ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
REVUE E
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
PUBLIEE SOUS LA DIIIKCTION DE
J.-M. CHARCOT
AVEC LA COLLABORATION ua
MM. BALLET, BERNARD, B1TOT (P.-A.), BLANCHARD, BONA)HE (E.), BOUCHEHEAU,
BR ! AND(M.),BR1C0N(P.),BIIISSAUD(E.),BR0UARI)EL(P.),CATSARAS,CH : ARPENTIER,
COTAIID, DEBOVE(Ilf.), DELASIAUVE, DENY, DUIÉN1L, DUHET, DUVAL(.II·THI·S),
l'EHHIEII, GAUTIEZ, GÉRENTE, GILLES DE LA TOUIiETTE, GOMBAULT, GRASSET,
HUCHAIti), JOG'PIiOY (A.), KAIiN (T.), KELLER, KÉHA VAL (P.), KOJEIiNIKOC,
LA ! OEOUZY, LEGIIAND DU SAULLE, MAGNAN, MAIRET, IfAR VN170\ DE 110NTYEL,
v1A1111 : ,111AYG11lEIt, MAYOR, 1111ERZCJE1VSKY, rIUSGIiAYE-CLAY, PARINAUU, PETEL,
PIEIIItET, PIGNOL, PITRES, POI'OPP, RAYMOND, HEGNAIID (P.). REGNARD (A.),
ItIf.111 : R (P.), SÉGLAS, SEGUIN (E.-C.), S1KOIISKY, TALAMON, TAENO\i'SKY,
TEINTURIER (E.), THULII.(H.), TR01S1ER (E.), VA1LLARI), VIGOUHOUX (1t.),
VOISIN (J.).
Rédacteur en chef : BOUItNEVILLE
Secrétaire de la rédaction : Ci[. FËnË
Dessinateur : LEUt3A.
Tome X. - 1885.
Avec 3 planches et 9 figures dans le texte.'
PARIS
BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL
14, rue des Carmes.
1885
ARCHIVES
DE E
NEUROLOGIE
ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLE'S HÉRISSEY.
Vol. X. Juillet 1885. N" 28
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE NERVEUSE
DEUX NOUVEAUX CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTRO-
PH1QUE SUIVIS D'AUTOPSIE;
Par J.-111. CHARCOT et P. MARIE.
La nature essentiellement systématique de la sclé-
rose latérale amyotrophique est actuellement admise
par la grande majorité des auteurs; et la localisation
toute spéciale des lésions dans la moelle et le bulbe
est trop bien connue pour qu'il soit nécessaire d'en
parler plus longuement.
Depuis quelques années, la question a fait de nou-
veaux progrès. La lésion du faisceau pyramidal dans
tout le segment de l'axe cérébro-spinal situé au-dessus
du bulbe, est aujourd'hui un fait absolument démontré.
C'est d'abord dans les pédoncules que cette lésion a
été observée (Charcot, Kahler et Pick 1), elle avait aussi
été constatée dans la protubérance, et M. Leyden lui-
1 Kahler et Pick. l3eitrdge zur Pathologie und Palhologischea Ana-
lomie des Cettralneraensystems, Leipzig. 1879.
Archives, t. X. 4
Il PATHOLOGIE NERVEUSE.
même la signala dans ses cas de paralysie bulbaire,
qui, comme l'a démontré l'un de nous, rentrent tout
naturellement dans le cadre de la sclérose latérale amyo-
trophique.
En même temps que la sclérose du pied des pédon-
cules, Kahler et Pick notaient une certaine atrophie
des circonvolutions motrices et émettaient l'opinion
que cette diminution de volume était probablement
l'indice de lésions dégénératives du même ordre que
celles qui existaient dans les autres points du faisceau
pyramidal ; mais ces auteurs n'avaient pas constaté
directement l'existence de ces lésions dans les circon-
volutions. Il restait donc là une lacune, elle fut comblée
en 1883 parle mémoire de Kojewnikoff1, qui, dans
une autopsie minutieusement conduite, constata dans la
substance blanche du cerveau l'existence de nombreux
corps granuleux situés, à n'en pas douter, sur le trajet
du faisceau pyramidal, ainsi qu'il résulte de la des-
cription de l'auteur' et des planches annexées à son
travail.
A ce cas unique, nous pouvons maintenant en ajouter
deux autres, dans lesquels la présence des corps gra-
nuleux dans les différentes parties du trajet intra-céré-
bral du faisceau pyramidal était des plus nettes (cap-
sule interne, circonvolutions motrices). Mais, de
plus, dans ces deux cas, nous avons pu, pour la pre-
mière fois constater la disparition des grandes cellules
pyramidales qui existent normalement dans la région
de l'écorce située au niveau du lobe paracentral.
La démonstration est donc aujourd'hui complète :
1 KojewnikofT. Archives de Neurologie, t883, VI, 356.
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 3
non seulement la sclérose latérale amyotrophique est
étroitement localisée à un système; mais encore elle
affecte toute la hauteur de ce système depuis la grande
cellule pyramidale de l'écorce jusqu'à la grande cellule
des cornes antérieures de la moelle, d'où elle s'étend
finalement jusqu'à l'élément musculaire périphérique.
Observation I. Début par raideur de la jambe gauche. Six
mois après, parésie du bras droit. Gène légère de la pa-
l'ole. Deux mois plus tard, atrophie de l'énzzinence thé-
nar droite, augmentation des troubles de la parole. - Puis
paralysie complète avec phénomènes spasmodiques qui dispa-
missent ensuite. Augmentation de l'atrophie des mains.
Troubles de la déglutition, de la respiration, de la circulation.
Mort un an après le début. Corps granuleux dans toute
la hauteur du faisceau pyramidal, y compris les circonvolu-
tions motrices. Disparition des grandes cellules pyrami-
dales de l'éco7,ce.
Dupont (Sébastienne), soixante ans, couturière, née à Lyon,
entre à l'hôpital Tenon, salle Magendie, 6, le 31 juillet 1883
dans le service de M. HucHARD, qui a bien voulu nous com-
muniquer les notes qui suivent.
Antécédents. La grand'mère paternelle serait morte
hémiplégique ; sa mère est morte de chagrin ( ? ) à l'âge de
trente-six ans. Son père mort à soixante-dix-neuf ans. Frère
mort de la poitrine à l'âge de dix-neuf ans et demi.
Elle a été réglée à douze ans, mariée à quinze ; elle eut treize
enfants dans l'espace de dix-neuf ans. Dix de ses enfants sont
morts en bas âge, trois sont bien portants. Ménopause à l'âge
de quarante-cinq ans.
Aucune maladie antérieure; elle a, jusqu'il y a huit mois,
toujours joui d'une excellente santé.
A ce moment (commencement de décembre 1882), elle
remarque que sa jambe gauche devient raide quand elle est
assise. Ce phénomène se montrait de temps à autre durant une
demi-heure en moyenne, et ne se produisait jamais pendant
la marche ; en même temps que ces contractures passagères il
existait quelques douleurs de reins.
4 . PATHOLOGIE NERVEUSE.
Un mois avant d'entrer à l'hôpital Tenon, elle éprouvait une
certaine difficulté pour se peigner de la main droite ; elle pro-
nonçait mal certains mots, la parole était quelquefois embar-
rassée. Elle alla à la Salpêtrière pour consulter M. le profes-
seur Charcot, celui-ci étant absent, elle entra à l'hôpital Saint-
Antoine, chez M. Dujardin-Beaumetz, elle n'y resta que
quelques jours.
Au moment de son entrée à l'hôpital Tenon, elle accuse des
douleurs dans les membres inférieurs, dans les genoux, dans
les épaules, etc... Les contractures étaient intermittentes dans
la jambe gauche ; il n'y en a jamais eu du côté droit. On ne
constate pas d'atrophie des membres ; la marche n'est possible
qu'avec une chaise que la malade pousse devant elle ; les
jambes se détachent péniblement du sol, elles y sont comme
clouées, suivant l'expression de la malade. Exagération des
réflexes rotuliens. Pas de tremblement épileptoïde spontané
ou provoqué. Sensibilité intacte au toucher, à la douleur et à
la température. Le mouvement d'élévation des bras est impos-
sible.
Le facies ne présente aucun caractère particulier. Yeux
noirs, assez vifs, langue normale, tremblant un peu. La parole
est légèrement embarrassée, certaines consonnes sont pour
ainsi dire escamotées, parler lent, monotone, non scandé. Pas
de tremblement des mains. Jamais de maux de tête, ni ver-
tiges. L'appareil de la vision semble normal. Appétit excellent,
digestions régulières. Pas de fièvre. Poumons et coeur en par-
fait état.
Lorsque la malade est entrée dans le service le 31 juillet,
elle se plaignait surtout de douleurs dans les membres au
niveau des jointures et des masses musculaires, douleurs pour
lesquelles on prescrit 4 grammes de salicylates de soude par
jour. La malade prend ce médicament deux jours seulement
et l'on voit se produire certains symptômes bizarres que l'on
hésite à mettre sur le compte du salicylate. Ce sont du délire,
de violents maux de tête, un embarras plus prononcé de la
parole, une accélération du pouls sans fièvre, des étouffements.
La suppression du médicament et quelques jours de repos
mettent fin à ces accidents.
On remarque alors (8 août) que l'éminence thénar du côté
droit est un peu moins volumineuse que du côté gauche; les
mouvements d'opposition du pouce sont lents, difficiles, de
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 5
même le premier métacarpien tend à se mettre sur le même
plan que les autres métacarpiens ; l'abduction du pouce n'est
possible que si la malade prend le pouce avec l'autre main
pour le mettre dans la position voulue.
La malade est soigneusement examinée à nouveau, elle se
plaint d'avoir ressenti des tremblements fibrillaires dans les
régions thénar des deux côtés. Ces mouvements n'ont pu être
constatés.
Les contractions primitivement localisées dans le membre
inférieur gauche gagnent la jambe droite. Dans ces moments,
les membres sont dans l'extension, le bord interne du pied
porté en dedans et relevé. Les jambes sont des barres rigides
qui retombent tout d'une pièce sans flexion du genou; jamais
il n'y a eu de rapprochement spasmodique des genoux
Quelques jours plus tard, on remarque que la lèvre supé-
rieure a beaucoup perdu de sa mobilité, les consonnes labiales
sont mal accentuées ; certains mots dans les phrases sont abso-
lument incompréhensibles. La langue est normale comme
volume, elle peut être facilement relevée, creusée en gouttière,
sortie et ramenée dans la bouche. Quelques tremblements
fibrillaires à la pointe.
L'atrophie de l'éminence thénar droite se prononce rapide-
ment ; elle se dessine également à gauche ; les muscles de ces
éminences s'atrophient avec une grande rapidité, en même
temps que les mouvements du pouce se restreignent de plus
en plus chaque jour.
Peu à peu, les pouces sont rejetés en abduction, écartés de
la paume de la main, il n'y a plus ou à peine d'opposition ni
d'adduction ; les premiers métacarpiens se mettent sur le plan
des autres métacarpiens ; les espaces interosseux commencent
à se dessiner.
Les muscles des éminences thénar répondent faiblement aux
courants induits.
La main n'a pas d'attitude particulière, sauf une demi pro-
nation.
Pendant le mois de septembre 1883, l'atrophie des émi-
nences thénar des deux côtés a fait des progrès considérables,
de même que l'impotence fonctionnelle s'est accentuée. '
Les membres inférieurs sont contracturés dans l'extension
et l'adduction pendant des heures et quelquefois des journées
entières, mais sans douleur.
G PATHOLOGIE NERVEUSE.
Absence de trémulation épileptoïde.
Pas d'atrophie des membres inférieurs.
La malade est obligée de garder le lit à partir du commen-
cement d'octobre ; elle peut aussi à peine se servir de ses
mains, quoique celles-ci ne soient pas déformées. Les mouve-
ments du cou sont lents, la rotation est pénible.
La parole s'embrouille, la paralysie et l'atrophie de la lèvre
supérieure sont de plus en plus visibles. Toujours rien de
manifeste du côté de la langue et du voile du palais; la voix
n'est pas nasonnée.
Jamais d'engouement pendant les repas, ni de retour des
aliments par le nez. Les fonctions digestives s'accomplissent
bien. La malade urine bien, demande le bassin tous les jours
ou tous les deux jours. La nuit, elle dort assez bien, mais la
salive s'écoule un peu sur ses vêtements. Quand la malade ne
parle pas, ses lèvres sont rapprochées, la bouche est fermée,
elle n'a pas « l'air pleurard »; toutefois les sillons naso-labiaux
paraissent s'accentuer dans les premiers jours d'octobre. A
cette époque les deltoïdes sont mous, flasques, très atrophiés ;
un contraste frappant existe entre les membres inférieurs et
les supérieurs ; ces derniers sont devenus grêles; les premiers,
au contraire sont volumineux et assez adipeux.
Les battements du coeur ont toujours été réguliers. Respira-
tion normale dans les deux poumons.
16 octobre. Tous les symptômes sont encore plus accusés;
depuis quelques jours seulement les mains ont commencé très
rapidement à prendre l'attitude de la griffe ; les phalanges
sont fléchies, la main est presque continuellement dans la
pronation, les mouvements de supination sont très limités et
presque impossibles, les fléchisseurs des doigts forment, au
niveau du poignet, des reliefs très marqués, par suite de l'état
de contracture des muscles ; les mouvements d'élévation du
bras sont impossibles, et lorsqu'on imprime des mouvements
de flexion ou d'extension au membre au niveau de l'articulation
du coude et du poignet, on sent une certaine raideur, une
certaine résistance, ce qui prouve que les fléchisseurs et les
extenseurs sont à peu près également contracturés.
Les membres inférieurs sont depuis trois jours, le siège d'un
oedème assez considérable, oedème très probablement paraly-
tique et qui ne semble pas devoir être attribué aux troubles
cardiaques constatés aujourd'hui seulement. Ces troubles car
CAS DE SCLÉROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 7
diaques qui n'existaient certainement pas les jours précédents,
consistent en irrégularités et inégalités et intermittences car-
diaques. Aucun bruit de souffle n'est perçu ; la malade ne s'est
jamais plainte de palpitations.
La lèvre supérieure paraît atrophiée ; la malade mange avec
maladresse, elle laisse échapper, en mangeant, les liquides et
les aliments; la moitié gauche de la langue parait un peu plus
développée que la moitié droite ( ? ? ). Léger tremblement à la
pointe.
Aucun signe de paralysie du voile du palais. La parole est
de plus en plus embarrassée, tous les mots sont dits à peu près
sur le même ton, parole monotone et traînante.
La malade fut alors, comme nous l'avons dit, envoyée par
M. IUCHARD dans le service de M. CHARCOT. Voici les notes
qui furent prises sur elles pendant son séjour à la Salpêtrière :
2 novembre 1883. Aspect de la face. Rien de spécial
au front. Orbites assez profonds, espace assez considérable
entre la paupière supérieure et l'arcade sourcillière (yeux exca-
vés). Les plis naso-labiaux sont assez marqués, mais non très
accentués ; sur tout le pourtour des lèvres, on voit des plis
rayonnés en grand nombre. Ces plis existent aussi au niveau
du menton.
La partie antéro-externe du cou, au niveau des fibres du
peaucier présente aussi des rides assez nombreuses. Les mou-
vements des paupières s'accomplissent normalement. La ma-
lade peut placer ses lèvres dans la position du baiser, elle peut
écarter les commissures labiales assez facilement'; mais, dans
ce mouvement, la commissure droite est attirée en dehors
plus fortement, et un peu plus en haut que la commissure
gauche ; à l'état de repos, les lèvres restent entr'ouvertes et
laissent voir les dents.
Elle peut tirer la langue sans trop de mal, mais seulement
d'une longueur de deux centimètres à peine, et la maintient
assez longtemps hors de la bouche. La langue ne semble pas
notablement diminuée de volume, mais elle est très pointue,
la partie antérieure étant beaucoup moins volumineuse que la
postérieure.
La surface de l'organe est à peu près normale. Cependant, il
existe quelques légers plissements un peu plus prononcés au
niveau des bords (à cet endroit ils sont verticaux) que sur la
face dorsale (où ils sont plutôt réticulés).
8 PATHOLOGIE nerveuse.
Le voile du palais encombré de mucosités gluantes, est pen-
dant et symétrique ; lorsqu'on fait pousser un son à la malade
le voile du palais se relève à peine. La sensibilité réflexe du
voile du palais est un peu diminuée, mais non abolie, que
l'excitation porte sur le voile du palais ou sur la paroi posté-
rieure du pharynx. La malade ne peut souffler une bougie
qu'à huit centimètres au plus ; lorsqu'on lui bouche le nez à
dix ou onze centimètres , la diminution de la puissance du
souffle semble donc être due surtout à la faiblesse des forces
expiratrices.
La prononciation est extrêmement défectueuse et presque
incompréhensible par suite tant de la faiblesse de la voix que
de l'articulation défectueuse. Monotonie complète. Les lettres
0 K G 1 J Q T Z sont à peu près impossibles à prononcer
pour la malade; au contraire, M F R S V sont assez bien arti-
culés.
Quand on la fait boire les liquides ne remontent pas dans le
nez, mais il arrive quelquefois qu'en buvant ou en mangeant
quelques aliments s'égarent dans le larynx. Quand elle veut
boire, il faut lui approcher le verre des lèvres, et alors elle boit
lentement, par petites gorgées, et à chaque gorgée une cer-
taine quantité s'échappe par la bouche, et, rencontrant le
liquide qui baigne les lèvres, fait entendre un glou-glou très
prononcé. -Les mouvements de diduction de la mâchoire
sont conservés. -
Les mains présentent une atrophie musculaire manifeste
avec déformation caractéristique ; à l'état de repos, elles sont
toujours placées tout près l'une de l'autre contre l'abdomen, à
peu près à la hauteur du nombril, les avant-bras sont fléchis,
en pronation et en adduction.
Les doigts sont fléchis (il y a non seulement flexion de la
phalangine et de la phalangette, mais aussi un peu de flexion
des articulations métacarpo-phalangiennes), de sorte que les
ongles viennent porter dans la paume de la main, du moins,
ceux des deux derniers doigts, car le médius et l'index sont
écartés de la paume de la main par le pouce fléchi entre eux
et celle-ci..
Le pouce est dirigé obliquement en dedans et en bas, de façon
que son ongle vient aboutir à la base de l'espace interdigital
entre le médius et l'annulaire. Il y a un certain degré d'adduc-
tion du premier métacarpien, qui est sur le même plan que les
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPIUQUE. 9
autres métacarpiens. Les tendons des long abducteur et court
extenseur, et, en général, les tendons des extenseurs, font une
saillie considérable sur le dos de la main.
Le carpe est un peu en extension sur l'avant-bras, mais se
trouve cependant presque dans le prolongement de celui-ci;
le premier espace interosseux présente une dépression assez
considérable.
Dans la paume de la main, les muscles qui s'attachent au
bord interne du premier métacarpien, et tout à fait contre ce
bord semblent avoir disparu, de même l'adducteur du pouce;
mais, entre l'une et l'autre de ces deux masses musculaires, il
reste des muscles formant un bourrelet assez notable. -L'émi-
nence hypothénar n'a pas complètement disparu. On peut,
sans trop de peine, étendre passivement les doigts, mais ils
restent cependant toujours un peu fléchis dans l'articulation
de la phalange avec la phalangine. Le pouce peut aussi être
écarté de la paume de la main, mais avec une certaine diffi-
culté. Quand on dit à la malade d'étendre volontairement les
doigts, on voit qu'elle n'y parvient pas tout à fait, il n'y a que
- la première phalange qui soit complètement étendue, la pha-
langine reste fléchie. Elle ne peut écarter ses doigts les uns
des autres. Il lui est impossible d'étendre son pouce, tous les
mouvements qu'elle peut lui imprimer sont des mouvements
de flexion. Elle n'a plus aucune force dans les mains lui per-
mettant de serrer un objet, ni de faire usage de ses doigts.
La description qui précède a été faite surtout pour la main
droite, la gauche est un peu moins atrophiée et capable de
quelques très légers mouvements. mais présente en somme un
aspect tout à fait analogue à celui de la main droite.
On éprouve une difficulté assez grande à étendre l'avant-
bras sur le bras, et à peu près la même résistance pour le
fléchir. Lorsqu'on cherche à mettre le bras en abduction par
rapport au tronc, la malade accuse une certaine douleur dans
la région de l'épaule.
Les pectoraux sont assez bien conservés et semblent avoir
une certaine force; la malade ne peut mettre les mains sur sa
tète, tout ce qu'elle peut faire, c'est de les élever à peu près à
la hauteur de sa bouche avec une grande difficulté; elle peut
lever légèrement les épaules; elle fait avec le cou tous les mou-
vements qu'on lui commande.
Les mouvements du grand dorsal existent aussi' dans une
10 PATHOLOGIE NERVEUSE.
certaine mesure ; pendant qu'on l'examine, on constate, dans
les masses musculaires du bras et de l'avant-bras droits, des
mouvements fibrillaires; il en est de même à gauche.
Les deltoïdes ne semblent par extrêmement atrophiés, et si
la malade ne peut lever les bras, cela tient surtout à la raideur
qui existe dans l'articulation scapulo-humérale, et à la douleur
que déterminent les mouvements un peu amples dans cette
articulation. On voit aussi des mouvements fibrillaires au
niveau des deltoïdes et des pectoraux. '
Les réflexes tendineux au niveau du poignet (face dorsale et
face palmaire) sont très notablement exagérés des deux côtés.
Quant aux extrémités inférieures, elles sont le siège d'un
oedème assez prononcé, surtout au niveau des pieds et des
jambes remontant jusqu'aux cuisses. Sur les extrémités de
chaque premier métatarsien au niveau de l'articulation mé-
tatarso-phalangienne, il y a une plaque rouge non ulcérée
tenant sans doute à la pression des couvertures.
Légère eschare au talon droit, et sur chaque jambe, à la
partie postérieure du mollet, eschare de l'étendue d'une pièce
de un franc; sur les fesses, eschares plus étendues, siégeant
vers la partie inférieure du sacrum, à peu de distance du sillon
interfessier.
Les membres inférieurs ne sont pas contracturés, et en les
soulevant, on fléchit aisément la jambe sur la cuisse, et celle-
ci sur le bassin. Il est impossible, vu l'existence de l'oedème,
de dire s'il y a ou non atrophie musculaire. D'ailleurs, les
mouvements du pied sont très limités; la malade peut, cepen-
dant, avec beaucoup d'efforts, arriver à faire quelques mouve-
ments de flexion plantaire, la flexion dorsale est plus difficile;
il existe aussi quelques légers mouvements d'adduction, et
quelques mouvements de la jambe; ainsi, la malade parvient à
croiser un peu un pied sur l'autre.
Les mouvements du pied gauche semblent beaucoup plus
restreints que ceux du pied droit, mais il en existe encore
quelques-uns.
Les réflexes rotuliens sont assez brusques, mais n'ont pas
une intensité considérable, et, en somme, ils ne sont pas exa-
gérés. Le phénomène du pied ne peut être provoqué, bien qu'il
ait été recherché à plusieurs reprises avec le plus grand soin.
Les réflexes cutanés plantaires existent. Quant aux réflexes
abdominaux, on ne les constate pas, mais ils sont très difficiles
CAS DE SCLEROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 11
à rechercher, vu la flaccidité et les rides du ventre, déterminées
par les grossesses antérieures; pendant leur recherche, on fait
très aisément apparaitre des raies vaso-motrices.
La sensibilité au froid ou à la piqûre est parfaitement con-
servée. De même pour les sens spéciaux : les saveurs, les
odeurs, les sons, sont parfaitement perçus.
Il n'y a pas d'incontinence d'urine ni des matières, quoique,
en réalité, la malade soit fréquemment souillée parcelles-ci;
mais c'est, dit-elle/parce qu'elle ne peut se faire comprendre et
demander le bassin quand il le faudrait, car, affirme-t-elle,
elle sent très bien qu'elle a besoin.
Le pouls est déprimé, 80 par minute, mais très irrégulier :
tantôt il y a des intermittences, tantôt des battements préci-
pités. L'auscultation du coeur ne révèle pas de souffles,
mais une faiblesse considérable des battements et les irrégu-
larités déjà constatées par le pouls.
La respiration est, elle aussi, notablement troublée, parfois
la malade éprouve de la dyspnée, sans que cependant il existe
des accès d'une intensité très grande.
Les eschares augmentent de dimensions, des phénomènes
fébriles commencent à se manifester.
Mort en décembre 1883, probablement dans une syncope.
M. le Dr Vigouroux, chef du service électro-thérapique de la
Salpêtrière, nous a donné sur l'examen électrique de la malade
les notes suivantes ; par suite de l'état assez grave où se trou-
vait la malade, et de la présence des eschares; cet examen a
été assez difficile.
12 PATHOLOGIE NERVEUSE.
L'orbiculaire des lèvres répond à 100 millimètres d'écarte-
ment pour la lèvre inférieure, et à 90 pour la supérieure (qui
est par conséquent moins excitable). Galvan. 8 El. 50°
K S Z > A S Z des deux côtés.
CAS DE SCLEROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 13
1a· PATHOLOGIE NERVEUSE.
Les membres supérieurs sont dans un état de rigidité bien
caractérisée.
Les muscles de l'éminence thénar sont un peu moins rouges
qu'à l'état normal, ceux de la région hypothénar semblent en-
core encore moins affectés ; les lombricaux sont un peu jau-
nâtres, les interosseux ne sont pas très notablement atrophiés,
mais présentent, eux aussi, une coloration jaunâtre.
Les muscles du bras et de l'avant-bras ont une coloration
normale : le deltoïde est un peu jaunâtre.
Les muscles des membres inférieurs ont un aspect normal ;
les veines principales des membres sont ouvertes pour recher-
cher si, dans quelque point, il existe une thrombose à laquelle
on puisse rapporter l'oedème des membres inférieurs ; on n'en
trouve aucune trace.
Le diaphragme a, lui aussi, un aspect normal.
Les hémisphères cérébraux ne présentent rien à signaler, les
circonvolutions motrices ne semblent pas diminuées de volume.
Les surfaces de section de la moelle fraîche montrent une
congestion assez intense de la substance grise (coloration hor-
tensia), et, en certains points, une légère teinte grisâtre sié-
geant par plaques soit au niveau des cordons latéraux, soit au
niveau des cordons postérieurs, d'une façon d'ailleurs très
irrégulière.
Examen MICROSCOPIQUE'. - Circonvolutions. - En outre
de celles dont nous allons parler, quelques circonvolutions des
régions frontale et occipitale ont été examinées, de façon à
être certain que les lésions que nous constations étaient bien
spéciales aux régions où on les trouvait et ne dépendaient
pas d'une altération artificielle plus ou moins étendue de la
substance nerveuse.
Hémisphère droit.
Circonvolution frontale ascendante droite au niveau du
lobule paracentral. On voit un très grand nombre de corps
granuleux disposés en séries linéaires dirigées de l'écorce vers
le centre ovale ; en explorant toute la coupe on ne peut
trouver une seule grande cellule pyramidale.
1 Pour ne pas allonger démesurément ce travail, nous ne donnerons
dvec détails dans l'une et l'autre observation que ceux des résultats de
l'examen microscopique qui présenteront quelque chose de spécial ;
pour le reste, nous nous bornerons à une simple énumératiou, notamment
pour les nerfs et les muscles.
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 15
Circonvolution pariétale ascendante droite au niveau du
lobule paracentral. : Dans une partie seulement de la coupe
existent les corps granuleux ; on ne trouve plus de grandes
cellules pyramidales.
Dans le reste de la circonvolution frontale ascendante, en se
dirigeant vers la scissure de Sylvius ; on retrouve encore des
corps granuleux dans les coupes pratiquées à l'union du
tiers supérieur de cette circonvolution avec les deux tiers infé-
rieurs ; plus bas, on n'en voit plus ; les grandes cellules pyra-
midales font à peu près complétement défaut ou, quand il
en existe, c'est à l'état pour ainsi dire isolé.
Dans le reste de la circonvolution pariétale ascendante il n'y
a plus de corps granuleux ; les grandes cellules pyramidales se
comportent comme dans la partie correspondante de la fron-
tale ascendante et sont très rares.
Hémisphère gauche.
Circonvolution frontale ascendante au niveau du lobule
paracentral. Quelques corps granuleux ; on constate l'exis-
tence d'une ou deux grandes cellules pyramidables sur chaque
coupe.
Circonvolution pariétale ascendante au niveau du lobule
paracentral. Pas de corps granuleux ; les grandes cellules
pyramidales se voient ici en plus grande quantité, tout en
n'étant cependant pas aussi nombreuses que sur un cerveau
normal.
Le reste de ces deux circonvolutions n'a pas présenté de
corps granuleux ; nous devons ajouter que, par suite de cer-
tains défauts de technique, les résultats négatifs de l'examen
des circonvolutions à ce niveau ne peuvent ètre considérés
comme absolument certains, bien qu'ils aient de grandes
chances d'être conformes à la réalité. n
Capsule interne. Les corps granuleux existaient des
deux côtés dans la capsule interne, mais en quantité très iné-
gale dans l'un et l'autre hémisphère.
Dans l'hémisphère gauche, ils étaient assez nombreux et se
présentaient sous la forme de deux traînées étendues entre le
noyau lenticulaire et la couche optique. Quoique tout à fait
voisines l'une de l'autre, ces traînées ne se confondaient cepen-
dant pas complètement. Elles siègaient un peu en arrière
d'une ligne, partageant par moité la partie de la capsule in-
terne comprise entre l'angle interne du noyau lenticulaire
16 PATHOLOGIE NERVEUSE.
(coude de la capsule) et son angle postérieur. Dans le sens
antéro-postérieur ces traînées occupaient l'une (l'antérieure)
l'épaisseur d'environ quatre ou cinq des faisceaux de fibres
nerveuses qui se trouvent dans cette région et dont la coupe
affecte une forme ovalaire à grand axe dirigé de la couche
optique vers le noyau lenticulaire ; l'autre (la postérieure),
moins étendue aussi bien dans le sens antéro-postérieur que
dans le sens transversal, n'occupait guère que la largeur de
deux ou trois de ces faisceaux de fibres. De sorte qu'en somme,
la surface occupée par ces deux traînées de corps granuleux,
était, onle voit, assez restreinte.
Dans l'hémisphère droit, les corps granuleux existent aussi,
mais en nombre beaucoup moins considérable ,et demandent
à être recherchés avec beaucoup d'attention ; on n'en
trouve qu'un seul groupe de forme à peu près arrondie, situé
dans le voisinage du noyau lenticulaire dans un point corres-
pondant à l'union du tiers postérieur avec les deux tiers anté-
rieurs du bord interne du noyau lenticulaire (compris entre l'an-
gle interne et l'angle postérieur de ce glanglion). La surface
occupée par ce groupe unique de corps granuleux est très
peu étendue, puisqu'on ne compte sur chaque coupe qu'envi-
ron une trentaine de ces corpuscules.
Dans la couche optique, non plus que dans le noyau lenticu-
laire on ne trouve de corps granuleux, ces gauglions ne pré-
sentent pas de lésions apparentes ; les faisceaux de fibres qui
traversent la couche optique sont notamment très bien
développés.
Pédoncules. Le pédoncule gauche seul a pu être examiné
par la méthode de la congélation.
Les corps granuleux y sont extrêmement abondants et se
voient avec la plus grande netteté, pour ainsi dire du premier
coup d'oeil. Ils sont situés à la partie moyenne de la face an-
térieure du pédoncule, dans la région qui est considérée
comme donnant passage aux fibres du faisceau pyramydal ; ils
forment trois groupes qui, d'ailleurs, ne sont pas nettement
séparés les uns des autres mais correspondent à la segmen-
tation produite dans les fibres du pédoncule par les travées
fibro-vasculaires qui occupent cette région. Ces corps gra-
nuleux sont, d'ailleurs, plus abondants à la surface du pied du
pédoncule que dans la profondeur de celui-ci. On n'en trouve
aucun dans l'espace occupé par les cellules du locus niger non
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 17
plus que dans les autres régions de l'étage supérieur du pé-
doncule.
Protubérance. La protubérance ayant été séparée en deux
moitiés par une coupe verticale sagittale, on rechercha les
corps granuleux sur la moité droite par la méthode ordinaire
de dissociation) mais sans résultat (nous devons ajouter que
cette dissociation ayant été pratiquée au moment même de l'au-
topsie, un petit nombre de préparations seulement furent fai-
tes et que cette recherche ne fut pas exécutée avec assez de
persévérance pour pouvoir affirmer l'absence de corps granu-
teux dans la moitié droite de la protubérance, on peut tout
au plus en conclure que ceux-ci étaient peu abondants.
La moitié gauche fut examinée après congélation, et on y
constata nettement l'existence de corps granuleux réunis en
un petit groupe unique situé environ à l'union du tiers anté-
rieur avec les deux tiers postérieurs, et dans le sens trans-
versal un peu en dedans d'une ligne antéro-postérieure
partageant cette moitié de la protubérance en deux parties
égales.
Moelle. Les racines antérieures des 4 premières paires
de la région cervicale sont manifestement atrophiées, celles
des autres paires semblent un peu moins volumineuses qu'à
l'état normal, presque toutes sont plus rouges et semblent
plus vascularisées qu'à l'état normal ; à l'examen microsco-
pique on ne constate nettement de lésions que sur les racines
antérieures cervicales.
Coloration par le carmin des coupes de la moelle :
Région cervicale. Outre la sclérose du faisceau pyramidal
croisé et direct, il existe encore dans la substance blanche, au
niveau de l'angle externe des cornes antérieures, une sclérose
qui forme une zone transversale s'étendant presque jusqu'à la
périphérie de la moelle ; dans la région de substance blanche
qui s'étend au-devant de la partie antérieure de la corne anté-
rieure, la sclérose est beaucoup moins marquée. Les faisceaux
de Goll présentent une coloration un peu plus foncée qu'à
l'état normal. Les faisceaux cérébelleux directs sont intacts.
Dans la substance grise il y a une diminution considérabledu
nombre des grandes cellules motrices ; cette diminution est
d'ailleurs un peu variable, suivant les différentes coupes. Sur
quelques-unes, on voit à peine deux au trois cellules dans cha-
que corne antérieure, souvent leurs prolongements ont même
Archives, t. X. 2
18 PATHOLOGIE NERVEUSE.
en partie disparu, elles se colorent d'une façon très intense par
l'acide osmique ; sur d'autres coupes il y en a un plus grand
nombre, c'est généralement alors le groupe antéro-externe qui
est le mieux conservé.
- Les noyaux sont augmentés de nombre tant dans les parois
des vaisseaux que dans le tissu de la substance grise.
Région dorsale. Mêmes lésions que pour la région cervi-
cale : -la bande de sclérose s'étend en avant jusqu'à la péri-
phérie de la moelle au niveau de l'extrémité antérieure, de la
corne antérieure; en dedans; elle se confond avec la substance
grise, en dehors laisse libre le faisceau cérébelleux. Coloration
plus foncée des faisceaux de Goll. Les cellules motrices des
cornes antérieures ont beaucoup diminué de nombre,, surtout
dans la partie supérieure de cette région. Les colonnes de
Clarke sont bien conservées.
Région Lombaire.- Dans la substance blanche, la sclérose
est presque localisée étroitement à la région occupée par le
faisceau pyramidal dans ce segment de la moelle. Les cellules
motrices des cornes antérieures sont abondantes et semblent
saines, seul le groupe antéro-interne semble plus pauvre qu'à
l'état normal.
Avec la coloration de Weigert (hématoxyline), on constate
sur les différentes coupes dela moelle les faits suivants : Dans
les faisceaux pyramidaux, les fibres nerveuses sont moins
abondantes qu'à l'ordinaire, mais le nombre n'est pas aussi
diminué que pouvait le faire supposer la coloration intense de
cette région par le carmin; les fibres nerveuses existent encore
en grande quantité, mais ce sont presque exclusivement les
très minces fibres qui persistent. Quant à ces grosses fibres qui
sur une moelle normale se voient si nettement avec leur
volumineux cylindre-axe, elles ont presque entièrement dis-
paru.
Dans la substance grise des cornes antérieures, le nombre des
fibres nerveuses est diminué d'une façon très notable; (déjà,
dans un cas de sclérose latérale amyotrophique, Kahler avait
pu constater cette diminution au moyen de la coloration par
fuchsine acide) (Weigert). Dans la moelle lombaire, le nombre
des fibres nerveuses de la substance grise semble normal.
Les fibres nerveuses qui constituent les zones radiculaires
antérieures semblaient aussi moins abondantes qu'à l'état
CAS DE SCLEROSE LATERALE AMYOTROPH1QUE. 19
normal. Au contraire, les fibres radiculaires postérieures
étaient très belles.
Dans les cordons de Goll, le tissu conjonctif est plus abon-
dant qu'à l'ordinaire; ainsi qu'on pouvait le prévoir d'après la
coloration plus foncée constatée avec le carmin, les travées en
sont plus grosses et plus nombreuses. De plus, les fibres ner-
veuses semblent un peu moins nombreuses que dans des
moelles normales prises comme terme de comparaison. Ces
caractères sont surtout nets sur des coupes de la région cervi-
cale au niveau d'une zone siégeant à l'union de la moitié anté-
rieure avec la moitié postérieure du faisceau de Goll, près de
la ligne médiane, et s'étendant un peu dans l'intérieur de ces
cordons.
Aucune apparence anormale dans les faisceaux de Bur-
dach.
Les coupes faites par congélation ont permis de voir très
nettement les corps granuleux dans les faisceaux pyramidaux
directs et croisés ; dans ces derniers, ils dépassaient un peu le
territoire généralement assigné à ces cordons, surtout vers
leur partie antérieure. Mais ces coupes n'ont été pratiquées
que dans la région cervicale.
Quant aux organes périphériques, parmi les plus atteints, il
faut citer :
La langue qui présente une diminution de nomhre et de
volume des fibres musculaires avec surcharge graisseuse et
légère augmentation du tissu conjonctif interstitiel.
Les muscles thénar et hypothénar qui laissent voir d'une
façon nette les lésions atrophiques ordinaires de la sclérose
latérale amyotrophique.
Le nerf hypoglosse est nettement altéré. Quant aux autres
nerfs (médian, cubital, radial), ils ne présentent pas de lésions
tout à fait certaines.
Le deltoïde a quelques fibres dégénérées ; le long supina-
teur n'est pas altéré.
Le coeur présente une pigmentation assez accentuée; sa
striation n'est pas très belle, mais tout cet aspect ne diffère
pas assez de ce que l'on constate à l'état normal, pour affirmer
qu'il soit pathologique.
Nous n'avons pas eu à notre disposition de nerfs ni de
muscles des extrémités inférieures.
20 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Observation II. Début par difficulté de la parole et de la
déglutition. Quatre mois plus tard, attaque apopledlforme
suivie d'augmentation des troubles bulbaires. Parésie puis-
atrophie des membres supérieurs. Paralysie des membres
inférieurs avec phénomènes spasmodiques. Mort deux ans
après le début. Corps granuleux dans toute la hauteur du
faisceau pyramidal, y compris les circonvolutions motrices.-
Diminution du nombre des grandes cellules de l'écorce.
Bornic..., soixante ans, couturière, envoyée le 15 novembre
1884, dans le service de M. le professeur Charcot, par M. le Dr
Brissaud, avec le diagnostic de sclérose latérale amyotro-
phique.
Tous les renseignements qui suivent nous ont été, vu l'im-
possibilité de parler où était la malade, fournis par la fille de
celle-ci, avec une intelligence et une précision très notables ;
nous avons pu, d'ailleurs, en contrôler l'exactitude en les reli-
sant devant la malade et l'invitant à nous faire comprendre
par des signes de tête s'il n'y avait rien à modifier.
Les antécédents héréditaires n'ont pu être recherchés, la
fille de la malade ne connaissant ni ses grands parents ni ses
collatéraux.
Quant aux antécédents personnels, les seuls que nous ayons
pu nous procurer sont les suivants : la malade a eu sept
enfants, la plupart sont morts en bas âge, un seul survit, la
fille dont nous avons parlé plus haut.
Elle a eu deux érysipèles de la face, à peu d'intervalle l'un
de l'autre : le premier en 1880, le second en 188 ! ; dans aucun
ne se montrèrent 'd'accidents nerveux notables. Quant à l'affec-
tion actuelle, voici quels auraient été ses débuts :
C'est en novembre 1882 qu'on commença à remarquer une
certaine difficulté de la parole, la malade parlait confusément,
« il semblait qu'elle grelottait lorsqu'elle se mettait à parler » ;
à ce moment déjà, elle mangeait un peu difficilement, mais
continuait cependant à faire, comme d'habitude, son travail de
couture.
En mars 1883, un soir après dîner, se sentant un peu indis-
posée, elle sort dans la cour pour se promener. Deux ou trois
minutes après, sa fille l'entend frapper à la fenêtre, elle sort
aussitôt et trouve sa mère étendue sur le dos, la bouche un
peu tirée à gauche, les yeux blancs ; la malade était alors sans
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 21
connaissance, mais elle revint à elle dès qu'on la releva; la
fille affirme qu'elle n'était paralysée d'aucun membre ; on la
coucha, elle dormit assez mal ; dès ce moment, on remarqua
que la salive avait une tendance à s'écouler de sa bouche et
que la parole était beaucoup plus embarrassée, non pas
par aphasie, mais par dysarthrie (nous avons assez insisté sur
ce point de l'interrogatoire pour pouvoir l'affirmer). C'est à
partir de ce moment que la langue a cessé de pouvoir se mou-
voir d'une façon normale.
Le lendemain matin, lorsqu'on chercha à la faire manger,
on s'aperçut qu'elle ne pouvait que boire, on la conduisit alors
à l'hôpital Tenon ; elle put faire le chemin à pied sans diffi-
culté et sans qu'on remarquât la moindre paralysie des
membres.
Pendant le séjour à Tenon, la fille dit avoir remarqué que
la langue allait de pis en pis; pendant les premiers jours de
son entrée, on avait tenu la malade au lit, mais elle ne tarda
pas à se lever, elle allait et venait dans la salle, et n'avait
aucune peine pour marcher.
Le 30 mai 1883, elle quitte l'hôpital et revient chez sa fille ;
elle parlait encore, mais très fortement du nez ; ne pouvait
manger que des aliments trempés et des panades, ne pouvait
plus travailler à l'aiguille, son pouce droit avait une tendance
à rester fléchi, mais faisait encore son ménage (moins faci-
lement d'ailleurs qu'avant sa maladie), se sentait plus faible,
marchait encore très bien.
En novembre 1883, elle eut pendant quelque temps dans les
membres des crampes très fortes, mais n'éprouva jamais de
douleurs à proprement parler.
En mars )88, la difficulté de la parole était devenue telle
qu'on ne pouvait plus la comprendre.
Tous ces phénomènes ne firent que s'aggraver : c'est vers la
fin d'avril et le commencement de mai qu'on commença à
remarquer un peu d'amaigrissement des muscles, surtout du
côté droit du corps, spécialement à la main droite. En mai, on
s'aperçut que la malade, en marchant, allait de travers, mais il
parait que cela n'était pas continu et survenait par crises, elle
titubait comme une personne ivre, ne marchait pas sur la
pointe des pieds, mais son corps se raidissait, et la tète était
penchée en avant.
Huit jours après l'apparition de ce nouveau symptôme, elle
22 PATHOLOGIE NERVEUSE.
entra de nouveau à l'hôpital Tenon. La parole, qui était déjà
incompréhensible, ne se composait plus que de quelques sons
inarticulés; cette fois encore, la malade a pu aller à pied à
l'hôpital ; mais, à partir de ce moment, elle a commencé à ne
plus pouvoir marcher qu'en se tenant aux lits et peu à peu elle
est arrivée à ne plus marcher du tout.
Etat actuel (24 novembre l88t). La malade reste tou-
jours couchée, la tète soutenue par des oreillers, les plis naso-
labiaux sont très accentués ; la lèvre inférieure un peu tom-
bante forme une espèce de moue ; la salive s'écoule de la
bouche ; les rides du front sont très prononcées.
Aux membres supérieurs on constate un certain degré
d'atrophie plus marquée à la main droite qu'à la gauche. (Les
membres supérieurs ont d'ailleurs montré de l'atrophie avant
les membres inférieurs, et tout d'abord dans la main droite où
l'index et le pouce ont commencé à se fléchir) ; dans la main
droite, les deux dernières phalanges des doigts sont un peu
fléchies, les interosseux commencent à se prendre, d'où un
certain degré de déformation en patte de singe; la flexion et
l'extension sont cependant encore assez bien conservées
dans les différents segments des membres supérieurs, mais
beaucoup mieux d'ailleurs à gauche qu'à droite, la main
gauche est à peine atteinte et la malade peut encore s'en
servir pour un assez grand nombre de mouvements. Légère
résistance des membres supérieurs aux mouvements passifs.
La main droite est plus rouge et peut-être un peu plus froide
que la gauche. .
Au dynamomètre, main gauche= 13 1{ ? main droite=71t.
Dans les membres inférieurs, résistanco cireuse aux mou-
vements passifs; ces membres naturellement étendus sont
dans l'adduction, quelquefois ils se fléchissent la nuit involon-
tairement d'eux-mêmes ; la malade ne peut les fléchir et les
étendre que d'une façon lente et par^saccades successives ; la
flexion complète est impossible.
Les extenseurs résistent assez bien, les fléchisseurs beaucoup
moins. La flexion dorsale du pied est impossible à la ma-
lade, la flexion plantaire s'exécute un peu, les pieds sont un
peu tombants. Les muscles des extrémités inférieures sont,
comme ceux de presque tout le corps, agités de palpitations
fibrillaires.
Lorsqu'on fait lever la malade, elle ne peut faire quelques
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 23
pas qu'en se tenant aux lits voisins, et encore faut-il la soute-
nir. La tête et le tronc sont très penchés en avant. La plus
grande partie de la plante du pied pose sur le sol; mais, lors-
qu'on soutient la malade pour l'aider à marcher, les pieds
ne portent que sur les pointes et se prennent l'un dans
l'antre.
Lorsque, dans le lit, on veut écarter ses deux jambes, on
éprouve une notable résistance.
Les muscles du cou sont atteints eux aussi, la malade ne
peut tenir sa tête, celle-ci tombe en arrière quand elle n'est
pas soutenue. Quand la malade veut, pendant qu'on l'inter-
roge faire un signe négatif, elle est obligée de remuer presque
tout le tronc pour imprimer à sa tête le mouvement désiré.
On constate aussi une atrophie très notable du trapèze, du
rhomboïde et des mucles de l'épaule en général '.
' Quant à la face, les rides du front sont prononcés, les sour-
cils relevés; la malade ne peut que très incomplètement ouvrir
la bouche, les arcades dentaires s'éloignent légèrement et la
salive s'écoule hors de la bouche en plus grande abondance
par la commissure labiale droite.
Elle ne peut ni tirer la langue, ni la porter soit en haut,
soit latéralement; si, avec le manche d'une cuiller, on écarte
les arcades dentaires, on voit la langue aplatie sur le plancher
buccal; la moitié antérieure est très notablement plus atro-
phiée que le reste de l'organe et présente plusieurs plis trans-
versaux formant comme des rides en travers du tiers antérieur
de l'organe.
Quand on lui dit d'avaler, par exemple, un peu de bouillon,
elle ne le fait qu'à l'aide d'une cuiller; elle remplit celle-ci à
moitié, en projette le contenu dans la cavité buccale et la
retire avec une certaine rapidité, afin de recueillir, au niveau
du menton, la portion du liquide qui sans cela tomberait sur
sa chemise; l'autre portion qui est restée dans la bouche donne
lieu, au moment de sa déglutition à une sorte de glouglou faci-
lement perceptible pour les personnes avoisinantes; il est rare
que les liquides s'engagent dans lès fosses nasales.
De temps en temps la malade fait entendre un gémissement
1 Les notes prises par M. Vigoureux sur l'état électrique des muscles
et des nerfs ont été perdues; les résultats qu'il avait obtenus ne s'éloi-
gnaient d'ailleurs en rien de ce qu'on observe ordinairement dans la sclé-
rose latérale amyotrophique.
24 PATHOLOGIE NERVEUSE.
sourd et étouffé ; quoiqu'elle ne puisse articuler, elle peut
émettre des sons laryngés mais sans modulations.
Elle ne peut ni souffler ni siffler. Impossibilité des mou-
vements de la mâchoire. Tendance à rire ou à pleurer sans
motif. La sensibilité à la piqûre au pincement, à la tempé-
rature est normale. -
La malade n'éprouve pas de douleurs, la seule sensation
pénible qu'elle ressente est un serrement au niveau do la ré-
gion sternale.
Les réflexes tendineux sont exagérés aux membres supé-
rieurs et inférieurs; trépidation du pied bien marquée.
Quand on percute avec le marteau de Skoda le maxillaire in-
férieur au voisinage de l'insertion du masséter, on détermine
très nettement la contraction de ce muscle et avec plus d'in-
tensité qu'à l'état normal.
Le réflexe cutané de la plante du pied est conservé.
Le réflexe guttural est, lui aussi, conservé; quand la malade
a la tête basse, il existe un certain ronflement produit par la
stagnation des mucosités au niveau du larynx.
Pouls, 40'N; respirations, 24; les mouvements du diaphragme
pendant la respiration semblent un peu brusques et comme
spasmodiques. Rien aux poumons. Pas 'd'intermittences
cardiaques.
La malade s'affaiblit rapidement et mourut dans la nuit du
27 novembre, probablement par syncope, sans avoir jamais
eu d'eschares.
A l'AUTOPSIE les circonvolutions ne présentent, non plus que
les méninges, rien de spécial au point de vue macroscopique.
Au microscope, la frontale ascendante droite au niveau du
lobule paracentral montre d'abondants corps granuleux, dis-
posés en série, rayonnant du centre ovale vers l'écorce ; il
existe quelques grandes cellules pyramidales, mais leur
nombre est notablement diminué ; celles qui restent ne sont
pas très développées.
La pariétale ascendante droite au niveau du lobule paracen-
tral ne contient qu'un très petit nombre de corps granuleux ;
les grandes cellules pyramidales y ont à peu près complètement
disparu, mais les cellules pyramidales moyennes sont, en
revanche, très nettes et assez abondantes.
D'autres coupes faitessur le reste du trajetdes circonvolutions
frontale et pariétale ascendantes, ne contenaient pas de corps
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 25
granuleux, non plus que les coupes faites immédiatement en
avant de la frontale ascendante.
La frontale ascendante gauche, contient des corps granuleux
en abondance, les grandes cellules pyramidales ont beaucoup
diminué de nombre, c'est à peine si on parvient à en trouver
quelques-unes. '
La pariétale ascendante gauche au niveau du lobule paracen-
tral, présente un certain nombre de corps granuleux et une
diminution du nombre des grandes cellules pyramidales.
Les autres parties des circonvolutions pariétale et frontale
ascendantes gauches ne contiennent pas de corps granuleux.
Les coupes pratiquées sur le pied de la troisième cz"¡'convlJlu-
tion frontale gauche au niveau du point où elle se jette dans la
frontale ascendante, n'ont pas montré non plus un seul corps
granuleux.
Dans la capsule interne des deux hémisphères, on retrouvait
les corps granuleux, mais dans un nombre et une disposition
bien différente si on compare les deux hémisphères entre eux.
Dans la capsule interne droite, les corps existent en assez
grande abondance; ils occupent dans le sens de la longueur de
la capsule interne plusieurs (trois ou quatre) des espaces ellip-
tiques formés par la coupe des faisceaux de fibres nerveux et
contenus dans la capsule interne. Ces corps sont au nombre
d'une vingtaine environ dans chaque espace elliptique; dans
le sens de la largeur, ils occupent presque tout l'espace qui
sépare le noyau lenticulaire de la couche optique; de plus,
non seulement les corps granuleux existent au niveau des
faisceaux de fibres coupés en travers, mais encore dans les tra-
vées qui séparent ceux-ci les uns des autres et délimitent les
espaces elliptiques dont il est question plus haut. Dans ces
travées, les corps granuleux sembleraient dus à la dégéné-
ration de fibres se portant du noyau lenticulaire à la couche
optique.
Quant à la région de la capsule interne dans laquelle siège
cette lésion, elle se trouve un peu en avant de la partie
moyenne du tiers postérieur de la capsule interne.
La capsule interne gauche présente aussi des corps granu-
leux, mais en nombre infiniment moindre que de l'autre côté.
Ici ils ne se réunissent pas en un groupe, mais sont presque
complètement isolés les uns des autres ; on peut d'ailleurs
constater que les uns, c'est la majorité, sont contenus dans
26 PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'épaisseur des faisceaux elliptiques formés par la section des
fibres nerveuses verticalement dirigées, tandis que les autres
sont situés dans l'intérieur des travées qui délimitent ces fais-
ceaux elliptiques.
La dimension antéro-postérieure de l'espace dans lequel se
rencontrent ces corps granuleux est un peu plus étendue que
celle de l'espace occupé par ces éléments du côté opposé; mais
leur dissémination est telle du côté gauche qu'ils sont en réa-
lité beaucoup moins nombreux.
La région de la capsule interne où siège cette lésion est
située à l'union du tiers moyen avec le tiers postérieur, empié-
tant plutôt un peu sur celui-ci.
Moelle cervicale. Le nombre des grandes cellules des
cornes antérieures est très diminué. Celles qui persistent et
dont le nombre est variable suivant les coupes sont plus
petites, plus arrondies; leurs prolongements sont moins nets.
Avec la méthode de Weigert, diminution du nombre des fibres
nerveuses dans les cornes antérieures.
Dans la substance blanche : sclérose des faisceaux de Türclc,
sclérose des faisceaux latéraux, occupant non seulement le
territoire des faisceaux pyramidaux, mais encore s'étendant en
avant d'une façon bien marquée jusqu'au niveau de la partie
antérieure de la corne antérieure. Quant à la portion de subs-
tance blanche située en avant de celle-ci, elle présente aussi
de la sclérose, mais moins accentuée.
Les faisceaux de Goll montrent un certain degré de sclérose
dans presque toute leur étendue et, par l'emploi delà méthode
de Weigert (hématoxyline et prussiate de potasse), on constate
que les fibres nerveuses y sont moins nombreuses, surtout
près du sillon postérieur il l'union du tiers postérieur avec les
deux tiers antérieurs.
Rien à signaler dans les faisceaux de Burdach.
Les coupes faites par congélation et colorées par le bleu de
quinoléine montrent les faits suivants :
Corps granuleux au niveau du faisceau pyramidal croisé,
existant aussi, mais en petit nombre, en avant de celui-ci ; il y
a notamment un ilôt d'une dizaine de ces corps dans la subs-
tance blanche près de la périphérie de la moelle, au niveau
d'une ligne horizontale passant par l'angle externe de la corne
antérieure. Dans le reste du cordon antéro-latéral, ces corps
granuleux n'existent en abondance que dans le faisceau de
CAS DE SCLÉROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 27
Türck; on en trouve quelques-uns encore dans la partie du
cordon antéro-latéral située en avant de la corne antérieure,
mais ils siègent dans les travées conjonctives qui donnent pas-
sage aux fibres radiculaires antérieures et aux vaisseaux; la
plupart de ces corps semblent contenus dans les espaces
lymphatiques qui entourent ces derniers. Sur quelques coupes
on aperçoit un ou deux corps granuleux situés non plus dans
les processus radiculaires antérieurs mais bien au milieu des
fibres nerveuses et paraissant provenir de la destruction de l'une
d'elles; mais c'est, nous le répétons, à l'état complètement isolé.
Les corps granuleux se retrouvent aussi dans quelques-uns
des faisceaux de fibres verticales circonscrits parles expansions
du tractus intermedio-lateralis.
A la périphérie de la moelle, on en trouve quelques-uns dans
le faisceau cérébelleux direct, depuis une ligne frontale pas-
sant par les angles externes des cornes antérieures jusqu'au
point de sortie de la corne postérieure; au niveau du faisceau
pyramidal croisé proprement dit, ces corps sont même assez
nombreux dans les faisceaux cérébelleux.
Dans les cordons postérieurs, et notamment dans la partie
sclérosée des faisceaux de Goll, nous n'avons jamais vu un seul
corps granuleux dans l'épaisseur des fibres nerveuses; on en
observe quelquefois en très petit nombre dans l'interstice entre
la corne postérieure et le cordon postérieur, mais toujours ils
siègent dans les espaces périvasculaires, et proviennent, par
conséquent, de points plus ou moins éloignés.
La substance grise contient aussi des corps granuleux,
quoique en bien moins grand nombre que la substance blanche;
ils siègent, pour la plupart, dans les espaces périvasculaires;
quelques-uns sont contenus dans les cellules nerveuses, indi-
quant ainsi leur altération plus on moins avancée, tantôt il
n'y a pour ainsi dire que quelques fines granulations bleues,
siégeant à l'un des pôles de la cellule, tantôt la cellule a presque
entièrement disparu et ses restes sont accolés à un volumineux
corps granuleux.
Moelle dorsale. Sa forme n'est pas régulière, le sillon pos-
térieur s'incline très notablement vers la droite, un peu avant
d'arriver sur la commissure grise, la corne antérieure droite
est plus petite que la gauche; cette malformation n'a d'ailleurs
vraisemblablement rien à faire avec la sclérose latérale amyo-
trophique.
28 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Disparition presque complète des grandes cellules de la subs-
tance grise, ainsi que des fibres nerveuses contenues dans
celle-ci.
Sclérose des faisceaux pyramidaux et un peu aussi des autres
parties du faisceau antéro-latéral.
Sclérose assez nette des cordons postérieurs formant dans
chacun de ceux-ci une N dont l'extrémité libre du jambage
externe aboutit au coude de la corne postérieure, tandis que le
jambage interne se prolonge à son extrémité adhérente d'une
longueur égale à lui-même et constitue ainsi une ligne antéro-
postérieure située dans le cordon de Goll, et aboutissant par sa
partie antérieure à la commissure grise, au niveau de laquelle
il se confond avec le jamhage analogue (cordon de Goll) du côté
opposé; les autres branches de cet N n'atteignent pas en arrière
la périphérie de la moelle.
Sur les coupes faites par congélation et traitées par la quino-
léine, on voit que les corps granuleux existent en très grand
nombre dans le territoire classique du faisceau pyramidal croisé
et un peu en dehors de celui-ci qui se trouve ainsi agrandi
dans tous ses diamètres; de plus, on en trouve dans les autres
parties du faisceau latéral jusqu'à une ligne frontale passant
par la face antérieure des cornes antérieures, mais ils sont à
l'état isolé ou par groupes de deux ou trois seulement, un peu
plus nombreux dans le voisinage de la substance grise qu'à la
périphérie de la moelle. Au devant des cornes antérieures, ces
corps granuleux deviennent beaucoup plus nombreux, ils sont
surtout abondants dans la partie du faisceau antérieur située
près de la périphérie de la moelle, en avant; au contraire, il
n'y en a pour ainsi dire pas dans la région qui correspondrait
aux faisceaux de Tilrck.
Dans toute l'étendue des faisceaux antéro-latéraux et dans
la partie antérieure de la substance grise, les corps granuleux
sont assez abondants dans les espaces périvasculaires.
Un certain nombre de cellules nerveuses des cornes anté-
rieures présentent aussi des granulations bleues plus ou moins
volumineuses. Pas de corps granuleux dans les cornes posté-
rieures ni dans les cordons postérieurs.
Moelle lombaire. La sclérose occupe très nettement le
territoire du faisceau pyramidal croisé; il y a, de plus, un très
léger épaississement de la névroglie à l'entour des cornes anté-
rieures, mais cela est extrêmement peu remarqué.
CAS DE SCLEROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 29
Dans les cordons de Goll, le long du sillon postérieur, légère
teinte de sclérose ; il y a aussi quelques vestiges de sclérose
dans les cordons de Burdach, suivant une trainée dirigée de
dedans en dehors, et située à l'union du tiers postérieur avec
les deux tiers antérieurs de ces faisceaux.
Les cellules des cornes antérieures existent en assez grand
nombre, mais ne semblent pas cependant tout à fait aussi
abondantes qu'à l'état normal. Quelques-unes ont des bras
très longs et bien ramifiés, d'autres n'en ont presque pas. Les
fibres nerveuses de la substance grise paraissent aussi moins
abondantes qu'à l'état normal, mais cela est beaucoup moins
net que dans les autres régions.
Sur les coupes par congélation colorées avec le bleu de qui-
noléine, les corps granuleux sont nombreux dans le territoire
du faisceau pyramidal croisé, quelques-uns, aberrants, se
trouvent dans le voisinage de celui-ci.
Dans le reste des -faisceaux antéro-latéraux, se voient de
chaque côté une quinzaine environ de corps granuleux com-
plètement isolés, mais un peu plus nombreux cependant près
de la périphérie de la moelle au voisinage de l'extrémité anté-
rieure du sillon antérieur. Quelques corps granuleux se
trouvent de plus dans les espaces périvasculaires.
Il y en a très peu dans la substance grise, beaucoup moins
que dans les autres régions de la moelle; un très petit nombre
seulement de cellules nerveuses des cornes antérieures ont
pris la coloration bleue et peuvent être considérées comme
altérées.
Quant aux lésions des organes périphériques, elles n'ont été
recherchées que dans un nombre assez restreint de ceux-ci.
Les nerfs hypoglosses droit et gauche étaient nettement alté-
rés ; le nerf plantaire interne droit semble présenter aussi
quelques fibres altérées et peut-être un peu de sclérose.
Quant aux autres nerfs examinés, nerf cubital droit, nerf
médian gauche, nerf collatéral interne du pouce, ils n'ont pas
présenté d'altérations, ou, 'tout au moins, s'il existait quelques
légères déviations de l'aspect normal, elles n'étaient pas assez
nettes pour qu'on put les regarder comme sûrement patholo-
giques. L'examen des coupes du nerf sciatique, à sa partie
supérieure, permet de conclure, suivant toute apparence, à la
disparition d'un certain nombre de fibres nerveuses.
La langue est, comme nous l'avons dit dans la partie cli-
30 PATHOLOGIE NERVEUSE.
nique, atrophiée surtout dans sa partie antérieure; au micros-
cope, diminution considérable du nombre et aussi du volume
des fibres musculaires, la striation est généralement conservée;
pas ou très peu de dégénération granuleuse ; mais ce qui domine,
c'est une augmentation très accentuée des cellules adipeuses
du tissu interstitiel.
Dans le larynx, le muscle de la corde vocale inférieure était
altéré d'une façon évidente, les muscles voisins ne l'étaient
pas, ou l'étaient beaucoup moins.
Parmi les muscles des extrémités, les interosseux palmaires
du troisième espace, à droite et à gauche, ont des fibres dimi-
nuées de volume, dont la striation manque ou est peu nette,
et, contenant quelques granulations graisseuses dans certains
points, l'augmentation du nombre des noyaux n'est pas con-
sidérable ; pas d'augmentation notable du tissu conjonctif.
Dans le court fléchisseur des orteils droits, la striation a en
' grande partie disparu : granulations graisseuses, augmentation
du nombre des noyaux.
Le long supinateur, le jambier antérieur, le biceps fémoral
n'ont pas paru altérés'.
Nous croyons nécessaire de donner quelques détails
sur la technique que nous avons employée pour la
recherche des corps granuleux, dans l'intérieur des
hémisphères cérébraux et dans la moelle.
Toutes les coupes ont été faites par la méthode de
congélation (microtome de Roy, perfectionné par
Malassez), le centre ovale ayant été préalablement des-
siné par transparence sur une larme de verre était
divisé en carrés de 3 centimètres de côté environ ;
sur chacun de ces carrés étaient faites, après congéla-
tion, des coupes de 1 à 2 cinquantièmes de millimètre.
'L'examen du bulbe n'a pu encore être fait complètement, la série des
coupes méthodiques pratiquées avec un soin tout particulier et une grande
habileté par M. le Dr Melotti (de Bologne) n'étant pas encore tout a fait
terminée ; nous avons pu cependant constater dans les deux observations
les altérations classiques des faisceaux pyramidaux et du noyau de
l'hypoglosse.
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 31
On peut ainsi non senlement voir très nettement les
corps granuleux, mais encore les voir in situ et par
conséquent arriver à étudier leur localisation de la
façon la plus minutieuse; c'est là un avantage incon-
testable sur la méthode par dissociation au moyen
des aiguilles avec laquelle il est absolument impos-
sible d'explorer tous les points d'une surface un peu
étendue et qui, même en ayant soin de diviser en mor-
ceaux très petits la pièce à examiner ne donne sur
la place occupée par les corps granuleux que des
renseignements peu précis.
Quant à la recherche des corps granuleux eux-
mêmes dans les coupes, plusieurs cas peuvent se pré-
senter : 1" les coupes ont été faites au moment
même de l'autopsie (ce qui est surtout facile pour les
circonvolutions, beaucoup plus que pour la capsule
interne) on les recueille dans la liqueur de Mùller
préalablement bouillie, et on l'examine soit immé-
diatement, soit après quelques heures ou quelques
jours de séjour dans celle-ci ; la coloration jau-
nâtre produite par le bichromate sur les différentes
parties de la coupe fait admirablement ressortir les
corps granuleux et on peut ainsi les distinguer de la
façon la plus nette sans le secours d'aucun réactif;
cependant il peut arriver que, soit dans les circonvolu-
tions, soit dans la couche optique des cellules ner-
veuses un peu granuleuses présentent jusqu'à un
certain point l'aspect de corps granuleux. Aussi sera-t-
il bon de laisser quelques coupes pendant cinq ou dix
minutes dans le picro-carmin avant de les examiner.
Cette cause d'erreur sera ainsi facilement évitée, car
dans le cas où on aurait eu affaire à des cellules ner-
32 PATHOLOGIE NERVEUSE.
veuses, le corps et le noyau de celles-ci apparaîtront
très nettement colorés en rouge.
2° Les pièces sont restées dans la liqueur de llIüller
pendant un mois ou deux. Dans ce cas, les corps gra-
nuleux sont quelquefois un peu moins facilement dis-
tingués. Pour les faire apparaître plus sûrement, il sera
bon d'exposer, pendant quelque temps, les coupes aux
vapeurs d'acide osmique; on voit alors les corps gra-
nuleux se colorer en noir beaucoup plus foncé que
les fibres à myéline entre lesquelles ils se trouvent.
On peut encore employer la méthode de coloration de
Kornilowich' ou celle par le bleu de quinoléïne 2; la
méthode de coloration de Weigert (hématoxyline et
prussiate de potasse) permet aussi de les voir; mais
elle nous a généralement donné de moins bons résul-
tats que les précédentes.
Enfin, dans le cas où les coupes sont trop épaisses,
pour qu'on puisse distinguer nettement les corps gra-
nuleux, on parviendra à reconnaître sûrement leur
existence en ayant soin d'écraser la coupe sous le
couvre-objet, soit avec le doigt, soit avec un morceau
de moelle de sureau. En opérant cet écrasement d'une
façon progessive, on pourra encore reconnaître le
lieu où siègent les corps granuleux par rapport aux
parties voisines et l'on saura ainsi où les chercher
dans les coupes n'ayant pas subi l'écrasement; mais,
en général, il n'y a pas lieu de recourir à cet artiûce
et sur des coupes de 2 à 3 cinquantièmes de milli-
1 Progrès médical, 1884. ? Cette dernière coloration, étudiée spécialement par l'un de nous en
collaboration avec M. lluet, n'a été appliquée qu'aux coupes de moelle;
ses résultats ont été supérieurs à ceux obtenus par l'acide osmique. Il est
vraisemblable qu'elle réussirait aussi bien pour le cerveau.
CAS DE SCLEROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 33
mètre, il est toujours facile de reconnaître les corps
granuleux; or, avec le microtome de Roy, on peut
sans peine faire par congélation des coupes de 2 cin-
quantièmes de millimètre; la seule difficulté consiste
quelquefois, surtout pour la capsule interne à dérou-
ler les coupes une fois faites, mais on finit toujours
par y arriver.
Nous avons, à propos de chaque autopsie, indiqué la
topographie des lésions dans les différents segments
de l'axe cérébro-médultaire ; nous allons maintenant
rappeler d'une façon générale leurs caractères.
Dans les circonvolutions, on constate, d'une part, la
disparition totale ou la diminution du nombre des
grandes cellules 'pyramidales de l'écorce; dans t'OBSER-
VATION I au niveau du lobule paracentral, on ne trou-
vait plus de ces grandes cellules. Un peu au-dessous,
on en rencontrait quelques-unes, mais tout à fait iso-
lées. Dans l'OBSERVATION II, au niveau du lobule
paracentral sur quelques coupes, la disparition était
complète; mais, en général, on trouvait encore
quelques-uns de ces éléments, mais en nombre très
minime. Sur aucune préparation nous n'avons pu
retrouver ces nids de grandes cellules pyramidales
qu'il est si facile de trouver sur un cerveau normal,
toujours ces cellules se montraient absolument isolées
les unes des autres, et c'est à peine si, dans les prépa-
rations les plus favorables, on en comptait six ou
sept, alors que sur des circonvolutions normales prises
comme terme de comparaison en en trouvait un
bien plus grand nombre.
Ajoutons, que pour la plupart, ces cellules n'étaient
pas aussi volumineuses, aussi belles qu'à l'état nor-
Archives, t. X. 3
3t ' PATHOLOGIE NERVEUSE.
mal, leurs prolongements semblaient moins anguleux;
cependant, ni dans leur noyau, ni dans leur corps il
ne nous a été donner de constater d'altérations notables;
peut-être se coloraient-elles par l'acide osmique d'une
façon un peu plus intense qu'à l'ordinaire( ? ).
Quant aux autres cellules de l'écorce, elles ne nous
ont pas semblé modifiées, les cellules pyramidales
moyennes étaient notamment assez belles et assez nom-
breuses.
Les corps granuleux n'ont pu être retrouvés dans la
substance grise de l'écorce; dans la substance blanche,
ils étaient, comme nous l'avons dit, très nombreux.
Leur quantité n'était d'ailleurs pas la même dans toute
l'étendue de la substance blanche et, sur certaines
coupes (suivant la direction des fibres), on les voyait
très abondants dans l'a moitié où lès trois quarts de
la largeur de la préparation, tandis qu'ils étaient t.rès
rares ou manquaient dans l'autre partie ; on peut donc
dans une même circonvolution, les voir plus abondants
dans certains faisceaux de fibres que dans d'autres.
Quant à leur disposition, elle coïncide très nette-
ment avec la direction des fibres du faisceau pyrami-
dal ; tantôt isolés, tantôt groupés par trois ou quatre
placés bout à bout, l'es corps granuleux forment des
séries linéaires dirigées de l'écorce vers le centre ovale;
à mesure qu'on se rapproche de l'écorce, ces séries
divergent et tendent à former l'éventail. Comme nous
venons 'de le dire, 'la majorité des corps granuleux
semble siéger ' sur le trajet des fibres nerveuses, et
vraisemblablement dans leur épaisseur même, consti-
tuant un stade de leur désintégration; mais, de plus,
on en rencontre quelques-uns, assez peu abondants
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPl\1RE. 35
d'ailleurs, dans les espaces périvasculaires ; dans les
cas de sclérose en plaques que nous avons examinés.'
ces espaces étaient, au contraire, tout à fait farcis de
ces éléments. (A suivre.)
PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE
altérations DE la moelle ÉPINIÈRE causées par
l'élongation du nerf sciatique ' ;
Par PAULINE TAUNOWSKL
Bénédikt2 fait part de l'examen microscopique d'un
tabétique auquel on avait pratiqué l'élongation du
nerf sciatique. Une grande amélioration s'en était
suivie. Le malade mourut accidentellement cinq mois
après. A l'examen microscopique, on trouve une dégé-
nérescence grise occupant les cordons postérieurs
dans toute l'étendue de la moelle.
Cavafy3, ayant pratiqué dix-neuf fois la traction ner-
veuse chez des tabétiques, cite une de ses observations
où une grande amélioration avait suivi ce traitement.
Le malade mourut deux mois après. A l'autopsie, on
1 V. t. IX; 1. 289.
2 Benedikt. - Varlctufige l1liltlteilll1l ! } übei, Nervendelll/u1t ! }. Wiener
med. Presse, 1881, 24ter juli.
3 Cavafy. - Sciatic 2zei-ve stretchiug in locomotor ataxia. Réf. dans le
Lancet, 1881.
36 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
constata une dégénérescence très accusée des cordons
postérieurs de la moelle. Nicoladoni élongea les
quatre nerfs intercostaux inférieurs à un malade qui
mourut le lendemain. La moelle épinière et les nerfs
sus-nommés furent trouvés parfaitement indemnes ( ! )
Rumpf3 communique au huitième congrès des psy-
chiatres et des neuropathologues allemands, l'obser-
vation de Laquer : Un malade soumis à la traction
bilatérale des nerfs sciatiques mourut le neuvième
jour d'une hémorragie de la moelle. Depuis vingt ans
syphilitique, ce malade souffrait depuis trois ans de
tabes. A l'autopsie, on constata une hémorrhagie sous
la pie-mère dans toute l'étendue de la région dorsale
jusqu'à la région lombaire. Dégénérescence grise des
cordons postérieurs. Sclérose des parois des vais-
seaux sanguins.
Weltrubski 3 (Progrès clinique du professeur Gussèn-
bauer) fit une traction bilatérale du nerf sciatique à
un ataxique souffrant en outre d'une inflammation vési-
cale. Après l'opération les troubles moteurs et ceux de la
sensibilité s'aggravèrent. Mort le trente-troisième jour
d'une inflammation purulente des reins. L'autopsie
faite par le professeur Klebs montra une sclérose
typique des cordons postérieurs de la moelle, une
hémorragie sous les méninges et des traces d'un
processus inflammatoire dont la provenance peut-être
mise sur le compte du traumatisme subi par la moelle.
1 Nicoladoni. Beitrdge zur Neroerzchirurgie. (lVieller med. Presse,
1882, ne 27.)
2 Rumpf. Bericht uorz VIII Wander-Sammelung der Südwestdentsch
Neurologen med. b-rend1'fzte.
3 Weltrubski. - Er/'ahrungen iiber Nervendehnung, (prag. med. lVa-
chenschr., 1882, no5 11 et suivants).
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 37
Rosenstein' 1 (Clinique du professeur Bergère à
Breslau) : Un malade ancien syphilitique, accusait
depuis plusieurs années des symptômes bien marqués
d'ataxie locomotrice; absence des réflexes du genou,
démarche ataxique, parésiedel'oculo-moteur,diplopie
etc. Le malade se fit opérer à Berlin. Une traction
bilatérale des nerfs sciatiques lui fut faite, d'après son
désir. Du côté gauche, la plaie se ferma par première
intention. Du côté droit, il y eut suppuration. L'incon-
tinence d'urine nécessita un changement perpétuel du
pansement. La fièvre s'alluma dès le second jour,
le pus se fraya un chemin le long de la gaine du nerf,
et le malade mourut un mois après l'opération. L'au-
topsie fut faite par le professeur Marchand. Dans sa
partie supérieure, la moelle fut trouvée aplatie ; sur
toute son étendue la moelle présentait une altération
de forme triangulaire, de coloration gris jaunâtre
occupant les cordons postérieurs. Ces derniers étaient
un peu atrophiés. Les racines postérieures de la queue
de cheval étaient plus minces que d'ordinaire et de
couleur gris rougeâtre.
La moelle durcie, examinée au microscope par le
Dr Rosenstein, présenta à la région lombaire un léger
épaississement des méninges ; une dégénérescence des
cordons postérieurs, principalement près des cornes
postérieures; peu de fibres nerveuses normales. Des
deux côtés de la fissure longitudinale se trouvait un
filet de tissu normal séparé des parties voisines par du
tissu conjonctif. Beaucoup de corpuscules amyloïdes
1 Rosenstein-Moritz. Ein Fail voit Nel't'endell1l11llg bei tabes dorsalis
(Arch. fïiî, Psychiatrie, etc., XVI, 1884.)
38 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
dispersés dans le voisinage. -Les parois des vaisseaux
sanguins qui suivent la fissure longitudinale étaient
épaissies et contenaient des corps amyloïdes. Ces
derniers abondaient également autour du canal central.
Développement du tissu conjonctif dans les cordons la-
téraux.
La dégénérescence des cordons postérieurs et la-
téraux était symétrique des deux côtés. La substance
grise ne présentait rien d'anormal. Les cellules ner-
veuses étaient indemnes. Sur les coupes faites au
niveau du quatrième et du cinquième nerf lombaire,
on trouvait du pigment dans les cellules nerveuses des
cornes antérieures. Pas de vacuoles.
Région dorsale : Au niveau du dixième nerf dorsal la
substance grise des cornes postérieures et antérieures
est normale. Dégénérescence diffuse des cordons pos-
térieurs ; sclérose des vaisseaux, corpusculesamyloïdes.
Le même tableau se retrouvait presqu'en totalité au
niveau du deuxième nerf dorsal. La dégénérescence
occupait principalement le segment postérieur du
faisceau de Goll, dont le segment antérieur était
moins altéré. L'altération se retrouvait au voisinage
de la corne postérieure. Cette dernière contenait par
place un développement du tissu conjonctif.
. La région cervicale, au niveau du cinquième nerf
cervical et plus haut, présentait une dégénérescence
bien accusée du faisceau de Goll dans toute son étendue.
On constatait un grand nombre de corpuscules
amyloïdes autour du canal central. '
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE EPIXIHRH. 39
GROUPE III. Recherches expérimentales sur l'élon-
gation des nerfs chez les animaux sans examen de la
moelle épinière.
M. Duvault' communique dans sa thèse six expé-
riences sur des chiens, auxquels il élongea et broya
les nerfs, sur une sonde cannelée selon la méthode du
professeur Verneuil. Le Dr Duvault observa Ja dégéné-
rescence du bout périphérique du nerf opéré, tandis
que le bout central restait normal.
Le Dr Geu fit dans le laboratoire du professeur
Tarchapopo, à Saint-Pétersbourg, des recherches sur
l'élongation des nerfs chez les grenouilles, les lapins et
les chiens et communiqua des données très intéres-
santes quant au poids auquel résistent les nerfs, leur
propriété au point de vue du courant inductif et les
altérations microscopiques que fait subir aux nerfs
la traction. Ainsi, d'après cetauteur, le nerf sciatique
de la grenouille résiste aupoids de 60 à 140 grammes;
ce qui dépasse de deux à quatre fois le poids du ba-
tracien.
Chez les lapins et les jeunes chiens, le nerf cédait
au poids de 600 à 1,600 grammes. L'examen micros-
copique démontra qu'une faible traction de 5 à
10 grammes chez les grenouilles et de 200 à
300 grammes chez les lapins n'exerçait aucune in-
fluence sur les fibres nerveuses, traitées par l'aide
osmique. Entre '300 à 600 grammes on y remarquait
1 Duvault. De la distention des nerfs comme moyen thérapeutique.
Thèse de Paris, 1876.
2 Geu (A). -De la distention des nerfs. (Journal de médecine militaire,
St-Pélel'b., 1879, décemb.) . 1
40 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
des renflements. Un poids dépassant 600 grammes
occasionnait des altérations de la myéline et du cy-
lindre-axe, en laissant la gaîne de Schwan intacte.
Les observations que l'auteur fit sur les courants ner-
veux, avant et après la traction, prouvèrent que la
conductilité augmente après les tractions nerveuses.
M. Geu diffère en ce point de plusieurs autres obser-
vateurs, tels que Schleich, Conradi, Otto et Valentin.
L'irritabilité du réflexe diminue après un poids qui
atteint la moitié de la force nécessaire pour rompre le
nerf.
Trombetta fit une étude intéressante sur le cadavre,
concernant la résistance qu'opposent les nerfs au poids,
dont voici l'énoncé : le nerf sus-orbitaire supporte une
force de gr. et demi, le sous-orbitaire 5 gr. et demi.
Le plexus brachial supporte, à la région cervicale, de
22 à 29 kilogr.; dans le creux axillaire, de 16 à
37 kilogr. Les nerfs radial et cubital, 26 à 27 kilogr.
Le nerf médian et le crural, 38 kilogr. Le nerf poplité,
52 kilogr., et le sciatique, 84 kilogr.
Le Dr Gillette', qui fit également des recherches sur
la même question, constata une résistance de 75
à 150 kilogr. pour le nerf sciatique chez les vieillards,
et de 300 kilogr. chez l'homme vigoureux. Pour ses
expériences, le Dr Gillette se servit de son appareil,
sorte de balance romaine, dont la poignée en bois
supporte une tige à l'extrémité de laquelle est fixé un
dynamomètre, qui indique la force de la traction.
1 Tl'ombetta. - Sullo sliramento dei nervi, sliitlic pathologia e clinic
Messina, 1880.
2 Gillette. - Loc. cft.
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. lift
Johnson Syminton' entreprit des expériences ana-
logues sur le cadavre et constata pour le nerf sciatique,
à son émergence, une résistance de 86 à 176 livres
anglaises.
Brown-Séquard2 fit un grand nombre d'expériences
physiologiques sur des animaux, relativement à l'in-
fluence qu'exerce la traction des nerfs sur la sensibi-
lité, et obtint les résultats importants qui suivent :
l'élongation des nerfs amène un retour de la sensibilité
dans le membre où l'hémisection de la moelle épinière
avait produit de l'anesthésie, souvent l'anesthésie était
remplacée par l'hyperesthésie. Chez presque tous les
animaux soumise une hémisection de la moelle dorsale,
l'hyperesthésie causée par cette lésion dans le membre
postérieur du côté correspondant s'est augmentée après
l'élongation du nerf sciatique de l'autre membre. Chez
tous les animaux soumis à ces expériences, il y a eu,
dans le membre postérieur où l'élongation du nerf
sciatique il été faite, une paralysie plus ou moins mar-
quée et persistante, et une élévation de température
de ce membre. Non seulement les parties animées par
le nerf sciatique recouvrent leur sensibilité après
l'élongation de ce nerf, mais le même phénomène
s'observe dans les parties non animées par le sciatique
et est qualifié par Brown-Séquard de « phénomène
d'inhibition ».
Quinquaud élongea le nerf cubital et produisit une
1 Johnson Symington. Archives générales de médecine. (Voir l'ar-
ticle de M. Chauvel, loc. cit., 1881, p. î07.
2 Brown-Séquard. Nouveaux faits relatifs à l'élongation du nerf
sciatique. (Gazette médicale de Paris, 1881, no 10.)
3 Quinquand. - Elongation des nerfs. (Progrès médical, 1881, nos 12
et 13.)
42 1) PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
anesthésie légère. Immédiatement après, il étirait le
nerf sciatique et constatait le retour de la sensibilité
dans la région du cubital. M. Quinquand explique ce
phénomène par une action à distance, « transfert par
irritation; transfert mécanique ».
Prévost ' répéta les expériences de MM. Brown-
Séquard et Quinquaud, mais ne put constater la resti-
tution de la sensibilité affaiblie du côté opposé à l'hé-
misection de la moelle, après l'élongation du sciatique
faite du côté de l'hémisection, ni une modification de
la sensibilité d'un nerf à la suite de l'élongation d'un
autre nerf. Dans son excellent travail, M. Prévost
cherche à élucider encore une autre question : il pra-
tiqua l'élongation de différents nerfs chez les cochons
d'Inde rendus épileptiques, dans le but de chercher
à modifier par cette opération les accidents nerveux.
Après trente-deux expériences, l'auteur n'obtint
qu'un résultat négatif. L'élongatiDn successive de plu-
sieurs nerfs amena plutôt une aggravation des symp-
tômes de l'épilepsie. Les recherches microscopiques
démontrèrent des tubes nerveux manifestement altérés
et offrant l'apparence de ceux que l'on rencontre dans
la névrite.
MM. Debove et Laborde ne purent pas non plus
constater les résultats obtenus par Brown-Séquard.
Witkowski a, examinant au microscope le nerf scia-
tigue d'un cadavre, y découvrit, il côté des tubes ner-
1 Prévost. Expériences relatives it l'élongation des nerfs et aux né-
v ? Ie.ir. (lévite iiiédicale (le 1(i Suis,;e lioiïtaite, 1881, 1). 4(3u.)
2 Debove et médicale de la Suisse Romane, 1881, p. 4G'J.)
2 Debove et Laborde. Gazette médicale de Paris, 1881, 19 février.
3 Witkowski. Zur Nervendehnung, etc. (Aoch. sur Psych., etc., 1881
2. p. 532.) . .
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 43
veux indemnes, d'autres tubes, dont la myéline se
coagulait en gouttelettes. On finit par découvrir qu'une
élongation forcée avait été pratiquée du vivant du
malade pour une contracture. M. Witkowski entreprit
des tractions nerveuses chez des lapins et des cochons
d'Inde et constata la dégénérescence du bout périphé-
rique, tandis que le bout central restait intact. En
somme, il se prononce en faveur de cette opération
qui est appelée, selon lui, à rafraîchir tous les proces-
sus physiologiques qui s'élaborent dans les nerfs.
Zederbaum 1 (laboratoire du professeur Kronecker)
fit des expériences sur le poids que peut subir le nerf
sciatique de la grenouille. L'irritabilité réflexe diminue
après un poids excédant 400 gr. L'irritabiiité motrice
seulement après un kilogramme.
Stintzing2, dans la partie expérimentale de son
excellente monographie, prête une attention spéciale
à la réaction musculaire qu'on constate après la trac-
tion nerveuse chez le chien, le renard et le cochon
d'Inde, et conclut que la traction d'un nerf mixte
amène toujours des parésies dans la région du nerf
élongé; que les parésies intéressent la sensibilité, les
fonctions motrices et trophiques à un degré égal ; que
l'action nerveuse baisse en proportion de la force de
la traction; que l'activité nerveuse se rétablit même
après des élongations violentes ; que la régénération
est encore possible quand la force déployée ne dépasse
pas la moitié du poids de l'animal, (p. 113-114); que
1 Zederbaum Ad. Ne,veîideh7tuîtg and Nervendruck. (.9·ch. sur
Physiologie, 1883, 2 et 3.) .
2 Stintzing. - Ueber Neruendehn2ttg. Eine expprimentalle und klinische,
studie, Leipzig, z4883. ,
44 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
l'élonagtion d'un nerf peut réagir sur d'autres, surtout
sur des congénères du côté opposé, sous ce rapport,
l'auteur partage l'opinion énoncée par MM. Brown-
Séquard, Quinquaud, Marcus, Gellé, Viet, etc.
Groupe IV. Recherches expérimentales sur l'élon-
gation des nerfs chez les animaux avec examen mi-
croscopique de la moelle épinière.
L'élongation des nerfs réagit-elle sur la moelle épi-
nière ? Y produit-elle au moins des altérations mor-
phologiques ? Voilà des questions sur lesquelles les
différents auteurs ne sont guère d'accord, et sur les-
quelles on ne trouve que des indications vagues dans
la littérature concernant l'élongation des nerfs. Dans
maints articles relatifs à ce sujet, cette question est
complètement passée sous silence. Certains auteurs,
comme Vogt, Haber, Harless, Conrad prétendent que
l'élongation des nerfs ne réagit pas sur la moelle.
D'autres, au contraire, comme le Dr Gillette', le pro-
fesseur Güssenbauer 2 maintiennent que la traction
nerveuse peut même être observée à l'oeil nu sur la
moelle d'un cadavre. Le Dr Gillette fait placer la main
d'un aide au niveau du bulbe ; en tirant fortement
sur le sciatique, l'aide sent nettement la moelle se
déplacer sous ses doigts. Le professeur Güssenbauer
fixant un point déterminé au niveau de la moelle, le
vit s'abaisser au moment de la traction. Ces tractions
1 Gillette. Loc. cit.
2 Güssenbauer. - Ueber Neruendchnung. (Prag. med. Wach., 1882,
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 45
amenèrent-elles une altération quelconque dans les
tissus de la moelle ? C'est ce que M. Güssenbauer
s'abstient pour le moment d'éclaircir.
Braun 1 fit des expériences sur le cadavre pour
préciser au moyen d'un appareil graphique, l'effet de
l'élongation des nerfs sur la moelle dorsale. Il s'assura
que même les tractions légères amènent une secousse
de la moelle. Cependant, l'effet de cette secousse n'aug-
mente pas proportionnellement à la puissance de la trac-
tion, ce que l'auteur cherche à expliquer par la résis-
tance qu'oppose la bifurcation des branches nerveuses.
Marshall* tout en admettant la transmission de la
traction des nerfs périphériques aux racines posté-
rieures, suppose que la traction porte également sur
la dure-mère de la moelle et imprime à cette dernière
vraisemblablement une légère secousse. Pour ce qui
est de la moelle elle-même et des nerfs intervertébraux,
ils ne se prêtent pas à l'allongement.
Bien que l'effet d'une irritation violente des nerfs
périphériques sur la moelle fût discutée par MM. Fin-
berg3, Tiesler`, KlemmS et quelques autres, cependant,
c'est à M. Hayem 6 que revient l'honneur de la première
1 Braun. Ueber den mechanischen Affect bei centrifugaler. Ne ?
vendehiieiiig auf das Rüclcezznzark. (Prag. med. Loch., 1882, n03 17 et
suivants.)
2 llarshall. - Loc. cit.
3 Fimberg. - Berlin Klin. Woch., 1871.
* Fiesler. - Voy. Etienne : Essai sur les troubles médullaires qui peu-
vent entraîner les lésions traumatiques. Thèse de Paris, 1878.
5 IClemm. - Voy. Avezou : De quelques phénomènes consécutifs aux
contusions des troncs nerveux du bras. Thèse de Paris, 1879.
6 Hayem. Sur les altérations de la moelle consécutives à l'ai-i-ache-
ment et à la résection du nerf sciatique chez le lapin. Archives de physio-
logie normale et pathologique, 1873, 1er vol., p. 504. (Gazette médicale de
Paris, 1873, p. 376.)
46 PATHOLOGIE EXPERIMENTALE.
description histologique détaillée et précise sur l'état
de la moelle, consécutif ou traumatisme violent du
nerf sciatique.
. M. Hayem arracha à de jeunes lapins âgés de quatre
à cinq semaines le nerf sciatique et les sacrifia au bout
dé deux mois. Examinée au microscope, la moelle
épinière présenta, dans la région qui correspond aux
origines du sciatique, une atrophie générale de la
moitié opérée, tant des parties blanches que de la
substance grise. La portion la plus atrophiée des fais-
ceaux blancs est celle qui, du côté sain, répond au tra-
jet intro-médullaire des racines postérieures. Le
faisceau de Goll fut trouvé atrophié, la corne anté-
rieure étroite et aplatie. La corne postérieure était
devenue conique, et ses faisceaux nerveux transfor-
més en tissu scléreux. Les cellules nerveuses étaient
atrophiées. Pour expliquer ces changements morpho-
logiques, M. Hayem admet que l'arrachement du nerf
sciatique détermine la rupture des racines antérieures
avant leur entrée dans la moelle, et des racines posté-
rieures dans leur trajet intramédullaire. Il en résulte
un traumatisme considérable de la partie correspon-
dante de la moelle, et cette sorte de plaie est suivie
d'une myélite cicatricielle qui a pour effet de modifier
l'aspect des faisceaux postérieurs, qui se transforment
dans une partie de leur étendue en un tissu cicatriciel,
etc. Les recherches ultérieures de M. Hayem 4 prou-
vèrent la tendance de cette myélite à se propager à
toute la moelle jusqu'aux noyaux bulbaires. Mayser P ?
1 Comptes rendus delà Société de Biologie. 18 î4.
2 Mayser P. 1 ! : xpel'imellteller Beitrag. zur kenntniss des Bancs des
Kaninchen Ruckenmarks. (Ardt. sur Psch., etc., 1S77.)
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. , 47
se servit, pour ses examens microscopiques, de moelles
durcies provenant de lapins auxquels le professeur
Gudden avait préalablement arraché les nerfs scia-
tiques avec les racines à leur émergence de la moelle.
M. Mayser constata dans le renflement lombaire de
deux lapins de l'atrophie'dans les cordons postérieurs
(p. 577), et la disparition des cellules nerveuses
du groupe latéral de la corne antérieure (voir
p. 582).
Aaenfeld', dans la dernière édition de son ouvrage,
parue en 1883, affirme que l'irritation des nerfs péri-
phériques peut occasionner de graves altérations
dans la moelle et cite, à l'appui de son opinion,
les recherches de Fiesler, Feinber E, Klemm 3 et
Hayem 4.
De tous les travaux concernant l'élongation des
nerfs que nous venons de citer, il est évident qu'un
bien petit nombre seulement touche à la question des
altérations de la moelle, occasionnées par le trauma-
tisme des nerfs périphériques. Ce sont les belles
recherches de M. Hayem sur l'arrachement des nerfs
et les dernières observations de M. Westphal, sur la
dégénérescence grise chez un tabétique, qui ont con-
tribué surtout à élucider cette question. Mais jusqu'à
présent, aucun travail concernant les altérations de la
moelle produites par l'élongation des nerfs, n'a été
1 Axenfeld. Traité des névroses. Paris, 1883, p. 598.
2 Feinber - Uebel'ileflex lahmungen. (Berl. Klin. 11-och., 1871.)
3 Klemm. Diss. Straslburg, 1874.
* Hayem. - Loc. cit..
48 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
publié. Aussi, avons-nous accepté avec empressement
le sujet qui nous fut désigné par notre vénéré maître,
M. le professeur Jean lllierzejewski; et en 1880, nous
entreprîmes des expériences sur les altérations que
produit l'élongation des nerfs dans la moelle épinière,
au point de vue histologique.
Pour ces expériences faites sur des lapins, nous
choisîmes le nerf sciatique comme un nerf mixte, et
comme le plus facile à opérer. La plupart des lapins
furent préalablement chloroformés et les tractions ner-
veuses pratiquées avec une force graduellement plus
énergique. Nous fîmes en tout quarante expériences,
dont voici en deux mots le procédé technique :
fi" Le poil de la région lombaire ainsi que celui de
l'extrémité postérieure est coupé ras; on pratique au
moyen d'un scalpel une incision de la peau, de l'éten-
due de 3 à 5 centimètres, dans la direction de la troi-
sième vertèbre lombaire, en biais, jusqu'au milieu de
la fosse iliaque, d'après le système proposé par M. le
Dr E. Cyon1. Ensuite, on écarte avec le manche du
scalpel les muscles fessiers, et on arrive au tiers supé-
rieur du tronc du nerf sciatique, à l'endroit qui pré-
cède la bifurcation du cordon nerveux. A ce moment,
le lapin est chloroformé. On fait ensuite passer sous
le tronc nerveux un crochet métallique, et on opère la
traction. Le nerf est maintenu allongé pendant quelques *
minutes; il est ensuite débarrassé du crochet et soi-
gneusement remis en place. On cesse l'anesthésie et
1 E. Cyon. Alethodik des physiol. expérimente und vivisectionen,
1876. St-Pélersbourg, p. 190 et suivantes.
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 49 j
on enferme la plaie avec du cate-gut de Lister, n° 0,
en l'enduisant copieusement d'huile carbolisée. L'opé-
ration se fait habituellement sans effusion de sang,
à moins qu'on ne lèse la veine saphène. Presque tou-
jours la plaie se ferme par première intention.
Pour ce qui est de la puissance des tractions, nous
divisons toutes nos expériences en quatre groupes.
Groupe premier. - Tractions faites à la main, au
moyen d'un crochet mousse. Nous ne saurions nous
prononcer exactement sur le degré de la force dé-
ployée. Sur six expériences, quatre lapins mou-
rurent spontanément.
Groupe second. On glissait sous le cordon nerveux
un ruban dont le bout supportait un poids de 500 gr.
à 1 kilog. Sur neuf expériences, quatre lapins mou-
rurent.
Groupe troisième. Les tractions furent faites au
moyen d'un crochet dynamométrique petit modèle
exécuté d'après notre commande par M. Colin, à Paris.
La puissance de ce crochet ne dépassait pas 600 gr.
Sur six expériences, deux lapins moururent. Comme
le poids de 600 gr. nous paraissait trop minime, et
que nous ignorions alors l'existence de l'appareil du
Dr Gillette, nous eûmes recours une seconde fois à
M. Collin qui nous fit un crochet d'une plus grande
dimension, dont la puissance équivalait à 5 kilos.
Groupe quatrième. Dix-neuf expériences furent
Archives, t. X. 4
50 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
faites avec ce crochet grand modèle dont voici le des-
sin.
Crochet dynamométrique muni d'un ressort qui permet d'exercer
une traction do 5 kilogr. Le ressort est contenu dans le tube métallique a.
En appuyant sur le bouton E, on comprime le ressort grâce à la tige 6,
ce qui fait descendre le crochet g au niveau des supports métalliques ff ' ,
qui sont mobiles, afin de pouvoir être écartés à volonté. Ces supports sont
indispensables pour exercer des tractions continues.
On immobilise le crochet en tournant la vis c. Au moment de pratiquer
la traction, on fait passer le crochet sous le nerf. Les supports f f sont
maintenus sur le corps de l'animal par un aide; l'opérateur passe
l'index de la main droite dans l'anneau d et pose le pouce sur le
bouton E. De l'autre main il ouvre la vis c, et la traction commence. On a
soin de garder le pouce sur le bouton E pendant tout le temps de l'opé-
ration, en soulevant le doigt petit à petit, car il suffit de le retirer, pour
que le ressort remonte brusquement. La puissance de la traction est
indiquée sur le cadran, divisé en 5,000 grammes, soit 5 kilogr.
Malgré les tractions beaucoup plus fortes, nous ne
perdîmes qu'un seul lapin, sur dix-neuf expériences
du groupe IV à cause, sans doute, des conditions
hygiéniques meilleures au milieu desquelles furent
placés les lapins de ce dernier groupe.
Fig. 1. (2/3 de la grandeur naturelle).
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 51 t
Sur quarante tractions, il nous arriva derompre huit
fois par mégarde le nerf sciatique, dont : deux fois
dans les expériences du second groupe; six fois dans
le quatrième groupe. Les ruptures eurent lieu le plus
souvent entre 4 et 5 kilos.
Les sutures, une fois faites, le lapin était mis à terre
et sa démarche attentivement examinée ; selon la puis-
sance de la traction, l'animal présentait plus ou moins
deparésie et quelquefois de la paralysie. Cette dernière
a toujours été observée après une traction s'élevant
à 5 kilos, et aussi après la rupture du tronc nerveux.
Somme toute, les lapins supportent assez facilement
l'élongation des nerfs. Sur quarante lapins soumis à
l'expérience, onze seulement moururent de mort spon-
tanée ou à la suite de divers accidents : l'un d'eux
succomba à l'action du chloroforme, au début de nos
recherches lorsque nous n'avions pas encore bien éta-
bli le degré d'anesthésie qu'ils peuvent supporter.
Nous n'avons pas observé d'accidents épileptiques
chez les lapins dont le nerf avait été rompu ; nous
n'avons pas réussi non plus à provoquer ces accidents
en irritant les zones épileptogènes d'après les données
de MM. Brown-Séquard et Prévost.
Passons maintenant à l'examen microscopique des
nerfs et de la moelle épinière des lapins soumis à l'é-
longation des nerfs, ce qui constitue le principal objet
de notre travail.
Les animaux furent sacrifiés à différents intervalles,
variant de vingt-quatre heures à six mois après l'opé-
ration. Les nerfs sciatiques étaient observés à l'état
aussi frais que possible ; nous les traitions par l'acide
52 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
osmique et par le picrocarminate, en nous conformant
exactement aux indications de M. Ranvier'.
La moelle épinière était durcie dans le liquide pro-
posé par le Dr Erlicky2 (0 gr. 5 de sulfate de cuivre,
2 gr. 5 de bichromate de potasse sur 100 gr. d'eau)
qui détermine un durcissement plus prompt que les
autres liquides proposés à cet effet, à condition de
le changer souvent.
Dans plusieurs de nos expériences, le nerf opéré
fut préparé et examiné dans toute son étendue. Depuis
son émergence jusqu'aux ramuscules qui se perdent
dans la plante du pied (nerfs tibial et plantaire). On
constata une forte injection du cordon nerveux, toutes
les fois que l'animal fut sacrifié peu de jours après
l'opération. Le nerf, examiné plusieurs semaines après
l'élongation, présentait quelquefois un enroulement
autour de son axe, en forme de peloton. Cette dernière
particularité s'observait généralement après de vio-
lentes tractions, lorsque le nerf étiré débordait hors de
la plaie en forme de maille et ne pouvait être replacé
qu'avec peine; d'autres fois, le nerf était de couleur
jaunâtre et atrophié.
Comme les recherches microscopiques des nerfs sou-
mis à la traction ne sont que le but secondaire de notre
travail, qui a pour objet principal les altérations de la
moelle, nous nous contenterons de donner brièvement
ici des résultats obtenus sur les nerfs.
L'élongation du nerf sciatique détermine toujours
un traumatisme violent dans le nerf et occasionne in-
1 Ranvier. Leçons sur l'histologie du système nerveux. Paris, 1878.
2 Erlicky. - Progrès médical, 1817.
ALTERATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 53
variablement de graves altérations dans la structure
du bout périphérique du nerf étiré. Du reste, tous les
observateurs sont d'accord sur ce fait. Les tubes ner-
veux du bout périphérique observés le lendemain de
l'opération, laissent voir au microscope une augmen-
tation de volume de la myéline, qui se fragmente et
forme des espèces d'ampoules ou renflements le long
de l'axe du nerf, ce qui donne à ce dernier la forme
d'un chapelet, tandis que les segments annulaires dis-
paraissent. Le cylindraxe résiste plus longtemps; mais,
les jours suivants, il finit par disparaître également
dans la plupart des tubes nerveux. Deux à trois se-
maines après l'opération, on trouve dans le nerf, en
outre des altérations dans les corps de Lantermann-
Schmidt, qui tendent à s'écarter les uns des autres,
comme s'ils venaient d'être soumis à l'influence de
réactifs puissants. Quatre à six semaines après la trac-
tion, les ampoules de myéline disparaissent en grande
partie; la myéline devenue granulo-graisseuse tend à
se résorber; la préparation présente beaucoup dégaines
de Schwann, tantôtvides, tantôt remplies encore d'un
reste de corpuscules graisseux, résidu des ampoules de
myéline. La figure 7, Planche 1, représente un sem-
blable résidu granuleux de myéline en voie de résorp-
tion, à côté des tubes nerveux minces et délicats de
nouvelle formation. On voit sur le même dessin une
prolifération des noyaux de là gaîne de Schwann. Le
lapin dont provient cette préparation avait vécu qua-
rante-trois jours après une forte traction à la main.
Au bout de six à huit semaines, il n'y a que des traces
de myéline; mais, en revanche, on trouve beaucoup de
tubes nerveux régénérés parmi lesquels on distingue
5 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
quelques tubes en voie de dégénérescence granulo-
graisseuse et des gaines de Schwann vides. Chez les
lapins où s'était produite la rupture du troncnerveux,
nous avons constaté, dans les ramuscules terminaux
les plus ténus du bout périphérique, des altérations
analogues à celles que le D' Erlicky a signalées sur les
chiens amputés'.
D'après nos expériences, on peut établir le fait sui-
vant : Après une traction de la puissance de 2 kilos,
les branches nerveuses terminales, prises à la plante
du pied d'un lapin, présentent un degré d'altération
bien moindre que celles qui proviennent d'un lapin
ayant subi une traction de 5 kilos. Dans cette der-
nière expérience, les branches terminales présentent
presque autant de tubes dégénérés que dans les cas de
rupture du tronc nerveux. Il nous est arrivé maintes
fois de rompre le nerf, malgré nos précautions au
moment où la puissance de la traction atteignait
5 kilos, ce qui nous autorise à penser que le poids de
5 kilos est le poids maximum que le nerf sciatique du
lapin puisse supporter sans se rompre.
Le boutcentral du nerf contenait également des tubes
dégénérés, mais en quantité inversement proportion-
nelle au bout périphérique. Dans ce dernier, parmi
les tubes nerveux altérés presqu'en totalité, on ren-
contrait quelques tubes indemnes de toute altération.
Dans le bout central , au contraire, au milieu d'un grand
nombre de tubes sains, on trouvait quelques tubes
lésés. Après de violentes tractions, les parties voisines
1 Erlicky. Altérations de la moelle épinière du chien api-ès l'amputa-
tion. Diss. inaug., 1879, Pétersbourg.
ALTERATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 55
du traumatisme présentaient cependant bon nombre de
tubes altérés.
Pour ce qui est des cellules oblongues, à forme de
citron, dont parle le Dr Wollberg1, dans sa thèse d'a-
grégation, et qu'il considère comme des cellules régé-
nératrices provenant du tissu conjonctif qui entoure
les faisceaux nerveux des deux bouts central et péri-
phérique, et qui, selon lui, se transforment plus tard
en tubes nerveux régénérés, nous n'en avons pas
trouvé.
Passons maintenant aux altérations que détermine
l'élongation du nerf sciatique dans la moelle.
De toutes nos expériences, quatre moelles seulement
n'ont pas été examinées au microscope; trente-six ont
été l'objet d'un examen histologique complet, depuis
la région cervicale jusqu'à la région sacrée inclusive-
ment. Dans l'espace de trois ans, qu'ont duré ces
recherches, nous avons fait plusieurs milliers de coupes
qui nous ont donné le résultat suivant :
Les différents degrés d'altérations de la moelle sont
en rapport avec les différents degrés d'intensité de la
traction. Elles se bornent à une simple hypérémie,
si la traction ne dépasse pas 500 gr., hypérémie qui
se dissipe souvent sans laisser de traces au bout
d'un certain temps. Mais il en est autrement lorsque
l'élongation des nerfs atteint une force de 4 à 5
kilos, force qui dépasse de beaucoup le poids d'un
lapin. Les altérations qui en résultent se répètent in-
variablement dans le même ordre, et présentent des
modifications du tissu parfaitement déterminées. D'a-
t Wollbern. - Diss. 17(t)-sovie, 1883. Thèse ayant pour objet la suture
et la régénération des nerfs.
56 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
bord, leshémorrhagies et les phénomènes inflammatoires
consécutifs en sont bien plus graves; ensuite, vers le
septième jour, on observe un développement morbide
du tissu conjonctif, qui plus tard s'étend en réseau et
comprime les éléments nerveux. Le processus morbide
débute toujours dans le cordon postérieur de la région
lombaire du côté de la traction, et se manifeste d'abord
le long de la fissure longitudinale postérieure, dans le
faisceau de Goll (Voy. PL. I, fig. 6). De là, l'altéra-
tion se propage au faisceau de Burdach, et à la portion
intra-médullaire des racines postérieures. A mesure
que les éléments du tissu conjonctif se développent,
ils forment un réseau dans les mailles duquel on voit
des cellules étoilées. En croissant, le tissu conjonctif
comprime de plus en plus les tubes nerveux qui dis-
paraissent complètement, comme le témoignent les
coupes transversales passant par le cordon postérieur
et la partie intra-médullaire des racines postérieures
de la région lombaire. Continuant à gagner du terrain,
le tissu conjonctif envahit toute l'étendue du cordon
postérieur, ne laissant qu'un filet de tissu plus ou moins
indemne le long du bord interne de la corne posté-
rieure du côté opéré (Voy. PL. I, fig. 5.)
Les suites d'un semblable accroissement de tissu
conjonctif ne tardent pas à se faire sentir, et se tra-
duisent par un rétrécissement, une atrophie du cordon
postérieur. Du côté correspondant à la traction, le
cordon postérieur s'atrophie manifestement en compa-
raison de son congénère du côté sain. Cette inégalité
des cordons postérieurs est évidente dans les figure 2,
5 et 6 de la Planche I. Le cordon postérieur droit
de la fig. 2, par exemple, présente un amoindris-
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 57
sèment de volume de 15 millimètres, comparative-
ment au côté non opéré. Cette différence est de 11 mil-
limètres sur la figure 6, mais elle est surtout pronon-
cée dans la figure 5, dont le cordon postérieur gauche
excède de 4 millimètres le cordon postérieur droit
(côté opéré). Avec le temps, le réseau dutissu conjonc-
tif s'estompe, devient pour ainsi dire plus homogène,
les éléments fibreux dont il se compose perdent de
leur clarté, et l'on se trouve en face d'une sclérose
diffuse rétrécissant le cordon postérieur, comme le dé-
montre la figure. Il PL. I. '
Il va sans dire que les altérations de la moelle ne
s'arrêtent pas aux cordons postérieurs seulement; nous
constatons de graves modifications dans la corne pos-
térieure, dans la partie intramédullaire des racines
postérieures et dans les cellules nerveuses des cornes
antérieures. Après une traction de force moyenne (de
3 à 4 kilos), nous trouvons déjà dans la moelle du
lapin sacrifié quelques jours après l'opération, dans
toute l'étendue de la corne postérieure, des traces
d'irritation traumatique sous la forme d'hypérémie,
d'hémorrhagies capillaires, suivies d'accidents inflam-
matoires. Selon toute probabilité, ces accidents in-
flammatoires consécutifs sont le point de départ de
l'accroissement du tissu conjonctif trouvé en abon-
dance dans la région lombaire de la moelle des lapins
qui ont survécu plus longtemps à la traction. Généra-
lement on constate dans la moelle de ces derniers, à
côté de l'atrophie du cordon postérieur un rétrécisse-
ment notable de la corne postérieure correspondante.
La différence de grandeur des deux cornes posté-
rieures, dans une coupe transversale, mesurées au
58 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
niveau des confins de la substance de Rolando, équi-
vaut à 4mm 5, et même 5 millimètres. Un semblable
rétrécissement de la corne postérieure du côté opéré
est accompagné le* plus souvent d'une atrophie de la
partie intramédullaire des racines postérieures.
Nous croyons pouvoir chercher l'explication de ce
fait dans la rupture partielle des tubes nerveux, pro-
duite par le traumatisme dû à la traction.
C'est au traumatisme également que nous attribuons
les altérations dans les cellules nerveuses des cornes
antérieures, altérations d'un ordre dégénératif comme
le prouvent les vacuoles qu'on trouve dans les cellules
nerveuses (Voy. fig. 3, PL. I). Comme nous avons
constaté la vacuolisation des cellules nerveuses des
cornes antérieures chez des lapins sacrifiés un mois
seulement après une traction du sciatique (de 4 à 5 5
kilos), non seulement dans la région lombaire, mais
quelquefois aussi dans la région cervicale, nous croyons
plus plausible d'en chercher la raison dans la rupture
partielle des tubes nerveux qui se relient à ces cellules,
que de supposer une transmission par continuité du
processus irritatif dans un temps aussi court.
En résumant les altérations morbides que nous
avons observées dans la moelle épinière du lapin à la
suite de l'élongation du nerf sciatique faite avec une
force de 4 à 5 kilos, nous trouvons :
1° Le canal central distendu par un exsudat plas-
tique ;
2° De l'hypérémie et des hémorrhagies capillaires
dans la substance grise, principalement dans les cornes
postérieures ;
3° De la prolifération des noyaux de la névroglie;
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 59
4° Un accroissement du tissu conjonctif dans le
cordon postérieur du côté opéré, qui forme un réseau
fibreux contenant des cellules étoilées. Ce réseau en-
vahissant de plus en plus le cordon postérieur empiète
sur les tubes nerveux de ce dernier, et les fait entiè-
rement disparaître. On constate en même temps du
côté sain, que les tubes nerveux formant les faisceaux
de Goll et de Burdach sont parfaitement indemnes.
Dans trois expériences, nous avons pu nous assurer
que le réseau du tissu conjonctif commence à se des-
siner dès le septième jour après l'opération ;
5° Le volume des cordons postérieurs est inégal chez
les lapins sacrifiés un mois et plus après la traction.
Le cordon postérieur du côté opéré est atrophié et en
même temps;
6° La corne postérieure du même côté présente éga-
lement des dimensions moindres. Elle est atrophiée
en masse comparativement à celle du côté sain;
7° Un amoindrissement de volume dans la partie
intramédullaire des racines postérieures; les bande-
lettes radiculaires sont moins nombreuses et moins
fortes du côté correspondant à la traction ;
8° Les cellules nerveuses de la corne antérieure
sont bien moins nombreuses du côté opéré que du
côté sain. Elles pâlissent; leurs contours cessent d'être
distincts; elles paraissent fondre et quelques-unes
d'entre elles finissent par disparaître tout à fait, lais-
sant un espace vide. Celles qui restent présentent de
la vacuolisation, preuve certaine de la dégénérescence.
Tous ces signes d'altération morbide que nous ve-
nons d'énumérer se manifestent surtout dans le renfle-
ment lombaire, dans toute la région lombaire et en
60 PATHOLOGIE EXPERIMENTALE.
partie dans la région sacrée. A mesure qu'on remonte
vers la région dorsale, ces lésions cessent d'être aussi dis-
tinctes. Après de fortes tractions, on constate à la ré-
gion cervicale des hémorrhagies capillaires dans la
substance grise, des cornes postérieures et antérieures,
ainsi qu'une atrophie prononcée des cellules nerveuses
des cornes antérieures.
En nous basant sur ce qui précède, nous nous
croyons autorisé à conclure que l'élongation du nerf
sciatique pratiquée avec une certaine force, est loin
de rester inoffensive pour la moelle épinière ; elle
exerce son action principalement sur la région lom-
baire et y produit :
1° Une irritation traumatique avec hémorrhagies
capillaires de la moelle à différents niveaux, ce qui con-
tribue à l'atrophie de la corne postérieure ; à l'amoin-
drissement de la partie intramédullaire des racines
postérieures et enfin à la vacuolisation et à l'atrophie
des cellules nerveuses des cornes antérieures.
Ces deux causes nous paraissent suffisantes pour
expliquer les graves altérations que nous avons trou-
vées dans la moelle épinière après la traction ; altéra-
tions qui se résument en de l'atrophie de la corne et
du cordon postérieurs du côté opéré; en un amoin-
drissement de la partie intramédullaire des racines
postérieures ; en de la vascularisation et de l'atrophie
consécutive des cellules des cornes antérieures. Ces
modifications constantes dans les tissus de la moelle
font ressortir les graves conséquences de l'élongation
des nerfs sur le système nerveux ; on est ainsi natu-
rellement amené à les rapprocher de ce qui doit se
passer chez l'homme et notamment chez l'ataxique,
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 61
quand on le soumet, dans un but thérapeutique, à la
traction nerveuse, comme on l'a fait dans ces der-
nières années.
Indépendamment de l'atrophie et de la disparition
des cellules nerveuses dans les cornes antérieures,
les altérations, que nous avons constatées dans la
région lombaire de la moelle, se localisent principale-
ment dans les cornes et les cordons postérieurs du
côté opéré. Ces lésions comme nous l'avons dit, con-
sistent pour la plupart en atrophie des cornes et des
cordons postérieurs, dont les éléments nerveux sont
remplacés par du tissu conjonctif. En d'autres termes,
nous nous trouvions en face d'une sclérose des cordons
postérieurs du côté correspondant à la traction.
Les modifications morbides que nous venons d'énu-
mérer se manifestent avec moins d'intensité après les
tractions faibles et s'accusent davantage à mesure que
l'élongation du nerf se fait avec plus de force. Chez
les lapins sacrifiés quatre semaines après de fortes
tractions, on constate l'inégalité des cordons posté-
rieurs, entièrement envahis par du tissu conjonctif
qui a remplacé les éléments nerveux ; ces derniers
font absolument défaut. La région lésée apparaît sous
une forme moins nette et moins distincte, lorsque
l'animal survit trois mois et davantage à l'opération ;
les éléments morphologiques du cordon postérieur
lésé prennent un aspect plus uniforme, plus homo-
gène, ne peuvent plus être nettement distingués les
uns des autres quant à leurs contours; en un mot, nous
avons sous les yeux le tableau d'une sclérose diffuse
du cordon postérieur.
En faisant un retour vers l'ataxie locomotrice et sur
62 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
les élongations des nerfs sciatiques dont elle a été
-l'occasion, nous nous demandons ce que ce mode de
traitement doit produire dans une maladie qui porte
elle-même son action sur les cordons postérieurs de la
moelle ? L'élongation des nerfs a été entreprise et l'est
encore dans le tabes par des observateurs d'une si
grande autorité, que nous ne saurions, sans quelque
appréhension, rapprocher les résultats de l'expérimen-
tation physiologique de ceux que la clinique a fournis
chez l'homme. Cependant, les faits suivants viennent
à l'appui de notre démonstration : M. Westphal,1, dans
son dernier travail, dont nous avons fait mention,
. énonce une conclusion qui nous est favorable; à l'au-
topsie de son malade, auquel il avait pratiqué des
tractions nerveuses (nerfs crural et sciatique), M. West-
phal constate une myélite diffuse qui produisit une
dégénérescence grise de toute la région dorsale; et, en
outre, une lésion de nature toute différente qui occu-
pait la région lombaire, et présentait des lésions cir-
conscrites en forme de foyers, lésions qu'il attribue à
l'irritation et au traumatisme produit par l'élongation
des nerfs.
'4.' D'un autre côté, M. Hayem démontra que l'arra-
chement du nerf sciatique chez le lapin produit de la
sclérose et de l'atrophie dans les cornes et les cordons
postérieurs de la moelle.
Mais, nous répondra-t-on, on ne saurait comparer
une traction nerveuse dans un but thérapeutique,
même lorsqu'elle est effectuée avec une force qui sou-
4 Charité Annalen, 1883, p. 373.
2 Hayem. Loc. Cil.
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 63
lève tout le corps du malade sur le tronc nerveux, à
l'arrachement d'un nerf avec ses racines ! Certaine-
ment ; mais, en considérant l'arrachement d'un nerf
comme l'acmée du traumatisme enduré par un nerf,
une forte traction ne fera-t-elle pas partie du même
traumatisme, exercé seulement à un moindre degré ?
Cette supposition nous paraît d'autant plus admissible,
que la traction nerveuse produit de la sclérose et de
l'atrophie des cornes et du cordon postérieurs, lésions
qui sont très analogues à celles que M. Hayem cons-
tatait à la suite de l'arrachement des nerfs. Or, une
opération qui est constamment suivie d'un envahisse-
ment du tissu conjonctif qui comprime les éléments
nerveux de la moelle, comment peut-elle être utile
dans l'ataxie locomotrice qui, par elle-même, est une
sclérose des faisceaux de Burdach, c'est-à-dire d'une
partie intégrante du cordon postérieur, qui se trouve
précisément lésé en premier lieu à la suite de l'élon-
gation du sciatique ?
Même en nous mettant au point de vue de M. Lan-
genbuch qui reconnaît que l'ataxie locomotrice a pour
point de départ une lésion des nerfs périphériques;
qu'il suffit d'étirer pour modifier leur action vitale, et
accélérer en même temps l'action des centres nerveux
restés indemnes, même alors les chances de guérison
sont nulles, car nos observations prouvent que le trau-
matisme subi par le nerf sciatique ne manque pas
d'amener des altérations constantes qui se traduisent,
selon l'intensité de l'insulte, par plus ou moins de sclé-
rose et d'atrophie dans les cornes et les cordons pos-
térieurs de la moelle, ce qui ne saurait contribuer en
aucune façon à la guérison du tabès.
us le PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
Parmi le grand nombre d'observations purement
empiriques sur l'effet de l'élongation des nerfs prati-
quée dans le tabes, on en compte un grand nombre
où les symptômes de la maladie s'aggravèrent après
l'opération, d'autres où le tabes resta incurable ; on
cite quelques résultats mortels, mais il n'existe pas
une seule guérison durable.
Nous nous estimerions très heureux si ces recherches
de physiologie pathologique et ces examens histolo-
giques contribuaient à rendre plus prudent dans l'em-
ploi des tractions nerveuses.
En nous basant sur tout ce qui précède, nous
sommes d'avis que l'élongation des nerfs entreprise
dans l'ataxie locomotrice, est toujours plus ou moins
préjudiciable au malade, selon le degré de force
déployée, mais que cette opération ne peut jamais
amener de soulagement durable, et encore moins de
guérison.
Arrivé au terme de notre tâche, nous prions notre
très honoré maître, M. le professeur Jean Mierzejewsky,
de vouloir bien accepter le témoignage de notre vive
'reconnaissance pour la bienveillante direction accor-
dée à ce travail.
Nous adressons également nos remerciements sin-
cères à M. le Dr Trickli pour les conseils qu'il a bien
voulu nous donner.
EXPLICATION DE LA PLANCHE I.
Fig. 4. - Coupe transversale de la moelle épinière passant par le ren-
flement lombaire d'un lapin sacrifié trois mois après l'élongation du ner*
sciatique droit pratiquée avec une force de 4 kilos. Sclérose ou cordon
postérieur droit, côté de la traction. - Les éléments nerveux du cordon
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE EPINIERE. 68
postérieur, A, sont remplacés par du tissu conjonctif. La corne posté-
rieure, B, est atrophiée. La corne postérieure droite mesure 1"'m, 05;
la corne postérieure gauche, 4mm, 35; le cordon postérieur droit, 1mm, 95;
le cordon postérieur gauche, 2mm, 40.
Fig. 2. Coupe transversale de la moelle épinière passant par le
renflement lombaire d'un lapin sacrifié. 42 jours après la traction du nerf
sciaiique droit, avec une force de 5 kilos. L'inégalité des cordons pos-
térieurs est moins marquée que dans la figure précédente. Envahisse-
ment du tissu conjonctif qui remplace les éléments nerveux dans le
cordon postérieur atrophié de la traction A. La corne postérieure droite
est diminuée de volume autant que dans la moelle précédente. Vau-
coles dans la corne antérieure B. La corne droite postérieure mesure
1 ? 50; la corne postérieure gauche, 1mm, 80; le cordon postérieur
droit, tmm, 05; le cordon postérieur gauche, 1 ? 20.
Fig. 3. Cellule nerveuse en voie de vacuolisation provenant de la
corne antérieure droite du renflement lombaire d'un lapin sacrifié 38
jours après une traction du nerf sciatique droit avec une force de 5 kilos.
Fig. 4. Tubes nerveux indemnes du bout central du nerf sciatique
d'un lapin sacrifié 8 jours après une traction dont la force équivalait à
600 grammes.
Fig. 5. Coupe transversale passant par le renflement lombaire d'un
lapin sacrifié 40 jours après la traction du nerf sciatique droit avec une
force de 4 kilos. Légère diminution de volume de la cornée postérieure
droite B, atrophiée marquée du cordon postérieur croit A. Les éléments
nerveux sont remplacés par du tissu conjonctif dans tout le faisceau de
Goll et dans la plus grande partie du faisceau de Burdach. Le cordon
postérieur droit mesure 3"'m, 05; le cordon postérieur gauche, 1mm, 50;
la corne postérieure droite, Omm, 90; la corne postérieure gauche, imm, 20.
Fig. 6. Coupe transversale passant par le renflement lombaire d'un
lapin sacrifié 20 jours après la traction du nerf sciatique droit avec une
force de 4'kilos. Amoindrissement notable de la partie intra-médul-
laire des racines postérieures et du cordon postérieur du côté de la trac-
tion A. Envahissement de ce dernier par le tissu conjonctif comme dans
les figures 2 et 5. Le cordon postérieur droit mesure Ohm, 09 ; le cordon
postérieur gauche, ohm, 20; la corne postérieure droite, tmm, 50 la corne
postérieure gauche, 1"'m, 55.
Fig. 7. Tubes nerveitx lésés provenant du bout périphérique du nerf
sciatique d'un lapin sacrifié 43 jours après une traction à la main. La
myéline est en voie de résorption. Prolifération des noyaux de la gaine
de Schwann. Tubes nerveux de formation nouvelle.
Archives, t. X. 5
RECUEIL DE FAITS
DE LA CURABIUTÉ DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES;
Par Michel CATSARAS ,
Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes, chargé du cours
des maladies du système nerveux.
Si on jette un coup d'oeil à la symptomatologie delà sclérose
en plaques, on est frappé d'une chose de la plus haute impor-
tance, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un seul symptôme de cette
maladie qui ne puisse disparaître après avoir existé plus ou.
moins longtemps. C'est ainsi que le tremblement, pendant les
mouvements intentionnels, aujourd'hui intense et très marqué,
peut disparaître au bout d'un temps variable. La paraplégie
spasmodique, après un lent développement pour arriver à sa
dernière période, guérit quelquefois complètement soit pour
reparaître ensuite, soit pour ne plus revenir, ce qui cause
plusieurs fois de graves erreurs diagnostiques et fait croire à
une paraplégie de nature hystérique, quand l'apparition d'un
symptôme céphalique ou du tremblementvient dissiper l'erreur.
L'amblyopie amène quelquefois une cécité absolue, mais
jamais cette cécité n'a été définitive; au contraire, eile s'amé-
liore. L'amélioration même est telle que certains malades, qui
étaient dans l'impossibilité de distinguer aucun objet, sont
arrivés à lire les caractères les plus fins, et ils se considèrent
comme parfaitement guéris, bien que nous remarquions, par
l'examen campimétrique, des altérations évidentes du champ
visuel et, à l'aide de l'ophthalmoscopie, la décoloration blanche
presque spéciale de la papille ; mais enfin, malgré cela, ils
sont presque guéris de leur trouble visuel. Nous croyons inu-
tile de répéter la même chose pour les autres symptômes de la
maladie. De là la grande variabilité de la marche et la multi-
plicité des formes de la sclérose en plaques, appelé avec juste
raison polymorphe par le professeur Charcot.
DE LA CURABILITÉ DE LA SCLEROSE EN PLAQUES. 67
Prenons maintenant un scléreux multiloculairc, pour em-
ployer l'expression de Charcot, qui présente plusieurs symp-
tômes tant spinaux que cérébraux; en d'autres termes, un bel
exemple du type cérébro-spinal classique, et supposons que
non plus un, mais plusieurs symptômes disparaissent; alors,
au lieu d'avoir à faire avec un cas typique cérébro-spinal nous
sommes au contraire en présence d'un cas frustre soit cérébral
soit spinal, soit cérébro-spinal, suivant les symptômes qui
disparaissent. Cette disparition peut être passagère, et alors le
cas frustre peut devenir, après un brefdélai de temps, typique,
mais il peut très bien se faire qu'elle soit durable, et le cas
qui était un beau spécimen de la forme cérébro-spinale, classi-
que reste fruste pendant un temps indéfini, c'est-à-dire nous
assistons à une rémission durable.
Les rémissions de la sclérose en plaques, qui sont très fré-
quentes, ont une grande importance, non seulement au point
de vue diagnostique, mais surtout parce qu'elles diminuent
singulièrement la gravité du pronostic; en effet, on voit quel-
quefois survenir des amendements durables qui équivalent
presque à la guérison, comme nous avons vu tant d'exemples
dans l'hôpital de la Salpêtrière.
Tout ce qui précède démontre évidemment que la sclérose
en plaques a une tendance naturelle à la guérison. Cette ten-
dance ressort d'une façon éclatante d'une observation de
Wilson publiée dans le « Médical Times » en 1876.
Nous croyons nécessaire de donner ici la traduction du
résumé de cette observation fait par Westphal, dans ces
Jahresbericht über die gesammte Medidn (1876).
« Une fille, âgée de huit ans, n'ayant dans sa famille d'autres
parents nerveux que sa tante, qui était hystérique, a eu dans sa
plus tendre enfance la coqueluche et des convulsions suivies d'un
strabisme interne dont elle s'est débarrassée au bout de quelques
mois. A l'âge de six ans, ayant eu des vertiges et de la diplopie,
elle a été forcée de renoncer à l'école; peu à peu, elle a été
atteinte d'une atonie des membres supérieurs et d'une instabilité
dans la marche.
« Le 19 avril 1875, son état était comme il suit : nystagmus,
strabisme convergent, diplopie, sauf un certain amaigrissement;
son état général n'était pas mauvais, sensibilité normale partout.
Les deux membres inférieurs étaient parétiques, surtout, le
gauche; tremblement pendant les mouvements intentionnels des
bras, tels que la petite malade ne pouvait pas saisir les objets
ô$' ' RECUEIL DE FAITS.
placés devant elle. Sa main pressait fort, sa langue tremblait à la
sortie de sa bouche; quand la malade essayait de s'asseoir elle
était prise de secousses générales du corps tellement fortes
qu'elle manquait de tomber par terre. A la position horizontale,
- on ne remarquait pas*de tremblement nul part, pas d'embarras
de la parole, sauf une certaine difficulté pour prononcer quelques
lettres, inappétence, nausées presque incessantes, suivies de vomis-
sements ; parésie vésicale et rectale. L'état de la malade, soumise
à diverses médications, est resté le même jusqu'à la fin de juin,
lorsqu'à l'aide du phosphore de fer et du régime laité, elle s'est
grandement améliorée.
« Etat delà malade,le 16 novembre.-Etat général bon, elle s'est
un peu engraissée; appétit vif, pas de nausées, pas de parésie vési-
cale et rectale; le nystagmus persiste encore, l'acuité visuelle est
encore amoindrie, la paralysie de la convergence persiste pendant
les mouvements qu'il faut faire pour écrire; il se développe un
tremblement tellement fort que l'écriture est très difficile à lire.
Amélioration notable du tremblement pendant les mouvements
intentionnels des bras; les membres inférieurs peuvent faire des
mouvements, mais ils sont pris quelquefois de secousses involon-
taires ; aussi, quand la petite malade se lève, le corps tout entier
tremble et la station devient impossible.
«Au milieu de décembre, la patiente a observé tout d'un coup
qu'elle pouvait lire des lettres écrites sur les murs, qu'elle ne pou-
vait distinguer auparavant. Depuis lors, l'acuité visuelle s'est
encore plus améliorée. En mars 1876, elle pouvait courir et mar-
cher, seulement quand elle était observée par d'autres, cela Ini
rendait la marche un peu titubante. D'ailleurs, pas de tremble-
ment, pas de mouvements involontaires, pas de traces de nystag-
mus ; l'écriture est encore tremblante, mais lisible. »
Nous ne savons pas si M. Wilson, qui a si bien décrit ce
cas intéressant, a suivi son malade pour voir si ces légers
symptômes ont disparu, ou si, au contraire, cette guérison,
quoique incomplète, ne s'est pas démentie plus tard.
On a pu facilement remarquer que l'enfant de Wilson est
presque guéri, et nous disons presque, car nous le répétons, il
avait encore une écriture tremblante et un certain degré de
titubation dans la marche à des circonstances spéciales, de
sorte que nous croyons que le cas de Wilson ne peut pas servir
comme d'exemple de guérison. Qu'on veuille se rapporter à
l'introduction de ce travail, qu'on se rappelle que dans la sclé-
rose en plaques, o.t voit quelquefois survenir des amende-
ments durables, qui équivalent presque à la guérison; et on
DE LA CURABILITÉ DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES. 69
se rendra compte aussitôt pourquoi, à une telle maladie, tant
soient légers les symptômes qui restent dans un cas donné, on
ne peut le considérer comme guéri qu'après la disparition
complète de tous les troubles nerveux. J'irai même plus loin,
et je dirai qu'il faut attendre un certain temps même après la
disparition de tout symptôme de la maladie, pour s'assurer si
la guérison a été non seulement complète mais définitive.
Eh bien, à l'heure qu'il est, toutes ces conditions indispen-
sables à savoir : disparition complète de tous les symptômes et
non réapparition, soit d'un signe, soit d'un symptôme, n'ont
été réalisées que dans notre cas, que nous rapportons ici in
extenso.
L'observation qui suit étant déjà intéressante à la fois en
raison des conditions héréditaires et de la multiplicité, ainsi
que de la variabilité des symptômes devient, nous l'avons dit,
d'un intérêt extrême en roison de la guérison qui se maintient
depuis le 10 février jusqu'à présent.
Il s'agit d'un jeune homme nommé M. K... âgé de dix-huit ans.
étudiant en droit, dont les antécédents héréditaires fournissent
des renseignements très précieux. En effet, sa mère est une petite
hystérique, sa tante maternelle était atteinte de grande hystérie;
son cousin germain a eu de l'aliénation mentale, très proba-
blement mélancolie anxieuse. Comme antécédents personnels, il
faut noter que, depuis son enfance, il avait l'air toujours mélan-
colique, il n'aimait pas jouer avec les enfants de son âge; mais,
toujours sérieux, il se souciait trop des affaires de la maison pater-
nelle. Enfin, pour employer l'expression caractéristique de son
père, a ses manières étaient toujours d'un homme plus âgé ». Il se
porta très bien jusqu'en janvier 4883, lorsqu'à la fin de ce mois
il a eu deux vertiges tellement forts qu'il est tombé par terre.
Dès lors, il a été tourmenté par des vertiges moins forts; mais par
contre, se répétant très souvent. Au bout de six mois environ, dans
le cours de 883, les symptômes vertigineux se sont complètement
passés, pour faire place à un tremblement surtout du membre
supérieur droit, que sa mère, dame fort intelligente, décrit de la
façon suivante : « Quand la main de mon fils, dit-elle, ne faisait
rien, elle ne tremblait pas ; mais, dès qu'elle prenait quelque chose,
par exemple la cafetière pour servir ses frères et soeurs, un trem-
blement s'emparait de lui qui, au sur et à mesure que l'acte
s'approchait à son but, augmentait tellement d'intensité, qu'il
fallait lui aider, sous peine de jeter tout par terre ). Ce tremble-
ment, si bien décrit par sa mère, a continué pendant à peu près
deux mois et, au bout de ce temps, il a disparu d'une façon com-
70 RECUEIL DE FAITS.
plète pour ne plus revenir. Il n'y eut plus de symptômes subjec-
tifs jusqu'au mois de novembre 1883. C'est alors que survinrent
des symptômes psychiques spéciaux qu'on peut qualifier du nom
de mélancolie. En effet, le jeune homme était très inquiet, il
tirait ses cheveux, il frappait sa face, il disait qu'il avait perdu son
avenir; il trouvait que sa mère avait pâli, que son père était
malade, et il demandait à son médecin de guérir ses parents.
C'est à ce moment que je fus appelé en consultation près de ce
malade par M. le Dr Limpritis, un des plus distingués médecins
d'Athènes; et voici ce que nous avons constaté. Outre cet état
psychique spécial accompagné d'une insomnie complète, le malade
avait un regard tellement vague que cela nous a frappé vivement,
c'est pour cela que nous avons examiné de prime abord les yeux
du malade. Cet examen nous a fourni des renseignements de la
plus haute importance. Il y avait, en effet, du nystagmus, qui était
peu marqué au repos desyeux; mais on pouvait, au contraire, faire
développer des oscillations rapides et très marquées, quand on
provoquait la fixation; elles étaient plus prononcées pour la direc-
tion du regard à droite.
Si nous faisions regarder notre malade soit à gauche soit à
droite, la tête étant dans l'immobilité, nous voyons que le bord
des deux cornées était loin d'arriver jusqu'à l'angle des paupières,
et les mnscles droit externe et interne des deux yeux se fatiguaient
si rapidement, que c'était avec la plus grande difficulté qu'ils pou-
vaient se maintenir dans les directions citées, tellement grande
était leur tendance à revenir à la ligne médiane.
L'insuffisance du droit interne des deux yeux était des plus
belles; en effet, si on couvrait un des yeux du malade et on lui
disait de fixer notre doigt à 15 ou 20 centimètres de distance; on
remarquait que ce droit interne de l'oeil que l'on. découvrait
exécutait un mouvement très marqué de redressement en dedans.
Aussi, si on fixait les yeux du malade à la même distance, on
voyait clairement un certain degré de strabisme ; d'ailleurs, de
temps en temps, M. Limpritis et moi avons remarqué de loin que
les axes des yeux n'étaient pas du tout parallèles et ne se conver-
geaient pas.
L'examen du champ visuel, fait par le périmètre de Landolt,
n'a rien montré, pas d'atrophie blanche de la pupille, pas de
sténose vasculaire spasmodique. L'examen de l'ouïe, du goût et de
l'odorat a été complètement négatif; pas de troubles du rectum, de
vessie et des organes génitaux ; pas de troubles de la sensibilité;
pas d'embarras de la parole. Il y avait une exaltation considérable
des réflexes, surtout des rotuliens, facilement constatable par les
procédés les plus élémentaires, comme aussi dcl'épilepsie spinale,
aussi bien spontanée que provoquée, de sorte que, dans ce moment
là, c'étaient les symptômes psychiques qui dominaient l'état du ma-
DE LA CURABILITÉ DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES. 71
Jade, et n'était le regard vague qui nous a fait penser à la sclérose
en plaques et tourner notre interrogatoire et nos recherches en
conséquence, nous pouvions très bien faire une fausse route au
diagnostic.
Le 45 novembre 1883, des sortes d'accès vinrent s'ajouter, carac-
térisés par un affaissement subit du malade, perte de connais-
sance et de petitesse avec irrégularité du pouls. Au bout de trois
minutes, cet accès disparaissait sans parésie consécutive; quelque-
fois des convulsions épileptiformes s'y ajoutaient. La fréquence
quotidienne de ces accès variait depuis 4 jusqu'à 8 avec des in-
tervalles libres, pendant lesquels surgissaient les idées mélan-
coliques. La température n'était pas élevée. Seulement, un jour,
M. Limpritis a trouvé après trois accès, avec des intervalles très
courts, à peine cinq minutes de durée, 38°,2.
Le 5 décembre, les symptômes psychiques avec les accès épilep-
tiformes et apoplectiformes se sont complètement passés, de sorte
qu'on croyait le malade comme parfaitement rétabli, la famille
était enchantée, mais malheureusement, je ne pouvais pas par-
tager cette joie, car la maladie continuait, comme l'indiquaient
parfaitement, le nystagmus, les paralysies associées des yeux, le
regard vague, l'exaltation des réflexes, l'épilepsie spinale, et enfin n
un certain degré de faiblesse parétique des membres inférieurs.
L'avenir n'a pas tardé a dissipé les vaines espérances delà famille.
Seize jours après, la mélancolie revint avec les mêmes caractères
et des accès apoplectiformes et épileptiformes. Dans les intervalles
des accès, le malade se plaignait d'une diplopie intense et de
vertiges diplopiques; car si on lui fermait un oeil, les vertiges dis-
paraissaient. Cette nouvelle scène clinique s'est terminée le
21 décembre, elle a duré six jours, suivie d'une rémission qui n'a
pas dépassé quatre jours. A ce nouvel amendement a succédé une
nouvelle crise psychique avec les mêmes accès; mais, à l'aide
d'une application des pointes de feu faite pour la première fois,
elle a été coupée court et elle n'a duré qu'un jour. Elle a com-
mencé à sept heures du matin le 26 décembre et elle a fini à
six heures du soir.
En présence de ce syndrome, nous étions certains que nous
avions à faire à une maladie organique cérébro-spinale et que, vu
l'âge du sujet, les vertiges, le tremblement pendant les mouve-
ments intentionnels, le nystagmus, les paralysies associées des
yeux, la paralysie de la convergence, l'insuffisance des droits
internes, le regard vague si spécial, les symptômes spasmodiques,
les accès apoplectiformes et épileptiformes avec les symptômes
psychiques, et enfin la marche rémissionnelle et si originale de
la maladie, nous avions posé le diagnostic de la sclérose en plaques.
MM. les professeurs Caramitzas, Orphanides, Magginas avec
M. le Dr Limpritis se sont joints à notre diagnostic. Notre célèbre
72 RECUEIL DE FAITS.
maître Charcot, auquel nous avons envoyé l'exposé du malade
en demandant son opinion, a bien voulu nous répondre et confir-
mer, avec son imposante autorité, notre diagnostic.
Dans le cours de janvier 1884, j'ai visité bien des fois ce malade,
et toujours j'ai constaté l'état suivant : nystagmus, paralysies
associées des yeux, paralysie de la convergence, insuffisance des
droits internes, regard vague, clonus du pied tant spontané que
provoqué, faiblesse des membres inférieurs, et enfin un état
psychique bizarre qui consistait à une tendance irrésistible de
chercher quelque chose partout sans pouvoir nous dire précisé-
ment quelle était la chose cherchée, bien qu'il eût pleine cons-
cience de tout ce qu'il faisait. Ainsi il ouvrait une armoire, il
examinait avec attention tout son contenu, et, ne pouvant arriver
à trouver ce qu'il cherchait, il allait autre part pour continuer ses
recherches. En dehors de cela, le malade avait son intelligence
assez nette.
Etat du malade, le 10 0 février.- J'ai été assez surpris de n'avoir pu
constater un seul de tous ces symptômes. En effet, le regard vague,
le nystagmus, les paralysies associées des yeux, la paralysie de
la convergence, l'insuffisance des droits internes, l'exaltation des
réflexes, l'épilepsie spinale, la faiblesse des membres inférieurs,
l'état psychique, enfin tout a disparu d'une façon complète
Cette disparition fut définitive, car, depuis ce temps-là jusqu'à
présent, aucun de ces symptômes n'a reparu. Le jeune homme
s'est engraissé, continue ses études; il est même mieux qu'avant
sa maladie, car aujourd'hui il n'a plus son caractère habituelle-
ment mélancolique, que nous avons décrit dans ses antécédents
personnels; il est plus gai, son intelligence est très vive, et il est
parmi les premiers étudiants.
Nous n'insisterons que très peu sur les moyens thérapeutiques
mis en usage pour obtenir cet heureux résultat. Les applications
des pointes de feu répétés sur la région spinale, l'hydrothérapie,
l'ergotine, et pendant les accès, élixir d'Yvon et bromhydrate de
quinine, ont peut-être facilité la tendance naturelle de ce cas à
la guérison. Le traitement a continué jusqu'au mois de mai 1884.
Comment peut-on expliquer, au point de vue physiologico-
pathologique, la curabilité de la maladie ? La question des
améliorations notables et de la curabilité des quelques mala-
dies organiques du système nerveux central est une des plus
intéressantes que la pathologie puisse présenter aux physiolo-
gistes. En effet, aujourd'hui, il est bien établi que le mal de
Pott, qui après avoir premièrement envahi les méninges, pro-
duit une sclérose médullaire, guérit le plus souvent, même
dans les cas très avancés. Charcot nous a montré, à la Salpê-
DE LA CURABILITÉ DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES. 73
trière, de beaux exemples de guérison chez des personnes
atteintes de paraplégie spasmodique par mal de Pott arrivée à
sa dernière période, à la contracture des membres inférieurs,
et nous-mème, nous sommes en train d'obtenir la guérison
dans un tel cas, chez une petite fille âgée de huit ans et
nommée L. M. La malade, qui était dans l'impossibilité absolue
de mouvoir ses membres inférieurs, a commencé à marcher à
l'aide des appuis et l'amélioration continue. Aussi, il est bien
connu que la pachyméningite cervicale hypertrophique s'amé-
liore considérablement ; elle guérit même plus souvent, si la
moelle est peu ou point atteinte, rarement si elle est fortement
lésée.
Enfin, en ce qui concerne la sclérose en plaques, nous
avons le cas de Wilson, où la malade est presque guérie, et
surtout notre observation qui est décisive à ce point de vue.
Ces guérisons ne peuvent être expliquées, croyons-nous,
que par la régénération des nerfs, nous assistons là à une
véritable réparation nerveuse. Charcot a démontré, par l'au-
topsie d'une personne atteinte de paraplégie spasmodique par
mal de Pott, qu'au milieu du tronçon de la moelle sclérosée il
y avait des tubes nerveux qui rétablissaient les communications
entre le segment supérieur et le segment inférieur de la moelle
épinière. Ces fibres étaient très probablement régénérés.
Il me semble, d'ailleurs, que les tubes d'un segment ne se
mettent pas tous à la fois en jeu pour fonctionner et que,
ordinairement, une partie seulement paraît y suffire. L'histo-
logie pathologique de mal de Pott nous fournit la preuve de
ce fait. En effet, au milieu du segment sclérosé correspondant
au point de compression, Charcot a trouvé que le nombre des
tubes nerveux était bien au-dessous du taux normal, et cepen-
dant ce petit nombre suffit pour le rétablissement des commu-
nications, si bien que la malade faisait de longues courses
sans la moindre claudication, ayant la marche parfaitement
normale, enfin étant complètement guérie, sauf naturellement
sa gibbosité. Or, la régénération d'un nombre de tubes ner-
veux, même beaucoup au-dessous du taux normal, paraît
suffire pour rétablir les choses à leur état physiologique.
Nous sommes nécessairement amenés à poser la question
suivante : A. quoi donc sert un nombre si considérable de
tubes nerveux qui existent à l'état normal ? Il est certes très
difficile à répondre à cette question, mais nous ne pouvons
74 RECUEIL DE FAITS.
pas résister à l'hypothèse que, parmi les conditions qui ont
nécessité l'existence d'un si grand nombre de tubes et qui ne
sont pas connues; il y en a deux qu'il nous semble difficile de
ne pas accepter : 1° il est facile de concevoir que dans quelques
circonstances extraordinaires qui nécessitent un plus grand
travail nerveux, un plus grand nombre de fibres nerveuses se
mettent en jeu; 2° à quelques cas pathologiques il est de toute
nécessité que les tubes détruits soient remplacés par d'autres
restés pour ainsi dire en réserve; en d'autres termes, il faut
qu'ils soient suppléés.
Charcot et d'autres en admettant la possibilité de la régéné-
ration des nerfs, se posent la question : s'il s'agit là d'une
reproduction de toutes pièces ou seulement de la réappa-
rition du cylindre de myéline autour des cylindres axiles
dénudés. Nous croyons très difficile d'admettre la reproduction
de toutes pièces, tandis que la réapparition du cylindre de
myéline autour du cylindre d'axe, nous parait plus com-
préhensible et plus conforme aux faits, tout au moins pour la
sclérose en plaques. En effet, il est bien établi aujourd'hui que
dans la sclérose en plaques, les cylindres axiles résistent jus-
qu'aux dernières limites du travail destructif, et s'il est très
difficile de trouver une plaque tant ancienne qu'elle soit, dans
laquelle le microscope ne démontre pas ça et là quelques
cylindres axiles restés intacts au milieu du tissu sclérosé. La
réapparition alors du cylindre de myéline autour des cylindres
axiles dénudés est facile à comprendre et peut bien expliquer
la curabilité de cette maladie. On peut encore trouver une
preuve négative de notre explication dans les scléroses dites
systématiques. Dans celles-ci, où le cylindre axile est le pre-
mier détruit, non seulement la guérison, mais encore des amé-
liorations notables et durables n'ont jamais été obtenues,
chose qui n'arriverait pas si la reproduction de toutes pièces
était possible.
Une question se présente ici. Pourquoi cette régénération
arrive-t-elle si rarement ? Quelles sont les conditions qui la
favorisent ? Autant de questions importantes que je ne suis pas
à même de résoudre et que je me borne à poser à la méditation
des neuropathologistes et des physiologistes. Je dirai seule-
ment que, parmi les conditions inconnues qui ont facilité
l'heureux résultat dans le cas de Wilson et le mien , il y en a
deux que je ne veux pas passer sous silence : Il l'âge. En effet,
DE LA CURABILITE DE LA SCLEROSE EN PLAQUES. 75
la malade de Wilson était âgée de huit ans et notre malade est
âgé de dix-huit ans. Certes, à cet âge, le corps est en dévelop-
pement. Le tissu nerveux a plus de vivacité et les phénomènes
de régénération peuvent se faire avec plus d'activité ; 2° l'in-
tervention de la thérapeutique faite au début de la sclérose en
plaques, a peut-être empêché le travail destructif de progresser
et dans ces conditions, la régénération a plus de chances de
succès. On se rappelle que nous sommes intervenus active-
ment au dixième mois de la maladie. M. Wilson est intervenu
aussi à temps.
Nous espérons qu'à l'époque où tout le monde médical
apprendra à reconnaître la sclérose en plaques, à son début
surtout, quand elle se présente sous ses formes frustres, le
le nombre des cas de guérison se multipliera.
Il ne faut pas ignorer que la sclérose en plaques n'est pas
du tout une maladie rare, au contraire, son champ s'élargit de
jour en jour; déjà, au point de vue de la fréquence, vient après
les tubes, et cela grâce à la puissante impulsion que M. Charcot
et ses élèves, surtout son distingué chef de clinique Marie, ont
donné au diagnostic de cette maladie, et spécialement de ses
formes atténuées. Nous sommes aussi redevables à M. Pari-
naud, qui a si bien décrit dans plusieurs travaux successifs,
les troubles oculaires de la sclérose en plaques, qui fournissént
des signes si précieux au diagnostic de cette maladie, surtout
de ses formes frustes. Notre observation fournit, entre autres,
la preuve de l'extrême importance de l'examen méthodique
des yeux. Ce sont en effet, les lésions de l'oeil surtout qui nous
ont mis dans la vraie voie et ont fixé notre diagnostic.
En résumant les principaux points de ce travail nous
dirons :
1" Que la sclérose en plaques est une maladie curable ;
2° La guérison peut être expliquée par la régénération des
nerfs ;
Le mécanisme de cette régénération consiste peut-être en la
réapparition du cylindre de myéline autour des cylindres axiles
dénudés ;
4° La régénération d'un nombre de tubes nerveux bien au-
dessous du taux normal suffit pour déterminer la guérison ;
5° Parmi les conditions inconnues qui favorisent la régéné-
76 REVUE CRITIQUE.
ration des nerfs et, par conséquent, la guérison de la maladie,
il faut peut-être compter l'âge et l'intervention de la théra-
peutique au début de la maladie.
P. S. Si la guérison de notre malade se démentait plus tard,
chose que nous ne croyons pas, nous nous empresserons de le publier.
REVUE CRITIQUE
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX
A l'état PHYSIOLOGIQUE ET pathologique 1
Par le Dr A. MAIRE, agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier.
Nutrition générale et acide phospoh2,ique. - Pour savoir si
la nutrition générale exerce une influence, surl'élimitation de
l'acide phosphorique, nous avons étudié l'élimination de
cette substance et celle de l'azote aux différentes heures de
la journée. Cette étude nous a démontré que le sommeil, en
tant qu'état de repos, diminue l'élimination de l'azote et de l'a-
cide phosphorique, soit de l'acide phosphorique uni aux terres,
soit de l'acide phosphorique uni aux alcalis. Le sommeil dimi-
nue donc les échanges en acide phosphorique qui se passent
au sein de nos tissus en même temps qu'il diminue l'élimina-
tion de l'azote. Cette marche parallèle dans l'élimination des
phosphates, sous l'influence du sommeil, nous l'avons ren-
contrée encore pendant les différentes heures du jour, ou
mieux, pendant les différentes périodes de la journée, (matin,
après-midi, nuit), chez des individus dont nous avons
examiné les urines pendant l'état de repos. L'élimination de
1 Voy. t. IX, p. 232 et 360.
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 77 -
ces deux substances est à son minimum pendant les heures du
matin; elle augmente pendant les heures de l'après-midi et at-
teint son maximum pendant les heures de la nuit. Et comme
dans les cas que nous avons étudiés, les individus étaient au
repos, et que la décomposition des matières albumoïdes, la-
quelle se traduit, comme on le sait, par l'élimination de l'azote,
n'était liée qu'aux échanges nutritifs qui se passent dans l'en-
semble de l'économie, c'est-à-dire à la nutrition générale, nous
ne pouvons que rattacher à la même origine les variations qui
se produisent dans l'élimination de l'acide phosphorique.
Les faits que nous venons de rappeler nous amènent donc
aux conclusions suivantes :
1° L'acide phosphorique est lié à la nutrition générale.
2° Les échanges nutritifs qui, dans les conditions ordinaires
de la vie, se passent au sein de nos tissus, se font sentir sur l'éli-
mination de l'acide phosphorique - soit de l'acide phosphorique
uni aux terres, soit de l'acide phosphorique uni aux alcalis
dans une direction parallèle à celle de l'élimination de
l'azote.
Les résultats qui précèdent nous montrent que si la théorie
de Zuelzer est fausse, ainsi que nous le disions plus haut, dans
sa partie essentielle, elle a cependant quelque chose de vrai, en
ce sens qu'il existe réellement un rapport entre l'élimination
de l'acide phosphorique et celle de l'azote. Mais nos recherches
nous permettent pas d'aller plus loin; elles ne nous permettent
pas de fixer un chiffre à ce rapport. Malgré cela, on comprend
que nous ayons dans cette marche parallèle imprimée par la
nutrition générale à l'élimination de l'acide phosphorique et à
celle de l'azote un moyen précieux de savoir si cette nutrition
intervient dans les modifications que nous avons consta-
tées dans cette élimination sous l'influence du travail intel-
lectuel.
Ces rapports entre la nutrition générale et l'acide phospho-
rique établis revenons maintenant à l'interprétation des modi-
cations que produit l'activité cérébrale sur l'élimination de
cet acide et sur celle de l'azote, et demandons-nous d'abord à
quoi tient la diminution de l'azote.
La physiologie nous apprend que l'azote éliminé par les
urines est intimement lié à l'alimentation, d'une part, et à la
décomposition des matières albuminoïdes, d'autre part.
78 REVUE CRITIQUE.
Dans les cas que nous étudions, l'alimentation est restée la
même en quantité et en qualité pendant l'état de repos et pen-
dant l'état d'activité intellectuelle; de plus, quand l'alimenta-
tion, comme dans le tableau III, est à peu près supprimée, les
mêmes modifications se produisent du côté de l'azote. Ce n'est
donc pas à l'alimentation qu'on peut faire remonter la dimi-
nution constatée sous l'influence du travail intellectuel dans
l'élimination de cette substance. Par suite, cette diminution
ne peut être rattachée qu'à une moindre décomposition des
matières albuminoïdes.
Cette moindre décomposition provient-elle de la substance
nerveuse ; lé travail intellectuel diminue-t-il les échanges nutri-
tifs qui se passent dans les matières albuminoïdes que renferme
cette substance ? Cela me parait difficile à admettre à priori,
étant données la quantité relativement faible de matière albu-
minoïde qui entre dans la constitution du tissu nerveux et la
quantité relativement considérable d'azote trouvé en moins
dans les urines; cela devient impossible lorsqu'on réfléchit que
la diminution de l'azote n'est pas, ainsi que nous l'avons
indiqué plus haut, liée, comme l'augmentation des phosphates
neutres, aux rapports qui existent entre l'intensité du travail
et la richesse de l'alimentation en acide phosphorique; ce qui
serait si l'hypothèse que nous étudions était vraie.
La diminution de l'azote que nous constatons sous l'influence
du travail intellectuel ne se rattache donc pas à une diminution
dans les échanges nutritifs qui peuvent se passer au sein de la
substance nerveuse. Cette diminution ne peut pas être davan-
tage attribuée à une moindre activité du système musculaire
dont le travail augmente l'élimination de l'azote ; nous avons
eu soin, en effet, nous l'avons déjà dit, de mettre les individus
en expérience dans des conditions de repos musculaire abso-
lument semblables, pendant les états de repos et de travail
intellectuels.
La diminution de l'azote éliminé sous l'influence de ce der-
nier travail ne pouvant être recherchée ni dans le système
nerveux ni dans le système musculaire, force est bien de la
rattacher à la décomposition des matières albuminoïdes envi-
sagée d'une manière générale, c'est-à-dire à l'ensemble de la
nutrition ; et comme le chiffre de l'azote contenu dans les
urines peut « servir à mesurer l'énergie avec laquelle s'effec-
tuent les transformations de la matière au sein de l'orga-
DE LA NUTRITION DU SYSTEME NERVEUX. 79
nisme ' », force encore est d'admettre que le travail intellectuel
ralentit la nutrition générale.
La diminution produite dans l'élimination de l'azote par le
travail intellectuel se lie donc au ralentissement de la nutrition
générale.
C'est à la même cause évidemment qu'il faut rattacher, en
partie du moins, la diminution dans l'élimination de l'acide
phosphorique uni aux alcalis, qu'on constate sous l'influence du
travail intellectuel. Nous savons, en effet, que la nutrition géné-
rale agit dans le même sens sur l'azote et les phosphates.
Toutefois nous verrons plus loin quei la nutrition générale
n'est pas la seule cause de cette diminution; mais, avant cela,
il est nécessaire de rechercher d'où vient l'augmentation pro-
duite par le travail intellectuel sur l'élimination de l'acide
phosphorique uni aux terres.
Le travail intellectuel retentit sur l'ensemble de la nutrition,
qu'il ralentit : telle' est donc la conclusion que nous impose la
connaissance de l'action de ce travail sur l'élimination de l'a-
zote et de l'acide phosphorique uni aux alcalis. Nos recherches
viennent ainsi confirmer scientifiquement ce que nous enseigne
l'observation clinique.
L'augmentation de l'acide phosphorique uni aux terres, qu'on
retrouve sous l'influence du travail intellectuel, ne peut-elle
pas s'expliquer par ce fait que, la nutrition générale étant ra-
lentie, ce ralentissement donne lieu à une moindre absorption
des phosphates terreux ? Nombre de raisons plaident contre
cette manière de voir. Parmi elles, je me contenterai de rappe-
ler les deux suivantes, qui sont absolument concluantes. Si
l'hypothèse qui précède était vraie, l'augmentation de l'acide
phosphorique uni aux terres se produirait toujours conjointe-
ment à la diminution de l'acide phosphorique uni aux alcalis et
de l'azote, et elle serait d'autant plus marquée que la richesse
des aliments en phosphates serait plus grande. Or, nous avons
vu, lorsque le travail n'était pas très intense, l'acide phospho-
rique uni aux alcalis et l'azote diminuer sans que l'acide phos-
phorique uni aux terres augmente; et, d'un autre côté, l'aug-
mentation de ce dernier acide, loin d'être en rapport avec la
richesse des aliments, être d'aulant plus marquée que cette
1 Gorup-Besanez. Traité de chimie physiologique, 1880, tome I,
page 379.
80 REVUE CRITIQUE.
richesse est moindre. Ensuite, ainsi que nous le disions tout à
l'heure, la nutrition générale agit dans le même sens sur
l'acide phosphorique uni aux terres et sur l'acide phosphorique
uni aux alcalis. Il n'est donc pas possible de rattacher au ra-
lentissement de l'ensemble de la nutrition l'augmentation des
phosphates terreux qu'on rencontre sous l'influence du travail
intellectuel.
Et comme toutes les autres conditions qu'on pourrait in-
criminer comme cause de cette augmentation restent abso-
lument les mêmes lorsque les individus en expérience sont
soumis à ce travail ou lorsqu'ils sont à l'état de repos, nous ne
pouvons rattacher cette augmentation qu'au système nerveux
lui-même.
Ce premier point résolu, se pose la même question que nous
avons rencontrée à propos de la nutrition générale : les phos-
phates terreux qu'on retrouve en plus dans les urines à la
suite du travail intellectuel ne proviennent-ils pas de ce que le
cerveau, en travaillant, absorbe moins de ces phosphates qu'à
l'état de repos ? Les mêmes raisons qui nous ont obligé à rejeter
l'idée que ces phosphates se lient à un ralentissement de la
nutrition générale, nous obligent à la rejeter à propos du cer-
veau, et, de déduction en déduction, nous sommes forcément
amené à admettre que l'acide phosphorique uni aux terres,
qu'on retrouve en plus dans les urines sous l'influence du
travail intellectuel, est dû à des échanges plus actifs se passant
dans l'intérieur du tissu nerveux et exprime un déchet en
acide phosphorique produit par ces échanges. Nous pouvons
donc dire :
1° Le travail intellectuel emploie, pour se produire, de l'acide
phosphorique.
2° L'acide phosphorique uni aux terres, qu'on retrouve en
excès dans les urines à lasuite du travailintellectuel, est de l'acide
phosphorique de déchet. Et si on considère que l'augmentation
de cet acide est absolument indépendante, ainsi que nous le
verronsdanslaseconde partiede cetravail, de la formeque revêt
l'expression sous laquelle se traduit l'activité cérébrale, qu'elle
se retrouve dans les deux formes les plus opposées de l'aliéna-
tion mentale, dans la manie et dans la lypémanie, et même
en dehors de toute manifestation psychique, dans les attaques
d'épilepsie par exemple, on ne conserve plus de doute que cette
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 81
augmentation ne soit due à une suractivité de la nutrition ner-
veuse. Nous sommes donc obligé d'admettre que l'acide phos-
phorique est lié à la nutrition du tissu nerveux.
Poursuivons notre étude. L'acide phosphorique uni aux
terres qu'on retrouve en excès dans les urines lorsque le cer-
veau fonctionne étant un produit de déchet, c'est-à-dire le
produit de la désassimilation des matières phosphorées de la
substance nerveuse, il est certain que, dans les conditions or-
dinaires de la vie, chez l'homme travaillant intellectuellement,
ce déchet en acide phosphorique doit être compensé par une
égale quantité d'acide phosphorique d'assimilation ; sinon le
cerveau serait bientôt privé de phosphore et tout travail in-
tellectuel deviendrait vite impossible. Pouvons-nous démontrer
qu'il en est ainsi ?
Pour cela, il nous faut revenir à l'étude des phosphates
alcalins. Ces phosphates, nous l'avons vu, sont diminués sous
l'influence du travail intellectuel, et rapprochant cette dimi-
nution de celle de l'azote, nous l'avons rattachée, en partie du
moins, au ralentissement de la nutrition générale. Est-ce là
sa seule cause ?
Si le rapport entre l'élimination de l'acide phosphorique et
la décomposition des matières albuminoïdes exprimée par
l'azote était constant, comme le pensent certains auteurs, et
Zuelzer en particulier, le problème que nous venons de soulever
serait facile à résoudre; nous n'aurions qu'à voir si, sous l'in-
fluence du travail intellectuel, ce rapport est diminué ou non.
Il n'en est pas ainsi; nous l'avons vu précédemment. Et
cependant c'est seulement dans l'étude comparative entre
l'élimination de l'azote et de l'acide phosphorique uni aux
alcalis que nous pouvons chercher la solution de ce pro-
blème.
Peut-être trouverons-nous cette solution en étudiant le
rapport entre l'acide phosphorique uni aux alcalis et l'azote
chez un individu à l'état de travail intellectuel, comparative-
ment à ce qu'il est chez ce même individu à l'état de repos. Il
est certain en effet que si, sous l'influence de l'activité céré-
brale, ce rapport est toujours diminué, nous serons en droit
de conclure que, à côté du ralentissement de la nutrition, il
faut invoquer une autre cause pour expliquer cette diminution.
Nos recherches sur l'homme sain ne nous permettent pas de
Archives, t. X. 6
82 - REVUE CRITIQUE.
nous prononcer à ce sujet'. Remarquons, toutefois, que c'est
lorsque le travail intellectuel est le plus intense (tableau I, n° 3)
que la diminution du rapport entre l'acide phosphorique uni
aux alcalis et l'azote est le plus considérable. Par conséquent,
nous pouvons nous demander si, lorsque l'activité des échan-
ges qui se passent au sein de la substance nerveuse est suffi-
samment grande, cette diminution ne s'accentue pas et ne
devient pas constante. C'est à la pathologie qu'il faut nous
adresser pour fixer ce point; et c'est à la lypémanie que nous
en appelerons. Dans cette forme d'aliénation mentale, on
retrouve dans l'élimination del'azote et de l'acide phosphorique
des modifications absolument semblables à celles que produit
le travail intellectuel ; seulement l'activité cérébrale étant plus
grande que sous l'influence de ce dernier, ces modifications
sont plus accentuées et dans ce cas, la diminution de l'acide
phosphorique uni aux alcalis, relativement à l'azote, est
constante. Par suite, on est conduit à penser que la diminu-
tion de l'acide phosphorique que produit le travail intellectuel
ne se lie pas à la seule nutrition générale, mais à la nutrition du
cerveau lui-même.
Cette manière de voir s'affirme et s'impose lorsqu'on étudie
comparativement l'élimination des phosphates alcalins et l'éli-
mination des phosphates terreux.
D'abord, en ce qui concerne les rapports entre ces deux
groupes de sels et l'azote, plus diminue le rapport entre l'acide
phosphorique uni aux alcalis et cette dernière substance, plus
augmente celui de l'acide phosphorique uni aux terres. Ce fait,
qui se dégage de nos différentes recherches sur l'homme sain
consignées dans les tableaux qui précèdent, se dégage non
moins nettement de celles que nous avons faites sur la lypé-
manie. Tandis que, sous l'influence de cette maladie, le rap-
port entre l'acide phosphorique uni aux alcalis et l'azote
diminue, le rapport entre l'acide phosphorique uni aux terres
et l'azote augmente au contraire.
En second lieu, si nous étudions comparativement le chiffre
d'élimination de l'acide phosphorique uni aux terres et celui
de l'acide phosphorique uni aux alcalis, nous voyons que,
plus augmente le premier plus diminue le second. Ainsi,' chez
l'individu qui fait le sujet du tableau I, tandis que, à l'état de
Voir, pour toutes les expériences relatives à cette question : lLairet,
loco citato, p. 108-ill.
DE LA NUTRITION DU SYSTEME NERVEUX 83
repos, le chiffre d'élimination de l'acide phosphorique uni aux
terres était de 50 centigr. et celui de l'acide phosphorique uni
aux alcalis del gr. 65, ces chiffres deviennent, à la suite d'un
travail intellectuel de sept heures, de 52 centigr. pour le pre-
mier et de 1 gr. 53 pour le second, et à la suite d'un travail
de dix heures, de 58 centigr. et de 1 gr. 27. Il y a donc un
rapport évident entre l'augmentation de l'acide phosphorique
uni aux terres et la diminution de l'acide phosphorique uni
aux alcalis ; il y a comme un balancement entre l'élimination
de ces deux substances.
Les différents faits que nous venons de rapporter ne nous
semblent plus laisser de doute :
La diminution de l'acide phosphorique uni aux alcalis, qu'on
constate sous l'influence du travail intellectuel, ne reconnaît
pas comme seule cause le ralentissement de la nutrition ; il
existe entre elle et les échanges nutritifs qui se passent au sein
de la substance nerveuse un rapport trop étroit pour qu'elle
ne concoure pas à ces échanges. Evidemment une partie des
phosphates alcalins trouvés en moins dans les urines, sous l'in-
fluence du travail intellectuel, sont absorbés par la substance
nerveuse pour produire ce travail, et servent à compenser les
pertes en cet acide que fait subir à celte substance les échanges
nutritifs qui se passent dans son intérieur.
Tels sont les enseignements qui se dégagent de nos recher-
ches relativement aux rapports qui existent entre l'acide phos-
phorique et le système nerveux; si nous les synthétisons, nous
dirons :
1° L'acide phosphorique EST INTIMEMENT LIÉ A la NUTRI-
TION ET AU FONCTIONNEMENT DU CERVEAU. LE CERVEAU, EN
fonctionnant, absorbe DE l'acide phosphorique UNI aux
alcalis, ET REND DE L'ACIDE phosphorique UNI aux terres;
2° Le travail INTELLECTUEL RETENTIT SUR la NUTRITION
GÉNÉRALE QU'IL RALENTIT ;
3° LE travail INTELLECTUEL MODIFIE l'élimination DE L'A-
CIDE PHOSPHORIQUE par LES URINES; IL DIMINUE LE CHIFFRE DE
l'acide PHOSPHORIQUE UNI aux alcalis, ET augmente LE
CHIFFRE DE l'acide PHOSPHORIQUE UNI aux TERRES.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
I. L'écorce DU cervelet; par C.-E. BEEVOR. (Brain,
Part XXII, 1883.)
Ces recherches anatomiques sur l'écorce du cervelet ont été
faites sous la direction de Gaule (Leipzig) en employant plusieurs
méthodes différentes et la technique la plus récente, c'est le pro-
cédé de coloration par la fuchsine acide (Weigert) et la nigrosine
qui a donné les meilleurs résultats. Les préparations ont été faites
surtout sur des cerveaux de chiens plongés dans les réactifs dur-
cissants moins de une heure après la mort.
Nous ne pouvons donner ici que les conclusions de ce travail,
d'après l'auteur lui-même :
1° Chaque fibre sans branches est en connexion avec chaque
cellule de Purkinje. Le cylindre axe passe dans le protaplasma de
la cellule, la gaine médullaire dans la capsule névroglique de la
cellule ;
2° Le cylindre axe se convertit dans la cellule en un certain
nombre de fibrilles qui passent dans les processus protoplas-
miques à branches. Ces fibrilles parcourent comme des filaments
absolument distincts jusqu'à la périphérie les processus entourés
d'une gaine névroglique. Dans les divisions successives de ces
processus les nombreuses fibrilles sont graduellement séparées
gaine médullaire, et enfin celles-ci se portent dans la substance
médullaire tout en s'entre-croisant entre elles et formant une sorte
de plexus.
Ce travail est accompagné de figures très claires quoique non
schématiques, et constitue un des meilleurs documents que nous
ayons sur la structure si compliquée du cervelet. P. M.
II. SUR LES PHÉNOMÈNES CONSÉCUTIFS A la SECTION DES FIBRES
DU NERF OPTIQUE A L'INTÉRIEUR DES HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX
DANS LE VOISINAGE DU SEGMENT POSTÉRIEUR DE LA CAPSULE
INTERNE; par W. BECHTEREW. (Neurolog. Centralbl., 1884).
A l'aide d'un instrument représentant une gaîne mince
dont on peut à volonté projeter une fine lame qui form e pres-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 85
que un angle droit avec la gaîne, l'auteur, après avoir réglé
l'expérience, arrive à séparer les fibres de la capsule interne
à la hauteur de la face supérieure de la couche optique,
immédiatement en dehors de la zone où le ventricule latéral
émet son prolongement inférieur, par conséquent au-dessus
du corps genouillé externe. Dans ces conditions, il ne se pro-
duit aucun trouble de la motilité ni de la sensibilité. Seules
les moitiés homonymes des deux rétines par rapport au côté
opéré cessent de fonctionner; la limite de chaque champ
visuel est représentée par une verticale au voisinage du point
de fixation, et la lacune en est toujours notablement plus
grande du côté opposé à l'opération. Pas de modifications
pupillaires appréciables. ' P. K.
III. DE l'importance DES ganglions intervertébraux (Re-
cherche expérimentale et histologique) ; par W. BECHTEREW
et P. ROSENBACH. - APPENDICE A CETTE communication,
par les mêmes auteurs. QUELQUES remarques SUR CETTE
communication, parScHULTZE. (Neurol. Centralbl., 1884.)
On endort un chien ; on lui plonge un couteau à deux
tranchants dans l'espace intermédiaire au sacrum et à la der-
nière vertèbre lombaire (spatium rhomboïdale) et l'on sec-
tionne l'ensemble des racines qui au-dessous du renflement
lombaire partent de la moelle pour former la queue de cheval ;
ou bien, pour sectionner un plus grand nombre de racines,
on passe entre la. dernière et l'avant-dernière lombaire. Le
couteau enlève les racines postérieures et antérieures avant
l'extrémité inférieure de la moelle, et les ganglions spinaux;
il porte encore sur quelques ganglions et sur quelques troncs
nerveux en arrière. Il en résulte une paralysie complète de la
queue, un trouble évident du mouvement dans les extrémités
pestérieures, une parfaite anesthésie de la queue, du périnée,
des surfaces postéro-internes des cuisses, de la paralysie des
deux sphincters. Quand la section a eu lieu entre les deux der-
nières lombaires, on remarque en outre un trouble marqué du
mouvement dans les deux extrémitéspostérieures, le train posté-
rieur titubant; en marchant, décote et d'autre, l'anesthésie est
plus étendue. Peu de temps après, il se produit une réaction
dégénérative absolue des muscles paralysés et de l'amaigrisse-
ment. La mort a lieu, malgré une alimentation suffisante, au
86 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.
bout de dix à trente jours; quelques animaux se rétablissent
totalement ; on les tue alors deux à trois mois plus tard. L'a-
nalyse macroscopique et microscopique suggère aux auteurs
les conclusions suivantes : L'altération constante de la sub-
stance grise (dégénérescence des cellules nerveuses des cornes
antérieures et postérieures) rapprochée de l'absence de tout
trouble imputable à une action traumatique dans le voisinage
immédiat des racines sectionnées, indiquerait que l'altération
de la substance grise est simplement l'effet de la séparation des '
ganglions spinaux en connexion avec les racines postérieures
sectionnées. La constance de la dégénérescence atrophique et
de la disparition des cellules nerveuses après l'opération sans
aucun processus inflammatoire prouverait qu'il s'agit d'un
trouble trophique qui, après la section des ganglions, se pro-
page le long des racines postérieures coupées vers le centre
de la moelle. Les ganglions intervertébraux serviraient donc
de foyer trophique non seulement aux fibres sensitives et aux
racines des nerfs spinaux, mais aux éléments cellulaires de
la moelle même. L'ascension du processus dégénératif, plus
loin que la sphère commandée par les ganglions sectionnés ,
cette ascension serait non pas le résultat direct de la sépara-
tion des ganglions, mais un phénomène de propagation par
contiguïté dû aux connexions si riches, si multipliées, qu'af-
fectent entre elles les cellules nerveuses au moven de leurs
prolongements dans le réseau nerveux de la substance grise.
Quant aux cordons de Goll et autres, l'inconstance à tous égards
des résultats obtenus forcerait les auteurs à déclarer que leur
dégénérescence est à peu près absolument une lésion consécu-
tive qui n'est pas immédiatement produite par la séparation
des ganglions spinaux, mais qu'elle émane de la destruction
des cellules nerveuses qui, selon toute probabilité, servent de
lieu d'origine à ces faisceaux. La polémique, suivant nous,
n'enlève rien au mémoire que nous venons d'analyser briève-
ment ; les questions se tranchent non avec des mots, mais en
variant les expériences. P. K.
IV. Remarques SUR la FORME DE la moelle ÉPINIÈRE DE
l'homme; par M. FLESCH. (Neurolog. Çei ? 12albl., 188t.)
Une moelle d'un enfant de dix-huit mois ayant succombé à
la diphthérie est enlevée trente-six heures après la mort. On
REVUE D ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 87
la suspend dans la liqueur de Müller. Et l'on constate que, de
même que chez les mammifères, elle présente une convexité
dorsale à sommet postérieur, une convexité cervicale à sommet
antérieur. La même forme persiste quand on a enlevé la dure-
mère et la pie-mère. L'exactitude dans la fixation de cette
forme est obtenue précisément en conservant l'organe sans
l'attacher dans un liquide dont le poids spécifique est presque
celui de sa substance. P. K.
V. CONTRIBUTION A la connaissance DES NERFS VASO-MOTEURS
DE la peau DE l'homme, par M. BucH d'Helsingfors). (Cen-
tralblatt. f. Nervenheilk., 1884.)
L'excitation due à un froid modéré (ablation de la couver-
ture, compresse d'eau) sur une partie limitée de la peau,
provoque de l'hyperthermie des régions voisines; l'application
d'un morceau de glace abaisse la température sur une large
zone. Dans le premier cas, la contraction des plus fins vais-
seaux, par l'intermédiaire des nerfs ou des centres périphé-
riques locaux, provoque une hyperémie collatérale dans le
voisinage; une forte excitation, au contraire, se réfléchit
jusque sur les centres de la moelle et produit une hypothermie
étendue. Voici un malade atteint d'une myélite qui a inter-
rompu l'arc réflexe; dans ces conditions, la moelle n'interve-
nant plus, une excitation d'intensité quelconque agit comme
l'excitation faible chez l'individu sain, mais alors les réactions
se font plus lentement (autonomie des centres nerveux péri-
phériques séparés du centre spinal), et la température du voisi-
nage ne s'abaisse, après l'ablation de la glace, que lentement
et incomplètement (persistance de la contraction des vaisseaux
profonds). Conclusion : Chez l'homme sain, les réflexes vascu-
laires parent aux inconvénients des actions thermiques à la
surface du corps, la destruction de ces régulateurs engendre
des réactions paresseuses et incomplètes, des stases et de l'hy-
perémie où normalement il devrait y avoir une anémie préser-
vatrice. De. là, les affections intercurrentes aiguës (pneumonie)
des tabétiques. Préservez donc les gens atteints d'affections
spinales chroniques du froid, et surtout du froid peu intense
actionnant une notable surface. P. K.
88 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE.
VI. CONTRIBUTION A la connaissance DE la marche DES
FIBRES dans LE corps STRIÉ; parL. EDINGER. (Neurol. Cen-
lralbl., 1884.)
Les tractus que l'on voit émerger à la base et à la pointe du
noyau lenticulaire, appartiennent au moins à deux systèmes
distincts : 1 le système de l'irradiation de la calotte (Flechsig) ;
2° le système du noyau caudé et du segment externe du noyau
lenticulaire (putamen). Le système de l'irradiation de la calotte
est d'abord composé de fibres myéliniques. Ce n'est que beau-
coup plus tard (après la naissance) qu'on en trouve dans le
système du noyau caudé et du segment externe du noyau
lenticulaire (putamen). Dans la capsule interne, ce sont les
fibres occupant le dernier tiers de la branche postérieure qui
ont les premières des fibres à myéline. Elles entrent, en partie,
dans le noyau rouge et dans le corps de Luys. D'autres sortent
directement de la capsule interne pour gagner le bord supéro-
interne du noyau lenticulaire, et pénétrer dans sa masse grise.
Les fibres qui entrent dans le noyau lenticulaire prennent
alors une double direction. Plusieurs s'infléchissant en dedans,
parviennent à la pointe interne du -noyau lenticulaire, en
sillonnant la capsule interne de nombreux faisceaux, jusqu'aux
ganglions de la région subthalamique ; d'autres, sans entrer
en rapport direct avec le noyau lenticulaire, passent entre ses
articles pour se diriger directement à la base où, après s'être
infléchies en dedans, elles constituent l'anse du noyau lenticu-
laire. Cette anse située au-dessus du pédoncule, gagne, en des-
cendant presque tout entière l'étage supérieur de celui-ci; une
partie de cette anse parait cependant remonter en dedans pour
atteindre le noyau rouge. Bien plus difficiles à trouver sont les
rapports des fibres issues du segment externe du noyau lenti-
culaire et du noyau caudé parce que, à l'époque où ils reçoivent
de la substance blanche, la région subthalamique contient
déjà d'autres tractus à myéline nombreux. Les fibres en ques-
tion sortent du putamen, entre les deux articles internes du
noyau, et de là, avec les fibres suhrà, atteignent les gan-
glions de la région subthalamique, puis elles s'infléchissent
entre le premier et le deuxième article du noyau lenticulaire
jusqu'à l'anse décrite. Il parait aussi exister un système de
fibres issues du noyau caudé, mais M. Edinger n'a pas de pré-
parations univoques à apporter. P. K.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 89
VII. Communication concernant la prétendue absence DE
DIVISION DES TUBERCULES quadrijumeaux CHEZ LES reptiles ;
par E.-C. SpiTZKA. (Neurol. Cent1'albl., 1881.)
Lussana prétend que, seuls, les boas et, parmi les poissons,
l'anguille, présentent la quadruplicité des tubercules quadri-
jumeaux semblable à celle des mammifères. « Il y a déjà plu-
sieurs années, dit M. Spitzka, que j'ai démontré la fausseté de
l'allégation d'après laquelle les tubercules quadrijumeaux, à
raison de l'absence de sillon transverse, seraient, chez les rep -
tiles, représentés par les deux lobes optiques. » L'auteur passe
en revue, sous dix propositions, l'encéphale des reptiles divers
comparé à celui d'autres animaux. 11 les résume toutes dans la
onzième que voici : chez tous les animaux munis d'un amnios,
les ganglions des deux paires antérieure et postérieure sont
représentés. Ceux de la paire antérieure sont de véritables
expansions corticales, et dérivent de la vésicule moyenne du
cerveau. Les ganglions postérieurs sont des agglomérations
annexées postéro-latéralement au cerveau moyen. Les gan-
glions antérieurs sont toujours des saillies visibles évidentes
chez les reptiles et les oiseaux sous la forme de lobes optiques,
et chez les mammifères, sous celle de paire antérieure des tu-
bercules quadrijumeaux. Les ganglions postérieurs sont cachés
chez la plupart des reptiles et chez les oiseaux, faiblement
indiqués chez l'alligator et le pseudopus, fortement marqués
chez le boa et l'iguane. En général, leur développement
est en raison inverse de celui des ganglions antérieurs, si bien
que, chez les mammifères, leur volume est notablement plus
grand que chez les reptiles. Chez les mammifères, ils se rap-
prochent de plus en plus les uns des autres; tandis que, chez
les carnassiers, ils apparaissent comme autant de monticules
séparés, accrochés chacun à un tubercule antérieur; chez le
singe, l'homme, les ruminants, ils se rapprochent l'un de l'autre
jusqu'à ce que, se rencontrant, ils engendrent un sillon qui
est la continuation de celui qui sépare les tubercules antérieurs.
En outre de ces deux paires de ganglions, il en existe une troi-
sième paire chez les reptiles qui représente le développement
de l'organe central du cerveau moyen; chez l'iguane, elle fait
saillie extérieurement, de sorte que cet animal possède trois
paires de tubercules quadrijumeaux. » P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
I. SUR LES allures DES nerfs ET DES muscles malades
(dégénérés) A l'égard DES courants magnéto-électriques ;
par A. EULENBURG. (Neurolog. Ceat·albl., 1884.)
En mesurant, à l'aide d'un appareil spécial, la force des cou-
rants magnéto-électriques, l'auteur a trouvé que, dans l'espèce,
le degré d'excitabilité pour les courants d'induction magnéto-
électriques marche parallèlement à celui de l'excitabilité [pour
les courants volta-électriques. Mais il se présente certains cas
dans lesquels l'excitabilité des muscles dégénérés à l'égard
des courants magnétiques revient plus tôt (et peut-être même
dans ces mêmes cas s'est épuisée plus tard) que l'excitabilité
à l'égard des courants voltaïques. P. K.
II. SUR la signification DE la formation DE vacuoles dans
LES cellules nerveuses ; par P. Rosenbach. Remarque
SUR LE travail DE R. SCHULZ, intitulé : Des altérations
artificielles cadavériques et pathologiques de la moelle; par
A. Pick. CONTRIBUTIONS A L'ÉTUDE DE la formation DE
vacuoles dans LES CELLULES NERVEUSES, ganglionnaires DE
la moelle, par R. SCHULZ. (Neurolog. Centralbl., 1881.)
Rosenbach prétend que les cas sur lesquels Schulz s'est
appuyé 1 pour parler d'altérations artificielles, témoignent pré-
cisément de pertes de substances dues à la fièvre typhoïde, à
la tuberculose, à des affections générales; la preuve qu'on a
affaire à des altérations pathologiques il faut la chercher à
l'aide d'un grossissement très notable, qui montre alors dans
la vacuole un réseau fin, irrégulier, et parfois même des parties
constitutives des éléments disparus (débris du corps cellu-
laire). M. Pick partage la même opinion ; il faut encore ob-
1 Voy. Archives de Neurologie, t. VIII, p. 333.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 91 t
server, avant d'admettre la conclusion de Schulz. Ce dernier
maintient son appréciation et formule la pathogénie suivante :
le protoplasma des cellules nerveuses possède une certaine
cohésion, une certaine tension élastique. Une condition quel-
conque (action irrégulière ou trop forte de l'alcool, durcisse-
ment irrégulier, pression avec le couvre-objet) peut rompre en
un point cette cohésion, d'où, en vertu de l'élasticité, la forme
des trous vacuoliques. Evidemment cet accident arrivera souvent
et s'accentuera sur des cellules préalablement altérées, mais la
formation de la vacuole elle-même ne constitue pas un phé-
nomène pathologique. P. K.
III. MÉNINGITE SPINALE CHRONIQUE DE LA QUEUE DE CHEVAL AVEC
DÉGÉNÉRESCENCE SECONDAIRE DE LA MOELLE , PROBABLEMENT
D'ORIGINE SYPHILITIQUE par C. ELSENLOHR (Neurolog. Cen-
tralbl., 1884)..
Observation. Syphilitique de trente ans ayant éprouvé d'abord
de la constipation et des sensations désagréables dans la région
anale, puis de l'affaiblissement de la motilité dans les extré-
mités inférieures (jambe gauche principalement), enfin de l'in-
continence d'urine et une soudaine et complète paralysie de la
jambe droite. Au moment de l'examen, il existe de la para-
plégie avec diminution dela sensibilité des membres inférieurs,
des douleurs térébrantes dans les mêmes extrémités et dans
le rectum, avec besoin incessant d'uriner très pénible. Les
onctions mercurielles produisent une amélioration instable ;
le tableau morbide se complique d'accidents gangreneux au
sacrum (decubitus) d'amaigrissement considérabe des deux
jambes avec douleurs lancinantes, convulsions de la jambe
droite, paralysie complète de la vessie (écoulement inconscient
d'urine goutte à goutte), gâtisme, extrême dépression psychi-
que, demi coma (demi conscience, mais défaut de réaction des
pupilles et de la cornée). Durée totale, deux ans et dix mois.
Autopsie : compression des racines nerveuses de la queue de
cheval par un foyer méningitique. Dégénérescence secondaire
de certains segments des cordons postérieurs tout le long de la
moelle, dégénérescence secondaire ascendantes des racines pos-
térieures directement atteintes, dégénérescence descendante de
plexus et troncs nerveux co-affectés, atrophie dégénérative des
muscles. Pathogénie. Au début, phénomènes d'irritation de cer-
92 L) revue DE pathologie NERVEUSE.
tains territoires des racines postérieures; plus tard, phénomènes
paralytiques des extrémités inférieures, avec atrophies muscu-
laires partielles. La syphilis est en jeu, car il existe une infil-
tration chronique ayant formé d'épaisses callosités issues d'un
abondant exsudat gélatiniforme (compression des centres et
des racines nerveuses qui en partent). P. K.
IV. SUR UN cas DE sclérose granuleuse disséminée DE
L'ÉCORCE cérébrale ; par F. GREIFF. (Neurolog. Centralbl.,
z884.)
Observation à rapprocher de celle de Pozzi (cirrhose atro-
phique granuleuses disséminé des circonvolution cérébrales.
Encéphale, 1883). P. K.
V. SUR LES paralysies PROGRESSIVES ATROPHIQUES, LEUR NA-
TURE centrale ou périphérique; par C. EISEVLOHR. (Neurol.
Centralhl., 1884.)
Il n'est pas impossible qu'il n'existe des affections des nerfs
périphériques dégénératives d'ordre primitif. Un ne voit pas
pourquoi un agent nocif extérieur ou un agent nocif circulant
dans le torrent sanguin, n'agirait pas aussi bien sur les or-
ganes nerveux périphériques, que sur les organes centraux.
L'auteur relate une observation de paralysie progressive atro-
phique ascendante rapidement mortelle (durée totale : trois
mois) sans grands troubles de la sensibilité; atteinte successive
des extrémités, du tronc, du diaphragme. Il y avait concur-
remment tuberculose aiguë. L'autopsie décèle une dégénéres-
cence des sciatiques, d'autant plus intense, qu'on approche
davantage de la périphérie ; intégrité de leurs éléments à leur
origine. Intégrité également des troncs nerveux du bras droit,
intégrité des racines antérieures cervicales et lombaires, altéra-
tion des muscles de l'extrémité supérieure droite et de la jambe
du même côté. La moelle ne présente que des pertes de subs-
tances vacuoliques avec altération du protoplasma dans les
grandes cellules nerveuses multipolaires des cornes antérieures
sacro-lombaires ; même altération dans la moelle cervicale
entre la quatrième et la huitième paires cervicales. Aucune
autre altération . L'auteur tend à admettre l'origine infec-
tieuse. P. K.
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 93
VI. SUR L'EXISTENCE DE cylindraxes tuméfiés dans la MOELLE
épinière; par F. SCHULTZE. (Neurolog. Centralbl. 1884.)
Sur six individus morts de néphrite chronique, parenchy-
mateuse ou interstitielle, M. Schultze en trouva trois chez les-
quels il existait une tuméfaction des cylindraxes en question,
principalement dans la région dorsale et à la partie inférieure
du renflement cervical; on la trouvait généralement à la péri-
phérie des cordons latéraux. Cette tuméfaction ne porte d'or-
dinaire que sur quelques cylindraxes isolés ; deux cas cepen-
dant témoignèrent de l'atteinte d'un assez grand nombre de
fibres, soit par exemple des groupes de vingt d'entre elles. In-
tégrité de la névroglie, pas d'infiltration cellulaire. Un leucé-
mique présentait de ces tuméfactions à un degré extrême, sur
toute l'étendue de la moelle, dans tous les cordons, à toutes
les hauteurs de l'organe ; chaque coupe transverse décelait
l'énormité, soit de fibres axiles isolées, soit de groupes de cylin-
draxes de trois à vingt se comprimant, s'étouffant, se détruisant
par pression réciproque. Altération indépendante en tous
ces faits de tout processus inflammatoire, de toute immigration
cellulaire, de toute hémorrhagie, de tout oedème. Pathogénie
probable; dyscrasie déterminant finalement un trouble de nu-
trition des cylindraxes. P. K.
VII. SUR LES allures DES cylindraxes dans la SCLÉROSE MULTI-
loculaire; par F. SCHULTZE. (Neurolog. Centralbl., 1884.)
Pourquoi la sclérose multiloculaire ne s'accompagne-t-elle
pas de dégénérescence secondaire ? Les nouvelles méthodes de
coloration ont démontré à Schultze que la complète dispari-
tion dii la myéline, sur une étendue circonscrite en hauteur,
ne provoque pas de dégénérescence secondaire, même dans le
système myélinique ; la dégénérescence secondaire émanerait
au contraire, d'une altération considérable du cylindraxe. Or,
le processus scléreux qui nous occupe commence par anéantir
la myéline respectant les cylindraxes pendant un temps extra -
ordinairement long. P. K.
VIII. SUR LES rapports QUI EXISTENT ENTRE la NÉVRITE MUL-
TIPLE ET la POLIOMYÉLITE ; par A. STRUEiPELL. (Neurolog.
Centralbl., 1884.)
Pour les cas dans lesquels on ne trouve qu'une altération
9'p le REVUE DE pathologie nerveuse.
des nerfs périphériques, la moelle étant restée indemne, notam-
ment dans les cornes antérieures, Erb invoque l'hypothèse
d'après laquelle la névrite multiple a succédé à des troubles
fonctionnels des organes centraux ; ce qui signifie que tou-
jours, même lorsqu'elle parait primitive, ia névrite mul-
tiple serait secondaire (à rapprocher des dégénérescences des-
cendantes). Mais, objecte M. Struempell, si fortes que soient
les lésions des nerfs périphériques, presque jamais les racines
antérieures de la moelle ne sont trouvées malades ; en second
lieu, presque toujours la maladie en question commence par
des troubles de la sensibilité (violentes douleurs); puis très
fréquemment on voit survenir de l'anesthésie, si légère soit-
elle. Voilà des symptômes qui prouvent que l'affection siège
primitivement dans les nerfs. Finalement il n'y a pas lieu d'a-
dopter la division deErb en : névrite chronique atrophique par
dégénération simple (analogue à la dégénérescence secondaire)
et névrite multiple vraie, c'est-à-dire inflammatoire; car com-
ment distinguer l'élément dégénératif, de l'élément inflamma-
toire ? La névrite multiple peut revêtir toutes les formes pos-
sibles ; elle embrasse depuis les cas mortels suraigus (altération
en apparence vraiment inflammatoire) jusqu'aux cas chro-
niques (atrophie presque purement dégénérative à l'aspect),
il s'agit là, en somme, de phases évolutives d'un processus
unique. On ne saurait non plus en principe séparer les altéra-
tions delà moelle(poliomyélite) de celles des nerfs périphériques
(névrit multiple); elles émanent, en effet, les unes comme
les autres, d'un facteur étiologique univoque. Adoptons, par
exemple, la théorie infectieuse; le même agent pathogénétique
peut parfaitement engendrer simultanément ou successive-
ment ou exclusivement des lésions spinales ou névritiques ;
l'unité résulte simplement de ce fait que la maladie se porte
de préférence sur des segments du système nerveux moteur.
Poliomyélite et névrite sont proches parentes et se conduisent
l'une par rapport à l'autre, au moins dans beaucoup de cas,
comme la diphthérie pharyngienne et le croup laryngien.
P. K.
IX. Contribution A l'étude DES ecchymoses sous-cutanées d'origine
nerveuse; par 'ftl. SELLER. (Revue de médecine, 1884, no 8.)
Les sujets observés par l'auteur sont des femmes, et pour la
plupart des hystériques, autant qu'on peut supposer du moins à
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 95
cause du défaut d'exploration de la sensibilité, du champ visuel
et des zones hystérogènes.
L'hérédité se trouve en jeu d'une façon remarquable dans un
cas. La mère, la fille et la petite-fille onteu des ecchymoses sous-
cutanées. Dans quelques-uns, l'arthritisme se combine à l'état
névropathique. Les émotions violentes, surtoutrépétées, sont leur
cause déterminante ordinaire. Observées sur les régions du corps
les plus diverses, sur la lèvre inférieure, sous les ongles des orteils,
les ecchymoses sous-cutanées d'origine nerveuse, de dimensions
fort variables, ont pour siège ordinaire le tronc et les membres.
Tantôt une douleur caractéristique lancinante toujours la même
annonce que l'ecchymose va se former, tantôt la douleur n'ap-
paraît qu'après sa formation et sous l'influence de la pression ou
du frottement des vêtements, ce qui les distingue des ecchymoses
tabétiques toujours ir.dolentes. Une fois formée, l'ecchymose se
comporte comme toute ecchymose.
Cet accident névropathique ne doit pas être ignoré du méde-
cin légiste. Une malade de Keller disait souvent à son mari que
« si on la voyait dans cet état, on pourrait croire qu'elle avait le
plus méchant des'époux ». D. B.
X. SUR LES paralysies ISOLÉES DES NERFS DU bras ET COM-
binées DU bras ET DE l'épaule ; par M. BERNHARDT. (Cen-
tralbl. f. Nervenheilk. 1884.)
Observation I. Paralysie isolée du muscle deltoïde gauche.
Observation II. Paralysie isolée du nerf musculocutané
droit. Observation III. Paralysie de Erb. OBSERVATION
IV. Forme particulière de paralysie du plexus brachial por-
tant sur le nerf sus-scapulaire, le nerf thoracique postérieur
(longus) (muscles sus- et sous-épineux et grand dentelé);
atteinte de quelques branches de la Il paire cervicale, notam-
ment de rameaux sus-claviculaires postérieurs qui complètent
l'innervation du spinal(muscle trapèze). Intégrité des branches
sus-claviculaires qui émanent des V° et VI° racines cervicales.
P. K.
XI. UN cas d'hémiplégie corticale ET DE SURDITÉ verbale ;
par P.-J. MOEBIUS. (Centralbl. f. Nervenheilkunde, etc., 48SU.)
Hémiplégie gauche avec contracture. Destruction de presque
toute la pariétale ascendante et des portions limitrophes du
obule pariétal supérieur et du lobule pariétal inférieur de
Richer. P. K.
96 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XII. SUR l'affaiblissement DES DIGESTIONS intestinales D'ORI-
GINE NERVEUSE ; par P.-J. MOEBlus. (Centralbl, f. Nerven-
heilk., 188'e.)
Il s'agit des neurasthéniques qui, tout en conservant un bon
appétit, et en ingérantune quantité respectable d'aliments, mai-
grissent à vue d'oeil, sans présenter de troubles subjectifs gastro-
intestinaux. Ces malades vont immodérément à la selle, mais
leurs garde-rohes, qui semblent normales, contiennent une
grande abondance de matériaux alimentaires non absorbés.
Cet état n'est que l'expression de l'affection générale avec
laquelle elle disparait. De là les indications pronostiques et
thérapeutiques. La pathogénie comporterait trois mécanismes :
l'affaiblissement du système nerveux nuit à l'activité cellulaire
de l'intestin, sans toucher aux glandes ni à l'appareil muscu-
laire, ou bien il se produit dans l'espèce une hypersécrétion du
suc intestinal analogue aux sueurs et à la polyurie nerveuses;
enfin peut-être a-t-on affaire à une diarrhée par angoisse psy-
chique. Le résultat est le défaut d'absorption. P. K.
XIII. CONTRIBUTION au diagnostic DE la MORT apparente; par
M. BucH (d'Helsingfors). (Centralbl. f. Nervenheilk., 1884.)
Modifications et perfectionnement, d'après des recherches
particulières de la méthode de Rosenihal (électrothérapie,
1873). Premier procédé. On essaie, à l'aide d'un courant fara-
dique fort, de provoquer la contraction des muscles en divers
endroits du corps. Si l'on réussit, on place un thermomètre de
surface ou un thermomètre ordinaire que l'on fixe sur la peau
à l'aide de ouate et d'un tour de bande légèrement serré. On
attend que la température demeure constante pendant trois à
cinq miuutes, et l'on détermine la contraction du ventre mus-
culaire sous-jacent. Si la température monte, l'individu vit.
Second procédé. Dans les conditions normales, une violente
excitation mécanique (pincement de la peau) détermine de
l'hyperthermie sur un large circuit ambiant par dilatation
vasculaire réflexe; même phénomène par application de neige,
de glace. Rien de semblable n'a lieu sur un cadavre. L'auteur
n'a pas. encore eu l'occasion d'appliquer ses procédés à un cas
de mort apparente. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 97
XIV. CONTRIBUTION A la théorie DU DOIGT A RESSORT ; par
M. BERNHARDT. (Centralbl, f. Nervenheilk., 1884.)
Cette anomalie consiste, comme on sait, en ce qu'il y a
impossibilité pour l'individu atteint de fléchir ou d'étendre, au
delà d'une certaine limite, un ou plusieurs doigts; de grands
efforts ou l'aide de l'autre main produisent le mouvement
voulu qui, alors, s'effectue brusquement en déterminant un
bruit perceptible et en exécutant une secousse comme s'il y
avait détente d'un ressort. M. Bernhardt relate deux observa-
tions personnelles. Après avoir passé en revue les opinions de
différents auteurs, notamment celle de M. Vogt (thèse de
Felicki, Greisswald, 1881), il adopte pour son premier fait l'idée
d'une contracture de l'aponévrose palmaire (épaississements
circonscrits empêchant la libre mobilité de la gaîne tendi-
neuse du médius) et, pour son second cas, la complication rhu-
matismale (aponévrose palmaire contracturée et épaissie, avec
gaîne tendineuse sous-jacente tuméfiée par la diathèse). P. K.
XV. LE réflexe DE la RÉGION DE L'HYPOCHONDRE ; par
C. Reinhard. (Cenlralbl. f. Nervenheilk., 1884.)
La main est placée à plat (doigts réunis); on en dirige la
paume en haut en l'orientant sur la ligne mamillaire ou entre
cette ligne et la ligne axillaire, de façon à ce qu'elle aille
d'avant en arrière et de bas en haut; on exerce alors dans la
région indiquée une pression rapide et élastique sur la
paroi abdominale qu'on repousse en dedans et au-dessous du
bord libre des côtes. Le réflexe consiste en une inflexion très
prompte et assez énergique du tronc du côté excité, et un peu
en avant; en même temps, inspiration convulsive, réaction
contractile des téguments abdominaux qui repoussent énergi-
quement les doigts ; ceux-ci perçoivent assez souvent le dia-
phragme qui descend. Quand ce réflexe est doué d'une force.
moyenne, il y a concours des muscles oblique externe, oblique .
interne, diaphragme, transverse et droit; s'il est exagéré, le
carré des lombes, le grand dentelé et le grand dorsal entrent '
en jeu. Le patient n'éprouve aucune sensation. Ce réflexe diffère
des réflexes des téguments abdominaux par sa promptitude,
son énergie, sa forme, sa persistance pendant le sommeil, sa
production par l'acte de s'habiller, son indépendance du réflexe
Archives, t. X. 7
98 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
tégumentairc. Il est donc analogue aux réflexes tendineux ou
tout au moins, aux réflexes musculaires ou aponévrotiques.
- P. K.
XVI. UNE observation sur LE phénomène du genou; par
BAIERLACHER. (Centralbl. f. Nerven7eillc., 1884.)
Décidément, le phénomène du genou est un réflexe. Ainsi,
un homme de cinquante-cinq ans, neurasthénique et atteint
d'insomnie, ne présente plus du tout de phénomène du genou
des deux côtés. Depuis dix ans,, il éprouve des paresthésies
dans les cuisses avec diminution de la sensibilité cutanée; il
se fatigue facilement en marchant : absence de phénomènes
tabétiques. Mais, luipratique-t-ondes injections hypodermiques
de morphine, on voit reparaître le phénomène du genou dans
les deux jambes, avec ses particularités entières. Les injections
sous-cutanées de morphine pourraient donc être un moyen de
diagnostic adjuvant en matière de tabes. P. K.
XVII. Sur LE tabès de la femme; par P.-J. MOEBIUS.
Défense : appendice au mémoire PRÉCÉDENT; par le même
auteur.' Nouveaux cas DE tabès chez la femme; par le
même auteur. {Centralbl. f. Nei,venheil4 ? 1881.)
Cinq observations, dont quatre reconnaissent, d'après l'au-
teur, la syphilis comme seule cause (syphilis du mari - avor-
tements = syphilis de la femme), forment le fond du premier
mémoire. Après avoir procédé à la Revue critique des faits de
la bibliographie, M. Moebius se déclare partisan de la genèse
syphilitique' de l'ataxie locomotrice; la syphilis produit, dans
l'immense majorité des cas, l'affection en question, elle agit
comme cause primaire toxique. Tous les autres éléments patho-
génétiques jouent le rôle de causes occasionnelles, même
l'hérédité : un névropathe, quand il est syphilitique, est peut-
être plus menacé par le tabes qu'un autre syphilitique (locus
minoris resistentix). Dans son second mémoire, M. Moebius
relate treize nouvelles observations. De ces dix-huit faits, il
tire les conclusions suivantes : .
4» Dans la plupart des observations concernant des femmes
tabétiques, ou a pu constater la syphilis dans les commémoratifs ;
chez presque toutes, on a trouvé des circonstances rendant pro-
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 99
bable l'infection antérieure. - 2° Le tabes ne s'observe pas chez
les jeunes femmes.- 3° L'âge moyen dudébut du tabes est trente-
deux ans. L'intervalle moyen entre l'infection et le tabes est
représenté par sept années. - 4o La syphilis dans ces cas a tou-
jours été légère. 5«On a vu fréquemment manquer toute cause
adjuvante : il fautsignaler comme telle, les processus puerpéraux,
les hémorrhagies de même nature, le refroidissement, les émo-
tions morales, les prédispositions névropathiquess. P. K.
XVIII. UN cas de FOYERS DE ramollissement MULTIPLES dans
l'encéphale, DE par la syphilis ; par A. ROSENTIiAL. (Cen-
tralbl. f. lVervenheilk., 1884.)
Un homme de vingt-cinq ans présente, à l'autopsie, une
thrombose de quelques artères de la base (dégénérescence
athéromateuse); obstruction de la basilaire et de l'artère céré-
brale postérieure droite; foyers de ramollissement du lobe
temporal droit, du lobe occipital, de l'hémisphère cérébelleux
droit. Gomme syphilitique du rein gauche. L'auteur conclut
à une sénilité syphilitique précoce, bien que le microscope ne
décèle pas d'endo-artérite oblitérante. Il rattache l'hémiparésie
avec hémianesthésie gauche observée pendant la vie, au foyer
occipital, la surdité complète à celui du lobe temporal droit
(couche blanche); l'intégrité de la parole résultait, pour lui,
de l'intégrité des circonvolutions temporales mêmes. P. K.
XIX. Tabès dorsal ET syphilis ; par. W.-TH. de RENZ.
(Centralbl. f. Ne2,ve2zheilk. 188t.)
Le sous-titre rationnel du travail est : Tabes et 111° et 7F°
paires sacrées. En effet, l'auteur prétend que les tabétiques
sont, sans exception, en proie à des troubles de la sensibilité
(hyperalgésie au début, hypoesthésie à la fin) du plexus pu-
dendo-hémorrhoïdal, et du plexus coccygien (atteinte particu-
lière des nerfs périnéaux, des rameaux scrotaux, du nerf dor-
sal du pénis). Pour lui, le tabes commence par une lésion des
nerfs périphériques, et notamment du plexus pudendo-hémor-
rhoïdal, qu'il s'agisse de refroidissement ou de syphilis. D'ail-
leurs, la théorie parasitaire cadre parfaitement avec cette
opinion, les germes pouvant, par les muqueuses génito-uri-
naires ou par les surfaces cutanées podaliques altérées,
atteindre, quand il y a surmenage (fatigue, refroidissement,
100 REVUE DE pathologie mentale.
syphilis), les nerfs périphériques; leur lésion, due aux champi i
gnons et aux décompositions intra-histologiques qu'ils suscitent,
gagne finalement la moelle, d'où le tabès. La prédisposition
réside dans la qualité ou la quantité du revètemeut épithélial
qui, suivant les individus, se prête ou non à la pénétration de
l'agent dégénératif. C'est ainsi que le champignon tabétogène
et ses produits de décomposition attendront sur une muqueuse
vaginale saine imperméable (intégrité de la femme) la mu-
queuse d'un homme prédisposé qui sera plus tard atteint de
tabes. C'est aux micrographes qu'il appartient de chercher le
corps du délit, la dégénérescence tabétogène primitive dans les
branches des IlIe et IVe paires sacrées, ainsi que dans les nerfs
sacro-lombaires. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
I. SUR LES allures DE la SENSIBILITÉ générale ET spéciale
chez les convulsifs ET les aliénés ; par Thomsen. (Neu-
rolog. Centralbl., 1884.)
Les anesthésies et hémianesthésies sensorielles (rétrécisse-
ment concentrique du champ visuel, troubles de l'ouïe, de
l'odorat, du goût, du sens musculaire), avec ou sans participa-
tion de la sensibilité cutanée, existent non pas seulement chez
les hystériques, mais aussi chez les épileptiques ainsi que chez
les aliénés, notamment chez les aliénés dont la psychose occupe
le domaine de la vie affective (intégrité de la vie conceptuelle).
Chez l'épileptique, l'ictus ou son équivalent ne provoque
l'anesthésie sensorielle (rétrécissement concentrique du champ p
visuel) que quand il procède par du délire ou des hallucina-
tions (sans trouble de la connaissance) entamant la vie affec-
tive ; la sensibilité générale et spéciale est assez souvent affectée
d'une façon permanente dans la démence épileptique. L'anes-
thésie de l'hystérique est également persistante, quelles qu'en
soient les oscillations. L'anesthésie sensorielle manque dans
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 101
la paralysie générale, chez les délirants non épileptiques,
dans le délire chronique, même quand il se montre des accès
d'angoisse d'origine conceptuelle ou hallucinatoire, tandis
que la sensibilité générale et spéciale est atteinte dans la
folie aiguë des jeunes femmes (désordre dans les idées avec hal-
lucinations), dans les accès d'angoisse d'ordre affectif (trau-
matismes céphaliques, maladie de Basedow, agoraphobie),
pendant le stade mélancolique de la folie circulaire, dans les
cas de conceptions irrésistibles avec actes de même nature. Il
y a parallélisme parfait, quant à la durée, à l'intensité, à l'évo-
lution, entre les troubles de la sensibilité et les épisodes en
question. P. K.
II. Quelques mots sur les psychoses combinées, par
F. Siemens. (Neurolog. Centralbl., 1884.)
La mélancolie, la manie, le délire systématique sont, dit
l'auteur, des complexus symptomatiques qui, tantôt consti-
tuent des névroses fonctionnelles autonomes, tantôt se dévelop-
pent dans le cours d'un autre processus morbide, c'est-à-dire sur
un terrain préparé. Dans le premier cas (formes pures), il n'est
que la mélancolie et la manie qui puissent se transformer l'une
dans l'autre, alterner l'une avec l'autre, mais jamais elles
ne passentà l'état de délire systèmatique ni inversement; elles
se terminent par la guérison ou la démence. La seconde éven-
tualité(formes associées), comprend les psychoses fonctionnelles
ajoutées, soit à un trouble cérébral organique persistant, soit
à un trouble cérébral par affection somatique momentanée ;
elles donnent alors naissance à des combinaisons de manie,
mélancolie, délire systématique, et à des tableaux de transition
épisodiques anormaux. Ainsi les troubles psychiques greffés
sur une anomalie de développement de l'organe central (congé-
nital, infantile, juvénile), comportent des mélanges des symp-
tômes précités, souvent- protéiformes, avec accès épileptiques
intermédiaires, antérieurs ou concomitants ; même association
des éléments syndromiques (manie, mélancolie, délire systé-
matique) dans les psychoses d'origine traumatique, embolique,
hémorrhagique, parasitaire, phymique, scléreuse, suppurative;
dans celles qui sont en rapport avec une maladie ordinaire,
infectieuse, cardiaque, toxique, avec les névroses graves hysté-
ro-épileptiques, avec la menstruation, l'état gravide et puerpé-
10"2 L) REVUE DE pathologie mentale.
rai, la ménopause (fréquence de la mélancolie, accompagnée
d'hallucinations sensorielles et d'idées délirantes correspon-
dantes, de la mélancolie transformée en folie systématique), avec
l'involution ou régression cérébrale sénile, avec la démence
paralytique (ici se pose la question de la genèse de la paraly-
sie générale : sénilité précoce, syphilis, etc... : question à
revoir). Conclusions pratiques. Toutes les fois que les anamnes-
tiques ou l'observation du malade révéleront la trace de la
combinaison, chez un individu, des éléments symptomatiques
énumérés, ou d'une forme de transition anormale, on devra
soupçonner que le sutstratrum pathologique est constitué
par un des facteurs consignés suprà. P. K .
III. Considérations CRITIQUES ET CLINIQUES dans LE domaine
des hallucinations ; par V. IANDINSIiY. {Centralbl. f. Ner-
venheilk.. 1884.)
On se rappelle le mémoire de l'auteur sur son propre cas'. Il
y a peu de temps, il a éprouvé les premiers linéaments de pseu-
do-hallucinations ; avant d'écrire un long travail, il pose les
grands points principaux de son étude. Nous en reproduisons
les éléments.
10 Insuffi-ance des matériaux actuels quant à la théorie des
hallucinations. 2° On confond dans la pratique certains phé-
nomènes subjectifs que l'on prend pour des hallucinations et qui
n'en sont pas. 3° Une hallucination est une perception senso-
rielle (sans objet) dont la teneur est toujours concrète ; il n'y a
pas d'hallucinations abstraites. Mais il s'en faut de beaucoup que
toutes les perceptions sensorielles subjectives soient des halluci-
nations. 4° Chez les aliénés, il faut distinguer toutes sortes de
perceptions sensorielles subjectives : a, les conceptions reproduc-
trices sensorielles ordinaires (idéalion), mais très exagérées en
ce qui concerne l'intensité par rapport à la normale (vivacité,
particularités appréciables par les sens) ; ou simples images com-
mémoratives issues de l'imagination; 6, les pseudo-hallucina-
tions proprement dites; c, les hallucinations réelles. Tous ces
genres sont constitués par la projection extérieure de tableaux
sensoriels; 5° Une perception sensorielle subjective ne peut
être appelée hallucination vraie que lorsque le tableau senso-
riel pénètre la connaissance, et se trouve doué des mêmes carac-
1 vos. Archives de Neurologie, t. II, p. 274.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 10 t
tèrcs de réalité objective que ceux' qui appartiennent à la per-
ception des impressions extérieures réelles. 11 n'y a pas de degrés
dans les images réellement hallucinatoires, pas plus qu'il n'existe
de transition entre les perceptions sensorielles subjectivesnonhal-
lucinatoires (images commémoratives, pseudo-hallucinations) et
les hallucinations véritables, quant au caractère. de l'objectivité
ou de la réalité. - fin Les hallucinations étant des phénomènes
de la connaissance qui, pour la connaissance .même qui,perçoit,
ou bien paraissent complètement adéquats aux représentations
objectives associées voire simultanées, ou bien remplacent ces 's
dernières quand elles ont disparu (rêve, hallucination en forme.
de rêve), les hallucinations peuvent se produire de deux façons.
7° Il existe des hallucinations purement corticales (rêve, halluci-
nation en forme de rêve). Une hallucination peut alors dériver
directement d'une image commémorative sensorielle simple, et
à f01'tiol'i d'une pseudo-hallucination; mais cette genèse exige
l'interruption de la perception des impressions extérieures, c'est-à-
dire, quand la connaissance n'est ni troublée, ni obnubilée, qu'il est
impossible qu'il se produise des hallucinations purement çorti
cales. - 9° Quand la connaissance n'a subi aucune perturbation
(relative à la perception des impressions extérieures réelles), les
hallucinations ne peuvent survenir sans le concours des centres
sensoriels sous-corticaux. 10" Une conception, reproductrice
(idéation ordinaire ou pseudo-hallucination) ne peut en aucun cas
engendrer une hallucination par le procédé de la tension, ni de
l'intensité de l'idéation. Le haut degré d'intensité ne saurait
être une condition nécessaire à la transformation d'une percep-
tion sensorielle subjective en hallucination. - 410-180 Personne
n'a encore décrit les pseudo-hallucinations dans le sens de l'auteur.
Ce sont, celles du moins qu'il a eues, des perceptions très vives,
animées et présentant, à leur plus haut degré, des caractères
assez précis. Elles possèdent tous les caractères propres aux hal-
lucinations subjectives véritables, si ce n'est la propriété de la
réalité objective qui les exclut de l'ordre des hallucinations. Elles
occupent le domaine de n'importe quel sens. Elles ne sont pas
simples, quoique étant des images commémoratives et des images
anormalement animées. Elles diffèrent des conceptions reproduc-
trices sensorielles ordinaires, d'abord par leur intensité incom-
parablement plus grande, par la réceptivité, la spontanéité,
l'incoercibilité, la grande précision sensorielle, le détail etlaper-
fection, la stabilité du tableau. Il y a également des pseudo-hal-
lucinationshypnagogiques. En dehors des conditions spécifiées
dans les propositions 7 et 9, les pseudo-hallucinations ne .peu-
vent pas se transformer en hallucinations. Les pseudo-hallucina-
tions.ont pour lieux d'origine les.centres sensoriels de l'écorce ;
elles témoignent soit de l'hyperexcitabilité générale de ces ré-
104 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
gions, soit d'une excitabilité localisée (excitation purement auto-
matique) autonome. Dans le délire sensoriel des maladies aiguës
(surtout dans la folie systématique aiguë), les pseudo- hallucina-
tions se développent en masse et leur alternance, leur succession
rapide élève leur importance à la hauteur de celle des hallucina-
tions vraies. Il existe du reste, également des pseudo-hallucinations
stables(surtout chez les chroniques). Les pseudo-hallucinations cons-
tituent une preuve de plus contre la théorieantiphysiologiquede la
propagation centrifuge de l'excitation à travers les voies de con-
ductibilité centripète du cerveau. 18 ? 1o Il existe des faits qui,
sans détruire les hallucinations par souvenirs, démontrent l'exis-
tence de pseudo-hallucinations par le même mécanisme (pseudo-
souvenirs). La voix intérieure des malades, pas plus que tous les cas
d'innervation irrésistible du centre de la parole, ne sont ni des
hallucinations, ni des pseudo-hallucinations; ils se distinguent
de l'audition intérieure (pseudo-hallucination). Une simple pen-
sée irrésistible non sensorielle appartient non au domaine de
l'hallucination, mais à celui des troubles intellectuels. Quant
aux hallucinations de l'ouïe si caractéristiques de la folies ysté-
matique chronique (exemple, le délire des persécutions) on peut
dire de prime abord que ce sont des pseudo-hallucinations
qui, sous l'influence d'une excitation (dépourvue du caractère
centrifuge) se transforment, dans le centre sous-cortical del'ouïe,
en hallucinations réelles. P. K.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE
[. LE mode d'action thérapeutique DISSEMBLABLE DES deux SORTES
DE courants ÉLECTRIQUES ET l'examen ÉLECTRO diagnostique DU
champ visuel; par ENGELSEJON. (Arch. f. Psych., XY, -I.)
L'auteur va publier une série d'articles sur ce sujet. Ces articles
sont le résultat de cinq années d'étude. Comme il veut sur-le-
champ mettre le public médical en possession des effets obtenus
et des appréciations que ceux-ci comportent, il les a conden-
sés sous forme de proposition dans ce premier mémoire. Les
voici :
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 105
Io Des recherches cliniques chez des malades atteint de névroses vas-
culaires de la peau, ont établi que les deux sortes de courants élec-
triques, usités en application locale sur le tégument dans un bain ordi-
naire, se comportent de façons opposées relativement à leur action sur
les vaisseaux. Le courant faradique dilate les vaisseaux spasmodique-
ment contractés ; inversement le courant galvanique rétracte les vais-
seaux en état de dilatation active. Par conséquent, on observe en même
temps, de par le courant faradique une élévation de la température ; de
par le courant galvanique, de l'hypothermie. Cette différence entre
les effets des courants parait être le résultat de l'influence de l'électricité
sur les appareils ganglionnaires locaux des parois vasculaires. 2°
L'application centrale de l'électricité déterminerait aussi, dans les cas de
névroses vasculaires de la peau, une action différente, suivant le genre
de courants employés ; ainsi, en un cas donné, l'emploi exclusif d'un
seul genre (faradique ou galvanique) produira la guérison. - 3o Des
essais comparatifs institués chez des malades souffrant d'hémicranie
et d'autres de névroses du système nerveux central ont, de même, montré
que, dans une application centrale appropriée, le courant faradique se
comporte, au point de vue thérapeutique, d'une façon opposée à celle
dont agit le courant galvanique; en un cas donné c'est un des genres
d'électricité qui guérit (il a une vertu thérapeutique positive), tandis que
l'autre genre, loin d'agir favorablement, entraine une aggravation (il a
une vertu thérapeutique négative). L'action variable des deux sortes de
courants sur les symptômes morbides subjectifs se montra assez souvent
d'une instantanéité surprenante. - On peut en réalité supprimer l'effet
émané d'un des genres de courants par l'action de l'autre; ce dont on
peut souvent se convaincre dès le premier essai comparatif. 4° On
observe identiquement les mêmes particularités dans les névroses cen-
trales que dans l'hémicranie ; c'est-à-dire qu'en tel cas le courant fara-
dique guérit seul tandis qu'en tel autre le courant galvanique réussit
exclusivement, l'autre électricité jouant le rôle d'agent nocif; en consé-
quence des névroses centrales paraissent partager avec l'hémicranie
cette nature dualistique toute particulière. - 5° Les névroses des gan-
glions sympathiques, telles la sténocardie, la cardialgie, etc. se com-
portent vis-à-vis des courants électriques exactement comme les
névroses des organes centraux. - 6° Il est des cas qui, par leur tableau
clinique, relèvent indubitablement de formes morbides à lésions anato-
miques des organes centraux; or, ils se sont comportés vis-à-vis des
deux sortes de courants tout à fait comme des névroses, et ils ont
promptement guéri par un traitement électrique approprié. - Tantôt
ces cas sont de véritables névroses ; tantôt, on peut penser que la dégé-
nérescence propre à ces affections est préparée et engendrée par un
processus névrosique initial (fonctionnel) durant plus ou moins de
temps chez les divers individus. z Il est plus que probable que le
genre et la nature des éléments étiologiques exercent sur la genèse de
la modalité morbide spéciale une influence déterminée. C'est ainsi, par
exemple, que l'agent nosogène qui a le pouvoir de provoquer la produc-
tion de la forme vaso-motrice de l'hémicranie est incapable d'engendrer
le développement de l'autre forme de cette maladie, et vice verso. En
connaissant l'étiologie, nous serions à même, en un cas donné, de choi-
sir exactement le genre de courants nécessaire. 8° Un état patholo-
gique des ganglions spinaux peut, par action réflexe sur la moelle, être
106 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
l'occasion du développement de symptômes morbides spinaux. De même,
une affection de la moelle peut, par action réflexe sur le cerveau, déter-
miner des symptômes cérébraux. Le processus réflexe est toujours ascen-
dant. Presque toujours, l'organe secondairement atteint doit être traité
par une autre espèce de courants que l'organe primitivement affecté.
9° Je traite les symptômes cérébraux à l'aide de l'électrisation de la
moelle allongée, en plaçant une électrode dans la fossette de la nuque,
et l'autre an-dessus du larynx. Les symptômes spinaux peuvent être
simplement traités, en conduisant l'électricité à travers la partie la plus
inférieure de la moelle cervicale; mais il faut, pour cela qu'ils ne soient
pas produits par une action réflexe émanée de la queue de cheval ma-
lade, c'est-à-dire de ses ganglions spinaux. - 100 L'aggravation bien
connue des symptômes morbides, de par un long usage de l'électricité
appliquée selon les règles thérapeutiques, cette aggravation provient
des effets du courant sur le tissu nerveux sain (névrose électrique). -
Il,- L'électrisation de l'encéphale, de la moelle, des ganglions et du revê-
tement cutané exerce une action puissante sur les fonctions de la rétine ;
dans un cas donné, le courant à vertu thérapeutique positive agrandit
le champ visuel et augmente, au moins parfois, la puissance visuelle;
tandis que le courant a vertu thérapeutique négative rétrécit le champ
visuel. Comme cette action du genre de courants électriques apparaît
instantanément et que l'effet exercé sur le champ visuel peut être très
notable, la propriété en question peut être utilisée par celui qui veut
constater quel est l'espèce de courants qu'il lui va falloir employer dans
un cas morbide spécial, à la condition bien entendu que l'action diffé-
rente des deux sortes de courants sur les symptômes morbides subjec-
tifs ne se révèle pas dès le premier essai Tel est l'examen indicateur ou £
électrodiagnostic du champ visuel. 12o L'action, pendant quelques
minutes de l'eau froide sui la peau, est la même, quant au champ
visuel, que celle du courant galvanique ; l'eau chaude agit sur le champ
visuel comme le courant d'induction. Les observations sont au reste 1
cet égard peu nombreuses. La friction de la peau peut aussi agir sur
le champ visuel. - 13' L'action générale sur le revêtement cutané de
l'eau froide et de l'eau chaude en un cas morbide, est la môme que
celle de l'application centrale des courants galvaniques et faradiques.
L'eau froide agit comme la galvanisation, l'eau chaude, comme la faradi-
sation. Quand donc on connaît l'espèce de courants qui convient à un
cas spécial on est en état d'indiquer lacondnite halnéothérapique appli-
cable au même cas. Inversement, on peut utiliser les vertus positives ou
négatives d'une cure d'eau froide et d'eau chaude comme signe indica-
teur de la conduite électrothérapique à suivre.-14^ Ainsi, il se présente
des cas de maladies nerveuses qui, sans se différencier d'autres cas
semblables curables, eux. par les effets dynamiques de l'électricité.
échappent à toute guérison électrothérapique par les centres on sont
même aggravées par l'application centrale de cet agent. En revanche,
quelques uns de ces cas cèdent à l'action de l'électrisation du revête-
ment cutané, c'est-a dire à l'action réflexe du courant.- 15, On ren-
contre 11 cet égard des divergences. Tantôt les deux espèces de courants
produisent par l'intermédiaire de la peau des résultats positifs; tantôt
ils exercent chacun une action thérapeutique différente. 11 semble donc
qu'en tel cas le courant impressionne surtout les fibres nerveuses cen-
tripètes, qu'en tel autre il influence principalement le revêtement cu-
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 107
tané avec ses appareils terminaux périphériques. 16e Les cas de
maladies nerveuses périphériques curables par l'électrothérapie que nous
avons observés jusqu'ici et qui ne provenaient pas d'altérations anato-
miques des voies de conductibilité ou d'un élément morbide réflexogène,
par exemple les névralgie dites idiopathiques, etc., prenaient habituel-
lement leur véritable origine dans les organes centraux ou exceptionnel-
lement, dans les ganglions. Elles se comportaient à l'égard des deux
espèces de courants exactement comme l'hémicranie et disparaissaient,
à la condition qu'elles fussent d'origine centrale, par l'électrisation du
bulbe ou de la moelle cervicale, dans les cas mêmes où l'électrisation
périphérique usuelle était demeurée sans résultat. Nombre de ces cas
furent également influencés favorahlement par l'action excitante du
courant. 17° Les éléments écologiques paraissent aussi exercer une
action décisive sur la genèse de la modalité morbide spéciale de ces
névroses. L'épreuve du champ visuel peut aider le médecin dans le choix
du courant. P. K.
II. COURTE communication SUR LES essais ENTREPRIS .1US-
qu'ici AVEC LA PARALDÉHYDE, A L'ASILE DE STÉPHANFELD ;
par Th. BENDA. (Neurol. Centralbl., 1884.)
Du mois de septembre au mois de mars, on l'a administrée
contre l'insomnie chez trente-quatre malades atteints des
formes d'aliénation mentale les plus diverses'. Douze hommes
et vingt-deux femmes ont ingéré des doses de 2 à 8 grammes.
Le véhicule pour l'injection stomacale seule expérimentée ici,
fut l'huile ou un vin quelconque; on l'administra une demi-
heure à une heure et demie après le repas du soir. Les résul-
tats ont été bons; en bien des cas le sommeil se produisit au
bout d'un quart d'heure au plus tard. Malheureusement, l'as-
suétude rapide oblige à élever constamment les doses du mé-
dicament sous peine de ne plus rien obtenir du tout. La pa-
raldéhyde, bien plus inoffensive que le chloral et la morphine
(,5 grammes sont absolument sans inconvénients), loin
de diminuer l'appétit, parait l'augmenter; elle se traduit par
des effets accessoires plus désagréables que dangereux (vomitu-
rition, toux, oppression, engoûment céphalique, vertiges, cha-
leur à la peau, miction au lit); elle s'élimine par les poumons
et non par l'urine (procédé en décelant un dixième pour cent
dans l'eau); elle n'agit pas sur l'état psychique ; mais, en pro-
duisant le repos de la nuit, elle contribue à diminuer ultérieu-
rement, notamment chez la femme aliénée, l'agitation diurne.
P. K.
1 Voy. sur ce sujet, la thèse de Nercam (Paris, 188')).
108 REVUE de thérapeutique.
III. SUR la survenance de phénomènes de transfert PEN-
DANT LE traitement DE L'ÉPILEPSIE partielle; par L.
HIRT. (Neurolog. Centralbl., 1884.)
Traitement de cinq malades atteints d'épilepsie jackson-
nienne (corticale) à forme hémilatérale, à l'aide de mouches de
Milan appliquées sur les memhres où se produit l'aura,
prodrome des convulsions limitées. Sous l'influence de cette
excitation locale de la peau, on voit les convulsions changer
de côté. Ces cas, la plupart relatifs au sexe masculin, témoi-
gnent d'une longue durée de la révulsion cutanée (des jours ou
des semaines) avant que le transfert se produise ; ce transfert
précéda des mois durant, soit la guérison, soit la disparition,
des accès en question. Peut-être, en conséquence, le transfert
dans ces conditions est-il un signe pronostique favorable.
P. K.
IV. Contribution A L'ÉTUDE DE l'action ANTI-ÉPILEPTIQUE
du bromure DE potassium ; par P. ROSENBACH. (Neurolog.
Centralbl., 1884.)
Il s'agit d'expériences de pathologie expérimentale d'après
lesquelles chez tout chien intoxiqué par le K.Br., l'écorce du
cerveau a perdu partiellement ou totalement son excitabilité à
l'égard des courants électriques; la substance blanche ne subit
aucune modification fonctionnelle. P. K.
V. L'EMPLOI simultané DE DIVERS SELS DE BROME dans LES
affections NERVEUSES ET TOUT particulièrement dans
L'ÉPILEPSIE ; par A. ERLENMEYER. (Centralbl. f. Nervenheilk.,
1884.)
Les bromures de potassiun, de sodium, d'ammonium, de
lithium contiennent respectivement 68, 80, 88, 92 p. 100 de
brome. Ils ont, àla dose de 10 grammes parjour surles attaques
convulsives de l'épilepsie et diverses autresnévroses etpsychoses
de même nature, une action spasmodique, sédative ou hypno-
tique absolument équivalente. Mais, suspendons le médicament,
les accès reparaissent. K.Br. exerce sur le coeur, l'appareil
vasculaire, la respiration, une action nocive que les autres sels
n'exercent pas. Tous ces sels peuvent produire l'acné bromi-
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 109
que qui disparaît quand on fait usage de doses égales d'un
autre sel. Ainsi l'association des bromures de potassium, de
sodium, d'ammonium dans les rapports 1 : 1 : 1/2 a une action
bien plus efficace que chacun des sels composants, à dose
égale ou même à plus haute dose. Cette plus grande efficacité
n'émane point de l'augmentation quantitative du brome, car
10 grammes de cette association comportent 7,68 p. 100 de
brome c'est-à-dire un peu plus seulement que la même
quantité de bromure de potassium, tandis que la même dose
de bromure de sodium, d'ammonium, de lithium comporte bien
plus de brôme et un effet bien moins actif. Une longue admi-
nistration des trois sels associés à parties égales entraine fré-
quemment des stases veineuses imputables à l'ammonium,
stases disparaissant lorsqu'on réduit le sel d'ammonium de
moitié. Sous l'influence de cette association, les accès dispa-
raissent, même quand on suspend l'administration du mélange.
L'acné que provoque chaque sel isolément ingéré disparait
par l'usage des sels associés, même lorsque le sel producteur
de l'acné est contenu dans la combinaison; cette association
ne produit pas d'acné. Le meilleur véhicule, le plus sûr, c'est
une eau carbonatée alcaline (Seltz, Vichy) que l'on donne en
abondance après les, repas. M. Erlenmeyer en a adopté un dont
la goût agréable, piquant, masque le goût salé du mélange.
Voici la formule de cette composition connue sous le nom
d'eau bromée de Carbach : eau de Seltz carbonatée sodique,
750 cent. cubes; bromure de potassium, 4gr; bromure de
sodium, 4gr.. ; bromure d'ammonium, 2 gr. ; ammoniaque,
une goutte. On la fait prendre après les repas par petites doses
souvent répétées jusqu'à ce qu'on produise de la somnolence,
de l'hébétude, de la fatigue, de l'incertitude des mouvements,
de la difficulté de parler : doses progressives de une demie à
une bouteille, pas davantage. Elle convient et réussit dans l'épi-
lepsie, les psychoses épileptiques, l'hystérie, la céphalalgie hys-
térique, la terreur nocturne, la neurasthénie avec pollutions.
l'hémicranie, l'insomnie qui succèdent au sevrage de la mor-
phine. Une observation à l'appui. Cette préparation conser-
verait sa clarté pendant des mois, ainsi que sa réaction alca-
line ; il ne s'y formerait pas d'acide bromhydrique (réaction du
violet^de méthyle). P. K.
1 : O 0 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
VI. CONTRIBUTION au traitement gynécologique DE L'HYS-
TERIE ; par P. FLECHSIG. (Neurolog. Centralbl., 1884.)
Trois observations sont consignées en détail : 1° grande hys-
térie avec troubles psychiques intenses. Castration : atrophie
et dégénérescence folliculaire des deux ovaires. Complète
guérison ; 2° psychose avec éléments hystériques. Fibrome
utérin gros comme une tète d'enfant. Amputation supra-vagi-
nale de l'utérus. Résultat favorable; 3° hystéro-épilepsie. Ré-
trécissement de l'orifice externe de l'utérus. Dilatation san-
glante. Guérison. P. K.
VII. L'action thérapeutique de DIVERSES préparations de
chanvre indien, par Richter (de Pankow). (Neurolog.
Centralbl., 1884. : ) '
, .. ·
Le haschisch, d'après le pharmacien Bombelon, serait un
composé de cannabine, cannabinone et tétanine qui existent
aussi dans le chanvre. La cannabinone de cet auteur admi-
nistrée à quatorze aliénés les plus divers, a procuré à cinq
femmes un sommeil de plusieurs heures, calme et sans acci-
dents consécutifs (dose 0,05 0,10), a apaisé les symptômes
psychiques d'une mélancolie active, rebelle à tout sédatif, a
agi dans le même sens en un cas d'agitation maniaque très
vive, appartenant à un trouble psychique secondaire (total :
sept résultats favorables sur huit malades du sexe féminin). Le
haschisch demeure impuissant en pareille circonstance. La
cannabine n'a donné que des résultats fluctuants. Doses in-
diquées par Bombelon : haschisch =-=0,05, cannabine = 0,10.
On les administre une heure avant le coucher (action hypno-
tique), ou dans la journée, pas trop près des repas (action sé-
dative) dans de la poudre de café. D'autres études sont indis-
pensables*. P. K.
1 Voy. Archives de Neurologie.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ \fÉDICO-l'SI'CEIOLOGIQU1 :
Séance du ! 8 mai 1885. Présidence DE M. DAGONET.
Après lecture des deux rapports favorables à leur candidature,
sont élus : M. DUIJUlSSO : -1, membre titulaire, et lI. LABITTE, membre
correspondant de la Société.
Présentations de malades. M. Magnan. Je demande la parole, non
point pour développer aujourd'hui la question de la folie héré-
ditaire si nettement posée par M. Falret ; mais simplement pour
examiner avec vous un cas de dégénérescence mentale, de folie
héréditaire dans lequel nous verrons quelques syndromes épiso-
diques de cette prédisposition morbide. Ces syndromes épisodiques
sont, à mon avis, de véritables stigmates psychiques de la folie
héréditaire au même titre que le bec-de-lièvre, le pied bot, l'as-
symétrie faciale, le bégaiement, les conformations anormales du
fond de l'aeil, etc., en sont considérés, depuis Morel surtout, comme
les stigmates physiques.
Clotilde que je vous présente est une journalière âgée de trente
ans, très richement dotée, au point de vue des antécédents héré-
ditaires pathologiques. Son père, d'une intelligence peu dévelop-
pée, était un buveur très émotif, jaloux, qui fut atteint pendant
plusieurs mois de dépression mélancolique. Il a une soeur men-
teuse, paresseuse, dépensière, qui pendant une grossesse a voulu
se suicider et qui, mariée à trcnte ans avec un homme deux fois
plus âgé qu'elle, n'a jamais voulu sortir le jour avec lui. Du côté
maternel, nous trouvons que la grand'mère est morte d'un cancer
à la bouche; la mère est très nerveuse, irritable, a une soeur
somnambule et un frère alcoolique. Neuf frères et soeurs de la ma-
lade sont morts dans des convulsions. Un frère survivant a uriné
au lit jusqu'à l'âge de dix-sept ans ; depuis fort longtemps, il con-
serve l'habitude, après chacun de ses repas, de jeter à terre une
bouchée de pain qu'il trempe préalablement dans du café. Clotilde
a eu dans son enfance quelques convulsions. Vers dix ans, elle
était prise par moments de subits accès de tristesse pendant les-
112 2 SOCIÉTÉS SAVANTES.
quels elle s'isolait et refusait de jouer avec les autres enfants. Dès
cette époque elle se montrait menteuse, paresseuse, se sentait por-
tée au vol et contractait des habitudes d'onanisme ; on l'appelait à
l'école, où elle apprenait très difficilement, « la folle ». Elle avait
aussi de fréquents accès de somnambulisme. De douze à dix-huit
ans, elle a présenté une série de phénomènes des plus bizarres;
c'est ainsi que parfois elle a des envies de rire qu'elle ne peut
réprimer, et si elle s'efforce de les contenir, il ne font que s'exa-
gérer. Le jour de l'enterrement de son grand-père, elle a été prise
de ce fou rire au milieu de sa famille qui pleurait. De même, il lui
arrive de verser sans raison d'abondantes larmes qui, comme le
rire, sont tout à fait indépendantes des circonstances extérieures.
Mais ce n'est pas tout, elle a aussi quelques tics dans les membres
ou dans la tête, et souvent il lui arrive d'agiter un bras ou l'autre
sans pouvoir se retenir. « Est-on bête, dit-elle, de faire tous ces
mouvements, et que je dois être ridicule ! « mais tout aussitôt elle
recommence. A de certaines périodes elle se croit obligée de res-
ter debout pendant des heures entières, d'autres fois, au contraire,
de prendre place sur une chaise qu'elle ne quitte plus, ou bien de
vouloir à toute force se rendre dans une pièce où rien ne l'ap-
pelle, dans l'unique but d'obéir à une insurmontable impulsion.
Ses impulsions sont du reste très variées : parfois elle prononce,
soit devant des étrangers, soit devant des personnes qu'elle res-
pecte ou même seule, des mots grossiers qui la surprennent.
En 1870, pendant le siège, rentrant à Paris avec un sac de légumes
qu'elle venait de récolter avec l'intention de les vendre, elle ren-
contre deux messieurs quilui proposent de les acheter : « Mon sac
est lourd, je suis fatiguée; j'ai le cul lourd, » répond elle en se sau-
vant. Tout aussitôt, elle regrettait cette parole obscène, et reve-
nait sur ses pas, mais les acheteurs n'étaient plus là. Elle eut aussi
depuis d'autres impulsions dont les conséquences auraient pu être
beaucoup plus graves. Un jour, par exemple, elle saisit son frère
âgé de deux ans, et le tint un instant suspendu sur l'ouverture d'un
puits « pour se procurer une émotion ». Si l'enfant était tombé
dans le puits, elle s'y serait précipitée tout aussitôt, nous dit-elle.
Vers dix-huit ans, ses appétits sexuels se développèrent; elle
commença à avoir de violents désirs de copulation et, les pratiques
d'onanisme ne lui suffisant plus, elle s'abandonna à plusieurs in-
dividus qu'elle n'aimait pas, uniquement pour la satisfaction de
ses sens. Parallèlement à ces phénomènes, il se manifestait chez
notre malade un autre pi ocessus pathologique que je crois être
aujourd'hui disparu, mais qui n'en a pas moins marqué sa trace
par des signes caractéristiques; Clotilde a été en effet frappée de
vertiges épileptiques suivis de fugues et autres actes incons-
cients. Un jour son père l'envoie faire une commission; elle est
frappée d'un vertige et se rend tout aussitôt, sans le savoir, chez
SOCIÉTÉS SAVANTES. 113 3
un cordonnier qu'elle injurie, puis elle continue sa route. Le len-
demain, grande fut sa surprise en apprenant sa visite chez le cor-
donnier. Elle eut aussi plusieurs pertes subites de connaissance,
avec ou sans attaques convulsives. Mais depuis l'âge de vingt ans la
névrose ne s'est plus montrée. A la suite d'excès de boisson, son
sommeil fut troublé par des cauchemars et des hallucinations; elle
vit des chats dans sa chambre, de grandes figures qui défilaient,
etc. Elle eut même des idées de persécution ; elle crut, à une
époque, qu'on voulait l'empoisonner et, deux fois de suite, elle
tenta de se suicider : une première fois par submersion et l'autre
par pendaison.
Actuellement, elle est dominée par cette idée fixe qu'elle peut
être enterrée vivante, et, à plusieurs reprises, elle m'a fait pro-
mettre de procéder à son autopsie ou bien de lui plonger un poi-
gnard dans le coeur; elle est d'ailleurs bien décidée à poignarder
le cadavre de ses parents, pour leur éviter la torture d'être enter-
rés vivants. Dans ces temps derniers, elle a cru que le monde
allait être englouti par un nouveau déluge. Dans la crainte de
vivre trop longtemps sous l'eau, elle portait sur elle, au moment
de sa séquestration, un révolver pour tuer les siens et se suicider
ensuite dès le commencement de l'inondation. Ces dernières idées
la poussent à inventer des histoires de gens auxquels semblables
accidents seraient arrivés; une fois sur ce chapitre elle ne tarit
plus. Souvent il lui vient aux lèvres des mots qu'elle ne veut pas
prononcer, mais que cependant elle répète mentalement. Si elle
n'agissait ainsi, elle se sentirait, dit-elle, suffoquée : il lui semble-
rait être sous l'imminence d'un péril prochain que le mot seul
peut conjurer.
M. LEGRAND du SAULLE croit que les phénomènes désignés par
M. Magnan sous le nom de stigmates psychiques de la folie héré-
ditaire sont simplement une des nombreuses manifestations de
l'épilepsie larvée assez fréquente, comme on le sait, chez les bé-
réditaires.
M. Magnan. L'épilepsie n'est qu'un phénomène accessoire dans
le cours de l'histoire de ma malade; j'ai fait incidemment en vous
la montrant la part de ce qui revient au morbus sacer. Les mots
qu'elle répète ne sont que le résultat d'une obsession; la preuve en
est dans le souvenir complet qu'elle en garde. Or, chacun sait que
les actes accomplis par les épileptiques dans leurs phases déli-
rantes sont inconscients; d'ailleurs, on trouve encore beaucoup
d'aliénés prononçant impulsivement un mot sans que pour cela ils
soient épileptiques; il n'y a donc pas lieu de penser à l'épilepsie
et, pour ma part, je vois dans cette histoire une des nombreuses
modalités de la folie héréditaire.
M. BRIAnD. A propos des stigmates psychiques dont vient de
Archives, t. X. 8
! 1 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nous parler M. Magnan, permettez-moi de vous rapporter un cer-
tain nombre de faits qui me semblent procéder du même ordre
d'idées; je n'ai pas sous la main les observations complètes, mais
en voici les faits saillants. C'est d'abord un officier de marine des
plus distingués, appelé à un brillant avenir et qui ne peut àcer-
tain moment et même dans les circonstances les plus sérieuses,
s'empêcher de crier plusieurs fois de suite le mot de Cambrone,
en inclinant brusquement la tête sur l'une des épaules. Dans le
même port, se trouve un autre officier auquel il est impossible
de franchir d'emblée le plus léger obstacle, et qu'on rencontre
fréquemment un pied sur le trottoir et l'autre sur la chaussée,
hésitant avant de passer un ruisseau. Ce n'est qu'après être
revenu en arrière à plusieurs reprises qu'il prend enfin l'élan
décisif, qui lui permettra de traverser ; cette opération dure sou-
vent plus d'un quart d'heure. - Une de ses soeurs est aliénée (dé-
lire des négations avec idées mystiques) ; l'autre est d'une reli-
giosité exagérée. -Je connais également une demoiselle d'une
vingtaine d'années, fille d'un excité maniaque à idées ambitieuses,
qui depuis la plus tendre enfance tourne sur elle-même pendant
des heures entières ; elle a tellement conscience de l'étrangeté de
cette impulsion que pour se dérober aux regards, elle se renferme
dans sa chambre les jours où elle sent qu'elle n'y résistera pas;
cette jeune fille, qui de tout temps a été bizarre, est plus menteuse
qu'on ne saurait se l'imaginer et invente à plaisir des histoires
impossibles qu'elle raconte avec l'accent de la plus sincère vérité.
La vue d'une tache de vin l'impressionne très vivement; son père
présente cette même particularité. Enfin, je voudrais raconter en-
core l'histoire d'une enfant de sept ans, fille d'un délirant mélanco-
lique à idées hypocondriaques, laquelle se nourrit exclusivement
de paia et de fromage, sous prétexte que la viande contient des
os susceptibles de l'étrangler et que les légumes qui ont touché à
la viande pourraient en dissimuler; il m'a été impossible à une
première entrevue de faire surgir cette explication qu'elle avait
donnée il y a longtemps à ses parents, et sur laquelle elle n'avait
plus voulu revenir. Cependant, appelé à voir le père, qui dans le
cours d'un nouvel accès mélancolique refusait de s'alimenter, je
me fis présenter l'enfant pour rechercher si elle ne portait pas
certaines tares héréditaires; mon interrogatoire était fini et j'al-
lais la rendre à ses parents sans avoir trouvé rien de bien notable
en elle si ce n'est une grande vivacité intellectuelle avec une
prodigieuse mémoire et sans avoir obtenu une réponse caracté-
ristique, lorsque par hasard la mère me rappela que la fillette
se nourrissait exclusivement de pain et de fromage. Désireux
d'obtenir de l'enfant l'aveu du motif qui lui faisait repousser les
autres aliments, je l'interrogeai avec insistance. Elle se refusa
d'abord à toute explication ; prières, sollicitations, rien n'y fai-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 115 7
sait ; enfin je la menaçai de lui faire manger de force une grosse
bouchée de viande si elle ne me disait la cause de sa répulsion.
Alors, elle m'avoua que toujours elle avait été poursuivie par
l'idée qu'elle serait étranglée par un os. Elle est en effet prise
d'accès d'étouffements et sa figure exprime une très vive terreur
dès qu'on met dans son asssiette des fragments de viande. Les
parents ont cessé de sévir contre elle et l'enfant ne paraît pas
d'ailleurs souffrir de son régime. L'isthme du gosier ne présente
rien d'anormal; la voûte palatine est très ogivale. Pas d'asymé-
trie faciale. '
M. Magnan présente une autre malade, âgée de trente-six ans,
qui se sent par intervalles poussée à absorber des quantités consi-
dérables d'aliments. Si l'on s'en tenait à ce seul symptôme, sa ma-
ladie pourrait être qualifiée de limomanie ou d'estlliomanie ; quoi
qu'il en soit voici son histoire : Le père était un original à carac-
tère un peu vif, c'est là tout ce que l'on sait sur les antécédents
héréditaires. Elle-même a toujours été fantasque, orgueilleuse et
prétentieuse à l'excès; vers dix-huit ans, elle traversa une période
de tristesse pendant laquelle elle se sentit prise de découragement,
d'apathie, d'indifférence, sans pouvoir se livrer à aucun travail.
Mariée à vingt et un ans, elle eut deux enfants et n'offrit rien
d'extraordinaire jusqu'à vingt-huit ans; elle eut alors une nouvelle
période de dépression mélancolique qui dura deux ou trois mois.
En novembre IS8.f, à trente-six ans, elle devint encore une fois
triste sans savoir pourquoi et, à la fin de janvier de l'année sui-
vante elle fut toute surprise des sensations étranges qui l'envahis-
saient : cette femme qui ne s'intéressait à rien, éprouva tout à
coup un désir insatiable de manger. Tous les aliments lui étaient
bons : pain, viande, légumes, fruits, fromage, peu lui importait
pourvu qu'elle mangeât; elle avait beau se lamenter, se reprocher
sa gloutonnerie, elle ne s'en corrigeait pas; les journées et les
nuits se passaient à manger. Cette existence lui devint si intolé-
rable qu'elle demanda à être placée dans un établissement où on
l'empêcherait de satisfaire son appétit; elle eut même, dans ces
derniers temps des idées de suicide qui décidèrent sa famille à
prendre cette résolution. « Voilà la cause de mon malheur,» dit-
elle, chaque fois qu'elle voit un morceau de pain. Semblable
affection, n'est-elle pas en tous points comparable à la dipsoma-
nie ? Aujourd'hui l'accès touche à sa fin.
M. LRGRIND du Saule demande si la malade n'est pas diabé-
tique.
M. Magnan. L'état général de la malade étant satisfaisant, il
m'a paru inutile de faire cet examen. D'ailleurs, le caractère im-
pulsif du besoin de manger devant faire écarter l'idée qu'on pou-
vait être en présence d'un cas de boulimie diabétique, mais l'ana-
116 SOCIÉTÉS SAVANTES.
lyse des urines sera faite demain et j'en donnerai le résultat à la
prochaine séance '.
M. Bigot insiste sur la phase mélancolique, décrite par M. Ma-
gnan et qu'on ne retrouve pas chez les diabétiques. '
MARCEL BRIAND.
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES
DE BERLIN
Séance du 14 juillet 18842. Présidence DE M. WESTPHAL
Communication annoncée de M. WESTPHAL : Sur un cas de lésion
spinale avec cécité et paralysie générale. Il s'agit d'un profes-
seur syphilitique accusant divers malaises qui paraissaient devoir
être rattachés à l'hypochondrie et présentant la perte du phéno-
mène du genou (1878); longtemps auparavant, il avait été atteint
d'accès tout spéciaux d'hémianopsie avec amnésie passagers, ainsi
que d'une iritis syphilitique non gommeuse. En juin 1883, accès
maniaques, avec idées de grandeur et troubles de la parole; à ce
moment, il est porteur d'une atrophie des nerfs optiques datant
de trois ans à marche lentement progressive; cécité, absence de
phénomène du genou, sans ataxie évidente pendant la marche ;
finalement sitiophobie, oedème pulmonaire; mort après un séjour
de deux semaines à la Charité de Berlin. Le cerveau présente une
sclérose modérée des artères. une coloration grise des nerfs et
des bandelettes optiques. On trouve dans la moelle la dégénéres-
cence grise des cordons postérieurs (de la région cervicale à la
région lombaire) ; ce sont les parties externes des cordons posté-
rieurs, parallèles aux cornes postérieures, qui se trouvent le plus
prises. M. Westphal insiste sur l'hypochondrie datant de plusieurs
années, sur les attaques d'aphasie avec hémianopsie sans altéra-
tion du cerveau sur l'absence de douleurs et d'ataxie, sur les
1 M. Magnan nous communique le résultat de l'analyse des urines de
sa malade qui ne contiennent pas de sucre. M. B.
2 Voy. Archives de Neurologie, t. VIII, p. 382.
SOCIETES SAVANTES. 117
troubles vésicaux'sans importance. Il lui semble impossible de
rattacher l'affection nerveuse à la syphilis. Ce malade, de même
que d'autres paralytiques généraux, avait, dans les intervalles
lucides, une allure spéciale tout excentrique. Il importe de noter
que dans la station debout, les pieds rapprochés, il' n'oscillait ni
lorsqu'on lui fermait les yeux ni lorsqu'il fut devenu aveugle.
L'écorce du cerveau n'a pas été examinée. Peut-être, comme le
veut Mendel, s'agissait-il d'une paralysie ascendante; dans ce cas,
on trouverait des altérations corticales étendues.
Communication annoncée de M. RosENBacH : Des allures du sys-
tème nerveux dans l'inanitiation. Expériences sur des chiens et
des lapins en deux séries concernant l'une, l'inanitiation absolue,
l'autre, l'inanitiation sans la suppression de boissons. Durée
moyenne de la vie chez ces animaux : 10 à 31 jours; déchéance
pondérale moyenne : 24,n0 à 54,84 p. 100. Anatomie patholo-
gique. Pas de lésions macroscopiques de l'encéphale ni de la moelle.
Seule, la substance cérébrale parait oedématiée. Quelquefois
on trouve une dilatation insignifiante des ventricules. On est
frappé de l'absence de graisse dans le canal vertébral; tandis que
chez ces animaux bien portants il existe une quantité considérable
de tissu adipeux sur la dure-mère, les ganglions intervertébraux
et les racines qui touchent à ces derniers, chez ceux qui sont ina-
nitiés, le tissu graisseux est soit tout à fait atrophié, soit trans-
formé en une substance jaunâtre, visqueuse, facile détacher. Au mi-
croscope, l'encéphale, la moelle, les ganglions intervertébraux,
les ganglions du grand sympathique durcis (bichromate de potasse
à 2 p. 100) ou frais, portent des altérations très nettes qui attei-
gnent principalement les cellules. Extrêmement vives dans la
moelle (cornes antérieures) elles se résument en : disparition
de la transparence de la cellule, tuméfaction trouble de son
noyau, résistance du protoplasma à l'action colorante du carmin,
.aspect tout spécial, vitreux, amorphe du protoplasma; saillie du
noyau à contours fortement réfringents, disparition, atrophie,
détachement des prolongements, rétraction du corps cellulaire
(bords dentelés), perte de substance de l'élément (sinuosités, va-
cuoles) ; enfin le noyau devient indistinct, perd ses limites, dis-
parait totalement comme la cellule transformée en un débris in-
forme qui cède à l'éther des particules de sa substance. Il en est
de même pour des cellules nerveuses ganglionnaires de l'écorce,
les cellules cérébelleuses de Purkinje, celles des ganglions spinaux
et sympathiques; la dégénérescence y est simplement moins
étendue; c'est dans les ganglions spinaux qu'elle est le moins
accusée. Les vaisseaux capillaires gorgés d'hématies présentent la
diapédèse desglobulesrouges dans la moelle, avecexsudat plasma-
tique (colloïde); leurs parois, peu altérées, sont parfois stéateuses
(lapins, cellules endothéliales) ; névroglie tuméfiée et trouble
118 ô SOCIÉTÉS SAVANTES.
sans altération de structure. Peu de chose dans la substance
blanche du cerveau ou de la moelle; elle est raréfiée et ses noyaux
ont diminué de nombre. Les nerfs périphériques ne présentent
aucune altération. En résumé : simple déchéance atrophique sans
inflammation. La destruction est du reste en rapport direct avec
la longueur de l'inanitiation, elle progresse avec cette dernière
et n'émane pas seulement des dernières heures ou des derniers
jours de l'expérience. Etat de l'excitabilité électrique de l'écorce
des animaux inanités, Un animal bien nourri est trépané d'un
côté; ou dispose l'appareil de du Bois-Reymond de manière à
faire intervenir l'excitation électrique nécessaire à déchaîner par
son application sur le centre psychomoteur la convulsion la plus
faible du membre opposé correspondant. Cet animal est soigné
et guéri, puis on l'inanitie. C'est alors qu'on traite avec l'électri-
cité l'excitabilité de l'autre hémisphère du même sujet. Dans ces
conditions, toutes choses étant égales d'ailleurs, l'inanitiation
réduit considérablement l'excitabilité corticale (l'appareil à cha-
riot donne, quant à l'éloignement des deux bobines, des diffé-
rences de 30 millim. et plus); elle en modifie la qualité, car un
fort courant, qui ne détermine pas d'épilepsie partielle, provo-
voquera tout à coup, sous l'inflence d'un faible renforcement, des
convulsions épileptiformes généralisées. - Symptomatologie, Chez
l'animal, l'inanitiation ne se traduit par aucun phénomène ner-
veux ni psychique. Le délire, qui se montre chez l'homme, doit
être imputé aux émotions morales des grandes catastrophes con-
comitantes (naufrages, éboulements, etc.) Le délire d'inanition
consécutif à des affections somatiques (fièvre typhoïde, pneumo-
nie, scarlatine) relève de conditions physiques bien connues ; il
est caractérisé par des hallucinations terrifiantes et anxieuses, avec
obnubilation de la connaissance, idée de persécution et parfois
agitation maniaque; ces accidents surviennent pendant les quel,
ques jours qui suivent la chute de la température (état d'inani-
tion) et disparaissent dès que l'amélioration physique a lieu.
Discussion :
M. Westphal. Le mot de tuméfaction trouble n'est pas très exact.
M. ROSENR : 1CII. Evidemmenl il ne désigne pas une apparence
semblable à celle des cellules du foie malade; les cellules, tout
en conservant leur configuration normale, sont moins transpa-
rentes que normalement.
Séance du 10 novembre 1884. Présidence DE M. WESTPHAL
Communication annoncée de M. Oppenheim : Sur une affection
du nerf vague dans le cours du tabès dorsal. Présentation de ma-
lade et de préparations microscopiques. Un tabétique atteint de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 119
crises gastriques et laryngées ne décela à l'autopsie aucune alté-
ration des noyaux bulbaires de ce nerf. Voici un autre patient
qui présente des crises laryngées et des parésies des muscles du
larynx. Un mémoire sera publié.
Discussion :
M. MENDEL. Les altérations du faisceau solitaire de Pierret, en
relation avec des fibres du grand sympathique, expliquent les
troubles vaso-moteurs et atrophiques.
M. Westphal. A l'expression de crises (krisen) qui ne convient
guère en allemand il faut substituer celles de spasmes laryngés,
ou mieux accès laryngés. Une préparation d'Eisenlohr concernant
la moelle allongée d'un tabétique ayanl présenté de semblables
accès démontre l'existence d'une épendymite du plancher du qua-
trième ventricule. -
M. BERNHAHDT ne croit pas à la fréquence de la coïncidence de
crises laryngées et gastriques chez le même individu. D'après lui,
chez les tabétiques, les accès laryngés seraient plus rares que les
crises gastriques, lesquelles sont relativement fréquentes chez les
ataxiques atteints d'affections osseuses et articulaires.
M. OpPENHKtune contredit pas à l'assertion de Bernhardt; ce n'est
que dans quelques cas qu'il a vu survenir d'abord des crises gas-
triques, puis, plus tard, chez le même individu, des crises laryn-
gées.
M. JasrnowrTZ insiste sur la production, en des cas pareils, de
paralysie des cordes vocales.
M. REliAI{ ajoute à l'observation précédente que, dans un cas de
tabès observé par lui pendant un temps assez long, et compliqué de
paralysie des muscles de l'oeil, le premier symptôme de l'affection
spinale fut une paralysie unilatérale du muscle crico-aryténoidien
postérieur. A rapprocher du travail récent de M. F. Krause, qui
rattache la plupart de ces cas de paralysie à une contracture des
adducteurs des cordes vocales.
Communication de M. Thomsen avec présentation de malade,
sur un cas de paralysie de l'oculo-moteur commun à retours pério-
diques. Homme de trente-quatre ans atteint actuellement d'une
complète parésie de l'oculo-moteur commun (avec immobilité raide
de la pupille et paralysie de l'accommodation). Début à l'âge de
cinq ans, retour une fois ou deux par an (mai-octobre), finale-
ment paralysie complète. L'accès est précédé de céphalalgie, nau-
sées et vomissements; en peu de jours survient une blépharoptose
totale, avec strabisme divergent très accusé. En trois à quatre
semaines, la paralysie rétrocède. Nulle autre anomalie oculaire.
L'orateur en a observé deux accès. Chaque paralysie s'accompa-
gnait parallèlement de rétrécissement concentrique du champ
120 SOCIÉTÉS SAVANTES.
visuel, les allures de ce rétrécissement et de son retour à la nor-
male sont en rapport direct avec l'intensité de la paralysie. L'acuité
centrale se comporte à peu de chose près comme la paralysie et
le champ visuel. Le rétrécissement se montre d'abord du côté
paralysé, il y reste toujours plus complet que sur l'autre oeil dont
le champ visuel diminue du reste également. Le second accès
observé fut un accès abortif; il succéda à un shock psychique ;
le malade eut un accès d'angoisse nocturne, puis présenta la pa-
ralysie en question et les modifications du champ visuel. Depuis
l'âge de treize ans, le patient présente des convulsions épileptiques
à retours irréguliers, consécutifs à un traumatisme céphalique;
sans puisse qu'on établir aucun rapport entre les deux affections.
L'orateur met en relief que la paralysie de l'oculo-moteur commun
est survenue en des circonstances identiques à celles qui précèdent
l'éclosion de l'épilepsie. Interprétation impossible. Cette observa-
tion sera publiée in extenso dans les Charité-Annalen.
Discussion :
M. REMAK. Un buveur de vingt-deux ans, autrement bien portant,
présente depuis l'âge de douze ans deux fois par an en moyenne
une céphalalgie frontale violente à gauche, de la photophobie du
même côté, des vomissements ; en même temps se produit une
blépharoptose gauche avec tous les autres symptômes de la para-
lysie de l'oculo-moteur commun. Les accès rétrocèdent invariable-
ment en quatorze jours. Depuis trois ou quatre ans, ils ont aug-
menté de fréquence ; ils se montrent à peu près quatre fois par
an ; la blépharoptose et la diplopie durent aètuellement trois à
quatre jours. Depuis quelques années il s'est installé dans l'inter-
valle des accès, une faible déviation de l'oeil gauche en dehors;
la strabotomie n'a eu qu'un résultat passager. Le malade, observé
par l'orateur trois jours après le début d'un accès périodique, pré-
sentait une légère blépharoptose, de la mydriase, de la parésie
de l'accommodation, du droit interne (diplopie); dès le jour sui-
vant, tous les symptômes, y compris la divergence, avaient dis-
paru. Pourlui,il s'agit non point d'unetumeur cérébrale à accrois-
sement périodique (théorie de hiaehius), mais d'une forme toute
particulière d'hémicrdizie. Dans un autre cas de paralysie périodi-
que de l'oculo-moteur commun, il a vu s'effectuer sous ses yeux
la rétrocession des symptômes, si bien que le lendemain Hirsch-
berg ne trouvait plus rien.
M. HIRSCH13ERG. Le cas de Thomsen constitue un astigmatismede
l'oeil droit. Si les troubles de la vue eussent été ceux qu'indiquent
les tracés du champ visuel, le malade n'aurait pu se promener sans
se heurter partout. 11 a observé plusieurs fois de ces paralysies de
l'oculo-moteur commun rapidement passagères, le second fait de
Remak en est un exemple. On constate assez souvent quelque
SOCIÉTÉS SAVANTES. 121
chose de semblable chez les femmes; ce quelque chose est en
rapport avec des anomalies de la menstruation.
Ces réflexions suscitent une discussion sur le champ visuel.
MM. Thomsen et UHTHOFF font remarquer que les dessins indiquent
simplement les limites de la vision distincte, et non celles de la
vision absolue ; ce graphique rappelle celui des hystériques. Un
tel trouble de l'acuité visuelle ne saurait dépendre exclusivement
de l'astigmatisme, vu ses allures et ses rapports avec la paralysie
en question. Réplique de M. HmSCHBEItG, qui se refuse à comparer
l'amblyopie hystérique avec celle qui éma ? e véritablement d'un
rétrécissement concentrique du champ visuel; dans la genèse des
troubles oculaires des hystériques interviennent comme généra-
teurs des éléments psychiques, un faux jugement, etc. M. est-
aat ne fait aucun reproche aux dessins; seulement il faut savoir
que la cécité ou l'amblyopie ne concerne ici que de petits objets.'
A ce propos, M. Oppenheim fait observer que dans un cas de lésion
organique du cerveau la vision excentrique percevait de gros
objets et non de petits.
Communication annoncée de M. Mendel, sur la folie pl'æépilep-
tique. Il en existe selon lui, trois catégories : 4° dysmnésie avec
obnubilation de la connaissance et sommation; 2° agitation et
manie ; 3° Prodrome mélancolique et penchant au suicide.
une quatrième classe doit prendre place. L'exemple envisagé con-
cerne la prédominance de conceptions irrésistibles (obsessions),
Un état instinctif de la vie psychique : la connaissance étant trou-
blée et les raisonnements contradictoires ne s'effectuant plus
(abolition de la volition), il en peut résulter des actes de violence.
Il s'agit, dans le cas particulier, d'un ivrogne épileptique qui met
le feu ; puis survient une attaque d'épilepsie, après quoi, le malade
vaque correctement à ses occupations habituelles, déjeune, etc.
C'est quand le feu se déclare qu'il a pleine conscience de l'acte
commis; arrestation. Rapport médico-légal concluant à l'épilep-
sie, à l'irresponsabilité. Libération.
Discussion : .'
M. L;vmN. L'audition des témoins démontre l'existence de
troubles de la connaissance de courte durée et d'accès d'épilepsie.
M. Liman. Ce n'est pas un cas pur. Le protocole clinique de la
Charité montre que cet homme était atteint d'épilepsie et de
troubles psychiques entraînant le diagnostic de folie postépilep-
tique. On ne voit pas, d'après les assertions de sa femme, qu'il y
ait eu folie praeépileptique. De plus, il ne faut pas oublier qu'il il
n'était jamais à jeun.
M. Mindel. Oui, c'est un buveur et un épileptique; mais cette
double constatation ne dit pas à quel élément il faut rattacher
l'acte commis.
122 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance, du 8 décembre 1884. Présidence DE M. WESTPHAL.
M. SAKAKY présente un malade atteint d'hypertrophie musculaire
vraie combinée à une sorte d'hémichorée gauche. C'est un enfant
de quatorze ans, issu d'un père rhumatisant (affection cardiaque ? ),
et d'une mère atteinte d'une névralgie du nerf cubital droit; trois
soeurs sont bien portantes, mais trop petites pour leur âge, une
autre serait morte de convulsions. Le malade en question a mar-
ché tard, sa dentition s'est faite tardivement; à l'âge de trois ans,
il a failles frais d'une pneumonie accompagnéed'entérite catai-i hale
(rachitique). A ce moment, s'est établie une graduelle inclinaison
de la tête à droite ; il a lentement appris à parler et à marcher,
jamais il n'a eu de rhumatisme ni de convulsions. 11 y a sept ans,
scarlatine bénigne; cette année, le volume du bras et de la jambe
gauche s'est accru : on ne peut recueillir plus de détails. Etat actuel :
enfant assez bien développé; coloration un peu pâle du visage, ex-
pression stupide; c'est un gaucher. Asymétrie somatique : le côté
gauche est plus développé, les extrémités y sont plus épaisses et plus
longues; le corps incline à droite; scoliose à droite de la portion
comprise entre les deux omoplates ; lordose lombaire; convulsions
cloniques des extrémités, des muscles de la nuque et du visage du
même côté; la tête est tirée en arrière et à gauche; l'enfant fait
toute espèce de mouvements avec les muscles du visage et de la
langue quand il veut parler; les convulsions reprennent de plus
belle à l'occasion des mouvements intentionnels; cet état cesserait
pendant le sommeil. L'asymétrie, au préjudice du côté droit, est
surtout accusée sur les cuisses, la langue ; les lèvres beaucoup plus
volumineuses à gauche; les muscles atteints sont plus fermes et
plus tendu; malgré cette hypertrophie, ils ont conservé leur
fonction normale, leur force brute est même plus élevée, l'excita-
bilité électrique des extrémités gauches est un peu plus forLe. Il
existe, en outre, de la mydriase droite sans autre anomalie, de
la parésie du facial droit, de l'hypoglosse gauche ; la parole est
indistincte à raison des mouvements choréiformes (asynergie) de
la langue et des lèvres; pas d'autres anomalies. Monde] a excisé un
morceau du long supinateur soupçonné d'hypertrophie vraie;
l'examen microscopique (dissociation du tissu frais ou durci) a
révélé une augmentation du diamètre des fibres dans la proportion
de 1-1,3; pas de dégénérescence graisseuse, pas d'infiltration inter-
musculaire, pas de multiplication ni de prolifération des noyaux,
la striation transverse paraît un peu moins nette, et c'est tout.
Communication annoncée de M. RICHTER (de Pankow) sur la
cannabinone. C'est la continuation de ses essais '. L'action en est
1 Voy. Archives de Neurologie. Analyse du Neurolog. Centralbl. de 1884
SOCIÉTÉS SAVANTES. 123
surprenante, surtout chez la femme et, en particulier chez la
femme rebelle à la morphine, au chloral, à la paraldéhyde. Quel-
ques cas seulement sans résultat. En dehors du fait déjà cité,
aucun inconvénient. C'est aux petites doses qu'il faut s'adresser :
z10-0, ? 0 au maximum. Une seule patiente arriva facilement à
absorber en un jour : 0,n0 (0,20 le matin, 0,10 à midi, 0,20 le soir);
cette malade, après une médication de six semaines, put être
déshabituée du médicament en quatre jours sans aucun trouble
résultant de ce sevrage ; de plus, le calme obtenu par l'agent médi-
camenteux persista après sa suspension. Une des patientes déjà
mentionnées, qui fut atteinte d'un léger collapsus après une dose
de li, 10, fut soumise, après un intervalle de sept semaines, à 0,20, et
tenue au lit : dans ces conditions, il n'y eut pas collapsus. L'action
en est bien plus forle quand on l'introduit, dans un estomac conte-
nant aussi peu d'alimenls que possible. C'est par ce moyen que
l'on obtient, à l'aide de petites de doses, de la dilatation pupillaire
et une hébétude faible. - De nouvelles préparations de haschisch
dues au même pharmacien Bombelon déterminent, aux doses de
0,03 à 0,05, d'abord un relèvement du moral de l'individu ; deux
à trois heures plus tard, survient un bon sommeil calme. Pas de
phénomènes accessoires jusqu'ici ; il est vrai de dire que les essais
sont encore très peu nombreux. Action favorable du chlorhy-
tirale de cocaïne en injections sous-cutanées chez les morphino-
manes. Dans un cas, il y eut sur le champ interruption des phé-
nomènes intenses dus au sevrage de la morphine; guérison alors
que l'issue eût dû être fatale. C'est la préparation de \lerh, de Darms-
tadt, qui a servi ici; cette préparation diffère tout à fait de celle
de Gehe, de Dresde.
CIILORHYDRATE DE COCAÏNE DE MERK CHLORHYDRATE DE COCAÏNE DE GEHE
124 SOCIÉTÉS SAVANTES.
(solut. : 1 gr. pour 9 d'huile d'amandes douces) ou à l'intérieur
(-I- gr. pr. 100-lb'O gr. du même véhicule), à des doses sous-cuta-
nées de ut0 et stomacales de 0,40 à 0,GO. Chez vingt femmes
agitées, le résultat fut modéré; le succès le plus grand fut obtenu
sur une hystérique qui, après l'ingestion de 0,f50, s'endormit pen-
dant plusieurs heures. Les effets accessoires désagréables sont :
la brûlure de la gorge, la propension à la toux, les vomituritiuns;
il faut aussi faire la part du véhicule. L'orateur finit par rejeter
l'injection sous-cutanée, parce que ce médicament exerce une
action locale très irritante.
M. BLUIFNTHAL. Un cas de spondylite douloureuse fut très favo-
rahiemeut influencé par 0,20 de cannabinone; on eut un résultat
assez heureux dans un cas d'emphysème. Chez un troisième ma-
lade, on nota des effets très désagréables aux doses de 0, 0 à po
il y eut pendant vingt heures du refroidissement et de la lourdeur
des extrémités, de l'insomnie, de J'angoisse précordiale, des
troubles de la parole, une coloration gris bleu de la peau. Une
quatrième observation témoigna, après une ingestion de 0,10, d'une
sensation de lourdeur avec convulsions cloniques, de vertiges,
de troubles de la parole, d'irrégularité du pouls, de météorisme;
durée des accidents : onze heures. Il espère aussi de bons effets
de la cocaïne qu'il a employée chez un morphinomane.
M. GNAUcx. Administration de la cannabinone chez douze ma-
lades. D'une manière générale, résultats de l'orateur précédent.
Action très inégale. Tantôt, on n'obtient rien tant qu'on n'a pas
atteint 0,70; tantôt, à petites doses, on constate de la brûlure et
de la sécheresse de la gorge avec céphalalgie. Dans un cas, 0,30
déterminèrent un sommeil de trois heures, puis survinrent de
l'agitation, du tremblement, des troubles de la parole; la mor-
phine seule put rétablir l'équilibre. 11 convient donc de commencer
avec prudence par 0,10; 0,03 demeurent sans effet.
M. mindel n'a vu qu'une fois les accidents désagréables sus-
mentionnés. Dans vingt à vingt-cinq cas, il obtint invariablement
le sommeil. Sans être un succédané du chloral, la cannabinone
mérite d'être recommandée pour les hystériques. Il a traité par
injections sous-cutanées de cocaïne (demi-seringue d'une solution
à op. 100) une névralgie du trijumeau, sans résultats (A1'Chiv.
f. Psych. u. Nervenkrank, XVI, n ). P. K.
BIBLIOGRAPHIE
1. Des zones hystérogènes et hypnogènes, des attaques de sommeil;
par le Dr Pitres. (Bordeaux, 1885, in-8°, 70 p.)
Les zones hystérogènes sont, selon la définition de l'auteur, des
régions circonscrites du corps, douloureuses ou non, d'où partent
souvent, pendant les prodromes des attaques spontanées, des sen-
sations spéciales qui jouent un rôle dans l'ensemble des phéno-
mènes de l'aura hystérique, et dont la pression a pour effet, soit
de déterminer l'attaque convulsive ou une partie des phénomènes
spasmodiques de J'attaque, soit d'arrêter brusquement les convul-
sions. On sait que c'est M. le professeur Charcot qui a découvert
les zones hystérogènes. M. Pitres, continuant les recherches com-
mencées à la Salpêtrière, a découvert un certain nombre de faits
intéressants, dont quelques-uns ont été publiés dans la thèse de
son élève le Dr Gaube (Bordeaux, 1882). On rencontre fréquem-
ment des zones hystérogènes dans l'hystérie vulgaire, ou petite
hystérie. - Il existe des zones hystérogènes sur les membres.
MM. Bourneville et Re-nard, M. Richer n'en ont rencontré que sur
la tête et le tronc; il résulte des explorations de M. Pitres que chez
plus de la moitié des hystériques vulgaires, il y a des zones hysté-
rogènes sur les membres supérieurs ou inférieurs. Leur siège
d'élection se trouve au niveau du pli du coude et du creux poplité.
Mais l'auteur n'a pas trouvé une seule hystérique avec des points
hystérogènes seulement sur les membres; il y en avait aussi sur
le tronc ou la tête. Dans la majorité des cas, les zones des
membres et du thorax sont exclusivement spasmogènes, et les
zones ovarienne ou épigastrique exclusivement spasmo-frénatrices.
- Au point de vue de leur siège anatomique, les zones hystéro-
gènes doivent être divisées en zones cutanées, sous-cutanées etviscé-
rales. 1° Les zones cutanées, les plus rares de toutes, sont celles
dont l'activité peut être mise en jeu par des excitations superfi-
cielles de la peau : le contact avec le doigt, ou un pinceau à aqua-
relle, quelques gouttes d'eau froide ou chaude, le rayonnement t
d'un corps en ignition, la pulvérisation de quelques gouttes d'é-
ther. Les zones cutanées siègent dans les expansions nerveuses
terminales de la peau. Il est curieux de constater à ce sujet qu'elles
126 bibliographie.
peuvent se rencontrer sur des régions cutanées qui sont complète-
ment anesthésiques. 2° Les zones sous-cutanées, qui sont plus com-
munes, résistent aux excitations précédemment énumérées; elles
ne siègent donc pas dans la peau, ni dans les muscles et tendons,
car on peut, dans un certain nombre de cas, presser latéralement
les masses musculaires qui traversent les régions hystérogènes ou
les tétaniser à J'aide de courants faradiques intenses sans amener
les convulsions. Il est probable que le point de départ est dans
les troncs nerveux, car ou peut également provoquer l'attaque
par la compression énergique des troncs nerveux qui se rendent
il. la zone sous-cutanée, sur tous les points où ils sont accessibles
dans leur trajet entre la moelle épinière et la zone. 3° Les zones
viscérales, ont pour siège le parenchyme de l'organe, tel que la
glande mammaire ou l'ovaire. Pour la mamelle, on le prouve en
montrant que l'excitation énergique de la peau qui recouvre le
sein ne produit rien et que la compression de la glande provoque
l'attaque. Pour l'ovaire, la démonstration a été faite par M. Féré,
qui a vu chez une hystérique enceinte la zone hystérogène du
flanc gauche s'élève graduellement pendant la grossesse, de façon
à occuper exactement le point qu'occupe successivement l'ovaire
aux différents âges de la gestation. Cependant M Pitres pense
qu'il peut y avoir des zones ovariennes et mammaires sous-
cutanées, car il arrive chez certains malades qui possèdent ces
zones, à arrêter l'attaque en pinçant un pli de la peau qui recouvre
le sein, sans comprimer la glande, ou un pli de la peau du flanc,
sans comprimer profondément l'abdomen. On peut faire dis-
paraître les zones hystérogènes par l'électrisation statique, la gal-
vanisation des centres nerveux, les inhalations anesthésiques,
l'anémie locale (par exemple sur un membre), la réfrigération de
la peau qui recouvre une zone sous-cutanée, l'application des
siuapismes sur les zones cutanées ou sous-cutanées. (Les sina-
pismes appliquées circulairement autour d'un membre font dispa-
raître toutes les zones situées au-dessous d'eux, et sont sans
action sur les zones situées au-dessus).
Les zones hypnogènes sont des régions circonscrites du corps,
dont la pression a pour effet soit de provoquer instantanément
le sommeil hypnotique, soit de modifier les phases du sommeil t
artificiel, soit de ramener brusquement à l'état de veille les sujets
préalablement hypnotisés. La principale zone hypnogène connue
est le vertex, dont la pression fait passer l'hystérique de l'état de
léthargie dans l'état de somnambulisme provoqué (Charcot et
Richer), et de l'état de veille dans l'état hypnotique (Dumont-
pallier). On sait aussi que la compression ovarienne dissipe ins-
tantanément le sommeil hypnotique. M. Pitres a observé que les
zones hypnogènes se rencontrent sur tous les points du corps, que
leur nombre est très variable, que certaines malades en pré-
BIBLIOGRAPHIE. 127
sentent seulement quatre ou cinq, que d'autres en ont vingt,
trente, cinquante et plus encore, et que quelques hystériques
facilement hypnotisables n'en possèdentaucun. Les zones ont en
général de un à quatre ou cinq centimètres de diamètre; si la
compression de ces zones produit l'effet spécifique, une com-
pression en dehors des zones ne donne lieu qu'à une douleur plus
ou moins vive, ce qui prouve que les actions hypnogènes ne sont
pas le résultat d'irritations banales de la peau ou des tissus pro-
fonds chez des sujets particulièrement excitables. De même
que les zones hystérogènes, les zones hypnogènes peuvent être
divisées en zones cutanées, sous-cutanées, viscérales.- Parmi ces
zones, les unes provoquent le sommeil, ce sont les zones hypno-
gènes proprement dites ; les autres la font cesser brusquement, ce
sont les zones hypnofrénatrices. Les premières se subdivisent eu
trois groupes : les zones hypnogènes simples, dont la pression
pratiquée sur des suJEts à l'état de veille détermine une phase,
toujours la même, du sommeil hypnotique; zones hypnogènes à
effets successifs, dont la pression donne lieu successivement à des
phases de plus en plus profondes du sommeil provoqué, à mesure
que cette pression' devient de plus en plus énergique; les zones
hypnogènes à effets incomplets, dont la pression ne produit pas le
sommeil chez le sujet éveillé, mais fait passer le sujet endormi
d'une phase du sommeil dans l'autre. Les zones hypno-frénalrices
sont susceptibles des mêmes subdivisions. Après ces distinctions
minutieuses, l'auteur aborde l'étude de trois malades, qui
possèdent un très grand nombre de ces zones, distribuées irrégu-
lièrement sur toute la surface du corps, comme par exemple la
racine du nez, le pavillon de l'oreille, la région mammaire, le
sommet du triangle de Scarpa, la malléole interne, divers seg-
ments des doigts, etc. - Chez quelques malades, presque toutes
les zones hypnogènes sont situées sur le côté gauche du corps, et
presque toutes les zones hypno-frénatrices sur le côté droit. Or
ces malades sont hémianesthésiques. Cependant il n'y a aucun
rapport entre la distribution des zones et l'état de la sensibilité,
car le transfert de l'hémianesthésie ne s'accompagne pas du
transfert des zones. - Les zones hystérogènes et hypnogènes
coïncident quelquefois, de telle sorte qu'une pression légère
produitle sommeil hypnotique, et une excitation plus énergique
produit l'attaque. Cependant les deux espèces de zones conservent
leur individualité, car par l'électricité statique, on peut abolir la
zone hystérogène, tandis que la zone hypnogène demeure intacte.
L'auteur étudie ensuite une malade de son service, qui est
sujette il des attaques de sommeil. Cette hystérique, qui a eu
autrefois des attaques convulsives très violentes, les a remplacées
aujourd'hui par ses attaques de sommeil. L'auru présente trois
stades : le sentiment d'une boule qui exécute cinq ou six tours
128 BIBLIOGRAPHIE.
dans l'abdomen, des langueurs d'estomac, le serrement bi-tem-
poral et la perte de connaissance. Pendant le sommeil, la
malade est immobile, le pouls est régulier, la température nor-
male ; les paupières sont agitées d'un tremblement continuel ; la
malade répond quand on lui parle, on peut lui donner désordres,
des hallucinations; ses sens ont conservé leur activité. Les
membres conservent l'attitude qu'on leur communique. Bref, la
malade présente les mêmes phénomènes que dans une phase du
sommeil provoqué, l'état cataleptoïde les yeux fermés. Ce qui
ajoute à la ressemblance, c'est que la malade est tirée de son
sommeil par le souffle sur lesyeux; que, réveillée, elle ne conserve
aucun souvenir de ce qui s'est passé pendant qu'elle était endormie,
et qu'en revanche, pendant le sommeil, sa mémoire embrasse les
faits de la veille et ceux des états hypnotiques antérieurs.
Guidé par ces analogies, l'auteur a plongé dans l'hypnotisme la
malade, au moment où l'aura annonçait l'attaque de sommeil; il
a constaté que l'attaque n'en survient pas moins, mais qu'elle met
la malade dans un degré d'hypnose plus profond que celui dans
lequel elle était placée artificiellement. Ainsi la malade étant placée
dans l'état cataleptoïde,les yeux fermés, l'attaque la met en léthar
gie : la malade étant placée en léthargie, l'attaque produit
une léthargie plus profonde, dans laquelle la pression de l'ovaire,
des zones hystérogènes ne produit absolument rien. A. BINET.
II. La législation relative aux aliénés en Angleterre
et en Ecosse; par M. FOVILLE.
Les institutions anglaises relatives aux aliénés sont celles
qu'il a toujours paru le plus intéressant d'étudier comparati-
vement à celles de la France. C'est dans ce but d'études que
M. Foville a été chargé de deux missions en 1881 et 1883 ; et ce
rapport qu'il a rédigé au retour de son double voyage, a été
publié par la commission sénatoriale, comme annexe au pro-
pre rapport de cette commission.
Ce travail qui a extrait des actes du Parlement anglais ce
qu'ils contiennent d'essentiel étudie successivement :
Chapitre PREMIER. Historique. C'est en 1796 que
William Eucke ouvre la retraite d'Yorck, au moment où Pinel
en France, Daquin en Savoie, Chiarurgi en Italie poursuivent
une réforme analogue et que Duncan en Ecosse s'efforce de
faire créer l'asile de Morningside à Edimbourg,
La première loi sur les aliénés date de 174H ; ce n'est qu'un
siècle plus tard, grâce à la campagne de lord Shaftesbury que
BIBLIOGRAPHIE. 129
furent obtenues les deux lois de 1845 qui ont reçu le nom de
grande Charte des aliénés; c'est de cette époque que date ce
rouage important, le bureau des commissionnaires (board of
commisionners in Lunacy); d'autres enquêtes (1877, 1880,
1882). pour tenter de nouvelles améliorations, n'ont pas encore
abouti, tandis que en Ecosse, sur l'intervention de Miss Dick,
une enquête en 1855, a produit, deux ans plus tard une légis-
lation plus parfaite qu'en Angleterre; ce que M. Foville expli-
que en remarquant que le terrain écossais était alors moins
encombré d'institution préexistantes qu'en Angleterre.
Chapitre II. Les aliénés du Lord chancelier. Ces
aliénés sont à peu près au nombre de mille pour l'Angleterre
et le pays de Galles ; ils n'existent pas en Ecosse. Ce sont des
aliénés riches, dont la couronne s'est chargée de protéger la for-
tune ; le roi autrefois ne prenait soin que des aliénés riches.
Ces aliénés sont soumis à la surveillance de fonctionnaires
désignés les uns sous le nom de visitors et les autres sous le
nom demastersin Lunacy; ces derniers sont les tuteurs à la
personne, des tuteurs aux biens (car il y a deux tuteurs au
lieu d'un) désignés par la chancellerie ; parfois il y a conflit
entre les visitors et les masters. Quant aux aliénés peu aisés
la couronne 's'en désintéresse, et ils sont moins en sûreté que
les indigents qui eux bénéficient de la charité légale. Cette in-
tervention du pouvoir central vis-à-vis des aliénés riches a été
vivement critiquée, car elle est onéreuse et lente.
Chapitre III. Direction générale et surveillance exercée
par l'état sur le service des aliénés. Ce chapitre cemprend
l'étude du bureau des commissionners in Lunacy, composé
de onze membres (dont trois médecins et trois avocats, rece-
vant chacun par an 30,000 fr.) M. Foville donna tous les ren-
seignements sur les attributions administratives, de surveil-
lance et judiciaires de ce bureau; il insiste sur son rapport
annuel dont la collection actuelle contient l'histoire complète
des services d'aliénés en Angleterre; toutefois, on a reproché
à ce bureau de ne'pas assez s'occuper des aliénés non interdits,
de trop peu comprendre de membres, eu égard à leurs nom-
breuses attributions, de visiter trop peu les aliénés des wor-
khouses (maisons de travail), et de ne pas visiter du tout les
aliénés indigents gardés à domicile..
En Ecosse, les aliénés de la chancellerie n'existent pas ;
Archives, t. X. 9
130 bibliographie.
tous sont soumis au bureau des commissionners qui, constitué
en 1857, est pour cela mieux organisé qu'en Angleterre.
Chapitre V. Mesures relatives à la personne des aliénés.
Les aliénés en Angleterre sont placés dans les asil.ès de
comtés ou de bourgs (établissements publics) dans les hôpi-
taux, enregistrés, dans les maisons licenciées (asiles privées)
dans les workhouses, et dans des habitations particulières qui
ne reçoivent chacune qu'un malade.
Les aliénés indigents traités à domicile sont vus par les
médecins des pauvres une fois par trimestre; ces aliénés sont
placés dans les asiles par les officiers de charité (sorte de com-
missaires du bureau de bienfaisance.) Le certificat médical du
placement doit contenir : 1° la mention de faits prouvant la
folie et constatée par le médecin lui-même, 2° la mention de
faits pareils, mais communiqués par le médecin. Il faut deux
certificats médicaux pour le placement des aliénés non indi-
gents. Les sorties à titre d'essai, les congés temporaires ren-
trent dans les attributions de ce même bureau, dont les membres
font visite à ces aliénés en outre des visiteurs des comtés.
Dans ce chapitre se trouvent les formules des certificats médi-
caux, des demandes d'admission et du bulletin de renseigne-
ment, ou questionnaire à remplir à propos de ces demandes de
placement.
En Ecosse l'extension donnée au traitement des aliénés à
domicile est plus considérable; il y a deux fois plus d'aliénés
traités ainsi qu'en Angleterre et la surveillance de tous les
aliénés par le bureau des commissionners est plus efficace ;
en Ecosse. il n'y a pour ainsi dire pas de placements volontaires.
Chapitre VI. établissements consacrés aux aliénés.
Aul" janvier 1883, il y avait en Angleterre 70,000 aliénés
répartis entre 182 établissements spéciaux. Les préceptes du
no-restreint règnent dans tous ces établissements; d'ailleurs
le no-restreint se résout à une question de budget; il y a
52 asiles de comité et 1 1 asiles de bourgs; le prix de revient par
malade et par jour est en moyenne de 1 fr. 80. Le directeur
dans chaque asile (superintendant) est au point de vue légal
assimilable à un préposé responsable, de plus, il peut-être
remercié sans appel par le comité des visiteurs du comté,
chargés de la gestion des biens des aliénés et de l'organisation
de l'asile. Dans ces asiles, tous les malades sont au régime
bibliographie. 131
commun; il ya très peu de pensionnaires : 65 sur 45,000. Les
hôpitaux enregistrés qui avant 1808, avant la création des
asiles de comtés recevaient seuls les aliénés, reçoivent gra-
duellement moins d'indigents mais plus de payants. Le besoin
d'hôpitaux en Angleterre est urgent pour la classe moyenne
pouvant payer 10, 12, 18 fr. par semaine, comme il n'en
existe pas, de tels malades sont classés parmi les indigents,
ce qui augmente les frais des contribuables. La moyenne du
prix de revient est de 5 fr. 50 par jour.
Les Workhouses ou maisons de travail, instituées en vertu
de la loi des pauvres, comprennent 17,330 aliénés, et laissent
beaucoup à désirer au point de vue de la surveillance, excep-
tion faite des trois asiles métropolitains crées en 1870 pour
les aliénés indigents chroniques et inoffensifs.
Les maisons licenciées ou asiles privées se sont très amé-
liorées depuis les attaques passionnées dont elles ont été
l'objet, M. Foville est porté à croire, en raison de la concur-
rence des établissements publics, à la disparition des maisons
privées médiocres,
Enfin il y a les asiles du gouvernement consacrés aux sol-
dats aliénés, aux marins aliénés, aux aliénés du service des
Indes orientales, et aux aliénés criminels.
En Ecosse, il y a les asiles de districts, qui correspondent
aux asiles de]comté, les asiles de province, aux asiles de bourg,
les asiles privés, peu nombreux six seulement renfermant
ensemble 149 malades, les quartiers d'aliénés des poor-houses
pour les chroniques inoffensifs, trois écoles pour idiots et un
quartier spécial de la prison de Perth pour les aliénés crimi-
nels. Mentionnons enfin le placement très économique des
aliénés indigents par l'état chez des nourriciers.
Quant au système des asiles aux portes ouvertes, appliqué
à l'asile d'Haddington, à l'hôpital de Morningside, il consiste :
1° dans l'abolition des murs d'enceinte autour des préaux;
2° dans la suppression des portes fermées dans l'intérieur des
asiles; 3° dans l'extension des congés préalables; par compen-
sation, précision dans l'emploi du temps, enchaînement des
occupations, et vigilance incessante du personnel de surveil-
lance, d'ailleurs fort nombreux.
Le Chapitre VII concerne les asiles d'aliénés criminels.
(Voir une précédente analyse dans les Archives de Neurologie.)
, Charpentier.
132 bibliographie.
III. La Pathologie de l'Esprit; par Henry MAUDSLEY, professeur de
médecine légale à University-collège; traduit par le Dr GFauONT,
ancien interne des hôpitaux.
L'idée fondamentale qui domine le nouvel ouvrage du D°\faud-
sley c'est que la folie constitue un phénomène social et que, pour
en connaitre la véritable nature et la signification, il faut l'étudier
surtout au point de vue des relations qu'elle affecte avec l'orga-
nisme social.
Cette conception de la folie a pour résultat d'en reculer singu-
lièrement les frontières et permet d'un poursuivre la genèse
jusque dans les sphères les plus élevées de la connaissance hu-
maine. L'auteur de « Crime et Folie» est trop connu pour que
nous ayons besoin de dire dans quel esprit son nouveau livre est
écrit : la physiologie et la psychologie expérimentales y ser-
vent constamment de guide à la pathologie dont les phéno-
mènes les plus obscurs sont interprétés à la lumière de ces deux
sciences.
Voici le plan qui a été adopté par Maudsley : il étudie d'abord
l'Etiologie et la Prophylaxie de la folie, ensuite sa Symptomatologie
qui comprend deux parties : celle de la folie proprement dite, et
celle d'un certain nombre de troubles mentaux envisagés isolé-
ment, et enfin son Anatomie pathologique et son Traitement. La
Foliechez l'enfant est l'objet d'une étude spéciale en deux chapitres
consacrés au Sommeil, aux Rêves et à l'Hypnotisme annexés à cet
ouvrage que nous allons essayer maintenant d'analyser rapide-
ment.
Au sujet du sommeil, l'auteur se borne à présenter quelques
considérations intéressantes sur les causes qui le provoquent ou
qui le font cesser, les mauvais effets qui résultent de sa privation
et sur les phénomènes physiologiques et psychologiques qui sont
en relation avec lui. 11 étudie ensuite les rêves qu'il rattache à
la perte de la coordination fonctionnelle des centres cérébraux su-
périeurs et passe en revue les principales conditions qui semblent
en déterminer l'origine et le caractère. Cette étude le conduit natu-
rellement à celle de l'hypnotisme, du somnambulisme, de la léthar-
gie, de la catalepsie, etc. Mais les travaux de M. Charcot ont jeté
depuis quelques années une si vive lumière sur ces questions
qu'elles ont perdu un peu de leur intérêt. Disons toutefois que
Maudsley a su donner de la plupart de ces phénomènes une inter-
prétation exacte; il montre que tous ces états s'accompagnent
d'une abolition de la conscience normale, qu'ils ont tous pour
fondement un tempérament nerveux, d'origine héréditaire et
qu'ils laisseront également après eux un legs nerveux. Il rejette
complètement l'existence des perceptions qui auraient lieu par
bibliographie. 133
d'autres voies que les organes des sens, et passe en revue les causes
les plus susceptibles de faire croire aux prétendues facultés pro
phétiques des somnambules. Cette première partie se termine
par quelques considérations sur le spiritisme, cette nouvelle forme
de superstition, dont il n'a pas de peine à démontrer la complète
inanité.
Les trois chapitres qui suivent sont consacrés à l'Etiologie et à
la; Prophylaxie de la folie ; ainsi que nous l'avons déjà fait entre-
voir, c'est la partie la plus importante de l'ouvrage. Maudsley y
étudie tour à tour le rôle que jouent dans la production des ma-
ladies mentales : l'hérédité normale et morbide, des mariages con-
sanguins, la religion, l'éducation, les conditions de %vie, de sexe,
d'cige, de profession, etc. Il examine en outre l'influence de laca-
vilisution et du paupérisme sur la progression des maladies men-
tales. Il passe ensuite à l'examen des causes directes ou patholo-
giques de la folie : les arrêts ou les vices de développement des
centres nerveux, les modifications cliniques ou physiques de la cir-
culation cérébrale, les maladies qui retentissent par voie réflexe
sur les centres nerveux, et enfin les blessures et les affections du
cerveau y compris certaines névroses telles que l'épilepsie, l'leysté-
rie, ,la chorée, etc. Quant aux prétendues causes morales de la folie
sans nier leur influence, l'auteur anglais pense qu'ils agissent de
la même manière que les causes physiques et qu'elles ne doi\ent
par conséquent pas en être séparées.
On voit par cette simple énumération quelle est l'importance
des questions qui sont traitées dans cette partie de l'ouvrage, il
nous est malheureusement impossible d'entrer ici dans les déve-
loppements qu'elles comportent, et nous nous bornerons à en
reproduire la conclusion générale. On aurait tort, dit Maudsley,
de s'apitoyer sur le sort des fous, ce s'ont des faibles, des êtres
incapables de s'adapter au milieu social et physique, soit héré-
ditairement, soit pour toute autre cause, ils sont destinés à dispa-
raitre et les forts ne doivent pas user leurs forces à soutenir leurs
infirmités privant ainsi le monde des avantages auxquels il a
droit - de la mise en oeuvre de leur puissance supérieure, et il
ajoute. « Bien qu'il soit affligeant de,voir une personne tomber et
se couper le cou, ce serait peut-être une chose plus affligeante
encore si la loi de la gravitation était suspendue pour un moment
dans le but de sauver le cou de cette personne et si l'univers allait
à sa perte ». C'est en somme, comme on le voit, l'application aux
aliénés de la célèbre formule anglaise « struggle for life. »
Après avoir ainsi montré la place que doit occuper la folie dans
l'organisme social, Maudsley aborde l'étude de sa symptomatologie.
Il met pour cette exposition la classification suivante qui est à peu
près la reproduction de celle d'Esquirol :
3t ¡, BIBLIOGRAPHIE.
bibliographie. 135
Les deux derniers chapitres sont relatifs à l'anatomie patholo-
gique et au traitement de la folie.
On sait combien il est fréquent de ne pas trouver de lésions à
l'autopsie d'un aliéné ; d'autre part, lorsque ces lésions existent,
il est presque toujours impossible de saisir le lien qui les unit aux
symptômes observés pendant la vie. Néanmoins, personne ne
doute plus que les maladies mentales ne soient le résultat d'une
lésion primitive des éléments nerveux, lésion probablement mo-
léculaire qui nous échappera tant que nous ne connaîtrons pas
la constitution normale desmolécules nerveuses. Après cette pro-
fession de foi, Maudsley décrit les lésions macroscopiques et mi-
cl'oscopiques des méninges, des vaisseaux et de la substance cérébrale,
qui ont été le plus souvent signalées dans la paralysie gé-
nérale, la manie, la mélancolie, l'idiotie, etc., ainsi que les alté-
rations de l'appareil circulatoire ou pulmonaire auxquelles suc-
combent fréquemment les aliénés.
Au sujet du traitement, l'auteur rappelle que c'est à la doc-
trine chrétienne de la possession par le diable que doit surtout
remontrer la responsabilité des cruautés que l'on faisait autre-
fois subir aux pauvres fous ; il rend justice à la réforme bienfai-
sante de Pinel, introduite en Angleterre par Conolly, l'apôtre du
« no-restraint », et passe en revue les principales conditions affé-
rentes au traitement des aliénés. Il reconnaît la nécessité de
leur placement dans les asiles publics ou privés, et réfute les
accusations injustes dont ceux-ci ont été l'objet aussi bien en
Angleterre qu'en France. Il examine ensuite les avantages et les
inconvénients de la saignée générale ou locale, des pratiques
d'hydrothérapie, etc.
Quant au traitement pharmaceutique, ou sait dans quelles li-
mites il est confiné.
Maudsley étudie les principaux médicaments qui ont rendu
quelques services dans le traitement de la folie : les bromures,
la digitale, la jusquiame, l'hyoscyamine, etc.; mais il combat
l'usage, au moins journalier, des véritables sédatifs du système
nerveux : le chloral et l'opium. Il compare leur action à une es-
pèce de coercition chimique qui s'exercerait sur les éléments
nerveux et qui doit être prescrite au même titre que la coercition
physique et corporelle.
Tel est ce livre dont cette courte analyse ne saurait donner
qu'une faible idée : c'est, en somme, en véritable traité d'aliéna-
tion mentale qui n'est pas moins remarquable au point de vue
philosophique qu'au point de vue purement chimique.
Remercions donc M. Germond qui, par le soin apporté à sa
traduction, a rendu un véritable service au public médical
français. ' DENY.
136 bibliographie.
IV. Lehrbuch der speciellen Pathologie und Thérapie der inneren
K7,aizkheiten' ? par Adolf Struempell. T. Il, 1'" partie, 2e édition.
(Leipzig, in-8°, 1885. F.-C.-W. Vogel, éditeur).
La première partie du second volume du traité de pathologie
interne du professeur de clinique de Leipzig renferme les mala-
dies du système nerveux. Voilà pourquoi son analyse doit prendre
place ici. L'auteur du reste est bien connu du public médical
français. Ses recherches sur la pathologie nerveuse ont été, de
. notre part, l'objet de nombreuses notes dans les Archives de Neu-
rologie; qu'on se reporte par exemple au t. VIII de cette publica-
tion (p. 329, 32-82).
M. Struempell a réussi à faire tenir, en moins de 500 pages,
toute la neuropathologie, sans cesser d'être clair. Son but a ma-
nifestement été de dresser le catalogue complet de nos connais-
sances dans cette branche de la médecine; il a donc éliminé les
discussions relatives aux questions non encore résolues. Sous le
mérite de cette observation, le livre qui nous occupe est fort
recommandable. 11 débute par les maladies des nerfs périphé-
riques, sensitifs ou moteurs; après des considérations générales
d'ordre séméiologique, il passe en revue la symptomatologie de
ces deux genres de conducteurs, non pas simplement en noso-
graphe, mais en anatomo-pathologiste et en clinicien expérimenté.
C'est ainsi notamment que les paralysies toxiques, la crampe des
écrivains, la névrite simple et dégénératrice, la névrite alcoo-
lique, nous ont particulièrement frappé. Le même plan, empreint
du même discernement, a présidé à la rédaction des pages consa-
crées aux névroses vaso-motrices et trophiques.
Les maladies de la moelle sont aussi judicieusement traitées.
M. Struempell en exclut à juste titre la méningite cérébro-spinale
épidémique, qui rentre dans le cadre des maladies infectieuses,
et renvoie, en ce qui concerne les méningites spinales sympto-
matiques aux affections dont elles relèvent. La pachyméningite
cervicale hypertrophique, la sclérose en plaques, la sclérose laté-
rale amyolrophique, l'atrophie musculaire progressive, la para-
lysie spasmodique, la poliomyélite, etc., font briller au premier
rang les Charcot, Vulpian, Duchenne, Aran, Prévost, Jofiroy. Un
chapitre intéressant est consacré à l'ataxie locomotrice hérédi-
taire (maladie de Friedreich). Enfin, l'étude des lésions hémi-
latérales de la moelle (paralysie spinale de Brown-Séquard) scra,
croyons-nous, fort goûtée, grâce aux schémas qu'on y rencontre.
De récents mémoires ont rajeuni la pathologie de la moelle
allongée ; aussi l'exposé des formes rares de la paralysie bulbaire
chronique et de l'ophLl1almoplégie progressive, et le parallèle
établi entre cette affection et l'atrophie musculaire progressive,
ainsi qu'avec la sclérose latérale amyotrophique, constituent-ils
index bibliographique. 137
un élement doctrinaire qui enlève aux tableaux morbides leur
ingrate sécheresse. Les maladies du cerveau bénéficient, elles
aussi, de cet avantage, grâce à la théorie des localisations céré-
brales aujourd'hui familière à chacun de nous (Charcot et l'école
de la Salpêtrière). La syphilis cérébrale mérite encore un chapitre
spécial depuis qu'Heubner, reprenant les études des auteurs fran-
çais et étrangers, a élargi, par l'anatomie pathologique, le
domaine de nos connaissances sur ce point.
Les maladies à substratum anatomique une fois décrites, nous
nous trouvons en présence des névroses. M. Struempell en dis-
tingue dix : 1° L'épilepsie avec son appendice naturel des convul-
sions de l'enfance; 2° la danse de saint Guy ou petite chorée;
3° la paralysie agitante; 4° l'athétose; 5° la tétanie; 6 le tétanos;
7° la myotonie congénitale ou maladie de Thomsen; 8° la cata-
lepsie ; 9° l'hystérie; 10° la neurasthénie. C'est un plaisir de voir
revenir à chaque pas les noms de nos maîtres ; outre que
M. Struempell est impartial, il possède à fonds l'ensemble des
matériaux dont sont issues les notions aujourd'hui si bien éta-
blies dans la pathologie nerveuse. Les indications diagnostiques
très soignées trouvent leur corollaire dans les indications théra-
peuliques et dans les méthodes de traitement usitées ou utiles.
Le style, très accessible, saisit par sa lucidité et sa sobre préci-
sion ; la bonne disposition et la variété des caractères d'impri-
merie forcent l'attention en même temps qu'elles facilitent sin-
gulièrement l'intelligence du texte et la recherche. De bonnes
figures rehaussent l'éclat de la description. P. K.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
La physionomie et l'expression des sentiments ; par P. Mante -
gozja. (Bibliothèque scientifique internationale, 1885).
Case of hysterical hemianesthesia, convulsions and motor paraly-
sis ; par WALTON. (Boston med. and surg. journ., 1884).
A contribution to the study of hysteria beal'ing on the question of
oop/t0)'e ? <om ? par WALLON. (Joum. ofnerv. and ment, diseuse).
Crural symptoms occuring in hysteria and the hysterical elemezt
in crural disease; par BLORF et WALTON, 1884.
Contributo alla dottoina délia teinpc7,alzi,a cefalica; par Bianchi,
MoNTEFuscoet 131FULCO. (La Psichiâtl'ia). Napoli, l 885.
Le andature (Cammino) ; par BIANCIIJ. (Gio1'n. intemz. d. se. me-
diche). Napoli, 1885.
Sulla emicorea sizztomatica; par Blarrcxc. (Medicina contempora-
nea, 4 88).
VARIA
Rapport SUR LES PROGRÈS DE l'assistance des aliénés effectués EN
ALLE11 : 1GNE au MOYEN des asiles pendant ces dernières années; par
LOEIlR.
Ce travail a pour but de soumettre au public le développement
qu'a pris chacun des asiles d'aliénés allemands, et de montrer
que les progrès de tout établissement sont en rapport intime avec
ceux de la psychiatrie dans le pays correspondant. Les matériaux
ont été empruntés aux rapports de la Société pour échange de
documents de cette sorte entre les asiles; ainsi qu'aux renseigne-
ments fournis avec la plus grande complaisance par les collègues'.
Prusse, BRANDEBOURG. - A..., ville de Berlin. La Charité est
resté l'asile de traitement de la ville; cet hôpital sert en même
temps d'établissement clinique. La ville a fait construire un nou-
vel asile à Dalldorf pour essayer de satisfaire aux exigences d'un
asile d'hospitalisation opportun. En même temps, elle passait un
contrat avec la Charité, en vertu duquel cet hôpital servirait de
bureau d'admission pour Dalldorf. La Charité évacue donc à
Dalldorf les malades réputés incurables par les médecins de cet t
hôpital; on les y expédie par voitures, une fois par semaine.
Aussi la clinique a-t-elle sa disposition une riche cellection de
malades. L'année dernière, elle a reçu 1,036 aliénés, alors qu'elle
ne possède que 140 places. On projette d'annexer aux ressauts de
la façade, sous forme de prolongements postérieurs, un quartier
d'isolement pour chaque sexe. Depuis la fin de 4S81, époque à
laquelle on a ouvert à Dalldorf un établissement d'idiots (création
nouvelle) pour ,100 enfants, on n'a procédé à aucune modification
architecturale importante dans cet asile; en 1882, on a dû cons-
truire une porterie à l'entrée du terrain, afin d'en interdire l'ac-
cès aux profanes; on a dû aussi pourvoir certaines sections
d'isolement de transformations destinées à empêcher autant que
i Ce rapport, dont nous exprimons le suc, a été lu par son auteur au
Congrès annuel de la Société des médecins aliénistes allemands, à Leip-
zig, en septembre 1884. Nous en publions l'analyse détaillée à part,
pour décharger d'autant l'analyse du congrès en question, et nous moins
restreindre. P. K.
VARIA. 139
possible les évasions des criminels aliénés proportionnellement
nombreux.
STATISTIQUE RÉSUMÉE DE BERLIN
140 VARIA.
et dégagera les autres asiles, notamment Wittstock. En adoptant
la proportion d'aliénés de 1 : : 1,00\) habitants, il faudrait que le
nouvel asile contînt 600 malades; il comprendrait le traitement et
l'entretien des incurables dangereux et perturbateurs. On y join-
drait une exploitation agricole étendue. Pas de pensionnaires.
Aujourd'hui Eberswalde dessert un cercle de 1,200,000 habitants,
Sorau 700,000; l'asile projeté, d'une superficie de 100 hectares,
desservirait 400,000 habitants. '
Province DE Saxe. Asile, de Nietleben, près Halle. Le direc-
teur actuel a, dans l'été de 1879, obtenu, du comité de l'as-
semblée provinciale une somme de 16,500 marks (20,625 francs)
pour construire un baraquement destiné aux affections intercur-
rentes du quartier des femmes, dont l'état hygiénique était
défectueux ; dans sa cinquième session, il a voté 272,000 marks
(340.000 francs), dans la sixième 197,000 marks (246,150 francs);
enfin la direction régionale a ajouté 12,580 marks (15, 725 francs)
pour frais de crépi, etc. Une grande partie de ces ressources a
été employée à améliorer l'état sanitaire; on a assuré l'épuration
du sous-sol, le désencombrement des quartiers, l'évacuation des
vidanges et leur absorption par le sol, la ventilation, les services
d'infirmerie et leur isolement, l'accès de l'air et de la lumière, le
déversement par les égouts, l'arrivée d'eau en quantité et en
qualité au point de vue des besoins journaliers et des incendies,
la reconstruction des cuisines et de la buanderie, le chauffage à la
vapeur (système Sulzer). Pour préparer ces travaux, il fallut faire
éclater le porphyre dont se compose le sol. L'établissement a été
agrandi de 30 hectares, dans lesquels il faut compter la culture
agricole et horticole; 266 ares 39 centiares sont consacrés à des
jardins potagers par irrigation; dans ce but, on a construit une
remise pour outils. On a ainsi fait disparaître la dyssenterie in-
fectieuse, et l'on a réduit la proportion des affections somatiques.
Le Domaine d'Altscherbitz comprend un territoire de 290 hec-
tares. Acheté en 1876 pour qu'on y construisit un second asile, il a
coûté 975,000 ares (1,218,750 fr.) ; on y commença aussitôt les
travaux. Aujourd'hui 500 malades y trouvent place. Le tiers des
aliénés occupe un établissement central dans le genre des autres
asiles ; les autres, retrouvant les conditions d'une existence libre,
qui correspond à peu près à leurs anciennes habitudes, sont placés
dans une série de maisons d'habitation acquises avec le domaine
ou plus tard, et situées soit dans le} territoire domanial, soit dans
le village, soit enfin dans des maisons de campagne semblables à
des villas, nouvellement construites à quelque distance de l'éta-
blissemeut central, tout près du domaine et du village. Une chaus-
sée coupe le terrain : d'un côté on trouve l'asile central; de l'autre,
est la ferme avec les bâtiments économiques et les locaux exlé-
varia. 141
rieurs des colons. L'asile central se compose de pavillons séparés :
bâtiments d'administration - salle d'autopsie pavillon
d'admission pour chaque sexe quartier d'observation pour les
malades en traitement - section de détention pour agités, mal-
propres, évadeurs lazareth pour les affections intercurrentes.
Seuls, les jardins du pavillon de détention sont entourés de murs;
seules les fenêtres des chambres d'isolement sont grillées; les
fenêtres des pavillons de détention et d'admission sont munies
d'une simple serrure à broche ; quant aux autres bâtiments, il n'y
a que dans les dortoirs des étages supérieurs qu'elles se peuvent
fermer. C'est dans le domaine lui-même qu'existent l'habitation
du directeur, les bâtiments économiques et un local pour les ma-
lades occupés à la laiterie et à l'étable. Tout près, sur un rang, se
voient cuisine, buanderie avec magasins ainsi que les villas des-
tinées aux femmes. De l'autre côté, est le village avec les cons-
tructions qui appartiennent à l'établissement ; tout contre sont les
villas des hommes. Dans le parc, il y a une salle de réunion en
construction, qui doit servir en même temps au culte. Altscherbitz
renferme maintenant 230 hommes et 170 femmes. En 1882. on a
élevé deux villas pour 25 ou 28 malades. En 1883, on a élevé une
troisième villa avec deux pavillons d'admission. Les cuisines ont
été agrandies de même que la buanderie afin qu'elles puissent
desservir un second asile. On a, dans le même dessein, acheté une
maison du village. En effet le terrain de l'établissement sert d'as-
siette a un second asile construit à l'aide de contributions desti-
rées à une fondation en l'honneur des noces d'or de l'empereur.
Cette fondation a pour but l'assistance d'aliénés infirmes non dan-
gereux. Pourvu de son personnel supérieur et inférieur et de ses
fonctionnaires, elle se compose d'un petit bâtiment d'administra-
tion, de deux pavillons pour 60 hommes et 60 femmes; mais elle
est soumise à l'autorité du directeur de l'asile.
Les parents des malades ou des fonctionnaires de leurs pays
peuvent choisir pour eux l'asile qui leur convient. Ils adressent
une demande au directeur de l'asile envisagé, lequel, lorsqu'il a
de la place, est obligé à la réception. On n'exclut d'Altschel'bitz
que les criminels aliénés. Du reste, Nietleben et Altscherbitz ne
suffisent pas. On a dû acheter tout récemment deux asiles privés.
C'est ainsi que depuis octobre 1883 on possède celui de Gal'dele-
gen (de M. Schultze), on y a évacué 20 hommes et 20 femmes de
Nietieben et d'Altscherbitz. On s'est également rendu acquéreur
de l'asile de Liedenburg (de AI. Fontlieim); on y a évacué 45
femmes de Nietleben, on y enverra encore 55 malades de Nietle-
ben et d'Altscherbitz.
Province DE Silésie. - Breslau. Après bien des peines dépen-
sées depuis longues années, nous voyons enfin s'approcher le but.
142 varia.
Les plans de construction d'un asile d'aliénés de la ville sont
exécutés. Le quartier d'aliénés de l'hôpital général contenait
167 places ; en 1883, 855 malades y étaient entretenus. Ce même
quartier sert en même temps à l'enseignement clinique.
Leubus. Pas de modifications architecturales importantes. Le
quartier des pensionnaires, qui occupe une grande partie, la plus
belle partie du magnifique édifice, et qui revendique une certaine
indépendance administrative (démêlés dans les derniers temps)
n'a pas subi de changements.
Bunzlau. Le nombre des malades s'est élevé à 600. En 1882, on
a construit de nouveaux ateliers, Aujourd'hui 15 hectares sont en
culture à la bêche; 9 hectares en culture forestière. En 1883, on a
transformé les bâtiments des agités, des épileptiques, des in-
firmes ; on a maintenant 12 chambres capables de recevoir plus
de 60 malades.
Brieg. Jusqu'en 4880, on y comptait 175 aliénés. En 1880, on
transporte les bureaux, les habitations du directeur et des fonc-
tionnaires supérieurs dans un édifice limitrophe du territoire de
l'établissement acheté par l'administration provinciale. Les cons-
tructions laissées libres par ce déplacement sont adaptées à la ré-
ception de 50 malades, de sorte qu'en 1883, le nombre des places
monte à 223. En 1882, l'assemblée approuve le projet de nouvelles
constructions de Rybnick; elle décide en même temps que les édi-
fices existants serviront exclusivement pour les femmes. On arrivera
à loger 100 hommes en élevant dans le jardin deux nouveaux édi-
fices, soit un lazareth avec section d'agités, ainsi qu'un logis pour
45 malades avec chapelle et habitation du gardien chef (en tout
70 places)- et en adaptant à l'usage de 30 aliénés, une métairie
louée pour 12 ans dans levillage adjacent de Briegischdorf -enfi n
on édifiera une nouvelle cuisine pour tout l'établissement. Celle-
ci est en train depuis un an ; les deux constructions neuves seront
livrées en automne ; on a depuis janvier 1883 pris possession de
la colonie de Briegischdorf. Les 30 hommes qu'on y a placés lais-
sent 30 places de libres dans l'établissement principal. La der-
nière session de l'assemblée provinciale a conclu à l'extension de
cette colonie qui comprendra 25 malades de plus. A ce moment
l'asile entier contiendra 360 aliénés : 135 hommes, 225 femmes.
Ces améliorations permettront de séparercomplètement les sexes.
Maintenant, en partant du bâtiment desfonctionnaires, on aborde
le grand jardin de l'établissement qui n'a que peu perdu à la
construction du service des hommes; on a devant soi, au milieu,
la cuisine et la buanderie, à gauche l'ancien asile (section des
femmes de l'avenir), à droite le nouveau quartier des hommes.
La colonie réalisera un mode d'assistance en liberté par l'agricul-
ture, 2,706 ares 45 sont cultivés. - Kreutzburg et Plagwitz n'ont
varia. 143
été l'objet d'aucune modification pendant ces trois dernières
années.
Malgré l'agrandissement des asiles de Brieg et Bunzlau l'entrée
des malades qui attendent devra être retardée d'un an et demi
pour les hommes, d'un an pour les femmes. Le projet de nou-
velles constructions de Rybnick pour la Silésie supérieure est assez
avancée pour qu'on puisse espérer entrer en possession de l'éta-
blissement dans deux ans.
Province DE PVESTPHALIE. - Hospice de Marienthal près Muns-
ter. De 1880-81, on a commencé à annexer aux locaux éco-
nomiques, une petite colonie destinée à 15 malades; prise de
possession en mai 1881. En 1882, on a prolongé les conduites
d'eau de la ville jusqu'à l'établissement; un des bons effets a été
le rinçage permanent de quelques waterclosets. Le 2 mai 1884,
l'assemblée provinciale applique à Marienthal les mêmes condi-
tions d'admission que celles en usage dans les asiles de Marsberg
et de Lengerich, mais pour le moment on recevra à Marienthal
des malades des deux cultes chrétiens.
Asile de Lengerich. Construction de waterclosets avec irrigation
des prairies. - Asile de Marsberg. Pas de modifications. - Cons-
truction de l'asile-hospice d'Eickelborn, près Benninghausen depuis
1883. II contient provisoirement 200 à 250 lits. Il sera jusqu'à
nouvel ordre administré par la direction de l'assistance publique
de la province.
La province de Westphalie possède donc actuellement trois
asiles de traitement et d'hospitalisation avec un asile d'entre-
tien d'aliénés. Elle peut assister la moitié de ces malades : le
dernier recensement en a décélé 2,500. Elle a essayé par deux
nouvelles institutions d'assurer les besoins de deux catégories
spéciales.
Asile d'idiots ddla1'sberg. Etabli en 188 f, il compte 60à-iO enfants.
Une nouvelle construction, qui date de cet été, porte le nombre
des places à 120-130. Fondé par la Johannes-Verein, il vit au
moyen des contributions des membres de cette société, augmen-
tées de collectes et de secours de la province.
Asile d'épileptiques de Tilbeck près Munster. Il est destiné aux
jeunes épileptiques capables d'éducation; ses ressources sont em-
pruntées à l'assistance privée avec addition des contributions
provinciales. Une caisse de retraites a été fondée en Westpha-
lie pour venir en aide aux veuves et aux orphelins des fonction-
naires de l'État. P. KÉRA VAL.
FAITS DIVERS
Société française DE TEMPÉRANCE. - Programme des prix et
récompenses ri décerner en 1886. Le Conseil d'administration de
la Société, dans sa séance du 5 mai 188ï, a décidé : 1° Que tous
les travaux se rapportant à la tempérance et aux boissons alcoo-
liques envisagées sous le rapport soit de leur composiliou, soit de
leur action sur l'économie, seraient admis au concours; 2° que
des récompenses pourraient être accordées aux travaux imprimés
aussi bien qu'aux travaux manuscrits envoyés à la Société. La So-
ciété ne met au concours aucune question spéciale pour l'année
1886, mais elle appelle particulièrement l'attention des concur-
rents sur la question suivante : Etudier sur un point déterminé
du territoire français (commune, canton ou département), l'in-
fluence de la loi du 17 juillet 1880, d'un côté sur le nombre des
débits de boissons et de l'autre sur le chiffre des condamnations
pour ivresse publique, des morts accidentelles déterminées par
les excès de boisson, des folies et des suicides de cause alcoo-
lique. Une somme de 1,000 fr. sera répartie entre les auteurs
des mémoires couronnés. Les ouvrages ou mémoires devront être
remis au secrétariat général de l'oeuvre, rue de l'Université, 6,
avant le 1" janvier 1886. Pour l'année 1887, la Société met au
concours la question suivante : le Livre des mères; manuel à
l'usage des femmes désireuses de préserver leur famille de l'alcoo-
lisme et de l'ivrognerie. Montant du prix : 1,000 fr. Le concours
pour ce prix spécial ne sera clos que le 31 décembre 1886.
Althaus (J.). - On sclero.sis of the spinal cord : including locomotor
ataxy, spactic, spinal paralysis, and other system-diseases of the spinal
cord : Their pathology, symptoms, diagnosis and treatnaent. Volume in-8°
de 394 pages avec 9 figures. London, 1885. Longmans et C.
FOVILLE. La législation relative aux aliénés en Angleterre et en
Ecosse, rapport de missions remplies en 1881 et en 1883. - Paris, 1885.
Librairie J.-B. Baillière.
111entt·,-Gtnon. - Les aliénés en Savoie. Volume in-8° de 215 pages. Cham-
béry, 1884. - Imprimerie Chatelain. 0
MOREAU (de Tours). Fous et bouffons, étude physiologique, psycho-
logique et historique. Volume in-18"de 275 pages. Prix : 3 fr. 50. Paris,
1885. Librairie J.-B. Baillière.
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
fiwevt. 4-il Usm»m..ny - 78.
Vol X. Septembre 1885. N" 29
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PHYSIOLOGIE
SUR LA TENSION DES MUSCLES COMME SUBSTRATUM
DE L'ATTENTION;
Par le professeur SIKORSKI.
Fechner a démontré le premier, que l'acte de l'at-
tention est accompagné d'une sensation de tension qui
ne saurait être décrite, mais qui peut être clairement
définie par voie subjective (bestimmtes nicht zu besclarei-
bendes Gefuehl'). Selon Wundt, il est hors de doute
que cette sensation de tension est une innervation
conçue et qu'elle est, en effet, accompagnée d'une ten-
sion des muscles2. Mais, encore avant Wundt, Herbert
Spencer a répondu d'une manière précise à la même
question. Il compare la pensée à un certain mouve-
ment défini, il la considère comme la manifestation
la plus faible ou, pour ainsi dire, l'état naissant des
1 Fcchner.- Elemenle der psyc/¡op/¡ysik, t. II, p. 475.
2 Wundt. Grurtdzttge der physiologisclien psychologie, Leipzig, 1874,
p. 722.
Archives, l. X. 10 0
146 PHYSIOLOGIE.
mêmes processus nerveux qui ont lieu pendant l'exé-
cution du mouvement'. Les expériences psychomé-
triques, bien connues, pour détermider le temps phy-
siologique (temps de réaction d'Exner), faites par
Helmholz, Dohders, Wundt et d'autres, ont prouvé que
la personne en expérience peut préparer d'avance
l'impulsion au mouvement qu'il lui faudra faire, et
que, grâce à cela, le temps de réaction se raccourcit
précisément du même laps de temps qu'il faut pour le
temps de volonté d'Exner. En d'autres termes : l'acte
de volonté et la tension des muscles qui en résulte se
préparent d'avance, précèdent le moment de l'impres-
sion signalé. Tous les faits mentionnés nous ont auto-
risé à conclure que la pensée il une action quelconque
est infailliblement accompagnée de la tension prépa-
ratoire des mêmes muscles qui doivent se contracter
pendant l'exécution du mouvement même. Il a paru
vraisemblable que cette tension pourrait être soumise
à une recherche objective. C'est l'idée qui m'est venue,
quand j'ai assisté à des expériences connues sous le
nom de la lecture des pensées, expériences qui, dans ces
derniers temps, ont vivement préoccupé à Saint-Péters-
bourg les hommes de science ainsi que la partie du
public qui s'intéresse aux questions scientifiques. J'ai
résolu de vérifier mes suppositions par l'observation.
Les résultats que j'ai obtenus ne sont pas sans intérêt
pour la psychologie physiologique. Une partie de mes
expériences a été faite sur une femme-médecin, lecteur
parfait des pensées.
Comme on le sait, l'expérience de la lecture des
' Herbert Spencer. - Principes de psychologie, t. III, chap. vi (sur la
mémoire).
SUR LA TENSION DES MUSCLES. 147
pensées a lieu dans les conditions suivantes : pendant
l'absence de la personne désignée pour servir de lec-
teur, une ou plusieurs personnes conviennent d'une
simple opération mécanique à faire (par exemple :
s'approcher de la fenêtre, prendre un objet quel-
conque, etc.), ensuite on appelle le lecteur; la per-
sonne qui a décidé ce qu'il doit faire, le touche de
ses mains ; ils se mettent à marcher ensemble dans la
chambre, après quoi le lecteur devine ordinairement
l'opération convenue et l'exécute. Le plus souvent,
deux personnes prennent part à l'expérience : celui
qui a choisi l'opération à exécuter reste les yeux
ouverts, le lecteur a les yeux bandés; c'est ainsi que
ces deux personnes, le suggesteur et le lecteur font un
couple, et le succès dépend de leur action réciproque.
Les problèmes ordinaires ou, pour mieux dire, les
seuls problèmes qui sont absolument solubles consistent
en ce qui suit :
1) On cache un objet quelconque ou l'on enfonce
quelque part une épingle ; et le lecteur doit trouver
la chose cachée ; -,
2) On choisit une personne parmi les assistants, et
le lecteur doit s'approcher de cette personne;
. 3) On choisit un certain objet, et il faut s'approcher
de l'endroit où l'objet se trouve (le reste' se com-
prend) ;
4) Il faut deviner le chiffre, le mot, la figure dont il
a été convenu;
5) Il faut deviner un air musical convenu.
"Les problèmes 1, 2 et 3 sont au fond identiques et
consistent à deviner la direction dans laquelle il faut
marcher, et l'endroit où se trouve l'objet convenu :
148 PHYSIOLOGIE.
-Par conséquent, il s'agit, dans le cas donné, propre-
ment dit, non pas de deviner la personne ou l'objet
choisi, mais seulement l'endroit où il se trouve. Pour
deviner un air musical convenu, il faut dessiner la
place que chacune des notes occupe sur le clavier du
piano. 1.'
Au premier moment 4 et 5 paraissent d'une diffi-
culté inconcevable, mais les conditions dont ne saurait
se passer aucun lecteur, fût-il même d'une expé-
rience aussi incontestable que celle de Bishop les
rendent bien plus faciles. Ces conditions sont :
1) L'air doit être choisi parmi des airs familiers au
lecteur;
2) Le suggesteur doit savoir jouer de l'instrument
sur lequel l'air choisi s'exécute.
Bishop lui-même m'a parlé encore d'une autre con-
dition facilitant le succès, c'est qu'il ne devine ordi-
nairement que les trois premières notes, et, d'après
elles, il en conclut à l'air entier. Par conséquent, il
s'agit ici de reconnaître le tout au moyen des parties,
comme, par exemple, on devine le nom de Pierre
d'après les deux premières lettres pi, si l'on sait
d'avance qu'il s'agit d'un nom propre. L'expérience
consistant à deviner un mot, une rangée de chiffres,
une figure convenus et aussi bien dans des conditions
qui la facilitent singulièrement, nommément : a) Le
lecteur ne peut que les écrire, de même que la note
convenue ne peut qu'être touchée sur l'instrument,
mais ne saurait être ni définie, ni nommée sans l'aide
de l'instrument, etc.; b) Le mot ou la rangée de mots
et de chiffres ne doivent pas être longs ; il ne peut pas
être question de deviner une ligne entière.
SUR LA TENSION DES MUSCLES. 1 19
* Pour éclaircir la question qui nous intéresse, il faut
définir et déterminer psychologiquement, comme je
l'ai fait dans mes expériences, les sphères dans les-
quelles la lecture des pensées est possible, et celles qui
présentent de grandes difficultés ou ne se prêtent pas
du tout à cette opération. Il se trouve qu'on ne peut
lire facilement que les pensées qui supposent un mou-
vement. Cependant la sphère de l'accessible, même
prise dans ces limites-ci, se rétrécit encore considéra-
blement. Les exemples sus-nommés prouvent qu'on
ne peut deviner la chose convenue qu'à deux condi-
tions, savoir : 1° quand le déplacement d'un corps
dans l'espace fait part du contenu du problème (mou-
vements de locomotion); 2° quand des. mouvements de
main font partie du contenu du problème. Sans mou-
vement point de lecture des pensées.
Les faits allégués expliquent beaucoup. Il est évi-
dent que le lecteur, dans une partie de ces expériences
se laisse guider par le mouvement du corps du
suggesteur, et dans les autres, par les mouvements de
sa main, auxquels le corps prend toujours une cer-
taine part.
Les vues générales que je viens d'énoncer peuvent
être expliquées par des exemples, à la description
desquels nous allons passer. Supposons que le pro-
blème donné consiste à s'approcher de la fenêtre qui
se trouve en avant et à gauche du couple faisant
l'expérience. La nature du problème exige que les
impulsions locomotrices (préparées pour le déplace-
ment vers l'endroit indiqué) entrent dans la compo-
sition de l'acte d'attention du suggesteur. Supposons
que le lecteur, ne connaissant pas le but, fasse un
150 PHYSIOLOGIE.
premier mouvement à droite, c'est-à-dire dans la direc-
tion contraire du but, alors il doit à l'instant même
se heurter contre un système de tensions locomotrices
préparées de la part du suggesteur, et s'il ne tourne
pas de suite, il doit peu à peu dévier de la route prise
d'abord, parce que, à chaque nouveau mouvement
faux, il rencontre ces tensions qui le font, finalement,-
entrer dans le courant des mouvements du suggesteur.
Chaque mouvement du lecteur dégagera de la part du
suggesteur des impulsions préparées d'avance dans
l'exemple donné des impulsions aux mouvements
vers la fenêtre, et ces impulsions seront. perçues avec
avidité par le toucher du lecteur aux yeux bandés.
Par conséquent, le fond de l'action réciproque que
nous décrivons consiste en ce que le suggesteur se
trouve continuellement dans un certain état d'équilibre
musculaire, prêt à tout moment à passer à un mouve-
ment déterminé, et que le lecteur, par ses mouve-
ments, le fait sans cesse sortir de cet équilibre, par
quoi il obtient les conditions nécessaires pour décou-
vrir les mouvements préparés du suggesteur, - ce qui
se passe d'une manière inconsciente pour la plupart.
Si le lecteur a trouvé par hasard la direction juste, sa
locomotion coïncidera avec celle du suggesteur,
comme c'est le cas avec un couple de danseurs, et il
n'y aura point de pression exercée par l'un sur l'autre.
En cas de désaccord des mouvements, le lecteur se
heurte contre le mouvement préparé du. suggesteur
qui devient obstacle. Comme je viens de le dire, la
masse non interrompue de ces obstacles fait entrer
peu à peu le lecteur dans le courant des mouvements
intentionnés du suggesteur. Votre sensation subjec-
SUR LA TENSION DES MUSCLES. 151
tive, si vous jouez le rôle de lecteur, ne manquera
pas de vous en convaincre. Le sentiment du lec-
teur, guidé par le suggesteur, entre bientôt dans un
état de dépendance, vu que l'attention du suggesteur
est tendue, sa vue agit et il a un but déterminé ; le
lecteur se trouve dans le cas contraire; voilà pourquoi
sa soumission rapide devient inévitable, d'autant plus
que le lecteur se déconcerte bientôt après le commen-
cement des mouvements, perd la conscience de l'en-
droit où il se trouve et ne peut s'orienter que diffici-
lement. Mais ici se présentent deux questions spéciales,
qui sont d'une gravité extrême pour arriver à une
solution décisive.
Pourquoi le lecteur ne sent-il pas de choc, mais
seulement une certaine tension ou un obstacle insai-
sissable ; et pourquoi, d'un autre côté, le suggesteur
est-il convaincu qu'il ne donne aucune indication au
lecteur, en général, qu'il ne manifeste pas sa volonté
d'une manière active, qu'il ne violente pas le lecteur ?
En d'autres termes, pourquoi chacun des deux
éprouve-t-il le contraire de ce qui est ? Ce fait para-
doxal se compose de plusieurs moments.
1) Le lecteur ne sent pas de choc, mais une pression
continue ou une « indication de volonté)), parce que la
force de contraction musculaire du suggesteur et la
résistance que ses muscles opposent à la main du lec-
teur grandissent parallèlement aux mouvements de la
main de ce dernier, tout de même que la tension
de nos muscles est proportionnée à la violence du
vent et de ses coups ; si la direction de notre marche
est contraire à celle de la pression aérienne, nous ré-
sistons au vent sans chocs, en marchant d'un pàséga..
152 PHYSIOLOGIE.
2) Le suggesteur ne perçoit pas ses contractions
musculaires comme étant actives, comme dépendant
de sa volonté, en premier lieu, parce que ses mouve-
ments se manifestent indépendamment de lui, et tout
à fait involontairement, sous l'influence des' mouve-
ments du lecteur. A proprement parler, le suggesteur
ne fait pas de mouvements; il ne fait que remettre ses
membres dans le même état d'équilibre, dont les mou-
vements du lecteur viennent de le faire sortir; c'est
pourquoi, en toute conscience, il peut se regarder
comme non actif. La conviction subjective du sugges-
teur concernant sa passivité a, outre cela, une base
psychologique indubitable dans le fait, qu'entre l'acte
de volonté ayant préparé le mouvement et l'exécution
de ce même mouvement se passe un laps de temps
indéfini, plus ou moins long, pendant lequel la
conscience du suggesteur est préoccupée d'une quantité
de perceptions courantes, de manière que la liaison
immédiate entre l'acte de volonté et le mouvement
s'efface dans l'esprit.
3) Enfin, il résulte des conditions mêmes dans les-
quelles l'expérience a lieu (l'attention du lecteur tour-
née vers le suggesteur) 'qu'une certaine adaptation réci-
proque s'établit entre le lecteur et le suggesteur,
adaptation semblable à celle qui existe entre l'obstacle
que l'eau offre à la rame du rameur et la tension des
muscles de ce dernier. C'est la raison pour laquelle le
suggesteur et le lecteur se sentent subjectivement libres
et indépendants ; chacun d'eux juge son rôle au point
de vue subjectif, psychique, et non pas au point de
vue objectif physiologique.
Dans l'expérience consistant à deviner un nombre,
SUR LA TENSION DES MUSCLES. 153 3
un mot ou une figure convenus, l'acte de volonté pré-
paré d'avance peut être reconnu avec encore plus de
clarté. Deviner une figure convenue est un' problème
analogue à celui de deviner des lettres et des chiffres.
Il s'agit de tracer différentes lignes courbes comme
dans les chiffres et les lettres. Une des conditions
de l'expérience veut que le lecteur écrive ce dont le
suggesteur est convenu, évidemment, dans l'esprit
du suggesteur doivent naître les contours ou les signes
écrits répondant au mot, à la figure ou au chiffre
choisis, et son bras droit doit être tout prêt à exécuter
le choc locomoteur préparé pour les rendre par écrit.
C'est ce qui a été entièrement confirmé par l'observa-
tion. Je vais décrire en détail, par quelle voie je suis
arrivé à résoudre cette question expérimentalement.
J'ai conclu comme suit : si je propose de choisir l'un
des deux chiffres 1 ou 7, l'innervation préparée par
la personne se manifestera, dans le premier cas, par
la tendance de faire un mouvement de bras en avant,
tandis que, dans le second cas (c'est-à-dire quand le
nombre choisi est 7), le premier mouvement doit être
un mouvement d'abduction pour tracer la première
ligne horizontale. Ayant proposé ce problème à la
femme-médecin, mais sans lui communiquer mon plan,
je me suis mis à tenter la tension des bras dans diffé-
rentes directions. En tenant de ma main gauche le
bras droit de la personne en expérience (au poignet
même), j'essayai à plusieurs reprises de mouvoir le
bras dans le sens d'abduction et d'adduction, et je m'a-
perçus que le bras exécutait ces mouvements opposés
avec la même facilité. Alors j'essayai d'avancer le bras
et de le retirer, et je me convainquis à l'instant de
154 I· PHYSIOLOGIE.
l'existence d'une tension évidente dans cette direction,
d'où je conclus l'intention secrète d'écrire 1, et ma
conclusion se trouva être juste. Je continuai les expé-
riences avec ces deux chiffres mentionnés et rencontrai
bientôt des conditions qui me prouvèrent clairement
qu'on avait choisi le chiffre 7, c'est-à-dire que je res-
sentis une grande raideur du bras en essayant de le
déplacer à droite ou à gauche, comme si j'avais affaire
avec un membre en état de contracture. Il était évi-
dent quelle bras s'était préparé à tracer la ligne supé-
rieure du chiffre 7; de l'existence de cette ligne je
conclus le reste. Ayant fait plusieurs essais sur plu-
sieurs personnes et même sur des enfants, j'appris à
deviner assez bien les nombres 1 et 71. Après cela, je
passai à 0. Je proposai de choisir l'un des trois
chiffres 1, 7, 0, et je commençai par essayer si les
chiffres choisis n'étaient pas peut-être 7 ou 1, après
quoi je fis un mouvement rapide, qui formait la diago-
nale des deux premiers mouvements d'essai, et alors il
devint facile de déterminer dans quelle direction la ré-
sistance rencontrée était la plus forte. Si le maximum
de résistance se manifestait pendant que je traçais la
diagonale, j'en conclus que le chiffre choisi était 0. Le
succès justifia mes suppositions. Alors je passai aux
lettres N et 0. Je devine la première d'après l'existence
des indices qui répondent au chiffre un et la dernière
d'après les indices qui correspondent à zéro. J'ai
appris à deviner le chiffre 4 en partant du chiffre 9 , et
' Pour le commencement de ces exercices, je conseillerais de proposer
au suggesteur de choisir l'une des deux figures+ ou et, ayant appris
à dessiner celles-ci, de passer il d'autres figures régulières, comme par
exemple : au cercle, au carre, etc. ; - les lettres et les chiffres sont diffi-
ciles pour commencer.
SUR LA. TENSION DES MUSCLES. 155
à cette occasion, je me suis convaincu de la difficulté
relative de cette opération, vu qu'il était très facile de
confondre ces deux chiffres, puisqu'ils commencent
par la même ligne; alors j'eus l'idée d'exiger que le
suggesteur fixât son attention sur l'intérieur vide d'un
carré tracé et qu'il se représentât vivement le chiffre
choisi, écrit dans le carré. Il se trouva que, dans des
circonstances pareilles (il est connu que Bishop a
recours au même expédient), les mouvements du bras
devinrent bien plus précis, certainement sous l'in-
fluence des mouvements associés du bras et des yeux,
qui a lieu dans ces conditions. Bref, le bras travaille,
dans ce cas,-sous la direction des yeux. Dès que j'eus
introduit cette condition, toutes les opérations pour
deviner le chiffre convenu se trouvèrent sensiblement
facilitées, et il devint possible de distinguer presque
infailliblement le chiffre 4 de celui de 1. Dès que le
suggesteur fixe ses yeux sur le carré, il offre une plus
grande résistance au déplacement du bras, en cas où
le chiffre choisi est celui de 4, et la mobilité du bras
même devient bien minime, comme s'il craignait de se
laisser aller à tracer une ligne qui remplirait le carré
de haut en bas. Au moyen de cette mobilité minime,
je distingue le chiffre 4 de celui de 1.
Pour m'exercer, je composai des rangées déchiffres
dans le genre de ce qui suit : 1704, 7104, 0174, 4170,
4071, 4017, 4710, et je proposai au suggesteur de
choisir, selon son goût, l'un ou l'autre de ses nombres
et me mis à éprouver le bras. Ces exercices achevèrent
d'éclaircir le principe de la lecture des pensées. Voilà
comment je m'y prends pour deviner le chiffre 3 :
m'étant convaincu de l'existence de la ligne horizon-
156 PHYSIOLOGIE. SUR LA TENSION DES MUSCLES.
tale supérieure, je déplace subitement le bras du sug-
gesteur pour m'assurer de l'existence d'une tension
musculaire dans une direction perpendiculaire à la
première ligne. Si l'obstacle rencontré se manifeste à
un degré moyen, cela indique la ligne plus longue du
chiffre 7, tandis qu'une forte résistance du bras
qui paraît craindre de se déplacer indique une ligne
plus courte, c'est-à-dire répond à la ligne perpendicu-
laire du chiffre 3. Quant à l'existence de l'autre moitié
du chiffre, c'est-à-dire de la ligne courbe qui en forme
la partie inférieure, j'y arrive par un simple syllo-
gisme.
Il me paraît inutile de continuer la description de
ces opérations. Tout l'exercice m'a pris quelques
jours. Il est facile de deviner les lettres en suivant la
voie indiquée pour deviner les chiffres. J'ai essayé
aussi de deviner une figure voulue; pour arriver à ce
but, j'ai dessiné plusieurs figures plus ou moins dis-
semblables, mais de la même grandeur, supposons
plusieurs profils de visage tournés du même côté,
mais se distinguant l'un de l'autre, par exemple : par
la forme du nez (nez pointu, gros nez), et j'ai proposé
d'en choisir un, que je parvenais à deviner.
Il me reste à parler de l'état psychique des per-
sonnes prenant part à l'expérience. La première ques-
tion qui se présente, c'est de savoir si le lecteur ne se
trouve pas dansun de cesétats, pendant lesquels la cons-
cience est oppressée et la sensibilité aux impressions
extérieures se trouve élevée, comme c'est le cas sous
l'hypnose. Les observations que j'ai faites m'amènent
à la conclusion contraire. Il y a des personnes, en
effet, que ces expériences mettent dans un état d'agi-
DE LONOMATOMANIE. 157
tation, surtout lorsqu'elles ont recours à des procédés
inutiles, absurdes, par exemple : lorsqu'elles baissent
la tête, lorsqu'elles se balancent, etc.; mais, chez la
femme-médecin, je constatais un calme complet,
comme si elle était à un travail. Je m'occupe aussi de
la lecture des pensées sans éprouver la moindre agi-
tation.
J'ai démontré des expériences de lecture des pensées
avec un succès complet, dans la séance de la Société
des psychiâtres à Saint-Pétersbourg, le 27 décembre
1884. Les expériences ont été faites sur des membres
de cette société.
PATHOLOGIE MENTALE
DE L'ONOMATOMANIE;
Par MM. CHARCOT et MAGNAN.
Par l'expression Onomatomanie nous n'entendons
pas désigner une espèce pathologique nouvelle, nous
désirons simplement attirer l'attention sur un groupe
de symptômes dans lequel le mot ou le nom jouent un
rôle prépondérant ; ces troubles psychiques s'observent
habituellement chez des sujets très élevés dans l'échelle
des dégénérescences mentales (les simples déséquili-
brés), et constituent un des syndromes épisodiques
de la folie héréditaire.
158 pathologie mentale.
Pour que la préoccupation du mot surgisse au point
de provoquer l'angoisse, que cette préoccupation repose
sur une recherche pressante et active du mot, sur une
obsession ou une impulsion, il faut nécessairement,
nous le verrons, un terrain de choix. Ce syndrome de
même que la folie du doute, l'inversion du sens gé-
nital, les anomalies sexuelles, la terreur des épingles,
la folie des antivivisectionnistes, la dipsomanie, etc.,
ne peut se développer que chez les seuls prédisposés.
Tous ces états si nombreux, si variés, confondus
sous les titres de folie avec conscience, folie raison-
nante, manie sans délire, pseudo-monomanie, etc., ne
sont que les stigmates psychiques de la folie héréditaire.
Aussi, ces syndromes épisodiques peuvent-ils être
déterminés par les causes les plus insignifiantes : le
souvenir d'un simple fait divers peut faire naître la
recherche angoissante du nom ; un coup de tonnerre
amène, comme chez un malade de M. Blanche, la
crainte du phosphore; la chute sur la table d'un corps
métallique suffit à provoquer la terreur des épingles.
Mais ce n'est là assurément que la goutte d'eau faisant
déborder le vase; derrière la cause prochaine, souvent
banale, se trouve toujours la cause éloignée, la prédis-
position ; le sujet était mûr pour l'éclosion de pareils
accidents.
Pour bien comprendre le rôle que peut jouer le
mot dans les préoccupations des héréditaires, il faut
examiner les principales situations qu'il peut créer :
1° la recherche angoissante du nom ou du mot;
2° l'obsession du mot qui s'impose et l'impulsion irré-
sistible à le répéter; 3° la signification particuliè-
rement funeste de certains mots prononcés dans le
DE L'oNU\I : 1T0111ANIE, 159
cours d'une conversation ; 4° l'influence préserva-
trice de certains mots; 5° le mot devenu pour le
patient un véritable corps solide indûment avalé, pe-
sant sur l'estomac et pouvant être rejeté par des efforts
d'expuition et le crachement. Dans tous ces cas,
le malade a une entière conscience de son état; il re-
grette et déplore, dit-il, ces idées absurdes, mais il
n'en reste pas moins l'esclave de ces bizarreries.
Etudions d'abord les faits se rattachant à la recherche
angoissante du nom ou du mot.
Observation I. Hérédité morbide ; - dégénérescence men-
tale, déséquilibration dès l'enfance; à dix-huit ans accès mélan-
colique.- Plus tard, perversions sexuelles.-Recherclzes angois-
santes du mot. Recherche angoissante du nombre. - Rires et
pleurs involontaires analogues aux tics. Boutes sur l'Infini.
Périodes dépressives irrégulières dans tout le cours de la vie;
tendances au suicide dans les dernières années.
M. S..., âgé de soixante ans, que nous avons vu avec notre
distingué confrère M. le Dr Derlon, est très inégal, très irré-
gulier de moeurs et de caractère ; il a gaspillé sa fortune et n'a
jamais pu se livrer à une occupation suivie. Son grand-père,
paternel qui passait pour un homme bizarre et original, avait
fait bàtonner un de ses fils pour le punir d'avoir projeté une
mésalliance. Son père avait une grande passion pour le jeu;
toutefois il occupait dans l'armée un grade supérieur et s'était
fait remarquer par sa bravoure. Un oncle paternel était mort
fou ; une soeur avait été prise d'accès maniaque à la suite de
couches et une seconde soeur, délirante chronique, est encore
dans une maison de santé.
A dix-huit, ans M. S... éprouve un accès de mélancolie qui
dure deux mois. Il avait depuis longtemps déjà contracté des
habitudes d'onanisme, il se livre plus tard à la pédérastie et
s'adonne au coït debout. Depuis cette époque jusqu'à soixante
ans, il a traversé des périodes irrégulières de dépression aux-
quelles se sont ajoutées, dans les dernières années, des idées de
suicide.
Au mois d'avril 1884, il rencontre dans l'avenue des Champs-
160 PATHOLOGIE MENTALE.
Elysées, un monsieur qu'il avait connu pendant un voyage à
Rome, il s'arrête, cause avec lui et aprèsl'avoir quitté, il cherche
à se souvenir de son nom ; n'y parvenant pas, il essaye de penser à
autre chose; mais, loin de réussir, le besoin de retrouver ce nom
s'impose et devient pressant ; obsédé il fouille vainement dans
sa mémoire, il éprouve un très grand malaise, il se sent
oppressé, serré à l'estomac; son visage se couvre de sueurs, ses
mains sont froides et, craignant de s'évanouir, il s'empresse de
rentrer chez lui, se lamentant, se désolant, parcourant à
grands pas son appartement dans un étal d'angoisse extrême.
Quinze jours après, étant en soirée, il aperçoit un ancien
camarade qu'il n'avait pas vu depuis plusieurs années, ils s'en-
tretiennent longuement ensemble, puis il se retire. De retour
chez lui, M. S ? qui ne s'est pas souvenu du nom du cama-
rade, le cherche d'abord, se remémore diverses circonstances
qui pouvaient l'y aider, mais sans succès ; il s'efforce de se dé-
barrasser d'une pareille fantaisie : c'est vainement, l'obsession,
de plus en plus pressante, ne laisse place à aucune autre pensée;
il ne peut se coucher, il pleure, gémit, s'agite et, accablé, il
finit par se laisser tomber sur un canapé dans le plus violent
désespoir. Le repos n'arrive qu'avec la découverte du nom.
A partir de ce moment, il est constamment sur le qui-vive,
préoccupé du nom et du prénom des personnes avec qui le
hasard le met en relations, les cochers, les marchands, les
fournisseurs, etc. Il s'empresse, dès qu'il a vu quelqu'un, d'ins-
crire le nom sur un feuillet de papier et se sent alors tran-
quille. Peu à peu, cependant, le champ de ses recherches
s'étend et il est poussé à demander le nom d'inconnus, de gens
qu'il rencontre dans la rue, puis encore le nom de personnes
qui passent en voiture, puis enfin des voyageurs que contient
un train de chemin de fer qui siffle devant lui. L'impossi-
bilité de réaliser de tels désirs, le désole, l'exaspère, le rend
furieux et le force à ne regarder personne dans les rues ou à
chercher les lieux solitaires, puis enfin à se confiner dans son
appartement.
Au bout de trois mois, l'obsession du nombre s'ajoutant à
l'obsession du mot, M. S... se voit de plus en plus tourmenté,
et sa vie devient de plus en plus pénible. Il compte tout ce qui
lui est servi à table, il dresse à chaque repas un tableau sur
lequel sont indiqués le nombre de morceaux ou de bouchées
de pain, de viande, le nombre de cuillerées d'eau, de vin, de
DE LONOVIATO\I1\IE. 161
lait qu'il va prendre. Pour le lait, il compte le nombre de
gouttes contenues dans une cuillerée, et le nombre de cuil-
lerées dans une tasse. Pourquoi se livre-t-il à ce calcul ? 11 n'en
sait rien, dit-il, c'est ridicule, mais il doit le faire. Si on lui
sert une tomate, il s'empresse de compter le nombre de
graines qu'elle renferme ; il en est de même pour les pommes,
les poires.
Un jour, il avait mangé vingt cerises, mais il n'avait re-
cueilli que dix-neuf noyaux; il cherche le vingtième de tout
côté. Ne le découvrant pas, il pense qu'il l'a probablement
avalé. Dès le soir, il fouille dans les garde-robes et passe la nuit
à pétrir fiévreusement entre ses doigts les matières fécales. Il
se lamente de l'insuccès de ses recherches. Sur les instances de sa
famille, il se couche quelques heures vers le matin après avoir
consenti à faire un grand lavage. Il se relève pour se présenter à
la chaise, et. l'évacuation obtenue, il recommence, avec plus
d'ardeur encore; la recherche du vingtième noyau qu'il finit
par trouver le soir seulement, après une nouvelle déjection. 11
se calme alors, prend un bain, se couche et passe une bonne
nuit.
Il pousse, par moments, sans cause appréciable, de grands
éclats de rire qu'il ne peut réprimer ; quelquefois aussi il se
sensibilise et pleure sans motifs. Par crainte de ces obses-
sions, il refuse absolument de sortir et manifeste des idées de
suicide. Enfin, depuis quelque temps, il devient très méticu-
leux, il collectionne des débris de toute sorte, des épluchures,
des morceaux d'os, des allumettes, des bouts de cordon et de
fil, des vieilles plumes, etc. Il ne veut pas, dit-il, avoir à se de-
mander ce que sont devenus ces objets, il fait tous ses efforts
pour éviter de telles questions, l'idée de Y Infini le jette, ajoute-
t-il, dans le doute et l'effraie.
Cette observation est un exemple frappant de la
multiplicité des troubles cérébro-spinaux auxquels peut
successivement être soumis le dégénéré héréditaire.
En effet, toujours, mal équilibré, dès dix-huit ans,
surgit brusquement un trouble général de l'intelligence,
un accès de mélancolie de courte durée, et de temps il
autre, depuis cette époque, se produisent des périodes
.mcuuL, t. X. 1 1
162 pathologie mentale.
dépressives s'accompagnant parfois d'idées de suicide.
Plus tard, se montrent des perversions sexuelles; plus
tard encore, des accès de rires ou des pleurs qui s'im-
posent à la façon de tics.
L'obsession du mot, l'obsession du nombre se déve-
loppent successivement, puis enfin arrivent le doute
et les interrogations sur l'Infini. Ce sont là tout autant
de syndromes épisodiques réunis dans ce cas chez le
même sujet, mais qui peuvent, nous le verrons, se
montrer isolément, comme troubles distincts, chez dif-
férents individus.
Dans' le fait suivant, le syndrome est plus limité. Il
s'agit d'une dame de Lorient, sur laquelle notre ex-
cellent collègue, M. le Dr Le Diberder, ancien interne
des hôpitaux de Paris, nous a demandé notre avis.
Voici en quelques mots l'observation :
Observation IL. Névralgie intercostale; préoccupations
hypochondriaques; - chagrins violents ; besoin irrésistible de
retrouver des mots ou des phrases; angoisse, désespoir jusqu'à la
découverte des mots.
Mme X..., âgée de trente-cinq ans, d'un tempérament très
nerveux, mais dontles antécédents héréditaires ne nous sont pas
connus, avait été affectée d'abord d'une névralgie intercostale
très douloureuse; vivement préoccupée, M-11 X... s'était ima-
giné que cette douleur était due àun commencement de cancer.
Toutefois, il n'a plus été question de cette grave maladie une
fois la névralgie guérie. Peu de temps après, à la suite d'un
violent chagrin, de la perte à peu d'intervalle de son père et
d'un de ses frères, elle est devenue triste, moins active, obsé-
dée d'abord- d'une façon intermittente, puis, au bout de quel-
ques mois, presque constamment, du besoin de rechercher des
mots ou des phrases prononcés quelquefois depuis plusieurs
semaines. Quand il lui arrive de ne pas retrouver prompte-
ment ces mots, elle gémit, se lamente, elle est prise de sueurs,
de l onomatomanie. 163
de tremblement et avec l'expression de la plus vive anxiété
elle ne cesse de répéter : «Je ne pourrai donc jamais retrouver
cela, que vais-je devenir ? Je voudrais être morte/ je suis
folle et vous allez m'enfermer, etc. » Elle néglige son intérieur
se désintéresse de tout, même de son- enfant ; elle passe ses
journées à réfléchir pour retrouver les souvenirs parfois les
plus futiles. Ses recherches ne cessent même pas la-nuit et le
sommeil est devenu' rare et agité.
En présence de personnes étrangères, elle peut maîtriser ses
obsessions, le calme se rétablit en apparence et l'on .ne se
douterait point du trouble profond dont elle est l'objet. Elle a,
d'ailleurs, parfaitement conscience de son' état, et par instants/
elle déplore son impuissance à ne pouvoir résister à d'aussi- ri-
dicules' obsessions.
Observation III. Mère très émotive. Dèséquilibration men-
tale. Période 'dépressive et accès de délire alcoolique avant la
recherche angoissante du nom. - iJ1 eSUl'es de prévoyance : cahiers;
Bottin. Recherche angoissante des physionnomies et des
traits.
M. L..., âgé de quarante-six ans, qui nous a été adréssépar
M. le Dr E. Collin, médecin inspecteur de Saint-Honoré-les-
Bains, est fils d'une mère très nerveuse, irritable, pleurant
facilement et se mettant, à la moindre contrariété, à' trembler
de tous ses membres. Quant à lui, toujours nerveux, émotif, il'
a été pris, peu de temps' après son mariage, sans motifs appa-
rents de tristesse, de découragement, d'insomnie pendant six
mois.
En 1881, il a éprouvé, pendant quelques jours, un accès de
délire hallucinatoire : il voyait' des personnages défiler devant'
ses yeux, il entendait des chants, parfois des menaces, il était
inquiet, effrayé et dormait mal. Tout a disparu assez rapide-
ment. Il buvait à ce moment du viri blanc le matin' et parfois
des liqueurs. En 1882; il éprouvé poùrla première' fois l'irré-
sistible besoin de chercher des noms.
Etant venu'à Paris pour ses affairés, et se reposant au café, il
avait lu dans un journal' un fait divers dans lequel il était'ques-
tion d'une petite fille qui, après avoir glissé dans la rué de Pro-
vence, était tombée dans un égout en réparation. Il nb connais-
sait nullement la famille de cette enfant, et le fait eh lui-même
l'intéressait médiocrement. Il reprend le chemin de fer et rentre
164 PATHOLOGIE MENTALE.
chez lui; le soir il se couche comme d'habitude, sans le moindre
incident. Au milieu de la nuit, il s'éveille et la lecture du fait
divers lui revient à l'esprit ; il cherche à se rappeler le nom de
la petite fille. Ce nom ne venant pas, il s'efforce de ne plus y
penser et de dormir, mais c'est vainement ; le besoin que rien
n'explique de trouver ce nom est impérieux et le force à
réfléchir et à chercher. Il se retourne plusieurs fois dans le lit,
s'assied, réveille sa femme, gémit et, la tète dans les mains,
cherche le nom qui ne vieut pas. Tout à coup il saute hors du
lit, pâle, angoissé, couvert d'une sueur froide il se sent, dit-il,
comprimé, sa poitrine est resserrée comme dans un étau, sur-
tout du côté gauche, il ne peut respirer, il étouffe, il se
lamente, parcourant la chambre en se désolant et passe ainsi
le reste de la nuit dans la plus vive anxiété. Dès le matin, on
va chercher un journal, il voit le nom « Georgette », éprouve
aussitôt un immense soulagement et se sent guéri. Quelques
temps après, la même scène se reproduit à propos du nom d'un
ami, et comme la première fois, la crise finit avec la découverte
du nom.
A partir de ce jour, la recherche du nom devient plus
pressante, il est obsédé et se voit dans la nécessité de retenir
tous les noms qu'il entend ; il se munit alors d'un petit
cahier et s'empresse de noter successivement les noms qu'il
craint de ne pas se rappeler. Dans ce cahier, il classe les noms
par groupes ; les noms de commerçants, de députés, de fonc-
tionnaires ; les noms de ville, etc. Dans une lettre qu'il nous
écrivait à cette époque, il dit lui-même : « J'ai la manie de
chercher des noms dont je n'ai pas besoin, ou de trouver ce-
lui d'une personne que j'ai connue ». Bientôt aux noms de
personne, s'ajoutent les noms de choses et les préoccupations
de M. 1 ... augmentent d'autant; puis encore ce sont des
phrases, des pensées dont il doit se rappeler; il se voit alors
obligé de fuir la société, d'éviter les conversations ; toutes ses
habitudes sont changées et il n'a du repos ni le jour ni la nuit.
Parfois le rêve lui-même devient l'occasion de nouvelles re-
cherches et, pour les éviter, dès qu'il se réveille, il s'empresse
de noter les incidents du rêve. Les pensées ou les noms qu'il
cherche à se rappeler se rattachent le plus souvent à différents
actes de la vie ordinaire, et c'est ainsi qu'il est amené à ne plus
oser embrasser ses deux filles, par crainte d'avoir à se souvenir
soit des paroles entendues, soit des pensées qu'il aurait eues à
DE 1,'ONONI 165
ce moment. Dans les rues, il baisse la tête, ferme quelquefois
les yeux pour ne voir ni les noms, ni les enseignes sur les
devantures ; il ne lit strictement que ce qui lui est indispen-
sable, et à la fin, pour plus de sécurité, il ne voyage plus qu'avec
un Bottin. A diverses périodes il a été poussé à se rappeler des
airs qu'il avait entendus chanter ou jouer et, pour rien au
monde, il n'eût voulu assister à une représentation au théâtre,
pas plus qu'il n'eût voulu entendre un discours.
Pendant quelque temps, ce besoin de se souvenir s'est
étendu même aux physionomies et aux images. Une. femme
entre un jour dans son magasin pour faire une empiète, il la
regarde comme les autres clientes; mais, dès qu'elle estsortie,
il a eu, dit-il, comme un pressentiment et, s'adressant à sa
femme, il ajoute « Voilà une tête qui, je le crains bien, va me
faire de l'ennui. » Ceci se passait à dix heures. A midi et dem
il cherche à retracer dans son esprit les traits de cette femme.
Ne pouvant passe rappeler l'image, il s'inquiète, cherche s'an-
goisse et se sent comprimé comme pour les noms. Il n'a pas
pu diner, il ne s'est pas couché ; il pleure, gémit, se lamente
jusqu'à quatre heures du matin où subitement, comme une
apparition, raconte-t-il, il a pu retrouver dans son esprit
l'image et les traits de cette femme. Aussitôt, il se calme et il
peut dormir. La photographie eût suffi, dit-il, à conjurer tout
ce malaise. Une autre fois, ne pouvant se rappeler la physio-
nomie d'une autre cliente, il s'est empressé de faire cinq kilo-
mètres pour la revoir et il a pu de la sorte éviter une grande
crise.
Cet état a duré deux ans, avec des alternatives d'aggravation
et d'amélioration, et il a cessé après un changement complet
d'hygiène, après des exercices physiques, de longues prome-
nades, du jardinage et après un traitement hydrothérapique
de trois mois régulièrement suivi dans un établissement.
Les premiers jours, il ne quittait pas son petit cahier d'ins-
cription, il le tenait même à table devant tout le monde à côté
de l'assiette et prenait des notes sur tout ce qui se disait. Au
bout de quinze jours, il s'est mis à table sans cahier, puis il
est resté plusieurs heures dans une journée sans écrire, puis
enfin il a cessé toute inscription pendant des journées entières;
les recherches sont devenues de moins en moins pressantes et
M. L... est arrivé insensiblement à se débarrasser de toute
obsession.
166 pathologie mentale.
. Depuis un an environ, la guérison se maintient.
Toutefois, il est très probable que sous l'influence soit
d'une cause morale vive, soit de fatigues, soit d'excès
ou de toute autre cause, il se produirait de nouveaux
troubles. M. M..., en effet, est un prédisposé chez
lequel il a suffi des fatigues du mariage et plus tard
d'un écart de régime pour voir se développer tout
aussitôt un accès de dépression mélancolique et un
délire hallucinatoire très actif, puis l'obsession des
noms et des figures. Le terrain est chez lui bien pré-
paré, et la porte reste ouverte a,.tout ,le cortège d'ob-
sessions et d'impulsions qui accompagnent le dégénéré
héréditaire. ' ' \ '
. , -,
Les deux faits suivants montrent le syndrome à l'état
de simplicité ; mais l'obsession du mot était-elle' isolée ?
Nous ne pouvons l'affirmer, n'ayant vu qu'une seule
fois les malades et'n'ayant pas pu nous renseigner sur
les antécédents. ' t . f n .u -.
i aJI... . u,J ? f, k . ,
Observation IV ? 1 M. X..., âgé de cinquante ans, négo-
ciant à Rouen, se. présente .un jour -à la consultation disant :
« Voici mon affaire » : il tire, en même temps, de sa poche un
cahier où se trouvent indiqués par lettre alphabétique les noms
et les adresses des personnes avec qui il est'en relation. lira-
conte .que^si, se rappelant^ telle personne, il ne pouvait pas
immédiatement en. dire le ,nom, il. surviendrait un tel état
d'anxiété, qu'il se verrait décidé, à, reprendre, le chemin.de fer
pour retrouver son caliier, , , , ? ,
OBSERVATION, V ? M. X..., cinquante-six ans, industriel
belge, raconte sontétat de la-'manière suivante, : ,«, J'ai une
maladie qui consiste dans l'obsession des. noms propres. Il In-
terrogé sur l'existence d'un cahier, il en est surpris et le tire
immédiatement de.sa poche. Sur ce cahier, se trouvaient des
noms français et des noms flamands rangés par lettre alpha-
DE L'oNOIA'C(1f.111E. 167
Détique. Il avait fait des croix devant les noms des membres
d'une même famille ou les noms des personnes amies. En
lisant les journaux, certains mots le frappaient, communément,
indirectement par exemple, et ces mots, dit-il, passaient à
l'état d'idée fixe. '
Voici encore une observation très courte rapportée
par M. Moreau, lors de la discussion sur la folie rai-
sonnante devant la Société médico-psychologique.
Observation VI. « Il (M. Moreau) a vu un homme qui se
rend malheureux par l'impossibilité de se remémorer certains
noms ; s'il le trouve, tout est bien ; sinon, il a une crise qui le
fait horriblement souffrir. Il est obligé d'avoir constamment
sous les yeux l'almanach des 25,000 adresses. » (Ann. médico-
psych., juillet 1866, p. 97.)
Le dernier fait de ce groupe que nous tenons à
rapporter, nous offrira un curieux exemple de l'héré-
dité directe de ces stigmates psychiques des dégénérés.
Le sujet dont nous allons en quelques mots rapporter
l'observation, est le père d'une malade sur laquelle
nous aurons plus tard à insister longuement à propos
du mot pénétrant dans l'estomac à la façon d'un corps
solide. ' l'
Observation VII. Il s'agit d'un homme de soixante-dix
ans, toujours mal équilibré' et d'une avarice sordide quoique
dans une position aisée. Il a été pendant' longtemps en proie à
la recherche angoissante du mot. Pour mettre fin à son anxiété,
à ses lamentations, sa femme et sa fille venaient à son secours
et prononçaient des mots pouvant se rapporter à celui qui était
cherché ; elles arrivaient quelquefois à le trouver. Il se sentait
immédiatement soulagé; se calmait, se tranquillisait.
' Lorsque ces premiers efforts n'étaient pas couronnés de
succès, on avait recours à un dictionnaire dont on lisait parfois
un grand nombre de pages avant de trouver le mot. La famille
ne se couchait, en général, qu'après la découverte du mot.
1 (il¡ r ? ruor,ocm. nerveuse.
Ces observations suffisent, croyons-nous, à mettre
en saillie ce syndrome bizarre qui pousse impérieuse-
ment à la recherche du mot effacé du souvenir. Exami-
nons maintenant l'état tout opposé, ce.lui dans lequel
e mot, loin de fuir, s'impose au contraire et force le
sujet à le répéter. (il suivre.)
PATHOLOGIE NERVEUSE
DEUX NOUVEAUX CAS DE SCLEROSE LATÉRALE AMYOTt ! 0-
PHIQUE SUIVIS D'AUTOPSIE (Suite et fin);
Par J.-M. CHARCOT et P. MARIE.
Dans les circonvolutions nous avons trouvé les corps
granuleux dans la frontale et la pariétale ascendantes
au voisinage du lobule paracentral, et non dans le
reste de ces circonvolutions, la région dans laquelle
on les trouvait ne s'étendait guère sur la face convexe
des hémisphères à plus d'un centimètre en dehors de
la grande scissure interhémisphérique, aussi bien pour
la frontale ascendante que pour la pariétale ascendante.
Pour la capsule interné nous ferons remarquer le
peu d'étendue de l'espace dans lequel on trouve les
corps granuleux, espace qui certainement est loin de
correspondre à toute la largeur du faisceau pyramidal,
mais qui est bien situé dans la zone de celui-ci. On
Voy. t. X, p. i.
cas de sclérose r, vTr : .z.w,r amyotropiiique. 169
voit d'ailleurs en comparant entre eux les résultats
fournis par nos deux autopsies que cet espace même
est essentiellement variable d'un hémisphère à l'autre
puisque, dans l'hémisphère gauche de Bornic. (F7. 3),
les corps granuleux sont tout à fait disséminés, et que
l'espace où on les rencontre est des plus limités, tandis
que dans l'hémisphère droit ils forment un groupe
assez compact.
Signalons aussi la présence de ces corps clans les
fibres ou les tractus, qui- traversent horizontalement la
capsule interne et semblent se diriger du noyau lenti-
culaire à la couche optique.
Enfin, comme nous l'avons dit dans l'autopsie, les
cellules nerveuses de la couche optique quoique très
nombreuses et très belles, nous ont paru présenter une
surcharge graisseuse assez accentuée se révélant par
une coloration plus intense avec l'acide osmique au
niveau d'un de leurs pôles, mais nous ne pouvons
affirmer que cela soit pathologique, les variations de
l'état normal étant à'ce sujet assez étendues.
Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons
dit à propos des lésions des pédoncules/1 de la protu-
bérance et du-bulbe;'mais pourlcelles1de la'moelle,
nous \voulons faire quelques, remarques.')' )U111.'l. ' z
Grâce. à, la. recherche ni étliodi que, (les,'corp 1 grt nu-
leux à l'aide des procédés indiqués plus haut, nous
1 t \ i Ht <.. i i. « 1 .
avons pu constater qu'en réalité le faisceau pyramidal
, r . 'f' ,1 * i,ll ,¥> » » rj z
semble occuper une étendue un peu plus grande que
.1 , r, 1 , - b ? j ? r- t . r)
celle qui lui est assignée par, . rlechsig; en effet, nous
1 . JI , j à ¡ ? . hj h' ,
avons, dans la moelle cervicale, constaté [Fia. 6. PL. 14 11)
' « t - t ' ; ' f '' ' < '
l'existence de corps granuleux dans une partie de la
moelle située bien en avant du territoire de ce faisceau ;
170 pathologie NERVEUSE.
il est vrai que là les corps granuleux étaient infini-
ment moins abondants qu'au siège d'élection, il n'y en
avait que quelques-uns, mais ils se voyaient nettement.
' Dans la moelle dorsale, il en était de même pour le
faisceau pyramidal croisé qui semblait avoir des
dimensions un peu plus grandes que celles qu'on lui
assigne généralement ; mais, chose plus importante,
dans la partie antérieure des cordons antéro-latérâux,
la disposition des corps granuleux ne répondait
nullement aux notions anatomiques généralement
adoptées. Au lieu de retrouver ces corps seulement au
niveau des faisceaux de Türck; commé dans la' moelle
cervicale, nous avons constaté qu'ils existaient dans la
plus grande partie des faisceaux antéro-latéraux sauf
à la région antéro-interne de ceux-ci, c'est-à-dire
partout sauf dans la région correspondant aux fais-
ceaux de Tùrck. Comment faut-il considérer ce fait ? Ces
corps granuleux appartiennent-ils au faisceau pyrami-
dal croisé pu au faisceau pyramidal direct ? 'Nous
l'ignorons, et en tout cas il faut reconnaître' que, dis-
séminés et aberrants comme ils le sont^ il'est difficile
de lés rattacher plutôt à l'un' qu'à l'autre système'.
Ces apparences correpondent-ëHes à l'état ordinaire
des choses, c'est-à-dire' à une' disséminationldes fibres
pyramidales beaucoup plus marquée qu'on'rié lepéüsë;
ou 'bien tiennent-elles seulement à une de ces variétés
anatomiques si fréquentes d'après Fleschig lui-même ?
Nous ne saurions le dire, n'ayant eu jusqu'à présent
l'occasion d'examiner qu'un seul cas à cepoint'de vue;
cependant dans un autre cas, Kahleu' a trouve 'qu'el-
, .' - il , 1 1 1 0- t , f ...",l ? V1, ic
1 K.ililer. - Ueber die progressive) ! spinalen Amyotrophien, Yra ? 1884.
cas de sclérose latérale AMYOTROPIIIQUE. 171
que chose d'analogue et dit très nettement qu'il existait
de la dégénération ponctiforme et des corps granu-
leux dans les cordons antérieurs et dans les cordons
latéraux sur toute la hauteur de la moelle dorsale.
Quoi qu'il en soit, c'est là, croyons-nous, un procédé
qui n'est pas à dédaigner pour l'étude du trajet du
faisceau pyramidal dans la moelle.
Dans la région lombaire, les corps granuleux
siégeaient au niveau du territoire du faisceau pyramidal
peut-être un peu agrandi; dans les faisceaux antérieurs
on envoyait encore quelques-uns mais en nombre
absolument insignifiant, et on peut considérer ce fait
comme le vestige de ce qui existait à la région dorsale
Chez nos deux malades nous avons observé de plus
un fait relevé dans un grand nombre d'autres autopsies :
l'extension de la sclérose à une assez grande étendue
des faisceaux antéro-latéraux bien au delà des limites
du territoire pyramidal proprement dit. Signalée depuis
longtemps déjà, cette extension du processus scléreux
peut en effet être considérée comme très fréquente;
faut-il avec certains- auteurs la regarder, comme une
preuve, que la sclérose, latérale amyotrophique n'est
pas une affection systématique, mais une myélite dif-
fuse ? Loin de, là, et nous nous rattachons entière-
ment à l'opinion, émise par MM. Debove etGombault,
qui, envisagent cette extension de la sclérose comme
liée, à l'existence de zones de propagation du processus
inflammatoire de la substance grise à la substance blanche
avoisinante. ,On pourrait, il, est,vrai, en considérant
seulement les résultats fournis par l'examen de la
région dorsale penser que cette extension de la sclérose
est due à la dégénération de ces fibres pyramidales
172 pathologie nerveuse.
disséminées et aberrantes dont nous avons signalé la
présence dans une certaine étendue des faisceaux
pyramidaux : mais on voit qu'il n'en est rien, si l'on
"veut bien se rappeler que dans la région cervicale cette
extension existe d'une façon très nette, bien que les
fibres des faisceaux pyramidaux soient dans cette
région presque toutes situées dans des territoires bien
localisés (cordon de Tùrck, faisceau pyramidal croisé)
et qu'il n'y ait qu'un très petit nombre de fibres
aberrantes. D'autre part, certains faits indiquent
quel rôle prédominant joue dans la production de ce
phénomène l'inflammation de la substance grise : d'une
part cette extension de la sclérose est surtout marquée
immédiatement à la périphérie de la substance grise et
surtout des cornes antérieures; d'autre part on trouve
dans les zones radiculaires antérieures un certain
nombre de corps granuleux indiquant les relations de
ces régions avec la substance grise enflammée; enfin
à la région lombaire où la substance grise (grandes
cellules nerveuses et fibres nerveuses à myéline
observées par la méthode de Weigert) est beaucoup
moins altérée que dans les autres régions de la moelle,
cette extension de la sclérose aux faisceaux antéro-
latéraux est infiniment moins marquée qu'à la région
dorsale.
Cette opinion d'après laquelle l'extension du pro-
cessus scléreux doit être rapportée à l'inflammation
de la substance grise, semble d'ailleurs prévaloir
aujourd'hui et vient d'être de nouveau soutenue par
.11. Friedcnrcich (de Copenhague) '.
Fnedenreich. Communication au Congrès internationa de
Copenhague, 1884.
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE .1\I101'ROl'kIItUli. 173 3
Une autre remarque est à faire à propos des lésions
médullaires sur l'état des fibres nerveuses au niveau
des faisceaux pyramidaux sclérosés. Ces fibres existent
encore en grande quautité ainsi qu'on peut s'en
assurer par la coloration de Weigert, mais avec un
peu d'attention on reconnaît (cela est surtout net dans
la moelle de Dupont) que les fibres qui persistent
ainsi sont presque exclusivement de très minces fibres ;
quant à ces grosses fibres qui sur une moelle normale
se voient si nettement dans leur région avec leur
volumineux cylindre-axe, elles ont presque entière-
ment disparu : .C'est donc bien là une preuve que dans
la zone de substance blanche qui contient les faisceaux
pyramidaux,' il existe encore d'autres fibres, et que
suivant toute ressemblance, les plus grosses doivent
être considérées comme appartenant surtout à ces
faisceaux. D'autre part en comparant aux préparations
de sclérose latérale, amyotrophique des coupes prove-
nant, d'un cas de dégénération descendante consécu-
tive à une. myélite transverse; nous avons vu qu'il y
avait une différence considérable et que dans celles-ci
la, disparition des'fibres nerveuses était- beaucoup plus
générale que dans le premier.. )'r >>
c Enfin du côté des cordons de Goll, nous. avons dans
nos autopsies, signalé un certain degré de sclérose des
faisceaux de ,Goll; ce,fait 1 a ¡déjà été noté un certain
nombre de- fois, et se trouve consigné/dans plusieurs
observations.' Chez nos deux malades-, cette sclérose
n'était pas également .prononcée, dans 1 'OSIJERVATlON I
elle était notablement moins accentuée que dans l'OB-
servation II ; dans celle-ci elle existait nettement non
seulement à la région cervicale, mais aussi à la région
D , , ü
174 Il PATHOLOGIE NERVEUSE.
dorsale où elle occupait même une certaine portion
des faisceaux de Burdach, où elle avait l'apparence
en- N que nous avons décrite; à la région lombaire
"on en trouvait encore quelques vestiges mais très peu
accentués, au niveau du sillon postérieur, et une
légère bande transversale assez mal marquée d'ailleurs
dans les faisceaux de Burdach.
Quant à la nature même de cette sclérose et du
processus qui lui a- donné naissance, nous ne la
connaissons pas; elle n'est vraisemblablement pas la
même que celle des lésions des cordons latéraux, car
dans aucune de nos préparations nous n'avons trouvé
un seul corps granuleux dans les faisceaux de Goll,
tandis qu'ils étaient en très grande abondance dans les
faisceaux latéraux. D'autre part cependant, un certain
nombre de fibres des faisceaux de Goll semble avoir
disparu ainsi qu'il résulte de l'examen des prépa-
rations faites avec la méthode de Weigert; peut-être
est-ce dans la congestion permanente produite par
l'inflammation prolongée des autres parties de la moelle
qu'il faudrait rechercher la cause de cette lésion' et
l'explicatiou du processus qui'la causée.
Après avoir étudié pour chaque organe les résultats
obtenus dans ces deux autopsies, nous aurons quel-
ques remarques à faire au' point de vue' de la disposi-
tion' générale des lésions :
Dans les deux cas, les corps granuleux existaient,
nous l'avons vu,- dans toute la hauteur des faisceaux
pyramidaux depuis les circonvolutions jusqu'à' la
moelle. Mais il faut bien noter qu'ils n'occupaient pas
(du-moins au-dessus de la moelle) toute la largeur de
ceux-ci. Dans 1 'Observation I, du côté gauche la capsule
CAS DE SCLÉROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 175 S
interne les montrait sur une assez grande étendue
quoique bien certainement une portion assez considé-
rable de son segment pyramidal en fût indemne;
à droite, au contraire, les corps granuleux ne se
trouvaient qu'en très petit nombre.
D'autre part, suivant la hauteur des segments du
faisceau pyramidal que l'on examine, les corps granu-
leux ne semblent pas pour un même côté se présenter
en quantité égale ou même analogue, de grandes
différences peuvent exister à cet égard; c'est ainsi, par
exemple, que pour l'OBSERVATION ils étaient en grande
abondance dans le pédoncule gauche, tandis qu'au
niveau de la protubérance, du même côté, ils étaient
très peu nombreux. - A quoi tiennent ces différences ? 2
Tout d'abord il faut bien remarquer que dans un
cas quelconque de dégénération, le nombre des corps
granuleux n'est pas exactement proportionnel au
nombre des fibres atteintes, quoiqu'il s'en rapproche
sensiblement. De plus la quantité des fibres dégénérées
étant supposée égale dans des segments pris à diverses
hauteurs, le nombre des corps granuleux varie vrai-
semblablement suivant la nature du tissu ambiant
(circonvolution, pédoncule, protubérance) et la faculté
de résorption de celui-ci. On pourrait donc expliquer
ainsi, en partie du moins, l'inégalité du nombre des
corps granuleux aux différentes hauteurs ; mais
cependant cette inégalité était tellement considérable
que, dans le cas signalé plus haut, il nous semble
nécessaire d'admettre qu'elle correspondait à une
inégalité dans le nombre des fibres dégénérées. Il est
donc bien probable que le processus destructif n'atteint
pas d'un coup et dans toute sa longueur la fibre
176 G PATHOLOGIE NERVEUSE.
nerveuse; il commencerait à telle ou telle hauteur' 1
et n'atteindrait que peu à peu sa partie inférieure; de
telle sorte qu'une même fibre nerveuse pourrait pré-
senteur dans l'écorce des corps granuleux tandis qu'elle
n'en contiendrait pas au niveau de la capsule interne,
ou inversement en contenir à ce niveau et n'en plus
présenter dans l'écorce. Ce n'est là évidemment
qu'une hypothèse, mais elle nous semble assez en
rapport avec les faits connus et elle expliquerait assez
aisément l'inégalité que nous venons de signaler.
D'autre part, il ressort de ce que nous venons de dire e
que si, à un certain moment, les corps granuleux finis-
sent par disparaître au niveau des fibres dégénérées,
on ne peut de leur absence conclure sûrement que les
fibres nerveuses sont saines. La chose est évidente et
il est bien certain qu'il serait préférable de constater
directement l'état de celles-ci, mais malheureusement
dans l'état actuel de nos connaissances cette recherche
est des plus ardues et des moins sûres, étant donnée
la difficulté qu'il y a à reconnaître dans des organes
où les fibres nerveuses forment un lacis inextricable
s'il y en a quelques-unes de moins qu'à l'état normal.
Quelque précis que soient les renseignements fournis
par la méthode de Weigert (hématoxyline\ elle ne nous
a pas, dans ce cas, donné de résultats aussi satisfaisants
que la recherche des corps granuleux.
Aussi croyons-nous être en droit de récuser, jusqu'à
1 Nous ne pouvons pas affirmer que ce soit toujours au niveau do
l'écorce que débute le processus, il est possible que celui-ci atteigne
d'abord le faisceau pyramidal sur un point quelconque de sa hauteur,
mais c'est là un l'ait qui demande a être continue au moyen de la recherche
spéciale des corps granuleux, l'examen de la sclérose seule étant il notre
avis insuffisant.
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 177 î
nouvel ordre les autopsies de sclérose latérale amyo-
trophique dans lesquelles la lésion du faisceau pyrami-
dal, recherchée seulement au point de vue de la sclé-
rose et non des corps granuleux, n'aurait pu être
retrouvée au-dessus de la moelle, et notamment,
quelle qu'en soit d'ailleurs la valeur, l'observation de
0. Vierordt '; cette observation, il est vrai, n'est pas
considérée par son auteur comme appartenant à la
sclérose latérale amyotrophique, nous croyons et nous
partageons en cela l'avis de Kahler 2, que ç'est à tort
et qu'elle doit être comprise dans le cadre "de cette-,
affection. t \ " .r, , t v.
Dans l'observation de Kahler 3 ? il est bien tenu .. <
compte dans une certaine mesure de la 'présence des'
corps granuleux et de la dégénération ponctiforme,
mais nous n'avons pas de renseignements assez détaillés
pour apprécier si la technique employée était suffisante
pour permettre d'observer tous ceux qui se trouvaient
sur les coupes. Aussi le fait signalé par cet auteur, que
les lésions du faisceau, pyramidal ne pouvaient plus
être constatées dans la protubérance ne nous semble-
t-il nullement prouver qu'elles s'arrêtassent à ce niveau.
C'est en effet dans la protubérance qu'il est le plus
difficile de rechercher ces lésions ainsi que nous l'avons
nous-mêmes éprouvé; dans 1 'Observation II notamment^
il nous a été impossible, quelques soins que nous pris-
sions, de réussir à observer aussi nettement que dans
les autres régions les corps granuleux, quoiqu'au
1 0 Vierordt. Zw' combinirlen Degeneration der Voderhôrner zend
Seitenstrange des Rüclceumarla. (Arch. f. Psych., XIV.)
2 Kahler. Ueber die prognessiven spinalen Amyotrophien. (Ztschft.
f. Ileillc., 1S84. Prag.)
3 Ibidem.
Archives, t. X. 12
178 PATHOLOGIE NERVEUSE.
moyen de l'écrasement, sous le couvre-objet, nous
ayons constaté qu'il en existait quelques-uns dans
chacune des coupes. Pendant le déroulement de celles-
ci un certain nombre des faisceaux longitudinaux
coupés en travers et n'adhérant presque pas au reste
de la protubérance s'en détachent, et de plus les pro-
priétés optiques de ces faisceaux rendent difficile la
recherche des corps granuleux. Aussi, à défaut
d'examen de la capsule et des circonvolutions, est-il
nécessaire pour déclarer s'il y a ou non des lésions du
faisceau pyramidal au-dessus du bulbe d'examiner des
coupes des pédoncules cérébraux, la protubérance
étant certainement le point le plus défavorable pour
ce genre de recherches. '
Au point de vue clinique nous n'insisterons pas sur
l'histoire de la première malade, elle ne présente rien
de spécial et rentre absolument dans la règle, c'est
pour ainsi dire un cas type de sclérose latérale amyo-
trophique.
La seconde observation, au contraire, doit être
l'objet de quelques remarques. Dans ce cas, l'affection
a très nettement débuté par les phénomènes bulbaires
difficulté de la parole et gêne légère de la dégluti-
tion) ; ceux-ci furent tout d'abord remarqués en
novembre 1882 ; en mars 1883 survint une sorte d'at-
taque apoplectiforme (sans aucune manifestation
paralytique du côté des membres), à la suite de laquelle
ces phénomènes bulbaires s'exagérèrent notablement.
Quelle était au juste la nature de cette attaque apo-
plectiforme2 Nous l'ignorons; peut-être faut-il la
rapprocher des accidents analogues que l'on observe
dans la paralysie générale ou dans la sclérose en
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 179
plaques; quoiqu'il en soit, ce que l'on peut affirmer,
c'est qu'elle n'était liée à l'existence d'aucune lésion
macroscopique, l'autopsie n'ayant fait constater aucun
foyer ancien ou récent.
C'est seulement en mai 1883. que survient une
parésie notable des membres supérieurs, et en
avril 1884 que ceux-ci commencent à présenter de
l'atrophie; quant aux membres inférieurs, ils ne sont
atteints qu'en mai 1884.
Il existe donc un intervalle de six mois entre le
début des troubles bulbaires et celui de la parésie des
mains, et un intervalle de dix-sept mois entre le début
des phénomènes bulbaires et celui de l'atrophie mus-
culaire.
Cette évolution présente ce point important d'un
début nettement et uniquement bulbaire ; c'est plus
tard seulement et peu à peu que les autres signes de
la sclérose latérale amyotrophique sont apparus et ont
atteint un degré d'intensité remarquable; on a vu
qu'à l'autopsie les lésions les plus manifestes ont été
constatées.
Le fait en lui-même n'a rien d'extraordinaire, et il
n'y aurait aucune raison d'y insister si, dans quelques
récents mémoires, on ne relevait une tendance singu-
lière à exclure des cadres delà sclérose latérale amyo-
trophique des cas dont le tableau clinique presque
tout entier est exactement celui de cette affection, et
cela sous le prétexte que, soit dans le mode de début,
soit dans la succession des symptômes, il y aurait une
modification au type décrit par l'un de nous. C'est là
une grave erreur, s'il est vrai que dans cette descrip-
tion une certaine évolution est considérée comme pré-
180 PATHOLOGIE NERVEUSE.
sentant au maximum et avec ses caractères les plus
ordinaires, l'aspect de la sclérose latérale amyotro-
phique, il ne faut pas oublier que l'existence de formes
d'une évolution différente s'y trouve signalée d'une
façon catégorique'.
Aussi éprouve-t-on un certain étonnement à voir
quelques auteurs se refuser à considérer comme sclé-
rose latérale amyotrophique des cas où le début s'est
fait parle bulbe; il en est ainsi, par exemple, pour les
deux observations de M. Déjeriiie qui, malgré les
résultats de l'autopsie (lésions des cellules motrices de
la substance grise et des faisceaux pyramidaux), se
refuse à admettre que ce soient là des cas de sclérose
latérale amyotrophique « parce que, dit-il, cette affec-
tion répond à un type clinique tout spécial : para-
lysie et atrophie débutant par les membres supérieurs,
le plus souvent, s'étendant ensuite aux inférieurs,
puis enfin attaquent ceux de la langue, du facial infé-
rieur, du pharynx, etc., et emmenant le malade par
suite des accidents bulbaires. Mais il y a eu toujours
auparavant une paralysie des membres avec contrac-
ture souvent très marquée, avec attitudes vicieuses
consécutives, et conjointement exagération des réflexes
tendineux, du phénomène du genou, etc. ».
C'est là, nous le répétons, une erreur absolue que
de vouloir restreindre aussi étroitement le domaine
de la sclérose latérale amyotrophique ; les deux
observations de M. Déjérine sont purement et simple-
1 Charcot. - Leçons sur les maladies dn système nerveux, 3" rase.,
2e édit., p. 240.
2 Déjerine. -Etude anatomique'et clinique sur ta paralysie labio-glosso-
larngée.(Arcla. de physiol., 1883, 11° 6.)
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 181 t
ment des cas de sclérose latérale amyotrophique dont
le début s'est fait par le bulbe comme dans notre
Observation II (Bornic..) ; une chose est à regretter,
c'est que, dans ces deux observations, il ne soit même
pas fait mention de l'état des réflexes tendineux; leur
étude eût certainement permis de reconnaître pendant
la vie le caractère spasmodique de l'affection et de
faire le diagnostic de sclérose latérale amyotro-
phique.
Nous relevons la même erreur dans un travail
récent de M. H. Blumenthal' : « Nous trouvons chez
notre malade à peu près le même aspect symptoma-
tique que celui présenté par le tableau de la sclérose
latérale amyotrophique, d'après Charcot. Mais à un
examen plus minutieux, le groupement des symptômes
présente de notables différences avec la description de
Charcot. La sclérose latérale amyotrophique est, d'après
Charcot, une maladie à début successif, continuelle-
ment progressive, et à marche relativement rapide ;
elle commence dans les extrémités supérieures, affecte
ensuite les inférieures et enfin se termine par la
paralysie bulbaire » ; aussi l'auteur, tout en avouant
que « à part l'évolution et l'état spasmodique dans le
domaine des nerfs bulbaires, tous les autres symp-
tômes positifs ou négatifs se retrouvent exactement
comme dans le type clinique décrit par Charcot sous
le nom de sclérose latérale amyotrophique », arrive-t-il
à conclure que l'intensité et la distribution des phéno-
mènes spasmodiques dans le domaine des nerfs bul-
1 H. Bluineiitlial. - Ein rali t'on spastischer amyolrophischer Bulbdr
paralyse complicirt mil amyolrophischer Latéral sclérose. Inann. dis-
srt ? Durl>at, 188 ? ,
182 PATHOLOGIE NERVEUSE. \
baires suffisent à faire considérer son observation
comme un fait à part qu'il propose de désigner du
nom de paralysie bulbaire amyotrophique spasmo-
dique.
Leyden n'a pas reconnu certains cas de sclérose laté-
rale amyotrophique parce qu'à son avis, l'un de nous
avait péché par exagération dans sa description des
phénomènes spasmodiques. Nous ne nous attendions
pas à ce qu'on pût, un jour, émettre le reproche que
dans cette description, ces mêmes phénomènes spas-
modiques aient été présentés sous une forme trop
,atténuée. C'est cependant ce qui ressort de l'observa-
tion de H. Blumenthal ; elle n'est autre chose qu'une
sclérose latérale amyotrophique parfaitement carac-
térisée, à début bulbaire et avec développement
extrême des phénomènes spasmodiques, c'est ce der-
nier caractère qui a fait croire à l'auteur qu'il était en
présence d'une affection spéciale, distincte de la sclé-
rose latérale amyotrophique.
Aujourd'hui encore, comme cela a été fait dans les
publications antérieures de l'un de nous, nous devons
insister sur le caractère spasmodique de la sclérose
latérale amyotrophique, : car c'est là la clef du diagnostic,
c'est là le symptôme qui permet de reconnaître l'af-
fection dans les cas où le tableau clinique n'est que
peu marqné, et n'existe pour ainsi dire qu'à l'état
d'esquisse. Aussi voit-on peu à peu le cadre de la
sclérose latérale amyotrophique s'élargir de plus en
plus ; l'aspect général des différents cas reste im-
muable, les détails peuvent variera l'infini; les symp-
tômes fondamentaux sont toujours identiques à eux-
mêmes, mais leurs modalités sont diverses; tantôt a tté-
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 183
nués, tantôt exagérés, ils peuvent encore être inter-
vertis dans leur ordre d'apparition.
En effet, et nous ne faisons que répéter ici ce que
l'un de nous a déjà dit bien des fois dans ses leçons 1 :
« Telle est la règle (le début par les membres
supérieurs), mais il y a le chapitre des anomalies....
celles-ci ne changent rien d'essentiel au tableau qui
vient d'être tracé. Ainsi la maladie dans certains cas
débute par les membres inférieurs, d'autres fois elle
se circonscrit dans ses commencements soit à un
membre supérieur, soit à un membre inférieur, parfois
elle reste limitée pendant quelque temps à un côté du
corps sous forme hémiplégique. Enfin, dans deux cas,
elle a débuté par les symptômes bulbaires; mais ce ne
sont là, je le répète, que des modifications accessoires.
L'ensemble des symptômes caractéristiques ne manque
pas d'être bientôt constitué. »
Si l'on veut bien y réfléchir un peu, on verra qu'en
somme cette diversité du début n'a rien qui doive sur-
prendre. On sait que le faisceau pyramidal, tout en
présentant une véritable unité au point de vue du
développement et de la pathologie, n'est à proprement
parler qu'un composé de faisceaux secondaires pro-
venant des circonvolutions motrices et se rendant soit
à la moelle, soit au bulbe; or ces faisceaux secondaires
conservent pendant la plus grande partie, sinon pendant
la totalité de leur trajet, une notable indépendance.
C'est ainsi, par exemple, comme l'a très bien fait voir
M. E. Brissaud, que l'on trouve au niveau du pédoncule
une localisation différente de la dégénération descen-
. ' Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux. - Sclérose
latérale amotophiq7ze, a édit., p. ? S0.
184 PATHOLOGIE NERVEUSE.
dante suivant que la lésion primitive siégeait sur telle
ou telle partie du faisceau pyramidal au niveau des
circonvolutions ou de la capsule interne. Le faisceau
secondaire spécialement destiné au bulbe aurait
notamment, d'après M. E. Brissaud, une indépendance
toute particulière, c'est celui qu'il décrit sous le nom
de faisceau géziculé.
Ceci étant donné, si l'on admet que la sclérose
latérale amyotrophique ait son point de départ dans
une hauteur donnée du faisceau pyramidal, il est aisé de
comprendre que suivant que tel ou tel faisceau secon-
daire sera atteint le premier on verra les symptômes
se montrer tout d'abord du côté des membres supérieurs
ou inférieurs, ou du côté du bulbe; suivant aussi que
la lésion sera plus marquée dans un hémisphère, que
l'entrecroisement des pyramides sera plus ou moins
complet, on verra les symptômes présenter une certaine
prédominance hémiplégique.
Il existe encore au point de vue de l'évolution
clinique des différences très accentuées entre les divers
cas, les uns marchent d'une façon extrêmement rapide,
les autres fort lentement; dans l'état actuel de nos
connaissances, il est difficile d'indiquer la raison de ces
différences; il semble qu'il faille la chercher dans le
plus ou moins d'intensité du processus dans la
substance grise; quant à la cause de ces variations
dans l'intensité de la poliomyélite, nous l'ignorons
encore.
Un fait doit être relevé, c'est que contrairement à ce
que l'on pourrait croire, le début bulbaire n'est nulle-
ment l'indice d'une marche fatalement rapide; dans
notre OBSERVATION Il, en effet, l'évolution n'a pas de-
CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 183
mandé moins de deux ans, et nous observons actuelle-
ment des cas dans lesquels la durée paraît devoir être
plus longue encore. Il semble que le faisceau pyrami-
dal n'ayant pas ou presque pas de relations avec les
centres de la vie végétative, ceux-ci puissent rester
intacts pendant un temps assez long, alors même que
le faisceau bulbaire est lésé, et qu'ils ne soient atteints
qne d'une façon secondaire par l'extension de la
poliomyélite localisée tout d'abord au niveau des
éléments moteurs en rapport intime avec les fibres du
faisceau volontaire. Quelle que soit la raison qu'on en
veuille donner, la réalité du fait ne peut être contestée,
le début par le bulbe n'indique pas fatalement une
marche rapide.
La sclérose latérale a donc franchi une nouvelle
étape; comme l'ataxie et la sclérose en plaques,
d'abord méconnue même dans ses formes les plus
accentuées, à mesure qu'elle occupait plus solidement
sa place dans la nosographie, elle a vu son domaine
s'agrandir peu à peu; les formes atténuées se sont mon-
trées de plus en plus nettes; aujourd'hui l'étude des
formes frustes est devenue légitime et rend possible déjà
le diagnostic même dans les cas les moins marqués.
explication DE la planche II.
FiG. 1. -Circonvolution frontale ascendante droite de Bornic ? Onsnn-
vation II, au niveau du lobule paracentral. Abondants corps granuleux
dans li substance blanche. La partie située tout à fait à gauche ne
contient pas de corps granuleux.
Fig. 2. - Capsule interne, Observation I, côté gauche, les corps gra-
nuleux y sont disposés en deux groupes.
Fie. 3. - Capsule interne, Observation II, côté gauche.;
A, couche optique. - B, noyau lenticulaire. C, corps granuleux
occupant les interstices entre les faisceaux de fibres coupés perpendicu-
lairement à leur direction.
186 CLINIQUE MENTALE.
PLANCHE III
FiG. z Pédoncule gauche, Observation I.
A, corps rantileux. - B, cellules pigmentées du locus niger.
FIG. 5. Protubérance coupée par moitié, Observation I.
A, corps granuleux.
FiG. 6. Moelle cervicale, Observation II.
A, corps granuleux du faisceau pyramidal croisé. B, corps granu-
leux aberrants. C, corps granuleux situés dans les processus radicu-
laires antérieurs. - D, corps granuleux du faisceau pyramidal direct.
CLINIQUE MENTALE
DES FAMILLES D'IDIOTS;
Par BOURNEVILLE et SÉGLAS.
A sanis sana, a morbosis morbosa.
(UIPPOCUTB, De Morbo sacro, cap. m.)
La transmission héréditaire des maladies n'est plus un fait
discuté maintenant et l'on s'accorde à attribuer à l'hérédité un
rôle important dans la génèso d'un bon nombre d'affections.
Cette influence de l'hérédité est surtout manifeste dans la pro-
duction des maladies nerveuses et mentales; elle est le plus
souvent alors, comme l'a dit avec raison Trélat, la cause pri-
mordiale, la cause des causes, qui fixe la maladie dans les
familles et la rend transmissible de génération en génération.
Telle est la loi. Cependant il y a des faits en apparence contra-
dictoires. C'est ainsi que l'on verra dans une même famille
des enfants sains qui auront des frères sourds-muets ou rachi-
tiques ou strabiques et d'autres aliénés, épileptiques ou idiots.
Cette diversité dans les manifestations pathologiques chez les
descendants est-elle un argument contre l'hérédité ? Nullement :
« Aliénés, idiots, scrofuleux, rachitiques, en vertu de leur
commune* origine, de certains caractères physiques et moraux,
doivent être considérés comme les enfants d'une même famille,
DES FAMILLES D'IDIOTS. 187
comme les rameaux divers d'un même tronc », dit Moreau (de
Tours). Ce serait fort mal comprendre la loi d'hérédité que
d'attendre fatalement à chaque génération nouvelle le retour
des phénomènes morbides identiques. Sans doute le fait existe,
mais ce n'est toujours que dans un certain nombre de cas, et
les affections les plus diverses, qui de près ou de loin viennent t
atteindre le système nerveux des parents, peuvent devenir pour
les enfants une cause de prédisposition héréditaire à des af-
fections nerveuses d'un autre ordre. Ce que le père transmet à
l'enfant, ce n'est pas sa folie; c'est le vice de constitution qui
se manifestera sous des formes différentes. Et, comme le dit
fort justement M. Delasiauve, « la ressemblance qui existe entre
les individus soumis à la même influence morbide, n'empêche
pas qu'on puisse trouver chez eux des caractères tout particu-
liers et tenant essentiellement à leur différente manière d'être,
à leur tempérament propre, à leur idiosyncrasie ».
La tare héréditaire se manifeste souvent chez les ascendants
par des symptômes peu accentués et qu'un commerce suivi
peut seul dévoiler à l'oeil de l'observateur. Ce sera par exemple
un vice de conformation quelconque, un « tempérament ner-
veux », des excentricités, une émotivité anormale. Ces indi-
vidus, sans présenter des troubles assez nets pour être classés
dans telle ou telle espèce pathologique, manquent de cet
équilibre des facultés qui caractérise les intelligences bien pon-
dérées. Ils vivront le plus souvent fort bien dans le monde qui
les qualifiera d'excentriques et d'originaux ; mais ils seront inca-
pables de rien faire de suivi et de durable par eux-mêmes. Ils
donneront naissance à des individus dégénérés, abâtardis au
point de vue physique, intellectuel et moral et alors les symp-
tômes morbides prendront une intensité plus grande, un carac-
tère mieux défini. Au bout d'un certain temps, surtout si à la
tare héréditaire viennent se joindre des causes occasionnelles,
ces familles s'éteindront d'elles-mêmes ; car les derniers descen-
dants, tombés au plus bas degré de l'échelle sociale, ne vivant
plus que de la vie végétative, seront inaptes à la reproduction.
Notre but est justement de montrer ici plusieurs exemples de
ce genre. Mais, avant de rapporter nos observations communes,
nous citerons brièvement deux cas analogues. Le premier a été
publié par l'un de nous '.
4 Bourneville. Archives des maladies mentales et nerveuses, 1861,
p. 289.
188 CLINIQUE MENTALE.
I. Famille R...
Trois frères idiots. Influence de l'hérédité. -111ère affectée d'ÙTé-
gularités mentales. Affaiblissement paralytique chez les trois
enfants. Irascibilité chez deux d'entre eux. (Archives des mala-
¡lies mentales elnerveuses, 1861, p. 289.)
Aucun antécédent du côté paternel. Le père est bien 'conformé
et intelligent. La mère, assez nerveuse, est sujette à des accès de
tristesse, revenant à intervalles irréguliers, s'accompagnant de
maux de tête et suivis d'une sorte d'hébétude. Habituellement
douce et affectueuse; santé physique bonne. Pas de renseigne-
ments sur sa famille. - Les accouchements ont été naturels.
Une petite fille morte à cinq ans ne dilférait en rien des enfants
de son âge.
40 R... (Vincent-Clet), né à Douarnenez, âgé de quinze ans,
est grand, fluet, et se tient avec peine sur ses jambes. Front assez
saillant, médiocrement élevé, effacé sur les côtés ; légère dépres-
sion au-dessus des arcades sourcilières. Le crâne n'offre rien
d'anormal, le sommet seul en est un peu exhaussé. Le regard
constamment baissé, errant, ne peut fixer les objets, mais révèle
une certaine lueur d'intelligence : strabisme assez prononcé à
droite. C'est le plus avancé des trois frères sous le rapport des
connaissances usuelles, bien que son vocabulaire soit très restreint.
Caractère généralement doux : il ne joue pas, reste immobile.
Il mange à peu près seul, ne sait pas s'habiller et ne gâte pas.
Parties génitales développées; pas d'onanisme.
° ? ° R... (Joseph-René) est né à Brest en 1850. La mensuration
ne donne pas de différence entre sa tête et celle de son frère. Le
front est aussi effacé sur les parois latérales, mais la dépression
sus-sourcilière est moins profonde. L'oeil droit est aussi moins
strabique, ce qui, sans doute, lui donne une apparence plus intel-
ligente. Mais, au fond, l'affaiblissement intellectuel est plus grand
que chez rainé; il ne sait pas distinguer les objets et ne dit guère
que son nom. Jl se tient mieux sur les jambes que le précédent,
mais, à l'inverse de lui, il est très turbulent, inattentif et irascible.
Il a un tic qui consiste à se frotter continuellement les yeux. Les
organes générateurs sont normalement développés; il gâte la nuit.
3° Le dernier R... (Vincent-Michel), âgé de neuf ans, est à
peu près conformé comme ses frères, quant à ce qui concerne la
tête. La dépression sus-sourcilière est légère, les arcades effacées,
l'arc interne abaissé, le front bas et étroit. Il n'a pas de strabisme,
mais le regard est méchant et sauvage. La taille est en rapport
avec l'âge, mais les jambes sont sans force; aussi est-il toujours
DES FAMILLES D'IDIOTS. 189
assis. Cependant il n'y a rien d'anormal du côté de la colonne
vertébrale.
Sauf les mots «papa» et «maman», son vocabulaire se limite à des
cris inarticulés qu'il pousse surtout quand on le regarde. Il est
encore plus irritable que le précédent. Il mange seul, mais avec
ses mains et est gâteux. Les testicules sont petits, la verge déve-
loppée, ce qui tient sans doute à ce qu'il se frotte habituellement t
les jambes et les cuisses l'une contre l'autre en plaçant les mains
aux parties génitales.
De ces trois frères, l'aîné seul paraissait perfectible et pouvait t
prêter quelque attention aux petits exercices qu'on lui faisaitfaire.
Ce faitn'est-il pas un exemple frappant des dégénérescences
dans certaines familles ? Comme antécédents : de simples irré-
gularités mentales ; et cependant dans la nouvelle génération
l'abâtardissement est très prononcé et tout porte à croire que
la famille s'est éteinte en elle. Sur quatre enfants, l'un meurt
à cinq ans ; les trois autres idiots, strabiques, paralytiques, iné-
ducables sont la dernière expression des dégénérés aux trois
points de vue physique, intellectuel et moral. Remarquons en-
core ici une sorte de marche graduelle dans l'expression des
phénomènes de déchéance, moins accentués chez l'aîné des
trois frères que chez les deux autres.
Citons encore un nouvel exemple emprunté au Dr F.-W.-A.
Browne.
II. Famille W...
Groupe de sept idiots, frères et soeurs. (The Journal of mental
science, 1862, t. VIII, p. 429.)
Parents excentriques, que l'on croyait consanguins.
Onze enfants. Un frère disparu : on l'a cru noyé. Une soeur
imbécile est encore vivante. Deux frères et une soeur bien portants.
t° Agnès, soixante et onze ans, affectueuse particulièrement
pour Thomas, calme, inoffensive, industrieuse; parole indistincte.
2° James, soixante-neuf ans, affectueux, enfantin, brouillon,
irritable, ne travaille pas.
3° Hélène, soixante-cinq ans, affectueuse et attentive pour ses
frères et soeurs, soumise, travaille volontiers comme laveuse à la
cuisine, propre dans ses vêtements; parole intelligible.
4° David, cinquante-six ans, indifférent pour ses frères et soeurs,
actif aux grosses besognes, aide les servantes, ne veut pas tra-
vailler au jardin; aime à laver les bas.
190 CLINIQUE MENTALE.
1° William, cinquante-trois ans, affectueux pour ses frères et
soeurs, travaille au jardin mais ne veut pas arroser ; ne peut parler
intelligiblement.
60 Thomas, cinquante et un ans, affectueux pour ses soeurs,
indifférent pour ses frères, violent à l'occasion, se querelle avec
James, aime le changement, a travaillé au jardin jusqu'à ce qu'il
eût perdu l'usage de sa main droite.
7° Mungo, quarante-sept ans, indifférent pour ses frères etsoeurs,
parle quelquefois à James; solitaire, taciturne, travaille dur au
jardin.
Ainsi donc, ces parents excentriques et peut-être consan-
guins ont donné le jour à onze enfants dont huit imbéciles à
différents degrés, inéducables, incapables de se suffire à eux-
mêmes. L'influence de l'hérédité n'éclate-t-elle pas manifes-
tement dans la déchéance de cette famille où les derniers
membres arrivés à un âge avancé, ne vivant guère que d'une vie
machinale, privés de la parole, de sentiments affectueux, sans
initiative, n'étant propres qu'à exécuter des travaux manuels qu'il
faut leur commander, mourront sans avoir été capables de se
reproduire. -
Dans les observations suivantes que nous avons recueillies, le
fait de dégénérescence, sa marche sont encore plus évidents,
l'état d'hérédité morbide plus net, plus accentué et ses consé-
quences finales plus frappantes et plus terribles.
III. Famille BONT...
Père : faible d'esprit, épileptique, buveur. Grand'mère paternelle
alcoolique; grand'tante paternelle imbécile. Cousin germain
paternel, mort de convulsions.
Mère : faible d'esprit, sujette à des élourdissements et à des migraines,
goitreuse; grand-père maternel alcoolique; grand-oncle maternel
bègue.
Cinq enfants : un épileptique, un faible d'esprit, ivrogne; deux
idiots épileptiques ; un mort-né.
Antécédents héréditaires (Renseignements fournis par la mère,
13 juillet -1881). Père : ouvrier journalier, travaillait dans
les plàtrières ou dans les poteries, où il ne gagnait jamais plus
de 3 fr. par jour, car il n'avait jamais eu l'intelligence déve-
loppée : il ne savait pas lire; son caractère était doux. Il fumait
beaucoup et faisait de fréquents excès de boisson; il était souvent
DES FAMILLES D'IDIOTS. 191 t
ivre plus ou moins deux ou trois fois par semaine ; depuis la guerre
cela ne lui arrivait plus qu'une fois par mois; il buvait surtout du
vin et de l'eau-de-vie, quelquefois de l'absinthe. On était alors
obligé de le roucher, et souvent il gâtait dans ces moments-là.
Pas d'excès vénériens; il était au contraire peu porté aux rapports
sexuels. Pendant trois mois, avant son mariage, il avait eu des
relations avec sa femme, qui avait été attirée dans la maison par
la mère du jeune homme, laquelle l'a mise en relation avec son
(ils. Il est mort en décembre 1879, il quarante-neuf ans, dans un
accès d'épilepsie. Il travaillait alors dans une fabrique de faïence :
une masse de terre est tombée sur son dos, elle n'aurait pas suffi
à l'étouffer; mais, ayant été pris d'un accès d'épilepsie, il a suc-
combé avant qu'on ait eu le temps de le secourir. Il était devenu
épileptique à l'cige de six ans, ci la suite d'une peur : son maître
d'école l'avait enfermé dans un cachot noir où les autres enfants
allaient lui faire peur. Lorsqu'il s'est marié, il vingt-huit ans, sa
femme ignorait absolument qu'il tombât du haut mal ; elle ne
l'a su que quinze jours après le mariage, parce qu'il a eu deux
accès dans une nuit. Le nombre des accès variait un peu; il en
avait tantôt trois ou quatre, tantôt cinq ou six dans une nuit. Us
venaient en général par série avec des intervalles de une ou deux
semaines au plus. A mesure qu'il vieillissait ils devenaient plus
fréquents. [Père, mort on ne sait de quoi, il travaillait à la terre.
A/j)'e : journalière aux champs, bien portante, boit beaucoup,
souvent de l'eau-de-vié et de l'absinthe; elle s'enivre. Pas d'attaques
de nerfs. - Deux frères bien portants, l'un célibataire; l'autre a
quatre enfants qui sont en bonne santé et n'ont jamais eu de
convulsions. Ces deux frères sont plus intelligents que le père de
nos malades. - Une soeur, bien portante, mariée, a eu dix enfants
et n'en a plus que trois; les autres sont morts tantôt de convul-
sions, tantôt de maladies ; on ne peut donner à ce sujet de rensei-
gnements précis. - Une tante paternelle aurait toujours été
« imbécile »; elle parlait, mais n'était au courant de rien. Pas de
paralytiques, d'épileptiques, de suicidés, de criminels, de difformes
dans la famille.]
Mère : quarante-sept ans, taille petite; journalière, parait d'une
intelligence peu développée; cependant, elle renseigne passable-
ment. Pas d'excès de boisson. De quinze à vingt et un ans, elle
aurait eu des « faiblesses » qui revenaient plusieurs fois chaque
année. Elle avait comme un étourdissement et tombait par terre :
chaque fois que cela lui arrivait, elle rendait un ver (ascaride)
par la bouche. Depuis la puberté, ces étourdissements ne sont
pas revenus. Elle n'a été réglée qu'à vingt et un ans; les mens-
trues, qui ne venaient que trois ou quatre fois par an, ne
devinrent régulières qu'après le mariage; elle ont cessé brusque-
ment al quarante-cinq ans, lorsqu'on lui a apporté le cadavre de
192 CLINIQUE MENTALE.
son mari et ne sont plus revenues. -- Elle est sujette à des
migraines depuis l'âge de vingt ans, c'est-à-dire six ans avant son
mariage. Elles consistent en douleurs de tête frontales vives,
accompagnées de mouches violettes, rouges, blanches, qui volent
devant les yeux, sans que ceux-ci soient douloureux; en même
temps il y a des nausées violentes et parfois des vomissements
aqueux. Ces accidents durent une journée, et sont moins fréquents
en hiver qu'en été où ils reviennent presque toutes les semaines ;
ils n'ont aucun rapport avec les règles. Pas d'autres accidents ner-
veux. Cette personne, qui est originaire de la Savoie, a eu dans
sa jeunesse un goitre, gros comme le poing, situé sur la ligne
médiane du cou, et qui disparut en un mois à la suite d'un abcès
de la région sus-sternale survenu dans la convalescence d'une
pleuro-pneumonie ; la malade avait alors trente-huit ans. [Père,
travaillait à la terre, est mort très vieux. Il buvait du vin et de
l'eau-de-vie de marc, pas d'absinthe et s'enivrait une vingtaine de
fois par an. 11 n'était pas violent, cependant il battait souvent sa
femme quand il était ivre.-11fère, serait morte enflée après avoir
été longtemps malade. Trois frères qui sont morts, deux tout
jeunes, l'autre de la poitrine, à trente-trois ans; il avait eu un
enfant qui est mort en bas âge, on ne saitde quoi.- Cinq soeurs dont
quatre sont mortes jeunes; la cinquième est morte vers quarante ans,
on ne sait de quoi; elle n'était pas mariée et n'avait pas d'enfants.
Un oncle paternel était bègue, à un degré très prononcé. Pas
d'aliénés, de goitreux, de convulsifs, etc., dans la famille.]
Pas de consanguinité.
Six enfants : 4 un garçon mort à dix-huit ans, le 2 décembre
9S9, à l'hôpital Tenon, d'une bronchite chronique. Il était devenu
épileptique « aux germes de ses dents», à six mois. Il n'était pas plus
intelligent que nos malades, ses frères; cependant il travaillait
un peu dans les fabriques de faïence et gagnait 50 centimes par
jour.
2° Un garçon, dix-sept ans, sert les maçons, parait peu intelli-
gent ; il n'a jamais rien appris à l'école ; il a été soigné à l'hôpi-
tal des Enfants-malades, pour la gourme et la teigne ; il n'a pas
eu de convulsions et ne tombe pas; il est déjà ivrogne;
3° Notre malade Philippe ;
4° Notre autre malade Julien ;
5° Fausse couche à sept mois et demi;
6° Enfant mort-né. Ces deux derniers étaient bien conformés.
Nous allons maintenant rapporter l'histoire personnelle de
cnacun des deux enfants idiots épileptiques.
DES FAMILLES D'IDIOTS. 193
Observation 1. - Idiotie; épilepsie nocturne.
Premières convulsions à sept mois; - peur à dix ans : premier accès
d'épilepsie. Caractère et marche des accès ; fièvre continue à douze
ans. - Description du malade; - blésité : amélioration de l'état-
intellectuel. Hydrothérapie (amélioration) ; bromure de nickel,
etc.; aggravation de l'épilepsie.
Bont... (Philippe-Désiré), ne à Bourg-la-Reine, le 13 mars 1866
est entré le 23 mai 1881 à Bicêtre (service de M. Bourneville).
Antécédents personnels (Renseignements fournis par la mère,
43 juillet 188 ! ). - Grossesse bonne, pas d'alcoolisme ; pas de trau-
matism°, accouchement à terme, naturel. Rien de particulier à
a naissance. L'enfant, élevé au sein par sa mère jusqu'à vingt et
un mois, a marché à dix-sept mois, a été propre à deux ans, a
parlé vers un an. Premières convulsions internes ( ? ) à sept mois :
pendant la nuit on s'est aperçu qu'il avait les yeux égarés, on n'a
pas vu les convulsions. A dix ans, il eut peur d'un cheval emporté
qui courait vers lui et trois jours après, il eut son premier accès, puis
un second huit jours plus tard. Depuis lors il en a toujours eu en-
viron tous les mois; ils sont plus fréquents quand il a des contrariétés.
On n'en a jamais noté plus de deux en vingt-quatre heures; ils sont
plus souvent nocturnes que diurnes. Le plus long intervalle entre
deux accès serait de trois à quatre semaines. Les accès seraient
précédés d'une aura. L'enfant les sent venir et dit : « Maman, cela
me prend »; il disait aussi qu'il avait les membres engourdis, tan-
tôt les bras, tantôt les jambes. 11 n'a jamais eu d'accès aussi forts
que son frère Julien. Il ne pousse pas de cri : rigidité générale,
égale des deux côtés, pas de secousses, de slertor, d'écume, ni de
morsure de la langue. (Le père et le frère ainé se mordaient la
langue, ronflaient et écumaient.) Il s'endort quelquefois après les
accès ou reste hébété; pas d'hallucinations. Aucun traitement.
Comme maladies antérieures, l'enfant n'a eu qu'une fièvre mu-
queuse qui a duré un mois et pour laquelle il a été soigné aux En-
fants-malades : il avait alors douze ans. Pas de signes de scrofule :
quelques glandes seulement au cou, non abcédées. Sommeil
bon, sans peurs; pas d'onanisme.
A l'école, il n'a presque rien appris : il se sauvait de l'école et
allait jouer dans le pays ou se cacliait : depuis deux ans, il n'y
allait plus que le matin et travaillait le reste de la journée dans
des fabriques de faïence où il gagnait 0,40 par jour. Il était peu
obéissant, n'était pas gourmand; il mangeait salement « comme
défunt son père »; il s'habillait et se lavait seul, mais mal et il
fallait l'aider. 11 est assez peureux.
Archives, t. X, 13
19Ï. CLINIQUE MENTALE.
DES FAMILLES D'IDIOTS. 195
- Maxillaire supérieur régulier et symétrique; quatorze dents
permanentes saines, mais un peu écourtées : il en est de même du'
maxillaire inférieur ; les gencives sont saines, l'articulation des
mâchoires normale ; menton rond ; oreilles grandes, bien ourlées,
écartées de la tête, lobule détaché.
Le cou ne présente rien de particulier : la colonne vertébrale est
rectiligne. Sur le thorax, bien conformé d'ailleurs, on ne note
qu'une saillie exagérée des clavicules à leur tiers interne. Les mem-
bres, supérieurs et inférieurs, bien conformés, bien musclés, ne ·
présentent pas de traces de rachitisme ; les doigts sont longs,
les ongles normaux, la voûte plantaire bien accentuée; la colora-
tion des extrémités est normale. Les appareils respiratoire et
circulatoire sont absolument intacts; l'appareil digestif fonctionne
régulièrement, le foie et la rate sont normaux; l'abdomen, souple,
ne présente pas de saillie exagérée.
Organes génitaux : verge assez volumineuse, pas de phimosis,
méat normal, testicules bien développés. ,
Peau : cheveux, cils, sourcils châtains, abondants; poils assez
abondants sous les aisselles et au pubis, plusrares sur les jambes,
les cuisses, et les bras; léger duvet à la lèvre supérieure. Deux
cicatrices de vaccin sur le bras droit, trois sur le bras gauche; de
ce côté, cicatrice de vésicatoire à la partie moyenne et externe du
bras.
La sensibilité générale est normale : lasensiLilité spéciale intacte :
cependant l'enfant ne lit que de très près les petits caractères :
blésité assez accentuée. Dynamomètre : M. G. 105; M. D. 110.
L'état intellectuel de cet enfant s'est considérablement amélioré
depuis son entrée. A ce moment, il ne savait lire que les lettres,
n'écrivait que mal et en gros caractères, ne savait pas un mot
d'orthographe, ne connaissait, en fait d'arithmétique, que l'addi-
tion de petits nombres : il ne connaissait bien que les choses
usuelles. Caractère tranquille, mais aussi indolent que possible.
Actuellement, il a fait de grands progrès en lecture et syllabe
assez bien; il écrit en caractères moyens, mais l'orthographe est
encore défectueuse, il sait les trois premières opérations d'arith
métique.
La mémoire est toujours faible, la compréhension lente; les pro-
grès ont été aussi marqués pour les exercices physiques et cet
enfant sait actuellement un peu d'escrime, de danse et de gymnas-
tique. En somme, il s'est beaucoup amélioré, il est moins grossier,
plus docile et plus courageux au travail. Il n'est pas méchant,
n'a pas de mauvais inslincts. On l'a surpris parfois se masturbant
en cachette; pas de gâtisme. Les sentiments affectifs sont peu
développés; cependant il accueille assez bien ses parents et surtout
lorsqu'ils le font sortir.
196 CLINIQUE MENTALE.
188J. La publication de ce travail ayant été 1 ctard,c, nous
ajouterons quelques nouveaux détails. En février, B... a essayé
de se sauver, entraîné par l'enfant Rouz. 11 a été envoyé à l'ate-
lier de serrurerie en janvier 1884; ses progrès sont très lents. Il
a été soumis depuis l'entrée à divers traitements : hydrothérapie
(1881, 1882, 1883) : c'est durant cette période qu'ila a eu le moins
d'accès; bromure de nickel (mars-août 1884); enfin à l'élixir qzoly-
bromure (janvier 1885); ces deux médicaments n'ont amené aucuue
amélioration ainsi que cela ressort du tableau et aussi de ce fait
que du 1er janvier au 31 juillet 1885, B... a eu 80 accès toujours
nocturnes. - Les signes de la puberté se sont accentués, les
moustaches se dessinent bien ; les poils sont assez nombreux au
menton et à la partie supérieure et externe des joues. - Les poils
sont plus abondants au pénil. - La verge mesure 9 cent. 5 de
longueur et 5 de circonférence; le glaud, en partie découvert, est
découvrable, le méat normal, les bourses sont pendantes, plus à
gauche qu'à droite; les testicules sont égaux, de la dimension
d'un oeuf de pigeon. ,
Observation II. - Imbécillité ; ÉPILEPSIE.
Premier accès à six mois. - Marche des accès. Description du
malade, blésité. '- Progrès réalisés sous l'influence du traitement :
école, gymnastique, travail professionnel, hydrothérapie, etc.
Bout... (Désiré-Xavier), dit Julien, né à Bourg-la-Reine, le avril
1868, entré le 23 mai 4881 à Bicêtre. (Service de M. Bourne-
VILLE.) 1
Antécédents personnels (Renseignements fournis par la mère,
juillet 1881). - Grossesse bonne'; cependant la mère aurait en des
émotions fréquentes, par suite de scènes que sa belle-mère venait
lui faire, étant ivre, montant la tête au mari auquel elle reprochait
de nourrir [des bâtards. Cependant la mère assure que cet enfant,
comme les, autres, est'bien)du père légal : pas d'alcoolisme. Accou-
chement à terme, naturel. Rien de particulier ci la naissance de
l'enfant. Elevé au* sein par'sa; mère jusqu'à dix-huit mois, il a
marché, à vingt mois, a commencé à dire quelques mots à un an,
a été propre à dix-huit mois. Jamais de convulsions. A six' mois
a au germe de ses idents », premier accès; deuxième accès à
deux ans; troisième accès vers trois ans, attribué à une pt tii, causée
par un obus pendantla Commune. A partir de ce moment, les
accès revinrent tous les deux'ou trois jours et sont toujours allés
en augmentant. I ! s sont diurnes et nocturnes, leur maximum n'a
DES FAMILLES D'IDIOTS. 197 Î
jamais dépassé quatre en vingt-quatre heures ; le plus long inter-
valle entre deux accès était de huit à dix jours.
Pas d'aura. Bont... pousse un cri et tombe raide, également des
deux côtés, quelques secousses; pas de ronflement, pas d'écume;
miction involontaire. Il s'endort quelquefois après les accès et est
toujours très hébété. Pas d'hallucinations ni de délire. Aucun
traitement.
Pas de maladies antérieures, sauf une diarrhée sanguinolente à
l'âge de trois ans, pour laquelle il fut soigné aux Enfants-malades.
Croûtes dans les cheveux, adénites cervicales non suppurées,
ophthalmies pendant deux ou trois mois.
Le sommeil est bon, sans cauchemars; il est moins peureux que
son frère; cependant, quand les accès le prennent, il veut qu'on
reste auprès de lui et qu'il y ait de la lumière parce qu'il a
peur.
Le caractère est assez doux et affectueux, il est bon pour les
animaux, quelquefois il est méchant avec les autres enfants; il
n'est pas voleur ni malfaisant, un peu gourmand sans salacité ; il
mange salement, ne s'habille pas tout à fait seul; pas d'onanisme.
A l'école il appienait mieux que son frère, bien que quelquefois
il se laissât entrainer par celui-ci à faire l'école buissonnière.
199 CLINIQUE MENTALE.
f 881. Mai. Poids : 30 kil. G00. Taille : l-,35.
1882. Janvier. Poids : 33 kil. 400. Taille : 4 m,36.
.1883. Janvier. Poids : 36 kil. 400. Taille : 1m,42.
')884. Janvier. Poids : 43 kil. 100. Taille : Im,50. ,
1884. Juin. Poids : 46 kil. Taille : 1m,ij;i.
1885. Janvier. -Poids : 46 kil. 60. Taille : le,565.
1885. Juillet. Poids : 50 kil. 10. Taille : 4m,57.
1884. 7 mai. Etat actuel. Tête volumineuse, ovale, régulière
et symétrique : bosses frontales à peine saillantes ; bosses parié-
tales très marquées et égales; au'niveau de l'angle supérieur de
'occipital, méplat d'une étendue de 4 centimètres carrés environ,
oblique de haut en bas et d'avant en arrière;- au bord supérieur de
ce méplat se trouve ( une saillie assez, marquée ;les bosses occi-
pitales n'offent rien de, particulier à signaler. Front bas et
étroit, sans, dépressions .latérales; arcades sourcilières à, peine
saillantes. 1" <...)" . '1 .1 .r 5 ·,f
Circonférence au niveau ,de l'attache desloreilles : 0,55; de la
racine du nez à la protubérance occipitale externe : 0,36; d'une
oreille à l'autre : 0,36; diamètre antéro-postérieur (compas Budin) :
18,5; diamètre bi-pariétal, '14,5; diamètre bi-temporal; 12.
Visage rond, régulier, symétrique.- Yeuxmoyens; iris gris-bleu,
pupilles égales et contractiles, pas de strabisme.' 'Nez 'petit, assez
déprimé sa racine.-Oreilles grandes,'bien ourlées, très écartées
de la' tête, lobule aux trois quarts distinct. Bouche grande, lèvres
épaisses surtout l'inférieure, voûte palatine un peu'' profonde,
'régulière, pharynx normal : - Les maxillaires sont réguliers et
symétriques; vingt-huit dents saines, un peu 'écartées les unes
'des autres; léger prognatisme inférieur, les incisives s'articulent
bout' bout, 'en obliquant en''avant' : gencives saines ! - Menton
rond. , ? rn . ' : .1 m" " l "'1
1(, Cou régulier, u^petit ganglion au niveau du sterno-mastoïdien
gauche. le TIt9'If : V.; ,la ? Ionne vertébrale, présente une double
concavité, la supérieure dorsale tournée a gauche et l'inférieure
lombaire, tournée à droite. Les membres supérieurs et inférieurs
. l' ? H. ? IIJJ'1.U ? IUl'JC ttrJ ? 1tljU ? U ? 11 W
.sont bien ,dé,veloPP's ? bien.muscles, ne .présentent aucune trace
- ,de rachitisme ; les doigts sont longs, les ongles normaux* la voûte
..plantaire ist^bien.côncave^ ? ? ^ rf)t ltiZ ? Z*>Xl > .
p.p,lan.tlI;e est,le ! l : ,Cocav ? jlth;,t, '0 ? "To -fil dhlll ? ¡}.il" Iyh
Les, appareils] respiratoire et circulatoire\ne présentent) aucune
'lésion; ['appareil .digestif, fonctionne bien,- l'abdomen, n'est,pas
b saillant, 'le foie etda,rale sontnormaux.nus -1 r , t1 l "'U :
' ? Organes génitaux : verge assez volumine1Íse : l.pas' de phimosis,
méat normal, testicules assez développés; pas d'onanisme si-
gnale.
li, Peau : cheveux, sourcils et -cils chàlain-clail' assez abondants ;
DES FAMILLES D'IDIOTS. 199
quelques poils au pubis; visage glabre, pas de poil sous les aisselles
ni sur les membres; une cicatrice de vaccin il l'extrémité infé-
rieure du deltoïde droit, deux à gauche ; sur la partie médiane
et extrême du bras de ce côté cicatrice de vésicatoire. Au niveau
des fausses côtes et de chaque côté on trouve une petite tumeur
papillomateuse de la grosseur d'un noyau de cerise; tache pigmen-
taire de la largeur d'une lentille au niveau des premières vertèbres
dorsales. ,, T ? , % . . 1'\ . " ;'
- La, sensibilité générale « est normale; les sens spéciaux sont
intacts : l'odorat seul parait un peu obtus. Blésité très lé-
,gère. i e;r' ! id'r 9 · t.111tt ? 1 i 91 tA tu , 1. ,CI HO tliti ,
"f) Dnnmométre : ·M : -D· : 78 : " -- M.-C, ,69.' t J ? . Il,MI tH '.1" i
' Les progrès que''cet'ehfant a réalisés depuis son- entrée sont en-
'c'ofe'plu's\marqués"qel ceux qu'à" faitsl son frère;t'qui' est `d'ail-
leurs beaucoup moins éducablé.'1 r1ü'mom'eilt''de"sonadmission,
il ne savait guère lire que les lettres et syllabait avec'peine
en bégayant beaucoup;til écrivaitlun.peu,"unais très-mal et ne pou-
vait lire son écriture; il était- à peu près nul en calcul,tet ne : sa-
vait rien en orthographe; il connaissait .peu les choses usuelles.
Aujourd'hui,* il'lit couramment et blèse à peine; il fait les»quatre
opérations d'arithmétique, il écrit d'une, façon, très lisible, sait un
,peu d'orthographe; il ne reste guère en. arrière que.pour les exer-
,cices physiques et les,travaux manuels, il, connaît tousses objets
usuels. Saimémoire est bonne, ilc°l ! 1prnd 3.seIÈj les explica-
tions qu'on lui donne : il travaille bien et se montre docile et assez
travailleur, ill n'a pas de, mauvais inlinçts;I'n : isd,i} est^parfois
violent et se; bat souvent avec, ses .camâradés : il n'est pas, gâteux.
Les sentiments affectifs sont peu développés : s'il aime bien à.voir
Le sn tilpents, affej : : tifs,s()qt peu. qév.elopp'\s : . 'i' ain;le .hj,I ? ,vojr
,ses parents, c est surtout, parce qu'ils lui apportent des friandises
- ', ? . '. ' .* ' 1 ' ? - ? U u J.n4W
ou qu'ils l'emmènent à la promenade. - il o-1
, 1883. Juillc't. G'érifnt'ti·avallle a l'âteliér''de`côrdonüêrié 'depuis
9 il r · tttt i ? fi,-t ? t.tj't'< ? a. 1 .1 : .
le 13 novembre 1883; il a fait progrès.' - Lepilepsie
...¡ ? '... ? ..c, " .11 ? Q ( ? ,° .' ? . '" " 4 ., . .
paraît s aggraver, comme, l'indique le tableau des accès et aussi
."·... t r . tçio aJ 1 4 1. 1 z
le relevé desseptpremiers mois (34 accès), rtlalgré 'les 1 trailemenls
auxquels'le malade a été soumis (hydrothérapie1, bromure de nickel,
9 ? " ? ? Pf»lTr,r. ,ra|T>( ,y <%'. : n '' -.«> - , ? t t- - - ' . . '
éhxir poly bromure). Les signes delà puberté ne se-sont'pas accu-
sés au visage, mais les organes génitaux ! 'se ^sont^développés ? 3 Les
-poils;- noirs,'sont ! assez abondantsaupénil et àtla racino des bourses
neuse (10 cent. de longetn9lceut ? i de1circonférence);S ! gland
. el,l,l parieJ. déc uvert,ndél1ç¡,u vl'able ? méat, nQr.m ? I..j\fI ? f.Q ? \l on a-
.1lIsme' ! lI>1'O b .1,0" ? 1 aIY yu ,3ech =ylu..i.f=oJ Jj-iuooii jf.1J <i
. Il.1' : 11 ?
1, Le. tableau ci-contre met en, relief, les. points particuliers de
200 CLINQUE MENTALE. DES FAMILLES D'IDIOTS.
ces observations se rapportant au sujet qui nous occupe
actuellement :
MALADIE DE THOMSEN. 201 (
les sujets atteints d'affections nerveuses ou dans leurs fa-
milles ». L'observation II est un exemple de ce fait, aussi la
mère de nos malades porte-t-elle les tr.aces de cette tare héré-
ditaire : faible d'esprit, migraineuse et goitreuse, elle voit aussi
sept de ses frères et soeurs mourir jeunes, l'un de tuberculose.
Avec de pareils antécédents, sous l'influence de cette héré-
dité double accumulée sur leurs tètes depuis deux générations,
quoi d'étonnant à ce que nous trouvions chez les enfants ces
signes de déchéance que nous avons rapportés en détail pour
deux d'entre eux, et qui, lorsqu'ils ne meurent pas jeunes, en
font des épileptiques, des ivrognes, des imbéciles à différents
degrés. (A suivre.)
RECUEIL DE FAITS
UNE OBSERVATION DE MALADIE DE 'fLIO\ISI;i;
Par MM. A. PITRES et L. DALLIDET.
M. M... (Edouard), âgé de vingt-cinq ans, né à Bordeaux où il
dirige une fabrique de poteries, est atteint depuis son enfance de
raideurs musculaires qui se produisent au début des mouvements
volontaires et qui nous ont, paru reproduire très fidèlement le
tableau de la iiialadie'-dI'É'O'tilsei3. cf .
Antécédents héréditaires ? Les grands parents de M. \L. : sont
morts à un âge avancé sans'avoirs,eu d'affections du système
nerveux. 1 il tBqf"l, ' Il " ` ' ,, t cm
Son 'lJèl'elesl âgé de soixante-dix-sept tns'let-joiiit d'une excel-
lente santé qui jui) permet encore, d'avoir, une vie très active. 11
mène une existence régulière et n'a jamais fait aucun excès.
Petit cl trapu, il ne présente,' aucun phénomène nerveux. Marié
tardivement, il a eu néanmoins une, nombreuse famille. '
Sa mère, âgée de cinquante-cinq ans, est petite et assez bien
musclée. Elle. jouit d'une'santé plus délicate, sans avoir jamais eu
cependant aucune maladie grave. On remarque chez elle une
certaine pâleur des téguments. Vers l'âge de quinze ans, Mule M...
se rappelle avoir eu des troubles analogues à ceux dont se plaint
202 RECUEIL DE FAITS.
aujourd'hui son fils et caractérisés par une certaine raideur mus-
culaire. Les renseignements qu'elle nous donne à ce sujet sont
assez confus. Cette gêne des mouvements volontaires aurait
disparu au bout de deux ou trois ans : on n'en trouve au-
cune trace actuellement. Elle aurait été remplacée par des
crampes musculaires très douloureuses et très fréquentes qui
surviennent brusquement, inopinément à toute heure du jour et
de la nuit. Ces crampes, moins douloureuses et moins fréquentes
qu'autrefois, sont localisées maintenant dans îles masses sacro-
lombaires. Elles apparaissent sans cause appréciable et ne sont
point en rapport avec l'exécution d'un rrlouvement, voloutaire.
Elles se produisent aussi bien au repos que pendant l'action ;
souvent même elles surviennent la nuit avec assez d'intensité pour
provoquer le réveil. ' . '«nu . n1.·,1·tb · ? i, Il .
M. et1\Ime M... on{¡ eu sixenfants. Les troispremiers,ressemblant
physiquement à leur père, n'ont' jamais présenté- aucun ^trouble
appréciable de la motricité; les trois, derniers ? au contraire, qui i
ont été atteints à des' degrés"divers de raideurs, musculaires .à
l'occasion des' mouvements volontaires, ressemblent tous trois à
leur mère : la couleur du teint, les traits du visage, l'expression
de la physionomie rappellent le portrait de la mère. Nous avons
pu examiner tous les membres survivants de^'celte famille et voici
les notes que nous avons prises sur eux ? ' ' 1
1° L'aîné dés enfants de r : 'eÚl';oI ? âgé'dè' l; : ent-cinqans,
est i '1 Il L .. t IJ' si f ,.... ( LJ' 1 Li-ois
dyspeptique. Il est marié et : 'père de trois
petites filles dont l'aînée a aujourd'hui' douze' ans. 'Ces fillettes
sont minces, chétives, d'une santé délicate, mais n'ont'aucun
trouble du système musculaire' ni aucune'1maladie''du système
nerveux' : tt Un tiüalrième' 'enfaÍlt ffi-ort du' CI'Ó'U'p' àl'3ë dè' trois ans,
nerveux. Un quatrième enfant mort du croup à l'âge de trois ans,
avait joui, jusqu'à l'explosion 'des accidents' diphtéritiqué's,1 d'une
]' 't'" Il J. Il JII'I >111,,1 )\. ¡II'/111 '111'-tt'l : ,o'lll "lIJI ? I ? 'r
bonne santé ? il il "TUT
." t ...t, { ? l'lf'; ? f ", l ? I ? }'' t ."i\"I"CJ" ",n ?
2° Le second fils, âge de trente-deux 'ans ? n'a ]a'mais été malade.
J "'1 ? ''l'' 1." "1 '. ? f ? ." ? ,. . #. t f ? i 1" ,... n." f.... "'f'O
Il mené une vie très active et lait tous les voyages pour la maison
illil l 1111Ç'II 1 F : r, L Ilu, 9n Glbln lh,jJ1LL11W' -J"<"I ">*
,d commerce de son père ; ? ? ?
3° Le troisième enfant était une fille morte de plitisie pulm'o-
t\âirë' ! I'j'J Il 1 111J 'J'H' ? tU'I'l 1; ! j¡.I)I1;¡11 ..1 ? 1/, 7.JJll J-gnlv
4° Le quatrième a vingt-six ans. Il a exactement la même'IHrJ-
l;rdie; quoique"â un' dégr3 plus'faible, que,le frè e ? ui fait le'sujet
de" cette observation ! tes troubles' fonctionnels'que l'on' observe
dû'écilé du Ú stè'i11'ellJlüsculaii : e 'son les mêmes''et'se'reproduisent
dans Jes'm6mes'cbnditi6nsfLa''matadie a^'évolué leiltém'en tFans
'que 1 ou ÿ prenne' 'garde." Le jeune homme'1 du reste, ne s'est
L ? -il .Il I, J. ? 'I 1 ? , ,| . |.r ? J ... ? ? 1...'....- ? . ? >< z
jamais plaint de son état et ne consentira a se laisser soigner que
lorsqu'il se sera assuré d'une amélioration 'chez son' frère : Nous
, n'avons pu l'examineravec détail, cependant.nous pouvons dire
4u : 11 'csl'll1oills'gûn<dans,ses mouvements., D'un autre côté 1'liy-
MALADIE DE THOMSEN. : W3
pertrophie de différents groupes musculaires est moins pronon"
cée. Le cou est moins gros, les cuisses moins fortes, le biceps
moins saillant que chez notre sujet. L'attitude du corps est la
même, les membres sont courts; lasituationde repos des membres
supérieurs est une légère flexion de l'avant-bras sur le bras; la
main est ordinairement à demi fermée. Quoique plus âgé que
son frère, la maladie aurait évolué chez lui plus lentement et se-
rait arrivée à un degré moins avancé. Il a pu faire, non sans
gêne il est vrai, une année de service militaire à l'âge de vingt
ans ; , ' "
5° Edouard M..., notre malade, arrive le cinquième dans l'ordre
de la progéniture ; ''
' 6° Le plus jeune des enfants est une jeune fille âgée de dix-neuf
ans. D'une santé délicate, d'une figure pâle, elle est manifeste-
ment anémique. 'Elle est bien musclée, ses membres sont forts
et arrondis sans qu'il yi ait véritablement de l'hypertrophie mus-
culaire. Jusqu'à l'âge de quinze ou seize ans, elle a ressenti une
certaine gêne à l'occasion des mouvements volontaires; depuis
cette époque ? la gêne a diminué peu à peu et il n'en reste.plus
traces aujourd'hui. 1 le, , '
1 ' '
Antécédents personnels. N.. Edouard M... a été bien portant pen-
dantsapremière enfance. Il n'ajamais eu'de convulsions d'aucune
sorte ni de symptômes méningitiques. c C'était, dit sa mère, un
bel enfant; tout le monde m'en faisait compliment et j'en étais
fière. » IL a marché' vers l'âge d'un ah.'ll -a eu la rougeole vers
u l t -t n il. >tlll qi 1 il tt ' 1
trois ans. -1 '1 Il,, 1,.1. , 1 '1'. J, ,
Il est difficile de savoir exactement à quelle époque a débuté
la gêne des mouvements qui préoccupe aujourd'hui M. M... Il est
probable, Qu'elle date de la première enfance et qu'elle s'est
accentuée progressivement et lentement. M. affirme qu'il a
toujours été gêné pour exécuter certains mouvements. Etant en
pension, il pouvait quand il était échauffé, courir ets'amuser avec
ses petits camarades, mais il ne se mettait pas en train comme
enx ? L'hiver, il était, encore plus gêné Jusqu'à Lige de
...,.t .t...th, TI' -11,' ? JI h 1 Jill" i ,II . ? 1
vingt-deux ans, la maladie a progresse avec une extrême tes-
l ? r ? nr" l ,1. 1 'J'Ir : ' j) II ? e YI-') 'f"" '
, , Depuis-^cette, époque, elle^a^ fait, ( paraît-il, des (progrès plus
rapides et est arrivée à occasionner, une impotence fonctionnelle
relative assez grande,, pour inquiéter sérieusement le malade.
Jusqu'à il. a deux.ans, Jes,troubles muscutaires n'acquéraient
une certaine intensité que pendant la saison froide : actuellement
ils sont très appréciables, même pendant l'été. Il n'y a jamais eu
d'aggravation brusque. ,\ ' fI fI); , , ' ,
Etat actuel en 1884.^ ? Le premier symptôme qui fixe l'attention,
c'estle volume considérable des muscles. Presque tous les muscles
20 le RECUEIL DU FAITS.
volontaires font des saillies volumineuses et sont véritablement
hypertrophiés. Les bras et les avant-bras sont très développés. Le
biceps forme sur la face antérieure du bras une saillie considé-
rable qui devient une véritable tumeur dure et bombée quand le
muscle entre en contraction. Le poignet est grêle. La main est
courte et paraît très épaisse par suite du volume des muscles des
éminences thénar et hypolhénar. Les doigts sont maigres, courts :
ils sout habituellement tenus écartés les uns des autres et à demi
fléchis. Les cuisses ont un volume considérable. Le triceps fémoral
est surtout très développé; ses trois chefs se dessinent avec netteté
sous la peau : ils se terminent brusquement sur le tendon rolu-
lien et forment de chaque côté du genou de pros bourrelets mus-
culaires qui rappellent un peu l'aspect des culottes bouffantes du
rogne de Henri II.
Le genou au contraire est grêle. Les mollets sont très gros,
mais ne semblent pas atteindre des dimensions comparables à
celles des muscles de la cuisse. Le pied est petit, sec, osseux.
D'une façon générale, les membres sont gros et courts. Les os
sont plutôt grêles. Quoique le sujet soit de petite taille, il semble
que les membres inférieurs et supérieurs sont moins longs que
chez un sujet de même taille.
L'hypertrophie des muscles sacro-lombaires est considérable.
Ces masses musculaires laissent enti e elles une profonde gouttière.
La lordose des vertèbres lombaires est très manifeste. Les muscles
du thorax sont également plus gros qu'à l'état normal.
Au cou, lessterno-cléïdo-masloïdiens, dans leur partiesupérieure
surtout, présentent un développement anormal. Ils formant de
chaque côté deux larges bandes qui rendent le cou presque aussi
large que la face. Ces deux muscles, dans leur contraction, gênent
considérablement les mouvements de la tête.
La mensuration des membres donne les chiffres suivants :
MALADIE DU THOMSEN. 205
Lorsque les muscles sont au repos, ils ont une consistance
élastique à peu près normale. Lorsqu'ils sont contractés, ils devien-
nent durs comme du bois. De plus, au lieu d'être uniformément
renflés et de former des saillies lisses, ainsi que le font les muscles
normaux; ils sont irrégulièrement bossués, présentant çà et là des
dépressions ou des noeuds qui leur donnent un aspect tout à fait
singulier.
La force musculaire paraît être assez bien conservée, mais elle
est loin d'être en rapport avec le volume considérable des muscles
et l'énergie apparente de leur contraction.
L'exploration dynamométrique donne les chiffres suivants :
206 RECUEIL DE FAITS.
1. Courants galvaniques. (Électrode indifférente appliquée sur le
slernum, électrode différente sur le point moteur du muscle.)
1 éléments Gaiffe 1 = 0,5 milliampères
KSZ -
Pas d'autres réactions.
8 éléments : I = 2,25 milliampères,
KSZ
Pas d'autres réactions.
. 12 éléments : I = 5 milliampères.
KSZ
KSZ = 0
AnOZ=0
An SZ très faible.
16 éléments : 1 = 10 milliampères.
KSZ très fort.
KOZ=0 0
AuOZ=0 0
AnSZ=KSZ
20 éléments : 1 = 19 milliampères.
KSTe
KOZ très faible. '
An OZ=0 0
An STe
Il. Courants faradiques. (Appareil à chariot de Tripier excité au
moyen de deux grands éléments de Gaill'e.)
A. Bobine il gros fil : Résistance = 0 99
MALADIE DE THOMSEN.
extensibles, qu'ils tirent en sens in-
verse de la direction voulue. Cette
résistance musculaire ne se produit
qu'au début des mouvements vo-
lontaires ; elle s'atténue et disparaît
par le fait seul de la répétition du
même mouvement. Si, par exem-
ple, on dit à M. M... de fléchir et
d'étendre successivement l'avant-
bras sur le bras plusieurs fois de
rang, les premiers mouvements
sont lents, difficiles, pénibles; puis,
quand le malade a réussi à les
exécuter quatre ou cinq fois, ils
deviennent aussi rapides et aussi
faciles que chez un sujet sain. Si
M. M... veut monter un escalier, il
a beaucoup de peine à franchir la
première marche, il s'élève moins
péniblement sur la deuxième, et
quand il est arrivé à la cinquième
ou à la sixième, il peut escalader
les suivantes avec la plus grande
facilité, deux par deux s'il le faut.
« Plus je vais, dit-il, plus jc suis dé-
gourdi. »
En observant avec un peu d'at-
tention la façon dont notre malade
exécute les mouvements volontaires
les plus simples, tels que l'exten-
sion et la flexion des doigts, il est
assez facile de s'assurer que ce ne
sont pas à proprement parler les
premières contractions musculaires
qui sont difficiles et pénibles, mais
plutôt les premières décontractions.
Si on lui donne la main à serrer, il
exécute avec hardiesse et rapidité
le mouvementde flexion des doigts,
puis, ce mouvement exécuté, il
éprouve une peine extrême à éten-
dre les doigts, et la main reste
serrée pendant un temps relative-
ment fort long.
Mieux encore que l'observation
directe, les tracés myorraphiques
208 RECUEIL DE FAITS.
mettent en évidence celte difficulté particulière du relâchement
des muscles préalablement contractés.
Le tracé reproduit dans la figure 2 a été obtenu en plaçant
dans la main de M. M... une boule de caoutchouc reliée par
un tube à air avec un tambour inscripteur de M. Marey. Le ma-
lade est prié de serrer et de lâcher cette boule aussi rapidement
que -possible. Ces mouvements s'inscrivent sur le cylindre enre-
gistreur en même temps qu'un chronographe marque .les
secondes. Il suffit de jeter un simple coup d'oeil sur cette figure
pour constater l'accélération progressive des contractions : la
première dure huit secondes, la deuxième quatre, la septième
deux, la dix-huitième une, etc. On y voit aussi très nette-
ment que la période de raccourcissement du muscle est sen-
siblement égale dans toutes les contractions,- tandis que la
période de relâchement (qui correspond sur le tracé aux lignes
descendantes) se raccourcit très notablement à mesure que les
contractions se répètent. , .
Des phénomènes analogues se produisent lorsque le muscle est
tétanisé par le passage d'un courant faradique assez intense à
interruptions rapides. La figure 3 montre les formes de la contrac-
tion électrique des muscles fléchisseurs de la main chez notre
malade. Une boule de caoutchouc étant placée dans la paume de la
main, on lance les courants dans les muscles fléchisseurs. Si le muscle
est reposé lorsque cette excitation a lieu, il se contracte brusquement,
puis, lorsque l'excitation cesse, il revient avec une grande lenteur
à son état de repos physiologique /Ti. 3). Au contraire, lorsque
le muscle a subi plusieurs excitations antérieures, il e décontracte
aussi brusquement qu'il s'est contracté (Fig. 4, A), et dans ces con-
ditions il n'y a pour ainsi dire pas de différences entre la courbe
fournie par les muscles de notre malade et la courbe fournie par
les muscles d'un sujet normal (Fig. 4, B).
Les muscles des membres ne sont pas seuls atteints des troubles
fonctionnels que nous venons de décrire.
7 ? y. 3. -Décontractiou très lente du muscle dans lamaladie de Thomsen,
lorsque l'excitation a été portée sur le muscle reposé.
MALADIE DE THOMSEN. 209
Les mouvements de la tête et du tronc sont gênés de la même
façon que les mouvements des membres. M.M...,sot)icité détourner
rapidement la tête à droite ou à gauche, exécute tout d'abord ce
mouvement avec une extrême difficulté, puis, à mesure qu'il le
répète, les résistances semblent se dissiper et le malade arrive à
porter la tête à droite et à gauche aussi vite que pourrait le faire
un sujet tout à fait sain. De même il peut incliner le tronc en
avant et le relever sans aucune difficulté pourvu qu'il ait déjà
répété cinq ou six fois ce mouvement. Le face n'est pas épargnée;
les mouvements d'occlusion et d'ouverture rapides des paupières,
les grimaces ne peuvent être exécutés facilement qu'après un
exercice préalable. Les mouvements des lèvres et des globes ocu-
laires paraissent normaux dès le début.
Diverses circonstances augmentent la rigidité musculaire dont
se plaint M. M... Parmi elles, il faut signaler, en première ligne le
froid. Son influence est des plus manifestes et le malade déclare
formellement qu'il est toujours beaucoup plus raide en hiver
qu'en été. C'.3st ainsi que, pendant la saison froide, ses mains sont
crispées et forment une griffe rigide. Lorsqu'il saisit un objet, il
ne peut plus l'abandonner qu'avec la plus grande peine. Vient-il à
serrer la main de quelqu'un c'est avec difficulté et avec lenteur
que ses doigts se détachent de la main étrangère. Enfin tous les
phénomènes décrits plus haut sont augmentés d'intensité et dé-
terminent les situations les plus bizarres.
Dans la face, la figure a perdu sa mobilité. Les expressions pas-
sionnelles restent figées, après que l'idée qui les a produites a
disparu et que la volonté a cessé son action. Si M. M... se met à
rire, les muscles contractés de sa figure exprimeront malgré lui le
rire pendant un temps très long. Par un froid très vif, il est même
obligé de ramener avec sa main, dans leur position normale, ses
AncHiVKS, t. X. Il 4
Fig. 4. A, Tétanos musculaire dans la maladie de Thômsen, lorsque
le muscle a été préalablement fatigué par des excitations répétées.
B, Tétanos musculaire normal.
210 0 RECUEIL DE FAITS.
muscles contractés et immobilisés. Comme la face est toujours en
mouvement et exposée directement aux variations de tempéra-
ture, on comprend combien elle doit être grimaçante. Cet hiver,
nous avons pu voir, par un froid très vif, la figure de M. M... com-
plètement décomposée, sillonnée de rides profondes, les traits
tirés et convulsionnés. A ce moment, les paupières étaient à demi-
closes, sans qu'il fût possible au malade de les ouvrir; la bouche
était entr'ouverte, tirée transversalement, sans que M. M... pût la
fermer. Il résulte même de ce dernier fait que 1\1.1\1... éprouvait une
certaine difficulté pour parler, par suite de l'impossibilité où il
était de remuer les lèvres, d'ouvrir et de fermer la bouche. Nous
nous sommes assurés alors que cette gêne ne pro"enait point d'un
trouble dans la motilité de la langue qui a toujours été intacte,
mais de la rigidité des muscles des lèvres et des joues.
L'attention portée par le malade sur les mouvements à accomplir
est une cause de gêne plus grande dans l'exécution de ces mouve-
ments. D'une façon générale 1\I.M... éprouve d'autant plus de diffi-
cultés à se mouvoir qu'il a un plus grand désir de le faire rapide-
ment et avec précision. La crainte d'être remarqué augmente
notablement la rigidité musculaire. M. M... ne monte jamais dans
un omnibus parce que, par le fait seul qu'il désire ne pas pro-
longer l'arrêt du véhicule, il aune peine infinie à soulever sa jambe
et s'élever sur le marche-pied.
La raideur musculaire augmente encore sous l'intluence des
émotions morales de toutes sortes.
M. M... ne se fatigue pas plus rapidement qu'un sujet sain. Il
peut faire des courses prolongées, remuer des fardeaux. Lorsqu'il
est échauffé, il sent ses membres très libres et très forts. Le senti-
ment de gêne ne se manifeste que lorsqu'il faut commencer un
mouvement. Si M. M... est assis, il éprouve de la difficulté pour
se lever et pour faire les premiers pas, mais « une fois en train »,
il peut marcher pendant des heures entières sans être fatigué. C'est
seulement après un arrêt, ou un repos plus ou moins prolongé,
que la rigidité temporaire se fait de nouveau sentir au moment
du départ seulement.
Les mouvements de la langue n'ont jamais présenté les troubles
de la motilité que nous venons de décrire pour les muscles des
membres du tronc et de la face. La déglutition et la phonation
se font facilement : les yeux peuvent être mus facilement dans
tous les sens. Il n'y a jamais eu de strabisme ni de diplopie. Le
diaphragme se contracte bien, il n'y a jamais eu de gêne de la
respiration atlribuable à la rigidité des muscles du thorax.
Les mouvements passifs, communiqués aux membres sont faciles.
Il n'y a pas traces de contracture musculaire permanente. Il n'y a
pas non plus de craquements articulaires.
La sensibilité est intacte dans tous ses modes. Le contact, la
MALADIE DE THOMSEN. - 211 i
piqûre sont partout perçus avec netteté; la température des corps
est exactement appréciée; la notion de position des membres est
parfaite. En dehors de la sensation de gêne qui se produit au
moment des mouvements volontaires, il n'y a aucune douleur l'
spontanée ; pas de crampes, pas de douleurs fulgurantes ou névral-
giques, pas de sensation de lassitude ni de courbature musculaire.
Les réflexes rotuliens sont normaux, sans exagération ni diminu-
tion. Il en est de même des réflexes au chatouillement de la
plante des pieds et des réflexes testiculaires. ,
On ne constate chez notre malade aucun trouble trophique : la
peau est fine, le tissu cellulaire sous-cutané n'est pas augmenté
d'épaisseur , les ongles ne sont pas dystrophiés. Aucun trouble
non plus du côté des sphincters anal et vésical. Les grandes fonc-
tions organiques s'accomplissent régulièrement. Le coeur, les
poumons, l'appareil digestif et ses annexes ne présentent absolu-
ment rien d'anormal. Les urines ont été analysées par 'M. 'le
Dr Denigés, chef du laboratoire de la clinique. Voici les résultats
de cette analyse :
Quantité totale des urines recueillies du 25 au 26 mars 1883 :
1000 c. c.
- la Examen du dépôt : L'urine, laissée au repos pendant huit
heures, présente au bout de ce temps un dépôt à peu près uni-
forme de couleur saumon, disparaissant en grande partie lorsqu'on
élève à 40° la température du liquide. Ce dépôt parait constitué
par des urates mono-sodiqueset mono-potassiques. L'examen mi-
croscopique et la réaction de la murexide confirment la présence
d'urates acides. Après dissolution de ces urates à la température
de 40°, il reste un léger dépôt formé de corpuscules muqueux,
d'oxalate calcique et de quelques cellules épithéliales.
2° Examen physico-chimique : '
Densités 1031. 1
Réaction acide. L'acidité totale mesurée après l'élimination des
sels à réaction amphotère, par la potasse et le chlorure de
baryum équivaut à 5 gr. 60 de K H 0.
Matériaux solides : 54 gr. par litre et par vingt-quatre heures,
comprenant : , ' '
212 RECUEIL DE FAITS.
La matière colorante est normale.
L'intelligence est vive, M. 111... dirige avec beaucoup d'aptitude
et d'activité une maison de commerce importante. Il aime la lec-
ture et fuit les plaisirs plutôt qu'il ne les recherche. Sa maladie
e préoccupe beaucoup : il cherche à la cacher à tous les yeux et
n'en parle jamais à ses amis. A peine en a-t-il quelquefois entre-
tenu sa mère et nous croyons être les premiers et les seuls confi-
dents de ses inquiétudes. Du reste, il s'est prêté avec une extrême
bonne grâce à toutes les explorations que nous avons cru utile de
faire.
NOCE SUR UN CAS DE GRANDE HYSTERIE CHEZ L'HOADIE,
AVEC DÉDOUBLEMENT DE LA PERSONNALITÉ. ARRET DE
L'ATTAQUE PAR LA PRESSION DES TENDONS ;
Par le Dr Jules VOISIN, médecin de Bicêtre.
Le malade, dont nous allons dire l'histoire pathologique, a
déjà occupé quelques observateurs. Il a fait l'objet d'un tra-
vail du Dr Camuset, dans les Annales rsédico-sciaologtques
de 1882 '; et M. Th. Ribot, au cours de son livre sur les mala-
dies de la personnalité, reproduit en grande partie cette
observation 2.
Ces auteurs ont concentré leur attention sur un symptôme
le plus frappant, il est vrai, qu'ait présenté le malade, l'am-
nésie périodique ou dédoublement de la personnalité. Ils en ont
justement profité pour mettre ce cas en parallèle avec la
fameuse observation du professeur Azam (de Bordeaux) 3, et
celles moins classiques de Dufay 4 et de Macnish 5.
Cette alternance de la personnalité a attiré notre attention
également, nous en faisons ressortir les particularités et nous
nous appliquons surtout à mettre sous les yeux du lecteur
1 Camuset. Ann.. hléd. psych. (janvier 1882). Un cas de dédoublement
de la personnalité. Période amnésique d'une année chez un jeune /tysté-
rique.
2 Th. Ribot. P. 82 et suivantes, 1885, Maladies de la personnalité. : ) Azam Revue scientifique, 1876- ï7 et 79.
4 Dufay. Revue scientifique, juillet 1876; mai 1879.
6 Macnish. Physiology of the sleep.
UN CAS DE GRANDE HYSTÉRIE CHEZ L'HOMME. 213
l'observation d'un homme atteint d'hystérie bruyante, convul-
sive et non convulsive, à manifestations extrêmement mul-
tiples. Dans la longue bibliographie de l'hystérie masculine,
on relève surtout des cas d'hystérie fruste '.
Le plus souvent, il s'agit de phénomènes morbides incom-
plets, ou isolés, dont le caractère névropathique est d'abord
discutable, et que la constatation seule de stigmates hysté-
riques permanents permet de rattacher à la névrose. Ici, au
contraire, la netteté de la forme morbide se joint à la diversité
des éléments symptomatiques.
Observation. Hystérie convulsive chez un jeune homme de vingt
et un ans. Phases classiques de la grande attaque; zone hysté-
rogène. Arrêt de la crise par la pression des tendons.
Catalepsie, sommation, aphasie prouoquie; - hémi-anesthésie
cutanée et sensorielle.
Personnalité alternante. - Manie hystérique.
Hystérie viscérale. Congestion pulmonaire et hémoptysies.-
Constipation opiniâtre. Vomissements et anorexie de longue
durée sans dépérissement. (Cette observation a été rédigée par
M. BESANÇON, interne des hôpitaux.)
Le malade ne peut nous fournir de renseignements sur cer-
taines périodes de sa vie, dont le souvenir lui échappe. Nous
résumons ses antécédents d'après une observation déjà publiée '.
Il est enfant naturel. Il a commencé par errer et mendier sur
les chemins. Plus lard, il s'est fait arrêter pourvoi, et conduire à
la colonie pénitentiaire de Saint-Urbain pour y être maintenu
jusqu'à dix-huit ans. Il y travailla quelques mois à la terre ; puis
il tomba malade à la suite d'une frayeur (la vue d'une vipère), et
fut transféré en mars 1880 à l'asile de Bonneval avec un certificat
médical ainsi conçu : « Accidents de nature épileplique datant
du mois de mai 1879, paraissant par accès périodiques de plus
en plus graves. En plus, paralysie des membres inférieurs avec
incontinence d'urine et de matières fécales. Intelligence in-
tacte. »
A Bonneval on constate la paraplégie avec atrophie des mem-
bres inférieurs ! ? ) et contracture. Le malade a cessé de gâter. On
lui fait apprendre le métier de tailleur qui est compatible avec sa
paraplégie. Il s'y met très bien, et reste deux mois sans avoir
d'attaque.
1 Voir les Observations publiées dans les Archives (t. Vif, p. 86), par
M. Bourneville et ses élèves et les Comptes rendus de Bicêtre.
2 Camuset. Loc. cit,
214 RECUEIL DE FAITS.
En mai 1880, subitement, un matin, il prend une violente crise
d'hvstéro-épilepsie. Quand il se réveille du sommeil qui suit l'at-
taque, la paraplégie a disparu. De plus il a perdu le souvenir du
temps qui s'est écoulé depuis que la paralysie l'a frappé. Il se
croit à Saint-Urbain, veut retourner à la culture, ne se souvient
pas d'avoir été paralysé, ne sait plus tenir son aiguille de tailleur,
s'étonne des objets qui l'entourent. \
Après de nombreuses épreuves pour dépister la simulation, les
médecins de l'asile restent convaincus que sa personnalité lui
échappe réellement pendant ces douze mois. Son caractère s'est
modifié. Il était doux, docile. Jusqu'à sa sortie de Bonneval (avril
1881), c'est un malade indiscipliné et voleur. Il continue à pré-
senter quelques manifestations névrosiquess, attaques convul-
sives, anesthésies, contractures passagères, etc.
En résumé, état prime jusqu'en mai 1879; de mai 4879 à mai
1880, état second coïncidant avec la contracture des membres in-
férieurs, et se terminant quand elle disparaît ; après mai 1880,
retour à l'état prime, amnésie des douze derniers mois, change-
ment du caractère. "
Durant les deux années qui suivirent la sortie de Bonneval, V...
paraît avoir fréquenté les hôpitaux. Il parle de l'asile de Vaucluse,
de la Salpêtrière. Il aurait séjourné dans le service de Lasègue,
et y aurait été hypnotisé par M. de Beurmann.
Ses certificats d'entrée à Bicêtre (août 1883), disent qu'il a été
arrêté et condamné pour vol, et le représentent comme atteint
d'insuffisance mentale avec épilepsie. Il est mis dans la section
des valides et reprend son métier de tailleur. D'août 1883 à jan-
vier 1884, ses attaques sont assez rares, et observées seulement
par les surveillants. D'après leur dire, elles ne ressembleraient
pas aux attaques habituelles de haut mal.
Le 17 janvier 1884, à huit heures du soir, il prend une crise
plus violente. Le lendemain, il se plaint d'un point de côté à
gauche. 11 travaille pourtant ce jour là et le suivant; mais le 19 au
soir, il se sent oppressé et rend, en toussant, une assez forte
quantité d'un sang rouge, bien ocré et venant manifestement des
voies respiratoires. Il est transporté à l'infirmerie de la section.
Le 20 à la visite, nous ti,ouv4>w ? le malade, assis sur son lit, en
proie à une anhélation, considérable. R. 45. La voix est entre-
coupée ; le malade est effrayé de son état. L'hématose parait
bien se faire; pas de cyanose, ni de stase dans les jugulaires. II y
a plutôt polypnée que dyspnée.
Température et pouls normaux. Rien au coeur.-Pas d'al-
bumine. La percussion etl'auscultation donnent tous les signes
d'une congestion pulmonaire intense, localisée au sommet droit.
- -Traitement. Ipéca à dose nauséeuse.
Le 21, même état. Nouvelle hémoptysie.
UN CAS DE GRANDE HYSTERIE CHEZ L'HOMME. 21 : > -)
Le 22, le nomhre des respirations a augmenté. Ce qui frappe
le plus, c'est une hyperesthésie extrême de la paroi thoracique
du côté gauche; le malade ne supporte pas le moindre frôle-
ment à ce niveau.
A l'auscultation, on a la sensation que donnent de petites ins-
pirations très fréquentes et très superficielles. Pas de bruits
adventices. Les signes de congestion pulmonaire du sommet droit
ont disparu ou ne sont plus perçus. Le malade ne se plaint que
d'un point de côté atroce.
22 soir. Même polypnée. Le malade est pâle, le front mouillé
de sueur froide, les traits tirés. Il ne répond plus aux questions,
même par signes; le regard est fixe et sans expression. - La
température est normale. Il ne paraît plus souffrir quand on appuie
sur son côté gauche, et ne réagit à aucune excitation. Tout à
coup il cesse de respirer, il se renverse en arrière; son pouls est
filiforme, les battements cardiaques s'affaiblissent. La respiration
artificielle le ranime au bout de quelques instants. Il se remet à
respirer lentement et profondément ; puis les mouvements d'ex-
tension thoracique s'accélèrent peu à peu et diminuent en même
temps d'amplitude, ils deviennent rapides et superficiels et s'ar-
rêtent de nouveau.
La même succession de phénomènes se reproduit pendant une
heure environ. Chaque cycle respiratoire dure deux ou trois mi-
nutes. C'est un rythme qui n'a qu'une grossière analogie avec
celui de Chcyne-Slokes, La période d'apnée ne se limite pas ici à
quarante ou cinquante secondes; les mouvements d'inspiration
ne reprennent pas spontanément. A chaque fois le pouls s'affai-
blet et il semble à tous les assistants que, si l'on ne pratiquait
l'hématose artificielle, la respiration s'arrêterait définitivement.
Deux injections d'éther raniment le malade. Pendant le reste
de la nuit, il se tient assis sur son lit, anhélant et anxieux.
23 janvier. Amélioration. Même polypnée. La thoracalgie du
côté gauche est redevenue aussi intense. L'exploration de la sensi-
bilité générale et des sens spéciaux fait reconnaître une hémia-
nesthésie sensitivo-sensorielle complète du côté gauche. On tra-
verse la peau avec une forte épingle sans qu'il s'écoule une goutte
de sang. La piqûre ne semble pas ressentie. Même insensibilité
au frôlement et à la température. Amblyopie de l'oeil gauche; la
vision à droite est normale; pas de dyschromatopsie. L'hémisur-
dité gauche est complète ; mais cette constatation reste sans
valeur à cause de l'existence d'une otite moyenne ancienne de ce
côté, avec perforation du tympan et écoulement abondant de pus
par le conduit auditif externe. La moitié gauche de la langue, la
narine du même côté paraissent aussi dénuées de sensibilité.
Anesthésie pharyngienne.
T'r<ft'<eMic ? : <. Application de deux forts aimants du côte de
216 RECUEIL DE FAITS.
l'hémianesthésie. Injections dans l'oreille avec une solution alcoo-
lique d'acide borique. -
Soir. - Même état. Sensation de constriction à la gorge.
21 janvier. - L'application des aimants est restée sans résul-
tal. La dyspnée est beaucoup moins forte. La douleur spontanée,
du côté gauche a disparu. Mais la zone sous-axillaire d'hyper-
esthésie subsiste. La pression légère, à ce niveau, arrache des cris
au malade; la pression forte détermine la crise d'hysléro-épi-
lepsie.
Pas de prodromes à l'attaque. Stade épileptoïde, puis grands
mouvements, contorsions, arc de cercle. Cl'ucificmcnt, Point de
délire à la fin de cette première attaque. Sommeil. Hyperexcila-
bilité neuro-musculaire. Immédiatement après la crise, le ma-
lade reprend sa polypnée et sa thoracalgie gauche.
Le malade ne se souvient pas d'avoir été à Saint-Urbain,
d'avoir travaillé à la culture. Il hausse les épaules quand on lui
demande s'il a été paralysé, et semble croire qu'on se moque de
lui. Il se souvient de Bonneval, et parle avec gratitude des mé-
decins qui l'y ont soigné. On lui demande où il a fait son appren-
tissage de tailleur. Il ne sait que répondre. Sans doute sa mère
lui aura appris à coudre quand il était petit.
Soir. Piqûre de morphine au niveau de son point de côté. La
douleur causée par l'aiguille, détermine une attaque semblable à
celle du matin.
Au réveil, il ne se rappelle pas qu'on vient de lui faire une piqûre.
Il pleure et se plaint de son côté gauche. Pas d'autre zone hyslé-
rogène.
26 janvier et jours suivants. - Contracture hémiplégique droite.
Elle cède momentanément à la percussion des tendons, mais
reparait presque aussitôt.
Le malade s'hypnotise par leregardavec une grande facilité, et
la contracture s'évanouit immédiatement pour reparaître avec la
fin de la sommation.
L'ouverture d'un oeil, puis des deux yeux le met en hémi-cata-
lepsie d'abord, ensuite en catalepsie totale. L'occlusion des
paupières ramène instantanément la résolution musculaire. Ces
manoeuvres sont toujours suivies d'une crise. On interrompt l'atta-
que convulsive par la pression du globe de l'oeil, et le malade
reste alors hypnotisé, pour reprendre sa crise dès que cesse l'état
hypnotique.
Il faut qu'il ait sa crise complète avant de se réveiller. On peut
lui morceler son attaque, en l'hypnotisant plusieurs fois pendant
son cours. Mais on ne peut pas l'arrêter définitivement. La fin de
l'attaque est toujours marquée par des cris de douleur, et la con-
tracture de tout le côté droil réapparait avec le réveil. Les injec-
UN CAS DU'. GRANDE HYSTERIE CHEZ L'HOMME. 217 Î
tions'de morphine pratiquées pendant la crise au point même où ici
il souffre n'empêchent pas la thoracalgie de reparaitre.
Dans ses périodes de somnambulisme provoqué, on le soumet
facilement aux épreuves habituelles de suggestion. On le fait
écrire, coudre, etc. On lui fait boire les vins les plus divers dans
un gobelet vide, et on lui persuade qu'il est ivre; il chancelle et
chante des refrains à boire d'une voix éraillée. On lui cherche
querelle et il se précipite avec rage contre un adversaire imagi-
naire. On lui suggère qu'il va vomir; aussitôt, ses traits se tirent,
son visage pâlit et se mouille de sueur froide, et il vomit abon-
damment. On lui suggère qu'il a une blennorrhagie, aussitôt il
prend son vase de nuit et se met à uriner avec difficulté alléguant
qu'il soutire horriblement et il se metà maudire la femme qui lui
a donné cette maladie. Tout.l'arsenal ordinaire des suggestions
et des hallucinations provoquées est ainsi mis en oeuvre. Une fois
réveillé. V... s'emporte contre ceux qui lui racontent, par exemple,
qu'il vient de courir dans la salle, alors qu'il se voit cloué au lit
par sa contracture. ,
10 février. Pour le convaincre, on le fait s'habiller en état
d'hypnotisme,- on lui ordonne de marcher, et on le conduit ainsi à
une assez grande distance dans le cabinet du chef de service.
Là, il se met à parler, comme c'est sa coutume quand il est en
sommation. Il se croit toujours alors à Saint-Urbain, cause de ses
travaux de jardinage, répond aux questions qu'on lui pose sur
Saint-Urbain, ne comprend pas quand on lui parle de Bonneval
et de Bicêtre. Or, un instant après, il récite à haute voix plusieurs
lignes d'un livre qu'il lisait cesjours derniers, à Bicêtre même.
Après quelques minutes d'état hypnotique, il prend sa crise
comme d'habitude. Mais, pour la première fois, il a une phase de
délire avec hallucinations terrifiantes. Il voit devant lui la vipère,
dont le contact lui avait occasionné à Saint-Urbain sa première
attaque. Il pousse des cris aigus; il déchire ses vêtements; ses
traits sont décomposés. On le calme en lui affirmant qu'on vient
de tuer la vipère : « Tiens, la voilà, elle est morte ! » Aussitôt sa
physionomie se rassure.
14 février. - Même état. - V... garde toujours le lit pour sa
contracture. Disparition à peu près complète de la polypnée.
Large plaie à la région malaire gauche ; elle résulte de ce que le
malade, au sortir de ses attaques, se gratte avec fureur ce côté
de la face. En même temps il gémit, présente des bâillements
. répétés, et demande à boire.
Inappétence absolue. Il ne prend que quelques gorgées de
liquide, et vomit sans cesse. Bien qu'il ne maigrisse pas, on tente
de le nourrir à la sonde. Le passage du tube oesophagien provo-
que une crise violente, qui oblige à renoncer à ce moyen. On n'a
218 RECUEIL DE FAITS.
pas été plus heureux en essayant de le faire manger étant endor-
mi. Un jour, après avoir été hypnotisé par l'occlusion des pau-
pières et la compression légère des globes oculaires, il se mit à
table, mangea une côtelette et des légumes, et but du vin. Il
vomit le tout dans la crise qui suivit la somniation. Consti-
pation opiniâtre qui ne le gêne aucunement. Il y a aujourd'hui
47 jours qu'il n'est allé à la garde-robe.
4 février. L'expérience de l'aphasie provoquée réussissait il y a
quelques jours, dans les conditions normales, c'est-à-dire qu'en
ouvrant l'oeil droit, le malade étant hypnotisé et récitant des
vers, on supprimait le langage et l'on mettait le côté droit en
hémi-catalepsie.
Fermait-on la paupière, le malade reprenait sa phrase à la
syllabe où il l'avait interrompue, et les membres du côté droit
retombaient inertes sur le lit. Si l'on ouvrait l'oeil gauche, l'hémi-
catalppsie se montrait à gauche, et la parole ne se supprimait
pas. Or, aujourd'hui la parole s'arrête par l'ouverture de l'oe
gauche qui stupéfie le cerveau droit; comme si le malade parlait
avec cette hémisphère. Quand il est réveillé, le malade a un lan-
gage impersonnel, enfantin. Il dit, par exemple : « Moi vouloir
boire 1 ». Ce langage impersonnel et enfantin existe depuis l'ap-
parition de la contracture.
Les aimants de nouveau appliqués restent sans autre résultat que
de provoquer quelques contractions dans les muscles de'la face;
la commissure labiale est violemment tirée en dehors et en bas.
40 février. On essaie de provoquer le transfert au moyen de
la pilocarpine. On lui fait à la cuisse droite, du côté anesthésié,
deux injections de 1 centigramme chacune de nitrate de pilo-
carpine. Au bout de quelques minutes, le malade se met à saliver
abondamment, et bientôt après à transpirer.
Pas de retard de la sudation du côté hémi-anesthésié. Bientôt
le visage, le tronc et les membres supérieurs sont couverts de
sueur. Mais les jambes restent complètement sèches. Dans la
soirée, l'infirmier s'aperçoit que la contracture du côté droit a
disparu, mais qu'en revanche le côté gauche s'est contracture.
20. A la visite, le bras droit a recouvré ses mouvements et sa
sensibilité. Le côté gauche est hémi-anesthésié et contracture.
Mais la jambe droite est également contracturée. Le malade
entend bien, mais voit trouble, et ne distingue aucune couleur.
La thoracalgie gauche a disparu. Mais il reste là une zone liysté-
rogène dont la pression provoque la crise. Dans la recherche da
l'aphasie provoquée, c'est maintenant, et de nouveau, l'oeil droit
dont l'ouverture détermine l'arrêt de la parole.
1 Comparez l'OBSERVAnoN de Dufay ; toc. cil.
UN CAS DE GRANDE HYSTERIE CHEZ L'HOMME. 219
21. - Les quatre membres sont contractures. Le transfert
obtenu par la pilocarpine a donc fait place à une contracture
généralisée. Deux injections de pilocarpine restent sans autre
effet que de provoquer la diaphorèse et la salivation.
22. -Même contracture des quatre membres. Anesthésie géné-
ralisée. Jusqu'ici, on avait inutilement cherché à arrêter les
attaques, soit par la pression du testicule, soit par la pression
des fosses iliaques ou de la zone d'hyperesthésie, soit par tout
autre moyen. On constate aujourd'hui que la pression d'un ten-
don (tendon d'Achille, tendon rotulien) arrête brusquement la
crise et réveille le malade.
z Limitation de la contracture à droite, comme précédem-
ment.
Mars, avril. V... garde toujours le lit avec sa contracture du
côté droit. Les crises sont toujours assez fréquentes. A présent, à
la fin de ses attaques, il présente souvent de longues phases
d'excitation maniaque, il chante et crie pendant des heures.
Ce qu'il offre de plus spécial, ce sont les modifications de son
état mental. Il a, en effet, de véritables accès de folie hystérique,
avec hallucinations de la vue, délire partiel, etc. Il se croit
enchaîné au lit par la volonté de Charcot et de l'interne du ser-
vice. Il s'emporte contre eux, les menace de mort, parle de se
suicider, et passe quelquefois plusieurs heures à crier, à appeler
au secours. On le brûle, on l'enchaîne. Il demande un revolver
pour faire justice de ses persécuteurs. Il entre en communication
avec des personnes du dehors à l'aide d'un fil électrique. (C'est
un simple fil de coton qu'il tient à la main.) Ce fil doit empêcher
ses persécuteurs de l'approcher; s'ils touchent le fil, ils tomberont t
foudroyés. Son langage est toujours impersonnel et un peu
enfantin; il se perfectionne cependant.
L'application de pièces d'or du côté hémi-anesthésié provoque
une hyperhémie locale, avec sensation de brûlure, vives déman-
geaisons, et retour de la sensibilité au point précis de l'applica-
tion. Plaque symétrique de l'aneslhésie sur l'avant-bras gauche.
17 avril. Hier soir, à 9 heures, le malade a eu une crise
légère. A la suite, la contracture du côté droit a disparu. Il s'est
endormi, le corps plié, les mains relevées derrière la tête, et a
tranquillement sommeillé. Le matin il se réveille et demande
ses habits à l'infirmier. Il veut aller travailler. Il s'étonne que ses
vêtements ne soient pas au pied de son lit; il croit que l'on vient l
de les lui cacher par plaisanterie. Il se croit au 26 janvier (jour
d'apparition de sa contracture).
On l'amène auprès du chef de service. Il reste ébahi quand on
lui fait remarquer que les feuilles sont aux arbres, que le calen-
drier marque 17 avril, que le personnel du service est modifié,
220 RECUEIL DE FAITS.
que lui-même ne porte plus aux doigts de piqûres d'aiguilles. Il
ne se souvient pas d'avoir été contracture du côté droit. Il est
faible sur ses jambes et se dandine en voulant se tenir debout.
La pression dynamométrique de la main droite est plus faible
que celle de la main gauche. L'hémianesthésie sensitivo-senso-
rielle persiste, l'élocution est normale.
f er mni. - V ? a eu, ces jours-ci, une ou deux attaques par
jour, sans phénomènes particuliers. Il est calme, s'occupe à
coudre et se promène dans la section.
3. Le malade s'hypnotise en regardant une montre. Pendant
son sommeil, il n'est plus à Saint-Urbain, mais à Chartres. A la
fin de sa crise, idées érotiques, spasme cynique, projeclion ryth-
mique du bassin en avant. Il n'est pourtant pas en érection et n'a
pas d'éjaculation. L'infirmier affirme que dans une crise précé-
dente, suivie semblablement d'un coït imaginaire, l'éjaculation
s'est effectuée.
'10 juin, Dans la journée d'hier, le malade a eu une série de
crise. A leur suite, la contracture du côté droit est revenue. Le
malade est resté plusieurs heures au lit dans l'état où il était du
mois de janvier au mois d'avril. Il se croyait au 17 avril. Il parlait l
impersonnellement, comme alors. Ce matin la contracture a dis-
paru, et V... est dans l'état prime.
Pendant les six derniers mois de l'année, V... n'a présente
aucun phénomène nouveau. Son caractère est modifié. Il était
doux pendant la période de contracture; il est indiscipliné,
taquin, voleur. Il travaille irrégulièrement. Les crises sont
toujours assez fréquentes. La contracture ne reparaît pas une
seule fois, mais l'hémianesthésie conserve son caractère de stig-
mate indélébile. V... garde quelques idées délirantes. Il fuit les
médecins, par crainte qu'on l'hypnotise.
2 janvier 188 ? - Après une séance de somnambulisme pro-
voqué suivie d'une crise, il s'évade de Bicêtre en volant des etfels
d'habillement et de l'argent à un infirmier comme lors de son
évasion de Bonneval.
De cette longue observation, nous relèverons brièvement un
petit nombre de points.
Disons tout d'abord que l'idée d'une simulation nous est
venue à l'esprit et que, comme nos confrères, nous l'avons reje-
tée. Les symptômes que nous avons décrits sont assez probants
par leur existence même pour que nous n'insistions pas
davantage.
La congestion pulmonaire aver, hémoptysies, que nous avons
UN CAS DE GRANDE HYSTERIE CHEZ L HOMME. 221 1
signalée, n'est pas imputable à une tuberculose latente. Pen-
dant toute une année, nous nous sommes efforcés en vain de
dépister chez notre malade quelque indice de phthisie au
début. La fugacité dans les manifestations congestives, l'ex-
trême mobilité des signes physiques qui les traduisent, l'ab-
sence de fièvre- et d'amaigrissement, et enfin la marche de la
maladie sont des contre-indications de la tuberculose. Aussi
nous croyons avoir été témoins d'un cas très net de congestion
pulmonaire d'origine névropathique '.
Mais il est impossible d'attribuer à cette congestion passa-
gère la polypnée spéciale qui lui a survécu pendant plusieurs
jours. Des diverses variétés de dypnée nerveuse, on doit
éliminer ici, comme ne rendant pas compte des symptômes
observés, le spasme glottique, la contracture du diaphragme,
et le syndrome clinique désigné par les auteurs sous le nom
d'asthme utérin de Van Helmont.
C'est évidemment à la thoracalgie intense dont a souffert
notre malade, qu'il faut rapporter l'anhélation rythmée si
particulière que nous avons décrite.
L'arrêt de l'attaque par la pression d'un tendon, tous les
autres procédés d'inhibition restant sans effet, a l'intérêt d'un
fait inédit. C'est en maintenant le malade sur le lit que nous
nous sommes aperçus que la pression du tendon rotulien
provoquait l'arrêt de l'attaque. Nous essayâmes alors la pres-
sion du tendon d'Achille et nous arrivâmes au même résultat.
Cette pression s'effectuait en comprimant fortement le
tendon entre les doigts et le pouce. Une pression légère ou une
percussion à l'aide d'un petit marteau sur ces tendons, quand
le malade était en état de veille ou en somniation, amenait la
phase épileptoïde de l'attaque. On arrêtait cette phase épilep-
toïde en comprimant fortement le tendon, et le malade entrait
de nouveau dans la période de somniation ou dans l'état de
veille. L'attaque était donc quelquefois morcelée comme cela
arrivait quand on comprimait le globe oculaire, mais la pres-
sion du tendon est le seul moyen qui ait amené l'arrêt complet
de l'attaque.
Résumons maintenant ce qui a trait à l'amnésie pério-
dique.
Quand il est entré à Bicêtre, V... était en état prime. Il
1 Yoy. Debove. Congestion pulmonaire hystérique (Union médicale,
itiH3). "
2 ? 2 Cl RECUEIL DE FAITS.
n'avait encore présenté qu'une seule période d'état second, à
savoir : les douze mois (mai 1879, mai 1880) pendant lesquels
il était resté contracturé des deux membres inférieurs. Au
mois de janvier 1884, il tombe dans une deuxième période
d'état second, coïncidant encore avec une contracture, et cette
phase dure trois mois. Le 17 avril, la contracture disparaît, et
le malade revient à l'état prime.
Pour la commodité du langage, nous nous servons des termes
état prime et état second.
D'après lui, à l'époque où 11. Camuset et M. Ribot ont raconté
l'observation de V..., ces expressions s'appliquaient fort bien à
notre malade qui présentait, au point de vue de l'amnésie, une
analogie presque absolue avec l'hystérique de M. Azam. Cette
femme, en effet, pendant l'état prime, avait autant de lacunes
dans la mémoire qu'elle avait présenté de périodes antérieures
d'état second. Pour user de la phrase de M. Azam, c'était
autant de pages arrachées du livre de sa vie. Pendant l'état
second, au contraire, ces lacunes se comblaient, les feuillets
du livre reprenaient leur place. Elle se souvenait alors de tout
l'ensemble de son existence, à la fois des périodes d'état prime
et des phases antérieures d'état second. '
Or, notre malade en état prime a perdu, il est vrai, la
mémoire de l'état second, et, à ce point de vue, il est l'ana-
logue du sujet de M. Azam. Mais, dans la deuxième période
d'état second que nous avons observée (janvier-avril 1884), il
ne s'est pas souvenu de la première période d'état second
(mai 1879, mai 1880). Le malade savait bien qu'il avait habité
Saint-Urbain, mais en état de santé et quand il travaillait à la
culture. Il ne se rappelait pas avoir gardé le lit pour une con-
tracture à l'infirmerie de cet établissement. De même pour
Bonneval; il conservait la mémoire de la dernière partie du
séjour qu'il fit dans cet asile, mais il ignorait y avoir été para-
lysé. La mémoire, dans cette condition, n'offre donc pas
comme dans l'observation d'Azam plus d'étendue que dans la
condition prime. Les phases précédentes d'état second
paraissent définitivement rayées de son souvenir. A peine dans
la condition seconde, son esprit a-t-il l'avantage de garder
l'empreinte des quelques semaines ou des quelques mois qui
viennent de s'écouler depuis qu'il est en contracture. Car, et
ceci est le point essentiel de l'observation, ses périodes d'état
second ont exactement coïncidé avec des contractures éten-
UN CAS DE GRANDE HYSTÉRIE CHEZ L'HOMME. 223 3
dues, et il n'a jamais présenté de contractures en dehors de
cette condition.
Nous ferons remarquer aussi que, dans cet état second,
le malade présente un aspect bien différent, tant au point de
vue intellectuel qu'au point de vue moral, de celui qu'il a dans
l'état prime. Quand il est contracturé, en effet, ou en état
second, le malade est doux, enfantin, et a un langage imper-
sonnel comme les bébés et il possède peu de connaissances
générales. Quand la contracture disparait, le langage redevient
vif, les mots arrivent abondamment, les tournures de phrases
sont correctes et le malade deyient querelleur, taquin, indis-
cipliné et voleur. Cette manière d'être dans ces deux états est
bien intéressante, et pour compléter dans ses lignes princi-
pales l'histoire des altérations de la mémoire chez notre
malade, nous montrerons que chez lui il y avait en quelque
sorte un troisième état, celui pendant lequel il était quand on
l'a endormi artificiellement. Dans cet état, le malade avait un
véritable délire de mémoire de la première enfance. 11 parlait
et agissait toujours comme s'il était à Saint-Urbain. Il avait
seize ans et demi; on était au mois d'avril 1879; il croyait, en
nous causant, s'adresser à ses compagnons de travail; il igno-
rait jusqu'au nom de l'asile de Bonneval; quant à Bicêtre, il
en avait entendu parler et il savait que c'était un hôpital de
fous près de Paris; du reste, il n'était jamais venu à Paris.
Donc, dans l'état d'hypnotisme, V... perdait constamment le
souvenir des cinq dernières années. Il se trouvait reporté avant
le moment où il tomba malade, et où il prit cette première
attaque d'hystérie épileptoïde qui marqua le début de sa car-
rière pathologique.
Quelles influences physiologiques changent ainsi le ton
général de l'organisme et par suite la mémoire ? Un état du
système vasculaire ? Une action inhibitoire ? Un arrêt fonction-
nel ? Je ne risquerai aucune interprétation, je me contente de
faire l'énoncé des faits de pathologie intellectuelle que nous
avons observés cliniquement, mais il est probable que la même
situation physique ramènera chez notre maladelamème situa-
tion mentale.
Un dernier phénomène a excité notre intérêt et nous a paru
sortir du cadre ordinaire des manifestations névrosiques, dont
notre malade a présenté pour sa part une si riche collection.
Il a trait à l'expérience de l'aphasie provoquée.
- 2 -2 'e .. . RECUEIL DE FAITS.
Rappelons ce dont il s'est agi. On hypnotisait le malade.
Par l'ouverture de l'oeil droit, on stupéfiait le cerveau gauche,
et l'on, déterminait la cessation du langage et l'hémi-catalepsie
droite. Jusque là, rien que de régulier. Mais quand la contrac-
ture habituelle se fut installée à droite, l'expérience réussit
en, sens inverse. Ce fut alors l'ouverture de l'oeil gauche qui
provoqua l'arrêt de la parole en même temps que l'hémi-cata-
lepsie gauche.
Ceci prouve que, le malade se mit à parler avec son cerveau
droit dont il eut à faire l'éducation. C'est alors en effet, qu'il
présenta ce langage impersonnel, enfantin, que plusieurs fois
nous avons signalé.
A peine dans les premiers jours parvenait-il à se faire com-
prendre ; puis la parole lui revint progressivement, et il passa,
mais plus rapidement, par toutes les phases que parcourt l'en-
fant qui apprend à parler. '
Poussons plus loin l'analyse de cette observation. Le 20 fé-
vrier, la contracture et l'hémianesthésie qui étaient à droite
passèrent à gauche sous l'influence d'une injection hypoder-
mique de nitrate de pilocarpine. L'aphasie provoquée, recher-
chée à ce moment, nous montre cette fois que l'ouverture pal-
pébrale de'l'oeil droit et non de l'oeil gauche comme précédem-
ment, détermine de nouveau l'arrêt de la parole. Que signifie
ce symptôme ? si ce n'est que le malade parle de nouveau
pendant cette contracture avec son cerveau gauche et. qu'il
présente une polarisation psychique en même temps que le
transfert de la contracture du membre.
De tout ceci il parait résulter que les causes qui chez notre
malade amènent la contracture, provoquent aussi l'arrêt fonc-
tionnel de la circonvolution de Broca, tandis que les causes
qui provoquent les troubles de la sensibilité ne paraissent
pas influencer la fonction du langage. 1 >n
En effet citez notre malade à l'état prime; le langage est
correct et cependant il existe une hémianesthésie cutanée et
sensorielle. (1 C'est ce que d'ailleurs nous observons aussi chez
la plupart des hystériques. Mais dans les deux cas il y a une
modification, des cellules qui servent au substratum de la mé-
moire puisque dans l'état prime et dans l'état second, la
mémoire n'est pas entière. Cette modification de la mémoire
parait plutôt due à une anesthésie ou à une paralysie de ces
cellules qu'à un défaut d'harmonie dans l'activité des deux
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 225
hémisphères, car chez notre malade il n'y a pas incohérence
ou doute dans ses réponses (celles-ci sont très-précises), mais
il y a des pages du livre de sa vie, comme le dit Azam, qui
sont complètement déchirées et dont il n'a aucun souvenir.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
XX. Occlusion intestinale, gastrotomie, TROUBLES PROVOQUÉS par
l'excitation du grand sympathique; mort; par le Dr Léon BLON-
DEAU. (Fr. méd., 884, 1.)
Dans le cours d'une gastrotomie, au moment où le chirurgien
introduisit sa main dans le péritoine, survinrent à deux reprises
des accidents : pâleur de la face, refroidissement, ralentissement
du pouls, accélération de la respiration, etc., qui semblent con-
firmer, par une véritable expérience sur l'homme, les résultats
des recherches de Claude Bernard sur les fonctions du grand
sympathique. G. D.
XXI. Méningite TUBERCULEUSE. - Mort, autopsie; par le Dr DESCROI-
ZILLES, médecin de l'hôpital des Enfants.
Cette observation de méningite est intéressante à cause de la
longueur de sa phase initiale qui a duré près de deux mois et de
sa physionomie fort insidieuse, puisque le jeune malade, tout en
vomissant chaque jour, n'était en proie à aucune souffrance locale,
ne maigrissait pas et conservait ses joues.
Cette irrégularité dans la marche de la maladie est peut être
le fait des productions tuberculeuses trouvées à l'autopsie dans le
cerveau et le cervelet, productions probablement plus anciennes
que celles des méninges, mais de même nature qu'elles. G. D
XXII. Paraplégie ataxique OU TABÉTIQUE; par le Dr Michel CATSARAS.
(Fr. méd., 1884,11.)
Une paraplégie subite survient quelquefois chez les tabétiques
soit tout à fait au début de la maladie, soit dans le cours de la
première période du tabes. Cette paralysie guérit habituellement.
Archives, t. X. 15
226 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
mais la marche de l'atonie parait en être accélérée. Cette conclu-
sion est basée sur une observation personnelle et sur deux obser-
vations de M. Charcot. G. D.
XXI II. UN cas DE syphilis centrale secondaire; par M. le Dr LANDOUZY.
(FI', méd" 1884,1.)
Il s'agit d'un homme âgé de quarante-sept ans, présentant des
manifestations cutanées et muqueuses de syphilis qui fut atteint
d'une hémiplégie de la face du côté droit et d'un état parétique des
membres supérieur et inférieur du même côté. Ces accidents qui
guérirent rapidement furent attribués à l'existence d'une artérite
syphilitique de la sylvienne gauche. G. D.
XXIV. EVEIL d'un état DE MAL HYSTÉRO-ÉI'ILEPTIQUE A la SUITE D'UNE
opération CHIRURGICALE avkc anesthésie ; par M. E. VALUDE, interne
des hôpitaux. (Fr. méd., 1884, 1.)
Il s'agit d'une jeune fille âgée de dix-huit ans, à laquelle on
pratiqua l'énucléation de l'oeil droit; immédiatement après son
réveil, elle fut prise d'attaques d'hystérie subintrantes qui durèrent
trois ou quatre jours. Cette malade n'avait jamais présenté anté-
rieurement d'accidents hystériques, si ce n'est une légère attaque
de convulsions survenue deux jours avant son opération à la suite
d'une vive contrariété. L'auteur pense que c'est au chloroforme
qu'il faut rapporter dans ce cas l'éclosion du véritable état de mal
présenté par cette malade. G. D.
XXV. Observation DE syphilis cérébrale; par le Dr Le DENTU,
chirurgien de l'hôpital Saint-Louis. (France médicale, 4 884, lL)
Un malade qui avait une ancienne blessure non cicatrisée du
frontal contracta la syphilis, celle-ci provoqua par la suite une
série d'accidents comateux et paralytiques qu'on crut devoir rap-
porter à une méningo-encéphalite aiguë. Tous les traitements
employés, y compris la trépanation, restèrent inefficaces, seul le
traitement spécifique amena peu à peu la disparition de tous les
accidents. La guérison se maintint pendant 4 années au bout des-
quelles survint une paraplégie : institué sans doute trop tard, le
traitement spécifique ne réussit pas, et le malade fut emporté par
de nouveaux accidents cérébraux.
XXVI. UN cas DE MYÉLOPATIIIE AIGUE.\ MARCHE ascendante, rappelant
la paralysie ascendante aiguë ; pal'l\l. BARTII, médecin des hôpi-
taux. (Fr. méd. 1884, 1.)
; Un homme âgé de cinquante ans, syphilitique, présenta, à la
suite d'un embarras, gastrique fébrile, plusieurs poussées de pur-
REVUE DE pathologie nerveuse. 227
l'ura et des douleuis s rhulllaloïdcs dans les jambes, sans fièvre.
Bientôt après, il se manifesta une iritis double subaiguë, puis des
fourmillements dans les extrémités, enfin survint une paralysie
d'abord des jambes, puis des bras, sans contractures et avec
affaiblissement rapide des réflexes tendineux. En même temps,
on nota de famine sans aucune lésion antécédente de l'appareil
urinaire. Trois juurs après le malade mourut brusquement de
syncope. 11 était alité depuis trois semaines; pas d'autopsie.
Cette série d'accidents doit être attribuée, d'après l'auteur, à une
altération de l';ixe spinal à marche ascendante, dans la patho-
génie de laquelle la syphilis aurait joué le principal rôle.
XXVII. Hémiplégie gauche avec aphasie chez un malade QUI N'ÉTAIT pas
gaucher; par M. Michel CAT5,\nAS, professeur agrégé à l'Ecole de
médecine d'Athènes. (Fr. 7nés., 1884, 1.) ·
Pour expliquer cette infraction à la loi de Broca, l'auteur sup-
pose que, chez son malade, il n'y avait pas d'entre-croisement des
faisceaux pyramidaux : Pas d'autopsie. G. D.
XXVIII. NOTE SUR un cas d'hémiplégie gauche survenu dans LE cours
d'une pneumonie droite chez UNE femme atteinte D' ? .TIiÉIl01 : 1SIF
diffuse ; par le Dr H. Luc, ancien interne des hôpitaux (Fr. méd.,
4 884, 1.) 1
Limitée au mouvement, cette paralysie ne dure guère que vingt-
quatreheures. L'âgede la malade n'estpas indiqué; il estdit seule-
ment qu'elle avait eu, deux ans avant, une attaque de rhumatisme
à la suite de laquelle s'établit lentement une endocardite et des
lésions artérielles probablement prédominantes dans les artères
du cerveau. La thrombose ainsi préparée depuis longtemps trouva
brusquement' réalisées les conditions déterminantes de sa pro-
duction dans les modifications du sang survenues du fait de la
pneumonie. G. D.
XXIX, TABES, ,\NBSTIIÉoOE faciale, dysesthésie linguale, sialormiée,
Toux, cuises d'urine; par le Dr Archibald WATSON. (Fr. méd.
4884,1.) 1
XXX. SUR LES symptômes NEUROPATHIQUES DE la lèpre ;
par P. ROSENBACH (Neùrol. Centralbl., 1884).
Observation de malade dans laquelle l'affection cutanée
jouait un rôle tout à fait subordonné. Les phénomènes morbides
les plus essentiels consistant en : analgésie complète des extré-
? ô REVUE DE pathologie nerveuse.
mités inférieures avec conservation du sens du tact, diminution
de la sensibilité à la douleur et du tact dans les extrémités
supérieures, dans le dos (domaine des taches lépreuses) et sur
la peau de la face intacte, atrophie des petits muscles des deux
mains avec troubles de nutrition, de la peau, des phalanges,
anomalies pigmentaires toutes spéciales, dystrophie cutanée
au début localisée aux extrémités inférieures, actuellement
disséminée sur le dos, exagération du phénomène du genou,
gangrène des deux orteils, absence de toute espèce de phéno-
mènes paralytiques et de troubles de l'équilibre. L'ensemble
de ces éléments permet d'asseoir le diagnostic de la lèpre
anesthésique, sive nervorum seu mzctilaas, il n'y manque qu'un
symptôme prodromique; c'est le pemphigus qui précède parfois
l'apparition des plaques et des zones anesthésiques, d'ailleurs
inconstant. Suit une analyse critique de ce fait et de beaucoup
d'autres. P. K.
XXXI. UN cas D'HYPERTONIE PSEUDO-HYPERTROPHIQUE DES
muscles; par A. EULENBURG (Neu1'olog, Centralbl., 1884).
Cas de rigidité musculaire (Leyden), ayant pour synonymes :
hypertrophie musculaire spasmodique et maladie de Thomsen.
Se différencie des autres faits de ce genre en ce qu'il s'agit,
dans l'espèce, d'une affection acquise, survenue vers l'âge de
vingt ans, sans étiologie; atteinte simultanée de la tunique
musculeuse de la vessie, absence bilatérale complète du phé-
nomène du genou, diminution notable de l'excitalité ner-
veuse faradique et galvanique, de la contractilité farado et
galvano musculaire et de l'excitabilité mécanique directe des
divers muscles des quatre extrémités. P. K.
XXXII. SUR LES TROUBLES oculaires dans la SCLÉROSE 111ULTI-
loculaire; par R. GNAUCK (neural. Centralbl., 1884).
Il ne s'agit dans l'espèce que des affections du nerf optique.
Elles constituent, notamment l'atrophie du nerf optique, des
accidents assez fréquents dans la sclérose en plaques. Dans la
moitié des cas, on constate une diminution de l'acuité visuelle,
et parmi ces faits, la moitié se complique d'atrophie du nerf.
La statistique de l'auteur comprend cinquante cas de dégé-
nérescencegrisemultiloculaire; il n'y comprend pas le syndrome
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 229
de la paralysie spinale spasmodique. Parmi ces cinquante ma-
lades, treize présentaient des troubles des muscles de l'oeil,
dix-neuf des perturbations pupillaires(dont quatre observations
de raideur immobile de l'écran), vingt-deux n'offraient aucun
trouble visuel. Vingt-huit étaient atteints de diminution do
l'acuité de la vue à divers degrés (8), de diminution de l'acuité
avec rétrécissement du champ visuel (5), ou des mêmes symptô-
mes avec altération du fond de l'oeil : atrophie totale ou partielle
des nerfs optiques; hyperémie papillairc avec névrite optique.
Après quelques détails sur diverses observations, et la mise en
relief de l'atrophie du nerf optique d'origine névritique dans
la sclérose en plaques, M. Gnauck distingue l'atrophie primi-
tive du tabes de celle de cette affection, en ce que la progres-
sion de l'atrophie est uniforme et généralisée dans la papille
du tabétique, tandis qu'elle se limiterait ou demeurerait plus
accentuée pendant longtemps sur la moitié temporale dans
la sclérose en plaques. P. K.
XXXIII. SUR la CO-ATTEINTE ÉVENTUELLE DE la charpente MUS-
CULAIRE DE LA FACE DANS LA FORME JUVÉNILE DE L'ATRO-
PIIfE musculaire PROGRESSIVE; par E. REMAK (Neurol. Cen-
tralbl, 1884).
Observation d'un cas d'atrophie musculaire progressive
héréditaire, compliquée de diplégie faciale presque absolue.
Nous passons sur l'examen plus approfondi des symptômes et
sur la discussion du diagnostic que l'on trouve posé dans la
suscription suprà. La conclusion est que l'existence d'une
forme purement myopathique de l'atrophie musculaire pro-
gressive est irréfutable. P. K.
XXXIV. SCLÉROSE multiloculaire avec atrophie NÉVRITIQUE
bilatérale DU NERF optique;» par Eulenburg. (IVeU ? '01.
Centralbl., 1884).
, '.>." tif t jf,' .'
Ce symptôme, consistant en une névrite optique, ayant
abouti à une atrophie totale, aveccécité complète, (durée quatre
semaines), permit le diagnostic entre l'hystérie et la sclérose en
plaques. Cas différent de ceux de Gnauck * et qui prouve que
dans la sclérose en plaques la névrite peut ne pas se borner a
1 Voy. Archives de Neurologie. 1
i : lO REVUE DE pathologie NERVEUSE.
atteindre les moitiés temporales des nerfs optiques, peut ne
pas y rester cantonnée, qu'elle est capable d'atteindre rapi-
dement toute la papille. P. K.
XXXV. Atrophie musculaire héréditaire ET PSEUDOHYPER-
TROPHIE DES muscles ; pas SCHULTZE (Neurolog. Cen-
tralbl., 1884).
Observation révélant chez une même famille, l'existence de
plusieurs cas d'atrophie musculaire. L'auteur est d'avis que
toutes les formes d'atrophie musculaire progressive sont très
proches parentes de la pseudo-hypertrophie, surtout quand
elles sont héréditaires. Les grandes différences accentuées qui
cliniquement et anatomiquement séparent les atrophies muscu-
laires d'origine névrotique, des atrophies musculaires primi-
tives, telles que la pseudo-hypertrophie et les formes analogues
d'atrophie musculaire héréditaire ou non, relèguent, continue
M. Schultze, au dernier plan les petites distinctions qui s'étalent
par exemple sous la rubrique de surcharge graisseuse de quel-
ques muscles ou d'altérations anatomiques consécutives ; elles
n'ont pas de valeur, car chez les membres de la famille envisagée
ici, l'adipose existait chez tel sujet et faisait défaut chez l'autre.
Comme il semble évident à M. Schultze que la pseudo-hyper-
trophie n'est pas une maladie du système nerveux, l'atrophie
musculaire héréditaire est une myopathie primitive. En tout
cas,- on en ignore la cause, car la notion d'hérédité n'en révèle
pas l'origine première. Tel est l'esprit du mémoire. P. K.
XXXVI. UN cas DE tabès dorsal compliqué d'atrophie musculaire PRO-
GRESSIVE ; par A. EULENBURG. (Berl. klin. Coca., 1885, n° 15.)
L'auteur présente un cas de tabes avec atrophie musculaire ;
sur un nombre d'environ 500 cas de tabès, il n'en a observé que
deux autres analogues. Pas d'autopsie; Eulenburg se demande si
dans certains cas l'atrophie musculaire n'est pas une maladie
surajoutée plutôt qu'une propagation des lésions des cordons
postérieurs. P. M.
XXXVII. Monoplégie brachiale avec anesthésie; par C.-J. NIaO.I.
(Tnans. of the Academy of mecl. in Ireland, t. II, 1884.)
Il s'aitd'unejeune fille de dix-neuf ans,sur laquelle on nerelève
aucun signe évident d'hystérie, qui futprisc de monoplégie brachiale
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 231 1
gauche dans une circonstance assez particulière : elle lavait du
linge dans de l'eau chaude lorsqu'elle vint à plonger son bras
dans l'eau froide. Il survint immédiatement de l'anesthésie de la
main, puis de la faiblesse musculaire. Peu à peu l'anesthésie et
la parésie remontèrent jusqu'à l'épaule. Tous les muscles du
membre supérieur étaient en état de parésie, mais l'anesthésie
dépassait les limites de la paralysie et s'étendait du côté gauche
seulement sur le thorax et l'abdomen. CH. F.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
IV. SUR QUELQUES phénomènes d'états épileptiques ET coma-
TEUX ; par L. WITKOR'SKI, (Neurol. Centralbl., 1884).
L'auteur met en relief un mode d'accès d'épilepsie, consis-
tant en une paralysie pure, momentanée, sans aucun trouble
de la connaissance, sans phénomène convulsif, tantôt bilaté-
rale, tantôt unilatérale (voy. Allg. Zeitsch. f. Psych, t. XXXVII) ;
il émet la possibilité dans l'espèce d'une lésion ou d'un
trouble fonctionnel de la substance grise centrale du plancher
du troisième ventricule (Christian et Bechterew). D'une ma-
nière générale, l'histoire des accès rudimentaires suggère
l'idée d'une localisation différente pour chaque genre d'accès
épileptique ; localisation bien cantonnée lorsque l'attaque se
borne à quelques phénomènes en rapport avec l'endroit atteint,
localisation constituant le point d'origine et de rayonnement
des modifications physiologiques quand l'attaque se généralise.
En ce qui concerne les équivalents psychiques de l'épilepsie,
ils tirent leurs caractères non pas de la forme de l'attaque
psychopathique, pas davantage de la forme spécifique incons-
tante de la folie, mais de la combinaison des symptômes psy-
chiques avec d'autres troubles nerveux, souvent tout à fait
passagers (convulsions, paralysies, sopor, vertiges, hyperes-
thésies, anesthésies, fièvre). En étudiant ces combinaisons, on
arrive à restreindre de plus en plus la notion des particularités
caractéristiques habituelles de tel ou tel épileptique, les accès
: 3 revue DE pathologie mentale.
avec leur phénomènes concomitant et consécutif varient plus
qu'on ne croit chez un individu donné. Quant à l'état de la
pupille , tout sopor pur s'accompagne de myosis (suppres-
sion de l'influence cérébrale), aux phénomènes convulsifs res-
piratoires et vaso-moteurs directs s'associe la mydriase, d'où
prédominance ou succession de ces modifications pupillaires
selon que règne tel ou tel élément. L'assoupissement, qui sur-
vient dans les derniers jours qui précèdent la mort, s'accom-
pagne de mouvements oculaires coordonnés d'une unifor-
mité et d'une lenteur toute spéciale, quand on est en face
d'un pronostic fâcheux ; il y aurait lieu de les rapprocher des
mouvements coordonnés des yeux d'une précision régulière
qu'on observe pendant le sommeil et l'état de rêve et, par suite,
du supposer que les processus cérébraux de l'agonie sont ana-
logues à ceux qui président aux rêves. P. K.
V. Abstinence absolue D'UN FOU systématique; par
F., SIEMENS. (Neurolog. Centralbl., 1884.) ,
Observation prouvant qu'un' adulte bien portant physique-
ment peut supporter une abstinence absolue, même sans in-
gestion d'une goutte d'eau, pendant douze jours; nul incon-
vénient physique, ni psychique ; diminution totale du poids
de 14 kilog. soit un 1 kilog. 160 par jour. En second lieu, dans
les derniers stades de l'abstinence absolue, l'urine contient de
l'albumine issue des reins. Cette albumine disparaît très rapi-
dement dès qu'on a fait ingérer une copieuse quantité d'eau.
Le fait témoigne encore de l'inanitiation volontaire par délire
jusqu'à danger pour la vie, c'est pourquoi M. Siemens em-
ploya la sonde oesophagienne ' ; sinon, la sonde, dit l'auteur,
fait plus de mal que de bien à telles enseignes que toute ré-
sistance de la part de l'aliéné l'eût engagé à différer son inter-
vention. D'après lui, ce genre de cas est extraordinairement t
rare. Guérison. P. K.
VI. SUR LES CELLULES NERVEUSES ganglionnaires DE l'écorce
DU CERVEAU DANS LA PARALYSIE PROGRESSIVE DES ALIÉNÉS;
par E. MENDEL. (Neurol. Centralbl., 1884).
A l'état normal, la cellule corticale est entourée d'un espace
4 Voy. Archives de Neurologie, t IX, p. 108.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 233
péri-ccllulaire très peu large (cerveau bien sain, enlevé très
peu de temps après la mort, convenablement durci, sans excès),
elle mesure à la base de 7 à 50 li.; en hauteur 10 à 75 z. Les
cellules les plus grandes occupent le lobule paracentral ; on
en trouve quelques-unes isolées dans le lobe frontal, et dans le
lobe occipital avec de petites et de moyennes. Forme un peu
arrondie, fusiforme, ou pyramidale ; l'aspect morphologique
et le nombre des angles et des prolongements dépendent
d'ailleurs de la situation des cellules pyramidales par rapport
à l'axe optique du microscope. Leur protoplasma, finement t
granuleux, est quelquefois jaunâtre surtout chez les vieilles
gens ; leur noyau est ellipsoïde. Dans la paralysie générale
à évolution courte, il n'existe pas d'altérations cellulaires ;
pour qu'elles existent, il faut une paralysie générale ancienne,
avec démence avancée et phénomènes paralytiques très pro-
noncés. Ces altérations corticales sont : 1° dilatation des
espaces péricellulaires remplis d'une matière jaunâtre, ne se
colorant' pas ou ne se colorant que peu par le carmin ; 2° pro-
toplasma stéato-pigmenté (coloration jaunâtre et granulations
obscures opaques ou brillantes fortement réfringentes) ; 3°
sclérose et atrophie cellulaires : disparition du contenu fine-
ment granuleux, aspect rayé, consistance plus ferme, con-
tours tortueux, disparition des éléments; 4° le noyau offre
les mêmes modifications dans son contenu, dans sa forme,
dans sa situation par rapport à l'élément cellulaire; il existe
aussi de gros noyaux ; au dernier degré de l'altération, ils font
défaut. Intégrité des cellules des gros ganglions, de la protu-
bérance, des noyaux, qui commandent aux muscles de l'oeil.
Seuls les noyaux de l'hypoglosse semblent, dans les cas de
très longue durée, être le siège d'altérations extrêmement pro-
noncées, quant à leurs cellules.
VII. Sur l'état des aliénés en RussiE;parM.KowALE\vsKY. (Archives
de psychiatrie, de neurologie et de psychopathologie légale, Khar-
kow, 488, nn 1.)
Avant la fondation des états provinciaux en Russie (zemstwa),
c'était le « Comité de charité publique », qui avait soin de la
situation des aliénés. Enchaînés dans les caves, les malades étaient
alors traités presque comme des criminels. Actuellement ce sont
Voy. Archives de Neurologie, Société de psychiatrie et maladies ner-
veuses de Berlin. Déc. 1884.
234 ! REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
les états provinciaux, qui en ont soin. Quoique la situation des
malheureux se soit beaucoup améliorée, on trouve encore, cepen-
dant, des états provinciaux dans lesquels : 1° l'administration
exige un paiement plus ou moins considérable, même des aliénés
pauvres, pour leur traitement dans les asiles; 20 l'administration
ne reçoit dans les hôpitaux que des aliénés originaires de la ré-
gion ; 3° les aliénés sont soumis préalablement à un examen,
long et inutile, par la régence du gouvernement; 4° les malades
sont maltraités; 5° le traitement n'est pas confié aux spécialistes,
et 6° les médecins ne sont pas indépendants.
Or, M. Kowalewsky pense que ces faits anormaux sont dus à
l'arbitraire extrême et à l'absence de lois, précises et obligatoires
pour tous les états provinciaux, sur les aliénés. C'est pourquoi
l'auteur demande que le gouvernement élabore et mette en vigueur
des lois nécessaires. Mais, préalablement, il croit utile de convo-
quer un congrès de tous les psychiatres russes pour l'examen de
différentes questions pratiques, qui peuvent se présenter. Pour
M. Kowalewsky, ces questions seraient les suivantes :
1° Réception et entretien des aliénés dans les différentes par-
ties de l'empire :
2° Contrôle de malades dans les établissements et chez eux
(examen par la régence du gouvernement, devant les tribunaux,
etc.);
3° Législation par rapport aux aliénés ;
4° Occupations et travaux dans les maisons des aliénés;
5° Administration de ces maisons;
6° Sortie des malades;
7° L'organisation actuelle des maisons des aliénés et l'idéal à
réaliser dans la patrie. J. ROUBINOVITSCH.
VIII. L'importance DES altérations ANAT011fOPATHOLOGIQUES DE
la paralysie progressive DES aliénés dans LEURS rapports
avec la PRODUCTION DES attaques APOPLECTIFORNES ET Épi-
L1;PTIrORDIES; par W. BECHTEREW. (Arch. f. Psr.la., XIV, 3).
Les symptômes cliniques des attaques congestives correspon-
dent selon l'auteur, toutà fait aux phénomènes que l'on observe
quand on augmente brusquement la pression encéphalique.
Les attaques apoplectiformes témoignent d'une augmentation
générale et temporaire de cette pression, tandis que lesattaques
épileptiformes indiquent une localisation à la zône psycho-
motrice. Deux facteurs interviennent dans ces mécanismes ;
le liquide céphalo-rachidien, et la circulation propre du cer-
veau. Ce sont les troubles dans l'équilibration compensatrice
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 235
des deux espèces de liquides et leurs modifications fonction-
nelles qui engendrent les attaques et leurs formes différentes.
Ainsi, les lésions communes de la paralysie générale entrai-
nent une hyperpression de la part du liquide céphalo-rachi-
dien ; delà une anémie cérébrale diffuse, apoplectigène. En
d'autres cas, ce sera une congestion cérébrale active qui, en
élevant la pression artérielle, engendrera de l'apoplexie avec
convulsions générales, parce que le liquide céphalo-rachidien
chassé par la pression sanguine, ne refluant pas assez vite
(lésions de ses voies d'écoulement) comprimera la surface du
cerveau. Quant aux convulsions partielles, elles sont dues à
la formation de poches kystiques sous-arachnoïdiennes (travail
inflammatoire spécial) qui exercent une compression locale
sur les régions corticales sous-jacentes (circonvolutions ascen-
dantes, région frontale, pli courbe et organes voisins). P. K.
IX. LA POPULATION PSYCHOPATHIQUE DU GRAND-DUCHÉ D'OLDEN-
BURG, D'APRÈS LES RÉSULTATS DU RECENSEMENT DE LA POPU-
LATION PRATIQUÉ LE 1er DÉCEMBRE 1880, COMPARÉE AVEC
les admissions antérieures; parP. KOLLMANN. (Allg. Zest-
schr. f. Psych., XL, 4.)
-
Le nombre total des perturbations mentales comporte 977 se
répartissant en :
231; REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.' 237
détaillée). On demandait l'interdiction, de concert avec le
l3ezir7csplasz7cus ; l'auteur conclut au rejet de la demande, à
raison de l'intégrité intellectuelle de la personne incriminée,
et se déclare prêt à faire un rapport qu'une fois rentré chez
lui il rédige. Mais le tribunal, au mépris de toutes les conve-
nances, saisit de l'examen le médicinal collegium, bien que les
deux confrères fussent d'accord, et qu'il n'eût pas entre les
mains le rapport motivé, d'ailleurs non demandé par lui.
M. Neumann critique les allures et les conclusions des rap-
porteurs ultérieurs ; il ne s'agit pas en effet de savoir si la
personne en question a été jadis affectée, il s'agit de détermi-
ner au moment actuel l'état des facultés, car nous n'avons pas
assisté au passé dont on parle. P. K.
XII. DE L'INFLUENCE DE la GROSSESSE SUR l'évolution DES
psychoses; par BARTENS. (Allg. Zeitsch. f..Psgch., XL, 4.)
Note relatant douze observations qui viennent à l'appui de
ce fait, que la grossesse noircit le pronostic d'une maladie
mentale existant avant elle. A cela rien d'étonnant, puisque
la grossesse par elle-même (troubles de circulation, perturba-
tion chimique du sang, troubles de nutrition en rapport avec
cet état) met souvent les femmes affaiblies et fatiguées à deux
doigts de l'aliénation mentale (excitabilité, maussaderie). Mais
la plupart des cas d'aliénation mentale rassemblés dans la
bibliographie, au cours desquels la grossesse survint, étaient déjà à
des cas de psychose puerpérale; la nouvelle grossesse ne pou-
vait donc qu'agir désavantageusement. Dans les faits exception-
nels où il semble quelagrossesseaitdéterminélaguérison, il est
plus logique de croire, que ce sont les conditions sociales du
bien-être, de la tranquillité créées par le mariage qui ont pro-
duit un bon effet; en tout cas, la satisfaction sexuelle n'a
pas grande influence ici. Du reste, les observations d'Erlen-
meyer sont les seules où l'on ait affaire à des primipares. Sur
les douze observations de M. Bartens, une seule femme a
guéri de par sa grossesse, c'était une érotique très excitée (voy.
l'observation de Marcé.) Sur les onze restantes, deux avaient
été atteintes de psychoses puerpérales ; deux furent amélio-
rées, une mourut, huit demeurèrent malades ; cinq d'entre elles
présentaient une tare héréditaire (une guérison, une amélio-
ration). P. K.
238 REVUE DE pathologie mentale.
XIII. COURTE communication SUR UN cas DE TROUBLE mental
douteux ; parGpUNEWALD (Allg. Zeitsch.f. Psych., XL, 4).
Il s'agit d'un vol commis par un dément épileptique observé
dans un asile pendant trois mois. P. K.
XIV. Rapport sur UNE épileptique ; par G. LANGREUTER.
(Allg. Zeilsch. f. Psych., XL, i.)
Une femme est condamnée à un an de prison pour coups
et blessures, et à six ans de détention pour vol grave. Or,
elle présente tous les caractères de la folie épileptique. On
constate chez elle pendant son incarcération de l'irritabilité
morbide avec amnésie, des accès de rage ne laissant également
aucune trace dans la mémoire (équivalents psychiques), des
périodes d'obnubilation durant souvent des jours entiers, des
vertiges épileptiques, des accès convulsifs classiques, des
phases de torpeur et d'angoisse, de la déchéance intellectuelle.
Conclusions abrégées du rapport : hérédité psycho et neuro-
pathique à sa plus haute puissance, se manifestant, dès la plus
tendre jeunesse, par de l'excitabilité, des violences, de la
céphalalgie. Plus tard se montrent des accès de rage patholo-
gique, ces paroxysmes disparaissent au moment de la puberté
pour revenir plus violents après les premières couches. Enfin
se montre le tableau complet observé à la prison dont l'affai-
blissement psychique est la conséquence. Malheureusement
ce rapport suit la condamnation. ' P. K.
XV. Rapport STATIST1C0-CASUISTIQUE SUR LE quartier D'ALIÉ-
NÉS DE L'HOPITAL JULIUS DE WURZBOURG POUR LES ANNÉES
' 1873-1882 INCLUS par K. LIND (Allg. Zeilsch. f. Psych.,
XL, 5).
Deux parties'. La première renferme les indications statis-
tiques relatives à la fréquence des admissions dans ce quartier,
à la comparaison de cette fréquence avec celle' des autres asiles
d'aliénés de la Bavière, à la division en individus ayant droit à
l'hospitalisation (relevant de l'ancien diocèse de Wurzbourg),
en bavarois et non bavarois, au placement ultérieur des ma-
1 A rapprocher du travail de Rieger. Voy. Archives de Neurologie,
t. VIII, p. 92.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 239
lades après leur renvoi, aux résultats du traitement en général
et du traitement par rapport aux diverses formes de l'aliéna-
tion mentale (tableau); enfin quelques mots sur l'emploi des
moyens de contention, les agents hypnotiques et les sédatifs.
Nous y cueillons ce qui suit : bien des formalités pour la récep-
tion et le renvoi des malades n'existent pas. L'admission et le
congé appartiennent au chef médical du quartier; il lui suffit
en outre de prévenir les communes de l'incurabilité pour être
débarrassé des aliénés. C'est pourquoi, tandis que les asiles
d'Erlangen, d'Irrsee près Kauftbeuren, de Karthausprüll, de
Werneck, de Klingennünster, de Deggendorf, de Barpeuth re-
cevaient dans ces dix dernières années 1,254, 1,381, 834, 1,135,
1,219. 2,005, 832, 601 aliénés, ce quartier de Wurzbourg en
admettait 1,4991. Cette grande activité du service, jointe à
l'impossibilité où l'on y est actuellement de faire du no-res-
traint (emploi aussi modéré que possible de la camisole, des
ceintures, du bourrelet ouaté), jointe encore à la nécessité, de
par le manque d'espace, d'user des narcotiques, implique l'o-
bligation de créer un véritable asile. L'auteur préconise le
chloral à doses hypnotiques massives de 1 à 2 grammes, ou à
doses fractionnées (30 à 50 centigr.), répétées pendant le jour
sans dépasser au total 3 grammes ; les opiacés ne convien-
draient guère que chez les alcooliques ; quant à l'hyoscyamine,
à faibles doses (5 mill. à 1 cent.), elle augmente l'agitation, à
hautes doses, elle intoxique. La seconde partie contient
une série d'observations suivies d'analyses critiques plus ou
moins développées. On a dans les dix ans traité 321 mélanco-
liques, dont les deux tiers de femmes, soit une proportion de
1 : 5 par rapport aux autres entités morbides. On y a vu 125
guérisons, 118 améliorations, 72 incurables, 6 morts. Voir
l'OBSERVATION 1 (lypémanie de la ménopause). La folie systé-
matique primitive a été représentée par 1 67 faits dont 92 chez
les hommes; on a noté 2 guérisons, 60 améliorations, 97 incu-
rabilités, 4 morts. Voir l'OBSERVATION III (femme de trente-
six ans, guérison complète malgré les hallucinations, au bout
de dix-huit mois de maladie). La folie épileptique a été obser-
vée chez 92 individus dont 71 hommes; il y a eu 27 guérisons
(accès maniaques passagers), 47 améliorations, 1-2 incurabilités,
quatre morts. Voir l'OBSERVATioN IV (épilepsic de la gravidité)
et trois autres faits d'épilepsie provoquée (électrisation intem-
pestive et morsure d'ours). Quatre exemples étudiés avec soin
210 REVUE DE pathologie mentale.
, Il' 1 1 l' ï i .. .
permettent à M. Lind d'affirmer que la déchéance ^pondérale
qui suit les accès d'epilepsie est faible et souvent nulle chez les
...., ,. - ' ? , , l ? l 1. i... ? i;1'1'1 r')'t . '
vieux épileptiques, au elle n est pas proportionnelle, aux accès
i -j" f ii- - . 7 -j ' ? '►'M'j ? .i1; *" ! t
que les fortes diminutions de poids oui suivent des ictus aceilinu-
;, , . , , ? -t ? 7- ? Lt Il 1 t si ,. ,1
lés doivent être rapportés à la faible alimentation concomitante.
T , f .... - . , .. '- n o¡Tola., .Ihll t'I"1 ? itte4.-
La folie périodique a eu pour terrain treize hommes et .treize
n '' ? ) ? ? ? t Ili, 1 - e. - . 1 51l il, il.
lemmes (citons 1 Observation V), et la folie c ! ? 'eM/a : ? 'e, : quatre
. " .1# 1 ? o.. p e ? I1'0''). (. ,,0 .h 'U ? l ... 1 ? 1 tif
femmes et un homme, tous individus fortement héréditaires. ? .. ? ... ? l, j'T ? t ? )" (\ 1" t '¡' .. i ,'...., j 1. i ¡ ¡ ..... t 1 J' .J" «
Lent trente et un cas de démence paralytique; cette affection ? " -t ">" ... ifrt,il 1, ',t llàliq,4.il-i-'f
qui atteignait cent neuf hominés"préélominé Ici'-dnsq lé ,qu'a-
' ., t n si z t-"( '-... 1 l'lU mt : rttrt·t 11 %1.3 r ·r·
trième dixième de la vie : Voir Observation VI . (lypeniatio- : ' I "'1,... , tr ·,-ro ? ·,.r,llr r : .. fJ"I : i.' 1, tttf"gl.
hypochondrie due a 1 exagération., du travail intellectuel;
i , 1 ..1", l>lnt4 I"fi U el ? qt au 4H'I t W 'u'"^ ? <
hypothermie énorme dans les derniers Jours de la vie : ,29,1) ? ? ., ,1 i-trïrli/1 r ? .tP'),')r ? H't ....... tt.f.t ? '
OBSERVATION,'VII r(paralÿséfigeriei·âlé, due a la misère,
4. ' ' 1, ? f' ! t,,ff ? n ? H"MU.< ? )< itn) ? T ? f,
vingt-sept attaques , epileptitormes . toniques; précédant la
' Il ? ? ".1 t co; : >m'trHF'/I;'¡1 - 'l ? i ? Ir', l'
mort, hyperthermie à 42,1f-) : 'm OBSE3VATION VIII (paralysie
, ? i ? 1 h"I't ? 1fd ? ,')" : trrl' ,t'l, P,1111'" ? H-ul,}' "l'/I'd '(. i
générale syphilitique, mais s inanitë de, traitement, hydrar-
g ' ? \ 1 ? f- -; ? ir 'rrrrl)tT.9t .-sl. n,I .rfl` yte.t,r
. un')' Au ? (iD' 'loro ? '\nt'\rrr¡t ? r,('l lPJ,q 1 ... ? ,M ? jl...ftIO't.,u
gyr;que ; n, e ll'lUln tremens sont, consacrées' les OasER-
, ? v1T ! 'VYT'<VTrT'')'r°J ? ) ? Il ". '{ 1 olll' à 1> lw
Varions , , , " . a ,0 le al' ma a te soma l uc
f 63' f' ? , v i ''Ij']'' ,'r ."'"in ¡'dTlI ? lJ ]'0" l'l,II" ,lfWl.tt. 13 ,.t z
compte 63 exemples,, 1 auteur en donne OBSERVATION qui
j ? ? ) ? 'r ? r ? 4b ih)t)"'f li 1 .2f ,
devrait prendre le numero.XIV (RosaR..., p. T49).,LesOBSER-
devrait prenare' le ? ' ."i I .' XIV* osa ? p, 74 ? ,'f L69013âR- .,
vations XIV et XVII. qui suivent ^devraient avoir les nume- ? tW ? TT'-ttt t tr" J' 1 ? t<t <U ? « ? ¡
rs tyr et XVI illustrent, la fôlié cdûe à il- des lésions 'cérébrales
''t ? 1 yy · t. ? cf)- ? t ',r '1 I ; rflltvr r' 1 jf))r( ? < ?
matérielles (tumeurs) ? inversion du sens nerutal, a son actii,
1 ? J' 1 ." " Iplyl, 1 .1.11 '. 11 ? '1
1 Observation XI (Margaretha s. p. 576 qui',devrait porter
l ? ,j 5 . tt . ? h ·,. 1 7 ) y 1 rW '1 nl ! t 1 ·rm
le ciniîi'e XVlI..Ennn quelques observations ne rentrent pas
nr. ·mr t t·t ' ! n qt 1 t')I ! : ft.lf " 1 ? t"Y' 'aW t `rtt 1
rigoureusement dans le cadre de la,psychiatrie, tels ces troubles
intellectuels chez deux fillettes, atteintes de convulsions hvste-
. - nl t' ! ^ r z ? rr ! t .trtn(1 fll-J Id ? ¡;. tHfli1 .'it1»«»<.
reformes ou chorélformes '(Sabme, ib. p. 7a/ ; Anna M...) avant
- (far r ! 1 rd'i nit ? ft{tr ? et U'94 ff ,'tn'i;);.
" ? If"1 'Il" l'... 'III, .>nt"drlt't> 'l ? "\; 10' ! ln...t< ? tlI"lf sous la
guéri par le changement de milieu. .On pouirait, sous la
/11" ? d'' t" 4 . si t) 9 1t·a l .,1 ? ]"0'\ ? )<n'/i ? .....1111"1',1 ? ] t,
rubrique de troisième, partie, coter le résume des causes de la
,Wi · , tlmr 1 f , r·r' .g· r·otn ·t '«' .< ? «« t' «Ott
mortalii'élef'ld teneur d'un e ? dis'c u ss ion fort intéressante au
mortalite'et la teneur d une discussion fort intéressante au ? <'h' ·,Ur.) oa ! Wltlr=K nr ! t t' rlnt ^ ! 1 ·- -tt ? t)<t f') r
sujet delà soi-disant intoxication' chlorahique' de deux maras-
tiques. ' ptjnj
iv ? r P 'J Il If' n 'Iff(UPÎ)'J fiJufm3 ! < ! tV/ L ,sua : l'1 t : InuS7
( ' t, ri. , f nr : Ima «h t(tnrr)n <".ff(-)t 9t) ·ltt,s '') r. ! t[13.1
fXYI',(,S'1. ",r DE VOYAGE EN FRANCE qbA"I'n," ,.1 " ! \{Jj, EN
XVI. Souvenirs DE voyage 1 en, France, en ,rt tc : W TI '1f I ) en
'ECOSSE ET 'J...-nB ? .1 ? lJ'ir" '¡OH' Il' ? w ? PI'" JI)' ..., J('A' 'll"
Ecosse ET en'' Belgique; '.par. H. A..AVILDERMUTH (Allq.
'z " 'b 1/' f l'pl ? h XLtt5)'tlltil 1 ··n ? ItrN 111H ? j. ¡H ?
,'Zelit'seèlil'. f.@"Ps%'ycfh., xi, 5). Il, Í 'J ' ,
111 -/ 1 'l-1 , Il -. -1 ? rt. iliti, .4 1 ·r 7Ja Il Il, (1111)'\ lui ui>
L'auteur'a visité en\ France' 'la"Salpètrière"i Bicôtre, 'Vau-
1 Voy. à ce sujet Archives de Neurologie, t. VIII, p. 229. , 1 ,,
RHVUH DE PATHOLOGIE MENTALE. 241
cluse, Ville-Evrard, Sainte-Anne et l'établissement privé de
Falret et de Cotard; il a assisté aux leçons de MM. Charcot.
Legrand du Saulle, Ball, Luys; il a suivi les développements
de M. Bourneville sur la constitution de son service. Il a
couru à travers Charenton. Il se déclare satisfait du genre de
construction des nouveaux asiles ou des nouveaux bâtiments;
mais il nous reproche d'avoir conservé les habitudes militaires z
quant à l'uniforme, à la disposition des malades pour la
visite, pour la tenue des gardiens, au volume des trousseaux
de clefs; on se croirait plutôt, selon lui, en des établissements
pénitentiaires ? En Angleterre il a visité Bedlam avec ses
fenêtres encadrées de fer, dont une étroite aile seulement
peut s'ouvrir de chaque côté, et sa maison de convalescence
de Goldaming. Il a visité Hayward-Heath où il a vu les lits-
hamacs pour gâteux et infirmes; il a été frappé du traitement
du médecin-directeur qui, outre l'habitation, le chauffage, le
blanchissage, les légumes, touche annuellement 1,000 livres
sterlings (25,n00 fr.). Il est entré à Broadmoor', à Northamp-
ton County lunatic Asylum, Bcrry Wood, à Saint Andrews
hospital for mental diseases forthe middle and upper classes,
à l'asile de Brentwood, au Royal India Asylum d'Ealing ; il a
très superficiellement parcouru le Saint-Luks hospital et
consacré tous ses soins aux détails des asiles d'idiots d'Earls-
wood et Darenth-School ainsi qu'au Bartholomew's hospital
de Londres. Ce dernier, réservé aux paralysés et aux épilep-
tiques, présente cette particularité que deux fois par semaine,
les chefs de clinique de l'hôpital ou d'autres autorités compé-
tentes se réunissent en consultation publique, devant les étu-
diants, pour examiner les cas difficiles. De courts instants ont
été donnés au Kind's hospital de Great Ormonds street, au Na-
tional hospital for' Kindiseases Saint Thomas hospital. Nous
passons sur les réflexions comparatives entre Londres et Paris,
entre les moeurs mêmes des deux villes.
Quant à l'Ecosse, M. Wildermuth résume le mode d'assis-
tance, le mode de fonctionnement du service des aliénés. Il
décrit le Royal Edinhurgh Asylum, le Morningside Barony paro-
chal Asylum Woodilee, l'Elgin District Asylum, n'ayant jeté
qu'un coup d'oeil sur le Fife and Kimross District Asylum.
Puis, il spécifie que l' oellV1'e de Pinel, qui enleva les chaînes aux
1 Voy. Archives de Neurologie, t. V, p. 402. ' '
Archives, t. X. 16 G
242 SOCIÉTÉS savantes.
malades, a atteint en Angleterre et en Ecosse Son plus beau délié..
lhipémèt; élle n'est peut-être pas bien loin d'être complété en
tés pâÿ.s',....
En ]èliqiie, Ghëel l'a arrêté peu de temps. L'idée, dit-il,
est bofirié, èllé à exil partie reçu une satisfaisante exécution ;
mais tout contrôlé psychiatrique y est impossible, à raison, et
dd petit nombre dé médecins, et de la grande étendue de ter-
tain â parcourir. La visité quotidienne de chaque section par
dés gardiens constitué un sùécédané insuffisant. Si l'on pou-
vait arriver â introduire dans ce système une direction médi-
éâle inflexible, cumulant les fonctions administratives et
possédant plèitis pouvoirs, et si, concurremment, l'on multi-
pliait, pour 16 contrôle et l'assistanée, le nombre des médecins
en sous ordre, dans ces conditions, mais dans ces conditions
seules, d11MI représenterait l'idéal. P. KÊRA VAÍJ,
SOCIÉTÉS SAVANTES
6CIËIÉ mÉf)lco-pstcHôLocl6uFi
. Séance du 29 juin 1885. Présidence DE M. DAGONET
M. Ni. Legrand du Saulle me demandait à la dernière
séanee si iâ malade présentant ces symptômes de boulimie im-
pulsive dôiït jê vous ai entretenus n'était pas diabétique ? Ainsi,
nous disait-il, aurait pu s'expliquer plus simplement sort besoin
fié manger. L'analyse dès urines faite à deux reprises par l'in-
ternt én pharmacie de mon service n'a révélé la présente d'au-
cune Ert : fi.W de SUt5fP. : J'ajouterai aujourd'hui que dans lé cas même
Mt cette fomntë éût été gly'Õàsul'iqiIè¡ je n'en clÙlsidérerllis' pas
moins soit impulsion comirie un Véritable état Mental pathdlti-
gique. Car la malade souffrait de son dérèglement d'appétit au
point de vouloir se suicider.
M. ) : tËY termine le dépouillement des matériaux laissés par
Broca, sur le poids des Lobés frontaux, dès lôliês occipitaux et
sociétés savantes. 213
des régions pàriélo-lëiriporales. II rappelle, en débutant que la,
délimitation entre les différents lobés, est : polir la région frbn-
talé, la^scissure de Rôlàndd; poUr, la. région occipitale, la scissure
perpendiculaire. Lès régions pariétale et temporale sont réunies
dans une seule pesée. Le nombre dès observations est de 131
pour les hommes et de 116 pouf lés femmes. Les principaux : ré-
sultats auxquels elles conduisent sont les suivants : dans lès deux
sexes, le lobe frontal gauche est le plus .lourd, qdel que' soit le
poids de l'encéphale, mais là prédominance du lobé frontal
gauche est moins marquée pour les cerveaux d'un poids inférieur.
Dans les autres; régions cérébrales, c'est lé droit qui l'emporté sur
le gauche; mais cette fois, surtout pour lés régions pài·iëio-téiïi-
p6ra)eS) la différence entre lés deux lobes est, au contraire, plus
marquée pdur les cerveaux les moins lourds. Le rapport dès dif-
férents lobés au poids de tout le cerveau indiquerait que les
femmes ont proportionnellement lés lobés frontaux plus pesants
que ceux dés hommes. Oh observe l'inversé pour les régions occi-
pitales et pàriéto-têmporalës.
L'influence de âge se manifeste de là manière suivante : La
prédominance du lobe frontal gauche est plus marquée chez les
adultes que chez les vieillards. Chez les adultes le poids des lobes
frontaux est proportionnellement plus fort pour les nommes que
pour les femmes, et c'est seulement chez les vieillards que le con-
traire à lieu. D'une manière absolue, le poids de toutes les
régions cérébrales diminue avec l'âge; les variations les plus
sensibles portent sur les régions pariéto-temporales. Le dévelop-
pement maximum des différentes régions est atteint. Pour les
lobes intérieurs, à trente-cinq ans, pour les régions occipito-
pâriéto-temporâlës, dès vingt-cinq ans. '
Enfin lés résultats généraux et lés résultats relatifs à l'influence
de l'âge, indiquent que les variations pondérales les plds sén-
sibles portent sur là région pariêto-tëmporalë. Cette région pré-
senté donc un intérêt particulier dans l'étude dé l'évolution
cérébrale.
M. Riu communique deux observations, de délire postépilép-
tique : la première est celle d'un certain Micbot qui à déjà eu
son heure de triste célébrité et qui vient de mourir à l'àsiio
d'Orléans. En 1875, après plusieurs crises convulsives, Michot t
dans un accès de délire^ avait, en une heure et demie, tue sept
personnes et parcouru huit kilomètres. Ayant eu entre les mains
le dossier constitué par l'instruction laite au moment où ces
crimes ont été commis ëtrêunissatit, d'autre' part, lès renseigne-
ments recueillis près du malade, M. Riu rétablit l'étal mental de
Michot au moment des meurtres. La première de ses victimes fut
sa femme; or, il est évident que depuis longtemps, Michot était
2H É sociétés savantes.
en de mauvaises dispositions pour elle, car il lui reprochait sou-
vent de ne pas subir ses approches quand; il le j désirait. Faible
d'esprit et croyant au sortilège, il crut toujours que ses crises
épileptiques lui étaient causées par quelques personnes de son
pays et l'accès de fureur épileptique qui s'est manifesté chez lui
à la suite d'attaques répétées, n'a été que le résultat de l'état
cérébral pathologique dans lequel se trouvait habituellement
Michot. L'ictus paroxystique n'aurait fait) 'suivant M. Riu, qu'im-
primer au délire ses caractères essentiels : la fureur et l'incons-
cience ou plutôt l'amnésie, très clairement,établis d'ailleurs par
les faits nombreux énumérés dans le rapport judiciaire. Le ma-
lade, sous l'influence du traitement, voyait,depuis quelque,temps
diminuer le nombre,, de ses, crises; son, état, meiit1 ? élaii a'1é-
lioré ; mais il est, mort au, mois , de,. janvier, d'une pneumonie
double. Dans les derniers temps de,sa vie il crovait toujours ou un
... ? .. , ? . ' ' ... ? ï 1 ? I.I,q.n·,.
sort lui avait été'J'elé¡pal" les,¡ : reusJde ,son .1)3.\'5, L'aversion que
manifestait sa femme pour lui l'avait indispose contre elle, il en
était devenu tout d'abord très mélancolique, puis son état mental
s'était de plus en plus rapproché de celui',1'ûri délûant'h ônique.
La seconde, observation est.cette d'un héréditaire,' 'dont ? là' ! folie
resta à l'état latent tant qué'l;épilépsié dôniilétâitilttéintni'agit
pas comme causn detern;l1n,nte"de srivdélie : l ? 11 ? R'iû'pïôritre
aussi le cerveau d'une idiotf dont 'rhél'nispl1èi : è'droitt'esi'udiful'-
mément atrophié; cette femme était,' par'alVséén'du"'côté'gaûche. ? ... ? ? Wlisl , v. HY.1 1 ï 1 ? W Ile ? - !
II fait ensuite passer sous les veux de la soeicte un crâne présen-
tant une fracture avec déplacement de 1 os frontal, restée ina-
perçue pendant toute la durée'de la- vie ! ' Le'malade est. mort
réceniment él'un''abéès'du éérvêau ? t'3 ? > \ Ù, \\1 \11\ ? \ 'Il 'hl \ ? r.' t .1) ? W v· t , . 11f,11 · t 1; ! %11r J.y r.m( y ll I, v.I
M. Briand, demande à combien de temps, selon M. Riu, remon-
teraitjcette fracture. Il la crôit réÏàtrvement 3;.ssz 'réè'ehle"t
pense que l'abcès ? IC ? VP,u¡ a ,l 1 ? f' ? f ? T.gue,ne ? \ I : il ? ? n
. ? "'" J ? * ,f'. l<r'ii'i;i'»(. J>. , (,1 ;'( ? M-ir» >>
causée par le déplacement de 1 os fracture. L abcès du cerveau
dont les, signes, cliniques sont, encore .assez mal détermines-^
une, marche lente et insidieuse, il, existe dans la science un cer-
tain, nombre de, cas où la morl est survenue plusieurs mois après
la chute qui a détermine information 'de 1 abeès ? ' ' ? ' z
i; - > "'UfJ.1 i . ,1l1'·y : . ,. i , ?
1\1 : Rm ne peut donner aucune date précise, mais il croit la
fracture ancienne... ),,< l , '1 r ? /' ,; . ; f. n .. t J
M. Christian pense, au 'contraire qu'elle, remonte à quelques
mois à peine; il1eslime que c'est à cet accident qu'il, faut faire
remonter la formation de l'abcès dont la marche lente et pro-
gressive a fini par déterminer la mort du sujet.. , z
' M.wtccr.I3nr.v,rn.
SOCIETES SAVANTES. 2tà
'Vi- CONGRÈS' DE LA. SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE ? * DE L'ALLEMAGNE DU bUD-OUEST1.
' -on- (j '
1, fltqt¡f'H. jln lez 'J ? 1 1 1 p
loi l' 1/ r ! 'ltiV SLESSIL)N 1).E. CARLSRLIHE
;;or... 1 Jit "0 ? r 1 .¡ '1 )
"1,....01. ? Séance du- 18 -octobre 1881.
n' I . · J 11 ? n , fyr q . , ,
'1 ? If'ëns'¿iller aulique Schuele,' ouvre le congrès par des
'fit 1.... 11 communique une lettre d,t'nbtireati de la
paroles de bienvenue ? Il communique une lettre du bureau delà
Société des aliénistes allemand»', d'après laquelle on a écarté les
revendications' proposées par motion il y a deux ans, il'I'égard de
l'assurance contre''l es''accidents du personnel'-1 des cardiens en
; 2. ' "> ' 0 fit 1 1 j ? `
service,2. ! Ml-ll 1 I -1 'Jn.. I jl, n "
. ? I. ,FUERSTNEl\} choisi comme président, exprime sa joie de voir
de nouveau convoqué ce Congrès, qui a pour rôle important de
. li."I. '1 tf 11 ? .
traiter à côté des grand congrès nationaux et internationaux, les
"J ,c\1LR¡p,es > 1 : t,nA c9¡ ? rès nali,onlI .et interl)alionaux, les
affaires ultimes de la psychiatrie. Chaudes pal oIes de regret il la
ménioire,4dele,Ri,neçhér,et Gl'elz. 11\I : 1\IOLUELiGh : It et Wundeulicii
sont choisis comme secrétaires.
Le, président propose de laisser pendante la question de l'assu-
rance contre les accidents sus-mentionnée. Adopté.
J, ? J, 'Jt j . " ,
- ru M. JoLLY (de, Strasbourg). Sur la méthode de Mchll,t Play fuir
dans le traitement de l'hystérie. Publications sur^ce sujet de \1'eir
Mitchell, notamment dans la 3° édition de Fat and blood. (Phila-
delphie, '1 884), - vul ? arisation de Playfair, Binswanger, Burkarl
(Volkmann's\ SammlU1z ! 1 kliniscJLlJ1' Vo ? OEf;). Tous les'auteurs la
» - . 1 i -il* 49". i. - * , . ' i ,i
recommandent'. C'est pourquoi M. Jolly vient apporter son contin-
gent critique d'une méthode employée par lui dans quatorze cas.
Ses résultats s'accordent généralement avec'ceux des auteurs sus-
énoncés ; niais son interprétation, quant à la nature du résultat
obtenu, s'écarte, sous quelques rapports, des opinions exprimées
jusque-là. Ainsi l'isolement, le repos, le gavage, le massage et la
faradisation bénéralesoutles facteurs dont se compose la méthode.
Chacun d'eux a bien des fois élé employé dans le' traitement de
l'hystérie. Mais Mitchell est lei premier qui les ait réunis en un
seul système complexe 3. Tout d'abord on l'a appliqué à une caté-
. 1 '
' Voy. Archives de Neurologie, t, VI, p. 423. I
Icl., t. VI, le. 431.
1(l., t. VII, p. 371.. .
? 46 SOCIÉTÉS SAVANTES.
gorie déterminée d'hystériques, à celles chez lesquelles, dans le
cours de la névrose, il s'était produit de l'affaiblissement somati-
qlre d'ordinaire entretenu par une ingestion alimentaire défec-
tueuse (troubles digestifs réels ou imaginaires). On soumet ces
malades à une sorte d'engraissement : repos complet au lit,-
toutes les deux heures ingestion d'uneportion de lait,-au bout de
trois à quatre jours (espace de temps nécessité pour l'assuétude),
on administre une riche alimentation mixte à l'aide d'une foule
de repas intermédiaires intercalés entre les repas principaux.
Somme toute la patiente absorbe une grande quantité de lait.
L'introduction d'une tel)e masse alimentaire s'effectue grâce à
l'exclusion des mouvements musculaires actifs et grâce à l'excita-
tion de l'activité musculo-cutauée. Celle-ci s'exécute par un mas-
sage d'abord quotidien (séance d'une demi-heure, puis d'une
heure et demie), puis bi-quottdien (deux séances par jour de une
heure et demie); on commence par les extrémités inférieures pour
agir finalement sur toute la surface de la peau, sur tous les mus-
cles : on stimule ainsi l'assimilation et l'appétit. A ce moment, on
fait intervenir la faradisation généralisée musculo-cutanée. En
six à huit semaines, ou trois mois, on obtient un résultat éclatant,
il la condition qu'on débarrasse les malades des éléments psycho-
pathiques ; pour atteindre ce but, il convient, de les séparer abso-
lument de leurs parents, de les soumettre^ l'autorité bienfaisante
d'un étranger expérimenté qui lutte contre leurs quatre volontés,
et leur montre l'insanité de leurs désespoirs et de leurs idées pro-
conçues, de leurs sensations erronées (enseignpmj3nt de Cuarcot). Cet l
isolement aura lieu dans une maison de santé ou dans un hôpital,
sinon dans un as,i|e, selon ja ! 11tqiqp de fArtl ! p'e de, la personne.
Repos. Dans les premiers, temps l'alitement sera' cpnptet, on
supprimera toute espèce d'efforts en portant les ? mellt; la
hpuche même. Cette mauiprp de faire s'appjique non pas seule-
ment aux cas de parajysip pu de parère hystérique, HH ! is peux
de : ;iJ11p.If} faiblesse et- d'aboulie très prpnoneées. Les malades ne
G.rdNnlysà se sp.tir qpl ! Ia,8# et sont bientôt en M¡1 f>'exéFçlter
. tes e)}'prts nécessaires aux exerctces muspujaires. Si l'pputsemont
n'est pas absolu, qn se ç¡ : ¡ ! 11J ! Ü¡ : J de prescrire je m à la sujte fles
séances du massage, et dp jf} frf·lc>ljslt;on. l.dirnezri,tio;; foyçée :
, '9P.P.S ! ! à l'extrême Mp'er411Qn des forpps, assurp la régularité
, fl¡H1 t'ingestion, montre rapidement aux hystériques ¡UJ'l}lles
peuyenj. exécuter un act^e donné et en tirer nront 1rH\ : lgl' le,§ spn-
, sations jmpgrtunes ¡Hlxq\1e ? 3 ! ? e))ps avaippt pédé jusqu'alors. Au
surplus, pe gavagp ¡ : P ! Wi ! 1t mê ! 11(J aux hystériques de bqnnp ap-
parence, voire aux obèses quand il y a anémie. A elles la diète
lactée pure durant les trois à quatre premières semâmes, (nais en
si faibles quantités qu'on les fasse considérablement perdre de
leur poids; alors on les relève par l'alimentation' t'orcép. Ya-t-il.
SOCIÉTÉS SAVANTE ? . 7
(jans J'espèce un depiaceniept des fonctions d'asin11latiqIJf pu une
amélioration de Cg fonctions ? On ne ¡¡ait, En tout cas, Je'¡syl111
exerce une heureuse intluence Inprale. Dlccs,ne et ¡Jleçtr ! att9n :
Constituant d'abord des auxiliaires de 1^ cure, elfes agissent en-
suite moralement en rompant l'uniformité de la vie de ces pia-
lades et pn leur présentant un résultat; en second lieu elle ? pro-
voquent un sommeil calme, réconfortant, réparateur. M. Jolly
n'attribue pas au massage de supériorité sur l'électrisation, mais
il est évident que l'électricité convient plutôt à tels ou tels cas.
Voici les indications qui appellent la mise en pratique de la
méthode de Mitchell. Il s'agit toujours d'une hystérie grave dans
laquelle, quelle qu'en ait été l'origine (affection somatique, én)o-
tion dépressive, spontanéité), on rencontre, à la période d'acmé
ou parfois prématurément, une diminution dp la volonté qui laisse
la malade le jouet passif de ses sensatipqs anormales, et de ses
réflexes exagérés, de ses conceptions hypochondriaques imagi-
naires, de ses erreurs personnelles ; en même temps, elle est, de
par- ces anpmalies. poussée induire les autres en erreur (Richc : l).
Tel est l'état psychique caractéristique de l'hystérie. 11 y a donc
lieu de déployer le moins d'appareil possible pendant les épisodes
çpnvu}sifs et d'agir §ur Joute, Ig. substance de l',ç ? 1pmiJh par la ! 3lq&ip.n et }'6 ! nsemb)o de l'Ql ! tmifll ! ! 11¡¡IIt physiologique précp-
ge ! 11m ! 3n spécifié. J, 9 ! 1y insiste il. rajde d'exemples sur ta va-
leur du traitement au pinceau faradique, ¡mimé (le for^s courants.
tSO) ! : .
M. Schuele. Cette méthode ne suffit pas à tous les pas. Eh bien !
n'est-elle convenable qu'aux hystériques npp alir;nées, pçI pptl5yplt-
g]lg nneux aux psychoses llytrjqys ? Que (âut-ij faire en pré-
sence ! lC ç9ncepHpQ ? ¡¡r\lt.f ? 1 : Yf : ! 9.hçJll.1riaOE : I et, en parti-
culier dans les dyspepsies sous la dépendance d'une névrose du
nerf vague, a)ors que l'ingestion ljçpqqtfijF;e en exagère les
troubles ? Doit-on dans l' ! 1spècel de but en blanc, fprcer les ma-
lades à beaucpup manger ? En ce qui le concerne, il croit p.lulOt
devoir rqqll1rnil ! l< ! H une certifie retenue.
''11, Jolly. L9 méthode ne se Plie nas aux çaj dans lesquels il
pxis.[e. des idées détirantes ! U'p.gçhgn4rj ! HI(I( ? l L ? accidents de
dyspepsie ne cqpsljlNgql ¡HP ! de £ °nlr§-Jn41Saiiea, le tracement
en qilfisliqn ieur aérait plutôt, Q'il¡¡rè9 son, oxperience, favorable.
M. FUEI1.STNEI1.. C'est un vieux procédé que celui de la Î4tc]js-
tion et en particulier au pinceau; il s'y rallie, lui aussi : qua de
(pif J'a^t-il employé à Jlejdelberg, de même que \\'f}stp \/¡ ! la
Charge, Le. badigégnnags de la région épigastrique chasse'des
troubles gastriques intenses. 11 çQnyftm simplement de se mon-
trer prudent quand. il y a psychose caractérisée. C'est'avec joie
qu'il voit grandir i'opinio)) d'aprgs laquelle |a plupart 'des synp-
? 4Z3 SOCIÉTÉS, SAVANTES;
tomes nerveux de l'hystérie ont une origine psychique ;sil souhaile
que ces malades entrent plus fréquemment et de meilleure heure
que jadis dans les asiles d'aliénés,car-,ciestrlà ! qu',il,est,,le, plus
facile despratiquer la séclusion' et' ! )e) traitement psychique. l'io'd
''llt. WrRÔwsht : =Ce's`obsérvâtioâs de' l'auteur'c6mprenhent-e)[ès
les formes vraies de l'hystérie qui ressortissent à'i'enfance et'à il
l'époque delà puberté` ? n ? ¡> ! 1ud'l% .'duo" j ? Î lmlU' )'11(1 .Il
1L1'Jtiii.ï : Noi ? éil'cé'qui''coïicerne'l'ensenrblé; un' fait' relatif' à
lâ'pûb'èrté'.1 ? 1 ? u ? *; ''>'>> ! , Iii'dô-roq iup xuqd : eivi'iq «oli ? jB*h
a puberté. f.- ? i P eivi-iq 1
J -.6 11n1' 1 il ' 11 itW , ee ,· f ·l,rrm,mL,rw. .1'\ffQ JI #t : ) 4ryi
M. SCHUELR. Les phénomènes dyspeptiques surviennent souvent
de très bonne heure. En outre, l'affaiblissement de la' volonté
chez tes personnes éxtt ! êniiJli1ent'¡>anéllliqlles'j reposé'< souvent 'sur
un substratum organique; aussi doit-on se garder de trop génie-
raliserlle -traitement, au ? pinceau avec'des .courants, faits, filais
faut-il relever le fonds, : dei l'économie.' J.Qn Lyal'riYe plutôt, 1 par
l'expectation que par. l'alimentation t : oEgt¡ ! 1eJ.li n.<} ? P ? s¡so.ma-
tiques ) priment^ d'ailleursqleüid; Jtiôris b;içhtqûé ? 51.·till : aasse
ment «moral consiste, à gagner, la malade profondément affectée
- ? --.. .'> : ",»i tiivi'i ."y- 9,««n-4 1\\ use; .(iisii'jiil iji )tAH; .Jt).
, par, le sentiment de sa faiblesse.. , , ....' 1 < tt !
r ...,1 ,l'.p ? ri i. ,110 / .c)iiprioJf"iH .'\\\1\'\\I\\)'\IJ\{ Mi
h, Mr Fl ! ERSTE,R ? Ces...an ! m ! quJc¡'jslJHs ! 1t,IP,9.SIPH.(.t ! l ! l (.U-
ment, : leur : tangue Æ, XyI,v\lc,ljnúI'I ? B ! e& p,yi,t¡ ¡¿, Æ9B plus
que. l'estomac, Le traitement au- pi2-S,1¡mtPc.ql ! ll ? jÈ}P ? IjAe
la-confiancei aux patient^ &J".¡j'jLlJ ? u;'1 sb 91nJ'ilUt( ! onu Auùt
" '-l\f : " KU\N.\ Lè' ll'aitment' psychiq ue ¡[pfme.J e, pivot- deidu cure;)la
méthode préconisée-supl'à exerce, unejs11\.llairojntluenceunol'ale,
ât la'cotidi Lion 4qu'elle soit bien,rjVet)éejpar n^deçin.jjj ^
1\1. JOLLY. La guérison aussi promfJle"quol possible , : ¡,vo;là L'objec-
tif. Que d'existences l'alimentation forcée des aliénés n'a-t-elle
rl.,lfr.(y 1 T J T J J - J 1\
pas sauvées ! 1/ : r.1 JG1f jilia ^ 1 Y.ULTOT 23UIt1llUtL 8Ti.Ta
....1 I' 1'3Jt JlOJ .
M. FRE(IS13EIIC, (de-Sarreguemines.) Le nouveau projet- de loi des
aliénés en France. Après un 'historique' sur la lui ? dë : ·IS38,
l'auteur, expose les motifs qui ontrsuscité ia'révisionl'jt'en 'résume
les conclusions. En somme, d'après lui, le nouveau/projet de loi
1- , ...' 1 1 , il "'¡,III... ? Id
proposer des, mesures -de-surveillance-plus-ou-moins vexatoires, en
1 l 1 ..Il .1 1 ? 1,' \ - .
partie même impraticables contre les asiles d'aliénés, il ne constitue
plus un progrès d'assistance dans le sens humain. Bien des'*à'lié-
ilistes 1-fi-ançàis', proteste titii énergiquementpel1 condamii6ntl, ! Ces
innovatiÓus : I,.III'fJI9u j¡juo I'I ,j,. iu. hH,t 11 ! Jli : ,1,'111 ,lill,WÍI 1;1
Discussion : .' ' ? 5n)-ci)utt ",noleitJ euuii 1Jp ao J9 J
llllUE·ItSTNER. N'é' è[.uïipls '¿rué la"è0uuaissalice 'de 'cé tte' '1 o i'a il
éveillé parmi ses compatriotes Je désir de posséder un semblable
monstre. Voici les points discutables :
lu Surveillance de chaq'ue'aliéiié par l'Etat; ^ 'vu > ? t vo7 i
.3" Droit exclusif du'directeur de retenir les aliénés dangereux;
SOCIÉTÉS' SAVANTES. 2 M
ji3°ÎDécisioiiS'i'elatives aux aliénés qui ont commis des actes cri-
minels dans les asiles : (' "1//1'1. > i » m j, ., .
'04° Admission ! provisoire de cinq jours. , r.
D'où vient ! tout ce mouvement ? Pourquoi cet abaissement des
idées en,France ? Pourquoi un leldéfaul d'énergie chez les alié-
nisles français ? 1« .. a', ? ! l'l ? 'l"" J '
M. L7ncour.ac. C'est contre certains asiles privés que le mouve-
mentla,dfabord été, dirigé, car en France, il existe deux catégories
d'asiles privés : ceux qui possèdent, grâce à leurs riches clients,
une existence indépendante; ceux qui font fonction d'asiles
publics , , '"<'' ....
H-<K.< 'ti J ii uu-.i ? ii, In. Ili 1 rr Í. ni of If ; . ,
1 1.J.J¡l.Jll5-, s'éteve]ContreJaiVisite obligatoire du mandataire de
la. qt,'1J dJ -Ill- U."U ¿ : fJu.JJfdJ ! t : GoJ i,.ji,dv ,
'IL) ! ' JoLLY'. A'-t-on,' à côté' des décisions vexatoires, mainlenu les
bonnes et saines' pratiques de'la vieille loi ? Ioi t i
u'MJrFiiEusfiËRGl.1'Le'i ! oùvêau projefaccentucMa tutelle provisoire
des' aiiéilés'/Í1 ! i¡ inslittÍa[¡t rtiil' curateur' provisoire' à' leurs biens.' : 1 : 1J" "1J" ln ? ? J't¡n(l 9["'1. J" 1;1.' >;;> , ,
M. STARK (d Illenau). Sur la situation actuelle de la question de
lu pa ? '«MJ/t)/(/e.Historique. Voir" a e'sujet, lalhèâdellercccna 1
tlo«t;11 : 5Laih iT'û d'âilleürs pâs eu8ntiaissànce; outre que ceara-
'vail tient c5uiiptél'dé ltiüs ? les"éléïùent's chi« liques,t'car; comnte le
"dit1 At"'Stark',i tt'·tii's`tnitiléëiifésl`c ? l`déli;ÿdî ? fôrütelit,'eulse ,couden-
sant, une molécule de paraldéhyde r3t. : 2 H40 ? C61P2 03J; résume
la; (1 ueslibn.leh lièr'eI : JIl /'apportanhlllt con tingenL 1 de ! nombreuses
ubservatious.lttérapetitiques'toutesinouvelles : iautuv '( ubnW, 1
M. Sta'rI23 ? üë sli"ëôtéllbhlè'i1Ul'léll;é : ,ullls'suivants¡àll'asile
d'llleüaû depuis' novmbre iS83 : nq ¡aWJj l : uei'T§IT 6J . .t uol M
lll.i J 1\ U ")11"¡(13 2Jb 90.')lo'l IIO¡J.6Ú' : Jlllllj,'1 ctiU'I·l,t tr ¡ ..1111 '(,
, MOfIBIDES TOTAUX RIÍSULTAT, RIÍSULTAT
ÉTATS MORBIDES TOTAUX Cl)111'LE'f T DEMI-IIESULTAT. 1Nu't ? IoA : ST '
;. Ù' jet si V<\i/\q JT11'n -Jf1 .1 ( ? 11t1'·11 : 9T711 lb) afl.i"" 131f', . .1/,
,1,lârYpuit : · ? -iUt ljupnoJaiii1 nu 1<'i'lIf.A - ? m.\Y\"l ¡1 : 1 r,vr,41·c
Il,,0 : e}\ra3héne' : J1<iv ? ¡¡j "lj'Jcll-2mo 11111 dIJl"'I' ri ? 3' 1 slu 1
Exaltations. 54 1 44 b 7 ct.'i 3 u 1
Uepi-essions ? ",11891 I,ul ïl ? b ? 4 "'i ? >* s> 0 r'
1 e."rSlOl1 v uu ' TI11 ni : , '.
,n I.· 7j t, .·ill-1 : i ? a ! 4,r10"tri,tlJi'yGt`I,UW·,S 010
, ")U.jn-<i.i ? tt ? ? f ? itu<< ? ) ! t-( ! it... '
"CS'1CllJJ2UrC : yytlTll ? ,, (i . ? j, ti^fll , , t, u
- 11. Fuerstner. D'après,sonlexpérience,on)s'uccoutume si vile à
la paratdéhyde qu'il faut en élever continuellement ! les doses.
C'est ce que nous disions nous-même 2. Il ? . .. l\
lL,doLLY ne partage, pas l'oP.j¡ÜÇJ,\l"4.lJ ? S ! a\ ? quant à la solu-
lJiJilél1" -. , 'l' H'I h ? >3 , ,. ,.
tl,u .' dl ? 1 J" ", .. j . z
1 Voy. Anchiues de Neuroloyie, t ? VIII, p., 100. : ? ..... " l, "IIJ'"
= ld., loc. cit et conclus. î et 90 de la tltèe clo Nercam. 1
2O SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Stark. A + 15° C la solubilité dans l'eau atteint 10 p. 100.
M. JoLLY la dissolvait à l'origine dans ]'.eau,Ievin,Iessjrops,'
mais elle s'en précipite facilement si l'on ne fait pas une minu-
tieuse attention. Aussi; plus tard, ! i ! oqn1}-t-il dans le cognac et la
teinture d'écorce d'oranges (proport. : 4 : ); en administrant la
quantité voulue dans- un verre d'eau. Il a, dans les états mor-
bides les plus divers où il l'a administrée, obtenu, en somme, le
même résultat qu'avec le chloral. Mais la paratdéhyde admet des
dpses pjus hardies que le chloral. Malheureusement on doit très
rapidement en élever les doses à 40 grammes. En revanche, en la
suspendant de temps à autre, on se débarrasse de cet inconvé-
nient. 11 est difficile d'en formuler l'indication spéciale à certains
types morbides. C'est chez les maniaques et dans le delirium tre-
mens qu'il a obtenu les meilleurs effets '.
M. STARK.'Une malade atteinte de folie systématique hallucina-
toire qui depuis des années troublait le quartier par ses cris, avait
épuisé sans succès tous les' narcotiques ; la première dose de pa-
raldéhyde l'a ' sur-le-champ fait dprmjr d/un sommeil calme.
L'actiop dq médicament pprsista pendant six nois. Les hallucina-
tions PI ! p'rgJ1pjirent plH j elles paraissent cependant être réap-
parues dans ces, derniers temps. \
M. EUEnSTVEIG.C'est chez les mélancoliques agités et dans les
états aigus en général qu'il a enregistré les menteurs résultats.
Résultat très variable chez les paralytiques généraJJIÍ' Assuétude
rapide. Chaque cas, exige une surveillance pendant l'administra-
tion du médicament'. , 1
M. Stark. C'est un médicament à essayer. Les injections sous-
cutanées ne lui ont jusqu'ici donné que, des résultats négatifs.
(Voir à cet égard, Thèse de Nercam, conclus. 12 et 13).
M. Wildersiutii. Quelques observations sur les troubles de la pa-
role chez les idiots. Les différentes formes de l'idiotie ne présentent
pas, relativement à l'étude des troubles de la parole, un champ
aussi profitable qu'on le pourrait prétendre à priori. Il y a chez
ces malades, association de troubles intellectuels, sensoriels et
P1oteqr, qui forment un tableau morbide très complexe dont
l'analyse, à raison des allures psychiques des idiots, est hérissée
de difficultés toutes particulières. Nous pénétrerons dans ce laby-
rinthe en nous guidant sur les travaux de Kussmaul etWernicke.
Prenons d'abord les dysphasies et les lalopathies. A cet égard,
les anomalies du langage chez les idiots se décomposent en'deux
grands groupes : I ? Cas. où le trouble de la p{H'/Ûe est i ! ? .$prçssion
1 Comparer avec notre communication Ma Soc ! 'e7e mcdico-psychoingique
(Archives de Neurologie, ip'c. cit.) et avec ]a. éonslusion de Nerparn.
2 Même observation- Voir conclus, 1G 'le Nrrcam,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 251
directe cl2c tro2 ? 6le g ? ltc·lleFlTCe j depuis l'idiot complètement muet,
.jusqu'iL l'arriéré capable d'éducation, le trouble dp la parole cor-
respond au cercle étroit de la conception de ces êtres; ils man-
quent d'un bagage de mots richement fourni et l'association ra-
pide est défectueuse. On y rencontre d'abord des exemples, en
grand npmbre, chez lesquele degré auquel est restée la vie
psychique et son expression principale, Ja parole, son analogue
dans les .étapes que l'enfant normal doit parcourir pour son dé-
yloppme ! 1t intellectuel et verbal. Tel est l'arrêt de formation
ve ? ·6alevf.yVildermutli en esquisse quelques exemples. Au degré le
plus inférieur, l'idiot ressemble à un enfant des premières semaines
'de la vie, c'est un, , ! l¡tom1l : le végétatif, réflexe (1 observ.); à un
degré plusvélevé, op'a sous les yeux un enfant d'un an et demi à
deux ans qui émet des onomatopéesiunisyllabiques (t. observ.);
gravissons l'échelle, et, l'articulatjon aipsi que le bagage verbal
progressant, nous constatons plutôt un défaut de syntaxe el de
grammaire, un langage qe.I1éb)e,que celui d'un enfant de deux
4 trois ans; tes verbes ne, sont ,mis qu'à l'infnjtif, le personnage
ne parle de [lui qu'à, la troisième personne, mais il est capable
d'écrire correctement mots et yop.< ! h ! e'1 il fait des, imitations pué-
riles de ce qui se passe autour de lui; incapable d'éducation, il en
impose au pronostic (imbécillité congénitale). Dans ce groupe se
rap¥( ? e,I)CQr ? 1es d,éfcluoit qui rappellent plutôt l'incprti-
tude ct'yn'adylë,aPFrenant,à à parler une'Jaiigue étrangère (parole
et articulation ÇOI'l'CC,ts; ,n)1 ! : js,dé\g ! 1ati ? ns adverbiales fausses,
plépnasmcs, paraphrases, confûsrôii de mots à peu près' sem-
lalahles) l'impossibilité de prononcer correctement (zézaiement
des arriérés) - les dysphasies quiutiennent à une anomalie'dans
lp'dél ? it de la conception'^parole traînante ou élocution abon-
dante ayecchangement'constant de spjeLs' eon1me chez le ma-
ll ! fiq ! 1e pu le fou systématique (idiots, et microcéphales, 'avec
répétition des dernières syllabes)'- tous faits à pronostic défa-
vorable, 2° Cas pilles troubles de la parole sont, non pas la cause
directe, l'expression de l'arrêt morbide de la vie conceptuelle, mais
une cQI/1p{fC(tti011' ç1(J l'idiotie. En nous en (tenant aux-dysphasies et
aux dysarthies, et eq commpnçant par les dyslalis fÎ1'cpiq[1s,
nous, rencontrons d'abord un' trouble de farticujation très ré-
pandu pliez les idjpts, le balbutiement, qui. en même temps sert
de ri1niqpp e ! Ü ! 't ? nos 4^y groupes; puis,, des il ! w\'re(11 ! H1s
dans ('émission de^certaines, syllabes, déchets epalen')pnt mevi-
tables dans, le développement de la. parqjp normale. Les mqgjla-
))es, dans le ? fgrnigs le¡¡ p ! U& iYrs1 f.ejs }e sigmatisme, le rho- ? Rin1 ! h le gamrnaçjsmo se trouvent, ayee d'autre ? rq ! gJ ! I1 au ! IWi'1 chez la motte 4e§ arriéres ; gé¡ ! êrH ! ¡ : jme ! 1 d'Qv4re IpOl1r,
pqo pgl·turip(jqné(jt, en un cas de ('auteur, une dé,feçtyp7 : lé
sensorielle; tellg col|.a J \ H 0 1 L 0 tjp j)jxans,api))u (i'iI\1h ! Jj ! IM
252 SOCIÉTÉS SAVANTES.
modérée.'capabled'instruction, qui, qupique parlant correctement,
l,ronbncé : i·.'s. ts : 'tsclv. . unil'ormément cornme le ^t/aanâlis. Llle
éCl'il"exaclell1en t.. ce's, lettes'quand, elle ? eopie"yfais ne. peuplés
répéter avec leur valeur,articulée;,à Iu,diétée,elleilesééryL o;ité;
ds ! Les troubles de d'articulation qui s : eq'eclilI,L aU ? }IOI.u.ell.t1¡9
il s'agit1 déformer* 1 de", syllabes et- des,nroLsse présentent sous
'deux aspecLs : ,Voici, en,premier;;lieu,,le,lylb«tieinerit t.rèsâécen-
ttié pendant là forniatioIl ,dencertainsq1\OllsJ' ,c : estl'impossibililé
'd'émettre distinctement' les consonnes, dIS( ? Fiqll ? 1 ? a,H< ? l¡HI
indist.incLe.difficitc à;d6nnir,- c;cne ou empêchetotalemgntÎdfor
niation dessyllabes ctdes mots; quand on essaie de les D ! jl;e\Plal;\.r,
les patients font entendre une,qllanlité. de 90nMlHi ? J)l19mlWJ,r¡l ?
quemenl-el, spontanément, i br,dpm,euren t. ,i nf,¡¡.p ? b ! ? d ! 1,p¡rJ : \e ? Cs
'faits témoignent touJ' OUI'S cd 'UII lrou b 1 el1\svcb,iclue Otrès. ac ? e¡ntué;
'très'a^ilés; iuattentifs,,distrrrits;rils,caressent,,certaiyes : uarqlLe,
eL'sonL'sujets à'des sympathies et si ! dj3 autipaLlne,s, inéylicaliléa ?
'mais,' ce quiles'ditférenciesdes" iqjols'ê 1f1.tPr.eJII i ? H¡'P'YH f),e 'bC : 2 ! jt
qu'ils' ap'prennentpcoiuprenneulji cou nais-jeiiJLj.jles,, (personnes -, dc
léù'FêlÍ ? lIrage;r,pal'licipent ai lai vie; extérieure,het.rre,pdëut quel-
'1] ú,ès 'se l'V, ice.\\t.e\(jel\xième'j aspect,) cqncrIle( : uIle.. Pfqlçl confuse
'dès;4 u"q1autiliel' les' S011S;' cette¡ parole ,vague, noyée, llo,u¡ carac,-
teri'sééJpürune·énii ? iou·néj : liâée r.des.cou onye,s; avc oubliée
certaines syllabesmolé,a;falipartientr è.nl'itrrLécillilé,moyey,e et
'léâèi·e ! trl'els`ce5wdow 1 malades" ,e¡ u articulent, bien,,mais,.qui
'n'a'rrivent''pas'à'fut'mei' ies'mutst ma ! gr6.'ieur,développement in-
tellectuel1 relatif, ''si bioiyu'iliy,allieu de sei.demajider si ,1e, trouble
'de 1 la J 'pàrol'¡d en ""bopposanll à' : Iéclucatioun'et ? pâs ,aeveyut ? Îa
c'dïis'ef,de1 ! ràrrèlrde' dév'eldp'pem'enl-psy'chique.iDans ces,deux,ca,
'n'y'avait en'même''temps hémiplégie' droite et) contracture mo-
dérée ; le balbutiement du premier malader : était,,évideurnrept
d'ùéigïtii,luillïaire; sinon- On eût'obtenu,"par un traitement ration-
Í1éJl et J lIIélhodi quc',i 1 un ''excellent résultat; L'al' bopenenLsy)I1 ?
Licjùè,l rai'emèuCpur'chez·lestidiots;' existait prononcé,chez deux
soeursmicrocépbates j'émettantpnetlement ides lettresnisoiées,
elles' faisaient' un1 faux' pas1 en artic'ulanl i les < mots; jellest disaient
par exemple Kraukrult au lieu de N'ranhfurt; une autre fillette,
imbécile, capable d'éducation, n'achopait que si on lui donnailà
repeter des mots dont elle ignorait le sens alors même qU'Ils ré-
sonnaient comme des mois qu'ellesavaitsprônoucér : Bégaiement
pur : l'auteur'n'a lpu le : renconlrer.ndaus r l'idiutie., Quant aux
troubles de 'la' parole qui rappellent la> paralysie générale, trouvés
'chez un groupe d'épileptiques* assez semblables à des paralytiques
énéraux;bieu <luewl'élrilepsie ne fût pas ,chez, eux symptoma-
tique le moins du monde, ils témoignaient' dans l'espèce (5 obs.)
d'un mla,uge Je balbuliell1ent etd'acbopementsyltabiquo ; l'écri-
ture offrait tous les caractères de la paralysie générale.. ·
SOCIÉTÉS' SAVANTES. 253
"Autres syndromes rares ! Un cas d'l1phasle l11oll'lce, F¡JIt;\tllln(.e
en' février 1874, arrivée à'l'afiile' en''octobre 1 S70; débile dès sa
naissance'; depuis sa première année, convulsions du côté gauche
avec perte complète de connaissance,' sous forme- d'accès laissant
après eux'unë1' légère' parésie des'extrémités du même côté; De-
puis quatre'ans,"ces" accès' ont disparu- sponta;tément : ,L'enfant
n'a, jamais parlé bien qu'elle'comprit1 touticei qu'on lui , disait et
qu'elle'' fût1' capable de' développement intellectuel ; en effet elle
connalt un travail manuel facile; peut-écrire certaines lettres soit ? ? ri¡Í1trs'o(t s'oui; ta'dictée, et imprime)àji'articu ! ation du seul
son' qu'elle possède : 'du son' en toutes les modulations quiitradui-
sent les divers' sentinients ? Evidemment, c'est île-trouble localisé
>de' là"parole"qui.1a/'nuji a'ul développementl inteJJeclueJ : - : Un cas
d'aphasie sensori&He.'OEpiieptiqué entré à'Stépbansfeld ai l'âge. de
iiéuf ans' : 'dix1 â 'douze' accès par môis;bn n'a lien obtenu.au point
'de : vii'dé11'ëns'elt ! Hel\1bnl nifdu traitement; il a conservé )ejmume
.'JFigag'é1dè'Tmots ! ( ! L d'expressions alsaciènnes''fqu'a sonjarrivée, il
les iÍppliúe'tJu'I ! este"co'rreètemènt : lles¡personne5, ebdes choses
"nùuvéiies/it tes' désigne par analogie avec des ! objets déjà connue;
'il 'désignera ? 1 par' exempter son' ipfirmierll1Jetit-]mpa, Il l'éc.99.n¡.e
grand-papa, il eréera" des' mots( po UI" spécifier. cerl ! lill j -jouets ctel,s
'¡iue[aës' sol dals : 3l\ui pose-t-on : une question..dans.solydialecte"il il
Ise 'dÓ'i1Ρ el uhe"grandèJj1ei ne, inutile^'d'ailleurs, po urI, comp1;gdrc ,;
ilt'déilîlnde"'fréq'uémmént ce.que l'on dit,rapprouve,lripmphalc-
'm'el) l' éi1SJançant}lIne )fexpressionj'barhare j qui.1 géné\'al,en ? I.t ? 9,e
correspond' pas au IllonJ de' la'Iquestion ? iul pli,i;nomèue,paral3;
'tiqiiè; ln II rtroublé'rderlausensibiÎilé; caractère, hémijaléral des
accès (¡Ù'édolll i nahce àddroite; de BLfls,)cs J conv,Il.ls,jl1lJ d,I; ! [IJ,II¡l
bien piu's'iongtemps.dans l&-,domaine dujfa.cigdrpit quedans)a
¡J¡il i I ? ne ps, dans , d.ul.fa,ci.I. dmit qY./t P ? lI).S ,i
môme' région : à ? auche) : : tn '1¡I1l'J HI ul, ltmm ,¡Judlhu : ,1 ..i-i ♦>>
'' L'essai 'précédent ! nei repose ! peul-êlre : pa.s S\Jr .1lnL}},Qn ! ! l ! l.d'oq-
- 'sër atidns;asei eÓnsidérahle ;.l'anatomielpal,ho\(lgiÆf,e, ? tlg.is5e
'de'côté' à'-raison'' dutupeu .· de Jdocuments,. apparten,yt,à hauteur
dUl;-mê me;llIcn a' eu; 1 ocaaSlonl que; de, pr.at,lqurl.t\,olt autopsies, et t
encore'n'a'-t-il pu procèdes qu'aides investigations-, macroscopiques. ? j)iSll ? J ? : 'IIW . J"luli1u¡.'¡>J >< uml Uv JIJJ'UULIA '.t.f'.U170 '11'1 <j
1.. UdUiJ 'ltj IiIJ 11" filPI toJ.'II'I ? Il u" 1 ? 111. tn f i " ·.I ? n.1 " ? )AI. JOLLY, s'élonl1f',d ! }, la rareté, de 1 aphasie ; il 1 attribue proba-
., , . V ,. "- ? ' " ? U ? 't-J Jill eJOtU r-l.'l 't-'jn'J)1
thlement a la divct;31té dés,âés..l lrh ,JOfll anÎl '111111111 : .1 ?
j'if.W'1LDP : rIüUTHUn eufant;olservépar,luiprésentait;le trouble
'que vôicif : 'ilr ne=plaçyitl jamais, l'ajectif ,comme,, qualificatif"d'un
subslaÍ1lif.'Ji 1 t'OI'mai LI toujours' n.\'cc cet, adjeqtif. une, proposition
spéciale'. Il disaitnonpa'i : ! C'est IIlIe.loqglle,lJeHe ;fJI1ai ? ,' bien. :
c'est une ficelle qui 'est longue.'olU"j -II ",[¡fI/'111 ne dIlOIJ' il -mm
'" 1\1. l uiis'rt : ne ? Voit' on" f réqutJll1lllelJlIJat parole existante dispa-
milre sou l'illlluence d'affeclions cérébrales ? ' pt "t"
254 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. TILDEIt111U'lti. Les observations le prouvent.
M. Fuerstner. A-t-on, dans les cas cités, constaté des lésions
anatoniiques ?
il. VVILUIsIiMUTA. Je n'ai eu que Irais fois l'occasion de nécrop-
sier dés patients ayant souffert de trouble très pédnohëé de la
parole. Dans le premier cas, un homme, complètement idiot de
naissance, né prématurément (à 7 mois), n'avait jamais parlé,
n'avait même jamais présenté de rudiment du langage; mêriië au
début, il était complètement incapable d'éducatiôii. 11 mourut de
tuberculose. Aztt6psie. résidus dé léptoméningite chronique,
particulièrement prononcée à la c'onnexité ; degré modéré d'hy-
drocéphalie interne, asymétrie des hémisphères quant à la dispo-
sition des circônvolutidri.'s. droite, la frontale ascendante passe
sans interruption dans la scissure de Sylvius. La limite entre les
deuxième et troisichie frontales est occupée'par un endroit dé-
primé, mais non porehcéphâlique. Là branche perpendiculaire
de là scissure de Sylvius est étendue ; la temporale'Supérieure est
atrophiée à un haut dègrê ; l'insulà n'est plus couvértè : 'A gauche
lê rameau ascendant de là scissure 'de Sylvius est également
long; aucune lésion1 dans la région dé là parole, là froiilalë âs=
cendaitté ne descend pas dàtis là scissure de Sylvius. Le second
cas concerne un enfant né prématurément six mois ; entré à l'a-
sile à l'âge de 4 ans, il mourut peu après de pneumonie càtar'rhale.
11 n'a jamais manifesté aucun signe témoignant d'une activité psy-
chique spontanée, il n'a jamais possédé la parole articulée ; il n'a
à sa disposition qu'une seule espèce de plainte pour exprimer ses
besoins. Il est àlteintde convulsions tôutesspéciàles qui surviennent
fréquemment au plus léger èontact et se traduisent par de courts
mouvements d'extension avec opisthotonos : Autopsie. Circonfé-
rence crânienne : 40 éentim.; toutes les sutures sont conservées
excepté la suture frontale; calotte très mince avec places lrahs-
parentes en plusieurs endroits. Méninges molles d'une couleur
trouble en plusieurs points, notamment à là convexité, avec tumé-
faction gélatineuse. Poids de l'encéphale = 623 gr. ; hémisphère
gauche plus petit que le droit; diltérencecorrespondante dans la
couche optique, le pédoncule cérébral, le faisceau pyramidal.
Mille asymétries dans la disposition des circonvolutions. Le sil-
lon de Rqlando rejoint des deux eûtes la scissure de Sylvius. Le
corps calleux représente une mince lame de substance blanche.
La troisième frontale ne présente ni à droite, ni à gauche, aucune
anomalie, inais des deux côtés la temporale supérieure rétrécie,
étiolée, offre l'image d'un peigne et fait un contraste considé-
rable sur le reste du lobe temporal bien développé. L'insula est
couverte. Les ventricules sont dilatés. Le troisième fait est re-
latif à l'épileptique idiot, dont il à été question plus haut (2° 6b-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 255
servation du 4.r groupe) ; l'autopsie décelait une ieptoméningite
chronique de la convexité, avec hydrocéphalie interne considé-
dérable ; aucune anomalie d'ailleurs dans la région dé l'insula, ni
dans les parties environnantes.
M. STAM. J'ai examiné beaucoup d'encéphales d'enfants idiots
privés de la parole. Un grand nombre d'entre eux ne présentaient
aucune altération dans l'insula ; en revanche, en un cas on
trouvait un développement défectueux de celte région.
. i
- ' Séance du 19 octobre. '
. l' f - ' '
Présidence de il. le conseiller auliqrie ScxtiLà.
. t. 4 \ J.
M. RIEGER (de Wurzbourg) . , Sur les épileptiques dangereux.
Cette communication lui est inspirée par les propositions de
joli ? Limier, Pélmàù; etc. 1 sur l'assistance des épileptiques. Il
appellera l'attention sur la catégorie des épileptiques dangereux,
bien connue des praticiens. Ceux qui sont les plus difficiles à as-
sister et à traiter sont incontestablement ceux qui par intervalles,
sont en partie complètement calmes, normaux et rangés, tandis
qu'à d'autres moments, sous forme d'accès, ils deviennent violents
et même criminels, sansprésenler d'attaques convulsives : oubiéri
on les exclut eri principe dès asiles, ou bien on essaie le plus vite
possible de s'en' débarrasser. Ces malades ne conviennent pas
aux asiles ordinaires d'épileptiques (voy. celui de Wurzbourg),
parce qu'il sont un germe de désordre et que leurs boris moments
sont trop pré'ciëux pour leur entourage. L'Èfàt a donc le devoir
de réduire à l'impuissance dès individus qui deviennent de temps
à autres nuisibles éi ,de fonder pour eux des ecildiiies Où, étoic
gnés des aliénés proprement dits, ils puissent se livrer ad travail
et jouir de la plus grande liberté pendant les périodes d'accal-
mie, voire au sein de leur famille ; au premier signal on les inter-
nerait sans bruit.
Discussion :
M, JOLLY. La différence des cas empêche d'établir les principes
généraux. Plus les accès sont fréquents, plus on doit les détenir.
Les épileptiques à accès rares doivent trouver accès dans les asiles
d'épileptiques, tels que le quartier de l'hôpital de Wurzbourg,
mais il faut avoir à sa disposition des locaux d'isolen1ent qui y
font complètement défaut. Quant aux épileptiques dangereux et
criminels, les mêmes conditions, les mêmes difficultés se pré-
sentent que pour les aliénés périodiques; quand lés périodes
1 Vôy. Archivés dé Neurologie, t. V, p. 369 ; ir, p. 291
256 SOCIÉTÉS SAVANTES.
. t ,. -
d'accès ont suivi leur cours, il faut le.; congédier, niais. lacondi-
tion qu'on puisse assurer une certaine surveillance ; c'est à l'Etat
et aux autorités qu'incombe le devoir d'y veiller. ,l' ."
M. KIRN. Dans le 'duché de Bade, on interne des- épileptiques
calmes, mais obnubilés, dans les hospices; ceux qui- présentent un
trouble de la connaissance grave ou qui sont dangereux( pendant
leurs paroxysmes sont reçus dans l'asile d'aliénés de la région. 1 ?
M. l UERST\IsR. Cette question comporte quatre catégoriesld'épi-
leptiques : 1° les épileptiques inofIensifs,t faciles 1 à''¡1Ospitalise\'
comme à Wurzbourg. Ils ne sont cependant pas aussi. inoffensifs
que veut bien le dire t,Riege : ¡ Vn¡¡. l',vp 1,l).,nce, V-Iédipale conti-
nue et des visites quotidiennes, sont a.I]sol,ul1lcnt<lnécessaires,
l'établissement en étant responsable; ,2° les malades à psychoses
aiguës passagères, à traiter'dans une'' maison ^'aliénés, à congé-
dier quand leur 'trouble psychique a'Uni son évolution, car.on
, 1 ? t'OIt"I ? ¡,'I' ."1' -. 16 - ), ? 1
u'a dès lors aucune raison de les garder; 3° épileptiques a accès
..I 'l ? ".1'" li'- 1 1 1 ' 1 tl oh) .,¡ ? 1.1 ' *
de manie périodique, avec intervalles' en quelque sorte lucides,
incombent simplement à' une' maison d'¡dié'ê's ;'1J4 épileptiques
criminels. Il faut savoir si la prévention a été écartée on si l'atfec-
tion s'est manifestée pendant le'temps'de'la pénalité.. Dans les
1 -t , -te, à, 9
deux cas,il'faut faire intervenir l'asile d'aliénés ? Pendant les bons
deux cas, il.faut faire ! l1te['vellir aSI e a ]e ! ls. en ant les ons
moments, liberté modérée, jamais on ne leur permettra de s oc-
cuper dans les jardins, etc.' ? ' I ..(()r '" III' W 1,.....t.q ( .
1 l ,')1 Il ' 1 111 11 ^i, tHI'U(' 1) · tl ' L1 f .1'
M. WiLDKKMUTH. Les asiles d'iiospitatisatiou sont, suffisants s'ils
sont munis de locaux d'isolement. En. ce qui ,concerne la sur-
fi" "' * ' ' ? si 1"iieiii'ment
veillance, on est averti par les auras fréquemment identiques.
Le' caractère de la psychose se, modifie souvent chez les, jeunes
épileptiques : au débtit" s9 ! FejJl,les Itat;,) t : \'<;1gilai ! J' sont" rl's
médiocres; quand le malade a grandi, il peut, devenir très dan-
gereux. L'orateur se rappelle ? en c,mom,en"unt lalade,qu¡"à à
l'orieine tout à fait inoffensif, devint plus tard, extrêmement
a-ressif. . # 'i).' , Il ? t' . t. J J . $j 8
agressif. ' ' , 1. - 'Jl tll ! )tl#i ) 11 t( f " <"
M. W,\LTEl1. a, pour ainsi dire, eu.la, crème des épileptiques à
Pforzheim. Il insiste sur les désavantages qu'il y, a à recevoir des
épileptiques méchants parmi les, tranquilles; ceux-ci sont agités
et gâtés par les premiers. Aussi prendra-t-on ses mesures pourl'a-
venir à Emmendingen. On pourvoira;de cellules d'isolement les
quartiers d'épileptiques proprement dits. Il n'est pas nécessaire
d'avoir des établissements autonomes. , .
M. Rieger. Toutes les difficultés gisent dans les alternatives de
périodes de calme, de raison et de folie. Détenir dans un asile d'a-
, liénés n'importe quel épileptique sous prétexte que, malgré ses
allures normales de la période lucide, il peut toujours commettre
un acle qui le rend dangereux, n'est pas praticable surtout quand
ces phases anormales sont rares. D'autre part, est évident que,
1 .r,' : , l "1 ,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 257
,, r i, ,11 1 JI j ,r¡ n l' 'Id .1 -ill'i 1'1 1 Il 11- j t
lorsqu'ils viven en complète liberté, on ne peut toujours s'opposer
à un malheur. Qu'on les soustraie au châtiment, ou, qu'on les
livre à une condamnation à l'issue de laquelle ils sortiront; la
société saine'n'a que des préjudices à en recevoir. Par conséquent,
il faut trouver un système qui, permettant au malheureux de tra-
vaille, avec ou sans appui''dè l'Etat, soûs ûne sur veillânce donnée
dans 1 un endroit' déterminerait' l'avantage de 'lui 'octroyer une
grande.) liberté; une'grande) indépendàiice\aüf,ra : ú besoin, à le
préserver, deJlui-inême : .1t-I("lInm £ Hlp' ,(\,.1\1,5 -ni "1 "t'f'o'
r ? ff ¡1 "H1 JI ? ..., ln' 1 ? rt Il i t ? r' ,
·3141.aSCHUELÉJ OUi ? il faut une assistance spéciale pour les indi-
vidus en'qdcstionY'mais l'Etat ''seul est'1 impuissant dans l'espèce';
c'est a'1 assistance1 privée qu'il convient de's'adresse . < , , ,
.r'1 ? f' q ? h""1 a41 o( 'lht.h'T.1q2 ? r Jnb ? U j ... "n'1- J ri ? *
M. Witkowski. 1S1,1 ? Q ! ff,{q'Uyf.r phénomènes, C £ ê ! uts épileptiques, et
éontittéûx. 0'u l'on a; complètement,méçpnnu,,les, nouveaux
points de vue que ai fait connaître relativement l'appréciation
dé'S'in1uÍifeH¡\,'lio';}sJ é¡\ilcpt'Óïdës' et, autres semblables, ou on, leur
àâd4éssedestoliJeciyocis. J (rx¡ns r.o1,1tjl,slHif,ql1 ? ques côtes de
celte .question à laquelle" j'apporte (le nouvelles observations : , , il- r go, l' I" ., .4, a 1 , 1, ..
recueillies dans le courant de l'an dernier il, ) ? '- (lI'J'
...q ,. t '\)I ? 1 "1 . " il , t; f 1. "J¡ J.. 1 ., .....
L'f ? aqu lé'p'}lfP.lisr1,l, sous form¡¡ ? tf¡jPJL.1 : ! flyt,iQuc ,momclltulle
(Allg.'ZeïLtschr. r psych"ftXXXVll), ,sans "autre trouble, s'observe
1) ( 11ft. ',1 -rd ,1 i IL .... ....... , mais encore sous celle
non pas seulement sous la forme bilatérale mais ..encore, sous celle
d'hémiplégie et même de monoplégie ; j'en ai vu récemmontl ûu
mip ,. .. "1.1 t,l zip. z
fait dans-Iequel"la 1 paralysIe 1s'dall limitée à une, Jambe. D'où
vient1 celle'1 brùtalé"interruption' de' la' ëOllactibilité : "voiolii'e
, 1 ' . -n , ......., ., ? ...,r ? ?
remplaçant les'troÓbfds"de la'éonnaiss ! iiice ? Il '¿ü;;viènt déJs'ongèÍ'
aux 1 pi>intsùê l'eiib'ép1îale Óù' lesjtrâctus'1 moteurs sont, condensés
(capsule interne)'/ou encore à la substance -rise du` plancher'du
troisième veiiTri'culé`(centré dé Chéistiâniét ? eçht.r,1)'¡ Eni o
cas,'n'y'a y 'Il' # Ill,ll", "' " 1 11, ." encore,inconnue,
cas,' il1 y lieu'de ! supposer que la modification, encore.inconnue,
. J 1 i ,... 1 \ ? i, f -in ? m' t., , 1 ? , "
qui préside à"une'allaque d'épilepsie'n'occupe' pas'invariablement
un seul et même endroit, qu'elle s'effectue en des points très
différents °selon' les cas' du systèniel,nerv'eux; une fois née, elle
s'irradie de1son' point de 'départ' àqünel grande partie' de I*encé-
phale; à ce moment'se montrent les convulsions, le' trouble"'de' la'
connaissance', etc ? par exception, ellepeut demeurer limitée a son
origine,' de ' là'l'attaque rudihientairé. Le mémoire' remanié 'de
Saint, sur les formes de la ! folie' épileptique', renferme un exemple
d'ictus paralytique en queslion'(Obs. I.) : « Le malade/écrit l'au=
leur,- tomba à la renverse pour se relever aussitôt'. » Je profite de
l'occasion pour exprimer; mes doutes relatifs à l'existence des
équivalents purement psychiques. Les caractères de l'attaque rési-
dent, ! non pas seulement dans la 'folie à forme d'accès, non pas
- " .. 11 \ ' 1. , ,
1 Voy, .ll'chives de Neurologie, Ueviiés analytiques.
Archives, t. X. 1 ï
258 SOCIÉTÉS SAVANTES.
seulement dans l'espèce de spécificité (d'ailleurs inconstante) delà
modalité de la vésanie épileptique,' mais. dans l'association des
symptômes psychiques à' d'autres troubles nerveux souvent tout'à
fait passagers, troubles qui peuvent affecter les formes de convul-
sions, de paralysie, assoupissements, vertiges, hyperesthésie, anes-
thésie, fièvre, etc. C'est dire du même coup qu'il n'existe pas de
particularités caractéristiques habituelles stéréotypant un épilep-
tique donné; les prétendues modifications caractéristiques se
montrent, comme les autres, par intervalles de temps à autre.
L'épilepsie pure, non compliquée, ne s'accompagne pas de symp-
tômes intervallaires continus spéciaux. Les attaques, avec leurs
phénomènes concomitants et consécutifs : 'voilà toute la. névrose ;
leur agglomération et leur longue durée peuvent donner. l'appa-
rence d'une continuité qu'un -examen plus approfondi révèle tou-
jours erronée. Les auteurs français,' Falret en tête, ont eu raison
de signaler le fréquent retour' de manifestations semblables dans
les divers accès d'un même épileptique, mais on a trop voulu
schématiser l'uniformité photographique de tous les accès. Franz
Fischer a accepté cette donnée (Berl. Klin. Wochezsc/z· ? I88r);
or, il n'a pas observé son malade pendant un assez grand nombre
d'années, sans quoi il eût vu quelles différences fondamentales on
trouve constamment quand on compare' les' accès entre'eux.
L'exemple qu'il relate décèle déjà que, pour des époques parais-
sant tout à fait égales, les phénomènes 'psychiques variaient
d'allures, . les accès convulsifs'ne présentaient pas'le même
nombre; enfin, il a négligé de prendre la température' pendant
les profonds étals de coma, de délire incohérent, de congestion
violente, d'accélération du pouls (il devaity avoir de lièvre) : Toutes
ces modifications je les ai saisies en analysant avec soin, quoi
qu'en dise Fischer. Jusqu'ici je n'ai trouvé absolument aucun
exemple d'identité parfaite de toutes les attaques. ' -'
Je n'ai pas retrouvé le rétrécissement pupillaire pI'oemy(Jl'iatique
signalé par Siemens, Rbmberg, Gowers au début d'une attaque
d'épilepsie; la dilatation est toujours initiale. Cette double cons-
tatation cadre avec mes manières de voir sur la dilatation pu-
pillaire (action de la morphine, mai 1877); en effet, si dès l'abord,
il survient du sopor pur, on observera du myosis (déficit de l'exci-
tant cérébral); si les phénomènes convulsifs prédominent, s'il se
produit des troubles vasomoteurs directs, c'est la mydriase qui
se présentera, le dernier facteur entraut en jeu dans les périodes
les plus avancées de l'accès. Il y a quelques années à la clinique
de Strasbourg j'ai, pendant le stade de sopor d'une épilepsie
symplomalique de paralysie générale, vu s'effectuer aussitôt
une mydriase maxima.
La discussion aboutirait à la même formule quant au myosis
qui se montre pendant l'arrêt de la respiration intermittente. Rosen-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 259
bach et autres ont montré avec insistance combien fréquemment,
les interruptions respiratoires s'accompagnent de troubles ner-
veux d'un autre ordre. Tel est également mon avis. J;insisterai sur
la somnolence des mourants pendant la pause respiratoire; dès que
la respiration reprend, le patient rouvre les yeux, roule les globes
oculaires dans les orbites, relève sa tête affaissée; il semble que
l'écorce affaiblie à l'égal du centre respiratoire ait besoin, pour
reprendre ses fonctions, de l'addition d'excitations qui normale-
ment agissent d'une façon continue. Il peut aussi arriver que les
interruptions psychiques se montrent à l'agonie temporairement
indépendantes des interruptions respiratoires et même qu'elles
soient autonomes; ainsi'la pupille, si elle réagit encore, suit l'ac-
. tivité psychique, elle se rétrécit dès que vient le sommeil, et cela
indépendamment de la pause respiratoire. Mais on a vu aussi des
^pauses respiratoire sans myosis et même avec mydriase. Donc, la
manière d'être de l'activité psychique, a dans le phénomène en
¡'question, une 'valeur assez considérable, quoique probablement
non exclusive. " ' , iqi ' - '; 1
... ? <1 1t « i v t - , ni t' il .
, ..1 Les mouvements comateux des yeux déjà décrits (Arch. f. Psych. XI)
, consistent en mouvements oculaires d'une uniformité toute spé-
ciale, .d'une lenteur modéré, et coordonnés. Tout récemment je
les ai observés exclusivement pendant les derniers jours qui pré-
cèdent la mort, ce qui me permet d'accentuer leur mauvaise signi-
fication pronostique. Quant à leur, valeur diagnostique, .pendant
lei sommeil normal, ils ne , se produisent jamais ;. on constate au
, contraire sans exception des mouvements oculaires dépourvus de
. type et bien plus,lents (Witkowski-Roehlmann). Ces derniers, lout
rares qu'ilssoientà l'agonie, se montrent cependant isolémentcons-
tituant une forme intermédiaire aux, mouvements comateux et
aux mouvements .normaux. du, regard. Donc les mouvements ocu-
laires du sommeil ont une, certaine spécificité; de là à les rapporter
à d'autres phénomènes également spéciaux il n'y a qu'un pas : je
les rattacherai aux rêves qui mettent de préférence en jeu les
conceptions visuelles. En effet pendant l'état de veille les mou-
vements des yeux, coordonnés .d'une façon précise et régulière
dans tous les sens, sont également ordonnés par rapport aux mo-
difications pupillaires; donc cette suppression à tous égards de
la coordination normale qui accompagne la lenteur très frap-
pante de ces changements de lieu des yeux est un indice impor-
tant en faveur, de l'existence de processus intracérébraux en
rapport avec l'état de rêve. En tout cas n'est-ce que par l'étude
de faits aussi réguliers et de leurs modifications également
constantes en des conditions données que nous finirons par
comprendre les graves problèmes relatifs aux fonctions du
cerveau.
260 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Discussion : ,,1 M ... ,II Il
M. STARK. L'excitation ne se montre pas seulement'pendant l'at-
taque ; elle fait explosion chez tout épileptique,à toute' occasion,-
elle fait donc incontestablement partie de la caractéristique'de
ces malades. - ' ' 1 ,1 "t
M. Iimx. Maints épileptiques ne présentent pas de symptômes
intervallaires, maints autres présentent, dans' l'intervalle ' des
attaques, des modifications psychiques qui constituent le caractère
psycho-épileptique. Il consiste soit en un affaiblissementsintellec-
tuel progressif, soit en un état permanent d'irritabilité, soit, enfin
en la simultanéité de ces deux ordres de sYII.1ptpll.es ? pppllajj
lion de III. Rn : GEII.. , ,i il r ? OI)t.7 -il Il;1 ,,)J
M. WiTKOwsKL J'ai simplement vu des- épilepliquesl temporaire-
ment irritables ; les plus dangereux tpendaiit leurs accès étaient
souvent les plus inoffensifs pendant les intervalles.lde ces) accès*
Du reste je n'ai probablement pas assez vu'de malades; la cam-;
munication précédente n'a trait, qu'à des accès Jpurs d'épilepie
vraie. ' n - je , Il, 1 b allmlt lit, ynii'J
M. FREUSBIOEG appuie la' manière' de- voir' dèc1\I : ' Wilkowski.
Cependant dans les accès on'peut voir certaines'modalitéJ'paràis1
saut irréguiieres affecter l'alternance. Il a très souvent observé
l'ictus apoplectiforme. Le rêve résulte d'un trouble de coordina-
tion moteur. - -
M. WiLUERMUTit. Les ictus apoplecliformes sont très rares dans
l'épilepsie. Il en rapporte deux cas dont l'un avait trait à une
jeune fille qui tomba soudain à terre et perdit la parole sans que
la connaissance'fût'atteinte ? ne'croit pas 'à'. l'uniformité' 'dans
les accès, mais il-existe<des ! équivafehts psychiques sans troubles
moteurs. Deux exemples à l'appui; la température n'a pas été
prise. -
M. \VThowshl. Evidemment il est difficile de constater sûre-
ment des troubles du mouvement. Il existe aussi fréquemment
des morsures de la langue, des joues, etc. non soupçonnées qui
forcent à douter de l'existence des équivalents psychiques.
M. Wildermuth. Un cas qu'il rapporte impose le diagnostic d'é-
quivalents ayant succédé à des troubles moteurs graves." -, , ' 1 'à
M. STARK se rappelle un jeune homme qui avant son entrée a
l'établissement n'avait présenté aucun accès; ou constatait chez
lui le tableau de l'épilepsie. Le second jour de son arrivée il avait
sa première attaque. '
M. RIEGER a observé chez un épileptique des accès chioréiformes
avec conservation de la connaissance. Au point de vue médico-
légal n'est-il pas nécessaire de constater des troubles de la moti-
lité ?
SOCIÉTÉS SAVANTES. 261 t
M. WITKOWSKL Non, bien que celte constatation ait une haute
importance. Dans un cas déterminé, cela fut complètement impos-
sible, jusqu'au.jour.où,le patient; en train de se déshabiller, fut
terrasséipar une agitation convulsive s'étendant à toute la char-
pente musculaire du corps.
M. Rmccn. Dans un cas il y avait exagération tout à fait énorme
des réflexes tendineux. , ' i r,
M'. WITKOWSKI n'a encore pas observé cela.
M. Scaôrr.r·;`(d'Illénaü). Présentation du plan de situation de l'asile
p ? 'oycM'es'd'JEm ? He) ! tMen '. Il s'agit d'un établissement destiné
à'1,000' 'Malades qu'on se propose d'élever sur une surface terri-
toriale de î,200 ares. Il aura le caractère d'un hospice agricole.
Sa construction'qui,coûtera 3,000,000 de marks (3,750,000 fr.),
sera'réparlie en'diverses annuités-budgétaires. Dès qu'on aura
terminé les quartiers' centraux'fermés et la métairie annexe, on
l'ouvrira à''400 malades. A mesure due les bâtiments distincts
séparési,se construiront'çà et'Ià, on y évacuera des aliénés de
Pforzheim jusqu'à ce que cet asile soit totalement vidé.
,,Les deux curateurs, organisateurs sont réélus pour l'annéesui-
vante (MM. Schuele et Kirn) et la séance est levée. (Allg. Zcitsch. ? Psych., XLI, 4,-5,) l, l, , , , P : Ii;lil.lV.IL.
JJITI 'I "1 ? > il. ,1,'yd'l Pl ra' , , t i, ¡ .
",ht.1 ? fJ . ? 11 1 'l ), n(m,1 i , ., .
- 11 1 . 1 ff' rf 1 ti 1 , ,. i ji ? l. -r ( . j 1, , r r ,
1111 f 1 1 ? 1 1 , t' 1 f 1 if, 1 1 1 .... z
CONGRES, ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ UES MÉDECINS S
j of, il III" ? ALIÉNISTES' ALLEMANDS
1 <- t... r r f i ,r ( , t ? ,r i' ""11' SESSION N DE Lh : ll'Z1G' G
I 'u'
' ' Séance du 4 septembre 1884
r t , .
Le bureau se compose de \lAf. de Gudden, Loehr, Nasse.
L'1. \Vcslphal et Zinu se sont excusés.
11, Nasse, président, ouvre la séance à trois heures et demie,
par des paroles de bienvenue. Il se réjouit de voir la réunion
avoir lieu dans le local consacré à la nouvelle clinique psychia-
trique ; il en adresse à qui de droit ses remercimenls. Excuses
1 Voy. Archives de Neurologie. Varia, t. X, Gi'and-duclié de Gade.
2 Id" . VII, p. 359,
262 L) SOCIÉTÉS SAVANTES.
et lettres de salutations de 11111. Pèlman et Flamm. -= Souvenirs
aux membres morts pendant l'année : Frese (de Kasan), E : ,fleyer
(de Brake), Lachner (de Prûll), Brutzer (de Riga), Ewertz (dé Mee-
renberg), Ehrdt (de Huberlusburg), Schmüssig (de liuda-Pestli) :
l'assemblée se lève en leur honneur. Invitation du professeur
Flechsig à visiter la clinique officielle..n , l -<<
OEuvre du bureau relative aux décisions antérieures ! de la
société. '1 ' 1 " ".1 z
I. En ce qui concerne la statistique des asiles D'ALIÉNÉS 1, la réponse
de l'autorité a élé favorable aux avis de la Société. E'1rn1Oins d'un
an, les ministres de l'intérieur, 'des cultes, de l'enseignement et'
de la médecine ont, aprèsavoir'cousulté'le bureau royal de sta-
tistique, et la commission centrale, admis Jespropositions.,de la
Société. 1
Désormais, la feuille de statistique de i-éceptioiz.-sit7,, papier ..blanc
comportera les rubriques suivantes : . '1"11.1\ ?
.. lu- i z ' un t «
Io Réception le.... >i ? '10,; t ¡"hl' 'JI "1" > f /"J. 10 -i !
2° Du nommé... prénoms... sexe...'¡ .'
3° Né à...lieu...district.....) ? . .
4° Dernière habitation ou) dernier séjour... Prison ? ... Asile d'aliénés ? ...
Lazareth ? ...
5o Année et jour de la naissance...
6o Etat civil... Célibataire ? ... Marié ? ....Veuf ? ... Divorcé ? ...
7o Religion... ' "
8° Etat social ou profession ? ...
9° Durée de la maladie avant l'admission...,i-i ' , ¡ . oJ
10° A. Y avait-il parenté du père et de la mère ? ... A quel degré ? ...
SOCIÉTÉS SAVANTES. 2( ! 3 3
13° Existe-t-il des malformations somatiques ? ... Lesquelles ? ...
14° Le patient a t-il été déjà dans un asile d'aliénés ? ... Dans lequel ? ...
264 SOCIÉTÉS SAVANTES.
.0;. ' ' ? 1
enfin le projet présenté par le chancelier en conseil, fédéral sur
les séquestrations pénales, (1879) écarte, le piacement, des aliénés
au sujet duquel aucune solution convenable ne s'était présentée,,
cette question ne rentrant d'ailleurs pas dans les pénalités par.la,
privation de la liberté. 11 faut bien dire encore que le"prollème
qui nous occupe à été envisagé par les gouvernements à des points
dé'vue, tout à fait distincts, à telles enseignes qu'ils en ont ren-
voyé la conclusion aux fonctionnaires municipaux. Le bureau de
la société propose donc de ne pas toucher jusqu'à nouvel ordre
aux conclusions d'Eisenach. Adopté à l'unanimité. , l' ,.
IV. Y a-t-il lieu d'admettre que V aliénation mentale puisse cyasti-
tuer une cause de divorce ? Et dans quelles circonstances ? Faut-il paru ? ,1. \ -, . Il . Il' 1 ? , 1 t... ,
exemple, pour cela, quelle ait duré trois ans J ? , , ? b ,').,).T
, r * r . , i i ,^ | i , l(, ,, , >ti t ,"»V * ' t' l'I -" ' * ' i
En' ce 'gui concerne la' première question, ,1e président rappelle,
que W ? SANDM s'exprimait ainsi' : ' " ''
que W.' Sander s exprimait ainsi : 'JJ,lldhll' uni. 'VI ! I '
Io La société n'a pas à se préoccuper si, en principe, le divorce.est' 1(âi
tll ! 1e, e,l,l ! ; Ifa pasjà le discuter au point de/vue religieux, moral, éthique ;j
2° 1 il ¡serait à' souhaiter que l'on nivelàt en Allemagne les décisions l
polymorphes qui se produisent en ce qui a trait au divorce pour cause de,
folie; 3° 'en supposant que l'on admette' le. d,iv9 ! 'Gç,}n p.ril,},cipe,.lali ?
nation mentale en est fun motif, lorsqu'elle doit être ténue pour incurable , 1
4v. l'examen de l'état mental aura lieu;' comme 'dans le1' cas d'intëa'vei ? I
tion n fin d'interdiction ; si le malade en question n'a pas encore été'interdit,1' I
on lui désignera un curateur; 4 (bis) autre rédaction proposée : l'exa-
men de l'état mental afin (l'établir ¡'incurabilité 1 aura lieu après que let 1
conjoint 'sain 'd'esprit aura demandé le divorce;, il produira, à l'appui de ; (
cette demande un certificat motive du médecin du malade; on appellera
concurremment deux spécialistes; 5" la sentence prendra cure'de spécifier'
les, conditions- de fortune ! < dans lesquelles" se trouvera* juridiquement'le ! 1
conjoint divorcé pour cause de 'maladie;'elle parierai do'la' nomination t
d'un tuteur qui, devra être désigné, dans d'acte même et sera chargé de'1
recevoir les , rentes de' l'aliéné ;, 6°, tout mariage doit. être considéré i
comme nul quand une, des parties contractantes était, à l'époque de la
célébration, déjà aliénée sans que l'autre le sut... , ,, «
I ? t .1 .. , , I 1 " t fi'l- J.' ... , '' ' ' '
M. Scander, a été chargé du rapport /'Le mémoire qu'il lit, très.
étendu'et' circonstancié à tous égards, ' "' - - "1"sd les manières
I ? f, ,V cite- iii ex e -I*
de voir'du professeur Hazan,' des directeurs Wendt, Hasse, des
docteurs'KnehL, Blanche, Luys, Magnan, du professeur Charcot,
dé M. Voisin, en un mot tous les documents publiés; il y ajoute sa
note personnelle. Voici les conclusions'qu'il soumet à l'apprécation
de la société, sans que le bureau en ait pris connaissance, .i 4
4° Répétition intégrale de la première proposition ; . z
z Répétition intégrale de, la troisième proposition avec cette
addition : aliénation mentale durant' depuis trois uns; ,; Il
, , , , . l'i j. Il 1 1 t , 14
1 V. i ile 1";eu).Ologie, t. Vll, 1, [ ? 1-, 9. .1 '
SOCIÉTÉS 'SAVANTES. 265
'' 3° L'examen de l'état mental comportera les mûmes errements
que ceux qui'se rattachent à l'interdiction, mais seulement, si le
conjoint sain'le-demande, on adjoindra un'curateur spécialement
désigné quand le malade né sera pas encore interdit;
4°'Reproduction intégrale de la conclusion cinq;
5°'On doit annuler un1- mari âge quand l'un des conjoints était
alién6"zL l'époque où ce mariage a été'conclu. L'autre partie est
autorisée'à Pl;op'oscr'lïô\ ! alidatioI1si la maladie ne lui avait pas été
notifiée auparavant.1» ! 1 . l't ! JH 1 "l," ' ' , .
Discussion : ? Hl1l1LnU 1 t j'Nh 1 - Il. » l ,
DiselissiOI2
l\U'von' ! GÚDDN ? Il'và\t' mieux s'en .tenir au point de vue mé-
dieàl}' ? 'e'st\-.à-.dirë'¡11 : s'occuper que delà réglementation, des
procédés médico-légaux au rapport. Il propose de le faire rédiger ? 1 , ? ''t.] ? .. ? t t è ? j,.
par trois' spécialistes et d écarter la durée de la maladie comme
1 ... ' ! -Il ? n't Jf' un '<)/
cause d'incurahilité. 1 ? 11 e J 1, lU' 1 1 (j i
- M,I SA ? ¡DER,.l\Iême en supposant que l'idée du'divorcé soit admise
dans J'espèce ? c'est' âù' médecili"tlii'iI',a¡jpiÚ.dei1't de formuler un
,1 ' , ,,11/ ? ,»| , t., ' *l»l '' M- Il i
jugement à .1'¡pÎ)UiWq\y ? ;rpè : Mrl,a,¡'¡'d7 car lui seul sait les consé-
quences de'la'tiialà'di4è ttlru'il" o'belsér.v.e' dans . le cas de mariage, et* ·
par conséquent, , seul il peut apprécier s'il y a nécessité ou non de
'l' 1 ,j ? Il Il .. - . , y
prononcer, la séparation ? Il,, faut, voir plus, 'qu'une question de
formalités. 1 ni l ," l, Il (l''li ? 111' 11"" .1 1 n "01'" '
,Votes. Adoption uhanime'de' la'cônclusion l' En'ce qui concerne
la conclusion' 2, 1f."llIrDEL "én'fàit'ressbrlir l'inutilité, les gou-
... ? , Il . IL- il là , ? 0
vernements ayant a'1 l'étude : 'dëp,'tlÎS"longlemps, les problèmes que
,.( '1.1,1, 1 J'hl,II.IU 1'1 11' ? ) ? 1...... P. P ' 1
soulève le divorce; on prépare un code civil, il ,l'usage .de t em-
pi ! ,e,¡1l\em.an ? 1 Conclusion, 3. aont sujet ? sont soulevés une
foule de points épineux : quelle durée permet d'assigner à un cas
d'aliénation mentale l'épithète d'incurable ? Quelle'1 est la forme,
quels sont les caractères d'une psychose'incurable ? Autant d'élé-
ments à-propos desquels des psychiatres ne possèdent aucune base.
Par suite, dans l'état actuel de la' sciéiïcej'on ne saurait formuler
dérègle, sous peine de nuire aux malades; une telle crainte
n'existe pas lorsqu'il s'agit de l'interdiction. A la discussion, dont
nous venons de résumer les conclusions prennent part MAI. Mes-
chede, Nasse, von Gudden, Scllül ? 11ltZlg" l\Iendel,¡Sandel', Sie-
mens.' On décide'qu'on ne volera pas sur celte conclusion, et
qu'on' laissera tomber'le débat sur tout le resté, de la question.
- ' ? J i> Il, . ,. ' '
V. Dans quelle- mesure les gens qui ont versé leurs cotisations à une
caisse de secours, de malades', d'invalides, etc., se trouvent-ils lésés
dans leurs droits, quand ils' sont atteints d'aliénation mentale1 ? 9
M. SANDER, rapporteur. En effet, tout individu atteint d'aliénation
1 V. Archives de Neurologie, t. VII, p. 379.
266 SOCIÉTÉS^ SAVANTES.
mentale, de syphilis, d'une affection consécutive à une altercation,
ne reçoit aucune indemnité pour parer aux dépenses occa-
sionnées par les nécessités du traitement, notamment à Berlin. Mais
il n'en est pas de-même partout... Le bureau propose la motion
suivante... La société des aliénistes allemands, considérant que;
d'après la loi relative à l'assurance en cas de maladie, il n'est plus
fait d'exception de principe à l'égard des aliénés, regarde sa re;,
vendication de l'année précédente comme sans objet, mais elle in-
vite ses membres à ne cesser de rechercher et d'examiner les cas
dans lesquels on frustrerait des' aliénés dëllêûi's'droits en mécon-
naissant'le caractère pathologique 'de leurs' manifestations;' toute
opposition dans l'espèce constitue un devoir ? /Adopte. - * '
Le bureau a'envoyé'des félicitations à Hoffmann; de Francfort :
qui a fêté, le 91 août Il 883, sa cinquantième année' de doctorat et à
Hagèn ? d'Erli1l1ge'n qui, le 16 août' 1884/ fêlait le soixante-dixième
anniversaire de sa naissance . "1' IfJil' >> >» ? 1 ? Invitation déliasse à 'visiter -l'asile' de;IKoenigslutter" Pré'senta-
tion'des comptes de'la' société et transmission au' bureau de.leur
révision. ' ' ' 1 1 " - - "1 1 Il. 1 ? 1 ivL. 1 ? -i il
''Renouvellement de bureau. En exécution des statuts, deux mem-
bres sortent. Ce sont von Gudden et' Ziim'd\L Zinn écrit-que ses
occupations- l'empêchent d'accepter le renouvellement de ,,son
mandat. Nomination par acclamation ,de MAI. de Gudden et
Schüle. , , l . '" ,l, , , j l - ? ... - ',1 : , 1 l' 1.1
(Visite de,la clinique psychiatrique,sous,la conduite de 1lechsig.
' ' '" Ir' 1 t 1 J. ' 1 il 1 Il, Il 1111, lit t c
11,.1. * '- lit ' ! ]U J '1'1"" lu..{ ? ou 'lt.H," t tul ¡j( t 1 hl if;
J i" ' ,1 . i , , , . rr il. .... hl' J , ; JI
La séance est ouverte' huit heures et demie : Lebûreàu annonce
qu'hier il a adressé une lettre de félicitations à Richartz d'Ende-
nich qui' a célébré sa cinquantième année de doctorat. ,1 Il
. si ? " ,1 l' -t # t t.. \11 t 1 fJ Il .. 1 t fez
"lI. ,LOEIIR lit, un rapport sur les, progrès de l'assistance en Alle-
magne pu ? , les ' asiles d'aliénés pendant ces dernièl'cs ft ? )në6s*. ,( '
, M. FLECHSIG, Contribution au traitement gynécologique des per-
sonnes hystériques., - Trois observations forment le fonds de ce
travail. Elles ont déjà été publiées dans le Neul'olog, Centralbl.
de 1 884,, et nous en avons donné aux revues analytiques des Ar-
chives de Neurologie la suscription qui lient lieu d'analyse. Nous
les répétons ici.
//
1 Nous publions ce rapport à part, aux varia, afin de l'écourter le moins
possible, d'en donner l'analyse la plus substantielle et la plus complète.
' i. P. KÉRÂVAL.
SOCIÉTÉS' SAVANTES . 2 67 Î
Observation Il Grande hystérie, avec troubles psychiques intenses.
Castration. Les ovaires sont atrophiés et dégénérés. Guérison complète. -
'Observation II. Psychose avec éléments hystériques. Fibrome utérin
du volume d'une tête d'enfant.. Amputation supravagmale de l'utérus.
Bon résultat. '
c Observation Ici ? Hystéroépitepsie; rétrécissement de l'orifice externe
de l'utérus. Dilatation sanglante. Guérison. -
. nisczcssiozz : ,, : 1'\ '' " - , 1 .
.. ,i i.i " 1 'i tli' ts z 1 . , -.· r..
f J.. 'l^'i-i ' i . r 'itti'ft ? ) I >.i f ? t.. ? 14f. MENDELCommunique un cas, de folie hystérique qui ressemble
àlaelui de, l'observation .11. Dans ce cas, une tumeur avait néces-
silé l'ôvariotomi. A la suite de l'opération, la psychose s'aggrava
et la malade demeura folle d'une façon permanente. Il rappelle
encoi;ele,(cas| d'Is,rael (castration apparente) et croit ne .devoir
attribuer,au,traitement gynécologique des psychoses, aucune im-
1 l I J~ -^J ? f ° -I V 1 v" j j Il . f. I ' t t Ij
portance essentielle. l ",1 l i<...... ? ' l '1 ' ., ,,r ? ?
is : \1.. LLliCHSIG. - Actuellement. lescas favorables sont par rap-
port aux ¡,cas( défavorables dans lai proportion. de, : ,3. Le cas
d'Israel ne prouve rien car on n'a pas établi que les altérations
résidassent dans, les organes, génitaux. De plus l;influence morale
n'est pasldénuée d'importance. Il'01,1'11'' ? J '1" ,, 1 1/' ? ,,1
IHJl\1. ILITZIG communique un cas à évolution' défavorable.. c ? , <
)11\'1'1\1 ? l ,l, doute " " que lâ'gûéristin '" '. ]1 d JI' b
' ' . 1, ESCllEDE doute que a guerlson ait* été 'réelle' ans 0 ser-
vation de Flechsig, car les récidives au bout d'une ou de' plu-
sieurs années sont bien fréquentes' : L'intervention toujours grave
de l'ovariotomie mérite d'être très sérieusement passée au crible
de la critique. 11 connaît un fait dans lequel une épingle à che-
veux dans l'utérus' a'déterminé.des phénomènes semblables.
M. Flechsig. Evidemment un diagnostic gynécologique exact
. s'impose,,tout, d'abord. Il, ne faut pas, opérer à j'aveugle toutes les '
hydriques.. }) n, th' ;1 l' , . , , .. ' . " , .
M. GUDDEN. User de la plus grande prudence en, matière
d'intervention sur les fonctions sexuelles de la femme ; un danger
est toujours à era.indre'eIesrésu ! tats e.n sont toujours' douteux.
" - ..< < t,. \ l' .)' \ \ ? ...... z
i\1. RICHTER (de Dalldorf). Sur les connexions des trac lu s' optiques
conducteurs dans l'encéphale humain, - La bibliographie renferme
un grand' nombre de èas dans lesquels l'atrophie du nerf optique,
celle même qui ne s'était installée que chez les adultes, s'était
propagée non' seulement 'aux bandelettes optiques, mais ''encore
aux corps genouiiiés/aux tubercules quadrijumeaux et'aux couches
optiques, soit du même côté, soit du côté opposé (aspect macros-
copique). Le livre de Wilbrand sur l'hémianopsie en contient
douze cas, mais ces faits ne sont pas univoques, car il s'agit sou-
vent de foyers hémorrhagiques des bandelettes optiques, des corps
genouillés, et des couches optiques (cas de Gudden), de tumeurs
268 SOCIÉTÉS SAVANTES.
kystiques ou tuberculeuses (cas de Lancereauy et li urtsclrér), per-
mettant d'invoquer l'action d'une compression ou, encore d'arrêts
de développements (cas de Wrolick d'IIugu'enin ? ) d'une autre,
essence. Aussi, la plupart des autopsies de ce genre, n'ayant la'
plupart du temps fourni que des résultats négatifs, l'auteur. is'est'
donné la peine de conserver des cerveaux d'adulles;°ressortisasnt
à la question et de les examiner à fond. Il a pu étudier six'aulop-"
sies relatives à des atrophies unilatérales du nerf optique et trois'
encéphales concernant des atrophies bilatérales du' nerf "optique.
Voici trois exemples : " ,J', ? JU ? '1111j
Un paralytique 'général aveugle se heurte la 'tête aux murs, tout 'en
prétendant qu'il voit très bien (juillet 1881) : 'llpïerirt en 1882 ? Lès 'nerfs'
optiques sont remarqua1.Jlementlatrophiés, les bandelettes·optiquosesont',
devenues toutes petites. Au- delà, on,,ne distingue il l'oeil nu'aucune
anomalie., Mais au, microscope, on. constate que la,disloarition des fibres
parnit due aune prolifération .conjonctive, (qu'il. existe, une prolifération
identique survie plancher dütroisième veutrçulë, et, ,quq"l ? ( ! égé,I,19rçs ?
cence se continue le lônsr'des' bandelettes optiques 'jusque dans les' véri-t
cence R contil le ,long ? « ? ,... l .,J ? 1 , ],l ? tPl,l|
tricules latéraux,' dont les parois ressemblent^ (v une épaisse couenne.
Donc, il s'agit' non pas d'une' lésion - essentiéllê"dü1systl'mè"optiqllé\' ¡11Í11s
d'une compression de-3ce système par un (Moment extrinsèque quoique
iutracr,inien.,ll importe de noter que le 'cas n'a rien -à 1 voir avec t'atrophie
spinale des paralytiques généraux. Il ? ,c5 -- ,i ' · ? 1 ; '<-
- Une démente sénile présente une ' hémianopsie' homonyme' gauche
complète, absolue (août, 1882); elle porte à gauche une conjonctivite qui
se complique successivement en novembre, de, kératite ? en décembre de
cataracte : de phthisie du glp ! Je, oculaire,,dans,le courant de, 1SS3; l'oeil
droit a invariablement présenté 1 ! ! 1C,p,r.I ? lc ? ( ! e ! a moitié,, droite.. de, la
rétine, Mort en juillet" 1883 On trouyo, à l'autopsie, un foyer de ramollis-
sement dans le lobe occipital droit qui évidemment a causé l'hémianopsie;
aucune autre explication ne se présente.'Est-ce'ce foyer qui'a 'déterminé,
les,troubles tropfuquesnip l'oeil' gauche ? ,L'évolulÎon clinique paraît 'four-
nir une réponse affirmative, car la malade étant calme n'avait pu se
heurter, et l'oeil droit- n'avait pas subi, ces altérations. D'ailleurs, l'examen
ulthtlralmoscolrique, décèle que l'hémianopsie s'accompagne de troubles
trophiques de la rétine' (observations de Wilbrand); il, est. mai que la
rétine' ne constitue pas tout le globe oculaire, que celui-ci a, ses vaisseaux
propres, etque)abib)iograpbio'nec'outient'pas d'observations semblables
à la nôtre. D'où réserve. '" ' ' , ' '4 '
Un syphilitique avéré est, il l'âge de quarante-cinq ans, atteint de divers
ictus apoplectiques ( 18S0). En décel11bre'188. on constate d'abord une
aphasie indéniable typique avec paralysie adroite. Ces symptômes rétro-
cèdent, et il s'installe une hémiplégie- gauche avec hémianopsie homo-
nyme gauche. L'examen opthalmoscopiquo rêve)) à Ubthot)' et Jloeli
(décembre 18S2, janvier-mars 1883), une atrophie du nerf optique droit;
rien il gauche; la pupille gauche réagit bien, là pupille droite réagit très
peu. Cet état est le même en juin 1883, mais au point de vue mental, on
constate de la lenteur dans les conceptions, sans autre dérangement,
avec des phénomènes d'angoisse et d'oppression; de temps il autre,
SOCIÉTÉS, SAVANTES. 269
sommeil constant; on pense à une tumeur cérébrale (gommes ? ). Autopsie :
décembre 1883. "La première coupe révèle, dans le nerf optique droit ! 'existence'd'un néoplasme. Un foyer de ramollissement dans l'insula
gauche expliqué l'hémiplégie droite et l'aphasie des premiers temps. Un
foyer de ramollissement dans les circonvolutions ascendantes droites, rend'
compte de'l'hémiplégie gauche. L'hémianopsie gauche- doit'être imputée
à un foyer de ramollissement dans le lobe occipital droit. Les os du crâne
extraordinairement epaissisjà l'intérieur ont, pendant ! la vie, exercé une.
pression qui permet de comprendre, l'état mental.. A la tumeur du nerf
optique droit, qui est un psammome, il faut rattacher. l'atrophie de la pa-
pille observ'ee'de'ce côté pendant la vie. ' ? 11 ' ..f()I, \.,lvf /
,t En,, somme une des , neuf observations de. l'auteur démontre
que £ l'atrophie des nerfs)optiques;t uni- ou bi-lalérale ne saurait
jamais être à;l'ceil nu suivie au-delà, de la bandelette optique du
côténopposéi ou des deux bandelettes, bien que, dans' l'espèce1,'
l'atrophie eaistàt'dépuis des années (un'cas' d'atrophie unilatérale
durant' depuis'1 dix' ans)'. Quant' à, l'esameliüiic'i·ôscopiqite en tous
ces cas; les cellules nerveuses, ont plus ou imomsl disparu, dans
les'corps gq lés 1 td,ns et internés, dans les tubercules quia-j
drijumeaux supérieurs ! et inférieurs dans les couches, optiques ;,des;
cellules épargnées prennent mal les réactifs colorants 1 et leurs-
noyaux sont indistincts. Quand l'atrophie existait depuis un temps'
assez long, les vaisseaux se trouvaient très larges dans les orgues
en question, notamment dans la couche oplique; uniformité' des
lésions partout, môme quand il s'agissait d'une'atrophie unilaté-'
raie. Intégrité 'des' cellules corticales des''lobes' occipitaux.' ' l" '
Quelle'' est ! dans'les cerveaux d'IiémialOpsiqïlës, J'à. "'oie 'qû'J-1
.' 1'" . t., , " '/f ? . d., . 1\\ .II; ! ? 'i' JI' t J
rait pu suivre la dégénérescence partie du.lobe , occipital pour,
ra,l, P, 'SIV.r ? 1 . 1 . 1 1 1 9, oc p,ltl pour,
gagner, le segment antérieur ? Recherche vaine. l, Impossihle "de
trouver la zone trophique et,le trajet des fibres conductrices. Peut-
être faut-il accuser de cet insuccès les méthodes de coloration
usitées (nigrosine hcmatoxyline'carmin brun de Bismarck)
dans le but plus spécial de fixer les cellules.' Du reste, les éléments'
cellulaires des organes nerveux dont il a étéquestion présentaient)
chez les hémianopsiques, toutes les altérations consignées sli'/J1 : ¡¡.
Il n'en découle pas nécessairement que ces altérations .émanas-
sent du lobe occipital puisqu'un des cas témoignait d'une atrophie
partielle du nerf,occipital droit de, par une tumeur (action rétro-
grade), et que dans Inobservation d'atrophie du nerf optique avec
phlhisie du, globe, oculaire gauche, la relation entre cet accident
et le lobe occipital n'est pas démontrée. ' '' " " l'
Conclusions : v 1 Une atrophie du nerf optique uni- ou'hi-latéralé
qui porte sur le cerveau d'un, adulte ne se transmet pas forcément
aux bandelettes optiques (aspect macroscopique), même quand
cette atrophie existe depuis dix ans. 2° Dans ce laps de temps,
l'atrophie du nerf oplique se propage aux éléments nerveux (cel-
270 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Iules) des corps genouillés, des tubercules quadrijumeaux supé-
rieurs et inférieurs et à'ia couche optique d'une manière égale;
toute atrophie unilatérale du nerf optique agit sur les organes en
question des deux côtés. Si l'atrophie du nerf optique est bilatérale,
,il s'exerce une action cumulative. 3° La destruction d'un lohe
occipital ne produit pas nécessairement d'altérations macrosco-
piques des organes placés en avant de lui,, que nous venons, de
nommer, même quand cette destruction date de plusieurs années,
1° 11 n'est pas, démontré que la destruction d'un lobe occipital
détermine sur les cellules nerveuses des organes placés en avant
de lui les mêmes altérations que l'atrophie du nerf optique. Il
' t i , . . l' 1, t. l' l ,< i. , v.
M. E. MENDEL. Sur les cellules nerveuses ganglionnaires de l écorce
, dans la paralysie progressive des aliénés, ? Ce mémoire déjà publié
dans le rC211',)107. centralD. de 1884, se trouve analysé'dans'1'articie
des revues analytiques des Archives de Neurologie' Nous rappelons
,. 1 I ? 1 . m ? 1 1 ? 1'1 '1 .1 1 1 r, il.1 ? I
qu'après avoir fixe 1 j¡lstologlC normale des cellules nerveuses,
1 \. ,1 ' .. Il \'\\ \ \ 1 \ il ? j- '\' . I\q \ "...... 1 F
1 auteur a établi que. la paralysie générale se traduit par - ') ? Un
agrandissement des espaces pericellulaires qui'sont remplis'd'une
matière jaunâtre ne se colorant que peu ou point par le' carmin ;
1 2°' une dégénérescence stéato-pigmehtaire *du~proloplasmà''cellu-
laire ; 3° de la sclérose et de l'atrophie des cellules ? 4° des altéra-
tions des noyaux identiques à celles du protoplasma.
Discussion :
M. l3mswnc>rn. L examen d un groupe de cellules géantes pyra-
midales dans les circonvolutions ascendantes lui a révélé des
résultats, semblables à ceux de M. Mendel. Mais il n'a pas vu la
coloration jaune des.espaces péricellulaires de Mendel. Peut-êlre
cette différence tient-elle à la 'méthode ' ? ' Au premier stade, c'est
principalement le noyau qu'il faut considérer ; les altérations sont
celles que l'on vient d'entei1arë. Les celllules sont lésées par
groupes. Dans les cellules jeunes, noyau et pigment sont en raison
inverse; des cellules^avancées en âge, normalement pigmentées,
permettent la. distinction exacte du noyau, celles chez lesquelles
il existe une pigmentation anormale ne permettent pas'de distin-
; r c. "\ ' " ' ''ci )' n .1 .n .)
guer nettement leur noyau. 1 \1' f . \q ,. '\ 11 d ,\
.. \ ' \ \
M. von GUDDEN. La méthode d'examen est pour beaucoup dans
la détermination des détails. Le D, Nissl de Munich qui a consacré
un temps énorme à l'examen de l'écorce, qu'il colore au Rouge-
Magenta, * considère le- durcissement dans le liquide de Müller
comme insuffisant; il le prolonge dans l'alcool. Voici des prépara-
tions qui viennent de lui. Il est, sur-le-champ, facile de recon-
naître l'atrophie des cellules nerveuses de l'écorce des paralytiques
généraux, elle se traduit par : diminution de l'éclat du noyau,
diminution de la netteté du fil des contours de ce noyau, -
recoyuillcment du protoplasina devenu moins finement granuleux;
BIBLIOGRAPHIE. 271 I
même observation pour ses prolongements. - contrôle constant
avec l'écorce de cerveaux d'individus sains.
M. Mendel. Ceci est une confirmation de ses propres résultats,
quoiqu'il se soit mis du liquide de Millier. La réplétion des espaces
péricellulaircs par delà matière jaunâtre est très rare; sur 2,000
préparations, huit seulement présentaient ce phénomène. C'est
pourquoi Rinswanger ne l'a pas vu. Il ne s'agit pas là d'un produit
artificiel, car toutes les préparations ont été traitées de la même
manière, et rien de semblable ne se présente dans l'écorce des
animaux. ' '
-mu' '" r. ',»> ... t..i-- · ... La . v.....
M. von Gudden Il'3 jamais vu de préparations aussi claires, aussi
nettes que celles de Nissl. " · ' "
.. M .#I' '
M. Binswanger mentionne que Flemming durcit exclusivement
dans, l'acide hromiqüe.l , ( ... ,
L'heure avancée ne permet pas d'entendre les mémoires de
Nasse Sur l'emploi sous-cutané du fer dans les psychoses, ni de
110;HLP : It Sur lejapport entre les établissements fermés et les colonies
d'aliénés. ' ,
, Visite d'Altscherbitz sous la conduite de Poetx, et ,de Niehleben
sous celle d'Ilitzig. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLI, et 5.
, .1 , - ,, , , P. Iïfsn,w.m.. ,
'fi 1 1 ï'.i'l"1 1 1,1 si ? n fl'I ( 1 'UJ.' ,. i ] 4, If I If
' , .,1 1 it Il t f i , 1 1 J 1 t ? J, ',j l.1
, . 1 f , ; 1 Il 1 ,.fH' ....t' * fI r ;, ? , r . r.... t'f
1 . ' ? ? ? t BIBLIOGRAPHIE ' '1 fi' 4 t , 1
.... 1 . t', ..., ....
IV. Histoires, disputes et discours des illusions el impostures des
diaúles,' dts magiciens infâmes, sorcières et empoisonneurs, des
ensorcelez et démoniaques et de la guérison d'icculx : item de la
punition que méritent les magiciens, les empoisonneurs et les' S01'-
ciels; par JEAN WtER/médecit) du'duc de' Clèves', 2'vol. gr'. 8°.
(Aux bureaux du Progrès médical et chez Delahaye et Lecrosmer).
1 f y 1 " < ' f 1 9 , , 1
Cet ouvrage est le troisième' de la Bibliothèque diabolique
publiée par M. Buurneville.ll présente le plus grand intérêt au
point de vue. de l'histoire de l'hystérie, qui nous apparaît au
moyen âge, à l'époque de la renaissance, telle qu'elle est aujour-
d'hui. L'auteur a cible mérite de reconnaître l'existence d'un
état maladif dans un rand nombre de manifestations que
l'opinion publique, même parmi les gens éclairés, s'accordait a
272 3 BIBLIOGRAPHIE.
attribuer à l'influence manifeste du démon. Jean Wier, médecin
instruit et philanthrope, s'est appliqué à défendre les malades
qui, sous les noms de sorciers, d'ensorcelés, etc., étaient trop
souvent voués au bûcher. Son livre eut, malgré les protestations
nombreuses qu'il souleva, une influence considérable sur l'esprit
public. Cinq éditions qui parurent dans l'espace de douze ans attes-
tent assez son succès considérable pour le temps. L'ouvrage est
divisé en six livres : le premier traite du diable, de son origine,
de sa chule; le second, des magiciens infâmes; le troisième, des
sorcières; le quatrième, des maladies de possession; le cinquième,
des moyens mis en usage pour la guérison des possédés; dans le
sixième, il examine les peines à édicter en matière de sorcellerie.
11 proteste contre les bûchers et les évêques brûleurs; dans les
affaires capitales, dit-il, les preuves doivent être « luce mediana
clariores». Ces mots, qui sont les propres termes de Jean Wier, indi-
quent assez l'esprit de son livre, qui se recommande, par un grand
nombre d'observations intéressantes, à tous ceux qui. s'occupent
de maladies nerveuses et mentales. Cil. F.
V. Zur physiologie des Gehirnes (Contribution à la physiologie du
cerceau); par le Dr Arthur CIIRISTIANI, professeur à Berlin
(Berlin, 0. Enslin, 1885.)
Ce livre est divisé en huit chapitres, qui, bien que portant sur
des sujets un peu dissemblables en apparence, concourent à la
détermination des rapports du cerveau avec les différentes fonc-
tions de l'organisme. A proprement parler, il faudrait diviser ce
travail en deux parties : la première présente les résultats de
recherches personnelles de Tailleur, tandis que la seconde est
consacrée à une étude historique et critique de la question sur la
localisation cérébrale de la fonction visuelle. Autant que l'étendue
de ce compte-rendu le permet, nous allons suivre l'auteur point
par point dans ses diverses excursions, qu'il fait dans le domaine
de la physiologie cérébrale. ,
M. Chrisliani a cherché d'abord à déterminer l'influence réflexe
du nerf optique sur l'action du pneumogastrique et il est arrivé à
constater, que l'excitation aussi bien adéquate, qu'électrique ou
mécanique du bout central extra ou intra-crânien du nerf optique
exerce toujours une influence d'arrêt sur le coeur et accélère très
sensiblement la respiration, en lui imprimant un caractère inspi-
ratoire pareil à celui que Traube et Hoscnthal ont constaté à la
suite de l'excitation du bout central de la partie cervicale du
pneumogastrique. C'est en effet tout à fait le contraire qu'on ob-
tient après l'excitation du bout central du trijumeau. Les excita-
tions du nerf auditif produisent absolument les mêmes effets que
BIBLIOGRAPHIE. 273
celles du nerf optique. En portant ses expériences d'excitation sur
la mae cérébrale mme, l'auteur est arrivé a limiter un petit
endroit, dont l'excitation produit'un arrêt des mouvements du
diaphragme dans l'inspiration ou accélère la respiration, qui de-
vient en même temps plus profonde dans sa phase inspiratoire.
Cet endroit, qu'il nomme « centre de l'inspiration du troisième
ventricule », occupe, la surface d'un millimètre carré sur la partie
intérieure de la couche optique, un peu au-dessus du plancher du
troisième ventriculcet plus près des corps quadrijumeaux ( ? cor-
por;).quadriemii]a).L'excitation fut-portée sur ce centre lou-
jours, après l'ablation préalable de deux hémisphères cérébraux,
toutes .les précautions nécessaires ayant été prises pour'éviter les
dérivations du'courant : '0n pouvait constater'en outre que l'exci-
tation du plancher du'troisième ventricule produit aussi un arrêt
du,c.oeur et resserre la, pupille;, qui au contraire se'dilate, si l'exci-
tation est appliquée un peu pluslcn avant : 'Ulp;uait'donc 'existèr
un rapport intimecentre jJe. crntre' rd'inspimLion' du1' troisième
vcntriculeel celui de l'innervation de"la pupille ; ce`qui'fut'côns=
talé déjà pour le nerf auditif par Claude Bernard e111'estphal. La
strychnine excite également les^ deux centres, mentionnés, tandis
que le'chloral produitun effet contraire. La, destruction du centre
inspiratoire met en n r"vidence l'existence^ d'Ull autre, centre qui,
situé dans la substance de corps quadrijumeaux antérieurs au-
dessous de l'aqueduc de Sylvius, fonctionne. dans^un sens.expira-
Loil'e'l't ';011 excitation amène l des Racées d'expiration ou l'arrêt
total' delà respiration dans sa phase expiratoire. J " , , ,,
L'ahlaliÕn'dü' cen'elet'ne rmodifie pas sensiblement la respira-,
tion ; le même effet 'est' produit par là section post corpora quart.
driemina, si le « ponsVàrolï»)"h'est pas lésé^car les lésions de
ce dernier peuvent' ! amener de très forts arrêts expiratoires, qui
finissent' vile' par "là" mort,' tandis que sa( destruction complète
produit seulement une accélération passagère de la respiration.
'fous ces'faits amènent l'auteur il conclure, que l'acte de l'inspi-
talion résulte d'une série d excitations, qui arrivent au centre
général de la respiration par,trois voies différentes, notamment- :
1° Par les nerfs optique et auditif; ' , ici' 1
2° Parles nerfs sensitifs de là peau; ' ,
3o Et par une parlie'dcs fibres du pneumo-gastrique, tandis que
l'action d'arrêt et l'expiration active résultent d'une série d'exci-
tations qui arrivent au centre par d'autres fibres du pneumogas-
trique, par le trijumeau et par tous les autres nerfs sensibles. Les
excitations du centre respiratoire lui-même ne paraissent pas
être de nature réflexe. ,
En poursuivant ces recherches, M. Christian estarrivé à déter-
miner dans le troisième ventricule l'existence d'un autre centre, qui
est celui de la coordination. Les animaux, chez lesquels les lamis-
AIICIIIVES, t. X. 18 H
274 BIBLIOGRAPHIE.
phères cérébraux ont été préalal>lenentenlevés,jusqu'auxcouches
optiques, ne peuvent plus, après la destruction de ce centre, coor-
donner leurs mouvements nécessaires pour marcher ou pour
prendre une position debout ou assise; ils restent le plus souvent
sur un côté, ce qui ne s'observe pas, d'après l'auteur, après l'abla-
tion du cervelet. Les phénomènes d'incoordination produits par
cette dernière opération sont, d'après lI. Chrisliani,dus à un em-
poisonnement de la moelle allongée par le sang veineux, qui s'y y
écoule au moment de l'opération même. L'existence de ce centre
de coordination dans le troisième ventricule a été constatée aussi
un an après par M. 13ecliLerew.
M. Christiani a pu en outre s'assurer maintes fois que les mou-
vements coordonnés des animaux, chez lesquels on a enlevé les
hémisphères cérébraux elles corps striés ne sont entravés en rien
tant que le centre de coordination du troisième ventricule n'est
pas lésé. Ces animaux sont non seulement doués d'une faculté de
locomolion propre à un animal normal, mais aussi ils évitent et
franchissent avec une très grande facilité tous les obstacles qui
se trouvent sur leur chemin, etsansmême se heurter contre eux.
Cela n'arrive pas si les nerfs optiques sont coupés, ou si on a
laissé une trop grande partie des corps striés, ou enfin si l'hémor-
rhagie causée par l'opération est trop grande. M. Christiani insiste
en manière de conclusion, que les animaux, chez lesquels on a
extirpé les hémisphères cérébraux avec les corps striés, ne sont
pas aveugles et que l'importance des hémisphères cérébraux pour
la vision n'est pas aussi grande que quelques auteurs le croient.
En se trouvant en contradiction avec les données expérimen-
tales de M. Munk, il cherche à combattre les idées bien connues
de ce dernier aussi bien par une série d'expériences rigoureuses
que par des déductions logiques qu'il en tire. Il est impossible de
suivre dans tous les détails la polémique entre ces deux physio-
logistes, à laquelle M. Christiani a consacré deux chapitres de son
livre et qui présente un grand intérêt au point de vue de la cri-
tique scientifique expérimentale. L'auteur en 1 datant in-extenso
les faits admis par M. Munk s'efforce à démontrer que leur inexac-
titude résulte aussi bien d'un procédé d'investigations défectueux
que d'une méthode d'observation peu rigoureuse. Il croit que les
lésions expérimentales du cerveau produisent le plus souvent des
phénomènes trop complexes pour qu'on en puisse tirer des con-
clusions absolues par rapport à la localisation d'une fonction
donnée. Cela n'est guère possible que quand la section est faite
de façon qu'elle sépare exactement une fonction de l'autre, alors
l'aholition de la fonction de la partie extirpée met en évidence
celle delà partie conservée. Comme section pareille, qui imprime
au reste de l'organe un certain étal d'équilibre, et que l'auteur
nomme « section acquilibrante », il faut considérer celle par
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 275
laquelle on enlève les hémisphères cérébraux avec les corps
striés; dans ce cas là, M. Christiani n'a jamais pu constater chez
les animaux la cécité complète attribuée par M. Munk à l'abla-
tion des hémisphères cérébraux^
Les chapitres V, VI et VII de ce livre sont entièrement consa-
crés à l'hislorique de la question de la fonction visuelle au point
de vue de sa localisation cérébrale. Nous ne saurions pas suivre
les détails de celte partie du travail,qui, faiteavec un soin extrême,
présente avec une grande netteté l'évolution historique de cette
question depuis Ilaller jusqu'aux derniers jours. L'auteur dé-
montre. par un grand nombre de documents, que jusqu'à présent t
ni les données de la physiologie expérimentale des animaux ni
celle de la clinique de l'homme ne parlent pas d'une manière
absolue en faveur de la théorie de cécité cérébrale émise par
M. Munk, que la lésion de la couche superficielle du lobe occipi-
tal, tout en produisant des troubles visuels, ne peut pas être
regardé comme l'origine unique de la cécité de cause cérébrale.
La lecture du livre deM. Christiani, où la clarté d'exposé est aussi
grande que la rigueur scientifique, avec laquelle toutes ces ques-
tions y sont traitées, suggère forcément l'idée, mise en évidence
du reste depuis longtemps en France parl'école delaSalpêtrièle,
qu'en présence de tant de résultats contradictoires, que l'expé-
rience physiologique faite sur les animaux fournit entre les
mains de physiologistes même des plus éminents, il ne reste qu'à
demander à la clinique de l'homme secondée des recherches ana-
tomo-pathologiques la solution unique des problèmes aussi com-
plexes que ceux de la physiologie cérébrale. M. Mendelsoun.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Essai descriptif sur les troubles psychopathiqut's avec lucidité
d'esprit; par (Thèse de Paris, 1885.) 1
Essai sur les amnésies, principalement au point de vue cliologique ;
par BOUILLAUD, (Thèse de Paris, 188;),)
Du spas1e t1'(Ùwwtique consécutif aux déchirures incomplètes des
nerfs; par BEGUÉ, (Thèse de Paris, 1885.)
De la diarrhée tabétique; par Vivres. (Thèse de Paris. 188 : j.)
De la méningo-myclite ascendante szibaigiid dans la tlotirénentél'ie ;
par Mailfaire. (Thèse de Paris, 1885.)
Des appareils ou machines électro-statiques cl de leur emploi en
médecine; par VILLAHD. (Thèse de Paris, 1SS.)
De l'électricité statique dans le traitement de l'hémiplégie de
cause cérébrale; par PL \cÉ. (Thèse de Paris, 4885.) ,)
VAK1A
Inauguration DE la statue DE PIIILIPE l'INEL OFFERTE PAR la Société
médico-psychologique A la Dr Paris.
Lundi 13 juillet a eu lieu l'inauguration de la statue de Pinel,
érigée depuis plus d'un an place de la Salpêtrière; différentes
considérations, qu'il est inutile de rappeler, avaient fait retarder
cette cérémonie. Les membres de la Société iiiédico-psycholo-
gique ont enfin pensé qu'il ne suffisait pas de fondre un bronze
aux traits de cet illustre bienfaiteur de l'humanité, mais qu'un
hommage public devait lui être rendu pour la consécration du
monument. La fête nationale est venue fort à point offrir un
prétexte à cette tardive cérémonie dont l'éclat a témoigné de
l'intérêt qui s'attache à Pinel.
Le célèbre aliéniste est représenté tenant à la main des chaînes
brisées qu'il vient d'ôter aux aliénés élevés désormais « à la
dignité de malades ». Une jeune fille est à ses pieds elle lève vers
son bienfaiteur un regard plein de reconnaissance, ramasse
des fleurs qu'elle semble vouloir lui offrir. De chaque côté du
piédestal sont placées des figures allégoriques représentant l'une
la Science, l'autre la Bienfaisance, les deux qualités maîtresses
du célèbre aliéniste, dont l'intelligent slaluaire, M. Ludovic
Durand, n'aurait su tirer un meilleur parti. Le monument est
élevé au milieu d'une pelouse ombragée par de grands arbres.
Acette cérémonie favorisée par un temps splendide assistait
une foule de notabilités scientifiques et politiques, divers repré-
sentants du gouvernement, les préfets de la Seine et de police, le
Conseil municipal et des délégations de l'Académie, de l'Institut,
etc. La famille Pinel était représentée par M. Honoré Pinel et le
Dr Charles Pinel. ' 1
Plusieurs intéressants discours, interrompus fréquemment par
d'unanimes applaudissements, ont été prononcés. Nos lecteurs
nous sauront gré de les avoir recueillis.
Allocution de M. le D' DAGONET, médecin de l'asile Suintc-Aliiae,
président de la Société ? H ? t;0 ? C/tO<( ? MC.
« Messieurs,
« La Société médico-psychoiogique de Paris vient aujourd'hui
inaugurer la statue d'un grand et illustre citoyen, le Dr Philippe
VARIA. 277
Pinel. Elle rend ce public et solennel hommage à l'homme géné-
reux qui, tirant de la barbarie la science de l'aliénation mentale,
a fait à tout jamais disparaître les traitements inhum ains infligés
pendant plusieurs siècles à des infortunés que l'on ne croyait pas
alors pouvoir considérer comme des malades. Elle honore
l'homme érudit qui, pour réaliser une telle réforme, a pris pour
guide naturel l'esprit scientifique d'observation.
« L'auteur de cetle oeuvre artistique remarquable. M. Ludovic
Uurand, a été bien inspiré en plaçant aux côtés de Pinel la
science et la bienfaisance, ces deux grandes forces mises au ser-
vice de l'humanité.
« La science dont nous admirons les incessants progrès et les
merveilleux effets, la bienfaisance qui soulage la souffrance de la
maladie et de la misère, font des miracles lorsqu'elles unissent
leurs efforts. Pinel a su les unir; coeur rempli de l'amour du
bien et de ses semblables, esprit scientifique convaincu, il a eu
le courage de combattre les idées déplorables d'un passé sécu-
laire ; il a brisé les chaînes des aliénés, ouvert leurs cachots.
C'est pourquoi nous devons le considérer comme un bienfaiteur
de l'humanité.
« Je n'ai pas, messieurs, à énumérer les travaux, à exposer les
titres scientifiques de cet illustre médecin, cette lâche est réser-
vée au secrétaire général de notre Société, M. le Dr Ritli.
M. Legrand du Saulle, le trésorier de notre Comité de souscrip-
tion, vous fera connaître par quels efforts on est parvenu à réunir
la somme nécessaire pour l'érection de la statue de Pinel.
« Notre éminent collègue, M. Baillarger, le président de ce
comité, nous exprime ses regrets de ne pouvoir se joindre à nous
pour hoitorer'la mémoire du savant illustre qui a tant contribué
à l'amélioration du sort des aliénés. '
«Au nom de la Société médico-psychologique, je remets la
statue de Philippe Pinel à la ville de Paris.
« Notre Société a voulu que ce don fût fait, d'une manière
solennelle, comme un témoignage public de son admiration pour
le savant, pour l'homme de bien, et comme la consécration des
sentiments généreux et des convictions ardentes qui ont honoré
notre pays, notre première République, et qui transmettront aux
générations avenir un nom glorieux et impérissable. »
Discours de M. ROBINET, vice-président du Conseil municipal.
« Messieurs,
« Au nom du conseil municipal de Paris, je remercie le prési-
dent de la Société médico-psycologique, M. le Dr Dagonet, des
paroles qu'il vient de prononcer.
278 VARIA.
« Au nom de la ville de Paris, je remercie tous ceux qui ont eu
la pensée généreuse d'élever cette statue à l'un des savants les
plus éminents, à l'un des hommes les plus dignes et les meil-
leurs qui aient jamais existé.
« Messieurs, je laisse à d'autres plus compétents le soin de
retracer la vie si bien remplie et les travaux scientifiques si
importants accomplis parPinel. Permettez-moi seulement, comme
représentant de la municipalité parisienne et du conseil général
de la Seine, de ces deux corps à qui incombe la gestion et la
tutelle des aliénés, permettez-moi, dis-je, sur cette place publique,
devant ces vieux bâtiments de la Salpêtrière, de jeter un lapide
coup d'oeil sur le passé, de voir ce qu'étaient nos malheureux
malades avant Pinel, ce qu'il a fait pour eux, et ce qu'ils sont
aujourd'hui. '
« A Bicêtre, à la Salpêlrière, dit Pariset, dans son éloge de
« Pinel, le vice, le crime, le malheur, les infirmités, les maladies
« les plus dégoûtantes et les plus disparates, tout était confondu
« comme les services. Les bâtiments étaient inhabitables. Les
« hommes y croupissaient couverts de fange, dans des loges toutes
« de pierre, étroites, froides, humides, privées d'air et de jour et
« meublées seulement d'un lit de paille, que l'on renouvelaitrare-
« ment, et qui bientôt devenait infecte : repaire affreux où l'on
« se ferait scrupule de placer les plus vils animaux.
« Les aliénés que l'on jetait dans ces cloaques étaient à la merci
« de leurs infirmiers, et ces infirmiers étaient des malfaiteurs que
« l'on tirait de la prison. Les malheureux malades étaient chargés
« de chaînes et garrottés comme des forçats. Ainsi livrés sans
« défense àla brutalité de leurs gardiens, ils étaient l'objet des plus
« cruels traitements, qui leur arrachaient jour et nuit des cris et
« djes hurlements que rendait'encore plus effrayant le bruit de
« leurs chaînes... Les femmes étaient enchaînées quelquefois
« toutes nues dans des loges presques souterraines, et pires que
« des cachots. A l'époque des crues de la Seine, ces cachots étaient
« envahis par les rats qui se jetaient la nuit sur ces malheureuses
« et les rongeaient partout où ils pouvaient les atteindre. A la
« visite du matin, on en trouvait dont les pieds étaient dévorés
« par ces animaux, elles succombaient souvent. Aussi, blessées de
« toutes parts, leur coeur ne respirait que vengeance et, dans
« l'ivressede haine qui les emportait, ellesne cherchaient, comme
« des bacchantes, qu'à déchirer leurs filles de service ou il se
« déchirer entre elles. » ,
« Et dans quelle atmosphère, messieurs, dans quel cadre hideux
se plaçait cet enfer ? C'était dans un milieu au moins aussi épou-
vantable, dans cet hospice-bastille qui était la Salpêtrière, là où se
. trouvaient enfermées pêle-mêle, à côté des aliénées, toutes les mi-
sères sociales de l'époque, les infirme ? les malades, les prostituées.
VARIA. 279 9
« Quel phénomène plus terrible que ce qu'on nommait alors la
plainte de l'hôpital ? Parfois, dit un auteur du temps, au milieu
du silence de la nuit, les habitants des quartiers Saint-Marcel et
Saint-Victor entendent s'élever une clameur, une sorte de gémis-
sement sauvage, qui se répète à intervalles réguliers : c'est la
plainte de l'hôpital ! Comprimé, refoulé, ce flot de rancunes et de
haines qui inonde le coeur de toutes ces malheureuses, monlelen-
tement ; et à un moment, il déborde, elles ont convenu une
révolte, et toutes, au nombre deplusieurs mille, en même temps,
au même signal, poussent des hurlements épouvantables. Ce cri
d'alarme qui se propage à près d'une lieue, produit un saisisse-
ment horrible. »
« Notre grande Révolution arrive enfin, avec son cortège
d'idées réformatrices et humanitaires. En 1792, les trois adminis-
trateurs des hospices, représentants de la Commune de Paris,
Thouret, Cousin et l'illustre Cabanis, tous trois amis de Pinel,
jugèrent qu'il était le seul homme de Paris et même de la
France, qui fût en état de remédier à tant de maux.
« Quel homme, en effet, était mieux préparé pour les réformes
qu'il avait à accomplir ? D'un tempérament dont la bonté était le
caractère essentiel, imbu du sentiment social à un haut degré,
Pinel avait reçu une puissante éducation scientifique, et notam-
ment celle qui est la hase de toutes, une éducation mathématique
très étendue.
« Esprit profondément émancipé, il était intimement mêlé au
grand mouvement philosophique du dix-huitième siècle : il avait
été l'un des hôtes assidus du salon d'Helvétius; en relation cons-
tante avec la plupart des encyclopédistes. il était en rapports
intimes avec les savants et les philosophes les plus illustres, avec
les Fourcroy, les Berthollet, les Cabanis, les Condorcet et tant
d'autres. Tel était l'homme à qui fut confiée la direction de
Bicêtre, puis de la Salpêtrière.
« Sous sa haute influence, tout changea bientôt de face. A la
contrainte, aux tortures usitées presque partout ailleurs, Pinel
substitua des procédés où la justice était tempérée par la bonté.
Plus de fers, plus de chaînes. Il laissait aux malade ? paisibles
toute là plénitude de leur liberté. Avec lui apparurent vis-à-vis
des aliénés la pitié, les'égards, les ménagements, la douleur, la
justice. Partout, il substitua l'ordre à la confusion, la règle au
caprice et les saints devoirs de l'humanité aux honteux excès de la
barbarie. Telle fut, messieurs, au point de vue spécial que j'ai
envisagé, l'oeuvre humanitaire de ce savant bon entre tous.
« L'oeuvre de Pinel, et c'est là un de ses plus beaux titres, a
trouvé des continuateurs. L'école de la Salpêtrière fait encore
la gloire de la France, et elle compte ici de brillants représen-
tants. Si, du côté des médecins, licitoiiiie n'a failli à sa Lâche.
280 VARIA.
d'un autre côté, nous pouvons le dire haulement, les pouvoirs
départementaux et communaux, depuis plusieurs années, n'ont
reculé devant aucune dépense, devant aucun sacrifice, pour l'amé-
lioration du sort des aliénés. Espérons que les pouvoirs publics,
par des modifications profondes au projet de loi actuellement en
discussion, feront aussi leur devoir. Quant à la ville de Paris et
au département de la Seine, je le répète, et c'est par là que je
termine, ils sont prêts à introduire tous les perfectionnements
qui seront réclamés. Ce sera là, messieurs, le plus bel hommage
que nous puissions rendre à la mémoire de Pinel, le bienfaiteur
des aliénés.
«Encore une fois, messieurs, au nom du Conseil municipal, je
remercie tous ceux qui ont eu la pensée généreuse d'élever cette
statue et de l'offrir à la ville deParis, jeremrcie tous les membres
de la Société médico-psychologique et je remercie l'éminent
sculpteur, M. Ludovic Durand, pour l'oeuvre magistrale dont il , a
enrichi le patrimoine artistique de notre chère cité. 1 -
«Au nomdeParis, hommageetsalutà la grande figure de Pinel ! »
Discours de M. POUBELLE, préfet de la Seine. `
« Messieurs, '
, t l ,i
« M. le président du conseil municipal vous a adressé, au nom
des élus de la cité,.ses remercîments pour le don gracieux que
vous venez de faire à la ville de Paris. Je viens l'accepter officiel-
lement en son nom et vous donner l'assurance que, comme il est
bien reçu, il sera bien gardé. '
« Cette statue, élevée par vous à la mémoire de Pinel, ne consa-
crera pas seulement son souvenir; elle rappellera, en même
temps, que c'est grâce à l'initiative de la Société médico-psycholo-
gique, à sa persévérance, à sa générosité que ce monument a pu
être érigé. L'hommage rendu aux morts illustres honore aussi
les vivants : l'estime qu'ils font du mérite et de la vertu d'autrui
ramène, par un juste retour, la pensée sur leur propre mérite et
l'on remarque, avec raison, que si Pinel a ouvert le chemin el
donné l'exemple, il a trouvé parmi tant d'hommes distingués,
dont les noms sont présents à tous les esprits, des continuateurs
dignes de lui.
« Votre Société a su les réunir presque tous dans ses rangs ; elle
a associé les efforts, doublé les bonnes volontés, recueilli dans
ses annales des documents précieux, ouvert à chacun sa publicité,
et, grâce à ses correspondants français et étrangers, concentré
en un seul faisceau toutes les lumières que les travaux de ce siècle
ont projetées sur cette terrible maladie qui laisse le mieux voira à
la fuis la grandeur et la misère de l'homme : l'aliénation mentale
VARIA. 28 1
« Vous ne pouviez mieux glorifier les idées qui inspirent votre
apostolat qu'en élevant une statue à l'homme qui les le premier
personnifiées avec tant d'autorité; qu'en la plaçant au seuil de ce
grand établissement où, sous une direction active et vigilante, se
sont accomplis, de nos jours, tant de progrès et où l'étude des
maladies mentales compte tant d'éminenls représentants.
« A la Salpêtrière, comme à Bicêtre, c'est Pinel qui a été l'ini-
tiateur. L'intéressant tableau de Toiiy Hoberl-Fleury et celle belle
statue le montrent délivrant les aliénés de leurs chaîne-. Ce fut,
en eilet, partout où il a passé, son premier acte et il était signifi-
catif. En cessant de lraiter l'aliéné comme une bête féroce que l'on
renonçait à guérir, el qu'il suffisait de réduire, il lui a restitué sa
dignité d'homme; il a fait comprendre à tous, et spécialement à
ses gardiens, qu'ils avaient devanteux silllplementuulllaiade dont
l'affection n'étant souvent que passagère, etqui devait, plus encore
que tout autre malade, être un objet d'égards, de soinsliligenls, et
se trouver soumis, dans l'asile qui le recueillait, à une direction à
la fois ferme et bienveillante.
« Telles sont les idées morales que ce moumennt doit surtout
provoquer et enseigner. Pour que l'exemple, et, j'ajouterai, la
justice, fussent complets, je voudrais qu'auprès de la statue du
médecin illustre, quelque part, sur les murs de cet asile, une ins-
cription commémorative rappelât le nom de Pussin. Dans son
emploi de surveillant à Bicêtre, puis à la Salpêtrière, il a secondé
de la manière la plus intelligente et la plus active l'oeuvre ùu grand
aliéniste. Pinel lui rend cet hommage à mainte reprise dans ses
écrits, et, puisque les personnes qui bout constamment auprès
des aliénés, peuvent le plus pour leurbien-ülre, leur repos, et leur
guérison, il m'a semblé à propos de reconnaître ici publiquement
la valeur de ces discrets, mais très iréels services. Pinel, messieurs,
« n'était pas seulement, selon le mot de Cuvier, un beau génie,
« c'était encore un excellent homme n. La bonté l'a constamment
inspiré, et l'on peut se souvenir d,, l'un de ses modestes serviteurs,
qui, comme lui, ont été bons, en lace du monument élevé par vos
mains généreuses, à la science et l'humanité. » "
Discours prononce par M. PIC11OV, conseiller municipal du quartier.
« Messieurs,
1 i
« Ce n'est pas à ceux qui ont eu l'idée d'élever celle statue que
l'un fera, le reproche d'avoir exagéré l'hommage dû par la posté-
rité aux hommes qui l'ont bien servie. L'éclat et la spontanéité de
cette manifestation témoignent que le souvenir et la reconnais-
sance des bienfaits de Pinel ne s'e1laceront pas.
« S'il est vrai que les grands hommes doivent être classés d'après
282 VARIA.
la justice qu'ils ont fait entrer dans le monde, une place d'hon-
neur ne revient-elle pas parmi eux au savant, au philosophe, qui a
fait plus que de prêcher l'horreur de la violence, qui lui a subs-
titué, dans la pratique, le respect du droit du faible, la tolérance
et l'humanité ?
« L'inauguration de la statue de Pinel est comme la fête de
la bienfaisance. D'autres ont loué la science du médecin : il est au
rang des plus illustres. Mais sa gloire est, par dessus tout, d'avoir
appliqué, dans sa profession, les idées qui font de la philosophie
du XVIIIe siècle l'initiatrice du droit moderne et la souveraine
émancipatrice.
« N'est-ce pas un ami de Pinel, le grand Condorcet, qui donnait
pour règle à celte philosophie le sentiment de l'humanité, «c'est-
à-dire celui d'une compassion tendre, active, pour tous les maux
qui affligent l'espèce humaine, d'une haine pour tout ce qui, dans
les institutions publiques, dans les actes du gouvernement, dans
les actions privées, ajoute des douleurs nouvelles aux douleurs
inévitables de la nature ? » N'est-ce pas l'auteur de l'admirable
Tableau du progrès de l'esprit humain qui dénonçait l'insou-
ciance barbare qui immolait dans les hôpitaux tant de victimes
humaines ?
« Diderot avait déjà dit dans l'Encyclopédie : « Le noble et su-
blime enthousiasme de l'humanité se tourmente des peines des
autres et du besoin de les soulager; il voudrait parcourir l'univers
pour abolir l'esclavage, la superstition, le vice et le malheur..., il
se plaît à s'épancher par la bienfaisance sur les êtres que la nature
a placés près de nous. J'ai vu cette vertu, source de tant d'autres,
dans beaucoup de fêles et dans fort peu de coeurs. » Celte passion
qui ne s'enflamme pas dans une âme vulgaire, Pinel l'avail à la
fois dans la tête et dans le coeur !
« La Convention nationale, qui poursuivait, au milieu des plus
affreux déchirements, des di. acuités les plus écrasantes, de la
guerre étrangère et de la gueno civile, son oeuvre de régénération
sociale, et qui s'entourait, pour la mènera bien, de tous les grands
esprits, ne pouvait manquer de faire appel aux lumières et au
dévouement de l'émule des Halle, des Corvisart et des Cabanis.
« Ce fut elle qui le nomma successivement médecin de Bicêtre
et de la Salpêtrière. Il put accomplir ainsi, dans le traitement
des malades atteints d'aliénation mentale, la révolution qui est
l'éternel honneur de sa vie et qui a supprimé d'une façon défi-
nitive les pratiques de barbarie alors en usage dans les hôpitaux.
« Ce fut encore la Convention nationale qui l'appela à l'une des
premières chaires delà Faculté de médecine réorganisée et qui
lui permit de donner à son enseignement toute sa portée, loutson
rayonnement et toute son autorité. Il fallait que cela fût dit de-
vant celte statue, autant pour glorifier Pinel que pour rendre
VARIA. 283
justice à l'Assemblée qui l'a choisi l'un des premiers pour contri-
buer à la reconstitution morale de la Patrie.
« C'est surtout lorsqu'on considère le nombre prodigieux de
grands hommes qui ont, par leurs travaux, leurs méditations et
leurs luttes, préparé pendant l'épopée révolutionnaire les desti-
nées glorieuses du monde nouveau, que l'on est tenté de redire
avec llfichelct : Le vertige me vient à regarder la scène de tant
d'êtres, hier morts, aujourd'hui si vivants, créateurs ! »
Discours de M. LEGRAND DU SAULLE, président du comité de
souscription de la Société rzérlico-ps7cfro(oyicice.
« Messieurs,
« En France, notre instinct chevaleresque et honnête nous
conduit à honorer le génie partout où il s'est rencontré. Pour
nous. la reconnaissance publique a des droits imprescriptibles.
Elle peut se faire très longtemps attendre, mais l'heure de la répa-
ration finit toujours par sonner.
« La solennité qui nous réunit aujourd'hui est une preuve bien
significative de ce que j'avance, et c'est avec une satisfaction pro-
fondément émue que j'ai en ce moment, l'honneur de présenter
aux mandataires de la ville de Paris et au premier magistral du
département de la Seine ce bronze monumental élevé à la mé-
moire du Dr Philippe Pinel, médecin en chef de la Salpêtrière,
professeur à la faculté de médecine, membre de l'Académie des
sciences et membre d'honneur de l'Académie de médecine,
mort à la Salpêtrière, a l'âge de quatre-vingt-un ans, le 2n oc-
tobre 1826.
« Pinel ne fut pas seulement cet illustre médecin, dont les
titres scientifiques vous seront rappelés tout à l'heure par le
secrétaire général de la compagnie, mais il fut encore un philan-
thrope perspicace et osé, un patriote sincère, un grand citoyen.
Appelé vers la fin de 1792, aux fonctions de médecin de Bicêtre il
fut aussi affligé qu'indigné du spectacle horrible qui chaque jour
s'offrait à ses yeux. Les malades, chargés de chaînes, à peine
vêtus, croupissaient sur de la paille, au milieu d'immondices,
dans d'étroits et infects cabanons. A leurs manifestations déli-
rantes ou convulsives, à leurs cris ou à leurs supplications, il
n'était répondu d'ordinaire que par des sévices ! En voyant que
les troubles de l'esprit pouvaient conduire à un pareil état d'ab-
jection et appelaient en quelque sorte de semblables cruautés, le
nouveau médecin de Bicêtre s'arrêta à la généreuse pensée d'une
grande et secourable réforme, puis il conçut bientôt l'admirable
projet d'élever le fou à la dignité de malade. Le hasard le servit
bien. Il avait sous ses ordres un surveillant très zélé, actif, plein
28t VARIA.
de coeur, d'un courage éprouvé, et Pussin fut pour lui un pré-
cieux collaborateur. Honneur au modeste employé, honneur à
Pussin ! .
« Philippe Pinel demanda un jour à la Commune de Paris la
permission de briser les fers de ses malades. Une vive opposition
se manifesta, et Coulhon, président, crut devoir se transporter le
lendemain à Bicêtre. « Es-tu donc fou toi-même, dit-il à Pinel,
« de vouloir déchaîner toutes ces bêtes féroces ? )'«Non, répondit
« le médecin de Bicêtre, j'ai la conviction que ces malheureux ne
« sont aussi violents que parce qu'ils sont enchaînés. Lorsqu'ils
« seront libres, ils se calmeront et peut-être redeviendront-ils
« raisonnables. » «Eh bien ! lais comme il te plaira, o répliqua
Couthon.
« Vous bavez ce qui advint, et chaque jour, depuis presque un
siècle, nos aïeux dans la science, nos maîtres et nous-mêmes,
nous n'avons été que les admirateurs, les disciples et les conti-
nuateurs de Pinel.
« Mais comment, à cette heure, ce monument se trouve-t-il sur
cette place ? Chaque statue a son histoire, et je tiens à dire com-
ment naquitle projet concernant le héros de celte fête.
« Par une maussade matinée de printemps, un médecin et un
artiste, réunis pour un portrait dans un atelier de sculpture, s'en-
tretenaient sans animation des choses du grand art. Le statuaire
citait les oeU\J'es qu'il avait exposées au Salon, à différentes
reprises, énumérait les médailles qu'il avait obtenues, et arriva
tout à coup à cette confidence : « Je voudrais .maintenant, dit-il,
« faire une belle statue pour l'une des places de Paris.,) « Qu'à
« cela ne tienne, lui répondit le médecin, je vous commande la
statue de Philippe Pinel brisant les fers des aliénés. Représentez-
moi dans un groupe en bronze ce que M. Tony Robert-Fleury a
si bien rendu par la peinture. » L'artiste, étonné, ému peut-être,
promit de se recueillir, d'aviser et de présenter promptement des
esquisses et quelque chose comme un avant-projet. Il avait com-
pris, à la façon dont le médecin avait formulé sa commande,
qu'il ne s'agissait pas d'un plaisant badinage d'atelier. Et, de
fait, sa confiance fut loin d'être trahie, puisque nous sommes ici
aujourd'hui.
« Le médecin dont il s'agit était membre delà Société médico-
psychologique. Il avait compté sur ses confrères, et il avait bien
fait. Nous allons le retrouver dans un instant, mais je dois au
préalable présenter la Société médico-paycluloâique aux membres
du corps municipal et à toute l'assistance.
« Vers 1852, un petit groupe de travailleurs sérieux s'assem-
blait à la Faculté de médecine, dans une salle d'emprunt, et là,
avec un grand zèle, se niellait à discuter sur les choses de la
science et de la philosophie, sur la psychologie morbide et sur
VARIA. 285
l'amélioration du sort des aliénés. Au bout de quelques mois, la
clinique mentale était abordée, puis la médecine légale appliquée
à la folie et aux névroses, et enfin l'organisation administrative
de nos grands établissements spéciaux. Lallemand, Cerdy, Bûchez,
Ferrus, Adolphe Garnier, Cerise, Peisse, Alfred Maury, Parchappe,
Panl .lanet, TI'Cdat, Falret, Félix Voisin, Calmeil, Moreau (de
Tours), Ott, Delasiauve, Casimir Pinel (neveu), Sandras, Archam-
bault et beaucoup d'autres, avaient répondu à l'appel d'un alié-
niste éminent qui, non content d'avoir fondé un important recueil
scientifique, sous le nom d'Annales médico-psychologiques, avait t
pressenti tous les services que pourrait rendre encore une Société
médicale spécialisée, une Société médico-psychologique. Ce clini-
cien si remarquable, ce professeur libre si suivi et si écouté pen-
dant plus de vingt ans, a passé trente-deux ans de sa vie à la
Salpêtrière et a été l'un des continuateurs les plus ardents de
Philippe Pinel. Il a eu le rare bonheur de voir survivre et pros-
pérer toutes ses oeuvres, et, à cette heure solennelle,' si M. Baillar-
ger est retenu loin de nous par quelques soins à donner àsa santé,
il est présent du moins par la pensée et par le coeur. Aussi, lui
adressons-nous depuis ici nos respectueuses cordialités et nos
voeux les meilleurs. à -
o Sous l'inspiration d'un tel chef, la Société médico-psycho-
logique continua depuis il travailler sans relâche; elle est deve-
nue l'une des Sociétés savantes les plus accréditées, et nous
avons compté ou nous comptons parmi nous des membres du
Sénat, de la Chambre des députés, du Conseil municipal de
Paris, de l'Institut, du Collège de France, de l'Académie et delà
Faculté de médecine, des médecins des hôpitaux de Paris et la
plupart des médecins des services d'aliénés du département de
la Seine.
« Un jour, à la séance du 23 décembre 1877, le médecin, que
nous avons laissé dans l'atelier d'un statuaire, monta il la tribune
et soumit aux membres de la Compagnie l'avant-projet d'une
statue à élèvera Philippe Pinel. La Société médico-psychologique
pensa qu'il était de son devoir de ne point se désintéresser dans
celte question de justice tardive et de réparation scientifique. En
effet, si la Société existe elle-même et si elle compte plusieurs
soeurs cadettes en Europe et en Amérique, n'est-ce point parce
que Pinel a imprimé une impulsion vigoureuse à l'étude de
l'homme frappé dans son intelligence et qu'il a presque créé de
toutes pièces la science des maladies mentales ? Une commission
fut nommée et le rapport fut lu eu séance le 2,'i mars 11;78, Per-
mettez-moi de vous citer quelques phrases de ce document
important : « La France, disait le rapporteur, distraite par tant
« d'événements divers et peu attentive aux réminiscences atten-
« dries d'un passé lointain, a laissé sa dette s'accroitre vis-à-vis de
286 VARIA.
« Pinel. Un siècle nous séparera tout à l'heure de la grande
« réforme opérée par le savant philanthrope de Bicêtre, sans que
« l'éclat du bienfait soit terni. Plus les troubles de laraison se
« multiplient, plus la science progresse, plus les asiles ouverts aux
« naufragés de l'intelligence s'améliorent, plus la Société médico-
« psychologique grandit, et plus nous en devons reporter l'hon-
« neur à Pinel, qui a tout fait, tout enseigné, tout inspiré. Nous-
« mêmes, les petit-fils scientifiques de Pinel, nous ne sommes que
« des continuateurs marchant avec notre époque et cherchant
« sans cesse à élargir la voie ouverte tout à coup par le génie
« de notre aïeul illustre. Le novateur de la médecine mentale
« a donc des droits imprescriptibles à la reconnaissance pu-
te blique. »
« Séance tenante, la Société vota à l'unanimité la proposition
de voeu que voici : « La Société médico-psychologique, considérant
« que Philippe Pinel est l'une des gloires médicales les plus pures
« de la France; que c'est sur son initiative perspicace et hardie
« que sont tombées, en l-j93. les chaînes des aliénés à Bicêtre ;
« qu'il est le véritable fondateur de la science des maladies men-
« taies; qu'il a fondé, par son enseignement éclatant et fécond,
« à la Salpêtrière. un très grand nombre d'élèves qui ont propagé
a partout ses idées, ses réformes et ses bienfaits;
« Considérant que Philippe Pinel n'a pas été seulement une
«illustration dont s'enorgueillissent l'Académie des sciences,
« l'Ecole de médecine et les hospices de Bicêtre et de la Salpê-
« trière, mais encore qu'il a exercé une influence décisive c : L émi-
« nomment secourable sur une classe nombreuse de malades et
« de déshérités, et qu'à ce titre, il est considéré dans le monde
« entier comme l'un des bienfaiteurs les plus méritants de l'hu-
«Emet le voeu qu'une statue soit élevée à Philippe Pinel, à
« Paris. »
« Ce voeu est devenu une réalité, et il constitue en quelque
sorte l'acte de naissance'de la statue, le premier litre de la nou-
velle propriété de la ville de Paris.
« Et maintenant, messieurs, que vous connaissez les origines du
monument et les qualités des donateurs, permettez-moi de
m'adresser aux représentants du corps municipal de Paris et de
l'administration départementale de la Seine, et souffrez que je
leur tienne ce langage : «Au nom du comité d'initiative de la
statue, je vous remets gracieusement ce groupe monumental et
je vous invite à en prendre possession. »
« Je ne saurais descendre de cette tribune sans adresser les
plus vifs remerciements aux pouvoirs publics et aux hommes qui
sont venus si libéralement en aide au comité, dont les soucis et
les embarras ont été parfois bien lourds. Je remercie le gouver-
VARIA. 287
nement de la République française, dans la personne de M. le
Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts. Non seulement
l'Etat a subventionné le groupe en bronze, mais encore les deux
statues en pierre, la Bienfaisance et la Science, qui décorent le
piédestal. Je remercie le Conseil municipal de la ville de Paris,
qui a souscrit avec tant d'empressement à la statue etau piédes-
tal, et qui a bien voulu voler des fonds pour l'aménagement de la
place de la Salpêtrière et môme pour la décoration de cette solen-
nité. Je remercie le conseil général de la Seine de la sérieuse
allocation qu'il nous a accordée. Les médecins des services
d'aliénés du département sont très touchés des sacrifices si con-
sidérables que le conseil général, si soucieux des graves intérêts
qui lui sont confiés, s'impose chaque année en faveur de nos chers
malades. Il est animé des sentiments les plus philanthropiques et
les plus secourables. Aucune infortune ne le laisse insensible et
froid. Honneur à lui ! »
Eloge de Philippe Pinel, prononcé par M. le secrétaire général
Atzt. RITTI, ait nom de la Société médico-psychologique.
» Messieurs,
« Par une heureuse inspiration, on a complété ce monument
élevé à la gloire d'un médecin par deux figures allégoriques : la
Science el la Bienfaisance. Que de choses grandes el généreuses
a produites l'union de ces deux forces sociales ! Certes, par laseule
puissance de son esprit, le savant de génie arrive aux plus mer-
veilleuses découvertes, et crée ces théories sublimes qui con-
duisent l'intelligence sur ces hauteurs sereines où elle se plaît à
s'é ever; mais pour rendre à l'humanité un de ces services qui
excitent la vénération des contemporains et la reconnaissance de
la postérité, il faut, s'inspirant d'un sentiment élevé, féconder
son savoir par un ardent amour de ses semblables ; il faut être,
selon l'heureuse expression de Voltaire, un enthousiaste du bien
« moral ». Philippe Pinel en est un exemple éclatant.
« Cet homme de bien naquit le -II 1 avril 1745, dans un petit
village du Languedoc, à Saint-Paul, près de Castres. On le desti-
nait à l'église ; mais son ardeur pour l'étude des mathématiques
et des sciences naturelles n'indiquant pas une vocation bien
arrêtée, son père, modeste médecin de campagne, l'autorisa à
faire ses éludes médicales à Toulouse. Dès qu'il fut reçu docteur,
il se rendit à Montpellier, où il vécut pendant près de quatre ans,
donnant des leçons pour vivre et consacrant ses loisirs à se per-
fectionner dans la pratique de son art sous la savante direction
de Barthez. C'est là qu'il se lia de l'amitié la plus tendre avec *
l'un des créateurs de la chimie nouvelle, avec l'illustre Chaptal.
288 VARIA.
« Paris l'attirail, et l'occasion s'en présentant, il s'y rendit,
léger d'argent, mais riche de savoir el d'espérance. z
«Ce savoir était des plus étendus : mathématiques, sciences
physiques et naturelles, médecine; il avait tout appris, tout
approfondi ; il cultivait même avec amour les lettres et la philo-
sophie, et avait pour la lecture des poètes celte prédilection mar-
quée qu'ont toutes les natures délicates et élevées.
«Ses 'débuts il Paris, où il arriva en décembre 477S, furent
difficiles ; une timidité insurmontable, qui était le fond de son
caractère n'était pas le moindre obstacle à son succès. Heureuse-
ment, le hasard, qui fait quelquefois bien les choses, l'amena à
se lier d'amitié avec Je botaniste Desfontaines; grâce à lui, il
entra en relations avec plusieurs savants distingués, qui appré-
cièrent vivement l'étendue de ses connaissances et la justesse de
son esprit. C'est alors qu'il eut la satisfaction d'être admis dans
la Société d'Auteuil.
« De tous ces brillants salons du xvme siècle, où s'étaient éla-
])orées et développées les idées modernes, celui de Mm0 llelvétius
était en quelque sorte un des derniers survivants ; il n'en était
pas le moins sérieux. On y conservait et continuait l'esprit et
l'oeuvre des encyclopédistes : c'était, selon les paroles d'un histo-
rien : « une académie intime, et un institut d'entre-soi, dans
«lequel, par pur zèle, par pur amour pour la science, on venait
« poursuivre des éludes pour lesquelles on avait besoin du com-
« merce familier de la pensée ». Condorcet, Garât, Volney, Des-
tutt de Tracs, Fauriel, Richerand, et la plupart des savants et
des philosophes de l'époque s'y rencontraient ; mais de ces
réunions élait Cabanis. L'affectueux et bienveillant Cabanis, que e
le poète Andrieux. dans un vers, a pu toul naturellement com-
parer à Fénelon, introduisit Pinel dans ce cénacle. Ces deux
coeurs généreux étaient faits pour s'entendre : de ce commerce
amical, si noble et si désintéressé, allait sortir une des plus belles
réformes que notre époque ait produites. '
« La Révolution venait d'éclater, soufflant partout cet esprit de
rénovation qui devait transformer notre société. Ce sera son
éternel. honneur d'avoir porté hardiment cet esprit dans les ques-
tions d'assistance publique et de s'être faite ainsi la sauvegarde
des intérêts des misérables, des malades el. des infirmes. L'his-
toire n'oubliera pas les noms des trois hommes qui, s'inspirant
du célèbre rapport de Tenon, imprimèrent à ce service une direc-
tion nouvelle plus conforme aux progrès de la science et aux
sentiments d'humanité. Cabanis, Cousin et Thoul'et, que le mou-
vement des affaires avait portés à la tête des hôpitaux, firent
appel au dévouement de leurs amis pour les aider dans la difti-
cile tâche qu'ils avaient entreprise. Sur les instances de Cabanis,
Pmt'1 accepta d'être nommé médecin de Bicêtre, : le savant m0-
VARIA. 289
deste et bienfaisant, qui jusqu'alors s'était tenu à l'écart, trouvait
enfin une tâche digne de lui.
« C'était dans les derniers mois de 1792. Bicêtre, à la fois hos-
pice, hôpital, maison de force et de correction, présentait à cette
époque le plus triste aspect. La partie réservée aux aliénés
comprenait une série de loges, toutes de pierre, étroites, froides,
humides, privées d'air et de lumière et ne contenant qu'un lit de
paille que l'on renouvelait rarement. Ceux que l'on enfermait
dans ces réduits infects étaient à la merci de leurs infirmiers, et
ces infirmiers étaient des malfaiteurs que l'on tirait de la prison.
Ces malheureux fous, ch argés de chaînes et garrottés comme des
forçats, se trouvaient livrés sans défense à la brutalité de leurs
gardiens. Les cruels traitements qu'ils subissaient, leur agitation
trop souvent poussée jusqu'à la fureur, leur arrachaient jour et
nuit des cris et des hurlements que rendait encore plus effrayant
le bruit de leurs fers.
« A ce spectacle lamentable, Pinel fut pris d'une immense pitié.
Par une intuition de génie les grandes pensées viennent du
coeur il comprit-que le seul moyen d'améliorer le sort de ces
pauvres aliénés, de calmer la constante violence à laquelle ils
étaient en proie, c'était l'emploi de la douceur, de la bonté et de
la justice; c'était, avant tout, la suppression de ces moyens de
contrainte dignes de la barbarie.
«Mais, en certains cas, vouloir faire le bien ne suffit pas, il
faut y être autorisé. Pinel ne s'arrête pas pour si peu. Surmontant
sa timidité naturelle, il se présente à la Commune de Paris, et,
devant cette assemblée, il plaide la cause des malheureux confiés
à ses soins, il fait appel à tous les sentiments dont son coeur
déborde pour convaincre ses auditeurs et à la manière dont on
l'écoute, il croit avoir cause gagnée, lorsqu'une voix l'interrompt :
«Citoyen, dit-elle, j'irai demain à Bicêtre te faire une visite;
« mais malheur à toi si tu nous trompes, et, si parmi tes insensés,
« tu recèles des ennemis du peuple ! ... »
« Celui qui parlait ainsi était Coutlion.
« Le lendemain, le terrible conventionnel se rend à Bicêtre;
plein de défiance; il veut tout voir, interroger lui-même les aliénés
les uns après les autres : partout il ne recueille que les injures
les plus grossières; partout il n'entend que cris et vociférations.
Impatienté de la monotonie d'un tel spectacle, il se retourne vers
Pinel :
« Ah ça ! citoyen, lui dit-il, es-tu fou toi-même, de vouloir
« déchaîner de pareils animaux ?
« Citoyen, lui répond celui-ci, j'ai la conviction que ces
« aliénés ne sont si intraitables, que parce qu'on les prive d'air
« et de liberté, et j'ose espérer beaucoup de moyens tous diffé-
« rents. »
Archives, t. X. 19 9
290 VARIA.
« Eh bien ! fais en ce que tu voudras, je te les abandonne ; '
« mais j'ai grand'peur que tu ne sois victime de ta présomption. »
' « Se croyant suffisamment autorisé par ces paroles de Coutlion,
Pinel, sans perdre un instant, se met, le jour même, à l'oeuvre.
Il entre seul dans les loges, aborde avec calme les aliénés, quelle
que soit-leur fureur, leur prodiguant des paroles de consolation
et d'espérance; puis, les délivrant des pesantes chaînes qui les
retiennent, il leur donne la liberté de se promener et le moyen
de -respirer un air plus pur que celui de leurs cachots. Qua-
rante malheureux qui gémissaient sous le poids des fers depuis
de nombreuses années, furent ainsi rendus à la lumière du jour.
L'un d'eux, qui était resté dix-huit ans enfermé dans une cellule
obscure, fut pris d'une sorte de ravissement lorsqu'il put contem-
pler les premiers rayons du soleil : « Ah qu'il y a longtemps,
« s'écria-t-il, que je n'ai vu une si belle chose ! » »
« Les heureux résultats de cet acte philanthrophique ne se firent
pas attendre : l'état d'effervescence, entretenu par l'emploi, des
procédés barbares, se dissipa progressivement; au tumulte et au
désordre succédèrent bientôt le calme et l'harmonie. « L'usage
« gothique des chaînes de fer » avait fait son temps; une ère
nouvelle venait de s'ouvrir pour les aliénés, celle de la bonté, de
la douceur et de la bienveillance. Ceux qu'on avait traités jusque-
là comme des parias de la société, qu'on avait craints comme
des bêtes fauves, se trouvaient enfin réhabilités et définitivement
élevés à la dignité de malades. -
- «Tout l'honneur de cette grande réforme revient à Pinel ; mais,
à l'exemple de ce bienfaiteur de l'humanité, aussi juste que bon,
nous devons rappeler la part qu'y a prise son modeste et dévoué
collaborateur, le surveillant Pussin. Cet homme peu cultivé, mais
d'un coeur tendre et compatissant, fut l'auxiliaire le plus précieux
et le plus fidèle du Maître : jamais il ne faillit à son devoir, .jamais
son zèle ne se ralentit, quelque difficile, quelque pénible même
que fût la tâche à remplir. -
« Après deux ans de séjour, ou plutôt de complète abnégation
de soi-même, Pinel quitta Bicêtre, non pour se reposer, mais
pour porter à l'hospice de la Salpêtrière l'heureuse révolution
qu'il venait d'opérer. Là il trouva les. mêmes abus, les mêmes
atrocités; il eut à vaincre bien des difficultés et, le dirai-je ? à
combattre certaines résistances. Sa calme obstination sut venir
à bout de tout : résistances et difficultés furent surmontées, et les
chaînes des folles de la Salpêtrière tombèrent comme étaient
tombées celles des fous de Bicêtre.
«Pour rendre la réforme ' plus complète et plus efficace, un
progrès important restait à faire.
« Lorsque, dans Paris, un individu était pris d'un^accès de folie,
on le dirigeait d'abord sur l'Hôlel-Dieu. Quelle que fût la forme
VARIA. : 291
de son délire, il y était soumis à des saignées répétées, y prenait
force bains et douches; parfois, on lui administrait quelques
grains d'ellébore ou quelque antispasmodique. On conçoit aisé-
ment les résultats déplorables d'un traitement aussi uniforme
que peu rationnel. Après un ou deux mois d'un tel régime, que
de malades tombaient dans le plus complet état de stupeur, pré-
sentant tous les symptômes de l'anéantissement des fonctions
physiques et morales ! En s'élevanl contre une médication aussi
peu scientifique, Pinel critiqua surtout la phléhotomie obligatoire
dans la folie; et, indiquant le remède à côté du mal, il réclama
la suppression du traitement préalable de l'Hôtel-Dieu et demanda
le transport immédiat des malades dans les hospices d'aliénés
pour y recevoir des soins plus humains et plus conformes à la
nature de leur affection. 11 n'eut ni paix, ni trêve jusqu'au jour
où les pouvoirs publics, lui donnant gain de cause, adoptèrent
une organisation nouvelle.
« De telles améliorations, en profilant aux malades, servaient
aussi la science. L'observation de la folie, rendue plus facile, per-
mettait de mieux la connaître, d'étudier de plus près ses formes
si variées. Pinel acquit ainsi cette « expérience éclairée », ce
grand sens clinique, qui caractérisent son Traité médico-philoso-
phique sur l'aliénation mentale. Ce livre fait époque dans la science.
On ne le relit pas aujourd'hui sans une certaine émotion : savoir
profond et étendu, descriptions exactes et précises, style austère
et grave, tout y est réuni pour satisfaire l'esprit; mais le coeur
est profondément saisi, lorsqu'on arrive aux chapitres où l'auteur,
traçant les règles à suivre dans le traitement moral de la folie,
raconte avec une éloquente simplicité les réformes qu'il a accom-
plies et indique celles qu'il espère du progrès des connaissances.
Ces pages, tout empreintes du sentiment humanitaire de la phi-
losophie du xvme siècle, sont comme la déclaration des droits de
l'aliéné à la sympathie universelle et des devoirs du médecin
envers ce blessé de l'intelligence.
« A côté du philanthrope et de l'aliéniste, il y avait en Pinel
le savant au vaste esprit de généralisation. Portant la méthode
analytique et le procédé de la nomenclature dans l'étude de la
médecine, il s'est appliqué à grouper, dans sa Nosographie philo-
sophique, les maladies, à la manière des naturalistes, par classes,
ordres, genres et espèces. Cet ouvrage, que les progrès de la
science ont jeté dans l'oubli, eut, à l'époque, un immense reten-
tissement ; il devint bientôt classique et son auteur prit rang
parmi les médecins les plus renommés de l'Europe. Par le nombre
et la valeur de ses disciples, il se trouva placé à la tête d'une école
médicale que l'on appela l'école de Pinel, par opposition à l'école
de la Charité, dont le chef était l'illustre Corvisart. Pinel iecevait
ainsi la récompense-la plus chère que puisse désirer le penseur.
292 VARIA.
« Cet homme, si digne de son siècle, et par le coeur et par
l'esprit, vit venir à lui les honneurs sans qu'il les ait recherchés.
Nommé successivement professeur de la Faculté de médecine,
membre de l'Institut, de l'Académie de médecine, il ne voulut
jamais quitter son poste de médecin des aliénées de la Salpê-
trière. Pendant plus de trente ans, il demeura dans cet hospice,
sans cesse occupé d'améliorer le sort de ses malades; il y mourut,
le 25 octobre 1826, âgé de plus de quatre-vingt-un ans, entouré
de la vénération universelle et de l'affection de tous les malheu-
reux qu'il avait secourus.
« La mémoire de Pinel est restée vivante et pure comme celle de
l'homme de bien. S'il mérite la reconnaissance de tous pour la
réforme sociale à laquelle son nom restera attaché, il a tout
particulièrement droit à la gratitude des médecins. N'est-ce pas
lui qui nous a ouvert la voie ? N'est-il pas notre premier maître
en aliénation mentale ? Semblable au Virgile du Dante, il nous a
servi de guide dans ces ténébreux séjours de la douleur et des
larmes; il a excité notre compassion, en nous faisant assister aux
souffrances et aux angoisses des malheureux fous, enchainés
comme des malfaiteurs; mais, plus heureux que le poète, il lui a
été donné de soulager ces grandes infortunes, il a délivré les
aliénés de leurs, fers et porté le calme et l'espérance dans des
coeurs endoloris où ne régnaient que le désespoir et la crainte;
il a fait plus encore : il a prouvé que la folie, cette maladie répu-
tée incurable, pouvait être vaincue par un traitement rationnel
et humain; aussi, cette tâche bienfaisante terminée, Fine ! put
effacer du fronton de ces sombres demeures la sinistre inscrip-
tion : « 0 vous qui entrez, laissez toute espérance ! » Celte oeuvre
est grande et belle : l'homme illustre, qui l'a accomplie, a bien
mérité de la science et de l'humanité ! » »
Le président de la Société se lève ensuite pour donner lecture
de plusieurs télégrammes de sociétés savantes étrangères qui
regrettent de n'avoir pu se faire représenter à cette fêle ; il
remercie aussi tous ceux qui, en assistant à la cérémonie, en ont
rehaussé l'éclat. « Votre présence, dit-il, messieurs, est le témoi-
gnage manifeste de l'intérêt que vous portez au progrès de la
science et de votre scllicitude pour les souffrances de ceux que la
misère et la plus terrible des maladies viennent atteindre. Les
souffrances les plus difficiles à soulager sont celles produites par
l'aliénation mentale et le législateur tout aussi bien que le méde-
cin, sont fort embarrassés lorsqu'il faut sauvegarder à là fois la
sécurité publique, la liberté individuelle, le secret des familles et
les soins à donner à de malheureux aliénés qu'on doit protéger
et traiter souvent malgré eux. Il faut espérer que la loi qui se
prépare saura résoudre d'une manière pratique les difficultés si
nombreuses que soulève ce grave problème. »
varia. 293
Un lunch admirablement bien organisé par les soins de M. Motel
a ensuite réuni tous les assistants dans l'une des salles de la Sal-
pêtrière. De nombreux toasts ont été portés à la Société médico-
psychologique, aux représentants de la municipalité et du gouver-
nement, à la mémoire de Pinel et à la République.
Asiles SUISSES.
Il y a en Suisse environ 8,000 aliénés (chiffre toutefois établi
d'une manière peu certaine), pour une population de 2,832,000
habitants, 4,000 aliénés environ sont soignés dans le asiles publics
et privés par 48-50 médecins.
Canton DE GENÈVE. Les Yerzets. Asile de l'État (130 malades),
directeur et médecin en chef, professeur Dr OLIVET.
Canton de VAUD. - I Bois deCéry. Asile de l'État (350 malades),
directeur et médecin en chef, Dr CIIaLLAND ; médecin en second,
Dr Kayser; médecin assistant, Dr Hansen. ` ? ° La Métairie. Asile
privé(30 lits), D''H;ST. 30 Etay. Asile pour les idiots (40 malades),
pas de médecin dans la maison ; visité par le Dr Zimmer à Au-
bonne.
Canton de EUClt.l1'EL. 1° P1'éf(tI'gie¡'. Asile privé recevant les
malades de l'État, (130-140 malades). Médecin en chef et directeur,
Dr BUIiHIIAIIDT; médecin en 2e, Dr Godet. 2° Asile Bellcvue près
le Henveville (privé), 30 lits. Dr MARGUET. - 3° l3ellcvzce près de
Landeron. Asile pour idiots (10 lits), pas de médecin spécial.
Canton du Valais. Pas d'asile d'aliénés. A Sion, une division
de l'hôpital reçoit 30 à 40 imbéciles et crétins, pas de médecin spé-
cialement attaché à cette division.
Canton DE Fribourg. j)fa)'<6HS. Asile de l'État, (140 malades.)
Médecin-directeur, Dr REPONDS.
Canton DE BERNE. - fla La 4Yctldau. Asile de l'État. (330 lits.) Di-
recteur médecin en chef, Dr prof. ScrIEnnEn; médecin en second,
Dr de Speyr; médecin assistant (change chaque année). On pro-
jette de bâtir un nouvel asile à Munzingen, pour 3ô0 lits. 2o
L'Espérance (Zur Hoffitung).Asile privé, de3511ts. DrNicnA ? s-BovFT.
3° illtttchenbttchsée. Aliénés et alcooliques. Asile privé, appar-
tient à 11-0 veuve Straub. Médecin de l'Asile, Dr GLASER. - 4°
Weissenheim. Asile privé, (pour faibles d'esprit, c'est-à-dire
enfants susceptibles encore de développement ! . Directeur non
médecin, M. R. Glur , médecin, Dr E. KtimG.
Canton de SOLEURE. - Rosseg. Asile de l'État (180-200 mala-
des), avec une petite colonie à proximité. Médecin-directeur,
Dr ACCKEIMANN.
294 VARIA.
Canton D'ARGOVIE. - Kcenicgsfelden. Asile de l'Etat (380-400
malades). Directeur et médecin en chef, Dr SCH,1UFELHUEL ; médecin
en second, or Weibel; médecin assistant (il change chaque
année).. '
Canton de B.\LE- VILLE, -10 Une division de l'hôpital est affectée
au service des aliénés; on a commencé à bâtir un nouvel asile,
60 lits pour les curables, 40 pour les incurables (idiots et épilepti-
ques compris). Médecin-directeur, prof. \'VILLE, (clinique psychiâ-
trique) ; médecin adjoint, X... (change souvent). -'2° L'Espérance
(ZUI' Hotlnung), Asile privé (asile privé pour enfants faibles
d'esprit, imbéciles; etc.), Dr 1 IEDLER-YUNG; M. Nehracher est attaché
comme instituteur à l'asile.
Canton de B1LE-CA11P.1GNE. -- Une division de l'hôpital can-
tonal à Liestal est affectée au service des aliénés (90-100 lits), sous
la direction du . ,D J. KUNZ. 1 '
,CANTON DE TüURGOVIE. - 1° IIIül1stel'lingen, Asile de l'Etat (pour
aliénés curables, environ 150 lits). Médecin-directeur, Dr WALTER ;
2" Saint-Katharinenthal. Asile de l'Etat. (La division des aliénés
l'ait .partie de l'asile destiné aux vieillards, malades ordinaires
incurables, aliénés incurables, épileptiques, etc. La division
réservée aux aliénés compte 180 lits). Médecin-directeur, Dr Jo-
seph BRUINER; - 3° Ifrezczlingen. Asile Bellevue et ville Brunneg
asiles privés. Médecin-directeur, Dr R. BINS\VANGEIi; médecin en
second, Dr X... ? 4° Allnau. Asile privé (6 à 12 lits). Dr BRIDGER.
Canton DE S.11NT-GALL.' - Saint-Pirminsberg. Asile de l'Etat
(2àO-300 lits). Directeur-médecin en chef, Dr WELLER; médecin en
second, Dr von Monakow.
. Canton D'A1'PR\ZELL. Pas d'asile de l'Etat. lVczhenhCttlSe72.
Asile privé (10 lits), appartenant à Mmo Galle. Médecin, Dr CUSTER.
Canton DE SCII1FFOUSE. - Une division de l'hôpital est affectée
au service des' aliénés avec environ. 20 lits. En outre, dans la ville,
il existe deux petits asiles pour des malades incurables tranquilles.
Les médecins font en même temps le service de l'hôpital
cantonal. Dr von MANDACH, senior; DSTURTEn; Dr von 111.1NDACH,
junior. .
Canton DE LUCERNE. Saint-Urban. Asile de l'Etat (280-300 ma-
lades).- La colonie Solznenhalde dépend aussi de l'asile avec 2
à4 lits). Directeur et médecin en chef,.Dr FETSCHERIN; médecin
en second, Dr Lisibach; médecin assistant (change chaque année).
' Canton DE ZUIIICH. lu Bti7,ghol,i. Asile de l'Etat t (330-350 lits,
pour les aliénés curables (clinique psychiatrique). Directeur-mé-
decin en chef, professeur Dr.A. FOREL; médecin en second,
D Lauffer; médecin assistant en premier, X... ? médecin assistant
en second, X... ? Ces deux places changent souvent; 2°, liteinau.
VARIA. 295
Malades incurables (600 lils). Médecin-directeur, Dr 11AEGELI; mé-
decin en second, Dr Greppin ; 3° Colonie et asile privé de
Stammheim. Dr von ORELLI; 4° Asile privé pour idiots {18-
20 lits, sans médecin spécial) dirigé par MUe Keller. (Dans ce
canton, il existe en outre deux asiles où l'on prétend guérir les
malades par les prières ! ! Il y a constamment' dans ces deux asiles
une centaine de malades, avec un mouvement très considérable
(100 au plus par an). Ce sont les institutions de Màennedorf et de
Mônchhof. Il est bon de connaître ces deux maisons pour n'y
pas envoyer de malades. Elles sont souvent citées comme asiles
suisses. Il est utile de ne pas les confondre avec ces derniers.
Canton de UNTERWALD-LE-BAS. Stau ? Asile pour 40 incurables,
sans médecin spécial. '
LES cantons DE TESSIN, GLARIS, SCHWYTZ, URI, UNTHRWALD-LE-
Haut, n'ont aucun asile. Les malades sont placés dans les mai-
sons communales de pauvres. Plusieurs de ces cantons veulent
bâtir soit isolément, soit en s'associant entre eux. " '
Canton des (;RISONS. - Realta. Asile pour 30 incurables. Direc-
teur, M. Lietha (non médecin); médecin, Dr Puol, à Thusis. 1
Le canton des Grisons va bâtir un nouvel asile.
Rapport SUR LES PROGRÈS DE l'assistance DES aliénés effectués EN
ALLEMAGNE au MOYEN DES asiles pendant ces dernières années;
par LOEHR 1, , . . '
Province du RIIIN (suite). Bonz.' Ouverture de l'asile eu 4882.
On l'a complété par des installations intérieures. Dans l'asile,-des-
tiné seulement à 300 malades, on a, jusqu'au 1er- avril 1884,
ajouté des dortoirs et des locaux d'habitation- qui portent le
nombre des places à 450. Au ,\er juill,et 1884, ou pouvait recevoir
462 malades. On a installé des hangars dans les cours des quar-
tiers d'isolement, une horloge, un pulsomètre 2 qui élève l'eau du
canal et permet l'irrigation du domaine, une usine à gaz, un quil-
lier couvert; transformation complète des poêles à bain inutili-
sables. ' , . , .
Grafenberg. On, a augmenté le territoire de près de 36 hectares
dont 28 sont utilisés comme terrain de labour et jardins. En 1882
i Voy. le t. X, p. 138. ' '
2 Nous appelons l'attention sur cet instrument,.qui permet notamment
de remplir à peu de frais un ou plusieurs réservoirs.- ; ' -< '' P. K. z
296 VARIA.
on a acheté cinq maisons d'habitation, placées dans le voisinage
immédiat de l'établissement; on y a logé tous les métiers et les
familles, on y a fondé une colonie d'aliénés en liberté. En avril 1884,
le nombre des travailleurs de ce genre dépassait le chiffre 30; il
sera doublé.dans le courant de l'été par les transformations archi-
tecturales d'une autre maison. L'asile même entretient 460 à 470
malades dont plus de 100 appartiennent aux classes de pensions
supérieures.
Andcrnctch. A eu beaucoup à faire dans ces dernières années
pour remédier à des défectuosités architecturales dues à la mau-
vaise foi.
Merzig. On a, l'hiver dernier, enlevé le pensionnat de première
et deuxième classes pour faire de la place aux malades de qua-
trième classe. La population en a été fixée à 450. Sur les 225 lits
d'hommes, 221 sont déjà occupés, les dernières places sont pro-
mises. Le service des femmes contient 25 lits de libres.
Dur en. Destiné, à l'origine, à 300 malades, il ne disposait dans
les deux quartiers d'isolement que de six cellules pour chacun. Le
chiffre de la population a rapidement atteint 450 de sorte que les
cellules devinrent insuffisantes. On a donc installé dans chacune
des deux sections de demi-agités six chambres d'isolement d'après
le modèle en bois de l'exposition d'hygiène de Berlin 1. L'établisse-
ment peut entretenir 500 malades. Ces chambres d'isolement avec
leur chauffage à la vapeur si simplement modifié ont donné de
très bons résultats pendant cette année. L'ensemble du remanie-
ment architectural a coûté à peu près 10,000 marks (12,500 fr.)
On construira un dépôt mortuaire.
Grafenberg est devenu le siège d'une société de secours pour
aliénés, ressortissant du district de Dnsseldorf.
Province de POIEA.1NIE. - L'établissement de Greisswald est offi-
ciellement regardé comme inutilisable. Ceux de Stralsmnd et jRf(-
genwalde sont vieux et toujours remplis. Le dernier, vu sa situa-
tion, ne se plie à aucune amplification. L'établissement d'Uec)ter-
munde, quoique nouveau, est déjà encombré. Construit pour
240 malades, il en héberge 400; il y a peu de temps, il en conte-
nait 440. Et cependant l'asileprivé de Bergquell,près Stettin, reçoit
85 malades de la province. Ueckermunde a été doté de pavillons
d'observation et de surveillance, on a remplacé des lieux d'ai-
sances défectueux par des watter closets à rinçage automatique.
L'an dernier, on a centralisé l'eau chaude destinée à tout l'éta-
1 Le service d'architecture des asiles de la Seine s'est-il procuré les
documents de cette exposition ? Nous appelons l'attention de l'adminis-
tration .sur ce point , . P. K.
VARIA. 297
blissement. Agrandissement des locaux de la buanderie et de la
machine. '
Province de POSFN. Owinsk. Le nouvel asile de 1874 est ter-
miné. Le vieil établissement de 1878 et 1879 est transformé et
augmenté. On peut y recevoir 540 malades, c'est-à-dire le quart
des aliénés à traiter. Le directeur peut déjà en admettre et cette
admission ne demande pas plus de trois ou quatre jours, suivant
un autre errement en vigueur. Le drainage de l'établissement
est assez complet, il en est de même pour les promenades des
jardins et du parc. Les petites chambres, celles notamment de
l'ancien établissement, sont transformées en grandes chambres
partout peintes à l'huile. La ventilation artificielle s'installe de
plus en plus; en hiver on n'épargne pas le combustible pour tou-
jours aérer. Conduites d'eau très riches. Chacune des 22 sections
possède des chambres de bains spéciales munies de deux bai-
gnoires. Les tuyaux de conduite de plomb ont été remplacés par
des tuyaux en fer. Alimentation très copieuse, très variée; bière
en abondance; on est en mesure d'éviter le plus possible l'uni-
formité du vêtement. Pas de moyens de coercition mécanique.
Isolement rare. On a'établi deux ateliers et une métairie. Des
malades travaillent constamment dans les bureaux de l'asile.
Heures régulières d'enseignement.
Province de l'Est DE la PRUSSE. Koenigsber. Sur le terrain de
l'hôpital de la ville, on a construit .un édifice pour maniaques;
il contient, au rez-de-chaussée un cabinet de bain, deux sections
complètement séparées, ayant chacune un corridor qui sert
de salle de jour; une chambre de gardiens ou de gardiennes et
trois cellules d'isolement. La cellule est munie d'un verre épais
de 13 millim., bleu-terne, qui permet de ne point masquer aux
plus furieux, aux plus destructeurs, la vue du dehors, car on ne
voit de l'extérieur dans la cellule qu'à l'aide d'une lumière arti-
ficielle ; les malades au contraire reçoivent un jour d'une nuance
douce qui tempère leurs sensations.
Nombre des admissions :
De 1881-1882 : 131.
De 1882-1883 : 134.
. De 1883-1884 : -158.
Guérisons : 66,66 p. 100. Cet établissement sert à l'enseigne-
ment de la psychiatrie.
Allenberg. L'agencement de la colonie permet d'y introduire
40 hommes. Aussi, en 1882, construisit-on un édifice pour
40 femmes occupées à la cuisine et à la cave ; il ressemble
aux édifices des malades de la colonie. Les ateliers ont été trans-
portés dans les anciens communs. On a réformé le quartier cel-
298 VARIA.
lulaire des hommes avec ses dix cellules. Ce résultat a été atteint
grâce au traitement au lit des agités. Superficie : 74.hectares.
L'an dernier, on a exécuté une canalisation neuve, on a terminé
le bâtiment d'isolement des femmes. On s'est mis en communi-
cation par un téléphone avec le télégraphe public de Wehlau; un
~ téléphone rejoint par un câble sous-terrain l'asile à la colonie.
On a reconnu nécessaire la construction d'un nouvel asile ci
Allenstein. A l'origine, il devait s'ouvrir, le 1er octobre 1885, à
200 malades; mais à cette époque, il ne pourra recevoir que
50 aliénés évacués d'Allenberg; il ne sera installé que pour oc-
tobre 1887.
Province' de l'Ouest de la Prusse. Schwetz. Depuis 1881, on se
sert d'une nouvelle conduite d'eau et d'un nouvel organe d'écou-
lement, qui ont coûté 50,000 marks (62,500 fr.), de là des amélio-
rations hygiéniques marquées. La mortalité n'atteint plus que
2,68 p. 100. Rareté extrême des maladies intercurrentes et notam-
ment de la phthisie pulmonaire.
Neustadt. Ouverture en 1883 de l'asile nouvellement construit.
Il reçut 91 aliénés de Schwetz et des malades empruntés aux
hôpitaux d'indigents et aux familles. Très bien situé, accoté à
des monts boisés dont une partie appartient à l'établissement et
a été transformée en un parc'
Province de IIANOVIIE. - GoeHQ'eM. Depuis trois ans, on a sup-
primé le système des latrines d'Arcet qui a donné les plus mau-
vais résultats, pour le remplacer par le rinçage à eau du système
Hopper. On irrigue avec l'eau d'égouts une surface de 2 hectares,
constituée par un sable argileux très mauvais. Cette terre a été
transformée en une prairie riche en humus. Dans le voisinage
immédiat de la surface caillouteuse qui, au nord, est à une dis-
tance de 200 mètres des jardins de l'asi'e, on ne perçoit aucune
odeur désagréable. Cet automne, on va ouvrir la première des
quatre villas. C'est une habitation absolument dégagée, ouverte,
simplement limitée par des haies vives et des grillages en bois,
sans grilles, destinée à 25 hommes. La nouvelle buanderie où
habitent quelques malades femmes.(4 à : 6) s'agence actuellement.
Les dépenses de la villa, y compris. l'habitation d'un médecin-ad-
joint célibataire et d'un économe marié, ont été de 35,000 marks
.(43,750 fr.).. - ....
Hildesheim. Dans la colonie d'Einum,o.n a en 1882 gagné parla
nouvelle construction 25 places; elle offre maintenant 79 places.
Le cloître Michael reçoit les eaux de la ville.
. j .. ".
Osnczbrück. En 1882; culture de 20 hectares.' La colonie compte
- I i hommes habitant dans. une maison rustique. On a exécuté la
- canalisation cette année et.l'an dernier; on projetteil'installation
VARIA. 299
de waterclosets et l'irrigation. L'admission à titre provisoire per-
met l'entrée d'un plus grand nombre de malades récemment
atteints. -
Province de SCHLESVIG-110LSTE1N. - Asile de Schleswig. On a,
en 1881, acheté un terrain de culture adjacent ; on y a arrangé
des habitations pour des gardiens mariés, on a installé un éclai-
rage au gaz pour 641 becs. La superficie comporte 50 hectares.
L'année dernière, on a construit une villa pour le directeur, ce
qui porte- à quatre les habitations de familles de médecins.
On a affermé neuf hectares en sus. L'an dernier, pour diminuer
l'encombrement on a augmenté de trois cellules le bâtiment d'iso-
lement, on a élargi le local d'habitation ; le dépôt des quartiers
a été transformé en neuf chambres d'isolement. Les asiles privés
ne peuvent plus recevoir de femmes. 11,000 marks (13,750 fr.)
ont été consacrés aux grosses réparations; on a acheté 6 hectares
de terrain. Des dons ont augmenté le fonds de rémunération des
gardiens et des gardiennes éprouvés, et ont permis de former un
capital pour malades congédiés.
Alsace-Lorraine, état immédiat de l'empire. -Asile de Sa1' ? 'e ! }lIe-
mines. Ouvert en 1880'. En 1883, construction d'une église au
prix de 40,000 marks (50,000 fr.) Il est encombré et manque d'eau.
On a commencé à Steinbaclierhof à installer des habitations.
S<6F/t«Ht-/f<t/-Hoer. C'est en 1882 qu'on a livré la nouvelle ha-
bitation du directeur, qu'on a utilisé le nouveau dépôt mortuaire.
A Nqël on a inauguré la nouvelle salle des fêtes. La même année
on a complété les transformations des deux pavillons de fonction-
naires et de la vieille salle des fêtes. On a installé dans l'ancien
pavillon du directeur une habitation de famille pour le second
médecin ; au rez-de-chaussée ont été arrangés les bureaux admi-
nistratifs. On cultive 70 hectares.
PROVINCE DE ÏÏESSE-NASSAU. L'asile d'Eichbei-g a vu commencer
en 1881 une construction neuve et une transformatiouarchitectu-
rale qui maintenant sont presque terminées. On a acheté un ter-
rain de 347 ares 24 au prix de 23.972 m.arks (29,965 fr.). D'une
manière générale, les deux édifices sont groupés sur trois plans
partiellement obliques placés les uns au-dessus des autres; coût :
994,000 marks (1,042,500 fr.). Ce sont, sur un premier plan, de
l'est à l'ouest : une huanderie - un nouveau pavillon pour 20
pensionnaires femmes, un bâtiment de femmes (ancien), un
nouveau pavillon pour pensionnaires hommes, - une maison de
fonctionnaires (ancien), une ancienne habitation princière
(réservée à l'horticulture),-une cuisine neuve. En arrière et plus
' Voy. Archives de Neurologie, t, III, p. 108. -
300 FAITS DIVERS.
haut on trouve un nouveau pavillon d'observation pour 30 femmes
et autant d'hommes. Tout en haut, vers le nord existent : un non.*
veau pavillon pour 20 femmes agitées, un nouveau réservoir
d'eau avec chaudière,-un nouveau pavillon pour hommes agités,
enfin à l'ouest, une nouvelle chapelle, une salle d'autopsie et
de microscopie. Les nouveaux édifices cubent par tête, dans les
chambres d'habitation : 22 cent. cubes; - dans les dortoirs :
32 à 37 cent. cubes;- dans les cellules : 54 cent. cubes ; ils pos-
sèdent, à tous les étages, des chambres d'isolement, et sont
chauffés par un système à air modifié qui assure la ventilation.
De grandes mesures de prévoyance ont été prises contre les in-
cendies, à l'intérieur et à l'extérieur des constructions. Water-
closets. Dans la nouvelle buanderie, très spacieuse, habitent 16
femmes avec leurs gardiennes et la gardienne en chef spéciale-
ment attachées au lessivage; les quelques femmes occupées à la
cuisine y habitent aussi. Au second étage, est la salle des fêtes.
L'asile peut recevoir maintenant 450 malades.
L'asile de Frarzcfort sur le Mein encombré, attend depuis des
années des améliorations. Des plans ;très différents ont été faits,
mais l'autorité ne s'est encore décidée pour aucun d'eux. Le pro-
jet qui la plus grande chance de réussir est celui qui consiste à
se débarrasser de l'établissement actuel dont les terrains ont une
grande valeur et à construire un nouvel asile dans une situation
plus isolée.
A l'asile d'idiols deSc)ceucznz près Nassau a, en 1883, été ouverte
une section pour épileptiques et arriérés. L'asile a été agrandi, de
sorte qu'actuellement il se compose de six grands bâtiments. Mais
on manque d'espace pour donner satisfaction à 80 demandes
urgentes.
ZD (A suivre.)
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés de la SEINE. Nomination. - Par arrêt pré-
fectoral du 30 juillet, M. Lucien PicQuÉ, chef de clinique chirurgi-
cale à l'Hôtel-Dieu, est nommé chirurgien adjoint des asiles
d'aliénés de la Seine (emploi créé). Le nouveau titulaire touchera
un traitement fixe de 300 fr. par asile, soit 1,200 fr. et une indem-
mité de déplacement de 200 fr. pour chacun des asiles situés hors
barrière, savoir Villejuif, Ville-Evrard et Vaucluse.
faits VIVRÉS. 301
Asiles publics d'aliénés des Bouciies-du-Rhône. Concours pour
l'admission de deux élèves internes en médecine. Le vendredi,
10 juillet 1885, à 9 heures du matin, a été ouvert un concours
public pour la nomination de deux élèves internes en médecine,
l'un à l'asile public d'aliénés de Marseille, l'autre à l'asile d'Aix.
Association française pour l'avancement des sciences. La
quatorzième session de cette association a eu lieu a Grenoble,
le jeudi 13 août 1885, sous la présidence de M. le professeur
Verneuil.
Congrès pour l'instruction des AVEUGLES. - Un congrès pour
l'instruction des aveugles se réunira à Amsterdam le 3 août pro-
chain. En même temps aura lieu une exposition des objets em-
ployés pour l'instruction des aveugles et des ouvrages exécutés
par ces derniers dans un grand nombre d'établissements. La Bel-
gique, le Brésil, l'Allemagne, la France, l'Italie, la Russie et la
Turquie seront officiellement représentés. Une centaine de direc-
teurs d'instituts d'aveugles, ont déjà envoyé leur adhésion. (Jour-
nal d'oculistique.)
Les aveugles employés au télégraphe. Le journal l'Electricité
annonce que l'on prépare des appareils spéciaux, permettant de
confier des services télégraphiques aux aveugles.
Ecole d'anthropologie. - Cette école vient de décider la création
d'une chaire de l'histoire des civilisations et a nommé professeur
de cette chaire M. le Dr LETOURNEAU.
NoMtNATioNs. Asile de Villejuif. M. le Dr Vallon est nommé
médecin en chef.
Hospice de la Salpétriére. M. le Dr BABINSEY est nommé chef de
clinique des maladies nerveuses.
Société DE médecine et chirurgie de Bordeaux. Prix de la
Société. Question mise au concours : de l'épilepsie jaeksonienne.
Ce prix, d'une valeur de 1,000 fr., sera décerné à la fin de 1886.
Pria; Fauré. - Ce prix, d'une valeur de 500 fr., sera décerné à
la fin de l'année 1886 au meilleur mémoire sur la question sui-
vante : Exposer aux populations peu aisées ce que l'on entend
scientifiquement par alcoolisme et montrer les inconvénients graves
qui résultent pour la santé, non seulement de l'ivrognerie, mais
encore de l'usage quotidien et longuement prolongé des boissons
alcooliques. Les mémoires écrits très lisiblement en français
doivent être adressés franco à M. Douaud, secrétaire général de
la société, allée de Tourny, 10, jusqu'au 31 août 1886, sous les
formes académiques.
Statue DE PINEL.- L'inauguration de la statue de Fine ! , élevée
sur la place de la Salpêtrière, a eu lieu le lundi 13 juillet der-
nier, sous la présidence de M. le Dr Dagonet. (Voir p. 285.)
302 FAITS DIVERS.
Exposition D'ANVERS.- Société DE médecine mentale de BELGIQUF.
La Société de Médecine mentale de Belgique se propose de
tenir à Anvers, à l'occasion de l'Exposition universelle, du 7 au
9 septembre 1885, une Réunion extraordinaire qui sera consacrée
à l'étude de divers sujets,- ressortissant du domaine de la phré-
niatrie et de la neuropathologie.
Deux questions feront l'objet d'un rapport : l'une de la part de
,1\1. le Dr Lcfebvre, professeur à l'Université de Louvain, l'autre de
la part de 1\1. le Dr Semai, médecin-directeur de l'asile d'aliénées
de Mons, tous deux membres titulaires de la Société. La première
a été Formulée comme suit : Etablir les bases d'une bonne statis-
tique internationale des aliénés; la seconde : Relations entre la cri-
minalité et la folie. Les séances du matin seront consacrées à la
discussion de ces deux questions. Les séances de l'après-dîner
seront remplies par les communications diverses qui ont été
promises et auxquelles viendront s'en adjoindre probablement
encore d'autres. Ensuite les journées des 10, 1 et 12 septembre
pourront être éventuellement employées à des excursions soit à
Gheel, soit à Lierneux, soit il Gallo. soit à Mons, soit à Tournai.
La Société fera parvenir ultérieurement un programme plus
détaillé à tous ceux qui voudront bien l'honorer de leur adhésion.
La Société de Médecine mentale serait heureuse de recevoir, à
cette occasion, le concours des alienistes étrangers et d'autres
personnes compétentes s'intéressant aux questions traitées, telles
que les médecins en général, les magistrats, les criminalistes, etc.
La participation si cette réunion est gratuite..Les adhérents
sont invités a s'adresser, plus pour amples renseignement ? , à
M. le Dr B.-C. 1NGELS, médecin de o ? e6-GM ! Sa ! H, à Gand.
Meeting contre l'abus de l'alcool. - A l'occasion de l'exposi-
tion d'Anvers, il se tiendra les 11 et 12 septembre prochain un
grand meeting international contre l'abus des boissons alcooliques,
auquel seront convoqués tous ceux qui se préoccupent de la
question. Pour obtenir des cartes d'invitation ou des renseigne-
ments, s'adresser à M. le Dr A. Moelles, 1, rue Montoyer, à
Bruxelles. La participation est gratuite.
La statue de DARWiN. On vient d'inaugurer la statue de Dar-
win dans le nouveau muséum d'histoire naturelle de SouLh-Kel1-
sington, bâti sur l'emplacement de l'Exposition universelle de
1851. Une partie du montant de la souscription pour cette statue
a été affectée à la création d'un fonds spécial, dit fonds Darwin,
qui sera appliqué, sous la direction de la Société royale, à l'encou-
ragement des sciences biologiques.
Le cas du Dr L.-U. Beach. - La condamnation et l'exécution
'du Dr Beach à Holidaysburgh (Pennsylvanie), pour le meurtre de sa
femme a excité un vif intérêt. Il a été exécuté le 12 février der-
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 303
nier. Quoique plusieurs médecins, d'une véracité indubitable,
témoignassent de son insanité et qu'il eût été et fût encore sujet
à des attaques pour lesquelles il avait été traité pendant des
années, fait corroboré par sa première femme dont il était di-
vorcé, le jury l'a déclaré coupable. La cour suprême a refusé une
nouvelle enquête. Le conseil des grâces n'a pas voulu, 'pour une
plus ample information, commuer la sentence et le gouverneur
de Pennsylvanie a refusé même un examen par des aliénistes
compétents. La profession médicale considère que le Dr Beach
était irresponsable et ]a 'lJledico legal Society a nommé une com-
mission pour examiner ce cas avec soin. (The medico-legal Journal,
1885, na 4.).......
THE AMERICAN Journal OF NEUROLOGYAND P3YCHIATRY. Ce jour-
nal, édité par MM. M. Bride, Landon Carter GrayetE.-C. Spitzka,
annonce, en publiant le dernier numéro de son troisième vo-
lume, qu'il cesse de paraître. Nous le regrettons, car ce recueil
contenait des travaux intéressants et était fait avec soin.
Asile clinique (Sainte-Anne) : Distribution des prix A l'École
départementale d'infirmiers et D'11FIRNIÈRES. Celte cérémonie
a eu lieu le 22 août sous la présidence de M. Bourneville, assisté
de MM. Dagonet, Bouchereau, Quesneville, Dr Taule, directeur,
des internes, etc. Après un très bon discours de M. le Dr Dagonet,
rempli des meilleurs conseils, les récompenses ont été décernées.
M. Bourneville a clos la séance en insistant sur la nécessité d'avoir
à l'asile un instituteur et une institutrice qui serviraient le jour
aux malades, le soir aux infirmiers et aux infirmières; sur la
nécessité de rendre l'enseignement obligatoire; sur l'obligation,
pour l'Administration, de recruter exclusivement les surveillantes
parmi les élèves de l'École. Enfin, il a mis en relief ce fait que,
aujourd'huiencore, l'Administration ne comprend pas l'utilité des
écoles d'infirmières et s'imagine que la première femme venue,
pourvu qu'elle soit protégée, peut être nommée surveillante.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Bibliothèque diabolique. - Jean Ven. Histoire, Disputes et Discours
des Illusions et Impostures des diables, des magiciens infâmes, sorcières
et empoisonneurs, des ensorcelés et démoniaques et de la guérison d'iceux;
304 Fe BULLETIN B1BLI03RAPHIQUE.
Item de la~ punition que méritent les magiciens, les empoisonneurs et les
sorcières. Le tout compris en six livres; par Jean Hier, médecin du duc
de Clèves, suivi : de deux dialogues touchant le pouvoir des sorcières et
la punition qu'elles méritent, par Thomas Erastus. Avant-propos par
Bourneville; - Biographie de Jean Wier, par Axenfeld.
Cet ouvrage, en vente au bureau des Archives de Neurologie, forme
deux beaux volumes de plus de 600 pages, et est orné du portrait de
l'auteur, gravé au burin.
Prix : Papier velin, 15 fr. les deux volumes. Pour nos abonnés 12 fr.
Il a été tiré pour les amateurs un certain nombre d'exemplaires sur
papier de luxe.
Papier parcheminé (n" 1 à 300), prix 20 fr. les deux volumes. - Pour
nos abonnés ..... , 16 fr.
Papier Japon, des Manufactures impériales (n° 1 à 150), prix 25 fr.
les deux volumes. Pour nos abonnés . , .......... 20 fr.
N.-B. - Les prix ci-dessus sont pour les exemplaires pris dans nos
bureaux; pour la France, le port est de 1 fr.; pour l'étranger, de 2 fr. 50.
Fonts. - Second anttaal report of the managers of lhe slate lunatic
asylum, at UTICA, for the Year 1884. Albany, N. Y. 1885. - Woed, Pàr-
sons and G°.
N'OTUNAGEL. Traité clinique du diagnostic des maladies de l'encéphale,
basé sur l'étude des localisations. Traduit et annoté par P. KÉRAYAL;
précédé d'une préface par M. le professeur CuencoT. Volume in-8° de
677 et xxi pages, avec 68 figures. Prix : 14 fr. Paris, 1885. Librairie
A. Delahaye. 0
RicHER (P.). Etudes cliniques sur la grande hystérie ou htlstéro-épi-
lepsie. Volume in-8° de 975 pages, avec 196 figures. Prix, papier teinté :
25 fr. Papier Japon : 50 fr. Paris, 1885. Librairie A. Delahaye.
SALElt-PACE. Ificerche sperimentali sulla influenza délie soslartze
ipnogene sulla nutrizione degli organi. Brochure in-8° de 5 pages. -
Palerme, 188n. Journal Il Pisaiti. 0
La classificazione délie frenopatie. Brochure in-8° de 25 pages, avec
2 tableaux. Palerme, 1885. Journal ll Pisani.
- Il Pensiero rtell' imita del diseqno organico délia natura correlagioni
con la clinica freniatrica. Brochure in-8" de 30 pages. Palerme, 1884.
Dalla Stamperia militare. 0
Co ? t<r ! 6M<o clinico ed allatomico-palologico alla localizzazione del
centro psichico-visivo. Brochure in-8° de 47 pages, avec 2 planches hors
texte. Palerme, 1884. Tipografia di Salvatore Bizzarrilli.
Un caso di neuraslertia cerebello-spiuale cou agorafobia. Brochure
in-8° de 18 pages. Palerme, 1882. C'1l'ini, Caronna et Macoclin.
- Le cardiopatie nei Pazzi loro patogenesi e studi anatomo-patologici.
Brochure in-8° de 80 pages, avec 9 planches hors texte. Palerme, 1883.
Carini, Caronna et Macoclin.
THULIÉ (H.) - La Femme (Essai de sociologie physiologique). Ce
qu'elle a été. - Ce quelle eslt. Les théories : ce qu'elle doit être. Vo-
lume in-8° de 520 pages. Prix : 7 fr. 50. - Paris, 1885. Librairie
A. Delahaye.
Le rédacteur-gérant, BOUIINEVILLE.
Hwcm. t.b lIkUlbl8'k'. ¡IlIV 98·
Vol X. Novembre 1885. N" 30
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE NERVEUSE
CONTRIBUTION A L'ETUDE DES FAUSSES SCLEROSES
SYSTÉMATIQUES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE
Par N. POPOFF, médecin il l'asile Saint-Nicolas il Saint-Pétersbourg.
Il -s'est passé relativement très peu de temps encore
depuis que les recherches de Tûrck ont été publiées
(1856); mais les opinions de ce savant ont déjà été
étudiées et approfondies d'une manière assez exacte,
et maintenant il ne se passe presque pas d'année sans
que l'on publie cluelques observations d'affections sys-
tématiques de la moelle épinière, sans que l'on ne
porte un nouveau rayon de lumière sur quelque côté
obscur de cette question. Quant à la littérature rela-
tive à ce sujet nous pouvons observer qu'à partir de
1880, il se fit entendre quelques voix, rares jusqu'à
présent, il est vrai, assurant que beaucoup de tableaux
cliniques s'expliquent d'eux-mêmes sans supposition
d'une affection systématique de la moelle épinière.
Ainsi, M. Adamlciewicz', se basant sur l'examen
t .4rch. f. Psychiatrie, 1880.
Archives, L. X. 20
306 PATHOLOGIE NERVEUSE.
de la moelle épinière d'un tabétique, avoue qu'on avait
affaire, dans ce cas, non à une affection systématique,
comme on le suppose aujourd'hui, mais à la prolifé-
ration du tissu conjonctif, spécialement dans les cor-
dons postérieurs, et il explique cette localisation par
des conditions purement anatomiques.
L'année passée, MM. Ballet et Minor ' ont étudié
toutes les observations existant dans la littérature des
cas de maladies systématiques compliquées des cor-
dons latéraux et postérieurs et ont conclu qu'une seule,
entre eux, appartenant à M. Damaschino, peut être
considérée avec quelque vraisemblance comme telle;
toutes les autres doivent être classées dans les groupes
de scléroses diffuses. L'observation du Dr Tschetschoff,
non encore publiée, que nous présentons plus bas peut
d'après ses particularités cliniques et surtout anatomo-
pathologiques, éclairer cette question sous un autre
point de vue.
Voici cette observation que nous devons à l'obli-
geance de M. Tschetschoff, professeur agrégé delà faculté
de médecine de Saint-Pétersbourg, à qui nous nous
permettrons d'adresser ici nos meilleurs remerciments.
Observation. Anna 0..., paysanne, âgée de vingt-deux
ans,' entre à l'hôpital militaire Saint-Nicolas à Pétersbourg, le
14 janvier 1880.
Dans son enfance, elle était faible, chétive, scrofuleuse et
n'a commencé à marcher qu'à l'âge de cinq ans. Agée de douze
ans, elle arriva à Saint-Pétersbourg, et tant qu'elle fut dans de
bonnes conditions hygiéniques, jusqu'en 1877, elle jouissait
d'une parfaite santé.
Au mois de novembre de la même année, il se déclara tout-
à-coup un état fiévreux et des douleurs dans le bas du dos qui
1 Arch. de Neurologie, 1884.
DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 307
augmentaient, puis une faiblesse dans les extrémités inférieures,
de sorte que la malade dut garder le lit. Après deux semaines
les douleurs diminuaient, la fièvre cessait; mais la faiblesse,
restée à un haut degré dans les jambes, rendait la marche dif-
ficile. Néanmoins 0... put reprendre ses occupations habi-
tuelles. Deux ou trois mois après, la faiblesse augmenta de
nouveau, des douleurs dans le dos, du tremblement et des
crampes dans les membres inférieurs se firent sentir. Il s'y
joignit une constipation tenace, rétention de l'urine et huit
mois après le commencement de la maladie, 0... fut forcée
d'entrer à l'hôpital, oùl'on employa l'électricité pendant quel-
ques mois. Son état s'améliora de façon qu'elle put retourner
au village. Elle n'y resta pas longtemps, car les symptômes
s'aggravèrent rapidement. Elle revint à Saint-Pétersbourg et
entra à l'hôpital Obuchow, où on la traita presque une année,
mais cette fois sans succès appréciable. On la transféra à l'hô-
pital Nicolas, où, à la fin de 1881, elle fut placée dans la section
des maladies nerveuses du professeur agrégé Tschetschoff.
L'examen, fait en novembre 1881, montra ce qui suit : La
malade était de taille moyenne, d'une constitution normale,
les téguments externes pâles, le tissu cellulo-adipeux sous-
cutané très faiblement développé, la colonne vertébrale ne
présentant pas de douleur à la pression. A la partie supérieure
des deux poumons, la respiration bronchique avec l'expiration
prolongée et quelques bruits sous-crépitants.
C'est dans la sphère motrice que se montrait le plus grand
dérangement. Tous les mouvements soit actifs, soit passifs
devinrent difficiles et limités. 0... ne marcha plus qu'à l'aide
d'un bâton, ou en s'appuyant sur quelqu'un. Son allure devint
caractéristique, spastique. Elle ne s'assied qu'avec beaucoup de
peine. A chaque essai de marcher les jambes lui tremblent.
Parfois on observe un léger tremblement et une contraction
convulsive de quelques muscles des jambes même pendant le
repos, et alors les jambes se trouvent dans l'adduction et l'ex-
tension extrêmes des équino-varus. Les adducteurs des hanches
sont fortement contractés même en état de repos, leurs con-
tours se dessinent nettement sous la peau. On remarque une
rigidité, une tension dans tous les muscles des jambes, mais
de différents degrés : plus faible dans les adducteurs et exten-
seurs de la hanche que dans les fléchisseurs. La force muscu-
naire est affaiblie et les réflexes des tendons sont visiblemet
308 PATHOLOGIE NERVEUSE.
exagérés. La réaction des muscles et des nerfs sur les deux
courants dans les extrémités inférieures et supérieures est tout
à fait normale. Dans la sphère de la sensibilité, l'examen n'a
pas montré de changement, mais la malade se plaint de dou-
leurs sourdes dans les parties inférieures de la colonne dorsale,
et de douleurs continues dans les jambes.
L'émission de l'urine est plus fréquente et plus douloureuse
quoique l'urine ait les qualités normales; constipation.
Dès le mois de février 1882, la malade commence à s'aperce-
voir qu'en se réveillant, ses membres supérieurs sont fortement
fléchis dans l'articulation du poignet, du coude et de l'épaule,
qu'elle ne peut les étendre qu'avec peine. Au surplus, se font
sentir de temps en temps des douleurs et des tremblements
convulsifs dans les extrémités supérieures, mais sans atteindre
le même degré que dans les extrémités inférieures.
Au mois d'octobre 1882, les crampes apparaissent aussi dans
les muscles de l'abdomen et l'examen démontre la rigidité des
muscles du côté droit de l'abdomen.
L'examen, fait au mois de décembre 1882, démontre un
affaiblissement de la force musculaire des deux mains, spécia-
lement de la main droite et une rigidité surtout dans les flé-
chisseurs de l'avant-bras.
A partir de la fin de 1882 le processus dans les poumons
marcha rapidement, les forces diminuèrent, il apparut de la
diarrhée, des escharres et le 28 février 1883, la malade mourut.
Nous n'avons pas pu obtenir le protocole de l'autopsie. 11
est certain qu'à l'examen macroscopique de la moelle épinière
à l'état frais, on remarqua une nuance grisâtre dans la partie
postérieure des cordons latéraux de la partie inférieure de la
moelle.
De la description citée, on voit que les symptômes les plus
remarquables sont : marche spastique, rigidité des muscles,
leur tremblement convulsif et contractures, affaiblissement des
forces musculaires et une grande exagération des réflexes des
tendons, en un mot, tous les traits caractéristiques de la
maladie de la moelle épinière, connue sous le nom de tabes
dorsal spasmodique.
Une supposition pareille s'affirme par la marche lente de
la maladie, par son cours de bas en haut, par l'absence de
l'atrophie de muscles. 11 est vrai qu'à ce diagnostic on pour-
rait opposer le commencement subit de la maladie, accom-
DES FAUSSES SCLEROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 309
pagné d'un état fiévreux, d'après le dire de la malade, mais,
quand on se rappelle que 0... appartenait à une classe de
personnes faisant très peu attention à elles-mêmes et que par
cette raison elle pouvait ne pas remarquer les premiers symp-
ômes d'une souffrance arrivant lentement et qui se montra
plus clairement quand par hasard la fièvre s'y est jointe, si
nous prenons en considération tout cela, nous ne donnerons
pas une signification décisive à ces renseignements.
Contre le tabes dorsal spasmodique parleraient aussi les
troubles de la sensibilité et de la vessie, mais M. Charcot ainsi
que M. Erb admettent la possibilité que cette maladie soit
accompagnée de pareils symptômes, mais ceux-ci ne doivent
être placés qu'au second plan, comparativement aux troubles
des mouvements comme nous le voyons justement chez notre
malade.
L'examen microscopique1 de la moelle épinière, fait par nous
mêmes, nous donne :
a) Substance blanche.
Dans la région de l'origine apparente de la première paire
cervicale les cordons antérieurs n'offrent pas de changements
visibles. Dans les cordons latéraux, il y a légère prolifération
du tissu conjonctif sur leur bord postérieur. Dans les cordons
postérieurs on remarque une sclérose dans la sphère des fais-
ceaux de Goll, surtout dans leur partie postérieure. Dans la
partie inférieure de la portion en question la sclérose des fais-
ceaux latéraux s'agrandit peu à peu et forme une bandelette
1 Pour mes recherches précédentes, je me suis servi du liquide de
M.Erlitzky (Progrès notez., 1877, no 39) pour durcir la moelle, mais la pra-
tique me prouva ensuite que bien que la moelle atteigne très rapide-
mont dans ce liquide le degré de durcissement nécessaire pour obteni
des coupes minces, elle devient pointant très fragile lorsqu'on l'y tienr
longtemps. Los recherches du docteur 'Cscltitsclt tl'Grtréphale, 1881'
montrent eu plus que dans la moelle durcie d'après la méthode de
1(. Eriitxky, probablement sous l'influence du sulfate de cuivre, il se
forme des masses fauves qui ressemblent beaucoup au pigment. Quant il
la pièce en question, cette moelle épinière fut durcie dans une solution
de bichromate de potasse de 2 p. 100, les coupes furent colorées par du
carmin, préparées dans de l'alcool et de l'essence de girolle, et ensuite
dans du baume de Canada.
310 PATHOLOGIE NERVEUSE.
large atteignant presque la substance grise. En avant, sur la
bord extérieur elle n'atteint pas la racine antérieure.
Dans la région de l'origine apparente des racines de la
seconde et de la troisième paires cervicales, il y a les mêmes
changements décrits, avec cette différence seulement que dans
les cordons postérieurs la sclérose atteint plus les parties anté
rieures, mais non encore la substance grise.
Dans la région de l'origine apparente des racines des qua-
trième et cinquième paires cervicales se voit le même tableau,
seulement dans les parties inférieures la sclérose des cordons
postérieurs atteint un plus grand développement et va jusqu'à
la commissure postérieure.
Dans la région de l'origine apparente des racines des
sixième et septième paires cervicales, les changements patho-
logiques conservent le caractère décrit plus haut.
Dans la région de l'origine apparente des racines de la
huitième paire cervicale, le faisceau gauche de Goll est plus
faiblement atteint que du côté droit, surtout dans son tiers
moyen, mais la prolifération du tissu conjonctif s'étend sur
tous les faisceaux de Goll en les délimitant nettement de ceux
de Burdach.
Fin. 5. - Coupe transversale de la moelle épinière dans le renflement
cervical. - Prolifération du tissu conjonctif des cordons postérieurs
et du bord antéro-postérieur des cordons latéraux.
Fig. 6. Coupe transversale 3 la limite des portions cervicale et dorsale.
Prolifération du tissu conjonctif des cordons postérieurs et du bord
externe des cordons latéraux.
DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 311
Dans la région de l'origine apparente des racines de la
première et de la seconde paires dorsales, on remarque la même
départition de la sclérose comme dans la partie inférieure de
la portion cervicale, mais elle est plus intense dans les cor-
dons postérieurs ne touchant qu'à peine les cordons posté-
rieurs où elle se distribue avec la même irrégularité.
Dans la région de l'origine des racines de la troisième paire
dorsale, on remarque la prolifération du tissu conjonctif, aussi
dans les cordons antérieurs, ici elle forme une bandelette
étroite le long de la fente longitudinale et au bord antérieur
des cordons jusqu'à la sortie des racines antérieures, puis
s'étend sans interruption à la périphérie des cordons latéraux,
où elle s'étend graduellement à une région plus large; de sorte
que dans la moitié postérieure de ces cordons elle remplit tout
l'espace qui répond aux faisceaux du cervelet et aux faisceaux
pyramidaux. Dans les cordons postérieurs la sclérose embrasse
comme auparavant les faisceaux de Goll.
, Dans la région de la sortie des racines de la quatrième et
cinquième paires, la propagation de la sclérose reste la même ;
mais dans les cordons postérieurs elle s'affaiblit tout en res-
tant peu régulière.
Dans la région de la sortie des racines de la sixième paire
dorsale les cordons postérieurs sont encore moins atteints. On
remarque surtout la sclérose dans les parties postérieures de
cordons latéraux, où elle atteint la substance grise. La localisa-
Fig. 7. -Coupe dans la partie supérieure de la portion dorsale de la
moelle épinière. Sclérose des cordons latéraux et postérieurs et du
bord externe des cordons antérieurs.
Fig. S. - Coupe dans la partie inférieure de la portion dorsale.- Sclérose
des cordons latéraux et antérieurs.
312 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tion dans la moitié antérieure de ces cordons, ainsi que dans
les cordons antérieurs conserve le caractère décrit plus haut,
mais son intensité augmente surtout le long du bord antérieur
de la fente longitudinale.
Dans la région de la sortie des racines de la septième et de
la huitième paires dorsales, le caractère de l'expansion de la
sclérose reste le même, seulement à mesure que la proliféra-
tion du tissu conjonctif des cordons latéraux augmente, les
faisceaux de Goll sont atteints de moins en moins ; de sorte que
pendant que les premiers sont tout à fait pris, nous ne trou-
vons dans les derniers qu'une faible sclérose dans leur moitié
antérieure. En outre le côté gauche est relativement moins
atteint que le droit.
Dans la région de la sortie des racines de la neuvième et
de la dixième paires dorsales, nous ne trouvons dans les cor-
dons postérieurs, comme processus pathologique, qu'un déve-
loppement assez marqué de cellules-araignées, tandis que dans
les cordons antérieurs nous trouvons l'augmentation de la
sclérose.
Dans la région de la sortie des racines de la onzième et de la
douzième paires dorsales, les cordons postérieurs restent sans
changement. Dans les cordons antérieurs et dans les parties
antérieures des cordons latéraux la prolifération du tissu con-
jonctif est beaucoup diminuée et présentée de la manière précé-
dente.
A partir de. cette portion de la moelle épinière, la sclérose
diminue peu à peu dans la direction de haut en bas; c'est sur-
tout a remarquer dans les cordons antérieurs et dans les parties
antérieures des cordons latéraux; dans les parties postérieures
on la remarque avec la même intensité, seulement ses dimen-
sions se rétrécissent peu à peu et dans les régions des racines
de la quatrième paire lombaire, les dimensions ont la forme
d'une bandelette assez étroite qui se joint immédiatement à la
périphérie au bord externe des racines postérieures.
Fig. 9.- Coupe dans la portion lombaire. Sclérose des cordons latéraux.
DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉIMNIÈKE. 313
b) Substance grise.
Dans la région cervicale de la moelle épinière on ne remarque
pas dans la substance grise des changements visibles, même
aux grands grossissements.
Dans la région de l'origine apparente des racines de la
première paire dorsale, quelques cellules nerveuses des cornes
antérieures semblent un peu troubles et gonflées. Dans le pro-
toplasma de quelques-unes, on remarque des traces d'augmen-
tation de la graisse.
Dans les parties inférieures, les mêmes changements sont
exprimés a un plus haut degré. De plus, ici, se jette aux yeux
que des veines sont remplies des globules de sang. Il y a près
d'elles, très souvent, des épanchements de sang insignifiants et
deux exsudats plasmatiques. La névroglie est gonflée et par ci
par là on y rencontre des cellules-araignées bien développées.
Dans les parties inférieures de la moelle, les changements
décrits plus haut ont, dans les cellules nerveuses, un plus grand
développement et embrassent une plus grande quantité d'élé-
ments. Les vaisseaux semblent être très développés et leurs
parois épaissies. Près de plusieurs d'entre eux, surtout au voi-
sinage du canal ceutral, on trouve une masse d'exsudats plas-
matiques qui pénètrent loin dans les parties voisines de la
substance grise.
Dans la région lombaire de la moelle épinière, les phéno-
mènes pathologiques mentionnés plus- haut disparaissent
rapidement et la substance grise reprend ses qualités normales.
Un coup d'oeil superficiel sur la marche de la sclé-
rose dans la moelle épinière de notre malade pourrait
conduire à la conclusion que nous avons à faire dans
ce cas à une affection systématique compliquée; mais
une analyse plus attentive montrera sans peine l'in-
vraisemblance d'une telle supposition.
En effet, delà description précédente, on voit que le
processus pathologique a plus de développement dans
la région dorsale de la moelle en diminuant peu à peu
314 PATHOLOGIE NERVEUSE.
dans la direction ascendante aussi bien que descen-
dande et embrasse les faisceaux descendants (pyrami-
daux) dans les cordons antérieurs et latéraux presque
dans toute leur longueur; les faisceaux ascendants
(os du cervelet) sont atteints dans toute leur étendue,
tandis que ceux de Goll ne le sont que presque dans
toute leur étendue. Outre cela le processus embrassait la
région « der granzlichen Schieht, der grauen substanz »
et dergeneischten zone » et pénétrant dans l'extrémité
du dernier, il se continue sans interruption jusqu'aux
cordons antérieurs touchant aussi la périphérie. En
d'autres termes, le processus dans notre cas a gros-
sièrement franchi les limites anatomiques des faisceaux
et surtout dans les cordons latéraux, il prenait le
caractère net de la sclérose diffuse.
Une définition pareille se confirme par les résultats
de l'examen microscopique des coupes à un grand
grossissement, où se montrèrent les particularités sui-
vantes :
a) Partout nous trouvons que la prolifération du tissu
conjonctif atteint de plus grandes dimensions à la péri-
phérie et dans le voisinage immédiat de la pie-mère et
qu'elle diminue peu à peu, plus qu'elle s'approche de
la substance grise.
b) Dans la région où la sclérose n'atteint pas encore
son plus grand développement, nous pouvons remar-
quer facilement des tuméfactions variqueuses des
cylindres-axes des fibres nerveuses et des cellules-
araignées très nombreuses et très développées qui,
dans leurs prolongements s'étendent entre les éléments
nerveux.
c) En examinant les vaisseaux, nous voyons souvent
DES FAUSSES SCLEROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 315
qu'ils atteignent de grandes dimensions et qu'ils pps-
sèdent des parois épaissies avec une construction dans
laquelle on voit clairement des fibres oblongues.
d) Près de ces vaisseaux changés d'une manière
pareille, nous rencontrons relativement le plus grand
développement du tissu conjonctif.
e) Dans la substance grise, nous trouvons aussi les
changements décrits plus haut dans les vaisseaux et
un développement des cellules-araignées. En outre, on
voit le gonflement des cellules nerveuses et le change-
ment de la névroglie. Là les symptômes paraissent
être plus évidents, spécialement dans la partie de la
moelle où dans la substance blanche le processus
pathologique atteint aussi le plus grand développe-
ment.
De tout ce qui précède, on voit que quoique le
tableau clinique de la maladie d'Anna 0... réponde à
celui. qui est décrit sous le nom de tabes dorsal spas-
modique, les résultats de l'examen microscopique
contredisent tout, à fait un diagnostic pareil.
Pour bien juger cette contradiction nous devons
nous adresser à l'étude de tabes dorsal spasmodique
telle qu'elle existe à présent dans la science.
M. Erb ' en décrivant la symptomatologie de la
maladie émet la supposition comme bien vraisem-
blable qu'il s'agit là d'une affection primitive des fais-
ceaux pyramidaux, mais il ajoute que jusqu'à présent,
il n'y a pas une seule observation positive dans ce sens.
M. Chariot s'exprime d'une manière encore plus
1 Erb. Die Krankheitcn des Ituckenmarlcs, 1877.
2 Charcot. Leçons sur les localisations dans les maladies du cerveau
et de la moelle épinière, 2e fascicule, 1877, p. 3w.
31 {j PATHOLOGIE NERVEUSE.
prudente en disant littéralement ce qui suit : « S'il
s'agit là effectivement d'une affection à part l'autopsie
révélera une lésion également spéciale, peut-être la
sclérose primitive des faisceaux pyramidaux, soup-
çonnée par M. Erb. Si, au contraire, les nécropsies
démontrent qu'il s'agit tantôt d'une myélite par com-
pression, tantôt d'une myélite transverse, syphilitique
ou autre, il est clair que l'autonomie clinique n'est
qu'une apparence. »
La décision complète de la question sur l'existence
de la paralysie spastique comme une forme spéciale
doit appartenir à l'anatomie pathologique. Pour cette
raison, adressons-nous aux résultats qu'elle a réussi à
obtenir jusqu'à présent et arrêtons-nous aux faits qui
confirment l'opinion à priori de M. Erb.
L'observation, unique dans l'espèce, qui, d'après
l'opinion de beaucoup d'auteurs décide complètement
la question et celle de Morgan et Drcschfeld1. C'est
pourquoi je crois nécessaire de l'expliquer un peu.
On voit du tableau clinique, qui malheureusement
est court et peu clair, que la maladie commença le
lendemain d'un refroidissement par une faiblesse et un
engourdissement dans la jambe droite. Bientôt le
malade sentit ces symptômes aussi dans la jambe
gauche. Ensuite sa marche prit un caractère spastique.
L'examen démontra une absence de parésie, de rigi-
dité et de contractures des muscles et d'agrandisse-
ment des réflexes des tendons. A la compression de
la colonne dorsale on remarqua un état maladif à la
région lombaire. Le malade mourut de la thrombose
1 Idiopalhic latéral sclerosis. (I3rilisli médical Journal. Janv. 1881.)
DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 3t7
de la veine fémorale. La moelle, examinée à l'oeil nu,
fut trouvée ramollie dans la partie inférieure. A l'examen
microscopique de la moelle durcie, dans la portion cer-
vicale, on remarqua la sclérose dans la partie posté-
rieure des cordons latéraux où la dégénérescence vers
l'intérieur atteint la substance grise. Vers le devant
elle n'atteignait pas les cornes antérieures, vers l'exté-
rieur non plus la périphérie. Dans la portion dorsale
de la moelle la sclérose était plus claire, en conser-
vant la même localisation. Dans la portion lombaire
les faisceaux pyramidaux latéraux étaient sclérosés.
Il ressort de cette description que, ni d'après son
cours, ni d'après ses particularités cliniques le cas de
M. Morgan n'a rappelé une paralysie spastique,
excepté l'allure du malade, dont l'origine paraît ici
très étrange, puisque chez le malade les symptômes
dans l'appareil neuro-musculaire qui pouvaient être la
cause de cette allure n'existaient pas. Quant au tableau
anatomique nous voyons que la sclérose quoique em-
brassant à peu près la région des faisceaux pyrami-
daux latéraux, atteignit pourtant « die grauenzliche
Schieht der grauen substanz.
En outre, à l'examen de la moelle, on ne fit pas
attention au foyer de ramollissemeut existant dans les
parties inférieures de la moelle, ce qui ne permit
d'expliquer ni son caractère, ni ses relations avec les
faisceaux sclérosés.
De l'état du cerveau on ne dit mot. Considérant tout
cela, la supposition de MM. Ballet et Minor qu'on
avait à faire à une myélite aiguë limitée qui, peut
être, eut aussi une signification à l'origine de la sclé-
rose latérale, me parait très vraisemblable. Quoi qu'il
: 11 PATHOLOGIE NERVEUSE.
en soit, il est impossible de donner une valeur décisive
à un cas aussi obscur.
Outre Morgan, quelques observateurs ont fait des
descriptions de pareils cas de paralysie spastique; où,
à l'autopsie, on a pu constater une lésion des faisceaux
pyramidaux, mais une analyse attentive du tableau
anatomique démontre que dans tous ces cas outre des
faisceaux mentionnés, ceux du cervelet furent atteints
et que la sclérose s'avança jusqu'à la moitié antérieure
des cordons latéraux. Dans beaucoup d'eux les cor-
dons latéraux et postérieurs ne furent pas épargnés,
même la substance grise. L'examen microscopique à
un grand grossissement démontra la plus grande inten-
sité du processus au voisinage immédiat de la pie-
mère et un développement exagéré du tissu conjonctif
autour des vaisseaux.
Tout cela mène à la conclusion qu'ici il s'agit
plutôt d'une affection diffuse qui commence aux enve-
loppes. Ainsi sont les cas de Stoffella1, Aufi-echt2,
Strùmpell3, Hopkin4, Madère Minkowsky6 et West-
phal7.
En considérant toutes les remarques faites plus
haut, et les cas de paralysie spastique accompagnés
d'examen anatomique qui ont été publiés, nous pou-
vons les présenter par le tableau suivant : .
1 1Viener ntedic. 117ocheischi,ilt, 1878, no 21.
2 Deillsche mctlic. 11'oyltctasylri/'t, 1880, Il'' 18.
a Ai-eh. f. Psychiatrie, 1880. Bd. X.
1 Bl'ain. Octobre, 1883.
1Viener med. l3lCttter, 1883, no 11.
6 Deiilsçhe Arclt, f. klinische Medicin, 1884. Bd. XXXIV.
7 Arçh. f. Psychiatrie, 1884, Bd. XV.
DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 3t9
320 PATHOLOGIE NERVEUSE.
est suffisant d'après notre opinion, pour expliquer le
substratum anatomique de cette maladie.
Rangeant ces cas d'après des catégories, il faut les
diviser de la manière suivante :
Dans deux cas la moelle épinière ne présentait pas
de changements visibles (à la méthode d'aujourd'hui
d'examen);
Dans deux cas on trouva la dégénérescence secon-
daire des cordons pyramidaux latéraux;
Dans deux cas, sclérose en plaques;
Dans deux cas, myélite par compression;
Dans un cas, myélite transverse;
Dans un cas, myélite aiguë limitée ( ? )
Dans dix cas, sclérose diffuse.
Si nous exceptons deux observations, où un chan-
gement quelconque de la moelle ne fut pas constaté
etqui, à l'état actuel de nos connaissances, ne peuvent
pas être expliqués exactement, il nous reste dix-huit
cas, où nous pouvons apercevoir dans la moelle épi-
nière des lésionséclatantesd'un caractère très différent;
d'après le nombre la première place appartient à la
sclérose diffuse, c'est-à-dire au même processus dans
lequel MM. Ballet et Minor rangent tous les cas
jusqu'à présent connus de maladies primaires systé-
matiques compliquées de là moelle épinière.
ISS3), puisque cette thèse n'existe pas encore il p(.tel'sbourg-. I,tis, dans
le travail que j'ai cité déjà, 11111. Ballet et Minor ont dit qu'ils eurent
occasion de voir les préparations de la moelle épinière que Jnbiueau
(léci-it et ilq li'v Pas (1( Cripotil, la
décrit et ils n'y truuvrent has de changements caractéristiques pour la
sclérose latérale systématique. 11 est il regretter que les auteurs n'aient
pas prononcé d'opinion décisive. Dans le .lalircsllcl'icli de Yirchow, où
nous trouvons quelques mots sur le Innail de JubiniMii, j'ai appris qu'à
l'autopsie du malade, on trouva la leptoméningite au-dessus des lobes
paracentraux. Peut-être Jubineau avait-il à faire il une dégénérescence
descendante secondaire ? .
DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 32 <
Par conséquent, les paroles de M. Charcot qui dit,
au sujet du tableau clinique de la paralysie spastique,
que nous rappelons ce que les auteurs précédents
avaient déjà observé, peuvent être appliquées à la
nature anatomique de la plupart des cas de cette ma-
ladie, puisque, comme on le sait, Ollivier (d'Angers)
qui le premier a décrit les symptômes de la paralysie
spastique, la considère comme une espèce de myélite
chronique 1.
Dans le même fait, nous trouvons aussi l'explication
des combinaisons nombreuses que nous pouvons
observer dans le cours du tabes dorsal spasmodique,
c'est-à-dire des douleurs, des troubles de la vessie et
du rectum, différentes paresthésies et anesthésies
dont l'apparition, d'après l'opinion de MM. Charcot et
Erb, ne contredit pas le diagnostic, si ces symptômes
occupent seulement la seconde place et qui appartient
à ceux qu'on ne peut pas réunir à une lésion des fais-
ceaux pyramidaux. '
Les résultats principaux de cet article peuvent être
formulés de la manière suivante :
1) Jusqu'à présent il n'y a pas d'observation qui
puisse affirmer la supposition de M. Erb de la nature
anatomique de la paralysie spastique;
2) On trouve l'ensemble des symptômes qui caracté-
risent le tableau clinique du tabes dorsal spasmodique
dans les différentes maladies de la moelle épinière;
3) La première place parmi ces affections appar- '
tient à la sclérose diffuse.
,
1 Traité des maladies de la moelle épinière, 1837, t. II.
Anciliviis. 1. X. il
MÉDECINE LÉGALE
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES AU POINT
DE VUE MÉDICO-LÉGAL ; 1
Par le Dr E. MARANDON DE MONTYEL,
Directeur-Médecin en chef de l'asile public d'aliénés de Dijon.
Bien que la science soit riche de documents médico-
légaux relatifs à des affaires d'incendies, à mon avis, la
pyromanie reste encore enveloppée d'obscurité. Ainsi
bon nombre de cas attribués à la monomanie incen-
diaire ne me paraissent rien moins que probants; tels
sont, par exemple, ceux de Klein et de Platner, où,
à côté d'incendies multiples allumés par des faibles
d'esprit, se trouve un mobile plus ou moins futile, il est
vrai, mais suffisant à les expliquer. L'absence de mo-
bile n'est-elle donc pas la caractéristique essentielle,
le signe pathoguomonique de l'impulsion irrésistible ?
Sans entrer dans des détails sur sa nature psycholo-
gique, qu'on voie en elle, avec Jacobi et presque tous
les auteurs une force intérieure, une influence occulte,
inexplicable, forçant la volonté, ou, ainsi que je l'ai
exposé dans ce Recueil, à propos de la folie avec
conscience, une perversion de la sensation, de l'émo-
tivité ou de la représentation mentale, je me demande
comment elle aura jamais pour but de satisfaire une
pensée de jalousie, de haine ou de vengeance. Irrésis-
tibilité et intérêt ne sont-ils donc pas deux termes qui
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 323
s'excluent en pathologie mentale ? D'un autre côté, la
futilité du mobile ne milite pas en faveur del'impulsion.
Que prouve, en effet, cette futilité ? ou un état d'irrita-
bilité émotive amenant une réaction disproportionnée
à l'impression ou un affaiblissement intellectuel mas-
quant les suites graves de l'acte commis ou une per-
version morale avide du moindre prétexte à mal faire.
Eu dehors de ces trois états morbides, on chercherait
en vain une explication, car s'il était vrai que ces in-
cendiaires cédassent à une impulsion irrésistible, la
présence du mobile prouverait qu'ils ont mis leurs im-
pulsions morbides au service de leurs passions et qu'ils
ont satisfait celles-ci à l'aide de celles-là. -Les accusés
qui auraient allumé plusieurs incendies, comme dans
mes observations, pour compromettre un ennemi,
trouver des occasions de boire, ou se venger de taqui-
neries, s'ils avaient été impulsifs au feu, n'auraient
fait autre chose qu'utiliser leur affection mentale pour
assouvir leur soif d'alcool et de rancune. Or, cette
hypothèse, absurde déjà par elle-même, est réfutée'
encore par la lutte qui s'établit chez le monomane in- v
cendiaire entre la partie saine et la partie morbide de
son intellect. Chacun sait que ces infortunés luttent
longtemps et ne cèdent que vaincus par la maladie.
Ils ne sauraient donc tendre qu'à la satisfaction de
cette maladie elle-même, d'autant plus que le besoin
qui les pousse naît exclusivement en eux et par
eux et que, sans attache aucune avec l'extérieur,
il n'est jamais une correspondance, un ajustement de
relations internes perverties à des relations externes
morbidement interprétées.
Ainsi les données générales de la pathologie des
324 MÉDECINE LÉGALE.
impulsions établissent à priori que les incendies mul-
tiples à mobiles futiles relèvent de toute nécessité d'un
état psychique autre que les incendies multiples sans
mobiles; que si ces derniers résultent de la pyromanie,
les premiers, indépendants de cette forme mentale,
sont le produit d'un affaiblissement intellectuel, d'une
perversion morale ou d'une irritabilité émotive. Or,
la clinique, c'est-à-dire l'analyse psychologique des
états mentaux de ces deux catégories d'incendiaires,
confirme en tous points la distinction sur laquelle
j'appelle de nouveau l'attention, après Bucknill; elle
démontre qu'à côté de certains caractères communs
qui, frappant vivement l'attention, porteraient à fu-
sionner tous ces accusés en un seul groupe, existent
des différences mentales essentielles, quoique plus
cachées, qui les séparent nettement.
Quand on s'en tient, en effet, à un examen que
j'appellerai extrinsèque, à un examen relatif aux anté-
cédents personnels et de famille, aux conditions d'âge,
d'état mental habituel, aux circonstances des incendies,
à la conduite tenue durant les sinistres et après, on
ne trouve le plus souvent aucune différence entre
les incendiaires sans mobile et les incendiaires à
mobile futile. Les uns et les autres sont d'ordinaire
des héréditaires vésaniques à l'Age de la puberté, et,
habitants de la campagne, ils ont la réputation d'être
faibles d'esprit; ils incendient au hasard de l'occasion ;
ils mettent de préférence le feu dans des objets faciles
à s'enflammer; ils opèrent surtout le dimanche à la
sortie du cabaret; ils contribuent à limiter le mal qu'ils
ont fait; ils sont enfin rusés et menteurs. A s'en tenir
donc à ces caractères communs, on les dirait frères
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 325
dans la maladie, et c'est ce qui explique la con-
fusion faite par tant d'auteurs. Aussi, quand M. Motet
a écrit : « Toutes les fois qu'à la campagne, dans un
village, dans une commune, des incendies se répètent
à des intervalles rapprochés, c'est qu'il existe un
garçon, une fille, à développement physique ou intel-
lectuel incomplet : idiot, imbécile ou épileptique. C'est
sur cet infirme que doivent porter les soupçons », il a
formulé une grande vérité, mais son tort a été de
croire que ces garçons ou ces filles à développement
physique ou intellectuel incomplet qui, à la campagne,
dans un village, dans une commune, allument des
incendies à des intervalles rapprochés, font tous partie
d'un même groupe.
C'est là son tort, car l'analyse psychologique de ces
incendiaires les montre sous deux aspects mentaux
différents. Ceux qui ont agi sans mobile, quand ils
entrent dans la voie des aveux, donnent des détails
psychologiques qui ne laisseut aucun doute sur l'exis-
tence d'une impulsion irrésistible. Ceux qui, au con-
traire, ont cédé à un mobile futile, s'ils se décident à
parler, sont incapables de fournir le moindre rensei-
ment sur une modification quelconque de leur être
physique ou psychique au moment où ils exécutaient
leurs méfaits. Ils vous exposeront les motifs plus ou
moins légers auxquels ils ont cédé, mais ils ne vous
parleront pas, comme les premiers, de leur lutte contre
le mal qui les enlaçait et les entraînait malgré eux,
de leurs maux de tête, de leurs bourdonnements
d'oreilles, de leur oppression pectorale et cordiale,
de leurs angoisses, de leurs inquiétudes et puis de leur
satisfaction intime après l'accomplissement du crime.
326 MÉDECINE LÉGALE.
Ils raconteront seulement qu'ils avaient peur d'être
vus, qu'ils prenaient toutes les précautions pour n'-être
point découverts.-
Eh bien ! ne serait-il pas antiscientifique de réunir
en un seul groupe ces deux catégories d'incendiaires
à états mentaux si différents ? Voir dans les incendiaires
à mobile futile des impulsifs au feu, ce serait voir dans
l'impulsion une idée morbide isolée, susceptible de
surgir au milieu d'un état psychique par ailleurs sain,
doctrine réprouvée par la psychiatrie contemporaine.
L'impulsion irrésistible, dit avec raison M. Dagonet,
ne peut certainement pas être le caractère unique de
la maladie, elle en est seulement le symptôme le plus
apparent ; elle se rattache a un ensemble pathologique.
Or, j'ai dit que cet ensemble pathologique, cons-
tant chez les incendiaires sans mobile, ne se retrouvait
pas chez les incendiaires à mobile futile.
D'où viennent pourtant les caractères communs que
j'ai signalés ? Comment expliquerces ressemblances, qui
ont induit en erreur taut d'auteurs, avec des états men-
taux au fond radicalement différents ? Tout d'abord il
n'est pas surprenant que ces incendiaires soient d'or-
dinaire, les uns et les autres, héréditaires, faibles d'es-
prit et pubères. La pyromanie, le faitest établi, apparaît
de préférence chez les êtres psychiquement incomplets,
et, d'un autre côté, il est facile de comprendre que ces
êtres sont aussi les mieux préparés à allumer des incen-
dies sous l'influence de causes dépourvues de gravité.
Or, lesêtres incomplets tiennent le plus souvent leur mal
de l'hérédité. La pyromanie est aussi l'apanage de la
puberté, et la puberté est pour les faibles d'esprit l'âge
de la perversion morale et de l'irritabilité émotive, deux
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 327
autres grandes causes des incendies à mobile futile.
En outre, si les auteurs de ces derniers sinistres, à
l'instar de l'impulsif au/eu, opèrent le dimanche après
la sortie du cabaret, c'est 'que l'alcool, pour celui-là
comme pour celui-ci, ainsi que pour tout le monde et
les héréditaires vésaniques en particulier, est très mau-
vais conseiller ; s'il marche au feu, c'est qu'il fait par
ruse, pour n'être pas soupçonné, ce que l'autre fait par
commisération ; enfin, si souvent, semblable au pyro-
mane, il incendie des gens contre lesquels il n'a aucun
motif de haine, la cause en est dans la futilité même
du mobile. Ainsi, des trois accusés dont je rapporte
plus loin l'histoire, deux ont mis le feu chez des per-
sonnes auxquelles ils ne voulaient aucun mal; mais
l'un cherchait des occasions de boire, l'autre s'effor-
çait de compromettre un cousin, son ennemi. Qu'im-
portent, dans ces cas, les gens et les objets incendiés !
Aussi, pour atteindre plus facilement leur but, ils met-
taient le feu au hasard, à la fortune de l'occasion et
dans des matières promptes à s'enflammer. On voit
donc combien les caractères communs à ces deux
catégories d'incendiaires prouvent peu leur identité
mentale.
En entrant dans ces longs développements, je n'ai
pas eu en vue une simple distinction clinique qui, bien
qu'ayant sa valeur, ne les justifierait peut-être pas,
j'ai surtout désiré établir une division médico-légale
des héréditaires faibles d'esprit, coupables d'incendies
multiples. En effet, s'il est incontestable que les vrais
pyromanes, c'est-à-dire les incendiaires sans mobile
sont irresponsables, à mon avis, il n'en est pas de
même dans tous les cas des faux pyromanes, c'est-à ;
328 MÉDECINE LLGALL.
dire des incendiaires à mobiles futiles. Déclarer avec
la plupart des aliénistes que les uns et les autres sont
des impulsifs, c'est les faire bénéficier tous de l'exo-
nération pénale; accepter la division que je propose
et que j'espère avoir justifiée, ce serait absoudre les
uns et livrer à la justice^ beaucoup^ des autres. L'im-
portance du résultat, s'il était acquis, justifierait mon
travail, car il importe, au plus haut degré, que la
médecine légale de la folie ne verse dans aucune exa-
gération et soit l'application stricte des données de la
clinique.
Est-il donc vrai, ainsi que je le crois, qu'un certain
nombre d'incendiaires à mobile futile, recrutés parmi
les héréditaires vésaniques faibles d'esprit soient res-
ponsables de leurs crimes, quel que soit le nombre de
ceux-ci. Je me suis efforcé d'établir que l'impulsion
irrésistible était étrangère à leur conduite et que seul
l'affaiblissement intellectuel, alliéounon à la perversion
morale et à l'irritabilité émotive pouvait être invoqué
à leur faveur. Mais il est d'opinion commune qu'en
médecine légale ces trois états n'entraînent pas de
plein de droit l'irresponsabilité, car ils existent à des
degrés divers qui laissent plus ou moins intacte la saine
appréciation des actes. Donc, tandis que l'impulsif au
feu est toujours irresponsable, l'incendiaire à mobile
futile -devra être minutieusement examiné au triple
point de vue de son développement intellectuel, de ses
facultés morales et émotives et sera, selon le résultat
de cet examen, responsable ou irresponsable. Tel est
le principe que je voudrais faire prévaloir. Puisse cette
modeste étude appeler de nouveau l'attention sur cette
question .que Bucknill a déjà signalée dans sa Psycho-
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 32
logie morbide, quand il remarque qu'en examinant un
grand nombre de cas de pyromanie, on est forcé d'ad-
mettre qu'il s'en rencontre beaucoup qui n'ont aucun
rapport avec les formes d'aliénation instinctive ou
impulsive, tels ceux qui relèvent de certains mobiles,
comme la vengeance. Il est regrettable que cette doc-
trine n'ait pas trouvé plus d'adhérents. M. Motet, il est
vrai, dans l'article pyromanie du Nouveau Dictionnaire,
le plus récent quiait parusur ce sujet, aprèsavoir parlé
des aliénés conduits à des incendies par le délire ou
des impulsions irrésistibles cite quelques exemples pour
montrer une autre catégorie d'incendiaires dont l'in-
telligence, ajoute-t-il, peut bien n'être pas normale,
mais dont on n'est pas en droit de dire que ce sont des
imbéciles ou des aliénés. Malheureusement, à cette
occasion, le savant aliéniste ne pose aucun principe
général. Il se borne à écrire que la vérité sur cette
question comme sur beaucoup d'autres en médecine
légale ne peut être dégagée que par l'examen le plus
attentif, l'observation la plus patiente et il termine en
remarquant que les déviations, les perversions intel-
lectuelles ne sont pas la folie et que ce serait créer un
danger social que d'exonérer de responsabilité les in-
cendiaires qui les présentent. Malheureusement encore
les exemples qu'il donne ne sont point des exemples
d'incendies multiples commis dans des circonstances
et par des individus qui rappellent en tous points la
pyromanie et les pyromanes. Il n'est donc pas inutile
de publier quelques cas de ce genre. Si les considé-
rations qui précèdent sont erronées, les faits reste-
ront.
330 MÉDECINE LÉGALE.
Observation I. - Six incendies. Accusé faible d'esprit.
Hérédité maternelle. - Mobile des crimes : le désir de se
venger d'un cousin en le faisant passer pour l'auteur des sinis- : res. - Caractères extrinsèques de la pyromanie au complet.
Responsabilité atténuée. Condamnation à cinq ans de
travaux forcés.
En 18R ? , six incendies éclatèrent dans le village de Charrez
en plaine, petite commune de quatre cents âmes. Ces six incen-
dies avaient, si on peut ainsi dire, un air de famille qui les
faisait attribuer à une même main. Ils avaient éclaté soit un
dimanche, soit un jour de fête; entre dix heures et minuit,
heures de la sortie du café ou du bal ; dans des objets faciles à
à s'embraser et n'exigeant que l'approche d'une allumette, tels
que fagots de paille ou d'osiers, toitures de chaume.
Trois jours après le premier sinistre, un propriétaire de la
localité trouvait dans sa cour une lettre de menaces d'incendie
signé du nom de Claudius Saron, cousin de Claude Saron,
l'accusé. Or les deux cousins avaient entre eux des rapports
tendus. Brouillés pour des affaires d'intérêts, ils se disputaient,
s'injuriaient souvent, se battaient même à l'occasion. Les
experts constataient entre l'écriture du prévenu et celle de la
lettre les analogies les plus sérieuses, bien que, ont-ils déclaré,
l'écriture du billet fut très habilement contrefaite.
D'un autre côté, Claude Saron, dans ses conversations dési-
gnait son cousin Claudiuscommeun homme capable de mettre
le feu par méchanceté, et s'efforçait d'entretenir et d'accroître
les soupçons qu'avait fait naître contre lui la lettre trouvée,
lettre qui intriguait de plus en plus la commune, à mesure que
les incendies se multipliaient.
Le sixième incendie avait éclaté le 19 novembre; l'enquête
judiciaire n'avait pas plus abouti pour celui-là que pour les cinq
précédents, quand, le 22 novembre, une lettre anonyme de-
nonça Claude Saron. Pris en flagrant délit de mensonge, il se
troubla, puis avoua le dernier sinistre, ajoutant qu'il ignorait
les motifs qui l'avaient poussé à cet acte criminel et qu'il était
alors sous l'influence de la boisson. Il fut arrêté; aussitôt se
produisirent une foule de dépositions qui montraient en lui
l'auteur non seulement du crime avoué, mais des cinq autres.
Les premiers aveux du prévenu furent faits devant le juge de
paix et la gendarmerie; il les renouvela devant le magistrat
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 331
instructeur à la date du 28 novembre et du 28 décembre. Ces
dépositions se résumaient ainsi : « Je n'ai pas mis le feu par
méchanceté; ni moi, ni ma famille nous n'avons à nous plain-
dre de la victime. Ça m'a pris tout d'un coup; en passant devant
la maison, l'idée m'est venue de mettre le feu et je l'ai fait en
allumant à ma pipe une allumette que j'ai approchée du toit
en chaume, puis j'ai travaillé à l'éteindre avec les autres. En
mettant le feu j'étais en ribotte. Je ne connais pas l'écriture
de la lettre de menaces d'incendies signée du nom de mon
cousin. Aux autres incendies, je suis allé au feu, mais je vous
réponds que ce n'est pas moi qui les ai allumés. »
Cet homme qui s'accusait, puis se défendait si naïvement était
par la ligne maternelle, un héréditaire vésanique, et, dans son
village était réputé faible d'esprit. Une enquête spéciale, faite
sur ma demande, recueillit des renseignements très précis sur
la lignée paternelle et maternelle de l'accusé.
Dans la famille du père il n'y avait à relever qu'une myopie
héréditaire : Saron père est myope, Claude Saron l'est, ainsi
qu'un jeune frère de huit ans.
Du côté de la mère, les antécédents étaient autrement
sérieux. Deux frères de la grand' mère maternelle avaient été
aliénés : l'un a été atteint de délire hypochondriaque, l'autre
d'exaltation maniaque avec perversion des instincts. Une cou-
sine germaine de la mère du prévenu, d'une immoralité révol-
tante, était kleptomane ; un cousin germain a une fille qui a eu
des accidents épileptiformes à la convalescence d'une angine
grave. La mère elle-même de l'accusé, très nerveuse, est
sujette à de fréquentes migraines. Enfin, dans la famille
maternelle de Claude Saron, les branches collatérales sont
riches en tuberculeux et souffrent d'une mortalité excessive de
la première enfance.
Au point de vue intellectuel, tous ceux qui connaissaient
Claude Saron déclarèrent au magistrat instructeur qu'il était
faible d'esprit, et parmi les témoins se trouvait l'instituteur du
village qui avait été son précepteur. Il était certain néanmoins,
car ici les témoignages étaient tout aussi unanimes, - que
jamais Claude n'avait présente de signes ostensibles d'aliéna-
tion, et il était encore certain qu'il aidait et suppléait son père-
Saron employait son fils à son huilerie, l'envoyait en tournée
dans les villages chercher des colzas chez les habitants pour
leur fabriquer leur huile, le chargeait de la leur apporter, et
332 MÉDECINE LÉGALE.
d'en vendre aux autres. Dans ces tournées, c'était lui qui
encaissait le prix des ventes et les rétributions pour la fabrica-
tion. De même pour la culture, c'était lui encore qui labourai i
et ensemençait. - -
Le caractère de Claude Saron était doux. Il était bon cama-
rade, pas batailleur ; les témoins déclaraient tous ne pas con-
naitre, avant les incendies, un seul acte de méchanceté à s.i
charge. Il n'avait pas de mauvais instincts; toutefois, il aimait
assez fréquenter les cabarets le dimanche et supportait mal les
boissons.
J'ai visité Claude Saron deux fois à la prison. Lt
prévenu était un jeune homme de dix-huit ails; le crâne bien
conformé, la physionomie pas désagréable. Très ému de ma
visite, l'accusé ne tarda pas à pleurer dès que je l'interrogeai
sur les incendies de Charrez ; son émotion et ses sanglots
furent tels que j'avais grand'peine à obtenir de lui des
réponses intelligibles. Il protesta vivement de son innocence,
gémit d'avoir été arrêté pour un autre, accusa la gendarmerie
de l'avoir odieusement trompé. A l'entendre, il se serait
reconnu l'auteur du dernier incendie, confiant dans les pro-
messes des gendarmes qu'un aveu seul pouvait lui rendre la
liberté. Quant à la lettre qui l'avait dénoncé, il l'attribuait à
une vengeance exercée par quelqu'un qu'il ne voulait pas
nommer. Négations absolues et réilérées, telle était sa
défense.
Une longue conversation me convainquit de l'exactitude de
l'appréciation des gens de sa commune : l'intelligence était au-
dessous de la moyenne, toutefois Claude Saron avait reçu une
instruction primaire complète; il paraissait très au courant de
son métier d'huilier. Il se faisait une idée exacte de ses devoirs
vis-à-vis de la société, aussi comprenait-il la portée morale et
sociale des actes dont il était accusé. Je ne constatai chez lui
aucun trouble intellectuel.
Huit jours après, à ma seconde visite, l'accusé toujours ému
et pleurant, persista à nier. Il fut, cette fois, très affirmatif
relativement à la lettre anonyme qui le dénonçait. Il l'attribua
à son cousin Claudius, avec lequel, dit-il, il vivait en très
mauvaise intelligence. Claudius, s'imaginant que les parents
de Claude dépouillaient peu à peu leur grand'mère maternelle
et attiraient de leur côté l'héritage, leur en voulait. Il aurait
même frappé Claude en le menaçant de mort. L'accusé me
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 333
mit ainsi au courant des inimitiés qui divisaient les deux
branches de la famille, des raisons qu'elles avaient de se
détester et de se venger.
Sur ma demande, Claude Saron fut placé pendant deux mois
à l'asile. Cette longue observation ne m'apprit rien de nouveau :
L'accusé persista dans son système de négations et ne laissa
percer ni hallucinations, ni trouble intellectuel, ni perversion
instinctive. On aurait pu se croire en présence d'un homme
raisonnable, innocent des crimes qu'on lui reprochait. J'ai pu
toutefois m'assurer encore de l'infériorité intellectuelle de ce
jeune homme. Il comprenait parfois difficilement ce qu'on lui
disait et donna des preuves d'une grande crédulité.
On trouve dans cette affaire tous les. caractères
signalés par les auteurs comme symptomatiques de la
monomanie incendiaire. Les incendies sont allumés au
hasard, à la fortune de l'occasion; à la hâte, sans
grande préméditation; dans des objets faciles à s'en-
flammer et n'exigeant que l'approche d'une allumette.
Ne dirait-on pas qu'ils sont l'oeuvre d'un malade, pris
d'un besoin subit de voir des flammes et qui le satis-
fait le plus promptement possible dans les conditions
les plus expéditives ? Il n'y a pas jusqu'aux heures et
aux jours mêmes des sinistres qui ne militent en
faveur de la maladie; entre dix heures et minuit, les
dimanches et jours de fète, c'est l'instant ou plaisirs
et boissons ont rendu l'esprit plus accessible à toutes
les suggestions. Or, en fait, un très grand nombre de
pyromanes ne cèdent à leur penchant maladif que
sous l'influence de l'alcool, dans le premier degré de
l'ivresse, dans cet état caractérisé par la surexcitation
des instincts bons ou mauvais. La conduite de l'accusé
est non moins significative. Incendiaire, il éteint les
incendies qu'il a allumés; criminel l'instant d'avant,
le voilà devenu bienfaisant tout comme un impulsif,
334 MÉDECINE LÉGALE.
qui, son besoin morbide satisfait, éprouve un grand
soulagement, revient à lui, regrette le mal et s'efforce
de le réparer. Arrêté, après un premier aveu échappé à
l'émotion, Claude.Saron nie tout, refuse de donner
le moindre détail sur ce qui s'est passé en lui; puis il
ruse, se pose en victime d'uuedénonciationcalomnieuse,
nouvelle ressemblance avec le pyromane qui, de tous
les impulsifs est le moins franc, le plus enclin à dissi-
muler quand les soupçons se portent sur lui. Si nous
considérons le coupable eu lui-même, nous trouvons
encore d'autres similitudes : il a dix-huit ans, l'âge de
la pyromanie; il a le caractère sombre et peucommu-
nicatif, ordinaire à l'impulsif au feu; bien plus, il a la
réputation d'être faible d'esprit, et par sa mère il est
héréditaire vésanique !
Eh bien ! toutes ces apparences sont trompeuses,
Claude Saron n'est pas un pyromane, il n'a pas agi
sous le coup d'une impulsion irrésistible, mais dans
uu but parfaitement déterminé. En effet, brouillé avec
Claudius pour des affaires d'intérêt, cause ordinaire
des haines entre paysans, menacé et battu par lui,
désireux de se venger, mais trop faible pour attaquer
de front, Claude Saron met le feu une première fois;
puis, trois jours après, quand tous s'interrogent et
recherchent le coupable, il écrit une lettre compro-
mettante qu'il signe du nom abhorré, puis la jette
dans une cour où elle sera certainement ramassée. Le
village s'émeut; une enquête s'ouvre sur cette lettre
qui fait soupçonner un innocent;. lui, profitant de cette
émotion, de ces soupçons, met de nouveau le feu pour
les entretenir comme il les a créés. Son. but est atteint,
ils redoublent d'intensité. Il cause alors de son cousin,
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 335
le représente comme un homme capable d'incendier.
Je le demande, où trouver maintenant place pour l'im-
pulsion ? Tous les actes n'ont-ils pas une explication
rationnelle en dehors d'elle ? Le mobile qui a armé la
main de Claude n'est-il pas un mobile passionnel
d'ordre physiologique, mobile calculé de haine et de
vengeance ?
Pourtant il m'a été impossible d'avoir la preuve
clinique directe que Saron n'était pas un impulsif au
feu. Malgré une observation continue de plusieurs
mois, en dépit de mes insistances, l'accusé ne s'est
jamais trahi, a persisté dans son système de dénéga-
tions et je n'ai pas pu obtenir de lui l'aveu de ce
qu'il éprouvait au moment des crimes. J'ai été plus
heureux dans les deux cas suivants.
La pyromanie écartée, je dus rechercher si les crimes
du prévenu ne se justifiaient pas par la perversion
morale, l'irritabilité émotive ou l'affaiblissement in-
tellectuel. Les deux premières affections mentales
étaient exclues aussi bien par les renseignements de
l'instruction que par l'examen direct; restait l'affai-
blissement intellectuel. Mettre six fois le feu dans le
but d'incriminer un cousin germain avec lequel on a
des démêlés ne peut guère être que l'oeuvre d'un
faible d'esprit; or nous savons que, dans sa commune,
Claude Saron passe pour tel. Mais quel était le degré
de cette faiblesse d'esprit. Etait-elle telle que le pré-
venu incapable d'apprécier la purtée morale et sociale
des crimes commis, devait être déclaré irresponsable ?
Je ne le vois pas. D'abord tout l'examen direct
prouvait le contraire; ensuite, il me paraissait irration-
nel de déclarer imbécile irresponsable un jeune homme
336 MÉDECINE LÉGALE.
qui avait reçu une instruction primaire complète, qui
suppléait et remplacait son père soit comme huilier,
soit comme cultivateur.
Toutefois, vu sa faiblesse d'esprit, vu l'hérédité ma-
ternelle qui pesait sur' lui, j'ai demandé et obtenu des'
circonstances atténuantes. Claude Saron n'a été con-
damné qu'à cinq ans de travaux forcés.
Observation II.()Ma'e incendies. - Accusé d'une intelligence
bornée. - Hérédité possible, mais non certaine. - Deux
incendie* allumés par vengeance, en partie non fondée; deux
pour avoir des occasions de boire. Principaux caractères
extrinsèques de la pyromanie. - Allégation fausse d'une
incontinence nocturne et diurne d'urine avec morsures de la
langue et inconscience ae certains actes.- Responsabilité.
Condamnation à douze ans de travaux forcés.
En 1883, quatre incendies éclatèrent à Binges, petite com-
mune de 500 âmes. Tous les quatre avaient été allumés un
dimanche soir et avaient pris dans de la paille ou des tas de
tisses. Berger, domestique, que des paroles imprudentes signa-
gnalèrent à la justice, fut arrêté. Sur les instances du ma-
gistrat instructeur, après bien des hésitations et des réticences,
il se reconnut coupable et raconta toutes les circonstances des
crimes qu'il avait prémédités et exécutés avec tant d'adresse,
que, sans ses conversations compromettantes, on ne l'aurait
jamais soupçonné. D'après ses aveux, Berger, par les deux
premiers incendies, avait voulu brûler une maison, sa propre
propriété, dont il accusait à tort le notaire de la commune
de l'avoir dépossédé; il désirait aussi, par ce moyen, se venger
de ce notaire qui avait opéré une saisie sur ses appointements.
Les deux autres fois, l'accusé, très adonné à la boisson, avait
incendié au hasard pour avoir des occasions de boire, ayant
remarqué, lors des premiers sinistres, la libéralité de la
municipalité.
Ainsi le prévenu reconnaissait lui-même que deux mobiles
l'avaient poussé : -la vengeance et l'ivrognerie. En effet, au
dire de tous, Berger était un ivrogne, avide de toutes les oc-
casions de boire. De nombreux témoignages établissaient en
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 337
outre que, durant les incendies, l'accusé ne travaillait pas, et
se bornait à procurer aux pompiers des rafraîchissements aux-
quels il prenait une large part. Enfin, à diverses reprises,
après les deux premiers sinistres, on avait entendu le prévenu
dire : « Je voudrais bien que le feu prenne de nouveau pour
boire de bons coups ». ,
Les renseignements, recueillis par l'instruction sur les an-
técédents de Berger, établissaient que sa haine contre le no-
taire était en partie fondée. Après avoir reçu une instruction
primaire complète, il travailla chez ses parents, qui étaient
petits propriétaires. Il se maria à vingt-neuf ans, mais deux
ans après, sa femme le quitta à cause de sa belle-mère.
Berger, loin de s'opposer à ce départ, ne s'occupa jamais ni
de son épouse, ni de ses deux enfants. Après cette séparation,
l'accusé qui, de tout temps, avait été paresseux et porté à
boire, le devint de plus en plus. Les affaires ne prospérèrent
pas ; obligé d'hypothéquer le peu qu'il possédait, il emprunta
500 fr. au notaire de la commune. En 1878, pour gagner unpeu
d'argent, il sollicita le poste de facteur rural, et l'obtint; mais
ses nouvelles fonctions développèrent, plus encore que par le
passé, ses habitudes d'ivrognerie et ses affaires ne se relevèrent
point. Le notaire saisit alors ses appointements et loua les
biens sur lesquels il avait hypothèque. Cette mesure mit le
comble à l'exaspération de Berger qui, peu au courant des
affaires, vit dans cette location à un tiers la preuve d'une ex- 1
propriation. L'accusé ne dissimula plus dès lors ses sentiments
de haine et de vengeance ; souvent on l'entendit murmurer
qu'il mettrait le feu à sa maison, et que ceux qui l'avaient
n'en profiteraient pas.
Une circonstance fâcheuse était venue, d'ailleurs, ajouter
encore à l'amertume de sa situation. A la fin de janvier 1883,
il fut révoqué de son emploi de facteur pour négligence dans z
son service. Il dut, pour vivre, se mettre en condition. Il devint
ainsi domestique dans la commune même où il avait été pro-,
priétaire. Alors sa haine devint plus violente, d'autant plus
que souvent on lui reprochait sa ruine, on l'accusait d'avoir
été victime de ses vices, de son ivrognerie et de sa paresse. Il .
s'adonna, plus encore que par le passé, aux alcools.
Berger eut toutefois comme domestique un service excellent,
tandis que facteur, il s'était montré très indélicat. Déjà, à
cette époque, pour se procurer les moyens de boire, il s'ac-
Archives, t. X. : t2
338 MÉDECINE LÉGALE.
quittait mal des commissions, détournant l'argent ou les
objets confiés; une fois même il fit un faux.
Au point de vue des facultés intellectuelles, Berger avait la
réputation d'un esprit borné ; telle fut aussi l'opinion qu'il
laissa de lui dans l'administration des postes ; mais tous ceux
qui l'ont connu affirmaient que jamais il n'avait donné aucun
signe d'aliénation mentale.
Le prévenu, dans ses longs et nombreux entretiens
avec moi, m'a donné sur ses crimes trois explications diffé-
rentes. Il a commencé par me dire : « C'est une idée qui me
passait par la tête ». Je lui ai alors demandé d'entrer dans les
détails, de me raconter ses sensations quand cette idée s'em-
parait de lui, puis enchaînait sa volonté. Berger me répondit
qu'il n'éprouvait rien à ces deux moments ; mais que, le feu
mis, de peur d'être vu, il tremblait de frayeur. Ebranlé par
mon incrédulité, l'accusé m'avoua peu après les mobiles de
ses crimes, tels qu'il les avait exposés au juge d'instruction.
Il me raconta que ses sentiments de vengeance haineuse ac-
quéraient plus d'empire sous l'influence de l'excitation alcoo-
lique et aussi que, après un léger excès, il éprouvait un besoin
de boire davantage, d'avoir plein son soûl, selon son expres-
sion, et alors il cédait à ses rancunes et à sa soif. Enfin, habile
à profiter de mes questions, il insinua par la suite que s'il
avait mis le feu par vengeance et par désir de boire, c'était
aussi et surtout pour le plaisir de voir des flammes et les gens
accourir au secours.
Un examen minutieux et prolongé ne me permit de cons-
tater chez lui ni hallucinations, ni conceptions délirantes,
ni perversion morale. Berger me parut un homme rusé ,
doué de l'intelligence ordinaire des gens de la campagne.
. Je le questionnai sur ses antécédents personnels et ceux de
sa famille. Berger me dépeint sa mère comme une femme
extrêmement nerveuse, qui, à la moindre contrariété, entrait
en état de surexcitation, et était contrainte de garder le lit
des mois entiers. 11 ajouta qu'une demoiselle Lapos..., sa
cousine germaine, dont le père fut grand buveur, était morte
aliénée à l'asile de Dijon. En ce qui le concernait, d'après son
récit, il n'avait jamais été malade ; vers l'âge de douze ans, il
avait seulement eu de grands maux de tête ; mais il insista
beaucoup sur une infirmité qui le tourmentait depuis son en-
fance ; il avait, disait-il, une incontinence d'urine nocturne
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 339
et diurne. A l'entendre, il lui arrivait, même la journée,
d'uriner dans son pantalon sans s'en apercevoir : « Je sens
ma chemise mouillée, et alors je vois que j'ai pissé de-
dans ». Pareil accident lui arrivait pour le moins une ou deux
fois par mois. Toutefois, depuis son arrestation, rien de tel
ne s'était produit. Sur mes questions, il me fournit les ren-
seignements suivants : Il n'avait jamais eu ni vertiges, ni
étourdissements, mais parfois il se trouvait le matin avec la
langue mordue ; il était obligé de se lever cinq ou six fois la
nuit pour uriner ; bien plus, il laissait quelquefois tomber
les objets qu'il tenait à la main sans s'en douter, et il se sou-
venait parfaitement, dit-il, qu'un jour, cette chute inconsciente
des objets avait coïncidé avec une incontinence d'urine tout
aussi inconsciente. Enfin, en 1871, il aurait été réformé sur
un certificat du Dr W..., constatant sa malheureuse infirmité.
Je pourrais, d'ailleurs, m'ajouta-t-il, me renseigner soit auprès
de sa femme qui, pendant deux ans, avait partagé son lit et
lavé son linge, soit auprès de M. le docteur Adam, qui avait
soigné sa mère.
En présence de ces graves renseignements, je priai le ma-
gistrat instructeur de prescrire immédiatement une enquête
et de me mettre en relation avec la femme de l'accusé. Le
démenti le plus formel a été donné aux allégations de Berger.
Le docteur Adam a déclaré qu'il était depuis vingt-trois ans le
médecin de la famille, et qu'il n'avait jamais constaté chez
les divers membres rien qui eût trait à une faiblesse d'esprit
ou à une tendance à l'aliénation mentale. Comme militaire,
Berger, lors du tirage au sort et en 1871, avait été dispensé
à titre de soutien de famille et n'avait jamais été réformé,
à preuve que, depuis la mort de ses parents, il avait accompli
une période de vingt-huit jours en 1875, et une autre pé-
riode de treize jours en 1878. En ce qui concerne les absences
durant lesquelles il laissait tomber inconsciemment les objets,
de tous ceux qui l'avaient connu et fréquenté, personne ne
s'en était aperçu. Quant à l'incontinence nocturne, un do-
mestique qui couchait avec Berger a déclaré qu'en un an, il
avait uriné une fois au lit la nuit, par suite d'ivresse ; l'incon-
tinence diurne a été énergiquement niée, par, tout le monde.
Toutefois il était vrai qu'une demoiselle Lapos... , morte
aliénée, était sa cousine germaine, et qu'en 1871, le docteur
W... lui avait délivré un certificat établissant l'existence, de-
340 MÉDECINE LÉGALE.
puis son enfance, d'une incontinence nocturne et parfois
diurne.
J'ai interrogé moi-même M ? Berger. Elle a démenti en tous
points le récit de son mari, témoignage qui ne pouvait laisser
aucun doute, puisque, pendant deux ans, cette femme avait
cohabité avec lui. Malgré les répugnances de M-6 Berger,
j'obtins d'elle une confrontation avec le prévenu. L'accusé,
qui n'avait pas vu sa femme depuis plusieurs années, se
troubla en sa présence. Quand il entendit ses démentis éner-
giques, il perdit contenance et avoua tout. Réellement atteint,
jusqu'à l'âge de seize ou dix-sept ans, d'une incontinence
d'urine, depuis une vingtaine d'années il était guéri de cette
infirmité. En 1871, il était marguillier; le curé de Binges,
d'accord avec sa mère, avait écrit au docteur W... pour lui
demander un certificat d'exemption de service militaire, en
lui affirmant la persistance de l'incontinence. Le docteur W...
s'en était rapporté au témoignage du curé et avait certifié.
Convaincu que ce certificat avait surtout contribué à l'exonérer
en 1871 du service militaire, Berger avait eu l'idée d'utiliser,
pour se soustraire à la cour d'assises, ce moyen qui, dans
sa croyance, lui avait si bien réussi une première fois. Quant
aux absences dont il avait parlé, aux morsures de la langue et
à la chute des objets, il avait saisi, dit-il, l'importance de cer-
taines de nos questions et s'en était servi.
Ici encore, on retrouve, sinon tous du moins un
grand nombre des caractères extrinsèques de la pyro-
manie. Comme les pyromanes, Berger a la réputation
d'être faible d'esprit ; il incendie des objets faciles à
s'enflammer, tels que paille et tisses; il met le feu
deux fois chez des gens auxquels il ne veut aucun
mal, et, détail caractéristique, deux fois, dans sa propre
maison; il opère toujours le dimanche soir à la sortie
du cabaret; si, paresseux, il ne contribue guère à res-
treindre le mal qu'il a fait, il court du moins au feu
avec les autres.
Il n'est pas certain qu'il soit héréditaire vésanique.
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 341
A cet égard les renseignements sont incomplets. Le
docteur Adam; qui connaît les Berger depuis vingt ans,
n'a vu parmi eux, il est vrai, ni aliéné ni faible d'esprit
mais la famille maternelle est originaire de Metz et je
n'ai pu me renseigner sur elle. D'un autre côté, une
cousine germaine aliénée est morte à l'asile; le père
de cette malade buvait, c'est encore vrai, mais je n'ai
pu davantage connaître si les excès avaient été anté-
rieurs ou postérieurs à la naissance desa fille. La ques-
tion d'hérédité reste donc douteuse. Quoi qu'il en soit
sur ce point, d'autres caractères principaux de la
pyromanie se retrouvent dans cette affaire.
La dissimulation profonde de Saron ne m'avait pas
permis de mettre à nu ses sentiments et ses sensations
au moment des crimes; la franchise de Berger sur ce
point l'a permis. On a vu plus haut qu'il résulte de ses
aveux mêmes qu'il n'éprouvait rien autre que le désir
de se venger ou de boire. Par la suite, il a sans doute
essayé d'utiliser nos questions, mais seul son premier
récit est sincère. On a donc la' confirmation directe de la
doctrine que je défends, et à moins de considérer,
contrairement aux données de la science actuelle,
l'impulsion comme une idée isolée, née à l'impro-
viste dans un organisme sain, n'amenant aucune
réaction et susceptible d'être mise au service de la
passion, on est forcé de reconnaître que Berger n'était
pas impulsif. Cette affirmation directe, nous l'aurons
encore dans l'observation suivante.
Berger n'avait pas cédé davantage à une irritabilité
émotive ou à une perversion morale. En effet, il n'a
jamais obéi à l'entraînement irréfléchi du moment. Ses
ruses, ses calculs, et ses temporisations en sont les
342 MÉDECINE LÉGALE.
preuves; et s'il a commis comme facteur des actes
indélicats, la cause est non une folie morale, mais la
passion de boire. Son affaiblissement intellectuel était-
il tel qu'il devenait irresponsable de ses actes ?
En acceptant même comme fondée la réputation
d'intelligence bornée dont jouissait cet homme soit
dans sa commune, soit dans l'administration des postes,
il était difficile de conclure à son irresponsabilité. En
effet, dans le temps où il commettait ses crimes, il
remplissait, à la satisfaction de ses maîtres, les fonctions
de domestique,- il avait reçu, en outre, une instruction
primaire complète et il avait été longtemps facteur.
Mais je crois que ce que beaucoup ont pris chez Berger
pour de la simplicité d'esprit n'était qu'une certaine
obtusion intellectuelle amenée par ses excès de
boissons. Le Dr Adam, qui a vu grandir l'accusé, a
déclaré qu'il n'avait jamais constaté chez lui d'affai-
blissement intellectuel, et à la prison, privé depuis
deux mois de tout alcool, il 'av.ait été avec moi plein
de ruse et d'intelligence.
La futilité des mobiles auxquels il avait obéi ne
prouvait pas non plus son irresponsabilité. Peu au
courant des affaires, ainsi que la plupart des gens de
la campagne qui ne sont pas pour cela des imbéciles
irresponsables, il avait cru, sans doute à tort, que le
notaire de'la commune l'avait exproprié, mais il avait
contre cet officier ministériel un motif réel de vengeance :
f, <-'
la saisie de ses appointements qui avait été pénible à
son coeur d'ivrogne et s'il s'est trompé en incendiant
deux fois sa propre maison qu'il ne croyait plus à lui,
c'est bien sciemment qu'il a voulu nuire au notaire.
Quand il mit le feu les deux autres fois pour se pro-
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 343
curer des occasions de boire,- il agissait par passion
de l'ivrognerie non par imbécillité. Il a d'ailleurs fort
bien expliqué ce qui se passait alors en lui, en disant
que, quand il avait fait un léger excès, il éprouvait le
besoin d'avoir plein son saôul. Tous les buveurs en sont là.
Ce n'était pas la maladie qui l'aiguillonnait, car il
n'était certes pas dipsomane, mais ivrogne.
Le jury a été relativement indulgent pour Berger :
il a écarté toutes les questions entraînant la peine de
mort et a admis des circonstances atténuantes. La
cour l'a condamné à douze ans de travaux forcés. -
Observation III. Sept incendies. - Accusée atteinte d'im-
bécillité avec perversion moarle et instinctive. - Mobiles des
crimes : Méchanceté et vengeance généralisées contre tous les
habitants de la commune. Tous les caractères extrin-
sèques de la pyromanie chez la femme.- Irresponsabilité.
Ordonnance de non-lieu.
Cette observation sera courte. L'irresponsabilité de celle qui
en est l'objet est si évidente que je n'aurai point besoin, comme
dans les deux précédentes, d'entrer dans de minutieux détails et
de me livrer à une longue discussion médico-légale. Les faits,
brièvement exposés, parleront d'eux-mêmes.
En 1876, une petite commune de l'Eure, fut, en quelques
mois, ravagée par huit incendies. Le feu prenait de préférence
le soir et toujours dans des toits de chaume ou des. tas de
paille. Dès le troisième sinistre, on soupçonna, bien que sans
preuve aucune, une fillette de quatorze ans d'en être l'auteur.
Mais, malgré la surveillance établie et les précautions prises,
les incendies continuèrent sans qu'on pût établir sa culpabi-
lité. Elle était d'ailleurs toujours empressée à porter secours.
Cette fillette, Thérèse X..., avait été de tout temps le fléau
du village. Héréditaire vésanique par sa mère et par son père
qui appartenaient l'un et l'autre à des familles d'aliénés, elle
était imbécile et douée des plus mauvais instincts.. Elle n'avait
jamais pu apprendre à lire, pas même un métier ; tout au
plus était-elle propre à quelques travaux grossiers de
344 MÉDECINE LÉGALE.
manage'ou des champs; mais, en revanche, pour faire le mal,
elle était douée d'une ruse et d'une méchanceté diaboliques.
Rien n'avait pu modifier son naturel cruel et pervers ; les
punitions les plus sévères et les plus douloureuses amenaient
des promesses, jamais d'amélioration. Elle avait le physique
d'une héréditaire dégénérée : la taille était petite, le crâne
étroit, la physionomie bestiale, la voûte palatine en ogive, les
cheveux- s'implantaient très bas sur un front court. Réglée
depuis un an, sa perversion morale et instinctive s'en était
accrue ainsi que ses habitudes, déja anciennes, d'onanisme et
de lubricité.
Elle fut enfin surprise par sa mère, un soir, qu'elle mettait
le feu dans sa propre demeure. La pauvre enfant reçut pour
la dernière fois une de ces formidables corrections que, sans
succès, on ne lui ménageait pas depuis son enfance, et sous
le fouet, confiante dans la promesse que la punition serait
adoucie, elle avoua tout. Elle n'était pour rien dans le premier
incendie, c'est celui-là, au contraire, dont l'auteur était resté
inconnu, qui lui.avait donné l'idée d'en allumer d'autres en lui
indiquant le moyen d'être nuisible sans être découverte. Avec
une ruse et une habileté incroyables, elle était parvenue à
tromper la surveillance et avait mis sept fois le feu pour se
venger de sa famille et des habitants du village qui, sans
affection ni sympathie pour elle, lui infligeaient de mauvais
traitements ou la poursuivaient de quolibets.
Placée en observation à l'asile par le parquet, j'eus tout le
loisir de l'interroger et de l'observer. On trouvait dans son
affaire tous les caractères extrinsèques de la pyromanie chez la
femme : Thérèse était doublement héréditaire vésanique, le
développement incomplet de son intellect n'était point douteux;
elle était à l'époque critique de la puberté ; elle incendiait un
peu tout le monde, même sa propre demeure et contribuait à
restreindre le mal ; elle mettait le feu dès qu'une occasion pro-
pice se présentait et dans des objets : faciles à s'enflammer qui se
trouvaient à portée de sa main. Or, j'ai en vain recherché chez
elle la symptomatologie et l'évolution de l'impulsion irrésis-
tible. Elle rendait, un compte exact du but poursuivi et expli-
quait fort bien qu'elle portait secours pour ne pas être
soupçonnée ; elle agissait uniquement pour faire le mal et se
venger. Bien que l'intelligence de cette fillette fût très peu
développée, elle n'aurait pas manqué, me semble-t-il, de
DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. z5 5
fournir certains indices qui auraient mis sur la voix de l'im-
pulsion, tels que. les maux de tête, l'angoisse et surtout la
satisfaction éprouvée avec l'accomplissement du crime ou la
joie ressentie à la vue des flammes. Même en l'interrogeant
directement sur ces points, on n'obtenait que des réponses
négatives ; elle ne comprenait pas ce que signifiaient ces
demandes et en revenait toujours à ces deux mobiles.
La pyromanie se trouvant ainsi écartée, j'étudiai Thérèse X...
au point de vue de son développement intellectuel et de ses
sentiments moraux. Dans son village, cette fillette était réputée
absolument imbécile ; elle n'avait pu apprendre à lire ni se
plier à un métier. Je me convainquis que ce résultat n'était
pas dû à la paresse mais à l'état psychique de l'enfant. Etran-
gère, pour ainsi dire, à toute notion morale du bien et du mal,
incapable de comprendre les devoirs vis-à-vis de la société et
des autres, la vie, pour Thérèse, se réduisait à deux choses :
se procurer du plaisir à soi-même et faire du mal aux autres.
Sa méchanceté dépassait toute imagination ; elle ne perdait
pas une occasion d'être nuisible, et je donnerai une idée de sa
froide cruauté en racontant que, se trouvant seule un jour à
l'infirmerie avec une malade âgée et infirme, elle avait
éprouvé une grande joie de lui enfoncer un mouchoir dans la
bouche et de la voir s'asphyxier; sans l'arrivée d'une infir-
mière, un malheur en serait résulté.
L'irresponsabilité de Thérèse ne parut douteuse à
personne. Si elle n'était pas pyromane, elle était douée
d'un développement intellectuel si borné et tourmentée
d'une telle perversion morale qu'il n'était pas possible
de la rendre responsable de ses actes. Tel fut aussi
l'avis du parquet; une ordonnance de non-lieu fut
rendue, et la jeune fille fut maintenue à l'asile. 1 .
Des considérations et des observations qui précèdent
je conclurai : .
I. Les incendies multiples allumés par une même
main présentent d'ordinaire les caractères suivants :
ils sont l'oeuvre de gens de la campagne, d'héréditaires
346 MÉDECINE LÉGALE. DES INCENDIES MULTIPLES.
vésaniques, frappés d'un développement incomplet de
l'intellect, à la période de la puberté, rusés et men-
teurs, empressés à courir au feu avec les autres; ces
incendies sont allumés au hasard de l'occasion, dans
des objets faciles à s'enflammer, et quand les auteurs
sont du- sexe masculin, ils éclatent de préférence le
dimanche soir à la sortie du cabaret. '
II. Malgré tous ces caractères communs, ces incen-
diaires se divisent en deux groupes parfaitement
distincts : ceux qui ont agi sans mobile et ceux qui
ont agi sous l'influence d'un mobile plus ou moins
futile. '
III. Ceux qui ont agi sans mobile ont cédé à une
impulsion irrésistible au feu et sont des pyromanes
irresponsables dans tous les cas. Quand ils entrent
dans la voie des aveux, on retrouve toujours chez eux
la symptomatologie et l'évolution spéciale de la folie
impulsive.
IV. Ceux qui ont agi sous l'influence d'un mobile,
quelque futile qu'il soit, ne sont jamais des pyro-
manes ; car il est impossible, dans aucun cas, ' de
retrouver chez eux la symptomatologie ainsi que l'évo-
lution spéciale de la folie impulsive et que, d'un autre
côté, une impulsion irrésistible ne saurait être mise
au service d'une passion. 1
V. Ces incendiaires à mobile plus ou moins futile
n'ont pu céder qu'à l'affaiblissement intellectuel allié
ou non à la perversion morale et à l'irritabilité émo-
tive.
VI. Ils ne sont pas irresponsables dans tous les cas,
car l'affaiblissement intellectuel, la perversion morale
et l'irritabilité émotive se présentent à des degrés divers
DES FAMILLES D'IDIOTS. 347
qui laissent plus ou moins intacte la saine appréciation
des actes. 1 -
VII. Ainsi, tandis que les'incendies multiples, sans
mobile, sont toujours l'oeuvre de pyromanes irrespon-
sables, les héréditaires vésaniques, frappés d'un déve-
loppement intellectuel incomplet qui, à la période de
la puberté, ont allumé des incendies multiples sous
l'influence d'un mobile futile, devront être scrupuleu-
sement examinés au point de vue des facultés intellec-
tuelles, morales et émotives, et seront, selon les cas,
déclarés responsables ou irresponsables.
CLINIQUE MENTALE
DES FAMILLES D'IDIOTS';
Par BOURNEVILLE et SÉGLAS.
Pour terminer ce travail, nous avons encore à parler de
deux familles ayant produit plusieurs enfants idiots ou
imbéciles.
IV. Famille HORN... '
ty
Père alcoolique ( ? ) Mère débauchée, enfant naturelle ( ? ), Grand'
mère paternelle irritable, débauchée ( ? ), voleuse, Un frère et une
soeur imbéciles ; deux frères idiots ; deux frères et une soeur morts
de convulsions en bas Qge.
Antécédents héréditaires. (Renseignements fournis par la grand'-
mère maternelle, le père et la mère). - Père : trente-sept ans, assez
1 Voir tome X, page 186.
348 CLINIQUE MENTALE.
grand, atteintdepuis quatre ans d'une bronchite chronique ; carac-
tère doux; n'est pas du tout nerveux : n'a jamais fait d'excès de bois-
son, au dire de sa femme, tandis que sa belle-mère prétend qu'il
buvait beaucoup d'absinthe, s'enivrait souvent et ne commençait
quelquefois sa semaine que le mercredi. Il était d'ailleurs bon
ouvrier et vivait tranquillemennt avec sa femme. Pas d'autres
maladies que sa bronchite'. [Père, cantinier, mort à soixante-
dix-sept ans d'un asthme, n'avait jamais eu de maladies ner-
veuses, n'a fait d'excès d'aucune sorte. - Dï'ére, ménagère, n'a
jamais été nerveuse, est morte d'un mal de jambe. - -Deux frères,
qui étaient bien portants et ont eu des enfants bien portants,
sont morts, l'un du choléra en 1866, l'autre tué en z1 ? - Deux
soeU1'S, dont l'une est morte en couches; leurs enfants sont bien
portants. Il n'y a dans la famille ni épileptiques, ni aliénés, ni
difformes, ni suicidés, ni criminels.]
Mère, trente-sept ans, blanchisseuse, intelligente, est sujette
depuis son enfance à des douleurs de tète qui reviennent une quin-
zaine de fois par an. Elle est très vive, mais n'a pas d'attaques de
nerfs; elle n'a jamais fait d'excès de boisson. (Sa mère raconte
que sa fille, à partir de quatorze ans, s'est livrée aux hommes et
il la débauche, tandis que la fille accuse sa mère de l'avoir prosti-
tuée à l'âge de quatorze ans et demi ; elle cite môme le nom de
l'homme qui l'a possédée par suite de ce marché qui a valu à sa
mère deux ans de prison. Celle-ci ne nie pas les deux ans de
prison, mais prétend avoir été faussement dénoncée et injuste-
ment condamnée). Quoi qu'il en soit, elle a eu. avant son mariage,
à l'âge de vingt ans, un enfant actuellement à Bicêtre, qu'elle
nomma Desob..., du nom de l'amant avec lequel elle aurait vécu
quatre ans. Puis, l'année suivante, elle est accouchée à l'Hôtel-
Dieu d'un enfant du même père et qui est mort-né. Ensuite elle
a eu ; d'un autre, un 3° enfant dont elle est accouchée à l'hôpital
Saint-Antoine, et qui est morte à trois mois. Après cette troisième
couche, elle a mené une vie plus régulière et a connu son mari,
avec lequel elle s'est mariée deux jours avant d'accoucher de
Horn... Constant. On pense que depuis son mariage elle est restée
tranquille, mais, depuis la mort du mari (déc. elle fréquen-
terait, au dire de sa mère, de malhonnêtes gens (hommes et
femmes), ce qui aurait amené une brouille entre elles3. [Père, do-
Il est mort en 1884 de sa bronchite tuberculeuse.
°- Il Il paraît qne, étant enfant, il était arriéré; un jour, il est parti de
chez ses parents, et on ne l'a retrouvé qu'au bout de quinze jours; il n'a
jamais pu apprendre de métier; il ne bégayait pas, mais parlait très vite,
et parfois on avait de la peine à le comprendre.
La tenue de cette femme est celle d'une ouvrière soigneuse et propre.
On pense qu'elle a encore un amant (septembre 1885).
DES FAMILLES D'IDIOTS. 3M
mestique, mort à vingt-sept ans de la variole, six mois avant la
naissance de sa fille qui est une enfant naturelle. - Mère, bien
portante, sans accidents nerveux, change souvent de profession.
Elle assure n'avoir eu qu'une enfant (la mère de nos malades), et
n'avoir pas connu d'autre homme que le père de sa fille : cette
dernière l'accuse au contraire d'avoir eu plusieurs amants et de
l'avoir prostituée elle-même, comme nous l'avons vu plus haut.
Elle dit que sa mère, outre les deux ans de prison que ce fait lui
valut, a encore été condamnée une fois pour vol; elle assure aussi
qu'elle buvait et boit encore. Depuis l'entrée des enfants à l31cêtre,
la grand'mère est souvent venue les voir; sa tenue est convenable;
on n'a pas constaté d'indice d'ivrognerie. Pas de névropathes
dans la famille, etc.]
Pas de consanguinité, ni avec Des..., ni avec Ilorii...
Depuis son mariage, Mme Horn... a eu sept enfants, ce qui fait
en somme dix enfants : 1° un garçon, Des... (Ons. V); -°2° fausse
couche de sept mois ; - 3° fille morte à sept mois de convulsions ;
- 4° Horni... Constant (OBs. VI); 5° un garçon mort de
convulsions à treize mois; - 6° fausse couche de trois mois
7° Horn..., Stéphane (Oss. VU); 8° une fille âgée de douze ans
en 188f, bien portante, d'un caractère doux mais peu intelligente,
et qui a eu des convulsions à cinq ou six mois, à plusieurs reprises ' ;
- 9° une fille, neuf ans en 1881, bien portante, un peu chétive,
est gentille, avenante et intelligente; elle n'a jamais eu de con-
vulsions ; 10° un garçon, mort à cinq mois, d'une méningite,
avec des convulsions.
Observation V. Imbécillité ; perversion DES instincts.
Antécédents personnels. - Arrêt de développement ; premières con-
vulsions dans la première année; secondes convulsions vers deux
uns. - Marche ci deux uns et demi; parole à trois ans. Mauvais
instincts. - Accès de colère. - Premier placement à Bicétre, en
1870; transfert Li l'asile de Suint-llLcan, en août 1870. Place-
ment à la colonie de Vaucluse, en '< 877 ; transfert à Bicétre en 1881.
Incontinence nocturne d'urine. Traitement ; école, uymnas-
tique : amélioration considérable.
Desob... (Eugène-Victor), né à Paris, le 4 septembre 1865, est
entré à Bicêtre le 21 septembre 18881 (service de M. BOURNEVILLI';).
Cet enfant est entré une première fois le 12 juin 1870; il a été
1 Elle est depuis deux ans à l'hôpital de Forges-les-Bains pour une
tumeur blanche du genou droit.
350 CLINIQUE MENTALE.
transféré le 31 août à l'asile de Saint-Alban, puis à Vaucluse, le
23 juillet 1877; il a été envoyé de la colonie de Vaucluse à 131cétre,
le 20 septembre -1884, parce qu'il est atteint d'incontinence noc-
turne d'urine. Les notes prises sur lui pendant son premier séjour
ne donnent que des renseignements très incomplets.
Antécédents personnels. (Renseignements fournis par la mère de
l'enfant, 27 février 1882.) - Le père de Desob... se portait bien
jusqu'au mariage de sa maîtresse avec Hornick; il n'avait pas
d'accidents nerveux, ne buvait pas ; il était intelligent, d'un carac-
tère calme. [Pas de névropathes dans sa famille.]
Grossesse bonne, sans accidents, pas d'alcoolisme, etc. '. -Accou-
chement à terme, naturel, sans chloroforme. Pas d'asphyxie à la
naissance. L'enfant a été élevé en nourrice, au sein jusqu'à un
an, puis ramené à Paris et placé en garde; il n'a marché qu'à
deux ans et demi, et n'a guère parlé distinctement qu'à l'âge de
trois ans. A cette' époque, on l'a'repris et on s'est aperçu qu'il
avait des habitudes d'onanisme. Son père nourricier avait déjà
signalé ce fait : il a continué à se toucher; quand on lui avait t
attaché les mains, il « travaillait de son corps » et on avait déses-
péré de pouvoir l'en empêcher. Amaigrissement progressif.
Pendant le temps qu'il a passé chez ses parents, il mangeait
beaucoup, dormait mal et criait parfois la nuit; il a eu presque
continuellement la diarrhée, mais jamais de .vomissements. Il
était jaloux des autres enfants, et passait ses,journées seul, sans
jouer, soit assis, soit marchant dans la chambre. Il était méchant,
voulait tuer les serins de sa mère, son frère Horni...; il faisait des
niches aux locataires. Un jour, il inonda la maison en ouvrant un
robinet d'eau au sixième étage. Un médecin qui l'a examiné alors
a déclaré qu'il tournait à « l'idiotisme ». 11 était sujet à des accès
de colère, surtout quand on le contrariait.
11 aurait eu, pour la première- fois, en nourrice, des convulsions
très fortes; puis une seconde fois, de un à trois ans, lorsqu'il était
en garde. Croûtes dans les cheveux. un an; pas de glandes, de
dartres, d'ophthalmies, ni d'otites.
. 1881. Septembre. Poids : : 30 kil. 30. Taille : 1 m. 34.
1882. Juin. Poids : 33 kil. 30. Taille : 1 m. 38. ,
1883. Juin. Poids : 36 kil. Taille : 1 m. 42.
1884. Janvier. Poids : 40 kil. 10. Taille : 1 m. 46.
" Juin. Poids : 41 kil. : i0. Taille : 1 m. 50. '
'i885. Janvier. Poids : 46 kil. 50 : Taille : l'm. 52. ' '
' Juin. Poids : 45 kjl. 70. Taille : 1 kil. 52.
Rien de particulier lors de la conception.
DES FAMILLES D'IDIOTS. 35 Ik
1884. 14 mai. Etat actuel. Tête ronde, assez volumineuse et régu-
lière.
352 CLINIQUE MENTALE.
musclés, présentent une très légère concavité de la face interne
des tibias; la voûte plantaire est peu accentuée, les doigts longs
et normaux. La coloration des extrémités des quatre membres
n'a rien de particulier.
Organes génitaux : verge assez développée, pas de phimosis,
méat normal, testicules normaux. Rien à l'anus.
Les appareils respiratoire et circulatoire sont intacts; les diges-
tions sont régulières, les selles normales; pas de vomissements,
de mérycisme, ni de gâtisme. La. sensibilité générale et spéciale
est conservée...
Peau : cheveux, cils, sourcils bruns, abondants ; léger duvet à
la lèvre supérieure; poils abondants au pubis, plus rares aux
aisselles et aux jambes. Sur le masséter gauche, on trouve une
cicatrice de six centimètres de long, oblique de haut en bas et
d'arrière en avant, due à une chute sur un Couteau; une cicatrice
de vaccin sur chaque deltoïde; cicatrice gaufrée, au niveau de
l'ombilic, du côté gauche; tache pigmentaire au-dessus du condyle
interne du fémur gauche; pas de ganglions.
Dynamomètre Mathieze : AI. D = 70,5 - M. G. 70.
Actuellement, cet enfant n'est pas méchant, ni taquin; il est
docile, doux pour ses camarades, pour les animaux; il n'a pas de
mauvais instincts, n'est ni voleur ni salace; il est toujours assez
coléreux; il ne montre pas beaucoup d'allectioil pour ses frères,
ni pour sa.grand'mère; mais il aime beaucoup sa mère et est très
heureux de la voir; il refuse de voir sa grand'mère, parce que
« cette grande bique ne cherche qu'à faire du mal à sa mère ». 11
n'aurait plus, parait-il, d'habitudes d'onanisme régulières; cepen-
dant on l'a encore surpris quelquefois se masturbant.
L'état intellectuel de Désob... s'est aussi considérablement modifié
depuis son entrée; à ce moment (septembre 43-I), il savait à peine
lire, n'écrivait qu'un peu, faisait un peu de calcul, n'avait aucune
notion d'histoire de géographie. Dès le mois de janvier 1882, on
constata chez lui des aptitudes assez grandes et des progrès, dejà
sensibles, qui n'ont fait que s'accentuer depuis. Aujourd'hui (1884),
il sait lire et d'une façon assez expressive, il écrit assez bieu, fait
des problèmes sur les quatre opérations, sait un peu d'histoire et
de géographie; la mémoire est demeurée un peu paresseuse; il
comprend bien toutes les explications qu'on lui donne. Mêmes pro-
grès pour les exercices physiques : gymnastique, danse et escrime,
et pour les travaux manuels. Cet enfant est actuellement un des
meilleurs apprentis de l'atelier de menuiserie. En somme, il se tient
bien, est docile, actif, apporte au travail toute la bonne volonté
possible, et fait en tout des progrès considérables. «
1885. - La puberté s'est accusée : fine moustache, rien aux
joues ni au menton. Poils noirs, abondants au pénil. Verge grosse
DES FAMILLES D'IDIOTS. 3 ? 3
et longue. Testicules de la grosseur d'un oeuf de pigeon. Il avoue
se masturber encore quelquefois.
L'incontinence d'urine a diminué, mais n'a pas complètement
disparu. On l'a notée : 23 fois en,'4882, 22 en 1883, 35 en 4884 et
6 fois du )" janvier au 30 septembre 188o.
Au dynamomètre, la main droite est un peu plus forte que la
gauche.
L'amélioration a continué sous tous les rapports. Dez... est
capable de gagner sa vie comme menuisier et l'on s'occupe de le
placer.
Observation VI. IDIOTIE complète.
Athrepsie de la première enfance; premières convulsions à huit mois;
secondes convulsions à neuf mois, etc. ; marche à sept ans et demi;
bave, succion, parole nulle, gdtisme, etc... - Syphilis : roséole,
plaques muqueuses anales, adénites. - Etat du malade en 4884.
Horni... (Conslant-dean-Emuanuel) est entré le 20 septembre
1880, à l'âge douze ans, à l'hospice dé Bicêtre (service de M. BouR-
NEVILLE.)
Antécédents personnels. (Renseignements fournis par sa mère,
12 janvier 1881). Pendant la grossesse ', la mère a eu des contra-
riétés nombreuses par suite de disputes avec sa mère à cause de
son mariage, qui ne s'est fait que deux jours avant l'accouche-
ment. L'accouchement, naturel, aurait en lieu à terme; cependant
le nouveau-né n'avait d'ongles ni aux pieds, ni aux mains. Il a été
élevé au biberon jusqu'à trois mois, il était bien portant; puis il
a été mis en nourrice pour être élevé au sein; cinq semaines
plus tard, il était « en'étisie ». Sa mère l'a repris alors et l'a
élevé au biberon. '
Depuis quatre mois et demi jusqu'à huit mois, l'enfant vomis-
sait presque tout ce qu'il prenait (lait de chèvre, de vache...); sa
mère a fini par lui faire conserver ses aliments en lui donnant
du biscuit qu'elle mâchait d'abord elle-même. A huit mois, il a
eu une première fois des convulsions qui ont dure une heure, et
portaient également sur la face et les quatres membres. Un moi»
plus tard, il a eu une seconde attaque de convulsions pendant
dix minutes. Il a encore eu des convulsions à deux autres reprises :
en tout, elles ont duré jusqu'à un an, les deux dernières crises ont
été les plus courtes.
A vingt mois, il n'avait pas une dent; à vingt-deux mois, il les
avait toutes. A dix-neuf mois, il disait : « papa, maman », et n'a
1 Bien portants tous deux à l'époque de la conception.
Archivas, t. X. X3
354 CLINIQUE MENTALE.
jamais 'dit autre chose; il n'a marché qu'à sept ans et demi. C'ett
vers deux ans qu'on s'est rendu compte qu'il « n'était pas comme
les autres enfants ». Il n'a jamais su s'habiller, ni manger; il boit
seul, n'est pas salace . il a toujours gâté; cependant, à la fin de
son séjour chez ses parents, il s'accroupissait pour faire ses besoins.
Il n'est pas gourmand; il vole par moments surtout les objets
massifs, il est colère. Il est gai, joueur, n'a pas d'autres tics que
de têter toujours son doigt. Il est assez affectueux, en particulier
pour sa mère, qu'il ne veut jamais quitter et avec laquelle il est
très expansif. Il n'aime pas entendre crier les autres enfants :
avant son entrée, il n'avait jamais pleuré, maintenant cela lui
arrive quelquefois. Il ne parle pas. Croûtes dans les cheveux; pas
d'otites, ni de dartres, ni d'ophtlialmie; varioloïde en 1870. Depuis
qu'il a été en nourrice, il a toujours eu une « faiblesse de la
colonne vertébrale », et s'est tenu incliné en avant.
14 juin. Rougeole légère n'ayant rien présenté de particulier
dans son évolution.
31 juillet. Poids, 24 kil. 600; taille, -Im,23.
4 â82. Janvier : Poids, 25 kil. 500 ; taille, -I m,;L6.
'2 juin. L'enfant est un peu moins gâteux qu'autrefois, il ne
mange plus d'ordures; il commence à se servir de la cuillère. Il
continue à sucer ses doigts et bave sans cesse, la bouche toujours
entr'ouverte. Il ne dit encore que « papa, maman », il ne sait ni
s'habiller, ni se laver. Il est assez obéissant.
6 6 octobre. Hier, on s'est aperçu que l'enfant présentait une
éruption. Elle est disséminée et presque contluente sur l'abdomen,
moins abondante dans le dos, presque nulle aux bras, aux jambes
et au cou; la face est intacte; pas de croûtes dans les cheveux. Les
taches ont une couleur cuivrée très nette. Rien aux lèvres, dans
la bouche, ni dans le pharynx. A l'anus, on trouve deux plaques
exulcérées à gauche et en bas, une en haut et à droite, une au
haut du sillon interfessier. Rien à la verge : ganglions inguinaux
très développés des deux côtés (syphilis).
r. 7 octobre. L'éruption est plus conlluente qu'hier et a remonté
sur,le cou; la gorge est un peu rouge. Vin de quinquina, sirop
d'iodure de fer; bains.
- 10 octobre. Persistance de l'éruption, les plaques muqueuses de
l'anus se sont un peu élargies; rougeur des muqueuses gingivale
et buccale.
26 octobre. La roséole commence à s'éteindre; c'est principale-
ment sur le ventre et à la partie postérieure des cuisses, à la région
lombaire que l'éruption a été conlluente. Adénites nombreuses,
cervicales, sous-maxillaires, axillaires et inguinales; rien dans la
gorge, plaques muqueuses anales.1.
DES FAMILLES D'IDIOTS. 355 5
15 novembre. Persistance de larges plaques de roséole qui tendent
à s'effacer : plaques muqueuses anales; on ne sent plus les adénites
cervicales droites.
9 décembre. Adénites persistantes, rien dans la bouche, ni au
cuir chevelu. Le traitement n'a consisté, jusqu'ici, qu'en toniques.
1883. 2 janvier. Les taches, en voie de disparition, laissent après
elles une teinte cuivrée : persistance des adénites, pas d'alopécie.
45 janvier. Plaque muqueuse près de la commissure labiale
gauche. Embarras gastrique fébrile.
31 janvier. Adénites cervicales multiples peu volumineuses;
quelques adénites dans l'aisselle droite et dans les deux aines. La
roséole a presque disparu sur le dos; il n'y a plus rien sur le reste
du corps; rien à la tête, à la bouche, à la gorge, ni à l'anus.
Poids, 24 kil. 800 ; taille, le,28.
23 avril. 11 y a encore quelques taches sur les reins; rares adé-
nites cervicales, et dans l'aine droite; rien dans les aisselles, rien
dans la bouche; pas d'alopécie.
13 juin. Les taches sont complètement effacées ; il ne reste plus
que quelques ganglions dans les aines.
30 juin. Poids, 28 kil. 9; taille, 1m,30.
1884. 4 janvier. Rien à la peau si ce n'est de l'érythème chro-
nique des fesses et des cuisses dû au gâtisme; la partie inférieure
du sacrum est très saillante. Plus de glandes au cou, aux aisselles,
ni aux aines; pas d'apolécie, ni de croûtes dans les cheveux. Rien
aux lèvres, à la bouche, ni à la gorge; rien à la verge, qui est
petite et allongée. Le prépuce long permet cependant de décou-
vrir le gland qui est intact; le méat est un peu rouge, normal; on
ne sent que le testicule droit dans l'anneau, le gauche n'est pas
descendu. Le traitement suivi a été simplement tonique : extrait
et vin de quinquina, sirop d'iodure de l'er, hydrothérapie. '
31 janvier. Poids : 26 kil. 20; taille : lm,30.
14 mui. Etat actuel. Tête moyenne; léger degré d'acrocéphalie et
de plctciocépleu,lie combinées. En effet, le crâne est allongé dans le
sens vertical, mais il n'est pas oblique et ne se termine pas abso-
lument en pointe. En même temps, on constate un chevauchement
de ses deux moitiés l'une sur l'autre, de telle sorte que toute la
moitié droite parait portée en avant ; cette moitié est aussi plus
développée que la gauche, par suite de la présence des voussures
de compensation. Les sutures des os crâniens ne sont pas saillantes.
Les bosses frontales sont assez marquées, surtout la droite qui, en
même temps, est sur un plan antérieur à la gauche; la bosse
pariétale droite est très volumineuse, tandis que la gauche est à
peine indiquée. L'occipital est plat suivant un plan vertical, la
356 CLINIQUE MENTALE.
moitié droite en retrait sur la gauche; les deux bosses occipitales
sont peu saillantes, égales, mais ne sont pas sur le même plan.
. des familles' D'IDIOTS. 357
Peau : cheveux, cils, sourcils châtains, abondants ; pas de poils
aux aisselles, au pubis ni sur les membres : trois cicatrices de
vaccin sur chaque bras; une tache pigmentaire au niveau du
bord inférieur du grand pectoral droit; petite tumeur papillo-
mateuse un peu au-dessous de l'ombilic et du côté gauche.
On trouve encore quelques taches jaunâtres, derniers vestiges de
l'éruption syphilitique sur le tibia droit et sur la face antérieure
des deux bras; il n'y a rien dans la gorge, ni à l'anus; pas d'alo-
pécie : quelques ganglions seulement dans les deux aines de l'ais-
selle droite. '
Au point de vue intellectuel, cet enfant est un type d'idiotie
complète, et ne semble aucunement susceptible d'être amélioré. Il
n'a aucune notion du monde extérieur; il ne parle pas du tout,
ne pousse que de petits cris heu ! ,heu ! Son regard est vague, et
son attention ne peut se fixer sur aucun objet. 11 n'a pas de mau-
vais instincts, n'est pas voleur, ni malfaisant : il n'est pas mé-
chant, ne bat pas ses camarades ; il aime beaucoup à jouer avec
de petits bâtons ; il se balance souvent, suce toujours ses doigts,
ne bave plus; pas d'onanisme. Il marche seul et mange seul,
mais avec ses mains; il est gourmand et même vorace; pas'de
salacité ; gâtisme. 11 paraît assez affectueux pour ses parents qu'il
caresse lorsqu'ils viennent le voir.
1883. Juin. Poids. 27 kil. 400. Taille, leu,33.
1885. Janvier. Poids, 29 kil. 500. Taille, 1m33.
Juin. Poids, 29 kil. 500. Taille, Im34.
Pas de changements au point de vue de la puberté : rien aux
lèvres; un groupe de poils courts à gauche de la verge, qui est
toujours petite. Il n'est plus salace, ne pleure plus quand on l'ap-
proche ; dans la marche, il a conservé l'habitude de plier et de
relever alternativement le tronc. 11 a pris en affection dès l'entrée
un autre enfant, Naud ? ils s'approchent l'un de l'autre en riant
et en chantonnant. Il se sert d'une cuiller pour manger, à la con-
dition qu'on le surveille.
Observation VII. Imbécillité.
Crises nerveuses ci quatre ans, suivies de strabisme pendant un an. -
Alternatives de somnolence et de turbulence; kleptomanie, mendi-
cité. Onanisme. - Accès de colère, jalousie. Syphilis
(1882-1883); injections sous-cutanées de peptonate de mercure;
stomatite mercurielle. Tumeur du foie. - B)'onc/tOpKeMnM ? e.
Rubéole. - Description du malade. - Etat des organes génitaux.
Etat intellectuel.
Horn... (Jean-Stéphane), est entré le 18 février 1881, à l'âge de
dix ans, à l31cétre (service de M. Bourneville).
358. clinique mentale.
Antécédents personnels. (Renseignements fournis par le père et
la mère, 9 juin -1851'.) Grossesse bonne.Aeco ! fC/tpmeH< à terme,
naturel, sans chloroforme. - A la naissance, l'enfant ne présen-
tait rien d'extraordinaire. Sa nourrice, qui était enceinte d'un
mois, ne l'a nourri an sein que jusqu'à quatre mois; ensuite il a
été élevé au biberon (lait de vache). - Il a marché vers quinze
mois, et a parlé vers dix-huit mois ; il a toujours uriné de
temps en temps au lit. Quand il fut repris par sa mère à l'âge
de deux ans et demi, il n'avait pas eu d'autres maladies que
le ventre ballonné et de la constipation. Jusqu'à quatre ans,
il n'eut rien autre que des engelures,' quelques croûtes dans les
cheveux, sur les mains, à la figure et sur le corps, et souvent des
adénites cervicales. A quatre ans, « il est tombé tout raide par
terre et est resté ainsi pendant une heure; le médecin qui a été
appelé a dit que ce n'était pas des convulsions, mais une crise
nerveuse. Après, les yeux étaient retournés et il a louché pendant t
un an ». Il n'a jamais eu la rougeole, ni aucune autre fièvre : n'a
jamais présenté d'autres accidents nerveux que ceux qui sont
mentionnés plus haut ; il faisait souvent des grimaces en jouant.
A trois ans et demi, mis à l'asile, puis dans une série d'écoles, il
n'a jamais rien appris; quelquefois il dormait des heures entières,
dans d'autres moments; il était d'une turbulence extrême, taqui-
nant ses camarades, les empêchant de travailler et même les
volant. Souvent, au lieu d'aller à l'école, il s'en allait mendier; il
disait alors que ses parents ne lui donnaient pas à manger.
Il s'habillait très mal ; il mangeait seul avec une cuillère et une
fourchette, mais salement et gloutonnement. Pas de salacité; pas
de rumination ; quand il boit, il tousse tout de suite. Onanisme
très fréquent depuis son retour de nourrice jusqu'à l'âge de sept
. ans.Il est colère, menteur, indifférent à tout, peu affectueux. Il est
jaloux de son frère, qui est idiot et sur le compte duquel il met
tous ses méfaits. Il ne veut pas jouer avec les autres enfants, et
préfère rester seul dans un coin; il ne peut souffrir les animaux.
- Le sommeil est généralement très agité; il a été quelquefois
un mois de suite sans dormir la nuit. Pas de vertiges, d'attaques,
ni de chutes.
A son entrée dans le service, on constate que cet enfant ne sait
que quelques lettres, qu'il ne sait pas écrire, qu'il prononce bien
et parait avoir un peu de mémoire. Il connaît les objets usuels. Il
est très turbulent, paresseux, malpropre, menteur et gourmand, ce
qui confirme les renseignements desa mère. Il s'habille convena-
blement ; onanisme persistant. Poids, 18 kil. 800; taille, 1m,09.
1882. 17 juin. Embarras gastrique; douleurs de côté d droite,
avec un peu d'affaiblissement du murmure vésiculaire de ce côté.
1 Rien de particulier il la conception.
DES familles D'IDIOTS. 359
La température oscille toujours entre 38° et 39°. L'e. fant sort de
l'infirmerie le 7 juillet.
10 juillet. 11 remonte à l'infirmerie, se plaignant de douleurs
de côté à droite. Pas de signes stéthoscopiques; à la percussion,
on constate, dans le tiers inférieur et postérieur du thorax, de la
submatité qui se prolonge dans toute la région du foie jusqu'à
l'épigastre. Cette région est très sensible, ne présente pas de dé-
formation, il n'y a pas d'ictère ni de vomissements; les selles
sont normales. Le malade sort le 1 août sans que la température
ait dépassé 39°. - Poids : 21 kil. 800; taille : 1- 17.
23 décembre. Amélioration sensible ; parole tout à fait libre ; il
commence àsyllaber, compte jusqu'à cinquante; il est plus obéis-
sant, s'habille, seul.
Eruption papuleuse confluente à la région lombaire, discrète
sur les membres et le tronc; à la nuque, les papules présentent
une petite collerette; coloration bronzée. Adénites cervicales, rien
à la face, à la verge ni à l'anus. L'amygdale droite est un peu
tuméfiée; le pilier antérieur, rouge et luisant, présente vers sa
partie moyenne une petite élévation de deux millimètres de lon-
gueur (syphilis). ' , ,
1883. 30 janvier. La syphilis est en voie de diminution ; des-
quamation des papules qui présentent une coloration rouge brun
cuivré; nombreuses adénites cervicales, axillaires et inguinales.
Quelques papules dans le cuir chevelu ; rien à l'anus; ulcération
à bords irréguliers sur l'amygdale gauche. Sirop d'iodure de fer,
vin de quinquina, injections sous-cutanées de peptonatc de mercure.
(XX gouttes, 2 milligr. 30.) Poids : 22 kil. 60; taille : 4m 18.
24 février. Nombreuses adénites cervicales de la grosseur d'un
haricot au maximum; quelques petites adénites axillaires, pléiade
inguinale. Les papules sont toutes revêtues de squames en voie
de détachement, ayant une coloration brun jaunâtre qui va en
s'éteignant. Quelques squames dans le cuir chevelu, un peu d'alo-
pécie ; plaque rouge de la paupière inférieure gauche, pointe du
nez couperosée. La face interne des lèvres et des joues n'a rien
de particulier, les gencives sont fongueuses et ulcérées par points
les dents'sont couvertes de taches à leur couronne, la langue est
recouverte d'un enduit blanchâtre et est comme mâchonnée sur
ses bords qui sont le siège d'un dépôt jaunâtre qu'on détache
assez aisément. L'haleine est infecte, la salivation considérable;
adénite sous-maxillaire droite quelques indurations consécutives
aux injections. Amaigrissement notable.' (Poids : 20 kil. 320.)
27 février. On suspend les injections. L'état est toujours le même.
12 mars. La stomatite est très améliorée ; le malade mange et
parle facilement; il ne crache presque plus ; son haleine n'est
360 CLINIQUE MENTALE.
plus fétide. 11 s'est produit une eschare d'un centimètre de dia-
mètre au niveau d'une des injections sous-cutanées.
10 avril. Depuis plusieurs jours l'enfant se plaint d'un point de
côté à droite et au niveau de l'épigastre. Cette région est le siège
d'une voussure' très douloureuse à la pression ; le foie est gros et
déborde les fausses côtes. Pas d'ictère; un peu de toux ; submatité
sous la clavicule droite et râles assez fins mélangés de frotte-
ments. Langue chargée. Deux verres d'eau de Sedlitz ; extrait de
quinquina.
13 avril. Douleurs au niveau de la région hépatique, qui est
bombée et saillante. A la palpation, on sent le foie déborder les
fausses côtes de près de 3 centimètres ; dans cet espace, on cons-
tate une matité évidente. Au niveau de l'épigastre, le rebord du
foie est également abaissé ; l'examen ne détermine que peu de
douleur-; ventre souple.; pas d'ictère, anorexie, soif vive, langue
saburrale. Le 11, l'enfant qui avait pris de l'huile de ricin, a vomi
pour la première fois; hier, il a vomi son potage; deux ou trois
selles diarrhéiques, jaunâtres par jour. Fièvre très modérée,
n'ayant rieu de particulier; vésicatoire.
16 avril. Circonférence de l'abdomen au niveau de la douzième
DES FAMILLES D'IDIOTS. 36 i
nution de la sonorité dans les deux tiers inférieurs du poumon
droit. Rien à gauche; Je foie n'a pas augmenté de volume ; pas
d'ictère, diarrhée. La température n'est pas très élevée et oscille
toujours aux environs de 38°, sans rien présenter de particulier
dans sa marche.
362 clinique mentale.
8 mai. L'éruption est modérément continente vers la face, peu
contluente sur le tronc; les taches, larges et pâles, sont difficiles
à distinguer des taches presque effacées de roséole. Toux fré-
quente ; expectoration abondante et glaireuse ; soif vive, langue
sale. A lapercussion, diminution de la sonorité dans la moitié in-
férieure du poumon droit, en arrière et sur le côté. A l'ausculta-
tion, souffle dans les deux tiers inférieurs du même poumon. et
respiration soufflante à la base, en arrière sur une petite éten-
due ; râles soufflants et sibilants disséminés dans le reste du pou-
mon et dans le poumon gauche. - .
9 mai. L'éruption commence à s'effacer, sauf sur la face; souffle
dans toute l'étendue du poumon droit en arrière, mélangé par
places de râles crépitants; à gauche, diminution de la sonorité
et râles fins à la base; rien en avant. La respiration est régulière,
la toux fréquente. Il n'y a pas de larmoiement; un peu de con-
jonctivite ; langue humide, selles régulières. - Vin de quinquina,
extrait de quinquina.
10 mai. L'éruption continue à s'effacer, surtout en arrière. Ma-
tité à droite, en avant et en arrière; râles sous-crépitants, crépi-
tants et souffle tubaire en arrière; en avant, on n'entend que
des râles sous-crépitants. A gauche, il y a également des râles.
Toux fréquente, dyspnée marquée, sueur abondante.
,Il mai. Persistance du souffle et de la bronchophonie dans la
moitié inférieure du poumon droit; quelques râles ronflants à
l'inspiration, au sommet des deux poumons; un peu de sonorité
au niveau du tiers moyen du poumon droit, sonorité dans toute
la hauteur du poumon gauche. En avant et à gauche, l'inspiration
est un peu rude. La toux est toujours fréquente, l'expectoration
assez abondante. Langue nette, appétitbon, pas de vomissements,
selles régulières. La voussure du foie a disparu et il ne dépasse
plus le rebord des fausses côtes. - Bouillon, potage, lait, un oeuf,
vin de quinquina.
12 mai. Même état; quelques râles à la base gauche; pas de
gêne de la respiration ; vomissement dans la journée d'hier.
13 mai. Point de côté violent à droite, l'auscultation ne révèle
rien de nouveau.
18 mai. L'étal général est beaucoup meilleur, mais l'état local
le modifie très peu. Le souffle persiste, un peu moins rude et dans
une étendue un peu moindre; râles sous-crépitants nombreux,
surtout vers l'aisselle et au sommet droit; quelques frottements
pleuraux. La température, qui n'a guère dépassé 39°, est revenue
à la normale sans avoir présenté, dans ses oscillations, rien de
caractéristique.
DES FAMILLES D'IDIOTS. 363
21 mai. L'enfant est gai et mange de bon appétit. Selles régu-
lières, toux fréquente par quinte, expectoration verdâtre. La région
thoracique semble déprimée du côté droit qui présente à la per-
cussion un peu de submatité. Dans toute la hauteur du poumon
de ce côté, souffle et râles fins humides, aux deux temps de la
respiration. Du côté gauche, respiration un peu rude, mêlée de
quelques râles ronflants très disséminés.
4 juin. Toux moins fréquente, toujours quinteuse; expectoration
muco-purulente abondante, sonorité normale à gauche; subma-
tité dans toute l'étendue du côté droit et râles humides mélangés
de gros frottements pleuraux. Etat général satisfaisant.
30 juin. Poids : 21 kil. 900; taille : 1 m. 19.
9 juillet. Etat actuel. - Tête ovoïde assez développée; l'occipital
fait uns légère saillie, au dessous de laquelle existe à droite une
sorte de méplat, tandis qu'à gauche il existe une convexité assez
marquée. La bosse occipitale droite est plus accentuée que la
gauche; de même la bosse pariétale droite. Le front est haut,
bombé, assez large; la bosse frontale gauche est notablement
plus développée que la droite. ,
36t le CLINIQUE MENTALE.
tion est normale ; les gencives sont en assez bon état, mais recou-
vrent légèrement les dents.
Le cou est régulier : le thorax présente en avant une saillie assez
marquée des insertions sternales des quatrième, cinquième et
sixième côtes; le rebord costal droit est plus déprimé que le
gauche, et en arrière, la moitié droite du thorax parait aplatie
au-dessous de l'omoplate.
Le rachis est normal, ainsi que le bassin. Les membres supé-
rieurs et'inférieurs sont bien conformés, quoique un peu grêles.
Pas de traces de rachitisme. '
Les cheveux sont blonds et peu abondants; sur la moitié gauche
du crâne on trouve sept cicatrices, les unes linéaires, les autres un
peu étoilées. Sourcils blonds et rares, cils très longs et abondants;
duvet assez marqué surles épaules, les flancs et les cuisses. -.Peau
blanche avec de nombreuses taches (vésicatoires, petits abcès
consécutifs aux injections); petites glandes cervicales et inguinales,
rien dans les aisselles. - Les testicules sont descendus, mais très
petits; la verge est peu développée, un phimosis assez prononcé ne
permet pas de découvrir le gland.
Digestion. - L'appétit est régulier, la mastication se fait bien,
les, selles sont normales ; pas de gâtisme. Le foie déborde les fausses
côtes d'un travers de doigt, et remonte presque jusqu'au niveau
du mamelon ; la rate ne parait pas volumineuse; du côté droit on
distingue mal les espaces intercostaux qui sont très apparents du
côté gauche. Le ventre est assez développé et un peu tendu. Pas
d'ictère. ' ' ' 1
Respiration. - Submatité au sommet des deux poumons, surtout
à gauche; de l'épine à la pointe de l'omoplate, sonorité; au-des-
sous de la pointe et des deux côtés, matité. En arrière età gauche,
la respiration est un peu obscure au sommet, du côté du rachis; à
lapartie moyenne, elle est normale; en bas, elle paraîtlointaine;
la voix est un peu chevrotante en bas vers la colonne vertébrale.
Ce phénomène est plus marqué à droite, et dans une plus grande
hauteur. De ce côté, la respiration qui est normale dans la moitié
supérieure ne s'entend presque pas dans la moitié inférieure; il
reste encore un peu de souffle. En avant, sonorité un peu exagérée
des deux côtés; à droite, la respiration est normale sous la clavi-
cule, un peu obscure au niveau du mamelon; à gauche, elle est
normale.
La sensibilité, générale et spéciale, est intacte.
Etat intellectuel. - En juin 1881, dès son entrée, on a constaté
qu'il savait compter jusqu'à cinquante, avec des jetons; il connais-
sait les lettres de l'alphabet, mais sans savoir les assembler; il
faisait des bâtons sur l'ardoise; il se nettoyait assez bien, cirait
;es souliers, mais ne savait pas s'habiller seul; au réfectoire, il se
DES FAMILLES D'IDIOTS. 365
servaitde la fourchette, de lacuilleret du couteau, aidaitàlaver i-
la vaisselle.
En juillet et août, on remarque qu'il a parfois mauvaise tête,
qu'il est menteur, a de mauvaises habitudes et cherche à entraîner
les autres enfants; en octohre, il est plus attentif; en décembre
il s'habille seul, travaille mieux. , '
En mars et avril 1882, il est plus docile et plus assidu; après un
premier séjour à l'infirmerie (15 mai-27 juillet), il travaille assez
bien jusqu'au 29 décembre. est alors malade de nouveau, et lors-
qu'il redescend de l'infirmerie, le 11 juillet 1883, on constate qu'il
n'a rien oublié de ce qu'il avait appris.
Actuellement, il s'habille bien, mange proprement, n'est plus
gourmand, ni voleur. Il n'est plus onaniste. 11 connaît les diffé-
rentes parties du corps, sait nommer les mouvements, les couleurs,
tous les objets contenus dans les boîtes de leçons de choses, et tous
ceux qui l'entourent. Il commence à faire quelques lettres et aies
assembler; il n'a que très peu de notions en ce qui concerne son
âge, Jes saisons, les mois, les jours, l'heure. La parole est très
distincte. Il parait être assez affectueux..
1884. Janvier. Poids, 24 kil. 400. Taille, 1 m. 23.
Août. Poids, 25 kil. 100. Taille, 1 m. 26.
1885. Janvier. Poids, 26 kil. 400. Taille, 1 m. 28.
- Juin. Poids, 25 kil. Taille, 1 m. 30.
La puberté ne s'accuse pas. Lèvres et pénil glabres; testicules
de la grosseur d'une olive; bourses un peu rétractées; prépuce
long; gland découvrable; méat normal. La longueur de la verge
et la circonférence sont de 3 centimètres et demi.
Durant cette année, on a remarqué, comme les autres années,
des périodes de une ou deux semaines durant lesquelles il est
inerte, irritable, querelleur, refuse de travailler. D'ordinaire, il
est moins sujet aux colères qu'autrefois; il n'est plus menteur,
est devenu affectueux, s'occupe de son frère, idiot, le place
auprès de lui au réfectoire et le fait manger. Il est devenu plus
actif, assez propre, et joue avec les autres enfants. ce qu'il ne
faisait pas dans les premiers temps. Il syllabe assez bien, assemble
même quelques mots, bail la numération, compte 2 par 2, trace
quelques lettres. Il est complaisant et fait de petites corvées dans
le service.
En résumé, sous T'influence du traitement, cet enfant s'est
notablement amélioré à tous les égards.
Laissant de côté tous les faits, quelqu'intéressants qu'ils
soient, que les observations peuvent présenter d'étrangers à
366 CLINIQUE MENTALE.
notre sujet, nous ne résumerons dans notre tableau que les
points qui nous occupent en particulier :
DES FAMILLES D'IDIOTS. 367
signale l'hérédité et les anomalies intellectuelles ou morales
qui les accompagnent, trahissent facilement leur origine mor-
bide. Le cas actuel nous semble faire partie de ce groupe, et
ces deux condamnations dont l'une surtout décèle une perver-
sion profonde du sens moral, coexistant avec l'instabilité
mentale, peuvent, à notre avis, être un signe de plus de la
tare héréditaire.
Ainsi donc du côté de la mère, l'hérédité s'accumule depuis
deux générations. Du côté paternel, même chose. Le père des
Horn... ne présentait pas d'accidents nerveux, mais il faisait de
fréquents excès de boisson et c'est là un fait d'une valeur
très importante au point de vue de l'hérédité. De plus, il est
le fils d'un asthmatique et cette affection, qui a des rapports si
intimes avec les maladies du système nerveux, est une cause
d'hérédité qui a certes une grande valeur. L'asthme, en effet, est
lié souvent au goitre exophthalmique; les récentes recherches
de MM. Ballet ' et Marie 2 le montrent fréquemment uni par
l'hérédité aux maladies nerveuses et surtout aux maladies
mentales. Guislain s, d'un* autre côté, a fait voir que souvent
l'aliénation alterne avec l'asthme, et Solter 4 lui trouve de
nombreuses connexions avec l'épilepsie. On peut donc aisé-
ment admettre qu'un père atteint d'asthme transmette à ses
descendants une prédisposition névropathique spéciale, tout
comme un choréique, une hystérique, une épileptique, ou
même un aliéné.
Aussi disons-nous que, dans le cas actuel, l'hérédité est
double et s'accumule sur les enfants avec une intensité d'au-
tant plus forte qu'elle date de deux générations. Aussi de ces
cinq malheureux enfants venus à terme, deux meurent, à quel-
ques mois, de convulsions, deux sont idiots, l'un inéducable, tous
deux incapables de tenir place dans lasociété ; une autre, imbé-
cile, a eu autrefois des convulsions. Une seule fille est bien por-
tante et intelligente, mais on peut pronostiquer sans peine,
qu'avec des antécédents pareils, si elle-même ne ressent pas
les atteintes de l'hérédité, ses enfants, si elle en a, hériteront
des prédispositions névropathiques de toute la famille.
1 G. Ballet. Revue de médecine, 1883, p. 254.
2 Marie. -- Thèse de Paris, 1883.
3 Guislain. - Leçons orales sur les ph¡'énopatlties.
* Salter. On asthme, 1860.
368 CLINIQUE MENTALE.
III. Famille GUI...
Grand-père paternel; quelques excès de boisson; oncle paternel
aliéné; mère migraineuse. Grand-père maternel asthmatique;
cousin éloigné idiot; consanguinité éloignée. - \Onze enfants :
quatre idiots, une idiote, un convulsif.
Antécédents héréditaires. (Renseignements fournis par la mère,
20 octobre 1879.) - Père : ébéniste, quarante-deux ans, bien por-
tant, d'une taille assez élevée, a eu, dans le courant de l'hiver 1872,
un eczéma de la face et du tronc qui n'a pas reparu. Pas d'alcoo-
lisme, ni de migraines, pas d'accidents nerveux ni rhumatismaux;
caractère doux. [Père : soixante-sept ans, n'a jamais été malade;
aucun accident .nerveux ; quelques excès de boisson. - Mère :
morte de la rupture d'une anévrysme ; pas d'affection nerveuse.
- Deux frères : l'un est mort du choléra ; l'autre, placé à l'asile de
Maréville comme aliéné, y est mort le 1er décembre 1858 à l'âge
de dix-huit ans 1. Deux soeurs : dont l'une encore vivante, n'ont
jamais eu d'accidents nerveux.] .
Mère : quaranté-deux ans; brodeuse, intelligente, maigre, un
peu anémique ; sujette à des névralgies faciales et à des migraines
très fortes, sans vomissements. A la. suite d'une contrariété d'a-
mour-propre, elle eut pendant six mois des troubles semoriaux
de la vue (phosphènes). Elle voyait pendant deux ou trois heures
des feux, des cercles lumineux. Ces phénomènes disparaissaient
sous l'influence du sommeil. Aucun accident cutané, rhumatis-
mal ou pulmonaire; pas de maladies graves. [Père mort d'un
astfime à soixante ans, sans avoir présenté d'autres accidents ner-
veux. Mère : soixante-dix-sept ans, bien portante, pas d'affec-
tions nerveuses. Une cousine paternelle au troisième degré de
la mère de notre malade a eu un garçon idiot, mort à huit ans.
1 Gui... (Charles), dix-neuf ans, entré le 22 novembre 1858 à l'asile
de Maréville, mort le ter décembre 1858. - Aucun antécédent héréditaire,
pas d'excès alcooliques; pas de syphilis; excès vénériens et onanistillues.
' Chagrins d'amour suivis d'accès de tristesse, d'excentricité, d'embarras
de la parole. Les accidents ont débuté quinze jours avant l'entrée à
l'asile ; terreurs panophobiques lui arrachant des plaintes et des cris con.
tilluels; hallucinations incessantes : ou le poursuit, on veut le mutiler,
lui couper le cou; il est agité, bruyant, agressif. Plus tard il se croit
amputé des parties génitales et, dans cette conviction, il urine dans son
lit ou dans ses vêtements. Les traitements sont infructueux; sous l'in-
fluence des terreurs panophobiques, Gui .. refuse toute alimentation; il
survient un amaigrissement rapide et un état de marasme nerveux qui
amènent rapidement la mort.
DES FAMILLES D'IDIOTS. 369
Consanguinité : le père et la mère du malade sont cousins au
cinquième ou sixième degré. Leurs deux mères portaient le même
nom.
Onze enfants : 1° une fille morte à un an sans avoir eu de con-
vulsions ; paraissait intelligente. A sa naissance, elle était comme
enflée. - 2° et 3° deux filles, l'une de vingt-un ans, l'autre de
dix-neuf, bien portantes, intelligentes ; aucun accident nerveux.
4° un garçon (Louis-Oscar), mort idiot à Maréville; - 5° un
autre garçon (Charles-Georges), idiot, est encore actuellement à
Maréville; - 6° une fille morte à huit mois de la variole, quoi-
qu'elle eût, dit-on, été vaccinée et que le vaccin eût bien pris ; -
7° une fille (Henriette), idiote, morte à la Salpêtrière à dix ans le
1er décembre 18 i 5 ; - 8° un garçon, bien portant, assez intelli-
gent, a eu quelques convulsions internes, il ¡louche; - 9° une
fille, huit ans, bien portante, pas de convulsions ni d'affections
nerveuses; -- 100 Un garçon de cinq ans (Henri Gabriel), idiot,
gâteux ; 1 in un garçon de trois ans (Eugène-Georges), idiot et épi-
leptique.
Ces deux derniers malades ont été placés à Bicétre; mais
avant de relater leur observation, nous allons dire quelques
mots de leurs frères Charles et Louis-Oscar. Nous devons à
l'obligeance de M. le Directeur de l'asile de Maréville, de
nombreux renseignements sur ces deux premiers malades :
nous n'indiquerons ici que les traits principaux de leur affec-
tion. '
Observation VHI. Idiotie complète.
Gui... (Louis-Oscar), âgé de six ans et demi à son entrée à l'asile
de Maréville le 27 juillet 1868. Mort le 30 avril 1872.
Idiotie congénitale. Tête petite, front bas, déprimé : ne parle
pas, peu de sentiments affectifs : calme et inoffensif. Gâteux.
Santé physique bonne; vie purement animale.
Le 10 avril 1872, l'enfant est atteint de bronchite généralisée
il meurt le 30 avril. A l'autopsie, on trouve un ramollissement
notable des lobes antérieurs du cerveau et des tubercules gris
en voie de formation dans les deux poumons.
Observation IX. IDIOTIE complète. ,
Gui... (Charles-Georges), âgé de quatre ans et demi à son entrée
à l'asile de Maréville le 14- septembre 1868.
Tête assez bien conformée, figure assez intelligente; idiotie con-
lucamEs, t. X. 24
370 CLINIQUE MENTALE.
génitale, ne dit guère que papa et maman; gâtisme. L'état in-
tellectuel de l'enfant ne s'améliore pas, 'et les derniers certi-
ficats (novembre 1881) constatent l'idiotie complète; l'absence de
parole, le gâtisme, l'existence automatique et végétative. La santé
physique est bonne.
Nous avons pu aussi recueillir à la Salpêtrière quelques
renseignements sur Henriette Gui., le septième enfant de cette
famille. Nous les transcrivons ici :
OBSERVATION X. -IDIOTIE COMPLÈTE.
Gui... (Henriette), entrée à la Salpêtrière le 9 juin 1873, morte
le 4 décembre 1875 (service de M. llot.au).
Les différents certificats concernant cette malade constatent
qu'elle était atteinte d'idiotie congénitale avec nlic7'océphalie; stra-
hisme convergent et asthénie générale. Elle était turbulente avec
des périodes d'excitation; elle avait de mauvais instincts. Elle ne
mangeait pas seule et était gâteuse. Elle ne s'est pas améliorée
pendant tout son séjour à la Salpêtrière.
Nous allons maintenant rapporter plus en détail les obser-
vations des deux derniers enfants qui ont été placés à Bicêtre.
Observation XI. IDIOTIE congénitale complète.
Pas de convulsions. Congestion cérébrale à trois ans ( ? ). - Parole
nulle. - Incapacité de s'habiller, de se laver, de manger. - Gâtisme,
onanisme, phimosis.
Gui... (Henri-Gabriel) est entré à l31cêtre le 8 novembre 1879, à
l'âge de cinq ans (service de M. Bourneville). Il est né le
22 juin 1874.
Antécédents personnels. (Renseignements fournis par la mère,
3 décembre 4879.) Rien de particulier lors de la conception.
Aucun accidentpendant la grossesse; accouchement à terme, facile.
- A la naissance, pas d'asphyxie. -Elevé au sein par sa mèrejus-
qu'à quinze mois. Rougeole à deux ans et demi, variole à trois ans;
congestion du cerveau ( ? ) : il a été pendant soixante-cinq jours très
malade, a déliré pendant deux jours, pas de paralysie ni de con-
vulsions. Pas de croûtes, de dartres, de glandes, d'oplrllralmies,
d'otites, etc. 1
Il a commencé à marchera un an; toutefois, il semblait «comme
.maintenu sur les genoux ». Il a commencé à prononcer quelques
DES FAMILLES D'IDIOTS. 3Î,i'
monosyllabes vers deux ans, jamais la parole ne s'est développée
il mange avec la main, mais sait tenir une cuillère. Il a toujours
été gâteux. Pas d'onanisme. 11 est taquin. mais n'est pas méchant;
il est assez caressant, embrasse souvent sa mère de lui-même.
11 n'est pas gourmand, ni salace; pas de colères, quelquefois des
accès de cris.
1880. 26 juin. Gui... parle très peu, prononce quelques mots
(maman...), ne lit.pas ses lettres; il est d'ailleurs presque impos-
sible de fixer son attention. Il mange bien avec la cuillère; il
n'est pas gourmand, salace, ni voleur; gâte moins dans le jour
depuis quelque temps. Pas d'onanisme.
1881. Mai. Bronchite légère.
Juillet. Epulis au niveau des incisives gauches de la mâchoire
inférieure, extirpation au thermo-cautère.
1882. 29 mai. Ne dit que papa, maman... ne sait pas se laver, ni
s'habiller, mais sait se déshabiller. Il est voleur, mais pas destruc-
teur. Pas d'onanisme, gâtisme persistant; ni bave, ni succion,
ni balancement. Mange souvent avec ses mains, et déchire les
aliments avec ses dents.
Juin. Poids, 18 kil. 500; taille, lm,l2. - -
Il septembre. Etat actuel. Au premier abord, on est frappé de
l'aspect malingre et chétif del'enf3nt. Le visage, les extrémités
sont froides et très cyanosées; la maigreur est prononcée.
Tête peu développée, asymétrique. La moitié droite de la calotte
crânienne est plus large et plus saillante que la gauche, surtout à
l'union du pariétal avec l'occipital. La bosse pariétale gauche est
plus basse et plus en arrière que la droite; à gauche, au-dessus
de la bosse pariétale, dépression assez marquée. Les bosses occi-
pitales sont saillantes et égales, les bosses frontales sont égales,
peu saillantes; au-dessous d'elles, légère dépression. '
372 CLINIQUE MENTALE.
Système dentaire très défectueux ; la petite incisive gauche, la
canine droite et la première petite molaire droite mauquent en
haut. En bas, il ne reste que les quatre incisives, les deux grosses
molaires gauches et la dernière molaire droite; menton très
pointu. - -
Cou grêle, pas de ganglions, pas de cicatrices. - Thorax peu
développé, mais bien conformé. Colonne vertébrale rectiligne.
Pas de développement exagéré de l'abdomen..
Membres supérieurs grêles, bien conformés; mains violacées,
doigts longs; pas de ganglions axillaires. Membres inférieurs
maigres, sans déviations; extrémités violacées et froides, doigts
longs, voûte plantaire normale; pas de ganglions inguinaux.
Organes génitaux. Verge petite, normale; prépuce long, léger
phimosis. Testicules descendus, de la grosseur d'une petite noisette.
Peu2c : cheveux, sourcils, cils blonds, abondants. Pubis, mem-
bres, aisselles glabres. Une petite cicatrice gaufrée sur l'insertion
supérieure du couturier gauche; une cicatrice de vaccin sur le
deltoïde gauche, deux sur le droit.
Rien dans les poumons, ni au coeur. Fonctions digestives régu-
lières, appétit bon; langue bonne; ni vomissements, ni diarrhée.
- Foie et rate normaux.
Sensibilité géné/'ale intacte. Sens spéciaux obtus, surtout
l'odorat. - Sommeil bon, pas de cauchemars.
Degré d'instruction, nul. Il est très inattentif, ne retient rien de
ce qu'on lui dit, ne prononce que quelques mots « papa, maman »,
ne connaît pas le nom des objets usuels. Il est assez méchant,
très désobéissant, ne craint personne, comprend bien ce qu'on lui
dit. Assez affectueux pour ses parents qu'il reconnaît bien. Il a
souvent des accès de colère et de cris; très joueur, il s'amuse avec
n'importe quoi, ne se querelle pas avec les autres enfants; il est
voleur. Il sait manger seul avec la cuillère; cependant, il se sert
souvent de ses mains; il ne sait pas s'habiller. Pas de bave, ni de
succion, ni de balancement. Gâtisme invétéré, onanisme par inter-
valles. Marche bien, pas de paralysie. Pas d'épilepsie.
1879. Novembre. P.oids, 14 4 kil. 800. Taille, 1 m. 1.
1880. Septembre, Poids, 16 kil. 100. Taille, 1 m. 5.
- 1884. Juillet. Poids, 18 kil. 30. Taille, 1 m. 6.
1882. Janvier. Poids, 18 kil. 500. Taille, t m. iL
4882. Juin. Poids, 18 kil. 500. Taille, 1 m. 12.
4883. Janvier. Poids, 20 kil. Taille, 1 m. 1 ?
1883. Juin. Poids, 20 kil. 30. Taille, 1 m. 16.
4884. Janvier. Poids, 21'kit. 500. Taille, 1 m. 16.
1884. Juillet. Poids, 22 kil. 200. Taille, 1 m. 21.
1885. Janvier. Poids, 22 kil. 30. Taille, 1 m. 22.
1885. Juin. Poids, 23 kil. 200. Taille, 1 m. 22.
DES FAMILLES D'IDIOTS. 373
Observation XII. IDIOTIE complète; ÉPILEPSIE.
Crises nerveuses simulant des peurs; accès épileptiques (dix ans);
impotence absolue, parole nulle; mâchonnement des mains, stra-
bisme ; affaiblissement prédominant au membre inférieur gauche.
Tuberculose pulmonaire, marche des accès. - Autopsie incomplète.
Gui... (Eugène-Georges), entré Bicétre, le 27 août 1879, à l'âge
de trois ans. - Mort le 5 mars 1880 (service- de M. BOURNEVILLE.I
Antécédents personnels. (Renseignements [fournis par sa mère,
20 octobre 1879). Lors de la conception, rien de particulier.
Grossesse bonne. Accouchement à terme facile. - A la naissance,
pas d'asphyxie. Elevé au sein jusqu'à deux ans. Pas de
gourmes, d'ophthalmies ni de dermatoses. Rougeole à deux ans.
Vacciné, pas de varioloïde. Il a eu d'abord des crises nerveuses
(deux ans); il semblait avoir peur, et tressautait; plus tard, les
mêmes phénomènes se reproduisirent avec un cri. Enfin survin-
rent de véritables accès pendant lesquels il rendait de l'écume
sanguinolente (un an).
Il n'a jamais ni marché, ni parlé; il a toujours gâté. Son regard
est vague et ne fixe personne ; il ne parait pas entendre; jamais
on ne l'a vu rire; il ne pleure que rarement. Il passait ses jour-
nées sur les bras de sa grand'mère ou dans une chaise, mettant
ses mains dans sa bouche, mais sans les sucer.
1879. Septembre. Idiotie, épilepsie, strabisme; mutisme, cris
inarticulés; instincts très bornés; turbulence, gâtisme. Arrêt gé-
néral de développement, atrophie des membres inférieurs, para-
plégie.
16 octobre. Depuis l'entrée, l'enfant est resté couché constam-
ment. Depuis son admission, les jambes sont fléchies sur les
cuisses, et les cuisses sur le ventre. Quand on le lève, il se tient
assez bien sur la jambe droite ; mais la jambe gauche reste fléchie.
Traitement anti-scrofuleuæ; deux bains salés par semaine ,
essayer de faire marcher l'enfant.
4 novembre. Pas de modifications appréciables. Quand on le
soutient, l'enfant avance les jambes comme pour marcher, mais
tout se borne à cet effort.
20 novembre. Poids : 8 kil.; taille : Om;6S.
1880. 2 janvier. Amaigrissement progressif depuis quelque
temps. Toux assez fréquente ; sonorité normale, râles ronflants aux
deux bases. Les jambes ont plus de tendance à se fléchir; gonfle-
ment oedémateux du prépuce avec quelques petites ulcérations ; on
ne sent pas les testicules : Même traitement; viande crue.
374 CLINIQUE mentale.
4 mars. Maigreur extrême : la peau est collée sur les os. -
L'enfant ne peut tenir sur ses jambes; il prend toujours un peu
de lait, de viande crue, de vin, et on lui a donné des bains salés
et un traitement auti-scrofuleua.
5 mars. Mort à quatre heures du soir.
Marche des accès : ;
DES FAMILLES D'IDIOTS. 375
côté du père et du côté de la mère. L'influence de l'alcoolisme
sur la dégénérescence des produits, et que nous avons pu déjà
constater dans les deux observations précédentes, trouve encore
ici son application.
Nous voyons, en effet, le grand-père paternel de ces malades
qui était alcoolique donner naissance à un fils qui succombe
à un délire mélancolique bien caractérisé. Quoique le père de
nos malades ait été sain de corps et d'esprit, il n'en est pas
moins évident que, de son côté, il y a transmission des disposi-
tions morbides par hérédité, en retour collatéral. Les faits de
ce genre, pour être plus rares que ceux de l'hérédité directe,
n'en existent pas moins, et l'atavisme est, en fait, admis par
les aliénistes.
D'un autre côté, la mère, dont le père était asthmatique,
et qui compte déjà un idiot dans sa famille, est elle-même
sujette à des accidents nerveux. Ici l'hérédité se manifeste
directement et les dispositions pathologiques, venant des deux
parents, s'accumuleront, aggravées par la transmission, sur la
tête des enfants. De là, les dégénérescences si frappantes chez
la plupart d'entre eux et que nous rapportons plus haut en
détail.
Il est un fait déjà signalé dans l'OBSERVATION III que l'on
retrouve dans celle-ci et auquel on pourrait attribuer aussi une
influence sur l'état des descendants : c'est la consanguinité
des parents. Mais, outre que, pour nous, on a beaucoup
exagéré l'importance étiologique de la consanguinité, est-il
besoin de l'invoquer ici ? Et la double hérédité n'est-elle pas
une cause beaucoup plus active et plus certaine. Si la consan-
guinité intervient, ce n'esqsomme toute qu'indirectement, en
rapprochant les deux familles déjà tarées et en accumulant, si
nous pouvons parler ainsi, l'intensité de l'hérédité. Les unions
consanguines ont, .t effet, pour nous, une double action sur
le produit, suivant l'état des parents. Il est évident, en effet,
que si ces derniers sont bien conformés, bien portants, sans
tare d'aucune espèce, le produit sera irréprochable. Dans le
cas contraire, il héritera des vices de ses créateurs, absolument
comme dans les cas où ils n'ont aucune affinité.
Ce n'est pas la consanguinité de ses parents qui fera de lui
un dégénéré, ce sera la transmission des affections hérédi-
taires dont ils peuvent être atteints.
Quoiqu'il en soit, dans le fait qui nous occupe actuellement,
376 RECUEIL DE FAITS.
nous voyons que, par suite de la dégénérescence progressive,
cette famille est vouée à l'extinction. La plupart des enfants
sont morts jeunes, souvent avec les phénomènes les plus pro-
noncés de déchéance physique et intellectuelle : idiotie com-
plète, épilepsie, paralysie, tuberculose, maladie dont la rela-
tion avec les maladies du système nerveux, signalée par
Esquirol, bien étudiée par M. Dupouy, est un fait généralement
admis. Nous en avons vu, d'ailleurs, encore un exemple dans
l'OBSERVATION IV.
Parmi les survivants, deux présentent une constitution
débile, tous les caractères de l'idiotie ; ils sont et resteront
incapables de tenir jamais leur place dans le monde, ne pou-
vant se suffire à eux-mêmes, privés de toutes les facultés
nécessaires à la vie de relation, ne vivant que de la vie animale,
et même inaptes à se reproduire. Un autre, qui a eu des con-
vulsions et est affecté de strabisme, porte déjà le cachet hérédi-
taire, et si les trois autres enfants sont sains jusqu'à ce jour,
ils n'en restent pas moins les héritiers des dispositions mor-
bides de leurs parents, qui si elles ne se manifestent pas plus
tard chez eux, peuvent éclater dans leurs rejetons, sous une
forme peut-être plus terrible.
Ce pronostic funeste peut s'appliquer à tous les cas de ce
genre, et sans qu'il soit guère possible d'y remédier. Et les
faits que nous rapportons aujourd'hui ne sont que des
exemples de plus de ces dégénérescences de l'espèce humaine
que Morel a si consciencieusement étudiées et si magistrale-
ment décrites.
RECUEIL DE FAITS
FAIT POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA THÉRAPEUTIQUE
SUGGESTIVE;
Par le Dr J. SÉGLAS.
Dans un bulletin qui parut dans le Progrès médical (n° 16
de l'année 1884), notre confrère et ami le Dr Ch. Féré a exposé
ce que l'on peut entendre par la médecine d'imagination, et
DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 377
montré comment, dans certaines affections d'origine purement
psychique, dans les maladies dites imaginaires ou mieux par
imagination, on peut souvent guérir le malade en agissant
sur son moral, en se rendant maître de son imagination.
Les études récentes que l'on a faites sur l'hypnotisme nous
apprennent que, dans ces cas, c'est par suggestion que l'on
agit sur la maladie, et cela même à l'état de veille et sans
qu'il ait été besoin souvent de soumettre les malades au som-
meil somnambulique, comme l'ont montré d'ailleurs les expé-
riences de M. Bernheim et de M. Bottey.
Ces faits sont actuellement bien connus et établis par
nombre d'expériences, et il n'est guère de médecins s'occupant
de l'étude des affections nerveuses qui n'ait vu disparaître,
sous l'influence du traitement moral, les troubles fonctionnels
si communs chez les hystériques, paralysies ou contractures,
tics, névralgies diverses...
Mais, jusque-là, la plupart des expérimentateurs se sont
bornés à s'adresser aux troubles somatiques, et si quelques-
uns ont étudié les modifications que les suggestions peuvent
apporter dans l'état mental d'un névropathe jouissant de la
plénitude de son intelligence, bien peu ont pensé à appliquer
au traitement des malades de cette catégorie présentant des
troubles vésaniques quelconques, les résultats de l'expéri-
mentation. On ne connaît guère, dans cet ordre d'idées, que
l'observation de M. Bernheim et les mémoires de M. Aug. Voisin
lus aux congrès de Blois de t88t et de Grenoble, 1885.
Cependant l'hypnotisme et les suggestions peuvent rendre
de grands services dans le traitement de certaines formes
d'aliénation mentale, et si aujourd'hui nous osons avancer ce
fait, c'est que nous avons obtenu ainsi la guérison d'une dliénée
hystérique chez laquelle tous les traitements, habituellement
employés, échouaient successivement depuis de longs mois.
De pareils faits, en apparence incroyables, deviennent de
suite très compréhensibles si l'on veut bien se rendre compte
de ce qu'est, en somme, la folie hystérique, et des modifica-
tions que l'état hypnotique imprime à la manière d'être des
sujets.
Pour être délirant, un individu hystérique n'en reste pas
moins hystérique, et le délire ne suspend pas fatalement chez
lui les manifestations somatiques de la névrose. Souvent
même, au contraire, les deux ordres de symptômes physiques
378 RECUEIL DE FAITS.
et psychiques coexistent et s'exagèrent par influence réci-
proque ; et c'est alors le plus généralement les symptômes
d'ordre physique qui auront fait les premiers leur apparition
et qui pourront servir de substratum au délire quand celui-ci
viendra à se déclarer. Telle perversion morbide survenue
dans lesfonctions d'un sens spécial, goût, odorat, par exemple,
peut, à un moment donné, susciter des idées d'empoisonne-
ment. Tel trouble de la sensibilité générale et viscérale, anes-
thésie, hyperesthésie, ou de la motilité, paralysies, contrac-
tures, peut être le point de départ d'idées de persécution ou
hypochondriaques, et même de suicide. Ces faits sont d'ailleurs
communs et d'observation journalière dans d'autres formes
vésaniques : mélancolie, délire de persécution, délire de néga-
tison
D'un autre côté, chez les sujets ayant antérieurement des
attaques convulsives, c'est quelquefois à propos d'une de ces
attaques que surviendront les troubles intellectuels. Dès lors,
chaque nouvelle attaque sera comme un coup de fouet donné
au délire et pourra être l'occasion de périodes d'agitation
maniaque fort dangereuses.
Or, si l'on veut bien réfléchir à l'action de l'hypnotisme expé-
rimentalement reconnue dans l'hystérie, il me semble que dans
ces cas-là il n'est pas irrationnel d'admettre qu'il peut modifier
la physionomie du délire.
On a cité nombre de faits dans lesquels on voit l'hypnotisme
suspendre lès attaques, faire disparaître des contractures, des
névralgies, constituant en cela ce que M. Ch. Féré appelle la
médecine d'imagination. Or, si tous ces troubles fonctionnels
ont été l'occasion de symptômes délirants, il n'est pas illo-
gique d'admettre, et l'observationnous l'a prouvé, qu'une fois
disparus, le délire n'étant plus surexcité peut diminuer
chaque jour d'intensité et céder plus tard, toujours sous l'in-
fluence des mêmes moyens. Avec les idées délirantes dispa-
raîtront aussi petit à petit les périodes d'agitation maniaque,
quelquefois excessive, que, d'ailleurs, l'action inhibitoire des
agents hypnotiques peur influencer directement; les périodes
d'agitation sont aussi souvent dues à des troubles hallucina-
toires intenses qui constituent presque tout le fond de la
folie hystérique, sur lesquels on peut agir par les mêmes pro-
cédés, si L'on se rappelle les expériences de M. Bernheim, sur
ce qu'il a appelé les hallucinations négatives. ,
DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 379
Nous ne saurions, dans ce rapide exposé, entrer dans plus
de détails, notre but est simplement de montrer que, chez
certains aliénés hystériques, l'hypnotisme et les suggestions
peuvent modifier avantageusement la maladie. Cela peut
se déduire d'une façon rationnelle, comme nous croyons
l'avoir montré, des expériences déjà faites sur la matière : et
la clinique semble confirmer cette manière de voir, ainsi que
l'indique l'observation suivante que nous ne ferons que
résumer.
Observation. --Il s'agit d'une jeune femme de trente ans, ayant
des antécédents névropathiques très accentués, surtout du côté
paternel, et qui ont aussi imprimé leur marque chez une de ses
soeurs et chez son enfant.
Elle-même a toujours été d'un caractère excentrique; à vingt
ans, elle a eu des céphalalgies, des syncopes, des crises nerveuses
sans convulsions, pendant une grossesse. En 1883. à propos d'une
fausse couche, les accidents nerveux redoublent, syncopes, atta-
ques de léthargie très fréquentes, parfois avec contracture,
attaques convulsives avec délire loquace; puis, à l'occasion de
chagrins de famille, s'ajoutent des hallucinations, de l'insomnie,
de l'exaltation mentale et l'accès délirant s'établit (délire lypé-
maniaque, hallucinations, idées de suicide). Elle fut soignée dans
différents asiles pendant un an par les moyens ordinaires et sans
aucun résultat.
1884. 13 juin. Etat actuel. Faciès maniaque des plus carac-
téristiques. - Cheveux en désordre, jurons, injures, mots obs-
cènes, cris, chants. Hallucinations sensorielles multiples,
bavardage incohérent rappelant des idées de persécution, hypo-
chondriaques, d'empoisonnement, de suicide que la malade rat-
tache d'elle-même aux troubles de la sensibilité, violences, agita-
tion extrême. - Erreurs de personnalité, perte de la mémoire
de certains faits antérieurs au délire, perversion des senti-
ments affectifs. - Insomnie. - Zones hyperesthésiques, très
douloureuses même spontanément, : clou, zone latéro-vertébrale,
sous-mammaire, sous-claviculaire et ovarienne du côté gauche.
Rétrécissement du champ visuel du même côté, sans achroma-
topsie. Tympanisme. - Aucun trouble des appareils digestif,
respiratoire, circulatoire, génito-urinaire. - Pas de signes de
dégénérescence ; adhérence du lobule de l'oreille.
Attaques de grande hystérie presque journalières et se présen-
tant, si on ne les arrête pas, par séries de trois ou quatre. L'aura
vient de l'ovaire gauche et, plusieurs heures avant l'attaque, lama-
lade su plaint de son ventre, puis d'une houle qui l'étouffé au creux
380 RECUEIL DE FAITS.
de l'estomac; en même temps, il y a des petites contractions spas-
modiques dans les différents muscles de la face du côté gauche.
Ces contractions se rapprochent, la boule remonte graduellement
à la gorge et l'attaque se déclare. La période épileptoïde n'est re-
présentée que par des secousses tétaniformes suivant immédiate'
ment la perte de-connaissance et affectant tout le corps, mais
surtout le côté gauche; la phase de résolution qui suit immédiate-
ment est peu nette et interrompue de temps en temps par de
violentes secousses, pas d'écume ni de stertor. - Arrive ensuite
la période de grands mouvements, parmi lesquels l'arc de cercle
antérieur dorsal est constant. La période des attitudes passion-
nelles manque souvent, cependant la malade prend parfois l'at-
titude du crucifiement. Ce qu'il y a de plus particulier dans les
attaques, c'est la période des hallucinations et du délire qui est
très longue : hallucinations, zoopsiques terrifiantes (chevaux,
taureaux, serpents, crapauds se multipliant à l'infini, corbillards,
guillotines, etc...), la malade cause alors des scènes de sa vie
antérieure, à l'accès délirant et qui ont dû le provoquer : le
délire des attaques, en somme, par la couleur des idées ressemble
beaucoup au délire constituant l'affection mentale, lequel d'ail-
leurs s'exaspère à la suite de chaque attaque. Celles-ci sont arrêtées
par la compression de l'ovaire gauche et si on peut le faire avant
la période délirante, le délire habituel reste ce qu'il était avant l'at-
taque. '
29. - Deux attaques convulsives le matin : le soir. une attaque
de catalepsie spontanée.
30. - Une attaque convulsive, mêmes idées délirantes, très
agitée.
2 juillet. Attaque à midi.
3. Attaque, mêmes idées d'empoisonnement : veut laver ses
aliments pour chasser cepoison qui lui fait si mal à la tête (clou).
4. - Attaque : dans la période de délire, on veut lui faire
boire du poison, il y a du sang partout, des curés « qui font des
enfants aux bonnes soeurs ». Après l'altaque, elle se rappelle
simplement qu'elle a été malade et attribue cela au poison qui
était dans ses aliments et que ses persécuteurs (les curés et les
agents politiques) lui ont fait prendre.
7. - Attaque convulsive.
8. Applications d'aimant sur les zones hyperesthésiques
(ovaire gauche, dos à gauche ; vertex), de vingt minutes à une
demi heure pour chacune. On continue ce traitement tous les
jours et, après chaque séance, on peut constater une diminution
fort nette de l'hyperesthésie dans les zones citées.
9. = Deux attaques avec période de délire très longue et hallu-
cinations (corbillard, échafaud, animaux fantastiques).
DE LA THERAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 381
10. Très excitée; même délire.
il. Somnolence depuis deux jours; même délire; erreurs
de personnalité au sujet des gens qui l'entourent, qu'elle prend
pour de grands personnages et qu'elle tutoie cependant.
12. - Toute la matinée elle se plaint de son ventre (ovaire) et
demande un instrument pour se tuer plutôt que de souffrir ainsi.
Attaque à midi : hallucinations (serpents) : délire, se voit au bal,
au théâtre; elle va souper et boire du Champagne, absolument
comme dans son délire continuel.
13. Moins somnolente, reçoit bien ses parents, regarde et
prend intérêt à ce qui se passe autour d'elle.
14. - Son ventre, dit-elle, va beaucoup mieux, le clos un peu mieux
mais la tête lui fait toujours mal. (On continue l'application des
aimants.) Figure meilleure, délire toujours identique mais moins
expansif. Elle garde un chapeau sur sa tête pour la protéger
contre le poison en poussière qu'on veut lui jeter pour augmenter
encore ses douleurs. Elle lave toujours sa viande avant de manger.
15. - Plus docile, cause raisonnablement de certains fais de sa
vie antérieure. Se plaint de son ventre et voudrait mourir, mais pas
avant d'avoir vu son mari. - Trois attaques convulsives à midi.
17. Deux attaques très violentes avec hallucinations zoopsi-
ques et terrifiantes, délire. Après l'attaque, le soir elle crie, chante,
jure est hallucinée, très délirante et présente absolument le
même facies qu'à l'entrée.
18. Véritable accès maniaque : jurons, chansons légères,
très hallucinée, veut tuer tous les curés : idées de persécution ; les
agents politiques la poursuivent toujours.
21. - Plusieurs attaques convulsives suivies d'une période très
longue de délire loquace. Même état maniaque.
30. -Ne veut pas s'habiller parce que ses habits sont empoi-
sonnés ; état maniaque, cris, jurons, violences,
2 août. Une attaque convulsive : toujours agitée.
3. Une attaque convulsive.
9. Une attaque convulsive.
18. - La malade est toujours en proie à un véritable accès
maniaque; elle est très violente et dangereuse pour elle et les
autres. Le délire est toujours le même : les symptômes physiques
(attaques, dysesthésies) très accentués.
Les traitements employés jusqu'ici, bromures alcalins, opium,
chloral, belladone, valérianates, obscurité, bains prolongés, hydro-
thérapie, n'ont.produit aucun effet. Seulsles aimants ont semblé,
en modifiant l'état cynesthétique (le rétrécissement du champ
viauel de l'oeil gauche avait lui-même diminué), amener un peu de
calme, mais ce traitement a dû être bientôt abandonné à cause
382 RECUEIL DE FAITS. 1
de l'agitation de la malade quien rendait l'application impossible.
C'est alors que nous résolûmes d'essayer l'hypnotisme, et nous
allons voir dans la suite de l'observation, comment nous avons pu
ainsi modifier l'état de notre malade. Comme nous nous sommes
toujours servi des mêmes procédés, nous ne décrirons simplement
qu'une fois pour toutes une des séances d'hypnotisme. Nous dirons
aussi que nous avons toujours agi dans l'état somnambulique et
après nous être préalablement assuré aussi bien de l'état hypno-
tique que de la bonne foi de la malade par les réactions neuro-
musculaires bien connues maintenant.
C'est toujours au sens de la vue que nous nous sommes adressé
pour produire l'hypnose, et, pourcela, nous [employions soit la
fixation de la boule de verre, en strabisme convergent supérieur,
soit la fixation par le regard, soit les passes ; et si la malade était
trop agitée ou refusait de se laisser endormir, nous y ajoutions
les suggestions verbales ou bien nous avions recours à la pression
des globes oculaires, mais avec moins de succès.. Nous dirons de
suite que nous avons toujours réussi à produire l'hypnose même au
milieu des paroxysmes d'agitation les plus violents.
Le sommeil survient assez rapidement (de 1 à 3 minutes), et
s'annonce par des clignotements des paupières et de profonds
soupirs. Dans la période léthargique nous trouvons le phénomène
caractéristiqne de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire : l'insen-
sibilité est absolue. L'ouverture d'un oeil ou des yeux détermine
l'hémicatalepsie ou la catalepsie complète ; mais cette phase est
moins nette que la précédente, nous avons plutôt alors un état
cataleptoide; les membres n'ont pas la flexibilité cireuse caracté-
ristique ; on a une certaine résistance à vaincre pour les mettre
dans différentes positions. - La malade étant revenue en léthargie
par l'occlusion des yeux, la pression sur le vertex détermine le
sonmambulisme, les yeux ne s'ouvrant qu'incomplètement. La
sensibilité générale et spéciale reparaît alors : les zones hype-
resthésiques sont douloureuses comme à l'état de veille, le phéno-
mène d'excitabilité cutano-musculaire est très évident. Dans cet
état, nous avons fait de temps en temps une des expériences
classiques qui nous ont toujours réussi; le dédoublement par la
pression du globe oculaire des hallucinations provoquées, leur
renversement par le miroir, l'hallucination provoquée d'une cou-
leur déterminant ensuite d'elle-même l'hallucination de la couleur
complémentaire... Quant aux autres, pour les quelles il faut s'en
rapporter à la bonne foi de la malade, telles ,que les hallucina-
tions des divers sens gaies ou pénibles; les impotences fonction-
nelles, les hallucinations négatives de Bernheim, etc., elles ont
toujours été telles qu'on les trouve décrites dans toutes les rela-
tions d'expériences sur les sujets hypnotiques; aussi ne nous y
arrêterons-nous pas. Disons enlin que nos séances n'ont jamais
DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 383
duré plus d'un quart d'heure, que la malade, une fois réveillée, n'a
gardé aucun souvenir de ce qui s'est passé pendantson sommeil :
elle ne sait même pas qu'elle a dormi. Hlle n'est pas fatiguée et ne
se plaint que d'avoir un peu froid.
Nous ne considérerons maintenant dans chaque expérience que
ce qui a rapport directement au traitement de la malade. D'un
autre côté la plupart de ces séances étant la répétition les unes
des autres, nous ne transcrirons ici que celles qui seront inté-
ressantes à un point de vue particulier. Dès la première séance
(18 août) et malgré l'état d'agitation très grande de la malade,
le sommeil arrive en trois minutes par la fixation de la baguette
de verre. La phase de somnambulisme étant obtenue parla friction
du vertex, nous suggérons simplement la guérison du mal de tête
(clou) et aussi la disparition des voix. Il est inutile de dire que,
comme pour toute suggestion, nous agissons par persuasion, et
attendons que la malade soit bien convaincue de nos paroles.
Elle est réveillée par le souffle sur les yeux et quelques heures
après elle dit toujours souffrir de la tête, mais bien moins et elle
n'entend plus de voix, ce qui lui semble fort bizarre, les voix étant
d'habitude continuelles.
A midi, série de quatre attaques convulsives dontles prodromes
(boule, spasme des muscles de la face) existaient avant la séance
d'hypnotisme.
Après l'attaque, le mal de tête est toujours moins violent qu'a
l'ordinaire et les hallucinations ne s'étendent qu'à gauche. -
A trois heures, attaque spontanée de léthargie : contractures
presque généralisées, plus manifestes à droite et dans l'extension
forcée : phénomènes cataleptiformes ; les frictions amènent la
résolution musculaire. Cet état dure deux heures et demie, et la
malade réveillée n'a aucune conscience de cette période. Le mal
de tête est toujours moins fort, et les hallucinations de l'ouïe ne
siègent plus qu'à gauche.
19. - Le résultat des suggestions persiste comme hier soir. Elle
est très calme toute la journée. - Le soir à sept heures, attaque
de lathargie; en l'examinant, notre main touche par hasard le
vertex, alors la malade essaye d'ouvrir les yeux. A ce moment,
apparition des phénomènes cataleptiformes et des contractures
qui disparaissent par la friction des muscles antagonistes. La
malade est réveillée par le souffle sur les yeux : aucune conscience
au réveil.
20. - Très calme mais toujours délirante : les troubles de la
sensibilité sont revenus; hallucinations à gauche seulement.
21. Nous hypnotisons la malade et lui suggérons qu'elle ne
souffre plus dans la tête, ni dans le dos (et, pour l'en convaincre,
nous lui montrons que ces points ne sont plus douloureux au
384 RECUEIL DE FAITS.
toucher), que ses voix ne se feront plus entendre et que les
agents politiques qui la tourmentent vont disparaître. Ces sugges-
tions persistent au réveil, durent toute la journée pendant laquelle
la malade est très calme, fait de la musique. Elle se dit encore
persécutée, mais par les curés seulement et a des hallucinations
de la vue, symptômes que nos suggestions ont respectés.
22. Attaque de léthargie durant depuis trois heures avec
contractures invincibles des quatre membres : le bras gauche et
les deux jambes sont dans l'extension forcée : à droite, le bras est
dans l'adduction forcée, l'avant-bras fléchi à angle droit et les
doigts dans la flexion forcée. Craignant que ces contractures ne
persistent pas au réveil et ne déterminent de nouvelles idées déli-
rantes, me souvenant aussi du fait produit dans l'attaque précé-
dente, je frictionne légèrement le vertex, la malade se remue,
essaye d'ouvrir les yeux, je fais disparaître alors les contractures
par l'excitation superficielle au niveau des muscles antagonistes,
je renouvelle mes suggestions et provoque le réveil par le souffle
sur les yeux.
23. - Très calme, les suggestions persistent ; reçoit bien son
mari.
24. - Série de trois attaques convulsives à la suite desquelles
tous les points hype1'esthésiques ont reparu. S'excite le soir : reparle
de ses persécuteurs.
25. Le matin, elle est très excitée et se querelle avec une ma-
lade, Mme X..., qu'elle dit être un des agents à sa poursuite : pro-
drômes d'une attaque. Ayant remarqué déjà l'influence des
attaques, de leur période de délire, sur le retour des idées déli-
rantes et de l'excitation, j'essaye de l'empêcher par des sugges-
tions. J'endors donc la malade et après avoir renouvelé les sugges-
tions anciennes je lui frictionne le ventre en lui disant que je fais
descendre sa boule qui ne l'étouffera plus : elle accepte cette idée,
la sensation d'étouffement, l'ovarie disparaissent. Une fois ré-
veillée, elle se porte bien, ne grimace plus, ne se plaint pas, n'a
pas d'attaque, reste calme.
26. - Le matin, elle est très excitée et en veut toujours à
Mme X... qu'elle appelle maintenant « sale femme » depuis que je
lui ai dit qu'il n'y avait plus d'agents politiques.
Pendant toute une période qui dure jusqu'au 15 septembre, la
malade est très excitée, violente, dangereuse même et les rêves
qui troublent son sommeil, les hallucinations du sens génital
qu'elle éprouve la nuit, la poussent à exercer des représailles
contre deux personnes qui l'entourent qu'elle accuse de la pros-
tituer. Les moyens de coercition ne faisant que l'exciter davan-
tage, j'imagine de lui donner, pendant le sommeil somnambu-
lique, des hallucinations négatives au sujet des personnes à qui
DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 385
elle eu veut et dont je supprime l'existence soit pour un des sens
de la malade (ouïe ou vue), soit pour tous à la fois. Le moyen me
réussit pleinement, et la malade une fois plus calme, je fais dis-
paraître la suggestion après lui avoir recommandé le calme, la
docilité, et l'avoir tranquillisée au sujet de la personnalité des
personnes qu'elle attaquait et des rapports qu'elle aura désor-
mais avec elles. Le procédé des hallucinations négatives que je
n'ai employé qu'en dernier lieu a réussi beaucoup plus vite que
les idées suggérées de calme, de la disparition de tous ses enne-
mis, qui ne duraient que peu. Car elle croyait toujours les re-
connaître dans les deux personnes dont j'ai parlé et ces erreurs
de personnalité, ainsi que les autres si nombreuses qu'elle faisait
n'ont jamais pu céder à mes suggestions et n'ont disparu d'elles-
mêmes qu'à la fin de la maladie.
A notre avis, ce fait doit tenir au mode de la suggestion car nous
avons observé qu'il fallait les faire d'une façon différente pour
chaque genre d'idée. - Mais toujours, au lieu de s'adresser direc-
tement à l'idée elle-même, il nous semble préférable, d'après
l'expérience des faits, de rechercher d'abord le mode de produc-
tion de l'idée et de s'adresser à ses causes génératrices; attaquer
toujours d'abord les troubles somatiques exaspérant le délire, tel
a été notre procédé et les faits nous ont donné raison, puis agir
sur les hallucinations. Et alors il a fallu se mettre à la piste de
toutes, les prendre une à une, et souvent ne pas se contenter
, d'une simple affirmation, mais faire assister la malade elle-même
pendant le sommeil à la présence de ses hallucinations habi-
tuelles, les lui susciter au besoin pondes faire disparaître ensuite,
en l'assurant qu'elles ne reviendront jamais. Une fois cela fait, les
idées de persécution ou d'empoisonnement n'étant que secon-
daires, ont cédé d'elle-même, ne revenant que par paroxysmes,
surtout aux époques menstruelles et toujours sous l'influence de
troubles sensoriels divers.
Nous espérons qu'on nous pardonnera cette digression qui
montre d'une manière générale notre façon d'agir. Car, étant
donné la mobilité du délire des hystériques, nous ne pouvons faire
assister jour par jour le lecteur à toutes les petites oscillations de
la maladie. Nous n'insisterons que sur les poinLs particuliers;
nous rappellerons seulement encore qu'à chaque séance nous re-
nouvelions nos suggestions antérieures : d'ailleurs, la malade
devenant suggestible ci l'état de veille, nous avons pu rapidement
n'user de l'hypnotisme que dans les cas absolument nécessaires,
soit pour prévenir une attaque imminente, soit dans des paroxys-
mes du délire et d'agitation, l'hypnotisme agissant toujours de
lui-même sur ce dernier symptôme.
4 septembre. - Attaque de léthargie avec contracture des
quatre membres de une heure de durée.
Archives, t. X. 25
386 RECUEIL DE FAITS.
8. Ecrit à ses parents un billet où elle demande leur visite
et leur annonce qu'elle ne souffre plus de nulle part, que les
agents qui la poursuivaient se sont enfuis. Elle est, en somme,
beaucoup moins excitée et ses idées délirantes moins diffuses et
moins incohérentes, car elle n'en veut plus qu'aux deux personnes
dont j'ai parlé, et encore ne sont-ce plus des agents.
Cette idée, d'ailleurs, disparait le 1.5 septembre, de la façon
dont nous avons parlé plus haut. Ce jour-là. elle rit aux propos
qu'on lui tient, elle fait un peu de tapisserie, et reçoit la visite
de ses parents qu'elle accueille fort bien. Le soir, attaque de
léthargie avec contractures. Au réveil, paraplégie surtout acceu-
tuée dans la jambe gauche.
17. - Nouvelle attaque de léthargie avec contracture. Au
réveil. disparition de la paraplégie sous l'influence d'une seule
séance d'électrisation par les courants faradiques aidée de sug-
gestions à l'état de veille. Les idées hypochondriaques qui commen-
çaient à s'accentuer disparaissent alors avec le symptôme qui les
avait provoquées .
20. Très agitée depuis deux jours : cris. chants, violences,
tentative de suicide sous l'influence d'hallucinations de l'ouïe
très intenses. - Hypnotisme : suggestion de la disparition des
voix qui s'éteignent graduellement et qu'enfin elle n'entendra
plus. Au réveil, expression très calme de la figure, plus d'excita-
tion, plus d'hallucinations.
21. - Prodromes d'une attaque disparaissant sous l'influence
des suggestions hypnotiques. - Très calme toute la journée : on
peut maintenant fixer son attention et arriver à la faire causer
raisonnablement.
2 octobre. Depuis dix jours que nous n'avions vu la malade,
il s'est déclaré un accès de terreur panophohique avec hallucina-
tions terrifiantes, surtout zoopsiques, idées d'empoisonnement,
le tout consécutif à une piqûre de morphine intempestive et qui
détermina des vomissements. - Faciès halluciné, cheveux en
désordre, cris de peur, fuite; il est presqu'impossible d'obtenir
l'attention de la malade ; les bains, les soporifiques et antispas-
modiques n'ont rien fait depuis le début de cet accès. Somnam-
bulisme provoqué : je la fais promener en rêve partout où elle le
veut en lui suggérant à mesure la disparition de toutes les hallu-
cinations qui l'effrayaient; diesel-assuré et dit : " Elles ne revien-
dront plus, n'est-ce pas, toutes ces bêtes ? » Sur mon affirmation,
elle se calme tout à fait. Au réveil, elle a l'air très étonnée de
ne plus rien voir d'effrayant : elle fait sa toilette, reçoit affec-
tueusement ses parents, est très calme. Les anciennes suggestions
persistent toujours.
3. Attaque convulsive après laquelle, se souvenant seulement
DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 387
qu'elle a été indisposée, elle dit que c'est parce que ses vêtements
sont empoisonnés. Cependant elle ne s'excite pas. Avant l'attaque,
sentant sa boule remonter, elle disait : « Je suis si malade, que je
ferais mieux de me tuer. »
5. Les hallucinations de la vue ne se sont pas reproduites,
mais elle entend des voix dans le lointain et on la pousse dans
le dos. Idées d'empoisonnement plus développées : lave tous ses
aliments.
6. - Sous l'influence des suggestions hypnotiques, les halluci-
nations diverses disparaissent ainsi que l'idée d'empoisonnement.
Elle mange proprement au réveil, est calme, cause raisonnablement.
8. -Attaque convulsive avec une période de délire où elle voit
des taureaux, du sang, des fleurs. - Ces hallucinations persistent
après la crise et durent toute la journée, résistant aux suggestions
à l'état de veille. Les suggestions antérieures persistent.
9. -- Mêmes hallucinations qu'hier : le clou a reparu. Ces phé-
nomènes disparaissent après une séance d'hypnotisme. Elle est
alors calme, ne délire pas, fait de la musique... Certains faits de
mémoire, antérieurs à la maladie, ont été oubliés, l'année, son
domicile, son âge, la perte de ses parents. Elle commence main-
tenant à savoir le jour, le mois, l'année; il m'a suffi de le lui dire
et de le lui demander ensuite tous les matins. Quant à son âge,
elle se vieillit de plusieurs années et je ne puis la convaincre de
son âge réel qu'en lui disant dans le cours du sommeil somnam-
bulique que je lui enlève les années qu'elle se donne de trop.
Depuis ce moment, elle a toujours donné son âge réel. Les senti-
ments affectifs se réveillent sous l'influence des suggestions à
l'état de veille ; elle demande des nouvelles de ses parents, les
attend et les reçoit bien. - Polyurie depuis quelques jours.
Aucun trouble de la sensibilité.
11. - Hallucinations du sens musculaire, on la pousse, on la
fait aller à droite et à gauche. Refuse de manger sans que je
puisse savoir pourquoi; cependant l'idée du poison n'existe plus.
1° ? . - Attaque de léthargie sans contracture : même état, très
calme, affectueuse, mais je ne puis lui faire prendre qu'un potage.
13. - Toujours calme, ne délire pas : je ne puis constater
d'autres hallucinations; même refus de nourriture résistant aux
suggestions à l'état de veille. Sonde oesophagienne. Les anciennes
suggestions persistent.
15. Epoque menstruelle. Hallucinations de l'ouïe : cloches;
elle délire alors sur les enterrements, les catacombes.
A 8. -Attaques de léthargie avec contracture. Même état mental
que le 15 durant jusqu'au 24.
21. - Ce jour-la, nouvelle attaque de léthargie avec contracture.
388 RECUEIL DE FAITS.
22. Réapparition du clou hystérique, mais sans délire
consécutif. La malade reste calme, s'occupe, ne fait que des
erreurs de personnalité. Elle consent à manger.
24. Calme et docile, trouve seulement que la vie est trop
longue puisqu'elle souffre encore de la tête. A ce niveau, hyperesthé-
sie notable; comme les suggestions à l'état de veille restent
impuissantes, j'ai recours au sommeil somnambulique, je suggère,
comme précédemment, la disparition de la céphalalgie et rappelle
toutes les anciennes suggestions qui persistaient d'ailleurs. Au
réveil, la douleur spontanée et l'hyperesthésie du vertex ont dis-
paru. Ne parle plus de mourir.
27. - Attaque de léthargie suivie de contractures.
28. Toute la journée elle est calme, fait de la musique, mange
bien, ne manifeste pas d'inquiétudes, d'idées de persécution,
d'hallucinations, ni de douleurs. La mémoire des faits de sa vie
d'enfant et de jeune fille revient ; fait toujours des erreurs de
personnalité. ,
der novembre. - Attaque de léthargie avec contractures.
3. Accès de migraine ophlhalmique très-net : douleur dans
l'oeil gauche et la région sus-orbilaire s'arradiant de là à droite ,
scotomes bleus et jaunes sur les côtés, passant quelquefois de-
vant les yeux en dansant et en faisant une ligne tordue eu
zigzag ; nausées, vomissements : parésie de la jambe gauche, pas
de troubles cynesthétiques.
7. Les maux de tête et les scotomes ont disparu', il ne
reste que la parésie de la jambe gauche avec anesthésie.
8. Attaque de léthargie de trois heures à onze heures du soir,
suivie de contractures.
10. - Les deux jambes sont paralysées et insensibles, à cause
du poison, dit-elle. Elle est calme, mais elle a peur et s'inquiète
beaucoup de son enfant.
0. Tentatives répétées de suicide suite d'impulsions subites
auxquelles elles ne peut résister sans avoir des étuutfements, des
angoisses, des maux de tête. Les idées, détruites antérieurement,
ne reviennent pas : parésie et anesthésie constantes de la jamhe
gauche.
9 décembre. L'anesthésie a disparu avec la paralysie par suite
de l'électrisation aidée de» suggestions à l'état de veille. Les
impulsions au suicide persistent toujours et 1'tiîtxiété précordiale,
la tension céphalique qui les accompagnent suscitent des idées d'eua-
1 Les suggeslions sont restées sans efrel. Le .sulfate du quinine
et un purgatif ont amené la disparition delà migraine.
DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 389
foisonnement. Surviennent ensuite des hallucinations de la vue
(taureaux...) et du sens musculaire : elle a peur que tout ce dont
elle a souffert ne revienne.
24. Les hallucinations, surtout de la vue, n'ont fait que croître :
les idées d'empoisonnement et de suicide persistent : incohérence.
26. Une séance d'hypnotisme a raison des hallucinations et
des idées délirantes d'empoisonnement et de suicide. C'est l'époque
des règles.
1885. - si janvier. - Courte période d'excitation génitale :
pas d'onanisme.
13. Anurie depuisdeux jours : pas de vomissements. - Né-
vralgie occipitale.
14. - Urines abondantes (chiendent).
2 f écrier. Mêmes impulsions suicides et homicides auxquelles
elle résiste grâce à nos suggestions renouvelées à l'état de veille
et tous les jours en lui disant que non seulement elle doit, mais
aussi qu'elle peut résister. Elle reconnaît elle-même que ces
idées sont contraires à la raison, mais elles lui sont sans doute
imposées par un personnage invisible; elle se sent d'ailleurs daus
ces cas poussée dans le dos.
44. - Tremblement subit généralisé : « Ce n'est rien, dit-elle,
cela va passer, je ne serai pasmatade. » Au bout d'une minute, on
voit quelques petites secousses convulsives, une ébauche à peine
sensible d'arc de cercle, et cependant elle dit : « Ce n'est rien, je
n'aurai rien »; il y a encore quelques petites secousses, puis elle
reste tranquille, somnolente. Je la secoue un peu en lui disantque
tout est fini et elle se réveille. C'est, en somme, une attaque avortée,
grâce aux suggestions antérieures.
25. - Elle écrit : « Je ne peux m'expliquer les ordres et les
défenses qui m'étaient imposées avec une autorité si puissante,
que j'étais forcée de les accomplir et quels étaient le motif et
l'intérêt de ces gens maudits qui n'existent plus. Ils m'ont fait
fait subir tous les tourments imaginables et m'ont envoyé des
spectacles épouvantables. J'étais tiraillée à droite et à gauche
sans jamais savoir ce qu'il fallait que je fasse. »
2 mars. - Les idées de suicide et d'homicide persistent : « J'é-
prouverais, écrit-elle, un plaisir extraordinaire à exécuter ce dont
je me prive depuis longtemps par obéissance et par crainte.
(... Je suis sous une influence forcée, mais je voudrais bien que
cette personne se montre à moi et me parle catégoriquement. »
Elle est d'ailleurs très raisonnable, très douce et docile; ne souffre
pas et ne manifeste aucune de ses anciennes idées. -
3. - Elle se ressouvient d'elle-même de la mort de son père
390 RECUEIL DE FAITS.
qu'elle n'a pas voulu admettre jusqu'ici : crie, pleure, n'est pas
hallucinées : elle supplie qu'on lui dise que son père est simple-
ment en voyage. - L'après-midi, à trois henres, contractions
spasmodiques dans le côté gauche de la face, autrefois précur-
seurs de l'attaque convulsive. Elle n'étoulfe pas, ne sent pas sa
boule; dit même. qu'elle ne viendra pas; tremblements du côté
droit surtout dans le bras. Pas de troubles delà sensibilité, dou-
leur profonde au niveau de la bosse pariétale gauche (à 5 centi-
mètres sur une ligne verticale distante de 3 centimètres de l'in-
sertion supérieure du pavillon de l'oreille). - Rêves; durée totale,
sept minutes. En se réveillant, elle dit : « N'est-ce pas que je n'ai
pas eu d'attaque. D'ailleurs, je me sens bien guérie, et n'en aurai
plus jamais. »
21. Epoque menstruelle : impulsions homicides; demande à
rester seule parce qu'elle a peur de tuer quelqu'un.
25. Zones hyperesthésiques, spontanément douloureuses sous
la clavicule gauche, le sein gauche et dans le. jarret de ce côté.
2 avril. Même état, idées d'empoisonnement, hallucinations
du sens musculaire.
3. - Pendant le sommeil somnambulique, je lui suggère la
disparition des points hyperesthésiques, celle de ses hallucina-
tions, et des personnages invisibles qui la poussent au suicide ;
puis par suite, la fausseté de ses idées d'empoisonnement et la
cessation des impulsions dangereuses; je renouvelle aussi les an-
ciennes suggestions.
10. - Très calme depuis huit jours, gaie, ne souffre pas, n'a
pas d'impulsions et, comme délire, n'a plus que ses erreurs de
personnalité et de mémoire.
Hier soir, une malade ayant eu à côté d'elle une attaque d'épilep-
sie, elle est prise de peur, se sauve dans une autre chambre, où une
violente « commotion » la secoue; elle repart dans une autre pièce,
et là une seconde commotion la jette à terre sans connaissance ;
puis surviennent des mouvements désordonnés des membres,
comme un tremblement excessif, ne ressemblant eu rien à ses an-
ciennesattaques. Ce tremblemenl dure toute la nuit. Au matin, dou-
leurs de tête sus-orbitaires et dans la région pariétale à gauche
6 centimètres sur une verticale distante de 5 centimètres de l'in-
sertion du pavillon. Les points hyperestbésiques ne sont pas re-
venus, diminution notable de la sensibilité dans tout le côté droit
du corps et de la face. Trépidation de tout le côté droit faisant par
suite trembler tout le corps, mais le côté droit seul est agité de
petites secousses répétées, presqu'uniformes, s'interrompant par
ntervalles pendant quelques secondes. Les mouvements volon-
taires exagèrent l'amplitude des tremblements : la démarche est
DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 391 <
celle d'un spasmodique : légère raideur des membres du côté
droit. De ce côté, les réflexes tendineux sont très développés au
coude, au poignet, au genou, au coup-de-pied. Tremblement latéral
delà tête peu accentué, pas de déviation de la 'ace. petites secousses,
intermittentes dans l'orbiculaire des paupières et le zygomatique
droit. Ecoulement des larmes dans l'angle externe des yeux, sur-
tout à droite : dilatation de la pupille droite. Rien du côté de la
langue. Le tremblement persiste pendant le sommeil. ,
La malade s'affecte beaucoup de son état et est convaincue
qu'elle est atteinte d'épilepsie, le bromure que je prescris la
confirmant dans cette idée ; et comme elle exige cependant des
médicaments, je lui ordonne un peu de chloral.
1 1. - La douleur de tête est limitée au point pariétal. Outre
la trépidation qui agite par intervalle les membres en entier, on
sent une trémulation de tous les muscles, surtout à l'avant-bras.
13. Le tremblement persiste, mais en s'attenuant : cepen-
dant la malade manifeste des idées d'empoisonnement.
20. - Le tremblement diminue la marche est possible. Pen-
dant toute cette période la malade n'a cessé de demander si on
était bien sûr qu'elle n'était pas épileptique ou qu'elle ne le devien-
drait pas. Et il fallait 'une assurance formelle, une suggestion
énergique en somme, pour la consoler et lui enlever cette pensée
qui ne faisait qu'augmenter le tremblement. Ne faut-il pas voir
dans ce tremblement tnn phénomène d'induction psychomotrice
(Féré), résultant d'une autosuggestion de la part de la malade
effrayée des convulsions épileptiques de sa compagne.
29. Hier, un phénomène du même genre se produit encore.
Une employée l'ayant appelée folle, elle commence à pleurer,
puis s'excite, se met en colère, et finalement en arrive à un état
d'excitation assez accentué, elle délire même un peu, parle de
fleurs, mais les idées détruites par les suggestions ne reparais-
sent pas. -
30. Cette excitation etce délire cèdent aux suggestions ensom-
nambulisme. A la suite de celle séance, la malade est méconnais-
sable el c'est à ce jour qu'on peut l'aire remonter la crise qui ter-
mine l'accès. Elle semble se concentrer, réfléchir, et son langage
est beaucoup plus réservé ; elle n'emploie plus le tutoiement vis-à-
vis de certaines personnes avecqui elle se montrait très familière;
elle discute d'elle-même ses ei reurs de personnalité et quand nous
l'entendons alors appeler les personnes par leur nom, elle répond
à nos questions qu'elle s'est aperçue de ses erreurs, qu'elle a
été malade.
6 mai. - Quelques vertiges, sensation de velours sous les pieds.
- -Traitement tonique : la malade, depuis deux mois, suit un traite-
3 ! H RECUEIL DE FAITS.
ment hydrothérapiqne qu'elle a accepté sous l'influence des
suggestions. Eruption furonculeuse.
11. - La mémoire de tons les faits antérieurs à son délire est.
revenue et est complète. Plus d'erreurs de personnalité : aucune
hallucination, aucune idée délirante. Reconnaît la fausseté de
ses anciennes conceptions, dit que cela est dû aux écarts de son
imagination, qu'elle a été folle. Les sentiments affectifs sont rc-
venus. Elle s'occupe de son avenir, de la position que sa
maladie peut lui avoir faite dans le monde où elle ne veut rentrer
que sûre d'être bien guérie, car elle veut tout faire pour ne pas
retomber malade.
Juin. Cet état persiste : aucun trouble somatique ni psychique.
- Travaille un peu, sort, se promène, va même à l'église. Au-
cune excitation aux époques menstruelles. Elle rit maintenant de
ses erreurs passées.
Juillet. - Même état : un peu soucieuse par suite d'affaires
de famille existant réellement, juge frès bien sa maladie passée
et la situation qui en résulte pour elle. Elle ne se plaint simple-
ment que d'être un peu apathique et incertaine au sujet de ses
projets d'avenir. Aucun trouble ni physique, ni psychique, pas
d'hallucinations, pas d'impulsions. Le sommeil seul est un peu cour t.
10 août. - Le sommeil est revenu complètement.
1er septembre. - Aucune idée délirante, pas de troubles soma-
tiques : sommeil très bon.
TABLEAU DES SEANCES D'HYPNOTISME
DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 393
sont manifestement secondaires aux désordres somatiques,
car ils existent, se développent et disparaissent avec eux.
Aussi, là, comme ailleurs le précepte, sublata causa lollitur
effectus, restera vrai : et les suggestions réussiront bien mieux
si elles s'adressent à la cause de l'idée ou tout au moins à ce
qui est regardé comme tel par la malade, qu'à l'idée elle-
même. L'eflet qu'elles peuvent produire dans ce dernier cas
sera bien moindre; car la malade se trouvera entre deux
forces contraires, la suggestion imposée qui détruit son idée
délirante, et le trouble physique qui la produit. Or fatalement
uu jour ou l'autre ce sera la dernière qui l'emportera, si elle
dure toujours. Au contraire, si l'on s'attaque à la cause, l'idée
qui en résulte disparaîtra pour ainsi dire d'elle-même. L'ob-
servation nous a maintes fois montré ce fait, notamment à
propos des idées de suicide qui n'ont cédé que du jour ou l'hal-
lucination qui les provoquait, et qui était la cause à laquelle
la malade les rattachait d'elle-même, nous a été connue. Quant
à l'agitation qui n'est en somme que la manifestation exté-
rieure de tout ce désordre pathologique, elle disparait avec lui
et même elle cède en général assez facilement à l'action inhi-
bitoire directe de l'hypnotisme. '
Nous sommes bien convaincu que dans ce cas l'hypnotisme
seul a eu raison de l'accès, alors qu'avec les autres traitements
on n'obtenait aucun résultat, et que le pronostic de l'accès
avait été désespéré. Cette guérison se maintiendra-elle ?
Nous n'osons l'espérer étant donnés les antécédents de la
malade, mais aucun procédé thérapeutique n'a jamais pu que
guérir l'accès d'un aliéné sans modifier son état mental anté-
rieur et d'ailleurs rien n'empêche maintenant de soumettre la
malade à tel traitement qu'on voudra, usité en pareil cas. Que
l'accès soit passé, que le calme soit revenu, c'est tout ce que
nous pouvions demander, tant le pronostic était sombre. Nous
ne tirerons pas de ce fait cette conclusion qu'il faille traiter
les aliénés par l'hypnotisme. Loin de nous cette pensée; nous
ne nous adresserons qu'à certains malades, des hystériques
surtout presque tous plus ou moins suggestibles. Quant ;i
prendre cette méthode d'emblée dans le traitement d'une folie
hystérique, telle n'est pas encore notre idée, et nous savons
qu'il y a bon nombre de ces cas qui guérissent par les moyens
usuels. Mais lorsque ces moyens sont restés inefficaces, lors-
qu'on voit la maladie durer un temps très long malgré tous
394 RECUEIL DE FAITS. DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE.
les traitements employés, quand on a épuisé toutes les res-
sources de la thérapeutique et que le pronostic semble devenir
funeste, je crois que l'on est autorisé àuser de tous les moyens
et à essayer la thérapeutique suggestive.
Telles sont les considérations qui nous ont guidé dans le trai-
tement exposé ci-dessus qui, en somme, a agi rapidement et
donné de suite des modifications sensibles. La mobilité du
délire hystérique, seule, en nous obligeant à poursuivre les
idées délirantes une à une, a retardé la guérison complète.
Il va sans dire qu'on ne commencera un pareil traitement
qu'après avoir bien fait l'analyse psychologique du malade et
s'être assuré autant que possible du mode d'évolution du délire
pour connaître (le suite la façon de faire les suggestions. Il
s'agira alors simplement de chercher à appliquer les expériences
connues suivant chaque cas particulier.
Les séances, d'un autre côté, seront aussi courtes que pos-
sible ; on ne les renouvellera, comme nous l'avons fait nous-
même, qu'autant que l'état de la malade semblera l'exiger, et
que les suggestions à l'état de veille ne réussiront plus. En
cas d'insuccès on pourra cesser le traitement.
Quant aux dangers et aux difficultés qu'on peut rencontrer,
ils nous paraissent avoir été bien exagérés. L'hypnotisme peut
pour certains médecins être incriminé et rejeté comme
moyen expérimental chez les sujets sains ou peu malades. Mais
chez des malades aussi atteints que la nôtre, on ne peut
guère craindre d'aggraver la situation et jamais, pour notre
part nous n'avons eu d'accidents, loin de là, chaque séance
étant suivie d'un mieux de plus ou moins longue durée, mais
fort sensible, aussi bien au physique qu'au moral.
On nous objectera peut-être les attaques de léthargie de
notre malade; mais il suffit de faire remarquer qu'elles exis-
taient déjà fréquentes avant l'hypnotisme et même avant
l'affection mentale.
D'un autre côté si l'on ne peut modifier l'état mental on
agira au moins sur l'état somatique et sur l'agitation, et l'on
pourra ainsi aider les autres traitements. Quant aux difficultés,
nous pensons qu'avec de la persévérance on peut en triom-
pher bt arriver à endormir des sujets, comme nous l'avons fait,
même au milieu d'un paroxysme maniaque.
Le seul point réellement difficile, c'est, encore une fois, la
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 395
façon de faire les suggestions, qui nécessite un examen
clinique approfondi.
Comme ce n'est pas sur une observation qu'on peut établir
un système nous conclurons en disant que nous n'avons pas
voulu ériger une nouvelle méthode thérapeutique. Nous avons
seulement eu l'idée aujourd'hui d'attirer l'attention des
observateurs sur ce mode de traitement (suggestions hypno-
tiques et à l'état de veille), qui nous semble rationnel et qui
peut être, à notre avis, employé avec succès dans certains cas,
exceptionnels peut-être, mais qui n'en existent pas moins et
qu'une observation minutieuse pourra faire reconnaître.
REVUE CRITIQUE
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES ;
Par M. LECORCUÉ.
Les troubles nerveux qu'on observe chez les diabétiques,
signalés depuis longtemps par la plupart des auteurs qui ont
écrit sur le diabète, ont fait l'objet, dans ces derniers temps,
de deux travaux d'ensemble intéressant, la revue critique de
MM. Féré et Bernard ' et la thèse de \1. Dreyfous. Nous insiste-
rons surtout ici sur les faits que nous avons personnellement
relevés chez nos malades et qui forment d'ailleurs un tableau
varié des manifestations les plus importantes.
A priori, ces troubles peuvent être rapportés soit à des lésions
matérielles et grossières des centres cérébro-médullaires, soit
à des modifications plus délicates, subies par les éléments ner-
veux au contact d'un sang adultéré ou d'une circulation arté-
rielle insuffisante. Ces deux ordres de troubles névropathiques
' Des troubles nerveux chez les diabétiques. Féru et l3ernarl. Archives
de Neurologie, 188,2, t. 1\', p. 336.
2 Dreyfous. - Patltogenie pl accidents nerveux du diabète sucré. Th.
agr{'g-" 188a.
396 REVUE CRITIQUE.
se relient-ils par une sorte de chaîne ininterrompue, et les
lésions étendues et profondes du premier groupe ne sont-elles
que l'expression dernière des altérations légères et insaisis-
sables, pour ainsi dire, qui provoquent les manifestations atté-
nuées de la deuxième catégorie ? La fréquence dés lésions ner-
veuses indiquées par Dickinson dans le diabète semblerait
autoriser cette hypothèse. Il est impossible d'admettre l'opi-
nion primitivement émise par l'auteur anglais et de regarder
ces lésions comme la cause même du diabète. Mais le fait en
lui-même n'en est bas moins réel, et l'on constate habituelle-
ment, disséminés dans les différentes parties de l'axe cérébro-
spinal, de petits foyers limités de thrombose ou de désinté-
gration, des lacunes, de petites extravasations de sang ou de
pigment, etc. Ces diverses altérations expliquent peut-être un
certain nombre de phénomènes nerveux observés chez les dia-
bétiques, et pourraient sinon servir de substratum anatomique
aux troubles névropathiques, dits sine ? nate2,i*a, relevés chez
les malades, au moins établir une transition entre les manifes-
tations regardées comme purement dynamiques et celles qui
se rattachent d'une façon indiscutable à des foyers de ramollis-
sement ou d'hémorragie. Mais la relation directe entre l'exis-
tence et le siège de ces altérations et les divers phénomènes
nerveux n'a pas été établie, jusqu'ici, d'une manière satisfai-
sante ; et, jusqu'à nouvel ordre, il nous paraît prudent de main-
tenir une ligne de démarcation entre les symptômes liés mani-
festement à des lésions en foyer et les troubles multiples
de ce qu'on pourrait appeler la névropathie diabétique. Ceux-
ci, qu'ils portent sur la sensibilité, la motilité ou l'intelligence,
constituent pour nous les vraies manifestations nerveuses du
diabète. Les autres, relevant le plus souvent de l'hémorragie
et du ramollissement, ne se rattachent qu'indirectement à la
maladie générale par l'intermédiaire des altérations du sys-
tème vasculaire.
A. Manifestations nerveuses directes. Les troubles de cet
ordre que nous avons observés chez nos malades sont des plus
variés ; nous les diviserons en troubles sensitifs, troubles mo-
teurs et troubles intellectuels.
1 Troubles sensitifs. - Les troubles sensitifs affectent les
sens spéciaux ou la sensibilité générale. Ils peuvent intéres-
ser la vue, l'ouïe,- le goût, l'odorat, le toucher. L'amblyopie,
plus ou moins prononcée est le symptôme le plus souvent ob-
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 397 Î
servé (2 lois sur 114 Oas.). Nous reviendrons tout à l'heure
sur ce sujet que nous avons du reste déjà traité ailleurs'. La
surdité est moins fréquente (OBs. XXXVI, XXXVII, XXXIX).
Chez une de nos malades (OBS. LV), la surdité était limitée il
l'oreille gauche. Parfois, la vue et l'ouïe sont compromises en
même temps (OBS. LVI). Les troubles de l'odorat et du goût,
sont encore plus rares ; nous n'avons noté que deux fois les
perversions de ces sens (OBS. XXXIX, XL).
Dans d'autres cas, c'est la sensibilité tactile qui est atteinte.
Les malades de nos Observations ne sentaient qu'imparfaite-
ment les objets qu'elles prenaient à la main. Elles avaient de la
peine à saisir les petits objets, une épingle, une plume. En cou-
sant, l'une d'elles laissait échapper son aiguille qu'elle ne sen-
tait plus. Lorsqu'elle ne regardait pas l'objet qu'elle tenait, elle
le laissait presque toujours tomber. Chez ces malades, la sensi-
bilité était très émoussée, aux membres supérieurs ; on cons-
tatait, à l'aide du compas de Weber, que l'écart était le double
de ce qu'il est à l'état sain.
Voici d'ailleurs les chiffres précis que nous avons notés dans
l'exploration comparée des deux côtés du corps avec le compas,
chiffres qui permettent de se rendre compte du degré de l'anes-
thésie.
Écart du compas de Weber pour donner lieu à la sensation
des deux pointes.
398 REVUE CRITIQUE.
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 399
matin au lever qu'au coucher. Elle paraît très distincte de
la sensation de courbature due à la fatigue, et qui cesse avec
le repos. La courbature diabétique ne disparaît point avec le
repos ; elle peut même être assez marquée pour troubler le
sommeil ; elle ne s'aggrave nullement par l'exercice qui semble,
au contraire, la disssiper. Elle traduit assez bien les oscilla-
tions que présente la glycosurie, s'aggravant lorsque l'élimi-
nation du sucre augmente, s'atténuant, au contraire, lors-
qu'elle diminue. Le bromure' en diminue parfois l'intensité ;
mais comme ce médicament agit en même temps sur la glyco-
surie, il est probable que c'est en faisant baisser la glycosurie
qu'il a prise sur la courbature.
La céphalalgie a été fréquemment observée chez nos ma-
lades sous les formes les plus diverses. Tantôt les malades
accusent une sensation de pesanteur au niveau de la région
postérieure ou antérieure de la tête; il leur semble qu'elles ont
comme du plomb sur les yeux (OBs. V). Tantôt il s'agit de véri-
table migraine s'accompagnant de vomissements (OBS. XXXIX),
cédant avec la diminution de la glycosurie (OBs. XXXI,
XXXVIII). Parfois cette migraine revêt le caractère de la mi-
graine ophthalmique (OBS. LXXXII, LXI) ; dans d'autres cas,
il n'y a qu'une simple pesanteur de la tête (OBs. XXXIII).
Enfin une des formes les plus communes de la céphalalgie
diabétique est la céphalalgie occipitale avec douleur localisée à
la nuque (Oss. XLV, LVI, LIX, LXXII).
Mais c'est le plus souvent sous forme de névralgies que se
traduisent les troubles de la sensibilité générale.
Ces névralgies diabétiques ont été étudiées par différents
auteurs, Loeb', Buzzard, Schmitz, Tischemacher, Berger,
.Drasche, Worms; elles affectent le sciatique, le crural, les
nerfs intercostaux, frontal, occipital, cervico-occipital ; elles
n'ont que peu de rapports avec l'intensité de la glycosurie.
Ce qui les caractérise, suivant Berger, c'est :
1° Leur spontanéité;
2° Leur localisation à quelques branches terminales du
sciatique, le sural et le plantaire;
1 Loeb, Deutsch Arch. f. Klin. med., 1880. Buzzard, The Lancet,
1882, p. 302. Schmitz, Deustch med. IVoch21s., 1882. - Tisehemaeher,
Deutsch med. Wochns., 1883. Berger, Breslau art ? Zeitsch., 1882.
Drasche, Ilieii. med. TJToch., 1882. -\Vorms, Bull. Acad. /lied., 1¡,;82.
400 REVUE CRITIQUE.
3° Leur tendance à la bilatéralité;
4° Leur violence, la longue durée des paroxysmes, rappelant
tout à fait les névralgies dues à des lésions de la moelle;
5" L'apparition rapide de troubles vaso-moteurs dans la
zone des nerfs affectés;
6" Leur résistance à tout traitement ordinaire, leur amélio-
ration par le traitement anti-diabétique.
Cinq fois nous avons constaté l'existence de la sciatique
(OBS. IX, XI, XXXVIII, XXXIX, LXI). Elle accompagne, pré-
cède ou suit l'apparition d'autres névralgies, telles que les
névralgies dentaires (013s. IX); des névralgies intercostales
(Otis. XI), la gastralgie (OBS. XXXV111), la migraine (OBs.
xxxviii, XXXIX).
C'est le plus souvent à gauche qu'elle s'est manifestée chez
les malades que nous avons observées. Nous n'avons constaté
qu'une fois (Ons. XXXV) la sciatique double, symétrique,
indiquée par Worms et Drasche.
Chez cette dernière malade, la sciatique reparut à plusieurs
reprises et chaque fois son retour coïncida avec une recrudes-
cence de la glycosurie.
La gastralgie ne nous a pas semblé moins fréquente. Nous
l'avons rencontrée six fois (OBs. XI, XXVII, XXXVIII, LU, LIV,
LV). Comme la sciatique, elle annonce parfois la recrudes-
cence de la glycosurie et cesse lorsque celle-ci diminue ou
disparait (Olis. XXXVIII). Comme elle aussi, elle accompagne;
précède ou suit d'autres névralgies, telles que les névralgies
intercostales (Ons. XI), la névralgie faciale (Oris. LV). Elle
provoque souvent des vomissements (OBs. XXVII, XXXIX).
Parmi les autres névralgies qu'il nous a été donné d'obser-
ver chez la femme diabétique, nous citerons encore la névral-
gie faciale (uns. LA', LXXVI), des névralgies dentaires(Ons. IX),
oculaires (Obs. LXXXII), des coliques utérines (Cas. XXXIV),
la névralgie de l'ovaire (OBS. XXXVIII).
Ces troubles si variés de la sensibilité coexistent fréquem-
ment chez le même sujet. Il n'est pas rare d'observer chez la
même malade, à des intervalles plus ou moins rapprochés,
de la sciatique, des névralgies intercostales, de la gastralgie
(Cas. XI); ailleurs de la migraine, des douleurs articulaires
des mains, des coliques néphrétiques (Cas. XX11D; ailleurs
encore de la migraine, une sciatique, de la gastralgie, des
crises de névralgie de l'ovaire (Cas. XXXVIII). Ce qui démontre
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 01
bien que la cause de ces hyperesthésies de siège si différent
sont de même nature, c'est qu'on les voit souvent alterner
ensemble, c'est qu'on les voit se modifier, diminuer d'in-
tensité et disparaître lorsqu'on est arrivé, à l'aide d'une
médication appropriée, à faire baisser le sucre éliminé par
les urines. Elles résistent le plus souvent à toute autre médi-
cation.
2° Troubles moteurs. La motilité paraît moins souvent
atteinte, chez les diabétiques, que la sensibilité. Lasègue et
Charcot ont signalé cependant un certain nombre de cas de
diabète où se sont produits des troubles paralytiques qui ne
paraissaient pas liés à des lésions profondes du système ner-
veux. Ces paralysies ont pour caractère d'être passagères,
incomplètes et limitées; elles occupent le plus souvent un
membre, ou un groupe de muscles, parfois même un muscle
isolé ; en général elles sont associées à divers troubles sensitifs,
anesthésie ou hyperesthésie. Nous devons dire qu'aucune de
nos malades ne nous a présenté de phénomènes de ce genre.
Ce que nous avons observé assez souvent, c'est une sorte
d'atonie musculaire, surtout sensible vers les extrémités infé-
rieures, et qui rend la marche difficile, sinon impossible.
Cette parésie, qui semble liée à la présence dans le sang
d'une quantité excessive de sucre, augmente par la marche
et cède à la médication alcaline.. Chez notre malade de l'OB-
SERVATION XLVII, ce sentiment de faiblesse paraissait limité à
l'un des côtés.
Il n'est pas 'rare d'observer aux stations thermales des
malades qui, à leur arrivée, ne pouvaient se tenir sur leurs
jambes, ou dont la force baissait rapidement, par suile de
mouvements exagérés, et qui, au bout d'un temps même res-
treint, alors que la glycosurie avait baissé, pouvaient se livrer
à l'exercice de la promenade. Dans ces cas, on ne peut attri-
buer l'amélioration à la reconstitution de l'individu, puisque,
souvent, l'embonpoint n'avait pas reparu. Il resterait à se
demander si c'est en agissant sur le muscle ou sur le système
nerveux que le sucre arrive à produire ces effets de parésie,
mais nous avouons qu'il est encore actuellement impossible
de se prononcer sur cette question.
Quelques malades se plaignent de crampes limitées au
membre supérieur. Dans un cas, nous avons observé des troubles
de motilité qu'il nous parait intéressant de signaler, bien que
Archives, t. X. 26
402 , REVUE CRITIQUE.
nous ne soyons pas convaincu de leur nature diabétique;
nous voulons parler des phénomènes que nous avons observés
chez une femme de quatre-vingts ans (Cas. XLIX). Cette
femme, qui rendait chaque jour deux litres d'urine contenant
50 grammes de-sucre par litre, fut prise tout à coup de
crampes tétaniques des avant-bras et des jambes. Ces crampes
se manifestaient par crises qui se répétaient quinze à vingt
fois par jour; chaque crise durait à peine 30 secondes. Elles
s'accompagnaient de douleurs assez vives. Le moindre mou-
vement suffisait pour en provoquer le retour. Il n'y avait pas
trace de paralysie dans l'intervalle ; l'intelligence était intacte ;
la sensibilité parfaite. L'apparition de ces crises avait coïn-
cidé avec une augmentation du chiffre de sucre éliminé par les
urines. Elles se dissipèrent avec l'abaissement de la glycosurie.
3° Troubles intellectuels. L'intelligence peut être plus
ou moins compromise. Deux fois nous avons observé la crainte
de la mort passée à l'état d'idée fixe (OBs. X, LVII). Une de nos
malades (Cas. LI) ne pouvait rester seule sans éprouver un
violent désir de se jeter par la fenêtre de son appartement ou
d'un wagon. Elle en était effrayée et craignait de ne pouvoir
résister à cette impulsion. Deux autres (OBS. XLIII, LXXVIII)
furent atteintes de délire de persécution avec hallucinations.
Chez la malade de notre Observation XLIII, il se manifesta
à plusieurs reprises avec des retours de lucidité; chez la malade
de- notre Observation LXXVIII, il précéda de très peu l'issue
fatale, et la malade mourut délirante. Bien qu'on puisse tou-
jours, chez une diabétique, soupçonner dans ces cas l'existence
d'une intoxication alcoolique, nous ne croyons pas que l'éthy-
lisme fût en jeu dans les deux cas que nous rapportons; du
reste, il n'y avait ici aucun autre symptôme d'alcoolisme.
Un rien agite ces malades, la moindre émotion les boule-
verse. Elles ne peuvent supporter un bruit inattendu sans en
éprouver une sensation désagréable.
Le vertige s'observe souvent chez les femmes diabétiques
(OBS. XI, XX, XXIV, XLIV, CLIII, LV, LVII, LXXIX). Il est tan-
tôt objectif comme chez le malade de notre Observation XLIV,
et tantôt à la fois objectif et subjectif. Il peut, dans certains
cas, entraîner la chute de la malade (OBS. LV); il ne s'ac-
compagne qu'exceptionnellement de céphalalgie, ce qui le dis-
tingue du vertige symptomatique d'une lésion cérébrale en'
voie d'évolution. Il apparaît dans des cas où l'anémie n'est
TROUBLES NERVEUX dans LE diabète CHEZ LES femmes. 403
point assez prononcée pour qu'on puisse lui attribuer les acci-
dents vertigineux, et chez des malades qui bien souvent ne
présentent pas de troubles gastriques. Tout porte donc à croire
qu'il peut exister un vertige de nature diabétique.
Nous avons observé un cas d'aphasie qui dura quinze jours
et qui s'accompagna de céphalalgie. Cette aphasie se déclara
chez une malade âgée de quarante-huit ans (OBS. LXIX) assez
fortement diabétique, rendant 4700 centimètres cubes d'urine
avec 40 grammes de sucre par litre. Tout en relatant ce fait,
nous nous demandons s'il s'agit bien réellement d'un trouble
essentiellement dynamique et de provenance diabétique. Ce
qui nous porte à émettre ce doute, c'est que, chez cette malade,
survint une hémorrhagie rétinienne, et que, d'autre part, le
diabète de cette femme s'était compliqué d'albuminurie. Elle
rendait 2 or. 3') d'albumine par litre, lorsque survint l'aphasie ;
de sorte qu'on est presque aussi bien en droit de faire de cette
aphasie le symptôme d'une lésion cérébrale ou rénale qu'une
manifestation diabétique.
L'insomnie n'est pas rare. Elle est souvent pour ainsi dire z
toute mécanique et due au besoin fréquent' d'uriner. Mais,
dans d'autres cas, elle se produit spontanément et paraît liée
à un trouble nerveux (OBS. LXXII). Il est parfois difficile de la
faire disparaître. C'est d'autres fois la somnolence qui fatigue z
les malades comme dans nos Observations XI, XLII, LXXII.
Cette somnolence, persistante, invincihle, n'existe parfois que
le jour. Elle devient alors une cause d'insomnie, comme chez
la malade de notre Observation XI. Il existe assez fréquem-
ment des chauchemars.
Le caractère est souvent modifié ; c'est de la tristesse qu'on
remarque chez les malades, de l'irritation (OBS. XIX, XX),
une sensibilité exagérée.
La fréquence des troubles cérébraux et intellectuels trouve
son explication dans les antécédents héréditaires nerveux
qu'on relève habituellement chez des diabétiques. La malade
de notre Observation XVII avait eu un frère épileptique, elle
avait été elle-même atteinte d'épilepsie dans son enfance. Une
autre (Cas. XLVII) avait deux de ses neveux aliénés; elle
avait été elle-même frappée d'aliénation quelques années
avant l'apparition de son diabète, et l'on avait été obligé de
la mettre dans une maison de santé. La malade de notre
Observation LXXVIII avait un frère aliéné. , , .
404 . revue critique.
B. Manifestations nerveuses indirectes. Nous rangeons
sous ce titre les phénomènes nerveux qui se rattachent à des
lésions matérielles évidentes du système central. Ces lésions
ne sont pas absolument rares chez les diabétiques. Nous avons
déjà indiqué les altérations signalées par Dickinson et les con-
clusions exagérées et erronées que cet auteur a cru pouvoir
tirer de ses recherches au sujet de la pathogénie du diabète.
En dehors de ces faits, il existe des cas assez nombreux de
ramollissement et d'hémorragie cérébrale coexistant avec un
diabète indiscutable, et d'après les observations de Siegen, de
Gilles, de Golden, de Richardson, de Griesinger, il semblerait
que le diabète puisse être la conséquence de ces lésions. Une
pareille conséquence doit être tenue pour exceptionnelle. Bien
que Olivier ait constaté la fréquence de la glycosurie à la suite
des hémorragies cérébrales, cette glycosurie a toujours été
passagère. Nous pouvons même dire que cette variété de gly-
cosurie nous a semblé moins commune qu'à M. Olivier; car,
bien que nous ayons souvent recherché le sucre dans l'urine
des sujets frappés d'hémorragie cérébrale, nous n'avons que
rarement constaté l'existence de la glycosurie dans ces con-
ditions.
Chez la femme comme chez l'homme, les phénomènes
cérébraux qui coexistent avec la présence du sucre dans l'urine
nous paraissent plutôt un effet qu'une cause du diabète. La
plupart des faits cités par Leudet, par Libert doivent être inter-
prétés dans ce cas. Lorsqu'on analyse leurs observations, on
arrive facilement à se convaincre que des symptômes d'un
diabète indiscutable préexistaient aux manifestations nerveuses.
Ainsi, dans le premier fait de Leudet, il s'agit d'une femme
de trente-deux ans qui, avant l'apparition des accidents céré-
braux, avait présenté des troubles de la vue accompagnés d'une
polydipsie telle qu'elle absorbait de six à huit litres de boisson
par jour. De même, on ne pourrait que difficilement faire du
cinquième fait de Libert un cas de diabète symptomatique de
lésion cérébrale; la malade, en effet, âgée de cinquante et
un ans, avait eu de nombreux furoncles, et l'on avait même
constaté la présence du sucre dans ses urines antérieurement
à l'éclosion des troubles nerveux.
Les manifestations symptomatiques de lésions matérielles
tantôt se développent progressivement, tantôt apparaissent
brusquement. Dans le premier cas, elles sont souvent précé-
TROUBLES NERVEUX dans LE diabète CHEZ LES FEMMES. 405
dées de la plupart des phénomènes que nous avons signalés
comme manifestations directes du diabète et qui attestent
évidemment la mauvaise nutrition des diverses régions de
l'encéphale, changement de caractère, tristesse, irritabilité,
insomnie, cauchemars, vertiges, céphalalgie. Aussi est-on en
droit de redouter quelque accident grave quand on voit per-
sister d'une manière anormale ces différents troubles névro-
pathiques'.
Dans d'autres cas, les symptômes éclatent subitement sous
forme d'ictus apoplectique ou d'attaque convulsive, suivis de
paralysie intéressant le plus souvent toute une moitié du
corps. Ces manifestations, toujours fort graves, peuvent ne
pas mettre immédiatement la vie de la malade en danger.
Elles peuvent s'amender graduellement; mais, d'ordinaire,
elles ne disparaissent qu'incomplètement, se reproduisent
facilement et entraînent tôt ou tard une terminaison fatale.
Parfois la mort survient à la première attaque, en quatre ou
cinq heures. Il n'est pas douteux qu'il ne s'agisse dans ces cas
de lésions vasculaires, analogues à celles qui se produisent
dans la rétine, donnant lieu à des épanchements sanguins
dans les masses nerveuses ou dans les enveloppes de l'encé-
phale. Seegen signale quatre cas d'hémorragie cérébrale ou
méningée, rapidement suivie de coma et de mort. Bien
d'autres auteurs : Nicolas, Bouchut, Redon, Ronbach ont rap-
porté des observations semblables. Pour nous, si nous avons
rencontré dans le cours du diabète chez l'homme des cas ana-
logues à ceux de Seegen, c'est-à-dire des cas de pachyménin-
gite ou d'hémorragie méningée avec convulsions suivies de
coma, nous n'avons observé chez la femme que des cas de
ramollissement (OBS. XX. XXI) et d'hémorrhagie cérébrale
(OBs. XVIII, LX111).
Chez la première de nos malades atteinte de ramollissement
on ne constatait encore que de la perte de la mémoire, des
vertiges, une faiblesse extrême des jambes, qui lui rendait la
marche difficile et presque impossible.
Chez la deuxième, les symptômes étaient plus prononcés;
outre les vertiges et la perte de mémoire, il y avait une sen-
siblerie maladive qui la portait à pleurer sans raison, et une
parésie, marquée d'abord du bras gauche, puis de la jambe
du même côté.
Chez notre troisième malade, un an environ avant la mort,
406 " 1 v REVUE CRITIQUE. '
on constata' un' trouble' des' plus marqués de son intellect.
Cette femme, d'une intelligence supérieure, avait perdu non
seulement la mémoire des noms, mais encore celle des lieux.
Elle ne pouvait s'aventurer dans sa petite ville nafale. Elle ne
retrouvait plus le chemin pour rentrer à son logis, s'égarait à
sa porte; elle ne se retrouvait même plus dans l'intérieur de
sa maison. Ainsi, allant au cabinet, elle ne savait plus rentrer
dans sa chambre à coucher. Sa démarche était en outre vacil-
lante. Elle tomba dans un état comateux qui, au bout de
vingt-quatre heures, se termina par la mort. Ces malades, bien
que n'étant, déjà plus jeunes, n'avaient point encore atteints
l'âge où, se manifeste d'ordinaire le ramollissement. La plus
âgée (Ces. XXI) n'avait que soixante ans. Aussi, a-t-on quelque
droit de considérer dans ce cas le ramollissement comme le
fait du diabète. Le diabète dont elles étaient affectées était du
reste assez prononcé; elles ne rendaient pas moins de 120 à
150 grammes en moyenne de sucre par jour. 11 n'avait pu être
qu'assez médiocrement modifié par le traitement. Dans l'OB-
SERVATION XX, la glycosurie avait cependant à peu près disparu
sous l'influence des eaux de Contrexeville ; mais elle n'avait
pas tardé à reparaître avec plus d'intensité.
Quant à nos deux faits d'hémorragie cérébrale, ils se pro-
duisirent dans les conditions suivantes. L'une de nos malades
(Cas. XVIII) était diabétique depuis trois à quatre ans quand
. elle fut frappée brusquement d'une paralysie de tout le côté
gauche du corps. La paralysie se dissipa assez rapidement, et
la malade, tout en restant diabétique, put vivre encore huit ans
avec toute l'intégrité de son intelligence. Cette femme, écrivain
distingué, continua à produire avec autant de succès qu'avant
son attaque. Elle succomba aux atteintes d'un érysipèle qui
l'emporta en quelques jours.
Chez notre deuxième malade (OBS. LXIII), une première
attaque fut suivie d'une hémiplégie qui s'amenda et guérit
aussi à peu près complètement. Mais elle succomba quatre ans
après à une nouvelle hémorragie.
. C. Troubles oculaires. Bien que les troubles oculaires
dans le diabète ne relèvent pas tous de lésions rétiniennes et
nerveuses, la fréquence de l'amblyobie, comparée à celle de la
cataracte chez nos malades, nous engage à étudier de préfé-
rence ces troubles de la vue à la suite des manifestations ner-
veuses proprement dites.
TROUBLES NERVEUX dans LE diabète CHEZ LES femmes. 407
La cataracte diabétique n'est certainement pas rare; nous
ne l'avons cependant observée que neuf fois chez la femme.
Dans huit cas, elle était double et avait débuté par l'oeil
gauche., Ce sont là d'ailleurs ses caractères ordinaires : début
par le côté gauche, extension rapide aux deux cristallins.
D'abord centrale, elle ne tarde pas à se généraliser. Elle peut
se montrer à tout âge. Seegen l'a rencontrée chez une jeune
fille de douze ans. Elle nous semble toutefois plus fréquente
lorsque le diabète se développe après la ménopause. Elle n'ap-
paraît d'ordinaire que dans les cas de diabète rebelle ou diffi-
cilement modifié par le régime. Phénomène tardif, la cataracte
existe fréquemment avec diverses autres complications, telles
que la tuberculose, la néphrite parenchymateuse, des furon-
cles, l'eczéma vulvaire. .
Nos malades nous ont bien plus souvent présenté de l'am-
blyopie, vingt-six fois sur cent quatorze. Tantôt elles n'accu-
saient qu'une simple diminution de l'acuité visuelle; tantôt
elles se plaignaient d'une sensation de brouillard plus ou moins
épais, de nuages interposés devant les deux yeux, parfois de
sensations lumineuses, de lueurs brillantes, d'étincelles. Nous
n'avons jamais constaté l'hémiopie, dont la fréquence chez
les diabétiques a été cependant bien établie par de Graefe.
Ces troubles visuels sont souvent passagers, d'autres fois ils
persistent et tiennent alors le plus souvent à des lésions
rétiniennes, comme dans notre Observation XII, où l'on
constata l'existence d'hémorragies ponctuées et de taches
graisseuses de la rétine; comme dans notre Observation XVI,
où l'ophthalmoscope montra également une rétinite hémor-
ragique.
Parfois, c'est de la presbytie rapide et précoce (OBs. VI), ou
de la diplopie, ou de l'inégalité pupillaire que l'on observe.
Dans le premier cas, il s'agit d'une parésie de l'accommoda-
tion, qu'on peut corriger à l'aide de verres appropriés. La
diplopie a été notée par Seegen. Girard l'a aussi rencontrée
chez une jeune fille de dix-huit ans, qui guérit par l'emploi
des douches. Ce phénomène doit être rapproché des paralysies
mobiles et passagères de la troisième paire, signalées chez
les diabétiques du sexe masculin par Ogle, Charcot, Gale-
zowski. .
Ces diverses modifications de la vision n'apparaissent qu'à
une époque avancée du diabète. On les voit quelquefois s'amen-
408 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
der sous l'influence du régime, comme dans certaines des
observations de Seegen. Mais elles peuvent aussi s'aggraver
et aboutir à des troubles permanents de la vue.
- (A suivre.)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
XXXVIII. NOTE SUR LES lésions TROPHIQUES DES valvules AOR-
. TIQUES dans l'ataxie locomotrice; par M. J. TEISSIER,
(Lyon méd., 188 ? t. XLV).
Peut-on devenir cardiaque par le seul fait qu'on est ataxique ?
S'appuyant sur les autopsies de deux ataxiqûes chez lesquels
il existait au niveau des valvules aortiques plusieurs petites
perforations, M. J. Teissier pense que de même qu'elle produit 1
la raréfaction du tissu osseux, l'ataxie peut entraîner la résorp-
tion de certains éléments cellulaires qui constituent le plancher
des valvules et amener en fin de compte leur perforation.
' Rien pendant la vie n'avait décélé chez les deux malades
précédents l'existence d'une altération valvulaire. On comprend
cependant que ces perforations empruntent un réel intérêt aux
graves complications qu'elles sont susceptibles de provoquer
(maladie de Corrigan, déchirure valvulaire, etc.).
L'auteur s'étant assuré par de nombreuses recherches faites
sur d'autres malades que ces perforations n'étaient le fait ni
d'une cachexie avancée, ni d'une malformation congénitale, il
est permis d'admettre qu'il s'agit de troubles trophiques pou z
vant légitimement prendre place à côté des nombreuses alté-
rations de nutrition que l'on a déjà si souvent notées dans le
cours de l'ataxie. G. D.
XXXIX. SUR LES TROUBLES DES associations ; par R. DE Pfun-
GEN. (Jahrbùch. f. Psych., V, 1, 2.)
Long travail de revue critique très minutieuse, conçu et
exécuté de la façon suivante. Dans le chapitre premier inti-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 409
tulé : De la structure et des fonctions de l'appareil d'association,
l'auteur résume les travaux d'Arnold (fibres propres), d'IIitzig,
de Meynert, de Gratiolet, de Munk, de Bechterewet de Fuers-
ner. Puis, quatre chapitres sont consacrés à l'étude des mani-
festations diffuses des lésions en foyer des manifestations
en foyer de lésions diffuses des troubles de nutrition dans
la folie systématique aiguë, la paralysie générale, la méningite
chronique, les névroses constitutionnelles, des troubles
d'association considérés comme émanés des centres vasculaires.
De l'examen à ces points de vue de diverses entités anatomo-
pathologiques et psychopathiques, il résulte qu'on n'a pas
tout dit quand on a parlé d'une lésion sise en un point, car
bon nombre de syndrômes émanent d'actions à distance; qu'in-
versement bien des phénomènes résultent de simple perturba-
tion dans le jeu des éléments anatomiques et de leurs conduc-'
teurs; mais qu'en somme, l'anatomie et la physiologie céré-
brales restent encore impuissantes lorsqu'il s'agit de préciser.
Les dix-neuf observations relatées par M. de Pfungen, tout
intéressantes qu'elles soient, ne changent malheureusement
pas l'état de la question. P. K.
XL. Contribution A la localisation DE L'HÉMICHORÉE;
par F. GREIFF. (Arch. f. Psych., XIV, 3.)
Observation I. Vieille femme de soixante-quatorze ans,
extrêmement athéromateuse, ayant eu quelques attaques
apoplectiques : démence consécutive avec parésie gauche.
Sans qu'une nouvelle attaque se soit produite, on constate, un
matin, des mouvements choréiformes les mieux réussis dans
les extrémités gauches, et surtout dans le bras. L'auteur croit
que l'attaque d'apoplexie a passé inaperçue, ou qu'il s'est
effectué une lésion suffisante pour engendrer l'hémichorée
sans ictus, ou enfin que l'hémichorée a résulté d'un foyer
ancien gagnant certains tractus centraux, d'où le diagnostic
d'hémichorée posthémiplégique. On constate en outre une
hyperesthésie passagère (durée : quatorze jours) et l'existence
de sensations douloureuses spontanées qui, avec des alterna-
tives variables, quant à l'intensité, persistent jusqu'à la mort.
Intégrité des organes sensoriels, et notamment des yeux. Con-
comitance exacte de l'hyperesthésie et de phénomènesvaso-mo-
teurs (rougeur, chaleur, petites hémorragies sous-cutanées)
410 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
du côté paralysé. Aussi conclut-on à l'excitation directe des
tractus sensitifs par le processus anatomique de l'organe cen-
tral, les phénomènes d'excitation de la région motrice ayant
absolument coïncidé avec elle. L'autopsie révèle un foyer
cérébelleux exactement limité à l'hémisphère gauche, un foyer
de ramollissement superficiel à la base du lot e occipital droit,
n'empiétant aucunement sur;les régions en relation avec les
fonctions motrices, deux petits foyers hémorrhagiques dans la
couche optique droite. C'est à l'un de ces derniers que
M. Greiff attribue l'hémichorée, parce que dans le segment
inférieur de la couche optique, il occupe entre elle et le milieu
du pied du pédoncule cérébral la place exacte où passe le
faisceau pyramidal; il a pu irriter en même temps le faisceau
sensitif et les tractus vasomoteurs (voyez dans l'original la
délimitation macroscopique et microscopique exacte).
Observation II. Femme de cinquante-deux ans atteinte,
à la suite d'une émotion extrême, de démence avec désordre
dans les idées. Un beau jour, ictus avec hémiplégie droite pas-
sagère, parésie faciale légère. Deux mois plus tard, attaque
épileptiforme avec hémiparésie gauche passagère, ultérieure-
ment suivie d'attaques semblables avec trouble dans .l'articu-
lation des mots, et aphasie amnésique; une d'entre elles laisse
à sa suite de l'hémianesthésie, de l'hémianopsie, des mouve-
ments choréiformes (bras) du côté gauche et finalement de pa-
résie des extrémités du même côté ; hémiathétose de la main,
température un peu plus élevée àgauche. -Autopsie. C'est une
paralysie générale avec foyer de ramollissement occupant les
circonvolutions motrices du côté droit et englobant une partie
du faisceau pyramidal d'où les dégénérescences secondaires
classiques. Il existe, en outre, un foyer de ramollissement
circonscrit dans la protubérance, qui lèse aussi le faisceau
pyramidal. En un mot double lésion capable d'exciter les con-
ducteurs moteurs. P. K.
XLI. Contribution au diagnostic DES affections EN FOYER DE
LA PROTUBÉRANCE ET DE LA MOELLE ALLONGEE; par H. SENA-
TOR (Arch. f. Psych., XIV, 3.)
Observation avec autopsie, mettant en lumière un foyer de
ramollissement de ces régions consécutif à une obturation
thrombosique de la basilaire et des vertébrales. Le diagnostic
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 411 [
s'appuya sur le jeune âge du sujet, la constatation d'une artério-
sclérose, l'absence de néphrite chronique, la faible inten-
sité de l'ictus 1. L'auteur appelle l'attention sur les allures du
globe oculaire (paralysie du nerf oculo-moteur externe gauche
et du muscle droit interne droit) ; sur la paralysie de .l'hypo-
glosse droit, tandis que les autres nerfs crâniens étaient exclu-
sivement paralysés à gauche ; sur la paralysie des extrémités
du côté droit qui ne fut complète que dans les dix derniers
jours ; sur la suppression du sens musculaire dans les extrémi-
tés paralysées, sur les troubles vaso-moteurs des mêmes membres
et la diminution de l'excitabilité faradique sur la production
à la face de réflexes croisés (électrisation faradique ou galva-
nique). P. K.
XLII. Tumeurs symétriques A la base du cerveau; parle Dr STRAHAN.
(Journal of Mental Science, juillet ! 883.)
Nous donnons ici le résumé de l'observation :
Homme de vingt-huit ans, célibataire, entré à l'asile en
octobre 1880, pour un premier accès de folie : il a été soldat
dans l'armée des Indes, a eu des habitudes d'intempérance, il a
commis une tentative de suicide par strangulation, et a refusé de
manger, il a été souvent malpropre : il est incohérent, agité et a
des idées de persécution, aucun symptôme de paralysie n'est
signalé avant son entrée. IL est arrivé graduellement à une cécité
absolue (atrophie des deux nerfs optiques).
A l'asile, il est agité, souvent bruyant, il a des idées délirantes,
il est sourd, et on note un peu d'incoordination dans les mouve-
ments des mains. Le 27 août 1882, sans que son état se soit en
rien modifié jusque-là, le veilleur de nuit le trouve dans l'état
suivant : perte de connaissance, écume à la bouche, pupilles dila-
tées, égales; respiration stertoreuse; face congestionnée, déglu-
tination impossible. Mort après deux jours de coma.
On obtient alors de la mère du malade les renseignements sui-
vants : le malade était l'aîné et le seul survivant .des huit en-
fants qu'elle avait eus de son premier mari : voici le sort des
sept autres : le premier meurt phthisique à quatre ans et demi,
le second succombe à la rougeole à sept mois, le troisième et le
quatrième sont morts-nés : le cinquième, une fille, vit jusqu'à
vingt ans, elle était sourde, avait eu de la chorée, et est morte
aliénée dans un asile : le sixième enfant a dû subir à dix-huit ans
l'énucléation de l'oeil gauche et est devenu sourd après l'opéra-
tion, il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans, a perdu la vue du
côté sain jusque là et estmortaprès une « forte attaque. » Enfin le
septième, qui avait atteint l'âge de trente ans sans avoir été malade
412 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
est mort subitement. Interrogée, celle femme déclare qu'après la
naissance de son premier enfant, elle a perdu ses cheveux, que
deux ans après elle a eu mal à la gorge et à perdu la voix, et
qu'enfin, plus tard, à une époque qu'elle ne peut préciser elle est
devenue sourde du côté gauche. Son mari est mort à quarante-
cinq ans; il était devenu, dit-elle, « complètement fou » deux
jours avant sa mort. Cette femme s'est remariée, elle a eu de
son second mari plusieurs enfants, dont l'aîné a aujourd'hui plus
de vingt ans : ces enfants du second lit n'ont jamais été ma-
lades. Dans ces conditions, la syphilis ne peut guère être
mise en doute chez le père du malade en question.
L'autopsie complète n'a pas pu être faite, mais le Dr Strahan a
réussi à se procurer le cerveau, qu'il a remis au Dr G. II. Savage.
Voici ce qu'a constaté ce médecin distingué : de chaque côté de la
moelle allongée, et reposant sur la surface inférieure du cervelet,
on trouve une tumeur, irrégulièrement arrondie, bosselée, ferme
et dure au toucher, ayant à peu près le volume d'une grosse noix :
celle du côté gauche est un peu plus volumineuse que celle du
côté droit.
Chacune de ces tumeurs a déterminé au-dessus d'elle une dé-
pression de la surface inférieure du cervelet, en avant une dé-
pression du bord postérieur du pont de Varole, et en dedans une
dépression de la moelle. Ces tumeurs ne sont adhérentes ni au
cervelet, ni à la protubérance, ni a la moelle; elles siègent à l'ex-
térieur du feuillet viscéral de l'arachnoïde. L'examen histologique
a montré qu'elles étaient de nature fibro-cellulaire. R. M. C.
XLIII. SUR UN cas DE tabès dorsal avec dégénérescence DES
NERFS périphériques ; par SAKAKY. (Arch. f. Psych., XV, 2.)
Observation avec autopsie. Particularités nécroscopiques :
dégénérescence presque complète des cordons postérieurs,
atrophie prononcée des racines postérieures, amincissement
et coloration grisâtre des nerfs saphènes, altération excessive-
ment nette au microscope portant sur tous les nerfs périphé-
riques (comparaison presque constante avec la normale). Il
s'agit d'une atrophie simple des tubes nerveux, sans proliféra-
tion du tissu conjonctif; la numération des tubes sur un milli-
mètre carré est comparativement fort intéressante. Comme
les régions où il y avait l'atrophie la plus prononcée ont été
dans l'espèce hantées par les troubles les plus notables de la
sensibilité, comme les nerfs moteurs et les nerfs mixtes ont
été trouvés intacts, l'anesthésie émanait de l'atrophie des nerfs
sensitifs. Planche à l'appui. P. K.
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 413 3
XLIV. UN cas DE formation D'UN LIPOME dans LES MÉNINGES
spinales; par M. BRAUBACH. (Arch. f. Psych., XV, 2.)
Observation : Paralysie des extrémités inférieures, anesthé-
sie extrêmement marquée, parésie vésicale, contracture exces-
sive des deux membres inférieurs, exagération des réflexes
tendineux, chez une fillette de cinq ans, atteinte [(extrémité
supérieure droite et membres inférieurs) depuis sa deuxième
année. Il faut noter que les douleurs et de l'amaigrissement
ont précédé les contractures ; celles-ci ont été suivies de dimi-
nution de la sensibilité cutanée du tronc et des membres.
Mort de phthisie pulmonaire. Autopsie. Tumeur fusiforme
mesurant dans sa longueur 12 centimètres, dans son diamètre
transverse et vertical 3 centimètres, dans son diamètre antéro-
postérieur 2 centimètres. Elle occupe la cavité limitée par la
dure-mère, son extrémité supérieure arrive à 3 centimètres
au-dessous de la pointe du calamus scriptorius, son extrémité
inférieure vient entre les quatrième et cinquième paires dor-
sales. Elle refoule en avant et àgauche l'organe central, qu'elle
réduit à l'état de ruban (ramollissement). Aplatissement,
mais faible dégénérescence des racines nerveuses droites, inté-
grité des racines de gauche. Dégénérescence descendante des
faisceaux pyramidaux, dans les cordons latéraux. Il s'agit
d'un lipôme pur ayant pris naissance dans l'arachnoïde ou
la pie-mère. La bibliographie n'en contiendrait que quatre
cas. Les particularités de celui-ci résident dans la conservation
de la conductibilité à l'égard des impressions douloureuses,
malgré la compression et les altérations cervico-dorsales; dans
le peu d'altération des racines de droite et l'intégrité de celles
de gauche ; dans la conservation des fonctions motrices du
membre supérieur gauche, et, par contre, la contracture du
membre supérieur droit (excitation permanente des racines
de ce côté par élongation). Planche à l'appui. P. K.
XL. NOTE SUR UN POINT DE CONTROVERSE ENTRE lIIOELI ET MOI;
par J. Katyschew. (Arch. f. Psych., XV, 2.) .
Moeli prétend que la faradisation du cou', entraine toujours
une mydriase primitive suivie parfois d'un myosis très net.
1 Voy. Archives de Neurologie, t. IV, p. 404. Réaction des pupilles chez
les aliénés.
z
414 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
Katyschew affirme qu'il se produit dans ce cas toujours du
myosis, à la condition qu'on fasse agir des courants faibles.
Il prend un adolescent d'origine bavaroise, atteint de maladie
de Basedow (hypertrophie du coeur très prononcée avec goitre).
Le soir, il place à sa gauche une table avec l'appareil élec-
trique, il se met lui-même devant lui et un peu à droite ; obli-
quement par rapport au patient se trouve une autre table où
brûle une bougie de stéarine distante de trois à quatre pas. La
situation des yeux du sujet par rapport à la flamme évite la
production du myosis; les pupilles sont très dilatées. Faisant
alors fixer la bougie d'une façon persistante, on applique une
électrode sur le cou, et l'on met l'autre en contact avec le côté
dorsal dumétacarpe du même côté; le courant, au début faible,
est graduellement renforcé. Dans ces conditions, la faradisa-
tion n'exerce aucune influence sur la largeur des pupilles.
Rapproche-t-on la bougie de deux pieds, on obtient un myosis
douteux; faradise-t-on alors la région cervicale d'un côté, on
voit se produire un myosis bilatéral très notable qui dure pen-
dant les quelques minutes qu'on électrise et cesse dès qu'on
interrompt l'électrisation. Seulement, il faut se défier de la
puissance de fixation des individus ; chez d'aucuns, cette ma-
noeuvre entraine de l'hyperexcitabilité de la rétine qui porte
préjudice aux conclusions. P. K.
XL VI. Cas guéri DE paralysie DE L'OCULO-MOTEUR externe
avec diabète sucré; par J. LANDSBERG. [Arch. f. Psych.,
XV, 9.) -
C'est M. Landsberg lui-même qui fait le'sujet'de l'observa-
tion, dont l'intérêt réside dans la coïncidence exacte du dia-
bète avec la paralysie, celle-ci disparaissant au moment même
où disparaissait celui-là. Quand céda le diabète, il y eut
copieuse excrétion d'acide urique. L'auteur fait remarquer
combien l'exercice musculaire favorise la combustion du sucre
dans l'économie. Il s'agit enfin d'un diabète purement transi-
toire. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
XVII. Grands ET petits asiles d'aliénés, par T. Claye SHOW
(Journal of Mental Science, juillet 1883.)
Dans ce travail, M. Claye Shaw reprend et examine, en les
serrant de près, quelques-uns des arguments mis en avant de
part et d'autre dans la discussion ouverte sur les avantages et les
inconvénients des grands et des petits asiles d'aliénés. Il conteste
particulièrement la valeur de certains résultats fournis par la
statistique; en se basant sur ce fait que les asiles observés sont
beaucoup trop dissemblables entre eux, (tant au point de vue du
nombre qu'au point de vue de l'état somatique et mental des
malades admis), pour qu'une comparaison puisse être utilement
faite entre des chiures provenant de sources aussi peu uniformes.
En somme, ce travail, légèrement éclectique, quoique favorable
en général aux grands asiles, est un document critique intéressant t
écrit par un homme compétent; c'est une pièce importante de
plus à joindre au dossier de cette question si controversée en
Angleterre. R. M. C.
XVIII. Cas D.1U1'0-tU'rILaTIONS CHEZ LES ALIÉNÉS- par James ADAM.
(Journal of mental Science, juillet 1883.)
Observation 1. Femme de quarante-cinq ans, mariée, insti-
tutrice, devenue aliénée à l'époque de la ménopause; hallucina-
tions religieuses; tendance au suicide : entrée le 15 octobre 1875;
le 2 décembre, elle s'arrache littéralement l'oeil droit avec ses
doigts; elle refuse de manger : il faut la surveiller étroitement, et
parfois avoir recours aux moyens de contention pour l'empêcher
de s'arracher l'oeil gauche. Deux ans après son entrée, son état ne
s'est nullement amélioré; elle a la camisole à demeure. Une
autre année se passe,dans laquelle on constate une légère améliora-
tion, qui augmente progressivement, malgré le déplorable état do
sa santé physique. En 880, on obtient d'elle la révélation d'halluci-
nations de la vue et de l'ouïe. Sous l'influence d'un régime
tonique, l'amélioration persiste et augmente, et, de 1881 à 1883,
elle se montre plus calme, n'a plus besoin d'être maintenue par
des, moyens coercitifs, et n'est plus l'objet que d'une surveillance
416 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
simple, mais attentive et continue; elle'participe à toutes les dis-
tractions de l'établissement. Elle a toujours des hallucinations,
mais elle ne leur obéit plus.
Observation Il. Jeune homme de dix-huit ans, garçon de
ferme, entré le 12 mars 1883; l'aliénation, de cause non connue,
remonte à quatrejours; pas d'hérédité; délire religieux (il prétend
être l'apôtre saint Paul), et idées de persécution. Quatre jours
avant son entrée, il est allé dans un champ écarté et s'est nette-
ment et complètement amputé la verge avec un canif; il a perdu
beaucoup de sang, et a modéré l'hémorrhagie en arrosant la
plaie avec de l'eau qu'il a trouvée dans le voisinage et qui se
trouvait être extrêmement froide. Il avoue des habitudes de mas-
turbation et déclare s'être amputé la verge pour obéir au pré-
cepte de l'Ecriture : « Si ta main droite fait le mal, coupe-la. »
Il refuse de manger, et on l'alimente à la sonde; il est agité,
arrache son pansement, crache àla figure de ceux qui l'entourent
et fait des prières. Deux jours après son entrée, il est plus calme
et consent à manger. Le 26 mars, il a encore des hallucination ? ,
mais il est calme; il reprend des forces : la plaie guérit lentement,
mais d'une façon satisfaisante. R. M. C.
XIX. SUR DES accès TOUT particuliers d'excitation SEXUELLE
PERVERSE; par ANJEL. (Arch. f. Psych., XV, 2.)
Un homme de quarante-cinq ans, indemne de toute tare
héréditaire, de bonne éducation, n'ayant jamais commis le
moindre excès que ce fût, devient, par instants, excité, agité,
rageur, et se sent irrésistiblement poussé à désirer salir des
petites filles. Durée des accès : huit à quatorze jours. Cons-
cience du malade, qui rattache ces anomalies morbides à une
violente frayeur éprouvée huit ans auparavant. A la suite de
l'événement terrifiant, il aurait éprouvé, pendant un certain
temps, de l'angoisse précordiale, à laquelle ont succédé ces
accès. M. Anjel croit qu'il s'agit d'équivalents psychiques de
l'épilepsie. 0
Autre cas. Dame bien éduquée, d'excellente condition, tou-
chant à la ménopause. Tare héréditaire. Jadis petit mal, et
plus tard hystéro-épilepsie (attaques et troubles psychiques).
Puis insomnie, qui cède à son tour pour ne revenir qu'à
l'époque des règles. Actuellement, aux mêmes époques, se
montre une impulsion à rechercher les attouchements de
garçons de moins de dix ans; en même temps, dégoût des
hommes faits. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 417
XX. Sur les conceptions IRRéSISTIBLES; par C.-E. HOESTER-
MANN. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLI, 1.)
II n'y a conception irrésistible vraie que lorsque la concep-
tion n'a rien à voir avec l'association des idées; elle émane
d'excitants internes intra-cérébraux el est entretenue par un
affaiblissement dans l'énergie des hémisphères, tout hémis-
phère affaibli dans sa vitalité devenant incapable de s'opposer
à l'influence des excitants en question. Quant aux idées domi-
nantes d'un individu, celles en rapport avec des associations
d'idées, il est vrai que, dans les cas avancés, elles entraînent
les mêmes conséquences que les conceptions irrésistibles pro-
prement dites, mais leur pronostic est meilleur, elles sont plus
accessibles à la thérapeutique psychique. A cette dernière ca-
tégorie appartiennent deux observations intéressantes du mé-
moire. P. K.
XXI. Contribution A la connaissance DE la démence para-
LYTIQUE ; par EiCKHOLT. (Allg. Zeitschr. f. Psych., XLI, 1.)
I. Etiologie. Fréquence et valeur des facteurs étiologiques
les plus importants.
Sur mille malades hommes, dix-sept sont paralytiques
généraux, et la plupart de ces paralytiques généraux ont de
trente-cinq à cinquante ans; un nombre extrêmement petit a
moins de trente ou plus de soixante ans. La paralysie générale,
chez les individus très jeunes, ne reconnaît pas de facteur étio-
logique auxiliaire, mais elle suit une marche tout spécialement
pernicieuse.La paralysie générale est bien moins héréditaire que
les autres affections mentales ; en revanche, on note fréquem-
ment l'action concurrente de l'ivresse, du surmenage intellec-
tuel, delamisère : proportion de l'ivresse = 24,2 p. 100. Im-
portance très minime de la syphilis : sur cent-soixante-et-un
cas, il n'y avait sûrement syphilis que chez dix-neuf individus
(anamnestiques); or, chez douze de ces malades, il s'écoula
cinq à vingt ans entre l'infection et l'explosion de la paralysie
générale; résultat nul du traitement antisyphilitique; pas de
particularités spéciales quant à la marche; un seul malade
était porteur de lésions spécifiques; l'immense majorité de
semblables paralytiques avait subi l'action d'autres causes de
paralysie générale. Il est rare qu'on soit amené à discuter l'in-
Archives, t. X. 27
418 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
fluence d'une psychose primitive comme cause de paralysie
générale; pour l'affirmer, i ! faut que la paralysie générale
succède directement à un trouble mental simple existant
depuis un temps plus ou moins long et alors, si ce dernier
existe depuis longtemps, on peut dire que la paralysie géné-
rale en est la complication, s'il n'existe que depuis peu, on
dira que la paralysie générale a pris à son début le masque de
la psychose primitive; mais que dire, lorsqu'il y a eu entre
une psychose simple et la paralysie générale un intervalle
normal de plusieurs années ? La paralysie générale chez la
femme est six fois moins fréquente que chez l'homme ; on
n'a jusqu'ici pas assez envisagé la grossesse et la ménopause ;
en revanche, il ne faudrait ni exagérer l'influence de cette
dernière, ni déprécier le rôle de la première.
II. Genèse des attaques congestives. Quel en est le point
de départ ? Comment se forment-elles ? C'est l'écorce grise qui
engendre les attaques épileptiformes ; celles-ci sont le résultat
d'un trouble purement fonctionnel. Ou bien il se produit une
modification de la nutrition qui entraine l'équilibre instable
des cellules nerveuses des centres moteurs; dès lors, une exci-
tation périphérique (plénitude de la vessie) ou intra-erânienne
(oedème cérébral, anomalies circulatoires) provoque la surac-
tivité des éléments anatomiques. Ou bien les mêmes éléments
entrent en jeu de par les altérations pathologiques (inflamma-
tion chronique, ramollissements , hémorragies sous-ménin-
gées, hématome de la dure-mère). Les attaques apoplectiformes
dérivent d'oscillations fréquentes dans la pression intra-céré-
brale du fait de la maladie elle-même. P. K.
XXII. CONTRIBUTION A L'HISTOLOGIE pathologique DE L'ÉCORCE
du cerveau CHEZ LES aliénés; par V. LlEBMANN. (Jahnbüch.
/. Psych., V, 3.)
Lès coupes sont les unes soumises à la dissociation dans une
solution de chlorure de sodium, les autres durcies dans l'al-
cool ou le liquide de Muller. Les agents de coloration sont :
le carmin, l'éosine, l'hématoxyline. On éclaircit parallèlement
dans l'essence de girofle et dans la glycérine; avant d'iutro-
duire dans la glycérine, on a soin de laver à l'alcool chaud
pour débarrasser des cristaux de cholestérine. C'est l'écorce
des circonvolutions ascendantes qui est ici surtout en jeu.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 419
La paralysie générale offre, comme altération la plus cons-
tante, une dégénérescence hyaline (colloïde) des cellules ner-
veuses ; premier stade : tuméfaction, trouble; hypertrophie,
gonflement de la cellule, hypertrophie du noyau arrondi et
parfois divisé en deux, il est rare que l'on constate concurrem-
ment la destruction moléculaire; deuxième stade : issue de la
substance hyaline, constituant des organites irréguliers, en
divers points de l'écorce, qui se colorent faiblement et se dis-
solvent aisément dans l'essence de girofle, recoquillement des
cellules, conservation des noyaux. Dans les premiers stades,
les vaisseaux, rarement en état d'hypergenèse nucléaire, pré-
sentent la dégénérescence hyaline des parois; on trouve des
masses hyalines périvasculaires (leucocytes émigrés dégéné-
rés). Enfin, plus tard, déliquium pulvérulent de la matière
hyaline. La formation de kystes se rattache à ces modifica-
tions. Peut-être les attaques congestives émanent-elles de
thromboses hyalines ? Dégénérescence hyaline de la névroglie,
du protoplasma de ses noyaux (organites de formes variables).
Pas de multiplication des cellules-araignées. Conclusion : La
paralysie générale est une encéphalite diffuse de l'écorce ayant
pour origine la dégénérescence hyaline. La dégénérescence
hyaline existe encore quelquefois de concert avec l'inflamma-
tion diffuse dans l'hypertrophie partielle se traduisant par
des phénomènes de compression cérébrale.
Observation d'épilepsie chez un jeune homme de dix-huit
ans. Sclérose de la corne d'Ammon ', dégénérescence grais-
seuse étendue des vaisseaux, thromboses hyalines, dégénéres-
cence hyaline des cellules de l'écorce englobant par places (ma-
cules) la substance blanche.
Observation de mélancolie grave : dégénérescence graisseuse
accompagnée de dégénérescence hyaline. P. K'.
XXIII. Deux cas DE méconnaissance pendant PLUSIEURS
années D'UNE maladie mentale (délire des persécutions avec
plaintes continuelles) CHEZ DES détenus ; par de KRAFFT-
. EBING (Jah7'büch. f. Psych., V, 3).
PREMIER cas. Condamnation à la prison perpétuelle pour
incendie. Homme de trente-neuf ans, condamné pour vol en
1 Voy. Archives de Neurologie, Mémoire de Sommer et thèse de Coul-
bault, t. III, p. 373 et|t. II., p. 246. '
420 REVUE DE pathologie mentale.
1873. L'acte commis fut considéré comme un acte de vengeance.
On disait encore que son caractère était belliqueux. Dans l'ins-
truction, il parle d'intrigues, de calomnie, de persécution. En
prison, réclamations, pétitions, mémoires insupportables. En
1882, sorte de recrudescence des mêmes allures. On soup-
çonne donc une maladie mentale. M. de Krafft-Ebing conclut
à l'aliénation non seulement depuis le temps de l'observation,
mais encore à l'époque où l'acte incriminé fut commis; il fait
remonter l'affection à un traumatisme céphalique(1872), qui
aurait donné un coup de fouet à un germe morbide originel.
Acquittement; transfert dans un asile d'aliénés.
Second cas. Condamnations répétées pour vol. Fait sem-
' blable ; transfert dans un établissement d'aliénés. P. K.
XXIV. Rapport rrEDICO-LÉGAL. Imbécillité, imposture, IRRES-
PONSABILITÉ ; par J. FRITSCIi. (Jahrbùch. f. Psych., V, 3.)
Anomalie de formation du cerveau et du crâne chez un
jeune chevalier d'industrie qui, sous un nom d'emprunt, avait
fait plusieurs dupes. P. K.
XXV. Du PRONOSTIC DE LA FOLIE CHEZ LES ALIÉNÉS QUI REFUSENT DE
manger; par Henry SUTBEIIL.1ND. (Journal of Mental Science,
juillet 1883).
Nous reproduisons ici les conclusions dérailleur, conclusions
qui, au cours de ce mémoire, sont respectivement appuyées sur
des faits. Suivant M. Sutherland, le pronostic est - 1. Favorable,
quand les aliments inspirent une certaine répugnance, mais ne
sont pas catégoriquement refusés; 1 a. Défavorable, quand il
y a refus persistant démanger. 2 a. Favorable lorsque la répu-
gnance à l'égard des aliments et le refus de manger relèvent
d'une cause somatique susceptible d'être supprimé ; - 2. Défet-
volable, lorsque cette cause somatique ne peutpas être supprimée;
défavorable surtout dans les cas de paralysie générale avec
complications organiques graves; 3. Favorable, lorsque le
refus de manger se manifeste au cours d'un premier accès de
folie. 3 a. Défavorable, si le refus est observé au second accès ou
dans les accès ultérieurs. 4. Favorable, si, après avoir été ali-
menté une fois artificiellement, le malade consent à se nourrir
spontanément; 4 cc. Défavorable s'il a été nécessaire de recourir
plus d'une fois à l'alimentation artificielle; en pareil cas, la gué-
rison mentale est d'autant moins probable qu'il a fallu recourir
plus souvent à l'alimentatation forcée; 5. Favorable, si la santé
REVUE de pathologie mentale. 421
et le poids du malade ne se modifient que d'une façon peu sen-
sible. 5 a. Défavorable, si le malade maigrit en dépit de l'ali-
mentation quotidienne à la sonde; les cas de ce genre marchent
d'ordinaire vers une terminaison rapidement fatale; 5 b. Défa-
voruble aussi, du m'oins au point de vue de la guérison mentale,
lorsque le malade engraisse trop sous l'influence de l'alimenta-
tion, car alors il aboutit à la démence; 6. Favorable, quand le
malade a le désir de guérir; 6 a. Défavorable, lorsque les idées
de suicide sont persistantes; 7. Favorable, si l'on a recours de
bonne heure au traitement pharmaceutique et à l'alimentation;
- la. Défavorable, dans le cas contraire.
Enfin nous devons mentionner une dernière conclusion, par
laquelle l'auteur termine son intéressant mémoire; elle est ainsi
formulée : « La valeur thérapeutique de la nourriture que l'on
introduit de force dans l'estomac d'un malade dépend beaucoup
plus de l'état même du malade que du mode d'administration ou
de la nature des aliments. » R. M. C.
XXVI. Méningite tuberculeuse chez des aliénés adultes; par W. Ju-
lius llIICLE. (Journal of Jlental Science, juillet 1883.)
L'auteur a pu observer quatre cas de méningite tuberculeuse
chez des aliénés adultes (hommes); les observations détaillées de
ces quatre cas sont consignées dans ce travail, ainsi que les
constatations faites à l'autopsie; on se bornera à signaler ici,
d'après l'auteur lui-même, les points les plus saillants de ces
quatre cas intéressants.
Dans le premier cas, il s'agit d'un malade qui, après avoir
présenté les symptômes de la phthisie et une pleurésie, avait
guéri ; plus tard, la tuberculose reparut, la santé générale s'altéra
sou ? l'influence de lésions intestinales qui furent constatées après
la mort; le malade mourut d'une méningite tuberculeusesiégeant,
comme d'habitude, à la base.
Dans le second cas, une méningite, siégeant principalement à
la base, était venue s'ajouter à des signes de tuberculose pulmo-
naire : outre les lésions delà méningite tuberculeuse, on trouva
à l'autopsie des tubercules dans les poumons, dans la plèvre,
des fausses membranes pleurétiques anciennes, et dans le péri-
toine ; on rencontra également des nodules tuberculeux dans la
rate; enfin les ganglions bronchiques étaient augmentés de
volume, indurés et caséifiés.
Dans ces deux cas, qui forment un premier groupe, la ménin-
gite ne s'est pas comportée absolument comme elle a coutume de
1e faire chez les adultes non aliénés; c'est ainsi que chez ces
deux malades la durée de la maladie a été exceptionnellement
z32 REVUE DE pathologie mentale.
courte et le coma' très précoce, et que, chez l'un d'eux, on n'a
constaté aucun ralentissement du pouls.
Le troisième malade était atteint de phthisie chronique avec
cavernes, de tuberculisation mésentérique, d'altérations tuber-
culeuses légères de l'intestin grêle, et de tuberculose rénale au
début. A l'intérieur du crâne, on ne trouva de tubercules que sur
la convexité du cerveau; mais les ventricules latéraux étaient
remplis d'uu liquide séreux louche et les tissus voisins étaient
très ramollis. Chez ce malade, les symptômes cérébraux à la lin de
la vie étaient très marqués, mais non caractéristiques. La respi-
ration de Cheyne-Stokes modifiée, telle qu'on la rencontre quel-
quefois dans la méningite tuberculeuse de la base. existaitici,
bien qu'il n'y eût point de tubercules à la base, et que les signes
d'inflammation fussent très peu marqués. La zone dite corticale
motrice était atteinte dans une certaine mesure, et cependant on
ne constata ni spasmes localisés, ni convulsions, ni paralysie;
l'impossibilité de se tenir debout, constatée les deux derniers
jours de la vie, paraissait due à un relâchement musculaire gé-
néral et à l'état aslhéuique du malade. Enfin les centres corti-
caux auxquels on rattache la vision étaient considérablement
atteints, sans qu'aucun symptôme saillant ait été constaté du
côté de la fonction visuelle.
Dans le quatrième cas, les tubercules méningés visibles étaient
limités aux lobes pariétal, occipital et temporo-sphénoïdal du
côté droit; ils suivaient donc surtout la distribution des branches
de la cérébrale postérieure droite, bien qu'à la vérité on en ren-
contrât quelques-uns dans les régions alimentées par les branches
pariétales antérieure et postérieure de la cérébrale moyenne
droite. Sans être unique, cette distribution unilatérale et bien
localisée des tubercules, est rare. Il existait aussi des signes d'irri-
tation,peut-êtremêmed'intlammation légère à labase. On Irouva
des tubercules, sous diverses formes, dans les poumons, la
plèvre, la rate, le rein gauche, ainsi qu'au voisinage du pan-
créas, dans les ganglions abdominaux. Chez ce malade, les
symptômes cérébraux avaient été de courte durée; les symptômes
moteurs avaient fait complètement défaut. Il convient de noter
aussi que des hallucinations, très vives et de très longue durée, de
l'ouïe et du tact ont coïncidé, dans ce cas, avec des lésions très
accentuées du centre cortical de l'audition du côté droit et des
régions contiguës au centre du loucher du même côté; d'autre
part, bien que le pli courbe du côté droit fût atteint, aucun
symptôme visuel ne fut constaté; on n'observa pas non plus de
symptômes moteurs, bien que la zone corticale motrice du côté
droit fût envahie. Ici, comme dans le cas précédent, il va sans
doute lieu de tenir compte du moins de production des tuber-
REVUE DE thérapeutique. 43
cules, et de la tolérance dont les tissus font parfois preuve à leur
égard. '
Ce qui distingue surtout les deux cas de ce second groupe,
c'est que les symptômes cérébraux ne se sont manifestés que
consécutivement à des lésions pulmonaires avancées, c'est que le
processus inflammatoire n'a été que peu marqué et n'a guère
présenté que des caractères de début, c'est enfin que des symp-
tûmes cérébraux bien accusés n'ont été nulle part accompagnés
d'une paralysie rigoureusement localisée. R. M. C.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE
VIII. DE la caféine dans SES rapports avec la chaleur animale, et
envisagée par opposition A l'alcool; par W. BEVAN LEWIS,
(Journal of Mental Science, juillet 1883.)
Nous ne pouvons ici ni entrer dans le détail des expériences
assez compliquées de l'auteur, ni reproduire les intéressants ta-
bleaux qui accompagnent son mémoire; nous devons par consé-
quent nous borner à reproduire ses conclusions qui sont les sui-
vantes : la caféine et l'alcool possèdent une propriété commune,
celle d'accroître dans une large mesure la production normale
de la chaleur; mais ces agents diffèrent sur un point très impor-
tant : en effet, tandis que l'alcool, grâce à une décharge excessive
et prolongée de chaleur, abaisse considérabiementia température
du corps, la caféine, en conservant la chaleur, tend à rétablir
rapidement la température normale.
L'auteur ajoute que si l'on administre des doses élevées et
associées de caféine et d'alcool, on constate nettement qu'un
stade précoce, caractérisé par une diminution de production de
la chaleur, précède l'augmentation de la thermogénèse; d'autre
part, l'abaissement de tempe, attire qui caractérise l'action de l'al-
cool, est plus ou moins tenue en échec par l'action antagoniste
de la caféine.
On voit aisément combien sont utiles les données que four-
nissent à la thérapeutique ces constatations physiologiques.
R. M. C. ,
424 REVUE DE thérapeutique.
IX. Rapport SUR L'ENSEIGNEMENT EN masse DES enfants
PAUVRES DE L'ÉCOLE QUI BÉGAIENT ET BALBUTIENT, DANS UN
BUT curatif; par BERKHAN. (Arch. f. Psych., XV, 2 '.)
Vingt-sept enfants, garçons ou filles, ont été confiés à des
professeurs d'articulation presque tous employés chez les
sourds-muets. L'instruction des balbutieurs consiste en un
enseignement théorique et pratique d'articulation, soit pour
les sons qui leur manquent, soit pour les sons défectueux.
Les bégayeurs sont exercés pendant dix minutes à fléchir la
tète (quatre à six fois), à décrire des cercles divers avec elle
(quatre à six fois), à exécuter une quarantaine de fois des mou-
vements giratoires variés avec les bras, à jeter ces membres en
avant ou en arrière, à faire subir au tronc la même gymnas-
tique, pour régulariser le jeu du soufflet thoraco-pulmonaire et
lui donner de l'ampleur ; le reste de l'heure est consacré à
l'articulation. L'enseignement commença le 8 août 1883 et
fut terminé au bout de douze à quinze semaines. Le 20
novembre, on procédait à l'examen des enfants. Il est intéres-
sant de lire, par le menu, les rapports remis à M. Bcrkhan
par les professeurs chargés des petits groupes confiés exclusi-
vement aux soins de chacun d'eux (allures des enfants, ma-
nière de faire des instituteurs, graduation de la technique).
En fin décompte, sur les vingt-sept malades, il y a eu six amé-
liorations, une aggravation, vingt guérisons. Sur les vingt
guéris, quatre sont des balbutieurs, seize sont des bégayeurs;
sur les seize bégayeurs guéris, six présentaient cette infirmité
à un haut degré, neuf à un degré moyen, un à un faible degré.
Les six améliorés bégayaient à un haut degré. Il a fallu pour
les quatre balbutieurs, quinze semaines à six heures de leçon
par semaine; pour les bégayeurs on a dû donner neuf semaines
au moins, quinze semaines au plus, du même temps. Un nou-
vel examen pratiqué par M. B... au mois de mars, c'est-à-
dire plus de trois mois après les résultats, révélait une rechute
chez deux enfants (fillette et garçon présentant du bégaiement
à un haut degré) ; chez six, il y avait tendance à la récidive. On
leur fera un second cours. P. K.
1 Voy. Archives deNeurofugie, t. VIII, p. 328.
REVUE DE thérapeutique. ' 125
X. LE MODE d'action thérapeutique dissemblable DES DEUX
SORTES DE COURANTS ÉLECTRIQUES ET L'EXAMEN ÉLECTRO-
DIAGNOSTIQUE du champ visuel; par C. ENGELSKJON. (Arch.
f. Psych., XV, 2.)
C'est la première partie du travail dont nous avons déjà con-
signé in extenso les conclusions'. Le sous-titre « Traits p1'in-
cipaux de la description » explique qu'il ne s'agit encore que
d'une communication provisoire (voy. paragraphe final). L'in-
troduction, les chapitres premier (mode d'action dissemblable
des deux sortes de courants) et cinq (effets des deux sortes de
courants électriques dans l'électrisation de la peau) se résument
comme il suit. Premier exemple : Une femme atteinte de
dilatation vasculaire des mi11ns (érythromélalgie) est soumise
au courant continu, elle guérit; l'électrisation faradique
entraîne une aggravation. Deuxième exemple : une femme
atteinte de contraction spasmodique des vaisseaux cutanés
(asphyxie locale) voit son mal s'aggraver par les courants
constants; elle guérit sous l'influence des courants faradiques.
L'électrisation, par quelque genre de courants que ce soit, des
nerfs du bras, ne produit, chez aucune de ces malades, aucun
changement; chaque courant agit donc spécifiquement suivant
tel ou tel genre d'affections, mais exclusivement sur les appa-
reils vaso-moteurs locaux. L'action spécifique de chaque sorte
de courants est encore prouvée par le traitement électrique de
la migraine ; chacun d'eux n'agit pas indifféremment sur l'hé-
micrânie vaso-constrictrice et sur l'hémicrânie vaso-dilatatrice.
Remarquons qu'on place dans ces cas un électrode à la
nuque et l'autre au niveau du larynx, et qu'on fait intervenir
une force de courant insuffisante pour produire une contrac-
tion musculaire. Les mêmes effets se produisent dans toutes
les formes possibles de neurasthénie cérébro-spinale, dans les
régions seules où il y a des cellules ganglionnaires (inaction
des conducteurs nerveux). Le chapitre II traite du p ! iéno-
mène vaso-moteur réflexe paradoxal. Toute neurasthénie céré-
brale, dit M. Engelskjôn, toute céphalalgie, tout vertige,
tout étourdissement qui s'accompagne en même temps de
symptômes spinaux, indique qu'il y a action réflexe sur la
moelle, d'où l'utilité d'appliquer au cerveau telle sorte de cou-
1 Voy. Archives de Neurologie, t. X, p. 104.
426 - REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
rants, à la moelle telle autre sorte d'électricité. Même action
réflexe de la queue de cheval par rapport à l'axe médullaire.
Le chapitre III est intitulé de la névrose électrique. Quand
on a longtemps électrisé les organes centraux, ils souffrent, et
cette souffrance se traduit par certains phénomènes; ces phé-
nomènes en imposent air praticien. D'où la nécessité de
toujours attendre, avant de formuler'son pronostic, quelques
jours après la fin d'une cure électrique. Chapitre IV. Exa-
men électro-diagnostique du champ visuel. Quinze xamens sont
la source originelle de cette conclusion qu'un courant à action
thérapeutique positive amplifie le champ visuel, tandis qu'un
courant à action thérapeutique négative rétrécit le champ
visuel. Par conséquent, étant donné un malade, examinez son
champ visuel sous l'influence des courants continus ou induits,
vous trouverez ainsi l'agent qui agira favorablement sur lui.
Mais il faut éviter que la force du courant ne soit telle qu'il
se produise de l'irritation cutanée, sinon la proposition n'est
plus vraie. - Chapitre V. L' Importance des facteurs éliolo-
giques pour le choix des deux sortes de courants. Mode d'action
de certains médicaments. Un bain froid agit comme un courant
galvanique; un bain chaud, comme un courant faradique.
Placez les mains d'un névropathe dans l'eau froide ou dans
l'eau chaude, et examinez son champ visuel : vous obtiendrez
les mêmes effets que si vous faisiez agir un courant à action
thérapeutique positive ou un courant à action thérapeutique
négative; l'eau froide = galvanique, l'eau chaude = faradique.
Aux névroses issues de dépressions morales (frayeurs, afflic-
tion, chagrin), il faut les courants induits; il en est de même
pour l'intoxication nicotinique (trois cas). Aux affections en
rapport avec le surmenage cérébral ou musculaire, avec les
fatigues physiques, on opposera les courants continus. Dans
l'espèce, il n'y a à se préoccuper ni du choix des pôles, ni du
sens des courants. P. K.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUG
Séance du 30 mars 1885. Présidence DE M. OAGONET.
)1. REY lit une note sur le poids des hémisphères cérébraux. Ces
recherches portent sur 235 pesées de cerveaux d'hommes et i-16 de
femmes faites par Broca. Elles donnent en grammes comme
moyenne chez les hommes 556,4 pour l'hémisphère droilet HH5,7
pour le gauche; chez les femmes Ir7-I,° ? pour l'hémisphère droit et
z7-1,4 pour le gauche. Il y a donc entre chaque hémisphère une
légère différence en faveur du droit, ce qui concorde avec les
faits connus. La différence maxima observée chez le même indi-
vidu a été de 18 grammes pour un homme et de 16 grammes pour
une femme; cet écart est par conséquent bien inférieur à celui
qu'on rencontre chez certains aliénés, et en particulier les dé-
ments.
L'influence de l'âge sur le poids du cerveau ne s'exerce pas de
la même façon dans les deux sexes : chez l'homme le cerveau
acquiert son maximum entre vingt-cinq et trente-cinq ans, tandis
que chez les femmes le développement est plus précoce; c'est en
effet entre vingt et trente ans que les femmes ont le cerveau le
plus lourd. Le poids croit avec la taille. Une étude particulière
des cerveaux les plus lourds de 1,500 à 1.600 grammes et au-
dessus provenant des registres de Broca et d'un certain nombre
de pesées faites par M. Rey chez des aliénés donne ce résultai
intéressant que les individus sains d'esprit et doués de cerveaux
exceptionnels succombent pour la plupart avant l'âge de qua-
rante ans et ne se retrouvent pas dans les hôpitaux ordinaires,
tandis que les aliénés doués de pareils cerveaux ont généralement
dépassé cet âge. ? j'est-on pas autorisé à tirer cette conclusion :
Beaucoup d'individus porteurs de très gros cerveaux ne sur-
vivent que pour échouer dans les asiles d'aliénés.
M. Lunier fait observer qu'il y aurait intérêt pour tirer quelque
profil de ces pesées, de procéder par séries comprenant d'un côté
les vésaniques de l'autre les cérébraux. Il rappelle à cette occasion
428 SOCIÉTÉS SAVANTES.
qu'il y aura en octobre, à Rome. un congrès anthropologique au
point de vue de la crâniologie criminelle avec exposition de pièces
anatomiques.
M. Féré. Permettez-moi d'insister sur deux points particuliers
delà communication de M. Hey. Chez les femmes, dit-il, le cerveau
acquiert plus tard son maximum de développement et son atro-
phie commence plus tôt. Cette proposition,qui mériterait de s'ap-
puyer sur des taits plus nombreux concorde avec d'autres faits
relatifs à l'évolution du squelette et sur lesquels j'ai insisté à plu-
sieurs reprises : l'évolution de l'os est plus précoce dans les points
où l'évolution a été la plus tardive et c'est dans ces régions que
l'atrophie se manifeste tout d'abord.
Quant à la remarque que les sujets à gros cerveau disparaissent
après quarante ans dans les hôpitaux ordinaires, tandis qu'on les
retrouve encore dans les asiles d'aliénés, elle serait surtout impor-
tante si on pouvait en donner une explication satisfaisante. Les
hommes à gros cerveau disparaissent-ils par le fait d'une mort
prématurée, ou bien acquèrent-ils d'ordinaire une position
sociale qui leur permet d'éviter l'hôpital, quand ils ne deviennent
pas aliénés ?
M. Foville donne lecture d'un travail de M. Parant, sur la simu-
lation des maladies mentales.
Des signes physiques intellectuels et moraux de la folie hé1'édi-
tai1'c. - M. FALIl.ln. Il me semble que question des signes spéciaux
des folies héréditaires pourrait faire revivre les anciennes discus-
sions si intéressantes de notre société. Les leçons de M. Magnan et
notamment sa dernière communication àl'Académie rentrentdans
cet ordre d'études. Deux grandes dissidences régnent ici à ce sujet :
Les uns pensent que l'héréditéjoue un très grand rôle dans l'alié-
nation mentale, mais qu'elle n'exprime aucun cachet à l'aliéné;
d'autres, comme Morel, admettent des folies héréditaires, c'est-à-
dire avec des stigmates et des .signes particuliers. L'hérédité a
aussi donné lieu à des statistiques dont les conclusions divergent.
Je me bornerai à vous exposer quelques considérations générales
pour provoquer la discussion.
Historique. L'ouvrage de M. Lucas a marqué une époque
nouvelle dans l'étude de l'hérédité au point de vue physiologique
et pathologique. Moreau (de Tours) a étudié l'hérédité dans ses
applications aux différentes formes d'aliénation mentale. Morel a
établi des lois générales et, malgré ses obscurités et ses aperçus
vagues, il a ouvert une voie nouvelle en étudiant les transforma-
tions de l'hérédité morbide.
Y a-t-il des stigmates physiques, intellectuels ou moraux chez
les descendants d'aliénés ? Les aliénés héréditaires ont-ils un cachet
SOCIÉTÉS SAVANTES. 429
spécial ? C'eslla question sur laquelle je veux insister en tâchant
d'éclaircir ces deux points principaux : Quelle est l'empreinte de
l'hérédité dansles maladies mentales ? Y a-t-il des formes mentales
caractéristiques héréditaires ?
De la paralysie générale. La paralysie générale a été étu-
diée comme une maladie individuelle et diverses natures étiolo-
giques ont été d'abord indiquées pour en expliquer les causes en
dehors de l'hérédité; plus tard, l3aillarger (mémoire de 1847) et
Lunier ont fait intervenir l'hérédité congestive : depuis, on a
admis des paralysies générales d'origine vésanique; aujourd'hui,
au point de vue de la cause, on admet,trois espèces de paralysies
générales : spontanées, congestives, vésaniques.On a dit, de plus,
que ces paralysies générales héréditaires avaient comme caractères
spéciaux une plus longue durée des rémissions fréquentes et
qu'elles se présentaient souvent sous la forme circulaire.
Alcoolisme. « N'est pas alcoolique qui veut, » a dit Lasègue; on
peut être ivrogne à volonté, mais non pas alcoolique sans prédis-
position spéciale. Il est reconnu aujourd'hui que les alcooliques
sont des héréditaires. Cette hérédité se manifeste de plusieurs
façons : les uns sont sensibles à la moindre dose d'alcool, les
autres ne peuvent s'enivrer et résistent aux plus fortes doses; en
sorte que l'alcoolisme lui-même est soumis à l'hérédité morbide.
Morel l'a démontré à l'aide de faits nombreux et il établit que les
alcooliques aboutissent à la dégénérescence et à la stérilité.
Délire de persécution. Cette expression, inconnue autrefois, à
peine indiquée dans Esquirol, a été mise en relief par Lasègue.
C'est une maladie fréquente, caractérisée au début par de simples
interprétations délirantes; survient la période d'hallucination de
l'ouie, puis s'ajoute la systématisation dans laquelle les halluci-
nations des autres sens s'accompagnent d'autres interprétations
délirantes, le tout pour aboutir à la mégalomanie. On n'a pas
suffisamment distingué le délire de persécution sans hallucina-
tions des persécutés hallucinés. Lasègue a dit que ceux. qui per-
sonnifient leur délire sont plus dangereux que les autres parce
qu'ils deviennent persécuteurs. Mais il n'a pas assez élabli que ces
aliénés persécuteurs n'ont jamais d'hallucinations; ce ne sont
pas les persécutés de nos asiles; ils font des mémoires, soulignent
les mots, ont des formes de langage particulières, s'adressent aux
autorités; ils n'ont pas d'hallucinations, ce sont des fous raison-
nants ; ce sont des héréditaires.
Epilepsie. Lasègue a admis que l'épilepsie vraie reposait sur une
déformation crânienne de la base, datant de la naissance. Per-
sonne ne peut nier que l'épilepsie ne soit héréditaire, mais il a
été établi que son hérédité n'est pas toujours similaire; il n'y a
que 7 à 8 p. 100 d'hérédité similaire, ce qui donnerait raison à
430 SOCIÉTÉ* S \ VANTES.
Lasègue quand il disait que l'épilepsie n'était pas constamment
héréditaire. Moreau (de Tours) avait d'ailleurs déjà dit que les
épileptiques sont des fils d'alcooliques. Certains épileptiques sont
des fils d'alcooliques. Certains sont aussi fils d'aliénés. L'épilepsie
héréditaire a son empreinte : l'état convulsif est moindre, le ver-
tige plus accentué ; -la forme larvée appartient de préférence à
l'épilepsie héréditaire.
Hystérie. Les hystériques, au point de vue de leurs ascendants,
rentrent dans la loi de Morel et présentent aussi la prédominance
des formes vertigineuses et frustes sur les phénomènes cunvul-
sifs et ne présentent que les caractères isolés de l'hystérie : clous,
ovarie, etc.
Hypochondrie. Les hypochondriaques par hérédité ont des idées
absurdes, étranges, sur la nature et la cause de leur mal, bizarres
sur la pathogénie; ils croient, par exemples, que leur sperme
circule avec leur sang.
Toutes les formes d'aliénation mentale portent donc l'empreinte
de l'hérité et, de plus, cette hérédité imprime des marques carac-
téristiques à chaque forme héréditaire. Ces aliénés présentent dès
l'enfance une foule de signes tels que l'asymétrie du crâne et de
la face, strabismes, tics de la face, bégaiement, hec-du-lièvre.
Chez ces prédisposés, ces stigmates se retrouvent dans toutes les
parties du corps, dans la démarche, dans les organes génitaux
(pieds bots, hernies). A côté de ces .lignes physiques il y a des
signes intellectuels, comme des inégalités énormes dans le déve-
loppement des facultés; certains sont brillants, poètes, calcula-
teurs, peintres, sculpteurs; ils ont une mémoire prodigieuse; ce
sont des génies partiels, d'après Féli, Voisin, et à côté de cela ils
ont des instincts vicieux, sont réfractaires à toute éducation,
indisciplinables et incapables de se conduire. C'est au moment
de la puberté que ces caractères s'accusent. On voit survenir des
accidents convulsifs. choréiformes ou délirants qui déroutent le
diagnostic et simulent une méningite. L'évolution de la puberté
est lente, difficile dans les deux sexes, et n'a pas été asez étudiée.
C'est à ce moment que s'opère la bifurcation : les uns deviennent
idiots et imbéciles, les autres tendent vers la folie raisonnante et
le délire des actes. Ceux-ci s'engagent, changent de positions, se
l'ont condamner, passent pour des excentriques ou se font en-
fermer, deviennent la source d'une foule de contestations et
passent leur vie entre la liberté et les asiles.
Ce qui est intéressant, c'est d'étudier les signes physiques qui cor-
respondent à ces troubles intellectuels et moraux. Si ces aliénés ont
l'air d'individus normaux à certains intervalles, les signes phy-
siques n'en persistent pas moins, ainsi que M. Legrand du Saulle
l'a établi et que M. Magnan vient de l'exposer à l'Académie de
SOO'HTÉS Suantes. 431 i
médecine. Ce sont des anomalies génitales dans tous les temps
de l'acte génital en plus ou en moins, excès de salacité ou divers
degrés d'impnissance. Ceci est souvent difficile à obtenir dans les
confidences des malades ou de leurs familles. Les traités de l'im-
puissance et de la stérilité contiennent des faits très intéressants
mais mal interprétés; il y a des crises et des accidents cérébraux
subits à apparence grave, mais d'un pronostic moins sérieux.
Toutefois, ces crises cérébrales sont souvent un des modes de
terminaison de tous ces héréditaires.
Ainsi, à la naissance, dans l'enfance, à la puberté, plus tard et
jusqu'à la mort, ces aliénés héréditaires se comportent donc
autrement que les autres aliénés.
Un important caractère sur lequel M. Magnan a insisté, c'est
le développement subit des conceptions délirantes qui surgissent
d'un jour à l'autre au milieu d'un état général qui ne parait pas
comporter un tel élément. Ce sont, par exemple, des idées de
grandeur absurdes, survenant tout à coup et disparaissant de
même. Morel n'avait pas insisté sur ces faits que M. Magnan a
bien mis en lumière.
En dehors du rôle général de l'hérédité comme cause d'aliéna-
tion mentale, il y a lieu d'étudier les formes qui portent plus
spécialement le cachet de l'hérédité : la forme raisonnante, les
formes intermittentes et périodiques, la folie circulaire, la folie
avec conscience, la folie du doute, etc. Il y a encore lieu de dis-
tinguer des variétés dans le groupe des folies héréditaires et c'est
cette analyse qui contribuera le plus au progrès de l'aliénation
mentale.
Séance du 27 mai <885. Présidence uc M. UAGONET.
M. ltlrw, secrétaire général de la Société, prononce en termes
élevés un éloquent éloge de Lasègue.
Séance du il juillet 18851. - Présidence de M. DAGONET.
Le président donne lecture de plusieurs lettres de différents
membres de la société qui s'excusent de n'avoir pu assister à la
séance d'inauguration de la statue de Pinel. Parmi ces lettres, il
s'en trouve une de M. Henri Bonnet, auquel il vient d'arriver un
grave accident. Notre confrère a en effet été frappé dans la région
orbitaire par un aliéné qui l'a fort maltraité. Le coup a été si
' Les deux séances de mai et de juin ont déjà été publiées dans les
Archivot, p. 111 et 242.
432 SOCIÉTÉS SAVANTES.
violent qu'il a déterminé un oedème papillaire avec suffusions
sanguines dans la gaine du nerf optique.
M. Magnan. Dans la séance du 27 avril dernier, M. Jules Falret
a exposé avec sa netteté habituelle l'état de la question sur la folie
héréditaire. Il a indiqué les diverses opinions en présence. Pour
quelques auteurs, l'hérédité joue un grand rôle dans l'étiologie,
mais seulement à titre de cause prédisposante. Pour d'autres,
l'hérédité fait sentir son influence sur les diverses formes mentales,
leur laisse son empreinte et leur donne une physionomie spéciale.
C'est ainsi que les paralytiques généraux, les alcoolisés, les persé-
cutés, les épileptiques, les hystériques, les hypochondriaques
offrent des caractères particuliers quand ils sont tous le coup de
cette influence héréditaire. Enfin', pour beaucoup de médecins,
aujourd'hui il existe une folie héréditaire indépendante des
autres formes mentales. Il va sans dire que les malades atteints
de folie dite héréditaire, expression assurément impropre, que
nous conservons parce qu'elle est déjà adoptée par plusieurs
auteurs, il va sans dire que ces sujets n'ont pas le monopole des
influences héréditaires, le privilège exclusif de devoir aux ascen-
dants les dispositions névro ou psychopatiques qu'ils présentent.
L'hérédité, en effet, exerce son action, rayonne sur toutes les
manifestations de la folie, sur toutes les formes vésaniques;
qui dit psychoses, dit maladies éminemment héréditaires, mais
l'influence de l'hérédité s'exerce à des degrés différents dans la
folie héréditaire, la folie intermittente, le délire chronique. Les
héréditaires, dès la naissance, offrent la marque de leur origine :
des stigmates physiques, des stigmates psychiques, qui les font
reconnaître parmi tous les autres aliénés. De très bonne heure,
parfois dès l'âge de quatre ou cinq ans, avant méme qu'une édu-
cation vicieuse ait eu le temps de les influencer et* de les modifier,
ces jeunes sujets peuvent présenter des obsessions, des impulsions,
des anomalies intellectuelles et morales, des étrangetés qui les
distinguent et qui les rangent, sans conteste, dans une classe à
part. Les exemples de ce genre sont très nombreux. Je me rap-
pellerai, parmi les faits publiés dans les anomalies sexuelles', le
cas du professeur de faculté, atteint d'inversion du sens génital,
qui, dès l'âge de cinq ans, présente comme stigmate psychique
un entraînement inexplicable au vol; à six ans, une voluptueuse
curiosité pour les nudités masculines, un attrait irrésistible pour
les garçons; plus tard, l'impulsion qui le poussait à compter et
recompter plusieurs fois de suite les fleurs, les ligues, les clous,
les carrés, les petits détails d'une tapisserie, d'un écran, d'un
4',\lagnan.-Des anomalies, des aberrations et des perversions sexuelles,
Progrès médical, 1884.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 433
plafond. Notez bien ces différents syndromes épisodiques : klepto-
manie, aberration sexuelle, àrithmomanie. Nous verrons plus tard
quelles relations existent entre ces différents phénomènes, à pre-
mière vue si disparates et si éloignés les uns des autres. Le malade
de NI. Blanche, atteint d'anomalie sexuelle, était, dès l'âge de
six ans, obsédé pour les clous de souliers de femme. Et cet autre
dégénéré, dont la frigidité cessait à l'évocation de la tête ridée
d'une vieille femme; ce dégénéré avait commencé dès l'âge de
cinq ans à être subjugué par cette grotesque obsession. Il a eu
plus tard la crainte des lieux élevés et des idées de suicide.
Je n'insiste pas, car chacun de vous a eu l'occasion de voir de
jeunes dégénérés en proie à des obsessions, à des impulsions, à
des troubles psychopathiques de diverse nature et M. Briand nous
en communiquait à la dernière séance un certain nombre d'in-
téressants exemples. M. Falret a passé en revue les caractères
propres de la folie héréditaire. Il a rappelé d'abord les stigmates
physiques, bien connus depuis M. Morel, et à leur propos j'ajou-
terai simplement qu'il n'est pas rare de trouver, chez des hérédi-
taires à conformation extérieure régulière, des anomalies du fond
de l'oeil, faciles à constater avec l'ophthalmoscope; des pigmenta-
lions irrégulières, des amas pigmentaires de la choroïde ; l'insertion
irrégulière cette membrane au pourtour du nerf optique ou des
fissures choroïdiennes donnant lieu à des colobomas qui laissaient
apparentes des parties plus ou moins étendues de la sclérotique;
on voit encore l'émergence irrégulière de Tarière centrale de la
rétine qui nait parfois sur le limbe de la papille et généralement
dans ces cas celle-ci est ovalaire et plus ou moins déformée. Enfin,
quelquefois on aperçoit, munies de leur gaine de myéline, des
faisceaux de fibres qui s'épanouissent en forme d'aigreltes, d'un
blanc nacré au delà de la papille. Ces anomalies n'entraînent
pas habituellement de troubles sensibles de la vision; mais, de
même que l'adhérence du lobule de l'oreille, l'hypospadias ou le
doigt palmé, elles sont la traduction des déviations nutritives.
Les symptômes psychiques ont été décrits avec beaucoup de
soin; M. Falret a fait ressortir les inégalitiés intellectuelles des
héréditaires, la prédominance chez eux de certaines facultés;
l'influence sans contre-poids des instincts; notre distingué col-
lègue nous a entretenus ensuite de la double tendance qui se
dessine chez eux à la puberté : les uns, les apathiques, descendent
insensiblement la pente intellectuelle; les autres, les raisonnants,
marchent vers la folie des actes et conservent toute leur lucidité.
C'est bien là l'état mental de l'héréditaire, mais qu'il me soit
permis de vous soumettre quelques réflexions sur cette déshar-
monie et ce défaut d'équilibre des facultés. Pour se faire une idée
nette de l'état mental des héréditaires, il est indispensable de
suivre le développement successif de l'intelligence depuis la
Archives, t. X. 28
434 SOCIÉTÉS SAVANTES.
dégradation complète de l'idiot jusqu'aux simples anomalies
otfei,Les par les héréditaires. Les idiots les plus dégradés, ceux qui
sont au plus bas degré de l'échelle, se trouvent dénués de toute
perception sensorielle; ils ne flairent pas, ils ne goûtent pas, ils
voient sans regarder. ils entendent sans écouter et leur vie,
purement végétative, est réduite aux simples réflexes. Pourquoi
»ont : ils aussi relégués dans la moelle ? C'est que des lésions patho-
logiques ont annulé l'action cérébrale. Ces lésions cérébrales
(ramollissements, hémorragies, scléroses circonscrites ou diffuses,
à processus tantôt primitifs, tantôt secondaires, inflammations
méningées ou ventriculaires avec hydrocéphalie, tumeurs, etc.)
offrent suivant les sujets des variétés infinies comme distribution,
comme étendue et c'est ce qui explique la multiplicité d'aspect de
l'état mental de l'idiot dont les aptitudes s'étendent, se com-
plètent à mesure que le territoire devient libre sur la zone des
centres sensoriels et des instincts.
Cette vaste région, située en arrière de la pariétale ascendante,
et des plus importantes, puisqu'elle est la base organique de nos
souvenirs; c'est dans les différents centres qui la constituent que
se trouvent déposées les images mnémoniques de toutes nos
impressions sensorielles, et c'est là que les centres supérieurs
viennent puiser les matériaux nécessaires à l'élaboration intellec-
tuelle, à la formation des idées; ces images passant en avant,
dans la région frontale, deviennent des schémas, les signes repré-
sentatifs de la pensée. Cette région postérieure est le siège des
appétits et des instincts; aussi, tant que la région frontale reste
fermée, le sujet est voué à l'idiotie; il jouit, en effet, de l'exercice
de ses sens, mais sans le contrôle ni le pouvoir modérateur
qu'exerce la région antérieure (les centres supérieurs); il se
montre gourmand, voleur, enclin à une dégoûtante salacité, il
est spino-cérébral postérieur, en un mot, il est purement instinc-
tif. Dès que la région frontale devient libre, le sujet franchit
cette limite postérieure, il commence à pénétrer dans le domaine
de l'idéation, du contrôle, il cesse alors d'être idiot et s'élève à la
dignité d'imbécile. :
Il n'est pas difficile de comprendre que ces dégénérés puissent,
grâce à l'intégrité de l'un de ces centres (ouïe, vue, toucher, etc.),
présenter certaines aptitudes qui, par une culture patiente,
finissent par acquérir un développement d'autant plus surprenant
qu'il tranche sur la stérilité des autres facultés. Quand les dégé-
nérés s'élèvent jusqu'à l'imbécillité, la débilité mentale, ces dis-
positions, ces aptitudes sont encore plus sailiantes, et c'est ainsi
que Félix Voisin a pu avec raison qualifier de génies partiels cer-
tains idiots, c'est ainsi que nous voyons l'imbécile ou l'idiot
dessinateur, musicien, sculpteur, danseur, calculateur, l'idiot écho,
suivant que ces sujets ont conservé l'intégrité des centres percep-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 435
tifs ! de la vue, de l'ouïe, du toucher, etc. Le sens musical, en
effet, la notion du coloris réclament l'intégrité de la première
temporale, du pli courbe; l'habileté, la dextérité des mains,
l'harmonie des mouvements, ne peuvent s'obtenir qu'avec une
région psycho-motrice entièrement libre. i 8
Il résulte de tout ceci que l'intelligence n'est pas uniformé-
ment atteinte dans ces dégénérescences; au milieu d'un sol'
stérile nous trouvons des aptitudes, des talents particuliers variant
suivant les sujets. Pourquoi n'y a-t-il pas-une idiotie, pourquoi
n'y a-t-il pas une imbécillité, comme nous avons une paralysie
générale avec des caractères essentiels, constants, toujours les' `
mêmes ? C'est que, dans la paralysie générale, la lésion orga-'
nique est une et identique, une encéphalite chronique intersti-
tielle, diffuse, généralisée à marche progressive. Il n'en est pas de
même dans l'idiotie, dans l'imbécillité, ce n'est pas, nous l'avons
vu, uue seule et même lésion organique qui produit ces dégéné-'
rescences, elles sont dues à de nombreux foyers que ne règle'
aucune systématisation. Par suite, plusieurs régions de l'encé-
phale peuvent être atteintes sans que les régions voisines soient
altérées; delà, cette variété symptomatique qui fait qu'il y a des
imbéciles, des idiots et non pas une entité morbide répondant à
chacun de ces états.
Un fait qu'on ne peut pas passer sous silence, c'est que si les
dégénérescences mentales sont héréditaires ; dans quelques circons-
tances, elles peuvent être acquises, et chacun de vous a certaine-
ment observé, à la suite d'affections aiguës chez les très jeunes
sujets, des cas d'arrêts de l'intelligence et de dégradations men-
tales analogues à l'idiotie, à l'imbécilité. à la débilité mentale, et
même à la déséquilibration de l'héréditaire. Donc, il a suffi de
l'apparition d'une maladie aiguë et notamment d'une fièvre
typhoïde, d'une variole, d'une scarlatine, ce sont là les facteurs
habituellement en cause pour pervertir ou anéantir à tout jamais
l'intelligence d'un enfant jusque-là -bien pondérée. Que s'est-il
donc passé ? La réponse est facile si l'on veut se reporter aux tra-
vaux publiés depuis une vingtaine d'années sur les troubles nerveux
consécutifs aux maladies aiguës.
Thore ', M. Christian 2 et plus récemment le Dr Kraepelin se
sont occupés des cas de folie simple comme conséquence des mala-
1 Thore. - Ann, médico-psychol., 1850,1e série, 7e année.
i Christian. De la folie consécutive aux maladies aiguës, (arch.
gén. de med., septembre et octobre 1873.)
à Emile Kraepelin. Ueber den Einfluss acuter Krankheiten auf die
ElItstellll1l(f von 1lCl'vcmkl'ankheiten, 1881. - B. D. XI, XII.
436 SOCIÉTÉS SAVANTES.
dies aiguës; M. Foville ' a signalé consécutivement à la variole
des paralysies généralisées suivies de guérison. Ce ne sont point
ces faits que j'invoque, quoiqu'ils démontrent déjà l'action puis-
sante des affections fébriles sur le cerveau; c'est plus particulière-
ment les cas de paralysie ou de dégradation intellectuelles
consécutifs aux fièvres éruptives, à la fièvre typhoïde. La thèse du
regretté Fritz sur les symptômes spinaux de la fièvre typhoïde
a ouvert la série de recherches que MM. Roger et Damaschino J,
VVestphal 4, Vulpian , Déjerine 6, Popoff 7, Marie 8 et beaucoup
d'autres ont successivement poursuivies sur les paralysies consé-
cutives aux maladies aiguës. M. Landouzy 9 qui, dans son impor-
tante monographie, a résumé tous les travaux antérieurs, fait
remarquer dans ses conclusions les tendances des akinésies à
prendre, chez les enfants, la forme hémiplégique ou cérébrale.
Tous ces désordres sont la conséquence de lésions analogues à
celles qui se développent pendant l'évolution foetale; et sur ces
cerveaux de jeunes sujets en voie d'évolution, les résultats sont
identiques. 11 faut donc nécessairement faire entrer dans le
groupe des héréditaires ces faits que la clinique désigne, quoique
assurément la dénomination d'héréditaires ne leur convienne pas.
Tout ce que nous venons de dire se rapporte avec autant de
vérité aux malades atteints de débilité mentale et aux dégénérés
les plus élevés dans l'échelle des dégénérescences, aux hérédi-
taires. Chez les idiots profonds, nous avons des lésions analo-
miques grossières, appréciables pour tous, donnant lieu soit à
des vices de conformation, à des paralysies de la motilité, de la
sensibilité générale ou de la sensibilité spéciale et aux troubles
fonctionnels qui en découlent; chez les héréditaires, si nous ne
trouvons pas de grosses lésions anatomiques, la clinique, du moins
par les troubles fonctionnels qu'elle révèle, nous montre les pro-
fondes modifications des différents centres de l'axe cérébro-spinal.
1 Foville. - Ann. méd. psych. Janvier 1873.
2 Fritz. - Symptômes spinaux dans la fièvre typhoïde, 1863.
3 Roger et Damaschino. Recherches accatonzo-patleoloyiyzces sur la
paralysie spinale de l'enfance. (Gaz. illid. de Paris, 1871).
1 Westph : ) ? Be1'line¡' hlinzsclce lVoclcezcsclcz·ijl, 1872, n" 47.
5 Vulpian. Arch., de plcys., 1873. An. du mémoire de Westphal.
Déjerine. Recherches sur tes lésions du système nerveux dans la
paralysie diphthéritique ; (arch. de phys. 1101'm. et path., 1878).
7 Laveran. Fièvre typhoïde Tr. de pathologie et de cl. médicales,
1879 (cas d'encéphalite superficielle signalée par Popoff il la suite de la
fièvre typhoïde).
8 Marie. - Sclérose en plaques... Progrès médical, 1884.
» Landouzy. - Des paralysies dans les maladies aiguës, 1880, p. 312.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 437
Il me suffira de rappeler les phénomènes neuro-psychiques de
l'héréditaire que j'ai présentée dans l'avant-dernière séance.
Cette femme, âgée de trente ans, perd, par moments, en pleine
conscience, la libre direction de ses mouvements. Ce sont d'abord
des mouvements analogues à de simples réflexes, se passant dans
le segment d'un membre ou dans tout un membre, ne paraissant
mettre en jeu qu'une région limitée de la moelle : tels sont les
mouvements de flexion ou d'extension de la main sur l'avant-bras
ou de l'avant-bras sur le bras; du pied sur la jambe, ou de la
jambe sur la cuisse, ou bien encore l'élévation d'une épaule;
d'autres fois, ce sont des mouvements plus étendus, le frottement
d'une main contre l'autre ; d'autres fois encore, c'est la marche en
avant, la malade pénètre sans but, mais le sachant, dans une
chambre, la parcourt et se retire, c'est tout; mais elle ne peut
pas s'empêcher de le faire et elle éprouverait un très grand
malaise si elle résistait. Tout ces mouvements sans utilité, sans
objet, s'effectuent en dehors de la volonté; la malade les constate
tout en restant impuissante à les réprimer.
D'autres fois, se sont des phénomènes d'arrêt qui se produisent :
étant debout la malade ne peut plus s'asseoir; assise, elle ne peut
plus se relever, et pendant un moment l'impulsion fait défaut.
Dans tous ces cas, la moelle s'émancipe, l'influence psycho-motrice
semble suspendue. Dans d'autres circonstances, les phénomènes
sont plus complexes, c'est toute la mimique d'un état passionnel
nettement déterminé, le rire ou les pleurs qui échappent à la
volonté; et cette manifestation extérieure est en désaccord avec
l'état cénesthétique du sujet, qui tantôt est indifférent, tantôt, au
contraire, est opposé à la nature même dans la manifestation.
Ainsi cette femme a été prise un jour d'un fou rire à l'enterrement
de son grand-père, pendant que toute la famille, en larmes, se
lamentait et qu'elle était elle-même profondément affligée de la
perte de ce parent qu'elle aimait beaucoup et qui s'était toujours
montré très bon pour elle. D'autres fois, au contraire, elle pleure
sans qu'aucune cause intérieure ni extérieure explique cette mani-
festation de la tristesse, indépendante de sa disposition morale et
de sa volonté.
Si nous remontons de la moelle et du mésocéphale à la couche
corticale postérieure, nous allons trouver encore là un mécanisme
faussé. Le centre de l'audition ne peut plus retenir les images
tonales qui tendent à s'échapper, et de même que des centres
médullaires partaient des mouvements irrésistibles, de même de
ces centres perceptifs s'échappent des images tonales, des mots
que la malade ne peut pas retenir, projette au dehors, étonnée
elle-même de son impuissance et exprimant sa surprise par cette
réflexion : « Est-ce singulier de dire, le sachant, des choses que je
ne voudrais pas dire. » Plus tard, la situation se complique; la
438 SOCIÉTÉS SAVANTES.
région antérieure intervient à son tour, mais sans rétablir l'ordre.
Ce ne sont plus quelques mots qui échappent involontairement.
c'est tout un discours qui se déroule, une série de faits divers sur
des enterrements de gens vivants, récit que la malade expose
dans ses moindres détails, raconte malgré les prières réitérées de
son entourage l'invitant à se taire, malgré aussi son vif désir de
ne pas continuer.
J'ai eu l'occasion d'observer plusieurs faits analogues et même
de noter dans un. cas l'hérédité' similaire de cette disposition
bizarre à parler malgré soi et à raconter ce que l'on voudrait taire.
' Un déséquilibré d'une grande intelligence a torturé pendant
plusieurs années sa femme, par l'obligation de passer des nuits
entières à écouter ses discours où il formulait une série de re-
proches nullement justifiés. Quand il avait parlé six ou sept heures,
il était satisfait et sa femme pouvait se coucher. La fille de ce
discoureur nocturne, femme d'un de nos confrères des plus dis-
tingues, commence, dans ses périodes d'excitation maladive, ses
harangues, vers huit heures du soir pour ne les finir qu'au matin.
Son mari qui l'aime beaucoup l'écoute patiemment pour éviter
l'excitation qui ne manquerait pas de se produire s'il lui imposait
silence et s'il niellait, en quelque sorte, obstacle à ce flux de paroles
qui semble agir comme une véritable crise.
Je ne rappellerai pas les autres troubles psychiques et la perver-
sion sexuelle que présentait la malade que nous avons examinée
ensemble. Cette observation, par la réunion chez le même sujet
de ces troubles médullaires et psychiques, a l'avantage de faire
ressortir l'identité de nature de tous ces phénomènes; partout
même désordre, même lésion fonctionnelle, qu'il s'agisse des
centres médullaires ou cérébraux.
Ce qui prédomine dans la folie des héréditaires, c'est la déshar-
monie et le défaut d'équilibre non seulement entre les facultés
mentales, les opérations intellectuelles proprement dites d'une
part, les sentiments et les penchants d'autre part, mais encore la
dé : ,harmonie des facultés intellectuelles entre elles, le défaut
d'équilibre du moral et du caractère.
Un héréditaire, peut-être un savant, un magistrat distingué,
un grand ar tte, un mathématicien, un politicien, un adminis-
trateur habile, a présenté au point de vue moral des défec-
tuosités profondes, des bizarreries étranges, des écarts de conduite
surprenants et comme le côté moral, les sentiments et les pen-
chants sont la base de nos déterminations, il s'en suit que les
facultés brillantes sont mises au service d'une mauvaise cause,
c'est-à-dire d'instincts, d'appétits, de sentiments maladifs qui,
grâce aux défaillances de la volonté, poussent aux actes les plus
extravagants et parfois les plus dangereux.
' D'autres fois, c'est l'inverse qui : e produit : tel héréditaire dont
SOCIÉTÉS SAVANTES. 439
la conduite est des plus régulières, les moeurs irréprochables, Mes
sentiments et ]e penchants des mieux pondérés, offre de véri-
tables trous dans son territoire intellectuel. Il a une mémoire des
plus ingrates ou bien il ne peut rien comprendre au chiffre, au
calcul, à la musique, au dessin; en un mot, avec une intelligence
moyenne, il est absolument nul pour certaines facultés, il est
absolument dépourvu de certaines aptitudes, de certaines facultés.
Ses centres de perception sont inégalement impressionnables,
inégalement aptes à recueillir toutes les impressions; certaines
impressions seulement s'enregistrent d'une façon régulière et
laissent des images durables;- d'autre part, certaines relations,
certaines associations, entre différents centres, sont troublées ou
même entièrement rompues; en un mot, il y a désharmonie,
défaut d'équilibre, c'est-à-dire signe de dégénérescence.
M. Jules Voisin communique une observation fort curieuse de
grande hystérie avec dédoublement de la personnalité chez un
homme qu'il a eu dans son service à Bicêtre. Nos lecteurs trouve-
ront le texte complet de l'observatiun à la page 212.
M. Bourru, .qui a pu suivre ce même malade à l'hôpital de
Rochetorl, apporte à la Société des renseignements complémen-
laires fort intéressants.
V... s'est échappe de Bicêtre le 2 janvier t 885. Après avoir passé
plusieurs semaines à Paris, il s'engage dans un régiment d'infan-
terie de marine et est dirigé sur Nocliefort dans les derniers
jours de janvier. Peu de temps après, il commet un vol à l'occasion
duquel une instruction est ouverte au conseil de guerre. Les ren-
seignements recueillis sur ses antécédents ne tardent pas à démon-
trer son irresponsabilité. Relâché de la pi ison, il est envoyé à
l'hôpital et entre dans le service de la clinique médicale de l'école *
de Rochefort. Le lendemain, il tombe en état de mal hystéro-
épileptique, qui laisse à sa suite une hémiplégie avec hémianes-
thésie droite. En présence de cette situation, nous pensons natu-
rellement à rechercher l'action des métaux et de l'aimant. C'est
de là que sont venues nos observations.
En appliquant, sur lavant-bras droit paralysé, un barreau
d'acier, le transfert se produit bientôt. Mouvement, sensibilité
dans ses divers modes, tout a passé de gauche à droite avec la
symétrie ordinaire. ·
En même temps, une autre transformation s'est produite, bien
plus surprenante. Tout d'un coup, les goûts de notre sujet se sont
complètement modifiés, le caractère, le langage, la- physionomie,
tout est nouveau. Ce n'est plus le même personnage. Mieux
encore, il ne reconnaît plus les lieux où il se. trouve, les personnes
qui l'entourent; il se croit à Bicêtre, salle Cabanis, nu il ; il a vu
hier M. Voisin; il attend sa visite.. ' '
440 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Ce changement saisissant, accompagnant le transfert de la
sensibilité et du mouvement de gauche à droite, nous pensons
tout d'abord qu'il s'agit d'une dissociation de l'action des deux
hémisphères cérébraux, et nous cherchons tout naturellement,
par des expériences ultérieures, à rendre à notre sujet l'activité
de son cerveau tout entier.
Après quelques tentatives infructueuses par des procédés variés,
l'électricité statique nous donna un succès complet. Sur le tabou-
ret électrique disparaît toute paralysie du mouvement et de la
sensibilité; en même temps, le sujet se trouve dans un nouvel
état de conscience. Il se réveille à l'âge de quatorze ans, le 23 mars
1876, à la colonie pénitentiaire de Saint-Urbain. 11 n'a jamais été
malade; sa voix, son attitude, sa physionomie sont celles d'un
enfant. La mémoire, qui embrasse toute son enfance, s'arrête à
la date où il se croît transporté.
Dans cette épreuve, un agent physique, l'électricité, a restitué
au système nerveux l'intégrité de ses fonctions de sensibilité et
de mouvement, et, du même coup, a transporté l'état de conscience
à cette époque très éloignée de la vie, où cette intégrité n'avait
pas encore été atteinte par la maladie.
Une série d'expériences analogues nous a fait connaitre des
états multiples dont l'ensemble embrasse toute la vie de V...,
états que nous devons décrire en détail. -
PREMIER état. Hémiplégie et hémianesthésie sensitivo-senso1'ielle à
droite. - État ordinaire de notre malade depuis le 28 mars 885.
V... est incomplètement paralysé de la jambe droite; il peut
cependant marcher en traînant cette jambe. Le bras droit est
absolument paralysé, flasque, sans contracture. Le dynamo-
mètre marque 0 à la main droite et 36 à la main gauche. L'anes-
thésie du côté droit est absolue et nettement limitée à la ligne mé-
diane du corps. L'oeil droit a une acuité très faible, et le sens des
couleurs est notablement altéré. Il en est de même du goût et de
l'odorat. Dans l'hypochondre droit existe une zone hystérogène.
La compression du testicule droit arrête l'attaque de convulsion.
V... est bavard, violent, arrogant dans sa physionomie et son
attitude. Son langage est correct, mais grossier; il tutoie tout le
monde, donne à chacun un surnom irrévérencieux. Il fume du
matin au soir et obsède chacun de ses demandes de tabac et
d'argent. Du reste, il est intelligent, se tient au courant des nou-
velles du jour, affiche les opinions les plus antireligieuses et
ultra-radicales en politique. Incapable d'aucune discipline, il veut
tuer tout supérieur, toute personne qui voudrait exiger une
marque de respect. La parole est gênée, la prononciation défec-
tueuse ne permet guère d'entendre que la fin des mots. Il sait
SOCIÉTÉS SAVANTES. 4ft
lire, mais ce vice de prononciation rend inintelligible la lecture
à haute voix : je ne peux écrire, la main droite étant paralysée.
La mémoire, très précise pour les moindres détails actuels (il
récite des colonnes entières de journal), est très bornée dans le
temps. Impossible de reporter son souvenir au-delà de sa présence
à Rochefort et de la dernière partie de son séjour à'Bicêtre. Tou-
tefois, il a conservé la mémoire de la deuxième partie de sou
séjour à Bonneval, alors qu'il tiavaillait au'jardinage. Entre Bon-
neval et Bicêtre, s'étend une grande lacune de la mémoire ; d'autre
part, son enfance, son séjour à Saint-Urbain, le métier de tailleur
qu'il a appris à son arrivée à Bonneval, alors qu'il était paraplé-
gique, lui sont totalement étrangers.
Deuxième état. -- Hémiplégie et hémianesthésie scnsitivo-senso1'ielle
à gauche. Cet état s'obtient par application d'un barreau
d'acier sur l'avant-bras droit.
Le transfert s'opère avec une symétrie parfaite. La paralysie
de la sensibilité, du mouvement, a passé de droite à gauche ; en
plus, existe une hémiplégie faciale gauche. La zone hystérogène,
le testicule dont la pression arrête l'attaque convulsive, ont éga-
lement changé de côté. Le dynamomètre marque juste 0 à gauche,
36 à droite.
V... se croît à Bicêtre, salle Cabanis, n° 4 f ; il se dit àgé de
vingt et un ans, au 2 janvier 1881 ; il a vu hier M. Voisin et
atlendisa visite.
Il est réservé dans sa tenue ; la physionomie est douce; le lan-
gage correct et poli ; il ne tutoie plus et appelle chacun de nous :
« Monsieur ». Il fume, mais sans passion. Il n'a pas d'opinion en
religion, en politique; ces questions, semble-t-il dire, ne regardent
pas un ignorant comme lui. Il est respectueux et discipliné. La
parole est aisée, la prononciation très distincte ; il lit parfaitement
bien et écrit passablement. Il ignore complètement tous les évé-
nements passés depuis le 2 janvier t884; il ne connaît pas les
lieux où il se trouve et ne sait comment il y a été transporté. Les
personnes qui l'entourent lui sont inconnues; il n'est jamais venu
à Rochefort, n'a jamais entendu parler de l'infanterie de marine,
r.i de la guerre du Tonkin. Il se rappelle qu'avant d'entrer à
Bicêtre où il croit être, il a fait un séjour à Sainte-Anne. Tout son
souvenir est borné à cette courte période de sa vie.
Troisième état. - Variété du précédent. Cet état n'en diffère que
par l'hémiplégie faciale; il s'obtient par l'application d'un
aimant sur l'avant-bras droit.
Ici le malade se croit transporté à Saint-Georges (asile de
Bourg) en août 4882; il a dix-neuf ans. La France est en guerre
avec la Tunisie.
442 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Le caractère, les facultés effectives, le langage, la physionomie,
les goûts sont tels que nous venons de les décrire, mais la mémoire
est limitée à une époque antérieure. V... vient de Chartres où
habite sa mère; il a été envoyé comme travailleur, chez un pro-
priétaire de vignobles aux environs de Mâcon. Tombé malade à
plusieurs reprises/il a été soigné à l'hôpital de Mâcon, puis envoyé
à l'asile Saint-Georges. Tout ce qui précède, tout ce qui suit cette
courte période de sa vie, lui est totalement étranger.
Quatrième état. - Paraplégie avec contracture. Obtenu par
l'application de l'aimant sur la nuque.
La paraplégie est complète avec contracture ou extension.
L'anesthésie est étendue à toute la partie inférieure du corps
jusqu'à l'ombilic. Toute la partie supérieure jouit de la sensibilité
et du mouvement. La zone hystérogène a abandonné l'hypo-
chondre gauche, et s'est fixée dans l'aîné droite. La force muscu-
laire est sensiblement égale dans les deux mains : 21 à la main
droite, 25 à la main gauche.
V... se réveille à Bonneval ; il vient de voir MM. Cortyl, Camuset.
11 est poli, timide, triste; son intelligence paraît très obtuse; ';
sa mémoire confuse; il ne sait rien des personnages et des évé-
nements de l'époque où il croit se trouver. La prononciation est
nette, mais le langage incorrect, impersonnel, enfantin. Il ne sait
lire ni écrire; il épèle seulement les lettres capitales. Son occupa-
tion ordinaireest à l'atelier des tailleurs; il coud en homme exercé.
Il ne connaît point les gens qui l'entourent. Son souvenir est
borné à Bonneval, où il se trouve, et à Saint-Urbain où il était,
dit-il, paralysé, couché. Toute la première partie de sa vie, de sa
naissance, à l'accident de la vipère qui a causé sa maladie, tout
ce qui a suivi l'attaque et le changement spontané d'état survenus
à Bonneval lui sont absolument inconnus.
Cinquième état. - Absence de toute paralysie et anesthésie.
Obtenu par le bain électrique ou l'application de l'aimant sur
la partie antérieure de la tête.
Débarrassé de toute paralysie, le sujet est remarquable d'adresse
et d'agilité. ,
11 reprend conscience à Saint-Urbain, en 4 8 i i ; il a quatorze ans.
Timide comme un entant, sa physionomie, son langage, son atti-
tude, concordent parfaitement. Il sait très bien lire et convena-
blement écrire.
La mémoire embrasse toute son enfance. Il se rappelle les
mauvais traitements qu'il recevait de sa mère, à Luyson, près
Chartres, son arrestation pour vagabondage, sa condamnation
à l'internement dans une maison de correction. Il est à la colonie
pénitentiaire de Saint-Urbain, que dirige M. Pasquier. 11 apprend
SOCIÉTÉS SAVANTES. 443
à lire à l'école de Mlle Breuille. Il est employé aux travaux
d'agriculture. Son souvenir s'arrête exactement à l'accident de
la vipère dont l'évocation amène infailliblement une grande
attaque d'hystéro-épilepsie.
Sixième ÉTAT. - Absence de toute paralysie et anesthésie. Obtenu
par l'application d'un barreau de fer sur la cuisse droite.
Le transfert, dans ce cas, est des plus laborieux; il s'accompagne
de convulsions, d'hallucinations, de grandes salutations rhyth-
miques. Comme dans l'état précédent, le malade est débarrassé de
tous les troubles du mouvement et de la sensibilité. Essais dyna-
mométriques de la main;droite : 30°; de la main gauche : 32°.
11 reprend conscience le 6 mars z; il a vingt-deux ans. 11
est soldat d'infanterie de marine. à la caserne. 11 connaît les
événements contemporains, les personnages au pouvoir, mais
Victor Hugo, grand poète, sénateur, n'est point mort.
Ce n'est plus l'enfant timide de tout à l'heure, c'est un jeune
homme ni pusillamine, ni arrogant. Le langage est correct, la
prononciation nette. Il vit très bien et écrit convenablement.
Sa mémoire embrasse toute sa vie, à l'exception de la seule
époque où il était paralytique avec contracture, à Saint-Urbain
et Bonneval. Aussi ne se rappelle-t-il point avoir jamais été tail-
leur, et ne sait-il point coudre.
Voilà donc six' états différents de la conscience; chacun d'eux
est limité à une époque déterminée de la vie du sujet, mais
l'ensemble embrasse sa vie entière. Les détails qu'il nous a
donnés dans chaque état se sont trouvés conformes aux rensei-
gnements renfermés dans les observations de M. Camuset, de
M. Voisin et à ceux obtenus par l'instructeur du conseil de guerre.
Cette conformité ne laisse pas d'avoir une grande importance.
Ces états ont tous été obtenus par des agents physiques paral-
lèlement aux modifications de la sensibilité et de la motilité, si
bien que l'expérimentateur, en agissant sur l'état somatique,
peut, à son gré, obtenir tel ou tel état connu de la conscience,
état complet pour l'époque qu'il embrasse, c'est-à-dire ayant sa
mémoire limitée du temps, des lieux, des personnes, des autres
connaissances, acquises .(écriture, art du tailleur), des mouve-
ments automatiques appris, ayant ses sentiments propres et leur
expression par le langage, le geste, la physionomie. La concor-
dance est complète.
Nous avons dû alors faire l'épreuve opposée : agir directement
sur l'état de conscience et constater si les transformations de
l'état somatique seraient parallèles.
Pour agir sur l'état psychique, nous n'avions d'autre moyen
que la suggestion ou somnambulisme. Nous faisons donc la
444 SOCIÉTÉS SAVANTES.
suggestion suivante : « V..., tu te réveilleras à Bicêtre, salle
Cabanis ». V... obéit; au sortir du somnambulisme, il se croit à
Bicêtre, au 2 janvier 1884.
L'intelligence, les facultés affectives, la mémoire sont exacte-
ment telles que nous les avons décrites dans le deuxième état.
En même temps,'il se trouve hémiplégique et hémiatrophique
à gauche. La force au dynamomètre, la zone hysthérogène, toul
est transféré comme dans le deuxième état.
Dans une autre suggestion, nous lui commandons de se trouver
à Bonneval, alors qu'il était tailleur. L'état psychique obtenu est
semblable à celui décrit au quatrième état, et simultanément est
apparue la paraplégie avec contracture et insensibilité des
parties inférieures du corps. De la même manière peuvent être
obtenus les autres états.
La démonstration nous parait ainsi complète :
1° En agissant sur l'état somatique par les moyens physiques,
l'expérimentateur place le sujet dans l'état concordant de sa
conscience;
1° En agissant sur l'état psychique, il fait apparaître l'état
somatique concordant.
Ce ne sont donc plus les alternances de personnalité qui appa-
raissent spontanément au caprice de la maladie, comme dans le
cas de Félida (M. Azam), ou dans l'observation antérieure de
notre sujet lui-même (M. Camuset, M. J. Voisin).
Ce sont ici des relations précises, constantes et nécessaires
entre l'état psychique et l'état somatique, telles qu'il est impos-
sible de modifier l'un sans modifier l'autre parallèlement.
M. Féré fait remarquer que les modifications de l'état psychique
sous l'influence d'agents physiques ont déjà été réalisées par lui
et M. Binent', et qu'il a pu établir qu'au changement d'état psy-
chique correspond un changement d'état dynamique=.
M. Delasiauve a remercié la société de la manifestation sym-
pathique dont il a été l'objet au lunch qui a suivi l'inauguration
de la statue de Pinel3. Marcel f3nLNn.
1 Binet et Féré. - La polarisation psychique (Revue philosophique, 1885).
« Féré. Bull. soc. Biologie. Avril, mai, juin, juillet. - Sensation et
mouvement. (Revue philosophique, octobre 1885.)
3 A la suite du banquet, un toast a en effet été porté par le prélet de
la Seine au doyen des aliénistes présents, et comme chacun s'étonnait
de trouver vierge encore la boutonnière du savant et du vieux lutteur de
1830, M. Bourneville s'est levé pour expliquer que la distinction tardive
sollicitée par quelques-uns pour son maître n'ajouterait rien à la valeur
et à l'honorabilité de 11. Delasiauve. Le préfet de la Seine a cependant
promis de demander aux pouvoirs publics la récompense depuis si long-
temps méritée.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 445
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE LA PROVINCE DU RHli'i1
Séance du 16 novembre z
Secrétaires : MM. Loehr et Ungar. Nouveaux membres reçus :
MM. Arnoldi, Hebold, Fr. Hertz, Zimmermann, Behrend, Krell.
M. RATON. Sur une épidémie de fièvre typhoïde à l'asile d'aliénés
d'Osnabrùck. Mémoire publié in extenso dans ce journal-.
DMCMS6tOH :
M. Nasse fait remarquer que deux publications de ces dernières
années ont échappé à M. Rath. Aussi, Fiedler a, dans les Archives
de médecine clinique allemande, communiqué plusieurs cas dans
lesquels la fièvre typhoïde a déterminé la guérison ou l'améliora-
tion d'entités psychologiquess; parmi ces cas se trouvait un para-
lytique général. Campbell (Joum. of ment, science) a publié vingt-
deux faits du même genre empruntés à l'asile de Durham ; on y
compte trois guérisons, huit améliorations, parmi lesquelles celle
d'un paralytique général. Les observations de l'asile de Siegburg
comprenaient aussi des paralytiques généraux atteints de fièvre
typhoïde dont la maladie présenta une évolution plus favorable.
Presque tous les auteurs attribuent à la fièvre typhoïde une action
salutaire sur les psychoses; Wille seul la nie opiniâtrement dans
tous ses travaux sur ce point. Dans son dernier compte rendu
annuel pour 1881, il communique encore trois cas de mort et deux
cas d'aggravation psychopathique de par la fièvre typhoïde. Nasse,
lui, considère la fièvre typhoïde comme la maladie intercurrente
qui exerce l'influence la plus favorable sur les aliénés. 11 est à
remarquer que la fièvre typhoïde guérira aussi bien les maladies
mentales entées sur de l'anémie que celles greffées sur de l'hype-
rémie cérébrale; il y a aussi des cas dans lesquels l'état psychique
ne se modifie point pendant que la fièvre typhoïde marche, les
idées délirantes ne disparaissent que lorsque disparaissent les
symptômes typhoïdes. Evidemment, le mécanisme de ces trans-
formations git dans les changements que la maladie aiguë im-
prime à la nutritiun ; il ne s'agit pas seulement d'une impulsion
donnée à la résorption interstitielle; il doit en outre se former
des vaisseaux nouveaux et même de nouveaux éléments nerveux.
M. FINKELNBURG. Sw' la valeur diagnostique des phénomènes d'hyp-
notisme. L'orateur a expérimenté l'hypnotisme d'après les
1 Voy. Archives de Neurologie, t. VI, p. 148-153.
2 Id. Revues analytiques.
446 SOCIÉTÉS SAVANTES.
procédés Charcot, Richer, Richet, chez vingt-deux individus sains
et quinze .malades. Maintes personnes peuvent, sous l'influence
de la séclusion de toute influence extérieure et de l'attraction
attentive monotrice vers un objet, se transformer en automates
privés de l'autoconscience, etc... (suivent les caractères de ces
états). La simulation et l'illusion sont impossibles, car, au moment
où l'hypnotisme est opéré, on constate de la mydriase ; une seule
exception est relative à un jeune homme qui, au moment en
question, voit lui apparaître une figure qu'il fixe. On constate en
même temps que de la mydriase, de l'accélération du pouls et de
la respiration, une expression tétanique delà physionomie; enfin,
de pures excitations cutanées provoquent toujours des réflexes
tout spéciaux, localisés, circonscrits. Sur vingt-deux individus
sains, cinq étaient prédisposés à l'hypnose (prédisposition nerveuse
individuelle). Sur quinze malades, sept présentaient de la récep-
tivité a entrer dans cet état, réceptivité qui suppose forcément
une prédisposition nerveuse constituée par un équilibre instable
dans le fonctionnement des centres nerveux. Conclusion : une
hypnotisation facile prouve une réceptivité morbide du système
nerveux. Autre point : il est exact, comme l'a montré Braid, que
chez certains malades, l'hypnotisme fait passagèrement dispa-
railre des troubles moteurs périphériques; donc il représente un
élément de diagnostic entre les troubles centraux et périphé-
riques ou plutôt entre les paralysies par simple affaiblissement
des conducteurs volontaires et celles par processus dégénératifs;
même observation en ce qui concerne les contractures.
Discussion :
M. UNGAR communique l'observation d'un buveur atteint de
delirium tremens avec accès de manie furieuse; en lui faisant
fixer un bouton pendant quelques minutes, il obtenait du calme,
l'agitation disparaissant complètement.
M. FINKELNBUIIG. Je n'ai pas chez trois malades osé répéter
les expériences, parce qu'un jeune homme soumis à une séance
d'hypnotisme provoqué, se mit ultérieurement à s'hypnotiser seul
spontanément : communications épistolaires identiques à la
suite des expériences de Hansen à Amsterdam et Copenhague.
M. HECKER a assisté à une partie des expériences de Heidenheim ;
évidemment l'hypnotiseur habituel peut, au moindre regard, pro-
voquer sans autre préparatif l'hypnotisation chez ses sujets; de
plus, il a vu un de ces sujets être pris plus lard d'attaques épilep-
toïdes. En ce qui concerne, les aliénés, les a-t-on soumis à ces
études ? Quant à lui, il n'a dans une catégorie d'incurables obtenu
que des résultats négatits. 0
M. Nasse s'abstient en principe d'hypnotiser les aliénés; il y a
SOCIÉTÉS SAVANTES. 447
des dangers inhérents à la surveillance; chez la femme notam-
ment, il se pourrait commettre des abus génésiques. Il y a qua-
rante ans, à Paris, les magnétiseurs hypnotisaient en fatigant
les organes visuels à l'aide de mouvements de doigts. Cette pra-
tique ne lui a pas fourni de résultats chez les individus sains.
Chez les malades, on produit ainsi des anesthésies, mais on ne
fait pas disparaître les contractures. Ces passes sembleraient
réussir dans des névralgies, mais elles deviennent une arme dan-
gereuse.
M. RUHLE essaie dejeter la déconsidération sur les méthodes et
les éludes envisagées ici; il croit que les maladies de la volonté
ne sont assujetties à aucune règle et échappent au physiologiste.
M. EICKIoLT. Contribution à l'étiologie de la démence paralytique.
Mémoire publié in extenso dans ce recueil'.
Discussion :
M. FINHELNBURG. A-t-on récemment fait des recherches cons-
ciencieuses sur la question de savoir si. dans la famille des para-
lytiques généraux, on a déjà eu à déplorer des atteintes de cette
maladie. Il y a longtemps, Hoffmann avait fait cette enquête à
Ségburg; il avait obtenu un résultat négatif.
M. OEBEKE. L'hérédité joue un faible rôle dans la paralysie
générale. Cette question comporte deux points de vue ; la capa-
cité d'hériter et celle de transmettre. Les femmes transmettent
plus facilement la paralysie générale; les hommes en sont plus
aisément atteints. La syphilis, en tant qu'élément étiologique,
doit être envisagée au point de vue anatomo-pathologique; or,
d'après Virchow, elle produit aussi une inflammation généralisée
diffuse des membranes et de la surface de la peau. Eh bien, quand
il existe une predisposition à la paralysie générale, ou à une
affection organique du cerveau, la syphilis n'est peut-être que la
cause occasionnelle de cette dernière. C'est alors que la diathèse
sedénoue en une paralysie générale àlaquellele traitement anti-
syphilitique ne produit aucun effet.
M. Nasse. Il est remarquable qu'à l'asile de Grafenberg on
observe un nombre aussi infiniment grand de paralytiques généraux
(17 p. 100), taudis qu'à celui de Siegburg la proportion centési-
male est bien plus faible, et qu'à Andernach on n'en note que
- f0 p. 100 pendant une durée d'observation de cinq années. La
cause de ces différences doit être cherchée dans des conditions
locales, dans les grandes villes qui environnentGrafenberg. Quant
à la syphilis, à Siegburg, il y a parmi les paralytiques généraux
7 p. 100 et parmi les non paralytiques p.100 de syphilitiques; à
1 Voy. Arck. de Neurologie. Revue analytique.
448 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Andernach les paralytiques généraux contiennent 35 syphilitiques
pour 100, les non paralytiques ne sont syphilitiques que dans la
proportion de plus de 1 p. 100. En tout cas, il est clair que la
syphilis a, dans la paralysie générale, plus d'importance que dans
les autres psychoses. Mais il est certain, comme le dit Snell, qu'il
faut se garder d'attribuer à la syphilis une influence pathogéné-
tique en ce sens quand l'infection date de dix, vingt ans ou da-
vantage, quand on a engendré ou uns au monde des enfants
sains, quand l'autopsie ne révèle pas d'altérations anatomiques
spécifiques. Dans le cas spécial de l'auteur, y avait-il en outre
des troubles de la parole ? il importe toujours de noter avec pré-
cision les symptômes et de ne pas s'en rapporter à l'impression
générale d'un cas donné; c'est faute d'avoir consigné les élé-
ments morbides* observés qu'on a dû se contenter pour la statis-
tique de facteurs hétérogènes et de diagnostics incomplets.
M. EIC&HOLT. A l'analyse symptomatique il faut joindre l'ana-
lyse anatomo-pathologique de l'observation.
M. FINHELNBURG. Si la syphilis jouait un aussi grand rôle dans
la production de la paralysie générale on devrait observer celle-
ci plus fréquemment qu'on ne l'observe chez la femme. L'infec-
tion syphilitique est souvent escortée d'habitudes morales dissol-
vantes et d'épuisement. ? II. OEBEKE. On sait que parmi les prostituées, chez qui lasyphi-
lis est fréquente, on observe également plus de paralytiques
générales. En ce qui a trait aux classes sociales relevées, on ne
ment que trop souvent sur le chapitre syphilis.
M. HURLE. La syphilis se comporte vis-à-vis de la paralysie
générale, comme vis-à-vis de la dégénérescence des cordons pos-
térieurs et du tabes; il peut intervenir un troisième élément nocif
pathogénétique, le genre de vie des individus.
Séance du 16 juin 1883.
Secrétaire : M. Loehr. Mort du conseiller sanitaire Henser, direc-
teur de l'asile provincial d'aliénés d'Eichberg (Nassau). Récep-
tion, comme membres nouveaux, de MM. Gottlob, Ungar, Hoes-
termann.
M. Hertz. Contribution à l'anatomie pathologique des hallucina-
tions sensorielles. Une petite catégorie d'autopsies particulières
permettent de tirer parti pour expliquer le mode de production
anatomo-pathologique des hallucinations de l'ouïe chroniques,
intenses, finissant par former tout le tableau pathologique d,al-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 449
térations occupant le segment de la base du crâne qui comprend
le lobe temporal. Deux cas témoignent d'une perforation rami-
fiée delà table vitrée du crâne,, qui apparaît comme s'il avait été
rongé, taillé à l'emporte-pièce,. des deux côtés par des granula-
tions de Pdcehioni. Mais ce ne sont pas des granulations qui
ont effectué ce désordre ; car la dure-mère est demeurée intacte,
la substance cérébrale avec ses méninges molles s'est imprimée
dans les fossettes, de sorte que les lobes temporaux sont trans-
formés en proéminences tout à fait distinctes, projetées sous
forme de mamelons fixes. On peut par conséquent supposer que,
par ce fait, les districts centraux en question avaient été pen-
dant la vie le siège d'excitations fonctionnelles inégales (théorie
de Hagen). Un autre crâne de femme, également en proie à des
hallucinations de l'ouïe, présentait un outre, dans les deux fosses
temporales, deux bourrelets osseux, correspondant, de chaque
côté, aux sillons temporaux inférieurs), qui formaient des crêtes
aiguës; il en résultait un eiichâloiiiieineiit, plus prononcé de ces
deux régions au cerveau; de là, des excitations inégales de la
substance nerveuse. Dans les deux premiers cas, des trous décrits
ou plutôt du diploë mis à nu par les perforations, le sang filtrait
en abondance et pendant longtemps. Il importe de tenir compte
de ces états nécroscoptques. Malheureusement on -n'a pas sou-
mis la substance corticale projetée dans les fossettes anormales
à l'examen microscopique.
M. Peretti. Sur l'action narcotique de la paraldéhyde. Mémoire
imprimé à part '.
M. Freusberg. Sur la folie des vagabonds. Les aliénés vagabonds'
tendent, dans des proportions toutes particulièrement fréquentes
à exagérer. La majeure partie de ceux qu'a observés M. Freusberg
sont des individus affaiblis au point de vue intellectuel présentant
une agitation maniaque plus ou moins forte. Ils ont ceci de com-, 1
mun que, lorsqu'on les interroge, ils font' des réponses niaises,
contrefont par leurs discours et leurs allures les aliénés'ordi-
naires s'efforcent devant les médecins de bavarder, de gesticuler,
de déraisonner à l'excès, à moins qu'on ne sévisse contre 'eux.
Cette singularité qui n'entraîne pas d'ailleurs le diagnostic de
simulation, car il existe, en dehors des symptômes précités,
une perversion morale évidente, cette singularité ne se retrouve
pas dans des cas rares de mélancolie, plus rares encore de folie
systématique, infinitésimaux de paralysie générale typique.. '
M. SCHUCHARDT. Quelques observations sur les maladies intercur- ,
rentes chez les aliénés. Parmi les 628 aliénés observés, 36 furent
t Voy. Arch. de Neurol., t. VIII, p. 106 et 383; t. X, p. 107 et Thèse
de Nercam (Paris, 1884)........ '. '
Archives, t. X. 29
450 SOCIÉTÉS SAVANTES.
atteints (22 f ? 14 h.) de maladies intercurrentes, se décompo-
sant en : , 1 1
SOCIÉTÉS SAVANTES. 451
M. Nasse. Les conceptions qui proviennent par l'intermédiaire
d'une cause quelconque ne sont pas les vraies conceptions irrésis-
tibles : celles-ci sont primitives, essentielles..
M. FlNKELNBURG. De ce que les premières conceptions irrésis-
tibles se relient à une émotion, pour se répéter plus tard sans
cause efficiente, il ne s'ensuit pas qu'il faille les exclure du cadre
des conceptions irrésistibles. ' /. j 1
M. Friedmann. Sur ce que l'on entend par troubles de la connais-
sance dans les maladies psychiques. Imprimé à part'.
M. ROLLER. Sur, les troubles de la motilité dans la folie simple.
Publié à part ! .
Séance du 4 9 juin 4 884
Réception de MM. Umpfenbach et Wulfert.
Courtes communications d'intérêt social par le président.
M. JEHN. Quelques communications sur une endémie d'ictère à
l'asile des aliénés de Merzig. Cette endémie a duré du mois d'août
au mois de novembre 1883; 4+4 malades ou gardiens ont été
atteints, quelques malades et gardiens congédiés ont, au bout de
quelque temps, été, en dehors de l'établissement, atteints de phé-
nomènes mettant hors de doute l'identité du poison morbide. La
population totale de l'asile, y compris tout le personnel, comptait
510 têtes. L'épidémie, d'une énorme densité, se montra bénigne
puisqu'il ne mourut personne ; en revanche, on constata une
fièvre élevée, des accidents de néphrite et d'hépatite, une pro-
pension à la récidive. Forte tuméfaction de la rate ; apparence
du catarrhe gastro-duodénal simple sans entozoaires. On pensa
d'abord qu'il fallait incriminer la nourriture parce que l'affection
ne portait presque que sur ceux qui prenaient le régime commun,
mais l'atteinte des personnes qui avaient quitté l'établissement,
quatre à six semaines après leur départ, prouvait une longue
incubation d'un ferment morbide. Rien à arguer de l'eau, ni des
autres conditions hygiéniques ; ni miasmes locaux, ni fatigues, ni
refroidissements, ni nourriture indigeste. (Voy. les travaux de
Froehlich. Arch. f. Klin, med. 1879.) Endémie .du reste tout à fait
isolée; à plusieurs lieues à la ronde, il n'existait aucun cas sem-
blable.11 ne fallut pas songer à accuser une revaccination ell'ectuée
en mai 1883, puisque pendant le temps d'incubation du vaccin,
l'ictérie ne se produisit pas, et que la courbe de fréquence de
l'ictère ne concorde pas avec les deux séries de séances espacées
1 Voy. Arch. de Neurol. Revue analytique.
2 Id. i ,
452° SOCIÉTÉS SAVANTES.
..... l. 1 à.
à 15 jours de date; ou eût dû, si le vaccin avait engendré l'ictère,
avoir deux sommets à 15 jours de date. Reste à examiner l'en-
combrement d'un établissement fait pour 200 malades et en
hébergeant plus de 400; cette cause est plausible, bien qu'on
gnore la nature du poison ictérogène et le mécanisme de la
maladie dans l'espèce ? .
M. PELMAN. Contribution casuistique à l'étude de la manie transi-
toire. Un travailleur avait commis sur sa femme un crime hor-
rible ; on le trouvait affaissé, profondément endormi, sur le
cadavre de celle-ci, et tenant dans ses bras son corps mutilé. Il
prétendit n'avoir aucun souvenir de ce fait, il ne se rappelait pas
ce qui s'était passé pendant l'après-midi de ce jour. Tout indique
en effet que ce criminel ne mentait pas.
Discussion :
M. Nasse. Ces cas n'appartiennent pas à la manie transitoire ;
leur modalité caractérisée par le trouble de la connaissance
relève de l'épilepsie, de l'alcoolisme et des hallucinations.
M. Rrrrmc. Il est dangereux de conclure d'une amnésie relative
à un crime, qu'il y avait trouble de la connaissance au moment
de l'acte. L'intoxication alcoolique aiguë n'est pas seule en jeu ;
n'y a-t-il pas en effet beaucoup de personnes qui, sous l'influence
d'une ivresse légère admettant de la part d'un observateur le dia-
gnostic d'intégrité absolue, ont perdu plus tard, notamment
quand une période de somnolence a passé par là-dessus, le sou-
venir de ce qui leur est arrivé pendant cette ivresse' à peine
accentuée ? Allez-vous déclarer que ces personnes sont irrespon-
sables de ce qu'elles ont fait pendant cet épisode échappant à la
clairvoyancedesjindividus qui les entouraient ? Evidemment non;
et cependant la mémoire leur fait ultérieurement défaut.
M. 008EKE. Contribution à la question du traitement de la sitio-
phobie chez les aliénés. - 11 y a près de quinze ans qu'avec Richarz
j'ai proposé de procéder à une alimentation sans violence. (Allg.
Zeitschr. f. Psych., t. XXVII) par l'administration méthodique de
lavements de peptones associés à des vins généreux. Depuis lors,
cette- méthode a rendu de bons services. Dans certains établisse-
ments, on a aboli toute alimentation forcée, sans les remplacer
par notre système, mais ce stimulant les malades à manger par
persuasion, présentation de mets engageants, par modification de
l'humeur de ces malheureux. Que faut-il faire, quand aucun de ces
moyensne réussit ? Une expérience de quinze années m'a appris que
les lavements alimentaires sont éminemment propres, même quand
l'aliéné refuse opiniâtrement toute nourriture, à conserver son
existence au moins trois semaines. Exemple : Une. dame ainsi
traitée d'abord durant quatorze jours d'abstinence alimentaire
SOCIÉTÉS SAVANTES. '453
absolue même à l'égard des liquides, puis pendant une périoJe
ultérieure de sept jours (ingestion exclusive d'eau). Total vingt-
deux jours de traitement continu; guérison. Tous les malades
soumis aux lavements ont résisté, ont refusé d'ingérer aucune
nourriture pendant une, deux, trois semaines; tous ilsontrecom-
mencé à manger. Mais la condition indispensable de ce procédé
c'est qu'ils se laissent administrer les lavements. Après une série
d'années de succès, je me suis dernièrement trouvé aux prises
avec quatre cas extrêmement rebelles; l'alternative dernière était
ou d'introduire à tout prix dans l'organisme une nourriture quel-
conque, ou d'assister à une mort probable (affaiblissement des
forces, insomnie, agitation sur lui-même de l'inanitié, déchéance
somatique profonde). En conséquence, j'introduis- la sonde oeso-
phagienne. Cette introduction s'effectua chez trois de ces malades
sans trop de résistance; le dernier se débattit, mais on évita le
traumatisme grâce aux sondes molles anglaises passées par le nez.
Les deux premières observations concernant des dames de qua-
rante et un et quarante-deux ans; alimentation à la sonde pen-
dant deux mois et demi à trois mois. Au bout de ce temps, l'une
d'elles accepta la cuiller pendant trois ans, dont les sept derniers
mois ne comportèrent qu'une nourriture liquide et finalement, il
y a peu de temps, elle s'est mise à manger. La seconde fu t nourrie
à la cuiller, après l'alimentation à la sonde, pendant un ou trois
mois; elle ne consentait à manger que de temps à autre. Dans la
troisième observation, il s'agit d'un homme vigoureux decinquante-
sept ans ; alimentation à la sonde de quatre mois et demi pendant
les quatorze premières semaines, il diminuait de poids de 27 p. 100,
puis regagnait en embonpoint. La quatrième observation est
représentée par un malade qui, depuis trois ans, est, trois jours
exceptés, nourri à a son de sans avoir voulu consentir à manger seul;
onze mois durant il s'est continuellement abstenu de nourriture,
pui·, une nuit, il fut pris de convulsions généralisées, dépourvues
de cause qui, accompagnées de perte de connaissance, laissèrent
à leur suite de l'hébétude. Pendantcette période d'hébétude, pen-
dant ces trois jours consignés ]e malade calme dans son Jit s'alimen ta
de lui-même; dès que revint la connaissance, le délire reparut
et avec lui, la sitiophobie, le désir de demeurer nu, d'aller et
venir sans cesse, sans repos, les vociférations de paroles stéréo-
typées. Cet état continue. Ces cas opiniâtres, insolites, ont rap-
port à des individualités connues dans leurs familles comme entê-
tées ; ils montrent que l'alimentation artificielle une fois commencée
peut être prolongée très longtemps, voire à perte de vue. Ce
n'est pas à dire, au reste, qu'on ne fasse pas d'écoles contradic-
toires. Vingt-cinq ans de pratiques psychiatriques m'ont permis
d'enregistrer cinq cas de mort, survenue dans tous les cas, chez
des malades ne se pliant pas à l'administration des lavements, et
454 SOCIÉTÉS SAVANTES.
se décomposant eu un refus relatif de nourriture pendant quinze
jours : un refus relatif pendant douze jours, absolu pendant deux;
- un refus relatif pendant six jours, absolu pendant cinq; un
refus relatif pendant douze jours, absolu pendant six; - un refus
absolu pendant huit jours et demi. Ces cas de mort par abstinence
pendant des laps de temps relativement courts, rapprochés de la
possibilité, pour certains cas morbides des plus graves, de con-
server la vie des malades, grâce à l'alimentation à la sonde,
apportent une restriction aux manières de voir de Siemens 1. Les
exemples de Siemens, d'après lesquels l'inanitiation n'est pas
gravé tant qu'elle ne dépasse pas quatorze jours sans ingestion
d'eau et cinquante jours avec ingestion d'eau, tant quela diminu-
tion de poids des aliénés ne dépasse pas 40 p. 100; ces exemples
constituent des exceptions extrêmes, car, si la théorie était vraie,
aucun de nos cinq malades n'eût dû mourir. En résumé, trois
pratiques sont en présence : 1° l'expectation; 2° lavements qu'on
ne remplace par la sonde oesophagienne, employée elle-même
sans violence, que lorsque les malades se débattent contre les
lavements, ou quand on redoute une issue fatale; 3° sonde oeso-
phagienne toujours. En présence d'un malade, le médecin a à
décider : 4° s'il doit demeurer le spectateur passif et systéma-
tique de l'inanitiation; 2° s'il doit laisser mourir un sitiophobe
obstiné ; 3° s'il doit l'alimenter à la sonde, instrument qui, en
certains cas, permet d'espérer, en attendant mieux, la conserva-
tion de la vie. Les malades qui succombent malgré l'alimentation
à la soude, meurent par inassimilatiou des parois digestives, par
des processus morbides dus à l'inanitiation ou aggravées de par
l'inanition, enfin par la pneumonie alimentaire, par des trauma-
tismes résultant de là lutte terrible engagée entre l'aliéné et le
médecin au sujet de l'alimentation forcée ou du vomissement à
dessein d'aliments ingérés de force : le médecin renonce alors à
l'alimentation artificielle. A côté décela il existe une fraction de
faits qui bénéficient de la sonde oesophagienne, soit directement,
soit parce que la sonde, en terrifiant le patient l'engage à se
remettre à manger. Et cependant, l'alimentation mécanique
n'est pas un procédé thérapeutique, et cependant bien des alié-
nés nourris longtemps artificiellement restent après cette épreuve
à l'état d'automates végétants, à raison de l'affaiblissement de
leurs facultés. Mais ne faut-il pas parer au plus pressé par le seul
moyen à notre disposition ? Au médecin, il appartient d'apprécier
la nature des faits qu'il observe, la valeur des syndromes, le
caractère de l'aliéné, la forme de la psychopathie et de l'adapta-
tion à tel ou tel malade de telle ou telle méthode.
1 Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 268.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 455
Formule de la matière du lavement alimentaire.
125gr. de viande de boeuf sans graisse ni tendon, coupée fin.
240 gr. d'eau distillée.
2 gouttes d'acide chlorhydrique.
2 gr. de chlorure de sodium.
Faites macérer une heure et filtrez.
Reprenez par 120 gr. d'eau distillée et filtrez au bout d'une heure.
Mêlez les deux liquides.
Et ajoutez : pepsine soluble, 0,12.
acide chlorhydrique, '0 gouttes.
Faites digérer 6 heures à la température de 30-32" R. '
Il reste alors 240 gr. de liquide peptique. '
Cette dose est administrée, en alternant avec du vin de Porto, en 3 la-
vements de 4 cuillerées à soupe, par 24 heures (un lavement toutes les
3 heures) ; pendant la nuit on ménage une pause de 6 heures.
Formule de la matière à ingérer par la sonde.
. " . si z
456 BIBLIOGRAPHIE.
alimentaire longtemps prolongé. Le 44, gastrotomie; difficultés
opératoires; néanmoins, on réussit à fixer le viscère aux téguments
abdominaux ; pouls consécutivement très faible. Le soir. on intro-
duit par la canule un mélange de lait et de vin. Le lendemain
matin, la canule, trop mobile, doit être remplacée par une autre
plus volumineuse. Mort vers midi. Autopsie. Estomac réduit d'un
quart de son volume et déplacé vers la gauche. La section a porté
sur la courbure supérieure du duodénum. La veine porte n'admet
qu'une sonde de diamètre ordinaire. Intégrité du voisinage de la
plaie; intégrité du péritoine.
La prochaine séance aura lieu le 15 novembre. (Allg. Zeitschr.
f, tsych., XLI, 4-5.) P. KERAVAL.
BIBLIOGRAPHIE
VI. Beitroege zur pathologischen Anatomie und zur Pathologie der
dementia paralytica. (Contributions à l'anatomie pathologique
et à la pathologie de la démence paralytique); par FRANZ TUCZEK.
in-8°, Berlin, 4884; A. Hirschwald, éditeur.
Ce mémoire constitue le développement, avec pièces justificatives,
de communications faites parM. Tuczek à diverses sociétés savantes
de l'Allemagne'. Il se compose de trois parties principales. Dans
la première, l'auteur soutient que la lésion caractéristique de la
paralysie générale porte sur les /tores nerveuses à myéline intra-
co¡'ticales2 du lobe frontal (hase et convexité) et de l'insula; on cons-
tate la disparition de ces éléments à toutes les périodes et dans
toutes les formes de la démence paralytique. Celte altération ne
se montre dans aucune autre psychopathie, ni dans la démence
consécutive à la manie et à la mélancolie, pas plus que dans les
troubles psychiques de la sénilité. Elle serait bien plus caracté-
ristique que les autres lésions attribuées à la paralysie générale.
notamment l'atrophie cérébrale, l'inflammation des méninges et
de la dure-mère, la périencéphalite et l'encéphalite interstitielle,
car ces' modifications anatomiques existent également dans les
démences secondaires, tandis que la déchéance des fibres nerveuses
'Voy.'Archivcs de Neurologie, t. VI p. 403; t. VII p. 365 ; t. VIII p. 90
et 336. s .
9ldem. ° ... , ,
BIBLIOGRAPHIE. 457
intracorticales s'observe tout à fait au début de la para-
lysie progressive, alors même que manquent l'atrophie du cerveau
les adhérences et inflammations méningo-encéphaliq ues et névro-
gliques. M. Tuczek fournit à cet égard dix-sept cas de démence
paralytique sous les formes les plus variées et à n'importe quelle
période de son évolution(43 h. 4 f.); les observations sont très étu- ,-
diées à tous lespoints de vue; sept observationsd'autres psychoses
permettent la comparaison. La seconde partie intitulée Dégé-
nérescence scléreuse de la lisière de substance blanche de certaines
zones déterminées de l'écorce dans la démence paralytique, se base
sur six faits; dans tous ces cas. la maladie a duré longtemps ;
dans cinq d'entre eux, il existait en même temps une sclérose
avancée des cordons postérieurs (avec lésion simultanée des cor-
dons latéraux), un seul ne présentant aucune altération de la
moelle épinière. M. Tuczek tendrait à croire qu'il y aurait lieu de
formuler le diagnostic de lésion systématique des fibres d'association
sous-corticales de Meynet, dans les segments antérieurs du cerveau.
- De ces éléments l'auteur déduit que la démence paralytique
résulte d'une lésion primitive de certains systèmes de fibres
intracorticales; la dégénérescence des libres de la substance
blanche pourrait bien n'être que secondaire, qu'il s'agisse de la
couronne rayonnante et des faisceaux spinaux, ou du faisceau
d'association intracortical, et provenir de la disparition des
fibres d'association intracorticale qui les prive des excitations
centrales. M. Tuczek tient d'ailleurs compte dans cette brochure
de tous les travaux, de tous les procédés de préparation anté-
rieurs et postérieurs à ses communications, ainsi que des objec-
tions qui lui ont été faites au sein des sociétés savantes en ques-
tion. Au surplus, il ne serait pas impossible que des fibres
altérées récupérassent leur structure normale et leur excitabilité,
de là les remissions, les épisodes, la fugacité de certaines mani-
festations et'l'apparition de certains syndromes (mécanique céré-
brale délicate), de là enfin les guérisons dont, pour terminer,
M. Tuczek relate un exemple in extenso. P. Kéraval.
VII. Hypnotisme expérimental. La dualité cérébrale et l'indépen-
dance fonctionnelle des deux hémisphères cérébraux; par le
Dr E. Bérillon. Précédé d'une lettre-préface de M. le Dr Dumont
pallier. Paris, Delahaye et Lecrosnier, 1884.
Un auteur anglais que l'on ne saurait trop souvent citer, lors-
qu'il s'agit de l'indépendance fonctionnelle des hémisphères
cérébraux, Wigan, poursuivant la démonstration de cette théorie
d'après laquelle la folie ne serait que le résultat de la déshar-
monie entre le cerveau droit et le cerveau gauche, publiait, en
1844, un livre portant ce titre, à lui seul suffisamment signifi-
458 BIBLIOGRAPHIE.
calif : « La dualité de f'e,'}Jl'it ». A l'appui de sa manière de voir,
il insistait, tout particulièrement, sur les faits de dédoublement
des opérations cérébrales dans les maladies mentales.
Depuis lors, de nombreux travaux ont paru sur cette question
de psychologie ou de physiologie cérébrale, des faits nombreux,
recueillis avec toute la rigueur scientifique désirable, ont été
produits en faveur de l'autonomie hémisphérique que M. Bérillon
vient, à son tour, défendre avec talent. en s'appuyant principale-
ment sur l'hypnotisme expérimental.
Cet important travail nous est annoncé comme le résultat de
nombreuses expériences entreprises à la Pitié, dans le service de
M. Dumontpallier, qui a tenu à présenter au public médical, sous
forme de lettre-préface, l'oeuvre de celui qui s'est montré le
fidèle interprète de l'enseignement du maître.
Avant d'aborder l'étude de l'hypnotisme expérimental, M. Bé-
rillon s'est imposé une tâche considérable, celle de rassembler
tous les documents relatifs à l'indépendance des hémisphères
cérébraux en mettant, tour à tour, à contribution l'anatomie,
la physiologie, l'embryogénie, l'observation psychologique et la
pathologie cérébrale.
En exécution de ce vaste plan, l'auteur consacre la première
partie de sa thèse à l'énumération et à l'interprétation de tous
les faits susceptibles d'être invoqués pour la démonstration de la
dualité cérébrale. Dissemblance morphologique entre les deux
hémisphères, inégalité de volume et de poids, prédominance
fontionnelle, défaut de parallélisme et de simultanéité dans leur
développement embryogénique, dédoublement de la personnalité
chez certains aliénés, les exemples de suppléance, les données
localisatrices les plus récentes, toutes ces particularités sont utile-
ment rappelées et judicieusement appréciées dans le but de
prouver que le cerveau, loin d'être une individualité physiolo-
gique, est, en réalité, un organe pair, chacun des hémisphères
étant, à lui seul, un cerveau complet, autonome.
Etabli déjà sur cette solide base, M. Bérillon expose, dans la
deuxième partie de son travail, les résultats qu'il a obtenus au
moyen de l'hypnotisme expérimental et pénètre au coeur même
du sujet.
Ce n'est que tout récemment qu'on est parvenu, à l'aide de
pratiques spéciales, à partager expérimentalement l'individu en
deux moitiés, dont chacune présente les symptômes d'un état
particulier de J'hypnotisme.. 1\1. Dumontpallier s'est efforcé, on le
sait, de montrer, par de nombreuses expériences, qu'une légère
pression sur la région médiane du vertex a une action réflexe
simultanée sur les deux hémisphères, tandis que la pression uni-
latérale n'a qu'une action réflexe unilatérale croisée, sur l'hémi-
sphère du côté opposé à la pression.
BIBLIOGRAPHIE. 459
Braid avait déjà constaté que. dans l'état cataleptique, en impri-
mant aux membres du sujet une attitude déterminée, l'émotion
en rapport direct avec cette attitude se manifeste immédiatement
sur son visage. C'est ce qu'il appelait la suggestion par les gestes,
sorte d'accommodation idéo-motrice.
Tous les observateurs avaient acquis la certitude qu'il est pos-
sible, chez un sujet en catalepsie, de provoquer une suggestion
unique par les différents procédés employés parole, geste
imprimé, attitude imposée et l'on sait avec quelle précision
M. le professeur Charcot a poursuivi l'étude des phénomènes de
suggestion par Y intermédiaire du sens musculaire.
Mais, dit M. Bérillon, il n'était encore venu à l'idée de personne
de rechercher si, en imprimant une attitude différente, à chaque
côté du corps du sujet en expérience, on obtiendrait une expres-
sion faciale double et dissemblable pour chaque côté du visage.
Or, c'est précisément là le curieux résultat que MM. Dumont-
pallier et lui ont pu obtenir dans des expériences nombreuses
chez des hystériques.
En effet, à des attitudes différentes, contradictoires et simul-
tanées, communiquées à chaque côté du corps, s'adaptent des
expressions correspondantes dans chaque côté du visage qui, par
exemple, sourit dans sa moitié droite, en même temps qu'il appa-
raît courroucé dans sa moitié gauche, parce que la main droite
fait le geste d'un amical adieu, tandis que la main gauche
semble, le poing fermé, menacer quelqu'un. N'e·t-ce pas là une
preuve que chaque hémisphère a été influencé pour son propre
compte et réagit d'une façon indépendante !
De plus, M. Bérillon, partant de ce principe d'après lequel un
individu en état de somnambulisme présente une aptitude spé-
ciale à transformer immédiatement en acte l'idée reçue, est par-
venu à provoquer chez des sujets placés sous cette influence, des
illusions et des hallucinations bilatérales et de caractère différent.
C'est, au point de vue expérimental, exactement ce que la cli-
nique réalise quelquefois, comme en témoignent les curieuses
observations publiées par M. Magnan, observations relatives à des
malades qui, par exemple, en tendent des choses gaies par l'oreille
gauche, tandis que, simultanément, l'oreille ne perçoit que des
choses désagréables, des injures, des menaces, etc. : ce sont bien
là, comme le faisait remarquer à ce propos le savant médecin
de Sainte-Anne, des faits qui prouvent le dédoublement et l'indé-
pendance fonctionnelle des hémisphères cérébraux, en même
temps qu'ils désignent les centres sensoriels de l'écorce, comme
siège organique.
L'hypnotisme expérimental et l'observation clinique concourent
donc à nous faire admettre que chaque hémisphère représente
un organe distinct, doué d'une individualite propre.
460 BIBLIOGRAPHIE.
En résumé, conclut M. Bérillon, on peut dire que l'homme, au
point psychique, sensitif et moteur, est réellement double, en un
mot, qu'il possède deux organes de l'idéation, deux cerveaux. '
Telle est cette consciencieuse étude que l'auteur a su rendre
attrayante par la clarté de son style et la parfaite méthode qu'il
a apportée dans la disposition des matériaux considérables assem-
blés, avec grand soin, afin d'étayer solidement la doctrine de
l'indépendance fonctionnelle des hémisphères cérébraux.
Outre les résultats si intéressants fournis par l'hypnotisme
expérimental, le lecteur est assuré de trouver dans le livre de
M. Bérillon, nettement coordonnés et judicieusement appréciés,
tous les faits relatifs à cette importante question de physiologie
cérébrale. P. CAMPER.
VIII. De l'aliénation mentale chez les vieillards; par F.-A. GOUDAL.
(Thèse de Paris, 1884.) .
Cette thèse a pour but de montrer que tous les troubles vésa-
niques peuvent se rencontrer chez les vieillards : l'auteur rapporte
en effet, un certain nombre d'observations sousles dénominations
de manie, de mélancolie, de délire des persécutions, d'érotomanie,
de paralysie générale. Le nombre restreint de faits recueillis
par M. Gondal ne lui a pas permis d'étudier avec fruit les particu-
larités de la marche et de l'évolution des psychoses chez les sujets
âgés. Quant au rôle de la prédisposition dans leur développement,
il a été aussi négligé. 11 est même remarquable de constater
que sur dix-sept observations soit inédites, soit empruntées il
d'autres auteurs, il en est treize dans lesquelles il n'est point ques-
tion d'antécédents roil héréditaires, soit personnels; dans un cas,
on les a cherchés sans les trouver; une malade avait été placée;
un autre avait montré des bizarreries de caractères; et un qua-
trième avait eu deux frères aliénés. L'étude de la prédisposition
mérite pourtant une attention particulière dans les névropathies
des vieillards; en effet, il est bien établi aujourd'hui que la pré-
disposition joue un rôle capital dans le développement de ces
maladies; mais un autre problème se pose : les névropathies
peuvent-elles s'acquérir, et comment ? Les observations recueillies
sur les vieillards peuvent avoir à ce point de vue une valeur tout à
fait particulière. Un certain nombre de faits personnels nous ont
jusqu'à présent montré que dans cette catégorie de sujets le rôle
de la prédisposition est tout aussi évident que chez les adultes;
mais cette question mériterait d'être étudiée plus à fond. M. Gou-
dal reconnaissant dès le début de son travail deux formes dans la
démence dite sénile, nous avions espéré qu'il chercherait à distin-
guer dans les cas de soi-disant démence avec aliénation, les
formes vulgaires de la folie, et qu'il élargissait ainsi son champ d'oh-
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 461
servation. Chez un certain nombre de ces déments, on peut
en effet retrouver les manifestations ordinaires des psychoses
classées; quelquefois ces manifestations sont plus ou moins atté-
nuées dans leur intensité, et on à affaire à des vésanies à sour-
dine qui n'en sont pas moins reconnaissables; et chez ces sujets,
encore, quand on peut chercher, le rôle de la prédisposition est
aussi évident. CH. Fr;as.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Contribution à l'étude clinique des oedèmes périphériques d'origine
nerveuse; par J. WmL. (Thèse de Paris, 1885.)
Des paralysies traumatiques d'origine périphérique ; par IL FAU-
vel. (Thèse de Paris, 1885.) '
' Contribution à l'étude de la méningite cérébro-spinale ép idé inique ;
par A. HLRR. (Thèse de Paris, 488â.)
Contribution à l'élude clinique de l'arthropathie des ataxiques ;
par Barré. (Thèse de Paris, -1885.)
Des perturbations cardiaques dans le goitre exophthalmique ; par
LESCAUX. (Thèse de Paris, 1885.)
De l'hémitttrophie de la langue dans les lobes dorsulotuxiqaes ;
par 1t;1\.mu. (Thèse de Paris, 988.) .
Contribution à l'étude du traitement du tétanos; par Riboul.
(Thèse de Paris, 188.)
De l'hystérie chez les enfants; par Peugniez. (Thèse de Paris,
1885.)
De la réfrigération par le chlorure de méthyle ; par ROU1LL0.
(Thèse de Paris, 1885.)
Utilité de la révulsion dans les affections aiguës de la moelle ;
par CALL.IS. (Thèse de Paris, 4885.)
De l'épilepsie dans ses rapports avec les fonctions visuelles ; par
PicHoN. (Thèse de Paris, 1885.)
Contribution à l'étude des lésions du cervelet; par Le Large.
(Thèse de Paris, lb *83.)
De l'éthéromanie ; par E. 13H;LUZe. (Thèse de Paris, d875.)
Contribution à l'étude des paralysies dans l'urémie ; par BERNARD.
(Thèse de Paris, 1883.)
Quelques considérations sur les terreurs morbides et le délire
émotif en général ; par E. Doyen.
FAITS DIVERS
Assistance DES idiots et des imbéciles. - La plupart des préfets
et des conseils généraux refusent d'admettre les idiots et les
imbéciles dans les asiles d'aliénés. Il en résulte de nombreux
inconvénients. Le Droit du 20 septembre a publié les débats d'une
affaire soumise à la cour d'assises de la Sarthe, le 7 septembre
dernier. Il s'agit d' «une fille idiote qui s'était laissé séduire » et
qui en demeura enceinte. Elle est accouchée à huit mois. Sa
mère, qui l'assistait, n'a pas noué le cordon. L'enfant est mort.
Le père et la mère de l'idiote l'ont enterré dans un trou. Tous
trois comparurent, pour homicide par imprudence, devant le tri-
bunal correctionnel de la Flèche. La fille, « qui est fort peu in-
telligente », fut acquittée; la mère fut condamnée à six mois de
prison, le père à quinze jours de prison comme co-auteur. (Il n'est
pas question dn misérable qui a abusé de l'idiote.) Puis le père de
l'idiote a comparu devant la cour d'assises pour l'accusation de
suppression d'enfant. Il a été acquitté. Ce fait montre la nécessité
d'assister et d'interner dans des asiles spéciaux les enfants et les
adultes idiots, surtout les filles, et de créer dans ce but des asiles
inter-départementaux.
Nécrologie. - Le De 0. Berger, professeur extraordinaire de
neuro-pnthologieà à 13reslau, est décédé la 10 juillet, à l'âge de
quarante et un ans. '
Le Dr L. Lanier, membre, fondateur et secrétaire général de
l'association française contre l'abus des boissons alcooliques,
membre de l'Académie de médecine, inspecteur général honoraire
du service des aliénés, est décédé le 5 septembre dernier, à l'âge
de soixante-troisans. Nous citerons parmi les travaux qu'il a publiés :
Recherches surlea paralysie générale progressive, thèse, 1849; - De l'a-
aliénation mentale et du crétinisme en Suisse, 18(i8 ; - Recherches sur
quelques déformations du crâne observées dans le département des
Deux-Sèvres, 1832. - Des aliénés, îles divers modes de traitement
et Il' assistance qui leur sont applicables, 4865; - Des placements
volontaires dans les asiles d'aliénés, étude sur les légistations fr«n-
çaise et étrangère, 4868 ; - Des aliénés dangereux, 4869; Projet de
statistique applicable à l'étude des maladies mentales, 1869; - De
l'augmentation progressive du chiffre des aliénés et de ses causes,
4 870 ; - De l'isolement des aliénés, 4871; De l'origine et de la
FAITS DIVERS. 463
propagation des sociétes de tempérance, 1871 De l'influence des
grandes commotions politiques et sociales sur le développement des
maladies mentales., 1874; - Rôle des boissons alcooliques dans l'aug-
mentation du nombre des cas de folies et de suicides, 1872; Divers
articles dans le Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratique (.Jaccoud) ; Folie (Législation) ; -Crc2nc(défor·maliorzs arti-
ficielles du); - Crétinisme ; et un certain nombre d'autres travaux
qui, de même que les précédents, ne survivront guère à leur
auteur. Il était aussi un des directeurs desAtncales médico-ps·lzo-
logiques, où il a fait paraître un certain nombre d'articles.
Société française DE tempérance. Programme des prix et
récompenses à décerner en 1886. Le Conseil d'administration de la
Société, dans sa séance du 5 mai 1885, a décidé : 1° que tous les
travaux se rapportant à la tempérance et aux boissons alcoo-
liques envisagées sous le rapport soit de leur composition, soit
de leur action sur l'économie, seraient admis au concours; 2° que
des récompenses pourraient être accordées aux travaux imprimés
aussi bien qu'aux travaux manuscrits envoyés à la Société. La So-
ciété ne met au concours aucune question- spéciale pour l'année
1886, mais elle appellé particulièrement l'attention des concurrents
sur la question suivante : Etudier sur un point déterminé du terri-
toire français (commune, canton ou département), l'influence de
la loi du 17 juillet 1880, d'un côté sur le' nombre des débits de
boissons et de l'autre sur le chiffre des condamnations pour ivresse
publique, des morts accidentelles déterminées par les excès de
boisson, des folies et des suicides de cause alcoolique. Une somme
de 9,000 francs sera répartie entre les auteurs des mémoires cou-
ronnés. Les ouvrages ou mémoires devront être remis au secré-
tariat général de l'oeuvre, rue de l'Université, 6, avant le 1 ? jan-
vier 1886. Pour l'année 1887, la Société met au concours la
question suivante : Le Livre des mères, manuel à l'usage des
femmes désireuses de préserver leur famille de l'alcoolisme et de
l'ivrognerie. Montant du prix : 1,000 fr. Le concours pour ce prix
spécial ne sera clos que le 34 décembre 41886.
Folie DE l'enfance. « Le petit Eurda, âgé de huit ans, habi-
tant aux environs de Tizi Ouzou (Algérie), a jeté des pierres à sa
mère qui lui faisait attendre son déjeuner. Puis, pris d'une folie
furieuse, s'est précipité sur elle et l'a tuée à coups de couteau. »
(Lanterne, 20 septembre.) Les cas de folie de l'enfance se pré-
sentent assez souvent. Tous les ans, à Bicêtre et à la Salpêtrière,
on voit des exemples de folie générale ou partielle, de folie impul-
sive, quelquefois même l'aliénation consiste simplement en
hallucinations. '
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Càmmahem (V.). Un caso di paraplegia spastica da trauma vertébrale.
Brochure in-8" de 7 pages. Milan, 1805. F. Vallarcli.
Cullerre (A.). Magnétisme et hypnotisme. Exposé des phénomènes
obsirvés pendant le sommeil nerveux provoqué au point de vue clinique,
psychologique, thérapeutique et médico-légal, avec un résumé historique
du magnétisme animal. Volume in-f8 de 381 pages, avec 21 figures.
Prix : 40 lr. Paris, Librairie J.-B. Baillière, 19, rue Hautefeuille.
M'CUEL (H.). Contribution à l'étude des albuminuries transitoires
dans quelques maladies du. système nerveux. Brochure in-8° de U4 pages.
- Prix : 2 fr. 50. - Paris, 1885. Librairie J.-B Baililère.
TATY (Th.). Etude clinique sur les aliénés héréditaires. Brochure
in-8° de 115 pages. Prix : 2 fr. 50. Paris, 1815. - Librairie J.-B.
Baillière.
Vizioli (R ). - La malattia di Fmedreicu (Atassia ereditaria). Bro-
chure in 8o de 69 pages. - Napoli,
18a5. - Dottor I,eunardo Vallardi, editore.
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
TABLE DES MATIÈRES
Abstinence absolue d'un fou systé-
matique, par Siemens. 232.
Acide chlorhydrique avalé par un
aliéné, .\ 5,
Alcool, 423.
Aliénés (rapport sur le progrès de
l'assistance des - eflectnés en
Allemagne, au moyen des asiles
pendant ces dernières années,
par Loehr, 13R, 295.
Aliénés qui refusent' de manger,
(du pronostic de la folie chez les),
pat Sutherland), 420.
Aliénés, 100 ; - (en Russie), par
Kowalewsky, 233; (dans le
duché d'O 1(leti boit 1',7, statistique),
par Kollmann. 235; (Statis-
tique de Vnrzbourl, par Lind,
238; ? (loi sur les), 2',$; - mé-
ningite tuberculeuse chez les -
adultes), par .\Iickle, 1,21.
Anto-mutilations chez les aliénés,
par Adam, 415.
Aphasie, 227.
Asiles (voyage en France, en An-
gleterre, en Ecosse et en Bel-
1)il- Wiklermulh, ? '0; -
(Statistique des), 262 ; isuisses),
S>3; - (grands et petits), par
Shaw. 415.
Associations (troubles des), par de
Pfungen, 408.
Ataxie locomotrice (note sur les lé-
sions trophiques des valvules
aortiques dans l'), pnl' .\1. J. Teis-
sier, 408.
Attention (sur la tension des
muscles comme (le
l'), par Sikol'sky, 145.
Beach (cas du docteur), 302.
Bégaiement et balbutiement par
Berkham, 424.
Brome (emploi simultané de divers
sels de brome dans l'épilepsie),
108.
Bromure de potassium, 108.
Caféine et alcool, par Lewis, 423.
Cannabinone, 122.
Cellules nerveuses (vacuoles dans
les), 90.
Cérébrale (Dualité), par Bérillon,
457.
Cerveau (poids du), 212, t.2H; -
(Physiologie du), par Christiani,
272; -(tumeurs symétriques de
la base du , par Strahan, /il 1.
Cervelet (écorce du),parBeevor, 84.
Chanvre indien, par Richter, 110.
Conceptions irrésistibles, par flces-
termanu, .117, 450.
Congrès annuel de litsociéte iles mé-
decins aliénistes allemands, 261.
Congrès (XV,>) de la Société psy-
chiatrique de l'Allemagne du
Sud-Ouest, 245. ·
Corps strié (fibres du), par Edin-
ger, 88.
Cylindraxes tuméfiés dans la moelle
épinière, par Scltultze, 93; -
(dans la sclérose multilocnlaire),
93.
Cerveau (sclérose granuleuse de
l'écorce du), 92; -, (histologie
patliologiqua de l'écorce du
chez les aliénés), t. 18).
Démence paralytique, 417, 447, 456.
Démoniaques (histoires, disputes
et discours, des illusions et im-
postures des diables, des magi-
ciens infâmes, sorciers pt empoi
sonneurs, des ensorcelez et de
la guérison d'iceulx), par Jean
Wier, an. 271.
.lncmvr ? . X. 3l1
466 TABLE DES MATIÈRES.
Détenus (deux cas de méconnais-
sance pendant plusieurs années
d'une maladie mentale chez des
détenus), par Krcdlt-Ehin ? 419.
Diabète chez les femmes (troubles
nerveux dans le), par Lecorché,
395.
Digestifs (troubles d'origine ner-
veuse), par \Icehms; 96.
Doigt à ressort (théorie), parler-
nhardt, 97.
Ecchymoses sous-cutanées d'o-
rigine nerveuse, par Keller, 9 ?
Electriques (action des courants et
électro-diagnostic du champ vi-
suel), par Engelskjon, 10 ?
Electriques (le mode d'action thé-
rapeutique dissemblable des deux
sortes de courants et l'examen
électro-diagnostique du champ
visuel, par Eiigulslijoii, 425.
Encéphale (ramollissements syphi- i-
litiques multiples), par Hosen-
thal, 99.
Epilepsie partielle, 108.
Epilepsie, 231.
Epilepsie (bromuration), 108.
Epileptique (délire post-), 213;
(états), 257.
Epileptiques dangereux, 255.
Epileptiques (nombre des dans
le duché de Mecklenbourg-Schwe-
rin), par Tigges, 236; (rapport
sur), 238.
Esprit (pathologie de 1'), par 111au-
dsey, 132.
Folie praoépileptiyue, 121.
Folies héréditaires, 111, 215, 48,
432.
Ganglions intervertébraux, par Bech-
terew, Hosenbach et Sclultzes, 85.
Genou (phénomènes du), 121.
Grossesse et psychoses, par Bar-
tens, 237. ·
Hallucinations , par J{alldil1sky,
102; - (anatomie pathologique
des sensorielles), par Hertz,
448.
Hemichorée (localisation de l'), par
Greill, 409.
Hémiplégie curticale et surdité ver-
bac, par jloebius, 95.
Hémiplégie gauche dans le cours
d'une pneumonie, 22 ?
, Hémiplégie gauche avec aphasie,
22 .
Hypnotisme, par Finkelbul'g, 1,t.5.
Ihpoehondre (réflexe de la région
de l'J, 97.
Hypertrophie musculaire vraie, par
Sakaky, 122.
Hystérie (notesurun cas de grande.
'c))cx ! 'bom ! ne,avecdedoubie-
ment de la personnalité et arrêt
de l'attaque par la pression des
tendons), par J. Voisin, 212, 4.5 ! ) ;
- (11'aitcmrnt, méthode de Mit-
cbell et Play l'air), 245, 266.
Hystérie (traitement gynécologique
de l'), par Flesclrsi" 110.
Hystéro-épileptique (état do mal
à la suite d'une opération chirur-
g'iL : lde a\'e.; anestliésic), par Va-
lu de, 226.
Ictère (endémie d' à l'asile do
\Ierzi), 4 .
Idiots (des familles d'), par Bour-
neville et Séglas, 186, 47; -
(troubles delà parole chez les),
250.
Imbécillité (rapport médico-légal),
420.
Inanition (troubles nerveux dans
l'), M7.
Incendies multiples, au point de
vue méclico-lénal, par llfaramlou
de lontyel, 32.
Intercurrentes (maladies chez
les aliénés), 449.
Interdiction, 236.
Législation relative aux aliénés en
Angleterre et en Ecosse, par
Foville, 128.
Lèpre (symptômes névropathiquos
de la), par Rosenhaeh, 227.
Lipome des méninges spinales, par
Braubach, 413.
Manie transitoire, 452.
Méningite spinale chronique de la
queue de cheval avec dég¡'n¡'l'es-
cence secondaire de la moelle,
probablement d'origine' syphili-
tique, par Eisenlohr, 91.
Méningite tuberculeuse, 22 : ¡;
(chez les aliénés adultes), 42).
.Moelle épinière (l'orme de la), par
Flesch, 86.
Monoplégie brachiale avec anestiie-
sie, par Nixon, 230.
Mort apparente (diagnostic de
la), par l3uclt, 96.
Muscles (cas d'hypertonie pscudo-
hypertrophique des), par Eulen-
burg, 228.
TAULE DES MATIÈRES. li 67
Musculaire (atrophie- progressive
avec participation de la face), par
ltemalc, 2 ? 9, - fatropUe héré-
ditaire et pseudo-hypertrophi-
clue), par Schultze, ? 30; -(tabes
dorsal avec atrophie), 230.
lyélopathie aiguë à marche ascen-
dante, rappelant la paralysie as-
cendante aigué, par Barth, 226.
Névrite multiple et poliomyélite,
par Strueml;ell, 93.
Occlusion intestinale par excitation
du sympathique, 225. ,
Oculo-iholeur commun (paralysie
périodique du), par Thomsen,
119.
Oculo-moteur externe (paralysie
de l' ;, guérie chez un diabétique,
pur Landsberg, 414.
Onoinatomanie, par Cbarcot et Ma-
gnan, 157.
Optique (section des fibres du nerf
au voisinage de la capsule
interne), par Bechterew, 84 ; -
(tractus dans l'encéphale), par
Richter, 267. ,
Paratdehyde,parDenda,t07,249.
Paralysie générale (état des cellules
nerveuses dans la), par \Iendel,
232; par Meudet, 23,, 270.
Paralysies isolées des nerfs du bras,
et combinées du bras et de l'é-
paule, lhlr Bernhardt, 95.
Paratysiespros'ressivesatronbiques,
par Eisenlohr.'192.
Paraplégie tabétique, 23o.
Pathologie du système nerveux, par
Struemprll, 136.
Pinel (inauguration de la statue de),
276.
Protubérance (diagnostic des attec-
lions en foyer de la), par Senator,
49 U.
Psychoses combinées, par Siemens,
101.
Réactions électro-magnétiques des
nerfs et des muscles malades,
par Eulcubur, 90.
Sciatique (altérations de la moelle
épinière causées par l'élongation
du), par Tarnowski, 35. '
Sclérose latérale amlotrophique
(doux nouveaux cas de - avec
autopsie), par Charcot et .Marie,
l, 168,
Sclérose en plaques (curabilité de
)a),parCatsaras,S6.
Sclérose nndtiloculairc (troubles
oculaires dans la), par Gnauck,
228; - (avec atropine névritique
du nerf optique), par Eulenburg),
229.
Scléroses systématiques de la moelle
épinière (contribution il l'étude
des fausses), par Po polI, 305.
Sensibilité générale chez les consul.
sil's et les aliénés par Thomsen,
10U.
Sexuelle (sur un cas tout particuliet
d'excitation sexuelle perverse),
par Anjel, "16.
Sitiophobie (traitement de la), 482.
Spinale (lésion avec cécité et para-
lysie générale), 116.
Société médico-psychologique, lit,
2n3, 41G.
Société de psychiatrie et des mala-
dies nerveuses de Berlin, 116.
Société française de tempérance
(Prix), 144.
Société psychiatrique de la province
du Rhin, 445.
Surdité verbale, 95.
Syphilis, 99; - (centrale secon-
daire), 226 j - (cérébrale), 226.
Système nerveux (nutrition du), A
l'état physiologique et 'patltulo-
gique, par Jfatret, 76.
Tabes chez la femme, par Moebius,
98.
Tabes dorsal et syphilis, par de
Reuz,99; (avec atrophie), par
Eulenburg, 30;- (avec dégéné-
rescence des nerfs périphériques),
par Sakaky, 412.
Tabétique (paraplégie), 225.
Thérapeutique suggestive (fait pour
servir à l'histoire de la), par
Séglas, 376.
Thumsen (une observation de mala-
die de), par Pitres et Dallidet,
201.
Transfert dans l'épilepsie partielle,
par Hirt, 108.
Tubercules quadrijumeaux, par
Spitzka, 89.
Vagabonds (folies des), 449.
Vague (affection du nerf- dans le
- tabès dorsal), 118.
Vaso-moteurs de la peau de l'homme,
par Bucb, 87.
Zones (des) hystérogènes et hypno-
gènes, des attaques de sommeil,
par Pitres, 125.
TABLE
DES AUTEURS-ET DES .COLLABORATEURS
Adam, 415
Anjel, 416.
Baierlacher, 98.
Bartens, 237.
Barth, 226.
Bechterew, 84, 85, 234.
Beevor, 84.
Benda, 107.
Bérillon, 457.
BerkUan, 424.
Bernard, 95.
Bernhardt, 95, 97, 119.
Bigot, 116.
Binet, 128.
f31uswanner, 270.
Bloncleau (L.), 225.
Blumenthal, 124.
Bourneville, 186, 271, 347.
Bourru, 439.
Braubach, 413.
Briand, 143, 116, 244, 411.
Buch, 87, 96.
Catsaras, 66, 225, 227.
Charcot, I, 157, 168. "
Charpentier, 131.
Christian, 244.
Christiani, 272.
Dagonet, 276.
Dallidet, 201 ?
Delasiauve, 444.
Deny. 135, 22 : ï, 226, 227, 408.
Descroizilles, 225.
Edinger, 88.
Rickholt, 417.
Eisenlohr, 91, 92.
Engelskjun, 104, 425.
Erlenmeyer, 10*.
Eulenburg, 90, 228, 229, 230.
Falret, 428.
Féré, 231, 272, 428, 444, 161.
Finkelnburg, 445, 1,1,6, ! v47, 448.
/.su5[
Flesch, 86.
Fleschsig, 110, 26G, ? G7.
Foville, 128, 428.
Freusberg.
Freuellsberg, 248, 249, 260.
Fritscb, 420.
Fuerstticr, 245, 2'.7, 2$$, 21p, ).0.
z53, 25...
Garnier, 460.
Gnauck, 124, 228.
Goudal. 460.
Greiff, 92, 409.
Grtiii(,wa](1, 238.
Gudden, 2G5, °3n7, 270
lleekel', 446.
Hertz, 455.
Hirschlot ? 120.
Ilirt, IOS
Hitzig, 567.
Hoestel'lnann, 417, 450.
dastrowitz, 119.
Jehn, 4 ? 1.
Jolly, 245, 247, ? 8, 4\), 25U, 253,
2o5.
255.
Kandi1lsky, 202.
Katyscbew, 413.
Relier, 94.
Kéraval, (P.). S3, 8G, 87, 88, 89,
90, 91, 92, 93, H/" 95, 96, 97, 98,
99, 100, 101, 102, 104, 10î, 108,
109, 110, 12'" 137, 143,' ? oS, 229,
230, 232, 235, 236, 237, 2;18, 240,
243, 2G1, 27t, 409, 419, 411, t.l2,
413, 414, 416, 417, 418, 419, 420,
424, 4 ? G, 456, 457.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 469
Kirn, 248, 256.
Kollmann, 235,
Kowalewsky, 233.
KralTt-Ehing-, 419.
Landouy, 226.
Laugrenter, 238.
Landsberg, 414.
écorché, 395.
Le Dentu, 226.
Legrand du Saulle, 113, 115, 283.
Lewin, 121.
Lewis (13evail), 423.
Liebmann, 418.
Liman, 121. l.
Lind, 238.
Loehr, 135, 266, 295.
Luc, 227.
Lunier, 427. : 'Iairet, 76.
Magnan, 111, 113, 115, 117, 242,
432.
Marandon de Montyel, 322.
Marie, 1, 84, 168.
Maudsey, 132.
.mindel, 149, 421, 124, 232, 267,
2je, 271.
Mendelsohn, 275.
lleschedn, 267.
Mickle, 421.
;¡loebius, 95, 96, 98.
Musgrave-Clay (de), 412, 415, 416,
421, 423.
Nasse, 445,447, 4 ?
Neumann, 236.
Nixon, 230.
OEbeke, 447, 448, 450, 452.
Oppenheim, 118, 119.
Pelman, 452.
Peretti, 449.
Pichon, 281.
Pfungen (de), 408.
Pick, 90.
Pitres, 125, 201.
Popoff, 305.
Poubelle, 280.
Remak, 119, 120, 229.
Reinhard, 97.
Renz (de), 99.
Rey, 42, 427.
Richter (de Pankow), 110, 122.
Richter (de Dalldorff), 267.
Rlegel', 255.
Ripping. 452.
Ritti,287.
Riu. 242, 943.
Robinet, 277.
Rosenbach (P), 85, 90, 108, 117,
iIS, 22".
Rosenthal, 99.
Roubinowistch, 234.
Ruhle, 44 ? 448.
Sakaky, 122, 4t2.
Sander, 264, 265.
Schuchardt, 449.
Schuele, 245, 247, 248, 257, 261.
Schultze, 85, 93, 230.
Schulz, 90.
Séglas, 186, 347, 376.
Senator, 410.
Shaw, 415. '
Siemens, 101, 232.
Sikorsky, 145.
Spitzka. 89.
Stark, 249, 250, 255, 260.
Struempell, 93, 136.
Sutherland, 420.
Tarnowski, 35.
Teissier, 408.
Tigges, 236.
Thomsen, 100, 119, 121.
Tuczek, 456.
Ulithoff, 121.
Ungar, 446.
Valude (E.), 226.
Vogelsang, 123.
Voisin (J.), 212, 439.
Watson, 227.
Westphal, 116, 118, 119.
Wier (Jean), 271
Wildermuth, 240, 250, 253, 254,
256, 260.
Witkowski, 234, 248, 207, 260,
261.
EXPLICATION DES PLANCHES
[PLANCHE PREMIÈRE
Fig. 1. Coupe transversale de la moelle épinière passant par le ren-
flement lombaire d'un lapin sacrifié trois mois après l'élongation du nerf f
sciatique droit, pratiquée avec une force de 4 kilogr. Sclérose ou cordon
postérieur droit, côté de la traction. - Les éléments nerveux du cordon
postérieur, A, sont remplacés par du tissu conjonctif. La corne posté-
fleure, B, est atrophiée. La corne postérieure droite mesure 1 ? 05;
la corne postérieure gauche, 1 mm, 35; le cordon postérieur droit, Im», 95;
le cordon postérieur gauche, 2mm, 40.
Fig. 2. Coupe transversale de la moelle épinière passant par le
renflement lombaire d'un lapin sacrifié 42 jours après la traction du nerf
sciaiique droit, avec une force de 5 kilos. L'inégalité des cordons pos-
térieurs est moins marquée que dans la ligure précédente. Envahisse-
ment du tissu conjonctif qui remplace les éléments nerveux dans le
cordon postélieur atrophié de la traction A. La corne postérieure droite
est diminuée de volume autant que dans la moelle précédente. Va-
coles dans la corne antérieure B. La corne droite postérieure mesure
lmm, 50; la corne postérieure gauche, 1 ? T, s0; le cordon postérieur
droit, L ? t, 05; le cordon postérieur gauche, 1"n", 20.
Fig. 3. Cellule nerveuse en voie de vacuolisation provenant de la
. corne antérieure droite du lenllement lombaire d'un lapin sacrifié 38
jours après une traction du nerf sciatique droit avec une force de 5 kilos.
Fig. 4. - Tubes nerveux indemnes du bout central du uerf sciatique
d'un lapin sacrifié 8 jours après une traction dont la force équivalait à
600 grammes.
Fig. 5. - Coupe transversale passant par le renflement lombaire d'un z
lapin sacrifié 40 jours après la traction du nerf sciatique droit avec une
force de 4 kilos. - Légère diminution de volume de la corne postérieure
droite B, atrophie marquée du cordon postérieur droit A. Les éléments
nerveux sont remplacés par du tissu conjonctif dans tout le faisceau de
Goll et dans la plus grande partie du faisceau de Burdach. Le cordon
postérieur droit mesure 1 ? 05; le cordon postérieur gauche, Imm, 50;
la corne postérieure droite, I)im, 9G; la corne postérieure gauche, Imm, 20.
Fig. G. Coupe transversale passant par le renflement lombaire d'un
lapin sacrifié 20 jours après la traction du nerf sciatique dioit avec une
force de 4 kilos. Amoindrissement notable de la partie lntra-médul-
laire des racines postérieures et du cordon postérieur du côté de la trac-
tion A. Envahissement de ce dernier par le tissu conjonctif comme dans
les figures i et 5. Le cordon postérieur droit mesure 0 ? 09; le cordon
postérieur gauche, 0 ? 20 ; la corne postérieure droite, 1mm, 50 ; la corne
postérieure gauche, 1 ? 55
Fig. 7. Tubes nerveux lesés provenant du bout périphérique du nerf
sciatique d'un lapin sacrifié 43 jours après une traction à la main. La
myéline est en voie de résorption. Prolifération des noyaux de la gaine
de Schwann. Tubes nerveux de formation nouvelle.
t7t EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE Il
Fig. 1. - Circonvolution frontale ascendante droite de Bornic ? Oasm-
V.1TION 11, au niveau du lobule paracentral. Abondants corps granuleux
dans la substance blanche. La partie située tout à fait à gauche ne
contient pas de corps granuleux.
Fig. 2. - Capsule interne, Observation I, côté gauche, les corps gra-
nuleux y sont disposés en deux groupes.
Fig. 3. Capsule interne, Observation II, côté gauche.
A, couche optique. B, noyau lenticulaire. C, corps granuleux
occupant les interstices entre les faisceaux de libres coupées perpendicu-
lairement à leur direction.
EXPLICATION DES PLANCHES. 75
PLANCHE II
Fig, 4. Pédoncule gauche, Observation I.
A, corpo ârauulew - l3, cellules pigmentées du tocusuiger.
Fig, 5. Protubérance coupée par moitié, Observation I.
A, corps granuleux.
Fry. 6. - l4loelle cc.rvicale, OllsntiVATIUNB II.
A, corps granuleux du faisceau pyramidal cruisé. - H, curps granu-
leux aberrants. C, corps granuleux situés dans les processus radicu-
laires autérieurs. - D, corps granuleux du faisceau pyramidal direct.
8rcua. (.il th,I\I : 6 : : 1" , , ..111' - 10Si)