable à la

formation de cet exsudat à la base, ce qui explique le peu de

développement des granulations de Pacchioni.

Pour Kahlbaum, les maladies mentales en général sont

causées par des troubles nutritifs qui, débutant par l'hypé-

rémie, l'exsudation, sont terminés par l'atrophie l'hydro-

pisie et la formation de nouveaux tissus. La Catatonie se

comporte de même, mais avec cette différence que la stase est

éminemment transitoire et faible dans la première partie du

processus; la rétraction et l'atrophie arrivent très tardive-

ment, ce qui empêche l'agrandissement des cavités cérébrales,

contrairement à ce qui se passe dans la paralysie générale.

De plus, la Catatonie a une prédilection pour l'arachnoïde et l

la base, l'exsudat se prolongeant jusqu'à la fosse sylvienne et k

vers les deuxième et troisième circonvolutions frontales. Ce

fait a une grande importance pour l'explication du mutisme /

et de la verbigération. Cependant il faut ajouter que ' 1

l'arachnoïde n'était pas toujours altérée en ces points

spéciaux, el, de plus. dans la majorité des cas, la pie-mère

n'était nullement adhérente au cerveau.

L'examen au microscope n'a pas donné de résultats.

Kahlbaum avoue lui-même que ces constatations sont un

peu insuffisantes, mais qu'elles forment un point de départ

pour des recherches futures.

La tuberculose pulmonaire et l'intestinale sont très fré-

quentes. Cela serait une complication due secondairement à

la Catatonie elle-même, la raideur musculaire amenant une

respiration incomplète qui permet à la tuberculose de se

développer dans un poumon soumis à une gymnastique

insuffisante.

En résumé, la Catatonie est une maladie cérébrale à marche 1

changeant d'une façon cyclique, de telle sorte que les svrn [p

tômes psychiques revêtent successivement la forme de la

mélancolie, de la manie, de la stupeur, de la démence

loquace (Verwirtheit) et enfin de la démence complète. A ce

tableau d'ensemble il peut manquer un ou plusieurs symp-

tômes, tandis que d'un autre côté apparaissent, comme

phénomène capital, les troubles du système nerveux moteur

présentant le caractère général de la crampe. Cette forme v'

LA CATATONIE. 261 t

de maladie ainsi caractérisée se rapproche par sa signification

clinique de la paralysie générale avec ou sans idées de gran-

deur, dans laquelle il y a aussi un habitus symptomatique

changeant d'une façon cyclique et s'accompagnant de troubles

du système nerveux moteur qui, dans ce cas, auraient au

contraire le caractère de paralysies. '

Près de ces deux formes de maladies si distinctes vient s'en

ranger une troisième dont l'évolution symptomatique est

également typique, mais qui ne présente rien du côté- du

système nerveux moteur. Cette dernière forme que l'on ren-

contre souvent dans les asiles dans le stade de la manie et

qui passe souvent alors à la guérison est nommée ordinaire-

ment manie, et en opposition aux formes maniaques mul-

tiples, manie simple ou véritable.

A ces formes à marche cyclique on doit opposer tous les cas

dans lesquels l'ensemble symptomatique reste invariable

(folies partielles) et ceux dans lesquels les symptômes sont

changeants, et la marche non cyclique (folies généralisées

sympathique, fébrile, traumatique).

La Catatonie n'est pas une aliénation partielle, mais elle r

s'étend plus ou moins sur la totalité des manifestations '

psychiques. Elle ne se développe pas à la suite de maladies

physiques, mais plutôt sur un terrain prédisposé (anémie) et

par sa marche cyclique et typique elle se différencie des

aliénations idiopathiques et sympathiques.

On pourrait distinguer des formes de Catatonie épileptique, r

tétanique, choréique, cataleptique, indifférente; mais il vaut

mieux distinguer des cas faibles ou simples, graves ou compli-

qués. Parmi les premiers, on peut ranger la mélancolie

attonita séparée déjà des autres aliénations dans la classifi-

cation ordinaire, mais qui serait pour Kahlbaum un genre de

Catatonie mitis. Car dans l'état de stupeur on peut toujours

reconnaitre quelques symptômes neuro-moteurs et souvent

des états convulsifs antérieurs à l'entrée à l'asile, passant

inaperçus du médecin : de même encore, des moments d'exci-

tation, sorte de raptus passagers, interrompant fréquemment

l'état mélancolique, mais avec tant de rapidité et d'une façon si

transitoire que l'aspect de la mélancolie n'en parait pas changé.

Un second groupe comprendrait les cas dans lesquels, après

un début mélancolique, survient de la manie plus ou moins

accentuée, plus ou moins durable et qui, guérissant avant le

262 ), REVUE CRITIQUE.

stade de stupeur, ont été le plus souvent considérés comme

une manie simple. - Puis viennent les cas où l'on note des

symptômes neuro-moteurs de longue durée et si accentués

que le médecin les considère comme des curiosités et des

complications sans caractère régulier (C. gravis). Enfin, dans

une dernière forme (C. prolongée), les symptômes d'excitation

n'apparaissent pas dans la première moitié de la maladie,

mais dans la suite, et le plus souvent sous forme de rémissions

et d'intermittences.

Le diagnostic de cette maladie serait en somme facile, et

voici ce qu'en dit Kahlbaum : Un cas isolé de convulsions

considéré comme épilepsie, éclampsie, apoplexie, méningite,

encéphalite, qui se présente soit dans un état de santé com-

plète, soit dans un état de trouble mental durant depuis un

certain temps et qui, sans déterminer de phénomènes paraly-

tiques ? se complique d'excitation ou de dépression. émotion-

nelles intenses, conduit sûrement à des états de mutisme non

motivé ou tout au moins à un état cataleptique. Enfin il sera

compliqué de symptômes particuliers d'opposition. Si la gué-

rison ne se fait pas, il surviendra un stade de stupeur. Ou

bien, si l'on voit chez un malade franchement mélancolique

un état pathétique spécial et une attitude d'une raideur parti-

culière, on pourra prédire d'une façon presque certaine le

début de la stupeur (Attonitât). Enfin, si un malade qui parlait

se tait d'une façon continue en avant la tête et les membres

raides, c'est sûrement de la Catatonie. En l'absence de com-

mémoratifs, on ne pourrait confondre que l'apathie avec

les habitudes raides des déments infantiles et les aliénations

passagères survenues à la suite de maladies physiques.

Mais le diagnostic n'est vraiment difficile que dans deux

cas : d'abord c'est dans la première moitié de la maladie, quand

le mutisme n'est pas continu et que les symptômes neuro-

moteurs ne sont pas encore apparus. L'attitude pathétique et

la répétition obstinée d'un mot seront alors caractéristiques.

Le second cas difficile sera celui où chez des individus mélan-

coliques depuis longtemps sans symptômes neuro-moteurs, il

se développe du mutisme sans raideur musculaire et sans

changement des troubles intellectuels mélancoliques. Des

signes importants pour le diagnostic seront alors la répétition

d'un mot ou d'un discours, les gesticulations et les habitudes

stéréotypées, l'entêtement, la résistance.

LA CATATONIE. 6X

Depuis la publication du travail de Kahlbaum, nous en

trouvons un certain nombre. les uns admettant au moins dans

les grandes lignes, les autres critiquant les descriptions et les

conclusions de l'auteur. Ce sont des premiers que nous nous

occuperons tout d'abord.

IIeclcer' rapporte, à l'appui des idées de Kahlbaum, deux

observations de Catatonie, passibles cependant de sérieuses

objections et sur lesquelles nous aurons à revenir.

Brosius' insiste à propos de la Catatonie sur l'importance

de la verbigération, sur l'absence de changements brusques

de l'état émotionnel, sur l'amnésie qui suit les états d'agi-

tation. Il n'y aurait pas de vraie manie dans la Catatonie; dans

la période de stupeur, il n'y a pas toujours émotion triste,

mais souvent une sorte d'extase ou de l'indifférence vide.

l3rosius croit que déjà on peut distinguer trois formes de Ca-

tatonie : 1° une forme méningitique dont la marche prolongée

est liée à des restes de méningite ; 2° une autre liée à de l'arzé-m

mie cérébrale comme on le voit en clinique d'après l'amélio-

ration de la Catatonie marchant parallèlement à celle de l'état

général. Enfin l'oedème cérébral décrit par Etoc-Demazy3

serait une troisième forme.

Kiernan1, dans deux mémoires consécutifs sur la question,

reproduit en somme les idées de Kahlbaum. Il signale parti-

culièrement l'hérédité de la diathèse scrofuleuse; la facilité de

la simulation àcause des symptômespeu réguliers delà maladie.

Il s'étend très au long sur l'anatomie pathologique. Il con-

firme par ses propres autopsies celles de Kahlbaum qui mon-

trent une ancienne hydropisie guérie et une méningite basi-

laire. Les déductions de Meynert d'après les cas de Kahlbaum z

le portent à penser que la maladie a été précédée par un pro-

cessus méningitique localisé à la base du cerveau ou dans la

scissure de Sylvius. Pour Kiernan, la Catatonie a été précédée

fréquemment dans l'enfance par une méningite de la base de

nature tuberculeuse s'étendant aussi à la scissure de Sylvius

et au quatrième ventricule. A propos de cette méningite, il

' Hecker. - illl.7. Zei(sclt. f. Psclt., 1877. Bd. XXXIII, p. 602.

Brositis. - Die KataGonie. (,(Llg. Zeissch. f. Psych., 1887. Bd. XXXIII.

S. 770.)

3 Etoc-Demazy. - Th. de Paris, 1838.

1 Kiernan. Alienisl and neul'ologist, t, 18S2 et Détroil-Gancet, 1884.

26 lé REVUE CRITIQUE.

rapporte les opinions de quelques auteurs sur la genèse des

phénomènes moteurs, convulsifs et autres, accompagnant la

méningite basilaire. Il note de plus, en passant, que J\1eynert,

deux ans avant Kahlbaum, avait décrit la Catatonie comme

une forme particulière de mélancolie attonita, et il cite les

idées de Meynert sur la physiologie pathologique de cette af-

fecticn, bien ingénieuses certainement, mais peut-être un peu

hypothétiques. Mais, en outre, il donne des détails sur une

autopsie suivie d'examen microscopique, retrouve les restes

d'une méningite tuberculeuse, une stase veineuse d'origine

vaso-motrice avec diapédèse; pas d'autre altération, sauf une

légère sclérose des cordons blancs de la moelle. Il trouve une

grande analogie de l'état du cerveau avec celui qu'on observe

dans la fièvre typhoïde, mais la caractéristique pathologique

pourKiernan serait un trouble primitif dans les centres vaso-

moteurs, amenant une stase sanguine qui est le point de

départ de toute l'évolution morbide.

Hammond ' décrit la Catatonie comme une vésanie spéciale

caractérisée par des périodes alternatives, se présentant avec

plus ou moins de régularité, de manie et de mélancolie et par

des états épileptoïdes et cataleptoïdes avec conceptions déli-

rantes primitives (délusions) d'un caractère exalté et à ten-

dances dramatiques. Mais, en somme, cet auteur n'ajoute

rien à la description de Kahlbaum dont il accepte les idées.

Spitzlca2 classe la Catatonie dans le groupe des vésanies

pures, n'étant pas la manifestation essentielle d'une consti-

tution neuropathique, ni en rapport avec les périodes biolo-

giques. Elle figure dans la classe des maladies sans lésions

démontrables du cerveau, parmi celles qui sont primitives

(prima^y insanities) dans le sous-ordre des états caractérisés

par un trouble émotionnel fondamental expansif : (manie), J

dépressif (mélancolie), pathétique (Catatonie).

Neuendorff rapporte deux observations qui lui ont été com-

muniquées, présentant d'ailleurs certaines lacunes, et qu'il

rapproche de la Catatonie de Kahlbaum, sans conclure bien

nettement et après une discussion assez confuse.

. Hammond. Renzarks on cases of Katatonia. (Amer. Journ. orne¡¡-

'olog. and psch., 1883, p. 302.)

' Spitzka. - Am. Journ. of. neur. and pych., 1883, p. 313.

1 Neuendorff. - (Ceutralblatt. f. Nervenheillc., 1883, n" 23, p. 5` ? 9.)

LA CATATONIE. 2<M

Schute' consacre tout un chapitre de son livre à la Cata- ?

tonie, mais l'envisage d'une façon un peu différente de celles

des auteurs que nous venons de citer. Pour lui, la Catatonie

est une forme spéciale du délire systématisé aigu hallucina- r

toire (A culel' 'hallucinat01'ische, Wahnsinn2) caractérisée par t

une névrose de la tension motrice tantôt permanente, tantôt

intermittente irrégulière, en même temps que la conscience i

du sujet en proie à des hallucinations et des illusions se ferme \

plus ou moins complètement aux perceptions extérieures. La i

raideur motrice peut revêtir un caractère physiognomonique ; ',

et comme telle exprimer plastiquement une idée délirante J

(attitude de combattant, de prédicateur, de crucifiement), ou ,

être purement somatique (cataleptique ou tétanique), ou sug- f

gérer l'idée. L'état psychique peut se limiter à l'état du t;

Wahnsinn aigu ou descendre jusqu'à la démence temporaire

véritable (stupeur). La guérison est possible dans les deux cas,

» mais dans le dernier elle arrive après un stade d'affaiblissement

intellectuel spécial avec réminiscences catatoniques par in-

'tervalles. La marche de la maladie est cyclique et s'accom-

pagne d'une participation significative du système vaso-

moteur qui en fait une vraie psychoneurose : les états variables

d'excitation, de dépression, de raideur que l'on rencontre

semblent, au point de vue de leur relation et de leur succes-

sion, être liés à la marche de la névrose vaso-motrice. Au

point de vue clinique, cette forme de Wahnsinn peut se di-

viser en Catatonie expansive ou dépressive (avec délire reli-

gieux ou démoniaque) et enfin en Catatonie reposant sur un

fonds hystérique. D'ailleurs, en traitant de l'hystérie, Schüle

revient sur cette question et parmi les formes que peut affecter

la folie hystérique il décrit le Wahnsinn catatonique. Cette

forme très fréquente du Wahnsinn hystérique a de règle pour

début un état d'excitation maniaque. Il s'agit toujours alors

de constitutions invalides (de naissance ou acquises) le plus]

souvent avec de l'anémie. Il faut noter aussi l'importance de

la puberté, l'onanisme, etc.

Un travail tout récent de Clemens Neisser vient encore -

soutenir l'existence de la maladie qui nous occupe. Neisser

s Schule. - Klinische P.sve/t'x ? Specielle Pathologie und Thérapie

- (les heisteskrankeiten. - (Leipsick, 1886.)

* Voir à ce propos, J. Srg-Jas. - La Pa¡'(/T1oia. (Arch. de .'l'e1l1 ? 1887.)

3 Clemens Neisser. Ulbei, die Katatonie. Stuggart, 1887.

266

REVUE CRITIQUE.

n'admet que la Catatonie de Kahlbaum et rejette la description

de Schtile qui en fait une forme de délire systématisé (Wahn-

sin). Car, pour lui, les troubles moteurs sont primitifs et fon-

damentaux, les modifications psychiques étant secondaires et

subordonnées, comme l'indique Roller ', et d'ailleurs peu im-

portantes. Il admet aussi que la stupeur n'est pas un signe

forcé de dépression mélancolique, mais qu'elle fait partie,

comme phénomène moteur essentiel, de la Catatonie et de la

Catatonie seule. Tout en voulant rester exclusivement sur le

terrain clinique et même « empirique », il s'aventure aussi

dans des explications physiologiques et il tente en suivant les

idées de Rieger2 de ramener les phénomènes cataleptiques et

autres, les signes d'opposition, etc ? à la même cause, c'est-à-

dire à l'innervation pathologique des muscles antagonistes à

ceux qui doivent accomplir un acte donné. Il rapporte d'ail-

leurs un certain nombre d'observations intéressantes qui le

mènent à conclure que ce ne sont pas seulement quelques

symptômes spéciaux, mais leur ensemble, qui constituent un

tout frappant « pour l'oeil et le tact.» du clinicien. Cet en-

semble est la Catatonie. Neisser ne fait pas le diagnostic diffé-

rentiel, ni l'étiologie, ni l'anatomie pathologique de la ma-

ladie et il ne s'occupe nullement du terrain sur lequel elle

peut se développer. (A suivre.)

DES ATTAQUES DU SOMMEIL HYSTÉRIQUE3;

Par GILLES DE LA TOURETTE

Chef de clinique des maladies du sleIl1C : fier% eux.

III.

Il nous faut désormais aborder la description de l'attaque de

sommeil hystérique, et nous englobons sous cette dénomina-

' Holler. - Ue{¡el' Uislorisehe Slol'Üngen beill einfachen Irresein. (,Il/g.

Z. f. Psych. Bd. XLII, IL I, 1885.)

2 Ilieer. - Ueber Normale and Holalepttscke Bewegungell. (.fi-eh. f.

Psych. und. Ne/'v. Bd. XIII, H. 2. 1882.)

3 Voir t. XV, 11 - S3, p. 92.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSrÉRIOUE. ? 6ï

tion les cas où la conscience est suffisamment anéantie, la

résolution musculaire assez complète et prolongée pour que

ces phénomènes priment tous les autres symptômes ordinaires

de l'attaque. Mais, par ce fait même que le cadre est large-

ment tracé, nous donnerons surtout la description d'un cas-

type, quitte à revenir ultérieurement sur diverses variétés, par-

ticulièrement sur l'attaque dite apoplectique, surtout lorsque

celle-ci s'accompagne d'hémiplégie.

Les modes de début sont, ainsi que nous l'avons déjà fait

pressentir, assez variables. Souvent, l'individu s'endort à la

suite d'une attaque ou d'une série d'attaques convulsives;

quelquefois, il est frappé soudainement sans autresphénomènes

prémonitoires; quelquefois aussi, et surtout dans les cas légers,

le sommeil survient graduellement, débutant par une sorte

d'assoupissement dont il devient de plus en plus difficile de

tirer le sujet. ,

Quoi qu'il en soit, et pour prendre le cas de tous le plus

fréquent, à la suite de phénomènes hystériques hallucinatoires

délirants ou convulsifs, l'individu tombe dans le sommeil et

lorsque celui-ci dure depuis déjà quelque temps, le malade

offre l'aspect suivant.

Il semble endormi profondément dans l'acception rigou-

reuse du mot, ainsi que le note Briquet (p. 422). A la vérité,

la face se décolore à mesure que le sommeil poursuit son cours,

mais l'aspect n'est pas cadavérique. Parfois la figure se colore

plus ou moins et ces poussées congestives sont assez souvent

l'indice de la prochaine apparition de phénomènes hystériques

surajoutés.

L'état des muscles est très important à considérer, surtout,

lorsqu'on cherche à rapprocher ces attaques du sommeil phy-

siologique. On sait que pendant celui-ci la résolution muscu-

laire est complète : le membre soulevé retombe - lorsque

l'individu ne se réveille pas flasque sur le plan horizontal

du lit. Or ici, il n'en est plus de même et en analysant les

nombreuses observations publiées par les auteurs, nous pou-

vons dire qu'en cherchant bien on trouvera qu'il existe

presque toujours une contracture de quelques muscles, si même

le système musculaire n'est pas contracturé en totalité. Cette

constatation est extrêmement importante, car, ainsi que l'afait

voir M. Charcot, les hystériques présentent au suprême degré

les phénomènes inhérents à ce qu'il a appelé la diathète de

268 REVUE CRITIQUE.

contracture, et les sujets qui sont en proie aux attaques de

sommeil ne diffèrent pas des malades en butte aux accidents

hystériques d'un autre ordre. Si même la résolution muscu-

laire semble complète au moment de l'observation, on sera

presque certain de voir apparaître une contracture, tout au

moins partielle, le lendemain ou les jours suivants (Boutges,

OBS. XI).

Il est des cas, avons-nous dit, où la contracture est pour ainsi

dire totale. Notre malade était très intéressante à ce point de

vue. Au moment de notre examen les muscles antérieurs du

cou contracturés empêchaient la tête de reposer sur l'oreiller;

si on levait un bras, celui-ci restait en l'air pendant des heures,

jusqu'à ce que la fatigue physiologique des muscles rompit la

contracture; il présentait ainsi les phénomènes de la fausse

catalepsie. Tous les réflexes étaient exagérés : la simple per-

cussion d'un tendon rotulien produisait la trépidation spi-

rale du muscle, trépidation qui ne tardait pas à envahir le

membre du côté opposé, se généralisant en outre bientôt à tous

les muscles du tronc qui devenaient rigides.

Mais, avons-nous dit, dans les cas moins accentués, ceux-là

même où la résolution musculaire semble complète (Obs. de

Gairdner), il existe toujours un certain groupe musculaire où

se localise très spécialement la contracture : nous avons nom-

mé les muscles masticateurs. Dans presque tous les cas, on

observe que les dents sont serrées les unes contres les autres,

au point qu'il devient parfois impossible d'ouvrir les mâchoires.

Ce phénomène est important à signaler, car on comprend les

obstacles que peut apporter le trismus à l'alimentation artifi-

cielle, la seule à laquelle il soit généralement possible d'avoir

recours.

Nous placerons sur le même plan une sorte de contracture

intermittente des muscles orbiculaires des paupières produisant

un battement rapide, un frémissement noté dans nombre d'ob-

servations. Si l'on rompt cette contracture des orbiculaires par

l'ouverture forcée des paupières, et si rapidement on expose

le globe de l'oeil au contact de l'air extérieur, on peut quelque-

fois surprendre ce globe dans sa position ordinaire et observer

que le plus souvent les pupilles paraissent normales ou dans

un état variable decontraction ou de dilatation. Mais aussi, dans

la majorité des cas, il semble que ce léger traumatisme exercé

sur le globe oculaire par l'air ambiant soit suffisant pour faire

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 269

entrer en contracture les muscles de l'oeil, car, lorsqu'ils n'y

sont pas d'emblée, on voit alors les yeux se porter en perma-

nence, le plus souvent en haut et en dedans en strabisme con-

vergent. Ces deux phénomènes : frémissement vibratoire des

paupières et convulsion des globes oculaires s'observent éga-

lement et fréquemment comme on le sait, dans les autres va-

riétés de la grande attaque hystéro-épileptique.

La respiration participe généralement à ce calme général de

l'économie. Elle est de 10,'la, 20, 22 par minute; quelquefois

moindre, elle peut descendre jusqu'à 3; quelquefois, elle offre

aussi des irrégularités et prend le type de Cheyne-Stokes

(Achard, OBS. XI); quelquefois aussi 'elle est « à certains mo-

ments précipitée, ce qui correspond à des rêves » (Bourneville

et Regnard, p. '138). C'est dans ce dernier cas que la face peut

devenir «rouge, chaude, parfois sudorale ». En résumé, res-

piration calme, légère, parfois difficile à constater même par

l'auscultation, comme on l'a vu dans certains cas de mort ap-

parente qui n'étaient autres que des attaques de sommeil hys-

térique.

Le pouls est également calme et régulier, battant de '10 à 80

fois par minute; parfois il peut descendre beaucoup plus bas

(60, Briquet), de même qu'exceptionnellement il atteint 128 bat-

tements (OBs. VIII, Achard). Dans l'observation de Pfendler,

où la léthargie dura 18 mois, le pouls varia de 78 à 93; ce sont

approximativement ces chiffres qui ont été notés par le

Dr Charlier dans notre observation, pendant près de quatre

années consécutives,

L'étude de la température est extrêmement importante; elle

est même capitale au point de vue du diagnostic, ainsi que

nous le verrons ultérieurement. Il ressort clairement de toutes

les observations que si la température centrale est le plus sou-

vent élevée de quelques dixièmes de degré à 1 degré (3-il,6;

3S ? ? ), elle nedépassejamais ces derniers chiffres. Ce sont encore

là les caractères que M. Charcot et M. Bourneville ont assigné

à la température pendant l'attaque ou les séries d'attaques

hystériques. « L'attaque hystérique tonique. dit M. Charcot2,

pour peu qu'elle ait quelque intensité, élève la température

1 Bourneville. - Etudes Ihel'/llOmell'iqltes sur les maladies du système

nerveux, p. 117.

' Leçons sur les maladies du système nerveux, t. I, 3e et)., p. 376.

Paris, 1877.

270 0 REVUE CRITIQUE.

d'un degré, voir même d'un degré et quelques dixièmes (38°;

3S°,SVaâ.)n.llais notre maître a bien soin de faire ressortir qu'à à

l'inverse de ce qui se passe dans l'épilepsie, dans l'état de mal

hystérique, latempératurenes'élève pas au-desus de38° ,5. Etant

donné la disposition constante à la contracture que nous avons

notée, il ne faut donc pas s'étonner que l'attaque de sommeil

se comporte, quoiqu'un pen plus faiblement peut-être, vis-à-

vis de la température comme une attaque tonique d'hystérie.

Connaissant l'état'de la respiration, de la circulation et

de la température chez nos malades, il nous est permis, avant

de parler des diverses sensibilités, d'étudier l'état de la nutri-

tion générale, résultante directe des zngesta et des excréta.

L'alimentation, on le comprend, est toujours beaucoup plus

difficile qu'irrégulière, car étant artificielle elle peut être assez

facilement régularisée surtout lorsque le malade est couché

dans un service d'hôpital, ainsi qu'il arrive le plus souvent.

Nous dirons même qu'elle est toujours artificielle, car nous

supposons que l'individu ne reprend pas connaissance, queson

attaque est continue et que partant, il ne peut s'alimenter lui-

même.

Lorsqu'on peut vaincre le trismus on réussit assez bien

quelquefois (Bourneville et Regnard, Ons. XI) à alimenter le

malade en lui introduisant dans le fond de la bouche divers

aliments liquides : bouillon, lait et oeufs délayés, qui sont pour

ainsi dire avalés automatiquement. D'autres auteurs (Gaird-

ner) préfèrent avoir recours à la sonde oesophagienne. Dans

notre observation, la sonde qui ne pouvait être introduite que

par les narines causait par son contact avec le pharynx un

spasme tel que les liquides pénétraient dans les voies res-

piratoires et amenaient des accès de suffocation. On dut donc

renoncer à ce procédé d'alimentation et, à part quelques rares

cuillerées de liquide introduites par l'ouverture laissée libre

par deux dents brisées, la malade fut et est encore alimentée

tous les jours àl'aide de lavements nutritifs, composés de lait,

oeufs, bouillon et surtout de lavements depeptones.

Dans ces conditions, la nutrition générale est évidemment

en rapport direct avec la quantité et la qualité des aliments qui,

introduits dans le tube digestif, semblent toujours être absor-

bés. La nutrition souffre d'autant moins que le sujet absorbe

plusetlamalade de MM. Bourneville et Hegnard (Ons. XI), après

six semaines de sommeil, conservait encoreun certain embon-

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. : 2; i

point, alors que la nôtre, après un temps beaucoup plus pro-

longé il est vrai, présente les signes d'un amaigrissement con-

sidérable. Cet amaigrissement, toutefois, ne nous a pas paru

être en rapport direct avec la longue durée du sommeil et avec

l'alimentation toujours insuffisante par le rectum.

La nutrition dépend encore des épiphénomènes qui peuvent

entrecouper l'attaque : on comprend qu'a priori le malade qui

dort sans interruption d'une façon calme dépense moins que

celui dont le sommeil est coupé par des crises convulsives.

Mais un fait très intéressant, serait de savoir combien de temps

un individu dormant du sommeil hystérique pourrait ainsi

rester sans manger. Sous ce rapport, les documents nous

manquent, car, aujourd'hui que le diagnostic des attaques de

sommeil s'établit le plus souvent dès leur début, d'une façon

précise, on se garde bien de laisser de pareils sujets sans ali-

mentation. Il faut donc se reporter aux observations anciennes

et celles-ci sont bien insuffisantes à ce point de vue.

En effet, négligeant même la question très précise du

diagnostic, il est à se demander si véritablement, dans ces cas

anciens, les malades ne s'alimentaient pas à l'insu de leur

entourage.

Pfendler (p. 13) emprunte au Journal des savants de 1846

l'observation d'une dame anglaise qui resta pendant 7 jours

dans un état qui n'était évidemment autre que la léthargie

hystérique. Elle fut veillée comme morte et partant ne dut pas

manger; cependant elle revint à la santé.

L'observation suivante, que nous empruntons au Diction-

naire des sciences médicales (art. Cas rares, t. IV, p. ? 0, 1S13),

paraitbien se rapportera l'hystérie. La malade resta à plusieurs

reprises quarante jours sans manger; mais ce fait, un des

meilleurs cependant parmi les anciens, est loin d'entraîner la

conviction.

Il II existait encore, il va douze à quinze ans, à Saiut-Ilarcel,

près d'Avignon, une folle très pieuse qui vivait dans un jeûne tel-

lement frugal que tout son corps desséché ressemblait à un sque-

lette ou à un spectre ambulant. Constamment au pied des autels,

elle ne voyait et n'aspirait qu'à la félicité de l'autre vie; pendant

plus de vingt ans. elle s'endormait le premier jour de carême et

ne s'éveillait qu'à Pâques. Uurant ce sommeil religieux, cette

catalepsie volontaire, elle était dans un état de mort apparente;

les incrédules lui enfonçaient des épingles dans les jambes et

->7-7

REVUE CRITIQUE.

dans les cuisses, sans qu'elle se montrât sensible par le moindre

mouvement de contractilulité à des épreuves aussi douloureuses.

Ce fait est attesté par une foule d'habitants de la Provence et du

Comtat; un homme d'esprit et très véridique qui en fut témoin

nous les a certifiés de manière à ne pas nous permettre d'en dou-

ter. Il est présumable que ce sommeil était le résultat d'une

affection nerveuse, d'une volonté puissante qui commandait à

toutes les actions animales et organiques de cette illuminée. La

première fois qu'elle fut prise de cet etonnaut sommeil, on la crut

morte ; comme elle était infiniment pieuse, son corpsfut exposé à

la vue du public qui se portail en foule pour voir les restes de ce

pieux personnage. Cependant, au bout de plusieurs jours, nuls

signes de putréfaction ne se manifestant, il transpira parmi le

peuple qu'elle était morte en odeur de sainteté : cette opinion

devint universelle dans le canton ; les fanatiques s'opposèrent à ce

qu'on inhumât la défunte. Le nonce du pape fut informé d'un

prodige si rare dans les siècles modernes; ce ministre fut moins

crédule, dit-on, que la multitude; il exigea des enquêtes, des for-

malités qui prirent du temps; enfin, les quarante jours s'écou-

lèreut et la béate se réveilla. L'année suivante elle se rendormit

à la même époque et pour le même temps ; cette scène se renou-

vela pendant une vingtaine d'années. »

Il serait plus intéressant encore, et surtout plus concluant,

d'examiner l'état des sécrétions pendant les attaques de som-

meil même lorsque le sujet est alimenté artificiellement. Mais

cette étude est entourée de difficultés presque insurmontables.

Pour peu que le sommeil se prolonge un ou deux jours la

miction devient souvent involontaire, de même les selles, qu'il

faut fréquemment néanmoins solliciter par des lavements.

Toutefois la sécrétion urinaire difficilement appréciable à la

vérité, nous a paru presque toujours ralentie; notre malade

urinait peu, et, lorsque nous l'avons examinée la percussion et

la palpation permettaientdereconnaitreque la vessie était vide

d'urine ; de plus, c'est à peine si tous les huit ou dix jours les

lavements donnaient issue à quelques boulettes dures de ma-

tières fécales.

Il faudrait donc s'astreindre à sonder les malades régulière-

ment pour ne pas perdre d'urine, à recueillir les selles et à

faire des analyses que l'on comparerait avec la quantité d'ali-

ments ingérés. Mieux encore, si l'on pouvait laisser les ma-

lades pendant quelques jours sans alimentation on arriverait

peut-être à des résulats positifs. Or il n'est pas donné d'obser-

ver fréquemment des attaques de sommeil.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 273

Ces recherches ont été cependant tentées sur un malade du

service de M. Charcot qui, sorti de la Salpêtrière, s'était endor-

mi brusquement dans un restaurant de Greek Street, londrès'.

M. le Dr Keser, qui l'observa, a eu l'extrême obligeance de nous

transmettre les résultats de l'examen des urines qu'il pratiqua

à plusieurs reprises, mais on jugera par les renseigne-

ments mêmes fournis par notre distingué confrère, combien

par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, l'é-

tude put être difficilement approfondie. Toutefois nous pu-

blions ces documents in extenso, car nous croyons que ce sont

les premiers de cet ordre qui aient été recueillis. M. Keser

nous écrivait à la date du 25 mai z1887 :

«... Mon observation a été rendue difficile et incomplète par

le refus de l'aubergiste de laisser transporter le malade à l'hôpi-

tal. J'aurais voulu étudier l'urine au point de vue de sa quantité

et de sa composition pendant toute la durée du sommeil, mais

les circonstances ne m'ont point permis de le faire.

c Lasécrétiun urinaire fortement diminuée pendantlesdeux pre-

miers jours est ensuite devenue normale comme quantité; jus-

qu'au cinquième jour j'ai du sonder le malade, mais à partir de

ce moment il a uriné, par suggestion. J'ai fait analyser l'urine

à deux reprises et vous envoie la copie du rapport qu'on m'a

remis.

« La sécrétion de la bile a dû être peu abondante pendant le

sommeil ; ce malade n'a eu que deux selles et la seconde était t

grisâtre.

« La bouche était en général sèche et pâteuse, bien que tenue

complètement fermée; la peau était le plus souvent sèche mais

le moindre effort mental suffisait à produire une transpiration

abondante des deux côtés du corps et surtout à la tête... »

Voici maintenant les deux analyses que nous a transmises

M. Keser et qui ont été faites par M. Woodland, fellow de

la Société des chimistes.

' Voy. pour l'observation de ce malade, le nommé Chauffât, qui a été

surtout étudié au point de vue du mutisme hystérique : Revilliod : Du

mutisme hystérique. Revue médicale de la Suisse romande, 15 octobre

1883. - Cartaz : Du mutisme hystérique, Progrès médical, 13, 27 février,

C mars 1880, obs. I. - Keser : Un cas de sommeil prolongé chez un

hystérique. Semaine médicale, G avril 1887, p. 139.

Archives, t. XV. 18 8

'274 4 REVUE CRITIQUE.

ANALYSE D'URINE DE CHAUFFAT

Première analyse (lor avril, septième jour de sommeil).

Urine trouble, très colorée, très acide; légère odeur.

Poids spécifique, 1029.

Contient une très forte proportion d'urée : 4,13 p. 100.

Acide urique, 0,481 p. 100.

Acide hipurique, 0,431 p. 100.

Chlorures, 0,01 p. 100.

Phosphates, 0,21 p. 100.

Albumine \

Mucus I

Pus n

Bile J

Sucre : traces.

Cristaux d'acide urique très abondant*.

Deuxième analyse, faite le dixième jour de sommeil.

Poids spécifique 1028.

Urée, 1,002 p. 100.

Acide urique, 0,312 p. 500.

Acide hippurique, 0,221 p. 100.

Chlorures quantité normale.

Phosphates (quantité normale.

Albumine, néant.

Sucre : traces.

Ce qui nous frappe le plus dans cette observation, c'est la

différence entre les analyses du septième et du dixième jour

au point de vue du percentage de l'urée. Celle-ci est de 4,13

p. 100 le septième jour et de '1,002 p. 100 le dixième jour. Où

trouver la raison de ces écarts, surtout lorsque nous sommes

si peu fixés sur la quantité totale du liquide sécrété 1 ?

Le 19 juin 1887 nous avons eu l'occasion de faire pratiquer

l'analyse de l'urine d'une malade du service de M. Charcot en

proie depuis 28 heures à une attaque de sommeil accompagnée

de contractures généralisées. Le cathétérisme évacua 200 gram-

' Depuis l'époque où il nous écrivait, M. Keser a publié l'observation

complète de Chauffât dans « The journal of mental science », juillet 1887,

p. 267, À case of prolonged sleep.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 575 j'

mes d'urine, ce qui est peu si l'on songe que la malade n'avait

uriné, depuis le début de l'attaque, ni volontairement ni invo-

lontairement. L'analyse faite par M. Viron, pharmacien en

chef de la Salpêtrière, donna : «Densité, z6, urée 20 gr. 496

par litre, proportion considérable d'urate acide de soude. »

La malade n'avait donc excrété que 4 grammes d'urée dans les

24 heures. Elle se réveilla du reste dans lajournée ne gardant

de son attaque qu'un fort sentiment de lassitude.

Nous l'avons dit, il est très difficile d'être fixésurles diverses

sécrétions pendant l'attaque de sommeil; toutefois elles nous

paraissent ralenties. Ce ralentissement tient-il à la difficulté et

à l'insuffisance de l'alimentation, cela est probable, mais il y a

quelque chose de plus et nous pensons que véritablement,

pendant cet état, les hystériques brident peu, se dénutrj-

tionnent peu, ce qui permet d'expliquer la conservation de

l'existence, alors que l'alimentation artificielle ne suffirait pas

par exemple aux échanges qui se font pendant les périodes

normales de l'existence. C'est du reste l'opinion admise par

M. Charcot dans ses Leçons sur les attaques de sommeil'.

Nous venons de voir, par la lecture même de l'observation

de M. Keser, que, dans certains cas tout au moins, les malades

étaient influençables, suggestibles en un mot2, en employant

ce terme dans sa plus large expression. Ceci nous conduit à il

parler de l'état des sens chez les individus atteints de sommeil

hystérique.

Supposons toujours, pour un moment tout au moins, que le

sujet est plongé dans le sommeil le plus profond et que tous les

procédés d'excitation qui s'adressent à son activité physique

restent sans résultat et ne peuvent le faire sortir de ce coma

d'une nature particulière. Dans ces conditions, on peut dire

d'une façon générale que l'insensibilité à la piqûre, au froid,

à la chaleur est complète ; les malades sont des anesthésiques

totaux. Cette insensibilité se trouve particulièrement notée, et

dans les cas modernes et dans les cas anciens, dans les faits

dits de mort apparente. C'est même là, on le comprend, un

des signes sur lesquels on s'appuyait le plus autrefois pour

conclure à la mort réelle. On peut traverser les membres

1 Lezioni clilliche dell anno scolastico 1883-84, etc., p. 27.

' Voy. ]'ob. d'Albertine dans Pitres, Des zones hystérogènes et hypno-

gènes; des attaques de sommeil. Bordeaux 1885, p. 58.

276 REVUE CRITIQUE.

avec de longues épingles sans qu'aucun muscle de la face ne

tressaille.

Les sens spéciaux ne semblent pas moins atteints; le bruit

le plus violent ne peut réveiller le malade ; il reste insensible

à l'inspiration de vapeurs irritantes; quant au goût et à la vue

leur sensibilité paraît également abolie.

Toutefois, il ne faudrait pas se livrer à des conclusions

excessives et prématurées. Ce qui domine chez le dormeur hys-

térique c'est, d'une façon générale, l'impossibilité où il se

trouve de réagir volontairement, dans la majorité des cas au

moins, vis-à-vis des excitations physiques ou psychiques aux-

quelles il est en butte de la part de l'observateur. Mais, est-ce

à dire pour cela qu'il n'a aucune conscience tant morale que

physique de ces excitations; nous ne le croyons pas. Il est

incontestable qu'il a été publié un certain nombre d'observa-

tions où les malades ne se souvenaient nullement au réveil des

diverses tortures auxquelles on avait pu les soumettre pendant

le sommeil : c'est là, du reste, la règle générale, mais il en est

également d'autres, que nous avons déjà étudiées dans un pré-

cédent travail sous le nom de léthargie lucide*, dans lequel

il n'en a certainement pas été ainsi.

En ce qui regarde encore la sensibilité générale, rappelons-

nous que, très fréquemment, longtemps avant l'attaque, les

hystériques présentent presque toujours des troubles de la sen-

sibilité, qui se traduisent le plus souvent par des anesthésies

partielles ou totales, dans la majorité des cas, comme l'a fait

remarquer M. Charcot par de l'hémianesthésie sensitivo-sen-

sorielle. Cette hémianesthésie ne disparait en aucune façon

pendant le sommeil, bien au contraire, et les excitations por-

tées sur le côté atteint devront donc par cela même ne pas

être perçues. Toutefois, le sommeil n'entraîne pas forcément

par lui-même, bien que cela existe réellement dans nombre de

faits, une anesthésie complète. Dans les cas légers, les dor-

meurs peuvent encore par action réflexe mise en oeuvre par

la perception sensitive, retirer le membre piqué. Enfin il

arrive assez souvent que l'on peut constater nettement la pré-

sence de zones hypéresthésiques. C'est ce qu'a très bien noté

M. Keser (Sein, méd.) dans l'observation deCh... « A la jambe,

' L'hypnotisme et les étals analogues au point de vue médico-légal,

in-8°, 1887, chap. vu, Les états hystériques.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 277 -i

entre le genou et la cheville, dit-il, il y a anesthésie complète;

partout ailleurs analgésie sauf en trois points bien limités où

l'on constate de l'hyperesthésie; ces points sont situés à la

cheville, au genou et dans la région inguinale gauche. »

Or, on sait, aussi que ces points hypéresthésiques sont sou-

vent en même temps des zones hystérogènes et la recherche

ou la connaissance de ces zones inaugurée par M. Charcot et

récemment très étendue par M. Pitres est dans l'espèce de la

plus haute importance. En effet, comme nous le verrons bien-

tôt, les malades sortant le plus souvent de leur sommeil, à

l'aide d'une attaque convulsive, comme ils y sont entrés du

reste, on aura donc tout'intérêt à provoquer cette attaque et la

connaissance d'une de ces zones deviendra capitale. Ces zones

pouvaient exister avant l'apparition de l'attaque de sommeil,

mais elles peuvent aussi se développer pendant sa durée; du

reste, comme on le sait également, elles ne sont pas toujours

fixes et peuvent disparaître comme elles ont apparu sans raison

déterminante appréciable.

Ces zones hystérogènes ont été expressément notées dans

l'attaque de sommeil par M. Charcot, ainsi qu'on en pourra

juger par la lecture de l'observation X rapportée par Bourne-

ville et Regnard. Nous citons textuellement :

« 23 juin 1879. - D... s'est endormie sans attaques, le-20,

à 10 heures du soir. Elle dort encore ce matin à la visite. Par

la pression au-dessous du sein gauche (zone hystérogène) M. Char-

cot provoque qua ! re petites attaques; après la dernièreD... est

réveilée.

« ... 3 et 5 août. La malade s'est endormie le 3, à

10 heures du soir et s'est réveillée le z, à 10 heures du matin;

immobilité complète, légère raideur des membres, pas de cata-

lepsie. Elle est réveillée, sans attaques, par la pression sous-

mammaire. D

Nous avons dit que les zones hystérogènes pouvaient exister

avantl'apparition de l'attaque; nous répéterons qu'elles peuvent

disparaître pendant le sommeil lui même. Notre observa-

tion est à ce point de vue très concluante. Pendant plus de

trois ans, M. B.. présenta au creux épigastrique une zonehypé-

résique, dont la pression déterminait des attaques convulsives.

Au bout de trois ans et demi cette zone disparût un beau jour,

' Des zones /t ! /s<<;')'oyene6', etc.

978 ô REVUE CRITIQUE.

sans raison apparente et les recherches minutieuses que nous

fimes à ce sujet sur la malade ne nouspermirentpas de déceler

la réapparition decette zone ou d'aucune autre de même nature.

Du reste, pendant l'attaque de sommeil, l'hystérie ne perd

nullement ses droits, et, outre les phénomènes convulsits dont

nous avons parlé il peut en survenir d'autres, alors que le ma-

lade est profondément endormi : telles, par exemple, que les

épistaxis, véritables hémorhagies nerveuses qui existaient aussi

dans notre observation'.

La meilleure preuve que les dormeurs hystériques ne

perdent pas, pour ainsi dire, pendant le sommeil le contrôle

inconscient de leur sensibilité générale, pervertie ou non, c'est

que cette sensibilité est susceptible de modifications sous l'in-

fluence des agents esthésiogènes, quels qu'ils soient d'ailleurs. Ce

point a été bien mis en lumière dans les travaux déjà cités de

MM. Debove et Achard. Ces auteurs ont particulièrement étudié

le phénomène si complexe du transfert et, dans des conclusions

sur lesquelles nous aurons à revenir en traitant du diagnostic

différentiel des attaques de sommeil, M. Achard nous dit (p. 92) :

« Il est toutefois une remarque que nous croyons devoir faire

à l'égard de ce phénomène du transfert. D'une manière géné-

rale, parmi les faits d'apoplexie que nous avons cités, il s'est

montré dans les cas relatifs à des malades nettement hystéri-

ques, présentant plusieurs accidents de la névrose. »

Sur le même plan que le transfert, nous placerons les re-

marques faites par M. Keser sur Chaufat (Semaine méd.).

« L'application d'un aimant à la cuisse droite, dit-il, abolit la

sensibilité dans tout le côté droit sans faire disparaître les

troubles de sensibilité à gauche (hémianesthésie). »

Si l'on observe parfois et le transfert et la production d'une

hémianesthésie complétant la perte totale de la sensibilité, il

est aussi donné de voir la réapparition presque complète de

cette sensibilité générale sous l'influence d'injections sous-

cutanées de sulfate d'atropine, par exemple 2, jouant dans la

circonstance le rôle d'un agent esthésiogèue. C'est ce qu'a noté

M. Charlier dans l'observation que nous avons rédigée sur ses

notes : « L'anesthésie de la surface cutanée et des muqueuses

' Voy. à ce sujet : Soew' Jeanne des Anges; loc. cit., p. 101.

* Voy. à ce sujet : Lanuois : De l'action esthésiogène de la pilocarpine.

(Journal de thérapeutique, 1880, p. 241.)

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE, 279

est totale; la malade ne réagit sous l'influence d'aucune exci-

tation... La sensibilité toutefois reparut à un moment donné

sous l'influence d'injections hypodermiques contenant chacune

environ un milligramme de sulfate d'atropine. La réapparition

se fit d'abord au niveau des pieds qui devinrent sensibles à la

piqûre ; pendant plus d'une semaine ces injections pratiquées

tous les jours amenèrent une extension ascendante et symé-

trique delazone sensible qui s'étendit au tronc et aux membres.

La tête resta toujours insensible et cette anesthésie reparut

totale pour tout le corps après la cessation des injections hypo-

dermiques. »

Tout cela forme un faisceau de faits dont nous verrons en-

core l'importance s'exagérer en traitant, ainsi que nous l'avons

dit, du diagnostic différentiel.

Abordons maintenant l'étude de l'élai men lai et de ses modifi-

cations pendant l'attaque : ici les malades doivent être groupés

sous plusieurs chefs. Il en est un certain nombre - et ce sont

peut-être les plus nombreux qui, lorsque l'attaque a duré

longtemps sans interruption, disent ne se souvenir absolument

de rien : il s'est fait une lacune dans l'existence et leurs der-

niers souvenirs datent du début de l'accès.

Il en est d'autres qui font pour ainsi dire leurs attaques de

sommeil comme ils feraient une attaque ordinaire d'hystéro-

épilepsie aux quatre périodes. C'est chez ceux-ci qu'on observe

ces phases diverses entrecoupées de phénomènes hystériques

nettement convulsifs, les salutations rappelant les grands

mouvements comme l'a montré M. Charcot', etc.

« A des intervalles variables, disent MM. Bourneville et Regnard

(p. 138), on observe des mouvements automatiques. Ces malades

semblent lutter, faire des efforts pour écarter des êtres ou des

objets imaginaires; elles poussent des plaintes étouffées, appellent

au secours à haute voix; la physionomie exprime la terreur.

Quand les malades conservent le souvenir de leurs rêves, elles

racontent qu'elles ont eu des rêves agréables et des cauchemars. »

Enfin, comme dans l'observation de Pitres et dans celle de

Keser, on peut voir les malades conserver jusqu'à un certain

point la faculté d'entendre, ce qui les rend susceptibles

d'accepter diverses suggestions. C'est encore là une preuve à

1 Lezioni cliniche, loc. cit., p. 39.

280 REVUE CRITIQUE.

l'appui des rapports qui existent entre les attaques de léthargie

hystérique et celles de léthargie hypnotique spontanées ou

provoquées ' .

Briquet avait déjà noté la conservation de l'ouïe. « Une de

ces malades, dit-il (p. 423), celle qui avait eu l'attaque la plus

forte, a déclaré que pendant son sommeil elle avait toujours

conservé la faculté d'entendre. La plupart se rappelaient de ce

qui s'était passé pendant leur sommeil ; quelques-unes n'en

avaient aucun souvenir. »

Nous ne pouvons à ce sujet nous empêcher de rapporter une

observation de Pfedler (loc. cil., p. 11), qui nous semble

caractéristique et destinée à faire comprendrel'importance dans

l'espèce de la conservation du sens auditif :

1111 J.II ! ..., âgée de quinze ans, réglée à quatorze ans, d'une

santé parfaite, n'avait jamais éprouvé de maladies graves; son

père et ses trois enfants n'avaient jamais eu de maladies ner-

veuses. La malade était forte, bien faite, tempérament sanguin ;

très blanche, et des couleurs fraîches et vermeilles. On soupçonna

qu'elle s'était livrée à la masturbation, le clitoris étant d'une loti-

gueur très-prononcée. Le 13 décembre 1880, quatre mois après

que les règles se sont formées, la malade a ressenti une céphalalgie

intense, une grande sensibilité et irritabilité, peu de sommeil, con-

vulsions générales sans écume à la bouche; la force musculaire

était augmentée d'une manière étonnante; cinq ou six hommes

ne pouvaient la retenir.

Cet état dura trois semaines, après lesquelles la chorée se dé-

clara ; après la chorée, la catalepsie et un véritable tétanos,

avec forte raideur musculaire, trismus et impossibilité de la déglu-

tition ; après le tétanos, un rire nerveux et des hoquets, puis des

palpitations qui ont terminé avec des convulsions; ensuite la

léthargie s'est déclarée; elle a duré trois ou quatre jours et s'est

répétée dix à douze fois. Toutes les médications ont été essayées...

sans obtenir aucune amélioration. Dans une dernière consulta-

tion donnée par les premiers médecins de Vienne, tels que

MM. Pierre Franck, Mal/'atti,... on déclara que la malade étant

épuisée du côté de ses foices, ne laissait aucun espoir et qu'après

l'emploi inutile'de tous les médicaments usités, la maladie, dont

le siège était reconnu dans la moelle épinière et le système gan-

glionnaire, étant trop avancé, elle n'avait que deux ou trois

jours à vivre. En effet, le jour suivant, comme j'étais auprès de

son lit, elle fait un mouvement, se relève, se jette sur moi comme

1 Vizioli. - Del morbo ipnolico, ipnotismo spontaneo, aulononzo. Na-

ples, 188fi, p. 42.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 281

pour m'embrasser et retombe ensuite comme frappée par la mort.

Pendant quatre heures je ne pouvais observer aucunsouftle d'exis-

tence et je fis avec 11\I. rrazl : et Seize ! ' tous les essais pos-

sibles pour exciter en elle une chance dévie : ni miroir, ni plume

brûlée, ni ammoniaque, ni piqûres ne purent nous donner aucun

signe de sensibilité; le galvanisme fut employé sans que la

malade montrât quelque contractilité. M. Frank même la jugea

morte, mais en conseillant toutefois de la laisser dans le lit. Pen-

dant vingt-huit heures, aucun changement; on croyait déjà sfn-

tir un peu l'odeur de la putréfaction; la cloche des morts était

sonnée, ses amies viennent de l'habiller en blanc et de la coiffer

de couronnes de fleurs, tout se disposait autour d'elle pour l'en-

terrement. Pour me convaincre des progrès de la putréfaction,

je reviens auprès de M110 de M... ; mais elle n'était pas plus avan-

cée qu'auparavant ; au contraire, quel fut mon étonnement

lorsque je crus apercevoir un faible mouvement de respiration je

l'observai de nouveau, et je vis que je ne m'étais pas trompé. Je

pratiquai de suite des frictions, des irritants, et, après une heure

et demie, la respiration augmente, la malade ouvre les yeux, et

frappée par l'appareil de la mort elle revient à la connaissance et

me dit en riant : « Je suis trop jeune pour mourir. » On la trans-

porta de suite dans un autre appartement où elle fut bientôt

prise d'un sommeil qui dura dix heures. La convalescence marcha

assez vite par l'emploi des bains aromatiques et des toniques, et

la malade, dont le système nerveux était débarrassé entièrement

de son état morbide, parut aussi fraîche et aussi bien portante

qu'auparavant. Pendant son état léthargique, où toutes les fonc-

tions paraissaient suspendues, les forces se concentraient sur

l'ouïe, puisqu'elle a entendu et eut connaissance de tout ce qui se

passait autour d'elle, et me cita ensuite des mots latins de

M. sa plus affreuse position était d'entendre les prépara-

tifs de mort sans pouvoir sortir de son état. Elle a vécu encore

treize ans; le mariage et trois accouchements n'ont pas altéré sa

santé. Trois mois avant sa mort elle était enceinte; elle fit une

chute de cheval qui pour le moment n'eut pas de suites fâcheuses,

mais six semaines après elle est morte dans l'espace de six heures.

Mon absence ne m'ayant pas permis d'assister à l'autopsie, j'ai

seulement appris qu'elle avait dû succomber à une rupture du coeur;

le système nerveux n'a pas été observe, à mon grand déplaisir.

Peut-être pourrait-on songer à la simulation, mais le fait

nous parait assez bien observé pour qu'il soit permis au doute

de s'établir. Nous reviendrons, du reste, quelque peu sur ce

sujet particulier en faisant ressortir l'intérêt que présentent

les attaques de sommeil au point de vue médico-légal.

28 ? . REVUE CRITIQUE.

. L'observation de Pfendler concerne plus particulièrement la

conservation de l'ouïe; il n'est pas douteux aussi que la vision

ne puisse être également conservée dans certains cas, très

rares à la vérité. Cependant. l'analyse des faits ne nous fournit

rien de probant à cet égard. Il en est de même en ce qui

regarde le goîct et l'odorat, véritables sens végétatifs, rentrant

. dans la circonstance bien plutôt dans le domaine de la sensi-

bilité générale que dans celui de la sensibilité spéciale et

nous savons que dans le plus grand nombre de cas, celle-ci est

presque toujours complètement abolie pendant un certain

temps tout au moins.

La durée des attaques de sommeil est éminemment variable;

elle s'étend de quelques heures à plusieurs années. Mais ici

encore, il faut établir une division et considérer à part la

durée relative et la durée absolue.

Il est rare, avons-nous dit, que l'attaque, lorsqu'elle se pro-

longe, ne s'entremêle pas d'autres phénomènes hystériques

d'ordre convulsif en particulier, qui interrompent le sommeil

pour un certain temps. De ce fait, le malade ne reprend pas

davantage connaissance et, au sortir de l'épiphénomène, il se

rendort. La durée relative comprend l'ensemble de l'attaque,

épiphénomènes inclus ; la durée absolue comprend la période

de sommeil comprise entre deux convulsions, car. en somme,

lorsqu'il survient une crise, on peut dire rationnellement que

c'est une autre attaque de sommeil qui va commencer.

Les auteurs, avec raison du reste, n'ont eu le plus souvent

en vue que la durée relative et pour en finir immédiatement

avec la durée absolue, nous pouvons dire qu'à plusieurs

reprises, elle fut, dans notre observation, de deux mois et

plus. Quant à sa durée relative, elle est actuellement (juil-

let 1887) de plus de quatre ans, puisque la malade s'est endor-

mie le 31 mai 1883. C'est du reste, à notre connaissance, la

plus longue attaque de sommeil qui ait été observée, et dans

la circonstance la durée relative et la durée absolue se confon-

dent, étant donnée la faible ingérence d'autres phénomènes

hystériques et la perte ininterrompue de la connaissance. ,

En dehors de ce cas, on a noté des attaques de 2, 3, i, 5, 6,

8 jours (Briquet); cent heures (Laufenauer)' ; plusieurs jours,

cinq à six semaines (Charcot, Bourneville et Regnard) ; vingt-

'1élpnotischeAitfalle um Anscltluss fin eine hystero-epileptische 11eIll'OSe;

analyse in centralblatt sur klinische mettent.; 1885, n" 15, p. 775.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 283

trois semaines (Gairdner); dix-huit mois (Pfendler, Ons. 1); -,

quatre ans, trois mois et onze jours-(id., mais cette observation

est peu concluante).

De plus, les récidives sont fréquentes et nous considérons

ici les cas où les rémissions entre deux attaques sont assez

longues pour qu'on ne se trouve plus en présence d'un même

état de mal hystéro-épileptique. On sait en effet que l'hysté-

rique fait presque toujours ses attaques dans le même moule

et une première attaque de sommeil reste bien rarement

isolée.

« Chez une malade cependant, dit Briquet (p. 422), l'attaque

léthargique a paru avoir épuisé la source des accidents, car il y

a eu de l'amélioration d'une manière notable, et il n'est plus sur-

venu d'attaques d'aucune espèce.» Il est vrai qu'il écrit immédia-

tement au-dessus : « Il n'y avait eu qu'une attaque chez trois ma-

lades ; il y en avait eu deux à trois chez quatre; la dernière

malade en avait eu un nombre qui n'a pas été noté. »

L'observation XI de MM. Bourneville et Regnard est surtout

instructive à ce point de vue, car la malade, depuis 1870, n'a

pas passé d'années sans avoir au moins deux attaques, dont

quelques-unes ont duré de quarante à cinquante jours.

Comment se termine l'attaque de sommeil ? comment le

malade sort-il du sommeil hystérique et quelles sont les

conséquences de ce sommeil en ce qui regarde sa santé

ultérieure ?

A ce propos, nous ne pouvons complètement souscrire à l'opi-

nion de Briquet basée sur la statistique insuffisante de seize cas.

« Le réveil, dit-il (p. 422), chez le plus grand nombre s'était

fait tout simplement comme lorsqu'on sort du sommeil.... »

Il est beaucoup plus dans le vrai, quoique son opinion soit

encore trop peu accentuée, lorsqu'il ajoute « ..Chez les autres,

il y avait eu soit du délire, soit du trouble dans les idées, soit

de la pesanteur de tête. » z

En somme, les malades sortent fréquemment du sommeil

hystérique comme ils y sont entrés, par une autre attaque, /

le plus souvent d'ordre convulsif. Y

Nous avons déjà vu que M. Charcot avait observé que la

pression d'une zone hystérogène faisait cesser le sommeil en

provoquant une attaque. Assez souvent, en outre, ce fait

est fréquemment noté - cette attaque prend le caractère

284 -il REVUE CRITIQUÉ.

'délirant, ce qui s'observe également au sortir des séries d'at-

taques convulsives, tant il est vrai que l'hystérie se com-

porte toujours de la môme façon. A l'inverse donc de Briquet,

MM. Bourneville et Regnard nous paraissent avoir donné

la note exacte :

« Tantôt, disent-ils (p. 139), l'attaque de sommeil se termine

par une attaque convulsive ou bien par des lèves, des pleurs, de

l'excitation. Les malades sont étonnées, paraissent ne plus se sou-

venir du lieu où elles se trouvent; elles se plaignent de coulba-

ture. de douleurs de tète, ont la vue troublée, refusent de par-

ler. Des crises avortées, des rires inextinguibles de plus en plus

rapprochés annoncent chez H... (Cas. XI) la fin de l'attaque de

sommeil. Dans ce cas aussi il se produit un véritable délire de

parole. »

M. Landouzy a publié une observation dans laquelle le

réveil, ainsi que le sommeil du reste, était précédé de mouve-

ments convulsifs. Ce fait présentait ceci d'intéressant, ainsi

que l'a fait remarquer M. P. Richer(2° édit., p. 259) que l'at-

taque de sommeil pouvait être provoquée par l'action d'un cou-

rant et l'occlusion des paupières et cesser par l'ouverture des

yeux et l'enlèvement de l'aimant, la notion des phénomènes

convulsifs ne laissant aucun doute sur la nature de l'attaque.

L'attaque de sommeil peut laisser après elle ou favoriser

l'apparition à courte échéance de divers phénomènes hys-

tériques ; en cela elle ne diffère pas des autres variétés de

l'attaque et nous venons de dire que c'était souvent les con-

vulsions qui rompaient le sommeil.

Dans toute une série de faits étudiés par M. Achard, le sujet

sort de son attaque hémiplégique et hémianesthésique sensi-

tivo-sensoriel, que l'anesthésie soit directe ou croisée, que

l'hémiplégie s'accompagne ou non d'une participation spéciale

de la face. Une paraplégie flasque avec rétention d'urine peut

également se montrer et persister plus ou moins longtemps

(Boutges, OBs. VIII). Enfin, il peut survenir de l'aboiement, du

mutisme (cas de Chauffât), des tremblements choréiformes ;

nous n'en finirions pas du reste si nous voulions énumérer

toutes ces complications, car il faudrait passer en revue presque

toute la série des phénomènes hystériques. Nous insistons

1 Progrès médical, 25 janvier 1879, p. 61.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTERIQUE. 283

cependant, sur la contracture, phénomène fréquent qui se

montre tantôt et à la fois sur la face et sur les membres.

Quel est maintenant le pronostic des attaques de sommeil ?

Il est facile à formuler : ainsi que toutes les autres variétés,

l'attaque de sommeil peut laisser après elle nombre d'accidents

plus ou moins tenaces; mais, pas plus que les autres égale-

ment, elle ne semble par elle-même entrainer la mort.

Cette opinion n'a pas toujours été adoptée, mais il faut

savoir aussi que les auteurs dont nous allons parler étaient

guidés par cette considération, peut-être réelle, qu'on avait

avant eux enterré des hystériques en état de mort apparente,

ce qui n'est plus à craindre aujourd'hui.

Louyer-Villermay (1816) place, ainsi que nous l'avons dit,

les attaques de sommeil hystérique dans sa troisième classe,

de toutes la plus grave, et ajoute que « les malades sont

froides, pâles, insensibles, immobiles et restent dans un état

plus ou moins prolongé de mort apparente qui peut se ter-

miner par l'extinction totale de la vie ». Landouzy (p. 68),

après avoir parlé de la mort apparente, dit nettement :

« Tantôt, enfin, l'attaque est réellement suivie de mort. »

Briquet, plus expert que ses devanciers, n'adopte pas leur

opinion. Bien qu'il connaisse les faits d'inhumation précipitée

précédemment publiés, cela ne l'empêche pas de dire (p. 427) :

« Le pronostic des attaques soporeuses n'est pas aussi grave

que les apparences le feraient craindre. Ces attaques se termi-

nent toujours spontanément, et. tant qu'il ne s'y jointpas, soit de

l'asphyxie, soit de l'éclampsie, l'on a peu à craindre, attendu que

la mort n'a jamais lieu par le fait de la syncope. En parcourant

les auteurs, on trouve toujours que les prétendues mortes ont

été rappelées à la vie. »

Et il ajoute (p. 538) dans le chapitre où il traite des terminai-

sons de l'attaque hystérique en général :

« Les fortes syncopes et les léthargies dans lesquelles toutes les

fonctions de la vie semblent suspendues pendant plusieurs jours

ne sont pourtant jamais suivies d'une terminaison fatale. »

Nous connaissons cependant un cas récent dans lequel la

mort survint à la suite d'une attaque syncopale, aussi, vu sa

rareté, ce fait mérite-t-il d'être analysé. ,

286 REVUE CRITIQUE.

Il s'agit d'une femme de quarante-quatre ans, malade depuis

longtemps, observée par M. Martinenq*. Le diagnostic porté le

17 mai 1878 avait été : « Folie hystérique maniaque avec agita-

tion et violence ".

En octobre 1884, «sans autre phénomène prodrumique qu'une

légère hémicrânie avec exagération de l'amblyopie, J... présente

un matin tous les symptômes d'une attaque d'apoplexie céré-

orale, à savoir : hémiplégie complète accompagnée d'hémianes-

thésie sensitivo-sensorielle et de légère contracture principale-

ment au bras, paralysie hémiaciale incomplète du même côté que

l'hémiplégie avec inégalité pupillaire et aphasie. L'intelligence

est intacte, la conscience entière....

Un mois arpès, tout est rentré dans l'ordre, mais l'inégalité

pupillaire et un léger embarras de la parole persistent. L'état

mental et l'état physique se maintiennent encore très satisfai-

sants jusqu'au mois de janvier 1886.

Le 6 janvier 1886, J... a une légère bronchite avec embarras

gastrique. Elle est placée à l'infirmerie, et le 10, elle va très bien,

s'occupe avec raison et gaité, ne se plaint de nulle part, s'ali-

mente bien et cause avec intelligence.

Le 41, après une excellente journée pendant laquelle elle

n'accuse aucun malaise, J... est prise subitement, à neuf heures

du soir, d'un engourdissement général avec oppression cardiaque,

constriction au creux épigastique et état syucopal. Elle s'affaisse

sans proférer une parole et meurt vers onze heures dans un

coma apoplectique. »

Si l'autopsie n'avait pas été faite, on aurait pu penser que

la malade avait succombé à toute autre chose qu'à une atta-

que d'hystérie : à une hémorrhagie cérébrale, à une at-

taque apoplectiforme dans le cours de la paralysie générale,

vu les symptômes d'aliénation mentale et son internement

dans un asile, à une lésion du coeur, insuffisance aortique, etc.

Mais nous publions la nécropsie et celle-ci fut * négative.

Or, comme on le sait, c'est un des caractères les plus impor-

tants de l'hystérie de ne produire, lors des phénomènes les

plus graves et les plus persistants, que des troubles dyna-

miques inappréciables, tout au moins avec nos moyens ac-

tuels d'investigation. Nous avons assisté à la Salpêtrière à

l'autopsie de Ler..., qui était atteinte depuis plus de vingt ans

d'une hémianesthésie observée par M. Charcot. Cette ma-

' Cas d'apoplexie hystérique avec autopsie : Annales méd. 1,3ych.,

mars 1887, p. 25t.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 128-1 i

lade mourut de pneumonie et l'examen le plus minutieux ne

révéla aucune lésion du système cérébro-spinal. Quoi qu'il en

soit, on lira avec intérêt le complément de l'observation de

M. Martinenq :

Autopsie (vingt-quatre heures après la mort). - Bicéphale. -

L'examen attentif et à la loupe de toutes les parties du cerveau

et de ses enveloppes ne révèle aucune lésion appréciable autre

qu'un léger épaississement avec demi-opacité et traînées laiteuses

le long des vaisseaux dans les parties de la pie-mère qui recou-

vrent les régions motrices, surtout à droite. A part cela, pas la

moindre trace de congestion ou d'hémorrhagie ancienne ou ré-

cente ; lesvaisseaux sont partout en parfait état, il n'existe aucune

adhérence pathologique.

Les circonvolutions cérébrales sont remarquablement dévelop-

pées et saines. Le cerveau pèse 1,292 grammes qui se répartis-

sent ainsi : hémisphère gauche, 552; hémisphère droit, 565 ;

bulbe et protubérance, 24; cervelet, 151.

De nombreuses coupes faites avec soin, suivant la méthode de

Pitres, nous montrent la cavité corticale partout normale comme

epaisseur, comme coloration et comme consistance; la substance

blanche et les noyaux centraux dans un parfait état ; enOn la

protubérance, le bulbe et le cervelet dans un état irrépro-

chable.

Poumons. - A l'ouverture des plèvres, il s'écoule environ

250 grammes d'un liquide clairet citrin. On note quelques adhé-

rences pleurales et pleuro-costales au sommet gauche principale-

ment. Il existe aux deux sommets quelques amas superficiels de

tubercules fibreux et crétacés avec induration fibreuse du paren-

chyme pulmonaire sous-jacent. Cette lésion ancienne et silen-

cieuse affecte surtout le sommet du poumon gauche. Les autres

parties sont absolument saines.

Le coeur, le foie, la rate, le pancréas et les reins n'offrent rien

de particulier.

Nous rapprocherons du fait de Martinenq et du cas de

Ler... la première observation de Pfendler. Elle est relative à

un hystérique de quarante-deux ans (qualifié du reste d'épi-

leptique), qui tomba dans une léthargie qui dura dix-huit

mois, d'où il sortit avec une : < paralysie du pied gauche ». La

léthargie ne récidiva pas ainsi qu'il est d'usage ; mais au bout

de deux ans la mort survint par suite d'une tuberculose pul

monaire à laquelle l'attaque par la dénutrition qu'elle avait

amenée n'avait peut-être pas été tout à fait étrangère. L'au-

8H REVUE CRITIQUE

topsie, en dehors des lésions de tuberculose avancée, ne ré-

véla rien du côté du système nerveux.

Cette dénutrition et les complications qui suivent si fré-

quemment le réveil sont les seuls points sombres dans le pro-

nostic des attaques de sommeil.

IV.

I. Si le pronostic des attaques de sommeil hystérique est

facile à établir, il n'en est pas toujours de même, loin delà,

du diagnostic, et, nous n'hésitons pas à le dire, ce sont les

travaux de 11. Charcot et de ses élèves qui seuls ont permis de

l'asseoir sur des bases solides. Le diagnostic positif découle

du reste des considérations que nous venons d'exposer et nous

avons vu combien l'Ecole de la Salpêtrière avait fait pour

l'étude de l'attaque hystéro-épileptiqueen général etpour celle

de l'attaque de sommeil en particulier.

Il est en effet un grand nombre d'affections dont les mani-

festations peuvent simuler l'attaque de sommeil, de léthargie,

de coma hystérique, ces divers termes étant synonymes dans

la circonstance. Qu'on ouvre un Traité de pathologie générale

et l'on verra combien chacun de ces états prête à l'étude sé-

méiologique.

Ici encore il nous paraît indispensable d'établir quelques

distinctions et, nous plaçant uniquement, comme toujours,

au point de vue clinique, nous distinguerons deux groupes de

faits : ceux dans lesquels l'attaque de sommeil se présente

sous la forme apoplectique avec hémiplégie, ceux dans lesquels

l'hémiplégie faisant défaut, la résolution musculaire étant

plus ou moins complète, la paralysie ou la contracture ne se

limitent pas exactement à un côté du corps.

Ceci nous amène à dire quelques mots complémentaires sur

la forme apoplectique de l'attaque de sommeil récemment

bien étudiée par MM. Debove et Achard. Nous n'en retien-

drons que ses particularités, car, pour la description générale,

elle se confond, nous l'avons dit, avec l'attaque de sommeil-

type, celle que nous avons eue surtout en vue dans notre des-

cription.

Le début semble soudain et, dans les cas accentués, le ma-

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 289

lade paraît plongé dans un véritable état apoplectique d'origine

cérébrale, d'autant plus, qu'au sortir du coma, le sujet conser-

vera bien souvent une hémiplégie. Or, si nous nous reportons

au pronostic relativement bénin de l'attaque de sommeil et si

nous songeons à la gravité extrême de l'apoplexie d'origine

cérébrale, gravité aussi immédiate qu'ultérieure, il deviendra

facile de comprendre de quel intérêt capital est le diagnostic

de l'hystérie, tant à la période d'apoplexie qu'à la période qui

suit le au réveil.

1° L'individu est dans le coma : ce coma a-t-il une origine

hystérique, dynamique, ou bien est-il sous la dépendance

d'une lésion cérébrale : hémorrhagie, ramollissement, tu-

meur, attaques apoplectiformes de la paralysie générale,

etc. ?

Evidemment, en matière d'hystérie, la connaissance des

antécédents sera toujours d'un précieux secours et nous sa-

vons que l'attaque de sommeil n'est que très rarement la pre-

mière manifestation éclatante de la névrose; mais il faut sup-

poser aussi que le malade a été ramassé dans la rue, apporté

à l'hôpital, et qu'on ne peut obtenir aucun renseignement

sur son passé pathologique.

L'aspect général de l'individu peut déjà fournir quelques

renseignements et Briquet, relatant (p. 416) une observation

d'apoplexie hystérique, disait : « Marie B... n'a pas sur la face

l'empreinte de stupeur que M. Rochoux donne comme un ca-

ractère d'apoplexie ; au contraire, elle a l'expression d'un

sommeil paisible qui éloigne toute idée de souffrance ; il n'y a

pas cette sterteur si ordinaire dans l'apoplexie. » Il réagissait

ainsi contre l'opinion trop exclusive de Sydenham, qu'il cite

en ces termes : « Quand l'hystérie attaque le cerveau, elle

produit quelquefois une apoplexie entièrement semblable à

l'apoplexie ordinaire et qui se termine comme elle par une

hémiplégie. »

A ne s'en tenir qu'au phénomène de stertor, textuellement

synonyme de ronflement (Littré et Robin), on pourrait s'y

tromper, car il est des sujets qui, à l'exemple du malade

Gairdner, peuvent présenter du ronflement (snorizg) bien

que ce phénomène soit uniquement noté dans cette seule ob-

servation.

Passons, du reste, car nous croyons qu'il existe de bien

meilleurs signes en dehors de l'aspect du malade, qui, d'ail-

Archives, t. XV. 19

290 REVUE CRITIQUE.

leurs, prête un peu trop à l'appréciation individuelle. Ces

signes sont tirés : 1° de l'état de la température ; 2° de

l'état de la sensibilité ; 3° de la participation diverse de la

face aux autres phénomènes observés.

L'étude de la température est du plus haut intérêt : elle seule

même donne, comme l'ont démontré MM. Charcot et Bourne-

ville, des résultats véritablement précis, en dehors de toute

contestation.

On peut en effet poser la règle suivante : dans l'attaque de

sommeil, la température reste normale ou s'élève à peine

d'un demi à un degré ; dans les lésions du cerveau : hémor-

rhagie, ramollissement, tumeurs ; dans les attaques apoplec-

tiformes de la paralysie générale ou de la sclérose en plaques;

dans l'état de mal épileptique ou éclamptique elle s'élève à

39, 40, 41 et même 43 degrés, comme nous l'avons observé

nous-mêmes dans un cas, surtout lorsque la terminaison doit

être fatale à bref délai.

Dans la première période de l'hémorrhagie cérébrale, la tem-

pérature descend au-dessous de la normale , fait important

lorsqu'on est appelé au début des accidents. A rapprocher de

cette hypothermie celle que l'on observe dans les attaques

d'urémie comateuse (Bourneville). ,

On peut donc déjà, par l'étude seule de la température cen-

trale, alors que la connaissance est encore abolie, affirmer

presque à coup sûr que l'on se trouve en présence d'une

attaque de sommeil.

De même, pendant cette période, les phénomènes qui se

passent du côté de la face pourront également éclairer le dia-

gnostic ; mais ces signes paraitront surtout évidents et plus

précis si nous supposons l'individu sorti du coma et présen-

tant alors une hémiplégie.

On pourrait nous objecter que, lorsque le malade est ré-

veillé, le diagnostic de l'attaque de sommeil est parfaitement t

inutile, mais il ne nous semble pas cependant qu'il en soit

ainsi, car ne nous faudra-t-il pas établir encore si, dans ce

cas, l'attaque apoplectiforme de la veille qui a laissé l'hémiplé-

gie du lendemain a été ou non d'origine hystérique. Le dia-

gnostic doit du reste être fait rapidement pour établir la

gravité présente et ultérieure du cas. Disons aussi que, dès

ce moment, il peut de part et d'autre exister de la contrac-

ture ; ce phénomène n'est pas rare dans les attaques de som-

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. et 1

meil et dans l'hémiplégie hystérique ; le pronostic en est

bénin. Au contraire, la contracture rapide des membres dans

les lésions organiques du cerveau est rare; de plus, elle en-

traîne un pronostic extrêmement grave, car elle est l'indice

d'une inondation ventriculaire (Brissaud) ou d'une excitation

méningée périphérique. La mort survient alors dans le coma,

accompagnée d'une haute élévation de la température, tandis

que l'hystérique contracturé vit avec sa contracture et une

température normale.

Supposons donc, après cette digression, que l'hémiplégie

est flasque. Si elle est d'origine hystérique, on peut admettre

en principe qu'elle s'accompagnera le plus souvent d'hémi-

anesthésie sensitive et fréquemment sensorielle, en un mot

d'une hémianesthésie sensitivo-sensorielle.

Mais cette hémianesthésie n'est pas l'apanage exclusif de

l'hystérie, car on l'observe aussi (Raymond') dans les lésions

en foyer siégeant dans la région lenticulo-optique de la cap-

sule interne au niveau du carrefour sensitif.

Cela est vrai, mais il est certain aussi que les hémianesthé-

sies sensitivo-sensorielles à la suite de lésions cérébrales sont

extrêmement rares ; elles tendent de jour en jour à perdre du

terrain. Celles qui en perdent encore davantage ce sont les

anciennes hémianesthésies toxiques, alcoolique et saturnine,

car M. Charcot a récemment montré 2 que les faits de cet

ordre soigneusement observés avaient trait à des sujets hysté-

riques qui n'en étaient pas moins, du reste, saturnins ou

alcooliques, le plomb et l'alcool favorisant singulièrement

l'apparition de l'hystérie chez les sujets prédisposés.

Nous nous en tenons donc à l'hémianesthésie organique par

lésion du carrefour sensitif. Eh bien, si celle-ci existe vérita-

blement - et M. Charcot en a montré un fait indubitable

dans une récente clinique nous ajouterons qu'elle présente

des caractères qui lui sont tout à fait particuliers.

Nous savons d'abord que l'hémianesthésie hystérique est

presque toujours, ou à peu près, à la fois sensitive et senso-

rielle ; nous savons aussi (Keser) que l'anesthésie sensorielle

' Etude anatomique , physiologique et clinique sur ? tf'n ! : c/t0)'e'e, l'hé-

mianesthésie et les tremblements symptomatiques. Th. Paris, 187G.

2 llémiancsthésie hystérique et hémianesthésie toxique. Leçon recueillie

par 111. llabinsl.i. (Bulletin médical, iio 2S; 25 mai 1887, p. 387) - Voy.

aussi : Uebove et Achard, loc. cit.

292 REVUE CRITIQUE. ,

peut être croisée par rapport à l'anesthésie sensitive, ce qui ne

saurait avoir lieu dans l'hémianesthésie organique. Déplus, il

est un phénomène qui, lorsqu'il existe, permet au diagnostic

de s'établir : l'hystérique peut être amaurotique avec rétrécis-

sement du champ visuel, l'hémiplégique sensitif organique

a aussi du rétrécissement, mais il est hémiopique.

Il existe d'autres considérations tirées encore de l'étude de

la sensibilité que l'on pourrait invoquer pour établir le dia-

gnostic différentiel ; elles sont relatives aux esthésiogènes et

aux phénomènes de transfert par l'aimant. On sait, en effet,

que l'application d'un aimant ou l'emploi d'un esthésiogène

quelconque peuvent chez les hystériques : 1° faire reparaître

(ou disparaître) la sensibilité ; 2° transférer l'hémianesthésie

du côté opposé.

Ces phénomènes se montrent-ils dans les hémianesthésies

réputées organiques ?

Nous répondrons : généralement non dans l'immense ma-

jorité des cas (et ils sont bien peu nombreux), n'allantpas tou-

tefois aussi loin que M. Achard, qui nous dit (p. 52) : « Il

nous paraît impossible d'admettre que les agents esthésio-

gènes puissent restaurer la sensibilité abolie par une lésion

organique. » En effet, M. Vulpian a montré que dans cer-

tains cas, rares à la vérité, la faradisation de la peau pou-

vait faire reparaître momentanément tout au moins la

sensibilité chez des ataxiques, chez des hémiplégiques hémi-

anesthésiques par lésion cérébrale. M. Grasset2 a rapporté

également un cas de même ordre relatif à un hémiplégique

hémianesthésique par lésion du cerveau. Il résulterait même

d'une observation inédite de M. Charcot relative au malade

précédemment cité, qu'on pourrait obtenir le transfert par

l'aimant d'une hémianesthésie organique. Mais ce cas est en-

core unique et nous pouvons dire en matière de conclusion :

que ce qui est la règle dans l'hystérie est la très grande

exception dans les affections à subtratum anatomique s'ac-

compagnant d'hémianesthésie.

Nous arrivons maintenant, en dernière analyse, à l'étude

1 De l'influence qu'exerce la faradisation de la peau dans certains cas

d'anesthésie cutanée. (Archives de physiologie, t. VII, 1875, p. 877.)

1 Note sur les effets de la faradisation cutanée dans l'hémianesthésie

d'origine cérébrale. (A¡'cltives de physiologie, t. VIII, 1876, p. 764.)

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 293

des cas dans lesquels la face participe à l'hémiplégie, que le

malade soit encore plongé dans le coma ou qu'il en soit sorti.

Jusqu'à ces derniers temps, on s'en tenait à l'opinion émise

par Todd :

« Dans l'hémiplégie hystérique, ni la face ni la langue, ne sont

prises; la paralysie est limitée au membre supérieur et inférieur

et souvent n'est pas complète; les muscles sont, généralement,

dans le relâchement, mais ne souffrent pas dans leur nutrition

lorsqu'on les compare avec ceux du côté opposé; de temps en

temps un ou deux membres peuvent être affectés de spasme de

quelques-uns de leurs muscles et peuvent avoir de la tendance à

devenir rigides. Dans la promenade, quand cette paralysie est

complète, le malade tire sa jambe après lui, comme si elle était

morte, balayant le sol'. »

Si la description de Todd mérite encore de rester classique,

il n'en est pas moins vrai que sa première proposition doit

être rejetée, car la face et la langue peuvent parfaitement être

prises dans l'hémiplégie hystérique, mais elles le sont d'une

toute autre façon que dans l'hémiplégie organique.

Chez l'hémiplégique organique, chaque expiration soulève

l'orbiculaire des lèvres du côté paralysé, de même que la

commissure labiale s'entr'ouvre à ce moment de ce côté, la

tonicité musculaire faisant défaut; du côté sain, la commissure

est relevée par prédominance de l'action musculaire; enfin, la

langue est tirée du côté paralysé.

L'étude de plusieurs cas récents a montré que si, dans

l'hémiplégie hystérique, la face et la langue étaient envahies,

elles l'étaient tout autrement que dans l'hémiplégie orga-

nique.

Ainsi que l'a établi M. Charcot 2, et avec lui MM. Brissaud

et P. Marier ce n'est plus de paralysie, mais bien de spasmes

dont il s'agit ici. La commissure atteinte n'est plus abaissée,

mais bien relevée par le spasme qui entr'ouvre largement la

commissure ; la déviation de la langue qui est excessive, tou-

1 Clinical lectures ou paralysis, certain diseases of brain. Londres,

1856, 2° éd., p. 267.

2 Spasme glosso-labié unilatéral des hystériques. Diagnostic entre l'hé-

miplégie capsulaire et l'hémiplégie hys/él'ique. (Semaine medicale, ni 5,

2 février 1887, p. 37.)

'De la déviation faciale dans l'hémiplégie hystérique. (Progrès mé-

dical, 29 janvier; 12 février 1887.) .

294 REVUE CRITIQUE.

jours par spasme, se fait le plus souvent du côté atteint, bien

qu'il puisse en être autrement, ces deux phénomènes, à l'in-

verse de ce qui se passe dans l'hémiplégie organique pouvant

être dissociés.

Ce spasme glosso-labié occupe tantôt le côté paralysé, tantôt

le côté sain ; enfin, il peut être reproduit par suggestion, tandis

que la paralysie faciale d'origine centrale ne peut être obtenue

à l'aide de ce procédé de recherches.

L'analyse des observations publiées par les auteurs qui ont

eu à traiter de l'hémiplégie hystérique (Brodie, Lebreton,

Hélot, Boutges, Achard) ne laisse aucun doute sur la valeur

diagnostique de ces différents signes. Pas un de ces auteurs ne

signale, en effet, une paralysie véritable du facial inférieur :

on trouve même, parmi ces faits, des paralysies du facial supé-

rieur (Lebreton', Dumontpallier2), évidemment indépendantes

d'une lésion centrale.

Pour terminer, nous ne confondrons pas les attaques de

thargie hystérique avec les attaques provoquées de la

léthargie hypnotique. Si la notion de provocation fait défaut,

on aura pour se guider la constatation de l'hyperexcitabilité

musculaire spéciale à ce dernier état. Nous savons néanmoins

que l'hypnotisme peut être spontané, ainsi que M. Vizioli en

a rapporté une si remarquable observation 3. Dans ce cas, le

diagnostic différentiel sera de minime importance, car les faits

établissent que c'est encore un hystérique en présence duquel

on se trouvera le plus souvent.

Il. - Les diverses affections ou mieux les symptômes

cliniques que nous venons de passer en revue, sont de beau-

coup ceux qui pourront en imposer par une attaque de

sommeil. Ces faits sont du reste fort intéressants, car ils

semblent former tout naturellement un même groupe

dans lequel le diagnostic a besoin de se faire d'une façon

immédiate. Il n'en est plus de même de ceux que nous allons

étudier maintenant au même point de vue du diagnostic

différentiel.

1 Des différentes variétés delà paralysie hystérique. Th. Paris, 1868,

obs. XVI.

2 Apoplexie et hémiplégie hystériques . (Bull. et Mém. Soc. méd. des

hôpitaux, 6 avril 1887, p. 110.)

3 De/ naorbo ipnotzco, ipnotismo sponlaneo, aufonomo. - Naples, 1886,

p. 2 Î.- ' -

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 295

Ea premier lieu, nous devons parler d'une affection, d'un

syndrome bizarre, encore mal classé, appelé tour à tour

maladie du sommeil, narcolepsie et bien étudiée par Gelineau 1

et Ballet 2. Les malades sont encore des héréditaires, comme

toujours, mais le sommeil n'est plus accompagné ou suivi

d'attaques convulsives ou d'autres accidents hystériques. Il

survient brusquement, de lui-même pour ainsi dire, il cède de

même et tout est fini jusqu'à la prochaine invasion. Les frag-

ments de l'observation suivante, que nous devons à l'obligeance

de notre ami Hugues Le Roux, feront mieux comprendre ce

qu'est cette affection que toute description raisonnée. L'obser-

vation est d'autant plus intéressante que, sous forme de lettre,

le malade nous fait pénétrer lui-même dans l'intimité de son

mal.

« Je suis atteint d'une affection tout à fait spéciale nommée

narcolepsie par quelques médecins qui depuis plusieurs années

ont pu m'observer. Je dors ou je m'endors à toute heure du jour

sans que la volonté et l'énergie dont je suis capable puissent s'y

opposer. Je suis pris parfois presque instantanément et cela dans

quelque situation que je me trouve.

J'ai dormi en cueillant des cerises, en marchant, pendant que

l'on me causait, et, étant enfant, apprenti mercier à Paris, en

servant les clients. Un jour entre autres, je fus réveillé par un

employé de magasin pliant du fil et restant tout à coup immobile

au grand ébahissement de la cliente qui se retira en riant. Ce

qu'il y a de plus curieux c'est que les personnes près desquelles je

me trouve ne s'en aperçoivent pas ou très rarement.

J'ajouterai que lorsqu'on me réveille à ces moments-là je

souffre beaucoup de battements de coeur, mais j'éprouve en même

temps une sensation de douleur et de soulagement à la fois de-

puis la nuque jusqu'en,bas, comme si on me descendait un mor-

ceau de glace.

Aujourd'hui (30 mars 4887), j'ai trente-six ans, je souffre

moins, mais mon affection m'empêche et m'a toujours empêché

de ne rien faire et d'occuper aucune place. J'étais taxé de paresse

et de fainéantise... »

La lecture de cette observation permet de comprendre que

le diagnostic différentiel entre la narcolepsie (sans préjuger de

1 De la narcolepsie, 1881.

5 Contribution à l'étude du sommeil pathologique (quelques cas de nar-

colepsie). (Revue de médecine , 1882, t. II, p. 915.)

296 REVUE CRITIQUE.

la nature de ce syndrôme) et la léthargie hystérique ne saurait

être longtemps hésitant. La seule possibilité d'obtenir à

volonté le réveil juge suffisamment la question. Il en est de

même à ce dernier point de vue du somnambulisme spontané

que nous ne signalons que pour mémoire.

Il n'en est plus ainsi dans certains cas de stupeur mélanco-

lique à forme léthargique ou dépressive. Ce sont encore là, du

reste, des cas sur la pathogénie desquels les auteurs paraissent

mal fixés. Rappelons de plus, que certains délirants hysté-

riques (cas de Martinenq) peuvent être sujets à des attaques

de sommeil.

En 1869, M. Legrand du Saulle publiait dans la Gazette des

Hôpitaux un mémoire intéressant sur ce sujet encore à

l'étude aujourd'hui. Il rapportait l'observation d'un individu

âgé de trente-deux ans, chez lequel le sommeil apparent

retenons ce terme - n'avait pas discontinué pendant sept

mois consécutifs. La sonde oesophagienne fut introduite

750 fois; la température ne dépassa pas 37° 5 ; l'autopsie

ne révéla aucune lésion. M. Legrand du Saulle analysait à

ce propos une brochure de Timermans 2, traitant du même

sujet et, à la suite de laquelle, la question avait été portée

devant l'Académie de Turin. Les savants italiens ne parvin-

rent pas, du reste, à s'entendre et la discussion 3 ressembla

singulièrement à celle qui avait eu lieu sur les Névroses

extraordinaires, en 1858, devant la Société médico-psycho-

logique, à l'instigation de Cerise.

De cette discussion, il résulta néanmoins que chez ces

malades le sommeil, lorsqu'il existe véritablement, est dis-

continu ; ce sont de véritables aliénés, des délirants chro-

niques, et Timermans nous semble avoir donné la note juste

en disant qu' « une idée mélancolique fixe portait son sujet à

une léthargie maniaque avec abstinence complète b. Ces

aliénés, guidés par leur idée fixe, raisonnent pour ainsi dire

leur stupeur qui n'est pas un véritable sommeil, ce qui suffit,

' Sthpeur mélancolique à forme léthargique. Sommeil apparent et non

discontinué pendant plus de sept mois. Simulation de la mort. (Gazette

des hôpitaux, 1869, nos 128, 130, 131.)

2 Sloria di una encefalopatia con letargo maniaco (sonno di semensi)

con osseruaaioni ecomn : M< ! . Turin, 1869.

3 Olivetti. Il letargo ela mania possono coesisteoe. -Turin, 1869.

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 297 1

en dehors même des autres signes propres aux dormeurs hys-

tériques, pour établir le diagnostic.

Nous avons dit que l'autopsie n'avait révélé aucune lésion

du système nerveux chez le malade de Legrand du Saulle ; de

même chez le sujet de Timermans. Toutefois, il en fut autre-

ment chez cet individu observé par Semelaigne', qui rentrait,

à ce qu'il nous semble, dans la même catégorie, et chez lequel

le sommeil, ou mieux la stupeur mélancolique, ne dura pas

moins de quatre ans et sept mois et demi. L'autopsie révéla les

lésions de la paralysie générale.

Nous en tenant exclusivement à la question du diagnostic

différentiel avec les attaques de sommeil hystérique, nous

n'avons pas à nous prononcer sur la valeur relative de ces

différents cas, mais on pourrait peut-être nous faire remar-

quer qu'il en est d'autres dans lesquels l'hystérie et la para-

lysie générale se superposent, ainsi que M. Ph. Rey en a rap-

porté des observations2. Ne pourrait-on pas alors observer la

coexistence d'attaques de sommeil hystérique ?

A cela, et sans vouloir aller plus avant dans cette discus-

sion à l'heure actuelle si hérissée encore de difficultés, nous

répondrons par la dernière conclusion de M. Rey : « L'hystérie

s'atténue ou disparaît dans le cours de la paralysie générale ;

il est probable que dans beaucoup de cas elle s'atténue ou dis-

parait au moment de l'invasion de l'affection paralytique. »

Il ne nous reste plus maintenant qu'à dire quelques mots

de ces cas de léthargie hystérique pour lesquels le terme de

mort apparente a été prononcé par les anciens auteurs. Le

diagnostic devra s'établir dans ces cas avec la mort réelle et,

aller plus loin, ce serait énumérer tous les signes de la mort.

Nous croyons avoir assez fait pour l'étude symptomatologique

de la léthargie hystérique pour nous abstenir de donner cette

énumération. Nous pensons qu'aujourd'hui les phénomènes

hystériques sont suffisamment connus et analysés pour qu'on

n'ait plus à craindre ces inhumations précipitées dont, à com-

mencer par l'histoire de Vesale, on trouve un certain nombre

1 Contribution à t'élude du sommeil pathologique chez les aliénés.

(Annales médico-psychologiques, 1885, t. I, p. 20.)

' Note sur la paralysie générale chez la femme; de l'hystérie chez les

femmes atteintes de paralysie générale. (Annales médico-psychologiques,

1885, t. II, p. 421.)

298 REVUE CRITIQUE.

d'exemples dans les auteurs précités. Qu'on en juge, du reste,

par la troisième observation de Pfendler :

Racliel N..., ââée de vingt-huit ans, mariée, était depuis deux

ans sujette à la catalepsie et fut traitée par un médecin très ha-

bile de Vienne. Après plusieurs médicaments employés, la cata-

lepsie a cessé, mais ensuite une léthargie s'est déclarée quia duré

plusieurs mois, la malade a dormi de quarante-huit à soixante-

huit heures, mais dans une des dernières attaques, elle fut prise

pour morte; déjà enterrée le fossoyeur voulant s'emparer des vête-

ments, ouvre dans la nuit son cercueil; mais, pendant son opéra-

tion, celle-ci revient subitement à la vie. Le fossoyeur, épouvanté,

veut fuir. Rachel l'appelle et lui dit de la faire conduire chez le

médecin qui l'avait soignée. Celui-ci informe le mari de la résur-

rection de son épouse. La malade conserva depuis une parfaite

santé ; j'ai eu moi-même l'occasion de lui parler plusieurs fois

dans la suite, et on l'appela la belle Juive ressuscitée.

Enfin, une attaque de léthargie hystérique peut-elle être si-

mulée ? Nous pourrions répondre : Autrefois, peut-être ; au-

jourd'hui, certainement non; tout au moins le simulateur

n'en imposerait pas pendant longtemps. Que dire cependant

encore de cette trente-deuxième observation de Pfendler que

nous rapportons comme étant la seule de cet ordre que nous

ayons trouvée dans les auteurs, sans y attacher, d'ailleurs,

plus d'importance qu'elle n'en mérite.

Léthargie simulée. Adam Phinéas, âgé de dix-huit ans, ser-

vait depuis deux ans dans les armées autrichiennes, lorsqu'il

abandonna son corps. Repris le 26 avril 1811, il devait subir la

peine des déserteurs (garsen lnufen), peine qui consiste à faire

passer le coupable dans une haie formée par trois cents soldats

armés d'une baguette pour recevoir cinq à six mille coups sur le

dos. Quelquefois, quand le jugement est plus gracieux, on n'in-

flige que cent coups sur les fesses. Cette punition existe encore

dans quelques Etats de l'Allemagne et rarement un vendredi se

passe à Vienne sans que trois ou quatre exécutions de ce genre

n'aient lieu. Cette coutume, qui tient de la barbarie la plus

affreuse des nègres, déshonore notre siècle et prive les gouver-

nements des soldats robustes qui, après cette infâme punition,

succombentsouvent à des maladies de poitrine. Pour se soustraire

à cette correction, Phinéas simula un état léthargique pendant

quarante-trois jours. Aucun moyen irritant n'avait de l'efficacité :

si on lui relevait un membre, il retombait sans vie, le teint était

pâle, mais la respiration et le pouls étaient normaux. On lui

DES ATTAQUES DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE. 299

donna des oeufs avec du vin, quelquefois du thé, par les ouver-

tures des dents absentes, car il simulait même un trismus. Il ne

montrait aucune sensibilité, lorsqu'on lui enfonçait des aiguilles

sous les ongles. On soupçonna que le siège de la maladie était

dans le crâne, le malade ayant déclaré auparavant à ses amis

qu'il avait fait une chute. On proposa de fendre le cuir chevelu

avec un scalpel pour reconnaître si le crâne était réellement at-

teint. Cette opération fut annoncée à ses parenls assis à côté de

son lit, pour que le malade l'entendit. On pratiqua trois incisions,

le cuir chevelu fut enlevé et le crâne ratissé. Pendant cette opé-

ration, le malade ne manifesta aucun signe de douleur; seule-

ment il soupira d'une manière presque inappréciable lorsqu'on

lui ratissa le crâne. La maladie étant déclarée incurable, le ma-

lade reçut son congé et fut renvoyé dans ses foyers. Deux jours

s'étaient à peine écoulés depuis son arrivée chez lui, qu'il parlait

avec tous ses amis et aida même son père à découvrir les toits.

Sans vouloir insister sur ce fait qui, nous l'avons dit, nous

parait unique dans son genre, il nous sera permis de dire que

le sujet n'était peut-être pas un simulateur. La léthargie était

survenue à la suite d'une prétendue chute et l'on sait.le rôle

que joue le traumatisme dans l'apparition etle développement

des accidents hystériques. Nous ferons remarquer encore que

l'insensibilité était complète et surtout qu'il existait du tris- ? nus, mais nous risquerions de nous égarer en allant plus loin

dans l'étude d'un fait manquant de tant d'éléments d'appré-

ciation raisonnée. Ajoutons cependant que Briquet (p. 427)

considère lui aussi cette observation comme un exemple de

léthargie réelle et non simulée.

Il nous resterait à présenter quelques considérations métlico-

légales sur les attaques de sommeil. C'est un sujet que nous

avons déjà traité dans notre travail sur l'Hypnotisme et les

états analogues au point de vue médico-légal et dans une com-

munication à la Société de médecine légale ' ; nous y renvoyons

donc le lecteur.

Toutefois, il nous sera permis de dire qu'il résulte de di-

verses observations, particulièrement de celle rapportée par

l41abille s, que les malades peuvent être violées pendant l'état

'Le viol dans l'hypnotisme et dans les états analogues; communication

du 2 août 1886.

- Rapport médico-légal sur un cas de viol et d'attentat à la pudeur

commis sur une jeune fille atteinte d'hystcre avec crises de sommeil. (Ait-

nales Medieo ? c/i., Ce série, t. II, janvier 188t, p. 83.)

300 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

de léthargie hystérique. Bien plus, il résulte même d'un fait

très intéressant qui s'est déroulé devant les assises de la Seine

(d7 juin 1886) et dont le rapport médical fut confié à notre

éminent maître, M. le professeur Brouardel', qu'une hysté-

rique à attaques de sommeil put accuser faussement un indi-

vidu de l'avoir violée pendant cet état. Nous l'avons dit, nous

n'insisterons pas davantage sur ces faits particuliers auxquels

nous avons donné ailleurs le développement qu'ils compor-

taient.

Quel traitement doit-on appliquer aux attaques de sommeil ?

« La léthargie, dit Briquet (p. 707), qui était pour les anciens

un sujet d'effroi, doit être abandonnée à elle-même, jamais

une hystérique n'a péri dans un accès de léthargie ; il faut

donc laisser les malades dormir et l'on attendra tranquille-

ment leur réveil ; tout au plus faudrait-il appliquer des topi-

ques chauds ou des révulsifs sur le tronc ou sur les membres

'si la circulation ou la respiration paraissaient se faire trop

faiblement. »

Nous ne serons pas aussi exclusif que Briquet ; l'attaque

de sommeil, pour peu qu'elle se prolonge, est par elle-même

un danger par la dénutrition qu'elle entraine. Or, sachant

que la pression d'une zone hystérogène, par l'attaque convul-

sive qu'elle amène, suffit parfois pour faire cesser le sommeil,

nous nous croirons toujours autorisé à rechercher l'existence

de.ces zones et à nous en servir, une fois constatées, au mieux

des intérêts du malade confié à nos soins.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

I. CONTRIBUTION A l'action DE l'uréthane ; par E. KE-

roepelin. (11'eurol. Cent7,albl., 1886.) CONTRIBUTION A

l'action DE L'URÉTHANECHKZ les aliénés; par R. OTTO et

W. Koenig. (Centralbl. f. Nervenheilk., 1886.) CONTRIBU-

1 Voy. L'hypnotisme et les états analogues..., p. 519-524.

REVUE DE thérapeutique. 301

TION A l'action DE L'URÉTHANE EN INJECTIONS sous-cutanées ;

par H. ROTTENBILLER. (Ceatralbl. f. Ne ? ,venheilk., 1886.)

Contribution A l'action DE l'uréthane EN INJECTIONS sous-

cutanées^ par W. Koenig. (Centralbl. f. Nerveî ? heillc., 1886.)

Une dose moyenne de 2 à 3 grammes détermine en un

quart d'heure un sommeil calme de quatre heures sans incon-

vénient dans la majorité des cas (70 p. 100) à la condition qu'il

ne s'agisse pas d'une agitation trop intense. Ce médicament

serait indiqué dans les agitations modérées de la paralysie

générale, mais son triomphe est la mélancolie anxieuse, chez

les individus du sexe féminin, anémiés, à la période de con-

valescence des affections fébriles dénutritives. Dans ces con-

ditions il agit plus longtemps que la paraldéhyde et n'a

pas les inconvénients de goût, d'odeur, d'élimination de cette

dernière..Tel est l'avis de Kroepelin. Otto en a obtenu

de bons résultats dans les agitations vives des paralytiques

généraux (3 à 8 gr.), chez les épileptiques déprimés et anxieux

(2 à 6 gr.), chez les idiots très agités (0,50 - 3 gr.), dans les cas

d'agitation extrême et d'angoisse prononcée chez les déments

séniles et les fous systématiques (3 à6gr.); Koenig également ;

leur conclusion est que l'uréthane convient surtout dans les agi-

tations modérées (3 à 4 gr.) ; sinon, il vaut mieux s'adresser

à la paraldéhyde. Dans les mêmes conditions, ou à peu près,

Rottenbiller se rattache à l'ingestion gastrique de 2 à 4 grammes

pour avoir un sommeil calme de sept à huit heures ; à doses

plus élevées, l'uréthane ne serait pas bien supportée. Chez cinq

déments, un épileptique, trois paralytiques généraux, une

à trois injections sous-cutanées de 0,25 l'une aurait provoqué

6 à 8 heures de sommeil, sans accident local, ni général. Koenig

préfère l'ingestion gastrique (contrôle sur 10 paralytiques gé-

néraux). P. KERAVAL.

II. Contribution A L'ÉTUDE DE la suggestion A l'état DE VEILLE

au point DE vue thérapeutique ; par le Dl J. Couturier.

(Loire méd., 1886.)

Ce travail contient les observations de plusieurs malades qui

ont été guéris d'accidents divers (névralgies, vomissements, toux

nerveuses, anesthésies, contractures, spasmes de 1'urèthre, trou-

bles psychiques, etc...,) par la suggestion à l'état de veille.

L'auteur croit, avec Grasset, qu'on peut employer sans aucun

inconvénient l'hypnotisme chez les sujets qui s'y montrent ra-

302 revue DE thérapeutique.

pidement et facilement accessibles. Pour le reconnaître, le

Dr Couturier, à l'exemple d'un magnétiseur de passage à Saint-

Etienne, a l'habitude d'appliquer la main sur le dos du patient

en lui disant : « Vous sentez de la chaleur, cette chaleur aug-

mente, etc... « Si le sujet est hypnotisable, il répond affirmative-

ment et se trouve dès lors apte à subir les effets de la suggestion

à l'état de veille. G. D.

III. Contribution A l'action DE la paraldéhyde ; par W. Sommer.

IVeu ? ,ol. Centralbl., 1886.)

Emploi depuis deux ans et demi, chez des aliénés du sexe mas-

culin, de 1100 doses de ce médicament. La paraldéhyde dure

agit toujours à la plus grande satisfaction de chacun; 3 à 5 gr.,

additionnés au besoin de 2 à 4 gr. de bromure de potassium

dans beaucoup d'eau n'ont aucun inconvénient. Il faut se défier

des troubles vaso-moteurs, causés par la paraldéhyde, surtout

quand on 'a affaire à des individus dont les vaisseaux seront

soupçonnés de fragilité, notamment à des alcooliques. L'auteur

cite une observation d'éruption scarlatiniforme due à l'inges-

tion de ce médicament (4 gr. par jourpendant )6 jours). P. K.

IV. CONTRIBUTION au traitement ou A la préservation PROPIIYLAC-

TIQUE DES AUTOMUTILATIONS IMPULSIVES CHEZ LES ALIÉNÉS; par

RABOW. (Centralbl. f. Nervenheik, 4886.)

En immobilisant les deux articulations du coude dans le sein de

l'extension, à l'aide d'un appareil simple ou amovo-inamovible,

ou d'un cylindre de fort carton, on met l'individu à surveiller

dans l'incapacité de se servir de ses bras et par conséquent de se

mutiler. Cela vaut mieux que la camisole. On peut traiter le

somnambulisme nocturne par l'immobilisation des articulations

du genou ; le malade ne pouvant se lever est réveillé et par con-

séquent prévenu de son accès. P. K.

V. Cas DE tétanos traumatique subaigu traité ET guéri par L'EU-

PLOI du bromure DE potassium a hautes doses; par M. F. MONTAGNON.

(Lyon, méd., 1886, t. 52.)

Homme de quarante-huit ans qui, à la suite d'une blessure de

la plante du pied présenta, un tétanos généralisé avec crises de

contractures très douloureuses. Le bromure de potassium fut

administré à la dose de 6 grammes et porté progressivement à à

celle de 20 grammes par jour ; dès le début de ce traitement,

la température se mit à baisser et le malade se rétablit cornplè-

tement. G. D.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 303

VI. L'.ETH0XYCAFÉINE COMME SUCCÉDANÉE DE LA CAFÉINE DANS L'HÉ111-

CRANIE; par \V. Filkhne. (Arcïe. f. Psch., XVII, 1.)

Administration de ce médicament à des malades auxquels

la caféine avait antérieurement rendu de bons services, à titre de

comparaison. Pour obtenir les mêmes effets, il faut donner une

dose plus élevée d'xthoxycaféine que de caféine, sans que sa dose

totale dépasse cependant 0,60 dans la journée. On la donne en

poudre dans du pain azyme. P. K.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ 1111 ? DICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 26 décembre 1887.

Le secrétaire général donne lecture du discours qu'il a pro-

noncé sur la tombe de M. Foville ; il communique ensuite une

note de M. llfahille, sur l'hématome de l'oreille ; pour l'auteur,

l'épanchement se ferait entre la peau et le périchondre.

M. Motet rappelle qu'il a autrefois démontré qu'au contraire,

l'épanchement avait toujours lieu sous le périchondre.

Du délire chronique (suite delà discussion). M. SAuRy expose

que l'évolution spéciale du délire chronique suffit à le distinguer

des autres formes mentales, dont la symptomatologie peut com-

prendre également des conceptions ambitieuses et des idées de

persécutions. Chez les dégénérés surtout, l'état délirant accuse

le plus souvent une irrégularité qui permet, à elle seule, d'éta-

blir le diagnostic différentiel; cependant on a pu s'y tromper. Il

rapporte, à ce propos, une observation concluante : il s'agit d'un

malade âgé de quarante-deux ans, dont la dégénérescence intel-

lectuelle se trouve nettement confirmée, aussi bien par les anté-

cédents que par l'existence de syndromes épisodiques (obses-

sions et impulsions conscientes). Le délire greffé sur ce fonds de

dégénérescence n'est pas moins caractéristique ; polymorphe et

mobile, il constitue un mélange ondoyant et variable dont les

incidents multiples ne se prêtent à aucune disposition régulière.

304 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Des idées de persécution, hypochondriaques, mystiques ou ambi-

tieuses se montrent et disparaissent de la manière la plus im-

prévue. La plupart des arguments que l'on a invoqués contre le

délire chronique reposent sur des observations analogues. Or, ces

exemples, non seulement n'infirment point la doctrine soutenue

par RI. Magnan et ses élèves ; ils servent, au contraire, à la mieux

définir. Ces cas appartiennent à une autre espèce morbide et,

dans sa communication, M. Saury n'a pas manqué de faire res-

sortir les différences radicales qui séparent le délirant chronique

des dégénérés. Malgré certains signes communs, l'on ne saurait

assimiler, sans erreur, deux étals distincts, surtout au point de

vue de la marche, de la durée et de la terminaison.

M. CAMUSE communique plusieurs observations de délire am-

bitieux survenu après une longue période de délire des persécu-

tions, ce qui constitue des cas très nets de délire chronique.

M. DOUTn6BENTE. - Dans l'observation qui vient de nous être

communiquée par M. Saury, il est dit que le malade n'avait pas

d'hallucinations auditives : d'après la doctrine de 111. Magnan, et

de ses élèves, cet individu ne pouvait donc être considéré comme

délirant chronique.

bl. SAunv ne sait pas si son malade aurait pu être confondu

avec un délirant chronique, mais ce qu'il sait, c'est que MM. Da-

gonnet et Ball ont produit des observations absolument sembla-

bles pour démontrer la mégalomanie d'emblée dont nous n'avons

jamais nié l'existence chez les dégénérés. Il ajoute que dans les

derniers temps son sujet avait des hallucinations de l'ouïe.

Ai. Doutrebente ne fait pas d'objection à la doctrine du délire

chronique qu'il accepte très volontiers.

M. Falret demande la continuation de la discussion actuelle,

qu'on pourra facilement faire suivre par la question de la mélan-

colie anxieuse. M. B.

Séance du 30 janvier 1887. Présidence DE MM. MAGNAN et COTARD

Ai. MACNAN, avant de quitter le fauteuil delà présidence, passe en

revue les travaux de la Société pendant le courant de l'année qui

vient de s'écouler et procède ensuite à l'installation du nouveau

président, auquel il souhaite la bienvenue.

M. Corann remercie ses collègues qui l'ont appelé à diriger

leurs travaux. r

Commission des prix. -Après élections, les commissions des prix

sont ainsi composées. Prix Aubanel : MM. Briand, Charpentier,

Falret, Féré etSéglas.Pt-MSUH-o : MM. Baillarger, Blanche,

sociétés savantes. 305

Alitivié, Ritti et Rouillard. Prix Moreau (de Tours) : MM. Bail,

Chaslin, Christian, Dubuissôn et Moreau.

Dédoublement de la personnalité chez une hystérique. M. Madame

donne communication de l'histoire d'une hystérique prise d'accès

de somnambulisme spontané d'assez longue durée pour constituer

une double vie.

Du délire chronique (suite de la discussion). M. J. Séglas,

rappelle que dans les communications antérieures les partisans

du délire chronique font de cette vésanie une espèce nosologique

bien distincte, autant par son évolution que par le terrain sur

lequel elle repose, indemne de toute tare dégénérative. Mais, en

clinique, la distinction ne semble pas être aussi absolue et à ce

propos, M. Séglas rapporte huit observations de délire chronique

diagnostiqué par MAI. Magnan, Garnier, Briand. L'une de ces

malades n'avait pas d'hallucinations, mais de simples interpré-

tations délirantes. Chez toutes, une hérédité aussi chargée que

celles des dégénérés les plus avancés se manifeste par l'alcoolisme,

les paralysies, les altérations du caractère, la déséquilibration et

la débilité mentales, les névroses hystériformes, le bégaiement,

l'aliénation caractérisée, le suicide, les obsessions... Avec de pa-

reils antécédents on ne doit*pas être étonné de rencontrer chez

les malades la preuve de cette hérédité : myerocéphalie, acro-

céphalie, asymétrie cranio-faciale, malformations de la voûte

palatine, déformations auriculaires multiples, le tic facial, le

bégaiement, la menstruation tardive. Ce sont bien des stigmates

physiques et même, si l'on en croit MM. Saury et Legrain, plus

particuliers aux états inférieurs. Du côté psychique on a pu noter

dans les observations le retard de développement dans l'enfance,

la parole tardive, l'instabilité et la faiblesse d'esprit, les altérations

du caractère, des sentiments et même les états émotifs spéciaux

réunis par M. Magnan sous le nom de syndromes épisodiques des

héréditaires.

D'ailleurs, dans les lésions cliniques de M. Magnan et dans les

thèses faites sous son inspiration, on retrouve des faits absolument

semblables. C'est ainsi que M. Gérente, dans sa thèse sur le délire

chronique (1883), reconnaît qu'au début de l'affection il y a un

fonds primitif de débilité dû le plus souvent à quelque dégénéres-

cence héréditaire. 11 ne sépare donc pas les délirants chroniques

des dégénérés et réunit d'ailleurs sous le nom de délire chronique

les faits les plus dissemblables (persécutés ordinaires, persécutés

sans hallucinations, dégénérés de toute espèce, nombre de mélan-

coliques anxieux, hypocondriaques, légateurs, etc...). Cette opi-

nion est aussi celle de AI. Boucher, qui rapporte d'ailleurs (Arch.

de Neurologie, 1884) une observation de délire chronique reconnue

par AI. Magnan, chez un malade ayant eu des convulsions de

Archives, t. XV. 20

306 sociétés savantes.

l'enfance et ayant présenté au début de l'affection mentale des

symptômes analogues à ceux de la folie du doute. Les mêmes

idées se trouvent encore exprimées dans une leçon de M. Magnan,

publiée dans la Revue de Médecine et de Chirurgie 1883 où l'on

voit aussi que le délire chronique peut s'accompagner ou non

d'hallucinations. AI. Déricq (thèse de Paris, 1886) admet, de

son côté, qu'il n'est pas rare de rencontrer chez des débiles le

véritable délire chronique et il en rapporte trois exemples. Cette

coexistence possible du délire chronique avec les états dégénéra-

tifs est encore mise en évidente dans la thèse de àl. Respaut(1883)

qui rapporte deux observations de coexistence du délire chronique

avec des manifestations épileptiques de caractère varié. M. Ma-

gnan, lui-même, dans ses leçons cliniques sur l'épilepsie résu-

mées par M. Briand cite le cas d'un individu qui, sous l'influence

d'une hérédité- complexe, était à la fois épileptique et délirant

chronique. Cela ne laisse pas que d'étonner de rencontrer unies

chez un même sujet ces formes morbides d'ordre si différent, délire

chronique, débilité mentale, épilepsie ; surtout si l'on pense avec

M. Magnan que l'épilepsie est une maladie essentiellement héré-

ditaire, tandis que le délire chronique serait distinct des états de

dégénérescence, à ce que prétendent M. Magnan, dans des

leçons récentes et MAI. Garnier et Briand dans leurs communica-

tions.

Au point de vue de l'évolution, ce qui, pour AI. Séglas, serait

caractéristique dans le délire chronique ce ne serait pas tant la

succession des périodes qu'on peut aussi rencontrer chez les dégé-

nérés (délire chronique galopant de M. Briand) que leur lon-

gueur. M. Séglas rappelle que, dans une de ses observations, le

délire chronique est arrivé en moins d'un an à la troisième pé-

riode. Mais, inversement, il est des délires chez des dégénérés

qui évoluent aussi lentement que le délire chronique (délire à

évolution chronique des dégénérés de AI. Legrain) et qui peuvent

se présenter sous l'aspect d'un délire chronique vrai. Si l'on

admet avec M. Legrain que ce délire chronique vrai peut aussi se

trouver chez les dégénérés, on voit que la question est beaucoup

plus embrouillée qu'on pourrait le croire d'après les communica-

tions des partisans du délire chronique qui ne l'opposent qu'aux

- bouffées délirantes des dégénérés déjà décrites par Morel. D'un

autre côté, au point de vue du pronostic, les délires à évolution

chronique des dégénérés peuvent aboutir à la démence, tout

comme le véritable délire chronique.

En résumé, pour AI. Séglas, les observations qu'il rapporte et

es opinions des auteurs qu'il cite, tous cependant partisans du

délire chronique, sont en opposition formelle avec les théories

émises devant la Société, et, en tout cas, montrent dans le délire

chronique la même confusion que ses partisans reprochent à

SOCIÉTÉS SAVANTES. 307

Lasègne, More), Foville, SchueieKrapfEbing; il n'y a que l'éti-

quette de changée. AIARCEL 13111 ? ND.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN

Séance, du 15 mars 1887'. Présidence DE AI. Loehr.

AI. R1CHTER (de Dalldorff). Démence paralytique ou tumeur céré-

brale ? L'observation concerne un homme de quaranteet un ans,

entré àDalldorf avec le diagnostic de paralytique général. On cons-

tatait en effet de la démence, des paroles sans suite, une immo-

bilité fixe et rigide de la pupille, du tremblement de la parole,

comme s'il allait pleurer; mais l'affaiblissement de l'intelligence

du jugement et de la mémoire présentait des interruptions, des

irrégularités discontinues. Parce point, il ressemblait à un malade

affecté de tumeur cérébrale. Les symptômes contraires à l'idée

d'une paralysie générale étaient le contraste entre cette profonde

démence apparente et le peu d'accidents somatiques (aucune hé-

sitation dans la démarche, aucune alaxie). Le diagnostic de

tumeur avait contre lui : l'absence de vertiges et d'attaques épilep-

tiformes ; il avait, au contraire, pour lui la constatation d'une

névrorétinile de la papille optique (papille étranglée). Au milieu

de janvier 1887, paralysie de la jambe et du bras droits; mort fin

janvier dans le stertor. Autopsie 8 heures et demie après la mort.

Vaisseaux de la base présentant des exsudats circonscrits, pie-mère,

trouble à la base se détache à droite en gros lambeaux faciles à

enlever sans léser la substance corticale. Pie-mère cérébelleuse

trouble ne se détache qu'en petits morceaux. Hémisphère cérébral

gauche, dépourvu de consistance dans les régions inférieures; en

essayant de détacher la pie-mère, on déchire complètement les

lobes frontal et temporal; la substance nerveuse apparaît écrasée,

- jaune, et, par places, blanche; la convexité est également ra-

mollie, presque fluctuante. Somme toute, il n'y a que l'extrémité

des lobes frontal et occipital qui soit demeurée indemne, et ce

ramollissement s'étend à la moitié antérieure du corps calleux.

On peut, de l'hémisphère droit, détacher la pie-mère à la con-

nexité, sans léser la substance corticale; intégrité de cet hémis-

phère ; la substance corticale en estseulement un peu pâle. Lésions

de la dysenterie. Au microscope, on trouve dans le tissu ramolli

' Voy. Archives de Neurol., séance du 25 janvier 1887.

308 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de l'hémisphère gauche des cellules granulo-graisseuses, des

fibres nerveuses fracassées; aucun élément cellulaire ne dénote

l'existence d'un néoplasme. - Conclusion. Ramollissement de cause

inconnue : ni thrombose, ni embolie.

Discussion :

M. Jastrowitz. D'après la description de l'allure psychique du

patient, il me semble y avoir eu de la surdité verbale. L'autopsie

concorde avec cette idée, car la pie-mère présente une altération

au niveau du lobe temporal, et le cerveau est à ce point ramolli

qu'il se déchire quand on enlève la méninge. Chez un très grand

'nombre de paralytiques dont j'ai examiné le fond de l'oeil à

l'oplithalmoscope, je ne me souviens pas d'avoir vu de papille

étranglée ordinaire, nettement marquée. Il y a lieu cependant

de penser dans l'espèce à une embolie, en considérant l'insuffi-

sance valvulaire.

M. R1CHTER. Le patient ne paraissait pas atteint de surdité ver-

bale, car celle-ci est continue, persistante, et ne permet pas de

récupérer, par instants, la perception.

M. Jastrowitz. Dans les cas de tumeurs, on remarque d'ordi-

naire de grandes oscillations dans les symptômes psychiques.

' Aujourd'hui le malade paraîtra d'une lucidité étonnante; demain,

ce sera un vrai dément. Comme les segments antérieurs du lobe

frontal étaient, ainsi que certaines parties du lobe occipital, abso-

lument indemnes, je crois à une embolie ou à une thrombose de

la sylvienne, car les parties intactes ne sont justement pas irri-

guées par cette artère.

M. MUFLLER. Les formes initiales de la paralysie générale ne

sont pas toujours aussi faciles à établir; à propos de plusieurs

d'entre elles, où le diagnostic paraissait fixé, on obtint cependant

une guérison durable. Ceci s'applique en particulier aux paraly-

sies générales syphilitique et alcoolique, et à celles qui succèdent

à un travail psychique, à une tension d'esprit exagérés et passa-

gers. En quelques cas, le résultat favorable se prolongea plus

d'un an, jusqu'à ce que le retour des mêmes causes nocives eut

déterminé une rechute; par suite se posait la question de savoir

si la guérison qui, remarquez-le bien, n'était pas une simple rémis-

sion, ne se serait pas affirmée à jamais dans des conditions favo-

rables. Une expérience de plusieurs années m'a imposé la conviction

que des formes tout à fait initiales peuvent se terminer par la

guérison parfaite. Je reviendrai plus tard sur ce sujet en commu-

niquant à l'appui des observations frappantes.

Ai. RICHTER. Ce n'était pas une embolie, puisqu'on ne trouvait

par tout l'hémisphère, aucun résidu de globules sanguins, alors que

la maladie existait depuis peu de temps relativement. Et pour que

SOCIÉTÉS SAVANTES. 309

l'on ait eu affaire à une embolie sylvienne, il faudrait admettre

encore qu'il y avait eu oblitération simultanée de l'artère cérébrale

postérieure et de l'artère du corps calleux, car le ramollissement

dépassait le milieu du corps calleux et n'avait épargné que la corne

la plus externe des lobes frontal et occipital.

M. KNEcHr. Cas d'aphasie amnésique avec cécité graphique.

Homme de cinquante-quatre ans, dépourvu de toute tare héré-

ditaire, jusque-là bien portant. Le 18 juillet 1884, à la suite de deux,

attaques apoplectiformes, n'ayant pas laissé de paralysie après

elles, agitation, activité improductive, désordre et confusion dans

les idées. Le ? 3 septembre, on constate de l'affaiblissement psychi-

que, sans idées délirantes ni phénomènes paralytiques; tran-

quille pendant deux mois, il vaque aux occupations intérieures de

l'asile et lit volontiers. Dans la nuit du 15 au 16 novembre, attaque

épileptiforme suivie d'aphasie qui, d'abord, consiste uniquement

dans l'impossibilité de fournir des renseignements sur sa person-

nalité ; puis, l'accident augmente à ce point, au cours des quatre

semaines suivantes, qu'il ne trouve plus à sa disposition que quel-

ques monosyllabes, tels que y<t, 7MM : , in mir, hier, itch Gott. Mais

il est capable de répéter les mots que l'on prononce devant lui et

de consigner par écrit les réponses à des phrases proposées; à

côté de cela, il ne peut lire l'écriture, quoique l'on ne puisse cons-

tater de gros troubles de la vue. A partir du jour où survint

l'aphasie, on ne le vit plus de livre en main. L'aphasie dura jusqu'à

la fin de janvier 1885, sans changement, puis l'affaiblissement

psychique s'accrut progressivement. Au début de mars, série de

syncopes avec pertes de connaissance assez prolongées. La pre-

mière est marquée par un chute dans laquelle il se fracture le col

du fémur. Il survient rapidement les accidents gangreneux du

décubitus, des frissons, de la fièvre, mort le 13 avril. Autopsie.

Leptoméningite cérébro-spinale suppurée; pachyméningite hé-

morrhagique au niveau de tout l'hémisphère gauche; atrophie

corticale des deux hémisphères. M. KNECHT insiste sur la différence

qu'il y a entre l'aphasie ataxique, qui résulte de la destruction du

centre de coordination moteur de la parole articulée, et l'aphasie

amnésique dans laquelle le centre acoustique des images phoné-

tiques se trouve détruit. Les lésions portaient dans l'espèce sur

l'hémisphère gauche; c'est la pachyméningite qui doit être tenue

pour la cause des attaques et de j'aphasie. Impossible, comme

en d'autres cas d'ailleurs, d'arriver à une localisation plus précise.

- Voici, comparativement. un cas d'aphasie ataxique chez un gar-

çon de six ans et neuf mois, Pendant plusieurs semaines, abat-

tement ; puis le 9 mai 1885, céphalalgie, vomissements, inappé-

tence, fièvre légère. Le 15 mai, brusquement, paralysie incomplète

du bras droit, aphasie ; le malade ne peut émettre que quelques

monosyllabes, il altère au plus haut point les autres mots, mais

310 SOCIÉTÉS SAVANTES.

comprend tout ce qu'on lui dit et manifeste clairement sa pensée

par une pantomime expressive. Telle demeura la situation

jusqu'au 25 mai ; à cette époque, convulsions cloniques dans le

bras droit et la moitié droite de la face, plusieurs fois par jour,

d'abord sans, puis avec perte de connaissance. Depuis le 5 juin,

sopor à la suite' d'augmentation de la fréquence du pouls et

d'hyperthermie avec rigidité de la nuque; mort le 10 juin. On

ne put pratiquer l'autopsie. Diagnostic probable; tubercule occu-

pant l'extrémité postérieure de la troisième frontale gauche et la

partie limitrophe de la frontale ascendante.

M. H. La : un. Contribution à l'histoire de la psychiatrie dans la

seconde moitié du siècle précédent. En érigeant sur la place de

la Salpêtrière de Paris une statue à Ph. Pinel, la France a ho-

noré la mémoire d'un homme qui, quatre-vingt-sept ans aupara-

vant, s'est rendu immortel dans la médecine mentale. Ce n'est

d'ailleurs pas le premier aliéniste français qui ait reçu les hon-

neurs d'un semblable triomphe. Foderé (1846) et Esquirol (1862)

ont aussi leurs statues. En Allemagne, on a moins de tendance à

payer aini les dettes de gratitude ; toutefois à Dalldorf, près Berlin,

on trouve sur le frontispice de l'asile quatre médaillons qui conser-

vent à la postérité les figures de Langermann, Ideler, Griesinger,

et Pinel. M. Loehr examine les titres de Pinel à la reconnaissance

du monde, en se fondant sur la bibliographie de la psychiatrie

dans la seconde moitié du siècle dernier, bibliographie dont il

prétend se servir pour tracer le développement de l'assistance

des aliénés en tous les pays dans le même laps de temps, par

ordre de date. Il y ajoute des notices biographiques sur les

hommes qui, en divers pays, ont imprimé une puissante impulsion

à la psychopathologie et à l'assistance des aliénés, notamment

sur Greding, Glawnig, Langermann, Reil, Daquin, Ph. Pinel,

W. Tuke, Chiarugi, Benjamin Rush, et résume leurs écrits et leur

oeuvre. Il prétend que la réforme solennelle de Pinel, effectuée

d'un bloc le 24 mai 1798, à la Salpêtrière n'est qu'une légende.

Que Pinel ait patiemment, lentement, progressivement amélioré

le sort des aliénés à Paris, dont les asiles étaient en piteux état, et

qu'il ait paru accomplir dans la capitale delà France une réforme

unique et merveilleuse pour qui ignorait les travaux des autres

nations, voilà, dit M. Loehr, l'exactitude. Il cite à l'appui Tenon

(1786), l'état encore piteux des services de Pinel, en 1808 (rap-

port de Schweigger; rapport d'Esquirol en 1818). C'est en réalité,

selon lui, la loi du 30 juin 1838 qui réalisa la révolution en ques-

tion. En travaillant et luttant pour obtenir peu à peu l'améliora-

tion rêvée, Pinel s'est élevé au rang des aliénistes les plus mar-

quants, il a conquis la reconnaissance publique de tous les pays,

maisil n'est pas leseul. Et du reste, dans les divers Etats, indépen-

damment les uns des autres, ont simultanément commencé les

SÉNAT. 314

réformes de la psychiatrie parce que la médecine interne, tronc

commun de toutes les connaissances pathologiques, avait, par son

développement, préparé l'avènement de la branche qui nous oc-

cupe et qui désormais pouvait conquérir son autonomie parmi des

nations suffisamment cultivées pour en concevoir l'application

pratique. Dès lors philanthropes et médecins purent, en se débar-

rassant des errements du vieux monde, dépenser des trésors

d'enthousiasme, de vigueur et de persévérance au profit des

réformes et ouvrir des voies nouvelles.

(Ally. Zeitschr. f. Psyclc., XL.IV, 3.) - P. 6enavaL.

SENAT

DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS

Suite de la séance du jeudi 2 décembre 1886 '.

M. le Président. La parole est IL M. deGavardie.

111 : de Gavardie. Messieurs, je suis véritablement effrayé de la

lumière que l'on veut faire sur ces malheureux aliénés dans tous

les points de la France. On convoque des quatre coins du pays

une foule de fonctionnaires; on leur livre le secret des familles...

A gauche. Allons donc !

AI. DE Gavardie. Allons donc ? ... Ecoutez ceci : « Ce comité est

chargé de coordonner tous les documents... »

M. le Rapporteur. Cela n'y est plus.

M. LE Président. La rédaction a été modifiée, monsieur de

Gavardie.

M. de Gavardie. D'abord, on ne nous a pas communiqué celte

nouvelle. rédaction, et, par conséquent, nous n'avons pas pu l'étu-

dier.

LE Rapporteur. M. le président vient d'en donner lecture.

M. DE Gavardie. Vous croyez qu'on entend toujours ? (Rires.) Je

1 Voy. Arch. de Neurologie, t. XII, p. 135, 258, 439; t. XIV, p. 135, 307,

î2l; t. XV, p. 138.

312 SÉNAT.

suis allé vous consulter à votre banc, monsieur le rapporteur, et

je vous ai dit : « Y aura-t-il un répertoire général des aliénés ? »

Lit. LE Rapporteur. Oui !

M. DE Gavardie. Oui ! Et vous permettez cela ?

M. TESTELirr. On ne le publiera pas au Journal officiel ! /

M. DE Gavardie. Il ne manquerait plus que de le mettre dans le

Journal officiel ! J'espère bien que cela n'y sera pas ! Est-ce qu'il y

a aujourd'hui un répertoire des aliénés ? Est-ce qu'il y a trace

aujourd'hui de ce secret des familles que vous livrez aux quatre

vents du ciel ? Ah ! vous voulez que je compte et nous allons

nous expliquer là-dessus sur le secret, lorsque tous les jours

les fonctionnaires les plus élevés livrent à la publicité les secrets

des familles ? Je ne veux pas entrer dans des détails, mais vous

devez comprendre à demi mot, sans que je sois obligé de citer des

faits, le danger qu'il y a à créer cette complication de commis-

sions qui s'étalent sur des commissions ! Autrefois, il y avait un

certain nombre de fonctionnaires qui veillaient suffisamment, qui

assuraient tout : et l'intérêt des malades, et l'intérêt des familles,

et l'intérêt des biens. Tout cela était sauvegardé sans cette com-

plication oui, je me sers du mot cette fois avec intention cette

complication chinoise, barbare, cruelle !

Plusieurs sénateurs à gauche. Calmez-vous ! (Rires.)

M. de GAVARDIE. Calmez-vous ? Ohl je suis bien calme ! C'est

toujours la même observation. Je voudrais que vous fussiez aussi

calmes que moi. C'est précisément parce que vous ne l'êtes pas,

parce que vous sentez les atteintes de la vérité, parce que vous

vous redressez souvent sous la parole vengeresse signalant les

torts et les violations continuelles de la loi dans notre pays, que

vous dites que je ne suis pas calme. C'est vous qui ne l'êtes pas, au

fond de votre conscience ! (Exclamations à gauche.)

Eh bien ! je dis que vous créez là un arsenal dangereux, que le

ministre de l'intérieur, non seulement par des raisons d'adminis-

tration supérieure, ne doit pas souffrir le contrôle même consul-

tatif d'une commission, mais, par des raisons de haute moralité

sociale, ne doit pas permettre que ce grand conseil s'introduise

au ministère de l'intérieur et puisse, à un moment donné, je le

répète, livrer à la publicité le secret des familles.

M. le Président. Personne ne demande plus la parole ? ...

Hui. LE Rapporteur. Je demande à répondre à M. de Gavardie.

1li. LE Président. La parole est à 111. le Rapporteur.

Lut. le Rapporteur. Messieurs, je demande à dire un mot au

sujet de ce répertoire sur lequel M. de Gavardie vient de

prononcer des paroles qui pourraient semer des alarmes qui

seraient très naturelles si ce répertoire des aliénés était ce qu'il

SÉNAT. 313

vient de dire. Le répertoire das aliénés n'est pas une innovation.

C'est bien, en effet, une sorte de casier judiciaire, mais un casier

judiciaire particulier, qui, dans tous les Etats où il existe, rend à

la justice les plus grands services et n'occasionne aucun des incon-

vénients que l'honorable ni. de Gavardie vient d'indiquer à cette

tribune...

AI. de Gavardie. Vous êtes un peu naïf !

M. LE Rapporteur. Nous avons vu le fonctionnement de ce réper-

toire des aliénés en Angleterre, où il rend à la justice les services

dont je parlais tout à l'heure. L'aliénation mentale- est une mala-

die très sujette aux rechutes et qui se trouve souvent intimement

liée avec des crimes. Il arrive très fréquemment, quand on doute

de la nature de l'état mental d'un prévenu, qu'on cherche à con-

naître ses antécédents...

111. DE GAVARDIE. Ses états de service intellectuels !

M. le Président. N'interrompez donc pas, monsieur de Gavar-

die ; vous parlez assez souvent.

AI. LE Rapporteur Oui, monsieur de Gavardie, ses états de

service au point de vue mental. La magistrature est parfois à ce

sujet dans un grand embarras et, en France, ce sont les magis-

trats, ceux notamment du parquet de la Seine et d'autres grandes

villes qui ont plusieurs fois réclamé ce rouage qui existe en

Angleterre.

Je dois dire que ce répertoire est secret et que les fiches sont

détruites. Comme on suit les aliénés qui forment une partie delà

population placée sous l'oeil de la police, il se fait un travail sur

les fiches tous les ans pour leur destruction, et ainsi les familles

ne sont pas à jamais marquées sur ces papiers qui pourraient, si

on les conservait, devenir des moyens de porter atteinte aux

familles.

Voici, messieurs, ce qui a été dit en peu de mots sur ce casier

dans le rapport. Malheureusement, on l'a dit avec raison, le rap-

port est très volumineux ; c'est un inconvénient qui fait que beau-

coup deses parties ne sont pas connues : « On ne conteste pas,dit

le rapport, la grande utilité en raison de l'extrême fréquence des

rechutes de la folie et en particulier des formes de folie les plus

dangereuses d'une mesure qui serait pour les aliénés ce que le

casier judiciaire est pour les condamnés en justice. La seule diffé-

rence consiste en ce que le répertoire des aliénés devra être un

casier secret, tenu à la disposition de la justice et de l'adminis-

tration seules, » l'administration l'a sous la main, mais ne l'em-

ploie qu'avec une réserve extrême. « C'est un complément

nécessaire des dispositions nouvelles concernant les aliénés dits

criminels. » « Si le travail qu'exige l'exécution de cette me-

sure, etc. » C'est, on peut le dire, un travail facile et très simple

314 SÉNAT.

qui sera fait par le médecin inspecteur et transmis à Paris. Comme

cela se fait à Londres, un seul fonctionnaire peut l'avoir entre les

mains, et il est consulté ensuite par la justice, quand il y a lieu.

AI. le Président. Mais, monsieur le Rapporteur, je crois que vous

êtes dans l'erreur ! Je vois que dans le paragraphe dernier on a

supprimé ces mots : «... d'examiner les rapports des commissions

permanentes des départements; de constituer, à l'aide de ces do-

cuments, un répertoire général des aliénés... »

111. LE Rapporteur. Je ne suis monté à la tribune qu'à cause des

alarmes que pourraient concevoir les personnes qui n'auraient pas

examiné cette partie de la loi. Dans le texte que le Sénat va voter,

il ne s'agit pas de répertoire des aliénés. Les explications que

M. le ministre a bien voulu donner sur la commission qui sera

chargée de faire, avec les documents du ministère, le répertoire

font que votre commission du Sénat a consenti à supprimer le

paragraphe. Je n'ai parlé de ce point, je le répète, qu'à cause des

impressions qui auraient dû en résulter.

AI. DE Givardie. Cette commission aura-t-elle communication

des dossiers ?

AI. DE Rapporteur. Le comité supérieur pourra en avoir com-

munication.

M. LE Président. Monsieur de Gavardie, vous demandez la sup-

pression de l'article ?

M. de Gavardie. Oui, monsieur le président, de l'article tout

entier.

M. le Président. Personne ne demande plus la parole sur l'ar-

ticle 15... ? Je le mets aux voix. (L'article 15 est adopté.)

111. LE Président. Nous devons revenir au paragraphe 5 de l'ar-

ticle 4 et au paragraphe 3 de l'article 6, qui avaient été réservés

jusqu'au vote sur l'article 15. Monsieur le Rapporteur, voulez-vous

donner au Sénat quelques explications ?

111. LE Rapporteur. Messieurs, c'est à l'occasion de la partie de

l'amendement de AI. Combes, qui était relatif au concours, que

nous avons dit que cette question serait réservée. Elle nous rame-

nait à l'article 6 ; mais la rédaction de cet article...

AI. DELSOL. Le conseil supérieur était visé à l'article 4 ; ce con-

seil est voté ; par conséquent, il y a lieu de maintenir le para-

graphe réservé de l'article 4.

- AI. LE Président. Le paragraphe 5 de l'article 4 a été réservé

jusqu'après le vote de l'article 15.

AI. DELSOL. Je fais observer, monsieur le président, que le para-

graphe en question visait l'avis du conseil supérieur des aliénés.

Or, ce conseil supérieur étant voté maintenant par le Sénat, il y

a lieu de maintenir ce paragraphe tel qu'il est rédigé.

sénat. 315'

NI. LE Président. Je vais alors donner lecture du paragraphe 5,

qui avait été réservé jusqu'après le vote de l'article 15. Il

est conçu en ces termes : « Toutefois, le ministre peut, après

avoir pris l'avis du conseil supérieur des aliénés institué en vertu

de l'article 15 ci-après, ordonner la disjonction des fonctions de

médecin en chef et de directeur d'un asile public, ainsi que celles

de médecin en chef et de préposé responsable d'un quartier

d'hospice. » Je le mets aux voix. (Le paragraphe est adopté.) '

111. le Président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

M. le Président/Nous arrivons à l'article 6, dont le paragraphe 3

a été réservé.

M. LE Rapporteur. Le paragraphe réservé est celui-ci : « Les

médecins en chef sont nommés sur une liste de présentation

dressée par le comité supérieur des aliénés. Les candidats inscrits

sur cette liste sont pris, pour les trois quarts, soit parmi les mé-

decins secrétaires des commissions permanentes instituées en

vertu de l'article 11 ci-après, soit parmi les médecins adjoints. »

Le changement obligé est celui-ci ; au lieu « des médecins

secrétaires des commissions permanentes, il faut mettre : les mé-

decins inspecteurs des aliénés ». Nous avons à donner ensuite

satisfaction à l'honorable M. Combes, pour le paragraphe de son

amendement, accepté par le Gouvernement et par la commission,

et relatif au concours pour les fonctions de médecin inspecteur

des aliénés. Cette satisfaction était pleinement donnée dans le

texte de l'article 11 de la commission, où se trouve un paragraphe

relatif au concours et ainsi conçu :

« Un docteur en médecine, nommé par le ministre de l'intérieur

sur une liste de présentation dressée par le comité supérieur des

aliénés et comprenant des candidats pris, pour les trois quarts,

parmi ceux qui ont subi le concours public mentionné à l'article 6

ci-dessus. Ce paragraphe, ou du moins une disposition relative

au concours, aurait dû être reproduite dans l'amendement de

Ai. Bardoux, pour que cet amendement contienne toutes les par-

ties de notre article 11 dont le maintien a été décidé d'accord

avec le Gouvernement. Il y a là une omission à réparer. Elle au-

rait dû l'être dans l'article de AI. Bardoux, que le Sénat a déjà

voté à l'article 11 ; mais, comme l'autre partie de l'amendement,

c'est-à-dire l'article 12, à été réservé, le complément dont il s'agit

n'est lui-même qu'un complément de l'article 11.

Je pense que M. Bardoux s'associera à la pensée que j'exprime

ici au nom de la commission, et que M. Combes, ainsi que les

auteurs de l'amendement, y trouveront satisfaction. Nous ne pou-

vons, en effet, ni revenir sur le vote de l'article 11, ni chercher

à en modifier la rédaction à la tribune. (Très bien ! )

316 SÉNAT.

M. le Président. Ainsi, d'une part, vous modifiez le paragraphe

3 pour le rendre conforme aux dispositions qui viennent d'être

votées, et vous demandez la suppression'des secrétaires des com-

missions permanentes, puisqu'il n'y a plus de commissions perma-

nentes. Mais il me semble que vous devez aussi demander la sup-

pression des mots « et des médecins adjoints », puisqu'il n'y en a

plus ?

Au banc de la commission. Mais si.

Bu. RIG.4L, membre de la commission. Les médecins adjoints

existent toujours.

M. LE Rapporteur. Oui, ils existent toujours. Il n'y a donc ab-

solument qu'à remplacer ces mots : « les médecins secrétaires des

commissions permanentes », par ces mots : « les médecins ins-

pecteurs d'aliénés D.

M. le Président. Voici, messieurs, la nouvelle rédaction propo-

sée parla commission. « Les médecins en chef nommés sur une

liste de présentation dressée par le comité supérieur des aliénés.

Les candidats inscrits sur cette liste sont pris, pour les trois quarts,

parmi les médecins inspecteurs institués en vertu de l'article 11

ci-après ou parmi les médecins adjoints. » Je consulte le Sénat sur

ce troisième paragraphe. (Ce paragraphe, mis aux voix, est

adopté.)

M. le Président. Quant au changement que le premier para-

graphe doit subir, il est réservé sur un autre article. Nous

arrivons à l'article 16 : « Art. 16. Les chefs responsables des

établissements publics et privés consacrés aux aliénés ne peuvent

recevoir une personne présentée comme atteinte d'aliénation men-

tale, s'il ne leur est remis : .

« 1° Une demande d'administration contenant le nom, profes-

sion, age et domicile, tant de la personne qui la forme que de

celle dont le placement est réclamé, et l'indication du degré de

parenté ou, à défaut, de la nature des relations qui existent entre

elles

« La demande est écrite et signée par celui qui la forme; elle

est visée par le juge de paix, le maire ou le commissaire de police.

En cas d'urgence, le visa n'est exigible que dans les quarante-huit

heures de l'admission. Si l'auteur de la demande ne sait pas

écrire, celle-ci est reçue par le fonctionnaire dont le visa est ré-

clamé, qui en donne acte.

« Si la demande est formée par le tuteur d'un interdit, il doit

fournir à l'appui, dans un délai de quinze jours, un extrait du

jugement d'interdiction et un extrait de la délibération du conseil

de famille pris en vertu de l'article 510 du Code civil ;

« 2° Un rapport au procureur de la République sur l'état mental

de la personne à placer, signé d'un docteur en médecine. Ce rap-

sénat. 317 't

port doit être circonstancié ; il doit indiquer notamment : la date

de la dernière visite faite au malade par le signataire, sans que

cette date puisse remonter à plus de huit jours; les symptômes

observés et les preuves de folie constatées personnellement par le

signataire; les phases de la maladies ainsi que les motifs d'où

résulte la nécessité de faire traiter le malade dans un établisse-

ment d'aliénés et de l'y tenir enfermé.

« Ce rapport ne peut être admis s'il a été dressé plus de huit

jours avant la remise au chef responsable de l'établissement ; s'il

est l'oeuvre d'un médecin attaché à l'établissement à un titre quel-

conque, ou si l'auteur est parent ou allié au second degré inclu-

sivement du chef responsable, pu du propriétaire de l'établisse-

ment, ou des médecins qui y sont attachés, ou de la personne qui

fait effectuer le placement, ou delà personne à placer.

« En cas d'urgence, l'admission peut avoir lieu sur la présen-

tation d'un rapport médical sommaire ; mais le médecin certifi-

cateur doit, dans le délai de deux jours, produire un rapport

détaillé, conformément aux dispositions ci-dessus, sous l'une des

peines portées à l'article 67 ci-dessus.

« 3° L'acte de naissance ou de mariage de la personne à placer

ou toute autre pièce propre à établir l'identité de cette personne.

Les pièces qui ne rempliraient pas les conditions ci-dessus pres-

crites doivent être rectifiées ou complétées dans un délai de

quinze jours, sur la demande du directeur de l'établissement ou

sur celle de la commission permanente. » Quelqu'un demande-t-il

la parole sur l'article 16 ?

M. de Gavardie, de sa place. Il me semble, monsieur le prési-

dent...

Lui. LE Président. Montez à la tribune, je vous prie ; vous avez la

parole.

M. de Gavardie, à la tribime. Il me semble impossible de sta-

tuer sur l'ensemble de cet article-là, tant que le Sénat n'aura pas

voté l'article 8 qui est réservé. Si vous n'admettiez pas cette assi-

milation dans les termes où la commission la pose ; si vous n'ad-

mettiez pas, dis-je, cette assimilation, si dangereuse à mon sens,

il y a une foule de formalités qui ne trouveraient pas leur appli-

cation. Il faut donc absolument réserver cet article.

Lui. le Président. L'observation de M. de Gavardie a quelque

chose de fondé. Nous avons, effectivement, réservé le paragraphe 3

de l'article 8 ; ce paragraphe est conçu en ces termes : « Le pro-

cureur de-la République, après avoir transmis ces pièces au secré-

tariat de la commission permanente des aliénés et pris l'avis de

cette commission, peut, tant qu'il n'aura pas jugé nécessaire de

recourir aux moyens de surveillance établis par la présente loi,

décider que le tuteur, conjoint ou parent qui fait traiter un aliéné

318 SÉNAT.

dans les conditions ci-dessus indiquées est tenu seulement d'en-

voyer un nouveau rapport médical à des intervalles déterminés

et qui ne pourront pas excéder trois mois.

Un sénateur à gauche. Pourquoi ne le discute-t-on pas ?

Ru. LE Président. Nous pourrions le discuter.

11L. Tenaille-Saligny. On peut le discuter immédiatement.

M. le Président. Il n'avait été réservé qu'en raison de l'institu-

tion du médecin inspecteur. Nous avons voté cette institution.

Donc, si personne ne demande la parole, je vais mettre aux voix

ce paragraphe et nous en aurions ainsi fini avec l'article 8, sauf à

donner la parole sur l'ensemble.

M. de Gavardie. J'avais réservé mon droit. '

M. le Président. Soyez tranquille, vous n'avez pas besoin de le

réserver, je vous l'accorde.

Ai. de Gavardie. Je vous remercie, monsieur le président.

M. LE Président. Je consulte le Sénat sur l'ensemble. Ce para-

graphe 3 est une disposition qui est la conséquence de ce que

nous avons voté tout à l'heure.

1VL, de Gavardie. Je demande la parole.

1VI. LE Président. Vous avez la parole.

M. de GAVARDIE. Je vous en supplie, messieurs, que votre

patience ne se lasse pas. Vous avez le temps...

Un sénateur à gauche. Ce n'est pas une raison pour le perdre !

111. de Gavardie. Plus j'examine cette loi, plus je l'étudié, plus

je la trouve détestable et impraticable. Vous voulez assimiler les

maisons particulières, quelque sacrées qu'elles soient, aux asiles

publics et aux asiles privés ! Mais, messieurs, il faut être, per-

mettez-moi de le dire, complètement étranger à la pratique de la

vie, aux notions même les plus élémentaires de la médecine

légale, pour adopter un pareil article. S'il y a un traitement par

excellence de l'aliénation mentale, c'est je vais vous citer des

faits - le traitement de la famille.

Plusieurs sénateurs à gauche. C'est tout le contraire.

M. DE GAVARDIE. C'est une erreur ! C'est ce que nous allons dis-

cuter. Remarquez que, quand je parle du traitement de la

famille, je ne parle pas seulement du traitement matériel dans

l'intérieur de la famille; je parle du traitement qui se fait, sous

la surveillance morale, affectueuse, dévouée de la famille, parles

soins d'un médecin investi de la confiance de la famille. Voilà le

traitement par excellence. Et quand on nous dit que ce n'est pas

dans les asiles publics que les abus se sont produits, que c'est

dans les asiles privés et dans les maisons particulières, je déclare,

moi qui, en définitive, ai quelque expérience de ces matières...

sénat. 319

.(Exclamations et rires à gauche) je vais vous le prouver tout à

l'heure je déclare que les abus dont on parle se sont passés

dans les asiles publics.

Je voudrais savoir, par exemple, si jamais dans un asile privé,

et surtout dans une maison particulière, on a laissé brûler vifs,

dans des baignoires, des aliénés ? C'est dans les asiles publics que

nous avons vu de malheureux aliénés brûlés vifs. Voilà ce qui se

passe dans les asiles publics, pour ne citer qu'un fait.

Certes, je ne veux pas incriminer pour cela la direction des

asiles publics; il y a d'excellents directeurs ; tout ce que je veux

dire, c'est qu'il n'y a pas de garantie meilleure, au point de vue

des maladies mentales, dans les asiles publics que dans les asiles

privés etsurtout dans la famille. J'ai souvent eu l'occasion de dire

qu'on écrivait singulièrement l'histoire dans notre pays. Mais,

messieurs, dans ce moyen âge tant calomnié, où M. le rapporteur

vous disait qu'on ne faisait qu'enchaîner les aliénés comme des

criminels, savez-vous ce qui se passait ? Je prends, par exemple,

l'Espagne au treizième siècle, au quatorzième siècle et au'quin-

zième siècle. On y traitait les aliénés à la campagne, on leur

imposait le travail, restaurateur de l'intelligence au suprême

degré...

M. LE Rapporteur. Je les y ai vus enchaînés, dans des cabanons,

en 1848.

M. DE Gavardie. Je croyais que vous les aviez vus enchaînés au

treizième siècle. (On rit.)

M. le Rapporteur. Je parle de 1848; c'est encore plus fort.

Hui. LE Président. Permettez-moi, monsieur de Gavardie, de

vous faire une simple observation. Pour le moment, vous ne de-

vriez discuter que le paragraphe 3 de l'article ; mais, comme je

sais que vous deviez parler sur l'ensemble, il est bien entendu

qu'en ce moment vous voulez faire d'une pierre deux coups : vous

parlez et sur le paragraphe 3 et sur l'ensemble de l'article.

AI. de Gavardie. Parfaitement, monsieur le président; je parle

contre l'article tout entier, parce que cet article tout entier est

détestable.

M. LE RAPPORTEUR. C'est la loi de 1838, article 8.

M. le Président. N'interrompez pas, monsieur le Rapporteur.

M. DE GAVARDIE. La loi de 1838, dites-vous ? Comment ! Il y a

dans la loi de 1838... mais c'est à vous faire bondir.au-des-

sus de la tribune (Hilarité) il y a, dans la loi de 1838, cette

assimilation de la maison particulière à l'asile public ? Alais où

avez-vous vu cela ? D'ailleurs, vous avez déclaré vous-même que

c'était une innovation, et Au. le ministre de l'intérieur àf. le

commissaire du Gouvernement est là pour attester la même

320 SÉNAT.

chose AI. le ministre de l'intérieur a dit que c'était la princi-

pale innovation de la loi. Eh bien, je dis, moi, que cette innova-

tion est dangereuse au suprême degré.

Dans l'article de li. du Bled, que je citais l'autre jour, il y a

cette circonstance bien remarquable dont ont parlé les historiens

du temps : lorsqu'on voulait imposer le travail manuel à ce qu'on

appelait alors les nobles, on rencontrait de leur part une résis-

tance provenant, vous le savez, de certains préjugés qui n'exis-

taient pasau point qu'on a dit (Exclamations ironiques à gauche),

mais qui existaient un peu, surtout en Espagne; et les historiens

remarquent que c'était précisément la catégorie qui guérissait le

moins, tandis que les indigents qui acceptaient ce travail répara-

teur étaient précisément ceux qui guérissaient le mieux et le

plus vite. Or, dans vos asiles publics, vous ne pouvez pas avoir le

travail agricole ou, du moins, vous ne pouvez l'avoir qu'au prix

de dépenses infinies.

M. S6DLINE. C'est une erreur absolue.

M. Testelin. Attendez, je ne suis pas au bout. On me dit : C'est

une erreur. Je ne dis pas que dans tous les asiles publics il n'y ait

un certain travail...

Un sénateur à gauche. Travail agricole ! 1

AI. de Gavardie... Oui, on cultive des fleurs...

Ai. LE Rapporteur. Le travail est un des plus grands moyens de

traitement.

AI. de Gavardie. On cultive des fleurs... le terrain manque.

M. Bozérian. Pas partout.

Ai. de Gavardie. Voici, d'ailleurs, ma principale raison. Dans les

asiles publics, le traitement religieux sera de plus en plus exclu.

Je sais bien que les petits journaux disent : « Ah 1 AI. de Gavar-

die a parlé du traitement religieux. Qu'il en use ! 1 Il y a même

de grands journaux qui se permettent ces plaisanteries indécentes.

(Exclamations et lires.)

Ils ne connaissent pas le premier mot de ces choses-là. Tenez,

un jour, dans une garnison d'Afrique, il y avait une épidémie de

démence parmi les soldats. Cela arrive quelquefois dans les

casernes, les militaires savent cela. Déjà, cette terrible con-

tagion du suicide faisait des ravages. Les médecins, malgré tout

leur dévouement et toute leur habileté, étaient dans l'impuis-

sance.

Le général Lamoricière inspecte cette caserne. Il avait non

seulement des éclairs d'esprit militaire, mais aussi souvent des

éclairs d'intelligence... (Hilarité prolongée à gauche) vous ne

laissez pas achexer ma phrase, je voulais dire des éclairs d'in-

telligence pratique...

sénat. 321

M. Paris. Des intervalles lucides.

11. DE GAVARDIE... plus pratique que celle des médecins. Voilà

ce que je voulais dire, mais vous ne m'en avez pas donné le

temps. Eh bien, le général Lamoricière a une inspiration. Il écrit

à Alger : Envoyez-moi des soeurs de charité. Les soeurs de charité

arrivent, colombes blanches... (Nouveaux rires à gauche.) Muon

Dieu ! vous ne comprenez même pas cette allusion aux livres

bibliques que vous ne lisez pas colombes blanches portant le

rameau d'espérance et de salut. Cela n'est pas risible, et vous

allez le voir. A peine les soldats il y a peut-être ici certains de

mes amis de la droite qui ont entendu le général Lamoricière

raconter cette histoire avec sa verve étincelante à peine ces

pauvres soldats avaient-ils vu les cornettes blanches, qu'ils

étaient guéris. (Exclamations et rires sur les mêmes bancs.) Là où

la science de vos médecins aliénistes est impuissante, la religion

seule avait fait ce miracle.

Bu. le baron Le GuAY. C'est pour cela qu'on chasse les soeurs

des hôpitaux ! 1

NI. DE GAVARDIE. Oui, c'est précisément pour cela qu'on les

chasse des hôpitaux.

Si je pouvais parler du conseil municipal de Paris... (Hilarité.)

Messieurs, je vous en supplie, n'entrez pas dans ces innovations

téméraires. Le traitement dans la famille ou sous l'influence de

la famille n'est-il pas supérieur à tout autre ? Est-ce que, dans

beaucoup de cas, ce ne sont pas des organisations blessées dans

leur sensibilité même et qui auraient besoin du visage doux et

charmant des femmes ? Les malheureux aliénés rencontreront les

figures bestiales des gardiens !

Et puis, vous ne savez donc pas que, lorsqu'on met les aliénés

en contact les uns avec les autres, il se produit une espèce de con-

tagion, et que l'aliéné devient de plus en plus aliéné ; tandis qu'en

les isolant dans la famille, sous la protection des soins vigilants

d'un médecin qui a sa confiance, tout est concilie, et l'intérêt de

l'ordre public, et le secret des familles, et l'intérêt des malades ?

Tenez, je parlais tout à l'heure d'un général. Il me vient à l'es-

prit une comparaison saisissante tirée de l'art militaire. On parle

aujourd'hui, vous le savez, de ce qu'on appelle l'ordre dispersé,

qu'a rendu nécessaire dans les armées le tir plus juste et plus

prolongé de l'artillerie. Eh bien, dans les asiles d'aliénés, il y a

des troupeaux, des armées d'aliénés qui ne peuvent pas avoir

l'ordre dispersé; l'aliénation sévit sur eux comme l'artillerie sévis-

sait autrefois sur les rangs compacts. Voilà, messieurs, la vérité

pour ceux qui connaissent un peu la question.

Ai. TESTELIN. 11 y en a si peu qui la connaissent.

M. DE Gavardie. Mais oui, il y en a très peu ; il n'est pas néces-

Archives, t. XV. 21

322 1) BIBLIOGRAPHIE.

saire d'avoir étudié dans les livres les livres n'apprennent

absolument rien.

Un sénateur à gauche. Au contraire ! 1

M. DE Gavardie. Vous trouverez dans les livres quel est le carac-

tère général des maladies mentales; le caractère, on ne peut pas

le définir; il est protéiforme le mot est bien fait, et les méde-

cins n'en ont pas toujours d'aussi bons que celui-là. Et puis, il y

a tant de catégories de maladies mentales : il y a le délire de la

persécution, le délire des grandeurs, etc... Mon Dieu ! on n'a pas

besoin de lire les livres de médecine. Tous les ministres, excepté

ceux qui, comme hl. le ministre de l'intérieur, ont voulu donner

leur démission, ont le délire des grandeurs. Eh bien, messieurs,

tout cela n'est pas sérieux...

Voix nombreuses. Oh ! non.

M. de Gavardie. Les médecins aliénistes qui vont dans les asiles

publics voient leur science absolument impuissante. Ce n'est pas

dans les asiles publics qu'ont lieu, toute proportion gardée, les

cas de guérison les plus nombreux; c'est dans les asiles privés, et

surtout dans l'asile de la famille. Je vous demande donc de voter

contre l'article'tout entier.

M. LE PRÉSIDENT. Je mets aux voix le 3° paragraphe.

(Le 3° paragraphe est adopté.)

M. LE Président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 8.

(L'article 8 est adopté.) (A suivre.)

BIBLIOGRAPHIE

1. Etude médico-légale sur l'alcoolisme; par V. VÉTAULT.

Thèse. Paris, 1887.

Le but de cette thèse très remarquable est d'examiner au

point de vue criminel les conditions de la responsabilité chez

les alcoolisés. Quoique l'abus des boissons fermentées remonte

très loin dans l'histoire des peuples, en raison des progrès

véritablement effrayants de l'alcoolisme et de l'introduction

chaque jour nouvelle d'alcools toxiques dans la consomma-

tion, c'est là une question encore d'actualité. Les travaux

publiés tout récemment sur ce sujet à divers autres points de

vue en font foi.

, bibliographie. 323

Les rapports qu'affecte la criminalité avec l'alcoolisme ne

sont plus à démontrer, mais les conséquences qu'entraînent

au point de vue médico-légal les actes de violence commis

dans ces conditions sont d'une appréciation très délicate, et

qu'on ne saurait assez préciser en raison de leur intérêt de

premier ordre. Aussi convient-il de féliciter M. Vétault de n'a-

voir pas hésité à aborder cette tâche, en cherchant à éclairer

la voie du médecin légiste dans ces cas malaisés.

C'est sur un nombre assez considérable d'observations choi-

sies et groupées avec ordre que l'auteur s'appuie pour formu-

ler ses conclusions.- On ne peut, il est vrai, poser en la

matière aucune règle fixe et absolue; mais, en tenant compte

des restrictions quo comportent les faits particuliers, on peut

néanmoins établir les données suivantes : la responsabilité

est nulle toutes les fois que le crime appartient à la période

délirante aiguë ou subaiguë d'un accès d'alcoolisme. La res-

ponsabilité est nulle encore lorsque le crime a été commis par

un homme atteint d'alcoolisme chronique, chez lequel des

lésions cérébrales définitives ont compromis l'intégrité de

l'organe, et déterminé le trouble de la fonction. La responsa-

bilité peut être atténuée chez les individus faibles d'intelli-

gence chez lesquels la tolérance pour les boissons alcooliques

est diminuée par les conditions d'infériorité de leur organisa-

tion cérébrale. Elle ne saurait disparaître tout entière, surtout

lorsque ces individus savent qu'ils ne peuvent pas boire sans

danger pour eux-mêmes. Et ce cas se rencontre plus souvent

qu'on ne pense. La responsabilité peut être atténuée encore

lorsqu'il est démontré que l'individu a été involontairement

surpris par l'ivresse. Elle existe au contraire tout entière :

dans les cas d'ivresse simple qu'il était au pouvoir du délin-

quant d'éviter; lorsque l'excitation alcoolique a été recherchée

pour se donner l'entrainement à commettre un crime ou un

délit. Paul BLOCQ.

II. Rapport sur le service médical du quartier d'aliénés, de l'hospice

général de Nantes, 1886; par le D BI.UTE.

111. le Dr Bianle discute dans ce rapport la question de l'admis-

sion des enfants, des épileptiques et des vieillards dans les asiles

d'aliénés. Il pense que les enfants âgés de moins de quinze ans, imbé-

ciles ou idiots, mais non aliénés, avec ou sans épilepsie, devraient

être gardés dans les hospices. Dans les asiles de province, il n'existe

pas de quartier spécial pour eux. Ils ne peuvent y être que gardés

324 bibliographie.

et non éduqués. Ils seraient beaucoup mieux dans les hospices où

il existe déjà des enfants qui ne sont guère mieux partagés qu'eux

sous le rapport cérébral, bien souvent. Ce sont avant tout des

infirmes et les infirmes doivent être placés dans les hospices. En

outre, dans les asiles, ils ne peuvent que difficilement être séparés

des autres aliénés.

Il en est de même pour les vieillards qui tombent dans la dé-

mence et dans la gâtisme. De ce qu'ils ont besoin de plus de

soins et de surveillance, ce n'est pas une raison pour qu'ils soient

séquestrés dans des asiles dans un but de sécurité publique qu'ils

seraient bien incapables de troubler.

Quant aux épileptiques, ceux qui sont enfants devraient être

comme les idiots gardés et traités dans les quartiers d'hospice.

Il en est de même pour les épileptiques adultes qui sont atteints

d'infirmité cérébrale, d'affaiblissement intellectuel, qui les met en

état de nuire, et en fait des incurables.

Il est du reste impossible, dans le cas particulier de l'asile de

Nantes, de recevoir toutes ces catégories d'individus, et il est re-

grettable que la nouvelle loi ne soit pas encore applicable, car il

y aurait alors des établissements spéciaux pour pourvoir à leur

placement'. P. S.

III. Procès criminel de la dernière sorcière brillée à Genève, publié

par le Dr Ladame. (Bibliothèque diabolique, tome VI). Aux bureaux

du Progrès médical, 1888.

Les publications complètes de procès de sorcellerie sont rares

et, cependant, il s'y attache un intérêt tout particulier aujourd'hui

que tous ces phénomènes que nos pères regardaient comme sur-

naturels sont rentrés dans le domaine de la pathologie ner-

veuse et mentale. M. le docteur Ladame (de Genève) a eu l'heu-

reuse idée de publier les pièces originales d'un de ces procès qui

eut lieu à Genève en 1652 et dont le résultat fut la condamnation

de la sorcière à être pendue, puis brûlée. Cette sorcière n'était

d'ailleurs pas autre chose qu'une hystérique avec hémianesthésie

droite complète, ainsi que le prouvent les rapports des médecins

et chirurgiens qui furent commis pour l'examiner et qui conclu-

rent que c'était bien là le sigillu71t diaboli qui caractérise la pré-

sence des démons dans le corps humain. Un seul médecin mit en

doute que ce fût une véritable sorcière, considérant que ce stig-

mate n'était pas exactement semblable à ceux qu'ont d'ordi-

naire les sorcières, mais son avis ne suffit pas à la sauver. Les

interrogatoires enfantins qu'on lui fit subir ne sont pas moins

'Nous avons souvent iudiqué le remède : c'est la construction d'Asiles

interdépartementaux pour les enfants idiots, paralytiques et épilep-

tiques. (B).

bibliographie. 32S

curieux que les rapports médicaux pour donner une idée de ce

que peuvent produire d'absurde les préjugés religieux et plus

encore les sciences qui y prennent leur point d'appui. Il est triste

de se dire que ce sont des médecins qui étaient les premiers à

soutenir de leur autorité de pareilles sottises et faisaient cause

commune avec les théologiens et les jurisconsultes pour condam-

ner de malheureux malades.

IV. Les anesthésies hystériques des muqueuses et des organes des

sens, et les zones hystérogènes des muqueuses; par Licnwtiz.

Th. Bordeaux 1887.

C'est de Bordeaux que nous vient cette contribution à l'histoire

de l'hystérie, faite sous l'inspiration du professeur Pitres. Ce tra-

vail comprend deux parties. Dans la première l'auteur traite de

l'anesthésie hystérique de quelques muqueuses, encore peu étu-

diées à ce point de vue, telles que la muqueuse des voies

aériennes supérieures, la conjonctive et le tympan, et l'anesthé-

sie de plusieurs organes des sens, goût, odorat, ouïe. Dans la

seconde partie il s'occupe des zones hystérogènes de ces mu-

queuses. Onze observations, à la vérité soigneusement prises,

forment la base de ce travail. Peut-être n'est-ce pas suffisant pour

affirmer à plus d'une reprise des résultats contradictoires à ceux

de la majorité des auteurs. On trouvera néanmoins un certain

nombre de faits intéressants et capables de provoquer de nou-

velles recherches. Telles sont, par exemple, les conclusions de

l'auteur à propos des rapports entre l'anesthésie tympanique et

l'orientation auditive, rapports qu'il nie, contrairement à M. Gellé.

L'étude de la sensibilité galvanique est bien faite et conduit à

conclure que la diminution de cette sensibilité n'a aucun rapport

avec celle des autres maladies de la sensibilité.

Quant aux zones hystérogènes des muqueuses, elles paraissent

très fréquentes puisque sur onze cas l'auteur trouve six ma-

lades en présentant. La plus fréquente serait niveau de la mu-

queuse nasale où il les a rencontrées six fois. Il en a même

observé sur la cornée, la conjonctive et le conduit lacrymal infé-

rieur. Ces zones sont ordinairement symétriques. L'auteur leur

attache une grande valeur diagnostique, mais il va un peu loin

lorsqu'il leur en donne une plus considérable qu'aux zones exté-

rieures et prétend qu'elles sont plus faciles à découvrir. En

somme, travail intéressant et consciencieux renfermant beaucoup

de points bien étudiés, mais où l'absence d'un assez grand

nombre de cas de même nature n'a pas permis à l'auteur de tirer

des conclusions assez probantes et assez générales. P. S.

VARIA

ASILES D'ALIÉNÉS DE LA SEINE :

MOUVEMENT DE LA POPULATION EN 1887

I. Asile Sainte-Amie. 1° Service de l'admission : Les malades

présents au 1" janvier étaient au nombre de 169 (87 H., 82 F.).

Entrés directement pendant l'année, 3,453 (1,974 H., 4,479 F.).

Venus de la Clinique, 109 (58 H., 51 F.).Total des malades traités :

3,î2l (2,109 II. et 1,612 F.). Les causes des sorties sont les

suivantes : Guérisons, 14 H., 17 F. Améliorations : 33 H.,

28 F. Décès : 59 H., 49 F.- Transfert dans les asiles de la

Seine, 1,827 H., 1,352 F. Transfert dans les départements et à

l'étranger, 10 H., 22 F. Changement de service, 95 H., 62 F.

- Evasions, 3 H., 1 F. - Reste au 31 décembre, 149 malades.

(68 H., 81 F.). 2° Asile proprement dit : Les malades

présents au le, janvier étaient au nombre de 638 (321 H.

et 317 F.); 229 malades (196 H., 133 F) sont entrés du le, janvier

au 31 décembre 1887. 343 sont sortis (207 H., 136 F.). Les causes

des sorties sont les suivantes : Guérisons, 37 IL, 3 F. -Amélio-

rations, 56 H., 60 F. Décès, 78 H., 38 F. Transfert dans

les asiles de la Seine, 26 Il., 32 F. Transfert dans les dépar-

tements, 5 H., 3 F. Evasions, 5 H. Reste au 31 décembre

624 malades (310 H., 314 F. et 4 lits vacants). 3° Clinique : Ma-

lades présents au 1" janvier 1887. 152 (101 Il., 51 F.). Entrées

du 4 ? janvier au 31 décembre, 265 (170 H. 95 F.) Les causes

des sorties sont les suivantes : Guérisons, 40 (29 H., 11 F.).- Amé-

liorations, 52 (37 H., 15 F.) Décès 42 (29 IL, 13 F.). Transfert

dans les asiles de la Seine, 15 (12 H., 3 F). Transfert dans les

départements, 10(6 H., 4 F.). Changement de service, 109 (58 H.,

51 F.). -- Reste au 31 décembre, 148 malades (99 H., 49 F.).

Lits vacants, 11.

IL Asile de Vaucluse. Les malades présents au ler janvier

1887 étaient au nombre de 860(385 H., 365 F., 110 idiots à la

colonie). 694 malades sont entrés depuis le ler janvier 1887

(247 IL, 379 F., et 68 idiots). Les causes des sorties sont : Guéri-

son, 103 (53 H., 49 F., 1 idiot). Améliorations, 126 (58 H.,

58 F., 10 idiots). Décès, 185 (97 H., 86 F., 21 idiots). Trans-

ferts collectifs, 203 (25 H., 157 F., 21 idiots). Dans les départe-

ments, 42 (24 H., 9 F., 9 idiots). Evasions, 33 (20 H., 4 F.,

varia. 327

9 idiots). Autres causes, 61 (20 H., 26 F., 15 idiots). Reste au

31 décembre 1887, 801 lits (335 H., 355 F., 111 idiots). Travail-

leurs, 295 (136 H., 159 F.).

III. Asile de Ville-Evrard. 1° Asile : Malades présents au

1er janvier 1887, 931 (582 H., 349 F.). Entrées au ler janvier au

31 décembre, 745 (388 H., 357 F.). Causes de sorties : Guérisons

77 (66 H., 11 F.). Améliorations, 179 (110 H., 69 F.). Décès,

288 (204 H., 84 F.). Transferts, 221 (76 H., 145 F.). Autres

causes, 14 (10 IL, 4 F.). Evasions, 32 (31 IL, 1 F.). Reste au

31 décembre, 865 malades (473 H., 392 F.). Lits vacants,

(109 d'hommes, 37 femmes couchent sur des lits supplémentaires;

2o Pensionnat : Malades présents au 1er janvier 1887 : 195 (82 H.,

i 13 F.).- Entrées du ler janvier au 31 décembre 1887 : 97 malades,

(56 H., 41 F.). Causes de sorties : Guérisons, 5 (2 IL, 3 F.)

Améliorations, 44 (22 H., 22 F.). Décès, 36 (21 H., J5 F.)

Transferts, 8 (5 H., 4 F.). Autres causes, 17 (11 H., 6 F.).

Evasions, 1 homme. Reste au 31 décembre 1887 : 181 malades

(76 H., 105 F.). Pas de lits vacants.

IV. Asile de Villejuif. - Malades présents au ler janvier 1887,

509 (114 H., 315 F.). Entrées du ler janvier au 31 décembre,

1887 : 1,457 (949 IL, 08 F.). - Sorties en liberté, 424 (310 IL,

114 F.). Décès, 367 (249 H., 118 F.). Transferts, 168 (74 H.,

94 F.). - Fvasions, 25 (20 H., 5 F.). - Reste au 31 décembre,

982 malades (410 H., 572 F.). Lits vacants, 160.

La colonie d'épileptiques DE Bielefeld; Ecole de garde-malades

Dans le Médical Record du 23 avril 1887, le Dr Frederick Peter-

son, médecin d'Hudson River-State hospital, nous donne les ren-

seignements suivants sur la colonie de Bielefeld en Westphalie,

qu'il il vient de visiter, il y a peu de temps. Cet établissement a été

fondé, il y a environ vingt ans, par le pasteur luthérien von

Bodelsctnvingh, qui acheta une ferme, et avec quatre épilep-

tiques installa cette colonie. Ce petit noyau s'accrut de plus en

plus, et actuellement les malades sont au nombre de 845, et on

compte plus de soixante maisons sur la ferme. Le fondateur avait

longuement considéré la triste situation de ces malheureux qui

sont ordinairement à charge à leur famille. Les écoles publiques

leur sont fermées; nul ne veut les employer soit comme ouvrier,

soit comme apprenti. Souvent, ces infortunés sont privés du com-

merce avec leurs camarades, à cause de la nature de leur mala-

die et ils ne trouvent asile que dans les établissements destinés

aux idiots et aux aliénés. Le fondateur crut pouvoir créer un

refuge où ces malades seraient soignés et guéris s'il était pos-

sible, et où, sinon, il trouveraient un home, où enfin ils pour-

328 varia.

raient apprendre un métier et être instruits, afin de devenir des

individus travailleurs et utiles à la société. -

Le visiteur est tout de suite saisi de l'air de prospérité et de

bonheur qui règne parmi les habitants de cette colonie d'épilep-

tiques. Depuis sa fondation, plus de 2,000 malades y ont été soi-

gnés ; plus de 150 ont été guéris, et plus de 450 sont partis amé-

liorés.

Le travail améliore les conditions physiques et intellectuelles

des épileptiques, et les incurables sont munis d'un métier, qu'ils

peuvent continuer à exercer ailleurs. Une école où l'on enseigne

toutes les branches de la science, fournit l'instruction à environ

150 enfants des deux sexes. La laiterie et la ferme occupent un

grand nombre de malades, surtout pour la récolte des graines de

végétaux et de fleurs. On a construit des ateliers pour les char-

pentiers, les ébénistes, les peintres et vernisseurs, les imprimeurs,

les relieurs, les forgerons, les fondeurs, les tailleurs et, de plus,

une épicerie, une pharmacie, un dépôt de graines et de livres. Les

charpentiers aident dans la construction et l'aménagement des

maisons nouvelles. Les livres sont imprimés, reliés et vendus par

la colonie; ce sont surtout des livres d'instruction religieuse et mo-

rale. Les plans de nouvelles constructions sont faits dans l'atelier

des architectes. Des chromos et des photographies religieuses et

patriotiques sont produites par l'établissement. Les enluminures

des lettres, la coloration de tableaux peints, sont d'un travail très

perfectionné. La buanderie, la cuisine, les ateliers de couture et

de tailleur et les travaux de fantaisie occupent beaucoup de ma-

lades.

On distribue par an environ 20,000 onces de bromure de potas-

sium aux épileptiques qui ne peuvent payer le médicament, et qui

en font la demande ; d'autres fois, cette substance est vendue par

paquets de 20 grammes à ceux qui paient, au prix de revient de la

vente en gros. Dernièrement, un office a été établi pour la collec-

tion et la vente d'objets de musée, tels que : antiquités, articles

concernant l'ethnographie et l'histoire, autographes d'hommes

illustres, médailles, estampes, bronzes, pierres précieuses, gra-

vures, etc..., spécimens de collections d'animaux, de végétaux et

de minéraux. On voit combien d'efforts ont été faits pour multi-

plier et varier les métiers des membres de la colonie. Pour les

hommes seulement, on en compte actuellement trente diffé-

rents.

En cas d'accès, chaque boutique et chaque école possède un

matelas ou un lit, à portée de la main. Plusieurs médecins de la

ville de Bielefeld visitent l'institution et surveillent le traitement

médical.

- - L'établissement tout entier est construit sur le plan d'un « cot-

tage». Les maisons diffèrent entre elles par l'architecture et la

VARIA. 329

position ; elles sont bien séparées par de grands jardins, comme

dans certaines campagnes.

Une partie qui n'est pas la moins intéressante de la colonie,

c'est l'école préparatoire de garde-malades, qui existe depuis long-

temps. Là sont instruits avec soin des hommes et des femmes,

ordinairement des classes élevées de la société allemande, qui se

vouent aux oeuvres de charité, et qui sont spécialement éduqués

pour soigner les aliénés. La plupart des asiles d'Allemagne sont

entièrement desservis par des personnes venant de cette institu-

tion ; ils subissent cinq années de préparation. L'établissement

tout entier avec les malades et les différents employés compte

1,500 habitants. Ce chiffre augmente sans cesse; les malades

arrivent des différentes parties de l'Europe et des divers Etats de

l'Allemagne.

Il résulte de l'expérience faite pendant nombre d'années que

l'on a adopté le plan général de traitement suivant : Io travail

intellectuel et physique; il agit très bien ; le meilleur est celui

fait au grand air; 2° la nourriture doit être simple, pas trop

abondante et un peu acide; les liqueurs alooliques sont évitées.

Le café et le thé doivent être faibles et mêlés avec beaucoup de

lait. (On permet de fumer modérément). Un bon régime lacté est

préférable à la viande et à la soupe. Le souper doit être léger et

fait de bonne heure; 3° des douches froides en pluie, graduel-

lement prolongés, et des épongeades froides sont d'un excellent

effet; 4° médicaments : le médicament produisant le meilleur

effet est, dit l'auteur, le bromure de potassium; il peut être pris

pendant plusieurs années sans occasionner des troubles de l'esto-

mac. D'après lui, il guérit quelques cas, diminue la fréquence des

accès dans d'autres, apaise les nerfs, prévient souvent l'imbécillité,

et quelquefois raffermit les facultés intellectuelles, spécialement la

mémoire ( ? ). Dans la colonie, on se sert d'une solution à 10 p. 100,

dont on donne trois cuillerées à bouche par jour, pendant la pre-

mière semaine, quatre pendantla seconde, cinq la troisième, et ainsi

de suite jusqu'à huit par jour. L'assoupissement, la pesanteur de

tête, les éruptions indiquent la nécessité de diminuer la dose pen-

dant quelque temps. Cette quantité est pour les individus âgés de

plus de seize ans. De dix à seize, on commence par trois cuillerées

à bouche et on ne dépasse pas six. Avant dix ans, la dose est de

deux à quatre ou cinq cuillerées. Le médicament est continué

encore pendant huit ou neuf mois après la cessation des acci-

dents, en diminuant peu à peu la dose.

11 y a une dépendance de la colonie, où sont placés les épilep-

tiques avec folie douce ou périodique, tandis que les cas les plus

graves sont placés dans des asiles d'aliénés.

D'autres colonies construites sur ce modèle ont été créées récem-

ment dans plusieurs provinces de Prusse, dans la Saxe, dans le

330 varia.

'4ürtemberg, en Suisse, en Hollande. Le Dr Peterson exprime, en

terminant, le voeu qu'on établisse aux Etats-Unis des colonies

semblables, afin de donner asile aux 100,000 épileptiques qu'on

y compte, au lieu de les enfermer dans les asiles d'aliénés. Nous

ne pouvons aussi que nous associer à ce voeu pour la construction

en France de tels -établissements. où les épileptiques seront mieux

soignés, et où on pourra utiliser les facultés et le travail dont ils

sont capables, tout en leur laissant une certaine liberté, qu'on ne

peut accorder aux aliénés, au milieu desquels ils sont confinés dans

notre pays. A. Raoult.

Quelques IDÉES sur la construction ET l'organisation des hôpitaux

d'aliénés; par Sanger-Brown, ancien médecin assistant à l'asile

de Bloomingdafe. (New-York.)

Je ne me propose pas de discuter en détail l'organisation et la

construction d'un hôpital, mais simplement d'appeler l'attention

sur certains défauts existant dans les deux services, etqui, jepense,

ontbesoin d'être étudiés avec soin par les personnes qui s'intéres-

sent au traitement et aux soins à donner aux aliénés. Aies observa-

tions s'appliquent pour la plupart aux hôpitaux principalement

destinés aux cas récents de folie, et où un grand nombre de cas in-

curables ne doivent pas s'accumuler. Mais avec quelques modifi-

calions, elles s'appliquent également à tous les hôpitaux et asiles

d'aliénés. Depuis dix à quinze ans; il s'est fait en Amérique une

véritable révolution dans le traitement des aliénés. Et tandis que

dans les révolutions, apparaissent souvent des doctrines et des

actions erronnées, on est ici d'accord sur le réel progrès qui a

été fait.

Quand les malades ont été bien classés et subdivisés, et qu'ils

sont sous la surveillance d'infirmiers compétents et bien discipli-

nés, on s'aperçoit qu'il se produit rarement des cas intraitables.

Après quelques semaines de traitement, ils se conforment à la

routine et aux exigences hospitalières avec plus ou moins de faci-

lité. Mais, si une surveillance constante et soigneuse d'infirmiers

compétents est de la plus haute importance dans le traitement des

aliénés, cette surveillance, dis-je, est d'un accomplissement très dif-

ficile. Diverses causes démoralisantes sont plus graves; des accidents

arrivent plus souvent parmi les malades, pendant que se fait le

service de la maison. En effet, avec le système actuel, les malades

doivent souffrir plus ou moins, étant abandonnés à eux-mêmes,

pendant que l'attention des infirmiers est occupée a la garde de

l'établissement. Les manifestations de la maladie ne se peuvent

conformpt aux règles de l'hospice, et ces règles sont indispen-

sables pour les soins de la maison.

Le service de l'asile et les soins à donner aux malades sont

VARIA. 331

deux facteurs invariables à considérer dans l'organisation d'un

hôpital. Le travail de l'hospice peut bien être fait par des individus

d'une culture intellectuelle et morale comparativementinférieure

à celle qu'on doit attendre d'un infirmier qui a été longtemps et

avec soin instruit à cet effet. Avec le système d'organisation

actuelle, les deux travaux sont effectués par les mêmes personnes,

qui trop souvent sont loin sous le double rapport moral et intel-

lectuel de ce que l'on désire d'un infirmier. En séparant les deux

genres d'ouvrage, on pourrait arriver à un résultat meilleur et

plus économique. Il se formerait une classe plus relevée d'infir-

miers, qui seuls seraient employés à la surveillance constante des

malades ; tandis que le gros ouvrage serait fait par des serviteurs

ordinaires; et cette dernière classe ne serait pas en contact inces-

sant avec les aliénés '.

Avec quelques modifications peu importantes d'architecture, le

type des hôpitaux actuels est construit sur un plan adopté il y

y a trente ans, lorsque les idées et les méthodes de traitement et

de direction étaient très différentes de celles actuellement en

vogue. Et si les édifices actuels prouvent de la part des architec-

tes un grand crédit de la part des corps législatifs une grande

libéralité, on doit penser, qu'on peut demander actuellement des

réformes plus modernes pour le traitement des aliénés.

Ainsi, pour l'organisation, le seul changement que je désire

voir produire, consiste dans l'emploi d'une classe plus élevée

d'individus, spécialement instruite, en vue d'obtenir des infirmiers

plus perfectionnés, et dans celle d'une classe inférieure, destinée

au gros ouvrage de la maison. Il serait encore utile de construire

des chambres dejour pour les malades, pendant que se fait le

nettoyage des chambres à coucher et des corridors. Il est à peine

besoin de montrer combien l'existence des chambres s'accorde

avec les meilleures conditions hygiéniques. Il serait encore dé-

sirable de voir établir des salles à manger contiguës aux cuisines.

De cette façon, la nourriture pourrait être servie sous une forme

plus appétissante; une moins grande quantité en serait perdue,

et les malades seraient surveillés plus attentivement pendant le

repas. Celui-ci pris dans un hall spécial apportera trois fois par

jour un changement à la monotonie de la vie de l'hôpital. Comme

il est nécessaire de diviser les malades par catégories pendant le

repas, comme pendant le reste du temps, on ne peut approuver

l'établissement d'un seul réfectoire commun, mais le groupement

d'un certain nombre de salles, permettant la classification adoptée

dans les différents quartiers. Pour les quelques malades, qui, pour

des raisons différentes, ne peuvent aller dans les réfectoires, et

' C'est la une distinction sur laquelle nous appelons l'attention depuis

une dizaine d'années. (B.)

332 VARIA.

qui seraient' obligés de rester sans cesse à l'infirmerie ou dans les

cellules, la nourriture peut être apportée de la cuisine par une

voie souterraine. Cette même voie serait utilisée pour le passage

des malades pour aller et venir du réfectoire lors du mauvais

temps.

. Enfin, il est nécessaire d'établir des cellules séparées pour le

traitement des malades dangereux et mutins, en plus grand nom-

bre que d'ordinaire, afin de pouvoir isoler temporairement les

malades plus excités que leurs compagnons. Un grand nombre

de guérisons sont obtenues au moyen de ces cellules; il faut donc

que les malades soient soustraits, le plus possible, à toute

influence qui pourrait retarder cette guérison. Il se présente sou-

vent, dans les quartiers d'aliénés, que la plupart des malades sont

troublés le jour et tenus éveillés la nuit par un ou deux d'entre

eux qui sont turbulents. Un certain nombre de cellules d'isolement

est donc nécessaire pour de tels malades, celte question a été

déjà élucidée, afin d'obtenir que les malades les plus tranquilles

ne soient pas troublés ou tenus éveillés, de même que pour ob-

tenir le plus grand calme pour les malades turbulents. L'impor-

tance de cette question donnera toujours de grandes difficultés à

un médecin consciencieux, mais pour le plus grand bien du plus

grand nombre; il trouvera qu'il est de son devoir de proscrire ce

qu'il peut considérer comme un danger pour un malade, lorsque

c'est pour le bénéfice des autres.

Un plan joint à cette étude montre quelles transformations

peuvent être effectuées. Ni les dimensions des dortoirs ni l'agen-

cement des différentes salles n'ont été considérés comme étant

nécessaire à la présente étude. On remarquera toutefois qu'il est

utile de donner à chaque malade huit cents pieds cubes d'air

dans les salles du jour et les dortoirs.

On objectera que la dépense d'un tel hôpital serait plus con-

sidérable que celle d'un des établissements généralement adoptés;

je répondrais à ceci, que cette différence ne serait pas grande,

et pourrait être contrebalancée et au delà par les économies de

l'administration. En effet, l'absence des réfectoires dans les

quartiers produirait une grande économie d'hommes de peine,

de domestiques, de paneteries, etc., aussi bien qu'une écono-

mie de travail et de nourriture. Si l'avantage pour les malades

peut être aussi grand que je le pense, le nombre des guérisons

s'accroîtra, et le nombre des malades furieux et turbulents dimi-

nuera ; pour cela, il est désirable d'atteindre la perfection au point

de vue humanitaire et économique. (The Journad of mental science.

London, avril 1887, p. 54.) A. 11.10uLT.

CORRESPONDANCE

GUÉRISON DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES

Nous avons reçu de M. Catsaras la lettre suivante :

« Muon très cher et savant confrère,

« A la fin de mon travail : « De la curabilité de la sclérose en

plaques-», qui a paru dans les Archives de Neurologie, n° 28, 1885,

j'ai mis le post-scriptum suivant :

« Si la guérison de notre malade se démentait plus tard, chose

« que nous ne croyons pas, nous nous empresserons de le publier. »

«Je suis bienheureux de vous annoncer qu'aucun des symptômes

qui ont figuré au tableau clinique si net et si saillant du malade,

à savoir : les vertiges, le tremblement pendant les mouvements

intentionnels, le nystagmus, les paralysies associées des yeux,

paralysie de la convergence, l'insuffisance des droits internes, le

regard vague, les symptômes spasmodiques, les accès apoplecti-

formes et épileptiformes, et les symptômes psychiques, aucun de

ces symptômes, dis-je, n'a plus réapparu et, par conséquent, la

guérison complète qui date déjà du 10 février 1884, soit de trois

ans et plus de neuf mois, doit être considérée comme définitive.

«En vous priant d'insérer cette lettre dans le prochain numéro

des Archives de Neurologie, veuillez recevoir, etc.

«Paris, le 20 novembre 1887.

« M. Catsaras.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. AI, le Dr Rous-

SEL est nommé médecin-adjoint, à l'asile public de Saint-Robert

(Isère), poste créé et compris dans la 2e classe (arrêté du 24 dé-

cembre 9887). - lf. le Dr Aubry est nommé médecin-adjoint à

l'asile public d'Armentières (Nord), en remplacement de Lui. le

Dr PETIT, démissionnaire. (Arrêté du 5 janvier 1888.) Sont pro-

mus à la classe exceptionnelle à partir du 11, janvier 1888,.MM. le

Dr Bécoulet, directeur de l'asile public de Dôle (Jura); MiREpoix,

directeur de l'asile public de Maréville (Vieurthe-et-llloselle);

LLANTA, directeur de l'asile public de Montdevergues (Vaucluse);

334 FAITS DIVERS

Dr PETRUCCI, directeur de l'asile public de Saint-Gemmes (Maine-

et-Loire). (Arrêté du 5 janvier 1888). Sont promus à la classe

exceptionnelle à partir du fer février, MM. le D'' GUILLEMIN, méde-

cin-adjoint à l'asile de Dôle (Jura); le Dr Paris, médecin-adjoint à

l'asile public de Chatons. (Arrêté du 5 janvier.) Sont promus à

la 3° classe, MM. le DI-BOUDRIE, directeur-médecin de l'asile de

Bassens (Savoie), à partir du ter janvier; le Dr ûenizel, directeur

de l'asile public de Cadillac, à partir du le, mars 1888. (Arrêté du

5 janvier 1888.) - Par arrêté, en date du 13 janvier 1888, hl. le

Dr UONNET, médecin en chef de l'asile public d'aliénés de Bor-

deaux, est nommé directeur-médecin en chef de l'asile public

d'aliénés de Vaucluse, en remplacement de M. le D1' Bigot, décédé.

M. le Dr DoNNET est maintenu dans la première classe du grade.

- Par arrêté, en date du 13 janvier 1888, ont été nommés à l'emploi

de médecins en chef de l'asile public d'aliénés de Ville-Evrard,

créés par l'arrêté du 7 janvier 1888 : M. le Dr MARANDON DE MoN-

TYEL, médecin en chef de l'asile public d'aliénés de Marseille.

Ai, le Dl FEBVRE, médecin-adjoint de Ville-Evrard. M. le Dr REY

est nommé médecin en chef de l'asile d'aliénés de Marseille.Les

fonctions de directeur et de médecin en chef de l'asile d'aliénés de

Ville-Evrard sont séparées. M. le D' Pâté est nommé directeur-

médecin de l'asile de Ville-Evrard et placé dans la troisième

classe de son grade (5.000 fr.). M. le Dr C.IUUSE1', médecin en

chef à l'asile public de Clermont (Oise), est nommé directeur-mé-

decin de l'asile public de Bonneval (Eure-et-Loir), en remplacement

du Dr IIILDENBRAND, décédé (maintenu à la troisième classe). (Arrêté

du 21 janvier 1888. AI. le Dr Reverchon, directeur-médecin de

l'asile public de Sainte-Catherine (Allier), est nommé aux mêmes

fonctions à l'asile public de Saint-Lac (Basses-Pyrénées) (maintenu

à la classe exceptionnelle). (Arrêté du 27 janvier 9888.) - lI, le

Dr BELLE, médecin en chef de l'asile public de Bailleul (Nord),

est nommé directeur-médecin de l'asile public de Sainte-Catherine

(Allier) (3° classe). (Arrêté du 27 janvier 1888.) Hui. le Dr AIarti-

NENQ, médecin-adjoint à l'asile public de Saint-I'on (Seine-Infé-

rieure), est nommé médecin en chef à l'asile public de Clermont

(Oise), 3° classe. (Arrêté du 27 janvier 1888.) àl. le Dr PONS,

directeur-médecin de l'asile public de Saint-Luc (Basses-Pyrénées),

est nommé médecin en chef de l'asile public de Bordeaux (main-

tenu à la reclasse). (Arrêté du 30 janvier 1888.)

Asile d'aliénés DE SAINTE-CATIIERINR [Allier). La Chambre des

députés a adopté un projet de loi autorisant le département de

l'Allier à contracter un emprunt de 150,000 francs applicable aux

travaux d'agrandissement de l'asile d'aliénés de Sainte-Catherine.

Recrutement des médecins adjoints des asiles par Lie concours.

Le conseil des inspecteurs des établissements de bienfaisance

BULLETIN bibliographique. 335

a été saisi dernièrement par nI. Monod, directeur de l'Assistance

publique au ministère de l'intérieur, de l'examen d'un projet

tendant à instituer le concours pour le recrutement des médecins

adjoints des asiles d'aliénés. Le conseil a adopté les conclusions

conformes d'un rapport de AI. le Dr A. Regnard, établissant le

concours par circonscriptions régionales qui auront pour chefs-

lieux, certaines villes possédant des Facultés ou des Ecoles prépa-

ratoires de médecine. Le département de la Seine formera une

région, avec l'adjonction des seuls asiles de Clermont et d'Evreux.

Le concours sera ouvert toutes les fois qu'il y aura lieu de pour-

voir à deux vacances. Les épreuves comprendront une question

écrite, éliminatoire dans les cas où le nombre des candidats dé-

passera trois pour une place et une question orale. Il sera tenu

compte des travaux antérieurs des candidats.

Société DE Biologie. Prix Ernest Godard, en 1888. Confor-

mément aux termes du testament d'Ernest Godard, la Société de

Biologie décernera, à la fin de l'année 1888, un prix de 500 francs

au meilleur mémoire qui lui sera adressé sur un sujet se l'attachant

ci la Biologie. Aucun sujet de prix ne sera proposé. Dans le cas où,

une année, le prix n'aura pas été donné, il sera ajouté au prix qui

serait donné deux années plus tard. Les mémoires devront être

envoyés au secrétaire général de la Société avant le 15 octobre;

passé cette date, ils ne seront plus admis au concours.

Anciens aliénés. Un sieur Florentin, de L3roiis-la-Forêt (Eure),

ancien pensionnaire d'un asile d'aliénés, s'était suicidé, il y

a quatre jours, en se tirant un coup de fusil en plein visage. Son

chien était resté enfermé avec le cadavre. Hier, lorsqu'on s'aperçut

de la disparition du malheureux, on enfonça la porte de sa chambre

et on constata que le chien avait dévoré la moitié d'une cuisse de

son maître défunt (Le Temps, 29 décembre 1887.)

Le nommé Harel, de Beaubray, est atteint d'épilepsie. Avant-

hier, sous l'influence d'un accès qu'il sentait venir, il se porta

plusieurs coups de couteau et tomba en avant dans sa cheminée.

Le feu prit à ses habits, et il eût infailliblement péri si ses voisins

n'étaient accourus à son secours. Ses blessures mettent cependant

sa vie en danger. Conclusion : nécessité d'assister les épileptiques.

BÉRILLOIN (E.). De la suggestion et ses applications à la pédagogie.

Brochure in-8° de 16 pages avec 4 figures. Prix, 1 fr. Paris, 18S.

Aux bureaux de la Revue de l'hypnotisme.

Charcot (J.-11.). - Leçons sur les maladies du système 7te''t) ? M, pro-

fessées à la Salpêtrière et recueillies par 5m. BABENSKi, BEHNARD, Féré,

Guinon, Marie et Gilles DE la Tourette. Tome IIL, 2° fascicule. Un

volume in-8 de 380 pages, avec 6t figures dans le texte. Prix : 9 fr. ;

pour nos abonnés, prix : 6 fr.- Ce fascicule complète le tome troisième.

336 BULLETIN bibliographique.

Doré (G.). Recherches expérimentales sur l'influence de la tenzpé-

rature des femelles en gestation, sur la vitalité du /'OEs et la marche de

la grossesse. Brochure in-8° de 40 pages. Paris, 1883. Librairie

Asselin et CI*.

DUFOUR (E.). -Asile public d'aliénés de Saint-Robert (Isère). Compte

rendu du service médical pendant l'année 1885. Brochure in-8° de

19 pages. Grenoble, 1886. Imprimerie F. Allier.

Grasset (J.) et Brousse (A.). Histoire d'une hystérique hypnolisable.

(Contribution à l'étude clinique des caractères somatiques fixes des

attaques de sommeil spontané et provoquées chez les hystériques). Bro-

chure in-8° de 34 pages. Prix 1 fr. 50. Pour nos abonnés, 1 franc.

HOVELACQUR (A.) et HpnvÉ (G.). Précis d'anthropologie. Volume in-8"

de 655 pages, avec 20 figures. Prix : 10 fr. Paris, 1886.- Librairie

A. Delahaye et E. Lecrosnier.

InDEx-eaa/o.Me ofthe Library of the Stzrgeon-General's office United

slates arnzy. Vol. VIII, Legier-Medicine (naval). Vol. in-8° cartonné de

1078 pages. - Washington, 1887. Government priztting Office.

LtDAME, Procès criminel de la dernière sorcière brûlée à Genève, le

6 avril 1652, publié d'après les documents inédits et originaux conser-

vés aux archives de Genève (Sixième volume de la Bibliothèque dtabo-

lielue, collection Bourneville. Un volume in-8» de 60 pages. Prix

2 fr. 50). Pour nos abonnés : 1 fr. 75; numéro 1 à 50, papier Japon,

prix : 5 francs; pour nos abonnés : 4 fr. ; numéro 51 à 100, papier par-

cheminé, prix : 3 fr 50 ; pour nos abonnés : prix, 2 fr. 75.

1`IATAIEU-SICAUD (H.). De l'étiologie héréditaire de la paralysie spi-

nale infantile aiguë. Brochure in-8- de 80 pages. Paris, 1887.

Librairie Coccoz.

Obersteiner (H.) Antleilung beitz Studium des Bancs der Nervdsen

cenwnlorgazre nin gesuztdezwnd Kranlen Zustande, Volume in-8° de

406 pages, avec 178 figures. Leipsig und Wien, 1898. Toeplitz und

Deuticke.

Publications du « Progrès 2fÉDICAL ».-SiIT Jeanne des Anges, supérieure

des Ursulines à Loudun, X I'll siècle. Auto-biographie d'une hystérique

possédée, d'après le manuscrit inédit de la Bibliothèque de Tours.

Annotée et publiée par MM. les D™ G. Lncoé et G. DE la ToupETTE.

Préface de M. le professeur Charcot, membre de l'Institut. Un beau

volume in-8° de 330 pages. Papier vélin, prix : 6 fr.; pour nos abonnés :

4 fr. Papier Japon, prix : 25 fr. ; pour nos abonnés : 20 fr.

ROLLAND (E.). De l'épilepsie jacksonienne. Mémoire couronné par la

Sociélé de médecine et de chirurgie de Bordeaux, revu et considérable-

ment augmenté. Précédé d'une notice sur les asiles « John Bost» par

le D, E. Aloiiod et d'une introduction par le Dl Arnozan. Volume in-8"

de 192 pages, avec 22 figures et 2 planches lithographiées. - Prix : 3 fr. ;

pour nos abonnés : 2 fr. Paris, 1888. Librairie du Progrès Médical.

Smox (L.-Al.). Le monde des rêves. Le rêve, l'hallucination, le

somnambulisme et l'hypnotisme, l'illusion, les paradis artificiels, le ragle,

le cerveau, et le rêve. Paris, 1888. Librairie J.-B. Baillière et fils.

VIBRRT (Ch.). -Etude ntédico-légale sur les blessures produiles par les

accidents de chemins de fer. Volume in-8" de 118 pages.- Prix : 3 fr. 50,

Paris, 1888. Librairie J.-B. Baillière et fils.

Le rédacteur-gérant, Uourncville.

Evreul. IiEItm9uY, IIOp. - 388.

Vol. XV. Mai 1888. N" 45

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

SUR UN CAS DE PSEUDO-TABES

(symptômes DE l'ataxie locomotrice progressive persistant pendant

dix ANS. A l'autopsie, absence DE sclérose DES cordons postérieurs

DE la moelle épinière; intégrité complète DES racines rachidiennes

ET DES nerfs périphériques) ; ,

Par le Dr A. PITRES,

Professeur à la Faculté de Médecine de Bordeaux.

Quand Duchenne (de Boulogne) tira l'ataxie locomo-

trice progressive du chaos dans lequel étaient con-

fondues avant lui, sous la dénomination commune de

myélites chroniques, la plupart des affections de la

moelle épinière, il s'occupa uniquement de déterminer

la symptomatologie de l'espèce morbide qu'il voulait

isoler. « Abolition progressive de la coordination des

mouvements et paralysie apparente contrastant avec

l'intégrité de la force musculaire, tels sont, disait-il,

les caractères fondamentaux mais incomplets de la

maladie que je me propose de décrire. Ses symptômes

et sa marche en font une espèce morbide parfaitement

Archives, L. XV. 22

338 CLINIQUE NERVEUSE.

distincte'. » Pour lui, la spécificité nosologique de

l'ataxie locomotrice reposait exclusivement sur un

ensemble de symptômes se succédant dans un certain

ordre, mais la nature du tabes restait indéterminée;

son anatomie pathologique était toute entière à faire.

Plus tard, l'occasion de pratiquer des autopsies de ta-

bétiques se présenta et ces autopsies révélèrent l'exis-

tence d'une lésion habituelle, toujours semblable à

elle-même : la sclérose systématique des cordons pos-

térieurs de la moelle, avec atrophie des racines posté-

rieures des nerfs rachidiens. La plupart des auteurs con-

sidérèrent alors la lésion médullo-radiculaire comme

le substratum anatomique nécessaire de l'ataxie loco-

motrice progressive et on en vint à lier si intimement

les deux termes, que dans le langage scientifique cou-

rant on employait indifféremment pour désigner la

même affection les mots de sclérose des cordons posté-

rieurs ou d'ataxie locomotrice progressive.

Cette manière de comprendre la subordination des

symptômes nettement définis du tabès à certaines alté-

rations systématiques de la moelle épinière était, il

faut bien le reconnaître, conforme à la majorité des

observations anatomo-cliniques. Cependant elle était

en contradiction manifeste avec un certain nombre de

faits, relativement exceptionnels, cela est vrai, mais

très bien constatés, et que personne n'avait le droit de

repousser a priori. Quelquefois, en effet, on rencon-

trait, à l'autopsie de sujets qui n'avaient eu pendant

leur vie aucun des symptômes caractéristiques du tabes,

des scléroses évidentes des cordons postérieurs. D'autres

'Duchenne (de Boulogne). De l'Llech·isalioa localisée, 2e édit

Paris, 18G1, p. 548.

sur un cas de pseudo-tabès. 339

fois au contraire, à l'ouverture des cadavres de malades

ayant présenté de leur vivant toute la série des symp-

tômes typiques de l'ataxie locomotrice progressive, on

ne trouvait aucune altération appréciable des centres

nerveux'.

. Que fallait-il penser de ces faits contradictoires ? ` ?

Trousseau en conclut jadis que l'ataxie locomotrice

progressive était essentiellement une maladie sine

materiâ, une névrose; qu'elle n'avait pas de lésions

spécifiques primitives et que les altérations rencontrées

dans la plupart des autopsies étaient les effets et non

les causes des symptômes observés2. D'autres, plus

réservés dans leurs déductions, convenaient que ces cas

étaient inexplicables et conseillaient d'attendre leur

interprétation des recherches ultérieures. « Ce sont là,

disaitAxenfeld, des faits exceptionnels dont il convient

d'ajourner l'interprétation; n'a-t-on pas eu la sagesse

de faire ainsi pour certains cas d'apoplexie cérébrale,

dite nerveuse, dont l'obscurité n'a porté aucune atteinte

à ce que l'histoire de l'hémorrhagie cérébrale ou du

ramollissement renfermait d'enseignements clairs et

précis3. » L'événement a montré combien étaient légi-

times les réserves d'Axenfeld, et depuis l'époque où il

1 Quelquefois aussi on rencontrait à l'autopsie de sujets ayant pré-

senté pendant la vie des symptômes plus ou moins analogues à ceux du

tabes, des altérations des cordons postérieurs autres que la sclérose sys-

tématique, par exemple, des tumeurs ou des îlots étendus de sclérose en

plaques. Les laits de ce genre n'ont pas d'importance théorique. Si on

accepte l'idée que les cordons postérieurs de la moelle sont les organes

de l'ataxie, on conçoit très bien que les lésions étendues de ces organes,

quelle que soit du reste leur nature, donnent lieu à des symptômes rap-

pelant, dans une certaine mesure, ceux de l'ataxie locomotrice pro-

gressive.

- Trousseau. - Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu, t. II.

Axeiifeld. Article : Ataxie locomotrice progressive du Dictionnaire

encyclopédique des Sciences médicales. 1877, t. VII, p. 69.

340 CLINIQUE NERVEUSE.

écrivait ces lignes on est parvenu à classer et à com

prendre un bon nombre des cas qui l'embarrassaient.

Tout d'abord les travaux de MM. Charcot et Pierret

ont démontré qu'au point de vue des réactions patho-

logiques il fallait distinguer, dans les cordons posté-

rieurs de la moelle, deux régions tout à fait distinctes :

l'une centrale (cordons de Goll), qui peut être sclérosée

dans toute son étendue sans que les symptômes de

l'ataxie se manifestent, l'autre périphérique (zones radi-

culaires externes), qui est, si on peut s'exprimer ainsi,

l'organe du tabes, car c'est avec les lésions de cette

région que coexistent les symptômes caractéristiques

de la maladie. Les altérations systématiques des cor-

dons de Goll se montrent dans d'autres conditions

pathologiques; elles s'accompagnent d'autres symp-

tômes. Et voilà comment des scléroses non douteuses

des cordons postérieurs peuvent être rencontrées à

l'autopsie de sujets n'ayant présenté pendant leur vie

aucun des signes habituels du tabes.

Plus récemment les recherches entreprises par divers

auteurs sur la pathologie des nerfs périphériques ont

fourni l'explication de quelques-uns des cas dans les-

quels la moelle est indemne de toute altération chez des

malades qui, de leur vivant, ont eu des accidents d'ap-

parence tabétique. Des névrites multiples, disséminées

çà et là, sur différents points du corps, peuvent don-

ner lieu à des douleurs aiguës, lancinantes, analogues

aux douleurs fulgurantes des ataxiques; elles peuvent

produire des crises viscéralgiques ; elles peuvent enfin

déterminer des troubles de la coordination des mouve-

ments ressemblant un peu à ceux que l'on observe

dans le tabès. C'est sur des faits de ce genre que sont

SUR UN CAS DE PSEUDO-TABES. 341

basés le travail de M. Déjerine sur le nervo-tabes

périphérique et les recherches de 111111. Krücke a,

Lôwenfeld3, Bernhardt', Pribram', etc., etc.

Mais les scléroses des cordons de Goll et les névrites

périphériques ne paraissent pas devoir fournir l'expli-

cation de tous les cas contradictoires auxquels nous

faisions allusion au début de ce travail. Il y a, croyons-

nous, une variété de faux tabes dans laquelle les symp-

tômes ordinaires de l'ataxie locomotrice progressive se

manifestent pendant des années consécutives, sans qu'à

l'autopsie on découvre aucune altération des centres

nerveux, des racines rachidiennes ni des nerfs périphé-

riques.

Déjà quelques auteurs ont été conduits à peuser que,

dans certaines circonstances, l'irritation spinale peut

revêtir une symptomatologie analogue à celle du

tabes.

M. Rockwill' estime que plusieurs malades consi-

dérés comme des ataxiques guéris n'avaient que de l'ir-

ritation spinale. M. Kowalewski' a rapporté, sous le

nom caractéristique de Tabes cloî,sualis illusoria une

curieuse observation de faux tabes développé à la suite

1 Dejérine. Etude sur le Nervo-Tabes péripJtériqtte. (Archives de

Physiologie, 1881.)

. 2 Krùcke. Die Pseudo-Tabes de;' Alcoholiker. (Dezttsche ièe(l. Zeili41lg,

18Si.)

1 Lôwenfeld.- Ueber Spinallahntung mit Alaxie. (Archiv. fiir Psychia-

li-ie und Nervenkrankhciten, 1881.)

4 Iloriiliardt. - Ueber dic multiple Newitis der alcoholiste71. (Zeilscli.

f. 6lit. Aledicitt, 1886.)

s Pribram. Et ? ; Fait voit netclliplctt Neuritis. jNetcrol. Cenfralb., 1886,

p. 212.)

'" Rockwill. ilezv-1-o ? ,k médical Journal, 1881.

7 Kowalewski. Ce71ti-alblait sur Nerucnkeillacnde, von Erlenmeyer,

1881.

342 CLINIQUE NERVEUSE.

des émotions résultant de la vie en commun avec un

vrai tabétique.

M. Leval-Piqueclief consacre un chapitre de sa

thèse à l'étude du pseudo-tabes des névropathes. Il rap-

porte quatre observations inédites de malades se plai-

gnant de douleurs fulgurantes, de crises gastralgiques,

d'incoordination des mouvements, etc. Au point de vue

symptomatique, c'étaient des tabétiques, mais c'étaient

des tabétiques sans lésions organiques, car ils gué-

rirent tous après quelques semaines ou quelques mois

de traitement.

Dans l'observation dont je vais rapporter les détails,

les symptômes tabétiques persistaient depuis une di-

zaine d'années. Ils étaient si nombreux et paraissaient

si précis que tous les médecins qui ont vu le malade

ont porté, sans réserves, le diagnostic d'ataxie loco-

motrice progressive. J'ai moi-même partagé cette

erreur et à diverses reprises j'ai montré ce malade à

ma clinique comme un exemple d'ataxie confirmée.

Aussi ai-je été fort surpris de ne trouver à l'autopsie

aucune altération appréciable de la moelle ni des

racines postérieures. Je pouvais encore supposer qu'il

s'agissait, dans l'espèce, d'un cas de pseudo-tabes

névritique. Je recueillis, pour m'en assurer, un grand

nombre de nerfs périphériques; j'en fis l'examen his-

tologique avec tous les soins possibles, et, à mon

grand étonnement, je n'y pus constater aucune lésion

inflammatoire ou dégénératrice.

Quelle que soit l'interprétation qu'on veuille donner

à ce fait, il me paraît assez curieux et assez imprévu

' Lcvat-Piqueehef. Des Pseudo-Tabes. Th. doct. Paris, 1885.

SUR UN CAS DE PSEUDO-TABES. 343

pour mériter l'attention, car, à ma connaissance, il

n'existe pas encore dans la science un seul exemple de

pseudo-tabes névropathique ou par irritation spinale

ayant eu une durée aussi prolongée, s'étant terminé

par la mort et ayant été suivi d'une autopsie régulière

avec examen histologique des centres nerveux et des

nerfs périphériques.

Observation.

Homme de quarante-quatre ans. Pas d'hérédité névropathique. Pas

de syphilis ni d'alcoolisme. Excès vénériens habituels.

En 4 876, à l'âge de trente-cinq ans, crises de courbature muscu-

luire. - En 1877, crises de douleurs aiguës, lancinantes siégeant

primitivement dans la hanche droite et s'étendant plus lard ci la

gauche. Polyurie. En 1880, douleurs en ceinture . Incertitude de

la marche. Sensations de gonflement des pieds et de dénivellement.

Signe de Rorn6eg. Excitation génitale suivie de frigidité. De

1 88 ci 886, troubles de la miction, tenesme rectal, crises gastriques.

Douleurs fulgurantes types. Persistance de l'incoordination motrice.

Pas de troubles de la vue, ni de troubles trophiques. Réflexes rotu-

liens conservés. Mort de pleurésie tuberculeuse.

Autopsie. Pas de sclérose de la moelle. Pas d'atrophie des racines

postérieures. Intégrité des nerfs phériphériyues.

Pur.. (Jean), né en 1 842, contre-maître dans une forge, est

entré dans mon service à l'hôpital Saint-André de Bordeaux, le

27 avril 4881, pour des crises douloureuses et de l'incoordination

des mouvements des membres inférieurs.

Antécédents héréditaires Pare, mort en 1856, de la fièvre jaune

dans les colonies. Mère, morte d'un accès de fièvre pernicieuse,

contractée à Talaliassec (Floride). Ni l'un ni l'autre n'était atteint

d'affections nerveuses. Pas de renseignements sur les grands

parents.

Antécédents personnels. Pur.. a passé une partie de son

enfance danz la Louisiane. Plus tard, il a navigué pendant trois

ans, dans les mers du Sud et de l'Inde. I ! s'est ensuite fixé au

Sénégal où il est resté deux ans et demi, sans avoir aucune des'

maladies endémiques si fréquentes dans ce pays. Il n'a eu, en

particulier, ni fièvre jaune, ni fièvres intermittentes.

Rappelé en France pour faire son service militaire, il a eu, à

vingt ans, deux blennorrhagies sans gravite. Il affirme qu'il n'a

344 CLINIQUE NERVEUSE.

jamais eu de chancres. Pendant la guerre franco-allemande, il

a été rappelé sous les drapeaux comme ancien militaire et incor-

poré dans le 34° régiment de marche. Frappé d'un coup de sabre

au combat de Beaune-la-Rolande, il fut renversé et foulé aux

pieds par des chevaux; mais ses blessures furent peu graves, car,

après quinze jours du traitement, il put quitter l'ambulance et

rejoindre son régiment qui faisait alors partie de l'armée de

l'Est. Durant les derniers temps de la campagne, il coucha pres-

que toutes les nuits sur la neige, avec ou sans feu, et eut beau-

coup à souffrir du froid. Néanmoins, sa santé ne fut pas sérieuse-

ment ébranlée, puisqu'aussitôt qu'il fut licencié il entra en qualité

de contre-maître dans une fonderie des environs de Bordeaux.

Jusqu'en 1876 (c'est-à-dire jusqu'à l'âge de trente-cinq ans), il

se porta parfaitement bien. Doué d'une intelligence remarquable,

parlant couramment cinq langues vivantes, actif, laborieux,

il ne faisait, assure-t-il, aucun excès de boisson; mais il aimait

beaucoup les femmes et abusait des plaisirs vénériens.

Début et marche de lamalaiie. -Le premier symptôme morbide

apparut dans le courant de l'année 1876, et fut constitué par des

crises de courbature musculaire. Sans avoir fait de travaux pénibles

Pur.. éprouvait de temps en temps une sensation de fatigue qui

augmentait rapidement et l'obligeait à appuyer son dos sur un

plan résistant ou à se coucher. Après trois quarts d'heure ou

une heure de repos, la courbature se dissipait et Pur.. reprenait son

travail. Ces crises survenaient aussi bien dans la matinée que dans

l'après-midi; elles se reproduisaient tous les deux jours en moyenne,

sans régularité. Quelquefois, par exemple, il en arrivait plusieurs

dans la même journée, tandis que d'autres fois il s'écoulait quatre

ou cinq jours entre deux crises successives. La sensation de cour-

bature siégeait uniquement dans les lombes ; jamais elle ne

s'étendait aux membres. « J'éprouvais, dit Pur ? sans avoir fait

aucun exercice exagéré, un sentiment de fatigue, de brisement

musculaire tout à fait semblable à celui que j'avais ressenti

quelquefois pendant la guerre après de longues étapes faites le

sac au dos. » Mais il n'attachait aucune importance à un phéno-

mène qui se dissipait toujours spontanément après un moment

de repos.

Ces crises de courbature musculaire persistèrent pendant les

mois d'avril, mai, juin et juillet 1876. Puis elles disparurent sans

que le malade ait fait aucun traitement, et durant l'hiver de 1876-

1877, Pur... n'éprouva aucun symptôme nouveau :

Dans les premiers mois de 1877, il commença à ressentir des

douleurs aiguës dans la hanche droite. Ces douleurs survenaient

habituellement le matin, au saut du lit, et elles s'apaisaient assez

rapidement par le fait de la marche. Elles étaient très vives,

SUR UN CAS DE PSEUDO-TABES. 345

instantanées et si brusques qu'elles faisaient souvent tressauter le

malade. Elles siégeaient, pendant les premières semaines qui

suivirent leur apparition, sur la hanche droite seule, mais plus

tard, elles s'étendirent à la hanche gauche. Vers le mois de juin

1877, Pur... souffrit en outre de picotements désagréables siégeant

à la région lombaire de la colonne vertébrale. Comme à cette

époque il rendait une quantité excessive d'urines (jusqu'à quatre

litres par vingt-quatre heures), on pensa qu'il avait une affection

rénale(quoiquel'analyse de l'urine ne révélât rien d'anormal dans

la composition de ce liquide) et on le soumit à un traitement

approprié : cautères le long de la colonne vertébrale, bains de

vapeur, iodure de potassium à l'intérieur.

Sous l'influence de ce traitement, les douleurs rachialgiques et

la polyurie parurent s'atténuer. Pur...reprit son travail, souffrant

toujours de temps en temps de ses douleurs aiguës dans les

hanches, et resta sans accidents nouveaux jusqu'au mois de mars

1880. A cette époque, les crises douloureuses devinrent plus

violentes et plus rapprochées. En outre, dans leurs intervalles, le

malade commença à souffrir d'une douleur fixe constrictive, for-

mant ceinture autour de la partie inférieure du ventre et du

bassin. a J'avais, dit-il, le bas du ventre et le haut des cuisses

oorume serrés dans un filet à mailles étroites. A certains moments

la constriction devenait extrêmement violente, puis elle dimi-

nuait, mais elle ne disparaissait jamais complètement. »

En même temps apparut un symptôme important : l'incertitude

de la marche. Le malade s'aperçut d'abord qu'il lui était difficile

de monter les escaliers ; il lançait ses pieds au delà du but à

atteindre ; il s'entravait ; il n'avait plus d'équilibre. Ses pieds

étaient le siège d'une sensation bizarre ; ils lui paraissaient tou-

jours enflés. Un peu plus tard, il lui sembla que le sol était mou

«comme du coton ». Enfin il éprouva une sensation encore plus

désagréable qu'il décrit sous le nom de sensation de dénivellement,

et dont voici les caractères : chaque fois qu'il appuyait les pieds

par terre, il sentait le sol s'enfoncer de trois à six centimètres et

c'est seulement après avoir subi cet enfoncement que le pied lui

paraissait solidement fixe sur un plan résistant. Les troubles de

la coordination motrice augmentaient considérablement dans

l'obscurité. Quand le malade voulait marcher les yeux- fermés,

ses jambes se dérobaient sous lui, la sensation de dénivellement

augmentait et, en fin de compte, il était obligé de s'accrocher à

un soutien solide pour ne pas tomber.

Une violente excitation génitale coïncida avec l'apparition des

symptômes que nous venons d'énumérer. De mars à juillet 1880,

Pur.. avait des érections interminables et comme il vivait avec

une maîtresse, il se livrait avec une ardeur excessive aux plaisirs

de l'amour. Vers le mois d'août les érections devinrent incomplètes

346 CLINIQUE NERVEUSE.

et inefficaces, mais il y avait de fréquentes éjaculations noctur-

nes survenant à la suite de rêves érotiques ou même sans rêves,

et non accompagnées de sensations voluptueuses.

Vers la fin de 1880 et le commencement de 4881, le malade

eut à plusieurs reprises de la difficulté à uriner et de faux besoins

d'aller à la garde-robe. Quand ces accidents survenaient, il ne

pouvait pisser debout; il était obligé de s'accroupir et de faire des

efforts prolongés. Il lui semblait aussi que son rectum était rempli

de matières dures prêtes à sortir, et quand il se présentait à la

garde-robe, il faisait d'inutiles efforts pour expulser des matières

qui n'existaient pas. Des traitements variés ayant été employés

sans succès pour combattre ces divers accidents, Pur.. se décida à

entrer à l'hôpital Saint-André le 27 avril 1881.

Etat actuel en mai 1881. Pur., est un homme robuste,

vigoureux, puissamment musclé. Son intelligence et sa mémoire

n'ont subi aucune altération. Il fait avec une lucidité parfaite le

récit des souffrances qu'il a éprouvées depuis 1876. Il se plaint

surtout de la violence et de la fréquence des crises douloureuses

siégeant dans les hanches, et de la difficulté constante qu'il

éprouve à se maintenir en équilibre dans la station verticale ou

dans la marche.

Les douleurs surviennent par crises tous les deux à six jours.

Elles sont d'une violence excessive. « Il me semble, dit le malade,

qu'on m'arrache tout à coup l'os de la cuisse et qu'aussitôt après

on le remet en place avec une brutalité excessive. Cela ne dure

qu'un instant, moins d'une seconde assurément, mais c'est atroce-

ment douloureux. Et puis cela se reproduit toutes les minutes

ou toutes les deux minutes pendant des heures entières.» Quand

la crise est terminée, il ne reste après elle aucun retentissement

douloureux dans la hanche : la pression sur les trochanters est

indolente ; l'articulation coxo-fémorale ne parait être le siège

d'aucune lésion.

L'incoordination motrice existe seulement dans les membres in-

férieurs. La marche n'est pas impossible, mais elle est difficile.

Pur., se promène cependant une partie de la journée, en s'ap-

puyant sur une canne. Il s'avance alors les jambes très écartées,

comme s'il n'était pas sûr de conserver l'équilibre, le corps voûté

en avant. Il lance les pieds au delà du but à atteindre et laisse

retomber fortement ses talons sur le sol. Il a toutes les peines du

monde à monter un escalier. Si on le prie de marcher les yeux

fermés, il chancelé et est incapable de progresser. Il lui est égale-

ment impossible de marcher à reculons que les yeux soientouverts

ou fermés. Avec le secours de la vue, il peut se tenir un instant sur

une seule jambe, mais aussitôt qu'il ferme les paupières, il perd

l'équilibre et est obligé, pour ne pas tomber, de se remettre sur les

deux jambes. ,

SUR UN CAS DE PSEUDO-TABES. 347

L'énergie de la contraction des muscles des membres inférieurs

est normale. Quand on dit à Pur.. de tenir ses jambes étendues et

qu'on essaie de les fléchir de force, il oppose une résistance con-

sidérable. Le dynamomètre placé dans le jarret marque, quand

le malade fléchit la jambe sur la cuisse, 19 kilos du côté droit

et 24 kilos du côté gauche. Malgré cette conservation apparente

des forces, le malade se fatigue rapidement etserait incapable de

faire une longue course.

Il n'y a pas d'atrophie musculaire, ni d'adipose sous-cutanée, ni

de troubles trophiques de la peau ou des ongles.

La sensation de position des membres inférieurs est bien con-

servée. Les yeux fermés, le malade se rend très bien compte des

déplacements qu'on imprime à ses jambes, il reconnaît les posi-

tions qu'on leur donne, mais il dit que cette sensation est un peu

lente à se produire. Tandis qu'il sait toujours la position dans

laquelle on place ses membres supérieurs, il a besoin d'un instant

d'attention pour avoir la notion précise de la position qu'occupent

ses membres inférieurs. Il ne lui arrive pas de perdre ses jambes

dans son lit.

La sensibilité cutanée est obtuse. Les piqûres pratiquées sur

les pieds et les jambes sont perçues avec un léger retard et avec

un dédoublement des sensations par suite duquel le malade per-

çoit d'abord un contact simple, puis une piqûre. Ces deux sensa-

tions successives sont séparées par un intervalle très court, un

dixième de seconde environ. C'est peut-être à ce phénomène du

dédoublement des perceptions qu'il faut rapporter la sensation de

dénivellement, qui contribue pour une large part à rendre la mar-

che incertaine et hésitante. Dans tous les cas, si on fait marcher

le malade sur les genoux il éprouve la même sensation d'affaisse-

sement du sol que lorsqu'il appuie sur les pieds.

Le chatouillement plantaire est bien perçu et les réflexes consé-

cutifs à ce chatouillement sont normaux. - Le réflexe crémas-

térien est conservé : le soulèvement du testicule est plus fort à

droite qu'à gauche. Les réflexes rotuliens ne sont pas abolis. Ils

persistent même après l'élliérisation locale, jusqu'à insensibilité

absolue, delà peau qui recouvre les tendons rotuliens. La percus-

sion des muscles triceps donne lieu à une contraction brusque,

comme chez les sujets sains. Il n'y a rien d'anormal dans les

membres supérieurs.

Les pupilles sont égales, mais rétrécies. Elles réagissent norma-

lement à la lumière et aux efforts d'accommodation. Lemalade n'a

jamais eu de diplopie. Sa vue est bonne.

Après un séjour de quelques mois dans le service, Pur... quitta

l'hôpital et reprit ses fonctions dans une fonderie. Il éprouvait

beaucoup de peine à se diriger dans l'usine, au milieu des

348 CLINIQUE NERVEUSE.

machines, des foyers et de la fonte en fusion. Il fit souvent des

chutes dangereuses. On utilisa alors son activité dans les ateliers

de dessin où il pouvait rendre des services, sans être exposé à des

accidents.

Il revint à l'hôpital en octobre 1883 et les notes recueillies à cette

époque signalent quelques modifications importantes dans les

symptômes de la maladie. J'y trouve consignées les particularités

suivantes : « Depuis un an environ, le malade a dans les membres

inférieurs de véritables crises de douleurs fulgurantes. Elles sur-

viennent à des intervalles irréguliers, et ne durent jamais plus de

quelques heures. Elles éclatent surtout le soir, après le coucher,

quand la chaleur du lit commence à se faire sentir. Les douleurs

ont le caractère de fulgurations très rapides partant de la région

des fesses et éclatant tout à coup « comme des fusées » dans les

jambes et les cuisses. Dans leurs intervalles, il y a souvent des

crampes très pénibles dans les muscles des membres inférieurs.

Depuis que ces crises fulgurantes ont fait leur apparition, les

tiraillements des hanches ont disparu. La douleur en ceinture est

plus fréquente qu'autrefois, mais moins violente. »

En mars eten juillet 1883, le malade a eu deux grandes crises

gastralgiques. La première a duré six jours, la seconde quinze.

Ces crises étaient caractérisées par des douleurs intolérables,

accompagnées de vomissements glaireux peu abondants. Pendant

toute leur durée il y eut une sialorrhée abondante et du ténesme

rectal.

Dans l'état actuel, rien à signaler, si ce n'est la persistance des

symptômes constatés en 1881. La démarche est toujours incertaine.

La sensation de dénivellement persiste. Le signe de Romberg

est très net. Les réflexes rotuliens sont conservés. Les piqûres

sont toujours perçues en deux temps (-1 contact, 20 piqûre). Pas

de troubles de la vue. Pas de troubles trophiques. Etat général

bon.

Dans le courant de l'année 1884, les symptômes précédemment

indiqués persistèrent sans modifications notables. Il y eut cinq ou

six crises gastralgiques. En 1885, le protocole de l'observation

signale que la sensibilité cutanée est plus obtuse qu'en 1883. Les

piqûres et les pincements pratiqués sur les membres inférieurs

sont perçus avec des retards considérables et de grosses erreurs

de lieu. Les sensations de chaleur sont mal appréciées. Un jour,

le malade se chauffant les pieds devant le feu, laissa brûler ses

chaussons sans s'en apercevoir. Les crises de douleurs fulgurantes

sont, en revanche, moins fréquentes et moins violentes. Les pico-

tements rachialgiques persistent ainsi que les douleurs en cein-

ture ; ces dernières ont même augmenté d'intensité.

La miction est habituellement facile. Pas d'appétence génésique.

SUR UN CAS DE PSEUDO-TABES. 349

Les érections sont rares, sans désir érotique. Pas de pollutions

nocturnes. Le testicule droit est beaucoup plus petit que le

gauche. Sa consistance est plus molle et sa sensibilité à la pression

et au choc est très affaiblie. Le malade ignore à quelle époque a

débuté cette atrophie testiculaire, mais il assure très catégorique-

ment qu'elle n'existait pas avant le début de sa maladie. 11 n'a eu,

du reste, ni orchite, ni variole, ni scarlatine, ni oreillons,

ni syphilis qui puissent en être la cause. Le testicule gauche

n'a pas diminué de volume. Sa sensibilité à la pression et sa con-

sistance sont normales.

Le réflexe au chatouillement plantaire est aboli. Le réflexe

rotulien est normal à gauche et légèrement affaibli à droite.

Pas de dystrophie de la peau ou des ongles. Pas d'atrophie mus-

culaire. Le goût, l'ouïe, l'odorat sont normaux. Pupilles égales,

réagissant bien à la lumière et à l'accommodation, myosis légère.

Après être sorti de l'hôpital dans les premiers mois de 1886,

Pur... y revint une dernière fois en novembre. Il fut admis dans

le service de M. Riquard et présentait, parait-il, les mêmes symp-

tômes tabétiques qu'autrefois. Quelques joursaprès son admission,

il se plaignit d'un violent point de côté. Puis il fut pris de fièvre,

de dyspepsie intense avec tendances à la syncope et finalement

il succomba le 5 décembre 1886. M. Riquard voulut bien m'au-

toriser pratiquer son autopsie le lendemain.

Autopsie. En enlevant le plastron sternal, on remarque que

le tissu cellulaire du médiastin antérieur est oedémateux, infiltré

de sérosité louche, blanchâtre et parsemé de nombreux gan-

glions lymphatiques tuméfiés au point d'avoir souvent le volume

de grosses amandes. La cavité pleurale droite renferme un épan-

chement enkysté de un litre environ de liquide sanguinolent. La

loge formée en bas par le plan supérieur du diaphragme, en

haut par le poumon refoulé, en dedans par le médiastin, et en

dehors par la cage thoracique, est tapissée de fausses membranes

épaisses, très vasculaires, renfermant des milliers de granulations

tuberculeuses. Les deux poumons sont également infiltrés de

tubercules miliaires. Le foie a son volume normal; il renferme

dans un de ses canaux biliaires un calcul arborisé dont la branche

principale a le volume d'une plume d'oie. Le coeui, est sain. Les

reins ne présentent pas d'altérations appréciables. Les muqueuses

de l'estomac et de l'intestin sont normales.

Les méninges céphaliques, le cerveau, le cervelet, la protubérance,

le bulbe rachidien ont toutes les apparences de l'état normal. On

ne remarque pas de dégénérescence grise des nerfs crâniens.

La moelle épinière est enlevée avec précaution. Après incision

longitudinale de la dure-mère, on aperçoit les méninges rachi-

diennes qui paraissent tout à fait saines. Pas d'épaississement

350 CLINIQUE NERVEUSE.

de la pie-mère. Pas de néo-membranes de l'arachnoïde. -Les

racines postérieures ont le volume et l'aspect chatoyant qu'elles

présentent dans les conditions normales. La moelle elle-même

est ferme. Ni à sa surface ni sur les coupes transversales on ne

distingue de teinte grisâtre au niveau des cordons postérieurs. Les

substances blanche et grise sont bien distinctes ; elles paraissent

inaltérées. Plusieurs ganglions rachidiens, enlevés avec la gouge

dans les trous de conjugaison se 'présentent avec la forme, le

volume et la consistance de ganglions normaux.

La moelle a été plongée aussitôt après l'.autopsie dans une solu-

tion de bichromate d'ammoniaque à 2 p. 100, où elle est restée

jusqu'à ce qu'elle soit assez dure pour qu'on y puisse pratiquer

des coupes minces destinées à l'examen histologique. Un grand

nombre de tronçons de nerfs périphériques, plusieurs paires de

racines rachidiennes et quelques nerfs viscéraux ont été placés

pendant vingt-quatre heures dans de petits flacons soigneusement

étiquetés et renfermant chacun quelques centimètres cubes

d'acide osmiquè en solution aqueuse à 1 p. 150. Ils ont été ensuite

lavés, dissociés, colorés au picro-carmin ou à la glycérine éosinée

et montés en préparations persistantes.

Examens histologiques. 1° Moelle épinière. Sur les coupes

transversales provenant des différentes régions de la moelle (cer-

vicale, dorsale et lombaire), colorées au carmin ou à l'hématoxy-

line de Weigert et clarifiées par les procédés ordinaires, on ne

trouve nulle part de taches scléreuses. Les cornes dé substance

grise et les cordons blancs ont les apparences de l'état normal :

cellules et tubes sont également sains. Le tissu conjonctif inter-

tubulaire n'est pas épaissi. Dans les cordons de Goll et les zones

radiculaires externes, en particulier, rien n'indique l'existence

d'une sclérose confirmée ou d'un début d'altération scléreuse.

La seule particularité digne d'être signalée, c'est que les parois

des vaisseaux sanguins sont, dans toutes les hauteurs de la moelle,

plus denses et plus épaisses qu'à l'ordinaire. Il semble qu'il y ait

une légère périartérite diffuse. faut ajouter que les artères ainsi

altérées ne forment pas des centres d'où s'irradient des travées con-

jonctives élargies : l'altération est limitée aux parois vasculaires ;

elle ne s'étend pas au delà. Ajoutons encore que cet épaississement

des parois vasculaires est peut-être un peu plus manifeste dans le

segment postérieur de la moelle (cordons et cornes), mais qu'il

existe aussi dans les cordons latéraux et dans les cornes antérieures.

2° Racines rachidiennes. Quatre paires de racines rachidiennes

provenant des régions dorsale et lombaire de la moelle ont été

dissociées et soumises à l'examen : Il a été impossible d'y consta-

ter la moindre altération. Les racines postérieures renferment,

aussi bien que les antérieures, des fibres nerveuses intactes, pour-

SUR UN CAS DE PSEUDO-TABES. 351

vues de gaines de myéline saine, sans 'fragmentation ni atro-

phie.

3° Nerfs périphériques. - Douze fragments de nerfs périphériques

ont été dissociés après l'action de l'acide osmique et examinés au

microscope. Ils provenaient des nerfs suivants : 1° cubital droit ;\

2° dixième nerf intercostal droit; 3° sciatique gauche; 4° crural gauche;

5° et 6° sciatiques poplités interne et externe gauches; 70 et 80 scia-

tiques poplités interne et externe droits; 9° tibial antérieur gauche ;

10° tibial antérieur droit; 11 - mîiscitlo cutané gauche; 4 2' musculo-

cutané droit.

Tous ces nerfs, sans exception, sont dans un état parfait d'inté-

grité, Quelques filets cutanés, recueillis dans la peau du scrotum,

sont également tout à fait normaux.

Nerfs viscéraux. Parmi les nerfs viscéraux soumis à l'examen

histologique, les grands splanchniques , les pneumo-gastriques, les

laryngés supérieurs droits et gauches, le récurrent droit et le phi,é-

nique droit sont sains.

Le récurrent gauche, au contraire, présente de grosses altérations.

Il ne renferme pour ainsi dire plus de tubes nerveux à myéline.

Il est composé presque exclusivement de fibres atrophiées, d'aspect

ruhanné, très difficiles à isoler les unes des autres par la dissocia-

tion.

Les nerfs de l'estomac et du coeur paraissent également altérés.'

Les quelques fibres rnyéliniques qu'on y rencontre à l'état normal

ont disparu ; on n'aperçoit que des fibres sans myéline.

Quant aux fibres de Remak qui se trouvent toujours en grande

abondance dans ces nerfs, les procédés que nous avons employés

ne permettent pas de déterminer avec précision si elles sont saines

ou altérées.

En résumé, un homme de trente-cinq ans, fort,

vigoureux et d'une bonne santé antérieure est pris, sans

cause connue, d'accidents nerveux variés analogues à

ceux qui caractérisent l'ataxie locomotrice progressive :

douleurs à type fulgurant, incoordination motrice des

membres inférieurs, crises gastralgiques, etc. Ces acci-

dents persistent pendant près de dix ans. Le malade

meurt d'une affection tuberculeuse aiguë intercurrente

et, à son autopsie, on ne découvre aucune altération

organique de la moelle, ni des racines rachidiennes,-

352 CLINIQUE NERVEUSE.

ni des nerfs périphériques. A peine trouve-t-on quelques

lésions dans certains nerfs viscéraux. Tel est le fait

brutal.

On pourrait peut-être, en analysant après coup les

symptômes présentés par ce malade, faire des réserves

sur la légitimité du diagnostic porté durant sa vie; dire,

par exemple, que la conservation des réflexes rotuliens,

l'absence de troubles des réactions pupillaires auraient

dû faire écarter l'hypothèse du tabes. En fait, l'objec-

tion ne serait pas très sérieuse, car jamais on ne trouve

réunis sur un même malade tous les symptômes tabé-

tiques connus.

On pourrait supposer encore qu'il s'agissait, dans

l'espèce, d'un simulateur se jouant de la crédulité des

médecins qui lui donnaient des soins, mais il suf-

fira d'un instant de réflexion pour écarter cette sup-

position. Une simulation de ce genre, prolongée pen-

dant dix ans, impliquerait une telle habileté, une telle

force de volonté que vraiment il est impossible de croire

à sa réalité. Et dans quel intérêt Pur... aurait-il dé-

pensé tant d'astucieuse persévérance ? C'était un homme

fort intelligent, actif, parlant et écrivant cinq langues

vivantes. Il lui était très facile de trouver hors de l'hôpi-

tal des moyens d'existence. Pourquoi donc se serait-il

appliqué pendant si longtemps à simuler des souffrances

qu'il n'éprouvait pas ? 2

Notre malade présentait bien réellement, cela est

certain, les symptômes tabétiques dont il se plaignait.

Cependant l'autopsie n'a pas permis de découvrir les

lésions habituelles du tabes. En faut-il conclure que

l'ataxie locomotrice soit une névrose ? Non, assuré-

ment. Mais il faut admettre qu'il existe, dans certains

UN CAS DE PSEUDO-TABES. 353

cas, des troubles fonctionnels susceptibles de donner

lieu à un ensemble de symptômes analogues à ceux

qui caractérisent le tabes. L'anatomie pathologique

a rendu assez de services pour qu'on puisse sans

inconvénients avouer que, dans l'état actuel de la

science, elle est impuissante à fournir la raison maté-

rielle de tous les phénomènes morbides. On possède

déjà plusieurs observations dans lesquelles des méde-

cins expérimentés, ayant posé, durant la vie du malade,

le diagnostic de sclérose en plaques ou de paralysie

bulbaire progressive, ont été surpris de ne découvrir

à l'autopsie aucune altération appréciable du cerveau

ou de la moelle épinière'. Rien n'est plus difficile,

du reste, que de reconnaître si un symptôme nerveux

quelconque est déterminé par une lésion organique

préexistante ou s'il est le résultat d'un simple trouble

fonctionnel. Les accidents qui paraissent relever le plus

sûrement des lésions organiques, tels que l'hémiplégie,

l'hémianesthésie, l'hémichorée, l'hémiathétose, l'épi-

lepsie jaclesonienne, etc., sont, dans un bon nombre

de cas, indépendants de toute altération matérielle des

centres nerveux. L'apoplexie elle-même est quelquefois

le résultat d'un simple trouble dynamique de l'encé-

phale et rien ne ressemble plus à l'état apoplectique

causé par une vaste hémorrhagie cérébrale, que l'état

malades atteints de paralysie générale, de sclérose en

' Voir à ce sujet : Westphal, Ueber eiize ? 7z dent Bilde dei, cerebro-

spinalen grauezt Degeneration Ch2liche Eiki-an4-ii ? zg des cett<)'s7 ! 11'eruen-

syste ? ? zs oh ? ie a7zatomische ? z Befund (Archiv. sur Psychiatrie und Nerven-

ke-ankheilen, t. VIII, 1833) ; J. Babinski, Etude analonzique et clinique sur

la sclérose en plaques (Th. doct. Paris, 1885); Oppenheim, Ueber einent

Fait von chronischer progressive)- l3zslbfirpnz·alyse oh7ze anatontischen

Refiiiid (V2,chows Archiv., Il·1 108, 1887), etc.

Ancmves, t. XV. 23

354 CLINIQUE NERVEUSE.

plaques ou de tabes, quoiqu'on ne trouve à l'autopsie

de ces derniers aucune lésion en foyer pouvant expli-

quer le coma et la mort.

Somme toute, il n'est pas plus étonnant de rencon-

trer des pseudo-tabes que des pseudo-scléroses en

plaques, des pseudo-paralysies bulbaires ou des pseudo-

apoplexies. Nous ne comprenons pas encore le méca-

nisme de ces troubles fonctionnels, mais qu'importe ? 2

Nous en sommes encore à la période d'élaboration pré-

paratoire dans laquelle on recueille des documents sans

savoir à quelle synthèse ils pourront servir plus tard.

Ne nous hâtons pas trop d'expliquer et de conclure;

ayons plutôt la sagesse d'attendre que des recherches

ultérieures fournissent l'interprétation des faits qui

nous semblent aujourd'hui inexplicables.

NOUVELLES ÉTUDES SUR LE ROLE DE LA PRÉDISPOSITION

NERVEUSE DANS L'ÉTIOLOGIE DE LA PARALYSIE FACIALE

DITE A F,11[GOIiE,-

Par le Dr E. NEU)IANN.

Au mois de juillet dernier, nous avons publié, dans

cette revue, un mémoire consacré à l'Etude des condi-

tions êliologiques de la paralysie faciale. Laissant de

côté les hémiplégies de la face provoquées par une

hémorrhagie ou par un ramollissement du cerveau,

les paralysies de la septième paire placées sous la

dépendance de la syphilis cérébrale, celles qui peu-

vent être occasionnées par un traumatisme ou par

DE LA PARALYSIE FACIALE. 355

une carie du rocher, en un mot toutes les paralysies

se rattachant à une lésion bien déterminée, nous

n'avons visé que les hémiplégies de la septième paire,

dites périphériques, appelées aussi à frigore ou rhuma-

tismales et nous avons cherché à démontrer, en res-

tant exclusivement sur le terrain de la clinique, que

dans toutes ces paralysies faciales, connues autrefois

sous le nom d'idiopathiques, la part étiologique pré-

pondérante revenait toujours à la prédisposition ner-

veuse héréditaire.

Les 17 cas rapportés dans notre travail nous avaient

paru suffisamment démonstratifs pour entraîner notre

conviction et légitimer notre manière de voir ; néan-

moins nous ne croyons pas devoir passer sous silence

les observations nouvelles que nous avons pu recueil-

lir ; loin d'infirmer nos premières conclusions, ces

faits nouveaux viennent, au contraire, les corroborer

de tous points et prouver que la théorie du froid, qui

n'a pour elle que l'ancienneté et la tradition, est en

contradiction flagrante avec l'observation clinique. Si

cette doctrine, qui consiste à mettre au premier plan

le froid ou toute autre cause occasionnelle, a jusqu'à

présent régné sans partage, cela tient à ce que l'action

des circonstances extérieures et celle du froid en

particulier, sont, en apparence, chez un certain nom-

bre de sujets, les seules influences étiologiques sai-

sissables. Mais une analyse rigoureuse des faits et

surtout une étude attentive, portant sur les antécé-

dents des malades, sur leurs antécédents de famille,

nous apprennent que toutes les causes habituellement

invoquées pour expliquer l'origine de la paralysie

faciale, sont purement secondaires et qu'elles se trou-

356 CLINIQUE NERVEUSE.

vent entièrement subordonnées à ce facteur puissant

qui s'appelle l'hérédité nerveuse.

Si, au lieu d'établir l'étiologie de la paralysie

faciale avec des hypothèses banales, on veut la faire

avec des réalités, ce n'est pas dans les influences exté-

rieures, mais dans le sujet lui-même, dans sa famille

qu'il faut chercher la source du mal. Ces enquêtes sur

l'hérédité, il faut bien le dire, ne sont pas faciles. A

l'hôpital, on est en présence d'individus ignorant très

souvent les tares physiques qui ont pu entacher leur

famille et incapables de donner aucune indication pré-

cise. Il importe alors de s'enquérir avec soin des anté-

cédents personnels du sujet et de s'attacher aux

moindres faits de son existence : Presque toujours, on

est en présence de névropathes, qui antérieurement à

leur hémiplégie de la face, avaient eu d'autres acci-

dents nerveux, tels que des tics, des convulsions, des

névralgies, des migraines, etc. En ville, on se heurte

à une autre difficulté : c'est la discrétion voulue des

malades qui s'efforcent de dissimuler au médecin les

affections nerveuses et surtout les affections vésani-

ques qui ont pu frapper certains membres de leur

famille. Mais si, au lieu de se contenter d'un seul

examen et de s'en tenir à un premier interrogatoire

qui ne donnent en général que des résultats négatifs,

on se livre à des enquêtes et à des investigations

répétées, on arrive à recueillir des renseignements

précieux et à obtenir des confidences qui éclairent

d'un jour nouveau l'origine de la maladie. Le dossier

des antécédents de chaque sujet se complète peu à

peu et le dépouillement des observations apprend au

médecin qu'il y a dans la famille des hystériques, des

DE LA PARALYSIE FACIALE. 357

choréiques, des épileptiques, des individus atteints de

paralysie générale ou d'aliénation mentale sous une

forme quelconque, etc. Et alors cette paralysie faciale

qui apparaissait, au premier abord, comme un accident

imputable au froid, à une émotion ou à tout autre

facteur banal, n'est plus qu'un épisode nerveux en

parfaite connexion avec le passé du sujet et intime-

ment lié aux maladies de ses ascendants et de ses

collatéraux.

Telles sont les déductions auxquelles nous avait

conduit l'étude des faits relatés dans notre premier

mémoire, tels sont aussi -les enseignements qui se

dégagent pour nous des documents cliniques dont

l'exposé va suivre.

Observation I. L... (Catherine), quarante-huit ans, blanchis-

seuse, se présente au service d'électrothérapie de la Salpêtrière le

4 juillet 1887, avec une paralysie faciale du côté droit.

Pas de renseignements au point de vue des antécédents de famille.

Antécédents personnels : Bien réglée, depuis l'âge de quatorze ans;

n'a jamais eu d'enfant; à l'âge de vingt ans, sciatique du côté

droit qui a persisté pendant cinq mois environ. Cette malade, très

impressionnable nous dit qu'elle souffre habituellement de maux de

tête ; depuis trois ans environ elle a des douleurs névralgiques

occupant le côté gauche de la face et revenant fréquemment, mais

à des périodes irrégulières; ces douleurs ont disparu complète-

ment depuis deux mois. Il y a quinze jours, le 27 juin, elle a été

prise sans cause connue d'une paralysie faciale occupant le côté

droit. L'hémiplégie porte sur toutes les branches du facial droit.

Il résulte de l'exploration électrique que les réactions faradiques

sont légèrement diminuées. Pas d'altérations soit qualificatives

soit quantitatives de la contraction galvanique.

Observation II. G... (Louise), couturière, âée de trente ans,

vient nous consulter le 5 octobre 1887. Pas de renseignements

précis sur les antécédents de famille. Antécédents personnels :

Rougeole et coqueluche dans la première enfance. Réglée à

quinze ans, Louise G... a toujours été très nerveuse depuis l'époque

de la menstruation ; tendance facile au rire et aux larmes; n'a

jamais eu d'attaques de nerfs, ni de perte de connaissance; ? ni-

358 CLINIQUE NERVEUSE.

graines fréquentes. Mariée depuis dix ans, elle a eu deux enfants

dont l'aîné, âgé de douze ans, a actuellement la chorée ; l'autre

enfant, âgé de cinq ans, a déjà eu plusieurs fois des convulsions.

Il y a deux mois environ, elle a été prise brusquement, sans

cause connue pour elle, d'une paralysie faciale occupant le côté

gauche de la face. Tous les muscles innervés par le facial gauche

sont paralysés ; à l'exploration électrique on ne constate qu'une

légère diminution de la contractilité faradique.

Dans les deux observations qui précèdent, nos

recherches sur les antécédents n'ont pas abouti à des

résultats très précis et la question de l'hérédité ner-

veuse est restée en suspens, mais, malgré les lacunes

qu'elle présente, l'histoire de ces deux malades n'en

est pas moins probante et instructive. Les névralgies

faciales dont la malade de la première observation a

souffert à diverses reprises, la sciatique dont elle a été

atteinte, sa vive impressionnabilité ne laissent aucun

doute sur la susceptibilité native de son système ner-

veux. La paralysie faciale n'a pas été chez elle un

accident isolé, c'est un trouble nerveux de plus à

ajouter à ceux qui l'avaient précédée et qui consti-

tuent sinon des preuves absolues, du moins de fortes

présomptions en faveur de l'existence d'une tare

familiale.

Dans la deuxième observation, le terrain nerveux

apparaît plus manifestement encore; les antécédents

personnels suffiraient d'une part à prouver qu'il s'agit

d'une névropathe; d'autre part, si l'enquête a été

négative en ce qui concerne les ascendants et les col-

latéraux, les accidents nerveux dont ont été frappés

les deux enfants de la malade (le mari de celle-ci

n'étant ni nerveux, ni issu de souche névropathique)

sont là pour attester l'existence delà diathèse nerveuse

chez la mère.

DE LA PARALYSIE FACIALE. 359

Dans tous les faits dont la relation va suivre les

indications sur les antécédents de famille sont nettes

et concluantes et les preuves abondent en faveur de la

prédisposition nerveuse héréditaire.

Observation III. F... (Pauline), sans profession, quarante-un

ans, se présente à l'hospice de la Salpêtrière le 9 juin 1887. Elle a

une paralysie faciale du côté gauche qui date du 35 août 4881;, soit

depuis deux ans environ.

Antécédents de famille : Père bien portant, mère très nerveuse.

Un oncle maternel est épileptique, une sceccr de la malade est

morte de méningite à l'âge de cinq ans.

Antécédents personnels : Rougeole dans l'enfance. F... est très

nerveuse, elle a souvent des étouffements {boule hystérique), rêves et

cauchemars, insomnies fréquentes. Mariée depuis dix-huit ans, la

malade n'a eu qu'un enfant, qui est mort de méningite à trois ans.

F... croit avoir pris froid la veille du jour où elle a été paralysée;

elle ne sait toutefois, ajoute-t-elle, si c'est à un refroidissement ou

aux contrariétés vives qu'elle a éprouvées à ce moment-là qu'elle

doit rapporter l'hémiplégie faciale.

L'exploration électrique nous apprend que les muscles innervés

par le facial inférieur gauche, quoique paralysés, fonctionnent à

peu près normalement (légère diminution de l'excitabilité fara-

dique); il n'en est pas de même pour les muscles placés sous la

dépendance du facial supérieur et en particulier pour l'orbiculaire

des paupières, qui est manifestement contracturé.

Observation IV. D... (Jeanne), quarante-deux ans, employée

dans une manufacture, se présente au service d'électrothérapie,

le juin 1887, avec une paralysie faciale du côté gauche.

Antécédents héréditaires : Père mort à cinquante-neuf ans à la

suite d'une attaque d'apoplexie; mère très nerveuse, âgée aujour-

d'hui de soixante-dix ans, a été enfermée pendant quelque temps

dans un asile pour aliénation mentale. Un oncle maternel mort

aliéné, deux scezcrs de la malade mortes à la suite de maladies ner-

veuses ( ? ).

Antécédents personnels : Convulsions dans l'enfance. D... a eu, à

plusieurs reprises, des poussées d'eczéma à la face; elle affirme

n'avoir jamais eu d'attaques couvulsives, mais elle avoue qu'elle

est très nerveuse; elle se plaint surtout d' étouffements et d'une sen-

sation de construction ci la gorge. Les régions ovariennes sont un

peu sensibles sans être, à vrai dire, douloureuses; pas d'a-

nestliésie.

360 CLINIQUE NERVEUSE.

L'hémiplégie faciale date du mois d'octobre dernier; la malade

ne s'est pas exposée au froid et ne sait à quelle cause elle doit

rapporter la paralysie. L'impotence fonctionnelle porte sur tous

les muscles innervés par le facial gauche, à l'exception de l'orbi-

culaire des paupières qui, loin d'être paralysé, est, au contraire.

contracturé. La coutractilité faradique est diminuée dans tous

les muscles du côté gauche de la face; contractilité galvanique

normale.

Observation V. S... (Françoise), cinquante-cinq ans, cuisi-

nière, vient au service d'électrothérapie le 21 juin 1887; elle est

paralysée du côté gauche de la face.

Antécédents de famille : Père mort depuis dix ans à la suite d'une

maladie nerveuse ( ? ). Su mère, qui souffrait habituellement de mi-

graines et de névralgies, est morte, il y a huit ans, après être restée

hémiplégique du côté droit pendant trois ans. Grand'mère mater-

nelle, morte aliénée. Un frère de S... est paralysé depuis son en-

fance.

Antécédents personnels : Rougeole et coqueluche dans l'enfance.

Depuis l'âge de vingt ans, migraines revenant une ou deux fois par

mois. Il y a quelques années la malade a eu, à diverses reprises,

des attaques convulsives avec perle de connaissance. Ces crises con-

vulsives ne se sont pas renouvelées depuis deux ans environ ; niais

S... est toujours restée très nerveuse et très impressionnable . La

paralysie date de deux mois environ ; elle est survenue brusque-

ment sans raison apparente pour le malade. Tous les muscles

innervés parle facial gauche sont paralysés; réaction de dégéné-

rescence très nette dans les muscles frappés de paralysie.

Observation VI. C... (Louis-François), employé de commerce,

trente-quatre ans, vient au service d'électrothérapie le 21 juin

1887; il est atteint d'une paralysie faciale droite.

Antécédents de famille : Père a eu il y a trois ans une hémiplégie

du côté gauche dont il est aujourd'hui incomplètement guéri; un

oncle paternel est aliéné; un autre oncle du côté du père souffre

habituellement de névralgies de la face. La mère est bien portante.

C... a deux soeurs qui jouissent également d'une bonne santé.

Antécédents personnels : Le malade n'a jamais eu aucun acci-

dent nerveux; interrogé sur les causes de sa paralysie, C... nous

dit qu'il ne sait a quoi l'attribuer; il n'a pas pris froid et l'hémi-

plégie, d'après lui, est survenue spontanément il y a deux mois.

L'examen électrique pratiqué par M. le Dr Vigouroux, chef du

service d'électrothérapie, révèle l'existence de la réaction, de dégé-

nérescence dans tous les muscles innervés par le facial droit.

DE LA PARALYSIE FACIALE. 361

Observation VII. B... (Désirée), quarante ans, marchande de

vins, vient au service d'électrothérapie de la Salpêtrière le

12 juillet 4887.

Antécédents héréditaires : Père mort, il y a dix ans, à l'âge de

soixante ans à la suite d'une maladie de coeur. Mère épileptique

morte il y a neuf ans; un frère de la malade est choréique; un

autre frère est épileptique. B... a une soeur qui est atteinte d'une

maladie nerveuse ( ? ), d'une maladie noire, nous dit-elle.

Antécédents personnels : La malade nous raconte que depuis son

enfance elle a toujours été très nerveuse, qu'elle a des migraines

qui reviennent environ une ou deux fois par mois.

Le 1" juillet, elle s'est couchée laissant la fenêtre ouverte et le

lendemain, elle s'est réveillée avec la face paralysée du côté gauche.

L'exploration électrique nous apprend que la contractilité faradique

est abolie et qu'il y a augmentation de l'excitabilité galvanique

avec prédominance de l'anode (réaction de dégénérescence com-

plète).

Observation VIII. B... (Eugénie), couturière, vingt-sept ans,

vient au service d'électrothérapie le 3 novembre 1887; elleestpara-

lysée du côté droit de la face.

Antécédents héréditaires : Père mort il y a cinq ans à la suite

d'une maladie du cerveau ( ? ). La malade ne peut préciser davantage.

Mère bien portante, trois frères en bonne santé; une soezii, âgée de

quatorze ans atteinte de chorée depuis dix-huit mois.

Antécédents personnels : Rougeole et variole dans la première

enfance; à vingt ans, fièvre typhoïde; depuis cette dernière alfec-

tion la malade est restée très impressionnable, mais elle n'a jamais

eu d'attaques convulsives. L'hémiplégie de la face qui siège à

droite date de deux mois; la malade l'impute au froid; elle nous

raconte qu'elle a été exposée pendant une demi-heure à un vif

courant d'air, que le soir même elle a eu des douleurs derrière

l'apophyse mastoïde et le lendemain elle s'est réveillée paralysée

du côté droit de la figure. Tous les muscles innervés par le facial

droit participent à 1 hémiplégie ; réaction de dégénérescence com-

plète.

Observation IX. L... (Eugénie), âgée de vingt ans, employée

dans une fabrique de caoutchouc, se présente au service d'électro-

thérapie le S janvier 1888 ; elle est atteinte depuis huit jours d'une

paralysie faciale qui occupe le côté droit de la face.

Antécédents héréditaires : Père bien portant. 31èi,e âgée aujour-

d'hui de quarante ans; a fréquemment des attaques de nerfs; il y a

trois uns elle présenta des troubles vésaniques qui nécessitèrent son

admission dans une maison de santé, où elle resta pendant trois mois.

362 CLINIQUE NERVEUSE.

Antécédents personnels : Irrégulièrement menstruée depuis l'âge

de quatorze ans, la malade a eu dans la première enfance la rou-

geole, plus tard la fièvre typhoïde et la variole. L... nous dit qu'elle

est impressionnable et qu'elle souffre très souvent de violentes dou-

leurs de tête. Pas d'autre accident nerveux à signaler.

La paralysie faciale est survenue sans motif apparent; c'est le

matin, au réveil, que L... s'en est aperçue. La paralysie est totale

avec réaction de dégénérescence complète.

Observation X. P... (Marrien), trente-trois, ans, cocher, se

présente à la Salpêtrière le 24 janvier 1888 ; il est atteint d'une

paralysie faciale siégeant du côté droit.

' Antécédents héréditaires : Son père, très nerveux, s'est noyé il y a

treize ans (les renseignements que nous donne le malade au sujet de

la mort de son père permettent de conclure au suicide) ; sa mère est

bien portante.

Antécédents personnels : Le malade n'a jamais eu d'accidents

nerveux ; mais il nous dit qu'il est très impressionnable et qu'il se

frappe facilement.

L'hémiplégie faciale est survenue il y a onze jours; le malade

s'en est aperçu le matin au réveil; il croit devoir rapporter l'hémi-

plégie à un refroidissement; la paralysie porle sur tous les mus-

cles innervés par le facial droit. Réaction de dégénérescence

partielle.

Observation XI. H... (Julien), se présente à la consultation de

M. Charcot le 7 février 1888; il est atteint depuis trois semaines

d'une paralysie faciale gauche; le malade croit pouvoir l'attribuer

au froid. Les renseignements qu'il nous donne sur les antécédents

de sa famille et sur les siens sont les suivants :

Antécédents de famille : Son père est bien portant. Sa mère, nous

dit-il, a eu, durant de longues années, des crises nerveuses qui se le ? --

minaient par un sommeil se prolongeant pendant une (t deux heures.

Frère rhumatisant qui est également névropathe.

Antécédents personnels : II... est très nerveux, d'une impression-

nabilitê excessive; il pleure facilement. il y a deux ans, à la suite de

préoccupations, il eu des idées noires; cet état psychique a persisté

pendant trois mois.

La paralysie faciale est totale, elle s'accompagne de troubles du

goût. A l'exploration électrique pratiquée par M. le docteurVigou-

roux, on trouve tous les caractères de la réaction de dégéné-

rescence complète. -

Dans les faits précités, ce sont surtout les grandes

névroses et les affections du groupe psychopathique

DE LA PARALYSIE FACIALE. 363

qui occupent la première place parmi les maladies

des ascendants et des collatéraux. Il en est encore

ainsi dans les deux observations suivantes, mais nous

y trouvons de plus l'ataxie locomotrice dont les affini-

tés avec les psychoses sont aujourd'hui bien connues

et nettement établies.

Observation XII. - D... (Marie), trente ans, employée dans

une maison de commerce, vint nous consulter le 1 octobre

1887.

Antécédents héréditaires : Mère morte phtisique, père ataxique.

La malade a trois soeurs qui toutes sont très nerveuses; l'une

d'elles (t fréquemment des attaques convulsives.

Antécédents personnels : Rougeole dans l'enfance. Depuis deux

ans, D... u un engourdissement dans la main droite et particulière-

ment limité dans la région innervée par le nerf cubital. Cet engour-

dissement se manifeste exclusivement le matin au réveil. La

malade n'a pas eu d'autres accidents nerveux et parait, du reste,

jouir d'une bonne santé.

La paralysie faciale qui occupe le côté gauche de la figure est

survenue sans cause connue pour D... Elle date de six mois en-

viron (20 avril 1887). La malade s'était couchée très bien portante,

le lendemain elle se réveillait avec la face paralysée du côté

gauche. Tous les muscles innervés par le facial gauche sont para-

lysés; la contractilité électrique est normale.

Observation XIII. R... (Mariette), soixante ans, vient nous

consulter le 30 juin 1887.

Antécédents de famille : Grand-père paternel mort après avoir

été enfermé pendant dix ans dans un asile d'aliénés. Père mort

ataxique à l'âge de cinquante-huit ans, mère, très nerveuse, est

morte à l'âge de soixante ans à la suite d'un cancer utérin.

Antécédents personnels : La malade, bien réglée depuis l'âge de

quinze ans, a toujours été très nerveuse ; elle souffre habituelle-

ment de migraines. Il y a douze ans, elle a été prise sans cause

connue d'une paralysie faciale du côté droit ; cette hémiplégie de

la face a duré deux mois et s'est terminée par la guérison

complète.

11 y a quinze jours Mariette R... s'est réveillée le matin avec

une nouvelle paralysie faciale occupant cette fois-ci le côté gauche.

Tous les muscles innervés par le facial gauche sont paralysés, les

réactions électriques sont normales.

364 CLINIQUE NERVEUSE.

En dehors de la valeur que les antécédents hérédi-

taires du sujet donnent à cette dernière observation,

il convient de signaler une autre particularité; c'est

la récidive de la paralysie de la septième paire. Ces

récidives, qui ne sont pas signalées par les auteurs-

classiques dans l'histoire de la paralysie faciale, sans

être très communes, ne doivent néanmoins pas être

considérées comme des faits exceptionnels. M. Charcot

nous en a cité quelques-uns. Nous en avons mentionné

deux exemples dans notre premier travail : il s'agis-

sait dans l'un des cas d'un malade qui, après avoir eu,

à l'âge de treize ans, une hémiplégie faciale du côté

droit, en eut une autre du même côté à l'âge de

trente-sept ans; le second cas se rapportait à un

sujet qui, en moins de trois ans, fut atteint de trois

paralysies faciales l'une du côté droit et les deux

autres du côté gauche de la face. Mobius, qui avait

déjà fait connaître un cas de paralysie faciale récidi-

vante ( ? J ? ? t. CCVII), rapporte deux nouveaux

faits de ce genre (Cel2lîalbl. f. Nerven7aeilk., 1886).

Dans l'une de ces observations, il est question d'un

homme de cinquante-huit ans qui, à la suite d'un

refroidissement, avait eu en 1868 une paralysie faciale

à droite. Puis, en 1876, il avait été pris d'une nouvelle

paralysie faciale, mais cette fois à gauche. Enfin en

1886, après une course dans une voiture ouverte, il

vit se développer encore une fois la paralysie faciale

à droite.

M. Charcot nous a cité le cas d'une femme qui a eu

jusqu'à quatre accès de paralysie faciale, alternant à

droite et à gauche. Tout récemment le professeur

Troschel (de Kiew) communiquait à M. Charcot l'his-

DE LA PARALYSIE FACIALE. 365

toire d'un malade hystéro-épileptique qui a été

atteint deux fois de paralysie faciale. Voici le résumé

de cette observation dont M. le professeur Charcot a

bien voulu nous donner connaissance :

Observation XIV. David F..., rabbin, âge de trente-six ans,

appartient à une famille juive orthodoxe.

Fièvre typhoïde à l'âge de dix ans. Il y a huit ans, première pa-

2-alysie de la face du côté gauche dont il ne reste plus de trace;

il y a quatre ans, deuxième paralysie faciale du côté droit, incom-

plètement guérie.

Depuis deux ans, le malade est en proie à des attaques hysléro-

épileptiques qui reviennent environ toutes les six semaines et se

montrent toujours le soir. Ces attaques présentent les phases

classiques de l'hystéro-épilepsie : période épileptiforme, période

des grands mouvements, etc.

Les faits dont il vient d'être question montrent bien

que la paralysie faciale peut récidiver et que ces réci-

dives, ainsi que nous l'avons déjà dit, sont loin d'être

aussi rares qu'on l'avait cru jusqu'à présent.

Chez les deux malades des Observations XII et XIII,

nous avons relevé l'ataxie locomotrice parmi les affec-

tions nerveuses des ascendants; dans l'observation

suivante, nous verrons encore figurer la sclérose des

cordons postérieurs, mais ce n'est plus chez les ascen-

dants, mais chez le sujet lui-même que nous retrou-

vons le tabes. Voici le résumé de cette très intéressante

observation prise dans le service de M. le professeur

Charcot par M. Blocq, interne des hôpitaux, qui a

bien voulu nous en donner communication :

Observation XV.P... (Joseph-Bertrand), â-é de trente-sept

ans, télégraphiste, entre au service de M. Charcot le 24 octobre

1887.

Antécédents héréditaires : Grand-père et grand'mère paternels

sans affection nerveuse ; père rhumatisant mort d'une affection

366 CLINIQUE NERVEUSE.

cardiaque. Grand-père maternel aurait eu une affection nerveuse

qu'on cachait dans la famille; grand' mère maternelle très nerveuse ;

mère morte diabétique ; une tante maternelle migraineuse et morte

hémiplégique ; un cousin germain de la mère mort aliéné.

Antécédents personnels : Rougeole, scarlatine et fièvre typhoïde

dans l'enfance. En 1880 le malade a contracté la syphilis. Au

mois de mars 1881, trois mois après l'apparition des accidents

syphilitiques, le malade s'est aperçu qu'il ne pouvait plus ouvrir

qu'incomplètement l'oeil droit ; le ptosis dura cinq mois environ.

En 4883, trois ans après le début de la syphilis, ont paru les pre-

mières douleurs fulgurantes, se manifestant surtout dans la cuisse

droite; depuis ce temps, ces crises douloureuses n'ont pas cessé

de se reproduire plusieurs fois par jour en augmentant de fré-

quence et d'intensité. A ces phénomènes tabétiques, il convient

d'ajouter l'affaiblissement des organes génitaux, des troubles

vésicaux (incontinence d'urine) et de la diplopie qui ne s'est mon-

trée qu'en 1886.

Il y a huit jours, le malade a été pris d'une paralysie faciale

gauche qu'il croit devoir rapporter au froid, se trouvant exposé

à un courant d'air perpétuel dans le bureau où il travaillait.

L'hémiplégie de la face est complète, les réactions électriques sont

normales.

L'observation qui précède est instructive sous tous

les rapports. La question de l'hérédité nerveuse s'y

trouve parfaitement élucidée; le sujet est de souche

névropathique, les affections vésaniques qui ont pré-

dominé chez tous ses parents du côté maternel ne

laissent subsister aucun doute à cet égard. Cet homme,

ainsi prédisposé, devient ataxique, et au cours de la

maladie, il prend une paralysie faciale. Il est à peine

besoin de dire qu'il ne s'agit pas ici d'une hémiplégie

faciale d'origine tabétique; on sait, en effet, que l'hé-

miplégie de la septième paire ne figure pas au nombre

des phénomènes céphaliques du tabes. La paralysie

de la face est également indépendante de la syphilis,

car dans la syphilis cérébrale,, si le facial vient à être

touché, la paralysie est presque joujours partielle et

le facial supérieur reste indemne; tel n'est pas le cas

DE LA PARALYSIE FACIALE. 367

de cet homme qui a été frappé d'une paralysie faciale

complète. Quelque sceptique que l'on soit à l'endroit

du rôle de la prédisposition nerveuse dans l'étiologie

de la paralysie faciale, il faut cependant convenir

que, dans l'espèce, le froid a eu beau jeu pour déter-

miner une hémiplégie de la face; nous pourrions en

dire tout autant, quoique cela sorte de notre sujet,

de l'action de la syphilis qui a trouvé les voies bien

préparées et bien favorablement disposées pour l'évo-

lution de l'ataxie locomotrice.

Voici un autre cas non moins intéressant. La

famille névropathique y est encore plus largement

représentée que dans le précédent; on y rencontre à

la fois la consanguinité des parents, le bec de lièvre,

l'hystérie, l'ataxie locomotrice, la paralysie générale

et la folie :

Observation XVI. D... (Adrienne), âgée de quatorze ans, a

été atteinte il y a cinq mois d'une paralysie faciale du côté droit.

Cette hémiplégie est survenue brusquement le 5 février 1887 sans

cause connue. Ni la malade, ni les parents ne savent à quoi rap-

porter l'hémiplégie.

Antécédents héréditaires : Adrienne D... est née de parents

consanguins {cousins germains); le père est bien portant, la mère est

nerveuse, a eu souvent des crises hystériques ; une sceun de la malade

est morte à la suite de l'opération d'un bec de lièvre double compliqué.

Un oncle paternel est mort il y a deux ans paralytique général ;

une soeur du père, atteinte d'aliénation mentale, s'est suicidée ; un

oncle du père est tabétique.

Antécédents personnels : Adrienne D... a toujours été très ner-

veuse, mais n'a jamais eu de crises convulsives; rougeole dans

l'enfance.

La paralysie faciale intéresse tous les muscles innervés par le

facial droit, faible-diminution de la contractilité faradique : les

muscles zygomatiques sont légèrement contracturés.

L'arthristisme, la goutte et le diabète coïncident

fréquemment avec les maladies du système nerveux et

368 CLINIQUE NERVEUSE.

leur combinaison avec les névropathies n'est pas rare,

on le sait. Les deux observations qui vont suivre en

sont des exemples frappants :

Observation XVII. Th... (Louis), charcutier, âgé de dix-sept

ans, se présente au service d'électrothérapie le 9 juin 1887 avec

une paralysie de la face {côté droit).

Antécédents héréditaires. Grand-père paternel, mort d'hémorrhagie

cérébrale; père arthritique, a souvent des poussées d'eczéma de la

face; une tante paternelle est atteinte de rhumatisme noueux. Mère

nerveuse, souffre fréquemment de maux de tête et de douleurs zzévral-

giques dans la figure; une sevur du malade est hystérique, une autre

soeu)' est rhumatisante.

Antécédents personnels : Rougeole et varicelle dans l'enfance,

n'a jamais eu de convulsions. Depuis deux ans,poussées d'eczéma à

la jambe gauche. La mère de Th.... qui accompagne son fils, nous

dit que celui-ci est d'une impressionnabilité très vive et qu'il se

.met facilement en colère.

Tous les rameaux du facial droit sont paralysés, l'hémiplégie

date de quinze jours ; elle est survenue sans cause apparente pour

le malade. L'examen électrique nous révèle l'existence de la réac-

tion de dégénérescence complète.

Observation XVIII. M... (Louise), vingt-huit ans, vient nous

consulter le 3 novembre 1887 ; elle est atteinte d'une paralysie

faciale du côté droit ; la malade nous donne les renseignements

suivants sur ses :

Antécédents de famille : Grand-père paternel goutteux, père éga-

lement goutteux, un oncle paternel rhumatisant, un autre oncle

paternel diabétique, mère rhumatisante, une tante maternelle

migraineuse, une autre tante du côté de la mère atteinte d'eczéma

chronique; la malade a une sceur plus jeune qu'elle qui est cho-

réique. Elle nous dit qu'elle a toujours été très impressionnable,

quelle s'emporte facilement; convulsions dans l'enfance, névralgies

faciales fréquentes.

La paralysie faciale date de cinq jours, lamaladene sait quelle

cause incriminer; le 28 octobre, elle s'était couchée très bien

portante et le lendemain elle se réveillait avec la figure paralysée.

L'hémiplégie faciale est complète; réactions électriques normales.

Nous avons déjà indiqué dans notre premier travail

que la paralysie faciale (c'est là encore un caractère

important qui la rapproche de certaines autres mala-

DE LA PARALYSIE FACIALE. 369

dies héréditaires du système nerveux) pouvait se ren-

contrer à l'état d'affection familiale et nous avons

rapporté, à l'appui, une triple observation concernant

une jeune fille et ses deux frères qui, tous trois,

avaient été frappés d'hémiplégie de la septième paire.

Voici encore un fait du même genre :

Observation XIX. -D... (Alexandre), vingt-cinq ans, papetier,

vient au service d'électrothérapie de la Salpêtrière le 16 juillet

188î. Il est atteint d'une paralysie faciale gauche.

Antécédents héréditaires : Père mort à la suite d'une tumeur

abdominale; mère, âgée de soixante ans, très nerveuse, a des atta-

ques convulsives qui reviennent tous les quinze à vingt jours ; une

tante maternelle épileptique. Soeur, âgée de trente-trois ans, a eu, il

y a huit ans à la suite d'une émotion vive, une paralysie faciale du

côté droit qui a duré trois semaines environ. Une autre soeztî, de D...,

âgée de vingt ans, a eu l'année dernière une hémiplégie de la face

survenue sans causé connue et qui, après avoir persisté pendant

deux mois, s'est terminée par la guérison.

Antécédents personnels : Rougeole et convulsions dans l'enfance.

D... nous affirme qu'il a toujours été bien portant, quoique ner-

veux. La paralysie faciale chez ce malade date de trois semaines;

il ne s'est pas exposé au froid et ne sait à quelle cause la rappor-

ter ; l'exploration électrique nous apprend que les réactions fara-

dique et galvanique sont conservées.

Il nous reste maintenant à parler d'un fait bien

plus curieux encore que tous ceux qui précèdent; il

s'agit de l'histoire d'une famille de névropathes voués

pour ainsi dire à la paralysie faciale. Cette remarqua-

ble observation, dont nous sommes redevable à M. le

professeur Charcot, ne comprend pas moins de cinq

cas de paralysie de la septième paire, observés chez

des membres de la même famille. Ce n'est plus seule-

ment, comme dans les autres cas relatés jusqu'à pré-

sent, la diathèse nerveuse qui se manifeste sous une

forme plus ou moins éclatante, c'est l'hérédité directe,

similaire, mise en pleine lumière, c'est la paralysie

Archives, t. XV. 24

370 CLINIQUE NERVEUSE.

faciale se montrant sans interruption dans trois géné-

rations successives.

Pour mieux faire ressortir les points saillants de

cette observation, nous avons préféré la reproduire sous

forme de tableau généalogique.

DE LA PARALYSIE FACIALE. 371

est une affection fortuite, accidentelle, pouvant surgir

inopinément chez un sujet quelconque. Les choses ne

se passent pas ainsi; les malades atteints de paralysie

de la septième paire sont tous ce qu'on pourrait appe-

ler des nerveux de race, chez lesquels on retrouve,

sous des aspects plus ou moins variés, l'empreinte

manifeste et irrécusable de l'hérédité neuropathique.

Dans de pareilles conditions, avec un organisme ainsi

approprié, avec un terrain ainsi longuement préparé,

tous les prétextes seront bons, toutes les causes seront

efficaces pour réveiller la diathèse nerveuse; il suffira

d'une perturbation physique, intellectuelle ou morale

pour déterminer l'explosion, mais ces facteurs occa-

sionnels, dont nous ne contestons pas d'ailleurs l'in-

fluence secondaire, ne constituent que des causes tout

à fait accessoires et ce ne sont, à vrai dire, que des

comparses, auxquels on avait à tort, jusqu'à présent,

attribué les premiers rôles. Ces causes sont, du reste,

inconstantes et essentiellement variées : tantôt c'est

un froid qui parait avoir provoqué la paralysie; d'au-

tres fois, c'est une émotion; d'autres fois encore, c'est

une fatigue intellectuelle. Dans la majorité des cas,

l'origine apparente de l'hémiplégie échappe au

malade et au médecin, et la maladie semble alors être

née de toutes pièces ; ces agents provocateurs ne sont

donc pas indispensables, et leur concours, n'étant pas

absolument nécessaire, leur appoint, dans les cas où

réellement ils entrent en jeu, ne peut être que minime

dans la genèse de la maladie. Seule la prédisposition

nerveuse se retrouve dans tous les cas, parce que

seule, sans aucune autre intervention, sans autre

levier, elle peut faire éclore le mal.

372 CLINIQUE NERVEUSE.

Dans cette étude sur l'éliologie de la paralysie

faciale, nous avons jusqu'ici laissé complètement de

côté l'influence de l'âge et du sexe; le nombre des

observations que nous avons pu recueillir n'est, du

reste, pas assez grand pour nous permettre de con-

clure à cet égard d'une façon précise. Pour ce qui

concerne l'age toutefois, il semble bien certain, et en

cela nous sommes d'accord avec les auteurs clas-

siques, que si la paralysie faciale peut surgir à tout

âge, elle est plus fréquente chez les jeunes sujets et en

particulier de vingt à quarante ans, qu'à toute autre

époque de l'existence.

Quant au sexe, il paraît avoir une influence plus

marquée et l'ensemble des faits qui se sont offerts à

notre observation tendrait à prouver que la maladie

est plus fréquente chez la femme que chez l'homme.

Les cas que nous avons rapportés peuvent, en effet, se

décomposer de la manière suivante : nombre total des

sujets, 41 : femmes, 23 ; hommes, 18. Est-ce là une

simple coïncidence ? Nous ne le croyons pas, et, sans

vouloir être trop affirmatif, nous serions volontiers

disposé à admettre que ces chiffres représentent exac-

tement les proportions d'après lesquelles la maladie

se répartit entre les deux sexes. Les hommes étant,

de par leur condition sociale, plus souvent exposés

aux atteintes du froid que les femmes, la fréquence

plus grande de la paralysie faciale chez celles-ci

serait, d'une part, un argument de plus à faire valoir

contre l'étiologie a frigore et, d'autre part, elle vien-

drait plaider en faveur de l'essence nerveuse de la

maladie.

Il est incontestable, en effet, que la femme est plus

DE LA PARALYSIE FACIALE. 373

entachée de nervosisme que l'homme et que certaines

maladies nerveuses, les névroses en particulier, trou-

vent chez elle un champ plus favorable à leur déve-

loppement. Nous ne pensons pas devoir insister

davantage sur cette question de l'influence des sexes,

car, ainsi que nous l'avons déjà dit, notre statistique

ne porte pas sur des faits assez nombreux pour per-

mettre de formuler des conclusions fermes et défini-

tives. Il n'est, du reste, pas besoin de cette nouvelle

preuve, qui ne serait qu'une preuve d'ordre secon-

daire, pour mettre en lumière la vraie cause de la

paralysie faciale. L'histoire des malades, l'histoire de

leurs ascendants et de leurs collatéraux, le caractère

d'affection familiale que la maladie peut revêtir dans

certains cas, la possibilité de la transmission hérédi-

taire directe dont nous avons rapporté un exemple si

frappant, ne laissent subsister aucun doute sur le

rôle capital que joue la prédisposition nerveuse dans

l'étiologie de la paralysie faciale dite a frigore.

Après avoir établi la véritable origine de l'hémiplégie

de la face, il reste à préciser davantage les liens qui

l'unissent aux diverses affections du système nerveux.

Confinant'à l'arthritisme, se rattachant par de nom-

breux traits d'union à toutes les maladies nerveuses,

la paralysie faciale est parente à un degré beaucoup

plus rapproché des vésanies et des névroses que des

autres membres de la famille neuropathologique. Il

suffit, pour s'en assurer, de jeter un coup d'oeil sur

les faits consignés dans ce travail : on est frappé de

voir que, parmi les maladies relevées chez les ascen-

dants ou chez les collatéraux des sujets atteints de

paralysie de la septième paire, on retrouve toujours,

' 374 CLINIQUE NERVEUSE.

soit les grandes névroses, comme l'épilepsie, l'hystérie

ou la chorée, soit les vésanies, soit enfin la paralysie

générale progressive. Les maladies de la moelle épi-

nière n'y figurent que très rarement, seule la sclérose

des cordons postérieurs fait exception à cette règle,

mais ne sait-on pas que les troubles psychiques sont

fréquents dans le tabes et que la paralysie générale

vient souvent se greffer sur l'ataxie locomotrice pro-

gressive ? l'exception n'est donc qu'apparente. Si

après avoir considéré les maladies des ascendants ,

nous regardons du côté des sujets eux-mêmes, nous

rencontrons encore la chorée, puis les migraines, les

convulsions, le tic convulsif, nous nous trouvons en

face d'individus atteints de neurasthénie, d'individus

irritables, émotifs, impressionnables à l'excès, tout

semble concorder pour dire à l'observateur que chez

les sujets frappés de paralysie de la face, c'est le cer-

veau qui constitue le locus minoris resistentioe.

Ce n'est là assurément qu'une hypothèse, mais nos

connaissances sur l'anatomie et la physiologie patho-

logiques de la paralysie faciale ne nous autorisent pas

à aller au delà. Les autopsies faisant défaut, les don-

nées que nous avons sur ce point sont encore très res-

treintes. L'exploration électrique, il est vrai, peut nous

guider, au moins dans certains cas, et nous révéler

que le nerf facial est lésé, qu'il y a une altération

dégénérative, dont l'intensité plus ou moins marquée

se traduit par une série de modifications dans les

réactions électriques. C'est sur ces variations dans

l'état électrique des nerfs et des muscles qu'Erb a

basé sa classification des paralysies faciales qu'il a

divisées en trois groupes : dans le premier groupe

DE LA PARALYSIE FACIALE. -375

(forme légère), il n'y a aucune anomalie dans l'excita-

bilité faradique ou galvanique des nerfs et des mus-

cles ; c'est la forme essentiellement bénigne dont la

guérison ne demande habituellement qu'un délai de

vingt à vingt-cinq jours. Au deuxième groupe se rat-

tachent les hémiplégies de la face d'intensité moyenne :

vers la fin de la première semaine on peut constater

une légère diminution de l'excitabilité des nerfs;

puis dans le cours de la deuxième et de la troisième

semaine apparaissent dans les muscles les modifica-

tions caractéristiques de la réaction de dégénérescence

(secousse lente avec prépondérance de la secousse de

fermeture à l'anode). Là le pronostic est encore rela-

tivement favorable et la maladie guérit dans l'espace

de un à deux mois. Dans le troisième groupe vien-

nent se ranger les paralysies à forme grave avec

réaction de dégénérescence complète; diminution,

puis abolition de l'excitabilité galvanique et faradique

des nerfs; perte de l'excitabilité faradique des mus-

cles ; augmentation quantitative et altération qualita-

tive de l'excitabilité galvanique des muscles; augmen-

tation de leur excitabilité mécanique. La guérison

sera lente, elle demandera des mois entiers et plus

encore; très souvent elle sera incomplète.

Telle est la classification très judicieuse établie par

Erb. Mais si l'on ne veut pas s'exposer à des surprises

et à des mécomptes il ne faut pas oublier qu'elle com-

porte de nombreuses exceptions. Brenner rapporte un

exemple de paralysie faciale guérie en peu de temps

et qui cependant dès les premiers jours présentait

une légère diminution de l'excitabilité galvanique et

faradique. Le même auteur relate un autre cas qui

376 CLINIQUE NERVEUSE.

avait les apparences d'une forme grave avec tous les

caractères de la réaction de dégénérescence totale et

qui guérit cependant complètement dans l'espace de

six semaines. M. Déjerine a communiqué à la Société

de biologie (séance du 9 août 1884) un cas de para-

lysie faciale grave suivi d'autopsie dans lequel il a

signalé l'absence presque totale de modifications

des réactions électriques. La paralysie faciale

chez ce malade, complète dès les premiers jours,

durait depuis plus d'un mois, sans que la contractilité

musculaire et l'excito-motricité du nerf fussent modi-

fiées d'une façon marquée; la différence entre le côté

sain et le côté malade était minime et nullement en

rapport avec l'intensité et la durée de la paralysie;

au lieu de trouver la réaction de dégénérescence

complète, on constatait au contraire un état presque

normal de la contractilité faradique. L'examen histo-

logique du nerf facial qui permit de reconnaître l'in-

tégrité de la grande majorité des tubes nerveux ren-

dait compte du peu d'altération de la contractilité

électrique, mais n'expliquait en rien l'intensité de la

paralysie. M. Déjerine terminait ainsi sa communica-

tion : « Il est difficile, pour ne pas dire plus, de com-

prendre une paralysie faciale par compression, persis-

tant plus d'un mois (jusqu'à la mort), sans que tous

les faisceaux nerveux participent à la dégénération.

En d'autres termes, dans ce cas, le nerf facial était

soumis à une compression suffisante pour empêcher la

volonté de passer mais cette compression était impuis-

sante pour amener la dégénérescence du nerf, et

partant des troubles marqués dans l'état de la con-

tractilité. »

DE LA PARALYSIE FACIALE. 377

Nous avons eu également occasion d'observer des

hémiplégies de la face dans lesquelles les résultats

fournis par l'examen électrique ne s'accordaient en

aucune façon avec l'intensité et la durée de la maladie;

et nous avons vu des paralysies faciales ne s'accom-

pagnant d'aucun changement dans les réactions élec-

triques persister pendant des mois entiers et ne se

terminer que par une guérison incomplète.

Il ressort de ces faits que tout en reconnaissant,

tant au point de vue du pronostic que du diagnostic,

une grande importance à l'exploration électrique, il

ne faut pas s'en exagérer la valeur et ne pas lui

demander des indications d'une rigueur absolue. Il

n'y a pas lieu de s'étendre plus longuement sur cette

question incidente de l'exploration électrique et si

nous avons fait cette digression, c'est uniquement

pour montrer qu'en l'absence d'autopsies et avec les

moyens d'investigation que nous possédons, il est

difficile de pénétrer la nature intime de la paralysie

faciale dite a frigore.

En présence de ces incertitudes, en présence de ces

données encore si obscures sur l'anatomie et la phy-

siologie pathologiques, est-il vraiment légitime d'en-

glober, sans réserves aucunes, sous le nom de para-

lysies faciales périphériques, toutes les hémiplégies

de la face qui s'offrent à notre observation à l'état de

paralysies isolées ? Nous ne le pensons pas. Il y a là

des divisions à établir et si le classement ne peut se

faire dès à présent, il est du moins à prévoir qu'il

s'opérera dans l'avenir et qu'on arrivera à distraire de

ce groupe de paralysies faciales, réputées périphéri-

ques, un certain nombre d'hémiplégies de la septième

378 CLINIQUE NERVEUSE.

paire dont le point de départ semble être plutôt dans

les centres nerveux que dans la périphérie.

En réalité la physiologie et l'anatomie pathologi-

que de la paralysie faciale sont encore à faire et dans

l'état actuel de la science nous en sommes réduits aux

hypothèses, mais quel que soit exactement le substra-

tum anatomique de la paralysie faciale, la question

étiologique n'en reste pas moins la même. Nous insis-

tons sur ce point, ne serait-ce que pour répondre à

une critique qui nous a été adressée, au sujet de

notre premier mémoire, par un auteur allemand,

M. Edinger. « Il est difficile, dit M. Edinger

(Fortschitte der 111edicin. Dec. 1887), d'admettre l'in-

fluence de la prédisposition nerveuse dans une mala-

die s'accompagnant de lésions anatomiques qui, nous

le savons, consistent en une altération totale ou par-

tielle des fibres nerveuses comme nous l'enseigne

d'ailleurs l'étude des réactions électriques. »

En quoi l'existence de lésions anatomiques, alors

même que celles-ci seraient constantes, peut-elle infir-

mer notre manière de voir ? La paralysie générale

progressive, l'ataxie locomotrice, la paralysie infan-

tile, ne sont-elles pas des affections à lésions bien

déterminées et nettement caractérisées ? est-ce une

raison pour dénier à l'hérédité la part prépondérante

qui lui revient dans la genèse de ces maladies ? Assu-

rément non. Les objections de M. Edinger sont donc

mal fondées et elles ne peuvent atténuer en rien la

valeur des arguments et des preuves cliniques qu'il

nous a été donné de produire dans le cours de ces

études.

Quoi qu'il en soit, que la paralysie faciale dite a

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 379

frigore soit organique ou sine materia, qu'elle puisse

toujours être rattachée à une altération du nerf ou que

parfois son origine première doive être cherchée dans

l'encéphale, la cause dominante n'en est pas moins la

prédisposition nerveuse héréditaire.

L'histoire de la paralysie faciale, si improprement

appelée a frigore, vient ainsi se modeler sur celle des

autres maladies du système nerveux et l'étude des

conditions étiologiques qui président à son développe-

ment nous montre une fois de plus qu'en pathologie

nerveuse, il n'y a qu'une seule cause constante et

nécessaire, c'est l'hérédité, dont le rôle prépondérant

a, depuis de longues années déjà, été mis en relief

par M. le professeur Charcot, dans ses leçons de la

Salpêtrière.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE' :

Par BOURNEVILLE et P. BRIDON.

VI. AnATOMIE PATHOLOGIQUE.

Le nombre des autopsies de malades atteints d'épi-

lepsie procursive ou d'accidents procursifs est assez

restreint, soit parce que les cas en sont peu nombreux,

soit parce que la transformation parfois complète de

l'épilepsie procursive en épilepsie commune ne per-

met pas souvent, faute de renseignements suffisants,

1 Voy. Archives de Neurologie, vol. XIII, p. 321; vol. XIV, 1105 40

et 41, p. 55 et 235, juillet et septembre 1887; vol. XV, n°' 43 et 44,

p. 75 et 227, janvier et mars 1888.

380 CLINIQUE NERVEUSE.

de porter un diagnostic rétrospectif. Nous avons déjà

parlé incidemment des lésions rencontrées à l'autopsie

de malades dont nous avons rapporté l'observation;

voici maintenant un cas d'épilepsie procursive pro-

prement dite, observé assez longuement et suivi

d'autopsie ayant montré, outre des lésions cérébrales

plus ou moins disséminées, une lésion cérébelleuse

à laquelle il nous semble possible de rattacher les

phénomènes procursifs observés pendant la vie.

Observation L1V. Tante paternelle scrofuleuse. Mère migrai-

neuse. Grand-père maternel alcoolique. Grand'mère mater-

nelle morte phthisique.

Vertiges à cinq ans. Accès procursifs avec aura à sept ans.

- Déchéance intellectuelle à partir de douze aiis. Rougeole à

quatre ans. Nitrate de pilocarpine; curare. Démence; -

grincement de dents. Gâtisme; affaiblissement progressif;

état de mal. Pyo-piieuino-thoi-ax consécutif. Mort.

AUTOPSIE. - Ganglions iléo-crecaux calcifiés; - pyo-pneumo-

thorax ; péricardite purulente; athérome de l'espace sous-aortique.

TM6e ? 'cMepu/mo ? ! 0 ! ? 'ec)'acee.

Quelques adhérences pie-méi,ienizes atrophie et sclérose du

lobe cérébelleux gauche;-inégalité de poids entre les hémisphères

cérébraux et entre les hémisphères cérébelleux.

Duch... (Pierre-Nicolas), né le 26 février 1861, est entré le

18 décembre 1876 à Bicêtre (service de M. Boubneville) et y est

décédé le 16 septembre z.

Renseignements fournis par le père et la mère (7 septembre 1885).

Père, cinquante-neuf ans, cocher, assez corpulent, aurait eu

en 1867 une « fièvre cérébrale » 1 ; n'aurait jamais fait d'excès de

boisson ; pas de migraines, pas de maux de tête, épistaxis fré-

quentes vers l'âge de douze ans. [Père, journalier, mort à l'âge

de soixante et onze ans, on ne sait de quoi. Mère morte de

vieillesse ( ? ) à l'âge de soixante-dix ans environ; elle était sujette

à des maux de tête. Une soeur, soixante-quatre ans, abcès

scrofuleux. Frère, mort à soixante-deux ans environ, a eu deux

enfants très bien portants. D'autres soeurs sont mortes l'une de

' Début par un tremblement, pas de délire.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 381

la coqueluche et l'autre d'une affection qu'on ne peut préciser;

celle-ci a laissé des enfants bien portants. Pas d'aliénés, pas

d'épileptiques, pas de suicides, etc., dans la famille.]

Mère, soixante ans, assez grande, brune, fait son ménage,

tenait un garni avant la guerre ; toujours bien portante, ni

migraineuse, ni nerveuse ; elle a eu, il y a deux ans, un abcès à

la jambe droite avec fistule. [Père, enfant naturel, mort alcoolique,

à l'âge de soixante ans environ.- Mère morte à trente-cinqans de

bronchite. Pas d'aliénés, pas d'épileptiques, pas de suicides, etc.,

dans la famille.] Pas de consanguinité.

Notre malade.- Grossesse bonne.-Accouchement normal, à terme,

sans chloroforme. L'enfant était bien conformé, il a été nourri

au sein par sa mère jusqu'à deux ans ; il a commencé à parler

de bonne heure; il parlait convenablement et marchait bien à

dix-huit mois ; plus tard on le mit à l'école où il apprenait bien.

Il n'aurait jamais eu de convulsions. Les vertiges auraient débuté

dès l'âge de cinq ans. Les parents nous les décrivent de la ma-

nière suivante : « Ça venait comme un étouffement, il cherchait à

respirer, la face se décomposait, ça ne débordait pas. » « Ala

femme le prenait, ça passait. » Les vertiges se montraient sans

aura, environ tous les huit jours; s'il marchait, il s'arrêtait tout

d'un coup.

Les premiers accès se seraient montrés vers sept ans. Duel...

prévenait alors en disant : « Papa, maman »; il criait, puis courait.

La procursion était très courte, quelques mètres, jusqu'à ce qu'il

trouvât un objet ou une personne à qui s'accrocher; s'il ne trou-

vait rien, il tombait. Il était comme poussé violemment et la pro-

cursion n'était pas une simple marche. Les accès survenus, les

vertiges ont disparu en grande partie, quelquefois cependant « la

crise ne débordait pas»; s'il s'accrochait à quelque chose il pous-

sait un soupir et c'était fini quand on arrivait à temps pour lui

frapper entre les deux épaules. *

Les accès ont augmenté progressivement ; ils revenaient d'abord

toutes les trois semaines, puis tous les quinze jours. Vers douze

ans la mémoire a commencé à faiblir; il tombait alors fréquem-

ment de nuit et de jour jusqu'à cinq fois dans les mêmes vingt-

quatre heures (tête à gauche, ronflement, bave) '.

Avant les accès il devenait méchant, coléreux. A son entrée

à Bicêtre la parole se bornait aux mots : « Merde, sale vache. » Il

crachait au visage des gens sans être en colère.

Il est très difficile d'obtenir des renseignements bien précis, le père

et la mère étant d'une intelligence au-dessofls de la moyenne. De plus

la mère parle mal le français.

382 CLINIQUE NERVEUSE.

Rougeole vers trois ans, puis beaucoup de dartres. Fracture

de la jambe droite à huit ans (chute d'une charrette).

Etat actuel (21 mai 1883). Tête carrée, symétrique, sans

proéminence de l'occipital qui est surmonté par un méplat médian

et régulier; les bosses pariétales et frontales sont peu dévelop-

pées, les apophyses mastoïdes sont assez développées, régulières,

symétriques et de même volume de chaque côté. Cheveux châ-

tain foncé ; cicatrices de 4 à 5 centimètres à gauche à l'union

du pariétal et de l'occipital, une autre plus petite vers la partie

médiane et s'étendant à gauche à la partie supérieure de l'occi-

pital. Front peu développé (avec nombreuses rides transver-

sales), fortement déprimélatéralement; ces dépressions régulières,

symétriques, partent environ d'un à un etdemi centimètre du bord

interne du sourcil; de ce fait les arcades sourcillères paraissent

proéminentes. Cicatrice oblique de haut en bas partant de la

partie médiane au niveau delà suture fronto-pariétale gauche.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 383

que les canines ne présentent plus leur aspect caractéristique et

ressemblent, vues antérieurement, aux incisives voisines. Voûte

palatine très élevée; ogivale.

Cou : 36 centimètre ? . Respiration normale. Pouls 60.

Digestion bonne. Duch... est grand gâteux, mais généralement

sans diarrhée, il mange avec voracité, malproprement avec ses

doigts. - Circulation, rien de particulier. Musculature du tronc

et de l'abdomen bien développée.

Organes génitaux bien développés ; prépuce assez long, recou-

vrant en partie le gland. Testicules bien conformés, le droit est

un peu plus élevé que le gauche. Le malade paraît se masturber

pendant l'examen ; il se frotte le gland par un mouvement circu-

laire du pouce et de l'index'.

Les extrémités supérieures et inférieures sont bien développées ;

les mains et les pieds sont cyanosés, froids. Sur les bras, cica-

trices de vaccin ; trois cicatrices sur le dos du pied gauche : une

près de la rotule à gauche. Périonyxis de l'orteil médian droit;

sur le 4° orteil gauche, légère ulcération croûteuse; plusieurs

cicatrices dont quatre surtout sont assez larges, à la face externe

et au quart supérieur de la cuisse droite. Le tissu cicatriciel est

ferme, assez dur ; une, la plus antérieure, est nummulaire, à centre

un peu déprimé, lisse, blanche, à bords légèrement plissés en-

tourés d'un cercle brunâtre ; elle est mince et non adhérente.

Cicatrices de même nature, violacées au-dessous du grand tro-

chanter gauche; cicatrices multiples du dos à droite et à gauche,

et aussi sur les apophyses épineuses, qui sont proéminentes. -

Cicatrices multiples des deux fesses ; quelques petites cicatrices

sur les coudes ; et quelques autres cicatrices ailleurs, entre autres

sur les doigts.

Les sens sont difficiles à examiner vu l'état de démence coi7z-

plète du malade ; l'ammoniaque le fait tousser, mais il ne se dé-

tourne que lentement. Il mange avec assez de facilité le sucre, le

sel et la coloquinte ; puis il rouvre la bouche pour en redemander ;

la sensibilité à la douleur parait bien conservée, quoique

perçue avec assez de lenteur. Parole nulle.

' 1881. Organes génitaux. Poils rouges au pénil; verge bien déve-

loppée ; gland découvert; méat étroit, rouge, sa base droite est excoriée;

bourses pendantes : testicules normaux. Erythème sur la verge et surtout

les bourses. Onanisme.

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DE l'épilepsie PROCURSIVE. 383 ' *

386 CLINIQUE NERVEUSE.

- On ne peut le faire parler, ni lui faire tirer la langue. Il

mange seul, mais avec les mains.-

20 décembre. -Pupilles égales; un peu dilatées; parfois grince-

ment de dents, ou encore il ouvre et ferme alternativement la

bouche. · `

1885. 17 juillet. - Démence complète. Gâtisme. - Il faut le

faire manger, l'habiller, le déshabiller. - Il baveetsuce. Pupilles

égales. Pas de tremblement de la langue. Aucune parole;

il ne se rend nullement compte de ce qu'on lui fait; on essaye

de lui remettre sa pantoufle, il regarde de. tous côtés et ne cède

pas. Pour le faire avancer il faut le tirer par les bras. -

Attitude. Corps incliné en avant, les bras un peu écartés du

tronc, les avant-bras à angle droit transversalement. '

5 septembre. Soir : T. R. 37°,8.

6. Dans la journée, 7 accès; vers midi, il a poussé des cris

pendant une heure, et a refusé de manger. Dans la nuit du 5

au 6 septembre, 5 accès et cris renouvelés. T. R. 38o,4.

Soir : 40°.

7. Le matin, 3 accès coup sur coup (durée : demi-heure), il

n'a pas repris connaissance à la suite. Aucune évacuation, malgré

un lavement purgatif. A onze heures, deux nouveaux accès.

Duch... est resté toute la journée dans un état de prostration

complète.. - T. R. 380,8. - Soi ? , : 39o,g. - - - z

8.. Pas d'accès nouveaux, pouls fort, plein, 120. Sueurs '

abondantes, évacuation involontaire d'urine; il n'est pas allé

à la selle depuis le 5 ; il n'a rien pris, il faut lui ouvrir la

bouche pour lui faire avaler quelques gouttes de lait. Dents à

demi serrées, bouche sèche. Il ne vomit pas. Le ventre est excavé,

rétracté, indolent à la pression. Respiration à 42, entrecoupée

de gémissements, pas de toux.A la percussion, résistance augmen-

tée au doigt ; respiration un peu obscure, pas de souffle, ni de

râles ; gémissements transmis à l'oreille, résolution des membres.

Lait, purgatif, vésicatoire à la base du poumon droit, injections

d'éther. T. R. 37°,3. Soir : 39°,2.

9. Mieux très notable. P. 72. R. encore un peu préci-

pitée. Evacuations abondantes. Etat de somnolence d'où

il sort facilement. T. R. 38°,8. Soir : 39°.

10. T. R. 38°,4. Soir : 390,6.

11. T. R. 39°. Soir : 39°,6. Purgatifs.

42.- Le mieux, qui avait continué jusqu'àhiermatin le malade

avait pris du lait et du bouillon et n'avait pas eu d'accès n'a pas

persisté. L'abattement a beaucoup augmenté dans l'après-midi ;

plaintes entrecoupées. Face pâle ; nez, lèvres et extrémités froides

et cyanosées. - Yeux excavés, respiration plus fréquente, la

bouche ouverte. Pas de paralysie des membres, mais résolution

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 387

complète. Le pouls est faible et les bruits du coeur sont sourds.

Constipation. Ventre excavé. Vessie en demi-replétion.

Peau chaude et sèche. Raies méningitiques étroites; mais persis-

tantes. (Lavement, potion de Todd, vésicatoire.)

Du côté de l'appareil respiratoire mêmes signes que précédem-

ment et, de plus, râles, assez fins à la base du poumon gauche et

en avant à droite. T. R. 39°,2. Soir : 39°,8.

13. - T. R. 40°,6. Soir : 41°.

14. T. R. 390,6. Soir : 41°.

15. Même état avec des alternatives de mieux relatif et d'ag-

gravation. T. 41°,4, ce malin. Respiration fréquente, courte ;

gémissements continuels ; abattement plus prononcé. Bouche

sèche, pâteuse. Duch... prend bien le lait et la potion de Todd,

moins bien le bouillon. Constipation opiniâtre. 40 ventouses

sèches. Lavement purgatif. Potion de Todd et lait. Soir :

T. R. 42°. Le malade meurt le 16 septembre à une heure du

matin. Température après la mort : 43°,2.

Autopsie (17 septembre 1885). Rigidité cadavérique en partie

disparue; coloration verdâtre de l'abdomen et de la partie infé-

rieure du thorax. Amaigrissement assez prononcé, musculature

sèche; tissu cellulo-adipeux peu abondant. - A l'ouverture de

l'abdomen on constate : 1° que le foie est repoussé à droite, que

son lobe gauche atteint tout juste la ligne médiane, que son bord

antérieur ne descend pas jusqu'au rebord costal; 2° que le dia-

phragme remonte à droite jusqu'au bord supérieur de la quatrième

côte ; qu'il est refoulé en bas vers la cavité abdominale et forme

une voussure fluctuante qui se trouve au niveau du rebord costal.

L'intestin grêle est congestionné, recouvert par les colons, surtout

le colon transverse, qui sont dilatés par des gaz. Le grand épi-

ploon, non adhérent, descend normalement. Pas de liquide

anormal dans la cavité abdominale. Sur le mésentère on trouve

trois ganglions iléo-coecaux complètement calcifiés. L'estomac

n'est pas dilaté, la vessie rétractée est vide. L'ouverture sous

l'eau d'un espace intercostal laisse dégager de nombreuses bulles

de gaz.

Thorax. A l'ouverture du thorax, on constate à gauche que

le poumon, refoulé latéralement et en arrière, laisse entre lui et

les parois une grande cavité recouverte de pseudo-membranes

purulentes et contenant deux verres environ de pus. Le ven-

1 ? ,ictile gauche est refoulé à droite. Le péricarde est recouvert sur

sa moitié °-auche de pseudo-membranes. Le poumon gauche est

adhérent, latéralement en arrière et en bas. Le poumon droit

est adhérent en haut et en arrière dans presque toute son éten-

due. Cceur en systole (245 gr.). Il existe un peu de liquide

roueâtre dans la cavité péricardique. La pointe du coeur est

388 CLINIQUE NERVEUSE.

formée par le ventricule gauche surtout. Le ventricule gauche

est un peu dilaté. Quelques plaques d'athérome dans l'espace

sous-aortique ; léger épaississement de l'endocarde sous l'orifice

aortique; myocarde pâle, trou de Botal obturé. - Poumon gauche

(550 gr.). Les adhérences se détachent facilement sans résistance;

au sommet il existe une cicatrice ancienne et quelques tubercules

crétacés. Il n'existe pas d'autres tubercules et.on ne découvre pas

de perforation. Le poumon droit (555 -r.) présente également

au sommet une grande cicatrice, des tubercules crétacés et montre

quelques petites cavernules.

Abdomen. - Le foie (420 gr.) est hypérémié. La vésicule

biliaire, l'estomac, le pancréas, les uretères, les capsules surrénales,

les intestins et les testicules sont sains. Le canal oholédoque est

perméable. Rate (85 gr.) un peu molle, capsule plissée. Rein

gauche (85 gr.), lobule, hypérémié (étoiles de Vehreyen), se décor-

tique bien ; la substance corticale est un peu jaunâtre par places.

Le rein droit (55 gr.)-a le même aspect que le gauche.

Tête. Voûte et base du crâne symétriques. A l'ouverture du

crâne il s'écoule une grande quantité de liquide céphalo-rachidien.

Les artères de la base sont symétriques; toutefois, la cérébrale

postérieure paraît un peu plus volumineuse à droite. Les tuber-

cules mamillaires sont symétriques. La pie-mère cérébrale est

très notablement hypérémiée; elle a une coloration rouge diffuse

sur la face externe et offre un léger épaississement sur les bords de

la scissure interhémisphérique. A part quelques légères adhé-

rences entre les deux lobes frontaux (face interne), la décortication

est facile. Le pédoncule cérébral gauche paraît plus petit que

le droit; il en est de même de la partie correspondante de la

protubérance . Il n'existe aucune différence de volume entre les

deux moitiés du bulbe. La pyramide droite est moins large et

moins proéminente que la gauche. L'olive droite est également

moins proéminente et éraflée.

Le lobe cérébelleux droit arrive au niveau de la partie postérieure

du lobe occipital, mais le lobe cérébelleux gauche est en retrait de

près de 3 centimètres; il est manifestement atrophié. Ses lamelles

sont plus blanches ; leur consistance n'est pas notablement plus

grande qu'à droite ; toutefois, en passant le doigta leur surface, on

a nettement la sensation de crêtes successives ; en avant sur le

bord circonférentiel, cette consistance est bien plus grande ; les

lamelles y sont rigides et d'une face à l'autre, en pressant, on a

la notion d'une induration résistante mais diffuse et non circons-

crite. Les pédoncules cérébelleux ont leur consistance normale.

On ne constate pas de lésions macroscopiques des hémisphères

cérébraux. Les ventricules latéraux et les cornes d'Ammon n'offrent

rien de particulier. ,

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 389

Encéphale, 1,300'gr. L'hémisphère cérébral droit pèse 25 gr. ..

de plus que le gauche. Cervelet, protubérance et bulbe, 140 gr.

Hémisphère cérébelleux droit, 65 gr. ; hémisphère cérébelleux gauche',

35 gr. -

. - Cerveau. Hémisphère droit. La scissure de Sylvius s'arrête à

quelques millimètres en arrière de la pariétale ascendante ; elle

envoie deux rameaux ascendants antérieurs, l'un entre le pied de

la troisième circonvolution frontale et la circonvolution frontale

ascendante, l'autre entre le pied et la partie triangulaire de la

troisième circonvolution frontale ascendante. Le sillon de Ro-

lando, sinueux, profond, se termine au fond de la scissure de

Sylvius ; il fournit vers son quart inférieur un pli antéro-inférieur

qui va se perdre dans le pied de la circonvolution frontale ascen-

dante. La scissure perpeiidiculaire externe, dont les deux lèvres

sont très écartées au niveau de la grande scissure interhémisphé-

rique et sur un parcours de deux centimètres sur la face convexe,

va rejoindre. la partie postérieure de la scissure interpariétale et

par son intermédiaire le sillon occipital'transverse. La scissure

interpariétale forme en arrière de la circonvolution pariétale

ascendante une scissure parallèle complète qui, à son quart supé-

rieur, envoie un rameau postérieur oblique de bas en haut divisant

entièrement le lobule pariétal supérieur; avant d'arriver à la

scissure perpendiculaire externe, la scissure interpariétale est

interrompue par un pli de passage à niveau allant de l'extrémité

postérieure du lobule pariétal supérieur à la circonvolution de

passage qui réunit le pli courbe aux deuxième et troisième cir-

convolutions occipitales. Le lobule orbitaire est bien conformé.

Face convexe. Lobe frontal. Il existe une scissure parallèle

frontale complète, empiétant en haut sur la face interne et se

perdant en bas au fond de la scissure de Sylvius. La première

frontale, dédoublée dans son tiers postérieur, présente également

des indices de dédoublement sur les autres parties; elle est bien

développée et comme renflée vers son extrémité antérieure.

La première scissure frontale est sinueuse et profonde. La

deuxième circonvolution frontale est volumineuse surtout à sa partie

postérieure ; elle s'insère à la frontale ascendante par un petit

pli de passage très en retrait qui n'interrompt la continuité de la

scissure parallèle frontale que dans sa profondeur ; elle envoie en

avant deux plis de passage à niveau à la troisième circonvolution

frontale; l'un se continue directement avec la partie médiane de

la portion triangulaire. La deuxième scissure frontale est inter-

rompue en avant par ces deux plis de passage. La troisième

circonvolution frontale est bien développée. La frontale ascendante

est assez grosse ; trois sillons transversaux antéro-postérieurs la

divisent presque entièrement, l'un même, médian, atteint' son

390 CLINIQUE NERVEUSE.

bord postérieur ; il semble en ce cas que la deuxième circonvo-

lution frontale ait eu tendance à se continuer à travers les

circonvolutions ascendantes, fait que l'on observe quelquefois.

La pariétale ascendante est volumineuse et normalement con-

formée.

Les plis pariétaux, sont assez bien développés, très découpés;

il en est de même du pli courbe. Le lobe occipital est bien déve-

loppé, mais les scissures et les circonvolutions sont irrégulières.

Lobe temporal. La première temporale sinueuse, un peu

maigre, possède des circonvolutions temporales transverses peu

développées. La scissure parallèle, sinueuse, profonde, communique

à la base du lobe pariétal par deux sillons transverses avec la

deuxième scissure temporale qui semble se terminer dans le pli

courbe par un rameau parallèle à la terminaison de la première

scissure temporale. La seconde temporale assez bien développée est

sinueuse ainsi que la troisième temporale qui est bien conformée.

Face interne. Lobe temporo-occipital. Les première et deuxième

circonvolutions tenaporo-occipitales sont normales. La circonvo-

[;<t07t frontale interne est bien développée ainsi que le lobule para-

central. La scissure c(illoso-i ? iai,gi7tale est sinueuse, profonde. Le

lobule quadrilatère très développé est très découpé et présente un

pli pariéto-limbique antérieur et un pli pariéto-limbique postérieur.

La scissure perpendiculaire interne, très profonde, va se terminer

un peu au-dessous du bourrelet du corps calleux. Le coin, la

fissure calcarine, le corps calleux, le corps strié, la couche optique,

paraissent normaux.

Hémisphère gauche. La scissure de Sylvius se divise à la

partie postérieure de la circonvolution pariétale ascendante en

deux rameaux, l'un ascendant, et l'autre descendant, ayant chacun

un trajet de deux centimètres environ, durant lequel ils séparent

la pariétale ascendante et la première circonvolution temporale

du pli pariétal inférieur. Le rameau ascendant antérieur traverse

entièrement la troisième frontale et contribue à former une sorte

de scissure précentrale en se continuant avec un sillon supérieur

qui divise presque entièrement la deuxième circonvolution fron-

tale. Le sillon de Rolando est très profond, assez sinueux.

La scissure perpendiculaire externe, très profonde, est interrompue

au niveau de la scissure interpariétale par un pli de passage à

niveau reliant le pli pariétal supérieur au lobe occipital. - La

scissure interpariétale ne possède qu'un petit rameau descendant

en arrière de la pariétale ascendante, mais elle a un rameau

ascendant très profond formant encoche sur la scissure interhé-

misphérique. A quelques millimètres au delà de son coude, elle

fournit un rameau descendant à travers le lobule pariétal infé-

rieur qu'il divise entièrement en atteignant la partie moyenne

du rameau descendant de la scissure de Sylvius ; elle

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 391

fournit également au même niveau un rameau ascendant oblique

d'avant en arrière à travers le lobule pariétal supérieur ; elle

continue son chemin jusqu'au sillon occipital transverse.

Le lobule orbitaire est normal, très développé.

Face convexe. Lobe frontal. En avant de la frontale ascen-

dante et parallèlement à elle sur sa moitié supérieure, on trouve

une scissure profonde empiétant en haut sur la face interne et

communiquant avec la première scissure frontale ; elle se termine

en bas en séparant presque entièrement la deuxième circonvolu-

tion de la frontale ascendante en s'entre-croisant avec la scissure

précentrale inférieure dont il a déjà été parlé et qui se trouve plus

en avant. La première frontale, assez bien développée, reçoit vers

son quart antérieur un gros pli de passage au niveau de la deuxième

frontale qui est très large, sinueuse, très sillonnée et s'insère par

un pli de passage à niveau, à la frontale ascendante ; à son

extrémité la plus antérieure, elle reçoit un pli de passage à niveau

de la troisième frontale qui est bien développée, mais irrégulière,

son pied se confond avec celui de la frontale ascendante. Les

deux scissures frontales supérieure et inférieure sont sinueuses,

profondes. La frontale ascendante est assez maigre surtout vers

sa partie moyenne ; la. pariétale ascendante est grosse, sinueuse,

reliée à son tiers inférieur au pli pariétal inférieur par un pli de

passage à niveau.

Lobe pariétal. Les <o6u'sp(H't(( ! <a;SMp ? eu)' et inférieur, le

pli courbe sont volumineux, mais irréguliers par suite de nom-

breux sillons qui les découpent.

Le lobe occipital, dont lés circonvolutions paraissent un peu

grêles, est également très sillonné; il est, pour ainsi dire, isolé

des parties environnantes par une scissure irrégulière, sinueuse,

qui prolonge le sillon transverse occipital jusque vers l'incisure

préoccipitale.

Lobe temporal. La première temporale plissée envoie un pli

de passage à niveau à la partie la plus postérieure du lobule pa-

riétal inférieur et un autre pli de passage à niveau à la deuxième

temporale qui interrompt vers son quart antérieur la continuité

de la scissure parallèle, sinueuse, profonde, assez normale. Les

tempono-pariétales transverses sont peu marquées. La deuxième

et la troisième temporales sont assez bien développées, irrégulières,

très découpées. La deuxième scissure temporale est interrompue

postérieurement par un pli de passage à niveau allant de la

deuxième à la troisième temporale. Un sillon profond réunit la

scissure parallèle à la première scissure temporo-occipitale.

Face interne. Lobe temporo-occipital. Les première et

deuxième circonvolutions lemporo-occipitales sont bien dévelop-

pées, mais un peu chagrinées. Les scissures sont profondes et

sinueuses.

392 CLINIQUE NERVEUSE. - DE l'épilepsie PROCURSIVE.

La circonvolution frontale interne est bien développée, reçoit à

son quart postérieur un petit pli de passage presque à niveau de la

circonvolution du corps calleux qui, elle, est peu développée, clcci-

grinée, comme atrophiée; la partie la plus antérieure de la cir-

convolution frontale internée ! dans sa partie moyenne, sa moitié

inférieure présentent également le même aspect, mais à un degré

moins prononcé. La scissure calloso-marginale est sinueuse, très

profonde, envoie de nombreux sillons transversaux à la circonvo-

lution frontale interne. Le lobule quadrilatère est moins bien dé-

veloppé, un peu grêle, comme un peu atrophié; il possède un

pli pariéto-limbique antérieur long, s'insérant obliquement à la

circonvolution du corps calleux vers le sommet du triangle para-

central. existe également un pli pariéto-limbique postérieur.

La scissure perpendiculaire interne est très profonde. Le corps

calleux est peut-être un peu moins développé que normalement.

Le'cotK,Ia/tSM ! '6cahM ? 'M).c, la couche optique, le corps strié ne

présentent rien de particulier. : La pyramide antérieure et l'olive droite sont atrophiées.

La.-moelle ne présente à l'eeil nu aucune altération.

. Duch... a d'abord été un épileptique procursif dont

les accès se sont progressivement transformés en accès

vulgaires. Il a succombé à un pyo-pneumo-thorax et à

une péricardie purulente, qui se sont développés à la

suite d'un état de mai'.

1 L'hémisphère cérébral droit ne présente que quelques

anomalies- de peu d'importance, soit au point de vue

de ses circonvolutions, soit au point de vue de ses

scissures. On peut le considérer comme normal.

Il hémisphère cérébral gauche, qui pèse 25 grammes

de moins que le droit, est dans son ensemble un peu

plus irrégulier; mais en outre nous y notons la pra-

cilité de la partie moyenne de la circonvolution frontale

ascendante, du lobe occipital, l'état chagriné des pre-

.' Nous ferons remarquer que Duch... a eu pendant les deux premières

années de sa maladie des vertiges sans phénomènes procursifs; la pro-

cdrsion n'a débuté qu'avec les accès, et par suite dans le cas particulier

on peut considérer les accidents procursifs comme constituant des accès

incomplets.

DU VERTIGE marin. 393

mière et deuxième circonvolutions occipito-temporalès,

des parties antérieure, moyenne et inférieure de la

circonvolution frontale interne, de la circonvolution du

corps calleux, la gracilité du lobule quadrilatère et du

corps calleux.

- La lésion la plus importante et paraissant la plus

ancienne est celle que l'on constate sur le cervelet.

L'hémisphère cérébelleux gauche est atrophié, sclérosé

et pèse 30 grammes de moins que le droit, soit près

de moitié [hémisphère cérébelleux droit, 65 grammes,

gauche 35 grammes). C'est là incontestablement la

lésion initiale, la plus prononcée de toutes celles obser-

vées sur l'encéphale de Duch.. '. (A suivre.)

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

ÉTUDE PATHOGÉNIQUE ET EXPÉRIMENTALE

' SUR LE VERTIGE MARIN

Par le Dr P.-S. PA11POUKIS,

En mission scientifique pur l'Université d'Athènes.

Ce que tout le monde connaît sous le nom de mal

de mer, vague expression ne nous donnant aucune

idée de la nature ou du siège de la lésion, nous l'ap-

pelons nous vertige marin, espérant que l'analyse ulté-

1 Notons en passant la tuberculose crétacée et les cicatrices pulmo-

naires.

394 PHYSIOLOGIE pathologique.

rieure des symptômes et l'étude de sa physiologie

pathologique justifieront notre innovation, en nous

forçant de placer le vertige marin à côté des autres

vertiges de la pathologie encéphalique.

Si nous insistons un seul instant sur la définition,

qu'on a donnée jusqu'à présent du vertige marin, nous

verrons que pour M. Rey « c'est l'ensemble des phé-

nomènes morbides que présentent la plupart des per-

sonnes qui vont sur mer o. Pour M. Rochas, « c'est

l'ensemble des symptômes morbides qu'éprouvent les

nouveaux embarqués ».

Nous ne tenons pas à donner, pour le moment,

une définition du vertige marin, car si nous nous

bornions à nos connaissances actuelles, nous serions

forcé de suivre l'exemple des autres auteurs, qui se

sont occupés de la question, à savoir de donner un

terme théorique, toujours contestable. Mais quand un

fait est prouvé par les expériences, alors toutes les

théories cèdent la place aux conclusions expérimen-

tales. C'est ainsi que nous avons formé la pensée que

pour réussir à étudier et à définir scientifiquement le

vertige marin, il fallait essayer de le reproduire par

des expériences sur des animaux. Alors cette question

s'impose immédiatement : les animaux sont-ils sus-

ceptibles de vertige marin ? Si oui, quels sont les plus

prédisposés et sous quels symptômes se manifeste la

maladie ? C'est ce que nous allons étudier.

I. Vertige marin des animaux. D'après les divers

renseignements que nous'avons obtenus des marins

hellènes, il est prouvé que. la plupart des animaux

sont susceptibles de vertige marin, mais ils s'habi-

DU VERTIGE marin. - 395

tuent à la mer après quelques jours, tandis que pour

les hommes il faut plus d'un an en moyenne; de plus,

les animaux ne ressentent que des symptômes lé-

gers.

Eu 1884, le capitaine C... voyageait en voilier;

pendant une tempête qui a duré deux jours, son

chien n'a plus paru ; il resta dans un coin du bateau

bien triste, sans bouger et sans vouloir manger. Mais

aussitôt que la tempête cessa, il reprit sa bonne humeur.

En 1885, un bateau à vapeur transportait de Braïla à

Constantinople 80 chevaux et buffles; vingt-quatre

heures avant d'arriver au port, une forte tempête s'étant

élevée, on remarqua que les chevaux et les buffles ne

mangeaient pas; ils avaient appuyé la tête sur le

rebord de leur cage, comme accablés d'une grande

lassitude, et de leur bouche on voyait s'écouler une

sorte d'écume filante.

Dans un autre voyage on remarqua que les mou-

tons avaient souffert, mais sans salivation. Les porcs

souffrent aussi. - Les poules ont du vertige et de l'ano-

rexie, accompagnée quelquefois d'écoulement de

quelques gouttes de liquide. -Les chats ont de l'ano-

rexie avec vomissements rares.

11 . Expériences faites à bord du carrousel « La mer

sur terre » à Paris, au mois de mars 1887 . Ce que

nous venons de relater à propos du vertige marin

des animaux ne provient que de renseignements.

Pour mieux nous persuader, il a fallu entreprendre

des expériences au laboratoire. Un instant nous avons

pensé à l'expérience en rivière. Nous n'y avons pas

fait d'essai, car les. eaux de la Seine n'ont pas de cou-

396 PHYSIOLOGIE pathologique.

rants rapides; et puis, on n'aurait pu appliquer les

instruments nécessaires. Avant toute autre recherche,

nous avons voulu nous servir, pour expérimenter, des

bateaux « La mer sur terre ». C'est ainsi que nous

nous sommes adressés- à M. Laubé, l'un des direc-

teurs, qui a bien voulu mettre un bateau à notre dis-

position.

Expériences. Le 10 mars 1887, à 4 heures du soir, nous

avons soumis un petit chien à notre première expérience. Nous

l'avons attaché avec sa laisse à la pointe de la proue. Pendant le

deuxième tour de la barque, nous avons constaté que les pupilles

commençaient à se dilater. Plus le bateau marchait, plus la dilata-

tion augmentait, de sorte que vers la quatrième minute les

pupilles s'étaient complètement dilatées. Avec les premiers mou-

vements, le petit chien commença à perdre son équilibre; le

regard est devenu inquiet, le chien a perdu sa gaieté.

Vers la deuxième minute, nous avons constaté un tremblement

des muscles bien visible, surtout dans ceux des cuisses. Le trem-

blement augmentant, l'animal ne pouvait plus se tenir sur ses

pattes postérieures, qui tremblaient plus que les autres. C'est alors

qu'il a fléchi ses jambes sur le plancher, tandis qu'en même

temps, il a levé les deux pattes antérieures en se cramponnant

aux rebords, la tête soulevée. Après une demi-minute, nous avons

constaté que le tremblement a sensiblement diminué pour que

l'animal puisse se tenir debout en soulevant les pattes posté-

rieures. Après la fin de cette expérience, les pupilles ont com-

mencé à se contracter, et dans l'espace de quarante secondes elles

ont repris leur état normal. Quant au tremblement, il persistait

encore avec prédominance dans les cuisses.

Durant la troisième expérience, le tremblement a été plus intense

qu'aux précédentes. Dans l'intervalle des expériences, les

pupilles se contractent plus lentement; pour revenir à l'état

normal, elles mettent plus de deux minutes, tandis que dans les

premières expériences elles mettaient environ une demi-minute.

Le tremblement s'est propagé aux oreilles, lesquelles, après les

cuisses, tremblent le plus.

Sixième expérience. La dilatation commence une demi-minute

après le début des mouvements. Le tremblement se produit après

la première minute. Après la fin de l'expérience, le chien avale

quelques morceaux de viande avec avidité.

. DU VERTIGE MARIN. 397 Î

Septième expérience. Nous avons offert de la viande immédia-

tement avant l'expérience. Dès que les mouvements commencent,

il avale quelques morceaux. Mais les mouvements du bateau aug-

mentant, l'animal renonce à manger, de sorte que vers la

deuxième minute, non seulement il ne mange plus, mais il

détourne-la tête pour ne pas voir l'aliment.

Onzième expérience. Nous enlevons sa laisse; le chien ne peut

pas se tenir et il reprend sur le rebord la position d'après laquelle

l'axe céphalo-rachidien forme un angle aigu avec la barquette.

Douzième expérience. Nous forçons le chien à rester dans la cale

de la barque. Mais ne pouvant pas s'y tenir debout, il fait des

essais, en écartant les pattes postérieures et en montant les au-

tres sur la banquette. Il garde ainsi celte position, pendant toute

l'expérience, malgré que nous le déplacions. Enfin, nous faisons

passer le chien à la poupe. Dans toutes les expériences, les symp-

tômes déjà mentionnés étaient moins accentués.

Nous expérimentons alors avec un gros bull-dogde

huit mois, n'ayant jamais monté sur la barque. Nous

le plaçons à la cale. Aussitôt que les mouvements de

la barque commençant, l'animal prend la même posi-

tion que le petit chien. Les symptômes ont été les

mêmes, sauf le tremblement qui était moins pro-

noncé.

M. Laubé nous a raconté que tous les chiens qu'on

a fait monter dans les bateaux prenaient cette posi-

tion, d'après laquelle le corps s'incline pour former un

angle aigu avec la barquette. Cela est très important

pour nous. Nous voyons, en effet, que les chiens,

pour éviter le vertige, donnent au corps une inclinai-

son qui occuperait la bissectrice de l'angle aigu d'un

triangle rectangle. C'est surtout l'axe céphalo-rachi-

dien qui s'accommode dans cette nouvelle position.

Les chiens ne vomissent jamais dans ces bateaux.

Il y a un an, un chien, du quartier de la Villette, a

été introduit dans une barque. Au premier tour, il

398 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

aboyait; au second, son regard change, l'animal

devient furieux et se jette sur un monsieur qu'il mord.

Une chienne, quoiqu'elle fût mise plusieurs fois sur

les barques, voulait se sauver et semblait ivre.

Résumé. - Si nous résumons en peu de mots les

résultats de ces expériences, nous verrons que le pre-

mier symptôme était la dilatation des pupilles, laquelle

augmentait progressivement, de sorte que dans quatre

minutes on ne voyait plus l'iris. Quarante secondes

après la fin de la première expérience, les pupilles

redevinrent normales. Mais dans les expériences sui-

vantes les pupilles mirent deux minutes à se remettre.

Avec les premiers mouvements, l'animal commence

à perdre son équilibre; son regard devient inquiet.

Puis viennent les tremblements des muscles et surtout

ceux des cuisses et des oreilles.

Chaque expérience durait quatre minutes avec

intervalle d'une minute et demie. Vers la sixième

expérience, la dilatation a commencé une demi-

minute après le début des mouvements, et le tremble-

ment après la première minute. Au début de l'expé-

rience, le chien avale quelques morceaux de viande.

Mais une minute plus tard, non seulement il refuse

de manger, mais il détourne aussi la tête : Le trem-

blement, s'accusant vers la fin des expériences, devient

plus intense dans leur intervalle. Les chiens ne

vomissent jamais pendant les expériences dans ces

bateaux.

III. - Expériences faites sur divers animaux au la-

boratoire physiologique de la Sorbonne. - Le but des

DU VERTIGE MARIN. 399

expériences qui précèdent était de nous persuader

qu'en effet les animaux sont également susceptibles

au vertige marin. Le détail des symptômes que nous

venons d'exposer ne laisse aucun doute sur cette

question. Le moment était donc opportun de com-

mencer des expériences au laboratoire et d'essayer

de reproduire le vertige marin expérimentalement.

Notre maître, M. le professeur Cornil, et M. Chan-

temesse ont eu l'extrême obligeance de nous présenter

à M. Dastre, professeur de physiologie expérimen-

tale à la Faculté des sciences, en lui communiquant

le but de nos expériences. M. Dastre a bien voulu

mettre son laboratoire à notre disposition, en nous

offrant aussi son concours pour la partie physiologique

des expériences.

La première difficulté qui devait se présenter était

celle-ci : comment pourrions-nous reproduire au

laboratoire le vertige marin ? Il fallait inventer un

appareil' qui nous donnât des mouvements sem-

blables à ceux d'un navire. Mais en attendant que

nous parvenions à cela, nous avons réfléchi, avec

M. Dastre que nous pouvions tenter quelques expé-

riences sur la table à vivisection, en y attachant

l'animal et en imprimant des mouvements antéro-

postérieurs, les seuls réalisables avec cette table.

D'ailleurs, ces mouvements nous faciliteraient beau-

coup l'étude ultérieure, car nous aurions ainsi étudié

les mouvements du roulis isolé, et n'étant pas influencé

par les mouvements du tangage ou par les mou-

vements mixtes du bateau à vapeur en tempête.

400 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

PREMIERE PARTIE.

Expériences sur la table à vivisection. - Balancement

antéro postérieur. - Tous les appareils nécessaires à

enregistrer les respirations thoracique et diaphragma-

tique et les battements du coeur sont en position.

I. Expériences sur LES CHIENS. - Le chien au début de

l'expérience n'aboie pas. Deux minutes après le début

du balancement nous avons vu par les tracés que les

respirations et les battements du coeur ont changé.

Ainsi, en étudiant les tracés, nous voyons que les res-

pirations sont devenues deux fois plus fréquentes

qu'avant l'expérience; en même temps elles sont

devenues moins amples et plus superficielles. Ce sont

surtout les respirations diaphragmatiques qui ont subi

ce changement.

Nous avons aussi constaté des respirations tantôt

plus profondes, tantôt plus superficielles.

Mais cette fréquence de respiration se trouve bientôt *'

interrompue. Plus le balancement continue, plus les.

respirations deviennent profondes et moins fréquentes.

C'est alors que le chien commence à aboyer. Les

battements du coeur continuent d'accord avec les

mouvements'respiratoires.

En résumé, au début des balancements nous avons une

augmentation du nombre des respirations et une diminution

de leur amplitude. Mais peu de temps après, les respi-

rations deviennent de plus en plus profondes et moins

fréquentes.

Pendant les grands mouvements avec descente

DU VERTIGE MARIN. 401

brusque de la table du côté de la tète de l'animal, la

respiration s'arrête en expiration; l'animal commence à

inspirer après la montée de la table. Sur les chiens

que nous avons ainsi balancés, nous avons vu quel-

quefois de la salivation, même abondante. Mais nous

n'avons pas osé la considérer comme le résultat du ba-

lancement, car nous appliquions toujours la muselière.

Balancement d'un chien et anémie cérébrale absolue.

- Nous avons balancé un

chien, qui préalablement a

été opéré par MM. Dastre

et Loye, en comprimant

les deux carotides d'abord, puis les vertébrales, afin de

1 La lettre'D signifie : respiration diaphragmatique.La lettre T signifie :

. respiration thoracique.

Archives, t. XV. 26

Fig. 23. -- Tracé de deux respirations

d'un chien, ayant les deux carotides

et vei tébrales comprimés. L'animal est

en repos sur la table '.

Fig. ? }. Tracé au début du balance-

ment. Le chien se trouve dans les mêmes

conditions.

4o. PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

provoquer l'anémie cérébrale. Pendant le balance-

ment nous avons voulu étudier l'influence de l'anémie

cérébrale sur ce chien. La respiration est devenue

plus ample et Jes battements du coeur déplus en plus

faibles. Quant aux tracés que nous avons obtenus,

nous tenons à en reproduire ici quelques-uns.

Ensuite, pour contrôler ces résultats, nous avons

supprimé la compression des carotides et des verté-

brales. Tout d'abord, nous avons pris les tracés en

repos; ensuite, les tracés avec la tête en haut ou en

bas; enfin, les tracés du balancement soit rapide,

Fig. 25. - Suite du balancement.

Fig. `3vi. - tracé pris immédiate-

ment après le balancement, le

chien étant en repos.

DU VERTIGE MARIN. 403

soit lent. Nous relatons ici quelques-uns de ces tracés,

afin que chacun soit à même de les étudier.

Expériences sur un chien mort. - Nous avons

exécuté sur un chien mort des balancements. Nous

avons constaté que le tracé diaphragmatique donnait

des courbures beaucoup plus vastes que le tracé tho-

racique. Cela provient de l'action des mouvements

intestinaux sur le diaphragme, lequel monte du côté

du thorax, en déplaçant les poumons. Ensuite, nous

avons insufflé les poumons par la trachée, que nous

avons alors bien liée. Les mouvements de balance-

ment ont donné des tracés diaphragmatiques avec des

lignes superficielles, peu étendues, à peine visibles;

les tracés thoraciques manquaient complètement.

1,'Ig. '11. Trace pris après la suppression de la

compression, le chien étant en repos.

( ? -8-9- balancement rapide.

Les carotides et les vertébrales

ne se compriment plus.

404 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

L'étendue que nous donnions au balancement,

influençait beaucoup les tracés. Ainsi, dans le balan-

cement complet, dans lequel la table descendait aussi

bas que possible, le tracé diaphragmatique était bien

visible et très net, car les intestins par leur pesanteur

agissaient sur le diaphragme et le forçaient en mou-

vements.

Ces expériences nous montrent combien le dia-

phragme est influencé par les organes intestinaux.

Sur le vivant, le diaphragme, malgré sa résistance et

sa contractibilité, subit cette influence, surtout quand

les mouvements intestinaux sont brusques, comme

cela a lieu dans le tangage ou roulis des bateaux en

tempête. D'ailleurs, pour bien nous assurer de ces

mouvements du diaphragme, après avoir insufflé les

poumons, nous avons ouvert une fenêtre dans la cage

thoracique, immédiatement au-dessus des insertions

diaphragmatiques, et à gauche. Eu exécutant alors

des balancements, nous avons entrevu très nettement

qu'à chaque chute de la tête, le diaphragme se sou-

levait en repoussant les poumons et le coeur. Ensuite

nous avons ouvert une autre fenêtre sur le ventre,

sans attaquer le péritoine. Eh bien ! pendant le balan-

cement nous avons entrevu, à travers le péritoine,

les intestins qui remontaient vers le diaphragme à

chaque chute de la tête, et redescendaient du côté

opposé à chaque soulèvement du corps.

Nous ne voulons pas nous étendre davantage sur

cette question si importante, car très prochainement

nous publierons, M. Dastre et moi, un mémoire sur

le déplacement énorme que les viscères abdominaux

subissent pendant ces balancements et sur l'accommo-

DU VERTIGE MARIN. 405

dation de la respiration aux mouvements de l'appareil

ou du navire en tangage ou roulis.

Balancement des chiens avec les yeux bandés. -

Etudions maintenant une autre série d'expériences.

Pour nous assurer si la vue avait quelque influence

sur les résultats du balancement, nous avons bandé

les yeux d'un chien. Ensuite nous l'avons balancé,

en prenant des tracés.

2. Expériences sur LES lapins. - Nous avons ef-

fectué ces expériences de balancement sur des lapins

avec les yeux bandés. Voici quelques tracés relatifs à

la question.

Dans l'expérience dont nous venons de rapporter

le tracé (u° 30), on verra que les mouvements respira-

toires s'accommodent aux mouvements de la table,

sur laquelle repose l'animal, pendant le balancement.

Là où le tracé commence (à gauche), la tête était

en haut; ensuite la tète descend par l'abaissement de

la table ; on voit que le tracé fait une inclinaison.

Alors, la table dépassant la ligne horizontale descend

Fig. 29. - Tracé pris sur un lapin eu repos (jeux bandés).

406 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

un peu brusquement; nous avons ainsi la chute. Ce

mouvement est marqué

sur le tracé par une ligne

droite de haut en bas sans

courbure, ce qui signifie

Fit. 30. - Balancement du lapin (yeux bandés).

tig. 31. balancement lent

(yeux bandés).

1,*ig. 3 ? - Tracé des respirations du

lapin en repos immédiatement après

un long IJ 11aLlcellJelll (yeux bandés).

DU VERTIGE MARIN. 401

que la respiration s'arrête pendant la descente brusque.

Alors les courbures de la respiration reparaissent et

marchent de bas en haut, à mesure que la table

monte. Les ligues ver-

ticales indiquent des

espaces semblables

marqués à l'aide du

métronome.

Ayant pris ce der-

nier tracé, nous avons

balancé de nouveau le

lapin, après quoi nous

avons pris le tracé

suivant dans 1 intervalle du balancement.

Enfin, nous avons fini l'expérience en balançant de

nouveau l'animal et en prenant le tracé suivant.

l'ig. 33. - Lc lapiu esl en repos

(yeux bandés).

Fig. 3'r. - Fin de l'expérience. Balancement du lapin (yeux bandés).

408 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Balancement simple. - Pendant le balancement, les

lapins ont la tête appuyée sur la planche; les oreilles

dressées; les pupilles dilatées, les membres en tremble-

ment. Après le balancement, leur démarche est lente

et assez difficile; ils se refusent à manger et à mar-

cher. Un jour nous nous sommes aperçus qu'après un

balancement de trente minutes, la température rectale

est descendue à 37° et puis à 36°.

Le tremblement des membres qui s'observe souvent

pendant le balancement se produit peut-être par le

refroidissement qui survient à l'abaissement de la

température. Sur un lapin qui est resté attaché à la

table pendant quatre heures, la température à la fin

de l'expérience était de 37° 8. Mais durant ces quatre

heures, l'animal n'a été balancé que pendant quinze

minutes seulement, et cela par intermittence. Donc,

malgré une immobilisation si longue, nous n'avons

pas eu d'abaissement notable de la température.

Le balancement d'une demi-heure auquel nous avons

soumis le lapin, après l'immobilisation de quatreheures,

n'a pas abaissé la température, ce qui est en contra-

diction avec l'expérience précédente durant laquelle

la température s'est abaissée de deux degrés et même

plus. Il faudrait, par conséquent, de nouvelles recher-

ches pour nous assurer si le balancement prolongé

des lapins contribue à leur refroidissement par abais-

sement de la température normale. De plus, il faudrait

fixer à partir de quel moment l'abaissement de la tem-

pérature se manifeste.

DU VERTIGE MARIN. 409

Faradisation des pneumogastriques . - Arrêt de la res-

piration. - Balancement. - Réapparition des tracés

respiratoires.

Nous allons relater une série d'expériences dont les

résultats ont été

bien satisfaisants.

Après avoir mis à

nu les deux pneu-

mogastriques d'un

lapin, nous avons

pris, tout d'abord,

des tracés de la res-

piration normale.

En voici un :

Ensuite nous avons balancé le lapin, sans toucher,

aux pneumogastriques.

Après mi balancement de quelques minutes, nous

avons laissé le lapin en repos.

Fig. 35. - Tracé d'un lapin en repos.

Les pneumogastriques sont à nu.

Fig. 36. - B,laucemrnt du lapin.

410 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Alors, nous avons commencé la faradisation par le

courant n° 5, pendant dix secondes. Les changements

de la respiration ont

été insignifiants. Après

un repos fixe, nous

excitons par le n° 4

pendant dix secondes.

(Voir le tracé fig. 38.)

Ensuite, nous exci-

tons avec le n° 3, pen-

daut dix secondes tou-

jours. Les respirations

deviennent plus am-

ples. Nous avons remarqué de plus que les respira-

tions diaphragmatiques étaient régulières, tandis que

les thoraciques étaient tantôt plus courtes, tantôt plus

vastes. Nous faisons- remarquer aussi que sur sept

respirations du diaphragme correspondent neuf du

thorax. Pendant les dix secondes, immédiatement

après la faradisation nous avons compté sur huit dia-

phragmatiques, douze thoraciques. -

F(1. 37. - Le lapin en repos, après

le balancement. t.

Tig. 38. - Faradisation des pneumogastriques avec le no 4,

pendant 10".

DU VERTIGE MARIN. 4H

Alors nous avons faradisé avec le n° 2 pendant dix

secondes. La respiration diophrasmatique s'est presque

arrêtée, tandis que la respiration thoracique est de-

venue très ample et très irrégulière. Après un balan-

cement de quelques secondes, nous répétons la fara-

412 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

disation avec tes" 2 et en même temps nous balançons

pendant cinq secondes;' nous avons observé alors que

la respiration diaphragmatique était ample et régu-

lière, tandis que la respiration thoracique fût arrêtée

en expiration. -

Après un nouveau balancement, nous avons excité

en repos avec le n° 2. Nous avons alors obtenu

l'arrêt complet de la respiration diaphragmatique et tho-

racique en inspiration.

Immédiatement après, pendant que l'excitation

électrique continuait, et que les respirations étaient

en arrêt, nous balançons. Nous obtenons alors le tracé

diaphragmatique bien net, sans le tracé thoracique.

Nous cessons le balancement et nous continuons tou-

jours la faradisation; alors la respiration diaphragma-

tique s'arrête de nouveau. Enfin nous arrêtons l'exci-

tation faradique et le tout redevient normal. Ces

expériences ont été répétées plusieurs fois, toujours

avec les mêmes résultats.

Nous rapportons un tracé, sur lequel on verra très

nettement l'arrêt de deux respirations pendant l'exci-

tation électrique; leur réapparition dans l'excitation

avec balancement; leur nouvel arrêt dans la suite de

l'excitation sans balancements; et enfin la réappari-

tion de courbures dans le balancement pendant l'exci-

tation. (fin. 39.)

Le tracé suivant commence à gauche par les deux

respirations en balancement simple. Ensuite, par la

faradisation n° 2, nous avons obtenu les lignes droites

sans courbures, à savoir l'arrêt complet de respira-

tions. Enfin, nous avons balancé en continuant

l'excitation, et alors nous voyons d'abord des lignes

DU VERTIGE MARIN. 413

tout à fait irrégulières à cause des efforts que l'animal

faisait; ensuite, les deux courbures, dont la dinphrap-

414

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

matique rapproche beaucoup de celle du début (qu'on

ne voit pas ici), au simple balancement, tandis que la

thoracique est rapprochée du centre du tracé en deve-

nant moins ample que celle du côté gauche, avec

simple balancement.

Dans le tracé suivant (n° 41), figurent trois respira-

tions. Le tracé inférieur représente la respiration

prise directement sur le diaphragme, par le diaphrag-

matographe, au moyen d'une aiguille accrochée à la

face inférieure du diaphragme. Le tracé moyeu donne

la respiration thoracique. Le tracé supérieur, repré-

sente la respiration diaphragmatique prise indirecte-

ment sur la peau. A gauche du tracé, on voit une

courbure de respiration, l'animal étant en repos.

Ensuite, par l'excitation faradique, nous avons obtenu

l'arrèt complet des respirations : Tout à fait à droite,

Fig. 41. Ligne supérieure : fespiration diaphragmatique. Ligne

moyenne : respiration thoracique. Ligne inférieure : respiration dia-

phragmatique directe. § Arrêts des respirations par la faradisation.

DU VERTIGE MARIN. 410

l'on constate la fin du courant et les secousses que

l'animal ressent après l'excitation.

Après cette faradisation simple et l'arrêt complet

des respirations, nous avons balancé l'animal, en con-

tinuant aussi la fara-

disation. Par le tracé

n° 42, l'on voit que les

respirations réappa-

raissent, mais pas à

leur état normal.

Le tracé n° 43 nous

donne, par la courbure

supérieure, la respira-

tion thoracique, et par

la courbure inférieure,

la respiration du dia-

phragme prise direc-

tement. Le tracé a été

pris l'animal étant en

repos..

Le tracé suivant, n" 44, lepreel1Le les mêmes respl-

rations que le tracé n° 43,

mais eu balancement et

non pas eu repos.

Dans une autre expé-

rience, qui a duré 36 ? tes

12" ont été avec arrêt com-

plet et sans balancement;

les autres 24" ont été avec

excitation et balancement,

durant lequel les 111011\ l'llIClils s respiratoires ont

réapparu.

hry. 42. - Ttacé des trois respirations .

dont l'inférieur donne les mouvements

diapliragmatiques directes. Faradl-

salin et balancement.

Fig. 43. - Respiration diaphrag-

matique directe et resp. thora-

cique, l'animal étant en repos.

416 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Toutes les expériences que nous venons de relater

et les tracés relatifs qui précèdent nous prouvent que,

quand les respirations

s'arrêtent par la fara-

disation des pneumo-

gastriques, et qu'en

même temps nous ba-

lançons l'animal, alors

le diaphragme, la fa-

radisation continuant,

subit le premier des

mouvements pathéti-

ques par les secousses

intestinales qui se font

sentir à l'abaissement

de la tête, en pressant

sur le diaphragme.

Donc, l'influence des intestins sur les mouvements du

diaphragme est prouvée par nos expériences et tracés sur

le sujet vivant {lapin) et sur les cadavres {chien)..

Trachéotomie. - Section des pneumogastriques.

Arrêt de la respiration par la faradisation. - Balan-

cement. - Réapparition des respirations.

Ayant pratiqué la trachéotomie, nous avons sec-

tionné les deux nerfs pneumogastriques. En irritant

leur but central, nous avons obtenu l'arrêt de la

respiration, chose bien démontrée, d'ailleurs, par les

expérimentateurs.

Durant l'arrêt de la respiration par la faradisation,

nous avons balancé l'animal, et alors nous nous

Fzy. Vi. Respiration diaphragmatique

(courbure inférieure) rt resp, thora-

cique. Balancement du lapin.

DU VERTIGE MARIN. 417

sommes aperçus que le tracé diaphragmatique repa-

raissait sous l'influence du balancement et cessait avec

lui. - Donc, l'excitation du but central des pneumo-

gastriques, comme aussi leur irritation à l'état normal,

donne les mêmes résultats, soit réapparition du tracé

diaphragmatique, pendant le balancement, quoique

ce tracé ait été en arrêt par le courant faradique.

Nous aurions pu obtenir le même résultat par les

nerfs phréniques, qui naissent de la quatrième et

cinquième paire cervicales et agissent sur la contrac-

tion du diaphragme. Leur section enlève les mouve-

ments du diaphragme. Or, Paul Bert a bien montré

que la contraction du diaphragme a pour double effet

d'agrandir le diamètre transversal du thorax à sa

région inférieure et de le rétrécir à sa région supé-

rieure. Quant à l'expiration, c'est un acte passif, un

retour à l'état de repos, d'où l'inspiration a fait sortir

le poumon et le thorax. Les muscles de l'abdomen

n'entrent qu'assez rarement en action. C'est surtout

par l'élasticité des poumons et en partie par l'élasti-

cité thoracique que l'expiration s'accomplit. En outre

Paul Bert a démontré que le tissu pulmonaire est

contractile et que sa contraction est sous la dépen-

dance du nerf pneumo-gastrique.

La section des pneumo-gastriques augmente- beau-

coup la vitesse du sang et la pression dans les artères,

car la section des pneumo-gastriques augmente la

fréquence des battements du coeur. - La section de

la moelle épinière à la région occipito-atloïdienne

imprime à la circulation une rapidité extraordinaire.

Les pulsations sont plus fortes et plus nombreuses. En

supprimant l'action des nerfs vaso-moteurs, on produit

Archives, t. XV. 27

418 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

le relâchement des vaisseaux et l'on rend plus faible

le passage du sang des artères aux veines.

- M. Brown-Sequard enseignait dernièrement que

l'excitabilité rythmique du coeur existe dans son

arrêt, après l'excitation des nerfs vagues par le cou-

rant induit; comme preuve, il cite que, si durant la

faradisation, nous passons le courant continu, alors le

coeur commence à battre. Cette explication ne pour-

rait pas se prêter à propos de nos expériences, où les

tracés réapparaissent avec le balancement, malgré que

la faradisation continue ?

Compression du ventre par la bande d'Esbach.

Refoulement des intestins. - Action sur la respi-

ration.

Vers la fin d'avril 1887, nous avons essayé, dans

une série d'expériences sur des chiens et des lapins,

l'action de la compression du bas-ventre par la bande

d'Esbach, pour refouler les intestins et les autres

viscères vers le diaphragme, et empêcher ainsi leur

déplacement pendant le balancement. Ensuite, nous

avons porté la compression jusqu'aux insertions du

diaphragme, en comprimant la moitié inférieure du

thorax.

Ces expériences ont eu pour objet d'étudier si la

compression directe du diaphragme, ou celle par le

refoulement des intestins, pouvait nous renseigner sur

les changements de la respiration et de la contraction

diaphragmatique. Nous publierons très prochainement

les résultats de ces études avec les tracés relatifs, en

collaboration avec M. Dastre.

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. - DU VERTIGE MARIN. 419

La température rectale, pendant que la bande d'Es-

bach fonctionnait, est descendue jusqu'à 35°,5. Dix

minutes après la suppression de la bande, la tempé-

rature est remontée à 36°,2.

Résumé de nos expériences sur la table à vivisection.

a). Chiens. - Pendant le début du balancement,

les respirations et surtout la diaphragmatique, devien-

nent plus fréquentes et moins amples. Mais plus l'ex-

périence avance, plus les respirations deviennent

profondes et moins fréquentes. - Sur un chien chez

lequel nous avons arrêté la circulation cérébrale par

la compression des carotides et vertébrales, le balan-

cement a donné des respirations très amples avec des

battements de coeur faibles.

Par des expériences sur des chiens vivants et morts

nous avons constaté sur les tracés respiratoires la

grande influence qu'ont les intestins sur les mouve-

ments du diaphragme pendant le balancement.

b). Lapins. Pendant le balancement, les lapins

ont les oreilles dressées; ils ne veulent pas manger :

leurs pupilles se dilatent; ils ont souvent le tremble-

ment des membres. La température rectale descend

de 1° à 2° et même de plus; mais cet abaissement de

la température n'a pas été constant. Après un balan-

cement prolongé, la démarche devient difficile et

lente. Les lapins préféreraient plutôt rester immobiles

pendant quelques minutes. Malgré une immobilisation

longue (de quatre heures), sans balancement, sur la

table à vivisection, la température rectale des lapins

est restée normale.

420 REVUE CRITIQUE.

Quand les respirations s'arrêtent par la faradisation

des pneumo-gastriques, et qu'en même temps nous ba-

lançons, alors, malgré la faradisation, le diaphragme

subit des mouvements pathétiques par la pression intes-

tinale, qui se fait sentir pendant la chute de la tête.

Nous avons obtenu le même résultat parla section des

pneumo-gastriques, l'excitation de leur but central et

le balancement du lapin. Les respirations s'arrêtant

par la faradisation réapparaissent par le balancement

quoique la faradisation continue. (A suivre.)

REVUE CRITIQUE '

LA GAT ATOME ;

Par J. SÉGLAS, médecin-suppléant de la Salpêtrière, et Pn. CIIASLIN,

médecin-suppléant de BiC'être,

II.

Mais à côté de ces auteurs qui admettent la conception de la

catatonie', il en est d'autres qui sont d'un avis tout opposé.

' Voy. Archives de Neurologie, n° H, p. 2H.

* Nous citerons encore quelques travaux sur la catatonie que nous n'a-

vons pu nous procurer, Rush, Diss. inauô, 1879. - Rebs : Ein (ail von

Katatonie. Diss. Erlangen, 1877. - Jensen : Allg. Encycl. Bd. XXIV.

- Dans une des dernières séances (2 nov. 1887) de la Société de méde-

cine de Berlin, à propos d'une communication de AI. : 11011, sur l'hypno-

tisme, 1·f.Jensen a rappelé la catatonie de Kalhbaum qui se range près

des états épileptiques et inconscients, et qui a aussi une certaine res-

semblance avec l'hypnotisme. (Deitische mediz. Zeit., 10 nov. 1887,

p. 1026.)

LA CATATONIE. 421 Il

Arndtr rejette l'existence comme forme essentielle, de la

folie de tension (Spannungs-Irresein).

Westphal2 admet, comme l'auteur de la catatonie, que la

stupeur n'est pas forcément accompagnée de mélancolie et

qu'elle se produit quelquefois dans la « Verrùcktheit » (folie

systématisée) avec le délire des grandeurs le mieux caractérisé,

mais la catatonie n'est pas une forme spéciale d'aliénation,

elle n'est qu'une verrucktheit aiguë un peu particulière, les

troubles moteurs ne sont pas des crampes et ils n'ont pas l'im-

portance que veut leur donner Kalhbaum.

Tigges donne à l'assemblée des aliénistes allemands à

Nuremberg, en ! 877, une statistique de cas divers d'aliénation

dans lesquels il trouve des signes qu'on attribue à la catatonie : -.

il n'admet nullement cette forme et pour lui la stupeur et les

autres phénomènes catatoniques proprement dits ne sont que

des symptômes.

Von Rinecker lit à l'assemblée des aliénistes de 1880, à

Eisenach, un travail de Fink sur l'hébéphrénie. Dans ce

mémoire, Fink donne trois cas d'hébéphrénie qui ressemblent

beaucoup, dit-il, à la catatonie et en présentent à peu près

tous les symptômes. 11 cite Hecker (Allg. Z. f. Pych.,

Bd. XXXIII, S. 612) qui rapporte un cas de catatonie suivie

d'hébéphrénie. Mais pour lui Fink, la catatonie est d'un pro-

nostic bénin, la folie de la puberté est très grave. Une discus-

sion s'engage à ce sujet. Sander n'admet pas l'existence de

l'hébéphrénie et conteste l'interprétation de Hecker. Mendel

rejette, à la fois, la folie catatonique et celle de la puberté.;

Sander reprend et dit que ce sont des tentatives nuisibles à

une bonne classification. Enfin Rinecker déclare admettre

l'hébéphrénie et pas la catatonie.

Krafft Ebing fait de la catatonie de Kalhbaum une variété

' Arndt. - Ueber Tétanie und Psychose (Allg. Z. f. Psych., 1871.

Bd. XXX, S. 28) et Ueber Katalepsie und Psychose. (Ibid. S. 53.)

' Westphal. - Ueber die Veii,iic4-theit. (Allg. Z. f. Psych., Bd. XXXIV,

1878. S. 252.)

3 Tigges, - Kahlbaum's Katatonie. (Allg. Z. f. Psych. Bd. XXXIV,

1878. S. 731.)

' v. Rinecker. - Ueber die Bedezitu71g der Hebephrenie, etc. (Allg. Z.f.

Psychiatrie. Bd. 37. S. 570. - Fink. - Beitrag ZW' Kenntniss, etc. id.

S. 490.

1 Krafft Ebnig. Lehrb, 2' éd. t. II.

422 REVUE CRITIQUE.

de la folie circulaire. Tamburini ' au cinquième congrès de la

Société phréniatrique de Sienne, en septembre 1886, a rapporté

quelques observations de catatonie et de mélancolie atto-

nita avec phénomènes cataleptiques. Il se demande si les cas

décrits comme typiques méritent de constituer vraiment uue

forme morbide spéciale parce que les phénomènes calatoni-

ques se peuvent rencontrer ailleurs et parce que la marche est

celle des vésanies typiques. Pour lui, la rapportant aux formes

acceptées dans nos classifications, il incline à la considérer

comme une folie circulaire avec phénomènes catatoniques.

Telles sont en somme les principales tentatives qui ont été

faites pour isoler la catatonie des formes vésaniques voisines.

Nous avons pu déjà être frappés des dissidences qui existaient

entre les auteurs non seulement sur des points de détail, mais

sur la façon même d'envisager la maladie dans son ensemble,

l'opinion de Schüle notamment différant assez de celles expo-

sées dans les autres ouvrages que nous avons analysés. D'un

autre côté nous avons vu que beaucoup d'aliénistes rejetaient

dans son ensemble la conception de la catatonie. Nous en cite-

rons enfin d'autres qui, sans émettre une opinion quelconque

sur la catatonie, rapportent cependant des observations ana-

logues mais sous des étiquettes différentes. D'ailleurs même

avant le mémoire de Kalhbaum 2, on rencontre dans les livres

spéciaux de nombreux cas de catatonie non différenciés et

classés dans la manie, la mélancolie, l'extase, la stupeur, les

phénomènes catatoniques proprement dits n'ayant pas frappé

les observateurs autrement qu'à titre de complications

(Hardy3, Clevenger., Burrow, Kelp6, Guislain', Griesinger8,

Morel 9),

. Tamburini. Sulla Cntatonia. (l21v. sp. di fren, 1886,)

- D'après Hammond (loc. cit.) un des premiers cas de catatonie se

trouve dans les croquis de Bedlam.

3 Hardy. Ana. fo 1l1'1l , of nell1', and Psych., t. III.

. Clevenger. Ibirl.

5 Burrow. Commentaries, 1S28.

6 Kel(1, Co,2,esp. blatt. f. Psych., 1863, p. 3j7 et 1861, p. 322.

' Guislain. -- Leçons orales sur les P/t)'e' ! Mpa</t : 'M, 1852.

' 8 Griesinger, - Traité des malade. ment. (trad. franc, de Doumic,

1865.)

9 More). - Etudes cliniques, t. Il, p. 27.'j et suiv. 292, 293.

LA. CATATONIE. 423

Mais de l'avis même des partisans de la catatonie, c'était

sous le nom de stupeur que l'affection avait été pour la plupart

du temps diagnostiquée et décrite surtout en France (Bail- r

larger'.) Aujourd hui encore, depuis le travail de Kalh-

baum, beaucoup d'aliénistes continuent, comme par le passé,

à rapporter ces faits comme des variétés de différentes

maladies. -

M. Cullerre 2 publié une observation de catalepsie chez un

hypochondriaque persécuté que nous trouvons mentionnée

par les auteurs allemands, ainsi qu'une autre observation de

Lagardelle3 d'un cas de catalepsie consécutive à nne manie

aiguë. Ces observations à notre avis ne rappellent que de bien

loin la catatonie de Kalhbaum.

M. Dagonet1 semble rattacher ces faits à la stupidité : les -

mêmes idées se trouvent exprimées dans le livre récent de

Kroepelin 5. Parmi les observations de mélancolie avec stu- -

peur et phénomènes cataleptiques, publiées sous ce titre

depuis le mémoire de Kalhbaum et que nous avons pu

recueillir, nous citerons celles d'Angelucci°, Wiglesworth7,

J. Voisine, Wagner9. Dans d'autres analogues (J. Adam ?

Sankey") l'hystérie parait évidente mais n'a pas été mise en

relief. Dans un autre cas semblable, Fritsch 13 insiste sur l'in-

fluence de la dégénérescence et de l'hystérie.

L'influence de la dégénérescence est aussi admise par

' Baillarger. Ann. nzed. psych. 1813 et 1853. ,

2 Cullerre. - Anu. med. psych. 1877, p. 177.

3 Lagardelle. -Ann. med. psych. 1871, p. 38.

. Dagonet. Traité des maladies mentales, 187G.

" Kroepelin. - Camp, der Psych, Leipzick, 1883.

° Augelncci. Losperimentale, mai 1880.

J. Wiglesworth, - On the pathology of certain cases of melancolia

attonita or acute denzenlia (Journ. of meut. se, 1883, p. 355.) -

8 J. Voisin. - Notes sur un cas de mélancolie avec stupeur à forme

cataleptique, etc. (Archiu. de new'olog, 1877, t. XIII, p. 35î.)

. magner. - Anal, in Semaine médicale, 6 juillet 1887, p. 280.

'° J. Adam. A case of melancolia witll stupor and catalepsy (Journ.

of mcnt, sc" 188 p. 508.)

" Sankey. Lectures on mental diseases. 2o et). lS81`, p. 208,

case XIII.

" Fritsch. Zur Kenntniss der melancholia altonita. (lVicuer med,

Presse, 1878. S. 1,477, 1,512, 1,57t.)

424 REVUE CRITIQUE.

-Maudsley1 qui donne à propos de l'hébéphrénie une descrip-

tion comparable à celle de la catatonie et citée d'ailleurs par les

partisans même de celle-ci.

Enfin dans son livre sur la folie à double forme, M. Ritti 2/'

signale la présence des états cataleptiques dans la période I

mélancolique; il en rapporte quelques observations., Plusieurs \

sont empruntées à Krafft-Ebing, dont l'auteur semble, par

suite, adopter la manière de voir.

III.

En résumé, nous nous trouvons en face de ces deux opi-

nions : 1° ou bien la catatonie est une forme morbide essen- -

tielle ; 2° ou bien les cas rangés sous cette étiquette ne sont «-

que des variations de types déjà connus et décrits. Examinons

donc la première opinion qui fait de la catatonie une vésanie

spéciale.

Parmi les caractères donnés comme pathognomoniques

nous voyons figurer au premier rang les phénomènes catato- \

niques d'aspects les plus divers, puis certains symptômes parti-

culiers tels que la verbigéralion, les attitudes pathétiques, les

gestes stéréotypés, souvent bizarres, l'entêtement souvent

systématique et enfin la marche cyclique de la maladie sur

laquelle cependant quelques auteurs (Neisser) insistent moins

que les autres.

Ici une question se pose, ces phénomènes catatoniques ainsi

que d'ailleurs les autres énumérés ci-dessus sont-ils véritable-

ment caractéristiques d'une forme mentale spéciale ? Consi-

dérons-les d'abord en eux-mêmes et isolément et commençons

par les plus importants, les symptômes catatoniques propre-

ment dits.

A. - Comme on peut le voir par la description de

Kalhbaum, ces symptômes peuvent être des plus nombreux

et des plus variables, spasmes généraux ou partiels, convul-

sions épileptiformes, hystériformes, choréiformes, tétani-

1 Siaudsley. - Pathologie de l'esprit (trad. franc, de Germont, 1883,

p. 4 ï8.)

* Ritti. - Traité clinique de la folie à double forme, 1883, Obs. XI,

XII, XIII.

LA CATATONIE. 425

formes ou états cataleptiformes et même les simples raideurs

musculaires. En somme nous rencontrons là, isolées ou même

réunies chez le même sujet, à peu près toutes les perturbations

possibles dans le domaine du système nerveux moteur et des

fonctions musculaires (sauf pourtant les paralysies). Sans con-

sidérer les cas où ces symptômes peuvent se montrer liées à

des affections diverses (rhumatisme, fièvre typhoïde) et nous

restreignant au domaine de la pathologie mentale, nous pou-

vons voir que chacun d'eux peut se rencontrer dans les formes

psychopathiques les plus variées (Arndt, Krafft-Ebin-1, Freus-

berg2, Edel3.)

En premier lieu, nous pouvons placer les psychoses hysté-

riques. L'hystérique aliénée n'en reste pas moins hystérique

et le délire ne suspend pas ou ne remplace pas fatalement

chez elle les manifestations somatiques de la névrose, convul-

sives, choréiformes ou tétaniformes. De même que les convul-

sions ou les contractures, les états cataleptiques sont aussi

très fréquents chez les hystériques en dehors des attaques

de catalepsie et de l'état hypnotique. En effet, si à l'état de

veille les hystériques peuvent présenter 1'liyperexcital)illté

neuro-musculaire de la léthargie, l'hyperexcitahilité cutano-

musculaire du somnambulisme, on peut rencontrer aussi

chez eux la plasticité musculaire de la catalepsie. Lasègue ''

avait déjà signalé le fait de la catalepsie à l'état de veille chez

les hystériques. M. Charcot dans ses leçons sur les para-

lysies hystéro-traumatiques, a parlé d'un sujet hystérique qui

préséntait à l'état de veille l'immobilité cataleptique des mem-

bres placés .dans les positions les plus variées. MM. Binet et

Féré ont repris dernièrement ces études dans un intéressant

mémoire et ont rapporté de nouveaux exemples de ces faits de

plasticité musculaire à l'état de veille.

' Krafft-Ebing. Lelarbuch. B. I. ! Freusberg. Ueber motorische symptôme bei einfachen Psychosen

(Arch. f. Psych. Bd. XVII, 1886. S. 757.)

3 elle ! . - (Allg. Z. f. Psych. Bd. XLII, 1886.)

1 Lasègue. - Catalepsies partielles et Passagéres, in Etudes médicales,

1. 1, p. 899. Anesthésie et ataxie hystérique. Ibid., t. Il, p. 85 et suiv.

5 Charcot. - Leçons sur les maladies du système nerveux, t. III, p. 357.

6 A. Binet et Cl. Féré. - Recherches expérimentales sur la physiologie

des mouvements chez les hystériques, in Arch. de physiolog., le' octobre

1887, p. 323.

426 REVUE CRITIQUE.

Ces phénomènes peuvent aussi se rencontrer dans les états

dégénératifs avec délire surtout du contenu mystique (Morell)

ou érotique et même en dehors de tout trouble délirant, dans

l'imbécillité, par exemple; on les trouve aussi chez les épilep-

tiques. Nous en rapporterons ici deux exemples que nous avons

pu observer dans le service de notre excellent collègue M. Ch.

Féré à Bicôtre.

Observation I. - L..., vingt-ans; a été élevé dans le service des

enfants, attaques fréquentes d'épilepsie diurne et nocturne qui

ont amené un affaiblissement intellectuel de plus en plus pro-

noncé. Morsures de la langue. Aura en forme de boule; aucun

signe d'hystérie, pas de perte de la sensibilité au tact, à la dou-

leur, à la température. Pas de troubles du sens musculaire. Ce

malade a la faculté singulière de conserver indéfiniment (plus

d'une demi-heure) sans tremblement, ni sensation de fatigue les

positions que l'on imprime passivement à ses membres ou qu'il il

veut lui-même prendre et garder et cela les yeux ouverts. Dans

cet état les muscles présentent seulement une légère raideur.

Observation II. - F..., vingt-six ans. Epileptique depuis l'âge

de dix-neuf ans. Petites secousses musculaires. Même propriété

que l'autre malade, même plus prononcée : il reste, parait-il, plus

longtemps dans la même position. Pas de raideur chez lui quand

un membre est étendu. D'ailleurs aucun signe d'hystérie, aucune

perte de sensibilité ou du sens musculaire.

Ces troubles moteurs sont encore accentués dans la mélan-

colie et surtout dans la stupeur. Nous reviendrons plus tard

sur ce point important de la nature de la stupeur : nous rap-

pellerons seulement en passant que c'est sous ce nom que

beaucoup d'auteurs ont décrit et décrivent encore la catatonie

de Kahlbaum.

Guislain 2 signale aussi la fréquence de ces symptômes dans

l'état qu'il décrit sous le nom d'extase, différent de l'extase de

certains autres malades, surtout hystériques, pouvant aussi

présenter les phénomènes que nous étudions (Morel3, Micl1éa 1).

' Morel. Traité des mal, ment., 1860. Note de la page 191 et Etudes

cliniques, t. 2 p. 178.

2 Guislain. -Loc. cit.

3 Morel. Traité clinique des maladies mentales, 1860, p. 191.

4.\lichéa. - Dict. de Jaccoud. Art. Extase.

LA CATATONIE. 42

Ils peuvent aussi accompagner les états de mélancolie symp-

tomatique : on les rencontre par exemple dans les périodes de

dépression de la folie circulaire (ilitli) et dans les différentes

formes de l'intoxication alcoolique où ils sont pour ainsi dire

la règle, se présentant sous forme de secousses, de crampes, de

convulsions. Nous avons eu encore récemment l'occasion

d'observer une femme alcoolique atteinte de stupeur panopho-

bique qui présentait ces manifestations sous trois formes diffé-

rentes, secousses musculaires, raideurs généralisées et aussi

de l'immobilité cataleptiforme provoquée. M. B. Battalia' a a

observé aussi des états cataleptiformes chez un individu

intoxiqué par le haschich et il émet dans ce cas l'hypothèse

de l'hystérie primitive.

Dans les autres formes de mélancolie, qui ne présentent pas

l'état de depression mais des symptômes d'anxiété simple, on

rencontre aussi des phénomènes de même espèce, bien diffé-

rents d'ailleurs, des tremblements si fréquents delà mélancolie

anxieuse. L'un de nous a pu recueillir un cas de ce genre et

bien que l'observation soit fort incomplète, il nous semble

intéressant de la rapporter, car elle présente plusieurs parti-

cularités qui la rapprochent de celles publiées par Kalhbaum

dans le mémoire que nous avons analysé.

Observation III. - In1-0 C..., trente-quatre ans, soumise à notre

observation le lor septembre, est en proie depuis quinze jours à un

accès de mélancolie anxieuse qui serait le quatrième. Nous n'a-

vons aucun renseignement sur les antécédents. Anxiété très

grande, terreurs panophohiques ; hallucinations nombreuses de

la vue et de l'ouïe : elle voit des bêtes effrayantes, elle entend

des voix qui lui disent qu'elle est un-assassin, qu'elle a tué ses

enfants. Idées de culpabilité; elle doit s'empoisonner, elle a peur

pour les siens : gémissements continuels : elle ne reste pas en

place et se promène continuellement comme une femme ivre, les

les bras ballants, toujours prêle à tomber. D'autres fois elle

s'agite comme une désespérée. Elle répète toutes les paroles

qu'on lui dit ou qu'elle entend autour d'elle. Secousses dans

le bras droit imprimant au membre un mouvement à peu près

rythmé qu'on pourrait comparer a celui delachorée malléatoire :

nous n'avons d'ailleurs constaté chez elle aucun stigmate

hystérique.

' B. Battaglia. - Sul hascich e sua azione. (La Psychiatria, 1887.

Anno V, fasc. 1, p. 21.

428 REVUE CRITIQUE

30 septembre. - Elle n'est plus anxieuse, mais déprimée, con-

servant cependant ses idées mélancoliques, travaille un peu. Plus

de mouvements du bras.

20 octobre. - Redevient hallucinée et anxieuse; répète conti-

nuellement : « Afes pauvres enfants, mes pauvres enfants. » Marche

ci reculons; mouvements saccadés du bras droit.

Novembre. - Mu0 C..., se dit criminelle, on va la guillotiner,

la faire bouillir. Très anxieuse, a tout l'aspect d'une maniaque :

cris, gémissements; continuellement en mouvement, elle a la

démarche chancelante d'une personne ivre. Elle déclame et

chante d'un ton pathétique toutes les petites circonstances de sa vie.

- Mêmes mouvements saccadés du bras droit, presque con-

tinuels.

Cette malade, que nous avons perdue de vue, a guéri quel-

ques semaines plus tard.

Ces phénomènes particuliers peuvent aussi se rencontrer

dans les délires hypochondriaques (Cullerre), où More] les

avait déjà signalés '. Ils peuvent aussi être surajoutés aux

états maniaques (Lagardelle). On sait d'ailleurs que dans les

formes plus graves d'excitation, et en particulier dans le délire

aigu, les troubles du système nerveux moteur peuvent être

des plus accentués. Krafft-Ebing signale aussi les états cata-

toniques chez les déments.

Il n'est' pas même jusqu'à la paralysie générale qui ne

puisse aussi, dans son cours, se présenter avec des phéno-

mènes catatoniques variés. A côté des symptômes dits de

paralysie, on peut rencontrer des phénomènes convulsifs

variés, et des états de raideur signalés par Kalhbaum chez ses

catatoniques. Nous avons eu encore récemment l'occasion

d'observer à la Salpêtrière deux paralytiques générales, chez

lesquelles ces raideurs, simulant la contracure, étaient des

plus développées. Chez l'une d'elles, surtout, qui avait l'habi-

tude de tenir ses membres en flexion forcée, on s'était vu

obligé d'appliquer des appareils appropriés aux bras et aux

mains, afin d'éviter les ulcérations qu'auraient pu produire

les ongles. Il n'y avait d'ailleurs ni contractures, ni rétrac-

tions. Les exemples de ce genre sont des plus communs : nous

n'y insisterons pas. Cependant nous rappellerons ici un inté-

4 Morel. Traité des mal. ment., p. 712.

1 Kralft. Ebing. - Loc. cit" Bd. I.

LA CATATONIE. - 429 9

ressant travail de Knecht 1, rapportant des cas de combinai-

son de paralysie générale et de catatonie. M. Sage 2 a, de son

côté, étudié les mouvements choréiformes chez les paralytiques

généraux.

Nous voyons donc qu'en somme, pris isolément, les phéno-

mènes catatoniques n'ont rien de caractéristique, car ils se

rencontrent dans une multitude d'affections vésaniques.

Outre les désordres moteurs accidentels, spasmes, crampes;

que l'on rencontre en dehors de l'aliénation mentale propre-

ment dite, les désordres moteurs eux-mêmes, qui sont plus

spéciaux à la folie et que Morselli 3 divise en états d'excitabi- 1

lité réflexe exagérée des muscles (tétanie), états d'exagération

du tonus musculaire (catalepsie), et états de distribution anor-

male de l'impulsion centrale motrice (paracinèse, tels que

raideurs au début d'un mouvement), ces désordres eux-mêmes

peuvent se rencontrer dans les états vésaniques les plus diffé-

rents. En sorte que nous pouvons dire avec Arndt" que la folie

de tension (spannungs-irresein) n'est pas une maladie, mais

peut se développer sur les terrains les plus divers et sous les

causes les plus variées.

D'ailleurs, même, en ne les considérant que dans les cas

dits de catatonie, leur mode de développement, leur marche,

leurs rapports avec les autres symptômes n'ont rien de spéci-

fique et ne présentent aucun caractère régulier. On peut les

rencontrer à toutes les périodes, dans toute la durée de la

maladie, ou à une seule période : ils peuvent dominer la

scène ou être considérablement effacés. Et dans leurs rapports

avec les autres phénomènes, ils ont été considérés comme pri-

mitifs aux idées délirantes, ou comme secondaires, ou comme

indépendants. Ajoutons, d'ailleurs, que dans leur essence

même ils semblent, pour nous, différer complètement les uns

des autres; d'abord, leurs manifestations extérieures ont des

modes très variés, puis ils peuvent être spontanés ou non,

et nous admettons fort bien que, s'ils sont le plus souvent la

conséquence d'idées délirantes, il n'y a rien d'impossible à ce

qu'ils puissent d'autres fois en changer la direction, en sug-

' Knecht. - Ueber die katatonische Erscheinungen in de,' Paralyse,

(Allg.Zeitsch, f. Psych., Bd. XLII, 1886.)

. Sage, - Thèse de Lyon, 188 i.

' lllorselli.- Manuale di senzejotica délie maze mentalie, Turin 1886.

. Arndt. - Loc. ctt.

430 REVUE CRITIQUE.

gérer de nouvelles. D'autre part, ils peuvent être indépen-

dants de toute idée délirante; et l'on peut voir que, chez

certains malades, ils semblent soumis à l'influence de la

volonté et n'être qu'un simple phénomène d'attention se pro-

duisant d'ailleurs en dehors de tout symptôme d'effort, ou

avec un effort minime, mais disparaissant si l'on fixe sur un

autre point l'attention du sujet. C'est là un fait qui a été

constaté sur un des malades de M. Ch. Féré et sur une femme

que nous avons observée à la Salpêtrière. Dans d'autres cas,

ces phénomènes semblent être en dehors du domaine de la

volonté, indépendants de l'attention du malade, inconscients

et pouvant, comme dans notre dernière observation, s'expli-

quer par des altérations du sens musculaire.

B. - Mais à côté de ces symptômes il en est d'autres en

rapport plus étroit avec les troubles psychiques et que Kalh-

baum donne également comme caractéristiques de la cata-

tonie. Et même il les considère au point de vue pathogénique

comme étant de la même nature que les précédents. Citons la

verbigération, le mutisme, les gestes stéréotypés, les attitudes

pathétiques, la résistance systématique. C'est ainsi que,

dominé par l'idée de l'élément spasmodique capital dans la

forme qu'il veut décrire, Kalhbaum fait de la verbigération

une crampe du centre cérébral des organes de la parole; il en

serait de même du mutisme, qui serait dû à une convulsion

tonique, à l'inverse de la verbigération, due à une convulsion

clonique. De même encore les gestes stéréotypés seraient des

faits de crampes combinées. Il nous suffira de signaler ces

faits : de telles hypothèses physio-pathologiques ne sont même

pas à discuter; si ce sont des vues de l'esprit ingénieuses, ce

n'est pas une base assez solide pour y édifier une nouvelle

forme nosologique. D'ailleurs, quelle que soit l'explication de

ces phénomènes, et en les considérant au point de vue pure-

ment clinique, ils n'ont pas, à notre avis, l'importance que

leur donne Kalhbaum. Nous remarquons tout d'abord qu'après

avoir donné la verbigération comme un signe diagnostique

important, Kalhbaum ajoute qu'au cours de la maladie elle

peut se transformer en l'une quelconque des formes dont il la

distingue auparavant (redesucht ordinaire, radolerie des

affaiblis, idéorrhée, confabulation). D'un autre côté, à notre

avis, cette verbigération n'a rien de caractéristique, car on

peut la rencontrer souvent ailleurs, en particulier dans les

LA CATATONIE. 431

états d'affaiblissement intellectuel primitifs ou secondaires.

Vogelgesang et Jastrowitz la signalent aussi dans la paralysie

générale. Les gestes stéréotypés, comparables à des tics, sont

aussi fréquents dans les mêmes cas d'affaiblissement mental 2

avec ou sans coexistence d'un délire qui, lorsqu'il existe, les

explique souvent sans qu'il soit besoin d'invoquer pour cela

une crampe coordonnée de certains centres cérébraux. Un

exemple bien connu est celui du gémisseU1', de Morel 3. Quant

aux attitudes pathétiques, bizarres, parfois comme cabalis-

tiques, elles sont des plus fréquentes dans les vésanies, surtout

lorsqu'elles sont entées sur un fonds dégénératif dont elles

seraient même toujours caractéristiques pour certains auteurs *.

L'entêtement et la résistance systématique n'ont rien non

plus de bien particulier, car ils sont le plus souvent l'apanage

de tous les états mélancoliques, si bien même qu'on a pu

donner à la mélancolie le nom de folie d'opposition (Guis-

lain 5), Le mutisme aussi se rencontre dans les mêmes états,

surtout de mélancolie profonde, dont il est presque un symp-

tôme obligé, et sans qu'il y ait coïncidence du moindre

phénomène catatonique.

C. - La marche dite cyclique de la maladie ne présente

non plus rien de caractéristique : car les états variables par

lesquels passe le malade n'ont rien de régulier dans leur

mode d'apparition ou de succession. On peut s'en convaincre

en lisant les descriptions et les observations de Kalhbaum

qui, pour retrouver les mêmes phénomènes, va jusqu'à cher-

cher dans la vie antérieure du malade un accès de manie

survenu plusieurs années avant, afin d'établir la suppléance

avec une période maniaque d'un accès de catatonie propre-

ment dite, sans compter que ce n'est pas toujours cette

période maniaque qui ouvre la scène de la catatonie. Outre

que cette excitation maniaque nous parait être souvent de

l'anxiété mélancolique, bien des malades observés se présen-

Allg. Zeitsch, f. Psych., Bd. XLII, 886. S. 331.

1 R. Brugia e S. Marzocchi. - Dei movimenti sistematizzafl in alcllne'

forme diindebolirnento mentale. (Arch, ital. per le mal. nerv., sep-

tembre 1887.) ,

3 Morel. - Eludes cliniques, t. 1, et Traité des mal. ment., p. 713.

à Tanzi et Riva. - La Parazzoia, contributo alla storia délie dégénéra

Zzoni psichiche. (Riv. sper. di fren., l8Sf-8,ï-86.) ,

" Guislain.- Loc. cit.

432 REVUE CRITIQUE. - LA CATATONIE.

tent aussi tout d'abord comme des mélancoliques déprimés.

D'un autre côté, le cycle de la maladie n'a rien de véritable-

ment régulier. On remarque plutôt simplement, comme le

dit Hammond ', des alternatives plus ou moins régulières

d'excitation se présentant aussi bien sous la forme d'excitation

maniaque que d'anxiété mélancolique, puis de dépression

pouvant aller jusqu'à la stupeur. Prise dans son ensemble, ce

serait, en somme, la marche générale par phases succes-

sives des vésanies signalées par Guislain, Zeller, Griesinger.

Ajoutons que Kalhbaum reconnaît « que les maladies men-

tales en général, ainsi que la catatonie, commencent par la

mélancolie, continuent par la manie, puis passent à la Ver-

wirtheit et enfin à la démence ». Autre part, il dit « que la

mélancolie attonita, qui a été considérée jusqu'à présent

comme une forme spéciale, ne se développe cependant primi-

tivement que très exceptionnellement, et en général suit

plutôt un état de mélancolie simple, ou un état de mélancolie

qui suit une manie, de telle sorte que la mélancolie attonita

est la troisième phase du processus complet qui se termine par

guérison ou démence. » C'est là un fait clinique incontes-

table, signalé d'ailleurs depuis longtemps et souvent vérifié

(Morel2, Guislain, Griesinger3, Dagonet4). Si bien que «pour

la même attaque de maladie il y a -quatre phases constitu-

tives. 11 s'ensuit, en accord avec Guislain, Zeller, Griesinger,

que les vésanies ont différentes phases et que, pas plus que la

mélancolie simple, la manie ou la démence, la mélancolie

attonita ne doit être considérée comme une forme particu-

lière. » L'argument est peut-être excellent pour Kalhbaum,

qui veut considérer la mélancolie attonita simple comme une

catatonie mitis; mais pour nous, qui admettons difficilement

une catatonie sans phénomènes catatoniques et qui espérons

n'être pas contredits en disant que bien des cas de stupeur

observés dans les asiles ne présentent pas les phénomènes

catatoniques de Kalhbaum, pour nous, donc, l'argument ci-

dessus nous semble de peu de poids. Et comme nous venons

de voir plus haut qu'il assimile aussi la marche de la catatonie

' Hammond. Loc. cit.

' More). - Traité des mat. ment., p. 489, et Études cliniques, t. II,

p. 257.

3 Griesinger. - Loc. cit., p. 295.

* Dagonet. Loc. cit.

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ, 433

à celle des vésanies en général, nous en disons ce qu'il dit de

la melancolia attonita, à savoir qu'elle ne doit pas être consi-

dérée comme une forme particulière, au moins pour sa marche.

Nous avons vu, d'ailleurs, ce qu'on pouvait dire de ses symp-

tômes en particulier.

En somme, isolément, aucun des signes que nous venons

de passer en revue ne peut à lui seul caractériser une forme

psychopathique spéciale. En est-il autrement de leur ensemble ?

(A suivre.)

RECUEIL DE FAITS

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ ;

Par BOURNEVILLE et PILL1ET' 4

Il nous faut maintenant faire ressortir l'analogie du début,

des symptômes et de la marche de la maladie dans nos deux

observations.

1° Les phénomènes d'athétose auraient été remarqués dès

les premiers jours de la naissance chez D... et ils auraient, par

conséquent, une origine intra-utérine; ils sont survenus vers le

milieu de la première année chez Lem... à la suite de convul-

sions (trois à six mois).

2° Les facultés intellectuelles se sont développées lentement t

et sont toujours restées au-dessous de la moyenne, surtout

chez Lem... Sous ce rapport, ils rentrent l'un et l'autre dans

la catégorie des imbéciles. L'imbécillité est toutefois plus pro-

noncée chez Lem... que chez D... ; tous deux ont de la mémoire

et leur physionomie est niaise, mais nullement hébétée. - Ils

ont marché tardivement, et ce n'est qu'à force d'exercices

répétés qu'on est parvenu à ce résultat. Encore ne peuvent-ils

le faire que d'une manière imparfaite. Lem... ne s'avance que

1 Voir Arch. de Neurol., t. XIV, 1887, p. 386 (novembre).

Archives, t. XV. 28

434 RECUEIL DE FAITS.

soutenu des deux côtés ou à l'aide du chariot. A cet égard,

D... l'emporte notablement sur Lem..., car il lui est possible,

quoique très lentement et très péniblement, de marcher

seul.

La parole, réduite à quelques mots chez ce dernier, est, au

contraire, développée chez le premier qui est capable d'entre-

tenir une conversation. La voix est nasonnée, gutturale et la

parole est scandée; tous les deux sont obligés d'exercer un

effort avant de parler. La parole s'accompagne chez tous les

deux de contractions et de contorsions des lèvres auxquelles

prennent part d'autres muscles de la face.

Lorsqu'ils sont assis, on observe quelques mouvements des

membres, de la face ou de la tète. Ces mouvements augmen-

tent lorsqu'ils se mettent debout, ce qui exige une violente

contraction des muscles, les cuisses se rapprochent, les genoux

sont en contact, les jambes très écartées. Dans la marche les

membres inférieurs sont demi-fléchis, les cuisses toujours rap-

prochées ainsi que le genou et l'un des membres supérieurs est

élevé, servant en quelque sorte de balancier. Les pieds se sou-

lèvent parfois plus haut qu'il ne convient et ils ne reposent pas

en totalité sur le sol. La marche s'effectue à peu près en ligne

droite et se complique presque toujours demouvements d'athé-

tose, qui sont très évidents aux orteils, lorsque les malades

marchentpiedsnus, ce qu'ils déclarent moinsbien faire qu'avec

leurs souliers. La marche n'est pas modifiée par l'occlusion des

yeux.

La sensibilité générale, la sensibilité spéciale, la notion de

position, la direction des mouvements, la force musculaire sont

conservées. Il en est de même du réflexe à la lumière et du

réflexe d'accommodation.

Dans l'acte de la préhension (saisir une cuiller ou un verre et

les porter à la bouche), la main droite décrit des oscillations

assez grandes, avec conservation de la direction du mouve-

ment, l'objet est saisi énergiquement et porté presque sans

oscillations jusqu'à la bouche : en un mot, mouvements cho-

réiformes prononcés dans la première partie de l'acte (du point

de départ à la préhension de l'objet) et presque nuls dans la

seconde (du moment où l'objet est saisi jusqu'à son arrivée à

la bouche). Ni l'un ni l'autre de nos malades n'a de vertiges et

n'offre de nystagmus.

La marche de l'atleétose double offre des caractères tout à fait

DEUX CAS d'aTHÉTOSK DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 435

particuliers. Sous l'influence des exercices musculaires, on

parvient d'abord à faire tenir les malades debout, puis à les

faire marcher en les soutenant sous les bras, enfin, on perfec-

tionne la marche â l'aide du chariot. Chez nos deux malades

nous avons eu recours, en outre, à l'hydrothérapie. 11 est cer-

tain aussi que chez des malades plus jeunes on obtiendrait

une amélioration beaucoup plus considérable en y adjoignant

la gymnastique. Les facultés intellectuelles peuvent être égale-

ment cultivées dans une mesure qui varie avec l'intensité de la

maladie, c'est-à-dire le degré d'imbécillité ou d'idiotie. En

résumé, il s'agit là d'une affection susceptible d'être modifiée

très avantageusement, mais non d'une maladie qui suit une

marche progressivement ascendante du début à la mort.

Les maladies qui paraissent se rapprocher le plus de l'athé-

tose double, sont la sclérose en plaques, l'alaxie locomotrice,

l'ataxie héréditaire et la chorée.

Dans la forme cérébro-spinale de la sclérose en plaques, on

observe des troubles de la vue : diplopie, amblyopie, nystagmus,

exagération des réflexes pupillaires sous l'influence de la

lumière, qui tous font défaut dans l'athétose double. Les ver-

tiges, fréquents dans la dernière maladie, sont absents dans la

seconde. Les troubles psychiques (hallucinations, délire mélan-

colique, etc.), l'affaiblissement des facultés intellectuelles, les

attaques apoplecliformes qui sont assez fréquentes dans la

sclérose en plaques ne paraissent pas se rencontrer dans

l'athétose double.

Les troubles de la parole se ressemblent au premier abord.

Toutefois, un examen attentif fait bientôt reconnaître des

différences. Dans l'athétose double, l'émission des mots s'ac-

compagne de mouvements convulsifs des lèvres et des autres

muscles de la face qui n'existent pas, chez les malades atteints

de sclérose en plaques et tandis que les troubles de'la parole

vont en s'aggravant dans la sclérose en plaques, ils restent

stationnaires dans l'athétose double. Nous croyons même que

chez des sujets jeunes et soumis à des exercices méthodiques,

ils pourraient s'atténuer dans une certaine mesure.

Les symptômes moteurs sont également très différents. Com-

parons, par exemple, l'acte de boire ou de porter une cuiller à

436 RECUEIL DE FAITS.

la bouche : à partir du début de l'acte, dans la sclérose en pla-

ques, le tremblement va sans cesse en augmentant et souvent

les malades ne peuvent atteindre le but. Chez nos malades,

au contraire, le tremblement parait moins accusé à partir de

l'instant où le verre est saisi, jusqu'à son arrivée à la bouche.

Enfin, le tremblement s'aggrave de plus en plus à mesure que

la sclérose en plaques fait des progrès, tandis qu'il reste le

môme, ou peut diminuer chez les malades atteints d'athétose

double.

Dans la sclérose en plaques, on note au début une parésie

affectant une seule jambe, puis gagnant l'autre; plus tard une

paraplégie, qui peut s'améliorer au point de rendre la marche

possible, mais qui reparaît après une rémission plus ou moins

longue, devient alors très prononcée et se complique de con-

tl'aclu7'e dans l'extension et souvent d'épilepsie spinale (para-

plégie spasmodique). Ces phénomènes paralytiques diffèrent

trop de ceux que nous avons consignés chez nos malades pour

qu'il soit nécessaire d'insister. Enfin, la marche des deux affec-

tions n'est pas la même; d'une façon générale, la sclérose en

plaques tend à s'aggraver de plus en plus pour aboutir, parfois

après des rémissions, à une issue fatale. Nous avons vu que

l'athétose double était au contraire susceptible d'un amende-

ment d'autant plus sérieux que le traitement était institué à

une époque plus rapprochée de la période d'invasion de la

maladie. Passons maintenant à la comparaison de l'athétose

double avec l'ataxie locomotrice.

Le début après vingt ans, les symptômes oculaires (diplopie,

strabisme, amaurose, induration grise, inégalité des pupilles),

les douleurs fulgurantes, les plaques anesthésiques ou hypc-

resthésiques, la perte de notion de la position des membres et

de la résistance du sol, la difficulté ou l'impossibilité de se

tenir debout dans l'obscurité complète ou quand les yeux sont

fermés, qui caractérisent l'ataxie locomotrice manquent tous

dans l'athétose double.

L'inco01'dinalion motrice tabétique ne ressemble pas à l'in-

coordination athétosique : en ce qui concerne les membres

inférieurs, si l'athétosique et l'ataxique soulèvent les pieds

plus qu'il ne convient, l'athétosique ne projette pas brusque-

ment ses jambes de côté à l'instar d'un polichinelle et ne

s'écarte pas de la ligne droite comme l'ataxique. Quant à

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 437

l'incoordination motricedes membres supérieurs chez l'ataxique

elle se distingue de l'incuordination athétosique en ce que le

désordre moteur est de plus en plus marqué à mesure que

l'index, par exemple, se rapproche du nez, et que l'occlusion

des yeux l'exagère considérablement, tandis que chez l'athéto-

sique le tremblement ne va pas en s'accroissant du point de

départ au but, qui est toujours atteint et que l'occlusion des

yeux n'a pas d'influence.

On n'a pas encore observé, que nous sachions, dans l'athé-

tose les troubles viscéraux (crises gastriques, laryngées, néphré-

tiques, vésicales, parésie vésicale, cystite), les troubles 12-oplti*-

ques (arthropathies, fractures, atrophie musculaire, eschares)

qui compliquent si souvent l'ataxie locomotrice. Enfin la

marche des deux maladies ne présente aucune analogie.

Dans l'ataxie héréditaire, maladie de la puberté et non de

la première enfance, les troubles moteurs, qui ont le caractère

ataxique et ne s'observent, au moins durant longtemps, qu'à

l'occasion des mouvements, débutent par les jambes envahissent

plus tard les membres supérieurs et vont en augmentant progres-

sivement. La marche, peu modifiée àl'origine, devientde plus en

plus difficile; au bout d'un certain temps, la station debout et la

déambulation avec lesyeux fermés ne sont plus possibles et enfin,

aux périodes les plus avancées, la force musculaire s'affaiblit et

les malades demeurent confinés au lit (paraplégie). Dans l'athé-

tose double, même au repos, on note des mouvements des

doigts, des orteils, de la face, etc. ; les désordres de la motilité

sont généralisés ; la marche s'améliore et n'est pas modifiée

par l'occlusion des yeux.

Les troubles de la parole qu'on remarque chez les athéto-

siques dès qu'ils commencent à parler ne se manifestent qu'un

temps assez long après l'apparition de l'incoordination motrice

chez les malades atteints d'ataxie héréditaire. On voit enfin se

produire, chez eux, des vertiges, du nystagmus etdes douleurs

fulgurantes, symptômes qui ne se montrent pas chez les athé-

tosiques. Disons enfin que l'évolution de l'ataxie héréditaire, si

elle est lente, n'en est pas moins fatalement progressive ' .

' Consulter sur ce sujet, Brousse : De l'ataxie héréditaire (maladie de

I'rleireicll), 1882. CII, Féré : Progrès médical, 1882. (Bibliographie

détaillée). J.-11. Charcot : Gaz. des hôpitaux, t88t,et Progrès médical,

1887, 2' série, t. V, p. t53, - Voir aussi dalls les Archives de Neuro-

438 RECUEIL DE FAITS. - DEUX CAS D'ATHÉTOSE.

Il ne nous reste plus qu'à établir le diagnostic différentiel

entre la chorée et l'athétose double. La chorée vulgaire est

exceptionnelle avant l'âge de six ans; le plus souvent, à l'ori-

gine, elle est limitée à une partie du corps, surtout au côté

gauche, elle se généralise ensuite plus ou moins rapidement;

dans l'athétose double le tremblement paraît atteindre son

maximum d'intensité et d'étendue dès le début.

A la période d'état, le choréique est agité par les mouve-

ments les plus désordonnés. Assis, il porte brusquement la

tête de tous côtés, grimace étrangement, ouvre ou ferme

convulsivement la bouche qui est tirée en divers sens, allonge

la langue malgré lui, fléchit et détend violemment les bras ou

les jambes et souvent glisse de sa chaise. La brusquerie et

l'étendue des mouvements du choréique, diffèrent tout à fait

des mouvements lents et circonscrits que l'on observe dans la

situation assise chez les athétosiques.

Debout ou dans la marche, l'agitation est encore plus pro-

noncée : le choréique fléchit subitement tantôt sur une jambe

tantôt sur l'autre ; il est projeté de côté en avant ou en arrière,

se cogne contre les objets environnants, se contusionne, soit

dans ses mouvements incohérents, contradictoires et illo-

giques, soit dans ses chutes répétées.

L'athétosique est en quelque sorte maître de sa langue, qu'il

ne mord pas, qu'il peutporter dans tous les sens et maintenir

hors de la bouche. Il n'en est pas de même du choréique, dont

la langue sort ou rentre, se porte à droite au lieu de se porter

à gauche quoiqu'il fasse pour la diriger, et qui est souvent

blessée par le rapprochement intempestif des mâchoires.

Dans les actes intentionnels du choréique, des gesticula-

tions violentes, contradictoires, troublent la direction générale

du mouvement et font manquer le but, tandis que chez l'athé-

tosique la direction générale du mouvement est conservée.

Les troubles cardiaques, la diathèse rhumatismale, si com-

muns dans la chorée vulgaire, nous semblent manquer dans

l'athétose double. Enfinla chorée, si elle affaiblit un peu l'intelli-

gence des enfants ou des adolescents, qu'elle fait parfois revenir

logie l'analyse des travaux de Sclimid (t. I, p. 695), Gowers (t. IV, p. 90),

Hammond (t. V, p. 117), et l'observation de M. P. Blocq (t. XIII, p. 217);

le mémoire très intéressant de M. P. Marie sur la Sclérose en plaques chez

les enfants (Revue de médecine) et enfin la thèse de M. de Souza : Estudo

clinico da ataxia hededitaria de Friedreich. Rio de Janeiro, 1888 (112 cas).

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 439

en arrière, elle ne coexiste pas avec l'imbécillité ou l'idiotie.

La marche des deux maladies n'est pas non plus compa-

rable. Le tremblement reste à peu près toujours le. même

chez l'athétosique; il offre, au contraire, des exacerbations et

des rémissions chez le choréique, présente une période d'ag-

gravation progressive, une période d'état, puis décroit avec

une plus ou moins grande rapidité.

La chorée rhythmée, caractérisée aussi par des mouvements

involontaires, impulsifs, cadencés, se reproduisant suivant un

rhythme régulier, imitant certains mouvements d'expression,

tels que ceux de la danse, ou bien certains actes profession-

nels, comme les mouvements des rameurs ou des forgerons ',

et liée d'ordinaire à l'hystérie, diffère trop de l'athétose double

pour qu'il soit utile d'établir un parallèle minutieux entre les

deux affections.

Là se terminent les considérations que nous avons à pré-

senter à propos de nos deux malades. De nouvelles observa-

tions nous fourniront prochainement l'occasion de revenir sur

ce sujet encore peu connu 2.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

XII. TABES ACCOMPAGNÉ DE FOLIE SYSTÉMATIQUE ; PARALYSIE GÉNÉRALE

terminale; par W. Sommer. [AU. Zeitsch. f. Psych., XLII, 4.)

Observation très intéressante. Tabes suivi de folie systématique

hallucinatoire; douze ans plus tard, paralysie générale.- Anato-

mie pathologique. Lésions tabétiques; lésions de la folie systéma-

tique (Ieptoméningite chronique, atrophie de l'écorce, hydrocé-

1 Charcot. - Leçons sur les maladies du système nerveux, t. I, p. 220,

et t. III, p. 216.

2 Consulter : Clay Shaw. On athetosis or mibeulletz with ataxia

(St Barlholomew's Hospital Reports, vol. IX, p. 130, 1873); - Dulmont,

Etude clinique sur l'athétose, 1878; - Cliffort-Albutt (Med. Tinter and,

Gazette, 1872); - Purdon British med. Journ., 1873; - Kurella, Atlie-

lose bilatérale (Centralblatt f. Neruenheilkunde, Psychutrie, se, juillet

1887, p. 3G6);-Richardière, thèse de Paris, t886;-P. Blocq et E. Blin,

Note sur un as d'athétose double (Revue de médecine), 1888, p. 10.

440 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

phalie; oedème chronique diffus); stade congestif de paralysie

générale (hypérémie des méninges et de l'ensemble de l'encé-

phale surtout au niveau des lobes frontaux). L'individu est mort

avant qu'il ait pu se former des épanchements sanguins pachy-

méningiliques, des pseudomembranes, de la périencéphalite.

, - P. K.

XIII. Considérations DE pathologie générale sur l'occurrence ET

L'IMPORTANCE DU GATISME CHEZ LES ALIÉNÉS; par H. L1\DENllORN.

(Arch. f. Psych., XVII, 2.)

- Il y a deux espèces de gâteux. Les uns perdent simplement

sous eux urine et matières fécales. Les autres jouent en outre

avec leurs produits de déjection, s'en imprègnent, s'en frottent.

C'est de cette dernière catégorie de gâteux que l'auteur fait une

étude psychopathologique. Il en distingue trois classes : la pre-

mière comprend le gâtisme par excitation pathologique, pas-

sager, épisodique, étranger la personnalité; on en distingue

trois catégories, suivant la région où siège l'excitation; excitation

psychomotrice (impulsion organique centrifuge)- excitation sen-

sitive, périphérique et psychique (réflexe centripète) - excitation

véritablement inlrapsychique, intracenlrale (idée délirante). La

seconde classe a trait au gâtisme faisant corps avec l'individu

lui-même, qui constitue la manifestation logique de l'anomalie

de la personnalité : tantôt il s'agit d'une psychopathie chronique

ayant transformé la personne (aberration des processus intel-

lectuéls, des sensations); tantôt on a affaire à une prédisposition

psychopathique, à un terrain constitutionnel, à une dégénéres-

cence héréditaire (lacunes et perversions des sentiments); quoi

qu'il en soit, ces gâteux-là sont des gâteux de parti pris, contents

de leurs actes; il y faut joindre les idiots. La troisième classe est le

produit artificiel d'un isolement imprudent, trop prolongé, et

des moyens de contrainte exagérés. Il va de soi que chaque

classe comporte un pronostic et un traitement particuliers. La

prophylaxie générale se rattache à la surveillance, au nettoyage

et au lavage de l'intestin. La vie en liberté et les occupations

restreignent le gâtisme; tableaux et indications statistiques à cet

égard. P. K.

XIV. UE l'existence ET DE l'importance DE l'anesthésie MIXTE (Se ? 2St-

.' tioo-sensorielle) cnEz LES aliénés ; par R. Thomsen. (Archiv, f.

Psych., XVII, 2.) ,

. ' L'expression d'anesthésie mixte (sensitivo-sensorielle) est celle

qui désigne le plus nettementle complexus symptomatique observé

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 441

et qui ouvre le moins la porte aux fausses interprétations ; elle

embrasse l'émoussement ou la disparition de la sensibilité cutanée

soit dans tous ses modes, soit dans plusieurs, sous la forme bila-

térale, hémilalérale, disséminée (en plaques), stationnaire ou

passagère, de concert avec des troubles semblables des fonctions

sensorielles (vue, ouïe, odorat, goût), avec ou sans l'atteinte con-

comitante du sens chromatique et du sens musculaire. Sous le

titre d'aliénés, M. Thomsen entend désigner en bloc des troubles

psychiques passagers ou permanents, idiopathiques ou transformés

Chez dix-huit hommes psychopathes, malades depuis quelques

jours ou quelques années, et séquestrés pour cette cause se divi-

sant en huit déments, six fous systématiques chroniques, quatre

états d'angoisse et de désordre dans les idées greffés sur un

terrain de démence ou de folie systématique, il a trouvé, en ce

qui regarde la sensibilité cutanée, - hémianesthésie totale et com-

plète (treize faits), quelquefois passagère, (douze faits), ou incom-

plète (treize faits de zones épargnées, deux faits de ligne médiane

dépassée ou non atteinte) - hémianalgésie simple (un cas) -

hémianesthésie brachiale ou crurale (deux cas) anesthésie en

plaques se rapprochant de l'hémianesthésie (un cas) - anesthésie

en plaques bilatérales (cinq cas) - émoussement de la sensibi-

lité pour toutes les propriétés de lafonction ou pour quelques-unes

seulement (deux cas).

Chez le même individu, ces perturbations varient, quant à la

forme, à divers moments; elles sont dans leur ensemble générale-

ment statiounaires, mais ne durent que dans quelques cas pendant

des années; il est fréquent aussi d'observer des disparitions,

des réapparitions, et surtout, des oscillations en intensité et en

étendue. La vue est toujours atteinte en même temps (rétrécisse-

ment concentrique du champ visuel ordinaire et coloré); huit

dyschromatopsies, trois achromatopsies; troubles uni ou bi-lalé-

raux, parfois passagers; le rétrécissement concentrique est presque

toujours bilatéral; fréquemment l'acuité visuelle a en même temps

diminué. Dans les cas de diminution de l'acuité auditive, les

parois osseuses ne conduisaient plus le son ; dans le cas de troubles

du sens musculaire on a toujours noté l'anesthésie du même côté,

l'inverse n'étant d'ailleurs pas toujours vrai. Il existe une étroite

relation entre le sens musculaire et la finesse du tact à l'égard

des menus objets. La rareté des anesthésies si prononcées chez

les aliénés indique qu'elles ne sont pas en rapport direct avec les

psychoses. Le relevé dans les anamnestiques de l'alcoolisme, des

troubles céphaliques, de l'épilepsie, qui constituent, dans presque

tous les cas, des facteurs pathogénétiques de premier ordre, ets'ac-

compagnentaussi presque toujours l'un l'autre, cette particularité

indique l'origine réelle du complexus sensitivo-sensoriel qui nous

occupe, quoique l'étude analytique et critique des observations

442 Gaz) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

n'en permette encore aucune théorie exacte. Il émanerait d'après

M. Thomsen, de phénomènes centraux fonctionnels, en attendant

qu'on en ait indiqué, démontré la lésion; en tout cas, l'hystérie

doit être résolument écartée'. P. K.

XV. LE cardiopatie NEI PAZZI; par le D1' Salemi-Pace. (Palerme.)

Les maladies du coeur chez les aliénés seraient beaucoup plus

fréquentes que ne l'indiquent la plupart des auteurs classiques.

On rencontre parfois chez les cordiaques, mais à titre de phé-

nomène secondaire et exceptionnel, des formes de manie et de

délire qu'on a pu ranger sous le nom de folie cardiaque. Par contre,

l'origine de certaines affections du coeur serait bien mieux établie.

Dans les nombreuses autopsies qu'il a faites à l'asile de Palerme,

l'auteur trouve soixante-quinze fois des lésions de coeur sur cent

aliénés. L'hypertrophie du ventricule gauche, l'atrophie du ven-

tricule droit, la surcharge et la dégénérescence graisseuse du

myocarde, sont les lésions qu'on observera le plus souvent. Ces al-

térations du parenchyme constituent pour le Dr Salemi-Pace une

dystrophie cardiaque par innervation anormale. Plusieurs chro-

molithographies accompagnent ce travail consciencieux.

J. CO1BY.

XVI. DE QUELQUES PHÉNOMÈNES SURVENANT A LA SUITE DES ATTAQUES

épileptiques ET APOPLECTIFOfIlLES; par J. Thomsen. (Arch, f. Psych.,

XVII, 2.)

Revue, sans observation, des accidents somatiques ou psychi-

ques suivants, survenant chez des épileptiques et des paralytiques

généraux : 4° mydriase unilatérale permanente très considérable avec

parésie faciale très accentuée survivant des heures et même des

jours aux accès d'épilepsie chez les épileptiques ordinaires;

2° bradylalie, bradyartliie, bégaiement, lenteur de la parole,

changement de timbre de la voix, vociférations, paraphasies,

comme symptômes post-épileptiques; 3° états d'excitation moteurs

(corticaux) soit dans le stade postparoxystique des attaques con-

gestives, soit dans les psychoses postépileptiques. Telles les

petites convulsions cloniques, fibrillaires, limitées, atteignant au

maximum la moitié du corps, l'hémichorée, l'hémiathétose, les

1 M. Thomsen poursuit, comme on le voit, l'idée d'après laquelle

M. Charcot et l'Ecole de la Salpêtrière auraient formulé des lois

inexactes sur l'hémianesthésie hystérique chez la femme et chez l'homme.

Si nous avions à faire l'étude critique de ses mémoires et de ses faits,

nous ne serions pas long à démontrer l'insanité de ses prétentions, en

regard de la netteté des mémoires et des faits de M. Charcot (Voy.

Archives de Neurologie, t. IX, p. 258 ; XI, 81, etc. (Rédaction.)

REVUE DE PATHOLOGE MENTALE. 443

mouvements automatiques divers; 4° l'excitation maniaque, dési-

gnée par Samt sous le nom de moria postépileptique, est plus fré-

quente que ne le pensait Samt ; elle se montre non seulement à

la suite des accès épileptiques constitutionnels, mais encore

après les attaques congestives apoplectiformes des paralyti-

ques généraux ou des malades atteints d'affections organiques

du cerveau. L'allure générale est, de par l'état d'hébétude, d'ob-

nubilation psychique concomitant, celle d'un somnambule qui

exécuterait, d'une façon incohérente, des opérations souvent

dangereuses, toujours inconscientes, assez fréquemment sales et

salaces, en les accompagnant de paroles sans suite ; 5- obnubila-

tions partielles, consécutives aux attaques congestives apoplecti-

formes et aux accès d'épilepsie. P. K.

XVII. Observations sur l'ivrognerie ET SON hérédité ;

par J. Thomsen. (Arch. f. Psych., XVII, 2.)

Exposé de doctrines d'un vieux Kreisphysikus ayant pratiqué

dans la même région de longues années. Il parle de cinquante

années et rappelle son mémoire de 1850. Ueber die Berauschungs-

mittel des Menschen (Zeitsch.. f. die Gesammte Medicin XLIV, 2, 4).

D'après lui, l'ivrognerie n'est que l'exagération pathologique d'un

instinct naturel. La preuve, c'est que toute civilisation se traduit

par la confection de liqueurs enivrantes. L'ivrognerie patholo-

gique est tantôt périodique (dipsomanie), tantôt continue. Cette

dernière aboutit à la dégénérescence somatique et psychique, et

mène au delirium tremens, qui tue le patient ou terrasse l'in-

toxiqué par d'autres processus morbides. Le dipsomane au contraire

reste sain d'esprit et souvent de corps dans l'intervalle des accès;

la périodicité de la maladie, et sa transmission héréditaire fatale

en confirment l'autonomie nosologique. Il existe des types d'ivro-

gnerie intermédiaires à ces deux formes. Signalons en un, se

rapprochant de la forme continue, daus lequel la propeusion à

boire n'est pas toujours d'une égale violence, mais revêt de temps

à autre une intensité plus grande; les sujets succombent alors à

la déchéance organique. Description pour ainsi dire anecdotique

de quelques exemples divers. L'ivrognerie se transmet par héré-

dité directement ou en sautant plusieurs générations; elle ne se

transformerait ni en épilepsie ni en aucune autre névrose. P. K.

XVIII. Epilepsie ET folie systématique; par P. VÉJAS,

(Arch. f. Psychiat, XVII, 1.) .)

Quatre observations d'épilepsie compliquée de folie systéma-

tique. Dans les deux premières, les accès d'épilepsie ne se sont

plus reproduits après l'explosion de la maladie mentale, mais il

If 14 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

semble qu'il y ait eu simplement coexistence et non corrélation

de deux affections différentes. La troisième observation concerne

une femme de vingt-deux ans : tare héréditaire, épilepsie, folie

postépileptique caractéristique; finalement mélancolie, érotisme,

mégalomanie, idées de persécution systématisées. '08s. IV se

résume dans une profusion d'hallucinations de l'ouïe et de la

.vue et des idées délirantes intensives chez un homme ayant eu des

accès d'épilepsie; il est l'antéchrist. On constate une démence

très prononcée, entremêlée d'excitation maniaque, de phases hy-

pochondriaques ; relation pathogénétique entre l'épilepsie et la

folie plus ou moins systématique. P. K.

XIX. Contribution A la pathologie DE la mémoire ; par A. P¡CK.

(Arch. f. Psych., XVII, 1.)

Observation très détaillée permettant d'établir les lois de retour

de la mémoire. Il s'agissait d'une amnésie pure générale et pro-

gressive avec lacune persistante du souvenir. Déficit étendu des

images commémoratives de la vue et autres nécessaires au dis-

cernement des individus et des objets (domaine de l'écorce), de

nature asthénique, remontant peut-être à la puerpéralité. Com-

paré aux faits de Marcé et Skae, ce fait montre que la première

période de l'amnésie a été de l'asymbolie, que l'amnésie plus

profonde est venue ultérieurement. Quand s'est produite l'amé-

lioration, la malade a récupéré d'abord les plus anciennes images

commémoratives, celles qui avaient, pendant l'éducation, été le

plus souvent répétées, celles qui ont trait aux objets de chaque

jour. Or, ce sont celles-là qui avaient disparu les premières. La

localisation du souvenir ou de l'image commémorative dans le

.temps, la malade la puisait dans le degré de vivacité, d'intensité

du souvenir, tandis que normalement l'époque des souvenirs est

surtout obtenue à l'aide de l'association des idées. Parallèlement

aux perturbations sus-énoncées, apathie de la sensibilité morale ;

dès le début de l'amélioration, la patiente reprend son caractère

normal, sa tendance à la dépression ; on constate chez elle la

dissociation des images commémoratives optiques et auditives,

parce que dans sa jeunesse elle avait possédé une bonne mé-

moire pour l'audition. Elle indique elle-même comment elle est

arrivée à distinguer le temps écoulé, en récupérant la réflexion,

la direction de ses pensées, de la recherche personnelle. P. K.

XX. DE l'influence qu'exercent LES aliénés SUR LEUR entourage.

(Uontugion psychique. Folie à deux. Folie induite ou commu-

niquée) ; par GRAF. (tilla. Zeitsch. f. Psych., XLIII, 3.)

La transmission de la folie peut n'être qu'apparente; c'est

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 445

ainsi que des parents ou des personnes vivant avec les fous se-,

raient, à raison de prédispositions spéciales, devenues folles sans

que cette circonstance fût intervenue. La contagion, au sens rigou-

reux du mot, s'applique aux cas dans lesquels la seconde personne

atteinte n'est pas parente; et alors, ou bien l'explosion de la

psychopathie age comme une émotion brusque (si on cherchait

bien, on trouverait peut-être un facteur prédisposant, comme le

veut de Krafft-Ebing), ou bien on constate que le délire lui-même

imprègne la personne contaminée, l'infecte pour ainsi dire.

M. Graf communique sept observations de contagion chez des

époux ou sur le personnel employé au traitement des malades.

P. K.

XXI. Contribution A la question DE l'influence favorable exercée

PAR LES MALADIES AIGUËS SUR L'ÉVOLUTION DES TROUBLES PSYCHIQUES ;

par G. Leiimann. (Allg, Zcilsclv. f. Psy ch., XL111, 3.)

Observation I. Mélancolie guérie par un érysipèle de la face.

- Observation II. Mélancolie guérie par une hématémèse. P. K.

XXII. NOUVELLES communications sur l'assistance 15ES aliénés EN

ESPAGNE; par A. SCH1/ITZ. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLIII, 3.)

Traduction allemande du règlement du manicome modèle de la

casa de dementes de Santa Isabel à Leganès (près Madrid) et de

la loi espagnole sur les aliénés. P.K.

XXIII. Démence paralytique ET syphilis; par C. DIETZ.

(Allg. Zeitsch. f. Psych., XLIII, 3).

Sur 539 malades hommes entrés à la Clinique deLaipzig pendant

les années in et 1885, il y a eu 88 paralysies générales vraies.

Dans ce nombre, 5 avaient eu certainement la syphilis antérieu-

rement, soit une proportion de 61,4 p. 100. Si l'on y ajoute 9 cas

suspects dans lesquels l'infection syphilitique était probable, la

proportion devient 71,6 p. 100. Sur les Si syphilitiques avérés, il

s'était écoulé soit une dizaine d'années entre l'infection et l'appa-

rition de la paralysie générale (20 cas), soit entre dix et vingt ans

(17 faits), soit plus de 20 ans (2 faits). Il est à noter que sur les

88 paralytiques généraux, 39 étaient porteurs de la syphilis seule

comme facteur nocif, soit une moyenne de 44,6 p. 100. C'est entre

34 et 45 ans qu'apparaît le plus souvent la paralysie générale.

On y trouve les deux tiers ou les trois quarts de syphilitiques. Sur

58S paralytiques, il y avait 18 tabétiques, dont 14 syphilitiques.

Il n'existe pas, d'après la statistique, de forme clinique particu-

lière de paralysie générale syphilitique. Le traitement spécifique

a déterminé 7 rémissions complètes persistantes, 9 intermittences

446 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

de un an à 4 mois, 10 rémissions incomplètes; total : 26 résiliais

sur 88. P. Keraval.

XXIV. DE L'INFLUENCE NERVEUSE dans la PRODUCTION DU vitiligo ;

par le Dr ÛHMANN-DuMEsNiL.

Les phénomènes de nutrition sont sous la dépendance des cen-

tres nerveux, par l'intermédiaire des nerfs, quand les uns ou les

autres de ces derniers sont détruits ou lésés, il se produit des

troubles dans les différents phénomènes de cette nutrition. La

forme arrondie des plaques de vitiligo, et la marche excentrique

de celles-ci, avec leur centre décoloré et leur pourtour foncé,

sont bien faites pour faire penser à une action nerveuse, comme

cause de ce trouble de la pigmentation cutanée. De nombreux

auteurs du reste ont cité des faits concordant avec cette opinion :

Cazenave, Reed, Morris, Hyde, Tilbury Fox, Dulsring, Leloir et

Chabrier. En 1881, Déjérine trouva dans un cas, des altérations

nerveuses, à l'examen histologique. Le Dr Ohmann-Dumesnil cite

deux observations, recueillies par lui, d'individus nerveux, chez

lesquels apparurent des plaques de vitiligo; celles-ci guérirent par

l'application de courants galvaniques.

On retrouve du reste dans l'aspect du vitiligo de nombreux

traits de ressemblance avec certains faits de troubles de la pig-

mentation cutanée, dans lesquels l'action nerveuse est indéniable.

Tels sont : les points de décoloration des cheveux à la suite d'une

émotion; la perte du pigment au niveau des plaques de lèpre

anesthésique; le chloasma, ce dernier étant un type d'augmenta-

Lion du pigment cutané. Dans le vitiligo, il y a, en effet, à la fois

perte et augmentation de ce dernier : une sorte dé déplacement.

D'autre part, la symétrie des plaques de vitiligo est en faveur de

la théorie. Les individus qui en sont atteints sont le plus souvent

des nerveux, des gens ayant des affections nerveuses bien carac-

térisées, ou présentant des antécédents nerveux héréditaires. L'u-

sage des médicaments agissant sur le système nerveux ont donné

des résultats sérieux, et c'est surtout l'action des courants galva-

niques qui a donné les meilleurs résultats. Enfin on a pu, dans

quelques cas, trouver des altérations des nerfs dans le vitiligo.

(Alienist and Neurologist, 4886, p. 298.) A. RAOULT.

XXV. Changements dans la pigmentation DE la peau CHEZ LES

, aliénés; par le Dr 111ERN : 1N (de Chicago).

Les trois cas cités par l'auteur viennent à l'appui de l'opinion

exprimée par le Dr Ohmann-Dumesnil, sur les influences ner-

veuses dans la production du vitiligo. Dans le premier cas, il

s'agit d'un jeune homme âgé de dix-huit ans, s'adOl1nant à la

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 447

masturbation depuis longtemps, et qui se présenta au Dr Kier-

nan, atteint de délire des grandeurs avec idées de persécution.

Bientôt il fut atteint de symptômes ressemblant au petit mal,

puis on remarqua chez lui de l'hémiatropliie faciale, avec exo-

phthalmie et hypertrophie du côté thyroïde. Du côté gauche, la

peau présentait des taches brunes ou noires sur la face et le bras,

et les cheveux étaient gris par places de ce côté. Ces derniers phé-

nomènes étaient apparus trois semaines après l'apparition de

mouvements choréiques du côté gauche à l'âge de seize ans.

La seconde observation est celle d'un nègre âgé de cinquante-

six ans, atteint de paralysie générale qui, trois ans auparavant,

avait présenté de l'hémiopie, puis avait eu une hémiplégie

gauche accompagnée d'aphasie. Six mois après ce dernier acci-

dent, la peau devint blanche par places, et en certains endroits

les cheveux devinrent gris du même côté que la paralysie. Dans

le troisième cas, les plaques d'atrophie pigmentaire apparurent

en même temps qu'une maladie de graves avec aphasie tempo-

raire. Le Dr Kernan a observé des faits semblables chez dix para-

lytiques généraux, chex dix malades atteints de folie circulaire,

huit atteints de paranoia, dix lunatiques, quatre épileptiques. Il

cite un cas dans lequel les troubles de coloration se montrèrent,

là où le malade ressentait des douleurs ; il semble admettre que

des phénomènes vaso-moteurs accompagnent les changements

dans la pigmentation, et donnent lieu à ces sensations.

Le Dr Yiuaur a montré que, chez les aliénés, on trouvait une

atrophie du bulbe pileux des cheveux, fait qui explique bien les

troubles de coloration exposés plus haut. (The alienist and neuro-

logist, 188G, p. 474,) A. Raoult.

XXVI. Psychologie DE l'ironie ; par H. JACKSON.

(Brit. méd. Journ., 1887, p. 870.)

Le processus de toute pensée est double et consiste à établir

les relations de ressemblance et de différence, depuis la plus

simple perception jusqu'au plus abstrait raisonnement. La

formule de la caricature du processus normal de la pensée est

l'apparence de quelque ressemblance entre des choses très

différentes, depuis le jeu de mots où les ressemblances appa-

rentes et les différences réelles sont d'un ordre simple, jusqu'à

l'humour, où les deux sont habilement combinées. Nous avons

trois degrés d'évolution dans le « jeu d'esprit » : le calembour,

le bon mot et l'humour. Dans tous ces cas, il y a une diplopie

' Gancet, mai 1886.

448 sociétés savantes.

mentale manifeste, tout comme en ophthalmologic on consi-

dère des images vraies et fausses dans la diplopie oculaire.

Je pourrais montrer, dit l'auteur, que cela s'applique aux

symptômes mentaux de maladies sérieuses. Tous les états

morbides mentaux sont des subdivisions des états mentaux

normaux dans des voies différentes. Par exemple, le processus

mental chez les maniaques de la « mentation » stéréoscopique

ou diplopique chez les gens bien portants. - La réminiscence

est en réalité placée entre un processus mental parfaitement

normal et un nettement anormal, car la réminiscence survient

dans les accès d'une certaine variété d'épilepsie, comme le

font d'autres états mentaux (auras intellectuelles). - En

conséquence de cette théorie, l'auteur demande une étude

comparée de toutes ces maladies du système nerveux.

il. S.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCIIOLOGIQUE

Séance du 27 février 1888. - PRf : SIDENCE de M. Cotard.

M. ROUILLARD communique l'observation d'un cas de glycosurie

chez un paralytique général.

M. Charpentier a déjà communiqué un cas semblable à la

Société de médecine.

M. Féré. - La glycosurie dans la paralysie générale n'a rien qui

doive surprendre. Ne sait-on pas, en effet, que le travail cérébral

peut parfois déterminer l'apparition du sucre dans les urines ?

M. Briand. - Pendant mon internat dans le service de l'admis-

sion, recherchant quelle pouvait être l'influence des lésions du

quatrième ventricule sur la production du sucre, j'ai faitl'analyse

de l'urine d'un grand nombre de paralytiques généraux et je suis

arrivé à cette conclusion que la glycosurie dans cette affection

n'était ni plus ni moins fréquente que chez les individus ne pré-

sentant aucune altération des centres nerveux. J'ai cependant

SOCIÉTÉS savantes. 449

constaté qu'à certaines heures de la journée, certains paralyti-

ques éliminaient un peu plns de sucre. Eu regardant de plus près,

il m'a été facile de me convaincre que cette manifestation se pro-

duisait à la suite de repas copieux.

M. KLEIN lit une note sur l'origine des idées délirantes dans la

paralysie générale.

Du délire chronique. (Suite de la discussion.) - l\I, 11f.\GN,\ : "I ne

veut pas aborder aujourd'hui la discussion générale sur le délire

chronique; il se réserve de le faire dans la prochaine séance, se

bornant, quant à présent, à répondre aux critiques présentées

par M. Séglas d'après l'examen de huit malades actuellement à

la Salpêlrière. Comme ces aliénées pourraient être transférées en

province, il croit utile de ne pas différer cette partie de la discus-

sion puisqu'on possède à la Salpêlrière le meilleur moyen de con-

trôle, les malades elles-mêmes.

M. Séglas, dit-il, dans une partie de son argumentation, s'est

placé sur un excellent terrain, celui de la clinique, et il nous

donne- le résultat de son observation. J'ai voulu naturellement

revoir les huit malades de la Salpêlrière choisies par notre con-

tradicteur; pour la plupart d'entre elles, je ne les avais eues sous

les yeux que peu de temps, conséquemment une erreur de dia-

gnostic eût été possible, le certificat immédiat étant, vous le savez,

délivré dès l'entrée de l'aliéné à l'asile, en l'absence de tout ren-

seignement. Dans ces conditions, un délire chronique pouvait être

facilement confondu avec un délire systématisé de toute autre

espèce.

Sur les huit malades j'en ai trouvé sept encore dans les services

de nos collègues, \I11. ralret et A. Voisin, une seule, celle qui fait

l'objet de l'Observation VII, a été transférée en province. Je l'ai

regretté parce qu'elle eût pu faire l'objet d'une discussion spéciale

à propos des dégénérés persécuteurs sur lesquel, je reviendrai plus

tard, en vous communiquant deux faits dont j'ai eu à m'occuper

particulièrement : il s'agit de deux aliénés persécuteurs qui m'ont

pris pendant longtemps comme point de mire dans leurs revendi-

calions maladives.

La critique de M. Séglas portant principalement sur les faits, il

est indispensable de les reprendre successivement pour les analyser.

Mais avant d'entrer dans le détail de ces faits, je dois rappeler que

l'hérédité rayonne sur toute la folie, qu'elle n'est pas l'apanage

exclusif de la folie des héréditaires ou dégénérés, que ceux-ci

dont l'hérédité esl, sans doute, habituellement très chargée, peu-

vent néanmoins, ainsi que cela a été démontré lors de la discus-

sion sur la folie héréditaire peuvent, dis-je, devoir leur tare céré-

brale non point à la folie des ascendants, mais à un état passager l'

des parents au moment de la conception (ivresse par exemple),

Archives, t. XV. 29

450 SOCIÉTÉS savantes.

aux affections développées pendant la vie foetale, et même aux

maladies du jeune âge.

D'autre part, il n'est pas rare de trouver une hérédité très

chargée chez des paralytiques, des aliénés intermittents, des mé-

lancoliques, des maniaques simples, parfois même chez des névro-

pathes, et enfin, vous n'ignorez pas que le fils d'un aliéné n'est

pas, ce qui du reste est fort heureux, voué fatalement à la folie.

La clinique, sous ce rapport, fournit même des exemples très

curieux d'ascendance vésanique fortement accentuée avec un seul

aliéné parmi de nombreux descendants; ou bien encore d'un seul

frère plein d'esprit au milieu de quatre uu cinq aliénés, comme

j'ai eu l'occasion d'en rapporter moi-même des exemptes'. Consé-

quemment, une hérédité chargée chez un délirant chronique ne

saurait le faire entrer dans le groupe des héréditaires dégénérés.

Ce qui caractérise la folie des héréditaires ou dégénérés, c'est

surtout l'état mental du sujet, les syndromes épisodiques dévelop-

pés sur cet état mental et enfin l'évolution, l'allure particulière et

les caractères spéciaux des délires multiples qui se produisent.

Je ne reviendrai donc pas à chaque observation sur cette ques-

tion d'hérédité, puisque pour lescas ou cette hérédité est très chargée,

je n'aurai qu'à répéter ce queje viens de dire. Dans la première obser-

vation, il s'agit d'une femme de cinquante-six ans, persécutée depuis

douze an s, a m bilieuse depuis deux an s. Les symptômes et l'évolution

de la maladie, dit M. Séglas, nous paraissent ressembler assez àce

qui a été dit du délire chronique. Nous n'insisterons donc pas sur

les symptômes pour passer immédiatement aux antécédents per-

sonnels de la malade sur lesquels M. Séglas nous parait avoir été

mal renseigné : Mils M... n'aurait parlé qu'à sept ans, tandis qu'en

réalité, elle parlait au moins à cinq ans et dans une circonslance

facile à retenir, lors du départ deson'oncle, elle a témoigné ses

regrets de le voir partir. Elle s'exprime, du reste, aujourd'hui très

facilement, sa prononciation est nette, il n'y a pas la moindre

blésité et cette intégrité de la parole serait, vous en conviendrez,

bien extraordinaire chez une personne qui n'aurait parlé qu'à sept

ans. - « Elle est allée, ajoute M. Séglas, plusieurs années à

l'école mais n'a jamais appris à lire. » Or, elle n'allait à l'école

que très irrégulièrement et pendant deux ou trois mois de l'année

et néanmoins elle a appris et elle sait lire.

« Elle jouait, dit-on, presque toujours seule et n'avait pas des

idées de petite fille; elle jouait comme un garçon; elle n'aimait

que les chevaux, les chiens, plus tard, elle n'a jamais aimé s'oc-

cuper de ménage, mais elle préférait les travaux d'homme. » Ce

passage ferait supposer des dispositions à l'inversion du sens

'Magnan. - Du délire des persécutions. (Gaz. med., nov. et

dée. 1877.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 451

génital, mais rien de semblable n'a jamais existé. Enfant, elle

allait jouer en compagnie de camarades avec les jouets qu'on lui

donnait, chevaux, chiffons ou poupées. Elle ne tenait pas à faire

le ménage, mais elle aimait coudre. «A douze ans je me raccom-

modais, dit-elle, moi-même toutes mes affaires. »

« Elle n'a jamais aimé les hommes, ajoute-t-on encore, et elle

les fuyait ou leur disait des sottises. » La misère qui existait dans

sa famille l'avait fait réfléchir, elle a refusé de se marier avec des

individus mal élevés et grossiers, mais elle a eu, dit-elle, des

épanchements de COEur pour des jeunes gens convenables et si elle

eut pu les épouser, elle en eût été heureuse.

« Jamais, dit-on encore, elle n'est restée plus de quatre mois

en place; même étant jeune, elle changeait toujours. » Elle est

restée dans la même place chez la soeur du Dr Tabouret, de dix-

huit à vingt-deux ans et demi, près de cinq ans, et, à diverses

reprises, elle est restée chez différents patrons, dix, treize et

quatorze mois.

« Notons enfin au point de vue des idées actuelles que, il y a

nne vingtaine d'années, sa mère ayant voulu racheter son frère

du service, elle lui fit à ce propos des scènes violentes, préten-

dant qu'on donnait tout aux autres, rien à elle, qu'on était injuste,

etc. » - Le rachat du frère (3,800 fr.) a ruiné la famille, i bien

qu'elle avait été obligée elle-même de prêter 300 fr. qui ne lui ont

pas encore été entièrement rendus et c'est à cette occasion qu'elle

aurait écrit, il y a quelques années à sa mère. Les règles, se sont

montrées à douze ans et non à seize ans.

Si nous résumons nous voyons d'après l'observation de M. Séglas :

Débilité mentale, troubles de la parole; ignorance profonde,

inversion sexuelle, perversion morale, paresse et incapacité de

travailler. - Si vous examinez la malade, vous trouverez une

femme intelligente, à la parole facile, aux réponses nettes et pré-

cises ; elle sait lire et n'offre pas traces d'anomalie sexuelle, elle

explique ses difficultés avec la famille, elle offre, en un mot, l'etat

mental d'une délirante chronique.

Dans la deuxième observation, il s'agit d'une domestique âgée

aujourd'hui de quarante-neuf ans, ayant appris à lire et à écrire,

en allant à l'école du village comme y allaient les enfants il y a

quarante ans, c'est-à-dire très irrégulièrement. Elle s'exprime

correctement, ses réponses sont nettes et précises et son svstème

délirant s'enchaîne logiquement; il n'y a donc pas de faiblesse

d'esprit.

M. Séglas passe ensuite à l'examen physique et la dépeint

comme microcéphale, prognathe asymétrique, acrocéphale,

tandis que nous n'apercevons pour notre part, qu'un front fuyant

sur une tête un peu allongée. L'examen de la bouche nous fait

voir sur la voûte palatine, à droite du sillon médian, une dépres-

452 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sion linéaire antéro-postérieure ressemblant à une cicatrice et

tirant légèrement la muqueuse de ce côté. Si, après un nouvel

examen, il restait encore un doute, M. Falret pourrait nous auto-

riser, sans doute, à joindre la photographie de la malade à cette

discussion et chacun pourrait ainsi s'assurer que )Il'- D... n'est

point le spécimen tératologique dont parle M. Séglas (^symétrie,

p1'ognatisme, microcéphalie, ucrocéphalie.

M. SÉGLAS. C'est fait; j'ai là les photographies; l'acrocéphalie est

notable. - II -es fait circuler.

M. Magnan. M. Séglas nous présente deux photographies de la

malade D... : sur l'une, la tête est fortement fléchie, l'occiput très

relevé, si bien que l'axe antéro-postérieur se trouve presque ver-

tical. Dans celle position forcée d'une tôle dolicocéphale, à front

fuyant, toute la région postérieure devient saillante. Cette saillie,

résultat d'un artifice, pourrait en imposer à ceux qui ne sont pas

familiarisés avec les examens anthropométriques, mais un peu de

réllexion suffit à faire reconnaître que ce n'est point là la tête en

pain de sucre, la tête acrocéphale dans laquelle, on le sait, le

bregma soulevé devient saillant en entraînant lefrontvers la ver-

ticale. Du reste, par la seconde photographie, dans laquelle la tête

est laissée libre, dans sa position naturelle, on s'assure aisément

qu'il n'y a pas d'acrocéphalie. La conformation de la tête de

111'"e D", (aplatissement frontal et dotycocéphalie) n'est pas un

type rare en France et les anthropologistes pensent devoir l'attri-

buer, en général, à l'habitude que les matrones ont dans certains

pays de serrer la tête des jeunes enfants pour assujettir la

coiffure.

La troisième malade, à son entrée à l'asile Sainte-Anne, était à

la seconde période du délire chronique ; elle avait des halluci-

nations et des idées de persécution nettement systématisées ;

aujourd'hui, elle commence d'après l'observation de M. Séglas à

présenter quelques idées ambitieuses. C'était là la marche prévue

du délire, je n'y insiste pas.

111me S... a été réglée à dix-sept ans et non à dix-huit ou vingt

ans ; elle n'était pas sujette aux attaques de nerfs, comme on le

prétend ; elle s'est trouvée mal une seule fois dans des circonstances

particulières : elle était allée sans manger à l'église au milieu

d'une foule compacte, un jour de grande cérémonie. Cet accident

ne s'est jamais renouvelé.

Au point de vue psychique, on lui attribue à tort un syndrome

épisodique, le délire du toucher. « Elle a toujours eu, dit M. Sé-

' glas, la manie de la propreté, un peu comme son père. » Or,

qu'avait le père ? « Celui-ci avait l'habitude, quand on le touchait,

de se secouer et de s'essuyer; il ne voulait pas toucher les boutons

des portes, parce que quelqu'un aurait pu y laisser de la saleté ;

SOCIÉTÉS SAVANTES. 453

il se réservait une chaise spéciale, et si quelqu'un s'y asseyait, il

l'essuyait de suite après; jamais il ne voulait manger hors de chez

lui. »

M. Séglas a encore été mal informé sur le compte de celte

malade, elle n'a jamais eu la manie de la propreté; dans le service,

jamais personne, ni surveillantes, ni infirmières, n'ont observé

aucun acte rappelant de près ou de loin des appréhensions de

cette nature : j'ai placé dans les mains de la malade des pointes,

des épingles, du cuivre, toute sorte d'objets, elle a touché à tout

ce qui nous environnait et tout cela le plus naturellement du

monde sans la moindre hésitation ; interrogée sur les lavages

fréquents auxquels elle se serait livrée, elle a répondu simplement :

« J'avais dans mon ménage autre chose à faire qu'à passer mon

temps à me laver et je n'en éprouvais, du reste, nullement besoin. »

Or, vous savez, messieurs, combien est pénible la crainte du tou-

cher et quand un malade a été sous le coup de cette obsession,

il en conserve le ouveiiir toute la vie, dans le cas même où il

vient à guérir. Mm° S... est donc une délirante chronique ordi-

naire, intelligente, sans stigmate d'aucune sorte.

Pour la quatrième observation, M. Séglas fait la réflexion sui-

vante : « Je ne dirai que peu de chose de cette malade, qui est

peut-être, à mon avis du moins, au point de vue des symptômes

et de l'évolution de la maladie, le type le plus parfait du délire

chronique tel qu'il nous a été décrit ici. »

Les trois périodes, en effet (inquiétude, délire de persécutions

et délire ambitieux) se sont succédées de la façon la plus régulière.

C'est un bel exemple de délire chronique, et si, dans son enfance,

Mm0 B... a eu de la chorée, pendant quelques semaines, si elle

bégaie, elle ne s'en est pas moins montrée toujours intelligente,

économe, bonne ménagère, bienveillante pour son mari jusqu'à

l'apparition du délire ; elle n'a présenté, en un mot, aucune tare

psychique et nous connaissons tous des personnes qui bégaient

dont l'intelligence est intacte.

La cinquième malade est un exemple assez net de délire chro-

nique. Cette malade, qui jusqu'ici n'aurait eu que des idées de

persécution, commence à présenter quelques idées ambitieuses.

Elle entend les messieurs, personnages qui agissent sur elle, lui

dire que M. Putaux, son ancien patron, lui laissera une grande

partie de sa fortune.

L'examen que j'ai fait de la malade diffère de la description de

M. Séglas, en ce que l'asymétrie de la face, si elle existe, n'est

guère appréciable et que la malade m'a parue intelligente ; c'est

aussi, d'ailleurs, l'avis de M. A. Voisin qui la soigne, en ce mo-

ment, et dont elle rétorque, m'a dit notre collègue, tous les

arguments avec beaucoup de vivacité, de logique et d'esprit.

J'ajouterai que les règles se sont montrées à quatorze et non à

454 SOCIÉTÉS SAVANTES.

seize ans. Enfin, pour ne rien omettre, je ferai observer qne, si la

malade remue trois fois les doigts; c'est pour obéir aux lialluci-

nations ; les messieurs lui disent de remuer trois fois; il n'y a là

rien de comparable à l'obsession du nombre.

La sixième malade présente les symptômes habituels du délire

chronique, des hallucinations surtout auditives et des idées systé-

matisées de persécution ; depuis peu de temps apparaissent des

idées ambitieuses.

M. Séglas signale un tic facial persistant encore aujourd'hui.

J'ai examiné Mmu G... pendant trois quarts d'heure environ et j'ai

remarqué simplement, à de rares intervalles, un peu de serrement

des lèvres et un léger claquement; la malade, qui venait de

parler, a prétendu ne pas le faire habituellement et expliquait

ce mouvement par le besoin d'humecter, en ce moment, la bouche.

- Je n'ai pas constaté non plus de bégaiement.

M. Séglas avait noté ensuite quelques phénomènes assez impor-

tants pour être contrôlés : « Elle avait la manie de tout ranger à

l'excès ; si l'on touchait à quelque chose, elle criait et allait le

remettre en place. Quand on lui donnait de l'argent, elle s'essuyait

les mains après ; de même elle se secouait quand on la touchait. t.

Très souvent aussi elle prenait des voitures, y restait un quart

d'heure et descendait avant d'arriver à destination. » La malade

prétend qu'elle n'était pas assez riche pour payer ainsi inutilement

des voitures ; il va sans dire qu'elle pourrait ne pas convenir d'une

bizarrerie de ce genre qui pourrait d'ailleurs n'être que la tra-

duction d'une idée de persécution, mais il n'en est pas de même

pour la crainte du toucher : nous lui avons remis diverses mon-

naies d'argent et de cuivre qu'elle a prises dans la main sans

la moindre appréhension ; elle a touché sans hésitation des bou-

tons de porte, des morceaux de cuivre, des aiguilles, un couteau.

« S'il lui est arrivé parfois, dit-elle, de s'essuyer, c'est après avoir

tenu longtemps des sous dans la main ; le cuivre, ajoute-l-elle,

enfermé dans la main chaude et humide, dégage une certaine

odeur qui ne lui est pas agréable.» Quant aux pièces d'argent, ça

lui est indifférent puisqu'elle n'ont pas d'odeur. Vraiment, est-ce

là le délire du toucher ? Assurément personne ne le reconnaîtrait.

Cette malade ebl très hallucinée et il lui arrive parfois de s'ar-

rêter court en marchant ou bien de se détourner de la route.

Interrogée sur cette manière de faire, elle nous a répondu que

les voix changeant quelquefois de direction, elle était obligée de

les suivre pour mieux les entendre. 11 n'y a encore là, vous le

voyez, rien qui rappelle les syndromes épisodiques, les phéno-

mènes d'arrêt des dégénérés.

L'aliénée qui fait l'objet de la septième observation a été transfé-

rée en province ; je ne m'y arrête donc pas aujourd'hui. Du reste,

j'aurai probablement plus tard à rappeler ce fait, en parlant des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 455

persécutés persécuteurs, chcz lesquels ou peut trouver passagère-

ment des hallucinations de l'ouïe qui rendent le diagnostic parfois

très difficile.

Je laisse de côté des détails secondaires du huitième cas pour

en venir immédiatement à l'évolution de la maladie qui est l'objet

principal de la critique de AI. Séglas. Pour notre collègue, les

idées de persécution chez cette femme datent du mois d'avril 1884

et comme le délire ambitieux apparaît en juin 1883 pendant le

séjour à l'asile de Vaucluse, il trouve, avec juste raison, cette

marche un peu rapide. J'avais, pour ma part, sur cette malade

entrée dans mon service en novembre 1884, quelques notes d'après

lesquelles le début du délire remontait non pas à 1884, mais

à 1881. A cette époque, en effet, M°" B... se brouille avec une

voisine qui lui bat froid et la regarde de travers, qui bientôt après

lui met des ordures devant la porte; lui fait des malices; puis elle

a mal aux yeux, des rougeurs sur le corps, elle trouve des amer-

tiiines dans les pruneaux ; c'était certainement sa voisine. Plus

tard, c'est cette même voisine qui lui adresse de grossières

injures.

Mais admettons, si vous le voulez, que nous n'ayons pas de

renseignements. Est-ce qu'il nous serait permis d'adopter l'inter-

prétation que M. Séglas donne des phénomènes observés chez

cette malade ? Voilà une femme atteinte de délire de persécution

qui au mois d'avril 1884, présente des hallucinations de l'ouie :

elle entend des propos injurieux chez le bouclier, dans la rue,

dans sa maison à travers le mur du logement voisin ; elle porte

plainte au commissaire. Est-ce qu'en présence de tels accidents,

d'un délire aussi nettement systématisé, de cette affirmation pré-

cise des offenses, de la désignation de l'ennemi déterminé (ce

n'est plus on, mais bien NI-, X...). Est-ce qu'il ne vient pas à l'esprit

de vous tous que c'est là une grave maladie, un délire vigoureux

dont les racines sont déjà très profondes ? Voilà, ce que dit la

clinique et conséquemment l'observation VIII ainsi complétée

reste un délire chronique à évolution systématique tel que nous le

comprenons.

Après avoir passé en revue les observations, M. Séglas, en bon

calculateur, additionne les stigmates physiques qu'il a rencontrés :

« Microcéphalie, acrocéphalie, asymétrie crânio-faciale, malfor-

mation de la voûte palatine, déformations auriculaires multiples,

tic facial, bégaiement, menstruation tardive. » Puis pour le côté

psychique : « Retard de développement dans l'enfance, la parole

tardive, l'instabilité et la faiblesse d'esprit, les altérations du ca-

ractère, des sentiments et même ces écrits émotifs particuliers

réunis par M. Magnan sous le nom de syndromes épisodiques des

héréditaires. »

Messieurs, pour ces derniers stigmates, les syndromes épiso-

456 SOCIÉTÉS SAVANTES.

diques nous avons vu, il est bon de le rappeler, qu'ils n'exis-

taient pas chez ces aliénés; mais malgré leur absence, il est évi-

dent que tous ces signes réunis "Ill' une seule et même tête

suffiraient à caractériser une dégénérescence des plus complètes.

Toutefois, il n'en sera plus de même si nous jetons les yeux, non

point sur ce malade synthétique de M. Séglas, mais sur chacune

des malades que nous avons examinées; sur chacune d'elles nous

ne trouvons plus cet ensemble de stigmates, mais seulement l'un

ou l'autre d'entre eux; et il ne viendra à l'idée, de personne de

faire entrer forcément dans le cadre des dégénérés tout individu

dont l'une des bosses frontales sera aplatie, ou dont le vertex ou

le maxillaire inférieur seront proéminents, ou bien encore tout

homme qui bégaiera ou louchera, ou dont le caractère sera iné-

gal, emporté, violent, etc. Non, nous savons que l'un ou l'autre

de ces signes considérés isolément ne saurait impliquer la dégé-

nérescence et qu'une intelligence bien pondérée peut s'associer à

du strabisme ou du bégaiement.

Après cette discussion clinique, M. Séglas cherche à mettre en

contradiction les opinions émises d'un côté par 1111. Garnier et

Briand dans leur communication et par moi dans mes leçons, et,

d'un autre côté, par quelques autres de mes anciens internes, dans

diverses publications. Dans leurs travaux personnels mes élèves

conservent, M. Séglas n'en doute pas, leur complète indépendance,

si bien que j'ai eu moi-même à critiquer certaines parties du tra-

vail, d'ailleurs fort intéressant, de M. Gérente. Je n'admets nulle-

ment et je n'ai jamais admis un délire chronique à base hypo-

chondriaque; l'hypochondrie n'est point la première période du

délire chronique. J'ai déjà eu l'occasion, l'année dernière, de

m'expliquer à ce sujet dans une leçon publiée dane le Journal des

Connaissances médicales et j'y reviendrai encore dans la prochaine

séance.

Plus loin 11. Séâlas me fait dire d'après un compte-rendu d'une

de mes leçons, auquel je ne puis souscrire, « que le délire chro-

nique peut être accompagné ou non d'hallucinations». C'est là

évidemment une erreur, l'hallucination auditive est un des élé-

ments essentiels du délire chronique; lors du passage de la pre-

mière à la seconde période, c'est-à-dire de l'inquiétude, des inter-

prétations délirantes aux idées arrêtées de persécution, il peut se

faire que 1 idée nette de persécution s'installe la première sans

l'hallucination, mais cette idée par son caractère obsédant ne

tarde pas à stimuler, à exciter le centre cortical et il éveiller ainsi

l'image tonale, l'hallucination en retard. C'est là, sans doute, ce

qui a fait supposer que j'admettais un délire chronique sans hal-

lucinations. J'ajouterai qu'à la seconde période (période de persé-

cution) je n'ai pas uu seul cas de délire chronique sans hallucina-

tions.

SOCIÉTÉS SAVANTES. zizi

M. Séglas rappelle, enfin, une observation que j'ai citée de

délire chronique chez un épileptique'. Cette coexistence ne prouve

nullement que le délire chronique soit l'oeuvre d'un débile. Il est

des épileptiques- non pas ceux des asiles, mais ceux que l'on ob-

serve dans la famille, qui, en dehors des manifestations parfois

très rares de la névrose convulsive, n'offrent absolument aucun

trouble intellectuel.

J'ai eu récemment l'occasion de donner des soins à un négo-

ciant fort intelligent, âgé de quarante ans, qui depuis plusieurs

années présente très irrégulièrement des attaques épileptiques.

Les accès se montrent habituellement la nuit, laissant entre eux

des intervalles de deux, trois, quatre mois quelquefois même da-

vantage et depuis 1883, où il a eu recours à une médication bro-

murée, il n'aurait eu que trois attaques seulement. Il est d'un

caractère très égal, bienveillant pour tout son entourage; il ap-

porte dans ses affaires tous les soins, l'activité et l'habileté né-

cessaires ; il est instruit et sa culture intellectuelle depasse celle

que l'on trouve habituellement chez les commerçant'.

Puisque l'épilepsie peut ainsi se présenter chez un individu in-

telligent et bien pondéré, rien ne s'oppose, il me semble, à ce

que dans des conditions données, elle puisse coexister avec le dé-

lire chronique dont le développemcntréclame toujours une certaine

activité intellectuelle. Du resle, ces cas sont très rares et ce n'est

pas sur des faits complexes et exceptionnels que nous désirons

établir le délire chronique; j'en parle ici simplement pour répon-

dre à l'objection de notre collègue.

L'argumentation de l\I. Sérias porte ensuite sur l'évolution du

délire chronique et il donne comme exemple contradictoire de

sa marche lente, progressive, méthodique, l'observation VIII sur

laquelle je me suis déjà arrêté et où nous voyons le délire ambi-

tieux se développer cinq ans et non deux ans après le début de la

maladie. '

Plus loin, M. Séglas, fouillant dans l'excellente thèse de M. Le-

grain sur « le délire chez les dégénérés , relève quelques points

faibles et s'en fait une arme contre le délire chronique. Maisje

dirai à M. Séglas que je n'ai pas attendu son argumentation pour

critiquer chez M. Legram l'expression de délire à évolution chro-

nique des dégénérés, d'autant mieux que les observations données

par M. Leb : am montrent surabondamment que cette évoluliondes

dégénérés est tout autre que celle des délirants chroniques.

Puis encore M. Séglas s'empare avec empressement de cette

idée émise par M. Legrain que le délire chronique peut se mon-

' Magnan. Leçons cliniques sur l'épilepsie recueillies et publiées par

M. Briand. Librairie du Progrès médical, p. 31 et 71.

458 SOCIÉTÉS SAVANTES.

trer chez le dégénéré. Il s'agit là de faits tellement exceptionnels

qu'ils ne peuvent en rien modifier les grandes lignes assignées

au délire chronique. Cette espèce pathologique se développe seu-

lement chez des sujets dont le niveau mental est assez élevé, aussi

ne se voit-elle jamais chez l'imbécile; toutefois les dégénérés supé-

rieurs, les simples déséquilibrés qui sont intelligents, pourraient

sous ce rapport, prétendre au délire chronique, mais ils y sont

rendus réfractaires par certaines dispositionsqui leur sont propres

et notamment par l'instabilité prédominante de leur caractère et

par cette inégalité si curieuse et si remarquable de leur intelli-

gence. C'est ainsi que je m'explique pourquoi le délire chronique

est une rare exception même chez le simple déséquilibré.

Arrivé à la fin de son discours M. Séglas nous dit qu'il ne com-

prend plus rien au délire chronique. Ce n'est pas étonnant, car

dans son argumentation, j'allais dire dans sa plaidoirie, il a fait,

en véritable avocat adverse, tout son possible pour embrouiller

la question. Mais, messieurs, ce qui vaut mieux que les théories et

les raisonnements, ce sont les observations elles-mêmes et certai-

nement vous avez été frappés de ce fait que plusieurs des malades

choisis justement par M. Séglas, examinés il y a 2, 3, 4 ans par

M\I. Garnier et Briand et par moi s'étaient présentées à cette

époque avec des hallucinations et un délire de persécution d'une

nature particulière, délire qui nous avait permis de prévoir que

ces malades persécutées deviendraient ambitieuses. C'est précisé-

ment parce que la clinique nous permet de reconnaître un groupe

déterminé de malades qui par des étapes successives passent de

l'inquiétude, des interprétations délirantes aux hallucinations et

aux idées de persécution, puis aux idées ambitieuses et finalo-

ment à la dissolution mentale ; c'est parce que dès le début du

délire, nous pouvons prévoir cette longue et méthodique évolu-

tion, que nous avons pensé qu'il fallait désigner cette espèce pa-

thologique sous un nom particulier, « le délire chronique »,

auquel nous ajoutons, à évolution systématique pour bien indiquer

sa marcheet les modifications successives et constantes qu'elle

présente.

M. J. Séglas. - Messieurs, les objections que me fait M. Magnan il

ne laissent pas que de me surprendre étrangement à bien des

points de vue. Tout d'abord les considérations qu'il émet à propos

du rôle de l'hérédité dans les dégénérescences diffèrent assez, ce

me semble, de ce qu'il disait ici même l'an dernier à propos des

folies héréditaires. Car pour lui aujourd'hui, l'action de l'hérédité

ne serait plus prépondérante et il fait intervenir, dans une large

mesure, les causes diverses mises d'ailleurs en relief par plusieurs

de nos collègues. Les antécédents héréditaires, cependant assez

chargés de mes malades, n'ayant par suite plus pour lui d'impor-

tance, je n'y reviendrai pas.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 459

En ce qui concerne mes observations, l'enquête particulière à

laquelle M. Magnan a soumis mes malades, le soin tout spécial

avec lequel il cherche à réfuter la plupart des faits que j'ai avan-

cés, me prouvent que mes arguments ont bien pu porter juste.

J'ajouterai que, pour moi, ils ne m'ont semblé ébranlés en rien et

je crains bien que mon honorable contradicteur, en voulant inter-

préter ma pensée au lieu de s'en tenir à la lettre même de ma

communication, n'ait par suite fait fausse route dans son argumen-

tation.

Et en effet, en passant en revue les critiques de détail adressées

à des points différents de chacune de mes observations, on verra

que souvent M. Magnan, développant le texte même de mou tra-

vail, me reproche, à mon grand étonnement, des faits que je n'ai

même pas signalés ; l'observation 1 en est un exemple, surtout en

ce qui concerne la parole et l'instruction de la malade qui n'a

appris à lire que vers vingt ans, une fois sortie de l'école. Pour

l'Otzr : uv.·nou 11, les photographies de la malade que j'ai eu l'honneur

de vous soumettre ainsi que les mesures de sa tête vous renseignent

sur la réalité des faits que j'ai avancés. Je n'ai jamais dit d'ailleurs

que la malade.de l'U11SLIt\'1TIOY 111 ait eu de la folie du duute; et

M. Magnan, s'il eût lu exactement mon texte, n'eût pas pris un

renseignement pour une constatation. Dans J'OnsERvA110N IV, M. Ma-

gnan oublie de rappeler que toute la famille de la malade était

bègue comme elle. La malade de l'ÛBSERVA'noN V manifeste dans

différentes circonstances l'importance qu'elle attache au chiffre 3,

(compter les doigts, ouvrir trois fois les yeux, boire trois verres

d'eau, marcher d'une façon spéciale, etc.). En admettant môme

que ce soit le fait d'hallucinations, comme la malade entre bien

pour quelque chose dans la couleur que revêt ce phénomène sub-

jectif l'mporlance donnée au chiffre 3 me paraît devoir être si-

gnalé. Son état de débilité mentale a été, d'un autre côté, constaté

par M. Legrand du Saulle. - Pour la malade de l'ODSERYATiON VI,

on lui a toujours connu ses façons spéciales de mai cher, même

avant qu'elle ne délirât. Elle « faisait le rond» partout oùelleallait,

quittant même les personnes avec lesquelles elle se trouvait pour sa-

tisfaire sa manie; elle marchait au centre des pavés : elle a en.

core une sorte ce délire du toucher, qu'une de ses amies a vu se

produire encore dernièrement en lui donnant un bouquet de vio-

lettes. Son lic facial a existé de tout temps et été constaté parles

personnes de son entourage qui trouvent qu'il lui a « rétréci la fi-

gure. » Il en est de même du bégaiement. Enfin elle a été obligée

une fois de laisser en gage des bijoux pour payer une de ces courses

de voiture qu'elle avait la manie de faire hors de propos. - En

ce qui concerne 1'Oiisfc.RVA'noN YJI, elle a été rédigée d'après des

notes fournies par l'interne du service et M. Falret et moi avons

pu constater la réalité des faits qui y sont avancés. La malade

460 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de l'OnS¡¡RVA11ON VIII enfin nous ayant dit que sa voisine en 1881

lui passait la poussière sous sa porte « non par malice, mais par

négligence », nous ne voyons pas là le début du délire, mais un

délire rétrograde, la malade d'ailleurs, ambitieuse aujourd'hui,

faisant aussi remonter ses idées à une substitution, dans l'en-

fance, etc..

A un point de vue plus général, j'attacherais, suivant M. Magnan,

une importance trop grande aux stigmates physiques. Mais je ferai

remarquer que je n'ai fait à ce sjjet aucune réflexion spéciale

dans mes observations, ni mis en relief un symptôme plutôt qu'un

autre. Pour moi, elles ne valent que par leur ensemble ; cela n'em-

pêche pas de noter en passant un phénomène anormal, fût-il

même d'importance secondaire. C'est comme les hachures dont

la réunion dans un dessin arrive à former une ombre. D'ailleurs

si, en terminant, j'ai énuméré les tares rencontrées chez mes ma-

lades, je n'ai fait qu'exposer un résumé et non créer un type syn-

thétique.

Si, d'un autre côté, les stigmates pris isolément ne sont pas très

accentués, cela tient justement à ce que nous avons affaire ici à

des gens déjà élevés dans l'échelle des dégénérescences. Mais, si

iaibles qu'ils soient, cela n'est déjà pas mal de rencontrer chez

eux des vestiges de ces tares physiques presque caractéristiques

des états inférieurs, de l'idiotie par exemple. Quant à ne pas exis-

ter chez mes malades, je me permettrai de faire observer à M. Ma-

gnan que sa constatation n'a pas pour moi force de loi. Je les ai

vus pour ma part, à plusieurs reprises, je les ai fait contrôler par

plusieurs personnes du service, M. Falret a lui-même constate la

présence de la plupart d'entre eux et j'ai eu soin de ne noter que

ceux dont l'existence par suite d'examens répètes et faits par dif-

férentes personnes, me paraissait indiscutable.

D'ailleurs, qu'importe leur existence puisque, lorsqu'il les trouve

chez mes malades M. Magnan ne les signale pas ou nie leur impor-

tance dans l'espèce. Cela ne laisse pas que de m'étonner, car l'an

dernier dans les discussions sur la folie héréditaire, M. Magnan

admettait, sans réserves, les stigmates physiques mis en lumière

par Morel et cités par M. Faire[, et décrivait même des anomalies

du fond de l'ail. Aujourd'hui, pour être dégénéré, il faut présen-

ter des stigmates psychiques, les syndromes épisodiques. C'est là

un principe que M. Magnan pose, mais tout le monde n'envisage

pas la question au même point de vue que lui. Et, tout en recon-

naissant que dans les délires émotifs on rencontre le plus souvent

l'hérédité, il y a loin de là à faire des stigmates psychiques, les

seuls caractéristiques de la dégénérescence. Il y a une différence

entre un syndrome et un stigmate. De plus, je rappellerai même

que certains auteurs admettent la présence des idées fixes en dehors

de l'hérédité. Enfin je ferai remarquer que l'idiot, ce type des dégé-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 461

nérés, qui a des stigmates physiques si apparents, ne présente pas

d'habitude les syndromes épisodiques ou stigmates psychiques de

M. Magnan, que nous trouvons d'ailleurs chez deux de nos déli-

rants chroniques.

Je terminerai en disant qu'en ce qui concerne les renseigne-

ments sur certaines particularités de la vie antérieure des malades,

je crois plutôt à ceux qui m'ont été donnés de différents côtés par

les familles qu'à ceux qu'a pu recueillir M. Magnan qui n'a vu que

les malades seules.

Quant à la seconde partie de ma communication, celle à laquelle

je tiens le plus, puisque j'ai dit considérer mes observations comme

« supcdlues », M. Magnan n'y répond guère. Il laisse ses élèves

responsables de leurs opinions et des faits observés dans son ser-

service, passe complètement sous silence les observations sem-

blables aux miennes de MM. Boucher et Déricq qui pour sa part a,

comme je l'ai dit précédemment, rapporté dans sa thèse trois cas

dedébititémentateavoc délire chronique. M. Magnan critique aussi

les délires à évolution chronique des dégénérés de M. Legrain

sans dire cependant sa façon de comprendre ces faits-là, car je ne

pense pas qu'il songe à nier leur existence. Enfin il déclare ne pas

admettre du tout le délire chronique tel que l'a décrit 11. Ué-

rente. Il y a donc plusieurs théories du délire chronique. C'est en

somme ce que je tenais à faire constater et il me semble ne ré-

sulter, comme je l'ai déjà dit, qu'il y a bien de la confusion

parmi les partisans eux-mêmes du délire chronique au sujet de

cette forme psychopalhique prétendue si simple et si claire.

M. Féré. - i'\ous discutons maintenant sur des faits objectifs,

il me semble que le meilleur moyen d'entraîner une conviction

dans un sens ou dans l'autre serait de nommer une commission

qui examinerait si les malades présentent oui ou non des stig-

mates physiques manifestes.

AI. Magnan. Les quelques lares qui peuvent exister ne sont

que des tares microscopiques et M. Séglas les grossit à la loupe ce

qui leur donne une importance hors de proportions.

M. Briand pense que cela ne prouve pas grand chose contre la

doctrine en discussion, que huit malades classées improprement,

suivant M. Séglas, dans la catégorie des délirants chroniques aient

ou n'aient pas de tares héréditaires accusés par des signes de dé-

générescence. On peut les considérer comme l'exception que con-

firme la règle.

M. Falret ne voit dans tout cela qu'une question d'interprétation,

car personne ne conteste que dans le délire des persécutions il y a

quelquefois des signes de dégénérescence. M. B.

462 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance du 26 mars 1888. - Présidence de 11. Falret.

Du délire chronique (suite de la discussion). M. CoTAm croit à

l'existence d'un faux' délire des grandeurs qu'on ne doit pas con-

fondre avec la mégalomanie. A une période plus ou moins an-

cienne du délire anxieux il se produit souvent une mégalomanie

caractérisée par des idées d'immortalité, d'immunité, etc., pseu-

do-mégalomanie qu'il propose de désigner sous le nom de délire

d'énormités pour la distinguer du vrai délire des grandeurs. Ce

délire d'énormité peut aboutir dans des cas très cliniques à de

véritables idées de grandeur; l'apposition d'idées de grandeur à

une période avancée d'un délire chronique n'est pas spéciale au

délire des persécutions.

M. Magnan. Les adversaires du délire chronique lui ont fait les

honneurs d'une longue, minutieuse et savante discussion; il faut

s'en féliciter puisque nous avons été amenés à préciser avec plus

de soin certains côtés difficiles de cette espèce pathologique. La

question avait été nettement posée par M. Garnier, reprise ensuite

à un autre point de vue par M. Briand; d'où vient que cet

exposé qui répond d'une manière si complète à l'observation a

trouvé des contradicteurs ?

Assurément les discussions ne changent rien, aux faits; après

comme avant, nous aurons des mjdades qui d'abord soupçonneux,

inquiets, préoccupés, se montreront hallucinés, persécutés puis

ambitieux, puis enfin après un temps plus ou moins long, s'ache-

mineront vers la démence. Faut-il laisser ce groupe de malades à

physionomie si personnelle à marche si régulière, à pronostic si

constant, faut-il les laisser confondus au milieu de tous les persé-

cutés, de tous les mégalomanes, ou bien au contraire, faut-il en

faire une espèce particulière dont on déterminerait de plus en

plus les caractères spéciaux ? Pour ma part je n'ai pas hésité un

seul instant etje fais tous mes efforts pour reconnaître et distin-

guer parmi les persécutés ceux qui sont appelés à devenir méga-

lumanes sans retour en arrière, ceux au contraire, qui ne doivent

pas s'engager dans cette route sans fin ou qui peuvent impuné-

ment être tour à tour persécutés, ambitieux, hypochondriaques,

mystiques, etc. et dont le pronostic est tout différent. Pourquoi ce.

qui parait si clair et presque indiscutable aux partisans du délire

chronique est-il considéré, au contraire, comme très obscur par

ses adversaires ? Pour comprendre ces dissidences, il est indis-

pensable de remonter à la source et de se bien pénétrer de ce que

nos maîtres éminenls Lasègue, Morel et notre regretté Foville

ont décrit.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 463

Lasègue dans sa monographie (Du délire de persécution, Arch.

génér. deméd., février, 1852) a eu le rare mérite de détacher du

grand complexus symplomatique désigné par Esquirol sons le

nom de lypémanie un groupe de malades présentant un délire

partiel dont il fait une espèce pathologique nouvelle qu'il appelle

délire de persécution. Pour bien établir le type, il s'en est tenu à

la période d'état, négligeant ainsi la marche de la maladie. Il a

indiqué, toutefois, la période prodromique, mais il fait observor

que si certains persécutés arrivent lentement, progressivement il

construire leur roman systématique, il en est d'autres chez les-

quels ce travail de formation du délire est si rapide qu'on saisit

avec peine le premier degré. Si Lasègue ne se fût pas arrêté à la

période de floraison, comme il le dit, et s'il eût continué à suivre

l'évolution et la terminaison de la maladie, il serait arrivé à ce

résultat inévitable que les persécutés chez lesquels la période pro-

dromique fait défaut, sont justement les persécutés dont il eût

constaté la guérison assez promple, et par suite, il n'eût pas

rangé dans une même espèce pathologique, d'une paît, des ma-

lades qui guérissent presque toujours, d'autre part, des malades

qui ne guérissent presque jamais.

Ces persécutés hallucinés qui guérissent rapidement sont, pour

la plupart, des héréditaires dégénérés et quelquefois aussi des

alcooliques subaigus, plus rarement des intermittents ou môme

des hystériques. Ils ont les apparences d'un délirant chronique à

la seconde période, mais ils en diffèrent totalement par leurs

antécédents, par le mode de début du délire et surtout par son

évolution ultérieure. Ils n'offrent jamais la marche systématique-

ment méthodique du délire chronique.

Une seconde assertion que nous devons relever puisqu'elle a été

cause de fréquentes erreurs, c'estque le délire de perséculion pour-

rait s'accompagner ou non d'hallucinations. Après avoir parlé

des illusions et des interprétations délirantes du début, Lasègue

ajoute : « Jusque-là, le malheureux persécuté s'est maintenu dans

les limites des sensations vraies sur lesquelles il a fondé ses in-

ductions délirantes; un certain nombre de malades ne va pas

au delà. Ce qu'il a entendu il a pu, il a dû l'entendre et bien qu'il

ne dépasse pas cette mesure, il peut parcourir tous les échelons et

arriver au terme le plus avancé de lamvlecdie, d'autres au contraire,

sont poursuivis par des hallucinations sans être ni plus ni moins

gravement malades, p. 139. » Plus loin nous voyons encore :

« L'hallucination de l'ouïe n'est ni la conséquence obligée, ni

l'antécédent nécessaire du délire de persécution, mais elle est la

seule qui soit compatible avec lui, p. 140. »

En admettant ainsi dans le même groupe des cas de délire de

persécution sans hallucinations, on ouvre la porte à un certain

nombre de malades, notamment aux persécutés persécuteurs que

464 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pour notre part, d'accord en cela avec M. Falret, nous repoussons

du cadre du délire chronique.

Lasègue ayant compris dans le délire des perséculions, des

persécutés sans période prodromique, des persécutés sans hallu-

cinations,c'est-à-dire, je le répèle, des persécutés souvenlcurables,

s'est trouvé naturellement porté à admettre une période de dé-

croissance du délire de persécution, comme il ressort du passage

suivant : «J'ai suivi le délire de persécution depuis son début jus-

qu'à sa période d'état.Comme je ne veux qu'établir un type et

détermmer les caractères qui doivent entrer dans sa définition, il

sérail hors de propos d'étudier sa marche décroissante ou de cher-

cher des indications thérapeutiques (p. 1 2). »

Du reste, d'après la statistique de Lasèue, la proportion des

femmes atteintes de délire de persécution s'élèverait à ;i p. 100,

au quart des entrées, y compris les idiotes- et les imbéciles. Ce

chiffre énorme prouve éloquemment que Lasègue comprenait dans

ce groupe un grand nombre des cas qui ne lui appartiennent pas.

Cela est si vrai que plus lard ce maître avec sa vaste intelligence,

entrevoyait lui-même les imperfections dé son et à propos

du délire alcoolique subaigu, insistait particulièrement sur le

diagnostic avec le délire de persécution. Plus tard encore ayant

eu à s'occuper de plusieurs aliénés persécuteurs et notamment de

Teulat, le persécuteur de la princesse de B..., il pressentait un

groupe spécial de persécutés persécuteurs distinct du délire de

persécution. Le mémoire se termine par quinze observations très

écourlées sans doute, mais dont la leclure cependant vient con-

firmer ce que nous avons dit et montrer côté les uns des autres

des faits dénature très différente.

En résumé, le délire de persécution de Lasègue a marqué un

pas en avant en séparant des lypémaniaques d'Esquirol un pre-

mier groupe de malades; mais celte espèce pathologique basée

presque exclusivement sur un caractère symptomatique, l'idée

nette de persécution, a dû englober des faits disparates. De là,

une confusion regrettable qui n'est pas sans exercer encore une-

certaine action sur les débats actuels.

Aujourd'hui il fallait nécessairement faire un choix parmi les

persécutés de Lasègue, caries uns sont hallucinés, d'autres ne le

sont pas, les uns arrivent d'emblée à l'idée systématisée de persé-

cution, d'autres n'y aboutissent qu'après une longue préparation,

les uns guérissent, les autres sont voués à l'incurabilité. De là la

nécessite, pour la détermination de ce nouveau groupe, de faire

intervenir non seulement le caractère du détire, mais aussi les

antécédents du malade et la marche de la maladie. Voyons à

présent ce que pensait More] des délirants persécutés.

Morel en 1860 (Traité des maladies mentales, p. -103 et suivantes)

à propos du délire et des actes consécutifs à l'hypochondrie né-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 465

vrose, décrit le délire hypochondriaque et, dans un chapitre spé-

cial, parle des persécutés qui deviennent des ambitieux. (Dudélire

des idées et des actes qui est la conséquence de l'hypochondrie,

folie hypochondriaque, délire de persécution, p. 703. Transformation

du délire des persécution ? stymatisation des conceptions déli-

rantes : transition à l'idée qu'ont ces malades d'être appelés à de

grandes destinées, p. 714.)

S'il n'admettait que des persécutés devenant ambitieux, il s'en

trouverait certainement parmi eux beaucoup qui seraient des

délirants chroniques; mais pour Morel il faut qu'ils soient hypo-

chondriaques d'abord; or, l'hypochondrie, nous le savons, est le

plus souvent une manifestation des héréditaires dégénérés et

comme le délire chronique est très rare chez ces derniers, il ne

paraissait guère probable que {'hypochondriaque persécuté ambi-

tieux pût présenter des caractères assez fixes pour entrer dans Je

cadre du délire chronique.

M. Magnan donne lecture de deux observations que Morel con-

sidère comme des exemples types et qui s'appliquent manifeste-

ment à des dégénérés. Ni l'un ni l'autre des cas ne rentre donc

ni dans le cadre du délire des persécutions tel que le comprend

M. Falret, ni dans celui de notre délire chronique et cependant

la grande autorité de More], ajoute M. Magnan, a pesé certaine-

ment sur quelques-unes des opinions présentées dans notre dis-

cussion.

Examinant ensuite le remarquable mémoire de Foville' sur la

folie avec prédominance d'idées de grandeurs, nous trouvons,

'continue111.n1agnan, dans ce consciencieux travail la contre-partie

du délire de persécution de Lasègue. Foville s'approprie quelques-

uns des hallucinés persécutés de Lasègue devenus des hallucinés

ambitieux et il les range dans une nouvelle espèce patholo-

gique, la mégalomanie. Si Fovitte s'étaitcontenté de comprendre

les seuls persécutés devenus ambitieux, nous serions bien près de

nous entendre; mais la mégalomanie de Foville ne contient pas

seulement les délirants chroniques (persécutés hallucinés àlongue

éclosion, devenus plus tard ambitieux), cet auteur fait entrer

aussi dans le cadre de la mégalomanie des sujets qui d'emblée ont

des hallucinations et des idées ambitieuses ; d'autres, qui ont des

idées ambitieuses et pas d'hallucinations; d'autres chez lesquels

les délires de grandeur et de persécution sont contemporains, et

enfin, des cas dans lesquels le délire des grandeurs se montre le

premier et est suivi de délire de persécution. Si bien que nous

nous trouvons encore en présence des mêmes difficultés, nous

avons un groupe clinique, la mégalomanie, qui réunit des sujets

' A Foville. - Etude clinique de la folie avec prédominance d'idées de

grandeur. Paris, 1871.

Archives, t. XV. 30

466 SOCIÉTÉS SAVANTES.

très différents, non seulement au point de vue des caractères

même du délire, mais aussi au point de vue du début et de l'évo-

lution de la maladie.

Foville étage la mégalomanie sur douze observations; dans les

quatre premières, il s'agit manifestement d'héréditaires dégéné-

rés de la catégorie de ceux auxquels je faisais allusion à propos de

Morel.

Après avoir fait ressortir dans les travaux de nos devanciers,

les causes d'erreur qui pourraient encore exercer leur influence,

j'en viens à la communication de M. Falret. Notre savant collègue

indique tout d'abord en quelques mois l'évolution du délire de

persécution tel qu'il le comprend. A une période d'incubation que

nous admettons comme lui, succède une deuxième période carac-

térisée par des hallucinations auditives et des idées systématisées

de persécution, puis vient une troisième période avec des halluci-

nations de l'ouïe, du goût, de l'odorat, des troubles de la sensibi-

lité générale et des idées stéréotypées de persécution, enfin sur-

vient le délire ambitieux.

Que notre excellent collègue nous permette de faire observer

que les troubles de la sensibilité générale se montrent assez sou-

vent dès le début de la deuxième période : avec les premières

injures, tel malade se plaint de démangeaisons, qu'il attribue à la

vermine, qu'on lui lance dans la rue, tel autre se dit tourmenté

par des décharges électriques, etc. Quelquefois aussi on observe

de bonne heure des hallucinations du goût et de l'odorat'.

D'autre part, le délire stéréotypé est un phénomène habituellement

très tardif et quand il se présente, des modifications beaucoup

plus importantes se sont déjà produites : les idées ambitieuses et

les erreurs de la personnalité. Aussi nous parait-il plus simple de

comprendre le délire de persécution dans la deuxième période et

le délire ambitieux dans la troisième période; c'est à ce moment

que les idées délirantes tendent à se stéreotyper; cette période

précède la dernière étape, celle de la déchéance intellectuelle ou

de démence. Quant au délire ambitieux, M. Falret ne partage

nullement l'opinion des partisans du délire chronique. Ce délire

ambitieux s'observe à peine, dit notre savant contradicteur, dans le

tiers des cas et c'est un simple délire surajouté qui ne change rien

au fond de la maladie.

Dans une discussion clinique, je ne puis assurément répondre que

par les faits et je demande la permission d'invoquer les observa-

tions d'un adversaire qui n'est pas suspect de tendresse pour le dé-

lire chronique, de notre collègue M. Séglas qui, du reste, a choisi

plusieurs de ces observations, dans le service même de M. Falret.

' Magnan, Du délire des persécutions. Leçons faites' l'asile Sainte-

Anne. (Gaz.11u ! d, Oct.-nov. 1877.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 467

Que voyons-nous chez ces sept malades ? six ont du délire am-

bitieux et sur les six, quatre n'avaient, il y a deux, trois, quatre

ans, au moment de leur entrée au bureau d'admission, que des

hallucinations et du délire de persécution et pour ces quatre, il faut

bien le remarquer, en disant délire chronique, nous comprenions

implicitement le développement ultérieur du délire ambitieux. Il

est probable que si M. Falret se donne la peine de faire une nou-

velle statistique en ne comprenant que les vrais délires chroni-

ques, le désaccord sur ce point cessera entre nous.

Quant au délire ambitieux, il ne peut rien changer au fond

même de la maladie. Comme le délire de persécution, il se dé-

veloppe le plus souvent sous l'influence d'une hallucination; d'au-

tres fois, au contraire, il est déduit logiquement suivant le méca-

nisme indiqué par Foville, du délire de persécution, mais

quelquefois aussi, il se développe brutalement en quelque sorte,

sans nul raisonnement de la part du malade, il semble que le ter-

rain soit devenu propice à l'éclosion des idées ambitieuses, le

patient comme l'a fait observer M. Christian, subit son délire et

le subit passivement.

Le délire ambitieux ne change pas assurément la nature de la

maladie; le délire de persécution persiste, mais les idées ambi-

tieuses tendent peu à peu à devenir prédominantes et donnent au

sujet non seulement une personnalité nouvelle, mais aussi une

physionomie toute différente de celle du début. Dans quelques

cas d'hallucinations bilatérales à caractère différent suivant le

côté affecté, les hallucinations d'abord très nombreuses dans

l'oreille que nous pourrions appeler persécutée, tendent à dimi-

nuer à mesure que se développent les hallucinations dans l'oreille

ambitieuse 1. Cette période fait donc corps avec le délire chronique

au même titre que la suppuration dans l'éruption variolique.

M. Falret ne veut pas de la période de démence et cependant,

s'il est vrai que certains délirants chroniques soient encore au

bout de vingt ou trente ans capables de causer raisonnablement t

sur beaucoup de sujets étrangers à leur délire, il en est d'autres

chez lesquels le niveau mental a notablement baissé, leur activité

cérébrale se borne à ressasser quelques conceptions délirantes

stéréotypées. De temps à autre, leur esprit se réveille sous l'in-

fluence d'hallucinations, d'images tonales qui continuentàs'écliap-

per presque automatiquement du centre curtical. Ils se montrent

indifférents à ce qui les entoure; on les voit adoptant par-

fois des attitudes spéciales se tenant à l'écart, tantôt immobiles,

d'autres fois parlant seuls à voix basse, faisant tout à coup cer-

tains gestes toujours les mêmes en rapport avec des conceptions

' Magnan. - Des hallucinations bilatérales à caractère différent sui-

vant le côté affecté. (Arch. de Neural., n° 18., nov. 1883.)

468 SOCIÉTÉS SAVANTES.

délirantes qui ne changent pas non plus. Si vous les interrogez ils

ne répondent pas d'abord, puis, si l'on insiste ils regardent comme

étonnés et ne donnent souvent que des réponses incomplètes.

C'est bien là une déchéance reelle de l'intelligence que nous dési-

gnons du nom de démence, ce terme s'adressant, d'une manière

générale, aux états intellectuels en voie de déclin.

M. Falret craint aussi que le délire chronique ne comprenne

des faits plus nombreux et plus complexes que ceux que l'on

admet dans le cadre du délire de persécution. Il peut se rassurer

sous ce rapport, car le délire chronique tel que nous le compre-

nons laisse en dehors de lui des faits qu'embrasse, au contraire,

le délire des persécutions beaucoup moins limité et beaucoup plus

compréhensif.

Enfin faut-il conserver le nom de délire de persécution sous lequel

Lasègue comprend cette immense classe de délirants persécutés ?

Dans ce cas, pourquoi ne l'appelerions-nous pas mégalomanie avec

Foville puisque, du moins, nous aurions sous ce vocable les trois

périodes : incubation, persécution, ambition. Mais M. Falret me

répondrait sans doute, qu'à côté des persécutés mégalomanes,

Foville a rangé des mégalomanes d'emblée et d'autres mégalo-

manes très dillérents; c'est bien aussi mon avis et c'est pour cela

que je crois devoir désigner ce groupe bien limité de malades

sous le nom de délire chronique à évolution systématique.

Ce que j'ai dit des travaux de Lasègue, de Morel, de Foville,

ma réponse à M. Falret et les objections présentées par MM. Gar-

nier, Briand et Doutrebente à MM. Dagonet et Christian, ne me

permettraient d'argumenter les savantes communications de mes

deux distingués collègues qu'en reproduisant des opinions déjà

émises; j'insisterai d'autant moins que MM. Dagonet et Christian

sont l'un et l'autre d'excellents cliniciens, qu'ils ont l'un et l'autre

un magnifique service et qu'ils pourront aisément contrôler

de nouveau les assertions émises sur le délire chronique.

Un mot seulement sur la communication de M. Bail ; notre

honorable collègue a rapporté deux observations intéressantes de

délire ambitieux systématisé chez des dégénérés; dans l'une

d'elles notamment, le délire ambitieux remonte à l'âge de huit

ans. Ces faits prouvent une fois de plus combien il était néces-

saire de tracer nettement les limites du délire chronique pour ne

pas confondre avec lui des cas de ce genre très différents aussi

bien par les caractères spéciaux du délire que par leur origine et

leur évolution.

Quant à M. Charpentier, il a fait une étude séméiologique fort

étendue des idées morbides de persécution qu'il a classées en

neuf groupes; mais le dernier groupe seulement « persécutés qui

aboutissent à la mégalomanie » se rattache à notre discussion.

Les principales objections de M. Charpentier rappelant celles qui

SOCIÉTÉS SAVANTES. 469

ont déjà été présentées ne réclament pas de nouveaux arguments

de ma part; aussi je demande la permission de passer à la com-

munication de M. Cotard.

L'argumentation de M. Cotard repose principalement sur une

nouvelle manière d'envisager l'origine du délire. Suivant notre

érudit contradicteur, le délire ambitieux par exemple, est tout

autre, selon qu'il repose sur des lésions psycho-motrices, lésions

de la volonté, ou sur des lésions psycho-sensorielles, lésions de

la sensibilité.

Analysant le délire ambitieux du paralytique général, du circu-

laire, il pense qu'en dehors des caractères généraux signalés par

il. Falret, ce que ce délire ambitieux a de spécial, il le doit à son

origine psycho-motrice et à l'idée prédominante de toute puis-

sance. Il rappelle l'acte absurde du paralytique qui, s'imaginant

avoir des ailes, se jette bravement par la fenêtre. L'absurda, dit-il,

ne l'arrête pas, il est tout-puissant.

Je demande à M. Cotard la permission de faire observer que

l'idée, de puissance ne suffirait pas à elle seule pour expliquer un

tel acte, car l'aliéné circulaire qui est aussi tout-puissant ne se

jette pas par la fenêtre pour prendre son vol.

D'autre part, au contraire, le paralytique est coutumier du fait ;

il est absurde dans tous ses actes. S'il veut se tuer, il le fait à sa

manière : une femme paralytique qui entendait des injures

(délire à origine psycho-sensorielle) raconte qu'on l'embête et

qu'elle veut en finir avec la vie. Elle allume un réchaud de

charbon dans sa chambre, mais comme la fumée enveloppe les

rideaux, elle se lève, va ouvrir la fenêtre et se remet au lit atten-

dant l'asphyxie qui ne vient pas. Voilà donc un acte tout aussi

naïf, tout aussi absurde que celui du paralytique tombé par la

fenêtre. Peu importe, il me semble, l'origine motrice ou senso-

rielle de ces conceptions délirantes, car ce qui rapproche ces deux

actes de paralytiques, c'est avant tout l'état mental, c'est le fond

de démence sur lequel reposent toutes leurs conceptions.

Pour M. Cotard, l'origine psycho-sensorielle donnerait au déli-

rant persécuté son caractère particulier. Assurément, il ne faut

rien négliger dans l'étude pathogénique du délire, mais pour le

clinicien, il y a d'autres éléments qui sont des guides plus sûrs :

un exemple va vous le faire comprendre.

«Si nous examinons, dit M. Cotard, un autre malade et que

celui-ci, dans le courant de la conversation, nous avoue confiden-

tiellement qu'il est l'héritier légitime des Bourbons, et qu'il est

appelé à monter sur le trône de France, il est piobable, si nous

l'interrogeons adroitement qu'il ne tardera pas à ajouter que ses

ennemis le maintiennent dans une maison de santé où ils lui

font subir mille tortures. »

Notre cher président semble croire que ce délire ambitieux

470 O SOCIÉTÉS SAVANTES.

systématisé avec les idées de persécution suffirait à poser un

diagnostic. Ce serait là une erreur, car cet héritier des Bourbons

persécuté pourraitêtre tout aussi bien un délirant chronique qu'un

mégalomane dégénéré, distinction fort importante pour le clini-

cien, puisque le premier, nous le savons, est incurable tandis que

le second peut guérir. ,

Par conséquent, le contenu même du délire, la formule,

pour me servir de l'expression de M. Cotard, ne suffit pas au

diagnostic, il faut aussi s'enquérir de la marche et de la succes-

sion des idées délirantes. Cet aliéné ne sera délirant chronique

que tout autant qu'il ne sera devenu l'héritier des Bourbons,

qu'après une période d'incubation et d'interprétations délirantes

suivie elle-même d'une longue étape de persécution.

Si, au contraire, c'est un héritier des Bourbons de fraîche date,

s'il est devenu ambitieux et persécuté en même temps, ou bien si

les idées de persécution se sont développées longtemps après un

délire ambitieux systématisé, il s'agit d'un dégénéré dont les anté-

cédents fournissent habituellement d'autres troubles nerveux. Le

pronostic devient dans ce cas beaucoup moins sombre.

Ce sont donc des malades tout différents et je dirai volontiers,

comme M. Cotard, il n'a pas une mégalomanie, un délire des gran-

deurs et nous pourrions ajouter un délire de persécution, mais la

clinique nous enseigne, et c'est par là que je termine, qu'il y a

bien réellement un délire chronique a évolution systématique.

M. CHIiISTIAN. Lorsque MM. Garnier el Briand ont ouvert cette

description, j'avais cru comprendre que la forme nosologique dési-

gnée par Lasègue de délire des persécutions devait toujours pré-

senter les quatre périodes signalées par nos deux collègues, d'après

la doctrine de M. Magnan; j'ai alors répondu et je persiste à croire

qu'il existe un certain nombre de persécutés qui restent toujours

persécutés et qui ne deviennent pas fatalement ambitieux ni dé-

ments, car on ne peut appeler démence l'affaiblissement intellec-

tuel consécutif et la cristallisation du délire. Il existe aussi des idées

de persécution chez certains vieillards et je voudrais qu'on séparât

encore plus nettement le délire des persécutions de la lypémanie,

car dans la lypémanie le délire vient du dedans, tandis que chez

les persécutés, il vient toujours du dehors^

il. Magnan. C'est précisément ce que nous avons voulu faire en

séparant du groupe général des persécutés un certain type à

marche lente et progressive et c'est pour le même motif que j'ai

proposé de le désigner du nom de délire chronique.

M. RITTI. Mais, en face d'un persécuté, à quoi reconnaissez-vous s'il

est un simple dégénéré ou bien qu'il deviendra délirant chronique ?

M. Magnan. D'abord, d'après les antécédents héréditaires et

personnels et ensuite d'après la marche de la maladie. Si la famille

sociétés savantes. 471

me raconte que depuis quelques semaines le malade se plaint

qu'on lui fait des misères et qu'auparavant il ne présentait aucun

trouble intellectuel, j'écarte l'idée du délire chronique ; mais si, au

contraire, on me raconte de plusieurs années auparavant, il s'est

montré inquiet, préoccupé, soupçonneux et que depuis plus ou

moins longtemps il se plaint d'être tracassé par des ennemis ima-

ginaires, je pense au délire chronique, lequel devient évident pour

tous le jour où se montrent les tendances ambitieuses.

M. Féré fait remarquer qu'on ne fait alors qu'un diagnostic

rétrospectif. '

M. Briand. Rétrospectif dans une certaine mesure, mais qui n'en

comporte pas moins un pronostic à longue échéance. D'ailleurs

tous les diagnostics ne sont-ils pas plus ou moins rétrospectifs ?

Quand nous sommes appelés près d'un malade qui a un frisson,

ne sommes-nous pas obligés d'attendre ce qui adviendra pour

nous prononcer avec certitude; de même, en face du délire chro-

nique dont les étapes successives se manifestent, non plus par

jours, mats par années, pourrions-nous attendre plusieurs mois

après le début de l'affection pour nous faire une opinion ? D'ail-

leurs, qu'importe pour la doctrine qu'on fasse le diagnostic de

cette affection à telle ou telle période ? Le délire chronique est ou

n'est pas. Si on peut le diagnostiquer, c'est qu'il existe.

MARCEL L3RIAND.

SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES

DE BERLIN

Séance du 11 janvier 18861. - Présidence DE M. WESTP9AL.

Le président rappelle que la fête anniversaire de la fondation

de la Société tombe en février et sera célébrée par un banquet.

M. Thomsen lit son mémoire sur les troubles de la sensibilité

chez les aliénés. Il sera publié ailleurs2. La discussion qui s'y rat-

tache met en lumière la rareté des achromatopsies (Uhthotf), -

la dyschromatopsie qu'on observe ne s'étant manifestée que dans

six à sept cas (Thomsen), - enfin, l'intégrité de la sensibilité des

organes génitaux chez les paraplégiques à lésions spinales (Westphal).

M. Siemerling. Des asiles d'aliénés franques et écossais : rapport

de voyage, a été publié3.

' Voy. Archives de Neurol., tome XII, p. 110.

q /d., Revues analytiques.

3 ld., Kev. anal.

472 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance du 8 mars 1886. - PRÉSIDENCE DE M. WESPH4.L

M. RE ? 4.K, pour régler exactement la densité du courant galva-

nique, a fait fabriquer par Hirschmann une série de lames dis-

coides pour électrodes qui sont graduées d'après leurs dimensions

superficielles conformément au système décimal et portent leurs

numéros respectifs sur leurs hampes. On sait que M. Erb choisit

pour électrode normale un carré de 10 centimètres dont le diamètre

mesure 3 cent. 5. Remak prendra, selon les cas, 15, 20, 30, 40 cen-

timèlres carrés correspondant à des tables de 4,4; 5, 6, 7, 8 centi-

mètres.

M. Bernhardt communique : Un cas de paralysie périphérique

isolée du nerf sus-scapulaire gauche. - Un cas de parésie de presque

tous les muscles de l'extrémité supérieure gauche à étiologie reniai -

quable. - Deux cas de paralysie faciale périphérique présentant

certaines particularités 1,

M. Westphal. Deux cas de tabès dorsal avec conservation du phé-

nomène du genou. Autopsie'.

Séance du 10 mai 1886. - Présidence de M. Westphal.

M. Oppenheim. Contribution à la pathologie du tabès.

M. REMAK présente un cas d' hémiatrophie saturnine de la langue.

Saturnin franc de quarante-deux ans, atteint de paralysie des

extenseurs du côté droit avec paralysie bilatérale des cordes

vocales (raucité de la voix), parésie de la moitié droite du voile

du palais, hémiatrophie du côté droit de la langue, réaction dégé-

nérative partielle, légère blépharoptooe gauche, nystagmus des

globes oculaires quand le centre de la pupille est, pendant l'excur-

sion du côté droit arrivé à latin de sa course, immobilité fixe et rigide

de l'iris. Il ne s'agit donc ni d'un tabétique, ni d'un paralytique

général, et l'alcool n'expliquerait pas ces accidents. Donc c'est un

saturnin qui, de par sa profession, parlait beaucoup (il avait le

service économique des outils d'une grande fabrique) et chiquait

en conservant par habitude la chique à droite (V. Be1'lin clin,

Wochensc7vi ft) .

Séance du 7 juin 1886. - Présidence de M. Westphal.

il. Thomsen. Un cas de paralysie isolée du regard en haut, avec

' goy. Archives de Neurologie. Revues analytiques.

Id.

sociétés savantes. 473

autopsie ! . - M. IIIAItTIUS. Recherches expérimentales pour servir ci

l'électro-diagnostic 2.

Séance du 12 juillet 1886. - Présidence de M. \VES1'Pti,L.

M. 1\IENDKL présente un jeune homme de dix-huit ans intoxiqué

par le sulfure de carbone dans une fabrique de caoutchouc vulca-

nisé. Depuis neuf mois, il plonge l'objet tenu de la main gauche

dans le liquide vulcanisateur. Aussi a-t-il ressenti dans la main

gauche d'abord de l'engourdissement, du fourmillement, de la

raideur, puis de l'immobilisation en extension de l'ensemble des

doigts. Bientôt l'extrémité inférieure gauche s'est prisedela même

façon ; finalement a la raideur ont succédé des crises de tremble-

ments à l'occasion des mouvements voulus et d'une émotion, et

même de violentes secousses, surtout prononcées dans le membre

supérieur. En même temps parésie gauche. Intégrité des nerfs

crâniens, de la sensibilité, des réflexes, de l'excitabilité élec-

trique.

Discussion : M. LHTHOFF fait ressortir combien les troubles de

la vue de ces malades ressemblent à ceux des saturnins (névrite

optique, scotome central). Et cependant le plomb n'a rien à faire

dans les manipulations de cette industrie. - M. MENDEL rappelle

que M. Bernhardt a vu en pareil cas de l'ataxie, de très grands

troubles de la sensibilité, de la démence psychique (Berlin Klin.

Wochensc/¡¡'îft, 1871).

M. Folk. Des suites d'un accident de chemin de fer.- Le mécani-

cien F... projeté par un choc de trains, s'en va, le 18 mars 1885,

donner de l'occiput du côté droit contre la toiture de sa locomo-

tive. 11 n'est pas blessé, ne perd pas connaissance, et cependant se

montre très effrayé. Visiblement mal à l'aise, anxieux, distrait,

agité depuis cette époque, il lie consulte toutefois pas. Le 4 dé-

cembre 1885, négligeant un signal d'entrée en gare, il occasionne

presque une rencontre. Huit jours après, le médecin le voit et

soupçonne une affection organique du cerveau en voie de déve-

loppement. Il rédige un rapport médico-légal qui fait remon-

ter la maladie au 18 mars. On constate, en effet, de la fatigue,

des céphalalgies, de la tendance aux vertiges subjectifs, une exa-

gération déjà marquée des réflexes, de l'impotence sexuelle, de

l'incapacité de travailler, de l'amnésie, de la dépression du côté

de la sensibilité morale, du changement de l'humeur, de l'excita-

bilité.

1 Voy. Archives de Neurologie. Revues analytiques.

` Id.

474 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance du 8 novembre 1886. Présidence DE M. W. Sonder.

M. iVIEnDEL présente un homme de quarante ans, chez lequel on

trouve simultanément : absence du phénomène du genou; clonus

podalique des deux côtés. Contraction paradoxale du pied gauche.

Pas de syphilis. La maladie a débuté, à la fin de 1877, par des

douleurs dans la hanche gauche ayant varié d'intensité et ayant

finalement envahi la jambe droite, depuis peu même l'épaule

droite. Affaiblissement graduel de la motilité. Intégrité des bras.

Dans les extrémités inférieures, troubles considérables de la sensi-

bilité et du sens musculaire. Atrophie de la jambe gauche dans les

régions de la cuisse et du mollet; atrophie moindre à droite. iné-

galité pupillaire (mydriase gauche). Un peu de parésie faciale

gauche. Diagnostic : sclérose en plaques. Une plaque occupe l'ap-

pareil réflexe, qui suivant le nerf crural gagne le quadriceps fémo-

ral, puisque le réflexe tendineux rotulien a disparu. Une autre

plaque lèse les fibres sciatiques dans les cordons latéraux (clonus

podalique).

M. SIEMERLING. D'une callue légitime, régulièrement coordonnée

des racines de la moelle épinière aux diverses hauteurs. Voici les

conclusions de l'auteur : i° les racines antérieures de la moelle

cervicale et de la moelle lombaire regorgent de grosses et larges

fibres nerveuses. Elles mesurent en épaisseur 0'°m,018 à 0,02,

il n'y en a que peu de 0,004; 2" les racines postérieures des deux

mêmes régions contiennent un grand nombre de tubes nerveux

fins en faisceaux isolés ou en petits groupes; 3° les racines de la

moelle dorsale contiennent un très grand nombre de petites fibres

réunies en assez gros faisceaux qui cheminent entre les fibres

larges.

Séance du 13 décembre. - Présidence du M. W. SANDER.

M. Moeli a continuellement employé le procédé de Jendrassik sur

vingt-cinq malades. Sur quinze paralytiques généraux présentant

le signe de Westphal, le phénomène du genou ne put être pro-

voqué par ce procédé chez dix.

M. Bernhardt. Contribution à la pathologie de la paralysie satur-

nine. Il s'agit de six tailleurs de limes. On constata, en effet, la

paralysie et l'atrophie des muscles de l'éminence thénar et du

premier interosseux, mais il ne faut pas croire que chez ces ou-

vriers ce soit la main gauche qui soit de préférence ou presque

exclusivement atteinte. Ne voit-on pas chez les saturnins exerçant

les professions plus différentes, la paralysie classique commune

des extenseurs de concert avec l'atteinte de l'éminence thénar et

du premier interosseux et même de plusieurs interosseux.

SOCIÉTES SAVANTES. 478 ¡)

M. Thousen. Contribution à la névrite alcoolique multiloculaire.

Six observations dont trois avec autopsie. En voici un type

magnifique. Boucher de vingt-quatre ans, très vigoureux, ni

syphilitique, ni tuberculeux, mais buveur acharné. A la Noël : 18S : ;

débauche. A la fin de 1885, refroidissement suivi d'affaiblissement et

de raideur des extrémités inférieures sans douleur. Diplopie.

Alité le 3 février 1886 : parésie des jambes, bras pendants, délire.

Le 26, désordre très prononcé dans les idées, délire. Intégrité

physique des viscères de la vie végétative. P. = 120 140, sans

fièvre. Nystagmus. Parésie des deux oculo-moteurs externes. Blé-

pharoptose. Conservation delà réaction pupillaire. Légère névrite

optique. Paralysie des membres inférieurs. Parésie des membres

supérieurs, surtout dans les extenseurs. Pas d'ataxie. Mouvements

automatiques. Anesthésie associée à de l'hypéralgésie. Ralentisse-

ment de la conductibilité des impressions. Paresthésie. Trouble

accusé du sens de position. Absence de réflexes cutanés et tendi-

neux. Disparition de l'excitabilité mécanique des extenseurs des

doigts et des vastes de la cuisse. Réaction dégénérative du terri-

toire du radial, des extenseurs des jambes, et, mais moindre,dans

les muscles des membres intérieurs et dans les vastes de la cuisse.

Intégrité du facial à tous égards. Légers oedèmes ; accidents du dé-

cubitus progressifs, malléolaires, marasme, pneumonie, mort le 26

novembre 1886. Aucune altération à l'oeil nu; au microscope, dégé-

nérescence très avancée des nerfs, atteignant du plus au moins les

nerfs saphène, péronier et tibial postérieur - crural, sciatique et

radial - médian et cubital. Les petites branches musculaires sont

très affectées. La lésion consiste en une atrophie dégénérative

avec multiplication des noyaux, hyperplasie vasculaire isolée,

tuméfaction du périnerf, petites hémorrhagies. Intégrité du

pneumo-gastrique, de l'oculo-moteur commun; foyers dégénéra-

tifs circonscrits sans multiplication des noyaux dans les oculo-

moteurs externes. Dégénérescence musculaire correspondante.

Séance du 10 janvier 1887. - Présidence DE M, Westphal.

M. WESTPHAL. Lésion anatomique en un cas de phénomène du genou

n'existant que d'un côté. - Un paralytique général ne présentait

pas du tout de réflexe tendineux rotulien à gauche; ce réflexe

subsistait à droite. Le microscope révéla qu'à gauche, dans le

segment de la moelle qui constitue la limite entre les régions

dorsale et lombaire, la lésion des cordons postérieurs avait atteint

la zone d'entrée radiculaire, tandis qu'elle avait respecté cette zone

du côté droit.

AI. Westphal présente des préparations d'utrophic du noyau de

l'ieypoqlosse et de ses racines. Absence presque complète de cellules

476 sociétés savantes.

du côté gauche; en ce point, transparence du tissu fondamental;

aux alentours du noyau, peu de fibres nerveuses à myéline; les

racines sont amincies. Cette altération va de l'extrémité inférieure

du noyau jusqu'au point limite entre le tiers inférieur et le tiers

moyen; au-dessus, intégrité parfaite. On avait constaté, pendant

la vie, l'atrophie de la partie antéro-latérale de la moitié gauche

de la langue, ainsi qu'une paralysie progressive des muscles de

l'oeil (opthalmoplégie externe). Le même malade était atteint de

dégénérescence grise des cordons postérieurs.

M. KOENIG. Deux cas de lésion de la zone motrice du cerveau. -

Ces deux cas ont été examinés au point de vue des questions sui-

vantes. Quand la zone motrice est lésée : 1° l'atteinte seule de la

substance grise, sans participation de la substance blanche, est-elle

capable de déterminer des troubles moteurs ? 2° Y a-t-il trouble

de la sensibilité ? - 3° La dégénérescence secondaire est-elle la

règle ? L'orateur conclut affirmativement sur le premier point;

la sensibilité à la douleur peut être diminuée; il survient une

dégénérescence secondaire. On peut, il est vrai, ne pas trouver cette

dégénérescence, quoiqu'il se soit écoulé le temps voulu ; c'est

qu'alors elle est trop minime pour que nos procédés de coloration

actuels puissent la déceler.

Discussion. - M. OPPENHE1M déclare les deux faits mal choisis.

L'un concerne un processus anatomique diffus (hématome dure-

mérien étendu avec lésion corticale également étendue). Dans

l'autre, il s'agit d'un néoplasme. Enfin, quand l'histologie ne

révèle pas d'altérations secondaires, c'est qu'il n'y en a pas.

,,1. WESTPIIAL. Les tumeurs cérébrales ne peuvent servir à l'étude

des localisations cérébrales; quand le microscope ne decèle pas

de lésions secondaires, c'est qu'il n'y en a pas.

M. OTTO présente une série de préparations rares. Ce sont d'a-

bord trois exemples d'leétérotopie de la substance grise; deux ont

trait à l'existence de cette substance daus la paroi du ventricule

latéral, chez une paralytique générale de trente-huit ans et chez

une démente épileptique de soixante et un ans; l'autre concerne

une démente sénile de soixante-douze ans ayant de cette substance

dans sa protubérance. C'est ensuite un exemple d'hyperplasie de

l'écorce du cerveau, chez une démente sénile de soixanle-quatre

ans ; on trouve sur le lobe frontal et la frontale ascendante du

côte droit de petites saillies grises, ayant le diamètre de demi-

lentilles : en ces endroits, les petites cellules normales de la couche

corticale exlerne ont augmenté de nombre et sont distribuées un

peu irrégulièrement; un plus grand nombre de libres nerveuses

en parlent, elles sont plus touffues, plus pressées qu'ailleurs; c'est

pourquoi la substance grise se montre a l'oeil nu rayée de stries

anches.

sociétés savantes. 477

Séance du 14 mars 1887. PRÉSIDENCE DE M. WESTPHAL.

M. WESTPHAL. Des groupes de cellules nerveuses ganglionnaires au

niveau du noyau de l'oculomoteur commun. Publié à part 1.

M. Joseph. Recherches relatives à la physiologie des ganglions

spinaux. Conclusions. - 1° Les fibres motrices ont un centre tro-

phique dans la moelle. - 2° Un certain nombre de fibres ner-

veuses directes qui traversent le ganglion, sans entrer en relation

avec les cellules de cet organe, et se rendent ensuite à la péri-

phérie, ont aussi leur centre trophique dans la moelle. Ainsi

s'explique la dégénérescence partielle dans le ganglion et le nerf

périphérique après la section centrale des nerfs, et la dégénéres-

cence de la racine postérieure avec celle du ganglion après la

section périphérique des nerfs. - 3° Le ganglion spinal confient

un centre trophique autonome pour les fibres nerveuses sensitives,

mais il n'y a pas d'argument sérieux à l'appui de l'opinion que

le ganglion contient un centre pour les organes périphériques.

4° Toute cellule nerveuse ganglionnaire est en connexiou aussi

bien avec le centre qu'avec la périphérie.

M. Sn ? 1lmLING. Contribution casuistique aux localisations céré-

brales. - Femme de soixante-quatre ans, jusque-là bien portante;

ictus apoplectiforme suivi de paralysie des extrémités, surtout de

l'extrémité supérieure du côté droit, avec aphasie mixte. Ceci

persiste des mois avec de légères rémissions. Finalement, en sus,

parésie faciale à droite, et, à plusieurs reprises, attaques épilepti-

formes avec trouble de la connaissance (convulsions cloniques du

côté paralysé) ; ces convulsions irradient au côté gauche de la

face et l'on constate encore pendant plusieurs jours des contrac-

tions cloniques allant de l'extrémité supérieure à la paroi muscu-

laire de l'abdomen du même côté. Elle succombe dans une

attaque épileptiforme. Athéromasie des vaisseaux de la base ; un

foyer de ramollissement ancien, gros comme un lentille, occupe

la tête du corps strié gauche; un autre foyer de ramollissement

jaune, récent, siège dans le lobe occipital gauche, traversant

l'écorce et la substance blanche de cette région pour joindre la

corne postérieure du ventricule latéral. On trouve au microscope,

en divers points du lobe temporal, de la frontale ascendante,

et de la troisième frontale, de l'hémisphère gauche, soit dans

l'écorce, soit dans la substance blanche, des foyers de cellules

granuleuses.

M. OPPENHEIM. Sur un cas de paralysie bulbaire chronique pro-

gressive sans lésion anatomique. - Jeune fille de vingt-neuf ans.

' Voy. Archives de Neurologie. Revues analytiques. -

478 8 sociétés savantes.

Faiblesse des extrémités ; troubles de la parole comme ceux des

lésions bulbaires, troubles de la mastication et de la déglutition,

aggravation graduelle de la paralysie ; pas d'atrophie; intégrité

de la vie mentale, de la sensibilité, des fonctions vésico-rectales.

Durée : deux ans, puis aggravation, pneumonie, mort. Absolument

pas de lésion. Donc névrose à symptômes bulbaires.

Séance du 9 mai 1887. - PRÉSIDENCE DE M. W. SANDER.

M. HUMA6 présente un homme de trente-neuf ans, atteint de

tabès caractérisé, qui, il y a quelques semaines, a vu se développer

graduellement de la paralysie avec atrophie musculaire de l'érni-

nence thénar droite due certainement à une névrite dégénérative

périphérique du nerf médian, car les accidents, y compris la

réaction dégénérative, n'ont pas dépassé le territoire de ce nerf

à la main, et les troubles de la sensibilité se sont limités à ce

domaine exclusivement. C'est un cigarrier continuellement occupé

à tourner des bouts entre le pouce et l'index. Le surmenage de

la fonction a donc donné un coup de fouet aux altérations péri-

phériques dont le tabes est coutumier (travaux de Oppenheim et

Siemerling). (Voy. Berlin. klin. Wochenschrift., 1887.)

M. H. Wirchow. Sur un cerveau dépourvu de corps calleux. -

Présentation de photogrammes et de préparations microsco-

piques. Chez un enfant de six semaines, hydrocéphalie interne,

absence de corps calleux, microgyrie et circonvolutions radiaires.

Légères malformations crâniennes qui sont sous la dépendance

des anomalies cérébrales. Les causes de ces anomalies sont une

lepto-méningile chronique (inflammation avec adhérences) allant,

à la base, des tubercules quadrijumeaux à la lame terminale et

d'une insula à l'autre, et ayant déterminé l'aplasie de toutes les

tubérosités de ces régions. La mikrophthalmie simultanée et le

trouble des nerfs olfactifs marquent l'époque à laquelle a débuté

l'affection. Mais, dans tous les cas, l'absence de corps calleux ne

peut être que pathologique. On n'a pas encore démontré que

cette anomalie lût atavique. On comprend au contraire très bien

que des processus pathologiques nés au cours de la vie infra-

utérine guérissent si bien pendant la même période qu'on n'en

voit plus de traces et que l'arrêt de développement cérébral qu'ils

ont déterminé soit à la naissance le seul reste de la maladie in-

flammatoire.

M. H. Wirchow parle encore des cellules qui existent dans la

substance gélatineuse de Rolando et présente des préparations mi-

croscopiques correspondantes. Ce mémoire sera publié ailleurs '.

' llevues analytiques.

SOCIÉTÉS savantes. 479

Séance du 13 juin 1887. - Présidence de M. W. SANDER.

M. Bernhardt présente un malade ayant une paralysie trauma-

tique du radial (voy. Centralbl. f. Nervenheilk, 1887) 1.

Discussion. - M. REMAK a eu l'occasion d'examiner ce même

malade fin octobre dernier, au moment où il venait de subir son

opération qui, probablement par suite de la compression exercée

par l'appareil, avait entraîné la complication de la paralysie

presque complète de tous les autres nerfs du plexus brachial. Mais

ceux-ci présentaient une excitabilité électrique normale tandis

que celle du radial était totalement éteinte et que les muscles

qu'il innerve étaient affectés de réaction dégénérative. Au com-

mencement de février, la paralysie surajoutée ayant déjà rétro-

cédé, M. Remak dirigea un traitement galvanique régulier contre

la paralysie parfaite du radial ; à la fin du même mois, le pre-

mier radial externe commença a se contracter. Il y avait cinq

mois que le blessé avait reçu son coup de couteau. Dans un cas

analogue qui nécessita une résection du nerf écrasé par une frac-

ture (Berlin. klin. Wochensch., 1884, n° 16, p. 254), la guérison

fut complète et plus rapide. Ici la direction de la cicatrice et sa

situation laissaient supposer l'intégrité du radial qui, en fait, a dû

être piqué.

M. B¡;;RNHART. La cicatrice de la blessure faite par le couteau

lancé à toute volée et aussitôt retombé, siège, en effet, à 3 centi-

mètres en arrière de la cicatrice due à l'intervention opératoire,

mais elle est au-dessus du point le plus élevé de cette ligne. En

somme, il n'est guère possible de savoir ce qui est advenu du

radial mais une paralysie si complète et si grave n'appartient pas

à une simple piqûre.

M. Bernhardt présente une malade atteinte d'accidents faisant

penser à une (altération centralegliomateuse ? ) localisée aucôtégauche

de la moelle cervicale (Voy. Centralbl. f. Nervenheilk, 1887)*.

Discussion : M. Oppenheim rapporte un cas semblable. Il s'agit

d'une femme de vingt ans ayant graduellement et progressive-

ment présenté une atrophie des petits muscles de la main du côté

droit, de la parésie de la jambe du même côté avec des accidents

spasmodiques, de l'anesthésie de la jambe gauche (analgésie

partielle et anesthésie à à l'égard de la température); du myosi-

avec rétrécissement de la fente palpébrale à droite (lésion du cen.

tre ciliospinal), de l'anhidrose du côtédroit de la face. Diagnostics

' Voy. Revues analytiques.

1 in.

480 SOCIÉTÉS savantes.

Gliose de la moitié droite de la moelle cervicale inférieure et

dorsale supérieure portant principalement sur la substance grise.

M. REMAK a présenté un exemple de ce genre à la Société de

médecine intere. Ces types hémilatéraux restant hémilatéraux

pendant de nombreuses années sont toujours caractérisés par la

co-existence de l'atrophie musculaire et d'une paralysie partielle

de la sensibilité du même membre, paralysie généralement très

étendue. Dans le cas de M. Oppenheim,le bras atrophié ne pré-

sente pas de trouble de sensibilité non plus que l'extrémité supé-

rieure ; c'est à l'extrémité inférieure du côté opposé qu'on le ren-

contre ; il s'agit donc d'une lésion transverse hémilatérale localisée

au segment le plus inférieur du renflement cervical, ainsi que

dans les deux observations de traumatisme avec hématomyélie

hémilatérale décrite par lui il y a plusieurs années.

M. RiciiTER.De la cydopie, de l'arhinencéphalie, et d'uncerveau uni-

vésiculaire. - Voici des préparations provenant d'une chèvre cyclo-

péenne don lie cerveau antérieur secondaire n'avait pas produit (mé-

canisme du retournement) les nerfs olfactifs et avait donné nais-

sance aux hémisphères sous la forme d'une vésicule unique. Le cer-

veau antérieur primaire n'avait fourni par retournement qu'un seul

nerf optique, unique sur toute l'étendue de son parcours. L'animal

possédait un oeil avec ses paupières supérieure et inférieure, une

rétine, un corps vitré, deux cristallins; le globe oculaire était

bridé sur toutes ses faces par des muscles difficiles à disséquer,

mais qui étaient innervés par les nerfs correspondants : oculo-mo-

teur commun - oculo-moteurs externe - pathétique. L'unique

vésicule hémisphérique remplissait complètement la boite crâ-

nienne ; pleine d'un liquide transparent, elle avait une paroi

antérieure forte, une paroi postérieure mince. Après l'avoir

ouverte, on se trouvait en face des tubercules quadrijumeaux au

bord antérieur desquels s'abouchait l'aqueduc de Sylvius : en

avant, un organe dont le développement asymétrique quant à ses

moitiés, représentait le corps opto-strié. Au milieu de cet organe

la vésicule venait s'accoler, marquant ainsi la limite entre les

noyaux striés issus du cerveau antérieur et les couches optiques

provenant du cerveau intermédiaire. Latéralement et en bas la

vésicule hémisphérique fournit un sorte d'arc marginal. Base

normale. - Suture frontale ossifiée; le frontal forme en avantun

angle aigu ; en arrière la calotte est plus aplatie et forme un

plan oblique très escarpé, tête trigonocéphale, à base relative-

ment courte et large. Une seule cavité orbitaire ronde et grande

limitée : en bas, par les maxillaires supérieurs, latéralement par

les os malaires, en haut par les portions latérales du frontal. Les

portions antérieures du frontal, de l'ethmoïde. de la lame criblée,

manquent, de même que la portion du proesphénoïde qui siège

sociétés savantes. 48 t

en avant du nerf optique et ses ailes orbitaires. Aussi, de l'inté-

rieur du crâne le regard tomhe-t-il directement sur les renfle-

ments que forment en arrière les maxillaires supérieurs. Ce sont

eux qui, presque adossés, constituent le plancher de l'orbite; la limite

antérieure de ce plancher est faite par un étroite lisière; absence

de choanes, le palatin étant en arrière transversalement obturé. Le

nerf optique s'allonge sur ce qui reste du presphénoide en se diri-

geant directement d'arrière en avant ; absence des os lacrymaux et

nasaux, des cornets du nez, du vomer, des intermaxillaires ; aussi

le maxillaire supérieur est-il arrondi et non pointu en avant.

Partie supérieure du maxillaire inférieur arquée en forme de

croc. L'animal, autrement normal, avait été artificiellement

nourri au lait pendant neuf jours. La nature' ayant pour la for-

mation des nerfs optiques et olfactifs adopté le principe 'du retour-

nement, la cyclopie résulte de ce qu'un seul des nerfs a été

formé par retournement, tandis que dans l'arhinencéphalie il n'y

a pas de renversement du tout. Pour que le cerveau demeure uni-

vésiculaire, il suffit que la vésicule des hémisphères, simple il'

l'origine, continue à s'accroître telle quelle sans se diviser en

deux hémisphères. Peut-être, comme le veut Dareste, convien-

drait-il de tenir compte de l'amnios dans la genèse de cette

malformation.

Discussion. M. 13.1DLICH. C'est l'absence de la zone médiane de

l'encéphale qui détermine l'étendue delà malformation totale, y

compris le non-développement des vésicules.

M. SANDER. Le cas de M. Richter ne permet pas de croire à

l'adhérence, à la soudure de deux moitiés.

M. Thomsen. Des foyers formés dans les nerfs crâniens par des cel-

iules nerveuses altérées. Préparations microscopiques empruntées à

l'oculo-moteur commun, au facial. De nouvelles recherches lui ont

appris que ces foyers, qu'il considérait jadis comme des foyers de

dégénérescence circonscrits, appartiennent à un état normal. On

les trouve surtout au point où le nerf sort du cerveau; ils sont

formés de cellules nerveuses modifiées. C'est au jeune âge que

doit remonter le processus, car chez le nouveau-né on ne rencontre

que des cellules nerveuses normales, et c'est chez l'adulte et l'en-

fant de quatre ans qu'on trouve ces foyers à côté de celiules

nerveuses isolées.

Séance du 14 novembre 1887. Présidence DE M. WËSPHAL.

M. Oppenheim. De la poliomyélite antérieure chronique. Obser-

vation très longue avec autopsie et étude bislologi(lue confirma-

tives. C'est décidément la lésion des cornes antérieures de la moelle

Archives, t. XV. 31

482 sociétés savantes.

et l'atrophie des cellules multipolaires, ici presque totale, qui est

le point de départ de la maladie. Dégénérescence modérée des ra-

cines antérieures, faible des nerfs périphériques, même dans

leurs branches musculaires.

M. Remak présente un malade atteint de parésie bilatérale du

pathétique. Homme de vingt-six ans, indemne de syphilis, de

tuberculoses présente, depuis des années, des vertiges quand il

regarde fortement en haut; depuis un an il présente encore ces

accidents sur un sol uni, ainsi que des céphalalgies occipitales, une

titubation légère, des troubles peu accentués de la déglutition, de

la faiblesse des jambes et des troubles dans l'évacuation de l'u-

rine. A l'examen, on constate un léger vertige pendant la station

debout, un peu d'embarras de la déglutition, une exagération

considérable du phénomène du genou, une simple esquisse du

phénomène du pied. A l'époque de l'admission, le pathétique

droit est parésié; l'oeil est pris de convulsions nyslagmiformes

quand il arrive à l'extrémité latérale de sa course, intégrité de

la pupille et du fond de l'oeil. Graduellement l'évolution des

doubles images révèle que les deux pathétiques sont atleints. Vu

la disposition anatomique du noyau de ces nerfs et la marche de

leurs fibres, il ne peut guère y avoir qu'une lésion fasciculée de

leur tronc au niveau de l'entrecroisement connu sous le nom

d'entre-croisement pathétique de la valvule de Vieussens. Peut-

être, comme l'a vu Nieden, s'agit-il d'une tumeur de la glande

pinéale en voie d'accroissement ? ...

Discussion. M.MENDEL. C'est plutôt un cérébelleux. M. UnTttOPF.

Il y a aussi une double paralysie de l'oculo-moteur externe,

M. Remak ne connaît pas de lésion cérébelleuse (issue du vermis

supérieur et comprimant la valvule) dans laquelle on ait noté

une parésie bi-latérale du pathétique. Rien ici ne vient plaider en

faveur d'une affection cérébelleuse; pas d'accidents témoignant

d'une action à distance, aucun phénomène de compression tel que

ralentissement du pouls, névrite optique, vomissements.

M. BER1VHARDT parle de quelques paralysies des extrémités supé-

rieures intéressantes au point de vue étiologique. Il s'agit d'un

exemple de paralysie du radial et de trois faits de paralysie, soit

uni, soit bi-latérale, portant sur tous les nerfs du bras (compres-

sion d'une ceinture de voltige et d'un appareil d'Esmarch). Il

traite enfin d'une forme de convulsion musculaire idiopathique,

rappelant le tétanos, mais en différanl et occupant l'extrémité

supérieure d'une jambe. Sera publié en détail '. P. Keraval.

' V. Revues allalli4ues.

BIBLIOGRAPHIE

V. Leçons sur les fonctions motrices du cerveau et sur l'épilepsie

cérébrale; par le Dr François FRANCS, professeur suppléant

au Collège de France. - Octave Doin, éditeur. Paris, 1887.

M. Fr. Franck vient de publier les leçons qu'il a faites ces

trois dernières années au Collège de France, tandis qu'il sup-

pléait M. le professeur Marey. Elles sont consacrées à l'Etude

expérimentale des fonctions motrices du cerveau et reposent

surdes recherches entreprises dans le but de vérifier, par les mé-

thodes physiologiques modernes, la grande question des locali-

sations cérébrales. Les matériaux qui ont servi à la rédaction

de ces leçons proviennent presque tous de travaux poursuivis

en commun par l'auteur et par M.le professeur Pitres (de Bor-

deaux). C'est dire que le côté clinique de la doctrine localisatrice

est loin d'avoir été mis àl'écart ; et les avantages de cette combi-

naison sont manifestes, dans certaines leçons où il s'agit de

l'étude des lésions destructives du cerveau. Enfin M. le pro-

fesseur Charcot a bien voulu présenter au public l'ouvrage de

M. Franck. Patronné par de tels maîtres, le livre dont nous

allons essayer d'analyser les parties principales sera certaine-

ment accueilli avec joie par tous ceux qui s'intéressent à la

physiologie et la pathologie cérébrales.

Le plan en est facile à saisir : la première partie est consa-

crée à l'exposé des principaux faits expérimentaux et cliniques

accumulés dans ces dernières années et relatifs aux effets des

excitations et des destructions localisées du cerveau; la seconde

partie contient la critique des théories. Les effets moteurs pro-

voqués par l'excitation expérimentale du cerveau ont été ana-

lysés de la façon la plus rigoureuse en appliquant à ces

recherches la méthode graphique du professeur Marey. En

utilisant toutes les ressources que fournit ce précieux procédé,

l'auteur a pu étudier une foule de réactions fugitives, quan-

tité de phénomènes qui sans cela seraient passés inaperçus :

c'est un grand mérite pour MM. Pitres et Franck d'avoir me-

484 bibliographie.

ployé ainsi ce nouveau moyen d'investigation sur les conseils

du professeur Charcot. Les résultats obtenus montrent qu'ils

n'ont pas en vain apporté une grande précision dans leurs

constatations expérimentales.

Au début, l'auteur rappelle les principaux faits qui servent

de base à nos connaissances sur les fonctions motrices du cer-

veau, résume les recherches de Fritz, Hitzig, Ferrier, etc., et

montre, grâce à M. Charcot, l'intervention de la clinique qui

vient confirmer pleinement les recherches physiologiques an-

térieures ; puis il expose la topographie motrice cérébrale,

d'après la méthode des excitations. Une note intéressante

relate les magnifiques opérations récentes et bien connues

d'Horsley (de Londres), pratiquées sur l'homme et curieuses à

noter parce qu'elles montrent qu'il y a similitude complète

entre la topographie motrice du cerveau humain et celle du

cerveau des singes supérieurs'.

On voit qu'il existe à la surface du cerveau une zone exci-

table entre deux zones non excitables; la première correspond

chez les singes et l'homme à la région rolandique, chez les

autres animaux à la région sigmoïdienne; la seconde (zone

inactive) comprend les lobes frontal et occipital. Par ses

recherches personnelles, M. Franck a montré d'abord qu'il

existe cinq centres distincts dans le pied de la couronne

rayonnante de Reil, faisceaux blancs correspondants à la

zone motrice et seuls excitables. Ce sont d'avant en arrière :

1° un centre pour les mouvements bilatéraux d'ouverture des

paupières et de dilatation de la pupille; 2° un centre pour

les mouvements du membre antérieur du côté opposé ;

3° un centre pour les mouvements des deux membres du côté

opposé; 4° un autre pour les mouvements du membre posté-

rieur du même côté; 5° enfin un dernier pour les mouvements

de l'oreille du côté opposé.

Si maintenant on analyse les mouvements d'origine céré-

brale provoqués par les excitations électriques soit à la sur-

face des circonvolutions, soit sur la coupe des faisceaux

blancs, on constate : 1° lorsque l'excitation est brusque,

comme celle due à la rupture ou à la clôture du courant

d'une pile, on a une secousse brusque, simple; 2° s'il y a une

série de clôtures ou de ruptures du courant, on obtient un

1 Voir Archives de Neurologie, 18R7.

bibliographie. If 8 1")

tétanos plus ou moins complet. Ce tétanos diffère suivant qu'il 1

est fourni par une excitation d'origine corticale ou une excita-

tion d'origine centro-ovalaire; 3° si l'on prolonge l'action, on

obtient une convulsion épileptiforme et des réactions orga-

niques. C'est l'étude de ces deux derniers ordres de phéno-

mènes qui constitue les premiers chapitres de la première

partie de l'ouvrage. Il faudrait citer surtout les principales

réactions organiques constatées sur les organes respiratoires

et circulatoires, sur ceux de la sécrétion salivaire, urinaire,

biliaire et gastro-intestinale, et les phénomènes oculo-pupil-

laires. Elles ont été étudiées avec le plus grand soin et de la

façon la plus minutieuse. On y trouvera des données nouvelles

qui un jour jetteront peut-être un peu de clarté dans l'obscure

question de l'épilepsie larvée.

M. Franck passe ensuite à l'examen des résultats fournis

par les lésions destructives, localisées, du cerveau; mais ici la

clinique ne doit pas céder le pas à l'expérimentation, car elle

abonde en documents précieux, à l'opposé de ce qui concerne

les excitations cérébrales. Les troubles moteurs consécutifs

aux lésions expérimentales produites chez divers animaux sur

la substance blanche et sur la substance corticale sont étu-

diés successivement; puis l'auteur s'adresse à l'homme, et

alors on entre de plein pied dans le domaine de la pathologie

cérébrale. Il expose l'état actuel de la question, tel qu'il res-

sort des travaux publiés depuis une dizaine d'années, et décrit :

1° la topographie corticale motrice et non motrice, détermi-

née en se basant sur l'étude des lésions circonscrites; 2° les ré-

gions du centre ovale qui correspondent à ces deux portions

de l'écorce cérébrale.

La seconde partie de ce volume est consacrée, comme nous

l'avons dit, à la discussion des théories soulevées par l'étude

des fonctions motrices du cerveau. Elle est subdivisée en trois

parties qui traitent : la première de l'excitabilité propre de

l'écorce cérébrale, la seconde de la nature fonctionnelle des

régions excitables, et la dernière des localisations motrices dans

le cerveau.

Un appendice, que le physiologiste de profession consultera

avec fruit s'il veut se livrer à des recherches analogues, a été

placé à la fin de ces leçons. On y trouvera décrite la technique

des principales expériences de M. Frank, relatées avec tous les

détails désirables. Marcel BAUDOUIN-.

,186 bibliographie.

VI. Hystérie et traumatisme (paralysies, contractures . arthralgies,

hystél'o-traumatiques); par M. BERBEZ, Th. Paris, 1887; aux

bureaux du Progrès médical.

La thèse de M. Berbez est l'exposé de la question de Vhystéro-

traumatisme dont 1\1. Charcot a récemment doté la pathologie.

Des faits de ce genre avaient, il est vrai, été déjà décrits par Brodie

et par Reynolds, mais c'est à M. Charcot surtout qu'on doit la

connaissance approfondie et l'interprétation ingénieuse des ac-

cidents de cet ordre. Il arrive qu'un traumatisme peu intense,

négligeable au point de vue chirurgical, ébranle assez certains

organismes prédisposés pour déterminer des accidents divers : ce

sont les paralysies flasques ou rigides, ou encore les arthralgies,

dites psychiques ou hystéro-traumatiques. Au point de vue éliolo-

gique il est intéressant de noter la fréquence de ces accidents

chez l'homme, alors que les diverses manifestations hystériques se

rencontrent de préférence chez la femme. Les paralysies revêtent

la plupart des formes connues, hémiplégie, paraplégie, mono-

plégie, celle-ci étant la plus ordinaire; mais elles sont aussi par-

tielles, et alors frappent des segments de membre. Leurs carac-

tères sont, outre la flaccidité habituelle, l'existence d'une anes-

thésie complète, absolue,superficielle et profonde,du sens muscu-

laire et des articulations, rayonnant autour des jointures, comme

centre quand il s'agit de paralysies segmentaires et limitées par

une ligne que sa configuration permet de nommer, avec M. Char-

cot, ligne d'amputation. Du reste, les réactions électriques des

muscles sont normales, quelle que soit la durée de la paralysie.

Lors de paralysies rigides, avec exaltation des réflexes tendi-

neux, les membres se contracturent dans la flexion, et très rare-

ment dans l'extension. Les arthralgies ou contractures doulou-

reuses se localisent ordinairement à l'articulation de la hanche,

et s'accompagnent d'une zone hypéresthésique des téguments

très caractéristiques. Le diagnostic doit être fait d'avec les para-

lysies organiques d'origine centrale ou périphérique, et sera faci-

lité parla recherche des stigmates hystériques sensitifs ou moteurs.

Au point de vue pathogénique M. Berbez énonce la théorie pro-

posée par AI. Charcot : le traumatisme est perçu par un cerveau

déséquilibré par le shock lui-même; il occasionne aussi un engour-

dissement local qui provoque la suggestion de la disparition du

membre atteint. Cette notion est acceptée sans contrôle en raison

de l'état cérébral que nous avons dit, et il en résulte la suppres-

sion de toutes les représentations cérébrales motrices relatives

au membre. Le chapitre consacré au traitement rappelle les

moyens thérapeutiques dirigés contre l'hystérie en général : mé-

dication tonique, hydrothérapie, etc., et conseille de plus des

exercices répétés du membre sain. P. B.

SÉNAT

DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS

Suite de la séance du jeudi 2 décembre 1886 '.

M. le Président. Nous arrivons à l'article 16.

Quelqu'un demande-t-illa parole sur cet article ?

M. Paris. Je la demande, monsieur le président.

M. LE Président. La parole est à M. Paris.

M. Paris. Messieurs, la commission demande, dans l'article 16,

que le rapport adressé par un docteur en médecine au procureur

de la République sur l'état mental de la personne à placer dans

un établissement d'aliénés soit circonstancié. La commission a

raison. 11 ne suffit pas, pour la sauvegarde de la liberté indivi-

duelle, qu'un médecin constate simplement que telle personne est

atteinte d'aliénation mentale. Le rapport circonstancié devra in-

diquer notamment « les phases de la maladie ». Ces expressions

supposent que l'état du malade aura compris des périodes succes-

sives de recrudescence et d'accalmie, et que le médecin rédacteur

du certificat aura fait plusieurs visites, dans lesquelles il les aura

constatées. Mais il arrivera fréquemment que la folie, dès son

début affectera ce caractère aigu qui rendra nécessaire son inter-

nement immédiat, et que le docteur en médecine n'aura vu

qu'une fois son malade. Comment décrira-t-il alors des phases

qui n'auront pas existé ?

La question que je soulève n'a pas seulement d'importance au

point de vue de la justice des termes. Si le médecin ne présentait

pas «un rapport détaillé conformément aux dispositions ci-dessus]»,

lisons-nous dans le septième paragraphe de l'article 16, il sera

passible de « l'une des peines portées à l'article 67 ci-après. » La

commission ne trouverait-elle pas bon de remplacer ces mots :

« les phases de la maladie » par une expression générale : « la

marche de la maladie » ? Ce serait, je pense, plus correct au point

de vue du texte et de l'application des pénalités !

Voy. Arch. de Neurologie, t. XII, p. 13.ï, 28, 439; t. XIV, p. 135, 307,

z21; t. XV, p. 138, 311.

488 SÉNAT.

M. LE Rapporteur, de sa place. Messieurs, je dois dire que ce

texte est celui de l'article 16 du Gouvernement. La commission

l'avait adopté et n'avait pas cru nécessaire de le modifier sur ce

point. Mais il est certain que l'observation de M. Paris est juste.

Une maladie, à son début, a des phases qu'il n'est pas possible de

décrire. Je disais tout à l'heure à M. Paris : Alors même qu'il y

aurait le mot « marche », ce mot serait à peu près l'équivalent

de l'autre. Néanmoins, la commission ne fait pas d'opposition à la

substitution. Je demanderai à M. le commissaire du Gouverne-

ment, -car c'est Je texte du Gouvernement qui est en question,

- s'il accepte la substitution proposée par M. Paris.

M. le Commissaire du Gouvernement. Je n'y fais aucune objection.

M. Delsol. Si la folie est aiguë, il n'y a pas plus de marche que

de phases ! 1

M. Paris. Il y a toujours, au moins, un pas !

M. de Gavardie. Il reste bien entendu que le parquet ne pourra

pas pénétrer dans le domicile privé, même lorsqu'il se sera écoulé

un délai de plus de trois mois.

Un sénateur à droite. Cela a été dit !

M. le Président. M. Paris propose de substituer le mot « marche» »

au mot « phase J, La commission accepte-t-elle la modification ?

Je voudrais avoir une réponse précise ; je ne puis pas deviner les

intentions.

M. PAYE. La marche suppose des phases !

M. LE Rapporteur. Une maladie marche toujours. Pour qu'il y

ait des phases, il faut que la marche ait été assez longue, qu'il y

ait eu augmentation ou diminution dans la marche. En patholo-

gie, c'est là précisément le sens du mot « marche ». Je trouve

que l'observation de M. Paris est parfaitement juste. Le mot

« marche » est peut-être plus médical. Quant au mot « phase »,

je le répète, il nous avait paru suffisamment clair. Nous l'avions

pris dans le texte du Gouvernement, et nous n'avions pas cru

qu'il pût prêter à l'équivoque ; il nous avait paru évident que le

médecin ne pourrait pas tomber sous le coup de la loi pour

n'avoir pas décrit des phases qui n'ont pas existé.

Plusieurs sénateurs. C'est évident !

M. LE Rapporteur. Néanmoins, la commission accepte le mot

proposé par M. Paris, lequel me parait, à moi, plus convenable.

M. le Président. La commission accepte le mot « marche » au

lieu du mot « phase » ; le Gouvernement ne s'y oppose pas ?

LE COMMISSAIRE du Gouvernement. En aucune façon, monsieur

le président.

SÉNAT. 489

M. DE Gavardie. C'est surtout l'article qui ne marche pas !

(Rires.)

M. le Président. Je mets aux voix l'article 16, avec le change-

ment proposé par M. Paris. (L'article 16 ainsi modifié est mis aux

voix et adopté.)

M. le Président. « Art. 17. - Lorsque les formalités nécessaires

pour le placement d'une personne dans un établissement d'aliénés

auront été remplies, si cette personne s'oppose par la force a son

transport dans cet établissement, le maire ou le commissaire de

police doit être requis d'assurer son transport. Le fonctionnaire

ainsi requis doit faire procéder à l'exécution du placement, en

prenant les précautions voulues pour éviter des accidents. Il

dresse un procès-verbal des faits et le transmet, dans les vingt-

quatre heures, au procureur de la République. Ces dispositions

s'appliquent aux placements effectués sur demande des particuliers

et aux placements ordonnés par l'autorité publique. Il est pro-

cédé de même dans le cas de réintégration après évasion prévu

par l'article 53 ci-après. » -(Adopté.)

« Art. 18. - Toute personne majeure qui, ayant conscience de

son état d'aliénation mentale, demande à être placée dans un

établissement d'aliénés, peut y être admise sans les formalités

prescrites par l'article 16. Une demande signée par elle est suffi-

sante. Si elle ne sait pas écrire, la demande est reçue conformé-

ment aux prescriptions du paragraphe 3 de l'article 16. La per-

sonne ainsi admise est soumise aux prescriptions de l'article 20

ci-après, et aux autres dispositions de la présente loi concernant

les placements faits sur demande des particuliers. » - (Adopté.)

« Art. 19. - Nul ne peut être conduit à l'étranger pour être

placé dans un établissement d'aliénés, ni être traité à l'étranger

comme aliéné, sans que, dans le délai d'un mois à partir du jour

du placement, la déclaration n'eu soit faite par la personne qui

l'a provoqué au procureur de la République, du domicile du ma-

lade.

« Nul étranger conduit en France pour être placé dans un éta-

blissement d'aliénés ne peut être admis dans cet établissement

sans une demande et sans un certificat médical, légalisés dans

son pays d'origine ou par un représentant diplomatique de ce

pays en France. Si la demande et le certificat ne sont pas écrits

en français, il y est joint une traduction française certifiée con-

forme.

« Dans les trois jours de la notification de ce placement, faite

conformément au paragraphe 2 de l'article 20 ci-après, le préfet

en donne avis au représentant diplomatique du pays d'origine de

la personne placée. Le même avis de placement, doit être donné,

dans le même délai, au représentant diplomatique du pays d'ori-

490 SÉNAT.

gine de tout étranger résidant ou de passage en France, dont

l'état d'aliénation aurait exigé le placement conformément aux

termes, soit de l'article 16, soit de l'article 29 de la présente

loi. »

M. le Rapporteur. Je demande la parole.

M. le Président. La parole est à M. le rapporteur.

M. LE Rapporteur. M. le commissaire du Gouvernement demande

que le paragraphe où il est dit : « Le préfet en donne avis au

représentant diplomatique du pays d'origine de la personne pla-

cée " soit ainsi rédigé : « Le préfet en donne avis au Gouverne-

ment, qui prévient le représentant diplomatique du pays d'origine

de la personne placée. » Le Gouvernement désire que le préfet

l'avise directement.

M. Tenaille-Saligny. Il est évident qu'un préfet ne peut pas

avoir de rapports directs avec un représentant diplomatique

étranger !

M. LE Président. Le Sénat a entendu la modification qui est

demandée parla commission, d'accord avec le Gouvernement, au

paragraphe 3 de l'article 19. Au lieu de : « Le préfet en donne

avis au représentant diplomatique du pays d'origine, etc. », ce

texte doit porter : a Le préfet en donne avis au Gouvernement,

qui prévient le représentant diplomatique du pays d'origine, etc. »

Quelqu'un demande-t-il la parole ?

M. de Gavardie. Je la demande, si personne ne la demande.

(Rires et exclamations à gauche.)

M. le Président. La parole est à M. de Gavardie.

M. DE Gavardie. Messieurs, je demande la suppression de cet

article. C'est encore une innovation. Je voudrais qu'on me dit,

non pas par ces déclarations générales qui ne prouvent absolu-

ment rien, mais par des faits précis, quels sont les inconvénients

révélés par l'application de la loi de 1838 relativement au place-

ment d'aliénés en pays étranger. Comment ! vous voulez empêcher

une famille de dépayser un de ses membres malades dans les

conditions terribles que vous savez ? Mais c'est souvent le seul

moyen d'assurer précisément le secret de cette situation lamen-

table, qui a des conséquences sociales quelquefois épouvantables !

Les voyages, messieurs, c'est par excellence un traitement curatif

pour les aliénés. Ils sont bons même pour les personnes dont l'es-

prit est sain; ils sont surtout excellents pour les malheureux

atteints de maladies mentales. Et vous empêchez ces voyages...

A gauche. Pas du tout.

M. de GAVAfiDIft... ou vous les rendez plus difficiles, ce qui

revient au même, en définitive. Comment ! j'aurais besoin de

sénat. 491

faire une déclaration au procureur de la République pour placer

mon enfant, ou ma femme, ou ma soeur dans un asile étranger.

Vous nous vantez les asiles étrangers; vous nous dites qu'ils

offrent plus de garanties que les asiles français, - ce que je con-

teste, - mais vous au moins vous ne devriez pas vous épouvanter

de ce qu'il soit permis à une famille de placer dans un de ces

établissements un de ses membres qui est l'objet de leur sollici-

tude et de leur dévouement.

Après tout, est-ce que ces asiles étrangers, s'ils ne sont pas

supérieurs aux asiles français, ne sont pas encore bien administrés

et n'offrent pas des garanties très certaines ? Assurément si, ils

offrent des garanties suffisantes. Et d'ailleurs, est-ce que la

famille ne saura pas choisir ? ... Je dis que cet article est mauvais,

qu'il n'est justifié par aucun précédentsérieux, et je vous demande

de le rayer.

M. LL Rapporteur se lève pour répondre.

Voix nombreuses à gauche. Aux voix ! aux voix ! 1

M. DE Gavardie. Que prouvent ces mots : Aux voix ! Il faut ré-

pondre ! ,

LE Rapporteur. Je demande la parole.

A gauche. Non] Ne répondez pas !

M. le Président. La parole est à M. le rapporteur.

M. le Rapporteur. Assurément, messieurs, les voyages peuvent

être un moyen de traitement quelquefois. Mais l'article ne vise

pas les voyages à l'étranger, il vise des faits et des faits nombreux.

Les délégués de la commission ont été témoins de faits lamen-

tables à l'étranger, de Français oubliés, abandonnés dans des

asiles de Belgique; ces malades, venus d'abord dans des conditions

d'aisance et de luxe, avaient été bien traités au commencement,

puis abandonnés par la suite. Ces faits, dont nous avons été té-

moins, existent non seulement en Belgique, mais ailleurs ; -

M. Testelin sait ce qui se passe du côté de la Baltique - on envoie

les malades en voyage dans ce pays pour s'en débarrasser.

Nous en avons trouvé également en Angleterre, dans tous les

grands asiles, et les autorités du pays à qui ils appartiennent, pas

plus que celles du pays où ils sont internés ne savent dans quelles

conditions se trouvent ces aliénés. (Marques d'approbation.) Il y

a eu, à cet égard, des plaintes nombreuses, et, aujourd'hui, quand

on revise la loi sur les aliénés, comme les facilités de transport à

l'étranger se sont multipliées, on commence, dans les lois nou-

velles, à introduire des dispositions destinées à empécherlerenou-

vellement de ces faits malheureux dont je viens de parler. Lors-

qu'on voit ces lois se perfectionner à l'étranger, lorsque plusieurs

caillons de la Suisse, lorsque le Luxembourg prennent des me-

492 SÉNAT.

sures de ce genre, il est bon que la France imite ces exemples. 11

s'agit donc simplement de mesures qui fassent que ces malheureux

ne puissent plus tomber dans la condition que je viens de rappeler

et qui permettent aux autorités de leur pays de connaître leur

sort et de les tirer de la situation déplorable où ils se trouvent.

(Très bien ! à gauche. Aux voix ! )

M. DE Gavardie. Je demande la parole. (Réclamations à gauche.)

M. SCIIEUItER-1ESTNEIL. Voilà ce que c'est que de répondre !

M. DE Gavardie. Voilà ce que c'estque de répondre ? J'avais par-

faitement le droit de monter à la tribune pour répondre à des

observations de M. le rapporteur. Par conséquent, vous n'aurez

pas cela à ajouter votre nouveau règlement dont vous avez

pris l'initiative, à cause de moi - il est de le dire en passant...

(Rires à gauche.)

M. Testelin. Cela ne plaide pas en votre faveur ! 1

M. le Président. Monsieur de Gavardie, veuillez vous tenir dans

la discussion de l'article 19.

M. DE Gavardie. Mais, monsieur le président, il y a, à mon

égard, un système de provocation de ce côté ! ... (L'orateur désigne

la gauche.)

M. SCIIIeUREII-1ESTNER. Est-ce une personnalité ?

M. de Gavardie. Oui, c'est une personnalité !

M. Scusunsa-hrsrrrca. C'est bien, monsieur ! ... Malheureuse-

ment, on ne vous trouve pas dans ces cas-là.

M. DE Gavardie. Vous me trouverez quand vous voudrez ! Si

monsieur le président veillait un peu plus... (Vives réclamations

à gauche et au centre.)

M. LE Président. Monsieur de Gavardie, je ne vous permets pas

de reproches à mon endroit. Il n'y a pas de président au monde

qui fasse ce que je fais à votre égard. (Marques nombreuses d'ap-

probation.)

A gauche. C'est vrai ! très bien ! 1

M. DE Gavardie. Je ne m'en aperçois guère. (Exclamations.

Un sénateur à gauche. Nous nous en apercevons, nous !

M. de Et, pour le dire en passant, monsieur le prési-

dent, vous avez, contrairement à tous les précédents, laissé figurer

au Journal officiel des choses qui ne peuvent pas atteindre un

homme comme moi, mais que vous n'auriez pas dû tolérer.

M. le Président. Je vous rappelle encore une fois à la discus-

sion de l'article 19, monsieur de Gavardie.

' SÉNAT. 493

DE Gavardie. J'y arrive ! Messieurs, je demande que cet

article soit renvoyé à la commission, et je le demande pour que

M. le ministre des affaires étrangères soit entendu. Si les abus

dont parle M. le rapporteur existent véritablement, il doit y en

avoir trace dans nos relations diplomatiques avec la Belgique

dont on a parlé, et avec l'Angleterre dont on a parlé également.

Ces inconvénients, ces abus, j'en nie la réalité.

M. EMILE LENOEL. Il y en a dont l'existence a été démontrée dans

des causes judiciaires portées devant la cour de Paris.

M. de Gavardie. Vous ne pouvez donc pas statuer, messieurs,

tant que vous n'aurez pas entendu M. le ministre des affaires

étrangères.

M. le Président. M. de Gavardie demande le renvoi de l'article 19

à la commission. Je consulte le Sénat. (Le renvoi n'est pas pro"

nonce.)

M. le Président. Je mets cet article aux voix avec la modification

au paragraphe 3 proposée par le Gouvernement et acceptée par

la commission. (L'article 19 ainsi modifié, mis aux voix, est

adopté.)

M. le Président. Je vais donner lecture de l'article 20.

M. Testelin. II y aura une discussion sur cet article, monsieur

le président ; je demande le renvoi à la prochaine séance.

(Appuyé ! )

M. LE Président. Il n'y a pas d'opposition ? ... La discussion est

renvoyée à la prochaine séance.

(A suivre.)

VARIA

ETAT RECAPITULATIF DES TRAITEMENTS DES INTERNES DANS LES DIVERS

- ASILES D'ALIÉNÉS EN FRANCE.

VARIA. 495

Récapitulation :

496 Varia.

Dr Turner qui avait imaginé et construit cet hôpital, lui avait

consacré pendant un quart de siècle son temps, ses efforts et sa

propre fortune, partagea le sort des réformateurs et des bienfai-

teurs de l'humanité et tomba en disgrâce.

Bientôt il se produisit une réaction dans l'enthousiasme qui

s'était manifesté pour l'hôpital de Binghamptou et les moralistes

qui, dès le principe,s'étaient opposés au mouvement comme étant

un « effort infidèle » pour diminuer la responsabilité humaine,

usèrent de tous les moyens pour répandre l'insuccès et anéantir

tous les autres efforts faits dans le même but. Mais le caractère

pratique de celte idée avait jeté de profondes racines dans l'esprit

public et bientôt une douzaine d'autres hôpitaux furent fondés

en Amérique.

Parmi ces hôpitaux, beaucoup furent convertis en asile pour les

maladies du système nerveux, surtout à cause du manque d'expé-

rience dans l'aménagement et le traitement, comme nécessaire-

ment cela se produit pour toutes les entreprises nouvelles. Une

trentaine de ces hôpitaux existent encore en Amérique, d'autres

ont caché leur spécialité sous le nom d'asiles pour les maladies

nerveuses.

Il n'y a pas moins de deux mille intempérants dans les hôpi-

taux d'Amérique, plus de mille sont dans les hôpitaux spéciaux.

Ils représentent dans une mesure très large les cas incurables;

ce sont des victimes de l'ivrognerie qui à la suite de cinq à trente

ans d'excès présentent les degrés les plus complexes et les plus

variés de la dégénérescence physique et mentale. Malgré cela,

les résultats obtenus dans les hôpitaux scientifiques spéciaux

sont très encourageants. Les statistiques portant sur plus de

trois mille cas indiquent une moyenne de 40 p. 100 de guérison

maintenue après la sortie de l'hôpital pendant une période de six

à huit ans. Le contrôle légal et la législation des intempérants

sont imparfaits en Amérique.

La plupart des hôpitaux spéciaux sont organisés par des com-

pagnies privées qui reçoivent de temps en temps un secours de

l'Etat. Quelques-uns reçoivent des dons ou des lits des Etats.

D'autres vivent sur le prix que paient les malades, ou de dona-

tions privées. Très peu de pauvres sont reçus dans ces maisons.

L'Etat de Connecticut avait projeté un hospice pour les criminels

intempérants dont l'emprisonnement était de trois ans, mais le

manque d'argent a empêché la réalisation de ce projet.

L'étude exacte et scientifique de l'ivrognerie a révélé des faits

et des conclusions qui ont soulevé des discussions amères parmi

ceux qui en avaient d'abord proclamé l'exactitude. En 1878, il se

forma une société qui avait rapport aux asiles d'intempérance ou

qui s'intéressait à la question; c'était l'Association américaine

pour la guérison des intempérants. Cette association s'est réunie

FAITS DIVERS. 497

tous les ans ou tous les six mois depuis et ses communications et

ses transactions formèrent la première littérature sur le sujet.

En 1877, fut fondé le Journal of hiebriety, organe de l'Association

et c'est par cet organe que furent publiées presque toutes les

études sur ce sujet en Amérique. La curabilité de l'intempérance

en des hôpitaux spéciaux a été le but principal de l'association.

Les docteurs Parrish et Wright ont publié des ouvrages spéciaux

sur l'intempérance, qui ont donné une grande impulsionà l'étude

scientifique de ce sujet.

Le Dr Crother termine son article par les conclusions suivantes :

L'histoire du mouvement qui s'est produit en Amérique pour la

fondation des hôpitaux spéciaux a passé par les trois phases régu-

lières de tout progrès; d'abord la propagande, ensuite l'opposition

et enfin le succès. Des hôpitaux scientifiques pour la cure de l'ivro-

gnerie sont institués ; mais il existe encore des institutions et des

méthodes empiriques. Une grande partie du public, ne se conten-

tant plus des remèdes moraux, fait appel aux médecins avec une

conviction croissante que, de ce côté, on trouvera le vrai remède

contre le mal. On doit étudier le sujet en dehors de toule opinion

ou théorie métaphysique jusqu'à ce que la curabilité ou la pro-

plylaxie du mal soit devenue une réalité pratique. On réclame

partout des lois sur l'intempérance permettant sa guérison et des

règlements assurant le service régulier des hôpitaux spéciaux, et

on espère que le temps n'est pas éloigné où on pourra prendre

un ivrogne chez lui ou dans la rue pour le placer en quarantaine

dans un hôpital spécial, comme s'il était atteint d'une maladie

infectieuse. ROBEllT Soal ?

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. - Nominations : M. le Dr CORTYL, directeur de

l'asile public de Bailleul, est nommé directeur-médecin en chef

(arrêté du 16 mars 1888). - AI. le or Malfilatre, ancien interne

des asiles publics d'aliénés de la Seine, est nommé médecin-

adjoint à Bailleul (poste créé) (arrêté du 16 mars 1888). - M. le

Dr 1\ICOULGAU, interne de l'asile public d'aliénés de Bordeaux, est

nommé médecin-adjoint à Saint-Yvon en remplacement du

Dr Martinencq, précédemment promu médecin en chef et compris

dans la deuxième classe. - M. le Dr Ramadier, médecin-adjoint de

l'asile public de Lafond (Charente-Inférieure), est nommé aux

Archives, t. XV. 32

498 FAITS DIVERS.

moines fondions à l'asile de Vaucluse, en remplacement de

.\1. bey (arrêlé du 12 avril).

Promotions. Sout promus à partir du 1 ? janvier : à la pre -

mière classe, M. le D TAULE, directeur de Sainte-Anne ; à la

deuxième classe, M. le Dr BRIAND, médecin en chef à l'asile de

Villejuif (arrêté du 29 mars). -A la classe exceptionnelle à partir

du leur mars : M. le Dr CHAMBARD, médecin-adjoint à l'asile de

Ville-Evrard (arrêté du 29 mars).

Asile d'aliénés DE MARSEILLE. - Jeudi soir a eu lieu, à la grande

joie des pensionnaires de l'établissement, le concert que nous

avons annoncé. La gracieuse Allie Clary, M110 Berthaud, Mmo Dick

et 11. Volnay, dans Dormez Grand'Mère, le joli acte de M. Castelain,

des Variétés ; la toute séduisante Mlle 1\11ller, le joyeux comique de

Béer et M. Lebreton, du Gymnase : le dessus du panier de l'opé-

retle à Marseille ; M. ¡¡'ronli, du Grand-Théâtre, prêtaient le gra-

cieux concours de leur talent. M. Francescati, un violoniste de

beaucoup de mérite, et M. Latombe, l'excellent chef d'orchestre

du Gymnase, au piano, complétaient un ensemble parfait. L'or-

phéon des malades de l'asile et deux pensionnaires MM. A... et

X..., ont eu aussi leur grande part du succès. Toutes nos félicita-

tions à ces aimables artistes. C'est une bonne action de plus à

l'actif de leur généreuse phalange. Il sont de ceux qui donnent

sans compter. Un lunch plein de galté a terminé cette charmante

fête. (Petit Provençal, 18 mars.)

- Lundi soir, 14 mai, a eu lieu à l'asile des aliénés, le dernier

concert de la saison. De nombreux artistes, parmi lesquels deux

pensionnaires de la maison, se sont fait chaleureusement applau-

dir par les malades et les invités du directeur : M. le Ur Dubief.

(Petit Provençal.)

Le secret professionnel. - Le tribunal civil de Dôle vient t

de juger une affaire qui a eu un certain retentissement dans le

Jura. Voici, en quelques mots, le résumé des faits : Le Dr R...

tient à Dôle une maison de santé. Il a eu comme pension-

naire, du 31 mai au 6 juin 1887, une dameX..., qui parvint à

s'évader après dix jours de traitement.

Après son évasion, Mmo X... fut soumise à l'examen de trois

spécialistes, conformément à une ordonnance du tribunal de

Dôle. Ces trois médecins déclarèrent, dans leur rapport, que

Aime X... ne devait pas être réintégrée dans la maison de santé du

Dr R..., son état ne présentant aucun danger pour la société.

Le Dr R... fit alors paraître une brochure intitulée : Observations

sur la manie raisonnante, dans laquelle Mme X... était .suffisamment

désignée pour que le parquet poursuivit d'office l'autour pour

violation du secret professionnel. Cent dans ces conditions que

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 49'J

l'affaire est venue devant le tribunal de Dôle. M. Billot, procureur

de la République, a requis une condamnation.

1\1" Hougé, du barreau de Dijon, soutenait les intérêts de

Mme X..., qui s'était portée partie civile. Le Dr R..., qui, dit-on,

s'était tout d'abord adressé à .\le Thévenet, député du Rhône, était

défendu par M0 Harent, du barreau de Lyon. Le tribunal, recon-

naissant le Dl' R... coupable du délit de violation du secret pro-

fessionnel, l'a condamné à 200 francs d'amende et 2,000 francs de

dommages-intérêts.

Nouveau journal. Nous venons de recevoir le premier

numéro de. la Rivista de nevrologia e psychialria, publiée à Lis-

bonne par le DrHodrlgllezBellencourt, membre correspondant de la

Société médico-psychologique de Paris. C'est le premier journal de

ce genre fondé eu Portugal, de même que le cours de pathologie

mentale et nerveuse, créé il y a deux ans à l'asile d'aliénés de

Lisbonne, par M. Bettencourt, est le premier qu'on professe en

Portugal sur cette branche de la médecine. Nous souhaitons la

bienvenue à la Revista de nevrogliae psychalria, persuadé d'avance

qu'elle aura le plus grand succès.

Avis aux Auteurs et aux Editeurs. Tout ouvrage dont il nous sera

envoyé un seul exemplaire sera 'annoncé. Il sera fait, s'il y a lieu, une

analyse de tout ouvrage dont nous recevrons deux exemplaires.

Bourru (H.) et BUIIOT \P.). Variations de la personnalité. Volume

in-18 de 316 pages avec 13 photographies. Prix : 3 fr. 50. Paris,

1888. Librairie J.-B. Baillière et fils.

Ciiazarain et DICLF. Les courants de la polarité dans l'aimant et

le corps humain. Base scientifique de l'électricité dans les maladies rhu-

matismales, nerveuses, mentales, etc. Volume iu-8° de 99 pages.

Paris, 1887. Chez les auteurs.

COMBEMALE (1 ? .). - La descendance des alcooliques. Volume m-8° de

213 pages. - Montpellier, 1888. Imprimerie centrale du Midi.

CULLEIIIIE (A.). Les Frontières de la folie. - Volume in-18 de

360 pages. Prix : 3 fr. 50. Paris, 1888. Librairie J.-B. Baillière et

fils.

Féré (Cu.). - Dégénérescence et criminalité. Essai physiologique. Vo-

lume in-12 de 179 pages. Prix : 2 fr. 50. Paris, 1888. Librairie

F. Alcan.

Kraft- Ebing (IL V.). Lehrbuch der psychiatrie auf Klinischer

0)-M7td<<Me sur Pralctaclae ivzte und Studirende, 3. édition. Volume

in-8° de 735 pages. - Stuttgard, 1888. Verlag von F. Enke.

Moreau (de Tours). - La folie chez les enfants. Volume in-tS de

411 pages. Prix : 3 fr 50. - Paris, 1888. Librairie J.-B. Baillière et

fils.

500 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

AIORICOUIIT (J.). - Manuel de nzétallnthérapie et de metalloseopie, appli-

quées au traitement des maladies nerveuses, au diabète et aux maladies

épidémiques. Burquisme et magnétisme animal (grand et petit hypno-

tisme). Volume in- 18 de 2H pages. Prix : 3 fr. 50. Librairie

A. Delahaye et E. Lecrosnier.

Paris (A.). De la mélancolie. Brochure in-8o de 55 pages. Chàlons-

sur-Marne, 1887. -1mprimerip-lilJrairie Le Boy.

11EG1VABLT (P.). - Bourbon-V Archambault, ses eaux minérales et ses

nouveaux thermes. - Gui de pratique et médical du baigneur et du zne-

decin. Brochure in-8" de 106 pages. Prix : 2 fr. Paris, 1886. z

Librairie G. Masson.

Remak (E.). - Elecf1'odiagnostl" und elel.trothe1'apie. - Brochure in-8°

de 94 pages. Wien und Leipzig, 1886. Urban et Schwarzenberg.

RICAIIDO Joacs. - De t'électrométrie et de t'électl'o-rliagnoslic il propos

de la paralysie faciale de Ch. Bell. Volnme in-8° de 9 pages avec

2 planches hors texte. Paris, 1888. Librairie 0. Berthier.

SCIIULI (H.). - Traité clinique des maladies mentales, 3e éclitioll (1886).

Traduite par les docteurs J. Dagonet et Duhamel, revue et augmentée

par l'auteur, avec une préface du docteur II. Dagonet (1°' fascicule).

Volume in-8» de 220 pages. - Paris, 1888. A. Delahaye et E. Lecros-

nier.

Srcum (E.-C.) A contribution to the pcttTcolo,7d of hemianopsia of

central origin (roi-ler-henii(i7topsia. Brochure in-S° de 38 pages.

1\ew-York, 1886. Journal of ? t6 ? 't)o;M and mental diseases.

SOARES de Souza. Escudo clinico da atnxia lacreditania de Fried-

reich. Volume in-8° de 126 pages. Rio-de-Janeiro, 1888. Imprunsa

nacional.

Stewart (R.-S.). - Observations on the spinal cord in the Insane. -

Brochure in-8° de 79 pages, avec figures. -- Glascow, 1886. Printed

by Alex. 111acdouâalt.

Avis A NOS LECTEURS. - Nous appelons vivement l'atten-

tion de nos lecteurs sur la discussion, au Sénat, de la

nouvelle LOI sur LES aliénés. En reproduisant ces débats,

nous croyons être agréable à tous les médecins des asiles

d'aliénés, de quelque nationalité qu'ils soient. De plus,

nous insérerons dans la mesure du possible, les lettres com-

mentant oit critiquant cette discussion qu'ils voudraient

bien nous adresser. - Enfin, nous prions ceux d'entre eux

dont l'abonnement est expiré avec ce numéro, de bien

vouloir nous adresser le montant de leur réabonnement.

Le 1'éúactew'-gérant, UOUHNEVILLE.

TABLE DES MATIÈRES

Aliénés (dans les maisons de cha-

rité), 15G; - (lir5servatiou pro-

Ílhylactique des auto-mutilatlolls

impulsives chez les), par ltabow,

302 ; - (anciens), 335 ; - (gu-

tisme chez les), par Lindenboin, ! r ! r0;-(uuestltésie miWC clezles),

par'fhomsen,'rt0;-(cardtopatlties

chez les), par Salemi Pace, f'r2 ;-

(assistance des en Espagne),

par Scltmitz, 'r45; - (pigmenta-

tion chez les aliénés), par Kier-

nan, 416.

Asiles (nominations et promotions

dans les), 157, 333,191;-(anglals),

957 ; - (mouvement de la popu-

lation dans les - de la Seine),

326; constiuction et organisa-

tion des d'aliénés), par Sanger

Brwvn, 330; - (recrutemettt les

médecins adjoints des - par le

concours), 331.

Astasie et abasie (affection caracté-

risée par de )' - et de l' -), par

Blocs,2\,187.

Athétose double avec imbécillité,

par Bourneville et l'illiet, 433.

Bibliographie : Etude médico-légale

sur l'alcoolisme, par Vétault, 32;

- rapport médical sur le quartier

d'aliénés de Nantes, par Biaute,

32>; - procès criminel de la der-

nière sorcière brûlée à Genève,

par Ladame, 321; des anes-

thésies hystériques des llluqueu-

ses, par Lichtwitz, 325.

Bulletin bibliographique, 335, 493.

Calatonie, par Séglas et Chaslin,

21Í, If20.

Congrès allemand des neurologues

et aliénistes, 123.

Contagion lvsycLiyue, Itar Graf, 'r'rS.

Démence (anatomin pathologique de

la post fébrile), par Emmin-

jltaus, 109; - (plténomènes ini-

tiaux rares dans la parât) ti-

que), par Pelizoens, 110; - (sen-

sibilité dans la démence paralyti-

que), par Zieben, 111 ; - (para-

lytique et syphilis), parDietz,445.

Dipsomanie guérie par la strychine,

par 1'olvinsl : y, 113.

Ephidroses de la face, par P. Ray-

mond, 51,212.

Epilepsie procursive, par Bourne-

ville et llricon, 75, 227, 37\J;-

(et folie systématique), par Véjas,

413.

Epileptiques (colonie d' de Bel-

f<JId), 327; - (phénomènes consé-

cutifs aux attaques épileptiques et

apoploctilbimes), par Thomsen,

î 12.

Esprit (éducation des enfants fai-

bles d'), 155.

Gliomalose médullaire, par Roth.

161. '

Idiots (assistance des), 118.

Ironie (psychologie de l'), par Jack-

son, 417.

Ivrognerie et son hérédité, par Thom-

sen,443.

Jeûne prodigieux de l'évêque de

Spire, 153.

Jounnl nouveau, 493.

Mémoire (pathologie de la), par

Pick, 414.

Nécrologie, 158.

Neurupsvchose mortelle, par Thom-

sen, 109.

Olallwycafoine dans l'hémicranie,

par Wilerne, 302.

Paraldéhyde, par Sommer, 302.

Paralysie faciulu a frigore, par Neu-

lllallll, 3J'1.

Paralysie générale et syphilis, par

Son])))er,HO;(et aphasie sen-

sorielle), par Rosenthal, 111;

(compliquée de sclérose latérale

amyotrophique), pal' Zachrr, 1 JO.

Psfxdo-tabes, par Pitres, 33 ?

zou

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Psychiques (trouhles - et maladies

aiguës), par Lehmann, 415.

Psychoses (des symptômes de la

motilité dans les - simples), par

Frensberg, 108.

Rapport sur l'aliéné Mistral, par

Charcot, 81.

Revue critique, par Séglas et Chas-

lin, 251.

Sciatique (déformation du Ironc cau-

sée par la), par Babinski, 1.

Sclérose en plaques (guérison delà),

par Catsaras, 333.

Secret professionnel, 492.

Sénat(loi sliries aliénés au), 138, 311.

Société (médico-psychologique), ll-1,

303, 448 ; (psychiatrique de Ber-

lin, 307, 471; (prix de la - de

biologie), 335.

Sommeil (attaques de- hystérique),

par Gilles de la Tourette, 93, 200.

Suggestion au point de \ue théra-

peutique, par Couturier, 303.

Syphilis (cas remarquable de - cE-

rébrale), par Goldstoin, 112.

Tabès suivi de folie systématique,

par Sommer, 439.

Tétanos traumatique et bromure de

potassium, par Afontagnon, 302.

Uréthane, par Kroepelin, Otto, Koe-

nig, Rotenbiller, 30.

Varia, 133, 326.

Vertige-marin, par Pampoukis, 393.

Vitiligo (influence nerveuse dans la

production du), par Dumesml,

4t6.

Vue (illusions delà vue), par Rosen-

bacb,111.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Babinslti, 101.

Biotite, 321.

lllocq, 2+, 187, 322.

Bourneville, 75, 227, 379, 433.

Bnand, 114, 303, 448.

Bricon, 75, 227, 379.

Catsaras, 412.

Charcot, 81.

Chaslin, 254, 420.

Combe, 412.

Deny,y302.

Dietz, 415.

Dumesnil, 446.

Emminghaus, 109.

Frensberg, 108.

Gilles de la Tourelle, 93, 2gag.

Goldstein, 112.

Graf, 441.

Jackson, 447.

Kéraval, 108, 109, 110, 111, 112, 113,

118, 123, 301, 302, 307, 440, 412,

443, 41, 445.

Kiernan, 416.

Koenig, 301.

Kroepelin, 301.

Ladame, 324.

Lehmann, 415.

Lichtwitz, 325.

Lindenborn, 440.

Montagnon, 302.

Neumann, 354.

Otto, 301.

Pelizoens, 110.

Pick.4tt.

Pilhet,433.

Pitres, 437.

Rabow, 302.

ltaoult, 327, 330, 450, 117.

Raymond, P., 51, 212.

RosenbaclJ, '111.

Rosenthal, 111.

Roth, 161.

Rottenbiller, 301.

Itouhinovitch, 113.

Salemi Pace, 442.

Sanger Brown, 330.

Scillnitz, 415.

Séglas, 251, 420.

Sollier, 321, 325. 417.

Sommer, 110, 302, 439.

Thomsen, 109,440, 442, 443.

Tolvinskv, 113.

Véjas, 'r'f3.

Vétault, 322.

Zacher, 110.

Zielieti, 111.

Archives de Neurologie T.XV. PI,.I

Fig. 1 Fi¿- 2

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE PREMIÈRE

DÉFORMATIONS PATiTICULIliItES DU TRONC CAUSÉES PAR LA SCIATIQUE

504 EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE Il

DEFORMATIONS PARTICULIÈRES DU TRONC CAUSÉES PAR LA SC1ATIQUK

Archives de Neurologie

T.XV PZ.11

F18' 1

hg.2

Archives de Neurologie T.XV. PL.III

F18.1

F.2 2

EXPLICATION DES PLANCHES. 505

PLANCHE [il *

Dl : FUIDI111O ? S PARTICULIERES DU TRONC CAUSËLS PAR L\ SC1AT1QUE

506 EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE IV

DEFORMATIONS PARTICULIÈRES DU TRONC CAUSÉES PAR LA SCIATIQUE

Archives de Neurologie " T.XV.PL1V

Fg,1 1 FI3' 2

Archives de Neurologie T XV PL V

Eg 1 Ils 2

EXPLICATION DES PLANCHES. 507

PLANCHE V

DEFORMATIONS PARTICULIERES DU TRONC CAUSEES PAR LA SCIATIQUE

508 EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE VI

DES Jl'lllDJ\OS¡¡S DE LA FACE

Coupe du ganglion cervical inférieur du grand sympathique.

A. Enveloppe fibreuse du ganglion.

B. Tubes nerveux intéressant le ganglion.

C. Tissu celliilo-adipeux ut vaisseaux.

D. Cloisonnements partant de l'enveloppe et entourant des cellules

ganglionnaires.

E. Cellules normales du ganglion.

F. Prolifération embryonnaire comprimant.

G. Les cellules malades du ganglion.

Ê%Ieux. I.b. ILbIt183hY, nup. - 588.

Archives de Neurologie

TomeXVPlV

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