(1885) Archives de neurologie [Tome 10, n° 28-30] : revue des maladies nerveuses et mentales
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(1885) Archives de neurologie [Tome 10, n° 28-30] : revue des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

REVUE E

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

PUBLIEE SOUS LA DIIIKCTION DE

J.-M. CHARCOT

AVEC LA COLLABORATION ua

MM. BALLET, BERNARD, B1TOT (P.-A.), BLANCHARD, BONA)HE (E.), BOUCHEHEAU,

BR ! AND(M.),BR1C0N(P.),BIIISSAUD(E.),BR0UARI)EL(P.),CATSARAS,CH : ARPENTIER,

COTAIID, DEBOVE(Ilf.), DELASIAUVE, DENY, DUIÉN1L, DUHET, DUVAL(.II·THI·S),

l'EHHIEII, GAUTIEZ, GÉRENTE, GILLES DE LA TOUIiETTE, GOMBAULT, GRASSET,

HUCHAIti), JOG'PIiOY (A.), KAIiN (T.), KELLER, KÉHA VAL (P.), KOJEIiNIKOC,

LA ! OEOUZY, LEGIIAND DU SAULLE, MAGNAN, MAIRET, IfAR VN170\ DE 110NTYEL,

v1A1111 : ,111AYG11lEIt, MAYOR, 1111ERZCJE1VSKY, rIUSGIiAYE-CLAY, PARINAUU, PETEL,

PIEIIItET, PIGNOL, PITRES, POI'OPP, RAYMOND, HEGNAIID (P.). REGNARD (A.),

ItIf.111 : R (P.), SÉGLAS, SEGUIN (E.-C.), S1KOIISKY, TALAMON, TAENO\i'SKY,

TEINTURIER (E.), THULII.(H.), TR01S1ER (E.), VA1LLARI), VIGOUHOUX (1t.),

VOISIN (J.).

Rédacteur en chef : BOUItNEVILLE

Secrétaire de la rédaction : Ci[. FËnË

Dessinateur : LEUt3A.

Tome X. - 1885.

Avec 3 planches et 9 figures dans le texte.'

PARIS

BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL

14, rue des Carmes.

1885

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLE'S HÉRISSEY.

Vol. X. Juillet 1885. N" 28

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NERVEUSE

DEUX NOUVEAUX CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTRO-

PH1QUE SUIVIS D'AUTOPSIE;

Par J.-111. CHARCOT et P. MARIE.

La nature essentiellement systématique de la sclé-

rose latérale amyotrophique est actuellement admise

par la grande majorité des auteurs; et la localisation

toute spéciale des lésions dans la moelle et le bulbe

est trop bien connue pour qu'il soit nécessaire d'en

parler plus longuement.

Depuis quelques années, la question a fait de nou-

veaux progrès. La lésion du faisceau pyramidal dans

tout le segment de l'axe cérébro-spinal situé au-dessus

du bulbe, est aujourd'hui un fait absolument démontré.

C'est d'abord dans les pédoncules que cette lésion a

été observée (Charcot, Kahler et Pick 1), elle avait aussi

été constatée dans la protubérance, et M. Leyden lui-

1 Kahler et Pick. l3eitrdge zur Pathologie und Palhologischea Ana-

lomie des Cettralneraensystems, Leipzig. 1879.

Archives, t. X. 4

Il PATHOLOGIE NERVEUSE.

même la signala dans ses cas de paralysie bulbaire,

qui, comme l'a démontré l'un de nous, rentrent tout

naturellement dans le cadre de la sclérose latérale amyo-

trophique.

En même temps que la sclérose du pied des pédon-

cules, Kahler et Pick notaient une certaine atrophie

des circonvolutions motrices et émettaient l'opinion

que cette diminution de volume était probablement

l'indice de lésions dégénératives du même ordre que

celles qui existaient dans les autres points du faisceau

pyramidal ; mais ces auteurs n'avaient pas constaté

directement l'existence de ces lésions dans les circon-

volutions. Il restait donc là une lacune, elle fut comblée

en 1883 parle mémoire de Kojewnikoff1, qui, dans

une autopsie minutieusement conduite, constata dans la

substance blanche du cerveau l'existence de nombreux

corps granuleux situés, à n'en pas douter, sur le trajet

du faisceau pyramidal, ainsi qu'il résulte de la des-

cription de l'auteur' et des planches annexées à son

travail.

A ce cas unique, nous pouvons maintenant en ajouter

deux autres, dans lesquels la présence des corps gra-

nuleux dans les différentes parties du trajet intra-céré-

bral du faisceau pyramidal était des plus nettes (cap-

sule interne, circonvolutions motrices). Mais, de

plus, dans ces deux cas, nous avons pu, pour la pre-

mière fois constater la disparition des grandes cellules

pyramidales qui existent normalement dans la région

de l'écorce située au niveau du lobe paracentral.

La démonstration est donc aujourd'hui complète :

1 KojewnikofT. Archives de Neurologie, t883, VI, 356.

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 3

non seulement la sclérose latérale amyotrophique est

étroitement localisée à un système; mais encore elle

affecte toute la hauteur de ce système depuis la grande

cellule pyramidale de l'écorce jusqu'à la grande cellule

des cornes antérieures de la moelle, d'où elle s'étend

finalement jusqu'à l'élément musculaire périphérique.

Observation I. Début par raideur de la jambe gauche. Six

mois après, parésie du bras droit. Gène légère de la pa-

l'ole. Deux mois plus tard, atrophie de l'énzzinence thé-

nar droite, augmentation des troubles de la parole. - Puis

paralysie complète avec phénomènes spasmodiques qui dispa-

missent ensuite. Augmentation de l'atrophie des mains.

Troubles de la déglutition, de la respiration, de la circulation.

Mort un an après le début. Corps granuleux dans toute

la hauteur du faisceau pyramidal, y compris les circonvolu-

tions motrices. Disparition des grandes cellules pyrami-

dales de l'éco7,ce.

Dupont (Sébastienne), soixante ans, couturière, née à Lyon,

entre à l'hôpital Tenon, salle Magendie, 6, le 31 juillet 1883

dans le service de M. HucHARD, qui a bien voulu nous com-

muniquer les notes qui suivent.

Antécédents. La grand'mère paternelle serait morte

hémiplégique ; sa mère est morte de chagrin ( ? ) à l'âge de

trente-six ans. Son père mort à soixante-dix-neuf ans. Frère

mort de la poitrine à l'âge de dix-neuf ans et demi.

Elle a été réglée à douze ans, mariée à quinze ; elle eut treize

enfants dans l'espace de dix-neuf ans. Dix de ses enfants sont

morts en bas âge, trois sont bien portants. Ménopause à l'âge

de quarante-cinq ans.

Aucune maladie antérieure; elle a, jusqu'il y a huit mois,

toujours joui d'une excellente santé.

A ce moment (commencement de décembre 1882), elle

remarque que sa jambe gauche devient raide quand elle est

assise. Ce phénomène se montrait de temps à autre durant une

demi-heure en moyenne, et ne se produisait jamais pendant

la marche ; en même temps que ces contractures passagères il

existait quelques douleurs de reins.

4 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

Un mois avant d'entrer à l'hôpital Tenon, elle éprouvait une

certaine difficulté pour se peigner de la main droite ; elle pro-

nonçait mal certains mots, la parole était quelquefois embar-

rassée. Elle alla à la Salpêtrière pour consulter M. le profes-

seur Charcot, celui-ci étant absent, elle entra à l'hôpital Saint-

Antoine, chez M. Dujardin-Beaumetz, elle n'y resta que

quelques jours.

Au moment de son entrée à l'hôpital Tenon, elle accuse des

douleurs dans les membres inférieurs, dans les genoux, dans

les épaules, etc... Les contractures étaient intermittentes dans

la jambe gauche ; il n'y en a jamais eu du côté droit. On ne

constate pas d'atrophie des membres ; la marche n'est possible

qu'avec une chaise que la malade pousse devant elle ; les

jambes se détachent péniblement du sol, elles y sont comme

clouées, suivant l'expression de la malade. Exagération des

réflexes rotuliens. Pas de tremblement épileptoïde spontané

ou provoqué. Sensibilité intacte au toucher, à la douleur et à

la température. Le mouvement d'élévation des bras est impos-

sible.

Le facies ne présente aucun caractère particulier. Yeux

noirs, assez vifs, langue normale, tremblant un peu. La parole

est légèrement embarrassée, certaines consonnes sont pour

ainsi dire escamotées, parler lent, monotone, non scandé. Pas

de tremblement des mains. Jamais de maux de tête, ni ver-

tiges. L'appareil de la vision semble normal. Appétit excellent,

digestions régulières. Pas de fièvre. Poumons et coeur en par-

fait état.

Lorsque la malade est entrée dans le service le 31 juillet,

elle se plaignait surtout de douleurs dans les membres au

niveau des jointures et des masses musculaires, douleurs pour

lesquelles on prescrit 4 grammes de salicylates de soude par

jour. La malade prend ce médicament deux jours seulement

et l'on voit se produire certains symptômes bizarres que l'on

hésite à mettre sur le compte du salicylate. Ce sont du délire,

de violents maux de tête, un embarras plus prononcé de la

parole, une accélération du pouls sans fièvre, des étouffements.

La suppression du médicament et quelques jours de repos

mettent fin à ces accidents.

On remarque alors (8 août) que l'éminence thénar du côté

droit est un peu moins volumineuse que du côté gauche; les

mouvements d'opposition du pouce sont lents, difficiles, de

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 5

même le premier métacarpien tend à se mettre sur le même

plan que les autres métacarpiens ; l'abduction du pouce n'est

possible que si la malade prend le pouce avec l'autre main

pour le mettre dans la position voulue.

La malade est soigneusement examinée à nouveau, elle se

plaint d'avoir ressenti des tremblements fibrillaires dans les

régions thénar des deux côtés. Ces mouvements n'ont pu être

constatés.

Les contractions primitivement localisées dans le membre

inférieur gauche gagnent la jambe droite. Dans ces moments,

les membres sont dans l'extension, le bord interne du pied

porté en dedans et relevé. Les jambes sont des barres rigides

qui retombent tout d'une pièce sans flexion du genou; jamais

il n'y a eu de rapprochement spasmodique des genoux

Quelques jours plus tard, on remarque que la lèvre supé-

rieure a beaucoup perdu de sa mobilité, les consonnes labiales

sont mal accentuées ; certains mots dans les phrases sont abso-

lument incompréhensibles. La langue est normale comme

volume, elle peut être facilement relevée, creusée en gouttière,

sortie et ramenée dans la bouche. Quelques tremblements

fibrillaires à la pointe.

L'atrophie de l'éminence thénar droite se prononce rapide-

ment ; elle se dessine également à gauche ; les muscles de ces

éminences s'atrophient avec une grande rapidité, en même

temps que les mouvements du pouce se restreignent de plus

en plus chaque jour.

Peu à peu, les pouces sont rejetés en abduction, écartés de

la paume de la main, il n'y a plus ou à peine d'opposition ni

d'adduction ; les premiers métacarpiens se mettent sur le plan

des autres métacarpiens ; les espaces interosseux commencent

à se dessiner.

Les muscles des éminences thénar répondent faiblement aux

courants induits.

La main n'a pas d'attitude particulière, sauf une demi pro-

nation.

Pendant le mois de septembre 1883, l'atrophie des émi-

nences thénar des deux côtés a fait des progrès considérables,

de même que l'impotence fonctionnelle s'est accentuée. '

Les membres inférieurs sont contracturés dans l'extension

et l'adduction pendant des heures et quelquefois des journées

entières, mais sans douleur.

G PATHOLOGIE NERVEUSE.

Absence de trémulation épileptoïde.

Pas d'atrophie des membres inférieurs.

La malade est obligée de garder le lit à partir du commen-

cement d'octobre ; elle peut aussi à peine se servir de ses

mains, quoique celles-ci ne soient pas déformées. Les mouve-

ments du cou sont lents, la rotation est pénible.

La parole s'embrouille, la paralysie et l'atrophie de la lèvre

supérieure sont de plus en plus visibles. Toujours rien de

manifeste du côté de la langue et du voile du palais; la voix

n'est pas nasonnée.

Jamais d'engouement pendant les repas, ni de retour des

aliments par le nez. Les fonctions digestives s'accomplissent

bien. La malade urine bien, demande le bassin tous les jours

ou tous les deux jours. La nuit, elle dort assez bien, mais la

salive s'écoule un peu sur ses vêtements. Quand la malade ne

parle pas, ses lèvres sont rapprochées, la bouche est fermée,

elle n'a pas « l'air pleurard »; toutefois les sillons naso-labiaux

paraissent s'accentuer dans les premiers jours d'octobre. A

cette époque les deltoïdes sont mous, flasques, très atrophiés ;

un contraste frappant existe entre les membres inférieurs et

les supérieurs ; ces derniers sont devenus grêles; les premiers,

au contraire sont volumineux et assez adipeux.

Les battements du coeur ont toujours été réguliers. Respira-

tion normale dans les deux poumons.

16 octobre. Tous les symptômes sont encore plus accusés;

depuis quelques jours seulement les mains ont commencé très

rapidement à prendre l'attitude de la griffe ; les phalanges

sont fléchies, la main est presque continuellement dans la

pronation, les mouvements de supination sont très limités et

presque impossibles, les fléchisseurs des doigts forment, au

niveau du poignet, des reliefs très marqués, par suite de l'état

de contracture des muscles ; les mouvements d'élévation du

bras sont impossibles, et lorsqu'on imprime des mouvements

de flexion ou d'extension au membre au niveau de l'articulation

du coude et du poignet, on sent une certaine raideur, une

certaine résistance, ce qui prouve que les fléchisseurs et les

extenseurs sont à peu près également contracturés.

Les membres inférieurs sont depuis trois jours, le siège d'un

oedème assez considérable, oedème très probablement paraly-

tique et qui ne semble pas devoir être attribué aux troubles

cardiaques constatés aujourd'hui seulement. Ces troubles car

CAS DE SCLÉROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 7

diaques qui n'existaient certainement pas les jours précédents,

consistent en irrégularités et inégalités et intermittences car-

diaques. Aucun bruit de souffle n'est perçu ; la malade ne s'est

jamais plainte de palpitations.

La lèvre supérieure paraît atrophiée ; la malade mange avec

maladresse, elle laisse échapper, en mangeant, les liquides et

les aliments; la moitié gauche de la langue parait un peu plus

développée que la moitié droite ( ? ? ). Léger tremblement à la

pointe.

Aucun signe de paralysie du voile du palais. La parole est

de plus en plus embarrassée, tous les mots sont dits à peu près

sur le même ton, parole monotone et traînante.

La malade fut alors, comme nous l'avons dit, envoyée par

M. IUCHARD dans le service de M. CHARCOT. Voici les notes

qui furent prises sur elles pendant son séjour à la Salpêtrière :

2 novembre 1883. Aspect de la face. Rien de spécial

au front. Orbites assez profonds, espace assez considérable

entre la paupière supérieure et l'arcade sourcillière (yeux exca-

vés). Les plis naso-labiaux sont assez marqués, mais non très

accentués ; sur tout le pourtour des lèvres, on voit des plis

rayonnés en grand nombre. Ces plis existent aussi au niveau

du menton.

La partie antéro-externe du cou, au niveau des fibres du

peaucier présente aussi des rides assez nombreuses. Les mou-

vements des paupières s'accomplissent normalement. La ma-

lade peut placer ses lèvres dans la position du baiser, elle peut

écarter les commissures labiales assez facilement'; mais, dans

ce mouvement, la commissure droite est attirée en dehors

plus fortement, et un peu plus en haut que la commissure

gauche ; à l'état de repos, les lèvres restent entr'ouvertes et

laissent voir les dents.

Elle peut tirer la langue sans trop de mal, mais seulement

d'une longueur de deux centimètres à peine, et la maintient

assez longtemps hors de la bouche. La langue ne semble pas

notablement diminuée de volume, mais elle est très pointue,

la partie antérieure étant beaucoup moins volumineuse que la

postérieure.

La surface de l'organe est à peu près normale. Cependant, il

existe quelques légers plissements un peu plus prononcés au

niveau des bords (à cet endroit ils sont verticaux) que sur la

face dorsale (où ils sont plutôt réticulés).

8 PATHOLOGIE nerveuse.

Le voile du palais encombré de mucosités gluantes, est pen-

dant et symétrique ; lorsqu'on fait pousser un son à la malade

le voile du palais se relève à peine. La sensibilité réflexe du

voile du palais est un peu diminuée, mais non abolie, que

l'excitation porte sur le voile du palais ou sur la paroi posté-

rieure du pharynx. La malade ne peut souffler une bougie

qu'à huit centimètres au plus ; lorsqu'on lui bouche le nez à

dix ou onze centimètres , la diminution de la puissance du

souffle semble donc être due surtout à la faiblesse des forces

expiratrices.

La prononciation est extrêmement défectueuse et presque

incompréhensible par suite tant de la faiblesse de la voix que

de l'articulation défectueuse. Monotonie complète. Les lettres

0 K G 1 J Q T Z sont à peu près impossibles à prononcer

pour la malade; au contraire, M F R S V sont assez bien arti-

culés.

Quand on la fait boire les liquides ne remontent pas dans le

nez, mais il arrive quelquefois qu'en buvant ou en mangeant

quelques aliments s'égarent dans le larynx. Quand elle veut

boire, il faut lui approcher le verre des lèvres, et alors elle boit

lentement, par petites gorgées, et à chaque gorgée une cer-

taine quantité s'échappe par la bouche, et, rencontrant le

liquide qui baigne les lèvres, fait entendre un glou-glou très

prononcé. -Les mouvements de diduction de la mâchoire

sont conservés. -

Les mains présentent une atrophie musculaire manifeste

avec déformation caractéristique ; à l'état de repos, elles sont

toujours placées tout près l'une de l'autre contre l'abdomen, à

peu près à la hauteur du nombril, les avant-bras sont fléchis,

en pronation et en adduction.

Les doigts sont fléchis (il y a non seulement flexion de la

phalangine et de la phalangette, mais aussi un peu de flexion

des articulations métacarpo-phalangiennes), de sorte que les

ongles viennent porter dans la paume de la main, du moins,

ceux des deux derniers doigts, car le médius et l'index sont

écartés de la paume de la main par le pouce fléchi entre eux

et celle-ci..

Le pouce est dirigé obliquement en dedans et en bas, de façon

que son ongle vient aboutir à la base de l'espace interdigital

entre le médius et l'annulaire. Il y a un certain degré d'adduc-

tion du premier métacarpien, qui est sur le même plan que les

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPIUQUE. 9

autres métacarpiens. Les tendons des long abducteur et court

extenseur, et, en général, les tendons des extenseurs, font une

saillie considérable sur le dos de la main.

Le carpe est un peu en extension sur l'avant-bras, mais se

trouve cependant presque dans le prolongement de celui-ci;

le premier espace interosseux présente une dépression assez

considérable.

Dans la paume de la main, les muscles qui s'attachent au

bord interne du premier métacarpien, et tout à fait contre ce

bord semblent avoir disparu, de même l'adducteur du pouce;

mais, entre l'une et l'autre de ces deux masses musculaires, il

reste des muscles formant un bourrelet assez notable. -L'émi-

nence hypothénar n'a pas complètement disparu. On peut,

sans trop de peine, étendre passivement les doigts, mais ils

restent cependant toujours un peu fléchis dans l'articulation

de la phalange avec la phalangine. Le pouce peut aussi être

écarté de la paume de la main, mais avec une certaine diffi-

culté. Quand on dit à la malade d'étendre volontairement les

doigts, on voit qu'elle n'y parvient pas tout à fait, il n'y a que

- la première phalange qui soit complètement étendue, la pha-

langine reste fléchie. Elle ne peut écarter ses doigts les uns

des autres. Il lui est impossible d'étendre son pouce, tous les

mouvements qu'elle peut lui imprimer sont des mouvements

de flexion. Elle n'a plus aucune force dans les mains lui per-

mettant de serrer un objet, ni de faire usage de ses doigts.

La description qui précède a été faite surtout pour la main

droite, la gauche est un peu moins atrophiée et capable de

quelques très légers mouvements. mais présente en somme un

aspect tout à fait analogue à celui de la main droite.

On éprouve une difficulté assez grande à étendre l'avant-

bras sur le bras, et à peu près la même résistance pour le

fléchir. Lorsqu'on cherche à mettre le bras en abduction par

rapport au tronc, la malade accuse une certaine douleur dans

la région de l'épaule.

Les pectoraux sont assez bien conservés et semblent avoir

une certaine force; la malade ne peut mettre les mains sur sa

tète, tout ce qu'elle peut faire, c'est de les élever à peu près à

la hauteur de sa bouche avec une grande difficulté; elle peut

lever légèrement les épaules; elle fait avec le cou tous les mou-

vements qu'on lui commande.

Les mouvements du grand dorsal existent aussi' dans une

10 PATHOLOGIE NERVEUSE.

certaine mesure ; pendant qu'on l'examine, on constate, dans

les masses musculaires du bras et de l'avant-bras droits, des

mouvements fibrillaires; il en est de même à gauche.

Les deltoïdes ne semblent par extrêmement atrophiés, et si

la malade ne peut lever les bras, cela tient surtout à la raideur

qui existe dans l'articulation scapulo-humérale, et à la douleur

que déterminent les mouvements un peu amples dans cette

articulation. On voit aussi des mouvements fibrillaires au

niveau des deltoïdes et des pectoraux. '

Les réflexes tendineux au niveau du poignet (face dorsale et

face palmaire) sont très notablement exagérés des deux côtés.

Quant aux extrémités inférieures, elles sont le siège d'un

oedème assez prononcé, surtout au niveau des pieds et des

jambes remontant jusqu'aux cuisses. Sur les extrémités de

chaque premier métatarsien au niveau de l'articulation mé-

tatarso-phalangienne, il y a une plaque rouge non ulcérée

tenant sans doute à la pression des couvertures.

Légère eschare au talon droit, et sur chaque jambe, à la

partie postérieure du mollet, eschare de l'étendue d'une pièce

de un franc; sur les fesses, eschares plus étendues, siégeant

vers la partie inférieure du sacrum, à peu de distance du sillon

interfessier.

Les membres inférieurs ne sont pas contracturés, et en les

soulevant, on fléchit aisément la jambe sur la cuisse, et celle-

ci sur le bassin. Il est impossible, vu l'existence de l'oedème,

de dire s'il y a ou non atrophie musculaire. D'ailleurs, les

mouvements du pied sont très limités; la malade peut, cepen-

dant, avec beaucoup d'efforts, arriver à faire quelques mouve-

ments de flexion plantaire, la flexion dorsale est plus difficile;

il existe aussi quelques légers mouvements d'adduction, et

quelques mouvements de la jambe; ainsi, la malade parvient à

croiser un peu un pied sur l'autre.

Les mouvements du pied gauche semblent beaucoup plus

restreints que ceux du pied droit, mais il en existe encore

quelques-uns.

Les réflexes rotuliens sont assez brusques, mais n'ont pas

une intensité considérable, et, en somme, ils ne sont pas exa-

gérés. Le phénomène du pied ne peut être provoqué, bien qu'il

ait été recherché à plusieurs reprises avec le plus grand soin.

Les réflexes cutanés plantaires existent. Quant aux réflexes

abdominaux, on ne les constate pas, mais ils sont très difficiles

CAS DE SCLEROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 11

à rechercher, vu la flaccidité et les rides du ventre, déterminées

par les grossesses antérieures; pendant leur recherche, on fait

très aisément apparaitre des raies vaso-motrices.

La sensibilité au froid ou à la piqûre est parfaitement con-

servée. De même pour les sens spéciaux : les saveurs, les

odeurs, les sons, sont parfaitement perçus.

Il n'y a pas d'incontinence d'urine ni des matières, quoique,

en réalité, la malade soit fréquemment souillée parcelles-ci;

mais c'est, dit-elle/parce qu'elle ne peut se faire comprendre et

demander le bassin quand il le faudrait, car, affirme-t-elle,

elle sent très bien qu'elle a besoin.

Le pouls est déprimé, 80 par minute, mais très irrégulier :

tantôt il y a des intermittences, tantôt des battements préci-

pités. L'auscultation du coeur ne révèle pas de souffles,

mais une faiblesse considérable des battements et les irrégu-

larités déjà constatées par le pouls.

La respiration est, elle aussi, notablement troublée, parfois

la malade éprouve de la dyspnée, sans que cependant il existe

des accès d'une intensité très grande.

Les eschares augmentent de dimensions, des phénomènes

fébriles commencent à se manifester.

Mort en décembre 1883, probablement dans une syncope.

M. le Dr Vigouroux, chef du service électro-thérapique de la

Salpêtrière, nous a donné sur l'examen électrique de la malade

les notes suivantes ; par suite de l'état assez grave où se trou-

vait la malade, et de la présence des eschares; cet examen a

été assez difficile.

12 PATHOLOGIE NERVEUSE.

L'orbiculaire des lèvres répond à 100 millimètres d'écarte-

ment pour la lèvre inférieure, et à 90 pour la supérieure (qui

est par conséquent moins excitable). Galvan. 8 El. 50°

K S Z > A S Z des deux côtés.

CAS DE SCLEROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 13

1a· PATHOLOGIE NERVEUSE.

Les membres supérieurs sont dans un état de rigidité bien

caractérisée.

Les muscles de l'éminence thénar sont un peu moins rouges

qu'à l'état normal, ceux de la région hypothénar semblent en-

core encore moins affectés ; les lombricaux sont un peu jau-

nâtres, les interosseux ne sont pas très notablement atrophiés,

mais présentent, eux aussi, une coloration jaunâtre.

Les muscles du bras et de l'avant-bras ont une coloration

normale : le deltoïde est un peu jaunâtre.

Les muscles des membres inférieurs ont un aspect normal ;

les veines principales des membres sont ouvertes pour recher-

cher si, dans quelque point, il existe une thrombose à laquelle

on puisse rapporter l'oedème des membres inférieurs ; on n'en

trouve aucune trace.

Le diaphragme a, lui aussi, un aspect normal.

Les hémisphères cérébraux ne présentent rien à signaler, les

circonvolutions motrices ne semblent pas diminuées de volume.

Les surfaces de section de la moelle fraîche montrent une

congestion assez intense de la substance grise (coloration hor-

tensia), et, en certains points, une légère teinte grisâtre sié-

geant par plaques soit au niveau des cordons latéraux, soit au

niveau des cordons postérieurs, d'une façon d'ailleurs très

irrégulière.

Examen MICROSCOPIQUE'. - Circonvolutions. - En outre

de celles dont nous allons parler, quelques circonvolutions des

régions frontale et occipitale ont été examinées, de façon à

être certain que les lésions que nous constations étaient bien

spéciales aux régions où on les trouvait et ne dépendaient

pas d'une altération artificielle plus ou moins étendue de la

substance nerveuse.

Hémisphère droit.

Circonvolution frontale ascendante droite au niveau du

lobule paracentral. On voit un très grand nombre de corps

granuleux disposés en séries linéaires dirigées de l'écorce vers

le centre ovale ; en explorant toute la coupe on ne peut

trouver une seule grande cellule pyramidale.

1 Pour ne pas allonger démesurément ce travail, nous ne donnerons

dvec détails dans l'une et l'autre observation que ceux des résultats de

l'examen microscopique qui présenteront quelque chose de spécial ;

pour le reste, nous nous bornerons à une simple énumératiou, notamment

pour les nerfs et les muscles.

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 15

Circonvolution pariétale ascendante droite au niveau du

lobule paracentral. : Dans une partie seulement de la coupe

existent les corps granuleux ; on ne trouve plus de grandes

cellules pyramidales.

Dans le reste de la circonvolution frontale ascendante, en se

dirigeant vers la scissure de Sylvius ; on retrouve encore des

corps granuleux dans les coupes pratiquées à l'union du

tiers supérieur de cette circonvolution avec les deux tiers infé-

rieurs ; plus bas, on n'en voit plus ; les grandes cellules pyra-

midales font à peu près complétement défaut ou, quand il

en existe, c'est à l'état pour ainsi dire isolé.

Dans le reste de la circonvolution pariétale ascendante il n'y

a plus de corps granuleux ; les grandes cellules pyramidales se

comportent comme dans la partie correspondante de la fron-

tale ascendante et sont très rares.

Hémisphère gauche.

Circonvolution frontale ascendante au niveau du lobule

paracentral. Quelques corps granuleux ; on constate l'exis-

tence d'une ou deux grandes cellules pyramidables sur chaque

coupe.

Circonvolution pariétale ascendante au niveau du lobule

paracentral. Pas de corps granuleux ; les grandes cellules

pyramidales se voient ici en plus grande quantité, tout en

n'étant cependant pas aussi nombreuses que sur un cerveau

normal.

Le reste de ces deux circonvolutions n'a pas présenté de

corps granuleux ; nous devons ajouter que, par suite de cer-

tains défauts de technique, les résultats négatifs de l'examen

des circonvolutions à ce niveau ne peuvent ètre considérés

comme absolument certains, bien qu'ils aient de grandes

chances d'être conformes à la réalité. n

Capsule interne. Les corps granuleux existaient des

deux côtés dans la capsule interne, mais en quantité très iné-

gale dans l'un et l'autre hémisphère.

Dans l'hémisphère gauche, ils étaient assez nombreux et se

présentaient sous la forme de deux traînées étendues entre le

noyau lenticulaire et la couche optique. Quoique tout à fait

voisines l'une de l'autre, ces traînées ne se confondaient cepen-

dant pas complètement. Elles siègaient un peu en arrière

d'une ligne, partageant par moité la partie de la capsule in-

terne comprise entre l'angle interne du noyau lenticulaire

16 PATHOLOGIE NERVEUSE.

(coude de la capsule) et son angle postérieur. Dans le sens

antéro-postérieur ces traînées occupaient l'une (l'antérieure)

l'épaisseur d'environ quatre ou cinq des faisceaux de fibres

nerveuses qui se trouvent dans cette région et dont la coupe

affecte une forme ovalaire à grand axe dirigé de la couche

optique vers le noyau lenticulaire ; l'autre (la postérieure),

moins étendue aussi bien dans le sens antéro-postérieur que

dans le sens transversal, n'occupait guère que la largeur de

deux ou trois de ces faisceaux de fibres. De sorte qu'en somme,

la surface occupée par ces deux traînées de corps granuleux,

était, onle voit, assez restreinte.

Dans l'hémisphère droit, les corps granuleux existent aussi,

mais en nombre beaucoup moins considérable ,et demandent

à être recherchés avec beaucoup d'attention ; on n'en

trouve qu'un seul groupe de forme à peu près arrondie, situé

dans le voisinage du noyau lenticulaire dans un point corres-

pondant à l'union du tiers postérieur avec les deux tiers anté-

rieurs du bord interne du noyau lenticulaire (compris entre l'an-

gle interne et l'angle postérieur de ce glanglion). La surface

occupée par ce groupe unique de corps granuleux est très

peu étendue, puisqu'on ne compte sur chaque coupe qu'envi-

ron une trentaine de ces corpuscules.

Dans la couche optique, non plus que dans le noyau lenticu-

laire on ne trouve de corps granuleux, ces gauglions ne pré-

sentent pas de lésions apparentes ; les faisceaux de fibres qui

traversent la couche optique sont notamment très bien

développés.

Pédoncules. Le pédoncule gauche seul a pu être examiné

par la méthode de la congélation.

Les corps granuleux y sont extrêmement abondants et se

voient avec la plus grande netteté, pour ainsi dire du premier

coup d'oeil. Ils sont situés à la partie moyenne de la face an-

térieure du pédoncule, dans la région qui est considérée

comme donnant passage aux fibres du faisceau pyramydal ; ils

forment trois groupes qui, d'ailleurs, ne sont pas nettement

séparés les uns des autres mais correspondent à la segmen-

tation produite dans les fibres du pédoncule par les travées

fibro-vasculaires qui occupent cette région. Ces corps gra-

nuleux sont, d'ailleurs, plus abondants à la surface du pied du

pédoncule que dans la profondeur de celui-ci. On n'en trouve

aucun dans l'espace occupé par les cellules du locus niger non

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 17

plus que dans les autres régions de l'étage supérieur du pé-

doncule.

Protubérance. La protubérance ayant été séparée en deux

moitiés par une coupe verticale sagittale, on rechercha les

corps granuleux sur la moité droite par la méthode ordinaire

de dissociation) mais sans résultat (nous devons ajouter que

cette dissociation ayant été pratiquée au moment même de l'au-

topsie, un petit nombre de préparations seulement furent fai-

tes et que cette recherche ne fut pas exécutée avec assez de

persévérance pour pouvoir affirmer l'absence de corps granu-

teux dans la moitié droite de la protubérance, on peut tout

au plus en conclure que ceux-ci étaient peu abondants.

La moitié gauche fut examinée après congélation, et on y

constata nettement l'existence de corps granuleux réunis en

un petit groupe unique situé environ à l'union du tiers anté-

rieur avec les deux tiers postérieurs, et dans le sens trans-

versal un peu en dedans d'une ligne antéro-postérieure

partageant cette moitié de la protubérance en deux parties

égales.

Moelle. Les racines antérieures des 4 premières paires

de la région cervicale sont manifestement atrophiées, celles

des autres paires semblent un peu moins volumineuses qu'à

l'état normal, presque toutes sont plus rouges et semblent

plus vascularisées qu'à l'état normal ; à l'examen microsco-

pique on ne constate nettement de lésions que sur les racines

antérieures cervicales.

Coloration par le carmin des coupes de la moelle :

Région cervicale. Outre la sclérose du faisceau pyramidal

croisé et direct, il existe encore dans la substance blanche, au

niveau de l'angle externe des cornes antérieures, une sclérose

qui forme une zone transversale s'étendant presque jusqu'à la

périphérie de la moelle ; dans la région de substance blanche

qui s'étend au-devant de la partie antérieure de la corne anté-

rieure, la sclérose est beaucoup moins marquée. Les faisceaux

de Goll présentent une coloration un peu plus foncée qu'à

l'état normal. Les faisceaux cérébelleux directs sont intacts.

Dans la substance grise il y a une diminution considérabledu

nombre des grandes cellules motrices ; cette diminution est

d'ailleurs un peu variable, suivant les différentes coupes. Sur

quelques-unes, on voit à peine deux au trois cellules dans cha-

que corne antérieure, souvent leurs prolongements ont même

Archives, t. X. 2

18 PATHOLOGIE NERVEUSE.

en partie disparu, elles se colorent d'une façon très intense par

l'acide osmique ; sur d'autres coupes il y en a un plus grand

nombre, c'est généralement alors le groupe antéro-externe qui

est le mieux conservé.

- Les noyaux sont augmentés de nombre tant dans les parois

des vaisseaux que dans le tissu de la substance grise.

Région dorsale. Mêmes lésions que pour la région cervi-

cale : -la bande de sclérose s'étend en avant jusqu'à la péri-

phérie de la moelle au niveau de l'extrémité antérieure, de la

corne antérieure; en dedans; elle se confond avec la substance

grise, en dehors laisse libre le faisceau cérébelleux. Coloration

plus foncée des faisceaux de Goll. Les cellules motrices des

cornes antérieures ont beaucoup diminué de nombre,, surtout

dans la partie supérieure de cette région. Les colonnes de

Clarke sont bien conservées.

Région Lombaire.- Dans la substance blanche, la sclérose

est presque localisée étroitement à la région occupée par le

faisceau pyramidal dans ce segment de la moelle. Les cellules

motrices des cornes antérieures sont abondantes et semblent

saines, seul le groupe antéro-interne semble plus pauvre qu'à

l'état normal.

Avec la coloration de Weigert (hématoxyline), on constate

sur les différentes coupes dela moelle les faits suivants : Dans

les faisceaux pyramidaux, les fibres nerveuses sont moins

abondantes qu'à l'ordinaire, mais le nombre n'est pas aussi

diminué que pouvait le faire supposer la coloration intense de

cette région par le carmin; les fibres nerveuses existent encore

en grande quantité, mais ce sont presque exclusivement les

très minces fibres qui persistent. Quant à ces grosses fibres qui

sur une moelle normale se voient si nettement avec leur

volumineux cylindre-axe, elles ont presque entièrement dis-

paru.

Dans la substance grise des cornes antérieures, le nombre des

fibres nerveuses est diminué d'une façon très notable; (déjà,

dans un cas de sclérose latérale amyotrophique, Kahler avait

pu constater cette diminution au moyen de la coloration par

fuchsine acide) (Weigert). Dans la moelle lombaire, le nombre

des fibres nerveuses de la substance grise semble normal.

Les fibres nerveuses qui constituent les zones radiculaires

antérieures semblaient aussi moins abondantes qu'à l'état

CAS DE SCLEROSE LATERALE AMYOTROPH1QUE. 19

normal. Au contraire, les fibres radiculaires postérieures

étaient très belles.

Dans les cordons de Goll, le tissu conjonctif est plus abon-

dant qu'à l'ordinaire; ainsi qu'on pouvait le prévoir d'après la

coloration plus foncée constatée avec le carmin, les travées en

sont plus grosses et plus nombreuses. De plus, les fibres ner-

veuses semblent un peu moins nombreuses que dans des

moelles normales prises comme terme de comparaison. Ces

caractères sont surtout nets sur des coupes de la région cervi-

cale au niveau d'une zone siégeant à l'union de la moitié anté-

rieure avec la moitié postérieure du faisceau de Goll, près de

la ligne médiane, et s'étendant un peu dans l'intérieur de ces

cordons.

Aucune apparence anormale dans les faisceaux de Bur-

dach.

Les coupes faites par congélation ont permis de voir très

nettement les corps granuleux dans les faisceaux pyramidaux

directs et croisés ; dans ces derniers, ils dépassaient un peu le

territoire généralement assigné à ces cordons, surtout vers

leur partie antérieure. Mais ces coupes n'ont été pratiquées

que dans la région cervicale.

Quant aux organes périphériques, parmi les plus atteints, il

faut citer :

La langue qui présente une diminution de nomhre et de

volume des fibres musculaires avec surcharge graisseuse et

légère augmentation du tissu conjonctif interstitiel.

Les muscles thénar et hypothénar qui laissent voir d'une

façon nette les lésions atrophiques ordinaires de la sclérose

latérale amyotrophique.

Le nerf hypoglosse est nettement altéré. Quant aux autres

nerfs (médian, cubital, radial), ils ne présentent pas de lésions

tout à fait certaines.

Le deltoïde a quelques fibres dégénérées ; le long supina-

teur n'est pas altéré.

Le coeur présente une pigmentation assez accentuée; sa

striation n'est pas très belle, mais tout cet aspect ne diffère

pas assez de ce que l'on constate à l'état normal, pour affirmer

qu'il soit pathologique.

Nous n'avons pas eu à notre disposition de nerfs ni de

muscles des extrémités inférieures.

20 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Observation II. Début par difficulté de la parole et de la

déglutition. Quatre mois plus tard, attaque apopledlforme

suivie d'augmentation des troubles bulbaires. Parésie puis-

atrophie des membres supérieurs. Paralysie des membres

inférieurs avec phénomènes spasmodiques. Mort deux ans

après le début. Corps granuleux dans toute la hauteur du

faisceau pyramidal, y compris les circonvolutions motrices.-

Diminution du nombre des grandes cellules de l'écorce.

Bornic..., soixante ans, couturière, envoyée le 15 novembre

1884, dans le service de M. le professeur Charcot, par M. le Dr

Brissaud, avec le diagnostic de sclérose latérale amyotro-

phique.

Tous les renseignements qui suivent nous ont été, vu l'im-

possibilité de parler où était la malade, fournis par la fille de

celle-ci, avec une intelligence et une précision très notables ;

nous avons pu, d'ailleurs, en contrôler l'exactitude en les reli-

sant devant la malade et l'invitant à nous faire comprendre

par des signes de tête s'il n'y avait rien à modifier.

Les antécédents héréditaires n'ont pu être recherchés, la

fille de la malade ne connaissant ni ses grands parents ni ses

collatéraux.

Quant aux antécédents personnels, les seuls que nous ayons

pu nous procurer sont les suivants : la malade a eu sept

enfants, la plupart sont morts en bas âge, un seul survit, la

fille dont nous avons parlé plus haut.

Elle a eu deux érysipèles de la face, à peu d'intervalle l'un

de l'autre : le premier en 1880, le second en 188 ! ; dans aucun

ne se montrèrent 'd'accidents nerveux notables. Quant à l'affec-

tion actuelle, voici quels auraient été ses débuts :

C'est en novembre 1882 qu'on commença à remarquer une

certaine difficulté de la parole, la malade parlait confusément,

« il semblait qu'elle grelottait lorsqu'elle se mettait à parler » ;

à ce moment déjà, elle mangeait un peu difficilement, mais

continuait cependant à faire, comme d'habitude, son travail de

couture.

En mars 1883, un soir après dîner, se sentant un peu indis-

posée, elle sort dans la cour pour se promener. Deux ou trois

minutes après, sa fille l'entend frapper à la fenêtre, elle sort

aussitôt et trouve sa mère étendue sur le dos, la bouche un

peu tirée à gauche, les yeux blancs ; la malade était alors sans

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 21

connaissance, mais elle revint à elle dès qu'on la releva; la

fille affirme qu'elle n'était paralysée d'aucun membre ; on la

coucha, elle dormit assez mal ; dès ce moment, on remarqua

que la salive avait une tendance à s'écouler de sa bouche et

que la parole était beaucoup plus embarrassée, non pas

par aphasie, mais par dysarthrie (nous avons assez insisté sur

ce point de l'interrogatoire pour pouvoir l'affirmer). C'est à

partir de ce moment que la langue a cessé de pouvoir se mou-

voir d'une façon normale.

Le lendemain matin, lorsqu'on chercha à la faire manger,

on s'aperçut qu'elle ne pouvait que boire, on la conduisit alors

à l'hôpital Tenon ; elle put faire le chemin à pied sans diffi-

culté et sans qu'on remarquât la moindre paralysie des

membres.

Pendant le séjour à Tenon, la fille dit avoir remarqué que

la langue allait de pis en pis; pendant les premiers jours de

son entrée, on avait tenu la malade au lit, mais elle ne tarda

pas à se lever, elle allait et venait dans la salle, et n'avait

aucune peine pour marcher.

Le 30 mai 1883, elle quitte l'hôpital et revient chez sa fille ;

elle parlait encore, mais très fortement du nez ; ne pouvait

manger que des aliments trempés et des panades, ne pouvait

plus travailler à l'aiguille, son pouce droit avait une tendance

à rester fléchi, mais faisait encore son ménage (moins faci-

lement d'ailleurs qu'avant sa maladie), se sentait plus faible,

marchait encore très bien.

En novembre 1883, elle eut pendant quelque temps dans les

membres des crampes très fortes, mais n'éprouva jamais de

douleurs à proprement parler.

En mars )88, la difficulté de la parole était devenue telle

qu'on ne pouvait plus la comprendre.

Tous ces phénomènes ne firent que s'aggraver : c'est vers la

fin d'avril et le commencement de mai qu'on commença à

remarquer un peu d'amaigrissement des muscles, surtout du

côté droit du corps, spécialement à la main droite. En mai, on

s'aperçut que la malade, en marchant, allait de travers, mais il

parait que cela n'était pas continu et survenait par crises, elle

titubait comme une personne ivre, ne marchait pas sur la

pointe des pieds, mais son corps se raidissait, et la tète était

penchée en avant.

Huit jours après l'apparition de ce nouveau symptôme, elle

22 PATHOLOGIE NERVEUSE.

entra de nouveau à l'hôpital Tenon. La parole, qui était déjà

incompréhensible, ne se composait plus que de quelques sons

inarticulés; cette fois encore, la malade a pu aller à pied à

l'hôpital ; mais, à partir de ce moment, elle a commencé à ne

plus pouvoir marcher qu'en se tenant aux lits et peu à peu elle

est arrivée à ne plus marcher du tout.

Etat actuel (24 novembre l88t). La malade reste tou-

jours couchée, la tète soutenue par des oreillers, les plis naso-

labiaux sont très accentués ; la lèvre inférieure un peu tom-

bante forme une espèce de moue ; la salive s'écoule de la

bouche ; les rides du front sont très prononcées.

Aux membres supérieurs on constate un certain degré

d'atrophie plus marquée à la main droite qu'à la gauche. (Les

membres supérieurs ont d'ailleurs montré de l'atrophie avant

les membres inférieurs, et tout d'abord dans la main droite où

l'index et le pouce ont commencé à se fléchir) ; dans la main

droite, les deux dernières phalanges des doigts sont un peu

fléchies, les interosseux commencent à se prendre, d'où un

certain degré de déformation en patte de singe; la flexion et

l'extension sont cependant encore assez bien conservées

dans les différents segments des membres supérieurs, mais

beaucoup mieux d'ailleurs à gauche qu'à droite, la main

gauche est à peine atteinte et la malade peut encore s'en

servir pour un assez grand nombre de mouvements. Légère

résistance des membres supérieurs aux mouvements passifs.

La main droite est plus rouge et peut-être un peu plus froide

que la gauche. .

Au dynamomètre, main gauche= 13 1{ ? main droite=71t.

Dans les membres inférieurs, résistanco cireuse aux mou-

vements passifs; ces membres naturellement étendus sont

dans l'adduction, quelquefois ils se fléchissent la nuit involon-

tairement d'eux-mêmes ; la malade ne peut les fléchir et les

étendre que d'une façon lente et par^saccades successives ; la

flexion complète est impossible.

Les extenseurs résistent assez bien, les fléchisseurs beaucoup

moins. La flexion dorsale du pied est impossible à la ma-

lade, la flexion plantaire s'exécute un peu, les pieds sont un

peu tombants. Les muscles des extrémités inférieures sont,

comme ceux de presque tout le corps, agités de palpitations

fibrillaires.

Lorsqu'on fait lever la malade, elle ne peut faire quelques

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 23

pas qu'en se tenant aux lits voisins, et encore faut-il la soute-

nir. La tête et le tronc sont très penchés en avant. La plus

grande partie de la plante du pied pose sur le sol; mais, lors-

qu'on soutient la malade pour l'aider à marcher, les pieds

ne portent que sur les pointes et se prennent l'un dans

l'antre.

Lorsque, dans le lit, on veut écarter ses deux jambes, on

éprouve une notable résistance.

Les muscles du cou sont atteints eux aussi, la malade ne

peut tenir sa tête, celle-ci tombe en arrière quand elle n'est

pas soutenue. Quand la malade veut, pendant qu'on l'inter-

roge faire un signe négatif, elle est obligée de remuer presque

tout le tronc pour imprimer à sa tête le mouvement désiré.

On constate aussi une atrophie très notable du trapèze, du

rhomboïde et des mucles de l'épaule en général '.

' Quant à la face, les rides du front sont prononcés, les sour-

cils relevés; la malade ne peut que très incomplètement ouvrir

la bouche, les arcades dentaires s'éloignent légèrement et la

salive s'écoule hors de la bouche en plus grande abondance

par la commissure labiale droite.

Elle ne peut ni tirer la langue, ni la porter soit en haut,

soit latéralement; si, avec le manche d'une cuiller, on écarte

les arcades dentaires, on voit la langue aplatie sur le plancher

buccal; la moitié antérieure est très notablement plus atro-

phiée que le reste de l'organe et présente plusieurs plis trans-

versaux formant comme des rides en travers du tiers antérieur

de l'organe.

Quand on lui dit d'avaler, par exemple, un peu de bouillon,

elle ne le fait qu'à l'aide d'une cuiller; elle remplit celle-ci à

moitié, en projette le contenu dans la cavité buccale et la

retire avec une certaine rapidité, afin de recueillir, au niveau

du menton, la portion du liquide qui sans cela tomberait sur

sa chemise; l'autre portion qui est restée dans la bouche donne

lieu, au moment de sa déglutition à une sorte de glouglou faci-

lement perceptible pour les personnes avoisinantes; il est rare

que les liquides s'engagent dans lès fosses nasales.

De temps en temps la malade fait entendre un gémissement

1 Les notes prises par M. Vigoureux sur l'état électrique des muscles

et des nerfs ont été perdues; les résultats qu'il avait obtenus ne s'éloi-

gnaient d'ailleurs en rien de ce qu'on observe ordinairement dans la sclé-

rose latérale amyotrophique.

24 PATHOLOGIE NERVEUSE.

sourd et étouffé ; quoiqu'elle ne puisse articuler, elle peut

émettre des sons laryngés mais sans modulations.

Elle ne peut ni souffler ni siffler. Impossibilité des mou-

vements de la mâchoire. Tendance à rire ou à pleurer sans

motif. La sensibilité à la piqûre au pincement, à la tempé-

rature est normale. -

La malade n'éprouve pas de douleurs, la seule sensation

pénible qu'elle ressente est un serrement au niveau do la ré-

gion sternale.

Les réflexes tendineux sont exagérés aux membres supé-

rieurs et inférieurs; trépidation du pied bien marquée.

Quand on percute avec le marteau de Skoda le maxillaire in-

férieur au voisinage de l'insertion du masséter, on détermine

très nettement la contraction de ce muscle et avec plus d'in-

tensité qu'à l'état normal.

Le réflexe cutané de la plante du pied est conservé.

Le réflexe guttural est, lui aussi, conservé; quand la malade

a la tête basse, il existe un certain ronflement produit par la

stagnation des mucosités au niveau du larynx.

Pouls, 40'N; respirations, 24; les mouvements du diaphragme

pendant la respiration semblent un peu brusques et comme

spasmodiques. Rien aux poumons. Pas 'd'intermittences

cardiaques.

La malade s'affaiblit rapidement et mourut dans la nuit du

27 novembre, probablement par syncope, sans avoir jamais

eu d'eschares.

A l'AUTOPSIE les circonvolutions ne présentent, non plus que

les méninges, rien de spécial au point de vue macroscopique.

Au microscope, la frontale ascendante droite au niveau du

lobule paracentral montre d'abondants corps granuleux, dis-

posés en série, rayonnant du centre ovale vers l'écorce ; il

existe quelques grandes cellules pyramidales, mais leur

nombre est notablement diminué ; celles qui restent ne sont

pas très développées.

La pariétale ascendante droite au niveau du lobule paracen-

tral ne contient qu'un très petit nombre de corps granuleux ;

les grandes cellules pyramidales y ont à peu près complètement

disparu, mais les cellules pyramidales moyennes sont, en

revanche, très nettes et assez abondantes.

D'autres coupes faitessur le reste du trajetdes circonvolutions

frontale et pariétale ascendantes, ne contenaient pas de corps

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 25

granuleux, non plus que les coupes faites immédiatement en

avant de la frontale ascendante.

La frontale ascendante gauche, contient des corps granuleux

en abondance, les grandes cellules pyramidales ont beaucoup

diminué de nombre, c'est à peine si on parvient à en trouver

quelques-unes. '

La pariétale ascendante gauche au niveau du lobule paracen-

tral, présente un certain nombre de corps granuleux et une

diminution du nombre des grandes cellules pyramidales.

Les autres parties des circonvolutions pariétale et frontale

ascendantes gauches ne contiennent pas de corps granuleux.

Les coupes pratiquées sur le pied de la troisième cz"¡'convlJlu-

tion frontale gauche au niveau du point où elle se jette dans la

frontale ascendante, n'ont pas montré non plus un seul corps

granuleux.

Dans la capsule interne des deux hémisphères, on retrouvait

les corps granuleux, mais dans un nombre et une disposition

bien différente si on compare les deux hémisphères entre eux.

Dans la capsule interne droite, les corps existent en assez

grande abondance; ils occupent dans le sens de la longueur de

la capsule interne plusieurs (trois ou quatre) des espaces ellip-

tiques formés par la coupe des faisceaux de fibres nerveux et

contenus dans la capsule interne. Ces corps sont au nombre

d'une vingtaine environ dans chaque espace elliptique; dans

le sens de la largeur, ils occupent presque tout l'espace qui

sépare le noyau lenticulaire de la couche optique; de plus,

non seulement les corps granuleux existent au niveau des

faisceaux de fibres coupés en travers, mais encore dans les tra-

vées qui séparent ceux-ci les uns des autres et délimitent les

espaces elliptiques dont il est question plus haut. Dans ces

travées, les corps granuleux sembleraient dus à la dégéné-

ration de fibres se portant du noyau lenticulaire à la couche

optique.

Quant à la région de la capsule interne dans laquelle siège

cette lésion, elle se trouve un peu en avant de la partie

moyenne du tiers postérieur de la capsule interne.

La capsule interne gauche présente aussi des corps granu-

leux, mais en nombre infiniment moindre que de l'autre côté.

Ici ils ne se réunissent pas en un groupe, mais sont presque

complètement isolés les uns des autres ; on peut d'ailleurs

constater que les uns, c'est la majorité, sont contenus dans

26 PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'épaisseur des faisceaux elliptiques formés par la section des

fibres nerveuses verticalement dirigées, tandis que les autres

sont situés dans l'intérieur des travées qui délimitent ces fais-

ceaux elliptiques.

La dimension antéro-postérieure de l'espace dans lequel se

rencontrent ces corps granuleux est un peu plus étendue que

celle de l'espace occupé par ces éléments du côté opposé; mais

leur dissémination est telle du côté gauche qu'ils sont en réa-

lité beaucoup moins nombreux.

La région de la capsule interne où siège cette lésion est

située à l'union du tiers moyen avec le tiers postérieur, empié-

tant plutôt un peu sur celui-ci.

Moelle cervicale. Le nombre des grandes cellules des

cornes antérieures est très diminué. Celles qui persistent et

dont le nombre est variable suivant les coupes sont plus

petites, plus arrondies; leurs prolongements sont moins nets.

Avec la méthode de Weigert, diminution du nombre des fibres

nerveuses dans les cornes antérieures.

Dans la substance blanche : sclérose des faisceaux de Türclc,

sclérose des faisceaux latéraux, occupant non seulement le

territoire des faisceaux pyramidaux, mais encore s'étendant en

avant d'une façon bien marquée jusqu'au niveau de la partie

antérieure de la corne antérieure. Quant à la portion de subs-

tance blanche située en avant de celle-ci, elle présente aussi

de la sclérose, mais moins accentuée.

Les faisceaux de Goll montrent un certain degré de sclérose

dans presque toute leur étendue et, par l'emploi delà méthode

de Weigert (hématoxyline et prussiate de potasse), on constate

que les fibres nerveuses y sont moins nombreuses, surtout

près du sillon postérieur il l'union du tiers postérieur avec les

deux tiers antérieurs.

Rien à signaler dans les faisceaux de Burdach.

Les coupes faites par congélation et colorées par le bleu de

quinoléine montrent les faits suivants :

Corps granuleux au niveau du faisceau pyramidal croisé,

existant aussi, mais en petit nombre, en avant de celui-ci ; il y

a notamment un ilôt d'une dizaine de ces corps dans la subs-

tance blanche près de la périphérie de la moelle, au niveau

d'une ligne horizontale passant par l'angle externe de la corne

antérieure. Dans le reste du cordon antéro-latéral, ces corps

granuleux n'existent en abondance que dans le faisceau de

CAS DE SCLÉROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 27

Türck; on en trouve quelques-uns encore dans la partie du

cordon antéro-latéral située en avant de la corne antérieure,

mais ils siègent dans les travées conjonctives qui donnent pas-

sage aux fibres radiculaires antérieures et aux vaisseaux; la

plupart de ces corps semblent contenus dans les espaces

lymphatiques qui entourent ces derniers. Sur quelques coupes

on aperçoit un ou deux corps granuleux situés non plus dans

les processus radiculaires antérieurs mais bien au milieu des

fibres nerveuses et paraissant provenir de la destruction de l'une

d'elles; mais c'est, nous le répétons, à l'état complètement isolé.

Les corps granuleux se retrouvent aussi dans quelques-uns

des faisceaux de fibres verticales circonscrits parles expansions

du tractus intermedio-lateralis.

A la périphérie de la moelle, on en trouve quelques-uns dans

le faisceau cérébelleux direct, depuis une ligne frontale pas-

sant par les angles externes des cornes antérieures jusqu'au

point de sortie de la corne postérieure; au niveau du faisceau

pyramidal croisé proprement dit, ces corps sont même assez

nombreux dans les faisceaux cérébelleux.

Dans les cordons postérieurs, et notamment dans la partie

sclérosée des faisceaux de Goll, nous n'avons jamais vu un seul

corps granuleux dans l'épaisseur des fibres nerveuses; on en

observe quelquefois en très petit nombre dans l'interstice entre

la corne postérieure et le cordon postérieur, mais toujours ils

siègent dans les espaces périvasculaires, et proviennent, par

conséquent, de points plus ou moins éloignés.

La substance grise contient aussi des corps granuleux,

quoique en bien moins grand nombre que la substance blanche;

ils siègent, pour la plupart, dans les espaces périvasculaires;

quelques-uns sont contenus dans les cellules nerveuses, indi-

quant ainsi leur altération plus on moins avancée, tantôt il

n'y a pour ainsi dire que quelques fines granulations bleues,

siégeant à l'un des pôles de la cellule, tantôt la cellule a presque

entièrement disparu et ses restes sont accolés à un volumineux

corps granuleux.

Moelle dorsale. Sa forme n'est pas régulière, le sillon pos-

térieur s'incline très notablement vers la droite, un peu avant

d'arriver sur la commissure grise, la corne antérieure droite

est plus petite que la gauche; cette malformation n'a d'ailleurs

vraisemblablement rien à faire avec la sclérose latérale amyo-

trophique.

28 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Disparition presque complète des grandes cellules de la subs-

tance grise, ainsi que des fibres nerveuses contenues dans

celle-ci.

Sclérose des faisceaux pyramidaux et un peu aussi des autres

parties du faisceau antéro-latéral.

Sclérose assez nette des cordons postérieurs formant dans

chacun de ceux-ci une N dont l'extrémité libre du jambage

externe aboutit au coude de la corne postérieure, tandis que le

jambage interne se prolonge à son extrémité adhérente d'une

longueur égale à lui-même et constitue ainsi une ligne antéro-

postérieure située dans le cordon de Goll, et aboutissant par sa

partie antérieure à la commissure grise, au niveau de laquelle

il se confond avec le jamhage analogue (cordon de Goll) du côté

opposé; les autres branches de cet N n'atteignent pas en arrière

la périphérie de la moelle.

Sur les coupes faites par congélation et traitées par la quino-

léine, on voit que les corps granuleux existent en très grand

nombre dans le territoire classique du faisceau pyramidal croisé

et un peu en dehors de celui-ci qui se trouve ainsi agrandi

dans tous ses diamètres; de plus, on en trouve dans les autres

parties du faisceau latéral jusqu'à une ligne frontale passant

par la face antérieure des cornes antérieures, mais ils sont à

l'état isolé ou par groupes de deux ou trois seulement, un peu

plus nombreux dans le voisinage de la substance grise qu'à la

périphérie de la moelle. Au devant des cornes antérieures, ces

corps granuleux deviennent beaucoup plus nombreux, ils sont

surtout abondants dans la partie du faisceau antérieur située

près de la périphérie de la moelle, en avant; au contraire, il

n'y en a pour ainsi dire pas dans la région qui correspondrait

aux faisceaux de Tilrck.

Dans toute l'étendue des faisceaux antéro-latéraux et dans

la partie antérieure de la substance grise, les corps granuleux

sont assez abondants dans les espaces périvasculaires.

Un certain nombre de cellules nerveuses des cornes anté-

rieures présentent aussi des granulations bleues plus ou moins

volumineuses. Pas de corps granuleux dans les cornes posté-

rieures ni dans les cordons postérieurs.

Moelle lombaire. La sclérose occupe très nettement le

territoire du faisceau pyramidal croisé; il y a, de plus, un très

léger épaississement de la névroglie à l'entour des cornes anté-

rieures, mais cela est extrêmement peu remarqué.

CAS DE SCLEROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 29

Dans les cordons de Goll, le long du sillon postérieur, légère

teinte de sclérose ; il y a aussi quelques vestiges de sclérose

dans les cordons de Burdach, suivant une trainée dirigée de

dedans en dehors, et située à l'union du tiers postérieur avec

les deux tiers antérieurs de ces faisceaux.

Les cellules des cornes antérieures existent en assez grand

nombre, mais ne semblent pas cependant tout à fait aussi

abondantes qu'à l'état normal. Quelques-unes ont des bras

très longs et bien ramifiés, d'autres n'en ont presque pas. Les

fibres nerveuses de la substance grise paraissent aussi moins

abondantes qu'à l'état normal, mais cela est beaucoup moins

net que dans les autres régions.

Sur les coupes par congélation colorées avec le bleu de qui-

noléine, les corps granuleux sont nombreux dans le territoire

du faisceau pyramidal croisé, quelques-uns, aberrants, se

trouvent dans le voisinage de celui-ci.

Dans le reste des -faisceaux antéro-latéraux, se voient de

chaque côté une quinzaine environ de corps granuleux com-

plètement isolés, mais un peu plus nombreux cependant près

de la périphérie de la moelle au voisinage de l'extrémité anté-

rieure du sillon antérieur. Quelques corps granuleux se

trouvent de plus dans les espaces périvasculaires.

Il y en a très peu dans la substance grise, beaucoup moins

que dans les autres régions de la moelle; un très petit nombre

seulement de cellules nerveuses des cornes antérieures ont

pris la coloration bleue et peuvent être considérées comme

altérées.

Quant aux lésions des organes périphériques, elles n'ont été

recherchées que dans un nombre assez restreint de ceux-ci.

Les nerfs hypoglosses droit et gauche étaient nettement alté-

rés ; le nerf plantaire interne droit semble présenter aussi

quelques fibres altérées et peut-être un peu de sclérose.

Quant aux autres nerfs examinés, nerf cubital droit, nerf

médian gauche, nerf collatéral interne du pouce, ils n'ont pas

présenté d'altérations, ou, 'tout au moins, s'il existait quelques

légères déviations de l'aspect normal, elles n'étaient pas assez

nettes pour qu'on put les regarder comme sûrement patholo-

giques. L'examen des coupes du nerf sciatique, à sa partie

supérieure, permet de conclure, suivant toute apparence, à la

disparition d'un certain nombre de fibres nerveuses.

La langue est, comme nous l'avons dit dans la partie cli-

30 PATHOLOGIE NERVEUSE.

nique, atrophiée surtout dans sa partie antérieure; au micros-

cope, diminution considérable du nombre et aussi du volume

des fibres musculaires, la striation est généralement conservée;

pas ou très peu de dégénération granuleuse ; mais ce qui domine,

c'est une augmentation très accentuée des cellules adipeuses

du tissu interstitiel.

Dans le larynx, le muscle de la corde vocale inférieure était

altéré d'une façon évidente, les muscles voisins ne l'étaient

pas, ou l'étaient beaucoup moins.

Parmi les muscles des extrémités, les interosseux palmaires

du troisième espace, à droite et à gauche, ont des fibres dimi-

nuées de volume, dont la striation manque ou est peu nette,

et, contenant quelques granulations graisseuses dans certains

points, l'augmentation du nombre des noyaux n'est pas con-

sidérable ; pas d'augmentation notable du tissu conjonctif.

Dans le court fléchisseur des orteils droits, la striation a en

' grande partie disparu : granulations graisseuses, augmentation

du nombre des noyaux.

Le long supinateur, le jambier antérieur, le biceps fémoral

n'ont pas paru altérés'.

Nous croyons nécessaire de donner quelques détails

sur la technique que nous avons employée pour la

recherche des corps granuleux, dans l'intérieur des

hémisphères cérébraux et dans la moelle.

Toutes les coupes ont été faites par la méthode de

congélation (microtome de Roy, perfectionné par

Malassez), le centre ovale ayant été préalablement des-

siné par transparence sur une larme de verre était

divisé en carrés de 3 centimètres de côté environ ;

sur chacun de ces carrés étaient faites, après congéla-

tion, des coupes de 1 à 2 cinquantièmes de millimètre.

'L'examen du bulbe n'a pu encore être fait complètement, la série des

coupes méthodiques pratiquées avec un soin tout particulier et une grande

habileté par M. le Dr Melotti (de Bologne) n'étant pas encore tout a fait

terminée ; nous avons pu cependant constater dans les deux observations

les altérations classiques des faisceaux pyramidaux et du noyau de

l'hypoglosse.

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 31

On peut ainsi non senlement voir très nettement les

corps granuleux, mais encore les voir in situ et par

conséquent arriver à étudier leur localisation de la

façon la plus minutieuse; c'est là un avantage incon-

testable sur la méthode par dissociation au moyen

des aiguilles avec laquelle il est absolument impos-

sible d'explorer tous les points d'une surface un peu

étendue et qui, même en ayant soin de diviser en mor-

ceaux très petits la pièce à examiner ne donne sur

la place occupée par les corps granuleux que des

renseignements peu précis.

Quant à la recherche des corps granuleux eux-

mêmes dans les coupes, plusieurs cas peuvent se pré-

senter : 1" les coupes ont été faites au moment

même de l'autopsie (ce qui est surtout facile pour les

circonvolutions, beaucoup plus que pour la capsule

interne) on les recueille dans la liqueur de Mùller

préalablement bouillie, et on l'examine soit immé-

diatement, soit après quelques heures ou quelques

jours de séjour dans celle-ci ; la coloration jau-

nâtre produite par le bichromate sur les différentes

parties de la coupe fait admirablement ressortir les

corps granuleux et on peut ainsi les distinguer de la

façon la plus nette sans le secours d'aucun réactif;

cependant il peut arriver que, soit dans les circonvolu-

tions, soit dans la couche optique des cellules ner-

veuses un peu granuleuses présentent jusqu'à un

certain point l'aspect de corps granuleux. Aussi sera-t-

il bon de laisser quelques coupes pendant cinq ou dix

minutes dans le picro-carmin avant de les examiner.

Cette cause d'erreur sera ainsi facilement évitée, car

dans le cas où on aurait eu affaire à des cellules ner-

32 PATHOLOGIE NERVEUSE.

veuses, le corps et le noyau de celles-ci apparaîtront

très nettement colorés en rouge.

2° Les pièces sont restées dans la liqueur de llIüller

pendant un mois ou deux. Dans ce cas, les corps gra-

nuleux sont quelquefois un peu moins facilement dis-

tingués. Pour les faire apparaître plus sûrement, il sera

bon d'exposer, pendant quelque temps, les coupes aux

vapeurs d'acide osmique; on voit alors les corps gra-

nuleux se colorer en noir beaucoup plus foncé que

les fibres à myéline entre lesquelles ils se trouvent.

On peut encore employer la méthode de coloration de

Kornilowich' ou celle par le bleu de quinoléïne 2; la

méthode de coloration de Weigert (hématoxyline et

prussiate de potasse) permet aussi de les voir; mais

elle nous a généralement donné de moins bons résul-

tats que les précédentes.

Enfin, dans le cas où les coupes sont trop épaisses,

pour qu'on puisse distinguer nettement les corps gra-

nuleux, on parviendra à reconnaître sûrement leur

existence en ayant soin d'écraser la coupe sous le

couvre-objet, soit avec le doigt, soit avec un morceau

de moelle de sureau. En opérant cet écrasement d'une

façon progessive, on pourra encore reconnaître le

lieu où siègent les corps granuleux par rapport aux

parties voisines et l'on saura ainsi où les chercher

dans les coupes n'ayant pas subi l'écrasement; mais,

en général, il n'y a pas lieu de recourir à cet artiûce

et sur des coupes de 2 à 3 cinquantièmes de milli-

1 Progrès médical, 1884. ? Cette dernière coloration, étudiée spécialement par l'un de nous en

collaboration avec M. lluet, n'a été appliquée qu'aux coupes de moelle;

ses résultats ont été supérieurs à ceux obtenus par l'acide osmique. Il est

vraisemblable qu'elle réussirait aussi bien pour le cerveau.

CAS DE SCLEROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 33

mètre, il est toujours facile de reconnaître les corps

granuleux; or, avec le microtome de Roy, on peut

sans peine faire par congélation des coupes de 2 cin-

quantièmes de millimètre; la seule difficulté consiste

quelquefois, surtout pour la capsule interne à dérou-

ler les coupes une fois faites, mais on finit toujours

par y arriver.

Nous avons, à propos de chaque autopsie, indiqué la

topographie des lésions dans les différents segments

de l'axe cérébro-médultaire ; nous allons maintenant

rappeler d'une façon générale leurs caractères.

Dans les circonvolutions, on constate, d'une part, la

disparition totale ou la diminution du nombre des

grandes cellules 'pyramidales de l'écorce; dans t'OBSER-

VATION I au niveau du lobule paracentral, on ne trou-

vait plus de ces grandes cellules. Un peu au-dessous,

on en rencontrait quelques-unes, mais tout à fait iso-

lées. Dans l'OBSERVATION II, au niveau du lobule

paracentral sur quelques coupes, la disparition était

complète; mais, en général, on trouvait encore

quelques-uns de ces éléments, mais en nombre très

minime. Sur aucune préparation nous n'avons pu

retrouver ces nids de grandes cellules pyramidales

qu'il est si facile de trouver sur un cerveau normal,

toujours ces cellules se montraient absolument isolées

les unes des autres, et c'est à peine si, dans les prépa-

rations les plus favorables, on en comptait six ou

sept, alors que sur des circonvolutions normales prises

comme terme de comparaison en en trouvait un

bien plus grand nombre.

Ajoutons, que pour la plupart, ces cellules n'étaient

pas aussi volumineuses, aussi belles qu'à l'état nor-

Archives, t. X. 3

3t ' PATHOLOGIE NERVEUSE.

mal, leurs prolongements semblaient moins anguleux;

cependant, ni dans leur noyau, ni dans leur corps il

ne nous a été donner de constater d'altérations notables;

peut-être se coloraient-elles par l'acide osmique d'une

façon un peu plus intense qu'à l'ordinaire( ? ).

Quant aux autres cellules de l'écorce, elles ne nous

ont pas semblé modifiées, les cellules pyramidales

moyennes étaient notamment assez belles et assez nom-

breuses.

Les corps granuleux n'ont pu être retrouvés dans la

substance grise de l'écorce; dans la substance blanche,

ils étaient, comme nous l'avons dit, très nombreux.

Leur quantité n'était d'ailleurs pas la même dans toute

l'étendue de la substance blanche et, sur certaines

coupes (suivant la direction des fibres), on les voyait

très abondants dans l'a moitié où lès trois quarts de

la largeur de la préparation, tandis qu'ils étaient t.rès

rares ou manquaient dans l'autre partie ; on peut donc

dans une même circonvolution, les voir plus abondants

dans certains faisceaux de fibres que dans d'autres.

Quant à leur disposition, elle coïncide très nette-

ment avec la direction des fibres du faisceau pyrami-

dal ; tantôt isolés, tantôt groupés par trois ou quatre

placés bout à bout, l'es corps granuleux forment des

séries linéaires dirigées de l'écorce vers le centre ovale;

à mesure qu'on se rapproche de l'écorce, ces séries

divergent et tendent à former l'éventail. Comme nous

venons 'de le dire, 'la majorité des corps granuleux

semble siéger ' sur le trajet des fibres nerveuses, et

vraisemblablement dans leur épaisseur même, consti-

tuant un stade de leur désintégration; mais, de plus,

on en rencontre quelques-uns, assez peu abondants

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPl\1RE. 35

d'ailleurs, dans les espaces périvasculaires ; dans les

cas de sclérose en plaques que nous avons examinés.'

ces espaces étaient, au contraire, tout à fait farcis de

ces éléments. (A suivre.)

PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE

altérations DE la moelle ÉPINIÈRE causées par

l'élongation du nerf sciatique ' ;

Par PAULINE TAUNOWSKL

Bénédikt2 fait part de l'examen microscopique d'un

tabétique auquel on avait pratiqué l'élongation du

nerf sciatique. Une grande amélioration s'en était

suivie. Le malade mourut accidentellement cinq mois

après. A l'examen microscopique, on trouve une dégé-

nérescence grise occupant les cordons postérieurs

dans toute l'étendue de la moelle.

Cavafy3, ayant pratiqué dix-neuf fois la traction ner-

veuse chez des tabétiques, cite une de ses observations

où une grande amélioration avait suivi ce traitement.

Le malade mourut deux mois après. A l'autopsie, on

1 V. t. IX; 1. 289.

2 Benedikt. - Varlctufige l1liltlteilll1l ! } übei, Nervendelll/u1t ! }. Wiener

med. Presse, 1881, 24ter juli.

3 Cavafy. - Sciatic 2zei-ve stretchiug in locomotor ataxia. Réf. dans le

Lancet, 1881.

36 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

constata une dégénérescence très accusée des cordons

postérieurs de la moelle. Nicoladoni élongea les

quatre nerfs intercostaux inférieurs à un malade qui

mourut le lendemain. La moelle épinière et les nerfs

sus-nommés furent trouvés parfaitement indemnes ( ! )

Rumpf3 communique au huitième congrès des psy-

chiatres et des neuropathologues allemands, l'obser-

vation de Laquer : Un malade soumis à la traction

bilatérale des nerfs sciatiques mourut le neuvième

jour d'une hémorragie de la moelle. Depuis vingt ans

syphilitique, ce malade souffrait depuis trois ans de

tabes. A l'autopsie, on constata une hémorrhagie sous

la pie-mère dans toute l'étendue de la région dorsale

jusqu'à la région lombaire. Dégénérescence grise des

cordons postérieurs. Sclérose des parois des vais-

seaux sanguins.

Weltrubski 3 (Progrès clinique du professeur Gussèn-

bauer) fit une traction bilatérale du nerf sciatique à

un ataxique souffrant en outre d'une inflammation vési-

cale. Après l'opération les troubles moteurs et ceux de la

sensibilité s'aggravèrent. Mort le trente-troisième jour

d'une inflammation purulente des reins. L'autopsie

faite par le professeur Klebs montra une sclérose

typique des cordons postérieurs de la moelle, une

hémorragie sous les méninges et des traces d'un

processus inflammatoire dont la provenance peut-être

mise sur le compte du traumatisme subi par la moelle.

1 Nicoladoni. Beitrdge zur Neroerzchirurgie. (lVieller med. Presse,

1882, ne 27.)

2 Rumpf. Bericht uorz VIII Wander-Sammelung der Südwestdentsch

Neurologen med. b-rend1'fzte.

3 Weltrubski. - Er/'ahrungen iiber Nervendehnung, (prag. med. lVa-

chenschr., 1882, no5 11 et suivants).

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 37

Rosenstein' 1 (Clinique du professeur Bergère à

Breslau) : Un malade ancien syphilitique, accusait

depuis plusieurs années des symptômes bien marqués

d'ataxie locomotrice; absence des réflexes du genou,

démarche ataxique, parésiedel'oculo-moteur,diplopie

etc. Le malade se fit opérer à Berlin. Une traction

bilatérale des nerfs sciatiques lui fut faite, d'après son

désir. Du côté gauche, la plaie se ferma par première

intention. Du côté droit, il y eut suppuration. L'incon-

tinence d'urine nécessita un changement perpétuel du

pansement. La fièvre s'alluma dès le second jour,

le pus se fraya un chemin le long de la gaine du nerf,

et le malade mourut un mois après l'opération. L'au-

topsie fut faite par le professeur Marchand. Dans sa

partie supérieure, la moelle fut trouvée aplatie ; sur

toute son étendue la moelle présentait une altération

de forme triangulaire, de coloration gris jaunâtre

occupant les cordons postérieurs. Ces derniers étaient

un peu atrophiés. Les racines postérieures de la queue

de cheval étaient plus minces que d'ordinaire et de

couleur gris rougeâtre.

La moelle durcie, examinée au microscope par le

Dr Rosenstein, présenta à la région lombaire un léger

épaississement des méninges ; une dégénérescence des

cordons postérieurs, principalement près des cornes

postérieures; peu de fibres nerveuses normales. Des

deux côtés de la fissure longitudinale se trouvait un

filet de tissu normal séparé des parties voisines par du

tissu conjonctif. Beaucoup de corpuscules amyloïdes

1 Rosenstein-Moritz. Ein Fail voit Nel't'endell1l11llg bei tabes dorsalis

(Arch. fïiî, Psychiatrie, etc., XVI, 1884.)

38 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

dispersés dans le voisinage. -Les parois des vaisseaux

sanguins qui suivent la fissure longitudinale étaient

épaissies et contenaient des corps amyloïdes. Ces

derniers abondaient également autour du canal central.

Développement du tissu conjonctif dans les cordons la-

téraux.

La dégénérescence des cordons postérieurs et la-

téraux était symétrique des deux côtés. La substance

grise ne présentait rien d'anormal. Les cellules ner-

veuses étaient indemnes. Sur les coupes faites au

niveau du quatrième et du cinquième nerf lombaire,

on trouvait du pigment dans les cellules nerveuses des

cornes antérieures. Pas de vacuoles.

Région dorsale : Au niveau du dixième nerf dorsal la

substance grise des cornes postérieures et antérieures

est normale. Dégénérescence diffuse des cordons pos-

térieurs ; sclérose des vaisseaux, corpusculesamyloïdes.

Le même tableau se retrouvait presqu'en totalité au

niveau du deuxième nerf dorsal. La dégénérescence

occupait principalement le segment postérieur du

faisceau de Goll, dont le segment antérieur était

moins altéré. L'altération se retrouvait au voisinage

de la corne postérieure. Cette dernière contenait par

place un développement du tissu conjonctif.

. La région cervicale, au niveau du cinquième nerf

cervical et plus haut, présentait une dégénérescence

bien accusée du faisceau de Goll dans toute son étendue.

On constatait un grand nombre de corpuscules

amyloïdes autour du canal central. '

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE EPIXIHRH. 39

GROUPE III. Recherches expérimentales sur l'élon-

gation des nerfs chez les animaux sans examen de la

moelle épinière.

M. Duvault' communique dans sa thèse six expé-

riences sur des chiens, auxquels il élongea et broya

les nerfs, sur une sonde cannelée selon la méthode du

professeur Verneuil. Le Dr Duvault observa Ja dégéné-

rescence du bout périphérique du nerf opéré, tandis

que le bout central restait normal.

Le Dr Geu fit dans le laboratoire du professeur

Tarchapopo, à Saint-Pétersbourg, des recherches sur

l'élongation des nerfs chez les grenouilles, les lapins et

les chiens et communiqua des données très intéres-

santes quant au poids auquel résistent les nerfs, leur

propriété au point de vue du courant inductif et les

altérations microscopiques que fait subir aux nerfs

la traction. Ainsi, d'après cetauteur, le nerf sciatique

de la grenouille résiste aupoids de 60 à 140 grammes;

ce qui dépasse de deux à quatre fois le poids du ba-

tracien.

Chez les lapins et les jeunes chiens, le nerf cédait

au poids de 600 à 1,600 grammes. L'examen micros-

copique démontra qu'une faible traction de 5 à

10 grammes chez les grenouilles et de 200 à

300 grammes chez les lapins n'exerçait aucune in-

fluence sur les fibres nerveuses, traitées par l'aide

osmique. Entre '300 à 600 grammes on y remarquait

1 Duvault. De la distention des nerfs comme moyen thérapeutique.

Thèse de Paris, 1876.

2 Geu (A). -De la distention des nerfs. (Journal de médecine militaire,

St-Pélel'b., 1879, décemb.) . 1

40 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

des renflements. Un poids dépassant 600 grammes

occasionnait des altérations de la myéline et du cy-

lindre-axe, en laissant la gaîne de Schwan intacte.

Les observations que l'auteur fit sur les courants ner-

veux, avant et après la traction, prouvèrent que la

conductilité augmente après les tractions nerveuses.

M. Geu diffère en ce point de plusieurs autres obser-

vateurs, tels que Schleich, Conradi, Otto et Valentin.

L'irritabilité du réflexe diminue après un poids qui

atteint la moitié de la force nécessaire pour rompre le

nerf.

Trombetta fit une étude intéressante sur le cadavre,

concernant la résistance qu'opposent les nerfs au poids,

dont voici l'énoncé : le nerf sus-orbitaire supporte une

force de gr. et demi, le sous-orbitaire 5 gr. et demi.

Le plexus brachial supporte, à la région cervicale, de

22 à 29 kilogr.; dans le creux axillaire, de 16 à

37 kilogr. Les nerfs radial et cubital, 26 à 27 kilogr.

Le nerf médian et le crural, 38 kilogr. Le nerf poplité,

52 kilogr., et le sciatique, 84 kilogr.

Le Dr Gillette', qui fit également des recherches sur

la même question, constata une résistance de 75

à 150 kilogr. pour le nerf sciatique chez les vieillards,

et de 300 kilogr. chez l'homme vigoureux. Pour ses

expériences, le Dr Gillette se servit de son appareil,

sorte de balance romaine, dont la poignée en bois

supporte une tige à l'extrémité de laquelle est fixé un

dynamomètre, qui indique la force de la traction.

1 Tl'ombetta. - Sullo sliramento dei nervi, sliitlic pathologia e clinic

Messina, 1880.

2 Gillette. - Loc. cft.

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. lift

Johnson Syminton' entreprit des expériences ana-

logues sur le cadavre et constata pour le nerf sciatique,

à son émergence, une résistance de 86 à 176 livres

anglaises.

Brown-Séquard2 fit un grand nombre d'expériences

physiologiques sur des animaux, relativement à l'in-

fluence qu'exerce la traction des nerfs sur la sensibi-

lité, et obtint les résultats importants qui suivent :

l'élongation des nerfs amène un retour de la sensibilité

dans le membre où l'hémisection de la moelle épinière

avait produit de l'anesthésie, souvent l'anesthésie était

remplacée par l'hyperesthésie. Chez presque tous les

animaux soumise une hémisection de la moelle dorsale,

l'hyperesthésie causée par cette lésion dans le membre

postérieur du côté correspondant s'est augmentée après

l'élongation du nerf sciatique de l'autre membre. Chez

tous les animaux soumis à ces expériences, il y a eu,

dans le membre postérieur où l'élongation du nerf

sciatique il été faite, une paralysie plus ou moins mar-

quée et persistante, et une élévation de température

de ce membre. Non seulement les parties animées par

le nerf sciatique recouvrent leur sensibilité après

l'élongation de ce nerf, mais le même phénomène

s'observe dans les parties non animées par le sciatique

et est qualifié par Brown-Séquard de « phénomène

d'inhibition ».

Quinquaud élongea le nerf cubital et produisit une

1 Johnson Symington. Archives générales de médecine. (Voir l'ar-

ticle de M. Chauvel, loc. cit., 1881, p. î07.

2 Brown-Séquard. Nouveaux faits relatifs à l'élongation du nerf

sciatique. (Gazette médicale de Paris, 1881, no 10.)

3 Quinquand. - Elongation des nerfs. (Progrès médical, 1881, nos 12

et 13.)

42 1) PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

anesthésie légère. Immédiatement après, il étirait le

nerf sciatique et constatait le retour de la sensibilité

dans la région du cubital. M. Quinquand explique ce

phénomène par une action à distance, « transfert par

irritation; transfert mécanique ».

Prévost ' répéta les expériences de MM. Brown-

Séquard et Quinquaud, mais ne put constater la resti-

tution de la sensibilité affaiblie du côté opposé à l'hé-

misection de la moelle, après l'élongation du sciatique

faite du côté de l'hémisection, ni une modification de

la sensibilité d'un nerf à la suite de l'élongation d'un

autre nerf. Dans son excellent travail, M. Prévost

cherche à élucider encore une autre question : il pra-

tiqua l'élongation de différents nerfs chez les cochons

d'Inde rendus épileptiques, dans le but de chercher

à modifier par cette opération les accidents nerveux.

Après trente-deux expériences, l'auteur n'obtint

qu'un résultat négatif. L'élongatiDn successive de plu-

sieurs nerfs amena plutôt une aggravation des symp-

tômes de l'épilepsie. Les recherches microscopiques

démontrèrent des tubes nerveux manifestement altérés

et offrant l'apparence de ceux que l'on rencontre dans

la névrite.

MM. Debove et Laborde ne purent pas non plus

constater les résultats obtenus par Brown-Séquard.

Witkowski a, examinant au microscope le nerf scia-

tigue d'un cadavre, y découvrit, il côté des tubes ner-

1 Prévost. Expériences relatives it l'élongation des nerfs et aux né-

v ? Ie.ir. (lévite iiiédicale (le 1(i Suis,;e lioiïtaite, 1881, 1). 4(3u.)

2 Debove et médicale de la Suisse Romane, 1881, p. 4G'J.)

2 Debove et Laborde. Gazette médicale de Paris, 1881, 19 février.

3 Witkowski. Zur Nervendehnung, etc. (Aoch. sur Psych., etc., 1881

2. p. 532.) . .

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 43

veux indemnes, d'autres tubes, dont la myéline se

coagulait en gouttelettes. On finit par découvrir qu'une

élongation forcée avait été pratiquée du vivant du

malade pour une contracture. M. Witkowski entreprit

des tractions nerveuses chez des lapins et des cochons

d'Inde et constata la dégénérescence du bout périphé-

rique, tandis que le bout central restait intact. En

somme, il se prononce en faveur de cette opération

qui est appelée, selon lui, à rafraîchir tous les proces-

sus physiologiques qui s'élaborent dans les nerfs.

Zederbaum 1 (laboratoire du professeur Kronecker)

fit des expériences sur le poids que peut subir le nerf

sciatique de la grenouille. L'irritabilité réflexe diminue

après un poids excédant 400 gr. L'irritabiiité motrice

seulement après un kilogramme.

Stintzing2, dans la partie expérimentale de son

excellente monographie, prête une attention spéciale

à la réaction musculaire qu'on constate après la trac-

tion nerveuse chez le chien, le renard et le cochon

d'Inde, et conclut que la traction d'un nerf mixte

amène toujours des parésies dans la région du nerf

élongé; que les parésies intéressent la sensibilité, les

fonctions motrices et trophiques à un degré égal ; que

l'action nerveuse baisse en proportion de la force de

la traction; que l'activité nerveuse se rétablit même

après des élongations violentes ; que la régénération

est encore possible quand la force déployée ne dépasse

pas la moitié du poids de l'animal, (p. 113-114); que

1 Zederbaum Ad. Ne,veîideh7tuîtg and Nervendruck. (.9·ch. sur

Physiologie, 1883, 2 et 3.) .

2 Stintzing. - Ueber Neruendehn2ttg. Eine expprimentalle und klinische,

studie, Leipzig, z4883. ,

44 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

l'élonagtion d'un nerf peut réagir sur d'autres, surtout

sur des congénères du côté opposé, sous ce rapport,

l'auteur partage l'opinion énoncée par MM. Brown-

Séquard, Quinquaud, Marcus, Gellé, Viet, etc.

Groupe IV. Recherches expérimentales sur l'élon-

gation des nerfs chez les animaux avec examen mi-

croscopique de la moelle épinière.

L'élongation des nerfs réagit-elle sur la moelle épi-

nière ? Y produit-elle au moins des altérations mor-

phologiques ? Voilà des questions sur lesquelles les

différents auteurs ne sont guère d'accord, et sur les-

quelles on ne trouve que des indications vagues dans

la littérature concernant l'élongation des nerfs. Dans

maints articles relatifs à ce sujet, cette question est

complètement passée sous silence. Certains auteurs,

comme Vogt, Haber, Harless, Conrad prétendent que

l'élongation des nerfs ne réagit pas sur la moelle.

D'autres, au contraire, comme le Dr Gillette', le pro-

fesseur Güssenbauer 2 maintiennent que la traction

nerveuse peut même être observée à l'oeil nu sur la

moelle d'un cadavre. Le Dr Gillette fait placer la main

d'un aide au niveau du bulbe ; en tirant fortement

sur le sciatique, l'aide sent nettement la moelle se

déplacer sous ses doigts. Le professeur Güssenbauer

fixant un point déterminé au niveau de la moelle, le

vit s'abaisser au moment de la traction. Ces tractions

1 Gillette. Loc. cit.

2 Güssenbauer. - Ueber Neruendchnung. (Prag. med. Wach., 1882,

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 45

amenèrent-elles une altération quelconque dans les

tissus de la moelle ? C'est ce que M. Güssenbauer

s'abstient pour le moment d'éclaircir.

Braun 1 fit des expériences sur le cadavre pour

préciser au moyen d'un appareil graphique, l'effet de

l'élongation des nerfs sur la moelle dorsale. Il s'assura

que même les tractions légères amènent une secousse

de la moelle. Cependant, l'effet de cette secousse n'aug-

mente pas proportionnellement à la puissance de la trac-

tion, ce que l'auteur cherche à expliquer par la résis-

tance qu'oppose la bifurcation des branches nerveuses.

Marshall* tout en admettant la transmission de la

traction des nerfs périphériques aux racines posté-

rieures, suppose que la traction porte également sur

la dure-mère de la moelle et imprime à cette dernière

vraisemblablement une légère secousse. Pour ce qui

est de la moelle elle-même et des nerfs intervertébraux,

ils ne se prêtent pas à l'allongement.

Bien que l'effet d'une irritation violente des nerfs

périphériques sur la moelle fût discutée par MM. Fin-

berg3, Tiesler`, KlemmS et quelques autres, cependant,

c'est à M. Hayem 6 que revient l'honneur de la première

1 Braun. Ueber den mechanischen Affect bei centrifugaler. Ne ?

vendehiieiiig auf das Rüclcezznzark. (Prag. med. Loch., 1882, n03 17 et

suivants.)

2 llarshall. - Loc. cit.

3 Fimberg. - Berlin Klin. Woch., 1871.

* Fiesler. - Voy. Etienne : Essai sur les troubles médullaires qui peu-

vent entraîner les lésions traumatiques. Thèse de Paris, 1878.

5 IClemm. - Voy. Avezou : De quelques phénomènes consécutifs aux

contusions des troncs nerveux du bras. Thèse de Paris, 1879.

6 Hayem. Sur les altérations de la moelle consécutives à l'ai-i-ache-

ment et à la résection du nerf sciatique chez le lapin. Archives de physio-

logie normale et pathologique, 1873, 1er vol., p. 504. (Gazette médicale de

Paris, 1873, p. 376.)

46 PATHOLOGIE EXPERIMENTALE.

description histologique détaillée et précise sur l'état

de la moelle, consécutif ou traumatisme violent du

nerf sciatique.

. M. Hayem arracha à de jeunes lapins âgés de quatre

à cinq semaines le nerf sciatique et les sacrifia au bout

dé deux mois. Examinée au microscope, la moelle

épinière présenta, dans la région qui correspond aux

origines du sciatique, une atrophie générale de la

moitié opérée, tant des parties blanches que de la

substance grise. La portion la plus atrophiée des fais-

ceaux blancs est celle qui, du côté sain, répond au tra-

jet intro-médullaire des racines postérieures. Le

faisceau de Goll fut trouvé atrophié, la corne anté-

rieure étroite et aplatie. La corne postérieure était

devenue conique, et ses faisceaux nerveux transfor-

més en tissu scléreux. Les cellules nerveuses étaient

atrophiées. Pour expliquer ces changements morpho-

logiques, M. Hayem admet que l'arrachement du nerf

sciatique détermine la rupture des racines antérieures

avant leur entrée dans la moelle, et des racines posté-

rieures dans leur trajet intramédullaire. Il en résulte

un traumatisme considérable de la partie correspon-

dante de la moelle, et cette sorte de plaie est suivie

d'une myélite cicatricielle qui a pour effet de modifier

l'aspect des faisceaux postérieurs, qui se transforment

dans une partie de leur étendue en un tissu cicatriciel,

etc. Les recherches ultérieures de M. Hayem 4 prou-

vèrent la tendance de cette myélite à se propager à

toute la moelle jusqu'aux noyaux bulbaires. Mayser P ?

1 Comptes rendus delà Société de Biologie. 18 î4.

2 Mayser P. 1 ! : xpel'imellteller Beitrag. zur kenntniss des Bancs des

Kaninchen Ruckenmarks. (Ardt. sur Psch., etc., 1S77.)

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. , 47

se servit, pour ses examens microscopiques, de moelles

durcies provenant de lapins auxquels le professeur

Gudden avait préalablement arraché les nerfs scia-

tiques avec les racines à leur émergence de la moelle.

M. Mayser constata dans le renflement lombaire de

deux lapins de l'atrophie'dans les cordons postérieurs

(p. 577), et la disparition des cellules nerveuses

du groupe latéral de la corne antérieure (voir

p. 582).

Aaenfeld', dans la dernière édition de son ouvrage,

parue en 1883, affirme que l'irritation des nerfs péri-

phériques peut occasionner de graves altérations

dans la moelle et cite, à l'appui de son opinion,

les recherches de Fiesler, Feinber E, Klemm 3 et

Hayem 4.

De tous les travaux concernant l'élongation des

nerfs que nous venons de citer, il est évident qu'un

bien petit nombre seulement touche à la question des

altérations de la moelle, occasionnées par le trauma-

tisme des nerfs périphériques. Ce sont les belles

recherches de M. Hayem sur l'arrachement des nerfs

et les dernières observations de M. Westphal, sur la

dégénérescence grise chez un tabétique, qui ont con-

tribué surtout à élucider cette question. Mais jusqu'à

présent, aucun travail concernant les altérations de la

moelle produites par l'élongation des nerfs, n'a été

1 Axenfeld. Traité des névroses. Paris, 1883, p. 598.

2 Feinber - Uebel'ileflex lahmungen. (Berl. Klin. 11-och., 1871.)

3 Klemm. Diss. Straslburg, 1874.

* Hayem. - Loc. cit..

48 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

publié. Aussi, avons-nous accepté avec empressement

le sujet qui nous fut désigné par notre vénéré maître,

M. le professeur Jean lllierzejewski; et en 1880, nous

entreprîmes des expériences sur les altérations que

produit l'élongation des nerfs dans la moelle épinière,

au point de vue histologique.

Pour ces expériences faites sur des lapins, nous

choisîmes le nerf sciatique comme un nerf mixte, et

comme le plus facile à opérer. La plupart des lapins

furent préalablement chloroformés et les tractions ner-

veuses pratiquées avec une force graduellement plus

énergique. Nous fîmes en tout quarante expériences,

dont voici en deux mots le procédé technique :

fi" Le poil de la région lombaire ainsi que celui de

l'extrémité postérieure est coupé ras; on pratique au

moyen d'un scalpel une incision de la peau, de l'éten-

due de 3 à 5 centimètres, dans la direction de la troi-

sième vertèbre lombaire, en biais, jusqu'au milieu de

la fosse iliaque, d'après le système proposé par M. le

Dr E. Cyon1. Ensuite, on écarte avec le manche du

scalpel les muscles fessiers, et on arrive au tiers supé-

rieur du tronc du nerf sciatique, à l'endroit qui pré-

cède la bifurcation du cordon nerveux. A ce moment,

le lapin est chloroformé. On fait ensuite passer sous

le tronc nerveux un crochet métallique, et on opère la

traction. Le nerf est maintenu allongé pendant quelques *

minutes; il est ensuite débarrassé du crochet et soi-

gneusement remis en place. On cesse l'anesthésie et

1 E. Cyon. Alethodik des physiol. expérimente und vivisectionen,

1876. St-Pélersbourg, p. 190 et suivantes.

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 49 j

on enferme la plaie avec du cate-gut de Lister, n° 0,

en l'enduisant copieusement d'huile carbolisée. L'opé-

ration se fait habituellement sans effusion de sang,

à moins qu'on ne lèse la veine saphène. Presque tou-

jours la plaie se ferme par première intention.

Pour ce qui est de la puissance des tractions, nous

divisons toutes nos expériences en quatre groupes.

Groupe premier. - Tractions faites à la main, au

moyen d'un crochet mousse. Nous ne saurions nous

prononcer exactement sur le degré de la force dé-

ployée. Sur six expériences, quatre lapins mou-

rurent spontanément.

Groupe second. On glissait sous le cordon nerveux

un ruban dont le bout supportait un poids de 500 gr.

à 1 kilog. Sur neuf expériences, quatre lapins mou-

rurent.

Groupe troisième. Les tractions furent faites au

moyen d'un crochet dynamométrique petit modèle

exécuté d'après notre commande par M. Colin, à Paris.

La puissance de ce crochet ne dépassait pas 600 gr.

Sur six expériences, deux lapins moururent. Comme

le poids de 600 gr. nous paraissait trop minime, et

que nous ignorions alors l'existence de l'appareil du

Dr Gillette, nous eûmes recours une seconde fois à

M. Collin qui nous fit un crochet d'une plus grande

dimension, dont la puissance équivalait à 5 kilos.

Groupe quatrième. Dix-neuf expériences furent

Archives, t. X. 4

50 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

faites avec ce crochet grand modèle dont voici le des-

sin.

Crochet dynamométrique muni d'un ressort qui permet d'exercer

une traction do 5 kilogr. Le ressort est contenu dans le tube métallique a.

En appuyant sur le bouton E, on comprime le ressort grâce à la tige 6,

ce qui fait descendre le crochet g au niveau des supports métalliques ff ' ,

qui sont mobiles, afin de pouvoir être écartés à volonté. Ces supports sont

indispensables pour exercer des tractions continues.

On immobilise le crochet en tournant la vis c. Au moment de pratiquer

la traction, on fait passer le crochet sous le nerf. Les supports f f sont

maintenus sur le corps de l'animal par un aide; l'opérateur passe

l'index de la main droite dans l'anneau d et pose le pouce sur le

bouton E. De l'autre main il ouvre la vis c, et la traction commence. On a

soin de garder le pouce sur le bouton E pendant tout le temps de l'opé-

ration, en soulevant le doigt petit à petit, car il suffit de le retirer, pour

que le ressort remonte brusquement. La puissance de la traction est

indiquée sur le cadran, divisé en 5,000 grammes, soit 5 kilogr.

Malgré les tractions beaucoup plus fortes, nous ne

perdîmes qu'un seul lapin, sur dix-neuf expériences

du groupe IV à cause, sans doute, des conditions

hygiéniques meilleures au milieu desquelles furent

placés les lapins de ce dernier groupe.

Fig. 1. (2/3 de la grandeur naturelle).

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 51 t

Sur quarante tractions, il nous arriva derompre huit

fois par mégarde le nerf sciatique, dont : deux fois

dans les expériences du second groupe; six fois dans

le quatrième groupe. Les ruptures eurent lieu le plus

souvent entre 4 et 5 kilos.

Les sutures, une fois faites, le lapin était mis à terre

et sa démarche attentivement examinée ; selon la puis-

sance de la traction, l'animal présentait plus ou moins

deparésie et quelquefois de la paralysie. Cette dernière

a toujours été observée après une traction s'élevant

à 5 kilos, et aussi après la rupture du tronc nerveux.

Somme toute, les lapins supportent assez facilement

l'élongation des nerfs. Sur quarante lapins soumis à

l'expérience, onze seulement moururent de mort spon-

tanée ou à la suite de divers accidents : l'un d'eux

succomba à l'action du chloroforme, au début de nos

recherches lorsque nous n'avions pas encore bien éta-

bli le degré d'anesthésie qu'ils peuvent supporter.

Nous n'avons pas observé d'accidents épileptiques

chez les lapins dont le nerf avait été rompu ; nous

n'avons pas réussi non plus à provoquer ces accidents

en irritant les zones épileptogènes d'après les données

de MM. Brown-Séquard et Prévost.

Passons maintenant à l'examen microscopique des

nerfs et de la moelle épinière des lapins soumis à l'é-

longation des nerfs, ce qui constitue le principal objet

de notre travail.

Les animaux furent sacrifiés à différents intervalles,

variant de vingt-quatre heures à six mois après l'opé-

ration. Les nerfs sciatiques étaient observés à l'état

aussi frais que possible ; nous les traitions par l'acide

52 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

osmique et par le picrocarminate, en nous conformant

exactement aux indications de M. Ranvier'.

La moelle épinière était durcie dans le liquide pro-

posé par le Dr Erlicky2 (0 gr. 5 de sulfate de cuivre,

2 gr. 5 de bichromate de potasse sur 100 gr. d'eau)

qui détermine un durcissement plus prompt que les

autres liquides proposés à cet effet, à condition de

le changer souvent.

Dans plusieurs de nos expériences, le nerf opéré

fut préparé et examiné dans toute son étendue. Depuis

son émergence jusqu'aux ramuscules qui se perdent

dans la plante du pied (nerfs tibial et plantaire). On

constata une forte injection du cordon nerveux, toutes

les fois que l'animal fut sacrifié peu de jours après

l'opération. Le nerf, examiné plusieurs semaines après

l'élongation, présentait quelquefois un enroulement

autour de son axe, en forme de peloton. Cette dernière

particularité s'observait généralement après de vio-

lentes tractions, lorsque le nerf étiré débordait hors de

la plaie en forme de maille et ne pouvait être replacé

qu'avec peine; d'autres fois, le nerf était de couleur

jaunâtre et atrophié.

Comme les recherches microscopiques des nerfs sou-

mis à la traction ne sont que le but secondaire de notre

travail, qui a pour objet principal les altérations de la

moelle, nous nous contenterons de donner brièvement

ici des résultats obtenus sur les nerfs.

L'élongation du nerf sciatique détermine toujours

un traumatisme violent dans le nerf et occasionne in-

1 Ranvier. Leçons sur l'histologie du système nerveux. Paris, 1878.

2 Erlicky. - Progrès médical, 1817.

ALTERATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 53

variablement de graves altérations dans la structure

du bout périphérique du nerf étiré. Du reste, tous les

observateurs sont d'accord sur ce fait. Les tubes ner-

veux du bout périphérique observés le lendemain de

l'opération, laissent voir au microscope une augmen-

tation de volume de la myéline, qui se fragmente et

forme des espèces d'ampoules ou renflements le long

de l'axe du nerf, ce qui donne à ce dernier la forme

d'un chapelet, tandis que les segments annulaires dis-

paraissent. Le cylindraxe résiste plus longtemps; mais,

les jours suivants, il finit par disparaître également

dans la plupart des tubes nerveux. Deux à trois se-

maines après l'opération, on trouve dans le nerf, en

outre des altérations dans les corps de Lantermann-

Schmidt, qui tendent à s'écarter les uns des autres,

comme s'ils venaient d'être soumis à l'influence de

réactifs puissants. Quatre à six semaines après la trac-

tion, les ampoules de myéline disparaissent en grande

partie; la myéline devenue granulo-graisseuse tend à

se résorber; la préparation présente beaucoup dégaines

de Schwann, tantôtvides, tantôt remplies encore d'un

reste de corpuscules graisseux, résidu des ampoules de

myéline. La figure 7, Planche 1, représente un sem-

blable résidu granuleux de myéline en voie de résorp-

tion, à côté des tubes nerveux minces et délicats de

nouvelle formation. On voit sur le même dessin une

prolifération des noyaux de là gaîne de Schwann. Le

lapin dont provient cette préparation avait vécu qua-

rante-trois jours après une forte traction à la main.

Au bout de six à huit semaines, il n'y a que des traces

de myéline; mais, en revanche, on trouve beaucoup de

tubes nerveux régénérés parmi lesquels on distingue

5 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

quelques tubes en voie de dégénérescence granulo-

graisseuse et des gaines de Schwann vides. Chez les

lapins où s'était produite la rupture du troncnerveux,

nous avons constaté, dans les ramuscules terminaux

les plus ténus du bout périphérique, des altérations

analogues à celles que le D' Erlicky a signalées sur les

chiens amputés'.

D'après nos expériences, on peut établir le fait sui-

vant : Après une traction de la puissance de 2 kilos,

les branches nerveuses terminales, prises à la plante

du pied d'un lapin, présentent un degré d'altération

bien moindre que celles qui proviennent d'un lapin

ayant subi une traction de 5 kilos. Dans cette der-

nière expérience, les branches terminales présentent

presque autant de tubes dégénérés que dans les cas de

rupture du tronc nerveux. Il nous est arrivé maintes

fois de rompre le nerf, malgré nos précautions au

moment où la puissance de la traction atteignait

5 kilos, ce qui nous autorise à penser que le poids de

5 kilos est le poids maximum que le nerf sciatique du

lapin puisse supporter sans se rompre.

Le boutcentral du nerf contenait également des tubes

dégénérés, mais en quantité inversement proportion-

nelle au bout périphérique. Dans ce dernier, parmi

les tubes nerveux altérés presqu'en totalité, on ren-

contrait quelques tubes indemnes de toute altération.

Dans le bout central , au contraire, au milieu d'un grand

nombre de tubes sains, on trouvait quelques tubes

lésés. Après de violentes tractions, les parties voisines

1 Erlicky. Altérations de la moelle épinière du chien api-ès l'amputa-

tion. Diss. inaug., 1879, Pétersbourg.

ALTERATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 55

du traumatisme présentaient cependant bon nombre de

tubes altérés.

Pour ce qui est des cellules oblongues, à forme de

citron, dont parle le Dr Wollberg1, dans sa thèse d'a-

grégation, et qu'il considère comme des cellules régé-

nératrices provenant du tissu conjonctif qui entoure

les faisceaux nerveux des deux bouts central et péri-

phérique, et qui, selon lui, se transforment plus tard

en tubes nerveux régénérés, nous n'en avons pas

trouvé.

Passons maintenant aux altérations que détermine

l'élongation du nerf sciatique dans la moelle.

De toutes nos expériences, quatre moelles seulement

n'ont pas été examinées au microscope; trente-six ont

été l'objet d'un examen histologique complet, depuis

la région cervicale jusqu'à la région sacrée inclusive-

ment. Dans l'espace de trois ans, qu'ont duré ces

recherches, nous avons fait plusieurs milliers de coupes

qui nous ont donné le résultat suivant :

Les différents degrés d'altérations de la moelle sont

en rapport avec les différents degrés d'intensité de la

traction. Elles se bornent à une simple hypérémie,

si la traction ne dépasse pas 500 gr., hypérémie qui

se dissipe souvent sans laisser de traces au bout

d'un certain temps. Mais il en est autrement lorsque

l'élongation des nerfs atteint une force de 4 à 5

kilos, force qui dépasse de beaucoup le poids d'un

lapin. Les altérations qui en résultent se répètent in-

variablement dans le même ordre, et présentent des

modifications du tissu parfaitement déterminées. D'a-

t Wollbern. - Diss. 17(t)-sovie, 1883. Thèse ayant pour objet la suture

et la régénération des nerfs.

56 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

bord, leshémorrhagies et les phénomènes inflammatoires

consécutifs en sont bien plus graves; ensuite, vers le

septième jour, on observe un développement morbide

du tissu conjonctif, qui plus tard s'étend en réseau et

comprime les éléments nerveux. Le processus morbide

débute toujours dans le cordon postérieur de la région

lombaire du côté de la traction, et se manifeste d'abord

le long de la fissure longitudinale postérieure, dans le

faisceau de Goll (Voy. PL. I, fig. 6). De là, l'altéra-

tion se propage au faisceau de Burdach, et à la portion

intra-médullaire des racines postérieures. A mesure

que les éléments du tissu conjonctif se développent,

ils forment un réseau dans les mailles duquel on voit

des cellules étoilées. En croissant, le tissu conjonctif

comprime de plus en plus les tubes nerveux qui dis-

paraissent complètement, comme le témoignent les

coupes transversales passant par le cordon postérieur

et la partie intra-médullaire des racines postérieures

de la région lombaire. Continuant à gagner du terrain,

le tissu conjonctif envahit toute l'étendue du cordon

postérieur, ne laissant qu'un filet de tissu plus ou moins

indemne le long du bord interne de la corne posté-

rieure du côté opéré (Voy. PL. I, fig. 5.)

Les suites d'un semblable accroissement de tissu

conjonctif ne tardent pas à se faire sentir, et se tra-

duisent par un rétrécissement, une atrophie du cordon

postérieur. Du côté correspondant à la traction, le

cordon postérieur s'atrophie manifestement en compa-

raison de son congénère du côté sain. Cette inégalité

des cordons postérieurs est évidente dans les figure 2,

5 et 6 de la Planche I. Le cordon postérieur droit

de la fig. 2, par exemple, présente un amoindris-

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 57

sèment de volume de 15 millimètres, comparative-

ment au côté non opéré. Cette différence est de 11 mil-

limètres sur la figure 6, mais elle est surtout pronon-

cée dans la figure 5, dont le cordon postérieur gauche

excède de 4 millimètres le cordon postérieur droit

(côté opéré). Avec le temps, le réseau dutissu conjonc-

tif s'estompe, devient pour ainsi dire plus homogène,

les éléments fibreux dont il se compose perdent de

leur clarté, et l'on se trouve en face d'une sclérose

diffuse rétrécissant le cordon postérieur, comme le dé-

montre la figure. Il PL. I. '

Il va sans dire que les altérations de la moelle ne

s'arrêtent pas aux cordons postérieurs seulement; nous

constatons de graves modifications dans la corne pos-

térieure, dans la partie intramédullaire des racines

postérieures et dans les cellules nerveuses des cornes

antérieures. Après une traction de force moyenne (de

3 à 4 kilos), nous trouvons déjà dans la moelle du

lapin sacrifié quelques jours après l'opération, dans

toute l'étendue de la corne postérieure, des traces

d'irritation traumatique sous la forme d'hypérémie,

d'hémorrhagies capillaires, suivies d'accidents inflam-

matoires. Selon toute probabilité, ces accidents in-

flammatoires consécutifs sont le point de départ de

l'accroissement du tissu conjonctif trouvé en abon-

dance dans la région lombaire de la moelle des lapins

qui ont survécu plus longtemps à la traction. Généra-

lement on constate dans la moelle de ces derniers, à

côté de l'atrophie du cordon postérieur un rétrécisse-

ment notable de la corne postérieure correspondante.

La différence de grandeur des deux cornes posté-

rieures, dans une coupe transversale, mesurées au

58 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

niveau des confins de la substance de Rolando, équi-

vaut à 4mm 5, et même 5 millimètres. Un semblable

rétrécissement de la corne postérieure du côté opéré

est accompagné le* plus souvent d'une atrophie de la

partie intramédullaire des racines postérieures.

Nous croyons pouvoir chercher l'explication de ce

fait dans la rupture partielle des tubes nerveux, pro-

duite par le traumatisme dû à la traction.

C'est au traumatisme également que nous attribuons

les altérations dans les cellules nerveuses des cornes

antérieures, altérations d'un ordre dégénératif comme

le prouvent les vacuoles qu'on trouve dans les cellules

nerveuses (Voy. fig. 3, PL. I). Comme nous avons

constaté la vacuolisation des cellules nerveuses des

cornes antérieures chez des lapins sacrifiés un mois

seulement après une traction du sciatique (de 4 à 5 5

kilos), non seulement dans la région lombaire, mais

quelquefois aussi dans la région cervicale, nous croyons

plus plausible d'en chercher la raison dans la rupture

partielle des tubes nerveux qui se relient à ces cellules,

que de supposer une transmission par continuité du

processus irritatif dans un temps aussi court.

En résumant les altérations morbides que nous

avons observées dans la moelle épinière du lapin à la

suite de l'élongation du nerf sciatique faite avec une

force de 4 à 5 kilos, nous trouvons :

1° Le canal central distendu par un exsudat plas-

tique ;

2° De l'hypérémie et des hémorrhagies capillaires

dans la substance grise, principalement dans les cornes

postérieures ;

3° De la prolifération des noyaux de la névroglie;

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 59

4° Un accroissement du tissu conjonctif dans le

cordon postérieur du côté opéré, qui forme un réseau

fibreux contenant des cellules étoilées. Ce réseau en-

vahissant de plus en plus le cordon postérieur empiète

sur les tubes nerveux de ce dernier, et les fait entiè-

rement disparaître. On constate en même temps du

côté sain, que les tubes nerveux formant les faisceaux

de Goll et de Burdach sont parfaitement indemnes.

Dans trois expériences, nous avons pu nous assurer

que le réseau du tissu conjonctif commence à se des-

siner dès le septième jour après l'opération ;

5° Le volume des cordons postérieurs est inégal chez

les lapins sacrifiés un mois et plus après la traction.

Le cordon postérieur du côté opéré est atrophié et en

même temps;

6° La corne postérieure du même côté présente éga-

lement des dimensions moindres. Elle est atrophiée

en masse comparativement à celle du côté sain;

7° Un amoindrissement de volume dans la partie

intramédullaire des racines postérieures; les bande-

lettes radiculaires sont moins nombreuses et moins

fortes du côté correspondant à la traction ;

8° Les cellules nerveuses de la corne antérieure

sont bien moins nombreuses du côté opéré que du

côté sain. Elles pâlissent; leurs contours cessent d'être

distincts; elles paraissent fondre et quelques-unes

d'entre elles finissent par disparaître tout à fait, lais-

sant un espace vide. Celles qui restent présentent de

la vacuolisation, preuve certaine de la dégénérescence.

Tous ces signes d'altération morbide que nous ve-

nons d'énumérer se manifestent surtout dans le renfle-

ment lombaire, dans toute la région lombaire et en

60 PATHOLOGIE EXPERIMENTALE.

partie dans la région sacrée. A mesure qu'on remonte

vers la région dorsale, ces lésions cessent d'être aussi dis-

tinctes. Après de fortes tractions, on constate à la ré-

gion cervicale des hémorrhagies capillaires dans la

substance grise, des cornes postérieures et antérieures,

ainsi qu'une atrophie prononcée des cellules nerveuses

des cornes antérieures.

En nous basant sur ce qui précède, nous nous

croyons autorisé à conclure que l'élongation du nerf

sciatique pratiquée avec une certaine force, est loin

de rester inoffensive pour la moelle épinière ; elle

exerce son action principalement sur la région lom-

baire et y produit :

1° Une irritation traumatique avec hémorrhagies

capillaires de la moelle à différents niveaux, ce qui con-

tribue à l'atrophie de la corne postérieure ; à l'amoin-

drissement de la partie intramédullaire des racines

postérieures et enfin à la vacuolisation et à l'atrophie

des cellules nerveuses des cornes antérieures.

Ces deux causes nous paraissent suffisantes pour

expliquer les graves altérations que nous avons trou-

vées dans la moelle épinière après la traction ; altéra-

tions qui se résument en de l'atrophie de la corne et

du cordon postérieurs du côté opéré; en un amoin-

drissement de la partie intramédullaire des racines

postérieures ; en de la vascularisation et de l'atrophie

consécutive des cellules des cornes antérieures. Ces

modifications constantes dans les tissus de la moelle

font ressortir les graves conséquences de l'élongation

des nerfs sur le système nerveux ; on est ainsi natu-

rellement amené à les rapprocher de ce qui doit se

passer chez l'homme et notamment chez l'ataxique,

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 61

quand on le soumet, dans un but thérapeutique, à la

traction nerveuse, comme on l'a fait dans ces der-

nières années.

Indépendamment de l'atrophie et de la disparition

des cellules nerveuses dans les cornes antérieures,

les altérations, que nous avons constatées dans la

région lombaire de la moelle, se localisent principale-

ment dans les cornes et les cordons postérieurs du

côté opéré. Ces lésions comme nous l'avons dit, con-

sistent pour la plupart en atrophie des cornes et des

cordons postérieurs, dont les éléments nerveux sont

remplacés par du tissu conjonctif. En d'autres termes,

nous nous trouvions en face d'une sclérose des cordons

postérieurs du côté correspondant à la traction.

Les modifications morbides que nous venons d'énu-

mérer se manifestent avec moins d'intensité après les

tractions faibles et s'accusent davantage à mesure que

l'élongation du nerf se fait avec plus de force. Chez

les lapins sacrifiés quatre semaines après de fortes

tractions, on constate l'inégalité des cordons posté-

rieurs, entièrement envahis par du tissu conjonctif

qui a remplacé les éléments nerveux ; ces derniers

font absolument défaut. La région lésée apparaît sous

une forme moins nette et moins distincte, lorsque

l'animal survit trois mois et davantage à l'opération ;

les éléments morphologiques du cordon postérieur

lésé prennent un aspect plus uniforme, plus homo-

gène, ne peuvent plus être nettement distingués les

uns des autres quant à leurs contours; en un mot, nous

avons sous les yeux le tableau d'une sclérose diffuse

du cordon postérieur.

En faisant un retour vers l'ataxie locomotrice et sur

62 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

les élongations des nerfs sciatiques dont elle a été

-l'occasion, nous nous demandons ce que ce mode de

traitement doit produire dans une maladie qui porte

elle-même son action sur les cordons postérieurs de la

moelle ? L'élongation des nerfs a été entreprise et l'est

encore dans le tabes par des observateurs d'une si

grande autorité, que nous ne saurions, sans quelque

appréhension, rapprocher les résultats de l'expérimen-

tation physiologique de ceux que la clinique a fournis

chez l'homme. Cependant, les faits suivants viennent

à l'appui de notre démonstration : M. Westphal,1, dans

son dernier travail, dont nous avons fait mention,

. énonce une conclusion qui nous est favorable; à l'au-

topsie de son malade, auquel il avait pratiqué des

tractions nerveuses (nerfs crural et sciatique), M. West-

phal constate une myélite diffuse qui produisit une

dégénérescence grise de toute la région dorsale; et, en

outre, une lésion de nature toute différente qui occu-

pait la région lombaire, et présentait des lésions cir-

conscrites en forme de foyers, lésions qu'il attribue à

l'irritation et au traumatisme produit par l'élongation

des nerfs.

'4.' D'un autre côté, M. Hayem démontra que l'arra-

chement du nerf sciatique chez le lapin produit de la

sclérose et de l'atrophie dans les cornes et les cordons

postérieurs de la moelle.

Mais, nous répondra-t-on, on ne saurait comparer

une traction nerveuse dans un but thérapeutique,

même lorsqu'elle est effectuée avec une force qui sou-

4 Charité Annalen, 1883, p. 373.

2 Hayem. Loc. Cil.

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 63

lève tout le corps du malade sur le tronc nerveux, à

l'arrachement d'un nerf avec ses racines ! Certaine-

ment ; mais, en considérant l'arrachement d'un nerf

comme l'acmée du traumatisme enduré par un nerf,

une forte traction ne fera-t-elle pas partie du même

traumatisme, exercé seulement à un moindre degré ?

Cette supposition nous paraît d'autant plus admissible,

que la traction nerveuse produit de la sclérose et de

l'atrophie des cornes et du cordon postérieurs, lésions

qui sont très analogues à celles que M. Hayem cons-

tatait à la suite de l'arrachement des nerfs. Or, une

opération qui est constamment suivie d'un envahisse-

ment du tissu conjonctif qui comprime les éléments

nerveux de la moelle, comment peut-elle être utile

dans l'ataxie locomotrice qui, par elle-même, est une

sclérose des faisceaux de Burdach, c'est-à-dire d'une

partie intégrante du cordon postérieur, qui se trouve

précisément lésé en premier lieu à la suite de l'élon-

gation du sciatique ?

Même en nous mettant au point de vue de M. Lan-

genbuch qui reconnaît que l'ataxie locomotrice a pour

point de départ une lésion des nerfs périphériques;

qu'il suffit d'étirer pour modifier leur action vitale, et

accélérer en même temps l'action des centres nerveux

restés indemnes, même alors les chances de guérison

sont nulles, car nos observations prouvent que le trau-

matisme subi par le nerf sciatique ne manque pas

d'amener des altérations constantes qui se traduisent,

selon l'intensité de l'insulte, par plus ou moins de sclé-

rose et d'atrophie dans les cornes et les cordons pos-

térieurs de la moelle, ce qui ne saurait contribuer en

aucune façon à la guérison du tabès.

us le PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.

Parmi le grand nombre d'observations purement

empiriques sur l'effet de l'élongation des nerfs prati-

quée dans le tabes, on en compte un grand nombre

où les symptômes de la maladie s'aggravèrent après

l'opération, d'autres où le tabes resta incurable ; on

cite quelques résultats mortels, mais il n'existe pas

une seule guérison durable.

Nous nous estimerions très heureux si ces recherches

de physiologie pathologique et ces examens histolo-

giques contribuaient à rendre plus prudent dans l'em-

ploi des tractions nerveuses.

En nous basant sur tout ce qui précède, nous

sommes d'avis que l'élongation des nerfs entreprise

dans l'ataxie locomotrice, est toujours plus ou moins

préjudiciable au malade, selon le degré de force

déployée, mais que cette opération ne peut jamais

amener de soulagement durable, et encore moins de

guérison.

Arrivé au terme de notre tâche, nous prions notre

très honoré maître, M. le professeur Jean Mierzejewsky,

de vouloir bien accepter le témoignage de notre vive

'reconnaissance pour la bienveillante direction accor-

dée à ce travail.

Nous adressons également nos remerciements sin-

cères à M. le Dr Trickli pour les conseils qu'il a bien

voulu nous donner.

EXPLICATION DE LA PLANCHE I.

Fig. 4. - Coupe transversale de la moelle épinière passant par le ren-

flement lombaire d'un lapin sacrifié trois mois après l'élongation du ner*

sciatique droit pratiquée avec une force de 4 kilos. Sclérose ou cordon

postérieur droit, côté de la traction. - Les éléments nerveux du cordon

ALTÉRATIONS DE LA MOELLE EPINIERE. 68

postérieur, A, sont remplacés par du tissu conjonctif. La corne posté-

rieure, B, est atrophiée. La corne postérieure droite mesure 1"'m, 05;

la corne postérieure gauche, 4mm, 35; le cordon postérieur droit, 1mm, 95;

le cordon postérieur gauche, 2mm, 40.

Fig. 2. Coupe transversale de la moelle épinière passant par le

renflement lombaire d'un lapin sacrifié. 42 jours après la traction du nerf

sciaiique droit, avec une force de 5 kilos. L'inégalité des cordons pos-

térieurs est moins marquée que dans la figure précédente. Envahisse-

ment du tissu conjonctif qui remplace les éléments nerveux dans le

cordon postérieur atrophié de la traction A. La corne postérieure droite

est diminuée de volume autant que dans la moelle précédente. Vau-

coles dans la corne antérieure B. La corne droite postérieure mesure

1 ? 50; la corne postérieure gauche, 1mm, 80; le cordon postérieur

droit, tmm, 05; le cordon postérieur gauche, 1 ? 20.

Fig. 3. Cellule nerveuse en voie de vacuolisation provenant de la

corne antérieure droite du renflement lombaire d'un lapin sacrifié 38

jours après une traction du nerf sciatique droit avec une force de 5 kilos.

Fig. 4. Tubes nerveux indemnes du bout central du nerf sciatique

d'un lapin sacrifié 8 jours après une traction dont la force équivalait à

600 grammes.

Fig. 5. Coupe transversale passant par le renflement lombaire d'un

lapin sacrifié 40 jours après la traction du nerf sciatique droit avec une

force de 4 kilos. Légère diminution de volume de la cornée postérieure

droite B, atrophiée marquée du cordon postérieur croit A. Les éléments

nerveux sont remplacés par du tissu conjonctif dans tout le faisceau de

Goll et dans la plus grande partie du faisceau de Burdach. Le cordon

postérieur droit mesure 3"'m, 05; le cordon postérieur gauche, 1mm, 50;

la corne postérieure droite, Omm, 90; la corne postérieure gauche, imm, 20.

Fig. 6. Coupe transversale passant par le renflement lombaire d'un

lapin sacrifié 20 jours après la traction du nerf sciatique droit avec une

force de 4'kilos. Amoindrissement notable de la partie intra-médul-

laire des racines postérieures et du cordon postérieur du côté de la trac-

tion A. Envahissement de ce dernier par le tissu conjonctif comme dans

les figures 2 et 5. Le cordon postérieur droit mesure Ohm, 09 ; le cordon

postérieur gauche, ohm, 20; la corne postérieure droite, tmm, 50 la corne

postérieure gauche, 1"'m, 55.

Fig. 7. Tubes nerveitx lésés provenant du bout périphérique du nerf

sciatique d'un lapin sacrifié 43 jours après une traction à la main. La

myéline est en voie de résorption. Prolifération des noyaux de la gaine

de Schwann. Tubes nerveux de formation nouvelle.

Archives, t. X. 5

RECUEIL DE FAITS

DE LA CURABIUTÉ DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES;

Par Michel CATSARAS ,

Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes, chargé du cours

des maladies du système nerveux.

Si on jette un coup d'oeil à la symptomatologie delà sclérose

en plaques, on est frappé d'une chose de la plus haute impor-

tance, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un seul symptôme de cette

maladie qui ne puisse disparaître après avoir existé plus ou.

moins longtemps. C'est ainsi que le tremblement, pendant les

mouvements intentionnels, aujourd'hui intense et très marqué,

peut disparaître au bout d'un temps variable. La paraplégie

spasmodique, après un lent développement pour arriver à sa

dernière période, guérit quelquefois complètement soit pour

reparaître ensuite, soit pour ne plus revenir, ce qui cause

plusieurs fois de graves erreurs diagnostiques et fait croire à

une paraplégie de nature hystérique, quand l'apparition d'un

symptôme céphalique ou du tremblementvient dissiper l'erreur.

L'amblyopie amène quelquefois une cécité absolue, mais

jamais cette cécité n'a été définitive; au contraire, eile s'amé-

liore. L'amélioration même est telle que certains malades, qui

étaient dans l'impossibilité de distinguer aucun objet, sont

arrivés à lire les caractères les plus fins, et ils se considèrent

comme parfaitement guéris, bien que nous remarquions, par

l'examen campimétrique, des altérations évidentes du champ

visuel et, à l'aide de l'ophthalmoscopie, la décoloration blanche

presque spéciale de la papille ; mais enfin, malgré cela, ils

sont presque guéris de leur trouble visuel. Nous croyons inu-

tile de répéter la même chose pour les autres symptômes de la

maladie. De là la grande variabilité de la marche et la multi-

plicité des formes de la sclérose en plaques, appelé avec juste

raison polymorphe par le professeur Charcot.

DE LA CURABILITÉ DE LA SCLEROSE EN PLAQUES. 67

Prenons maintenant un scléreux multiloculairc, pour em-

ployer l'expression de Charcot, qui présente plusieurs symp-

tômes tant spinaux que cérébraux; en d'autres termes, un bel

exemple du type cérébro-spinal classique, et supposons que

non plus un, mais plusieurs symptômes disparaissent; alors,

au lieu d'avoir à faire avec un cas typique cérébro-spinal nous

sommes au contraire en présence d'un cas frustre soit cérébral

soit spinal, soit cérébro-spinal, suivant les symptômes qui

disparaissent. Cette disparition peut être passagère, et alors le

cas frustre peut devenir, après un brefdélai de temps, typique,

mais il peut très bien se faire qu'elle soit durable, et le cas

qui était un beau spécimen de la forme cérébro-spinale, classi-

que reste fruste pendant un temps indéfini, c'est-à-dire nous

assistons à une rémission durable.

Les rémissions de la sclérose en plaques, qui sont très fré-

quentes, ont une grande importance, non seulement au point

de vue diagnostique, mais surtout parce qu'elles diminuent

singulièrement la gravité du pronostic; en effet, on voit quel-

quefois survenir des amendements durables qui équivalent

presque à la guérison, comme nous avons vu tant d'exemples

dans l'hôpital de la Salpêtrière.

Tout ce qui précède démontre évidemment que la sclérose

en plaques a une tendance naturelle à la guérison. Cette ten-

dance ressort d'une façon éclatante d'une observation de

Wilson publiée dans le « Médical Times » en 1876.

Nous croyons nécessaire de donner ici la traduction du

résumé de cette observation fait par Westphal, dans ces

Jahresbericht über die gesammte Medidn (1876).

« Une fille, âgée de huit ans, n'ayant dans sa famille d'autres

parents nerveux que sa tante, qui était hystérique, a eu dans sa

plus tendre enfance la coqueluche et des convulsions suivies d'un

strabisme interne dont elle s'est débarrassée au bout de quelques

mois. A l'âge de six ans, ayant eu des vertiges et de la diplopie,

elle a été forcée de renoncer à l'école; peu à peu, elle a été

atteinte d'une atonie des membres supérieurs et d'une instabilité

dans la marche.

« Le 19 avril 1875, son état était comme il suit : nystagmus,

strabisme convergent, diplopie, sauf un certain amaigrissement;

son état général n'était pas mauvais, sensibilité normale partout.

Les deux membres inférieurs étaient parétiques, surtout, le

gauche; tremblement pendant les mouvements intentionnels des

bras, tels que la petite malade ne pouvait pas saisir les objets

ô$' ' RECUEIL DE FAITS.

placés devant elle. Sa main pressait fort, sa langue tremblait à la

sortie de sa bouche; quand la malade essayait de s'asseoir elle

était prise de secousses générales du corps tellement fortes

qu'elle manquait de tomber par terre. A la position horizontale,

- on ne remarquait pas*de tremblement nul part, pas d'embarras

de la parole, sauf une certaine difficulté pour prononcer quelques

lettres, inappétence, nausées presque incessantes, suivies de vomis-

sements ; parésie vésicale et rectale. L'état de la malade, soumise

à diverses médications, est resté le même jusqu'à la fin de juin,

lorsqu'à l'aide du phosphore de fer et du régime laité, elle s'est

grandement améliorée.

« Etat delà malade,le 16 novembre.-Etat général bon, elle s'est

un peu engraissée; appétit vif, pas de nausées, pas de parésie vési-

cale et rectale; le nystagmus persiste encore, l'acuité visuelle est

encore amoindrie, la paralysie de la convergence persiste pendant

les mouvements qu'il faut faire pour écrire; il se développe un

tremblement tellement fort que l'écriture est très difficile à lire.

Amélioration notable du tremblement pendant les mouvements

intentionnels des bras; les membres inférieurs peuvent faire des

mouvements, mais ils sont pris quelquefois de secousses involon-

taires ; aussi, quand la petite malade se lève, le corps tout entier

tremble et la station devient impossible.

«Au milieu de décembre, la patiente a observé tout d'un coup

qu'elle pouvait lire des lettres écrites sur les murs, qu'elle ne pou-

vait distinguer auparavant. Depuis lors, l'acuité visuelle s'est

encore plus améliorée. En mars 1876, elle pouvait courir et mar-

cher, seulement quand elle était observée par d'autres, cela Ini

rendait la marche un peu titubante. D'ailleurs, pas de tremble-

ment, pas de mouvements involontaires, pas de traces de nystag-

mus ; l'écriture est encore tremblante, mais lisible. »

Nous ne savons pas si M. Wilson, qui a si bien décrit ce

cas intéressant, a suivi son malade pour voir si ces légers

symptômes ont disparu, ou si, au contraire, cette guérison,

quoique incomplète, ne s'est pas démentie plus tard.

On a pu facilement remarquer que l'enfant de Wilson est

presque guéri, et nous disons presque, car nous le répétons, il

avait encore une écriture tremblante et un certain degré de

titubation dans la marche à des circonstances spéciales, de

sorte que nous croyons que le cas de Wilson ne peut pas servir

comme d'exemple de guérison. Qu'on veuille se rapporter à

l'introduction de ce travail, qu'on se rappelle que dans la sclé-

rose en plaques, o.t voit quelquefois survenir des amende-

ments durables, qui équivalent presque à la guérison; et on

DE LA CURABILITÉ DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES. 69

se rendra compte aussitôt pourquoi, à une telle maladie, tant

soient légers les symptômes qui restent dans un cas donné, on

ne peut le considérer comme guéri qu'après la disparition

complète de tous les troubles nerveux. J'irai même plus loin,

et je dirai qu'il faut attendre un certain temps même après la

disparition de tout symptôme de la maladie, pour s'assurer si

la guérison a été non seulement complète mais définitive.

Eh bien, à l'heure qu'il est, toutes ces conditions indispen-

sables à savoir : disparition complète de tous les symptômes et

non réapparition, soit d'un signe, soit d'un symptôme, n'ont

été réalisées que dans notre cas, que nous rapportons ici in

extenso.

L'observation qui suit étant déjà intéressante à la fois en

raison des conditions héréditaires et de la multiplicité, ainsi

que de la variabilité des symptômes devient, nous l'avons dit,

d'un intérêt extrême en roison de la guérison qui se maintient

depuis le 10 février jusqu'à présent.

Il s'agit d'un jeune homme nommé M. K... âgé de dix-huit ans.

étudiant en droit, dont les antécédents héréditaires fournissent

des renseignements très précieux. En effet, sa mère est une petite

hystérique, sa tante maternelle était atteinte de grande hystérie;

son cousin germain a eu de l'aliénation mentale, très proba-

blement mélancolie anxieuse. Comme antécédents personnels, il

faut noter que, depuis son enfance, il avait l'air toujours mélan-

colique, il n'aimait pas jouer avec les enfants de son âge; mais,

toujours sérieux, il se souciait trop des affaires de la maison pater-

nelle. Enfin, pour employer l'expression caractéristique de son

père, a ses manières étaient toujours d'un homme plus âgé ». Il se

porta très bien jusqu'en janvier 4883, lorsqu'à la fin de ce mois

il a eu deux vertiges tellement forts qu'il est tombé par terre.

Dès lors, il a été tourmenté par des vertiges moins forts; mais par

contre, se répétant très souvent. Au bout de six mois environ, dans

le cours de 883, les symptômes vertigineux se sont complètement

passés, pour faire place à un tremblement surtout du membre

supérieur droit, que sa mère, dame fort intelligente, décrit de la

façon suivante : « Quand la main de mon fils, dit-elle, ne faisait

rien, elle ne tremblait pas ; mais, dès qu'elle prenait quelque chose,

par exemple la cafetière pour servir ses frères et soeurs, un trem-

blement s'emparait de lui qui, au sur et à mesure que l'acte

s'approchait à son but, augmentait tellement d'intensité, qu'il

fallait lui aider, sous peine de jeter tout par terre ). Ce tremble-

ment, si bien décrit par sa mère, a continué pendant à peu près

deux mois et, au bout de ce temps, il a disparu d'une façon com-

70 RECUEIL DE FAITS.

plète pour ne plus revenir. Il n'y eut plus de symptômes subjec-

tifs jusqu'au mois de novembre 1883. C'est alors que survinrent

des symptômes psychiques spéciaux qu'on peut qualifier du nom

de mélancolie. En effet, le jeune homme était très inquiet, il

tirait ses cheveux, il frappait sa face, il disait qu'il avait perdu son

avenir; il trouvait que sa mère avait pâli, que son père était

malade, et il demandait à son médecin de guérir ses parents.

C'est à ce moment que je fus appelé en consultation près de ce

malade par M. le Dr Limpritis, un des plus distingués médecins

d'Athènes; et voici ce que nous avons constaté. Outre cet état

psychique spécial accompagné d'une insomnie complète, le malade

avait un regard tellement vague que cela nous a frappé vivement,

c'est pour cela que nous avons examiné de prime abord les yeux

du malade. Cet examen nous a fourni des renseignements de la

plus haute importance. Il y avait, en effet, du nystagmus, qui était

peu marqué au repos desyeux; mais on pouvait, au contraire, faire

développer des oscillations rapides et très marquées, quand on

provoquait la fixation; elles étaient plus prononcées pour la direc-

tion du regard à droite.

Si nous faisions regarder notre malade soit à gauche soit à

droite, la tête étant dans l'immobilité, nous voyons que le bord

des deux cornées était loin d'arriver jusqu'à l'angle des paupières,

et les mnscles droit externe et interne des deux yeux se fatiguaient

si rapidement, que c'était avec la plus grande difficulté qu'ils pou-

vaient se maintenir dans les directions citées, tellement grande

était leur tendance à revenir à la ligne médiane.

L'insuffisance du droit interne des deux yeux était des plus

belles; en effet, si on couvrait un des yeux du malade et on lui

disait de fixer notre doigt à 15 ou 20 centimètres de distance; on

remarquait que ce droit interne de l'oeil que l'on. découvrait

exécutait un mouvement très marqué de redressement en dedans.

Aussi, si on fixait les yeux du malade à la même distance, on

voyait clairement un certain degré de strabisme ; d'ailleurs, de

temps en temps, M. Limpritis et moi avons remarqué de loin que

les axes des yeux n'étaient pas du tout parallèles et ne se conver-

geaient pas.

L'examen du champ visuel, fait par le périmètre de Landolt,

n'a rien montré, pas d'atrophie blanche de la pupille, pas de

sténose vasculaire spasmodique. L'examen de l'ouïe, du goût et de

l'odorat a été complètement négatif; pas de troubles du rectum, de

vessie et des organes génitaux ; pas de troubles de la sensibilité;

pas d'embarras de la parole. Il y avait une exaltation considérable

des réflexes, surtout des rotuliens, facilement constatable par les

procédés les plus élémentaires, comme aussi dcl'épilepsie spinale,

aussi bien spontanée que provoquée, de sorte que, dans ce moment

là, c'étaient les symptômes psychiques qui dominaient l'état du ma-

DE LA CURABILITÉ DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES. 71

Jade, et n'était le regard vague qui nous a fait penser à la sclérose

en plaques et tourner notre interrogatoire et nos recherches en

conséquence, nous pouvions très bien faire une fausse route au

diagnostic.

Le 45 novembre 1883, des sortes d'accès vinrent s'ajouter, carac-

térisés par un affaissement subit du malade, perte de connais-

sance et de petitesse avec irrégularité du pouls. Au bout de trois

minutes, cet accès disparaissait sans parésie consécutive; quelque-

fois des convulsions épileptiformes s'y ajoutaient. La fréquence

quotidienne de ces accès variait depuis 4 jusqu'à 8 avec des in-

tervalles libres, pendant lesquels surgissaient les idées mélan-

coliques. La température n'était pas élevée. Seulement, un jour,

M. Limpritis a trouvé après trois accès, avec des intervalles très

courts, à peine cinq minutes de durée, 38°,2.

Le 5 décembre, les symptômes psychiques avec les accès épilep-

tiformes et apoplectiformes se sont complètement passés, de sorte

qu'on croyait le malade comme parfaitement rétabli, la famille

était enchantée, mais malheureusement, je ne pouvais pas par-

tager cette joie, car la maladie continuait, comme l'indiquaient

parfaitement, le nystagmus, les paralysies associées des yeux, le

regard vague, l'exaltation des réflexes, l'épilepsie spinale, et enfin n

un certain degré de faiblesse parétique des membres inférieurs.

L'avenir n'a pas tardé a dissipé les vaines espérances delà famille.

Seize jours après, la mélancolie revint avec les mêmes caractères

et des accès apoplectiformes et épileptiformes. Dans les intervalles

des accès, le malade se plaignait d'une diplopie intense et de

vertiges diplopiques; car si on lui fermait un oeil, les vertiges dis-

paraissaient. Cette nouvelle scène clinique s'est terminée le

21 décembre, elle a duré six jours, suivie d'une rémission qui n'a

pas dépassé quatre jours. A ce nouvel amendement a succédé une

nouvelle crise psychique avec les mêmes accès; mais, à l'aide

d'une application des pointes de feu faite pour la première fois,

elle a été coupée court et elle n'a duré qu'un jour. Elle a com-

mencé à sept heures du matin le 26 décembre et elle a fini à

six heures du soir.

En présence de ce syndrome, nous étions certains que nous

avions à faire à une maladie organique cérébro-spinale et que, vu

l'âge du sujet, les vertiges, le tremblement pendant les mouve-

ments intentionnels, le nystagmus, les paralysies associées des

yeux, la paralysie de la convergence, l'insuffisance des droits

internes, le regard vague si spécial, les symptômes spasmodiques,

les accès apoplectiformes et épileptiformes avec les symptômes

psychiques, et enfin la marche rémissionnelle et si originale de

la maladie, nous avions posé le diagnostic de la sclérose en plaques.

MM. les professeurs Caramitzas, Orphanides, Magginas avec

M. le Dr Limpritis se sont joints à notre diagnostic. Notre célèbre

72 RECUEIL DE FAITS.

maître Charcot, auquel nous avons envoyé l'exposé du malade

en demandant son opinion, a bien voulu nous répondre et confir-

mer, avec son imposante autorité, notre diagnostic.

Dans le cours de janvier 1884, j'ai visité bien des fois ce malade,

et toujours j'ai constaté l'état suivant : nystagmus, paralysies

associées des yeux, paralysie de la convergence, insuffisance des

droits internes, regard vague, clonus du pied tant spontané que

provoqué, faiblesse des membres inférieurs, et enfin un état

psychique bizarre qui consistait à une tendance irrésistible de

chercher quelque chose partout sans pouvoir nous dire précisé-

ment quelle était la chose cherchée, bien qu'il eût pleine cons-

cience de tout ce qu'il faisait. Ainsi il ouvrait une armoire, il

examinait avec attention tout son contenu, et, ne pouvant arriver

à trouver ce qu'il cherchait, il allait autre part pour continuer ses

recherches. En dehors de cela, le malade avait son intelligence

assez nette.

Etat du malade, le 10 0 février.- J'ai été assez surpris de n'avoir pu

constater un seul de tous ces symptômes. En effet, le regard vague,

le nystagmus, les paralysies associées des yeux, la paralysie de

la convergence, l'insuffisance des droits internes, l'exaltation des

réflexes, l'épilepsie spinale, la faiblesse des membres inférieurs,

l'état psychique, enfin tout a disparu d'une façon complète

Cette disparition fut définitive, car, depuis ce temps-là jusqu'à

présent, aucun de ces symptômes n'a reparu. Le jeune homme

s'est engraissé, continue ses études; il est même mieux qu'avant

sa maladie, car aujourd'hui il n'a plus son caractère habituelle-

ment mélancolique, que nous avons décrit dans ses antécédents

personnels; il est plus gai, son intelligence est très vive, et il est

parmi les premiers étudiants.

Nous n'insisterons que très peu sur les moyens thérapeutiques

mis en usage pour obtenir cet heureux résultat. Les applications

des pointes de feu répétés sur la région spinale, l'hydrothérapie,

l'ergotine, et pendant les accès, élixir d'Yvon et bromhydrate de

quinine, ont peut-être facilité la tendance naturelle de ce cas à

la guérison. Le traitement a continué jusqu'au mois de mai 1884.

Comment peut-on expliquer, au point de vue physiologico-

pathologique, la curabilité de la maladie ? La question des

améliorations notables et de la curabilité des quelques mala-

dies organiques du système nerveux central est une des plus

intéressantes que la pathologie puisse présenter aux physiolo-

gistes. En effet, aujourd'hui, il est bien établi que le mal de

Pott, qui après avoir premièrement envahi les méninges, pro-

duit une sclérose médullaire, guérit le plus souvent, même

dans les cas très avancés. Charcot nous a montré, à la Salpê-

DE LA CURABILITÉ DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES. 73

trière, de beaux exemples de guérison chez des personnes

atteintes de paraplégie spasmodique par mal de Pott arrivée à

sa dernière période, à la contracture des membres inférieurs,

et nous-mème, nous sommes en train d'obtenir la guérison

dans un tel cas, chez une petite fille âgée de huit ans et

nommée L. M. La malade, qui était dans l'impossibilité absolue

de mouvoir ses membres inférieurs, a commencé à marcher à

l'aide des appuis et l'amélioration continue. Aussi, il est bien

connu que la pachyméningite cervicale hypertrophique s'amé-

liore considérablement ; elle guérit même plus souvent, si la

moelle est peu ou point atteinte, rarement si elle est fortement

lésée.

Enfin, en ce qui concerne la sclérose en plaques, nous

avons le cas de Wilson, où la malade est presque guérie, et

surtout notre observation qui est décisive à ce point de vue.

Ces guérisons ne peuvent être expliquées, croyons-nous,

que par la régénération des nerfs, nous assistons là à une

véritable réparation nerveuse. Charcot a démontré, par l'au-

topsie d'une personne atteinte de paraplégie spasmodique par

mal de Pott, qu'au milieu du tronçon de la moelle sclérosée il

y avait des tubes nerveux qui rétablissaient les communications

entre le segment supérieur et le segment inférieur de la moelle

épinière. Ces fibres étaient très probablement régénérés.

Il me semble, d'ailleurs, que les tubes d'un segment ne se

mettent pas tous à la fois en jeu pour fonctionner et que,

ordinairement, une partie seulement paraît y suffire. L'histo-

logie pathologique de mal de Pott nous fournit la preuve de

ce fait. En effet, au milieu du segment sclérosé correspondant

au point de compression, Charcot a trouvé que le nombre des

tubes nerveux était bien au-dessous du taux normal, et cepen-

dant ce petit nombre suffit pour le rétablissement des commu-

nications, si bien que la malade faisait de longues courses

sans la moindre claudication, ayant la marche parfaitement

normale, enfin étant complètement guérie, sauf naturellement

sa gibbosité. Or, la régénération d'un nombre de tubes ner-

veux, même beaucoup au-dessous du taux normal, paraît

suffire pour rétablir les choses à leur état physiologique.

Nous sommes nécessairement amenés à poser la question

suivante : A. quoi donc sert un nombre si considérable de

tubes nerveux qui existent à l'état normal ? Il est certes très

difficile à répondre à cette question, mais nous ne pouvons

74 RECUEIL DE FAITS.

pas résister à l'hypothèse que, parmi les conditions qui ont

nécessité l'existence d'un si grand nombre de tubes et qui ne

sont pas connues; il y en a deux qu'il nous semble difficile de

ne pas accepter : 1° il est facile de concevoir que dans quelques

circonstances extraordinaires qui nécessitent un plus grand

travail nerveux, un plus grand nombre de fibres nerveuses se

mettent en jeu; 2° à quelques cas pathologiques il est de toute

nécessité que les tubes détruits soient remplacés par d'autres

restés pour ainsi dire en réserve; en d'autres termes, il faut

qu'ils soient suppléés.

Charcot et d'autres en admettant la possibilité de la régéné-

ration des nerfs, se posent la question : s'il s'agit là d'une

reproduction de toutes pièces ou seulement de la réappa-

rition du cylindre de myéline autour des cylindres axiles

dénudés. Nous croyons très difficile d'admettre la reproduction

de toutes pièces, tandis que la réapparition du cylindre de

myéline autour du cylindre d'axe, nous parait plus com-

préhensible et plus conforme aux faits, tout au moins pour la

sclérose en plaques. En effet, il est bien établi aujourd'hui que

dans la sclérose en plaques, les cylindres axiles résistent jus-

qu'aux dernières limites du travail destructif, et s'il est très

difficile de trouver une plaque tant ancienne qu'elle soit, dans

laquelle le microscope ne démontre pas ça et là quelques

cylindres axiles restés intacts au milieu du tissu sclérosé. La

réapparition alors du cylindre de myéline autour des cylindres

axiles dénudés est facile à comprendre et peut bien expliquer

la curabilité de cette maladie. On peut encore trouver une

preuve négative de notre explication dans les scléroses dites

systématiques. Dans celles-ci, où le cylindre axile est le pre-

mier détruit, non seulement la guérison, mais encore des amé-

liorations notables et durables n'ont jamais été obtenues,

chose qui n'arriverait pas si la reproduction de toutes pièces

était possible.

Une question se présente ici. Pourquoi cette régénération

arrive-t-elle si rarement ? Quelles sont les conditions qui la

favorisent ? Autant de questions importantes que je ne suis pas

à même de résoudre et que je me borne à poser à la méditation

des neuropathologistes et des physiologistes. Je dirai seule-

ment que, parmi les conditions inconnues qui ont facilité

l'heureux résultat dans le cas de Wilson et le mien , il y en a

deux que je ne veux pas passer sous silence : Il l'âge. En effet,

DE LA CURABILITE DE LA SCLEROSE EN PLAQUES. 75

la malade de Wilson était âgée de huit ans et notre malade est

âgé de dix-huit ans. Certes, à cet âge, le corps est en dévelop-

pement. Le tissu nerveux a plus de vivacité et les phénomènes

de régénération peuvent se faire avec plus d'activité ; 2° l'in-

tervention de la thérapeutique faite au début de la sclérose en

plaques, a peut-être empêché le travail destructif de progresser

et dans ces conditions, la régénération a plus de chances de

succès. On se rappelle que nous sommes intervenus active-

ment au dixième mois de la maladie. M. Wilson est intervenu

aussi à temps.

Nous espérons qu'à l'époque où tout le monde médical

apprendra à reconnaître la sclérose en plaques, à son début

surtout, quand elle se présente sous ses formes frustres, le

le nombre des cas de guérison se multipliera.

Il ne faut pas ignorer que la sclérose en plaques n'est pas

du tout une maladie rare, au contraire, son champ s'élargit de

jour en jour; déjà, au point de vue de la fréquence, vient après

les tubes, et cela grâce à la puissante impulsion que M. Charcot

et ses élèves, surtout son distingué chef de clinique Marie, ont

donné au diagnostic de cette maladie, et spécialement de ses

formes atténuées. Nous sommes aussi redevables à M. Pari-

naud, qui a si bien décrit dans plusieurs travaux successifs,

les troubles oculaires de la sclérose en plaques, qui fournissént

des signes si précieux au diagnostic de cette maladie, surtout

de ses formes frustes. Notre observation fournit, entre autres,

la preuve de l'extrême importance de l'examen méthodique

des yeux. Ce sont en effet, les lésions de l'oeil surtout qui nous

ont mis dans la vraie voie et ont fixé notre diagnostic.

En résumant les principaux points de ce travail nous

dirons :

1" Que la sclérose en plaques est une maladie curable ;

2° La guérison peut être expliquée par la régénération des

nerfs ;

Le mécanisme de cette régénération consiste peut-être en la

réapparition du cylindre de myéline autour des cylindres axiles

dénudés ;

4° La régénération d'un nombre de tubes nerveux bien au-

dessous du taux normal suffit pour déterminer la guérison ;

5° Parmi les conditions inconnues qui favorisent la régéné-

76 REVUE CRITIQUE.

ration des nerfs et, par conséquent, la guérison de la maladie,

il faut peut-être compter l'âge et l'intervention de la théra-

peutique au début de la maladie.

P. S. Si la guérison de notre malade se démentait plus tard,

chose que nous ne croyons pas, nous nous empresserons de le publier.

REVUE CRITIQUE

DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX

A l'état PHYSIOLOGIQUE ET pathologique 1

Par le Dr A. MAIRE, agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier.

Nutrition générale et acide phospoh2,ique. - Pour savoir si

la nutrition générale exerce une influence, surl'élimitation de

l'acide phosphorique, nous avons étudié l'élimination de

cette substance et celle de l'azote aux différentes heures de

la journée. Cette étude nous a démontré que le sommeil, en

tant qu'état de repos, diminue l'élimination de l'azote et de l'a-

cide phosphorique, soit de l'acide phosphorique uni aux terres,

soit de l'acide phosphorique uni aux alcalis. Le sommeil dimi-

nue donc les échanges en acide phosphorique qui se passent

au sein de nos tissus en même temps qu'il diminue l'élimina-

tion de l'azote. Cette marche parallèle dans l'élimination des

phosphates, sous l'influence du sommeil, nous l'avons ren-

contrée encore pendant les différentes heures du jour, ou

mieux, pendant les différentes périodes de la journée, (matin,

après-midi, nuit), chez des individus dont nous avons

examiné les urines pendant l'état de repos. L'élimination de

1 Voy. t. IX, p. 232 et 360.

DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 77 -

ces deux substances est à son minimum pendant les heures du

matin; elle augmente pendant les heures de l'après-midi et at-

teint son maximum pendant les heures de la nuit. Et comme

dans les cas que nous avons étudiés, les individus étaient au

repos, et que la décomposition des matières albumoïdes, la-

quelle se traduit, comme on le sait, par l'élimination de l'azote,

n'était liée qu'aux échanges nutritifs qui se passent dans l'en-

semble de l'économie, c'est-à-dire à la nutrition générale, nous

ne pouvons que rattacher à la même origine les variations qui

se produisent dans l'élimination de l'acide phosphorique.

Les faits que nous venons de rappeler nous amènent donc

aux conclusions suivantes :

1° L'acide phosphorique est lié à la nutrition générale.

2° Les échanges nutritifs qui, dans les conditions ordinaires

de la vie, se passent au sein de nos tissus, se font sentir sur l'éli-

mination de l'acide phosphorique - soit de l'acide phosphorique

uni aux terres, soit de l'acide phosphorique uni aux alcalis

dans une direction parallèle à celle de l'élimination de

l'azote.

Les résultats qui précèdent nous montrent que si la théorie

de Zuelzer est fausse, ainsi que nous le disions plus haut, dans

sa partie essentielle, elle a cependant quelque chose de vrai, en

ce sens qu'il existe réellement un rapport entre l'élimination

de l'acide phosphorique et celle de l'azote. Mais nos recherches

nous permettent pas d'aller plus loin; elles ne nous permettent

pas de fixer un chiffre à ce rapport. Malgré cela, on comprend

que nous ayons dans cette marche parallèle imprimée par la

nutrition générale à l'élimination de l'acide phosphorique et à

celle de l'azote un moyen précieux de savoir si cette nutrition

intervient dans les modifications que nous avons consta-

tées dans cette élimination sous l'influence du travail intel-

lectuel.

Ces rapports entre la nutrition générale et l'acide phospho-

rique établis revenons maintenant à l'interprétation des modi-

cations que produit l'activité cérébrale sur l'élimination de

cet acide et sur celle de l'azote, et demandons-nous d'abord à

quoi tient la diminution de l'azote.

La physiologie nous apprend que l'azote éliminé par les

urines est intimement lié à l'alimentation, d'une part, et à la

décomposition des matières albuminoïdes, d'autre part.

78 REVUE CRITIQUE.

Dans les cas que nous étudions, l'alimentation est restée la

même en quantité et en qualité pendant l'état de repos et pen-

dant l'état d'activité intellectuelle; de plus, quand l'alimenta-

tion, comme dans le tableau III, est à peu près supprimée, les

mêmes modifications se produisent du côté de l'azote. Ce n'est

donc pas à l'alimentation qu'on peut faire remonter la dimi-

nution constatée sous l'influence du travail intellectuel dans

l'élimination de cette substance. Par suite, cette diminution

ne peut être rattachée qu'à une moindre décomposition des

matières albuminoïdes.

Cette moindre décomposition provient-elle de la substance

nerveuse ; lé travail intellectuel diminue-t-il les échanges nutri-

tifs qui se passent dans les matières albuminoïdes que renferme

cette substance ? Cela me parait difficile à admettre à priori,

étant données la quantité relativement faible de matière albu-

minoïde qui entre dans la constitution du tissu nerveux et la

quantité relativement considérable d'azote trouvé en moins

dans les urines; cela devient impossible lorsqu'on réfléchit que

la diminution de l'azote n'est pas, ainsi que nous l'avons

indiqué plus haut, liée, comme l'augmentation des phosphates

neutres, aux rapports qui existent entre l'intensité du travail

et la richesse de l'alimentation en acide phosphorique; ce qui

serait si l'hypothèse que nous étudions était vraie.

La diminution de l'azote que nous constatons sous l'influence

du travail intellectuel ne se rattache donc pas à une diminution

dans les échanges nutritifs qui peuvent se passer au sein de la

substance nerveuse. Cette diminution ne peut pas être davan-

tage attribuée à une moindre activité du système musculaire

dont le travail augmente l'élimination de l'azote ; nous avons

eu soin, en effet, nous l'avons déjà dit, de mettre les individus

en expérience dans des conditions de repos musculaire abso-

lument semblables, pendant les états de repos et de travail

intellectuels.

La diminution de l'azote éliminé sous l'influence de ce der-

nier travail ne pouvant être recherchée ni dans le système

nerveux ni dans le système musculaire, force est bien de la

rattacher à la décomposition des matières albuminoïdes envi-

sagée d'une manière générale, c'est-à-dire à l'ensemble de la

nutrition ; et comme le chiffre de l'azote contenu dans les

urines peut « servir à mesurer l'énergie avec laquelle s'effec-

tuent les transformations de la matière au sein de l'orga-

DE LA NUTRITION DU SYSTEME NERVEUX. 79

nisme ' », force encore est d'admettre que le travail intellectuel

ralentit la nutrition générale.

La diminution produite dans l'élimination de l'azote par le

travail intellectuel se lie donc au ralentissement de la nutrition

générale.

C'est à la même cause évidemment qu'il faut rattacher, en

partie du moins, la diminution dans l'élimination de l'acide

phosphorique uni aux alcalis, qu'on constate sous l'influence du

travail intellectuel. Nous savons, en effet, que la nutrition géné-

rale agit dans le même sens sur l'azote et les phosphates.

Toutefois nous verrons plus loin quei la nutrition générale

n'est pas la seule cause de cette diminution; mais, avant cela,

il est nécessaire de rechercher d'où vient l'augmentation pro-

duite par le travail intellectuel sur l'élimination de l'acide

phosphorique uni aux terres.

Le travail intellectuel retentit sur l'ensemble de la nutrition,

qu'il ralentit : telle' est donc la conclusion que nous impose la

connaissance de l'action de ce travail sur l'élimination de l'a-

zote et de l'acide phosphorique uni aux alcalis. Nos recherches

viennent ainsi confirmer scientifiquement ce que nous enseigne

l'observation clinique.

L'augmentation de l'acide phosphorique uni aux terres, qu'on

retrouve sous l'influence du travail intellectuel, ne peut-elle

pas s'expliquer par ce fait que, la nutrition générale étant ra-

lentie, ce ralentissement donne lieu à une moindre absorption

des phosphates terreux ? Nombre de raisons plaident contre

cette manière de voir. Parmi elles, je me contenterai de rappe-

ler les deux suivantes, qui sont absolument concluantes. Si

l'hypothèse qui précède était vraie, l'augmentation de l'acide

phosphorique uni aux terres se produirait toujours conjointe-

ment à la diminution de l'acide phosphorique uni aux alcalis et

de l'azote, et elle serait d'autant plus marquée que la richesse

des aliments en phosphates serait plus grande. Or, nous avons

vu, lorsque le travail n'était pas très intense, l'acide phospho-

rique uni aux alcalis et l'azote diminuer sans que l'acide phos-

phorique uni aux terres augmente; et, d'un autre côté, l'aug-

mentation de ce dernier acide, loin d'être en rapport avec la

richesse des aliments, être d'aulant plus marquée que cette

1 Gorup-Besanez. Traité de chimie physiologique, 1880, tome I,

page 379.

80 REVUE CRITIQUE.

richesse est moindre. Ensuite, ainsi que nous le disions tout à

l'heure, la nutrition générale agit dans le même sens sur

l'acide phosphorique uni aux terres et sur l'acide phosphorique

uni aux alcalis. Il n'est donc pas possible de rattacher au ra-

lentissement de l'ensemble de la nutrition l'augmentation des

phosphates terreux qu'on rencontre sous l'influence du travail

intellectuel.

Et comme toutes les autres conditions qu'on pourrait in-

criminer comme cause de cette augmentation restent abso-

lument les mêmes lorsque les individus en expérience sont

soumis à ce travail ou lorsqu'ils sont à l'état de repos, nous ne

pouvons rattacher cette augmentation qu'au système nerveux

lui-même.

Ce premier point résolu, se pose la même question que nous

avons rencontrée à propos de la nutrition générale : les phos-

phates terreux qu'on retrouve en plus dans les urines à la

suite du travail intellectuel ne proviennent-ils pas de ce que le

cerveau, en travaillant, absorbe moins de ces phosphates qu'à

l'état de repos ? Les mêmes raisons qui nous ont obligé à rejeter

l'idée que ces phosphates se lient à un ralentissement de la

nutrition générale, nous obligent à la rejeter à propos du cer-

veau, et, de déduction en déduction, nous sommes forcément

amené à admettre que l'acide phosphorique uni aux terres,

qu'on retrouve en plus dans les urines sous l'influence du

travail intellectuel, est dû à des échanges plus actifs se passant

dans l'intérieur du tissu nerveux et exprime un déchet en

acide phosphorique produit par ces échanges. Nous pouvons

donc dire :

1° Le travail intellectuel emploie, pour se produire, de l'acide

phosphorique.

2° L'acide phosphorique uni aux terres, qu'on retrouve en

excès dans les urines à lasuite du travailintellectuel, est de l'acide

phosphorique de déchet. Et si on considère que l'augmentation

de cet acide est absolument indépendante, ainsi que nous le

verronsdanslaseconde partiede cetravail, de la formeque revêt

l'expression sous laquelle se traduit l'activité cérébrale, qu'elle

se retrouve dans les deux formes les plus opposées de l'aliéna-

tion mentale, dans la manie et dans la lypémanie, et même

en dehors de toute manifestation psychique, dans les attaques

d'épilepsie par exemple, on ne conserve plus de doute que cette

DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 81

augmentation ne soit due à une suractivité de la nutrition ner-

veuse. Nous sommes donc obligé d'admettre que l'acide phos-

phorique est lié à la nutrition du tissu nerveux.

Poursuivons notre étude. L'acide phosphorique uni aux

terres qu'on retrouve en excès dans les urines lorsque le cer-

veau fonctionne étant un produit de déchet, c'est-à-dire le

produit de la désassimilation des matières phosphorées de la

substance nerveuse, il est certain que, dans les conditions or-

dinaires de la vie, chez l'homme travaillant intellectuellement,

ce déchet en acide phosphorique doit être compensé par une

égale quantité d'acide phosphorique d'assimilation ; sinon le

cerveau serait bientôt privé de phosphore et tout travail in-

tellectuel deviendrait vite impossible. Pouvons-nous démontrer

qu'il en est ainsi ?

Pour cela, il nous faut revenir à l'étude des phosphates

alcalins. Ces phosphates, nous l'avons vu, sont diminués sous

l'influence du travail intellectuel, et rapprochant cette dimi-

nution de celle de l'azote, nous l'avons rattachée, en partie du

moins, au ralentissement de la nutrition générale. Est-ce là

sa seule cause ?

Si le rapport entre l'élimination de l'acide phosphorique et

la décomposition des matières albuminoïdes exprimée par

l'azote était constant, comme le pensent certains auteurs, et

Zuelzer en particulier, le problème que nous venons de soulever

serait facile à résoudre; nous n'aurions qu'à voir si, sous l'in-

fluence du travail intellectuel, ce rapport est diminué ou non.

Il n'en est pas ainsi; nous l'avons vu précédemment. Et

cependant c'est seulement dans l'étude comparative entre

l'élimination de l'azote et de l'acide phosphorique uni aux

alcalis que nous pouvons chercher la solution de ce pro-

blème.

Peut-être trouverons-nous cette solution en étudiant le

rapport entre l'acide phosphorique uni aux alcalis et l'azote

chez un individu à l'état de travail intellectuel, comparative-

ment à ce qu'il est chez ce même individu à l'état de repos. Il

est certain en effet que si, sous l'influence de l'activité céré-

brale, ce rapport est toujours diminué, nous serons en droit

de conclure que, à côté du ralentissement de la nutrition, il

faut invoquer une autre cause pour expliquer cette diminution.

Nos recherches sur l'homme sain ne nous permettent pas de

Archives, t. X. 6

82 - REVUE CRITIQUE.

nous prononcer à ce sujet'. Remarquons, toutefois, que c'est

lorsque le travail intellectuel est le plus intense (tableau I, n° 3)

que la diminution du rapport entre l'acide phosphorique uni

aux alcalis et l'azote est le plus considérable. Par conséquent,

nous pouvons nous demander si, lorsque l'activité des échan-

ges qui se passent au sein de la substance nerveuse est suffi-

samment grande, cette diminution ne s'accentue pas et ne

devient pas constante. C'est à la pathologie qu'il faut nous

adresser pour fixer ce point; et c'est à la lypémanie que nous

en appelerons. Dans cette forme d'aliénation mentale, on

retrouve dans l'élimination del'azote et de l'acide phosphorique

des modifications absolument semblables à celles que produit

le travail intellectuel ; seulement l'activité cérébrale étant plus

grande que sous l'influence de ce dernier, ces modifications

sont plus accentuées et dans ce cas, la diminution de l'acide

phosphorique uni aux alcalis, relativement à l'azote, est

constante. Par suite, on est conduit à penser que la diminu-

tion de l'acide phosphorique que produit le travail intellectuel

ne se lie pas à la seule nutrition générale, mais à la nutrition du

cerveau lui-même.

Cette manière de voir s'affirme et s'impose lorsqu'on étudie

comparativement l'élimination des phosphates alcalins et l'éli-

mination des phosphates terreux.

D'abord, en ce qui concerne les rapports entre ces deux

groupes de sels et l'azote, plus diminue le rapport entre l'acide

phosphorique uni aux alcalis et cette dernière substance, plus

augmente celui de l'acide phosphorique uni aux terres. Ce fait,

qui se dégage de nos différentes recherches sur l'homme sain

consignées dans les tableaux qui précèdent, se dégage non

moins nettement de celles que nous avons faites sur la lypé-

manie. Tandis que, sous l'influence de cette maladie, le rap-

port entre l'acide phosphorique uni aux alcalis et l'azote

diminue, le rapport entre l'acide phosphorique uni aux terres

et l'azote augmente au contraire.

En second lieu, si nous étudions comparativement le chiffre

d'élimination de l'acide phosphorique uni aux terres et celui

de l'acide phosphorique uni aux alcalis, nous voyons que,

plus augmente le premier plus diminue le second. Ainsi,' chez

l'individu qui fait le sujet du tableau I, tandis que, à l'état de

Voir, pour toutes les expériences relatives à cette question : lLairet,

loco citato, p. 108-ill.

DE LA NUTRITION DU SYSTEME NERVEUX 83

repos, le chiffre d'élimination de l'acide phosphorique uni aux

terres était de 50 centigr. et celui de l'acide phosphorique uni

aux alcalis del gr. 65, ces chiffres deviennent, à la suite d'un

travail intellectuel de sept heures, de 52 centigr. pour le pre-

mier et de 1 gr. 53 pour le second, et à la suite d'un travail

de dix heures, de 58 centigr. et de 1 gr. 27. Il y a donc un

rapport évident entre l'augmentation de l'acide phosphorique

uni aux terres et la diminution de l'acide phosphorique uni

aux alcalis ; il y a comme un balancement entre l'élimination

de ces deux substances.

Les différents faits que nous venons de rapporter ne nous

semblent plus laisser de doute :

La diminution de l'acide phosphorique uni aux alcalis, qu'on

constate sous l'influence du travail intellectuel, ne reconnaît

pas comme seule cause le ralentissement de la nutrition ; il

existe entre elle et les échanges nutritifs qui se passent au sein

de la substance nerveuse un rapport trop étroit pour qu'elle

ne concoure pas à ces échanges. Evidemment une partie des

phosphates alcalins trouvés en moins dans les urines, sous l'in-

fluence du travail intellectuel, sont absorbés par la substance

nerveuse pour produire ce travail, et servent à compenser les

pertes en cet acide que fait subir à celte substance les échanges

nutritifs qui se passent dans son intérieur.

Tels sont les enseignements qui se dégagent de nos recher-

ches relativement aux rapports qui existent entre l'acide phos-

phorique et le système nerveux; si nous les synthétisons, nous

dirons :

1° L'acide phosphorique EST INTIMEMENT LIÉ A la NUTRI-

TION ET AU FONCTIONNEMENT DU CERVEAU. LE CERVEAU, EN

fonctionnant, absorbe DE l'acide phosphorique UNI aux

alcalis, ET REND DE L'ACIDE phosphorique UNI aux terres;

2° Le travail INTELLECTUEL RETENTIT SUR la NUTRITION

GÉNÉRALE QU'IL RALENTIT ;

3° LE travail INTELLECTUEL MODIFIE l'élimination DE L'A-

CIDE PHOSPHORIQUE par LES URINES; IL DIMINUE LE CHIFFRE DE

l'acide PHOSPHORIQUE UNI aux alcalis, ET augmente LE

CHIFFRE DE l'acide PHOSPHORIQUE UNI aux TERRES.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

I. L'écorce DU cervelet; par C.-E. BEEVOR. (Brain,

Part XXII, 1883.)

Ces recherches anatomiques sur l'écorce du cervelet ont été

faites sous la direction de Gaule (Leipzig) en employant plusieurs

méthodes différentes et la technique la plus récente, c'est le pro-

cédé de coloration par la fuchsine acide (Weigert) et la nigrosine

qui a donné les meilleurs résultats. Les préparations ont été faites

surtout sur des cerveaux de chiens plongés dans les réactifs dur-

cissants moins de une heure après la mort.

Nous ne pouvons donner ici que les conclusions de ce travail,

d'après l'auteur lui-même :

1° Chaque fibre sans branches est en connexion avec chaque

cellule de Purkinje. Le cylindre axe passe dans le protaplasma de

la cellule, la gaine médullaire dans la capsule névroglique de la

cellule ;

2° Le cylindre axe se convertit dans la cellule en un certain

nombre de fibrilles qui passent dans les processus protoplas-

miques à branches. Ces fibrilles parcourent comme des filaments

absolument distincts jusqu'à la périphérie les processus entourés

d'une gaine névroglique. Dans les divisions successives de ces

processus les nombreuses fibrilles sont graduellement séparées

gaine médullaire, et enfin celles-ci se portent dans la substance

médullaire tout en s'entre-croisant entre elles et formant une sorte

de plexus.

Ce travail est accompagné de figures très claires quoique non

schématiques, et constitue un des meilleurs documents que nous

ayons sur la structure si compliquée du cervelet. P. M.

II. SUR LES PHÉNOMÈNES CONSÉCUTIFS A la SECTION DES FIBRES

DU NERF OPTIQUE A L'INTÉRIEUR DES HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX

DANS LE VOISINAGE DU SEGMENT POSTÉRIEUR DE LA CAPSULE

INTERNE; par W. BECHTEREW. (Neurolog. Centralbl., 1884).

A l'aide d'un instrument représentant une gaîne mince

dont on peut à volonté projeter une fine lame qui form e pres-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 85

que un angle droit avec la gaîne, l'auteur, après avoir réglé

l'expérience, arrive à séparer les fibres de la capsule interne

à la hauteur de la face supérieure de la couche optique,

immédiatement en dehors de la zone où le ventricule latéral

émet son prolongement inférieur, par conséquent au-dessus

du corps genouillé externe. Dans ces conditions, il ne se pro-

duit aucun trouble de la motilité ni de la sensibilité. Seules

les moitiés homonymes des deux rétines par rapport au côté

opéré cessent de fonctionner; la limite de chaque champ

visuel est représentée par une verticale au voisinage du point

de fixation, et la lacune en est toujours notablement plus

grande du côté opposé à l'opération. Pas de modifications

pupillaires appréciables. ' P. K.

III. DE l'importance DES ganglions intervertébraux (Re-

cherche expérimentale et histologique) ; par W. BECHTEREW

et P. ROSENBACH. - APPENDICE A CETTE communication,

par les mêmes auteurs. QUELQUES remarques SUR CETTE

communication, parScHULTZE. (Neurol. Centralbl., 1884.)

On endort un chien ; on lui plonge un couteau à deux

tranchants dans l'espace intermédiaire au sacrum et à la der-

nière vertèbre lombaire (spatium rhomboïdale) et l'on sec-

tionne l'ensemble des racines qui au-dessous du renflement

lombaire partent de la moelle pour former la queue de cheval ;

ou bien, pour sectionner un plus grand nombre de racines,

on passe entre la. dernière et l'avant-dernière lombaire. Le

couteau enlève les racines postérieures et antérieures avant

l'extrémité inférieure de la moelle, et les ganglions spinaux;

il porte encore sur quelques ganglions et sur quelques troncs

nerveux en arrière. Il en résulte une paralysie complète de la

queue, un trouble évident du mouvement dans les extrémités

pestérieures, une parfaite anesthésie de la queue, du périnée,

des surfaces postéro-internes des cuisses, de la paralysie des

deux sphincters. Quand la section a eu lieu entre les deux der-

nières lombaires, on remarque en outre un trouble marqué du

mouvement dans les deux extrémitéspostérieures, le train posté-

rieur titubant; en marchant, décote et d'autre, l'anesthésie est

plus étendue. Peu de temps après, il se produit une réaction

dégénérative absolue des muscles paralysés et de l'amaigrisse-

ment. La mort a lieu, malgré une alimentation suffisante, au

86 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.

bout de dix à trente jours; quelques animaux se rétablissent

totalement ; on les tue alors deux à trois mois plus tard. L'a-

nalyse macroscopique et microscopique suggère aux auteurs

les conclusions suivantes : L'altération constante de la sub-

stance grise (dégénérescence des cellules nerveuses des cornes

antérieures et postérieures) rapprochée de l'absence de tout

trouble imputable à une action traumatique dans le voisinage

immédiat des racines sectionnées, indiquerait que l'altération

de la substance grise est simplement l'effet de la séparation des '

ganglions spinaux en connexion avec les racines postérieures

sectionnées. La constance de la dégénérescence atrophique et

de la disparition des cellules nerveuses après l'opération sans

aucun processus inflammatoire prouverait qu'il s'agit d'un

trouble trophique qui, après la section des ganglions, se pro-

page le long des racines postérieures coupées vers le centre

de la moelle. Les ganglions intervertébraux serviraient donc

de foyer trophique non seulement aux fibres sensitives et aux

racines des nerfs spinaux, mais aux éléments cellulaires de

la moelle même. L'ascension du processus dégénératif, plus

loin que la sphère commandée par les ganglions sectionnés ,

cette ascension serait non pas le résultat direct de la sépara-

tion des ganglions, mais un phénomène de propagation par

contiguïté dû aux connexions si riches, si multipliées, qu'af-

fectent entre elles les cellules nerveuses au moven de leurs

prolongements dans le réseau nerveux de la substance grise.

Quant aux cordons de Goll et autres, l'inconstance à tous égards

des résultats obtenus forcerait les auteurs à déclarer que leur

dégénérescence est à peu près absolument une lésion consécu-

tive qui n'est pas immédiatement produite par la séparation

des ganglions spinaux, mais qu'elle émane de la destruction

des cellules nerveuses qui, selon toute probabilité, servent de

lieu d'origine à ces faisceaux. La polémique, suivant nous,

n'enlève rien au mémoire que nous venons d'analyser briève-

ment ; les questions se tranchent non avec des mots, mais en

variant les expériences. P. K.

IV. Remarques SUR la FORME DE la moelle ÉPINIÈRE DE

l'homme; par M. FLESCH. (Neurolog. Çei ? 12albl., 188t.)

Une moelle d'un enfant de dix-huit mois ayant succombé à

la diphthérie est enlevée trente-six heures après la mort. On

REVUE D ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 87

la suspend dans la liqueur de Müller. Et l'on constate que, de

même que chez les mammifères, elle présente une convexité

dorsale à sommet postérieur, une convexité cervicale à sommet

antérieur. La même forme persiste quand on a enlevé la dure-

mère et la pie-mère. L'exactitude dans la fixation de cette

forme est obtenue précisément en conservant l'organe sans

l'attacher dans un liquide dont le poids spécifique est presque

celui de sa substance. P. K.

V. CONTRIBUTION A la connaissance DES NERFS VASO-MOTEURS

DE la peau DE l'homme, par M. BucH d'Helsingfors). (Cen-

tralblatt. f. Nervenheilk., 1884.)

L'excitation due à un froid modéré (ablation de la couver-

ture, compresse d'eau) sur une partie limitée de la peau,

provoque de l'hyperthermie des régions voisines; l'application

d'un morceau de glace abaisse la température sur une large

zone. Dans le premier cas, la contraction des plus fins vais-

seaux, par l'intermédiaire des nerfs ou des centres périphé-

riques locaux, provoque une hyperémie collatérale dans le

voisinage; une forte excitation, au contraire, se réfléchit

jusque sur les centres de la moelle et produit une hypothermie

étendue. Voici un malade atteint d'une myélite qui a inter-

rompu l'arc réflexe; dans ces conditions, la moelle n'interve-

nant plus, une excitation d'intensité quelconque agit comme

l'excitation faible chez l'individu sain, mais alors les réactions

se font plus lentement (autonomie des centres nerveux péri-

phériques séparés du centre spinal), et la température du voisi-

nage ne s'abaisse, après l'ablation de la glace, que lentement

et incomplètement (persistance de la contraction des vaisseaux

profonds). Conclusion : Chez l'homme sain, les réflexes vascu-

laires parent aux inconvénients des actions thermiques à la

surface du corps, la destruction de ces régulateurs engendre

des réactions paresseuses et incomplètes, des stases et de l'hy-

perémie où normalement il devrait y avoir une anémie préser-

vatrice. De. là, les affections intercurrentes aiguës (pneumonie)

des tabétiques. Préservez donc les gens atteints d'affections

spinales chroniques du froid, et surtout du froid peu intense

actionnant une notable surface. P. K.

88 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE.

VI. CONTRIBUTION A la connaissance DE la marche DES

FIBRES dans LE corps STRIÉ; parL. EDINGER. (Neurol. Cen-

lralbl., 1884.)

Les tractus que l'on voit émerger à la base et à la pointe du

noyau lenticulaire, appartiennent au moins à deux systèmes

distincts : 1 le système de l'irradiation de la calotte (Flechsig) ;

2° le système du noyau caudé et du segment externe du noyau

lenticulaire (putamen). Le système de l'irradiation de la calotte

est d'abord composé de fibres myéliniques. Ce n'est que beau-

coup plus tard (après la naissance) qu'on en trouve dans le

système du noyau caudé et du segment externe du noyau

lenticulaire (putamen). Dans la capsule interne, ce sont les

fibres occupant le dernier tiers de la branche postérieure qui

ont les premières des fibres à myéline. Elles entrent, en partie,

dans le noyau rouge et dans le corps de Luys. D'autres sortent

directement de la capsule interne pour gagner le bord supéro-

interne du noyau lenticulaire, et pénétrer dans sa masse grise.

Les fibres qui entrent dans le noyau lenticulaire prennent

alors une double direction. Plusieurs s'infléchissant en dedans,

parviennent à la pointe interne du -noyau lenticulaire, en

sillonnant la capsule interne de nombreux faisceaux, jusqu'aux

ganglions de la région subthalamique ; d'autres, sans entrer

en rapport direct avec le noyau lenticulaire, passent entre ses

articles pour se diriger directement à la base où, après s'être

infléchies en dedans, elles constituent l'anse du noyau lenticu-

laire. Cette anse située au-dessus du pédoncule, gagne, en des-

cendant presque tout entière l'étage supérieur de celui-ci; une

partie de cette anse parait cependant remonter en dedans pour

atteindre le noyau rouge. Bien plus difficiles à trouver sont les

rapports des fibres issues du segment externe du noyau lenti-

culaire et du noyau caudé parce que, à l'époque où ils reçoivent

de la substance blanche, la région subthalamique contient

déjà d'autres tractus à myéline nombreux. Les fibres en ques-

tion sortent du putamen, entre les deux articles internes du

noyau, et de là, avec les fibres suhrà, atteignent les gan-

glions de la région subthalamique, puis elles s'infléchissent

entre le premier et le deuxième article du noyau lenticulaire

jusqu'à l'anse décrite. Il parait aussi exister un système de

fibres issues du noyau caudé, mais M. Edinger n'a pas de pré-

parations univoques à apporter. P. K.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 89

VII. Communication concernant la prétendue absence DE

DIVISION DES TUBERCULES quadrijumeaux CHEZ LES reptiles ;

par E.-C. SpiTZKA. (Neurol. Cent1'albl., 1881.)

Lussana prétend que, seuls, les boas et, parmi les poissons,

l'anguille, présentent la quadruplicité des tubercules quadri-

jumeaux semblable à celle des mammifères. « Il y a déjà plu-

sieurs années, dit M. Spitzka, que j'ai démontré la fausseté de

l'allégation d'après laquelle les tubercules quadrijumeaux, à

raison de l'absence de sillon transverse, seraient, chez les rep -

tiles, représentés par les deux lobes optiques. » L'auteur passe

en revue, sous dix propositions, l'encéphale des reptiles divers

comparé à celui d'autres animaux. 11 les résume toutes dans la

onzième que voici : chez tous les animaux munis d'un amnios,

les ganglions des deux paires antérieure et postérieure sont

représentés. Ceux de la paire antérieure sont de véritables

expansions corticales, et dérivent de la vésicule moyenne du

cerveau. Les ganglions postérieurs sont des agglomérations

annexées postéro-latéralement au cerveau moyen. Les gan-

glions antérieurs sont toujours des saillies visibles évidentes

chez les reptiles et les oiseaux sous la forme de lobes optiques,

et chez les mammifères, sous celle de paire antérieure des tu-

bercules quadrijumeaux. Les ganglions postérieurs sont cachés

chez la plupart des reptiles et chez les oiseaux, faiblement

indiqués chez l'alligator et le pseudopus, fortement marqués

chez le boa et l'iguane. En général, leur développement

est en raison inverse de celui des ganglions antérieurs, si bien

que, chez les mammifères, leur volume est notablement plus

grand que chez les reptiles. Chez les mammifères, ils se rap-

prochent de plus en plus les uns des autres; tandis que, chez

les carnassiers, ils apparaissent comme autant de monticules

séparés, accrochés chacun à un tubercule antérieur; chez le

singe, l'homme, les ruminants, ils se rapprochent l'un de l'autre

jusqu'à ce que, se rencontrant, ils engendrent un sillon qui

est la continuation de celui qui sépare les tubercules antérieurs.

En outre de ces deux paires de ganglions, il en existe une troi-

sième paire chez les reptiles qui représente le développement

de l'organe central du cerveau moyen; chez l'iguane, elle fait

saillie extérieurement, de sorte que cet animal possède trois

paires de tubercules quadrijumeaux. » P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. SUR LES allures DES nerfs ET DES muscles malades

(dégénérés) A l'égard DES courants magnéto-électriques ;

par A. EULENBURG. (Neurolog. Ceat·albl., 1884.)

En mesurant, à l'aide d'un appareil spécial, la force des cou-

rants magnéto-électriques, l'auteur a trouvé que, dans l'espèce,

le degré d'excitabilité pour les courants d'induction magnéto-

électriques marche parallèlement à celui de l'excitabilité [pour

les courants volta-électriques. Mais il se présente certains cas

dans lesquels l'excitabilité des muscles dégénérés à l'égard

des courants magnétiques revient plus tôt (et peut-être même

dans ces mêmes cas s'est épuisée plus tard) que l'excitabilité

à l'égard des courants voltaïques. P. K.

II. SUR la signification DE la formation DE vacuoles dans

LES cellules nerveuses ; par P. Rosenbach. Remarque

SUR LE travail DE R. SCHULZ, intitulé : Des altérations

artificielles cadavériques et pathologiques de la moelle; par

A. Pick. CONTRIBUTIONS A L'ÉTUDE DE la formation DE

vacuoles dans LES CELLULES NERVEUSES, ganglionnaires DE

la moelle, par R. SCHULZ. (Neurolog. Centralbl., 1881.)

Rosenbach prétend que les cas sur lesquels Schulz s'est

appuyé 1 pour parler d'altérations artificielles, témoignent pré-

cisément de pertes de substances dues à la fièvre typhoïde, à

la tuberculose, à des affections générales; la preuve qu'on a

affaire à des altérations pathologiques il faut la chercher à

l'aide d'un grossissement très notable, qui montre alors dans

la vacuole un réseau fin, irrégulier, et parfois même des parties

constitutives des éléments disparus (débris du corps cellu-

laire). M. Pick partage la même opinion ; il faut encore ob-

1 Voy. Archives de Neurologie, t. VIII, p. 333.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 91 t

server, avant d'admettre la conclusion de Schulz. Ce dernier

maintient son appréciation et formule la pathogénie suivante :

le protoplasma des cellules nerveuses possède une certaine

cohésion, une certaine tension élastique. Une condition quel-

conque (action irrégulière ou trop forte de l'alcool, durcisse-

ment irrégulier, pression avec le couvre-objet) peut rompre en

un point cette cohésion, d'où, en vertu de l'élasticité, la forme

des trous vacuoliques. Evidemment cet accident arrivera souvent

et s'accentuera sur des cellules préalablement altérées, mais la

formation de la vacuole elle-même ne constitue pas un phé-

nomène pathologique. P. K.

III. MÉNINGITE SPINALE CHRONIQUE DE LA QUEUE DE CHEVAL AVEC

DÉGÉNÉRESCENCE SECONDAIRE DE LA MOELLE , PROBABLEMENT

D'ORIGINE SYPHILITIQUE par C. ELSENLOHR (Neurolog. Cen-

tralbl., 1884)..

Observation. Syphilitique de trente ans ayant éprouvé d'abord

de la constipation et des sensations désagréables dans la région

anale, puis de l'affaiblissement de la motilité dans les extré-

mités inférieures (jambe gauche principalement), enfin de l'in-

continence d'urine et une soudaine et complète paralysie de la

jambe droite. Au moment de l'examen, il existe de la para-

plégie avec diminution dela sensibilité des membres inférieurs,

des douleurs térébrantes dans les mêmes extrémités et dans

le rectum, avec besoin incessant d'uriner très pénible. Les

onctions mercurielles produisent une amélioration instable ;

le tableau morbide se complique d'accidents gangreneux au

sacrum (decubitus) d'amaigrissement considérabe des deux

jambes avec douleurs lancinantes, convulsions de la jambe

droite, paralysie complète de la vessie (écoulement inconscient

d'urine goutte à goutte), gâtisme, extrême dépression psychi-

que, demi coma (demi conscience, mais défaut de réaction des

pupilles et de la cornée). Durée totale, deux ans et dix mois.

Autopsie : compression des racines nerveuses de la queue de

cheval par un foyer méningitique. Dégénérescence secondaire

de certains segments des cordons postérieurs tout le long de la

moelle, dégénérescence secondaire ascendantes des racines pos-

térieures directement atteintes, dégénérescence descendante de

plexus et troncs nerveux co-affectés, atrophie dégénérative des

muscles. Pathogénie. Au début, phénomènes d'irritation de cer-

92 L) revue DE pathologie NERVEUSE.

tains territoires des racines postérieures; plus tard, phénomènes

paralytiques des extrémités inférieures, avec atrophies muscu-

laires partielles. La syphilis est en jeu, car il existe une infil-

tration chronique ayant formé d'épaisses callosités issues d'un

abondant exsudat gélatiniforme (compression des centres et

des racines nerveuses qui en partent). P. K.

IV. SUR UN cas DE sclérose granuleuse disséminée DE

L'ÉCORCE cérébrale ; par F. GREIFF. (Neurolog. Centralbl.,

z884.)

Observation à rapprocher de celle de Pozzi (cirrhose atro-

phique granuleuses disséminé des circonvolution cérébrales.

Encéphale, 1883). P. K.

V. SUR LES paralysies PROGRESSIVES ATROPHIQUES, LEUR NA-

TURE centrale ou périphérique; par C. EISEVLOHR. (Neurol.

Centralhl., 1884.)

Il n'est pas impossible qu'il n'existe des affections des nerfs

périphériques dégénératives d'ordre primitif. Un ne voit pas

pourquoi un agent nocif extérieur ou un agent nocif circulant

dans le torrent sanguin, n'agirait pas aussi bien sur les or-

ganes nerveux périphériques, que sur les organes centraux.

L'auteur relate une observation de paralysie progressive atro-

phique ascendante rapidement mortelle (durée totale : trois

mois) sans grands troubles de la sensibilité; atteinte successive

des extrémités, du tronc, du diaphragme. Il y avait concur-

remment tuberculose aiguë. L'autopsie décèle une dégénéres-

cence des sciatiques, d'autant plus intense, qu'on approche

davantage de la périphérie ; intégrité de leurs éléments à leur

origine. Intégrité également des troncs nerveux du bras droit,

intégrité des racines antérieures cervicales et lombaires, altéra-

tion des muscles de l'extrémité supérieure droite et de la jambe

du même côté. La moelle ne présente que des pertes de subs-

tances vacuoliques avec altération du protoplasma dans les

grandes cellules nerveuses multipolaires des cornes antérieures

sacro-lombaires ; même altération dans la moelle cervicale

entre la quatrième et la huitième paires cervicales. Aucune

autre altération . L'auteur tend à admettre l'origine infec-

tieuse. P. K.

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 93

VI. SUR L'EXISTENCE DE cylindraxes tuméfiés dans la MOELLE

épinière; par F. SCHULTZE. (Neurolog. Centralbl. 1884.)

Sur six individus morts de néphrite chronique, parenchy-

mateuse ou interstitielle, M. Schultze en trouva trois chez les-

quels il existait une tuméfaction des cylindraxes en question,

principalement dans la région dorsale et à la partie inférieure

du renflement cervical; on la trouvait généralement à la péri-

phérie des cordons latéraux. Cette tuméfaction ne porte d'or-

dinaire que sur quelques cylindraxes isolés ; deux cas cepen-

dant témoignèrent de l'atteinte d'un assez grand nombre de

fibres, soit par exemple des groupes de vingt d'entre elles. In-

tégrité de la névroglie, pas d'infiltration cellulaire. Un leucé-

mique présentait de ces tuméfactions à un degré extrême, sur

toute l'étendue de la moelle, dans tous les cordons, à toutes

les hauteurs de l'organe ; chaque coupe transverse décelait

l'énormité, soit de fibres axiles isolées, soit de groupes de cylin-

draxes de trois à vingt se comprimant, s'étouffant, se détruisant

par pression réciproque. Altération indépendante en tous

ces faits de tout processus inflammatoire, de toute immigration

cellulaire, de toute hémorrhagie, de tout oedème. Pathogénie

probable; dyscrasie déterminant finalement un trouble de nu-

trition des cylindraxes. P. K.

VII. SUR LES allures DES cylindraxes dans la SCLÉROSE MULTI-

loculaire; par F. SCHULTZE. (Neurolog. Centralbl., 1884.)

Pourquoi la sclérose multiloculaire ne s'accompagne-t-elle

pas de dégénérescence secondaire ? Les nouvelles méthodes de

coloration ont démontré à Schultze que la complète dispari-

tion dii la myéline, sur une étendue circonscrite en hauteur,

ne provoque pas de dégénérescence secondaire, même dans le

système myélinique ; la dégénérescence secondaire émanerait

au contraire, d'une altération considérable du cylindraxe. Or,

le processus scléreux qui nous occupe commence par anéantir

la myéline respectant les cylindraxes pendant un temps extra -

ordinairement long. P. K.

VIII. SUR LES rapports QUI EXISTENT ENTRE la NÉVRITE MUL-

TIPLE ET la POLIOMYÉLITE ; par A. STRUEiPELL. (Neurolog.

Centralbl., 1884.)

Pour les cas dans lesquels on ne trouve qu'une altération

9'p le REVUE DE pathologie nerveuse.

des nerfs périphériques, la moelle étant restée indemne, notam-

ment dans les cornes antérieures, Erb invoque l'hypothèse

d'après laquelle la névrite multiple a succédé à des troubles

fonctionnels des organes centraux ; ce qui signifie que tou-

jours, même lorsqu'elle parait primitive, ia névrite mul-

tiple serait secondaire (à rapprocher des dégénérescences des-

cendantes). Mais, objecte M. Struempell, si fortes que soient

les lésions des nerfs périphériques, presque jamais les racines

antérieures de la moelle ne sont trouvées malades ; en second

lieu, presque toujours la maladie en question commence par

des troubles de la sensibilité (violentes douleurs); puis très

fréquemment on voit survenir de l'anesthésie, si légère soit-

elle. Voilà des symptômes qui prouvent que l'affection siège

primitivement dans les nerfs. Finalement il n'y a pas lieu d'a-

dopter la division deErb en : névrite chronique atrophique par

dégénération simple (analogue à la dégénérescence secondaire)

et névrite multiple vraie, c'est-à-dire inflammatoire; car com-

ment distinguer l'élément dégénératif, de l'élément inflamma-

toire ? La névrite multiple peut revêtir toutes les formes pos-

sibles ; elle embrasse depuis les cas mortels suraigus (altération

en apparence vraiment inflammatoire) jusqu'aux cas chro-

niques (atrophie presque purement dégénérative à l'aspect),

il s'agit là, en somme, de phases évolutives d'un processus

unique. On ne saurait non plus en principe séparer les altéra-

tions delà moelle(poliomyélite) de celles des nerfs périphériques

(névrit multiple); elles émanent, en effet, les unes comme

les autres, d'un facteur étiologique univoque. Adoptons, par

exemple, la théorie infectieuse; le même agent pathogénétique

peut parfaitement engendrer simultanément ou successive-

ment ou exclusivement des lésions spinales ou névritiques ;

l'unité résulte simplement de ce fait que la maladie se porte

de préférence sur des segments du système nerveux moteur.

Poliomyélite et névrite sont proches parentes et se conduisent

l'une par rapport à l'autre, au moins dans beaucoup de cas,

comme la diphthérie pharyngienne et le croup laryngien.

P. K.

IX. Contribution A l'étude DES ecchymoses sous-cutanées d'origine

nerveuse; par 'ftl. SELLER. (Revue de médecine, 1884, no 8.)

Les sujets observés par l'auteur sont des femmes, et pour la

plupart des hystériques, autant qu'on peut supposer du moins à

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 95

cause du défaut d'exploration de la sensibilité, du champ visuel

et des zones hystérogènes.

L'hérédité se trouve en jeu d'une façon remarquable dans un

cas. La mère, la fille et la petite-fille onteu des ecchymoses sous-

cutanées. Dans quelques-uns, l'arthritisme se combine à l'état

névropathique. Les émotions violentes, surtoutrépétées, sont leur

cause déterminante ordinaire. Observées sur les régions du corps

les plus diverses, sur la lèvre inférieure, sous les ongles des orteils,

les ecchymoses sous-cutanées d'origine nerveuse, de dimensions

fort variables, ont pour siège ordinaire le tronc et les membres.

Tantôt une douleur caractéristique lancinante toujours la même

annonce que l'ecchymose va se former, tantôt la douleur n'ap-

paraît qu'après sa formation et sous l'influence de la pression ou

du frottement des vêtements, ce qui les distingue des ecchymoses

tabétiques toujours ir.dolentes. Une fois formée, l'ecchymose se

comporte comme toute ecchymose.

Cet accident névropathique ne doit pas être ignoré du méde-

cin légiste. Une malade de Keller disait souvent à son mari que

« si on la voyait dans cet état, on pourrait croire qu'elle avait le

plus méchant des'époux ». D. B.

X. SUR LES paralysies ISOLÉES DES NERFS DU bras ET COM-

binées DU bras ET DE l'épaule ; par M. BERNHARDT. (Cen-

tralbl. f. Nervenheilk. 1884.)

Observation I. Paralysie isolée du muscle deltoïde gauche.

Observation II. Paralysie isolée du nerf musculocutané

droit. Observation III. Paralysie de Erb. OBSERVATION

IV. Forme particulière de paralysie du plexus brachial por-

tant sur le nerf sus-scapulaire, le nerf thoracique postérieur

(longus) (muscles sus- et sous-épineux et grand dentelé);

atteinte de quelques branches de la Il paire cervicale, notam-

ment de rameaux sus-claviculaires postérieurs qui complètent

l'innervation du spinal(muscle trapèze). Intégrité des branches

sus-claviculaires qui émanent des V° et VI° racines cervicales.

P. K.

XI. UN cas d'hémiplégie corticale ET DE SURDITÉ verbale ;

par P.-J. MOEBIUS. (Centralbl. f. Nervenheilkunde, etc., 48SU.)

Hémiplégie gauche avec contracture. Destruction de presque

toute la pariétale ascendante et des portions limitrophes du

obule pariétal supérieur et du lobule pariétal inférieur de

Richer. P. K.

96 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XII. SUR l'affaiblissement DES DIGESTIONS intestinales D'ORI-

GINE NERVEUSE ; par P.-J. MOEBlus. (Centralbl, f. Nerven-

heilk., 188'e.)

Il s'agit des neurasthéniques qui, tout en conservant un bon

appétit, et en ingérantune quantité respectable d'aliments, mai-

grissent à vue d'oeil, sans présenter de troubles subjectifs gastro-

intestinaux. Ces malades vont immodérément à la selle, mais

leurs garde-rohes, qui semblent normales, contiennent une

grande abondance de matériaux alimentaires non absorbés.

Cet état n'est que l'expression de l'affection générale avec

laquelle elle disparait. De là les indications pronostiques et

thérapeutiques. La pathogénie comporterait trois mécanismes :

l'affaiblissement du système nerveux nuit à l'activité cellulaire

de l'intestin, sans toucher aux glandes ni à l'appareil muscu-

laire, ou bien il se produit dans l'espèce une hypersécrétion du

suc intestinal analogue aux sueurs et à la polyurie nerveuses;

enfin peut-être a-t-on affaire à une diarrhée par angoisse psy-

chique. Le résultat est le défaut d'absorption. P. K.

XIII. CONTRIBUTION au diagnostic DE la MORT apparente; par

M. BucH (d'Helsingfors). (Centralbl. f. Nervenheilk., 1884.)

Modifications et perfectionnement, d'après des recherches

particulières de la méthode de Rosenihal (électrothérapie,

1873). Premier procédé. On essaie, à l'aide d'un courant fara-

dique fort, de provoquer la contraction des muscles en divers

endroits du corps. Si l'on réussit, on place un thermomètre de

surface ou un thermomètre ordinaire que l'on fixe sur la peau

à l'aide de ouate et d'un tour de bande légèrement serré. On

attend que la température demeure constante pendant trois à

cinq miuutes, et l'on détermine la contraction du ventre mus-

culaire sous-jacent. Si la température monte, l'individu vit.

Second procédé. Dans les conditions normales, une violente

excitation mécanique (pincement de la peau) détermine de

l'hyperthermie sur un large circuit ambiant par dilatation

vasculaire réflexe; même phénomène par application de neige,

de glace. Rien de semblable n'a lieu sur un cadavre. L'auteur

n'a pas. encore eu l'occasion d'appliquer ses procédés à un cas

de mort apparente. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 97

XIV. CONTRIBUTION A la théorie DU DOIGT A RESSORT ; par

M. BERNHARDT. (Centralbl, f. Nervenheilk., 1884.)

Cette anomalie consiste, comme on sait, en ce qu'il y a

impossibilité pour l'individu atteint de fléchir ou d'étendre, au

delà d'une certaine limite, un ou plusieurs doigts; de grands

efforts ou l'aide de l'autre main produisent le mouvement

voulu qui, alors, s'effectue brusquement en déterminant un

bruit perceptible et en exécutant une secousse comme s'il y

avait détente d'un ressort. M. Bernhardt relate deux observa-

tions personnelles. Après avoir passé en revue les opinions de

différents auteurs, notamment celle de M. Vogt (thèse de

Felicki, Greisswald, 1881), il adopte pour son premier fait l'idée

d'une contracture de l'aponévrose palmaire (épaississements

circonscrits empêchant la libre mobilité de la gaîne tendi-

neuse du médius) et, pour son second cas, la complication rhu-

matismale (aponévrose palmaire contracturée et épaissie, avec

gaîne tendineuse sous-jacente tuméfiée par la diathèse). P. K.

XV. LE réflexe DE la RÉGION DE L'HYPOCHONDRE ; par

C. Reinhard. (Cenlralbl. f. Nervenheilk., 1884.)

La main est placée à plat (doigts réunis); on en dirige la

paume en haut en l'orientant sur la ligne mamillaire ou entre

cette ligne et la ligne axillaire, de façon à ce qu'elle aille

d'avant en arrière et de bas en haut; on exerce alors dans la

région indiquée une pression rapide et élastique sur la

paroi abdominale qu'on repousse en dedans et au-dessous du

bord libre des côtes. Le réflexe consiste en une inflexion très

prompte et assez énergique du tronc du côté excité, et un peu

en avant; en même temps, inspiration convulsive, réaction

contractile des téguments abdominaux qui repoussent énergi-

quement les doigts ; ceux-ci perçoivent assez souvent le dia-

phragme qui descend. Quand ce réflexe est doué d'une force.

moyenne, il y a concours des muscles oblique externe, oblique .

interne, diaphragme, transverse et droit; s'il est exagéré, le

carré des lombes, le grand dentelé et le grand dorsal entrent '

en jeu. Le patient n'éprouve aucune sensation. Ce réflexe diffère

des réflexes des téguments abdominaux par sa promptitude,

son énergie, sa forme, sa persistance pendant le sommeil, sa

production par l'acte de s'habiller, son indépendance du réflexe

Archives, t. X. 7

98 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

tégumentairc. Il est donc analogue aux réflexes tendineux ou

tout au moins, aux réflexes musculaires ou aponévrotiques.

- P. K.

XVI. UNE observation sur LE phénomène du genou; par

BAIERLACHER. (Centralbl. f. Nerven7eillc., 1884.)

Décidément, le phénomène du genou est un réflexe. Ainsi,

un homme de cinquante-cinq ans, neurasthénique et atteint

d'insomnie, ne présente plus du tout de phénomène du genou

des deux côtés. Depuis dix ans,, il éprouve des paresthésies

dans les cuisses avec diminution de la sensibilité cutanée; il

se fatigue facilement en marchant : absence de phénomènes

tabétiques. Mais, luipratique-t-ondes injections hypodermiques

de morphine, on voit reparaître le phénomène du genou dans

les deux jambes, avec ses particularités entières. Les injections

sous-cutanées de morphine pourraient donc être un moyen de

diagnostic adjuvant en matière de tabes. P. K.

XVII. Sur LE tabès de la femme; par P.-J. MOEBIUS.

Défense : appendice au mémoire PRÉCÉDENT; par le même

auteur.' Nouveaux cas DE tabès chez la femme; par le

même auteur. {Centralbl. f. Nei,venheil4 ? 1881.)

Cinq observations, dont quatre reconnaissent, d'après l'au-

teur, la syphilis comme seule cause (syphilis du mari - avor-

tements = syphilis de la femme), forment le fond du premier

mémoire. Après avoir procédé à la Revue critique des faits de

la bibliographie, M. Moebius se déclare partisan de la genèse

syphilitique' de l'ataxie locomotrice; la syphilis produit, dans

l'immense majorité des cas, l'affection en question, elle agit

comme cause primaire toxique. Tous les autres éléments patho-

génétiques jouent le rôle de causes occasionnelles, même

l'hérédité : un névropathe, quand il est syphilitique, est peut-

être plus menacé par le tabes qu'un autre syphilitique (locus

minoris resistentix). Dans son second mémoire, M. Moebius

relate treize nouvelles observations. De ces dix-huit faits, il

tire les conclusions suivantes : .

4» Dans la plupart des observations concernant des femmes

tabétiques, ou a pu constater la syphilis dans les commémoratifs ;

chez presque toutes, on a trouvé des circonstances rendant pro-

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 99

bable l'infection antérieure. - 2° Le tabes ne s'observe pas chez

les jeunes femmes.- 3° L'âge moyen dudébut du tabes est trente-

deux ans. L'intervalle moyen entre l'infection et le tabes est

représenté par sept années. - 4o La syphilis dans ces cas a tou-

jours été légère. 5«On a vu fréquemment manquer toute cause

adjuvante : il fautsignaler comme telle, les processus puerpéraux,

les hémorrhagies de même nature, le refroidissement, les émo-

tions morales, les prédispositions névropathiquess. P. K.

XVIII. UN cas de FOYERS DE ramollissement MULTIPLES dans

l'encéphale, DE par la syphilis ; par A. ROSENTIiAL. (Cen-

tralbl. f. lVervenheilk., 1884.)

Un homme de vingt-cinq ans présente, à l'autopsie, une

thrombose de quelques artères de la base (dégénérescence

athéromateuse); obstruction de la basilaire et de l'artère céré-

brale postérieure droite; foyers de ramollissement du lobe

temporal droit, du lobe occipital, de l'hémisphère cérébelleux

droit. Gomme syphilitique du rein gauche. L'auteur conclut

à une sénilité syphilitique précoce, bien que le microscope ne

décèle pas d'endo-artérite oblitérante. Il rattache l'hémiparésie

avec hémianesthésie gauche observée pendant la vie, au foyer

occipital, la surdité complète à celui du lobe temporal droit

(couche blanche); l'intégrité de la parole résultait, pour lui,

de l'intégrité des circonvolutions temporales mêmes. P. K.

XIX. Tabès dorsal ET syphilis ; par. W.-TH. de RENZ.

(Centralbl. f. Ne2,ve2zheilk. 188t.)

Le sous-titre rationnel du travail est : Tabes et 111° et 7F°

paires sacrées. En effet, l'auteur prétend que les tabétiques

sont, sans exception, en proie à des troubles de la sensibilité

(hyperalgésie au début, hypoesthésie à la fin) du plexus pu-

dendo-hémorrhoïdal, et du plexus coccygien (atteinte particu-

lière des nerfs périnéaux, des rameaux scrotaux, du nerf dor-

sal du pénis). Pour lui, le tabes commence par une lésion des

nerfs périphériques, et notamment du plexus pudendo-hémor-

rhoïdal, qu'il s'agisse de refroidissement ou de syphilis. D'ail-

leurs, la théorie parasitaire cadre parfaitement avec cette

opinion, les germes pouvant, par les muqueuses génito-uri-

naires ou par les surfaces cutanées podaliques altérées,

atteindre, quand il y a surmenage (fatigue, refroidissement,

100 REVUE DE pathologie mentale.

syphilis), les nerfs périphériques; leur lésion, due aux champi i

gnons et aux décompositions intra-histologiques qu'ils suscitent,

gagne finalement la moelle, d'où le tabès. La prédisposition

réside dans la qualité ou la quantité du revètemeut épithélial

qui, suivant les individus, se prête ou non à la pénétration de

l'agent dégénératif. C'est ainsi que le champignon tabétogène

et ses produits de décomposition attendront sur une muqueuse

vaginale saine imperméable (intégrité de la femme) la mu-

queuse d'un homme prédisposé qui sera plus tard atteint de

tabes. C'est aux micrographes qu'il appartient de chercher le

corps du délit, la dégénérescence tabétogène primitive dans les

branches des IlIe et IVe paires sacrées, ainsi que dans les nerfs

sacro-lombaires. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

I. SUR LES allures DE la SENSIBILITÉ générale ET spéciale

chez les convulsifs ET les aliénés ; par Thomsen. (Neu-

rolog. Centralbl., 1884.)

Les anesthésies et hémianesthésies sensorielles (rétrécisse-

ment concentrique du champ visuel, troubles de l'ouïe, de

l'odorat, du goût, du sens musculaire), avec ou sans participa-

tion de la sensibilité cutanée, existent non pas seulement chez

les hystériques, mais aussi chez les épileptiques ainsi que chez

les aliénés, notamment chez les aliénés dont la psychose occupe

le domaine de la vie affective (intégrité de la vie conceptuelle).

Chez l'épileptique, l'ictus ou son équivalent ne provoque

l'anesthésie sensorielle (rétrécissement concentrique du champ p

visuel) que quand il procède par du délire ou des hallucina-

tions (sans trouble de la connaissance) entamant la vie affec-

tive ; la sensibilité générale et spéciale est assez souvent affectée

d'une façon permanente dans la démence épileptique. L'anes-

thésie de l'hystérique est également persistante, quelles qu'en

soient les oscillations. L'anesthésie sensorielle manque dans

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 101

la paralysie générale, chez les délirants non épileptiques,

dans le délire chronique, même quand il se montre des accès

d'angoisse d'origine conceptuelle ou hallucinatoire, tandis

que la sensibilité générale et spéciale est atteinte dans la

folie aiguë des jeunes femmes (désordre dans les idées avec hal-

lucinations), dans les accès d'angoisse d'ordre affectif (trau-

matismes céphaliques, maladie de Basedow, agoraphobie),

pendant le stade mélancolique de la folie circulaire, dans les

cas de conceptions irrésistibles avec actes de même nature. Il

y a parallélisme parfait, quant à la durée, à l'intensité, à l'évo-

lution, entre les troubles de la sensibilité et les épisodes en

question. P. K.

II. Quelques mots sur les psychoses combinées, par

F. Siemens. (Neurolog. Centralbl., 1884.)

La mélancolie, la manie, le délire systématique sont, dit

l'auteur, des complexus symptomatiques qui, tantôt consti-

tuent des névroses fonctionnelles autonomes, tantôt se dévelop-

pent dans le cours d'un autre processus morbide, c'est-à-dire sur

un terrain préparé. Dans le premier cas (formes pures), il n'est

que la mélancolie et la manie qui puissent se transformer l'une

dans l'autre, alterner l'une avec l'autre, mais jamais elles

ne passentà l'état de délire systèmatique ni inversement; elles

se terminent par la guérison ou la démence. La seconde éven-

tualité(formes associées), comprend les psychoses fonctionnelles

ajoutées, soit à un trouble cérébral organique persistant, soit

à un trouble cérébral par affection somatique momentanée ;

elles donnent alors naissance à des combinaisons de manie,

mélancolie, délire systématique, et à des tableaux de transition

épisodiques anormaux. Ainsi les troubles psychiques greffés

sur une anomalie de développement de l'organe central (congé-

nital, infantile, juvénile), comportent des mélanges des symp-

tômes précités, souvent- protéiformes, avec accès épileptiques

intermédiaires, antérieurs ou concomitants ; même association

des éléments syndromiques (manie, mélancolie, délire systé-

matique) dans les psychoses d'origine traumatique, embolique,

hémorrhagique, parasitaire, phymique, scléreuse, suppurative;

dans celles qui sont en rapport avec une maladie ordinaire,

infectieuse, cardiaque, toxique, avec les névroses graves hysté-

ro-épileptiques, avec la menstruation, l'état gravide et puerpé-

10"2 L) REVUE DE pathologie mentale.

rai, la ménopause (fréquence de la mélancolie, accompagnée

d'hallucinations sensorielles et d'idées délirantes correspon-

dantes, de la mélancolie transformée en folie systématique), avec

l'involution ou régression cérébrale sénile, avec la démence

paralytique (ici se pose la question de la genèse de la paraly-

sie générale : sénilité précoce, syphilis, etc... : question à

revoir). Conclusions pratiques. Toutes les fois que les anamnes-

tiques ou l'observation du malade révéleront la trace de la

combinaison, chez un individu, des éléments symptomatiques

énumérés, ou d'une forme de transition anormale, on devra

soupçonner que le sutstratrum pathologique est constitué

par un des facteurs consignés suprà. P. K .

III. Considérations CRITIQUES ET CLINIQUES dans LE domaine

des hallucinations ; par V. IANDINSIiY. {Centralbl. f. Ner-

venheilk.. 1884.)

On se rappelle le mémoire de l'auteur sur son propre cas'. Il

y a peu de temps, il a éprouvé les premiers linéaments de pseu-

do-hallucinations ; avant d'écrire un long travail, il pose les

grands points principaux de son étude. Nous en reproduisons

les éléments.

10 Insuffi-ance des matériaux actuels quant à la théorie des

hallucinations. 2° On confond dans la pratique certains phé-

nomènes subjectifs que l'on prend pour des hallucinations et qui

n'en sont pas. 3° Une hallucination est une perception senso-

rielle (sans objet) dont la teneur est toujours concrète ; il n'y a

pas d'hallucinations abstraites. Mais il s'en faut de beaucoup que

toutes les perceptions sensorielles subjectives soient des halluci-

nations. 4° Chez les aliénés, il faut distinguer toutes sortes de

perceptions sensorielles subjectives : a, les conceptions reproduc-

trices sensorielles ordinaires (idéalion), mais très exagérées en

ce qui concerne l'intensité par rapport à la normale (vivacité,

particularités appréciables par les sens) ; ou simples images com-

mémoratives issues de l'imagination; 6, les pseudo-hallucina-

tions proprement dites; c, les hallucinations réelles. Tous ces

genres sont constitués par la projection extérieure de tableaux

sensoriels; 5° Une perception sensorielle subjective ne peut

être appelée hallucination vraie que lorsque le tableau senso-

riel pénètre la connaissance, et se trouve doué des mêmes carac-

1 vos. Archives de Neurologie, t. II, p. 274.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 10 t

tèrcs de réalité objective que ceux' qui appartiennent à la per-

ception des impressions extérieures réelles. 11 n'y a pas de degrés

dans les images réellement hallucinatoires, pas plus qu'il n'existe

de transition entre les perceptions sensorielles subjectivesnonhal-

lucinatoires (images commémoratives, pseudo-hallucinations) et

les hallucinations véritables, quant au caractère. de l'objectivité

ou de la réalité. - fin Les hallucinations étant des phénomènes

de la connaissance qui, pour la connaissance .même qui,perçoit,

ou bien paraissent complètement adéquats aux représentations

objectives associées voire simultanées, ou bien remplacent ces 's

dernières quand elles ont disparu (rêve, hallucination en forme.

de rêve), les hallucinations peuvent se produire de deux façons.

7° Il existe des hallucinations purement corticales (rêve, halluci-

nation en forme de rêve). Une hallucination peut alors dériver

directement d'une image commémorative sensorielle simple, et

à f01'tiol'i d'une pseudo-hallucination; mais cette genèse exige

l'interruption de la perception des impressions extérieures, c'est-à-

dire, quand la connaissance n'est ni troublée, ni obnubilée, qu'il est

impossible qu'il se produise des hallucinations purement çorti

cales. - 9° Quand la connaissance n'a subi aucune perturbation

(relative à la perception des impressions extérieures réelles), les

hallucinations ne peuvent survenir sans le concours des centres

sensoriels sous-corticaux. 10" Une conception, reproductrice

(idéation ordinaire ou pseudo-hallucination) ne peut en aucun cas

engendrer une hallucination par le procédé de la tension, ni de

l'intensité de l'idéation. Le haut degré d'intensité ne saurait

être une condition nécessaire à la transformation d'une percep-

tion sensorielle subjective en hallucination. - 410-180 Personne

n'a encore décrit les pseudo-hallucinations dans le sens de l'auteur.

Ce sont, celles du moins qu'il a eues, des perceptions très vives,

animées et présentant, à leur plus haut degré, des caractères

assez précis. Elles possèdent tous les caractères propres aux hal-

lucinations subjectives véritables, si ce n'est la propriété de la

réalité objective qui les exclut de l'ordre des hallucinations. Elles

occupent le domaine de n'importe quel sens. Elles ne sont pas

simples, quoique étant des images commémoratives et des images

anormalement animées. Elles diffèrent des conceptions reproduc-

trices sensorielles ordinaires, d'abord par leur intensité incom-

parablement plus grande, par la réceptivité, la spontanéité,

l'incoercibilité, la grande précision sensorielle, le détail etlaper-

fection, la stabilité du tableau. Il y a également des pseudo-hal-

lucinationshypnagogiques. En dehors des conditions spécifiées

dans les propositions 7 et 9, les pseudo-hallucinations ne .peu-

vent pas se transformer en hallucinations. Les pseudo-hallucina-

tions.ont pour lieux d'origine les.centres sensoriels de l'écorce ;

elles témoignent soit de l'hyperexcitabilité générale de ces ré-

104 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

gions, soit d'une excitabilité localisée (excitation purement auto-

matique) autonome. Dans le délire sensoriel des maladies aiguës

(surtout dans la folie systématique aiguë), les pseudo- hallucina-

tions se développent en masse et leur alternance, leur succession

rapide élève leur importance à la hauteur de celle des hallucina-

tions vraies. Il existe du reste, également des pseudo-hallucinations

stables(surtout chez les chroniques). Les pseudo-hallucinations cons-

tituent une preuve de plus contre la théorieantiphysiologiquede la

propagation centrifuge de l'excitation à travers les voies de con-

ductibilité centripète du cerveau. 18 ? 1o Il existe des faits qui,

sans détruire les hallucinations par souvenirs, démontrent l'exis-

tence de pseudo-hallucinations par le même mécanisme (pseudo-

souvenirs). La voix intérieure des malades, pas plus que tous les cas

d'innervation irrésistible du centre de la parole, ne sont ni des

hallucinations, ni des pseudo-hallucinations; ils se distinguent

de l'audition intérieure (pseudo-hallucination). Une simple pen-

sée irrésistible non sensorielle appartient non au domaine de

l'hallucination, mais à celui des troubles intellectuels. Quant

aux hallucinations de l'ouïe si caractéristiques de la folies ysté-

matique chronique (exemple, le délire des persécutions) on peut

dire de prime abord que ce sont des pseudo-hallucinations

qui, sous l'influence d'une excitation (dépourvue du caractère

centrifuge) se transforment, dans le centre sous-cortical del'ouïe,

en hallucinations réelles. P. K.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

[. LE mode d'action thérapeutique DISSEMBLABLE DES deux SORTES

DE courants ÉLECTRIQUES ET l'examen ÉLECTRO diagnostique DU

champ visuel; par ENGELSEJON. (Arch. f. Psych., XY, -I.)

L'auteur va publier une série d'articles sur ce sujet. Ces articles

sont le résultat de cinq années d'étude. Comme il veut sur-le-

champ mettre le public médical en possession des effets obtenus

et des appréciations que ceux-ci comportent, il les a conden-

sés sous forme de proposition dans ce premier mémoire. Les

voici :

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 105

Io Des recherches cliniques chez des malades atteint de névroses vas-

culaires de la peau, ont établi que les deux sortes de courants élec-

triques, usités en application locale sur le tégument dans un bain ordi-

naire, se comportent de façons opposées relativement à leur action sur

les vaisseaux. Le courant faradique dilate les vaisseaux spasmodique-

ment contractés ; inversement le courant galvanique rétracte les vais-

seaux en état de dilatation active. Par conséquent, on observe en même

temps, de par le courant faradique une élévation de la température ; de

par le courant galvanique, de l'hypothermie. Cette différence entre

les effets des courants parait être le résultat de l'influence de l'électricité

sur les appareils ganglionnaires locaux des parois vasculaires. 2°

L'application centrale de l'électricité déterminerait aussi, dans les cas de

névroses vasculaires de la peau, une action différente, suivant le genre

de courants employés ; ainsi, en un cas donné, l'emploi exclusif d'un

seul genre (faradique ou galvanique) produira la guérison. - 3o Des

essais comparatifs institués chez des malades souffrant d'hémicranie

et d'autres de névroses du système nerveux central ont, de même, montré

que, dans une application centrale appropriée, le courant faradique se

comporte, au point de vue thérapeutique, d'une façon opposée à celle

dont agit le courant galvanique; en un cas donné c'est un des genres

d'électricité qui guérit (il a une vertu thérapeutique positive), tandis que

l'autre genre, loin d'agir favorablement, entraine une aggravation (il a

une vertu thérapeutique négative). L'action variable des deux sortes de

courants sur les symptômes morbides subjectifs se montra assez souvent

d'une instantanéité surprenante. - On peut en réalité supprimer l'effet

émané d'un des genres de courants par l'action de l'autre; ce dont on

peut souvent se convaincre dès le premier essai comparatif. 4° On

observe identiquement les mêmes particularités dans les névroses cen-

trales que dans l'hémicranie ; c'est-à-dire qu'en tel cas le courant fara-

dique guérit seul tandis qu'en tel autre le courant galvanique réussit

exclusivement, l'autre électricité jouant le rôle d'agent nocif; en consé-

quence des névroses centrales paraissent partager avec l'hémicranie

cette nature dualistique toute particulière. - 5° Les névroses des gan-

glions sympathiques, telles la sténocardie, la cardialgie, etc. se com-

portent vis-à-vis des courants électriques exactement comme les

névroses des organes centraux. - 6° Il est des cas qui, par leur tableau

clinique, relèvent indubitablement de formes morbides à lésions anato-

miques des organes centraux; or, ils se sont comportés vis-à-vis des

deux sortes de courants tout à fait comme des névroses, et ils ont

promptement guéri par un traitement électrique approprié. - Tantôt

ces cas sont de véritables névroses ; tantôt, on peut penser que la dégé-

nérescence propre à ces affections est préparée et engendrée par un

processus névrosique initial (fonctionnel) durant plus ou moins de

temps chez les divers individus. z Il est plus que probable que le

genre et la nature des éléments étiologiques exercent sur la genèse de

la modalité morbide spéciale une influence déterminée. C'est ainsi, par

exemple, que l'agent nosogène qui a le pouvoir de provoquer la produc-

tion de la forme vaso-motrice de l'hémicranie est incapable d'engendrer

le développement de l'autre forme de cette maladie, et vice verso. En

connaissant l'étiologie, nous serions à même, en un cas donné, de choi-

sir exactement le genre de courants nécessaire. 8° Un état patholo-

gique des ganglions spinaux peut, par action réflexe sur la moelle, être

106 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

l'occasion du développement de symptômes morbides spinaux. De même,

une affection de la moelle peut, par action réflexe sur le cerveau, déter-

miner des symptômes cérébraux. Le processus réflexe est toujours ascen-

dant. Presque toujours, l'organe secondairement atteint doit être traité

par une autre espèce de courants que l'organe primitivement affecté.

9° Je traite les symptômes cérébraux à l'aide de l'électrisation de la

moelle allongée, en plaçant une électrode dans la fossette de la nuque,

et l'autre an-dessus du larynx. Les symptômes spinaux peuvent être

simplement traités, en conduisant l'électricité à travers la partie la plus

inférieure de la moelle cervicale; mais il faut, pour cela qu'ils ne soient

pas produits par une action réflexe émanée de la queue de cheval ma-

lade, c'est-à-dire de ses ganglions spinaux. - 100 L'aggravation bien

connue des symptômes morbides, de par un long usage de l'électricité

appliquée selon les règles thérapeutiques, cette aggravation provient

des effets du courant sur le tissu nerveux sain (névrose électrique). -

Il,- L'électrisation de l'encéphale, de la moelle, des ganglions et du revê-

tement cutané exerce une action puissante sur les fonctions de la rétine ;

dans un cas donné, le courant à vertu thérapeutique positive agrandit

le champ visuel et augmente, au moins parfois, la puissance visuelle;

tandis que le courant a vertu thérapeutique négative rétrécit le champ

visuel. Comme cette action du genre de courants électriques apparaît

instantanément et que l'effet exercé sur le champ visuel peut être très

notable, la propriété en question peut être utilisée par celui qui veut

constater quel est l'espèce de courants qu'il lui va falloir employer dans

un cas morbide spécial, à la condition bien entendu que l'action diffé-

rente des deux sortes de courants sur les symptômes morbides subjec-

tifs ne se révèle pas dès le premier essai Tel est l'examen indicateur ou £

électrodiagnostic du champ visuel. 12o L'action, pendant quelques

minutes de l'eau froide sui la peau, est la même, quant au champ

visuel, que celle du courant galvanique ; l'eau chaude agit sur le champ

visuel comme le courant d'induction. Les observations sont au reste 1

cet égard peu nombreuses. La friction de la peau peut aussi agir sur

le champ visuel. - 13' L'action générale sur le revêtement cutané de

l'eau froide et de l'eau chaude en un cas morbide, est la môme que

celle de l'application centrale des courants galvaniques et faradiques.

L'eau froide agit comme la galvanisation, l'eau chaude, comme la faradi-

sation. Quand donc on connaît l'espèce de courants qui convient à un

cas spécial on est en état d'indiquer lacondnite halnéothérapique appli-

cable au même cas. Inversement, on peut utiliser les vertus positives ou

négatives d'une cure d'eau froide et d'eau chaude comme signe indica-

teur de la conduite électrothérapique à suivre.-14^ Ainsi, il se présente

des cas de maladies nerveuses qui, sans se différencier d'autres cas

semblables curables, eux. par les effets dynamiques de l'électricité.

échappent à toute guérison électrothérapique par les centres on sont

même aggravées par l'application centrale de cet agent. En revanche,

quelques uns de ces cas cèdent à l'action de l'électrisation du revête-

ment cutané, c'est-a dire à l'action réflexe du courant.- 15, On ren-

contre 11 cet égard des divergences. Tantôt les deux espèces de courants

produisent par l'intermédiaire de la peau des résultats positifs; tantôt

ils exercent chacun une action thérapeutique différente. 11 semble donc

qu'en tel cas le courant impressionne surtout les fibres nerveuses cen-

tripètes, qu'en tel autre il influence principalement le revêtement cu-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 107

tané avec ses appareils terminaux périphériques. 16e Les cas de

maladies nerveuses périphériques curables par l'électrothérapie que nous

avons observés jusqu'ici et qui ne provenaient pas d'altérations anato-

miques des voies de conductibilité ou d'un élément morbide réflexogène,

par exemple les névralgie dites idiopathiques, etc., prenaient habituel-

lement leur véritable origine dans les organes centraux ou exceptionnel-

lement, dans les ganglions. Elles se comportaient à l'égard des deux

espèces de courants exactement comme l'hémicranie et disparaissaient,

à la condition qu'elles fussent d'origine centrale, par l'électrisation du

bulbe ou de la moelle cervicale, dans les cas mêmes où l'électrisation

périphérique usuelle était demeurée sans résultat. Nombre de ces cas

furent également influencés favorahlement par l'action excitante du

courant. 17° Les éléments écologiques paraissent aussi exercer une

action décisive sur la genèse de la modalité morbide spéciale de ces

névroses. L'épreuve du champ visuel peut aider le médecin dans le choix

du courant. P. K.

II. COURTE communication SUR LES essais ENTREPRIS .1US-

qu'ici AVEC LA PARALDÉHYDE, A L'ASILE DE STÉPHANFELD ;

par Th. BENDA. (Neurol. Centralbl., 1884.)

Du mois de septembre au mois de mars, on l'a administrée

contre l'insomnie chez trente-quatre malades atteints des

formes d'aliénation mentale les plus diverses'. Douze hommes

et vingt-deux femmes ont ingéré des doses de 2 à 8 grammes.

Le véhicule pour l'injection stomacale seule expérimentée ici,

fut l'huile ou un vin quelconque; on l'administra une demi-

heure à une heure et demie après le repas du soir. Les résul-

tats ont été bons; en bien des cas le sommeil se produisit au

bout d'un quart d'heure au plus tard. Malheureusement, l'as-

suétude rapide oblige à élever constamment les doses du mé-

dicament sous peine de ne plus rien obtenir du tout. La pa-

raldéhyde, bien plus inoffensive que le chloral et la morphine

(,5 grammes sont absolument sans inconvénients), loin

de diminuer l'appétit, parait l'augmenter; elle se traduit par

des effets accessoires plus désagréables que dangereux (vomitu-

rition, toux, oppression, engoûment céphalique, vertiges, cha-

leur à la peau, miction au lit); elle s'élimine par les poumons

et non par l'urine (procédé en décelant un dixième pour cent

dans l'eau); elle n'agit pas sur l'état psychique ; mais, en pro-

duisant le repos de la nuit, elle contribue à diminuer ultérieu-

rement, notamment chez la femme aliénée, l'agitation diurne.

P. K.

1 Voy. sur ce sujet, la thèse de Nercam (Paris, 188')).

108 REVUE de thérapeutique.

III. SUR la survenance de phénomènes de transfert PEN-

DANT LE traitement DE L'ÉPILEPSIE partielle; par L.

HIRT. (Neurolog. Centralbl., 1884.)

Traitement de cinq malades atteints d'épilepsie jackson-

nienne (corticale) à forme hémilatérale, à l'aide de mouches de

Milan appliquées sur les memhres où se produit l'aura,

prodrome des convulsions limitées. Sous l'influence de cette

excitation locale de la peau, on voit les convulsions changer

de côté. Ces cas, la plupart relatifs au sexe masculin, témoi-

gnent d'une longue durée de la révulsion cutanée (des jours ou

des semaines) avant que le transfert se produise ; ce transfert

précéda des mois durant, soit la guérison, soit la disparition,

des accès en question. Peut-être, en conséquence, le transfert

dans ces conditions est-il un signe pronostique favorable.

P. K.

IV. Contribution A L'ÉTUDE DE l'action ANTI-ÉPILEPTIQUE

du bromure DE potassium ; par P. ROSENBACH. (Neurolog.

Centralbl., 1884.)

Il s'agit d'expériences de pathologie expérimentale d'après

lesquelles chez tout chien intoxiqué par le K.Br., l'écorce du

cerveau a perdu partiellement ou totalement son excitabilité à

l'égard des courants électriques; la substance blanche ne subit

aucune modification fonctionnelle. P. K.

V. L'EMPLOI simultané DE DIVERS SELS DE BROME dans LES

affections NERVEUSES ET TOUT particulièrement dans

L'ÉPILEPSIE ; par A. ERLENMEYER. (Centralbl. f. Nervenheilk.,

1884.)

Les bromures de potassiun, de sodium, d'ammonium, de

lithium contiennent respectivement 68, 80, 88, 92 p. 100 de

brome. Ils ont, àla dose de 10 grammes parjour surles attaques

convulsives de l'épilepsie et diverses autresnévroses etpsychoses

de même nature, une action spasmodique, sédative ou hypno-

tique absolument équivalente. Mais, suspendons le médicament,

les accès reparaissent. K.Br. exerce sur le coeur, l'appareil

vasculaire, la respiration, une action nocive que les autres sels

n'exercent pas. Tous ces sels peuvent produire l'acné bromi-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 109

que qui disparaît quand on fait usage de doses égales d'un

autre sel. Ainsi l'association des bromures de potassium, de

sodium, d'ammonium dans les rapports 1 : 1 : 1/2 a une action

bien plus efficace que chacun des sels composants, à dose

égale ou même à plus haute dose. Cette plus grande efficacité

n'émane point de l'augmentation quantitative du brome, car

10 grammes de cette association comportent 7,68 p. 100 de

brome c'est-à-dire un peu plus seulement que la même

quantité de bromure de potassium, tandis que la même dose

de bromure de sodium, d'ammonium, de lithium comporte bien

plus de brôme et un effet bien moins actif. Une longue admi-

nistration des trois sels associés à parties égales entraine fré-

quemment des stases veineuses imputables à l'ammonium,

stases disparaissant lorsqu'on réduit le sel d'ammonium de

moitié. Sous l'influence de cette association, les accès dispa-

raissent, même quand on suspend l'administration du mélange.

L'acné que provoque chaque sel isolément ingéré disparait

par l'usage des sels associés, même lorsque le sel producteur

de l'acné est contenu dans la combinaison; cette association

ne produit pas d'acné. Le meilleur véhicule, le plus sûr, c'est

une eau carbonatée alcaline (Seltz, Vichy) que l'on donne en

abondance après les, repas. M. Erlenmeyer en a adopté un dont

la goût agréable, piquant, masque le goût salé du mélange.

Voici la formule de cette composition connue sous le nom

d'eau bromée de Carbach : eau de Seltz carbonatée sodique,

750 cent. cubes; bromure de potassium, 4gr; bromure de

sodium, 4gr.. ; bromure d'ammonium, 2 gr. ; ammoniaque,

une goutte. On la fait prendre après les repas par petites doses

souvent répétées jusqu'à ce qu'on produise de la somnolence,

de l'hébétude, de la fatigue, de l'incertitude des mouvements,

de la difficulté de parler : doses progressives de une demie à

une bouteille, pas davantage. Elle convient et réussit dans l'épi-

lepsie, les psychoses épileptiques, l'hystérie, la céphalalgie hys-

térique, la terreur nocturne, la neurasthénie avec pollutions.

l'hémicranie, l'insomnie qui succèdent au sevrage de la mor-

phine. Une observation à l'appui. Cette préparation conser-

verait sa clarté pendant des mois, ainsi que sa réaction alca-

line ; il ne s'y formerait pas d'acide bromhydrique (réaction du

violet^de méthyle). P. K.

1 : O 0 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

VI. CONTRIBUTION au traitement gynécologique DE L'HYS-

TERIE ; par P. FLECHSIG. (Neurolog. Centralbl., 1884.)

Trois observations sont consignées en détail : 1° grande hys-

térie avec troubles psychiques intenses. Castration : atrophie

et dégénérescence folliculaire des deux ovaires. Complète

guérison ; 2° psychose avec éléments hystériques. Fibrome

utérin gros comme une tète d'enfant. Amputation supra-vagi-

nale de l'utérus. Résultat favorable; 3° hystéro-épilepsie. Ré-

trécissement de l'orifice externe de l'utérus. Dilatation san-

glante. Guérison. P. K.

VII. L'action thérapeutique de DIVERSES préparations de

chanvre indien, par Richter (de Pankow). (Neurolog.

Centralbl., 1884. : ) '

, .. ·

Le haschisch, d'après le pharmacien Bombelon, serait un

composé de cannabine, cannabinone et tétanine qui existent

aussi dans le chanvre. La cannabinone de cet auteur admi-

nistrée à quatorze aliénés les plus divers, a procuré à cinq

femmes un sommeil de plusieurs heures, calme et sans acci-

dents consécutifs (dose 0,05 0,10), a apaisé les symptômes

psychiques d'une mélancolie active, rebelle à tout sédatif, a

agi dans le même sens en un cas d'agitation maniaque très

vive, appartenant à un trouble psychique secondaire (total :

sept résultats favorables sur huit malades du sexe féminin). Le

haschisch demeure impuissant en pareille circonstance. La

cannabine n'a donné que des résultats fluctuants. Doses in-

diquées par Bombelon : haschisch =-=0,05, cannabine = 0,10.

On les administre une heure avant le coucher (action hypno-

tique), ou dans la journée, pas trop près des repas (action sé-

dative) dans de la poudre de café. D'autres études sont indis-

pensables*. P. K.

1 Voy. Archives de Neurologie.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ \fÉDICO-l'SI'CEIOLOGIQU1 :

Séance du ! 8 mai 1885. Présidence DE M. DAGONET.

Après lecture des deux rapports favorables à leur candidature,

sont élus : M. DUIJUlSSO : -1, membre titulaire, et lI. LABITTE, membre

correspondant de la Société.

Présentations de malades. M. Magnan. Je demande la parole, non

point pour développer aujourd'hui la question de la folie héré-

ditaire si nettement posée par M. Falret ; mais simplement pour

examiner avec vous un cas de dégénérescence mentale, de folie

héréditaire dans lequel nous verrons quelques syndromes épiso-

diques de cette prédisposition morbide. Ces syndromes épisodiques

sont, à mon avis, de véritables stigmates psychiques de la folie

héréditaire au même titre que le bec-de-lièvre, le pied bot, l'as-

symétrie faciale, le bégaiement, les conformations anormales du

fond de l'aeil, etc., en sont considérés, depuis Morel surtout, comme

les stigmates physiques.

Clotilde que je vous présente est une journalière âgée de trente

ans, très richement dotée, au point de vue des antécédents héré-

ditaires pathologiques. Son père, d'une intelligence peu dévelop-

pée, était un buveur très émotif, jaloux, qui fut atteint pendant

plusieurs mois de dépression mélancolique. Il a une soeur men-

teuse, paresseuse, dépensière, qui pendant une grossesse a voulu

se suicider et qui, mariée à trcnte ans avec un homme deux fois

plus âgé qu'elle, n'a jamais voulu sortir le jour avec lui. Du côté

maternel, nous trouvons que la grand'mère est morte d'un cancer

à la bouche; la mère est très nerveuse, irritable, a une soeur

somnambule et un frère alcoolique. Neuf frères et soeurs de la ma-

lade sont morts dans des convulsions. Un frère survivant a uriné

au lit jusqu'à l'âge de dix-sept ans ; depuis fort longtemps, il con-

serve l'habitude, après chacun de ses repas, de jeter à terre une

bouchée de pain qu'il trempe préalablement dans du café. Clotilde

a eu dans son enfance quelques convulsions. Vers dix ans, elle

était prise par moments de subits accès de tristesse pendant les-

112 2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

quels elle s'isolait et refusait de jouer avec les autres enfants. Dès

cette époque elle se montrait menteuse, paresseuse, se sentait por-

tée au vol et contractait des habitudes d'onanisme ; on l'appelait à

l'école, où elle apprenait très difficilement, « la folle ». Elle avait

aussi de fréquents accès de somnambulisme. De douze à dix-huit

ans, elle a présenté une série de phénomènes des plus bizarres;

c'est ainsi que parfois elle a des envies de rire qu'elle ne peut

réprimer, et si elle s'efforce de les contenir, il ne font que s'exa-

gérer. Le jour de l'enterrement de son grand-père, elle a été prise

de ce fou rire au milieu de sa famille qui pleurait. De même, il lui

arrive de verser sans raison d'abondantes larmes qui, comme le

rire, sont tout à fait indépendantes des circonstances extérieures.

Mais ce n'est pas tout, elle a aussi quelques tics dans les membres

ou dans la tête, et souvent il lui arrive d'agiter un bras ou l'autre

sans pouvoir se retenir. « Est-on bête, dit-elle, de faire tous ces

mouvements, et que je dois être ridicule ! « mais tout aussitôt elle

recommence. A de certaines périodes elle se croit obligée de res-

ter debout pendant des heures entières, d'autres fois, au contraire,

de prendre place sur une chaise qu'elle ne quitte plus, ou bien de

vouloir à toute force se rendre dans une pièce où rien ne l'ap-

pelle, dans l'unique but d'obéir à une insurmontable impulsion.

Ses impulsions sont du reste très variées : parfois elle prononce,

soit devant des étrangers, soit devant des personnes qu'elle res-

pecte ou même seule, des mots grossiers qui la surprennent.

En 1870, pendant le siège, rentrant à Paris avec un sac de légumes

qu'elle venait de récolter avec l'intention de les vendre, elle ren-

contre deux messieurs quilui proposent de les acheter : « Mon sac

est lourd, je suis fatiguée; j'ai le cul lourd, » répond elle en se sau-

vant. Tout aussitôt, elle regrettait cette parole obscène, et reve-

nait sur ses pas, mais les acheteurs n'étaient plus là. Elle eut aussi

depuis d'autres impulsions dont les conséquences auraient pu être

beaucoup plus graves. Un jour, par exemple, elle saisit son frère

âgé de deux ans, et le tint un instant suspendu sur l'ouverture d'un

puits « pour se procurer une émotion ». Si l'enfant était tombé

dans le puits, elle s'y serait précipitée tout aussitôt, nous dit-elle.

Vers dix-huit ans, ses appétits sexuels se développèrent; elle

commença à avoir de violents désirs de copulation et, les pratiques

d'onanisme ne lui suffisant plus, elle s'abandonna à plusieurs in-

dividus qu'elle n'aimait pas, uniquement pour la satisfaction de

ses sens. Parallèlement à ces phénomènes, il se manifestait chez

notre malade un autre pi ocessus pathologique que je crois être

aujourd'hui disparu, mais qui n'en a pas moins marqué sa trace

par des signes caractéristiques; Clotilde a été en effet frappée de

vertiges épileptiques suivis de fugues et autres actes incons-

cients. Un jour son père l'envoie faire une commission; elle est

frappée d'un vertige et se rend tout aussitôt, sans le savoir, chez

SOCIÉTÉS SAVANTES. 113 3

un cordonnier qu'elle injurie, puis elle continue sa route. Le len-

demain, grande fut sa surprise en apprenant sa visite chez le cor-

donnier. Elle eut aussi plusieurs pertes subites de connaissance,

avec ou sans attaques convulsives. Mais depuis l'âge de vingt ans la

névrose ne s'est plus montrée. A la suite d'excès de boisson, son

sommeil fut troublé par des cauchemars et des hallucinations; elle

vit des chats dans sa chambre, de grandes figures qui défilaient,

etc. Elle eut même des idées de persécution ; elle crut, à une

époque, qu'on voulait l'empoisonner et, deux fois de suite, elle

tenta de se suicider : une première fois par submersion et l'autre

par pendaison.

Actuellement, elle est dominée par cette idée fixe qu'elle peut

être enterrée vivante, et, à plusieurs reprises, elle m'a fait pro-

mettre de procéder à son autopsie ou bien de lui plonger un poi-

gnard dans le coeur; elle est d'ailleurs bien décidée à poignarder

le cadavre de ses parents, pour leur éviter la torture d'être enter-

rés vivants. Dans ces temps derniers, elle a cru que le monde

allait être englouti par un nouveau déluge. Dans la crainte de

vivre trop longtemps sous l'eau, elle portait sur elle, au moment

de sa séquestration, un révolver pour tuer les siens et se suicider

ensuite dès le commencement de l'inondation. Ces dernières idées

la poussent à inventer des histoires de gens auxquels semblables

accidents seraient arrivés; une fois sur ce chapitre elle ne tarit

plus. Souvent il lui vient aux lèvres des mots qu'elle ne veut pas

prononcer, mais que cependant elle répète mentalement. Si elle

n'agissait ainsi, elle se sentirait, dit-elle, suffoquée : il lui semble-

rait être sous l'imminence d'un péril prochain que le mot seul

peut conjurer.

M. LEGRAND du SAULLE croit que les phénomènes désignés par

M. Magnan sous le nom de stigmates psychiques de la folie héré-

ditaire sont simplement une des nombreuses manifestations de

l'épilepsie larvée assez fréquente, comme on le sait, chez les bé-

réditaires.

M. Magnan. L'épilepsie n'est qu'un phénomène accessoire dans

le cours de l'histoire de ma malade; j'ai fait incidemment en vous

la montrant la part de ce qui revient au morbus sacer. Les mots

qu'elle répète ne sont que le résultat d'une obsession; la preuve en

est dans le souvenir complet qu'elle en garde. Or, chacun sait que

les actes accomplis par les épileptiques dans leurs phases déli-

rantes sont inconscients; d'ailleurs, on trouve encore beaucoup

d'aliénés prononçant impulsivement un mot sans que pour cela ils

soient épileptiques; il n'y a donc pas lieu de penser à l'épilepsie

et, pour ma part, je vois dans cette histoire une des nombreuses

modalités de la folie héréditaire.

M. BRIAnD. A propos des stigmates psychiques dont vient de

Archives, t. X. 8

! 1 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nous parler M. Magnan, permettez-moi de vous rapporter un cer-

tain nombre de faits qui me semblent procéder du même ordre

d'idées; je n'ai pas sous la main les observations complètes, mais

en voici les faits saillants. C'est d'abord un officier de marine des

plus distingués, appelé à un brillant avenir et qui ne peut àcer-

tain moment et même dans les circonstances les plus sérieuses,

s'empêcher de crier plusieurs fois de suite le mot de Cambrone,

en inclinant brusquement la tête sur l'une des épaules. Dans le

même port, se trouve un autre officier auquel il est impossible

de franchir d'emblée le plus léger obstacle, et qu'on rencontre

fréquemment un pied sur le trottoir et l'autre sur la chaussée,

hésitant avant de passer un ruisseau. Ce n'est qu'après être

revenu en arrière à plusieurs reprises qu'il prend enfin l'élan

décisif, qui lui permettra de traverser ; cette opération dure sou-

vent plus d'un quart d'heure. - Une de ses soeurs est aliénée (dé-

lire des négations avec idées mystiques) ; l'autre est d'une reli-

giosité exagérée. -Je connais également une demoiselle d'une

vingtaine d'années, fille d'un excité maniaque à idées ambitieuses,

qui depuis la plus tendre enfance tourne sur elle-même pendant

des heures entières ; elle a tellement conscience de l'étrangeté de

cette impulsion que pour se dérober aux regards, elle se renferme

dans sa chambre les jours où elle sent qu'elle n'y résistera pas;

cette jeune fille, qui de tout temps a été bizarre, est plus menteuse

qu'on ne saurait se l'imaginer et invente à plaisir des histoires

impossibles qu'elle raconte avec l'accent de la plus sincère vérité.

La vue d'une tache de vin l'impressionne très vivement; son père

présente cette même particularité. Enfin, je voudrais raconter en-

core l'histoire d'une enfant de sept ans, fille d'un délirant mélanco-

lique à idées hypocondriaques, laquelle se nourrit exclusivement

de paia et de fromage, sous prétexte que la viande contient des

os susceptibles de l'étrangler et que les légumes qui ont touché à

la viande pourraient en dissimuler; il m'a été impossible à une

première entrevue de faire surgir cette explication qu'elle avait

donnée il y a longtemps à ses parents, et sur laquelle elle n'avait

plus voulu revenir. Cependant, appelé à voir le père, qui dans le

cours d'un nouvel accès mélancolique refusait de s'alimenter, je

me fis présenter l'enfant pour rechercher si elle ne portait pas

certaines tares héréditaires; mon interrogatoire était fini et j'al-

lais la rendre à ses parents sans avoir trouvé rien de bien notable

en elle si ce n'est une grande vivacité intellectuelle avec une

prodigieuse mémoire et sans avoir obtenu une réponse caracté-

ristique, lorsque par hasard la mère me rappela que la fillette

se nourrissait exclusivement de pain et de fromage. Désireux

d'obtenir de l'enfant l'aveu du motif qui lui faisait repousser les

autres aliments, je l'interrogeai avec insistance. Elle se refusa

d'abord à toute explication ; prières, sollicitations, rien n'y fai-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 115 7

sait ; enfin je la menaçai de lui faire manger de force une grosse

bouchée de viande si elle ne me disait la cause de sa répulsion.

Alors, elle m'avoua que toujours elle avait été poursuivie par

l'idée qu'elle serait étranglée par un os. Elle est en effet prise

d'accès d'étouffements et sa figure exprime une très vive terreur

dès qu'on met dans son asssiette des fragments de viande. Les

parents ont cessé de sévir contre elle et l'enfant ne paraît pas

d'ailleurs souffrir de son régime. L'isthme du gosier ne présente

rien d'anormal; la voûte palatine est très ogivale. Pas d'asymé-

trie faciale. '

M. Magnan présente une autre malade, âgée de trente-six ans,

qui se sent par intervalles poussée à absorber des quantités consi-

dérables d'aliments. Si l'on s'en tenait à ce seul symptôme, sa ma-

ladie pourrait être qualifiée de limomanie ou d'estlliomanie ; quoi

qu'il en soit voici son histoire : Le père était un original à carac-

tère un peu vif, c'est là tout ce que l'on sait sur les antécédents

héréditaires. Elle-même a toujours été fantasque, orgueilleuse et

prétentieuse à l'excès; vers dix-huit ans, elle traversa une période

de tristesse pendant laquelle elle se sentit prise de découragement,

d'apathie, d'indifférence, sans pouvoir se livrer à aucun travail.

Mariée à vingt et un ans, elle eut deux enfants et n'offrit rien

d'extraordinaire jusqu'à vingt-huit ans; elle eut alors une nouvelle

période de dépression mélancolique qui dura deux ou trois mois.

En novembre IS8.f, à trente-six ans, elle devint encore une fois

triste sans savoir pourquoi et, à la fin de janvier de l'année sui-

vante elle fut toute surprise des sensations étranges qui l'envahis-

saient : cette femme qui ne s'intéressait à rien, éprouva tout à

coup un désir insatiable de manger. Tous les aliments lui étaient

bons : pain, viande, légumes, fruits, fromage, peu lui importait

pourvu qu'elle mangeât; elle avait beau se lamenter, se reprocher

sa gloutonnerie, elle ne s'en corrigeait pas; les journées et les

nuits se passaient à manger. Cette existence lui devint si intolé-

rable qu'elle demanda à être placée dans un établissement où on

l'empêcherait de satisfaire son appétit; elle eut même, dans ces

derniers temps des idées de suicide qui décidèrent sa famille à

prendre cette résolution. « Voilà la cause de mon malheur,» dit-

elle, chaque fois qu'elle voit un morceau de pain. Semblable

affection, n'est-elle pas en tous points comparable à la dipsoma-

nie ? Aujourd'hui l'accès touche à sa fin.

M. LRGRIND du Saule demande si la malade n'est pas diabé-

tique.

M. Magnan. L'état général de la malade étant satisfaisant, il

m'a paru inutile de faire cet examen. D'ailleurs, le caractère im-

pulsif du besoin de manger devant faire écarter l'idée qu'on pou-

vait être en présence d'un cas de boulimie diabétique, mais l'ana-

116 SOCIÉTÉS SAVANTES.

lyse des urines sera faite demain et j'en donnerai le résultat à la

prochaine séance '.

M. Bigot insiste sur la phase mélancolique, décrite par M. Ma-

gnan et qu'on ne retrouve pas chez les diabétiques. '

MARCEL BRIAND.

SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES

DE BERLIN

Séance du 14 juillet 18842. Présidence DE M. WESTPHAL

Communication annoncée de M. WESTPHAL : Sur un cas de lésion

spinale avec cécité et paralysie générale. Il s'agit d'un profes-

seur syphilitique accusant divers malaises qui paraissaient devoir

être rattachés à l'hypochondrie et présentant la perte du phéno-

mène du genou (1878); longtemps auparavant, il avait été atteint

d'accès tout spéciaux d'hémianopsie avec amnésie passagers, ainsi

que d'une iritis syphilitique non gommeuse. En juin 1883, accès

maniaques, avec idées de grandeur et troubles de la parole; à ce

moment, il est porteur d'une atrophie des nerfs optiques datant

de trois ans à marche lentement progressive; cécité, absence de

phénomène du genou, sans ataxie évidente pendant la marche ;

finalement sitiophobie, oedème pulmonaire; mort après un séjour

de deux semaines à la Charité de Berlin. Le cerveau présente une

sclérose modérée des artères. une coloration grise des nerfs et

des bandelettes optiques. On trouve dans la moelle la dégénéres-

cence grise des cordons postérieurs (de la région cervicale à la

région lombaire) ; ce sont les parties externes des cordons posté-

rieurs, parallèles aux cornes postérieures, qui se trouvent le plus

prises. M. Westphal insiste sur l'hypochondrie datant de plusieurs

années, sur les attaques d'aphasie avec hémianopsie sans altéra-

tion du cerveau sur l'absence de douleurs et d'ataxie, sur les

1 M. Magnan nous communique le résultat de l'analyse des urines de

sa malade qui ne contiennent pas de sucre. M. B.

2 Voy. Archives de Neurologie, t. VIII, p. 382.

SOCIETES SAVANTES. 117

troubles vésicaux'sans importance. Il lui semble impossible de

rattacher l'affection nerveuse à la syphilis. Ce malade, de même

que d'autres paralytiques généraux, avait, dans les intervalles

lucides, une allure spéciale tout excentrique. Il importe de noter

que dans la station debout, les pieds rapprochés, il' n'oscillait ni

lorsqu'on lui fermait les yeux ni lorsqu'il fut devenu aveugle.

L'écorce du cerveau n'a pas été examinée. Peut-être, comme le

veut Mendel, s'agissait-il d'une paralysie ascendante; dans ce cas,

on trouverait des altérations corticales étendues.

Communication annoncée de M. RosENBacH : Des allures du sys-

tème nerveux dans l'inanitiation. Expériences sur des chiens et

des lapins en deux séries concernant l'une, l'inanitiation absolue,

l'autre, l'inanitiation sans la suppression de boissons. Durée

moyenne de la vie chez ces animaux : 10 à 31 jours; déchéance

pondérale moyenne : 24,n0 à 54,84 p. 100. Anatomie patholo-

gique. Pas de lésions macroscopiques de l'encéphale ni de la moelle.

Seule, la substance cérébrale parait oedématiée. Quelquefois

on trouve une dilatation insignifiante des ventricules. On est

frappé de l'absence de graisse dans le canal vertébral; tandis que

chez ces animaux bien portants il existe une quantité considérable

de tissu adipeux sur la dure-mère, les ganglions intervertébraux

et les racines qui touchent à ces derniers, chez ceux qui sont ina-

nitiés, le tissu graisseux est soit tout à fait atrophié, soit trans-

formé en une substance jaunâtre, visqueuse, facile détacher. Au mi-

croscope, l'encéphale, la moelle, les ganglions intervertébraux,

les ganglions du grand sympathique durcis (bichromate de potasse

à 2 p. 100) ou frais, portent des altérations très nettes qui attei-

gnent principalement les cellules. Extrêmement vives dans la

moelle (cornes antérieures) elles se résument en : disparition

de la transparence de la cellule, tuméfaction trouble de son

noyau, résistance du protoplasma à l'action colorante du carmin,

.aspect tout spécial, vitreux, amorphe du protoplasma; saillie du

noyau à contours fortement réfringents, disparition, atrophie,

détachement des prolongements, rétraction du corps cellulaire

(bords dentelés), perte de substance de l'élément (sinuosités, va-

cuoles) ; enfin le noyau devient indistinct, perd ses limites, dis-

parait totalement comme la cellule transformée en un débris in-

forme qui cède à l'éther des particules de sa substance. Il en est

de même pour des cellules nerveuses ganglionnaires de l'écorce,

les cellules cérébelleuses de Purkinje, celles des ganglions spinaux

et sympathiques; la dégénérescence y est simplement moins

étendue; c'est dans les ganglions spinaux qu'elle est le moins

accusée. Les vaisseaux capillaires gorgés d'hématies présentent la

diapédèse desglobulesrouges dans la moelle, avecexsudat plasma-

tique (colloïde); leurs parois, peu altérées, sont parfois stéateuses

(lapins, cellules endothéliales) ; névroglie tuméfiée et trouble

118 ô SOCIÉTÉS SAVANTES.

sans altération de structure. Peu de chose dans la substance

blanche du cerveau ou de la moelle; elle est raréfiée et ses noyaux

ont diminué de nombre. Les nerfs périphériques ne présentent

aucune altération. En résumé : simple déchéance atrophique sans

inflammation. La destruction est du reste en rapport direct avec

la longueur de l'inanitiation, elle progresse avec cette dernière

et n'émane pas seulement des dernières heures ou des derniers

jours de l'expérience. Etat de l'excitabilité électrique de l'écorce

des animaux inanités, Un animal bien nourri est trépané d'un

côté; ou dispose l'appareil de du Bois-Reymond de manière à

faire intervenir l'excitation électrique nécessaire à déchaîner par

son application sur le centre psychomoteur la convulsion la plus

faible du membre opposé correspondant. Cet animal est soigné

et guéri, puis on l'inanitie. C'est alors qu'on traite avec l'électri-

cité l'excitabilité de l'autre hémisphère du même sujet. Dans ces

conditions, toutes choses étant égales d'ailleurs, l'inanitiation

réduit considérablement l'excitabilité corticale (l'appareil à cha-

riot donne, quant à l'éloignement des deux bobines, des diffé-

rences de 30 millim. et plus); elle en modifie la qualité, car un

fort courant, qui ne détermine pas d'épilepsie partielle, provo-

voquera tout à coup, sous l'inflence d'un faible renforcement, des

convulsions épileptiformes généralisées. - Symptomatologie, Chez

l'animal, l'inanitiation ne se traduit par aucun phénomène ner-

veux ni psychique. Le délire, qui se montre chez l'homme, doit

être imputé aux émotions morales des grandes catastrophes con-

comitantes (naufrages, éboulements, etc.) Le délire d'inanition

consécutif à des affections somatiques (fièvre typhoïde, pneumo-

nie, scarlatine) relève de conditions physiques bien connues ; il

est caractérisé par des hallucinations terrifiantes et anxieuses, avec

obnubilation de la connaissance, idée de persécution et parfois

agitation maniaque; ces accidents surviennent pendant les quel,

ques jours qui suivent la chute de la température (état d'inani-

tion) et disparaissent dès que l'amélioration physique a lieu.

Discussion :

M. Westphal. Le mot de tuméfaction trouble n'est pas très exact.

M. ROSENR : 1CII. Evidemmenl il ne désigne pas une apparence

semblable à celle des cellules du foie malade; les cellules, tout

en conservant leur configuration normale, sont moins transpa-

rentes que normalement.

Séance du 10 novembre 1884. Présidence DE M. WESTPHAL

Communication annoncée de M. Oppenheim : Sur une affection

du nerf vague dans le cours du tabès dorsal. Présentation de ma-

lade et de préparations microscopiques. Un tabétique atteint de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 119

crises gastriques et laryngées ne décela à l'autopsie aucune alté-

ration des noyaux bulbaires de ce nerf. Voici un autre patient

qui présente des crises laryngées et des parésies des muscles du

larynx. Un mémoire sera publié.

Discussion :

M. MENDEL. Les altérations du faisceau solitaire de Pierret, en

relation avec des fibres du grand sympathique, expliquent les

troubles vaso-moteurs et atrophiques.

M. Westphal. A l'expression de crises (krisen) qui ne convient

guère en allemand il faut substituer celles de spasmes laryngés,

ou mieux accès laryngés. Une préparation d'Eisenlohr concernant

la moelle allongée d'un tabétique ayanl présenté de semblables

accès démontre l'existence d'une épendymite du plancher du qua-

trième ventricule. -

M. BERNHAHDT ne croit pas à la fréquence de la coïncidence de

crises laryngées et gastriques chez le même individu. D'après lui,

chez les tabétiques, les accès laryngés seraient plus rares que les

crises gastriques, lesquelles sont relativement fréquentes chez les

ataxiques atteints d'affections osseuses et articulaires.

M. OpPENHKtune contredit pas à l'assertion de Bernhardt; ce n'est

que dans quelques cas qu'il a vu survenir d'abord des crises gas-

triques, puis, plus tard, chez le même individu, des crises laryn-

gées.

M. JasrnowrTZ insiste sur la production, en des cas pareils, de

paralysie des cordes vocales.

M. REliAI{ ajoute à l'observation précédente que, dans un cas de

tabès observé par lui pendant un temps assez long, et compliqué de

paralysie des muscles de l'oeil, le premier symptôme de l'affection

spinale fut une paralysie unilatérale du muscle crico-aryténoidien

postérieur. A rapprocher du travail récent de M. F. Krause, qui

rattache la plupart de ces cas de paralysie à une contracture des

adducteurs des cordes vocales.

Communication de M. Thomsen avec présentation de malade,

sur un cas de paralysie de l'oculo-moteur commun à retours pério-

diques. Homme de trente-quatre ans atteint actuellement d'une

complète parésie de l'oculo-moteur commun (avec immobilité raide

de la pupille et paralysie de l'accommodation). Début à l'âge de

cinq ans, retour une fois ou deux par an (mai-octobre), finale-

ment paralysie complète. L'accès est précédé de céphalalgie, nau-

sées et vomissements; en peu de jours survient une blépharoptose

totale, avec strabisme divergent très accusé. En trois à quatre

semaines, la paralysie rétrocède. Nulle autre anomalie oculaire.

L'orateur en a observé deux accès. Chaque paralysie s'accompa-

gnait parallèlement de rétrécissement concentrique du champ

120 SOCIÉTÉS SAVANTES.

visuel, les allures de ce rétrécissement et de son retour à la nor-

male sont en rapport direct avec l'intensité de la paralysie. L'acuité

centrale se comporte à peu de chose près comme la paralysie et

le champ visuel. Le rétrécissement se montre d'abord du côté

paralysé, il y reste toujours plus complet que sur l'autre oeil dont

le champ visuel diminue du reste également. Le second accès

observé fut un accès abortif; il succéda à un shock psychique ;

le malade eut un accès d'angoisse nocturne, puis présenta la pa-

ralysie en question et les modifications du champ visuel. Depuis

l'âge de treize ans, le patient présente des convulsions épileptiques

à retours irréguliers, consécutifs à un traumatisme céphalique;

sans puisse qu'on établir aucun rapport entre les deux affections.

L'orateur met en relief que la paralysie de l'oculo-moteur commun

est survenue en des circonstances identiques à celles qui précèdent

l'éclosion de l'épilepsie. Interprétation impossible. Cette observa-

tion sera publiée in extenso dans les Charité-Annalen.

Discussion :

M. REMAK. Un buveur de vingt-deux ans, autrement bien portant,

présente depuis l'âge de douze ans deux fois par an en moyenne

une céphalalgie frontale violente à gauche, de la photophobie du

même côté, des vomissements ; en même temps se produit une

blépharoptose gauche avec tous les autres symptômes de la para-

lysie de l'oculo-moteur commun. Les accès rétrocèdent invariable-

ment en quatorze jours. Depuis trois ou quatre ans, ils ont aug-

menté de fréquence ; ils se montrent à peu près quatre fois par

an ; la blépharoptose et la diplopie durent aètuellement trois à

quatre jours. Depuis quelques années il s'est installé dans l'inter-

valle des accès, une faible déviation de l'oeil gauche en dehors;

la strabotomie n'a eu qu'un résultat passager. Le malade, observé

par l'orateur trois jours après le début d'un accès périodique, pré-

sentait une légère blépharoptose, de la mydriase, de la parésie

de l'accommodation, du droit interne (diplopie); dès le jour sui-

vant, tous les symptômes, y compris la divergence, avaient dis-

paru. Pourlui,il s'agit non point d'unetumeur cérébrale à accrois-

sement périodique (théorie de hiaehius), mais d'une forme toute

particulière d'hémicrdizie. Dans un autre cas de paralysie périodi-

que de l'oculo-moteur commun, il a vu s'effectuer sous ses yeux

la rétrocession des symptômes, si bien que le lendemain Hirsch-

berg ne trouvait plus rien.

M. HIRSCH13ERG. Le cas de Thomsen constitue un astigmatismede

l'oeil droit. Si les troubles de la vue eussent été ceux qu'indiquent

les tracés du champ visuel, le malade n'aurait pu se promener sans

se heurter partout. 11 a observé plusieurs fois de ces paralysies de

l'oculo-moteur commun rapidement passagères, le second fait de

Remak en est un exemple. On constate assez souvent quelque

SOCIÉTÉS SAVANTES. 121

chose de semblable chez les femmes; ce quelque chose est en

rapport avec des anomalies de la menstruation.

Ces réflexions suscitent une discussion sur le champ visuel.

MM. Thomsen et UHTHOFF font remarquer que les dessins indiquent

simplement les limites de la vision distincte, et non celles de la

vision absolue ; ce graphique rappelle celui des hystériques. Un

tel trouble de l'acuité visuelle ne saurait dépendre exclusivement

de l'astigmatisme, vu ses allures et ses rapports avec la paralysie

en question. Réplique de M. HmSCHBEItG, qui se refuse à comparer

l'amblyopie hystérique avec celle qui éma ? e véritablement d'un

rétrécissement concentrique du champ visuel; dans la genèse des

troubles oculaires des hystériques interviennent comme généra-

teurs des éléments psychiques, un faux jugement, etc. M. est-

aat ne fait aucun reproche aux dessins; seulement il faut savoir

que la cécité ou l'amblyopie ne concerne ici que de petits objets.'

A ce propos, M. Oppenheim fait observer que dans un cas de lésion

organique du cerveau la vision excentrique percevait de gros

objets et non de petits.

Communication annoncée de M. Mendel, sur la folie pl'æépilep-

tique. Il en existe selon lui, trois catégories : 4° dysmnésie avec

obnubilation de la connaissance et sommation; 2° agitation et

manie ; 3° Prodrome mélancolique et penchant au suicide.

une quatrième classe doit prendre place. L'exemple envisagé con-

cerne la prédominance de conceptions irrésistibles (obsessions),

Un état instinctif de la vie psychique : la connaissance étant trou-

blée et les raisonnements contradictoires ne s'effectuant plus

(abolition de la volition), il en peut résulter des actes de violence.

Il s'agit, dans le cas particulier, d'un ivrogne épileptique qui met

le feu ; puis survient une attaque d'épilepsie, après quoi, le malade

vaque correctement à ses occupations habituelles, déjeune, etc.

C'est quand le feu se déclare qu'il a pleine conscience de l'acte

commis; arrestation. Rapport médico-légal concluant à l'épilep-

sie, à l'irresponsabilité. Libération.

Discussion : .'

M. L;vmN. L'audition des témoins démontre l'existence de

troubles de la connaissance de courte durée et d'accès d'épilepsie.

M. Liman. Ce n'est pas un cas pur. Le protocole clinique de la

Charité montre que cet homme était atteint d'épilepsie et de

troubles psychiques entraînant le diagnostic de folie postépilep-

tique. On ne voit pas, d'après les assertions de sa femme, qu'il y

ait eu folie praeépileptique. De plus, il ne faut pas oublier qu'il il

n'était jamais à jeun.

M. Mindel. Oui, c'est un buveur et un épileptique; mais cette

double constatation ne dit pas à quel élément il faut rattacher

l'acte commis.

122 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance, du 8 décembre 1884. Présidence DE M. WESTPHAL.

M. SAKAKY présente un malade atteint d'hypertrophie musculaire

vraie combinée à une sorte d'hémichorée gauche. C'est un enfant

de quatorze ans, issu d'un père rhumatisant (affection cardiaque ? ),

et d'une mère atteinte d'une névralgie du nerf cubital droit; trois

soeurs sont bien portantes, mais trop petites pour leur âge, une

autre serait morte de convulsions. Le malade en question a mar-

ché tard, sa dentition s'est faite tardivement; à l'âge de trois ans,

il a failles frais d'une pneumonie accompagnéed'entérite catai-i hale

(rachitique). A ce moment, s'est établie une graduelle inclinaison

de la tête à droite ; il a lentement appris à parler et à marcher,

jamais il n'a eu de rhumatisme ni de convulsions. 11 y a sept ans,

scarlatine bénigne; cette année, le volume du bras et de la jambe

gauche s'est accru : on ne peut recueillir plus de détails. Etat actuel :

enfant assez bien développé; coloration un peu pâle du visage, ex-

pression stupide; c'est un gaucher. Asymétrie somatique : le côté

gauche est plus développé, les extrémités y sont plus épaisses et plus

longues; le corps incline à droite; scoliose à droite de la portion

comprise entre les deux omoplates ; lordose lombaire; convulsions

cloniques des extrémités, des muscles de la nuque et du visage du

même côté; la tête est tirée en arrière et à gauche; l'enfant fait

toute espèce de mouvements avec les muscles du visage et de la

langue quand il veut parler; les convulsions reprennent de plus

belle à l'occasion des mouvements intentionnels; cet état cesserait

pendant le sommeil. L'asymétrie, au préjudice du côté droit, est

surtout accusée sur les cuisses, la langue ; les lèvres beaucoup plus

volumineuses à gauche; les muscles atteints sont plus fermes et

plus tendu; malgré cette hypertrophie, ils ont conservé leur

fonction normale, leur force brute est même plus élevée, l'excita-

bilité électrique des extrémités gauches est un peu plus forLe. Il

existe, en outre, de la mydriase droite sans autre anomalie, de

la parésie du facial droit, de l'hypoglosse gauche ; la parole est

indistincte à raison des mouvements choréiformes (asynergie) de

la langue et des lèvres; pas d'autres anomalies. Monde] a excisé un

morceau du long supinateur soupçonné d'hypertrophie vraie;

l'examen microscopique (dissociation du tissu frais ou durci) a

révélé une augmentation du diamètre des fibres dans la proportion

de 1-1,3; pas de dégénérescence graisseuse, pas d'infiltration inter-

musculaire, pas de multiplication ni de prolifération des noyaux,

la striation transverse paraît un peu moins nette, et c'est tout.

Communication annoncée de M. RICHTER (de Pankow) sur la

cannabinone. C'est la continuation de ses essais '. L'action en est

1 Voy. Archives de Neurologie. Analyse du Neurolog. Centralbl. de 1884

SOCIÉTÉS SAVANTES. 123

surprenante, surtout chez la femme et, en particulier chez la

femme rebelle à la morphine, au chloral, à la paraldéhyde. Quel-

ques cas seulement sans résultat. En dehors du fait déjà cité,

aucun inconvénient. C'est aux petites doses qu'il faut s'adresser :

z10-0, ? 0 au maximum. Une seule patiente arriva facilement à

absorber en un jour : 0,n0 (0,20 le matin, 0,10 à midi, 0,20 le soir);

cette malade, après une médication de six semaines, put être

déshabituée du médicament en quatre jours sans aucun trouble

résultant de ce sevrage ; de plus, le calme obtenu par l'agent médi-

camenteux persista après sa suspension. Une des patientes déjà

mentionnées, qui fut atteinte d'un léger collapsus après une dose

de li, 10, fut soumise, après un intervalle de sept semaines, à 0,20, et

tenue au lit : dans ces conditions, il n'y eut pas collapsus. L'action

en est bien plus forle quand on l'introduit, dans un estomac conte-

nant aussi peu d'alimenls que possible. C'est par ce moyen que

l'on obtient, à l'aide de petites de doses, de la dilatation pupillaire

et une hébétude faible. - De nouvelles préparations de haschisch

dues au même pharmacien Bombelon déterminent, aux doses de

0,03 à 0,05, d'abord un relèvement du moral de l'individu ; deux

à trois heures plus tard, survient un bon sommeil calme. Pas de

phénomènes accessoires jusqu'ici ; il est vrai de dire que les essais

sont encore très peu nombreux. Action favorable du chlorhy-

tirale de cocaïne en injections sous-cutanées chez les morphino-

manes. Dans un cas, il y eut sur le champ interruption des phé-

nomènes intenses dus au sevrage de la morphine; guérison alors

que l'issue eût dû être fatale. C'est la préparation de \lerh, de Darms-

tadt, qui a servi ici; cette préparation diffère tout à fait de celle

de Gehe, de Dresde.

CIILORHYDRATE DE COCAÏNE DE MERK CHLORHYDRATE DE COCAÏNE DE GEHE

124 SOCIÉTÉS SAVANTES.

(solut. : 1 gr. pour 9 d'huile d'amandes douces) ou à l'intérieur

(-I- gr. pr. 100-lb'O gr. du même véhicule), à des doses sous-cuta-

nées de ut0 et stomacales de 0,40 à 0,GO. Chez vingt femmes

agitées, le résultat fut modéré; le succès le plus grand fut obtenu

sur une hystérique qui, après l'ingestion de 0,f50, s'endormit pen-

dant plusieurs heures. Les effets accessoires désagréables sont :

la brûlure de la gorge, la propension à la toux, les vomituritiuns;

il faut aussi faire la part du véhicule. L'orateur finit par rejeter

l'injection sous-cutanée, parce que ce médicament exerce une

action locale très irritante.

M. BLUIFNTHAL. Un cas de spondylite douloureuse fut très favo-

rahiemeut influencé par 0,20 de cannabinone; on eut un résultat

assez heureux dans un cas d'emphysème. Chez un troisième ma-

lade, on nota des effets très désagréables aux doses de 0, 0 à po

il y eut pendant vingt heures du refroidissement et de la lourdeur

des extrémités, de l'insomnie, de J'angoisse précordiale, des

troubles de la parole, une coloration gris bleu de la peau. Une

quatrième observation témoigna, après une ingestion de 0,10, d'une

sensation de lourdeur avec convulsions cloniques, de vertiges,

de troubles de la parole, d'irrégularité du pouls, de météorisme;

durée des accidents : onze heures. Il espère aussi de bons effets

de la cocaïne qu'il a employée chez un morphinomane.

M. GNAUcx. Administration de la cannabinone chez douze ma-

lades. D'une manière générale, résultats de l'orateur précédent.

Action très inégale. Tantôt, on n'obtient rien tant qu'on n'a pas

atteint 0,70; tantôt, à petites doses, on constate de la brûlure et

de la sécheresse de la gorge avec céphalalgie. Dans un cas, 0,30

déterminèrent un sommeil de trois heures, puis survinrent de

l'agitation, du tremblement, des troubles de la parole; la mor-

phine seule put rétablir l'équilibre. 11 convient donc de commencer

avec prudence par 0,10; 0,03 demeurent sans effet.

M. mindel n'a vu qu'une fois les accidents désagréables sus-

mentionnés. Dans vingt à vingt-cinq cas, il obtint invariablement

le sommeil. Sans être un succédané du chloral, la cannabinone

mérite d'être recommandée pour les hystériques. Il a traité par

injections sous-cutanées de cocaïne (demi-seringue d'une solution

à op. 100) une névralgie du trijumeau, sans résultats (A1'Chiv.

f. Psych. u. Nervenkrank, XVI, n ). P. K.

BIBLIOGRAPHIE

1. Des zones hystérogènes et hypnogènes, des attaques de sommeil;

par le Dr Pitres. (Bordeaux, 1885, in-8°, 70 p.)

Les zones hystérogènes sont, selon la définition de l'auteur, des

régions circonscrites du corps, douloureuses ou non, d'où partent

souvent, pendant les prodromes des attaques spontanées, des sen-

sations spéciales qui jouent un rôle dans l'ensemble des phéno-

mènes de l'aura hystérique, et dont la pression a pour effet, soit

de déterminer l'attaque convulsive ou une partie des phénomènes

spasmodiques de J'attaque, soit d'arrêter brusquement les convul-

sions. On sait que c'est M. le professeur Charcot qui a découvert

les zones hystérogènes. M. Pitres, continuant les recherches com-

mencées à la Salpêtrière, a découvert un certain nombre de faits

intéressants, dont quelques-uns ont été publiés dans la thèse de

son élève le Dr Gaube (Bordeaux, 1882). On rencontre fréquem-

ment des zones hystérogènes dans l'hystérie vulgaire, ou petite

hystérie. - Il existe des zones hystérogènes sur les membres.

MM. Bourneville et Re-nard, M. Richer n'en ont rencontré que sur

la tête et le tronc; il résulte des explorations de M. Pitres que chez

plus de la moitié des hystériques vulgaires, il y a des zones hysté-

rogènes sur les membres supérieurs ou inférieurs. Leur siège

d'élection se trouve au niveau du pli du coude et du creux poplité.

Mais l'auteur n'a pas trouvé une seule hystérique avec des points

hystérogènes seulement sur les membres; il y en avait aussi sur

le tronc ou la tête. Dans la majorité des cas, les zones des

membres et du thorax sont exclusivement spasmogènes, et les

zones ovarienne ou épigastrique exclusivement spasmo-frénatrices.

- Au point de vue de leur siège anatomique, les zones hystéro-

gènes doivent être divisées en zones cutanées, sous-cutanées etviscé-

rales. 1° Les zones cutanées, les plus rares de toutes, sont celles

dont l'activité peut être mise en jeu par des excitations superfi-

cielles de la peau : le contact avec le doigt, ou un pinceau à aqua-

relle, quelques gouttes d'eau froide ou chaude, le rayonnement t

d'un corps en ignition, la pulvérisation de quelques gouttes d'é-

ther. Les zones cutanées siègent dans les expansions nerveuses

terminales de la peau. Il est curieux de constater à ce sujet qu'elles

126 bibliographie.

peuvent se rencontrer sur des régions cutanées qui sont complète-

ment anesthésiques. 2° Les zones sous-cutanées, qui sont plus com-

munes, résistent aux excitations précédemment énumérées; elles

ne siègent donc pas dans la peau, ni dans les muscles et tendons,

car on peut, dans un certain nombre de cas, presser latéralement

les masses musculaires qui traversent les régions hystérogènes ou

les tétaniser à J'aide de courants faradiques intenses sans amener

les convulsions. Il est probable que le point de départ est dans

les troncs nerveux, car ou peut également provoquer l'attaque

par la compression énergique des troncs nerveux qui se rendent

il. la zone sous-cutanée, sur tous les points où ils sont accessibles

dans leur trajet entre la moelle épinière et la zone. 3° Les zones

viscérales, ont pour siège le parenchyme de l'organe, tel que la

glande mammaire ou l'ovaire. Pour la mamelle, on le prouve en

montrant que l'excitation énergique de la peau qui recouvre le

sein ne produit rien et que la compression de la glande provoque

l'attaque. Pour l'ovaire, la démonstration a été faite par M. Féré,

qui a vu chez une hystérique enceinte la zone hystérogène du

flanc gauche s'élève graduellement pendant la grossesse, de façon

à occuper exactement le point qu'occupe successivement l'ovaire

aux différents âges de la gestation. Cependant M Pitres pense

qu'il peut y avoir des zones ovariennes et mammaires sous-

cutanées, car il arrive chez certains malades qui possèdent ces

zones, à arrêter l'attaque en pinçant un pli de la peau qui recouvre

le sein, sans comprimer la glande, ou un pli de la peau du flanc,

sans comprimer profondément l'abdomen. On peut faire dis-

paraître les zones hystérogènes par l'électrisation statique, la gal-

vanisation des centres nerveux, les inhalations anesthésiques,

l'anémie locale (par exemple sur un membre), la réfrigération de

la peau qui recouvre une zone sous-cutanée, l'application des

siuapismes sur les zones cutanées ou sous-cutanées. (Les sina-

pismes appliquées circulairement autour d'un membre font dispa-

raître toutes les zones situées au-dessous d'eux, et sont sans

action sur les zones situées au-dessus).

Les zones hypnogènes sont des régions circonscrites du corps,

dont la pression a pour effet soit de provoquer instantanément

le sommeil hypnotique, soit de modifier les phases du sommeil t

artificiel, soit de ramener brusquement à l'état de veille les sujets

préalablement hypnotisés. La principale zone hypnogène connue

est le vertex, dont la pression fait passer l'hystérique de l'état de

léthargie dans l'état de somnambulisme provoqué (Charcot et

Richer), et de l'état de veille dans l'état hypnotique (Dumont-

pallier). On sait aussi que la compression ovarienne dissipe ins-

tantanément le sommeil hypnotique. M. Pitres a observé que les

zones hypnogènes se rencontrent sur tous les points du corps, que

leur nombre est très variable, que certaines malades en pré-

BIBLIOGRAPHIE. 127

sentent seulement quatre ou cinq, que d'autres en ont vingt,

trente, cinquante et plus encore, et que quelques hystériques

facilement hypnotisables n'en possèdentaucun. Les zones ont en

général de un à quatre ou cinq centimètres de diamètre; si la

compression de ces zones produit l'effet spécifique, une com-

pression en dehors des zones ne donne lieu qu'à une douleur plus

ou moins vive, ce qui prouve que les actions hypnogènes ne sont

pas le résultat d'irritations banales de la peau ou des tissus pro-

fonds chez des sujets particulièrement excitables. De même

que les zones hystérogènes, les zones hypnogènes peuvent être

divisées en zones cutanées, sous-cutanées, viscérales.- Parmi ces

zones, les unes provoquent le sommeil, ce sont les zones hypno-

gènes proprement dites ; les autres la font cesser brusquement, ce

sont les zones hypnofrénatrices. Les premières se subdivisent eu

trois groupes : les zones hypnogènes simples, dont la pression

pratiquée sur des suJEts à l'état de veille détermine une phase,

toujours la même, du sommeil hypnotique; zones hypnogènes à

effets successifs, dont la pression donne lieu successivement à des

phases de plus en plus profondes du sommeil provoqué, à mesure

que cette pression' devient de plus en plus énergique; les zones

hypnogènes à effets incomplets, dont la pression ne produit pas le

sommeil chez le sujet éveillé, mais fait passer le sujet endormi

d'une phase du sommeil dans l'autre. Les zones hypno-frénalrices

sont susceptibles des mêmes subdivisions. Après ces distinctions

minutieuses, l'auteur aborde l'étude de trois malades, qui

possèdent un très grand nombre de ces zones, distribuées irrégu-

lièrement sur toute la surface du corps, comme par exemple la

racine du nez, le pavillon de l'oreille, la région mammaire, le

sommet du triangle de Scarpa, la malléole interne, divers seg-

ments des doigts, etc. - Chez quelques malades, presque toutes

les zones hypnogènes sont situées sur le côté gauche du corps, et

presque toutes les zones hypno-frénatrices sur le côté droit. Or

ces malades sont hémianesthésiques. Cependant il n'y a aucun

rapport entre la distribution des zones et l'état de la sensibilité,

car le transfert de l'hémianesthésie ne s'accompagne pas du

transfert des zones. - Les zones hystérogènes et hypnogènes

coïncident quelquefois, de telle sorte qu'une pression légère

produitle sommeil hypnotique, et une excitation plus énergique

produit l'attaque. Cependant les deux espèces de zones conservent

leur individualité, car par l'électricité statique, on peut abolir la

zone hystérogène, tandis que la zone hypnogène demeure intacte.

L'auteur étudie ensuite une malade de son service, qui est

sujette il des attaques de sommeil. Cette hystérique, qui a eu

autrefois des attaques convulsives très violentes, les a remplacées

aujourd'hui par ses attaques de sommeil. L'auru présente trois

stades : le sentiment d'une boule qui exécute cinq ou six tours

128 BIBLIOGRAPHIE.

dans l'abdomen, des langueurs d'estomac, le serrement bi-tem-

poral et la perte de connaissance. Pendant le sommeil, la

malade est immobile, le pouls est régulier, la température nor-

male ; les paupières sont agitées d'un tremblement continuel ; la

malade répond quand on lui parle, on peut lui donner désordres,

des hallucinations; ses sens ont conservé leur activité. Les

membres conservent l'attitude qu'on leur communique. Bref, la

malade présente les mêmes phénomènes que dans une phase du

sommeil provoqué, l'état cataleptoïde les yeux fermés. Ce qui

ajoute à la ressemblance, c'est que la malade est tirée de son

sommeil par le souffle sur lesyeux; que, réveillée, elle ne conserve

aucun souvenir de ce qui s'est passé pendant qu'elle était endormie,

et qu'en revanche, pendant le sommeil, sa mémoire embrasse les

faits de la veille et ceux des états hypnotiques antérieurs.

Guidé par ces analogies, l'auteur a plongé dans l'hypnotisme la

malade, au moment où l'aura annonçait l'attaque de sommeil; il

a constaté que l'attaque n'en survient pas moins, mais qu'elle met

la malade dans un degré d'hypnose plus profond que celui dans

lequel elle était placée artificiellement. Ainsi la malade étant placée

dans l'état cataleptoïde,les yeux fermés, l'attaque la met en léthar

gie : la malade étant placée en léthargie, l'attaque produit

une léthargie plus profonde, dans laquelle la pression de l'ovaire,

des zones hystérogènes ne produit absolument rien. A. BINET.

II. La législation relative aux aliénés en Angleterre

et en Ecosse; par M. FOVILLE.

Les institutions anglaises relatives aux aliénés sont celles

qu'il a toujours paru le plus intéressant d'étudier comparati-

vement à celles de la France. C'est dans ce but d'études que

M. Foville a été chargé de deux missions en 1881 et 1883 ; et ce

rapport qu'il a rédigé au retour de son double voyage, a été

publié par la commission sénatoriale, comme annexe au pro-

pre rapport de cette commission.

Ce travail qui a extrait des actes du Parlement anglais ce

qu'ils contiennent d'essentiel étudie successivement :

Chapitre PREMIER. Historique. C'est en 1796 que

William Eucke ouvre la retraite d'Yorck, au moment où Pinel

en France, Daquin en Savoie, Chiarurgi en Italie poursuivent

une réforme analogue et que Duncan en Ecosse s'efforce de

faire créer l'asile de Morningside à Edimbourg,

La première loi sur les aliénés date de 174H ; ce n'est qu'un

siècle plus tard, grâce à la campagne de lord Shaftesbury que

BIBLIOGRAPHIE. 129

furent obtenues les deux lois de 1845 qui ont reçu le nom de

grande Charte des aliénés; c'est de cette époque que date ce

rouage important, le bureau des commissionnaires (board of

commisionners in Lunacy); d'autres enquêtes (1877, 1880,

1882). pour tenter de nouvelles améliorations, n'ont pas encore

abouti, tandis que en Ecosse, sur l'intervention de Miss Dick,

une enquête en 1855, a produit, deux ans plus tard une légis-

lation plus parfaite qu'en Angleterre; ce que M. Foville expli-

que en remarquant que le terrain écossais était alors moins

encombré d'institution préexistantes qu'en Angleterre.

Chapitre II. Les aliénés du Lord chancelier. Ces

aliénés sont à peu près au nombre de mille pour l'Angleterre

et le pays de Galles ; ils n'existent pas en Ecosse. Ce sont des

aliénés riches, dont la couronne s'est chargée de protéger la for-

tune ; le roi autrefois ne prenait soin que des aliénés riches.

Ces aliénés sont soumis à la surveillance de fonctionnaires

désignés les uns sous le nom de visitors et les autres sous le

nom demastersin Lunacy; ces derniers sont les tuteurs à la

personne, des tuteurs aux biens (car il y a deux tuteurs au

lieu d'un) désignés par la chancellerie ; parfois il y a conflit

entre les visitors et les masters. Quant aux aliénés peu aisés

la couronne 's'en désintéresse, et ils sont moins en sûreté que

les indigents qui eux bénéficient de la charité légale. Cette in-

tervention du pouvoir central vis-à-vis des aliénés riches a été

vivement critiquée, car elle est onéreuse et lente.

Chapitre III. Direction générale et surveillance exercée

par l'état sur le service des aliénés. Ce chapitre cemprend

l'étude du bureau des commissionners in Lunacy, composé

de onze membres (dont trois médecins et trois avocats, rece-

vant chacun par an 30,000 fr.) M. Foville donna tous les ren-

seignements sur les attributions administratives, de surveil-

lance et judiciaires de ce bureau; il insiste sur son rapport

annuel dont la collection actuelle contient l'histoire complète

des services d'aliénés en Angleterre; toutefois, on a reproché

à ce bureau de ne'pas assez s'occuper des aliénés non interdits,

de trop peu comprendre de membres, eu égard à leurs nom-

breuses attributions, de visiter trop peu les aliénés des wor-

khouses (maisons de travail), et de ne pas visiter du tout les

aliénés indigents gardés à domicile..

En Ecosse, les aliénés de la chancellerie n'existent pas ;

Archives, t. X. 9

130 bibliographie.

tous sont soumis au bureau des commissionners qui, constitué

en 1857, est pour cela mieux organisé qu'en Angleterre.

Chapitre V. Mesures relatives à la personne des aliénés.

Les aliénés en Angleterre sont placés dans les asil.ès de

comtés ou de bourgs (établissements publics) dans les hôpi-

taux, enregistrés, dans les maisons licenciées (asiles privées)

dans les workhouses, et dans des habitations particulières qui

ne reçoivent chacune qu'un malade.

Les aliénés indigents traités à domicile sont vus par les

médecins des pauvres une fois par trimestre; ces aliénés sont

placés dans les asiles par les officiers de charité (sorte de com-

missaires du bureau de bienfaisance.) Le certificat médical du

placement doit contenir : 1° la mention de faits prouvant la

folie et constatée par le médecin lui-même, 2° la mention de

faits pareils, mais communiqués par le médecin. Il faut deux

certificats médicaux pour le placement des aliénés non indi-

gents. Les sorties à titre d'essai, les congés temporaires ren-

trent dans les attributions de ce même bureau, dont les membres

font visite à ces aliénés en outre des visiteurs des comtés.

Dans ce chapitre se trouvent les formules des certificats médi-

caux, des demandes d'admission et du bulletin de renseigne-

ment, ou questionnaire à remplir à propos de ces demandes de

placement.

En Ecosse l'extension donnée au traitement des aliénés à

domicile est plus considérable; il y a deux fois plus d'aliénés

traités ainsi qu'en Angleterre et la surveillance de tous les

aliénés par le bureau des commissionners est plus efficace ;

en Ecosse. il n'y a pour ainsi dire pas de placements volontaires.

Chapitre VI. établissements consacrés aux aliénés.

Aul" janvier 1883, il y avait en Angleterre 70,000 aliénés

répartis entre 182 établissements spéciaux. Les préceptes du

no-restreint règnent dans tous ces établissements; d'ailleurs

le no-restreint se résout à une question de budget; il y a

52 asiles de comité et 1 1 asiles de bourgs; le prix de revient par

malade et par jour est en moyenne de 1 fr. 80. Le directeur

dans chaque asile (superintendant) est au point de vue légal

assimilable à un préposé responsable, de plus, il peut-être

remercié sans appel par le comité des visiteurs du comté,

chargés de la gestion des biens des aliénés et de l'organisation

de l'asile. Dans ces asiles, tous les malades sont au régime

bibliographie. 131

commun; il ya très peu de pensionnaires : 65 sur 45,000. Les

hôpitaux enregistrés qui avant 1808, avant la création des

asiles de comtés recevaient seuls les aliénés, reçoivent gra-

duellement moins d'indigents mais plus de payants. Le besoin

d'hôpitaux en Angleterre est urgent pour la classe moyenne

pouvant payer 10, 12, 18 fr. par semaine, comme il n'en

existe pas, de tels malades sont classés parmi les indigents,

ce qui augmente les frais des contribuables. La moyenne du

prix de revient est de 5 fr. 50 par jour.

Les Workhouses ou maisons de travail, instituées en vertu

de la loi des pauvres, comprennent 17,330 aliénés, et laissent

beaucoup à désirer au point de vue de la surveillance, excep-

tion faite des trois asiles métropolitains crées en 1870 pour

les aliénés indigents chroniques et inoffensifs.

Les maisons licenciées ou asiles privées se sont très amé-

liorées depuis les attaques passionnées dont elles ont été

l'objet, M. Foville est porté à croire, en raison de la concur-

rence des établissements publics, à la disparition des maisons

privées médiocres,

Enfin il y a les asiles du gouvernement consacrés aux sol-

dats aliénés, aux marins aliénés, aux aliénés du service des

Indes orientales, et aux aliénés criminels.

En Ecosse, il y a les asiles de districts, qui correspondent

aux asiles de]comté, les asiles de province, aux asiles de bourg,

les asiles privés, peu nombreux six seulement renfermant

ensemble 149 malades, les quartiers d'aliénés des poor-houses

pour les chroniques inoffensifs, trois écoles pour idiots et un

quartier spécial de la prison de Perth pour les aliénés crimi-

nels. Mentionnons enfin le placement très économique des

aliénés indigents par l'état chez des nourriciers.

Quant au système des asiles aux portes ouvertes, appliqué

à l'asile d'Haddington, à l'hôpital de Morningside, il consiste :

1° dans l'abolition des murs d'enceinte autour des préaux;

2° dans la suppression des portes fermées dans l'intérieur des

asiles; 3° dans l'extension des congés préalables; par compen-

sation, précision dans l'emploi du temps, enchaînement des

occupations, et vigilance incessante du personnel de surveil-

lance, d'ailleurs fort nombreux.

Le Chapitre VII concerne les asiles d'aliénés criminels.

(Voir une précédente analyse dans les Archives de Neurologie.)

, Charpentier.

132 bibliographie.

III. La Pathologie de l'Esprit; par Henry MAUDSLEY, professeur de

médecine légale à University-collège; traduit par le Dr GFauONT,

ancien interne des hôpitaux.

L'idée fondamentale qui domine le nouvel ouvrage du D°\faud-

sley c'est que la folie constitue un phénomène social et que, pour

en connaitre la véritable nature et la signification, il faut l'étudier

surtout au point de vue des relations qu'elle affecte avec l'orga-

nisme social.

Cette conception de la folie a pour résultat d'en reculer singu-

lièrement les frontières et permet d'un poursuivre la genèse

jusque dans les sphères les plus élevées de la connaissance hu-

maine. L'auteur de « Crime et Folie» est trop connu pour que

nous ayons besoin de dire dans quel esprit son nouveau livre est

écrit : la physiologie et la psychologie expérimentales y ser-

vent constamment de guide à la pathologie dont les phéno-

mènes les plus obscurs sont interprétés à la lumière de ces deux

sciences.

Voici le plan qui a été adopté par Maudsley : il étudie d'abord

l'Etiologie et la Prophylaxie de la folie, ensuite sa Symptomatologie

qui comprend deux parties : celle de la folie proprement dite, et

celle d'un certain nombre de troubles mentaux envisagés isolé-

ment, et enfin son Anatomie pathologique et son Traitement. La

Foliechez l'enfant est l'objet d'une étude spéciale en deux chapitres

consacrés au Sommeil, aux Rêves et à l'Hypnotisme annexés à cet

ouvrage que nous allons essayer maintenant d'analyser rapide-

ment.

Au sujet du sommeil, l'auteur se borne à présenter quelques

considérations intéressantes sur les causes qui le provoquent ou

qui le font cesser, les mauvais effets qui résultent de sa privation

et sur les phénomènes physiologiques et psychologiques qui sont

en relation avec lui. 11 étudie ensuite les rêves qu'il rattache à

la perte de la coordination fonctionnelle des centres cérébraux su-

périeurs et passe en revue les principales conditions qui semblent

en déterminer l'origine et le caractère. Cette étude le conduit natu-

rellement à celle de l'hypnotisme, du somnambulisme, de la léthar-

gie, de la catalepsie, etc. Mais les travaux de M. Charcot ont jeté

depuis quelques années une si vive lumière sur ces questions

qu'elles ont perdu un peu de leur intérêt. Disons toutefois que

Maudsley a su donner de la plupart de ces phénomènes une inter-

prétation exacte; il montre que tous ces états s'accompagnent

d'une abolition de la conscience normale, qu'ils ont tous pour

fondement un tempérament nerveux, d'origine héréditaire et

qu'ils laisseront également après eux un legs nerveux. Il rejette

complètement l'existence des perceptions qui auraient lieu par

bibliographie. 133

d'autres voies que les organes des sens, et passe en revue les causes

les plus susceptibles de faire croire aux prétendues facultés pro

phétiques des somnambules. Cette première partie se termine

par quelques considérations sur le spiritisme, cette nouvelle forme

de superstition, dont il n'a pas de peine à démontrer la complète

inanité.

Les trois chapitres qui suivent sont consacrés à l'Etiologie et à

la; Prophylaxie de la folie ; ainsi que nous l'avons déjà fait entre-

voir, c'est la partie la plus importante de l'ouvrage. Maudsley y

étudie tour à tour le rôle que jouent dans la production des ma-

ladies mentales : l'hérédité normale et morbide, des mariages con-

sanguins, la religion, l'éducation, les conditions de %vie, de sexe,

d'cige, de profession, etc. Il examine en outre l'influence de laca-

vilisution et du paupérisme sur la progression des maladies men-

tales. Il passe ensuite à l'examen des causes directes ou patholo-

giques de la folie : les arrêts ou les vices de développement des

centres nerveux, les modifications cliniques ou physiques de la cir-

culation cérébrale, les maladies qui retentissent par voie réflexe

sur les centres nerveux, et enfin les blessures et les affections du

cerveau y compris certaines névroses telles que l'épilepsie, l'leysté-

rie, ,la chorée, etc. Quant aux prétendues causes morales de la folie

sans nier leur influence, l'auteur anglais pense qu'ils agissent de

la même manière que les causes physiques et qu'elles ne doi\ent

par conséquent pas en être séparées.

On voit par cette simple énumération quelle est l'importance

des questions qui sont traitées dans cette partie de l'ouvrage, il

nous est malheureusement impossible d'entrer ici dans les déve-

loppements qu'elles comportent, et nous nous bornerons à en

reproduire la conclusion générale. On aurait tort, dit Maudsley,

de s'apitoyer sur le sort des fous, ce s'ont des faibles, des êtres

incapables de s'adapter au milieu social et physique, soit héré-

ditairement, soit pour toute autre cause, ils sont destinés à dispa-

raitre et les forts ne doivent pas user leurs forces à soutenir leurs

infirmités privant ainsi le monde des avantages auxquels il a

droit - de la mise en oeuvre de leur puissance supérieure, et il

ajoute. « Bien qu'il soit affligeant de,voir une personne tomber et

se couper le cou, ce serait peut-être une chose plus affligeante

encore si la loi de la gravitation était suspendue pour un moment

dans le but de sauver le cou de cette personne et si l'univers allait

à sa perte ». C'est en somme, comme on le voit, l'application aux

aliénés de la célèbre formule anglaise « struggle for life. »

Après avoir ainsi montré la place que doit occuper la folie dans

l'organisme social, Maudsley aborde l'étude de sa symptomatologie.

Il met pour cette exposition la classification suivante qui est à peu

près la reproduction de celle d'Esquirol :

3t ¡, BIBLIOGRAPHIE.

bibliographie. 135

Les deux derniers chapitres sont relatifs à l'anatomie patholo-

gique et au traitement de la folie.

On sait combien il est fréquent de ne pas trouver de lésions à

l'autopsie d'un aliéné ; d'autre part, lorsque ces lésions existent,

il est presque toujours impossible de saisir le lien qui les unit aux

symptômes observés pendant la vie. Néanmoins, personne ne

doute plus que les maladies mentales ne soient le résultat d'une

lésion primitive des éléments nerveux, lésion probablement mo-

léculaire qui nous échappera tant que nous ne connaîtrons pas

la constitution normale desmolécules nerveuses. Après cette pro-

fession de foi, Maudsley décrit les lésions macroscopiques et mi-

cl'oscopiques des méninges, des vaisseaux et de la substance cérébrale,

qui ont été le plus souvent signalées dans la paralysie gé-

nérale, la manie, la mélancolie, l'idiotie, etc., ainsi que les alté-

rations de l'appareil circulatoire ou pulmonaire auxquelles suc-

combent fréquemment les aliénés.

Au sujet du traitement, l'auteur rappelle que c'est à la doc-

trine chrétienne de la possession par le diable que doit surtout

remontrer la responsabilité des cruautés que l'on faisait autre-

fois subir aux pauvres fous ; il rend justice à la réforme bienfai-

sante de Pinel, introduite en Angleterre par Conolly, l'apôtre du

« no-restraint », et passe en revue les principales conditions affé-

rentes au traitement des aliénés. Il reconnaît la nécessité de

leur placement dans les asiles publics ou privés, et réfute les

accusations injustes dont ceux-ci ont été l'objet aussi bien en

Angleterre qu'en France. Il examine ensuite les avantages et les

inconvénients de la saignée générale ou locale, des pratiques

d'hydrothérapie, etc.

Quant au traitement pharmaceutique, ou sait dans quelles li-

mites il est confiné.

Maudsley étudie les principaux médicaments qui ont rendu

quelques services dans le traitement de la folie : les bromures,

la digitale, la jusquiame, l'hyoscyamine, etc.; mais il combat

l'usage, au moins journalier, des véritables sédatifs du système

nerveux : le chloral et l'opium. Il compare leur action à une es-

pèce de coercition chimique qui s'exercerait sur les éléments

nerveux et qui doit être prescrite au même titre que la coercition

physique et corporelle.

Tel est ce livre dont cette courte analyse ne saurait donner

qu'une faible idée : c'est, en somme, en véritable traité d'aliéna-

tion mentale qui n'est pas moins remarquable au point de vue

philosophique qu'au point de vue purement chimique.

Remercions donc M. Germond qui, par le soin apporté à sa

traduction, a rendu un véritable service au public médical

français. ' DENY.

136 bibliographie.

IV. Lehrbuch der speciellen Pathologie und Thérapie der inneren

K7,aizkheiten' ? par Adolf Struempell. T. Il, 1'" partie, 2e édition.

(Leipzig, in-8°, 1885. F.-C.-W. Vogel, éditeur).

La première partie du second volume du traité de pathologie

interne du professeur de clinique de Leipzig renferme les mala-

dies du système nerveux. Voilà pourquoi son analyse doit prendre

place ici. L'auteur du reste est bien connu du public médical

français. Ses recherches sur la pathologie nerveuse ont été, de

. notre part, l'objet de nombreuses notes dans les Archives de Neu-

rologie; qu'on se reporte par exemple au t. VIII de cette publica-

tion (p. 329, 32-82).

M. Struempell a réussi à faire tenir, en moins de 500 pages,

toute la neuropathologie, sans cesser d'être clair. Son but a ma-

nifestement été de dresser le catalogue complet de nos connais-

sances dans cette branche de la médecine; il a donc éliminé les

discussions relatives aux questions non encore résolues. Sous le

mérite de cette observation, le livre qui nous occupe est fort

recommandable. 11 débute par les maladies des nerfs périphé-

riques, sensitifs ou moteurs; après des considérations générales

d'ordre séméiologique, il passe en revue la symptomatologie de

ces deux genres de conducteurs, non pas simplement en noso-

graphe, mais en anatomo-pathologiste et en clinicien expérimenté.

C'est ainsi notamment que les paralysies toxiques, la crampe des

écrivains, la névrite simple et dégénératrice, la névrite alcoo-

lique, nous ont particulièrement frappé. Le même plan, empreint

du même discernement, a présidé à la rédaction des pages consa-

crées aux névroses vaso-motrices et trophiques.

Les maladies de la moelle sont aussi judicieusement traitées.

M. Struempell en exclut à juste titre la méningite cérébro-spinale

épidémique, qui rentre dans le cadre des maladies infectieuses,

et renvoie, en ce qui concerne les méningites spinales sympto-

matiques aux affections dont elles relèvent. La pachyméningite

cervicale hypertrophique, la sclérose en plaques, la sclérose laté-

rale amyolrophique, l'atrophie musculaire progressive, la para-

lysie spasmodique, la poliomyélite, etc., font briller au premier

rang les Charcot, Vulpian, Duchenne, Aran, Prévost, Jofiroy. Un

chapitre intéressant est consacré à l'ataxie locomotrice hérédi-

taire (maladie de Friedreich). Enfin, l'étude des lésions hémi-

latérales de la moelle (paralysie spinale de Brown-Séquard) scra,

croyons-nous, fort goûtée, grâce aux schémas qu'on y rencontre.

De récents mémoires ont rajeuni la pathologie de la moelle

allongée ; aussi l'exposé des formes rares de la paralysie bulbaire

chronique et de l'ophLl1almoplégie progressive, et le parallèle

établi entre cette affection et l'atrophie musculaire progressive,

ainsi qu'avec la sclérose latérale amyotrophique, constituent-ils

index bibliographique. 137

un élement doctrinaire qui enlève aux tableaux morbides leur

ingrate sécheresse. Les maladies du cerveau bénéficient, elles

aussi, de cet avantage, grâce à la théorie des localisations céré-

brales aujourd'hui familière à chacun de nous (Charcot et l'école

de la Salpêtrière). La syphilis cérébrale mérite encore un chapitre

spécial depuis qu'Heubner, reprenant les études des auteurs fran-

çais et étrangers, a élargi, par l'anatomie pathologique, le

domaine de nos connaissances sur ce point.

Les maladies à substratum anatomique une fois décrites, nous

nous trouvons en présence des névroses. M. Struempell en dis-

tingue dix : 1° L'épilepsie avec son appendice naturel des convul-

sions de l'enfance; 2° la danse de saint Guy ou petite chorée;

3° la paralysie agitante; 4° l'athétose; 5° la tétanie; 6 le tétanos;

7° la myotonie congénitale ou maladie de Thomsen; 8° la cata-

lepsie ; 9° l'hystérie; 10° la neurasthénie. C'est un plaisir de voir

revenir à chaque pas les noms de nos maîtres ; outre que

M. Struempell est impartial, il possède à fonds l'ensemble des

matériaux dont sont issues les notions aujourd'hui si bien éta-

blies dans la pathologie nerveuse. Les indications diagnostiques

très soignées trouvent leur corollaire dans les indications théra-

peuliques et dans les méthodes de traitement usitées ou utiles.

Le style, très accessible, saisit par sa lucidité et sa sobre préci-

sion ; la bonne disposition et la variété des caractères d'impri-

merie forcent l'attention en même temps qu'elles facilitent sin-

gulièrement l'intelligence du texte et la recherche. De bonnes

figures rehaussent l'éclat de la description. P. K.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

La physionomie et l'expression des sentiments ; par P. Mante -

gozja. (Bibliothèque scientifique internationale, 1885).

Case of hysterical hemianesthesia, convulsions and motor paraly-

sis ; par WALTON. (Boston med. and surg. journ., 1884).

A contribution to the study of hysteria beal'ing on the question of

oop/t0)'e ? <om ? par WALLON. (Joum. ofnerv. and ment, diseuse).

Crural symptoms occuring in hysteria and the hysterical elemezt

in crural disease; par BLORF et WALTON, 1884.

Contributo alla dottoina délia teinpc7,alzi,a cefalica; par Bianchi,

MoNTEFuscoet 131FULCO. (La Psichiâtl'ia). Napoli, l 885.

Le andature (Cammino) ; par BIANCIIJ. (Gio1'n. intemz. d. se. me-

diche). Napoli, 1885.

Sulla emicorea sizztomatica; par Blarrcxc. (Medicina contempora-

nea, 4 88).

VARIA

Rapport SUR LES PROGRÈS DE l'assistance des aliénés effectués EN

ALLE11 : 1GNE au MOYEN des asiles pendant ces dernières années; par

LOEIlR.

Ce travail a pour but de soumettre au public le développement

qu'a pris chacun des asiles d'aliénés allemands, et de montrer

que les progrès de tout établissement sont en rapport intime avec

ceux de la psychiatrie dans le pays correspondant. Les matériaux

ont été empruntés aux rapports de la Société pour échange de

documents de cette sorte entre les asiles; ainsi qu'aux renseigne-

ments fournis avec la plus grande complaisance par les collègues'.

Prusse, BRANDEBOURG. - A..., ville de Berlin. La Charité est

resté l'asile de traitement de la ville; cet hôpital sert en même

temps d'établissement clinique. La ville a fait construire un nou-

vel asile à Dalldorf pour essayer de satisfaire aux exigences d'un

asile d'hospitalisation opportun. En même temps, elle passait un

contrat avec la Charité, en vertu duquel cet hôpital servirait de

bureau d'admission pour Dalldorf. La Charité évacue donc à

Dalldorf les malades réputés incurables par les médecins de cet t

hôpital; on les y expédie par voitures, une fois par semaine.

Aussi la clinique a-t-elle sa disposition une riche cellection de

malades. L'année dernière, elle a reçu 1,036 aliénés, alors qu'elle

ne possède que 140 places. On projette d'annexer aux ressauts de

la façade, sous forme de prolongements postérieurs, un quartier

d'isolement pour chaque sexe. Depuis la fin de 4S81, époque à

laquelle on a ouvert à Dalldorf un établissement d'idiots (création

nouvelle) pour ,100 enfants, on n'a procédé à aucune modification

architecturale importante dans cet asile; en 1882, on a dû cons-

truire une porterie à l'entrée du terrain, afin d'en interdire l'ac-

cès aux profanes; on a dû aussi pourvoir certaines sections

d'isolement de transformations destinées à empêcher autant que

i Ce rapport, dont nous exprimons le suc, a été lu par son auteur au

Congrès annuel de la Société des médecins aliénistes allemands, à Leip-

zig, en septembre 1884. Nous en publions l'analyse détaillée à part,

pour décharger d'autant l'analyse du congrès en question, et nous moins

restreindre. P. K.

VARIA. 139

possible les évasions des criminels aliénés proportionnellement

nombreux.

STATISTIQUE RÉSUMÉE DE BERLIN

140 VARIA.

et dégagera les autres asiles, notamment Wittstock. En adoptant

la proportion d'aliénés de 1 : : 1,00\) habitants, il faudrait que le

nouvel asile contînt 600 malades; il comprendrait le traitement et

l'entretien des incurables dangereux et perturbateurs. On y join-

drait une exploitation agricole étendue. Pas de pensionnaires.

Aujourd'hui Eberswalde dessert un cercle de 1,200,000 habitants,

Sorau 700,000; l'asile projeté, d'une superficie de 100 hectares,

desservirait 400,000 habitants. '

Province DE Saxe. Asile, de Nietleben, près Halle. Le direc-

teur actuel a, dans l'été de 1879, obtenu, du comité de l'as-

semblée provinciale une somme de 16,500 marks (20,625 francs)

pour construire un baraquement destiné aux affections intercur-

rentes du quartier des femmes, dont l'état hygiénique était

défectueux ; dans sa cinquième session, il a voté 272,000 marks

(340.000 francs), dans la sixième 197,000 marks (246,150 francs);

enfin la direction régionale a ajouté 12,580 marks (15, 725 francs)

pour frais de crépi, etc. Une grande partie de ces ressources a

été employée à améliorer l'état sanitaire; on a assuré l'épuration

du sous-sol, le désencombrement des quartiers, l'évacuation des

vidanges et leur absorption par le sol, la ventilation, les services

d'infirmerie et leur isolement, l'accès de l'air et de la lumière, le

déversement par les égouts, l'arrivée d'eau en quantité et en

qualité au point de vue des besoins journaliers et des incendies,

la reconstruction des cuisines et de la buanderie, le chauffage à la

vapeur (système Sulzer). Pour préparer ces travaux, il fallut faire

éclater le porphyre dont se compose le sol. L'établissement a été

agrandi de 30 hectares, dans lesquels il faut compter la culture

agricole et horticole; 266 ares 39 centiares sont consacrés à des

jardins potagers par irrigation; dans ce but, on a construit une

remise pour outils. On a ainsi fait disparaître la dyssenterie in-

fectieuse, et l'on a réduit la proportion des affections somatiques.

Le Domaine d'Altscherbitz comprend un territoire de 290 hec-

tares. Acheté en 1876 pour qu'on y construisit un second asile, il a

coûté 975,000 ares (1,218,750 fr.) ; on y commença aussitôt les

travaux. Aujourd'hui 500 malades y trouvent place. Le tiers des

aliénés occupe un établissement central dans le genre des autres

asiles ; les autres, retrouvant les conditions d'une existence libre,

qui correspond à peu près à leurs anciennes habitudes, sont placés

dans une série de maisons d'habitation acquises avec le domaine

ou plus tard, et situées soit dans le} territoire domanial, soit dans

le village, soit enfin dans des maisons de campagne semblables à

des villas, nouvellement construites à quelque distance de l'éta-

blissemeut central, tout près du domaine et du village. Une chaus-

sée coupe le terrain : d'un côté on trouve l'asile central; de l'autre,

est la ferme avec les bâtiments économiques et les locaux exlé-

varia. 141

rieurs des colons. L'asile central se compose de pavillons séparés :

bâtiments d'administration - salle d'autopsie pavillon

d'admission pour chaque sexe quartier d'observation pour les

malades en traitement - section de détention pour agités, mal-

propres, évadeurs lazareth pour les affections intercurrentes.

Seuls, les jardins du pavillon de détention sont entourés de murs;

seules les fenêtres des chambres d'isolement sont grillées; les

fenêtres des pavillons de détention et d'admission sont munies

d'une simple serrure à broche ; quant aux autres bâtiments, il n'y

a que dans les dortoirs des étages supérieurs qu'elles se peuvent

fermer. C'est dans le domaine lui-même qu'existent l'habitation

du directeur, les bâtiments économiques et un local pour les ma-

lades occupés à la laiterie et à l'étable. Tout près, sur un rang, se

voient cuisine, buanderie avec magasins ainsi que les villas des-

tinées aux femmes. De l'autre côté, est le village avec les cons-

tructions qui appartiennent à l'établissement ; tout contre sont les

villas des hommes. Dans le parc, il y a une salle de réunion en

construction, qui doit servir en même temps au culte. Altscherbitz

renferme maintenant 230 hommes et 170 femmes. En 1882. on a

élevé deux villas pour 25 ou 28 malades. En 1883, on a élevé une

troisième villa avec deux pavillons d'admission. Les cuisines ont

été agrandies de même que la buanderie afin qu'elles puissent

desservir un second asile. On a, dans le même dessein, acheté une

maison du village. En effet le terrain de l'établissement sert d'as-

siette a un second asile construit à l'aide de contributions desti-

rées à une fondation en l'honneur des noces d'or de l'empereur.

Cette fondation a pour but l'assistance d'aliénés infirmes non dan-

gereux. Pourvu de son personnel supérieur et inférieur et de ses

fonctionnaires, elle se compose d'un petit bâtiment d'administra-

tion, de deux pavillons pour 60 hommes et 60 femmes; mais elle

est soumise à l'autorité du directeur de l'asile.

Les parents des malades ou des fonctionnaires de leurs pays

peuvent choisir pour eux l'asile qui leur convient. Ils adressent

une demande au directeur de l'asile envisagé, lequel, lorsqu'il a

de la place, est obligé à la réception. On n'exclut d'Altschel'bitz

que les criminels aliénés. Du reste, Nietleben et Altscherbitz ne

suffisent pas. On a dû acheter tout récemment deux asiles privés.

C'est ainsi que depuis octobre 1883 on possède celui de Gal'dele-

gen (de M. Schultze), on y a évacué 20 hommes et 20 femmes de

Nietieben et d'Altscherbitz. On s'est également rendu acquéreur

de l'asile de Liedenburg (de AI. Fontlieim); on y a évacué 45

femmes de Nietleben, on y enverra encore 55 malades de Nietle-

ben et d'Altscherbitz.

Province DE Silésie. - Breslau. Après bien des peines dépen-

sées depuis longues années, nous voyons enfin s'approcher le but.

142 varia.

Les plans de construction d'un asile d'aliénés de la ville sont

exécutés. Le quartier d'aliénés de l'hôpital général contenait

167 places ; en 1883, 855 malades y étaient entretenus. Ce même

quartier sert en même temps à l'enseignement clinique.

Leubus. Pas de modifications architecturales importantes. Le

quartier des pensionnaires, qui occupe une grande partie, la plus

belle partie du magnifique édifice, et qui revendique une certaine

indépendance administrative (démêlés dans les derniers temps)

n'a pas subi de changements.

Bunzlau. Le nombre des malades s'est élevé à 600. En 1882, on

a construit de nouveaux ateliers, Aujourd'hui 15 hectares sont en

culture à la bêche; 9 hectares en culture forestière. En 1883, on a

transformé les bâtiments des agités, des épileptiques, des in-

firmes ; on a maintenant 12 chambres capables de recevoir plus

de 60 malades.

Brieg. Jusqu'en 4880, on y comptait 175 aliénés. En 1880, on

transporte les bureaux, les habitations du directeur et des fonc-

tionnaires supérieurs dans un édifice limitrophe du territoire de

l'établissement acheté par l'administration provinciale. Les cons-

tructions laissées libres par ce déplacement sont adaptées à la ré-

ception de 50 malades, de sorte qu'en 1883, le nombre des places

monte à 223. En 1882, l'assemblée approuve le projet de nouvelles

constructions de Rybnick; elle décide en même temps que les édi-

fices existants serviront exclusivement pour les femmes. On arrivera

à loger 100 hommes en élevant dans le jardin deux nouveaux édi-

fices, soit un lazareth avec section d'agités, ainsi qu'un logis pour

45 malades avec chapelle et habitation du gardien chef (en tout

70 places)- et en adaptant à l'usage de 30 aliénés, une métairie

louée pour 12 ans dans levillage adjacent de Briegischdorf -enfi n

on édifiera une nouvelle cuisine pour tout l'établissement. Celle-

ci est en train depuis un an ; les deux constructions neuves seront

livrées en automne ; on a depuis janvier 1883 pris possession de

la colonie de Briegischdorf. Les 30 hommes qu'on y a placés lais-

sent 30 places de libres dans l'établissement principal. La der-

nière session de l'assemblée provinciale a conclu à l'extension de

cette colonie qui comprendra 25 malades de plus. A ce moment

l'asile entier contiendra 360 aliénés : 135 hommes, 225 femmes.

Ces améliorations permettront de séparercomplètement les sexes.

Maintenant, en partant du bâtiment desfonctionnaires, on aborde

le grand jardin de l'établissement qui n'a que peu perdu à la

construction du service des hommes; on a devant soi, au milieu,

la cuisine et la buanderie, à gauche l'ancien asile (section des

femmes de l'avenir), à droite le nouveau quartier des hommes.

La colonie réalisera un mode d'assistance en liberté par l'agricul-

ture, 2,706 ares 45 sont cultivés. - Kreutzburg et Plagwitz n'ont

varia. 143

été l'objet d'aucune modification pendant ces trois dernières

années.

Malgré l'agrandissement des asiles de Brieg et Bunzlau l'entrée

des malades qui attendent devra être retardée d'un an et demi

pour les hommes, d'un an pour les femmes. Le projet de nou-

velles constructions de Rybnick pour la Silésie supérieure est assez

avancée pour qu'on puisse espérer entrer en possession de l'éta-

blissement dans deux ans.

Province DE PVESTPHALIE. - Hospice de Marienthal près Muns-

ter. De 1880-81, on a commencé à annexer aux locaux éco-

nomiques, une petite colonie destinée à 15 malades; prise de

possession en mai 1881. En 1882, on a prolongé les conduites

d'eau de la ville jusqu'à l'établissement; un des bons effets a été

le rinçage permanent de quelques waterclosets. Le 2 mai 1884,

l'assemblée provinciale applique à Marienthal les mêmes condi-

tions d'admission que celles en usage dans les asiles de Marsberg

et de Lengerich, mais pour le moment on recevra à Marienthal

des malades des deux cultes chrétiens.

Asile de Lengerich. Construction de waterclosets avec irrigation

des prairies. - Asile de Marsberg. Pas de modifications. - Cons-

truction de l'asile-hospice d'Eickelborn, près Benninghausen depuis

1883. II contient provisoirement 200 à 250 lits. Il sera jusqu'à

nouvel ordre administré par la direction de l'assistance publique

de la province.

La province de Westphalie possède donc actuellement trois

asiles de traitement et d'hospitalisation avec un asile d'entre-

tien d'aliénés. Elle peut assister la moitié de ces malades : le

dernier recensement en a décélé 2,500. Elle a essayé par deux

nouvelles institutions d'assurer les besoins de deux catégories

spéciales.

Asile d'idiots ddla1'sberg. Etabli en 188 f, il compte 60à-iO enfants.

Une nouvelle construction, qui date de cet été, porte le nombre

des places à 120-130. Fondé par la Johannes-Verein, il vit au

moyen des contributions des membres de cette société, augmen-

tées de collectes et de secours de la province.

Asile d'épileptiques de Tilbeck près Munster. Il est destiné aux

jeunes épileptiques capables d'éducation; ses ressources sont em-

pruntées à l'assistance privée avec addition des contributions

provinciales. Une caisse de retraites a été fondée en Westpha-

lie pour venir en aide aux veuves et aux orphelins des fonction-

naires de l'État. P. KÉRA VAL.

FAITS DIVERS

Société française DE TEMPÉRANCE. - Programme des prix et

récompenses ri décerner en 1886. Le Conseil d'administration de

la Société, dans sa séance du 5 mai 188ï, a décidé : 1° Que tous

les travaux se rapportant à la tempérance et aux boissons alcoo-

liques envisagées sous le rapport soit de leur composiliou, soit de

leur action sur l'économie, seraient admis au concours; 2° que

des récompenses pourraient être accordées aux travaux imprimés

aussi bien qu'aux travaux manuscrits envoyés à la Société. La So-

ciété ne met au concours aucune question spéciale pour l'année

1886, mais elle appelle particulièrement l'attention des concur-

rents sur la question suivante : Etudier sur un point déterminé

du territoire français (commune, canton ou département), l'in-

fluence de la loi du 17 juillet 1880, d'un côté sur le nombre des

débits de boissons et de l'autre sur le chiffre des condamnations

pour ivresse publique, des morts accidentelles déterminées par

les excès de boisson, des folies et des suicides de cause alcoo-

lique. Une somme de 1,000 fr. sera répartie entre les auteurs

des mémoires couronnés. Les ouvrages ou mémoires devront être

remis au secrétariat général de l'oeuvre, rue de l'Université, 6,

avant le 1" janvier 1886. Pour l'année 1887, la Société met au

concours la question suivante : le Livre des mères; manuel à

l'usage des femmes désireuses de préserver leur famille de l'alcoo-

lisme et de l'ivrognerie. Montant du prix : 1,000 fr. Le concours

pour ce prix spécial ne sera clos que le 31 décembre 1886.

Althaus (J.). - On sclero.sis of the spinal cord : including locomotor

ataxy, spactic, spinal paralysis, and other system-diseases of the spinal

cord : Their pathology, symptoms, diagnosis and treatnaent. Volume in-8°

de 394 pages avec 9 figures. London, 1885. Longmans et C.

FOVILLE. La législation relative aux aliénés en Angleterre et en

Ecosse, rapport de missions remplies en 1881 et en 1883. - Paris, 1885.

Librairie J.-B. Baillière.

111entt·,-Gtnon. - Les aliénés en Savoie. Volume in-8° de 215 pages. Cham-

béry, 1884. - Imprimerie Chatelain. 0

MOREAU (de Tours). Fous et bouffons, étude physiologique, psycho-

logique et historique. Volume in-18"de 275 pages. Prix : 3 fr. 50. Paris,

1885. Librairie J.-B. Baillière.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

fiwevt. 4-il Usm»m..ny - 78.

Vol X. Septembre 1885. N" 29

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PHYSIOLOGIE

SUR LA TENSION DES MUSCLES COMME SUBSTRATUM

DE L'ATTENTION;

Par le professeur SIKORSKI.

Fechner a démontré le premier, que l'acte de l'at-

tention est accompagné d'une sensation de tension qui

ne saurait être décrite, mais qui peut être clairement

définie par voie subjective (bestimmtes nicht zu besclarei-

bendes Gefuehl'). Selon Wundt, il est hors de doute

que cette sensation de tension est une innervation

conçue et qu'elle est, en effet, accompagnée d'une ten-

sion des muscles2. Mais, encore avant Wundt, Herbert

Spencer a répondu d'une manière précise à la même

question. Il compare la pensée à un certain mouve-

ment défini, il la considère comme la manifestation

la plus faible ou, pour ainsi dire, l'état naissant des

1 Fcchner.- Elemenle der psyc/¡op/¡ysik, t. II, p. 475.

2 Wundt. Grurtdzttge der physiologisclien psychologie, Leipzig, 1874,

p. 722.

Archives, l. X. 10 0

146 PHYSIOLOGIE.

mêmes processus nerveux qui ont lieu pendant l'exé-

cution du mouvement'. Les expériences psychomé-

triques, bien connues, pour détermider le temps phy-

siologique (temps de réaction d'Exner), faites par

Helmholz, Dohders, Wundt et d'autres, ont prouvé que

la personne en expérience peut préparer d'avance

l'impulsion au mouvement qu'il lui faudra faire, et

que, grâce à cela, le temps de réaction se raccourcit

précisément du même laps de temps qu'il faut pour le

temps de volonté d'Exner. En d'autres termes : l'acte

de volonté et la tension des muscles qui en résulte se

préparent d'avance, précèdent le moment de l'impres-

sion signalé. Tous les faits mentionnés nous ont auto-

risé à conclure que la pensée il une action quelconque

est infailliblement accompagnée de la tension prépa-

ratoire des mêmes muscles qui doivent se contracter

pendant l'exécution du mouvement même. Il a paru

vraisemblable que cette tension pourrait être soumise

à une recherche objective. C'est l'idée qui m'est venue,

quand j'ai assisté à des expériences connues sous le

nom de la lecture des pensées, expériences qui, dans ces

derniers temps, ont vivement préoccupé à Saint-Péters-

bourg les hommes de science ainsi que la partie du

public qui s'intéresse aux questions scientifiques. J'ai

résolu de vérifier mes suppositions par l'observation.

Les résultats que j'ai obtenus ne sont pas sans intérêt

pour la psychologie physiologique. Une partie de mes

expériences a été faite sur une femme-médecin, lecteur

parfait des pensées.

Comme on le sait, l'expérience de la lecture des

' Herbert Spencer. - Principes de psychologie, t. III, chap. vi (sur la

mémoire).

SUR LA TENSION DES MUSCLES. 147

pensées a lieu dans les conditions suivantes : pendant

l'absence de la personne désignée pour servir de lec-

teur, une ou plusieurs personnes conviennent d'une

simple opération mécanique à faire (par exemple :

s'approcher de la fenêtre, prendre un objet quel-

conque, etc.), ensuite on appelle le lecteur; la per-

sonne qui a décidé ce qu'il doit faire, le touche de

ses mains ; ils se mettent à marcher ensemble dans la

chambre, après quoi le lecteur devine ordinairement

l'opération convenue et l'exécute. Le plus souvent,

deux personnes prennent part à l'expérience : celui

qui a choisi l'opération à exécuter reste les yeux

ouverts, le lecteur a les yeux bandés; c'est ainsi que

ces deux personnes, le suggesteur et le lecteur font un

couple, et le succès dépend de leur action réciproque.

Les problèmes ordinaires ou, pour mieux dire, les

seuls problèmes qui sont absolument solubles consistent

en ce qui suit :

1) On cache un objet quelconque ou l'on enfonce

quelque part une épingle ; et le lecteur doit trouver

la chose cachée ; -,

2) On choisit une personne parmi les assistants, et

le lecteur doit s'approcher de cette personne;

. 3) On choisit un certain objet, et il faut s'approcher

de l'endroit où l'objet se trouve (le reste' se com-

prend) ;

4) Il faut deviner le chiffre, le mot, la figure dont il

a été convenu;

5) Il faut deviner un air musical convenu.

"Les problèmes 1, 2 et 3 sont au fond identiques et

consistent à deviner la direction dans laquelle il faut

marcher, et l'endroit où se trouve l'objet convenu :

148 PHYSIOLOGIE.

-Par conséquent, il s'agit, dans le cas donné, propre-

ment dit, non pas de deviner la personne ou l'objet

choisi, mais seulement l'endroit où il se trouve. Pour

deviner un air musical convenu, il faut dessiner la

place que chacune des notes occupe sur le clavier du

piano. 1.'

Au premier moment 4 et 5 paraissent d'une diffi-

culté inconcevable, mais les conditions dont ne saurait

se passer aucun lecteur, fût-il même d'une expé-

rience aussi incontestable que celle de Bishop les

rendent bien plus faciles. Ces conditions sont :

1) L'air doit être choisi parmi des airs familiers au

lecteur;

2) Le suggesteur doit savoir jouer de l'instrument

sur lequel l'air choisi s'exécute.

Bishop lui-même m'a parlé encore d'une autre con-

dition facilitant le succès, c'est qu'il ne devine ordi-

nairement que les trois premières notes, et, d'après

elles, il en conclut à l'air entier. Par conséquent, il

s'agit ici de reconnaître le tout au moyen des parties,

comme, par exemple, on devine le nom de Pierre

d'après les deux premières lettres pi, si l'on sait

d'avance qu'il s'agit d'un nom propre. L'expérience

consistant à deviner un mot, une rangée de chiffres,

une figure convenus et aussi bien dans des conditions

qui la facilitent singulièrement, nommément : a) Le

lecteur ne peut que les écrire, de même que la note

convenue ne peut qu'être touchée sur l'instrument,

mais ne saurait être ni définie, ni nommée sans l'aide

de l'instrument, etc.; b) Le mot ou la rangée de mots

et de chiffres ne doivent pas être longs ; il ne peut pas

être question de deviner une ligne entière.

SUR LA TENSION DES MUSCLES. 1 19

* Pour éclaircir la question qui nous intéresse, il faut

définir et déterminer psychologiquement, comme je

l'ai fait dans mes expériences, les sphères dans les-

quelles la lecture des pensées est possible, et celles qui

présentent de grandes difficultés ou ne se prêtent pas

du tout à cette opération. Il se trouve qu'on ne peut

lire facilement que les pensées qui supposent un mou-

vement. Cependant la sphère de l'accessible, même

prise dans ces limites-ci, se rétrécit encore considéra-

blement. Les exemples sus-nommés prouvent qu'on

ne peut deviner la chose convenue qu'à deux condi-

tions, savoir : 1° quand le déplacement d'un corps

dans l'espace fait part du contenu du problème (mou-

vements de locomotion); 2° quand des. mouvements de

main font partie du contenu du problème. Sans mou-

vement point de lecture des pensées.

Les faits allégués expliquent beaucoup. Il est évi-

dent que le lecteur, dans une partie de ces expériences

se laisse guider par le mouvement du corps du

suggesteur, et dans les autres, par les mouvements de

sa main, auxquels le corps prend toujours une cer-

taine part.

Les vues générales que je viens d'énoncer peuvent

être expliquées par des exemples, à la description

desquels nous allons passer. Supposons que le pro-

blème donné consiste à s'approcher de la fenêtre qui

se trouve en avant et à gauche du couple faisant

l'expérience. La nature du problème exige que les

impulsions locomotrices (préparées pour le déplace-

ment vers l'endroit indiqué) entrent dans la compo-

sition de l'acte d'attention du suggesteur. Supposons

que le lecteur, ne connaissant pas le but, fasse un

150 PHYSIOLOGIE.

premier mouvement à droite, c'est-à-dire dans la direc-

tion contraire du but, alors il doit à l'instant même

se heurter contre un système de tensions locomotrices

préparées de la part du suggesteur, et s'il ne tourne

pas de suite, il doit peu à peu dévier de la route prise

d'abord, parce que, à chaque nouveau mouvement

faux, il rencontre ces tensions qui le font, finalement,-

entrer dans le courant des mouvements du suggesteur.

Chaque mouvement du lecteur dégagera de la part du

suggesteur des impulsions préparées d'avance dans

l'exemple donné des impulsions aux mouvements

vers la fenêtre, et ces impulsions seront. perçues avec

avidité par le toucher du lecteur aux yeux bandés.

Par conséquent, le fond de l'action réciproque que

nous décrivons consiste en ce que le suggesteur se

trouve continuellement dans un certain état d'équilibre

musculaire, prêt à tout moment à passer à un mouve-

ment déterminé, et que le lecteur, par ses mouve-

ments, le fait sans cesse sortir de cet équilibre, par

quoi il obtient les conditions nécessaires pour décou-

vrir les mouvements préparés du suggesteur, - ce qui

se passe d'une manière inconsciente pour la plupart.

Si le lecteur a trouvé par hasard la direction juste, sa

locomotion coïncidera avec celle du suggesteur,

comme c'est le cas avec un couple de danseurs, et il

n'y aura point de pression exercée par l'un sur l'autre.

En cas de désaccord des mouvements, le lecteur se

heurte contre le mouvement préparé du. suggesteur

qui devient obstacle. Comme je viens de le dire, la

masse non interrompue de ces obstacles fait entrer

peu à peu le lecteur dans le courant des mouvements

intentionnés du suggesteur. Votre sensation subjec-

SUR LA TENSION DES MUSCLES. 151

tive, si vous jouez le rôle de lecteur, ne manquera

pas de vous en convaincre. Le sentiment du lec-

teur, guidé par le suggesteur, entre bientôt dans un

état de dépendance, vu que l'attention du suggesteur

est tendue, sa vue agit et il a un but déterminé ; le

lecteur se trouve dans le cas contraire; voilà pourquoi

sa soumission rapide devient inévitable, d'autant plus

que le lecteur se déconcerte bientôt après le commen-

cement des mouvements, perd la conscience de l'en-

droit où il se trouve et ne peut s'orienter que diffici-

lement. Mais ici se présentent deux questions spéciales,

qui sont d'une gravité extrême pour arriver à une

solution décisive.

Pourquoi le lecteur ne sent-il pas de choc, mais

seulement une certaine tension ou un obstacle insai-

sissable ; et pourquoi, d'un autre côté, le suggesteur

est-il convaincu qu'il ne donne aucune indication au

lecteur, en général, qu'il ne manifeste pas sa volonté

d'une manière active, qu'il ne violente pas le lecteur ?

En d'autres termes, pourquoi chacun des deux

éprouve-t-il le contraire de ce qui est ? Ce fait para-

doxal se compose de plusieurs moments.

1) Le lecteur ne sent pas de choc, mais une pression

continue ou une « indication de volonté)), parce que la

force de contraction musculaire du suggesteur et la

résistance que ses muscles opposent à la main du lec-

teur grandissent parallèlement aux mouvements de la

main de ce dernier, tout de même que la tension

de nos muscles est proportionnée à la violence du

vent et de ses coups ; si la direction de notre marche

est contraire à celle de la pression aérienne, nous ré-

sistons au vent sans chocs, en marchant d'un pàséga..

152 PHYSIOLOGIE.

2) Le suggesteur ne perçoit pas ses contractions

musculaires comme étant actives, comme dépendant

de sa volonté, en premier lieu, parce que ses mouve-

ments se manifestent indépendamment de lui, et tout

à fait involontairement, sous l'influence des' mouve-

ments du lecteur. A proprement parler, le suggesteur

ne fait pas de mouvements; il ne fait que remettre ses

membres dans le même état d'équilibre, dont les mou-

vements du lecteur viennent de le faire sortir; c'est

pourquoi, en toute conscience, il peut se regarder

comme non actif. La conviction subjective du sugges-

teur concernant sa passivité a, outre cela, une base

psychologique indubitable dans le fait, qu'entre l'acte

de volonté ayant préparé le mouvement et l'exécution

de ce même mouvement se passe un laps de temps

indéfini, plus ou moins long, pendant lequel la

conscience du suggesteur est préoccupée d'une quantité

de perceptions courantes, de manière que la liaison

immédiate entre l'acte de volonté et le mouvement

s'efface dans l'esprit.

3) Enfin, il résulte des conditions mêmes dans les-

quelles l'expérience a lieu (l'attention du lecteur tour-

née vers le suggesteur) 'qu'une certaine adaptation réci-

proque s'établit entre le lecteur et le suggesteur,

adaptation semblable à celle qui existe entre l'obstacle

que l'eau offre à la rame du rameur et la tension des

muscles de ce dernier. C'est la raison pour laquelle le

suggesteur et le lecteur se sentent subjectivement libres

et indépendants ; chacun d'eux juge son rôle au point

de vue subjectif, psychique, et non pas au point de

vue objectif physiologique.

Dans l'expérience consistant à deviner un nombre,

SUR LA TENSION DES MUSCLES. 153 3

un mot ou une figure convenus, l'acte de volonté pré-

paré d'avance peut être reconnu avec encore plus de

clarté. Deviner une figure convenue est un' problème

analogue à celui de deviner des lettres et des chiffres.

Il s'agit de tracer différentes lignes courbes comme

dans les chiffres et les lettres. Une des conditions

de l'expérience veut que le lecteur écrive ce dont le

suggesteur est convenu, évidemment, dans l'esprit

du suggesteur doivent naître les contours ou les signes

écrits répondant au mot, à la figure ou au chiffre

choisis, et son bras droit doit être tout prêt à exécuter

le choc locomoteur préparé pour les rendre par écrit.

C'est ce qui a été entièrement confirmé par l'observa-

tion. Je vais décrire en détail, par quelle voie je suis

arrivé à résoudre cette question expérimentalement.

J'ai conclu comme suit : si je propose de choisir l'un

des deux chiffres 1 ou 7, l'innervation préparée par

la personne se manifestera, dans le premier cas, par

la tendance de faire un mouvement de bras en avant,

tandis que, dans le second cas (c'est-à-dire quand le

nombre choisi est 7), le premier mouvement doit être

un mouvement d'abduction pour tracer la première

ligne horizontale. Ayant proposé ce problème à la

femme-médecin, mais sans lui communiquer mon plan,

je me suis mis à tenter la tension des bras dans diffé-

rentes directions. En tenant de ma main gauche le

bras droit de la personne en expérience (au poignet

même), j'essayai à plusieurs reprises de mouvoir le

bras dans le sens d'abduction et d'adduction, et je m'a-

perçus que le bras exécutait ces mouvements opposés

avec la même facilité. Alors j'essayai d'avancer le bras

et de le retirer, et je me convainquis à l'instant de

154 I· PHYSIOLOGIE.

l'existence d'une tension évidente dans cette direction,

d'où je conclus l'intention secrète d'écrire 1, et ma

conclusion se trouva être juste. Je continuai les expé-

riences avec ces deux chiffres mentionnés et rencontrai

bientôt des conditions qui me prouvèrent clairement

qu'on avait choisi le chiffre 7, c'est-à-dire que je res-

sentis une grande raideur du bras en essayant de le

déplacer à droite ou à gauche, comme si j'avais affaire

avec un membre en état de contracture. Il était évi-

dent quelle bras s'était préparé à tracer la ligne supé-

rieure du chiffre 7; de l'existence de cette ligne je

conclus le reste. Ayant fait plusieurs essais sur plu-

sieurs personnes et même sur des enfants, j'appris à

deviner assez bien les nombres 1 et 71. Après cela, je

passai à 0. Je proposai de choisir l'un des trois

chiffres 1, 7, 0, et je commençai par essayer si les

chiffres choisis n'étaient pas peut-être 7 ou 1, après

quoi je fis un mouvement rapide, qui formait la diago-

nale des deux premiers mouvements d'essai, et alors il

devint facile de déterminer dans quelle direction la ré-

sistance rencontrée était la plus forte. Si le maximum

de résistance se manifestait pendant que je traçais la

diagonale, j'en conclus que le chiffre choisi était 0. Le

succès justifia mes suppositions. Alors je passai aux

lettres N et 0. Je devine la première d'après l'existence

des indices qui répondent au chiffre un et la dernière

d'après les indices qui correspondent à zéro. J'ai

appris à deviner le chiffre 4 en partant du chiffre 9 , et

' Pour le commencement de ces exercices, je conseillerais de proposer

au suggesteur de choisir l'une des deux figures+ ou et, ayant appris

à dessiner celles-ci, de passer il d'autres figures régulières, comme par

exemple : au cercle, au carre, etc. ; - les lettres et les chiffres sont diffi-

ciles pour commencer.

SUR LA. TENSION DES MUSCLES. 155

à cette occasion, je me suis convaincu de la difficulté

relative de cette opération, vu qu'il était très facile de

confondre ces deux chiffres, puisqu'ils commencent

par la même ligne; alors j'eus l'idée d'exiger que le

suggesteur fixât son attention sur l'intérieur vide d'un

carré tracé et qu'il se représentât vivement le chiffre

choisi, écrit dans le carré. Il se trouva que, dans des

circonstances pareilles (il est connu que Bishop a

recours au même expédient), les mouvements du bras

devinrent bien plus précis, certainement sous l'in-

fluence des mouvements associés du bras et des yeux,

qui a lieu dans ces conditions. Bref, le bras travaille,

dans ce cas,-sous la direction des yeux. Dès que j'eus

introduit cette condition, toutes les opérations pour

deviner le chiffre convenu se trouvèrent sensiblement

facilitées, et il devint possible de distinguer presque

infailliblement le chiffre 4 de celui de 1. Dès que le

suggesteur fixe ses yeux sur le carré, il offre une plus

grande résistance au déplacement du bras, en cas où

le chiffre choisi est celui de 4, et la mobilité du bras

même devient bien minime, comme s'il craignait de se

laisser aller à tracer une ligne qui remplirait le carré

de haut en bas. Au moyen de cette mobilité minime,

je distingue le chiffre 4 de celui de 1.

Pour m'exercer, je composai des rangées déchiffres

dans le genre de ce qui suit : 1704, 7104, 0174, 4170,

4071, 4017, 4710, et je proposai au suggesteur de

choisir, selon son goût, l'un ou l'autre de ses nombres

et me mis à éprouver le bras. Ces exercices achevèrent

d'éclaircir le principe de la lecture des pensées. Voilà

comment je m'y prends pour deviner le chiffre 3 :

m'étant convaincu de l'existence de la ligne horizon-

156 PHYSIOLOGIE. SUR LA TENSION DES MUSCLES.

tale supérieure, je déplace subitement le bras du sug-

gesteur pour m'assurer de l'existence d'une tension

musculaire dans une direction perpendiculaire à la

première ligne. Si l'obstacle rencontré se manifeste à

un degré moyen, cela indique la ligne plus longue du

chiffre 7, tandis qu'une forte résistance du bras

qui paraît craindre de se déplacer indique une ligne

plus courte, c'est-à-dire répond à la ligne perpendicu-

laire du chiffre 3. Quant à l'existence de l'autre moitié

du chiffre, c'est-à-dire de la ligne courbe qui en forme

la partie inférieure, j'y arrive par un simple syllo-

gisme.

Il me paraît inutile de continuer la description de

ces opérations. Tout l'exercice m'a pris quelques

jours. Il est facile de deviner les lettres en suivant la

voie indiquée pour deviner les chiffres. J'ai essayé

aussi de deviner une figure voulue; pour arriver à ce

but, j'ai dessiné plusieurs figures plus ou moins dis-

semblables, mais de la même grandeur, supposons

plusieurs profils de visage tournés du même côté,

mais se distinguant l'un de l'autre, par exemple : par

la forme du nez (nez pointu, gros nez), et j'ai proposé

d'en choisir un, que je parvenais à deviner.

Il me reste à parler de l'état psychique des per-

sonnes prenant part à l'expérience. La première ques-

tion qui se présente, c'est de savoir si le lecteur ne se

trouve pas dansun de cesétats, pendant lesquels la cons-

cience est oppressée et la sensibilité aux impressions

extérieures se trouve élevée, comme c'est le cas sous

l'hypnose. Les observations que j'ai faites m'amènent

à la conclusion contraire. Il y a des personnes, en

effet, que ces expériences mettent dans un état d'agi-

DE LONOMATOMANIE. 157

tation, surtout lorsqu'elles ont recours à des procédés

inutiles, absurdes, par exemple : lorsqu'elles baissent

la tête, lorsqu'elles se balancent, etc.; mais, chez la

femme-médecin, je constatais un calme complet,

comme si elle était à un travail. Je m'occupe aussi de

la lecture des pensées sans éprouver la moindre agi-

tation.

J'ai démontré des expériences de lecture des pensées

avec un succès complet, dans la séance de la Société

des psychiâtres à Saint-Pétersbourg, le 27 décembre

1884. Les expériences ont été faites sur des membres

de cette société.

PATHOLOGIE MENTALE

DE L'ONOMATOMANIE;

Par MM. CHARCOT et MAGNAN.

Par l'expression Onomatomanie nous n'entendons

pas désigner une espèce pathologique nouvelle, nous

désirons simplement attirer l'attention sur un groupe

de symptômes dans lequel le mot ou le nom jouent un

rôle prépondérant ; ces troubles psychiques s'observent

habituellement chez des sujets très élevés dans l'échelle

des dégénérescences mentales (les simples déséquili-

brés), et constituent un des syndromes épisodiques

de la folie héréditaire.

158 pathologie mentale.

Pour que la préoccupation du mot surgisse au point

de provoquer l'angoisse, que cette préoccupation repose

sur une recherche pressante et active du mot, sur une

obsession ou une impulsion, il faut nécessairement,

nous le verrons, un terrain de choix. Ce syndrome de

même que la folie du doute, l'inversion du sens gé-

nital, les anomalies sexuelles, la terreur des épingles,

la folie des antivivisectionnistes, la dipsomanie, etc.,

ne peut se développer que chez les seuls prédisposés.

Tous ces états si nombreux, si variés, confondus

sous les titres de folie avec conscience, folie raison-

nante, manie sans délire, pseudo-monomanie, etc., ne

sont que les stigmates psychiques de la folie héréditaire.

Aussi, ces syndromes épisodiques peuvent-ils être

déterminés par les causes les plus insignifiantes : le

souvenir d'un simple fait divers peut faire naître la

recherche angoissante du nom ; un coup de tonnerre

amène, comme chez un malade de M. Blanche, la

crainte du phosphore; la chute sur la table d'un corps

métallique suffit à provoquer la terreur des épingles.

Mais ce n'est là assurément que la goutte d'eau faisant

déborder le vase; derrière la cause prochaine, souvent

banale, se trouve toujours la cause éloignée, la prédis-

position ; le sujet était mûr pour l'éclosion de pareils

accidents.

Pour bien comprendre le rôle que peut jouer le

mot dans les préoccupations des héréditaires, il faut

examiner les principales situations qu'il peut créer :

1° la recherche angoissante du nom ou du mot;

2° l'obsession du mot qui s'impose et l'impulsion irré-

sistible à le répéter; 3° la signification particuliè-

rement funeste de certains mots prononcés dans le

DE L'oNU\I : 1T0111ANIE, 159

cours d'une conversation ; 4° l'influence préserva-

trice de certains mots; 5° le mot devenu pour le

patient un véritable corps solide indûment avalé, pe-

sant sur l'estomac et pouvant être rejeté par des efforts

d'expuition et le crachement. Dans tous ces cas,

le malade a une entière conscience de son état; il re-

grette et déplore, dit-il, ces idées absurdes, mais il

n'en reste pas moins l'esclave de ces bizarreries.

Etudions d'abord les faits se rattachant à la recherche

angoissante du nom ou du mot.

Observation I. Hérédité morbide ; - dégénérescence men-

tale, déséquilibration dès l'enfance; à dix-huit ans accès mélan-

colique.- Plus tard, perversions sexuelles.-Recherclzes angois-

santes du mot. Recherche angoissante du nombre. - Rires et

pleurs involontaires analogues aux tics. Boutes sur l'Infini.

Périodes dépressives irrégulières dans tout le cours de la vie;

tendances au suicide dans les dernières années.

M. S..., âgé de soixante ans, que nous avons vu avec notre

distingué confrère M. le Dr Derlon, est très inégal, très irré-

gulier de moeurs et de caractère ; il a gaspillé sa fortune et n'a

jamais pu se livrer à une occupation suivie. Son grand-père,

paternel qui passait pour un homme bizarre et original, avait

fait bàtonner un de ses fils pour le punir d'avoir projeté une

mésalliance. Son père avait une grande passion pour le jeu;

toutefois il occupait dans l'armée un grade supérieur et s'était

fait remarquer par sa bravoure. Un oncle paternel était mort

fou ; une soeur avait été prise d'accès maniaque à la suite de

couches et une seconde soeur, délirante chronique, est encore

dans une maison de santé.

A dix-huit, ans M. S... éprouve un accès de mélancolie qui

dure deux mois. Il avait depuis longtemps déjà contracté des

habitudes d'onanisme, il se livre plus tard à la pédérastie et

s'adonne au coït debout. Depuis cette époque jusqu'à soixante

ans, il a traversé des périodes irrégulières de dépression aux-

quelles se sont ajoutées, dans les dernières années, des idées de

suicide.

Au mois d'avril 1884, il rencontre dans l'avenue des Champs-

160 PATHOLOGIE MENTALE.

Elysées, un monsieur qu'il avait connu pendant un voyage à

Rome, il s'arrête, cause avec lui et aprèsl'avoir quitté, il cherche

à se souvenir de son nom ; n'y parvenant pas, il essaye de penser à

autre chose; mais, loin de réussir, le besoin de retrouver ce nom

s'impose et devient pressant ; obsédé il fouille vainement dans

sa mémoire, il éprouve un très grand malaise, il se sent

oppressé, serré à l'estomac; son visage se couvre de sueurs, ses

mains sont froides et, craignant de s'évanouir, il s'empresse de

rentrer chez lui, se lamentant, se désolant, parcourant à

grands pas son appartement dans un étal d'angoisse extrême.

Quinze jours après, étant en soirée, il aperçoit un ancien

camarade qu'il n'avait pas vu depuis plusieurs années, ils s'en-

tretiennent longuement ensemble, puis il se retire. De retour

chez lui, M. S ? qui ne s'est pas souvenu du nom du cama-

rade, le cherche d'abord, se remémore diverses circonstances

qui pouvaient l'y aider, mais sans succès ; il s'efforce de se dé-

barrasser d'une pareille fantaisie : c'est vainement, l'obsession,

de plus en plus pressante, ne laisse place à aucune autre pensée;

il ne peut se coucher, il pleure, gémit, s'agite et, accablé, il

finit par se laisser tomber sur un canapé dans le plus violent

désespoir. Le repos n'arrive qu'avec la découverte du nom.

A partir de ce moment, il est constamment sur le qui-vive,

préoccupé du nom et du prénom des personnes avec qui le

hasard le met en relations, les cochers, les marchands, les

fournisseurs, etc. Il s'empresse, dès qu'il a vu quelqu'un, d'ins-

crire le nom sur un feuillet de papier et se sent alors tran-

quille. Peu à peu, cependant, le champ de ses recherches

s'étend et il est poussé à demander le nom d'inconnus, de gens

qu'il rencontre dans la rue, puis encore le nom de personnes

qui passent en voiture, puis enfin des voyageurs que contient

un train de chemin de fer qui siffle devant lui. L'impossi-

bilité de réaliser de tels désirs, le désole, l'exaspère, le rend

furieux et le force à ne regarder personne dans les rues ou à

chercher les lieux solitaires, puis enfin à se confiner dans son

appartement.

Au bout de trois mois, l'obsession du nombre s'ajoutant à

l'obsession du mot, M. S... se voit de plus en plus tourmenté,

et sa vie devient de plus en plus pénible. Il compte tout ce qui

lui est servi à table, il dresse à chaque repas un tableau sur

lequel sont indiqués le nombre de morceaux ou de bouchées

de pain, de viande, le nombre de cuillerées d'eau, de vin, de

DE LONOVIATO\I1\IE. 161

lait qu'il va prendre. Pour le lait, il compte le nombre de

gouttes contenues dans une cuillerée, et le nombre de cuil-

lerées dans une tasse. Pourquoi se livre-t-il à ce calcul ? 11 n'en

sait rien, dit-il, c'est ridicule, mais il doit le faire. Si on lui

sert une tomate, il s'empresse de compter le nombre de

graines qu'elle renferme ; il en est de même pour les pommes,

les poires.

Un jour, il avait mangé vingt cerises, mais il n'avait re-

cueilli que dix-neuf noyaux; il cherche le vingtième de tout

côté. Ne le découvrant pas, il pense qu'il l'a probablement

avalé. Dès le soir, il fouille dans les garde-robes et passe la nuit

à pétrir fiévreusement entre ses doigts les matières fécales. Il

se lamente de l'insuccès de ses recherches. Sur les instances de sa

famille, il se couche quelques heures vers le matin après avoir

consenti à faire un grand lavage. Il se relève pour se présenter à

la chaise, et. l'évacuation obtenue, il recommence, avec plus

d'ardeur encore; la recherche du vingtième noyau qu'il finit

par trouver le soir seulement, après une nouvelle déjection. 11

se calme alors, prend un bain, se couche et passe une bonne

nuit.

Il pousse, par moments, sans cause appréciable, de grands

éclats de rire qu'il ne peut réprimer ; quelquefois aussi il se

sensibilise et pleure sans motifs. Par crainte de ces obses-

sions, il refuse absolument de sortir et manifeste des idées de

suicide. Enfin, depuis quelque temps, il devient très méticu-

leux, il collectionne des débris de toute sorte, des épluchures,

des morceaux d'os, des allumettes, des bouts de cordon et de

fil, des vieilles plumes, etc. Il ne veut pas, dit-il, avoir à se de-

mander ce que sont devenus ces objets, il fait tous ses efforts

pour éviter de telles questions, l'idée de Y Infini le jette, ajoute-

t-il, dans le doute et l'effraie.

Cette observation est un exemple frappant de la

multiplicité des troubles cérébro-spinaux auxquels peut

successivement être soumis le dégénéré héréditaire.

En effet, toujours, mal équilibré, dès dix-huit ans,

surgit brusquement un trouble général de l'intelligence,

un accès de mélancolie de courte durée, et de temps il

autre, depuis cette époque, se produisent des périodes

.mcuuL, t. X. 1 1

162 pathologie mentale.

dépressives s'accompagnant parfois d'idées de suicide.

Plus tard, se montrent des perversions sexuelles; plus

tard encore, des accès de rires ou des pleurs qui s'im-

posent à la façon de tics.

L'obsession du mot, l'obsession du nombre se déve-

loppent successivement, puis enfin arrivent le doute

et les interrogations sur l'Infini. Ce sont là tout autant

de syndromes épisodiques réunis dans ce cas chez le

même sujet, mais qui peuvent, nous le verrons, se

montrer isolément, comme troubles distincts, chez dif-

férents individus.

Dans' le fait suivant, le syndrome est plus limité. Il

s'agit d'une dame de Lorient, sur laquelle notre ex-

cellent collègue, M. le Dr Le Diberder, ancien interne

des hôpitaux de Paris, nous a demandé notre avis.

Voici en quelques mots l'observation :

Observation IL. Névralgie intercostale; préoccupations

hypochondriaques; - chagrins violents ; besoin irrésistible de

retrouver des mots ou des phrases; angoisse, désespoir jusqu'à la

découverte des mots.

Mme X..., âgée de trente-cinq ans, d'un tempérament très

nerveux, mais dontles antécédents héréditaires ne nous sont pas

connus, avait été affectée d'abord d'une névralgie intercostale

très douloureuse; vivement préoccupée, M-11 X... s'était ima-

giné que cette douleur était due àun commencement de cancer.

Toutefois, il n'a plus été question de cette grave maladie une

fois la névralgie guérie. Peu de temps après, à la suite d'un

violent chagrin, de la perte à peu d'intervalle de son père et

d'un de ses frères, elle est devenue triste, moins active, obsé-

dée d'abord- d'une façon intermittente, puis, au bout de quel-

ques mois, presque constamment, du besoin de rechercher des

mots ou des phrases prononcés quelquefois depuis plusieurs

semaines. Quand il lui arrive de ne pas retrouver prompte-

ment ces mots, elle gémit, se lamente, elle est prise de sueurs,

de l onomatomanie. 163

de tremblement et avec l'expression de la plus vive anxiété

elle ne cesse de répéter : «Je ne pourrai donc jamais retrouver

cela, que vais-je devenir ? Je voudrais être morte/ je suis

folle et vous allez m'enfermer, etc. » Elle néglige son intérieur

se désintéresse de tout, même de son- enfant ; elle passe ses

journées à réfléchir pour retrouver les souvenirs parfois les

plus futiles. Ses recherches ne cessent même pas la-nuit et le

sommeil est devenu' rare et agité.

En présence de personnes étrangères, elle peut maîtriser ses

obsessions, le calme se rétablit en apparence et l'on .ne se

douterait point du trouble profond dont elle est l'objet. Elle a,

d'ailleurs, parfaitement conscience de son' état, et par instants/

elle déplore son impuissance à ne pouvoir résister à d'aussi- ri-

dicules' obsessions.

Observation III. Mère très émotive. Dèséquilibration men-

tale. Période 'dépressive et accès de délire alcoolique avant la

recherche angoissante du nom. - iJ1 eSUl'es de prévoyance : cahiers;

Bottin. Recherche angoissante des physionnomies et des

traits.

M. L..., âgé de quarante-six ans, qui nous a été adréssépar

M. le Dr E. Collin, médecin inspecteur de Saint-Honoré-les-

Bains, est fils d'une mère très nerveuse, irritable, pleurant

facilement et se mettant, à la moindre contrariété, à' trembler

de tous ses membres. Quant à lui, toujours nerveux, émotif, il'

a été pris, peu de temps' après son mariage, sans motifs appa-

rents de tristesse, de découragement, d'insomnie pendant six

mois.

En 1881, il a éprouvé, pendant quelques jours, un accès de

délire hallucinatoire : il voyait' des personnages défiler devant'

ses yeux, il entendait des chants, parfois des menaces, il était

inquiet, effrayé et dormait mal. Tout a disparu assez rapide-

ment. Il buvait à ce moment du viri blanc le matin' et parfois

des liqueurs. En 1882; il éprouvé poùrla première' fois l'irré-

sistible besoin de chercher des noms.

Etant venu'à Paris pour ses affairés, et se reposant au café, il

avait lu dans un journal' un fait divers dans lequel il était'ques-

tion d'une petite fille qui, après avoir glissé dans la rué de Pro-

vence, était tombée dans un égout en réparation. Il nb connais-

sait nullement la famille de cette enfant, et le fait eh lui-même

l'intéressait médiocrement. Il reprend le chemin de fer et rentre

164 PATHOLOGIE MENTALE.

chez lui; le soir il se couche comme d'habitude, sans le moindre

incident. Au milieu de la nuit, il s'éveille et la lecture du fait

divers lui revient à l'esprit ; il cherche à se rappeler le nom de

la petite fille. Ce nom ne venant pas, il s'efforce de ne plus y

penser et de dormir, mais c'est vainement ; le besoin que rien

n'explique de trouver ce nom est impérieux et le force à

réfléchir et à chercher. Il se retourne plusieurs fois dans le lit,

s'assied, réveille sa femme, gémit et, la tète dans les mains,

cherche le nom qui ne vieut pas. Tout à coup il saute hors du

lit, pâle, angoissé, couvert d'une sueur froide il se sent, dit-il,

comprimé, sa poitrine est resserrée comme dans un étau, sur-

tout du côté gauche, il ne peut respirer, il étouffe, il se

lamente, parcourant la chambre en se désolant et passe ainsi

le reste de la nuit dans la plus vive anxiété. Dès le matin, on

va chercher un journal, il voit le nom « Georgette », éprouve

aussitôt un immense soulagement et se sent guéri. Quelques

temps après, la même scène se reproduit à propos du nom d'un

ami, et comme la première fois, la crise finit avec la découverte

du nom.

A partir de ce jour, la recherche du nom devient plus

pressante, il est obsédé et se voit dans la nécessité de retenir

tous les noms qu'il entend ; il se munit alors d'un petit

cahier et s'empresse de noter successivement les noms qu'il

craint de ne pas se rappeler. Dans ce cahier, il classe les noms

par groupes ; les noms de commerçants, de députés, de fonc-

tionnaires ; les noms de ville, etc. Dans une lettre qu'il nous

écrivait à cette époque, il dit lui-même : « J'ai la manie de

chercher des noms dont je n'ai pas besoin, ou de trouver ce-

lui d'une personne que j'ai connue ». Bientôt aux noms de

personne, s'ajoutent les noms de choses et les préoccupations

de M. 1 ... augmentent d'autant; puis encore ce sont des

phrases, des pensées dont il doit se rappeler; il se voit alors

obligé de fuir la société, d'éviter les conversations ; toutes ses

habitudes sont changées et il n'a du repos ni le jour ni la nuit.

Parfois le rêve lui-même devient l'occasion de nouvelles re-

cherches et, pour les éviter, dès qu'il se réveille, il s'empresse

de noter les incidents du rêve. Les pensées ou les noms qu'il

cherche à se rappeler se rattachent le plus souvent à différents

actes de la vie ordinaire, et c'est ainsi qu'il est amené à ne plus

oser embrasser ses deux filles, par crainte d'avoir à se souvenir

soit des paroles entendues, soit des pensées qu'il aurait eues à

DE 1,'ONONI 165

ce moment. Dans les rues, il baisse la tête, ferme quelquefois

les yeux pour ne voir ni les noms, ni les enseignes sur les

devantures ; il ne lit strictement que ce qui lui est indispen-

sable, et à la fin, pour plus de sécurité, il ne voyage plus qu'avec

un Bottin. A diverses périodes il a été poussé à se rappeler des

airs qu'il avait entendus chanter ou jouer et, pour rien au

monde, il n'eût voulu assister à une représentation au théâtre,

pas plus qu'il n'eût voulu entendre un discours.

Pendant quelque temps, ce besoin de se souvenir s'est

étendu même aux physionomies et aux images. Une. femme

entre un jour dans son magasin pour faire une empiète, il la

regarde comme les autres clientes; mais, dès qu'elle estsortie,

il a eu, dit-il, comme un pressentiment et, s'adressant à sa

femme, il ajoute « Voilà une tête qui, je le crains bien, va me

faire de l'ennui. » Ceci se passait à dix heures. A midi et dem

il cherche à retracer dans son esprit les traits de cette femme.

Ne pouvant passe rappeler l'image, il s'inquiète, cherche s'an-

goisse et se sent comprimé comme pour les noms. Il n'a pas

pu diner, il ne s'est pas couché ; il pleure, gémit, se lamente

jusqu'à quatre heures du matin où subitement, comme une

apparition, raconte-t-il, il a pu retrouver dans son esprit

l'image et les traits de cette femme. Aussitôt, il se calme et il

peut dormir. La photographie eût suffi, dit-il, à conjurer tout

ce malaise. Une autre fois, ne pouvant se rappeler la physio-

nomie d'une autre cliente, il s'est empressé de faire cinq kilo-

mètres pour la revoir et il a pu de la sorte éviter une grande

crise.

Cet état a duré deux ans, avec des alternatives d'aggravation

et d'amélioration, et il a cessé après un changement complet

d'hygiène, après des exercices physiques, de longues prome-

nades, du jardinage et après un traitement hydrothérapique

de trois mois régulièrement suivi dans un établissement.

Les premiers jours, il ne quittait pas son petit cahier d'ins-

cription, il le tenait même à table devant tout le monde à côté

de l'assiette et prenait des notes sur tout ce qui se disait. Au

bout de quinze jours, il s'est mis à table sans cahier, puis il

est resté plusieurs heures dans une journée sans écrire, puis

enfin il a cessé toute inscription pendant des journées entières;

les recherches sont devenues de moins en moins pressantes et

M. L... est arrivé insensiblement à se débarrasser de toute

obsession.

166 pathologie mentale.

. Depuis un an environ, la guérison se maintient.

Toutefois, il est très probable que sous l'influence soit

d'une cause morale vive, soit de fatigues, soit d'excès

ou de toute autre cause, il se produirait de nouveaux

troubles. M. M..., en effet, est un prédisposé chez

lequel il a suffi des fatigues du mariage et plus tard

d'un écart de régime pour voir se développer tout

aussitôt un accès de dépression mélancolique et un

délire hallucinatoire très actif, puis l'obsession des

noms et des figures. Le terrain est chez lui bien pré-

paré, et la porte reste ouverte a,.tout ,le cortège d'ob-

sessions et d'impulsions qui accompagnent le dégénéré

héréditaire. ' ' \ '

. , -,

Les deux faits suivants montrent le syndrome à l'état

de simplicité ; mais l'obsession du mot était-elle' isolée ?

Nous ne pouvons l'affirmer, n'ayant vu qu'une seule

fois les malades et'n'ayant pas pu nous renseigner sur

les antécédents. ' t . f n .u -.

i aJI... . u,J ? f, k . ,

Observation IV ? 1 M. X..., âgé de cinquante ans, négo-

ciant à Rouen, se. présente .un jour -à la consultation disant :

« Voici mon affaire » : il tire, en même temps, de sa poche un

cahier où se trouvent indiqués par lettre alphabétique les noms

et les adresses des personnes avec qui il est'en relation. lira-

conte .que^si, se rappelant^ telle personne, il ne pouvait pas

immédiatement en. dire le ,nom, il. surviendrait un tel état

d'anxiété, qu'il se verrait décidé, à, reprendre, le chemin.de fer

pour retrouver son caliier, , , , ? ,

OBSERVATION, V ? M. X..., cinquante-six ans, industriel

belge, raconte sontétat de la-'manière suivante, : ,«, J'ai une

maladie qui consiste dans l'obsession des. noms propres. Il In-

terrogé sur l'existence d'un cahier, il en est surpris et le tire

immédiatement de.sa poche. Sur ce cahier, se trouvaient des

noms français et des noms flamands rangés par lettre alpha-

DE L'oNOIA'C(1f.111E. 167

Détique. Il avait fait des croix devant les noms des membres

d'une même famille ou les noms des personnes amies. En

lisant les journaux, certains mots le frappaient, communément,

indirectement par exemple, et ces mots, dit-il, passaient à

l'état d'idée fixe. '

Voici encore une observation très courte rapportée

par M. Moreau, lors de la discussion sur la folie rai-

sonnante devant la Société médico-psychologique.

Observation VI. « Il (M. Moreau) a vu un homme qui se

rend malheureux par l'impossibilité de se remémorer certains

noms ; s'il le trouve, tout est bien ; sinon, il a une crise qui le

fait horriblement souffrir. Il est obligé d'avoir constamment

sous les yeux l'almanach des 25,000 adresses. » (Ann. médico-

psych., juillet 1866, p. 97.)

Le dernier fait de ce groupe que nous tenons à

rapporter, nous offrira un curieux exemple de l'héré-

dité directe de ces stigmates psychiques des dégénérés.

Le sujet dont nous allons en quelques mots rapporter

l'observation, est le père d'une malade sur laquelle

nous aurons plus tard à insister longuement à propos

du mot pénétrant dans l'estomac à la façon d'un corps

solide. ' l'

Observation VII. Il s'agit d'un homme de soixante-dix

ans, toujours mal équilibré' et d'une avarice sordide quoique

dans une position aisée. Il a été pendant' longtemps en proie à

la recherche angoissante du mot. Pour mettre fin à son anxiété,

à ses lamentations, sa femme et sa fille venaient à son secours

et prononçaient des mots pouvant se rapporter à celui qui était

cherché ; elles arrivaient quelquefois à le trouver. Il se sentait

immédiatement soulagé; se calmait, se tranquillisait.

' Lorsque ces premiers efforts n'étaient pas couronnés de

succès, on avait recours à un dictionnaire dont on lisait parfois

un grand nombre de pages avant de trouver le mot. La famille

ne se couchait, en général, qu'après la découverte du mot.

1 (il¡ r ? ruor,ocm. nerveuse.

Ces observations suffisent, croyons-nous, à mettre

en saillie ce syndrome bizarre qui pousse impérieuse-

ment à la recherche du mot effacé du souvenir. Exami-

nons maintenant l'état tout opposé, ce.lui dans lequel

e mot, loin de fuir, s'impose au contraire et force le

sujet à le répéter. (il suivre.)

PATHOLOGIE NERVEUSE

DEUX NOUVEAUX CAS DE SCLEROSE LATÉRALE AMYOTt ! 0-

PHIQUE SUIVIS D'AUTOPSIE (Suite et fin);

Par J.-M. CHARCOT et P. MARIE.

Dans les circonvolutions nous avons trouvé les corps

granuleux dans la frontale et la pariétale ascendantes

au voisinage du lobule paracentral, et non dans le

reste de ces circonvolutions, la région dans laquelle

on les trouvait ne s'étendait guère sur la face convexe

des hémisphères à plus d'un centimètre en dehors de

la grande scissure interhémisphérique, aussi bien pour

la frontale ascendante que pour la pariétale ascendante.

Pour la capsule interné nous ferons remarquer le

peu d'étendue de l'espace dans lequel on trouve les

corps granuleux, espace qui certainement est loin de

correspondre à toute la largeur du faisceau pyramidal,

mais qui est bien situé dans la zone de celui-ci. On

Voy. t. X, p. i.

cas de sclérose r, vTr : .z.w,r amyotropiiique. 169

voit d'ailleurs en comparant entre eux les résultats

fournis par nos deux autopsies que cet espace même

est essentiellement variable d'un hémisphère à l'autre

puisque, dans l'hémisphère gauche de Bornic. (F7. 3),

les corps granuleux sont tout à fait disséminés, et que

l'espace où on les rencontre est des plus limités, tandis

que dans l'hémisphère droit ils forment un groupe

assez compact.

Signalons aussi la présence de ces corps clans les

fibres ou les tractus, qui- traversent horizontalement la

capsule interne et semblent se diriger du noyau lenti-

culaire à la couche optique.

Enfin, comme nous l'avons dit dans l'autopsie, les

cellules nerveuses de la couche optique quoique très

nombreuses et très belles, nous ont paru présenter une

surcharge graisseuse assez accentuée se révélant par

une coloration plus intense avec l'acide osmique au

niveau d'un de leurs pôles, mais nous ne pouvons

affirmer que cela soit pathologique, les variations de

l'état normal étant à'ce sujet assez étendues.

Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons

dit à propos des lésions des pédoncules/1 de la protu-

bérance et du-bulbe;'mais pourlcelles1de la'moelle,

nous \voulons faire quelques, remarques.')' )U111.'l. ' z

Grâce. à, la. recherche ni étliodi que, (les,'corp 1 grt nu-

leux à l'aide des procédés indiqués plus haut, nous

1 t \ i Ht <.. i i. « 1 .

avons pu constater qu'en réalité le faisceau pyramidal

, r . 'f' ,1 * i,ll ,¥> » » rj z

semble occuper une étendue un peu plus grande que

.1 , r, 1 , - b ? j ? r- t . r)

celle qui lui est assignée par, . rlechsig; en effet, nous

1 . JI , j à ¡ ? . hj h' ,

avons, dans la moelle cervicale, constaté [Fia. 6. PL. 14 11)

' « t - t ' ; ' f '' ' < '

l'existence de corps granuleux dans une partie de la

moelle située bien en avant du territoire de ce faisceau ;

170 pathologie NERVEUSE.

il est vrai que là les corps granuleux étaient infini-

ment moins abondants qu'au siège d'élection, il n'y en

avait que quelques-uns, mais ils se voyaient nettement.

' Dans la moelle dorsale, il en était de même pour le

faisceau pyramidal croisé qui semblait avoir des

dimensions un peu plus grandes que celles qu'on lui

assigne généralement ; mais, chose plus importante,

dans la partie antérieure des cordons antéro-latérâux,

la disposition des corps granuleux ne répondait

nullement aux notions anatomiques généralement

adoptées. Au lieu de retrouver ces corps seulement au

niveau des faisceaux de Türck; commé dans la' moelle

cervicale, nous avons constaté qu'ils existaient dans la

plus grande partie des faisceaux antéro-latéraux sauf

à la région antéro-interne de ceux-ci, c'est-à-dire

partout sauf dans la région correspondant aux fais-

ceaux de Tùrck. Comment faut-il considérer ce fait ? Ces

corps granuleux appartiennent-ils au faisceau pyrami-

dal croisé pu au faisceau pyramidal direct ? 'Nous

l'ignorons, et en tout cas il faut reconnaître' que, dis-

séminés et aberrants comme ils le sont^ il'est difficile

de lés rattacher plutôt à l'un' qu'à l'autre système'.

Ces apparences correpondent-ëHes à l'état ordinaire

des choses, c'est-à-dire' à une' disséminationldes fibres

pyramidales beaucoup plus marquée qu'on'rié lepéüsë;

ou 'bien tiennent-elles seulement à une de ces variétés

anatomiques si fréquentes d'après Fleschig lui-même ?

Nous ne saurions le dire, n'ayant eu jusqu'à présent

l'occasion d'examiner qu'un seul cas à cepoint'de vue;

cependant dans un autre cas, Kahleu' a trouve 'qu'el-

, .' - il , 1 1 1 0- t , f ...",l ? V1, ic

1 K.ililer. - Ueber die progressive) ! spinalen Amyotrophien, Yra ? 1884.

cas de sclérose latérale AMYOTROPIIIQUE. 171

que chose d'analogue et dit très nettement qu'il existait

de la dégénération ponctiforme et des corps granu-

leux dans les cordons antérieurs et dans les cordons

latéraux sur toute la hauteur de la moelle dorsale.

Quoi qu'il en soit, c'est là, croyons-nous, un procédé

qui n'est pas à dédaigner pour l'étude du trajet du

faisceau pyramidal dans la moelle.

Dans la région lombaire, les corps granuleux

siégeaient au niveau du territoire du faisceau pyramidal

peut-être un peu agrandi; dans les faisceaux antérieurs

on envoyait encore quelques-uns mais en nombre

absolument insignifiant, et on peut considérer ce fait

comme le vestige de ce qui existait à la région dorsale

Chez nos deux malades nous avons observé de plus

un fait relevé dans un grand nombre d'autres autopsies :

l'extension de la sclérose à une assez grande étendue

des faisceaux antéro-latéraux bien au delà des limites

du territoire pyramidal proprement dit. Signalée depuis

longtemps déjà, cette extension du processus scléreux

peut en effet être considérée comme très fréquente;

faut-il avec certains- auteurs la regarder, comme une

preuve, que la sclérose, latérale amyotrophique n'est

pas une affection systématique, mais une myélite dif-

fuse ? Loin de, là, et nous nous rattachons entière-

ment à l'opinion, émise par MM. Debove etGombault,

qui, envisagent cette extension de la sclérose comme

liée, à l'existence de zones de propagation du processus

inflammatoire de la substance grise à la substance blanche

avoisinante. ,On pourrait, il, est,vrai, en considérant

seulement les résultats fournis par l'examen de la

région dorsale penser que cette extension de la sclérose

est due à la dégénération de ces fibres pyramidales

172 pathologie nerveuse.

disséminées et aberrantes dont nous avons signalé la

présence dans une certaine étendue des faisceaux

pyramidaux : mais on voit qu'il n'en est rien, si l'on

"veut bien se rappeler que dans la région cervicale cette

extension existe d'une façon très nette, bien que les

fibres des faisceaux pyramidaux soient dans cette

région presque toutes situées dans des territoires bien

localisés (cordon de Tùrck, faisceau pyramidal croisé)

et qu'il n'y ait qu'un très petit nombre de fibres

aberrantes. D'autre part, certains faits indiquent

quel rôle prédominant joue dans la production de ce

phénomène l'inflammation de la substance grise : d'une

part cette extension de la sclérose est surtout marquée

immédiatement à la périphérie de la substance grise et

surtout des cornes antérieures; d'autre part on trouve

dans les zones radiculaires antérieures un certain

nombre de corps granuleux indiquant les relations de

ces régions avec la substance grise enflammée; enfin

à la région lombaire où la substance grise (grandes

cellules nerveuses et fibres nerveuses à myéline

observées par la méthode de Weigert) est beaucoup

moins altérée que dans les autres régions de la moelle,

cette extension de la sclérose aux faisceaux antéro-

latéraux est infiniment moins marquée qu'à la région

dorsale.

Cette opinion d'après laquelle l'extension du pro-

cessus scléreux doit être rapportée à l'inflammation

de la substance grise, semble d'ailleurs prévaloir

aujourd'hui et vient d'être de nouveau soutenue par

.11. Friedcnrcich (de Copenhague) '.

Fnedenreich. Communication au Congrès internationa de

Copenhague, 1884.

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE .1\I101'ROl'kIItUli. 173 3

Une autre remarque est à faire à propos des lésions

médullaires sur l'état des fibres nerveuses au niveau

des faisceaux pyramidaux sclérosés. Ces fibres existent

encore en grande quautité ainsi qu'on peut s'en

assurer par la coloration de Weigert, mais avec un

peu d'attention on reconnaît (cela est surtout net dans

la moelle de Dupont) que les fibres qui persistent

ainsi sont presque exclusivement de très minces fibres ;

quant à ces grosses fibres qui sur une moelle normale

se voient si nettement dans leur région avec leur

volumineux cylindre-axe, elles ont presque entière-

ment disparu : .C'est donc bien là une preuve que dans

la zone de substance blanche qui contient les faisceaux

pyramidaux,' il existe encore d'autres fibres, et que

suivant toute ressemblance, les plus grosses doivent

être considérées comme appartenant surtout à ces

faisceaux. D'autre part en comparant aux préparations

de sclérose latérale, amyotrophique des coupes prove-

nant, d'un cas de dégénération descendante consécu-

tive à une. myélite transverse; nous avons vu qu'il y

avait une différence considérable et que dans celles-ci

la, disparition des'fibres nerveuses était- beaucoup plus

générale que dans le premier.. )'r >>

c Enfin du côté des cordons de Goll, nous. avons dans

nos autopsies, signalé un certain degré de sclérose des

faisceaux de ,Goll; ce,fait 1 a ¡déjà été noté un certain

nombre de- fois, et se trouve consigné/dans plusieurs

observations.' Chez nos deux malades-, cette sclérose

n'était pas également .prononcée, dans 1 'OSIJERVATlON I

elle était notablement moins accentuée que dans l'OB-

servation II ; dans celle-ci elle existait nettement non

seulement à la région cervicale, mais aussi à la région

D , , ü

174 Il PATHOLOGIE NERVEUSE.

dorsale où elle occupait même une certaine portion

des faisceaux de Burdach, où elle avait l'apparence

en- N que nous avons décrite; à la région lombaire

"on en trouvait encore quelques vestiges mais très peu

accentués, au niveau du sillon postérieur, et une

légère bande transversale assez mal marquée d'ailleurs

dans les faisceaux de Burdach.

Quant à la nature même de cette sclérose et du

processus qui lui a- donné naissance, nous ne la

connaissons pas; elle n'est vraisemblablement pas la

même que celle des lésions des cordons latéraux, car

dans aucune de nos préparations nous n'avons trouvé

un seul corps granuleux dans les faisceaux de Goll,

tandis qu'ils étaient en très grande abondance dans les

faisceaux latéraux. D'autre part cependant, un certain

nombre de fibres des faisceaux de Goll semble avoir

disparu ainsi qu'il résulte de l'examen des prépa-

rations faites avec la méthode de Weigert; peut-être

est-ce dans la congestion permanente produite par

l'inflammation prolongée des autres parties de la moelle

qu'il faudrait rechercher la cause de cette lésion' et

l'explicatiou du processus qui'la causée.

Après avoir étudié pour chaque organe les résultats

obtenus dans ces deux autopsies, nous aurons quel-

ques remarques à faire au' point de vue' de la disposi-

tion' générale des lésions :

Dans les deux cas, les corps granuleux existaient,

nous l'avons vu,- dans toute la hauteur des faisceaux

pyramidaux depuis les circonvolutions jusqu'à' la

moelle. Mais il faut bien noter qu'ils n'occupaient pas

(du-moins au-dessus de la moelle) toute la largeur de

ceux-ci. Dans 1 'Observation I, du côté gauche la capsule

CAS DE SCLÉROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE. 175 S

interne les montrait sur une assez grande étendue

quoique bien certainement une portion assez considé-

rable de son segment pyramidal en fût indemne;

à droite, au contraire, les corps granuleux ne se

trouvaient qu'en très petit nombre.

D'autre part, suivant la hauteur des segments du

faisceau pyramidal que l'on examine, les corps granu-

leux ne semblent pas pour un même côté se présenter

en quantité égale ou même analogue, de grandes

différences peuvent exister à cet égard; c'est ainsi, par

exemple, que pour l'OBSERVATION ils étaient en grande

abondance dans le pédoncule gauche, tandis qu'au

niveau de la protubérance, du même côté, ils étaient

très peu nombreux. - A quoi tiennent ces différences ? 2

Tout d'abord il faut bien remarquer que dans un

cas quelconque de dégénération, le nombre des corps

granuleux n'est pas exactement proportionnel au

nombre des fibres atteintes, quoiqu'il s'en rapproche

sensiblement. De plus la quantité des fibres dégénérées

étant supposée égale dans des segments pris à diverses

hauteurs, le nombre des corps granuleux varie vrai-

semblablement suivant la nature du tissu ambiant

(circonvolution, pédoncule, protubérance) et la faculté

de résorption de celui-ci. On pourrait donc expliquer

ainsi, en partie du moins, l'inégalité du nombre des

corps granuleux aux différentes hauteurs ; mais

cependant cette inégalité était tellement considérable

que, dans le cas signalé plus haut, il nous semble

nécessaire d'admettre qu'elle correspondait à une

inégalité dans le nombre des fibres dégénérées. Il est

donc bien probable que le processus destructif n'atteint

pas d'un coup et dans toute sa longueur la fibre

176 G PATHOLOGIE NERVEUSE.

nerveuse; il commencerait à telle ou telle hauteur' 1

et n'atteindrait que peu à peu sa partie inférieure; de

telle sorte qu'une même fibre nerveuse pourrait pré-

senteur dans l'écorce des corps granuleux tandis qu'elle

n'en contiendrait pas au niveau de la capsule interne,

ou inversement en contenir à ce niveau et n'en plus

présenter dans l'écorce. Ce n'est là évidemment

qu'une hypothèse, mais elle nous semble assez en

rapport avec les faits connus et elle expliquerait assez

aisément l'inégalité que nous venons de signaler.

D'autre part, il ressort de ce que nous venons de dire e

que si, à un certain moment, les corps granuleux finis-

sent par disparaître au niveau des fibres dégénérées,

on ne peut de leur absence conclure sûrement que les

fibres nerveuses sont saines. La chose est évidente et

il est bien certain qu'il serait préférable de constater

directement l'état de celles-ci, mais malheureusement

dans l'état actuel de nos connaissances cette recherche

est des plus ardues et des moins sûres, étant donnée

la difficulté qu'il y a à reconnaître dans des organes

où les fibres nerveuses forment un lacis inextricable

s'il y en a quelques-unes de moins qu'à l'état normal.

Quelque précis que soient les renseignements fournis

par la méthode de Weigert (hématoxyline\ elle ne nous

a pas, dans ce cas, donné de résultats aussi satisfaisants

que la recherche des corps granuleux.

Aussi croyons-nous être en droit de récuser, jusqu'à

1 Nous ne pouvons pas affirmer que ce soit toujours au niveau do

l'écorce que débute le processus, il est possible que celui-ci atteigne

d'abord le faisceau pyramidal sur un point quelconque de sa hauteur,

mais c'est là un l'ait qui demande a être continue au moyen de la recherche

spéciale des corps granuleux, l'examen de la sclérose seule étant il notre

avis insuffisant.

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 177 î

nouvel ordre les autopsies de sclérose latérale amyo-

trophique dans lesquelles la lésion du faisceau pyrami-

dal, recherchée seulement au point de vue de la sclé-

rose et non des corps granuleux, n'aurait pu être

retrouvée au-dessus de la moelle, et notamment,

quelle qu'en soit d'ailleurs la valeur, l'observation de

0. Vierordt '; cette observation, il est vrai, n'est pas

considérée par son auteur comme appartenant à la

sclérose latérale amyotrophique, nous croyons et nous

partageons en cela l'avis de Kahler 2, que ç'est à tort

et qu'elle doit être comprise dans le cadre "de cette-,

affection. t \ " .r, , t v.

Dans l'observation de Kahler 3 ? il est bien tenu .. <

compte dans une certaine mesure de la 'présence des'

corps granuleux et de la dégénération ponctiforme,

mais nous n'avons pas de renseignements assez détaillés

pour apprécier si la technique employée était suffisante

pour permettre d'observer tous ceux qui se trouvaient

sur les coupes. Aussi le fait signalé par cet auteur, que

les lésions du faisceau, pyramidal ne pouvaient plus

être constatées dans la protubérance ne nous semble-

t-il nullement prouver qu'elles s'arrêtassent à ce niveau.

C'est en effet dans la protubérance qu'il est le plus

difficile de rechercher ces lésions ainsi que nous l'avons

nous-mêmes éprouvé; dans 1 'Observation II notamment^

il nous a été impossible, quelques soins que nous pris-

sions, de réussir à observer aussi nettement que dans

les autres régions les corps granuleux, quoiqu'au

1 0 Vierordt. Zw' combinirlen Degeneration der Voderhôrner zend

Seitenstrange des Rüclceumarla. (Arch. f. Psych., XIV.)

2 Kahler. Ueber die prognessiven spinalen Amyotrophien. (Ztschft.

f. Ileillc., 1S84. Prag.)

3 Ibidem.

Archives, t. X. 12

178 PATHOLOGIE NERVEUSE.

moyen de l'écrasement, sous le couvre-objet, nous

ayons constaté qu'il en existait quelques-uns dans

chacune des coupes. Pendant le déroulement de celles-

ci un certain nombre des faisceaux longitudinaux

coupés en travers et n'adhérant presque pas au reste

de la protubérance s'en détachent, et de plus les pro-

priétés optiques de ces faisceaux rendent difficile la

recherche des corps granuleux. Aussi, à défaut

d'examen de la capsule et des circonvolutions, est-il

nécessaire pour déclarer s'il y a ou non des lésions du

faisceau pyramidal au-dessus du bulbe d'examiner des

coupes des pédoncules cérébraux, la protubérance

étant certainement le point le plus défavorable pour

ce genre de recherches. '

Au point de vue clinique nous n'insisterons pas sur

l'histoire de la première malade, elle ne présente rien

de spécial et rentre absolument dans la règle, c'est

pour ainsi dire un cas type de sclérose latérale amyo-

trophique.

La seconde observation, au contraire, doit être

l'objet de quelques remarques. Dans ce cas, l'affection

a très nettement débuté par les phénomènes bulbaires

difficulté de la parole et gêne légère de la dégluti-

tion) ; ceux-ci furent tout d'abord remarqués en

novembre 1882 ; en mars 1883 survint une sorte d'at-

taque apoplectiforme (sans aucune manifestation

paralytique du côté des membres), à la suite de laquelle

ces phénomènes bulbaires s'exagérèrent notablement.

Quelle était au juste la nature de cette attaque apo-

plectiforme2 Nous l'ignorons; peut-être faut-il la

rapprocher des accidents analogues que l'on observe

dans la paralysie générale ou dans la sclérose en

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 179

plaques; quoiqu'il en soit, ce que l'on peut affirmer,

c'est qu'elle n'était liée à l'existence d'aucune lésion

macroscopique, l'autopsie n'ayant fait constater aucun

foyer ancien ou récent.

C'est seulement en mai 1883. que survient une

parésie notable des membres supérieurs, et en

avril 1884 que ceux-ci commencent à présenter de

l'atrophie; quant aux membres inférieurs, ils ne sont

atteints qu'en mai 1884.

Il existe donc un intervalle de six mois entre le

début des troubles bulbaires et celui de la parésie des

mains, et un intervalle de dix-sept mois entre le début

des phénomènes bulbaires et celui de l'atrophie mus-

culaire.

Cette évolution présente ce point important d'un

début nettement et uniquement bulbaire ; c'est plus

tard seulement et peu à peu que les autres signes de

la sclérose latérale amyotrophique sont apparus et ont

atteint un degré d'intensité remarquable; on a vu

qu'à l'autopsie les lésions les plus manifestes ont été

constatées.

Le fait en lui-même n'a rien d'extraordinaire, et il

n'y aurait aucune raison d'y insister si, dans quelques

récents mémoires, on ne relevait une tendance singu-

lière à exclure des cadres delà sclérose latérale amyo-

trophique des cas dont le tableau clinique presque

tout entier est exactement celui de cette affection, et

cela sous le prétexte que, soit dans le mode de début,

soit dans la succession des symptômes, il y aurait une

modification au type décrit par l'un de nous. C'est là

une grave erreur, s'il est vrai que dans cette descrip-

tion une certaine évolution est considérée comme pré-

180 PATHOLOGIE NERVEUSE.

sentant au maximum et avec ses caractères les plus

ordinaires, l'aspect de la sclérose latérale amyotro-

phique, il ne faut pas oublier que l'existence de formes

d'une évolution différente s'y trouve signalée d'une

façon catégorique'.

Aussi éprouve-t-on un certain étonnement à voir

quelques auteurs se refuser à considérer comme sclé-

rose latérale amyotrophique des cas où le début s'est

fait parle bulbe; il en est ainsi, par exemple, pour les

deux observations de M. Déjeriiie qui, malgré les

résultats de l'autopsie (lésions des cellules motrices de

la substance grise et des faisceaux pyramidaux), se

refuse à admettre que ce soient là des cas de sclérose

latérale amyotrophique « parce que, dit-il, cette affec-

tion répond à un type clinique tout spécial : para-

lysie et atrophie débutant par les membres supérieurs,

le plus souvent, s'étendant ensuite aux inférieurs,

puis enfin attaquent ceux de la langue, du facial infé-

rieur, du pharynx, etc., et emmenant le malade par

suite des accidents bulbaires. Mais il y a eu toujours

auparavant une paralysie des membres avec contrac-

ture souvent très marquée, avec attitudes vicieuses

consécutives, et conjointement exagération des réflexes

tendineux, du phénomène du genou, etc. ».

C'est là, nous le répétons, une erreur absolue que

de vouloir restreindre aussi étroitement le domaine

de la sclérose latérale amyotrophique ; les deux

observations de M. Déjérine sont purement et simple-

1 Charcot. - Leçons sur les maladies dn système nerveux, 3" rase.,

2e édit., p. 240.

2 Déjerine. -Etude anatomique'et clinique sur ta paralysie labio-glosso-

larngée.(Arcla. de physiol., 1883, 11° 6.)

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 181 t

ment des cas de sclérose latérale amyotrophique dont

le début s'est fait par le bulbe comme dans notre

Observation II (Bornic..) ; une chose est à regretter,

c'est que, dans ces deux observations, il ne soit même

pas fait mention de l'état des réflexes tendineux; leur

étude eût certainement permis de reconnaître pendant

la vie le caractère spasmodique de l'affection et de

faire le diagnostic de sclérose latérale amyotro-

phique.

Nous relevons la même erreur dans un travail

récent de M. H. Blumenthal' : « Nous trouvons chez

notre malade à peu près le même aspect symptoma-

tique que celui présenté par le tableau de la sclérose

latérale amyotrophique, d'après Charcot. Mais à un

examen plus minutieux, le groupement des symptômes

présente de notables différences avec la description de

Charcot. La sclérose latérale amyotrophique est, d'après

Charcot, une maladie à début successif, continuelle-

ment progressive, et à marche relativement rapide ;

elle commence dans les extrémités supérieures, affecte

ensuite les inférieures et enfin se termine par la

paralysie bulbaire » ; aussi l'auteur, tout en avouant

que « à part l'évolution et l'état spasmodique dans le

domaine des nerfs bulbaires, tous les autres symp-

tômes positifs ou négatifs se retrouvent exactement

comme dans le type clinique décrit par Charcot sous

le nom de sclérose latérale amyotrophique », arrive-t-il

à conclure que l'intensité et la distribution des phéno-

mènes spasmodiques dans le domaine des nerfs bul-

1 H. Bluineiitlial. - Ein rali t'on spastischer amyolrophischer Bulbdr

paralyse complicirt mil amyolrophischer Latéral sclérose. Inann. dis-

srt ? Durl>at, 188 ? ,

182 PATHOLOGIE NERVEUSE. \

baires suffisent à faire considérer son observation

comme un fait à part qu'il propose de désigner du

nom de paralysie bulbaire amyotrophique spasmo-

dique.

Leyden n'a pas reconnu certains cas de sclérose laté-

rale amyotrophique parce qu'à son avis, l'un de nous

avait péché par exagération dans sa description des

phénomènes spasmodiques. Nous ne nous attendions

pas à ce qu'on pût, un jour, émettre le reproche que

dans cette description, ces mêmes phénomènes spas-

modiques aient été présentés sous une forme trop

,atténuée. C'est cependant ce qui ressort de l'observa-

tion de H. Blumenthal ; elle n'est autre chose qu'une

sclérose latérale amyotrophique parfaitement carac-

térisée, à début bulbaire et avec développement

extrême des phénomènes spasmodiques, c'est ce der-

nier caractère qui a fait croire à l'auteur qu'il était en

présence d'une affection spéciale, distincte de la sclé-

rose latérale amyotrophique.

Aujourd'hui encore, comme cela a été fait dans les

publications antérieures de l'un de nous, nous devons

insister sur le caractère spasmodique de la sclérose

latérale amyotrophique, : car c'est là la clef du diagnostic,

c'est là le symptôme qui permet de reconnaître l'af-

fection dans les cas où le tableau clinique n'est que

peu marqné, et n'existe pour ainsi dire qu'à l'état

d'esquisse. Aussi voit-on peu à peu le cadre de la

sclérose latérale amyotrophique s'élargir de plus en

plus ; l'aspect général des différents cas reste im-

muable, les détails peuvent variera l'infini; les symp-

tômes fondamentaux sont toujours identiques à eux-

mêmes, mais leurs modalités sont diverses; tantôt a tté-

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 183

nués, tantôt exagérés, ils peuvent encore être inter-

vertis dans leur ordre d'apparition.

En effet, et nous ne faisons que répéter ici ce que

l'un de nous a déjà dit bien des fois dans ses leçons 1 :

« Telle est la règle (le début par les membres

supérieurs), mais il y a le chapitre des anomalies....

celles-ci ne changent rien d'essentiel au tableau qui

vient d'être tracé. Ainsi la maladie dans certains cas

débute par les membres inférieurs, d'autres fois elle

se circonscrit dans ses commencements soit à un

membre supérieur, soit à un membre inférieur, parfois

elle reste limitée pendant quelque temps à un côté du

corps sous forme hémiplégique. Enfin, dans deux cas,

elle a débuté par les symptômes bulbaires; mais ce ne

sont là, je le répète, que des modifications accessoires.

L'ensemble des symptômes caractéristiques ne manque

pas d'être bientôt constitué. »

Si l'on veut bien y réfléchir un peu, on verra qu'en

somme cette diversité du début n'a rien qui doive sur-

prendre. On sait que le faisceau pyramidal, tout en

présentant une véritable unité au point de vue du

développement et de la pathologie, n'est à proprement

parler qu'un composé de faisceaux secondaires pro-

venant des circonvolutions motrices et se rendant soit

à la moelle, soit au bulbe; or ces faisceaux secondaires

conservent pendant la plus grande partie, sinon pendant

la totalité de leur trajet, une notable indépendance.

C'est ainsi, par exemple, comme l'a très bien fait voir

M. E. Brissaud, que l'on trouve au niveau du pédoncule

une localisation différente de la dégénération descen-

. ' Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux. - Sclérose

latérale amotophiq7ze, a édit., p. ? S0.

184 PATHOLOGIE NERVEUSE.

dante suivant que la lésion primitive siégeait sur telle

ou telle partie du faisceau pyramidal au niveau des

circonvolutions ou de la capsule interne. Le faisceau

secondaire spécialement destiné au bulbe aurait

notamment, d'après M. E. Brissaud, une indépendance

toute particulière, c'est celui qu'il décrit sous le nom

de faisceau géziculé.

Ceci étant donné, si l'on admet que la sclérose

latérale amyotrophique ait son point de départ dans

une hauteur donnée du faisceau pyramidal, il est aisé de

comprendre que suivant que tel ou tel faisceau secon-

daire sera atteint le premier on verra les symptômes

se montrer tout d'abord du côté des membres supérieurs

ou inférieurs, ou du côté du bulbe; suivant aussi que

la lésion sera plus marquée dans un hémisphère, que

l'entrecroisement des pyramides sera plus ou moins

complet, on verra les symptômes présenter une certaine

prédominance hémiplégique.

Il existe encore au point de vue de l'évolution

clinique des différences très accentuées entre les divers

cas, les uns marchent d'une façon extrêmement rapide,

les autres fort lentement; dans l'état actuel de nos

connaissances, il est difficile d'indiquer la raison de ces

différences; il semble qu'il faille la chercher dans le

plus ou moins d'intensité du processus dans la

substance grise; quant à la cause de ces variations

dans l'intensité de la poliomyélite, nous l'ignorons

encore.

Un fait doit être relevé, c'est que contrairement à ce

que l'on pourrait croire, le début bulbaire n'est nulle-

ment l'indice d'une marche fatalement rapide; dans

notre OBSERVATION Il, en effet, l'évolution n'a pas de-

CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 183

mandé moins de deux ans, et nous observons actuelle-

ment des cas dans lesquels la durée paraît devoir être

plus longue encore. Il semble que le faisceau pyrami-

dal n'ayant pas ou presque pas de relations avec les

centres de la vie végétative, ceux-ci puissent rester

intacts pendant un temps assez long, alors même que

le faisceau bulbaire est lésé, et qu'ils ne soient atteints

qne d'une façon secondaire par l'extension de la

poliomyélite localisée tout d'abord au niveau des

éléments moteurs en rapport intime avec les fibres du

faisceau volontaire. Quelle que soit la raison qu'on en

veuille donner, la réalité du fait ne peut être contestée,

le début par le bulbe n'indique pas fatalement une

marche rapide.

La sclérose latérale a donc franchi une nouvelle

étape; comme l'ataxie et la sclérose en plaques,

d'abord méconnue même dans ses formes les plus

accentuées, à mesure qu'elle occupait plus solidement

sa place dans la nosographie, elle a vu son domaine

s'agrandir peu à peu; les formes atténuées se sont mon-

trées de plus en plus nettes; aujourd'hui l'étude des

formes frustes est devenue légitime et rend possible déjà

le diagnostic même dans les cas les moins marqués.

explication DE la planche II.

FiG. 1. -Circonvolution frontale ascendante droite de Bornic ? Onsnn-

vation II, au niveau du lobule paracentral. Abondants corps granuleux

dans li substance blanche. La partie située tout à fait à gauche ne

contient pas de corps granuleux.

Fig. 2. - Capsule interne, Observation I, côté gauche, les corps gra-

nuleux y sont disposés en deux groupes.

Fie. 3. - Capsule interne, Observation II, côté gauche.;

A, couche optique. - B, noyau lenticulaire. C, corps granuleux

occupant les interstices entre les faisceaux de fibres coupés perpendicu-

lairement à leur direction.

186 CLINIQUE MENTALE.

PLANCHE III

FiG. z Pédoncule gauche, Observation I.

A, corps rantileux. - B, cellules pigmentées du locus niger.

FIG. 5. Protubérance coupée par moitié, Observation I.

A, corps granuleux.

FiG. 6. Moelle cervicale, Observation II.

A, corps granuleux du faisceau pyramidal croisé. B, corps granu-

leux aberrants. C, corps granuleux situés dans les processus radicu-

laires antérieurs. - D, corps granuleux du faisceau pyramidal direct.

CLINIQUE MENTALE

DES FAMILLES D'IDIOTS;

Par BOURNEVILLE et SÉGLAS.

A sanis sana, a morbosis morbosa.

(UIPPOCUTB, De Morbo sacro, cap. m.)

La transmission héréditaire des maladies n'est plus un fait

discuté maintenant et l'on s'accorde à attribuer à l'hérédité un

rôle important dans la génèso d'un bon nombre d'affections.

Cette influence de l'hérédité est surtout manifeste dans la pro-

duction des maladies nerveuses et mentales; elle est le plus

souvent alors, comme l'a dit avec raison Trélat, la cause pri-

mordiale, la cause des causes, qui fixe la maladie dans les

familles et la rend transmissible de génération en génération.

Telle est la loi. Cependant il y a des faits en apparence contra-

dictoires. C'est ainsi que l'on verra dans une même famille

des enfants sains qui auront des frères sourds-muets ou rachi-

tiques ou strabiques et d'autres aliénés, épileptiques ou idiots.

Cette diversité dans les manifestations pathologiques chez les

descendants est-elle un argument contre l'hérédité ? Nullement :

« Aliénés, idiots, scrofuleux, rachitiques, en vertu de leur

commune* origine, de certains caractères physiques et moraux,

doivent être considérés comme les enfants d'une même famille,

DES FAMILLES D'IDIOTS. 187

comme les rameaux divers d'un même tronc », dit Moreau (de

Tours). Ce serait fort mal comprendre la loi d'hérédité que

d'attendre fatalement à chaque génération nouvelle le retour

des phénomènes morbides identiques. Sans doute le fait existe,

mais ce n'est toujours que dans un certain nombre de cas, et

les affections les plus diverses, qui de près ou de loin viennent t

atteindre le système nerveux des parents, peuvent devenir pour

les enfants une cause de prédisposition héréditaire à des af-

fections nerveuses d'un autre ordre. Ce que le père transmet à

l'enfant, ce n'est pas sa folie; c'est le vice de constitution qui

se manifestera sous des formes différentes. Et, comme le dit

fort justement M. Delasiauve, « la ressemblance qui existe entre

les individus soumis à la même influence morbide, n'empêche

pas qu'on puisse trouver chez eux des caractères tout particu-

liers et tenant essentiellement à leur différente manière d'être,

à leur tempérament propre, à leur idiosyncrasie ».

La tare héréditaire se manifeste souvent chez les ascendants

par des symptômes peu accentués et qu'un commerce suivi

peut seul dévoiler à l'oeil de l'observateur. Ce sera par exemple

un vice de conformation quelconque, un « tempérament ner-

veux », des excentricités, une émotivité anormale. Ces indi-

vidus, sans présenter des troubles assez nets pour être classés

dans telle ou telle espèce pathologique, manquent de cet

équilibre des facultés qui caractérise les intelligences bien pon-

dérées. Ils vivront le plus souvent fort bien dans le monde qui

les qualifiera d'excentriques et d'originaux ; mais ils seront inca-

pables de rien faire de suivi et de durable par eux-mêmes. Ils

donneront naissance à des individus dégénérés, abâtardis au

point de vue physique, intellectuel et moral et alors les symp-

tômes morbides prendront une intensité plus grande, un carac-

tère mieux défini. Au bout d'un certain temps, surtout si à la

tare héréditaire viennent se joindre des causes occasionnelles,

ces familles s'éteindront d'elles-mêmes ; car les derniers descen-

dants, tombés au plus bas degré de l'échelle sociale, ne vivant

plus que de la vie végétative, seront inaptes à la reproduction.

Notre but est justement de montrer ici plusieurs exemples de

ce genre. Mais, avant de rapporter nos observations communes,

nous citerons brièvement deux cas analogues. Le premier a été

publié par l'un de nous '.

4 Bourneville. Archives des maladies mentales et nerveuses, 1861,

p. 289.

188 CLINIQUE MENTALE.

I. Famille R...

Trois frères idiots. Influence de l'hérédité. -111ère affectée d'ÙTé-

gularités mentales. Affaiblissement paralytique chez les trois

enfants. Irascibilité chez deux d'entre eux. (Archives des mala-

¡lies mentales elnerveuses, 1861, p. 289.)

Aucun antécédent du côté paternel. Le père est bien 'conformé

et intelligent. La mère, assez nerveuse, est sujette à des accès de

tristesse, revenant à intervalles irréguliers, s'accompagnant de

maux de tête et suivis d'une sorte d'hébétude. Habituellement

douce et affectueuse; santé physique bonne. Pas de renseigne-

ments sur sa famille. - Les accouchements ont été naturels.

Une petite fille morte à cinq ans ne dilférait en rien des enfants

de son âge.

40 R... (Vincent-Clet), né à Douarnenez, âgé de quinze ans,

est grand, fluet, et se tient avec peine sur ses jambes. Front assez

saillant, médiocrement élevé, effacé sur les côtés ; légère dépres-

sion au-dessus des arcades sourcilières. Le crâne n'offre rien

d'anormal, le sommet seul en est un peu exhaussé. Le regard

constamment baissé, errant, ne peut fixer les objets, mais révèle

une certaine lueur d'intelligence : strabisme assez prononcé à

droite. C'est le plus avancé des trois frères sous le rapport des

connaissances usuelles, bien que son vocabulaire soit très restreint.

Caractère généralement doux : il ne joue pas, reste immobile.

Il mange à peu près seul, ne sait pas s'habiller et ne gâte pas.

Parties génitales développées; pas d'onanisme.

° ? ° R... (Joseph-René) est né à Brest en 1850. La mensuration

ne donne pas de différence entre sa tête et celle de son frère. Le

front est aussi effacé sur les parois latérales, mais la dépression

sus-sourcilière est moins profonde. L'oeil droit est aussi moins

strabique, ce qui, sans doute, lui donne une apparence plus intel-

ligente. Mais, au fond, l'affaiblissement intellectuel est plus grand

que chez rainé; il ne sait pas distinguer les objets et ne dit guère

que son nom. Jl se tient mieux sur les jambes que le précédent,

mais, à l'inverse de lui, il est très turbulent, inattentif et irascible.

Il a un tic qui consiste à se frotter continuellement les yeux. Les

organes générateurs sont normalement développés; il gâte la nuit.

3° Le dernier R... (Vincent-Michel), âgé de neuf ans, est à

peu près conformé comme ses frères, quant à ce qui concerne la

tête. La dépression sus-sourcilière est légère, les arcades effacées,

l'arc interne abaissé, le front bas et étroit. Il n'a pas de strabisme,

mais le regard est méchant et sauvage. La taille est en rapport

avec l'âge, mais les jambes sont sans force; aussi est-il toujours

DES FAMILLES D'IDIOTS. 189

assis. Cependant il n'y a rien d'anormal du côté de la colonne

vertébrale.

Sauf les mots «papa» et «maman», son vocabulaire se limite à des

cris inarticulés qu'il pousse surtout quand on le regarde. Il est

encore plus irritable que le précédent. Il mange seul, mais avec

ses mains et est gâteux. Les testicules sont petits, la verge déve-

loppée, ce qui tient sans doute à ce qu'il se frotte habituellement t

les jambes et les cuisses l'une contre l'autre en plaçant les mains

aux parties génitales.

De ces trois frères, l'aîné seul paraissait perfectible et pouvait t

prêter quelque attention aux petits exercices qu'on lui faisaitfaire.

Ce faitn'est-il pas un exemple frappant des dégénérescences

dans certaines familles ? Comme antécédents : de simples irré-

gularités mentales ; et cependant dans la nouvelle génération

l'abâtardissement est très prononcé et tout porte à croire que

la famille s'est éteinte en elle. Sur quatre enfants, l'un meurt

à cinq ans ; les trois autres idiots, strabiques, paralytiques, iné-

ducables sont la dernière expression des dégénérés aux trois

points de vue physique, intellectuel et moral. Remarquons en-

core ici une sorte de marche graduelle dans l'expression des

phénomènes de déchéance, moins accentués chez l'aîné des

trois frères que chez les deux autres.

Citons encore un nouvel exemple emprunté au Dr F.-W.-A.

Browne.

II. Famille W...

Groupe de sept idiots, frères et soeurs. (The Journal of mental

science, 1862, t. VIII, p. 429.)

Parents excentriques, que l'on croyait consanguins.

Onze enfants. Un frère disparu : on l'a cru noyé. Une soeur

imbécile est encore vivante. Deux frères et une soeur bien portants.

t° Agnès, soixante et onze ans, affectueuse particulièrement

pour Thomas, calme, inoffensive, industrieuse; parole indistincte.

2° James, soixante-neuf ans, affectueux, enfantin, brouillon,

irritable, ne travaille pas.

3° Hélène, soixante-cinq ans, affectueuse et attentive pour ses

frères et soeurs, soumise, travaille volontiers comme laveuse à la

cuisine, propre dans ses vêtements; parole intelligible.

4° David, cinquante-six ans, indifférent pour ses frères et soeurs,

actif aux grosses besognes, aide les servantes, ne veut pas tra-

vailler au jardin; aime à laver les bas.

190 CLINIQUE MENTALE.

1° William, cinquante-trois ans, affectueux pour ses frères et

soeurs, travaille au jardin mais ne veut pas arroser ; ne peut parler

intelligiblement.

60 Thomas, cinquante et un ans, affectueux pour ses soeurs,

indifférent pour ses frères, violent à l'occasion, se querelle avec

James, aime le changement, a travaillé au jardin jusqu'à ce qu'il

eût perdu l'usage de sa main droite.

7° Mungo, quarante-sept ans, indifférent pour ses frères etsoeurs,

parle quelquefois à James; solitaire, taciturne, travaille dur au

jardin.

Ainsi donc, ces parents excentriques et peut-être consan-

guins ont donné le jour à onze enfants dont huit imbéciles à

différents degrés, inéducables, incapables de se suffire à eux-

mêmes. L'influence de l'hérédité n'éclate-t-elle pas manifes-

tement dans la déchéance de cette famille où les derniers

membres arrivés à un âge avancé, ne vivant guère que d'une vie

machinale, privés de la parole, de sentiments affectueux, sans

initiative, n'étant propres qu'à exécuter des travaux manuels qu'il

faut leur commander, mourront sans avoir été capables de se

reproduire. -

Dans les observations suivantes que nous avons recueillies, le

fait de dégénérescence, sa marche sont encore plus évidents,

l'état d'hérédité morbide plus net, plus accentué et ses consé-

quences finales plus frappantes et plus terribles.

III. Famille BONT...

Père : faible d'esprit, épileptique, buveur. Grand'mère paternelle

alcoolique; grand'tante paternelle imbécile. Cousin germain

paternel, mort de convulsions.

Mère : faible d'esprit, sujette à des élourdissements et à des migraines,

goitreuse; grand-père maternel alcoolique; grand-oncle maternel

bègue.

Cinq enfants : un épileptique, un faible d'esprit, ivrogne; deux

idiots épileptiques ; un mort-né.

Antécédents héréditaires (Renseignements fournis par la mère,

13 juillet -1881). Père : ouvrier journalier, travaillait dans

les plàtrières ou dans les poteries, où il ne gagnait jamais plus

de 3 fr. par jour, car il n'avait jamais eu l'intelligence déve-

loppée : il ne savait pas lire; son caractère était doux. Il fumait

beaucoup et faisait de fréquents excès de boisson; il était souvent

DES FAMILLES D'IDIOTS. 191 t

ivre plus ou moins deux ou trois fois par semaine ; depuis la guerre

cela ne lui arrivait plus qu'une fois par mois; il buvait surtout du

vin et de l'eau-de-vie, quelquefois de l'absinthe. On était alors

obligé de le roucher, et souvent il gâtait dans ces moments-là.

Pas d'excès vénériens; il était au contraire peu porté aux rapports

sexuels. Pendant trois mois, avant son mariage, il avait eu des

relations avec sa femme, qui avait été attirée dans la maison par

la mère du jeune homme, laquelle l'a mise en relation avec son

(ils. Il est mort en décembre 1879, il quarante-neuf ans, dans un

accès d'épilepsie. Il travaillait alors dans une fabrique de faïence :

une masse de terre est tombée sur son dos, elle n'aurait pas suffi

à l'étouffer; mais, ayant été pris d'un accès d'épilepsie, il a suc-

combé avant qu'on ait eu le temps de le secourir. Il était devenu

épileptique à l'cige de six ans, ci la suite d'une peur : son maître

d'école l'avait enfermé dans un cachot noir où les autres enfants

allaient lui faire peur. Lorsqu'il s'est marié, il vingt-huit ans, sa

femme ignorait absolument qu'il tombât du haut mal ; elle ne

l'a su que quinze jours après le mariage, parce qu'il a eu deux

accès dans une nuit. Le nombre des accès variait un peu; il en

avait tantôt trois ou quatre, tantôt cinq ou six dans une nuit. Us

venaient en général par série avec des intervalles de une ou deux

semaines au plus. A mesure qu'il vieillissait ils devenaient plus

fréquents. [Père, mort on ne sait de quoi, il travaillait à la terre.

A/j)'e : journalière aux champs, bien portante, boit beaucoup,

souvent de l'eau-de-vié et de l'absinthe; elle s'enivre. Pas d'attaques

de nerfs. - Deux frères bien portants, l'un célibataire; l'autre a

quatre enfants qui sont en bonne santé et n'ont jamais eu de

convulsions. Ces deux frères sont plus intelligents que le père de

nos malades. - Une soeur, bien portante, mariée, a eu dix enfants

et n'en a plus que trois; les autres sont morts tantôt de convul-

sions, tantôt de maladies ; on ne peut donner à ce sujet de rensei-

gnements précis. - Une tante paternelle aurait toujours été

« imbécile »; elle parlait, mais n'était au courant de rien. Pas de

paralytiques, d'épileptiques, de suicidés, de criminels, de difformes

dans la famille.]

Mère : quarante-sept ans, taille petite; journalière, parait d'une

intelligence peu développée; cependant, elle renseigne passable-

ment. Pas d'excès de boisson. De quinze à vingt et un ans, elle

aurait eu des « faiblesses » qui revenaient plusieurs fois chaque

année. Elle avait comme un étourdissement et tombait par terre :

chaque fois que cela lui arrivait, elle rendait un ver (ascaride)

par la bouche. Depuis la puberté, ces étourdissements ne sont

pas revenus. Elle n'a été réglée qu'à vingt et un ans; les mens-

trues, qui ne venaient que trois ou quatre fois par an, ne

devinrent régulières qu'après le mariage; elle ont cessé brusque-

ment al quarante-cinq ans, lorsqu'on lui a apporté le cadavre de

192 CLINIQUE MENTALE.

son mari et ne sont plus revenues. -- Elle est sujette à des

migraines depuis l'âge de vingt ans, c'est-à-dire six ans avant son

mariage. Elles consistent en douleurs de tête frontales vives,

accompagnées de mouches violettes, rouges, blanches, qui volent

devant les yeux, sans que ceux-ci soient douloureux; en même

temps il y a des nausées violentes et parfois des vomissements

aqueux. Ces accidents durent une journée, et sont moins fréquents

en hiver qu'en été où ils reviennent presque toutes les semaines ;

ils n'ont aucun rapport avec les règles. Pas d'autres accidents ner-

veux. Cette personne, qui est originaire de la Savoie, a eu dans

sa jeunesse un goitre, gros comme le poing, situé sur la ligne

médiane du cou, et qui disparut en un mois à la suite d'un abcès

de la région sus-sternale survenu dans la convalescence d'une

pleuro-pneumonie ; la malade avait alors trente-huit ans. [Père,

travaillait à la terre, est mort très vieux. Il buvait du vin et de

l'eau-de-vie de marc, pas d'absinthe et s'enivrait une vingtaine de

fois par an. 11 n'était pas violent, cependant il battait souvent sa

femme quand il était ivre.-11fère, serait morte enflée après avoir

été longtemps malade. Trois frères qui sont morts, deux tout

jeunes, l'autre de la poitrine, à trente-trois ans; il avait eu un

enfant qui est mort en bas âge, on ne saitde quoi.- Cinq soeurs dont

quatre sont mortes jeunes; la cinquième est morte vers quarante ans,

on ne sait de quoi; elle n'était pas mariée et n'avait pas d'enfants.

Un oncle paternel était bègue, à un degré très prononcé. Pas

d'aliénés, de goitreux, de convulsifs, etc., dans la famille.]

Pas de consanguinité.

Six enfants : 4 un garçon mort à dix-huit ans, le 2 décembre

9S9, à l'hôpital Tenon, d'une bronchite chronique. Il était devenu

épileptique « aux germes de ses dents», à six mois. Il n'était pas plus

intelligent que nos malades, ses frères; cependant il travaillait

un peu dans les fabriques de faïence et gagnait 50 centimes par

jour.

2° Un garçon, dix-sept ans, sert les maçons, parait peu intelli-

gent ; il n'a jamais rien appris à l'école ; il a été soigné à l'hôpi-

tal des Enfants-malades, pour la gourme et la teigne ; il n'a pas

eu de convulsions et ne tombe pas; il est déjà ivrogne;

3° Notre malade Philippe ;

4° Notre autre malade Julien ;

5° Fausse couche à sept mois et demi;

6° Enfant mort-né. Ces deux derniers étaient bien conformés.

Nous allons maintenant rapporter l'histoire personnelle de

cnacun des deux enfants idiots épileptiques.

DES FAMILLES D'IDIOTS. 193

Observation 1. - Idiotie; épilepsie nocturne.

Premières convulsions à sept mois; - peur à dix ans : premier accès

d'épilepsie. Caractère et marche des accès ; fièvre continue à douze

ans. - Description du malade; - blésité : amélioration de l'état-

intellectuel. Hydrothérapie (amélioration) ; bromure de nickel,

etc.; aggravation de l'épilepsie.

Bont... (Philippe-Désiré), ne à Bourg-la-Reine, le 13 mars 1866

est entré le 23 mai 1881 à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Antécédents personnels (Renseignements fournis par la mère,

43 juillet 188 ! ). - Grossesse bonne, pas d'alcoolisme ; pas de trau-

matism°, accouchement à terme, naturel. Rien de particulier à

a naissance. L'enfant, élevé au sein par sa mère jusqu'à vingt et

un mois, a marché à dix-sept mois, a été propre à deux ans, a

parlé vers un an. Premières convulsions internes ( ? ) à sept mois :

pendant la nuit on s'est aperçu qu'il avait les yeux égarés, on n'a

pas vu les convulsions. A dix ans, il eut peur d'un cheval emporté

qui courait vers lui et trois jours après, il eut son premier accès, puis

un second huit jours plus tard. Depuis lors il en a toujours eu en-

viron tous les mois; ils sont plus fréquents quand il a des contrariétés.

On n'en a jamais noté plus de deux en vingt-quatre heures; ils sont

plus souvent nocturnes que diurnes. Le plus long intervalle entre

deux accès serait de trois à quatre semaines. Les accès seraient

précédés d'une aura. L'enfant les sent venir et dit : « Maman, cela

me prend »; il disait aussi qu'il avait les membres engourdis, tan-

tôt les bras, tantôt les jambes. 11 n'a jamais eu d'accès aussi forts

que son frère Julien. Il ne pousse pas de cri : rigidité générale,

égale des deux côtés, pas de secousses, de slertor, d'écume, ni de

morsure de la langue. (Le père et le frère ainé se mordaient la

langue, ronflaient et écumaient.) Il s'endort quelquefois après les

accès ou reste hébété; pas d'hallucinations. Aucun traitement.

Comme maladies antérieures, l'enfant n'a eu qu'une fièvre mu-

queuse qui a duré un mois et pour laquelle il a été soigné aux En-

fants-malades : il avait alors douze ans. Pas de signes de scrofule :

quelques glandes seulement au cou, non abcédées. Sommeil

bon, sans peurs; pas d'onanisme.

A l'école, il n'a presque rien appris : il se sauvait de l'école et

allait jouer dans le pays ou se cacliait : depuis deux ans, il n'y

allait plus que le matin et travaillait le reste de la journée dans

des fabriques de faïence où il gagnait 0,40 par jour. Il était peu

obéissant, n'était pas gourmand; il mangeait salement « comme

défunt son père »; il s'habillait et se lavait seul, mais mal et il

fallait l'aider. 11 est assez peureux.

Archives, t. X, 13

19Ï. CLINIQUE MENTALE.

DES FAMILLES D'IDIOTS. 195

- Maxillaire supérieur régulier et symétrique; quatorze dents

permanentes saines, mais un peu écourtées : il en est de même du'

maxillaire inférieur ; les gencives sont saines, l'articulation des

mâchoires normale ; menton rond ; oreilles grandes, bien ourlées,

écartées de la tête, lobule détaché.

Le cou ne présente rien de particulier : la colonne vertébrale est

rectiligne. Sur le thorax, bien conformé d'ailleurs, on ne note

qu'une saillie exagérée des clavicules à leur tiers interne. Les mem-

bres, supérieurs et inférieurs, bien conformés, bien musclés, ne ·

présentent pas de traces de rachitisme ; les doigts sont longs,

les ongles normaux, la voûte plantaire bien accentuée; la colora-

tion des extrémités est normale. Les appareils respiratoire et

circulatoire sont absolument intacts; l'appareil digestif fonctionne

régulièrement, le foie et la rate sont normaux; l'abdomen, souple,

ne présente pas de saillie exagérée.

Organes génitaux : verge assez volumineuse, pas de phimosis,

méat normal, testicules bien développés. ,

Peau : cheveux, cils, sourcils châtains, abondants; poils assez

abondants sous les aisselles et au pubis, plusrares sur les jambes,

les cuisses, et les bras; léger duvet à la lèvre supérieure. Deux

cicatrices de vaccin sur le bras droit, trois sur le bras gauche; de

ce côté, cicatrice de vésicatoire à la partie moyenne et externe du

bras.

La sensibilité générale est normale : lasensiLilité spéciale intacte :

cependant l'enfant ne lit que de très près les petits caractères :

blésité assez accentuée. Dynamomètre : M. G. 105; M. D. 110.

L'état intellectuel de cet enfant s'est considérablement amélioré

depuis son entrée. A ce moment, il ne savait lire que les lettres,

n'écrivait que mal et en gros caractères, ne savait pas un mot

d'orthographe, ne connaissait, en fait d'arithmétique, que l'addi-

tion de petits nombres : il ne connaissait bien que les choses

usuelles. Caractère tranquille, mais aussi indolent que possible.

Actuellement, il a fait de grands progrès en lecture et syllabe

assez bien; il écrit en caractères moyens, mais l'orthographe est

encore défectueuse, il sait les trois premières opérations d'arith

métique.

La mémoire est toujours faible, la compréhension lente; les pro-

grès ont été aussi marqués pour les exercices physiques et cet

enfant sait actuellement un peu d'escrime, de danse et de gymnas-

tique. En somme, il s'est beaucoup amélioré, il est moins grossier,

plus docile et plus courageux au travail. Il n'est pas méchant,

n'a pas de mauvais inslincts. On l'a surpris parfois se masturbant

en cachette; pas de gâtisme. Les sentiments affectifs sont peu

développés; cependant il accueille assez bien ses parents et surtout

lorsqu'ils le font sortir.

196 CLINIQUE MENTALE.

188J. La publication de ce travail ayant été 1 ctard,c, nous

ajouterons quelques nouveaux détails. En février, B... a essayé

de se sauver, entraîné par l'enfant Rouz. 11 a été envoyé à l'ate-

lier de serrurerie en janvier 1884; ses progrès sont très lents. Il

a été soumis depuis l'entrée à divers traitements : hydrothérapie

(1881, 1882, 1883) : c'est durant cette période qu'ila a eu le moins

d'accès; bromure de nickel (mars-août 1884); enfin à l'élixir qzoly-

bromure (janvier 1885); ces deux médicaments n'ont amené aucuue

amélioration ainsi que cela ressort du tableau et aussi de ce fait

que du 1er janvier au 31 juillet 1885, B... a eu 80 accès toujours

nocturnes. - Les signes de la puberté se sont accentués, les

moustaches se dessinent bien ; les poils sont assez nombreux au

menton et à la partie supérieure et externe des joues. - Les poils

sont plus abondants au pénil. - La verge mesure 9 cent. 5 de

longueur et 5 de circonférence; le glaud, en partie découvert, est

découvrable, le méat normal, les bourses sont pendantes, plus à

gauche qu'à droite; les testicules sont égaux, de la dimension

d'un oeuf de pigeon. ,

Observation II. - Imbécillité ; ÉPILEPSIE.

Premier accès à six mois. - Marche des accès. Description du

malade, blésité. '- Progrès réalisés sous l'influence du traitement :

école, gymnastique, travail professionnel, hydrothérapie, etc.

Bout... (Désiré-Xavier), dit Julien, né à Bourg-la-Reine, le avril

1868, entré le 23 mai 4881 à Bicêtre. (Service de M. Bourne-

VILLE.) 1

Antécédents personnels (Renseignements fournis par la mère,

juillet 1881). - Grossesse bonne'; cependant la mère aurait en des

émotions fréquentes, par suite de scènes que sa belle-mère venait

lui faire, étant ivre, montant la tête au mari auquel elle reprochait

de nourrir [des bâtards. Cependant la mère assure que cet enfant,

comme les, autres, est'bien)du père légal : pas d'alcoolisme. Accou-

chement à terme, naturel. Rien de particulier ci la naissance de

l'enfant. Elevé au* sein par'sa; mère jusqu'à dix-huit mois, il a

marché, à vingt mois, a commencé à dire quelques mots à un an,

a été propre à dix-huit mois. Jamais de convulsions. A six' mois

a au germe de ses idents », premier accès; deuxième accès à

deux ans; troisième accès vers trois ans, attribué à une pt tii, causée

par un obus pendantla Commune. A partir de ce moment, les

accès revinrent tous les deux'ou trois jours et sont toujours allés

en augmentant. I ! s sont diurnes et nocturnes, leur maximum n'a

DES FAMILLES D'IDIOTS. 197 Î

jamais dépassé quatre en vingt-quatre heures ; le plus long inter-

valle entre deux accès était de huit à dix jours.

Pas d'aura. Bont... pousse un cri et tombe raide, également des

deux côtés, quelques secousses; pas de ronflement, pas d'écume;

miction involontaire. Il s'endort quelquefois après les accès et est

toujours très hébété. Pas d'hallucinations ni de délire. Aucun

traitement.

Pas de maladies antérieures, sauf une diarrhée sanguinolente à

l'âge de trois ans, pour laquelle il fut soigné aux Enfants-malades.

Croûtes dans les cheveux, adénites cervicales non suppurées,

ophthalmies pendant deux ou trois mois.

Le sommeil est bon, sans cauchemars; il est moins peureux que

son frère; cependant, quand les accès le prennent, il veut qu'on

reste auprès de lui et qu'il y ait de la lumière parce qu'il a

peur.

Le caractère est assez doux et affectueux, il est bon pour les

animaux, quelquefois il est méchant avec les autres enfants; il

n'est pas voleur ni malfaisant, un peu gourmand sans salacité ; il

mange salement, ne s'habille pas tout à fait seul; pas d'onanisme.

A l'école il appienait mieux que son frère, bien que quelquefois

il se laissât entrainer par celui-ci à faire l'école buissonnière.

199 CLINIQUE MENTALE.

f 881. Mai. Poids : 30 kil. G00. Taille : l-,35.

1882. Janvier. Poids : 33 kil. 400. Taille : 4 m,36.

.1883. Janvier. Poids : 36 kil. 400. Taille : 1m,42.

')884. Janvier. Poids : 43 kil. 100. Taille : Im,50. ,

1884. Juin. Poids : 46 kil. Taille : 1m,ij;i.

1885. Janvier. -Poids : 46 kil. 60. Taille : le,565.

1885. Juillet. Poids : 50 kil. 10. Taille : 4m,57.

1884. 7 mai. Etat actuel. Tête volumineuse, ovale, régulière

et symétrique : bosses frontales à peine saillantes ; bosses parié-

tales très marquées et égales; au'niveau de l'angle supérieur de

'occipital, méplat d'une étendue de 4 centimètres carrés environ,

oblique de haut en bas et d'avant en arrière;- au bord supérieur de

ce méplat se trouve ( une saillie assez, marquée ;les bosses occi-

pitales n'offent rien de, particulier à signaler. Front bas et

étroit, sans, dépressions .latérales; arcades sourcilières à, peine

saillantes. 1" <...)" . '1 .1 .r 5 ·,f

Circonférence au niveau ,de l'attache desloreilles : 0,55; de la

racine du nez à la protubérance occipitale externe : 0,36; d'une

oreille à l'autre : 0,36; diamètre antéro-postérieur (compas Budin) :

18,5; diamètre bi-pariétal, '14,5; diamètre bi-temporal; 12.

Visage rond, régulier, symétrique.- Yeuxmoyens; iris gris-bleu,

pupilles égales et contractiles, pas de strabisme.' 'Nez 'petit, assez

déprimé sa racine.-Oreilles grandes,'bien ourlées, très écartées

de la' tête, lobule aux trois quarts distinct. Bouche grande, lèvres

épaisses surtout l'inférieure, voûte palatine un peu'' profonde,

'régulière, pharynx normal : - Les maxillaires sont réguliers et

symétriques; vingt-huit dents saines, un peu 'écartées les unes

'des autres; léger prognatisme inférieur, les incisives s'articulent

bout' bout, 'en obliquant en''avant' : gencives saines ! - Menton

rond. , ? rn . ' : .1 m" " l "'1

1(, Cou régulier, u^petit ganglion au niveau du sterno-mastoïdien

gauche. le TIt9'If : V.; ,la ? Ionne vertébrale, présente une double

concavité, la supérieure dorsale tournée a gauche et l'inférieure

lombaire, tournée à droite. Les membres supérieurs et inférieurs

. l' ? H. ? IIJJ'1.U ? IUl'JC ttrJ ? 1tljU ? U ? 11 W

.sont bien ,dé,veloPP's ? bien.muscles, ne .présentent aucune trace

- ,de rachitisme ; les doigts sont longs, les ongles normaux* la voûte

..plantaire ist^bien.côncave^ ? ? ^ rf)t ltiZ ? Z*>Xl > .

p.p,lan.tlI;e est,le ! l : ,Cocav ? jlth;,t, '0 ? "To -fil dhlll ? ¡}.il" Iyh

Les, appareils] respiratoire et circulatoire\ne présentent) aucune

'lésion; ['appareil .digestif, fonctionne bien,- l'abdomen, n'est,pas

b saillant, 'le foie etda,rale sontnormaux.nus -1 r , t1 l "'U :

' ? Organes génitaux : verge assez volumine1Íse : l.pas' de phimosis,

méat normal, testicules assez développés; pas d'onanisme si-

gnale.

li, Peau : cheveux, sourcils et -cils chàlain-clail' assez abondants ;

DES FAMILLES D'IDIOTS. 199

quelques poils au pubis; visage glabre, pas de poil sous les aisselles

ni sur les membres; une cicatrice de vaccin il l'extrémité infé-

rieure du deltoïde droit, deux à gauche ; sur la partie médiane

et extrême du bras de ce côté cicatrice de vésicatoire. Au niveau

des fausses côtes et de chaque côté on trouve une petite tumeur

papillomateuse de la grosseur d'un noyau de cerise; tache pigmen-

taire de la largeur d'une lentille au niveau des premières vertèbres

dorsales. ,, T ? , % . . 1'\ . " ;'

- La, sensibilité générale « est normale; les sens spéciaux sont

intacts : l'odorat seul parait un peu obtus. Blésité très lé-

,gère. i e;r' ! id'r 9 · t.111tt ? 1 i 91 tA tu , 1. ,CI HO tliti ,

"f) Dnnmométre : ·M : -D· : 78 : " -- M.-C, ,69.' t J ? . Il,MI tH '.1" i

' Les progrès que''cet'ehfant a réalisés depuis son- entrée sont en-

'c'ofe'plu's\marqués"qel ceux qu'à" faitsl son frère;t'qui' est `d'ail-

leurs beaucoup moins éducablé.'1 r1ü'mom'eilt''de"sonadmission,

il ne savait guère lire que les lettres et syllabait avec'peine

en bégayant beaucoup;til écrivaitlun.peu,"unais très-mal et ne pou-

vait lire son écriture; il était- à peu près nul en calcul,tet ne : sa-

vait rien en orthographe; il connaissait .peu les choses usuelles.

Aujourd'hui,* il'lit couramment et blèse à peine; il fait les»quatre

opérations d'arithmétique, il écrit d'une, façon, très lisible, sait un

,peu d'orthographe; il ne reste guère en. arrière que.pour les exer-

,cices physiques et les,travaux manuels, il, connaît tousses objets

usuels. Saimémoire est bonne, ilc°l ! 1prnd 3.seIÈj les explica-

tions qu'on lui donne : il travaille bien et se montre docile et assez

travailleur, ill n'a pas de, mauvais inlinçts;I'n : isd,i} est^parfois

violent et se; bat souvent avec, ses .camâradés : il n'est pas, gâteux.

Les sentiments affectifs sont peu développés : s'il aime bien à.voir

Le sn tilpents, affej : : tifs,s()qt peu. qév.elopp'\s : . 'i' ain;le .hj,I ? ,vojr

,ses parents, c est surtout, parce qu'ils lui apportent des friandises

- ', ? . '. ' .* ' 1 ' ? - ? U u J.n4W

ou qu'ils l'emmènent à la promenade. - il o-1

, 1883. Juillc't. G'érifnt'ti·avallle a l'âteliér''de`côrdonüêrié 'depuis

9 il r · tttt i ? fi,-t ? t.tj't'< ? a. 1 .1 : .

le 13 novembre 1883; il a fait progrès.' - Lepilepsie

...¡ ? '... ? ..c, " .11 ? Q ( ? ,° .' ? . '" " 4 ., . .

paraît s aggraver, comme, l'indique le tableau des accès et aussi

."·... t r . tçio aJ 1 4 1. 1 z

le relevé desseptpremiers mois (34 accès), rtlalgré 'les 1 trailemenls

auxquels'le malade a été soumis (hydrothérapie1, bromure de nickel,

9 ? " ? ? Pf»lTr,r. ,ra|T>( ,y <%'. : n '' -.«> - , ? t t- - - ' . . '

éhxir poly bromure). Les signes delà puberté ne se-sont'pas accu-

sés au visage, mais les organes génitaux ! 'se ^sont^développés ? 3 Les

-poils;- noirs,'sont ! assez abondantsaupénil et àtla racino des bourses

neuse (10 cent. de longetn9lceut ? i de1circonférence);S ! gland

. el,l,l parieJ. déc uvert,ndél1ç¡,u vl'able ? méat, nQr.m ? I..j\fI ? f.Q ? \l on a-

.1lIsme' ! lI>1'O b .1,0" ? 1 aIY yu ,3ech =ylu..i.f=oJ Jj-iuooii jf.1J <i

. Il.1' : 11 ?

1, Le. tableau ci-contre met en, relief, les. points particuliers de

200 CLINQUE MENTALE. DES FAMILLES D'IDIOTS.

ces observations se rapportant au sujet qui nous occupe

actuellement :

MALADIE DE THOMSEN. 201 (

les sujets atteints d'affections nerveuses ou dans leurs fa-

milles ». L'observation II est un exemple de ce fait, aussi la

mère de nos malades porte-t-elle les tr.aces de cette tare héré-

ditaire : faible d'esprit, migraineuse et goitreuse, elle voit aussi

sept de ses frères et soeurs mourir jeunes, l'un de tuberculose.

Avec de pareils antécédents, sous l'influence de cette héré-

dité double accumulée sur leurs tètes depuis deux générations,

quoi d'étonnant à ce que nous trouvions chez les enfants ces

signes de déchéance que nous avons rapportés en détail pour

deux d'entre eux, et qui, lorsqu'ils ne meurent pas jeunes, en

font des épileptiques, des ivrognes, des imbéciles à différents

degrés. (A suivre.)

RECUEIL DE FAITS

UNE OBSERVATION DE MALADIE DE 'fLIO\ISI;i;

Par MM. A. PITRES et L. DALLIDET.

M. M... (Edouard), âgé de vingt-cinq ans, né à Bordeaux où il

dirige une fabrique de poteries, est atteint depuis son enfance de

raideurs musculaires qui se produisent au début des mouvements

volontaires et qui nous ont, paru reproduire très fidèlement le

tableau de la iiialadie'-dI'É'O'tilsei3. cf .

Antécédents héréditaires ? Les grands parents de M. \L. : sont

morts à un âge avancé sans'avoirs,eu d'affections du système

nerveux. 1 il tBqf"l, ' Il " ` ' ,, t cm

Son 'lJèl'elesl âgé de soixante-dix-sept tns'let-joiiit d'une excel-

lente santé qui jui) permet encore, d'avoir, une vie très active. 11

mène une existence régulière et n'a jamais fait aucun excès.

Petit cl trapu, il ne présente,' aucun phénomène nerveux. Marié

tardivement, il a eu néanmoins une, nombreuse famille. '

Sa mère, âgée de cinquante-cinq ans, est petite et assez bien

musclée. Elle. jouit d'une'santé plus délicate, sans avoir jamais eu

cependant aucune maladie grave. On remarque chez elle une

certaine pâleur des téguments. Vers l'âge de quinze ans, Mule M...

se rappelle avoir eu des troubles analogues à ceux dont se plaint

202 RECUEIL DE FAITS.

aujourd'hui son fils et caractérisés par une certaine raideur mus-

culaire. Les renseignements qu'elle nous donne à ce sujet sont

assez confus. Cette gêne des mouvements volontaires aurait

disparu au bout de deux ou trois ans : on n'en trouve au-

cune trace actuellement. Elle aurait été remplacée par des

crampes musculaires très douloureuses et très fréquentes qui

surviennent brusquement, inopinément à toute heure du jour et

de la nuit. Ces crampes, moins douloureuses et moins fréquentes

qu'autrefois, sont localisées maintenant dans îles masses sacro-

lombaires. Elles apparaissent sans cause appréciable et ne sont

point en rapport avec l'exécution d'un rrlouvement, voloutaire.

Elles se produisent aussi bien au repos que pendant l'action ;

souvent même elles surviennent la nuit avec assez d'intensité pour

provoquer le réveil. ' . '«nu . n1.·,1·tb · ? i, Il .

M. et1\Ime M... on{¡ eu sixenfants. Les troispremiers,ressemblant

physiquement à leur père, n'ont' jamais présenté- aucun ^trouble

appréciable de la motricité; les trois, derniers ? au contraire, qui i

ont été atteints à des' degrés"divers de raideurs, musculaires .à

l'occasion des' mouvements volontaires, ressemblent tous trois à

leur mère : la couleur du teint, les traits du visage, l'expression

de la physionomie rappellent le portrait de la mère. Nous avons

pu examiner tous les membres survivants de^'celte famille et voici

les notes que nous avons prises sur eux ? ' ' 1

1° L'aîné dés enfants de r : 'eÚl';oI ? âgé'dè' l; : ent-cinqans,

est i '1 Il L .. t IJ' si f ,.... ( LJ' 1 Li-ois

dyspeptique. Il est marié et : 'père de trois

petites filles dont l'aînée a aujourd'hui' douze' ans. 'Ces fillettes

sont minces, chétives, d'une santé délicate, mais n'ont'aucun

trouble du système musculaire' ni aucune'1maladie''du système

nerveux' : tt Un tiüalrième' 'enfaÍlt ffi-ort du' CI'Ó'U'p' àl'3ë dè' trois ans,

nerveux. Un quatrième enfant mort du croup à l'âge de trois ans,

avait joui, jusqu'à l'explosion 'des accidents' diphtéritiqué's,1 d'une

]' 't'" Il J. Il JII'I >111,,1 )\. ¡II'/111 '111'-tt'l : ,o'lll "lIJI ? I ? 'r

bonne santé ? il il "TUT

." t ...t, { ? l'lf'; ? f ", l ? I ? }'' t ."i\"I"CJ" ",n ?

2° Le second fils, âge de trente-deux 'ans ? n'a ]a'mais été malade.

J "'1 ? ''l'' 1." "1 '. ? f ? ." ? ,. . #. t f ? i 1" ,... n." f.... "'f'O

Il mené une vie très active et lait tous les voyages pour la maison

illil l 1111Ç'II 1 F : r, L Ilu, 9n Glbln lh,jJ1LL11W' -J"<"I ">*

,d commerce de son père ; ? ? ?

3° Le troisième enfant était une fille morte de plitisie pulm'o-

t\âirë' ! I'j'J Il 1 111J 'J'H' ? tU'I'l 1; ! j¡.I)I1;¡11 ..1 ? 1/, 7.JJll J-gnlv

4° Le quatrième a vingt-six ans. Il a exactement la même'IHrJ-

l;rdie; quoique"â un' dégr3 plus'faible, que,le frè e ? ui fait le'sujet

de" cette observation ! tes troubles' fonctionnels'que l'on' observe

dû'écilé du Ú stè'i11'ellJlüsculaii : e 'son les mêmes''et'se'reproduisent

dans Jes'm6mes'cbnditi6nsfLa''matadie a^'évolué leiltém'en tFans

'que 1 ou ÿ prenne' 'garde." Le jeune homme'1 du reste, ne s'est

L ? -il .Il I, J. ? 'I 1 ? , ,| . |.r ? J ... ? ? 1...'....- ? . ? >< z

jamais plaint de son état et ne consentira a se laisser soigner que

lorsqu'il se sera assuré d'une amélioration 'chez son' frère : Nous

, n'avons pu l'examineravec détail, cependant.nous pouvons dire

4u : 11 'csl'll1oills'gûn<dans,ses mouvements., D'un autre côté 1'liy-

MALADIE DE THOMSEN. : W3

pertrophie de différents groupes musculaires est moins pronon"

cée. Le cou est moins gros, les cuisses moins fortes, le biceps

moins saillant que chez notre sujet. L'attitude du corps est la

même, les membres sont courts; lasituationde repos des membres

supérieurs est une légère flexion de l'avant-bras sur le bras; la

main est ordinairement à demi fermée. Quoique plus âgé que

son frère, la maladie aurait évolué chez lui plus lentement et se-

rait arrivée à un degré moins avancé. Il a pu faire, non sans

gêne il est vrai, une année de service militaire à l'âge de vingt

ans ; , ' "

5° Edouard M..., notre malade, arrive le cinquième dans l'ordre

de la progéniture ; ''

' 6° Le plus jeune des enfants est une jeune fille âgée de dix-neuf

ans. D'une santé délicate, d'une figure pâle, elle est manifeste-

ment anémique. 'Elle est bien musclée, ses membres sont forts

et arrondis sans qu'il yi ait véritablement de l'hypertrophie mus-

culaire. Jusqu'à l'âge de quinze ou seize ans, elle a ressenti une

certaine gêne à l'occasion des mouvements volontaires; depuis

cette époque ? la gêne a diminué peu à peu et il n'en reste.plus

traces aujourd'hui. 1 le, , '

1 ' '

Antécédents personnels. N.. Edouard M... a été bien portant pen-

dantsapremière enfance. Il n'ajamais eu'de convulsions d'aucune

sorte ni de symptômes méningitiques. c C'était, dit sa mère, un

bel enfant; tout le monde m'en faisait compliment et j'en étais

fière. » IL a marché' vers l'âge d'un ah.'ll -a eu la rougeole vers

u l t -t n il. >tlll qi 1 il tt ' 1

trois ans. -1 '1 Il,, 1,.1. , 1 '1'. J, ,

Il est difficile de savoir exactement à quelle époque a débuté

la gêne des mouvements qui préoccupe aujourd'hui M. M... Il est

probable, Qu'elle date de la première enfance et qu'elle s'est

accentuée progressivement et lentement. M. affirme qu'il a

toujours été gêné pour exécuter certains mouvements. Etant en

pension, il pouvait quand il était échauffé, courir ets'amuser avec

ses petits camarades, mais il ne se mettait pas en train comme

enx ? L'hiver, il était, encore plus gêné Jusqu'à Lige de

...,.t .t...th, TI' -11,' ? JI h 1 Jill" i ,II . ? 1

vingt-deux ans, la maladie a progresse avec une extrême tes-

l ? r ? nr" l ,1. 1 'J'Ir : ' j) II ? e YI-') 'f"" '

, , Depuis-^cette, époque, elle^a^ fait, ( paraît-il, des (progrès plus

rapides et est arrivée à occasionner, une impotence fonctionnelle

relative assez grande,, pour inquiéter sérieusement le malade.

Jusqu'à il. a deux.ans, Jes,troubles muscutaires n'acquéraient

une certaine intensité que pendant la saison froide : actuellement

ils sont très appréciables, même pendant l'été. Il n'y a jamais eu

d'aggravation brusque. ,\ ' fI fI); , , ' ,

Etat actuel en 1884.^ ? Le premier symptôme qui fixe l'attention,

c'estle volume considérable des muscles. Presque tous les muscles

20 le RECUEIL DU FAITS.

volontaires font des saillies volumineuses et sont véritablement

hypertrophiés. Les bras et les avant-bras sont très développés. Le

biceps forme sur la face antérieure du bras une saillie considé-

rable qui devient une véritable tumeur dure et bombée quand le

muscle entre en contraction. Le poignet est grêle. La main est

courte et paraît très épaisse par suite du volume des muscles des

éminences thénar et hypolhénar. Les doigts sont maigres, courts :

ils sout habituellement tenus écartés les uns des autres et à demi

fléchis. Les cuisses ont un volume considérable. Le triceps fémoral

est surtout très développé; ses trois chefs se dessinent avec netteté

sous la peau : ils se terminent brusquement sur le tendon rolu-

lien et forment de chaque côté du genou de pros bourrelets mus-

culaires qui rappellent un peu l'aspect des culottes bouffantes du

rogne de Henri II.

Le genou au contraire est grêle. Les mollets sont très gros,

mais ne semblent pas atteindre des dimensions comparables à

celles des muscles de la cuisse. Le pied est petit, sec, osseux.

D'une façon générale, les membres sont gros et courts. Les os

sont plutôt grêles. Quoique le sujet soit de petite taille, il semble

que les membres inférieurs et supérieurs sont moins longs que

chez un sujet de même taille.

L'hypertrophie des muscles sacro-lombaires est considérable.

Ces masses musculaires laissent enti e elles une profonde gouttière.

La lordose des vertèbres lombaires est très manifeste. Les muscles

du thorax sont également plus gros qu'à l'état normal.

Au cou, lessterno-cléïdo-masloïdiens, dans leur partiesupérieure

surtout, présentent un développement anormal. Ils formant de

chaque côté deux larges bandes qui rendent le cou presque aussi

large que la face. Ces deux muscles, dans leur contraction, gênent

considérablement les mouvements de la tête.

La mensuration des membres donne les chiffres suivants :

MALADIE DU THOMSEN. 205

Lorsque les muscles sont au repos, ils ont une consistance

élastique à peu près normale. Lorsqu'ils sont contractés, ils devien-

nent durs comme du bois. De plus, au lieu d'être uniformément

renflés et de former des saillies lisses, ainsi que le font les muscles

normaux; ils sont irrégulièrement bossués, présentant çà et là des

dépressions ou des noeuds qui leur donnent un aspect tout à fait

singulier.

La force musculaire paraît être assez bien conservée, mais elle

est loin d'être en rapport avec le volume considérable des muscles

et l'énergie apparente de leur contraction.

L'exploration dynamométrique donne les chiffres suivants :

206 RECUEIL DE FAITS.

1. Courants galvaniques. (Électrode indifférente appliquée sur le

slernum, électrode différente sur le point moteur du muscle.)

1 éléments Gaiffe 1 = 0,5 milliampères

KSZ -

Pas d'autres réactions.

8 éléments : I = 2,25 milliampères,

KSZ

Pas d'autres réactions.

. 12 éléments : I = 5 milliampères.

KSZ

KSZ = 0

AnOZ=0

An SZ très faible.

16 éléments : 1 = 10 milliampères.

KSZ très fort.

KOZ=0 0

AuOZ=0 0

AnSZ=KSZ

20 éléments : 1 = 19 milliampères.

KSTe

KOZ très faible. '

An OZ=0 0

An STe

Il. Courants faradiques. (Appareil à chariot de Tripier excité au

moyen de deux grands éléments de Gaill'e.)

A. Bobine il gros fil : Résistance = 0 99

MALADIE DE THOMSEN.

extensibles, qu'ils tirent en sens in-

verse de la direction voulue. Cette

résistance musculaire ne se produit

qu'au début des mouvements vo-

lontaires ; elle s'atténue et disparaît

par le fait seul de la répétition du

même mouvement. Si, par exem-

ple, on dit à M. M... de fléchir et

d'étendre successivement l'avant-

bras sur le bras plusieurs fois de

rang, les premiers mouvements

sont lents, difficiles, pénibles; puis,

quand le malade a réussi à les

exécuter quatre ou cinq fois, ils

deviennent aussi rapides et aussi

faciles que chez un sujet sain. Si

M. M... veut monter un escalier, il

a beaucoup de peine à franchir la

première marche, il s'élève moins

péniblement sur la deuxième, et

quand il est arrivé à la cinquième

ou à la sixième, il peut escalader

les suivantes avec la plus grande

facilité, deux par deux s'il le faut.

« Plus je vais, dit-il, plus jc suis dé-

gourdi. »

En observant avec un peu d'at-

tention la façon dont notre malade

exécute les mouvements volontaires

les plus simples, tels que l'exten-

sion et la flexion des doigts, il est

assez facile de s'assurer que ce ne

sont pas à proprement parler les

premières contractions musculaires

qui sont difficiles et pénibles, mais

plutôt les premières décontractions.

Si on lui donne la main à serrer, il

exécute avec hardiesse et rapidité

le mouvementde flexion des doigts,

puis, ce mouvement exécuté, il

éprouve une peine extrême à éten-

dre les doigts, et la main reste

serrée pendant un temps relative-

ment fort long.

Mieux encore que l'observation

directe, les tracés myorraphiques

208 RECUEIL DE FAITS.

mettent en évidence celte difficulté particulière du relâchement

des muscles préalablement contractés.

Le tracé reproduit dans la figure 2 a été obtenu en plaçant

dans la main de M. M... une boule de caoutchouc reliée par

un tube à air avec un tambour inscripteur de M. Marey. Le ma-

lade est prié de serrer et de lâcher cette boule aussi rapidement

que -possible. Ces mouvements s'inscrivent sur le cylindre enre-

gistreur en même temps qu'un chronographe marque .les

secondes. Il suffit de jeter un simple coup d'oeil sur cette figure

pour constater l'accélération progressive des contractions : la

première dure huit secondes, la deuxième quatre, la septième

deux, la dix-huitième une, etc. On y voit aussi très nette-

ment que la période de raccourcissement du muscle est sen-

siblement égale dans toutes les contractions,- tandis que la

période de relâchement (qui correspond sur le tracé aux lignes

descendantes) se raccourcit très notablement à mesure que les

contractions se répètent. , .

Des phénomènes analogues se produisent lorsque le muscle est

tétanisé par le passage d'un courant faradique assez intense à

interruptions rapides. La figure 3 montre les formes de la contrac-

tion électrique des muscles fléchisseurs de la main chez notre

malade. Une boule de caoutchouc étant placée dans la paume de la

main, on lance les courants dans les muscles fléchisseurs. Si le muscle

est reposé lorsque cette excitation a lieu, il se contracte brusquement,

puis, lorsque l'excitation cesse, il revient avec une grande lenteur

à son état de repos physiologique /Ti. 3). Au contraire, lorsque

le muscle a subi plusieurs excitations antérieures, il e décontracte

aussi brusquement qu'il s'est contracté (Fig. 4, A), et dans ces con-

ditions il n'y a pour ainsi dire pas de différences entre la courbe

fournie par les muscles de notre malade et la courbe fournie par

les muscles d'un sujet normal (Fig. 4, B).

Les muscles des membres ne sont pas seuls atteints des troubles

fonctionnels que nous venons de décrire.

7 ? y. 3. -Décontractiou très lente du muscle dans lamaladie de Thomsen,

lorsque l'excitation a été portée sur le muscle reposé.

MALADIE DE THOMSEN. 209

Les mouvements de la tête et du tronc sont gênés de la même

façon que les mouvements des membres. M.M...,sot)icité détourner

rapidement la tête à droite ou à gauche, exécute tout d'abord ce

mouvement avec une extrême difficulté, puis, à mesure qu'il le

répète, les résistances semblent se dissiper et le malade arrive à

porter la tête à droite et à gauche aussi vite que pourrait le faire

un sujet tout à fait sain. De même il peut incliner le tronc en

avant et le relever sans aucune difficulté pourvu qu'il ait déjà

répété cinq ou six fois ce mouvement. Le face n'est pas épargnée;

les mouvements d'occlusion et d'ouverture rapides des paupières,

les grimaces ne peuvent être exécutés facilement qu'après un

exercice préalable. Les mouvements des lèvres et des globes ocu-

laires paraissent normaux dès le début.

Diverses circonstances augmentent la rigidité musculaire dont

se plaint M. M... Parmi elles, il faut signaler, en première ligne le

froid. Son influence est des plus manifestes et le malade déclare

formellement qu'il est toujours beaucoup plus raide en hiver

qu'en été. C'.3st ainsi que, pendant la saison froide, ses mains sont

crispées et forment une griffe rigide. Lorsqu'il saisit un objet, il

ne peut plus l'abandonner qu'avec la plus grande peine. Vient-il à

serrer la main de quelqu'un c'est avec difficulté et avec lenteur

que ses doigts se détachent de la main étrangère. Enfin tous les

phénomènes décrits plus haut sont augmentés d'intensité et dé-

terminent les situations les plus bizarres.

Dans la face, la figure a perdu sa mobilité. Les expressions pas-

sionnelles restent figées, après que l'idée qui les a produites a

disparu et que la volonté a cessé son action. Si M. M... se met à

rire, les muscles contractés de sa figure exprimeront malgré lui le

rire pendant un temps très long. Par un froid très vif, il est même

obligé de ramener avec sa main, dans leur position normale, ses

AncHiVKS, t. X. Il 4

Fig. 4. A, Tétanos musculaire dans la maladie de Thômsen, lorsque

le muscle a été préalablement fatigué par des excitations répétées.

B, Tétanos musculaire normal.

210 0 RECUEIL DE FAITS.

muscles contractés et immobilisés. Comme la face est toujours en

mouvement et exposée directement aux variations de tempéra-

ture, on comprend combien elle doit être grimaçante. Cet hiver,

nous avons pu voir, par un froid très vif, la figure de M. M... com-

plètement décomposée, sillonnée de rides profondes, les traits

tirés et convulsionnés. A ce moment, les paupières étaient à demi-

closes, sans qu'il fût possible au malade de les ouvrir; la bouche

était entr'ouverte, tirée transversalement, sans que M. M... pût la

fermer. Il résulte même de ce dernier fait que 1\1.1\1... éprouvait une

certaine difficulté pour parler, par suite de l'impossibilité où il

était de remuer les lèvres, d'ouvrir et de fermer la bouche. Nous

nous sommes assurés alors que cette gêne ne pro"enait point d'un

trouble dans la motilité de la langue qui a toujours été intacte,

mais de la rigidité des muscles des lèvres et des joues.

L'attention portée par le malade sur les mouvements à accomplir

est une cause de gêne plus grande dans l'exécution de ces mouve-

ments. D'une façon générale 1\I.M... éprouve d'autant plus de diffi-

cultés à se mouvoir qu'il a un plus grand désir de le faire rapide-

ment et avec précision. La crainte d'être remarqué augmente

notablement la rigidité musculaire. M. M... ne monte jamais dans

un omnibus parce que, par le fait seul qu'il désire ne pas pro-

longer l'arrêt du véhicule, il aune peine infinie à soulever sa jambe

et s'élever sur le marche-pied.

La raideur musculaire augmente encore sous l'intluence des

émotions morales de toutes sortes.

M. M... ne se fatigue pas plus rapidement qu'un sujet sain. Il

peut faire des courses prolongées, remuer des fardeaux. Lorsqu'il

est échauffé, il sent ses membres très libres et très forts. Le senti-

ment de gêne ne se manifeste que lorsqu'il faut commencer un

mouvement. Si M. M... est assis, il éprouve de la difficulté pour

se lever et pour faire les premiers pas, mais « une fois en train »,

il peut marcher pendant des heures entières sans être fatigué. C'est

seulement après un arrêt, ou un repos plus ou moins prolongé,

que la rigidité temporaire se fait de nouveau sentir au moment

du départ seulement.

Les mouvements de la langue n'ont jamais présenté les troubles

de la motilité que nous venons de décrire pour les muscles des

membres du tronc et de la face. La déglutition et la phonation

se font facilement : les yeux peuvent être mus facilement dans

tous les sens. Il n'y a jamais eu de strabisme ni de diplopie. Le

diaphragme se contracte bien, il n'y a jamais eu de gêne de la

respiration atlribuable à la rigidité des muscles du thorax.

Les mouvements passifs, communiqués aux membres sont faciles.

Il n'y a pas traces de contracture musculaire permanente. Il n'y a

pas non plus de craquements articulaires.

La sensibilité est intacte dans tous ses modes. Le contact, la

MALADIE DE THOMSEN. - 211 i

piqûre sont partout perçus avec netteté; la température des corps

est exactement appréciée; la notion de position des membres est

parfaite. En dehors de la sensation de gêne qui se produit au

moment des mouvements volontaires, il n'y a aucune douleur l'

spontanée ; pas de crampes, pas de douleurs fulgurantes ou névral-

giques, pas de sensation de lassitude ni de courbature musculaire.

Les réflexes rotuliens sont normaux, sans exagération ni diminu-

tion. Il en est de même des réflexes au chatouillement de la

plante des pieds et des réflexes testiculaires. ,

On ne constate chez notre malade aucun trouble trophique : la

peau est fine, le tissu cellulaire sous-cutané n'est pas augmenté

d'épaisseur , les ongles ne sont pas dystrophiés. Aucun trouble

non plus du côté des sphincters anal et vésical. Les grandes fonc-

tions organiques s'accomplissent régulièrement. Le coeur, les

poumons, l'appareil digestif et ses annexes ne présentent absolu-

ment rien d'anormal. Les urines ont été analysées par 'M. 'le

Dr Denigés, chef du laboratoire de la clinique. Voici les résultats

de cette analyse :

Quantité totale des urines recueillies du 25 au 26 mars 1883 :

1000 c. c.

- la Examen du dépôt : L'urine, laissée au repos pendant huit

heures, présente au bout de ce temps un dépôt à peu près uni-

forme de couleur saumon, disparaissant en grande partie lorsqu'on

élève à 40° la température du liquide. Ce dépôt parait constitué

par des urates mono-sodiqueset mono-potassiques. L'examen mi-

croscopique et la réaction de la murexide confirment la présence

d'urates acides. Après dissolution de ces urates à la température

de 40°, il reste un léger dépôt formé de corpuscules muqueux,

d'oxalate calcique et de quelques cellules épithéliales.

2° Examen physico-chimique : '

Densités 1031. 1

Réaction acide. L'acidité totale mesurée après l'élimination des

sels à réaction amphotère, par la potasse et le chlorure de

baryum équivaut à 5 gr. 60 de K H 0.

Matériaux solides : 54 gr. par litre et par vingt-quatre heures,

comprenant : , ' '

212 RECUEIL DE FAITS.

La matière colorante est normale.

L'intelligence est vive, M. 111... dirige avec beaucoup d'aptitude

et d'activité une maison de commerce importante. Il aime la lec-

ture et fuit les plaisirs plutôt qu'il ne les recherche. Sa maladie

e préoccupe beaucoup : il cherche à la cacher à tous les yeux et

n'en parle jamais à ses amis. A peine en a-t-il quelquefois entre-

tenu sa mère et nous croyons être les premiers et les seuls confi-

dents de ses inquiétudes. Du reste, il s'est prêté avec une extrême

bonne grâce à toutes les explorations que nous avons cru utile de

faire.

NOCE SUR UN CAS DE GRANDE HYSTERIE CHEZ L'HOADIE,

AVEC DÉDOUBLEMENT DE LA PERSONNALITÉ. ARRET DE

L'ATTAQUE PAR LA PRESSION DES TENDONS ;

Par le Dr Jules VOISIN, médecin de Bicêtre.

Le malade, dont nous allons dire l'histoire pathologique, a

déjà occupé quelques observateurs. Il a fait l'objet d'un tra-

vail du Dr Camuset, dans les Annales rsédico-sciaologtques

de 1882 '; et M. Th. Ribot, au cours de son livre sur les mala-

dies de la personnalité, reproduit en grande partie cette

observation 2.

Ces auteurs ont concentré leur attention sur un symptôme

le plus frappant, il est vrai, qu'ait présenté le malade, l'am-

nésie périodique ou dédoublement de la personnalité. Ils en ont

justement profité pour mettre ce cas en parallèle avec la

fameuse observation du professeur Azam (de Bordeaux) 3, et

celles moins classiques de Dufay 4 et de Macnish 5.

Cette alternance de la personnalité a attiré notre attention

également, nous en faisons ressortir les particularités et nous

nous appliquons surtout à mettre sous les yeux du lecteur

1 Camuset. Ann.. hléd. psych. (janvier 1882). Un cas de dédoublement

de la personnalité. Période amnésique d'une année chez un jeune /tysté-

rique.

2 Th. Ribot. P. 82 et suivantes, 1885, Maladies de la personnalité. : ) Azam Revue scientifique, 1876- ï7 et 79.

4 Dufay. Revue scientifique, juillet 1876; mai 1879.

6 Macnish. Physiology of the sleep.

UN CAS DE GRANDE HYSTÉRIE CHEZ L'HOMME. 213

l'observation d'un homme atteint d'hystérie bruyante, convul-

sive et non convulsive, à manifestations extrêmement mul-

tiples. Dans la longue bibliographie de l'hystérie masculine,

on relève surtout des cas d'hystérie fruste '.

Le plus souvent, il s'agit de phénomènes morbides incom-

plets, ou isolés, dont le caractère névropathique est d'abord

discutable, et que la constatation seule de stigmates hysté-

riques permanents permet de rattacher à la névrose. Ici, au

contraire, la netteté de la forme morbide se joint à la diversité

des éléments symptomatiques.

Observation. Hystérie convulsive chez un jeune homme de vingt

et un ans. Phases classiques de la grande attaque; zone hysté-

rogène. Arrêt de la crise par la pression des tendons.

Catalepsie, sommation, aphasie prouoquie; - hémi-anesthésie

cutanée et sensorielle.

Personnalité alternante. - Manie hystérique.

Hystérie viscérale. Congestion pulmonaire et hémoptysies.-

Constipation opiniâtre. Vomissements et anorexie de longue

durée sans dépérissement. (Cette observation a été rédigée par

M. BESANÇON, interne des hôpitaux.)

Le malade ne peut nous fournir de renseignements sur cer-

taines périodes de sa vie, dont le souvenir lui échappe. Nous

résumons ses antécédents d'après une observation déjà publiée '.

Il est enfant naturel. Il a commencé par errer et mendier sur

les chemins. Plus lard, il s'est fait arrêter pourvoi, et conduire à

la colonie pénitentiaire de Saint-Urbain pour y être maintenu

jusqu'à dix-huit ans. Il y travailla quelques mois à la terre ; puis

il tomba malade à la suite d'une frayeur (la vue d'une vipère), et

fut transféré en mars 1880 à l'asile de Bonneval avec un certificat

médical ainsi conçu : « Accidents de nature épileplique datant

du mois de mai 1879, paraissant par accès périodiques de plus

en plus graves. En plus, paralysie des membres inférieurs avec

incontinence d'urine et de matières fécales. Intelligence in-

tacte. »

A Bonneval on constate la paraplégie avec atrophie des mem-

bres inférieurs ! ? ) et contracture. Le malade a cessé de gâter. On

lui fait apprendre le métier de tailleur qui est compatible avec sa

paraplégie. Il s'y met très bien, et reste deux mois sans avoir

d'attaque.

1 Voir les Observations publiées dans les Archives (t. Vif, p. 86), par

M. Bourneville et ses élèves et les Comptes rendus de Bicêtre.

2 Camuset. Loc. cit,

214 RECUEIL DE FAITS.

En mai 1880, subitement, un matin, il prend une violente crise

d'hvstéro-épilepsie. Quand il se réveille du sommeil qui suit l'at-

taque, la paraplégie a disparu. De plus il a perdu le souvenir du

temps qui s'est écoulé depuis que la paralysie l'a frappé. Il se

croit à Saint-Urbain, veut retourner à la culture, ne se souvient

pas d'avoir été paralysé, ne sait plus tenir son aiguille de tailleur,

s'étonne des objets qui l'entourent. \

Après de nombreuses épreuves pour dépister la simulation, les

médecins de l'asile restent convaincus que sa personnalité lui

échappe réellement pendant ces douze mois. Son caractère s'est

modifié. Il était doux, docile. Jusqu'à sa sortie de Bonneval (avril

1881), c'est un malade indiscipliné et voleur. Il continue à pré-

senter quelques manifestations névrosiquess, attaques convul-

sives, anesthésies, contractures passagères, etc.

En résumé, état prime jusqu'en mai 1879; de mai 4879 à mai

1880, état second coïncidant avec la contracture des membres in-

férieurs, et se terminant quand elle disparaît ; après mai 1880,

retour à l'état prime, amnésie des douze derniers mois, change-

ment du caractère. "

Durant les deux années qui suivirent la sortie de Bonneval, V...

paraît avoir fréquenté les hôpitaux. Il parle de l'asile de Vaucluse,

de la Salpêtrière. Il aurait séjourné dans le service de Lasègue,

et y aurait été hypnotisé par M. de Beurmann.

Ses certificats d'entrée à Bicêtre (août 1883), disent qu'il a été

arrêté et condamné pour vol, et le représentent comme atteint

d'insuffisance mentale avec épilepsie. Il est mis dans la section

des valides et reprend son métier de tailleur. D'août 1883 à jan-

vier 1884, ses attaques sont assez rares, et observées seulement

par les surveillants. D'après leur dire, elles ne ressembleraient

pas aux attaques habituelles de haut mal.

Le 17 janvier 1884, à huit heures du soir, il prend une crise

plus violente. Le lendemain, il se plaint d'un point de côté à

gauche. 11 travaille pourtant ce jour là et le suivant; mais le 19 au

soir, il se sent oppressé et rend, en toussant, une assez forte

quantité d'un sang rouge, bien ocré et venant manifestement des

voies respiratoires. Il est transporté à l'infirmerie de la section.

Le 20 à la visite, nous ti,ouv4>w ? le malade, assis sur son lit, en

proie à une anhélation, considérable. R. 45. La voix est entre-

coupée ; le malade est effrayé de son état. L'hématose parait

bien se faire; pas de cyanose, ni de stase dans les jugulaires. II y

a plutôt polypnée que dyspnée.

Température et pouls normaux. Rien au coeur.-Pas d'al-

bumine. La percussion etl'auscultation donnent tous les signes

d'une congestion pulmonaire intense, localisée au sommet droit.

- -Traitement. Ipéca à dose nauséeuse.

Le 21, même état. Nouvelle hémoptysie.

UN CAS DE GRANDE HYSTERIE CHEZ L'HOMME. 21 : > -)

Le 22, le nomhre des respirations a augmenté. Ce qui frappe

le plus, c'est une hyperesthésie extrême de la paroi thoracique

du côté gauche; le malade ne supporte pas le moindre frôle-

ment à ce niveau.

A l'auscultation, on a la sensation que donnent de petites ins-

pirations très fréquentes et très superficielles. Pas de bruits

adventices. Les signes de congestion pulmonaire du sommet droit

ont disparu ou ne sont plus perçus. Le malade ne se plaint que

d'un point de côté atroce.

22 soir. Même polypnée. Le malade est pâle, le front mouillé

de sueur froide, les traits tirés. Il ne répond plus aux questions,

même par signes; le regard est fixe et sans expression. - La

température est normale. Il ne paraît plus souffrir quand on appuie

sur son côté gauche, et ne réagit à aucune excitation. Tout à

coup il cesse de respirer, il se renverse en arrière; son pouls est

filiforme, les battements cardiaques s'affaiblissent. La respiration

artificielle le ranime au bout de quelques instants. Il se remet à

respirer lentement et profondément ; puis les mouvements d'ex-

tension thoracique s'accélèrent peu à peu et diminuent en même

temps d'amplitude, ils deviennent rapides et superficiels et s'ar-

rêtent de nouveau.

La même succession de phénomènes se reproduit pendant une

heure environ. Chaque cycle respiratoire dure deux ou trois mi-

nutes. C'est un rythme qui n'a qu'une grossière analogie avec

celui de Chcyne-Slokes, La période d'apnée ne se limite pas ici à

quarante ou cinquante secondes; les mouvements d'inspiration

ne reprennent pas spontanément. A chaque fois le pouls s'affai-

blet et il semble à tous les assistants que, si l'on ne pratiquait

l'hématose artificielle, la respiration s'arrêterait définitivement.

Deux injections d'éther raniment le malade. Pendant le reste

de la nuit, il se tient assis sur son lit, anhélant et anxieux.

23 janvier. Amélioration. Même polypnée. La thoracalgie du

côté gauche est redevenue aussi intense. L'exploration de la sensi-

bilité générale et des sens spéciaux fait reconnaître une hémia-

nesthésie sensitivo-sensorielle complète du côté gauche. On tra-

verse la peau avec une forte épingle sans qu'il s'écoule une goutte

de sang. La piqûre ne semble pas ressentie. Même insensibilité

au frôlement et à la température. Amblyopie de l'oeil gauche; la

vision à droite est normale; pas de dyschromatopsie. L'hémisur-

dité gauche est complète ; mais cette constatation reste sans

valeur à cause de l'existence d'une otite moyenne ancienne de ce

côté, avec perforation du tympan et écoulement abondant de pus

par le conduit auditif externe. La moitié gauche de la langue, la

narine du même côté paraissent aussi dénuées de sensibilité.

Anesthésie pharyngienne.

T'r<ft'<eMic ? : <. Application de deux forts aimants du côte de

216 RECUEIL DE FAITS.

l'hémianesthésie. Injections dans l'oreille avec une solution alcoo-

lique d'acide borique. -

Soir. - Même état. Sensation de constriction à la gorge.

21 janvier. - L'application des aimants est restée sans résul-

tal. La dyspnée est beaucoup moins forte. La douleur spontanée,

du côté gauche a disparu. Mais la zone sous-axillaire d'hyper-

esthésie subsiste. La pression légère, à ce niveau, arrache des cris

au malade; la pression forte détermine la crise d'hysléro-épi-

lepsie.

Pas de prodromes à l'attaque. Stade épileptoïde, puis grands

mouvements, contorsions, arc de cercle. Cl'ucificmcnt, Point de

délire à la fin de cette première attaque. Sommeil. Hyperexcila-

bilité neuro-musculaire. Immédiatement après la crise, le ma-

lade reprend sa polypnée et sa thoracalgie gauche.

Le malade ne se souvient pas d'avoir été à Saint-Urbain,

d'avoir travaillé à la culture. Il hausse les épaules quand on lui

demande s'il a été paralysé, et semble croire qu'on se moque de

lui. Il se souvient de Bonneval, et parle avec gratitude des mé-

decins qui l'y ont soigné. On lui demande où il a fait son appren-

tissage de tailleur. Il ne sait que répondre. Sans doute sa mère

lui aura appris à coudre quand il était petit.

Soir. Piqûre de morphine au niveau de son point de côté. La

douleur causée par l'aiguille, détermine une attaque semblable à

celle du matin.

Au réveil, il ne se rappelle pas qu'on vient de lui faire une piqûre.

Il pleure et se plaint de son côté gauche. Pas d'autre zone hyslé-

rogène.

26 janvier et jours suivants. - Contracture hémiplégique droite.

Elle cède momentanément à la percussion des tendons, mais

reparait presque aussitôt.

Le malade s'hypnotise par leregardavec une grande facilité, et

la contracture s'évanouit immédiatement pour reparaître avec la

fin de la sommation.

L'ouverture d'un oeil, puis des deux yeux le met en hémi-cata-

lepsie d'abord, ensuite en catalepsie totale. L'occlusion des

paupières ramène instantanément la résolution musculaire. Ces

manoeuvres sont toujours suivies d'une crise. On interrompt l'atta-

que convulsive par la pression du globe de l'oeil, et le malade

reste alors hypnotisé, pour reprendre sa crise dès que cesse l'état

hypnotique.

Il faut qu'il ait sa crise complète avant de se réveiller. On peut

lui morceler son attaque, en l'hypnotisant plusieurs fois pendant

son cours. Mais on ne peut pas l'arrêter définitivement. La fin de

l'attaque est toujours marquée par des cris de douleur, et la con-

tracture de tout le côté droil réapparait avec le réveil. Les injec-

UN CAS DU'. GRANDE HYSTERIE CHEZ L'HOMME. 217 Î

tions'de morphine pratiquées pendant la crise au point même où ici

il souffre n'empêchent pas la thoracalgie de reparaitre.

Dans ses périodes de somnambulisme provoqué, on le soumet

facilement aux épreuves habituelles de suggestion. On le fait

écrire, coudre, etc. On lui fait boire les vins les plus divers dans

un gobelet vide, et on lui persuade qu'il est ivre; il chancelle et

chante des refrains à boire d'une voix éraillée. On lui cherche

querelle et il se précipite avec rage contre un adversaire imagi-

naire. On lui suggère qu'il va vomir; aussitôt, ses traits se tirent,

son visage pâlit et se mouille de sueur froide, et il vomit abon-

damment. On lui suggère qu'il a une blennorrhagie, aussitôt il

prend son vase de nuit et se met à uriner avec difficulté alléguant

qu'il soutire horriblement et il se metà maudire la femme qui lui

a donné cette maladie. Tout.l'arsenal ordinaire des suggestions

et des hallucinations provoquées est ainsi mis en oeuvre. Une fois

réveillé. V... s'emporte contre ceux qui lui racontent, par exemple,

qu'il vient de courir dans la salle, alors qu'il se voit cloué au lit

par sa contracture. ,

10 février. Pour le convaincre, on le fait s'habiller en état

d'hypnotisme,- on lui ordonne de marcher, et on le conduit ainsi à

une assez grande distance dans le cabinet du chef de service.

Là, il se met à parler, comme c'est sa coutume quand il est en

sommation. Il se croit toujours alors à Saint-Urbain, cause de ses

travaux de jardinage, répond aux questions qu'on lui pose sur

Saint-Urbain, ne comprend pas quand on lui parle de Bonneval

et de Bicêtre. Or, un instant après, il récite à haute voix plusieurs

lignes d'un livre qu'il lisait cesjours derniers, à Bicêtre même.

Après quelques minutes d'état hypnotique, il prend sa crise

comme d'habitude. Mais, pour la première fois, il a une phase de

délire avec hallucinations terrifiantes. Il voit devant lui la vipère,

dont le contact lui avait occasionné à Saint-Urbain sa première

attaque. Il pousse des cris aigus; il déchire ses vêtements; ses

traits sont décomposés. On le calme en lui affirmant qu'on vient

de tuer la vipère : « Tiens, la voilà, elle est morte ! » Aussitôt sa

physionomie se rassure.

14 février. - Même état. - V... garde toujours le lit pour sa

contracture. Disparition à peu près complète de la polypnée.

Large plaie à la région malaire gauche ; elle résulte de ce que le

malade, au sortir de ses attaques, se gratte avec fureur ce côté

de la face. En même temps il gémit, présente des bâillements

. répétés, et demande à boire.

Inappétence absolue. Il ne prend que quelques gorgées de

liquide, et vomit sans cesse. Bien qu'il ne maigrisse pas, on tente

de le nourrir à la sonde. Le passage du tube oesophagien provo-

que une crise violente, qui oblige à renoncer à ce moyen. On n'a

218 RECUEIL DE FAITS.

pas été plus heureux en essayant de le faire manger étant endor-

mi. Un jour, après avoir été hypnotisé par l'occlusion des pau-

pières et la compression légère des globes oculaires, il se mit à

table, mangea une côtelette et des légumes, et but du vin. Il

vomit le tout dans la crise qui suivit la somniation. Consti-

pation opiniâtre qui ne le gêne aucunement. Il y a aujourd'hui

47 jours qu'il n'est allé à la garde-robe.

4 février. L'expérience de l'aphasie provoquée réussissait il y a

quelques jours, dans les conditions normales, c'est-à-dire qu'en

ouvrant l'oeil droit, le malade étant hypnotisé et récitant des

vers, on supprimait le langage et l'on mettait le côté droit en

hémi-catalepsie.

Fermait-on la paupière, le malade reprenait sa phrase à la

syllabe où il l'avait interrompue, et les membres du côté droit

retombaient inertes sur le lit. Si l'on ouvrait l'oeil gauche, l'hémi-

catalppsie se montrait à gauche, et la parole ne se supprimait

pas. Or, aujourd'hui la parole s'arrête par l'ouverture de l'oe

gauche qui stupéfie le cerveau droit; comme si le malade parlait

avec cette hémisphère. Quand il est réveillé, le malade a un lan-

gage impersonnel, enfantin. Il dit, par exemple : « Moi vouloir

boire 1 ». Ce langage impersonnel et enfantin existe depuis l'ap-

parition de la contracture.

Les aimants de nouveau appliqués restent sans autre résultat que

de provoquer quelques contractions dans les muscles de'la face;

la commissure labiale est violemment tirée en dehors et en bas.

40 février. On essaie de provoquer le transfert au moyen de

la pilocarpine. On lui fait à la cuisse droite, du côté anesthésié,

deux injections de 1 centigramme chacune de nitrate de pilo-

carpine. Au bout de quelques minutes, le malade se met à saliver

abondamment, et bientôt après à transpirer.

Pas de retard de la sudation du côté hémi-anesthésié. Bientôt

le visage, le tronc et les membres supérieurs sont couverts de

sueur. Mais les jambes restent complètement sèches. Dans la

soirée, l'infirmier s'aperçoit que la contracture du côté droit a

disparu, mais qu'en revanche le côté gauche s'est contracture.

20. A la visite, le bras droit a recouvré ses mouvements et sa

sensibilité. Le côté gauche est hémi-anesthésié et contracture.

Mais la jambe droite est également contracturée. Le malade

entend bien, mais voit trouble, et ne distingue aucune couleur.

La thoracalgie gauche a disparu. Mais il reste là une zone liysté-

rogène dont la pression provoque la crise. Dans la recherche da

l'aphasie provoquée, c'est maintenant, et de nouveau, l'oeil droit

dont l'ouverture détermine l'arrêt de la parole.

1 Comparez l'OBSERVAnoN de Dufay ; toc. cil.

UN CAS DE GRANDE HYSTERIE CHEZ L'HOMME. 219

21. - Les quatre membres sont contractures. Le transfert

obtenu par la pilocarpine a donc fait place à une contracture

généralisée. Deux injections de pilocarpine restent sans autre

effet que de provoquer la diaphorèse et la salivation.

22. -Même contracture des quatre membres. Anesthésie géné-

ralisée. Jusqu'ici, on avait inutilement cherché à arrêter les

attaques, soit par la pression du testicule, soit par la pression

des fosses iliaques ou de la zone d'hyperesthésie, soit par tout

autre moyen. On constate aujourd'hui que la pression d'un ten-

don (tendon d'Achille, tendon rotulien) arrête brusquement la

crise et réveille le malade.

z Limitation de la contracture à droite, comme précédem-

ment.

Mars, avril. V... garde toujours le lit avec sa contracture du

côté droit. Les crises sont toujours assez fréquentes. A présent, à

la fin de ses attaques, il présente souvent de longues phases

d'excitation maniaque, il chante et crie pendant des heures.

Ce qu'il offre de plus spécial, ce sont les modifications de son

état mental. Il a, en effet, de véritables accès de folie hystérique,

avec hallucinations de la vue, délire partiel, etc. Il se croit

enchaîné au lit par la volonté de Charcot et de l'interne du ser-

vice. Il s'emporte contre eux, les menace de mort, parle de se

suicider, et passe quelquefois plusieurs heures à crier, à appeler

au secours. On le brûle, on l'enchaîne. Il demande un revolver

pour faire justice de ses persécuteurs. Il entre en communication

avec des personnes du dehors à l'aide d'un fil électrique. (C'est

un simple fil de coton qu'il tient à la main.) Ce fil doit empêcher

ses persécuteurs de l'approcher; s'ils touchent le fil, ils tomberont t

foudroyés. Son langage est toujours impersonnel et un peu

enfantin; il se perfectionne cependant.

L'application de pièces d'or du côté hémi-anesthésié provoque

une hyperhémie locale, avec sensation de brûlure, vives déman-

geaisons, et retour de la sensibilité au point précis de l'applica-

tion. Plaque symétrique de l'aneslhésie sur l'avant-bras gauche.

17 avril. Hier soir, à 9 heures, le malade a eu une crise

légère. A la suite, la contracture du côté droit a disparu. Il s'est

endormi, le corps plié, les mains relevées derrière la tête, et a

tranquillement sommeillé. Le matin il se réveille et demande

ses habits à l'infirmier. Il veut aller travailler. Il s'étonne que ses

vêtements ne soient pas au pied de son lit; il croit que l'on vient l

de les lui cacher par plaisanterie. Il se croit au 26 janvier (jour

d'apparition de sa contracture).

On l'amène auprès du chef de service. Il reste ébahi quand on

lui fait remarquer que les feuilles sont aux arbres, que le calen-

drier marque 17 avril, que le personnel du service est modifié,

220 RECUEIL DE FAITS.

que lui-même ne porte plus aux doigts de piqûres d'aiguilles. Il

ne se souvient pas d'avoir été contracture du côté droit. Il est

faible sur ses jambes et se dandine en voulant se tenir debout.

La pression dynamométrique de la main droite est plus faible

que celle de la main gauche. L'hémianesthésie sensitivo-senso-

rielle persiste, l'élocution est normale.

f er mni. - V ? a eu, ces jours-ci, une ou deux attaques par

jour, sans phénomènes particuliers. Il est calme, s'occupe à

coudre et se promène dans la section.

3. Le malade s'hypnotise en regardant une montre. Pendant

son sommeil, il n'est plus à Saint-Urbain, mais à Chartres. A la

fin de sa crise, idées érotiques, spasme cynique, projeclion ryth-

mique du bassin en avant. Il n'est pourtant pas en érection et n'a

pas d'éjaculation. L'infirmier affirme que dans une crise précé-

dente, suivie semblablement d'un coït imaginaire, l'éjaculation

s'est effectuée.

'10 juin, Dans la journée d'hier, le malade a eu une série de

crise. A leur suite, la contracture du côté droit est revenue. Le

malade est resté plusieurs heures au lit dans l'état où il était du

mois de janvier au mois d'avril. Il se croyait au 17 avril. Il parlait l

impersonnellement, comme alors. Ce matin la contracture a dis-

paru, et V... est dans l'état prime.

Pendant les six derniers mois de l'année, V... n'a présente

aucun phénomène nouveau. Son caractère est modifié. Il était

doux pendant la période de contracture; il est indiscipliné,

taquin, voleur. Il travaille irrégulièrement. Les crises sont

toujours assez fréquentes. La contracture ne reparaît pas une

seule fois, mais l'hémianesthésie conserve son caractère de stig-

mate indélébile. V... garde quelques idées délirantes. Il fuit les

médecins, par crainte qu'on l'hypnotise.

2 janvier 188 ? - Après une séance de somnambulisme pro-

voqué suivie d'une crise, il s'évade de Bicêtre en volant des etfels

d'habillement et de l'argent à un infirmier comme lors de son

évasion de Bonneval.

De cette longue observation, nous relèverons brièvement un

petit nombre de points.

Disons tout d'abord que l'idée d'une simulation nous est

venue à l'esprit et que, comme nos confrères, nous l'avons reje-

tée. Les symptômes que nous avons décrits sont assez probants

par leur existence même pour que nous n'insistions pas

davantage.

La congestion pulmonaire aver, hémoptysies, que nous avons

UN CAS DE GRANDE HYSTERIE CHEZ L HOMME. 221 1

signalée, n'est pas imputable à une tuberculose latente. Pen-

dant toute une année, nous nous sommes efforcés en vain de

dépister chez notre malade quelque indice de phthisie au

début. La fugacité dans les manifestations congestives, l'ex-

trême mobilité des signes physiques qui les traduisent, l'ab-

sence de fièvre- et d'amaigrissement, et enfin la marche de la

maladie sont des contre-indications de la tuberculose. Aussi

nous croyons avoir été témoins d'un cas très net de congestion

pulmonaire d'origine névropathique '.

Mais il est impossible d'attribuer à cette congestion passa-

gère la polypnée spéciale qui lui a survécu pendant plusieurs

jours. Des diverses variétés de dypnée nerveuse, on doit

éliminer ici, comme ne rendant pas compte des symptômes

observés, le spasme glottique, la contracture du diaphragme,

et le syndrome clinique désigné par les auteurs sous le nom

d'asthme utérin de Van Helmont.

C'est évidemment à la thoracalgie intense dont a souffert

notre malade, qu'il faut rapporter l'anhélation rythmée si

particulière que nous avons décrite.

L'arrêt de l'attaque par la pression d'un tendon, tous les

autres procédés d'inhibition restant sans effet, a l'intérêt d'un

fait inédit. C'est en maintenant le malade sur le lit que nous

nous sommes aperçus que la pression du tendon rotulien

provoquait l'arrêt de l'attaque. Nous essayâmes alors la pres-

sion du tendon d'Achille et nous arrivâmes au même résultat.

Cette pression s'effectuait en comprimant fortement le

tendon entre les doigts et le pouce. Une pression légère ou une

percussion à l'aide d'un petit marteau sur ces tendons, quand

le malade était en état de veille ou en somniation, amenait la

phase épileptoïde de l'attaque. On arrêtait cette phase épilep-

toïde en comprimant fortement le tendon, et le malade entrait

de nouveau dans la période de somniation ou dans l'état de

veille. L'attaque était donc quelquefois morcelée comme cela

arrivait quand on comprimait le globe oculaire, mais la pres-

sion du tendon est le seul moyen qui ait amené l'arrêt complet

de l'attaque.

Résumons maintenant ce qui a trait à l'amnésie pério-

dique.

Quand il est entré à Bicêtre, V... était en état prime. Il

1 Yoy. Debove. Congestion pulmonaire hystérique (Union médicale,

itiH3). "

2 ? 2 Cl RECUEIL DE FAITS.

n'avait encore présenté qu'une seule période d'état second, à

savoir : les douze mois (mai 1879, mai 1880) pendant lesquels

il était resté contracturé des deux membres inférieurs. Au

mois de janvier 1884, il tombe dans une deuxième période

d'état second, coïncidant encore avec une contracture, et cette

phase dure trois mois. Le 17 avril, la contracture disparaît, et

le malade revient à l'état prime.

Pour la commodité du langage, nous nous servons des termes

état prime et état second.

D'après lui, à l'époque où 11. Camuset et M. Ribot ont raconté

l'observation de V..., ces expressions s'appliquaient fort bien à

notre malade qui présentait, au point de vue de l'amnésie, une

analogie presque absolue avec l'hystérique de M. Azam. Cette

femme, en effet, pendant l'état prime, avait autant de lacunes

dans la mémoire qu'elle avait présenté de périodes antérieures

d'état second. Pour user de la phrase de M. Azam, c'était

autant de pages arrachées du livre de sa vie. Pendant l'état

second, au contraire, ces lacunes se comblaient, les feuillets

du livre reprenaient leur place. Elle se souvenait alors de tout

l'ensemble de son existence, à la fois des périodes d'état prime

et des phases antérieures d'état second. '

Or, notre malade en état prime a perdu, il est vrai, la

mémoire de l'état second, et, à ce point de vue, il est l'ana-

logue du sujet de M. Azam. Mais, dans la deuxième période

d'état second que nous avons observée (janvier-avril 1884), il

ne s'est pas souvenu de la première période d'état second

(mai 1879, mai 1880). Le malade savait bien qu'il avait habité

Saint-Urbain, mais en état de santé et quand il travaillait à la

culture. Il ne se rappelait pas avoir gardé le lit pour une con-

tracture à l'infirmerie de cet établissement. De même pour

Bonneval; il conservait la mémoire de la dernière partie du

séjour qu'il fit dans cet asile, mais il ignorait y avoir été para-

lysé. La mémoire, dans cette condition, n'offre donc pas

comme dans l'observation d'Azam plus d'étendue que dans la

condition prime. Les phases précédentes d'état second

paraissent définitivement rayées de son souvenir. A peine dans

la condition seconde, son esprit a-t-il l'avantage de garder

l'empreinte des quelques semaines ou des quelques mois qui

viennent de s'écouler depuis qu'il est en contracture. Car, et

ceci est le point essentiel de l'observation, ses périodes d'état

second ont exactement coïncidé avec des contractures éten-

UN CAS DE GRANDE HYSTÉRIE CHEZ L'HOMME. 223 3

dues, et il n'a jamais présenté de contractures en dehors de

cette condition.

Nous ferons remarquer aussi que, dans cet état second,

le malade présente un aspect bien différent, tant au point de

vue intellectuel qu'au point de vue moral, de celui qu'il a dans

l'état prime. Quand il est contracturé, en effet, ou en état

second, le malade est doux, enfantin, et a un langage imper-

sonnel comme les bébés et il possède peu de connaissances

générales. Quand la contracture disparait, le langage redevient

vif, les mots arrivent abondamment, les tournures de phrases

sont correctes et le malade deyient querelleur, taquin, indis-

cipliné et voleur. Cette manière d'être dans ces deux états est

bien intéressante, et pour compléter dans ses lignes princi-

pales l'histoire des altérations de la mémoire chez notre

malade, nous montrerons que chez lui il y avait en quelque

sorte un troisième état, celui pendant lequel il était quand on

l'a endormi artificiellement. Dans cet état, le malade avait un

véritable délire de mémoire de la première enfance. 11 parlait

et agissait toujours comme s'il était à Saint-Urbain. Il avait

seize ans et demi; on était au mois d'avril 1879; il croyait, en

nous causant, s'adresser à ses compagnons de travail; il igno-

rait jusqu'au nom de l'asile de Bonneval; quant à Bicêtre, il

en avait entendu parler et il savait que c'était un hôpital de

fous près de Paris; du reste, il n'était jamais venu à Paris.

Donc, dans l'état d'hypnotisme, V... perdait constamment le

souvenir des cinq dernières années. Il se trouvait reporté avant

le moment où il tomba malade, et où il prit cette première

attaque d'hystérie épileptoïde qui marqua le début de sa car-

rière pathologique.

Quelles influences physiologiques changent ainsi le ton

général de l'organisme et par suite la mémoire ? Un état du

système vasculaire ? Une action inhibitoire ? Un arrêt fonction-

nel ? Je ne risquerai aucune interprétation, je me contente de

faire l'énoncé des faits de pathologie intellectuelle que nous

avons observés cliniquement, mais il est probable que la même

situation physique ramènera chez notre maladelamème situa-

tion mentale.

Un dernier phénomène a excité notre intérêt et nous a paru

sortir du cadre ordinaire des manifestations névrosiques, dont

notre malade a présenté pour sa part une si riche collection.

Il a trait à l'expérience de l'aphasie provoquée.

- 2 -2 'e .. . RECUEIL DE FAITS.

Rappelons ce dont il s'est agi. On hypnotisait le malade.

Par l'ouverture de l'oeil droit, on stupéfiait le cerveau gauche,

et l'on, déterminait la cessation du langage et l'hémi-catalepsie

droite. Jusque là, rien que de régulier. Mais quand la contrac-

ture habituelle se fut installée à droite, l'expérience réussit

en, sens inverse. Ce fut alors l'ouverture de l'oeil gauche qui

provoqua l'arrêt de la parole en même temps que l'hémi-cata-

lepsie gauche.

Ceci prouve que, le malade se mit à parler avec son cerveau

droit dont il eut à faire l'éducation. C'est alors en effet, qu'il

présenta ce langage impersonnel, enfantin, que plusieurs fois

nous avons signalé.

A peine dans les premiers jours parvenait-il à se faire com-

prendre ; puis la parole lui revint progressivement, et il passa,

mais plus rapidement, par toutes les phases que parcourt l'en-

fant qui apprend à parler. '

Poussons plus loin l'analyse de cette observation. Le 20 fé-

vrier, la contracture et l'hémianesthésie qui étaient à droite

passèrent à gauche sous l'influence d'une injection hypoder-

mique de nitrate de pilocarpine. L'aphasie provoquée, recher-

chée à ce moment, nous montre cette fois que l'ouverture pal-

pébrale de'l'oeil droit et non de l'oeil gauche comme précédem-

ment, détermine de nouveau l'arrêt de la parole. Que signifie

ce symptôme ? si ce n'est que le malade parle de nouveau

pendant cette contracture avec son cerveau gauche et. qu'il

présente une polarisation psychique en même temps que le

transfert de la contracture du membre.

De tout ceci il parait résulter que les causes qui chez notre

malade amènent la contracture, provoquent aussi l'arrêt fonc-

tionnel de la circonvolution de Broca, tandis que les causes

qui provoquent les troubles de la sensibilité ne paraissent

pas influencer la fonction du langage. 1 >n

En effet citez notre malade à l'état prime; le langage est

correct et cependant il existe une hémianesthésie cutanée et

sensorielle. (1 C'est ce que d'ailleurs nous observons aussi chez

la plupart des hystériques. Mais dans les deux cas il y a une

modification, des cellules qui servent au substratum de la mé-

moire puisque dans l'état prime et dans l'état second, la

mémoire n'est pas entière. Cette modification de la mémoire

parait plutôt due à une anesthésie ou à une paralysie de ces

cellules qu'à un défaut d'harmonie dans l'activité des deux

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 225

hémisphères, car chez notre malade il n'y a pas incohérence

ou doute dans ses réponses (celles-ci sont très-précises), mais

il y a des pages du livre de sa vie, comme le dit Azam, qui

sont complètement déchirées et dont il n'a aucun souvenir.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XX. Occlusion intestinale, gastrotomie, TROUBLES PROVOQUÉS par

l'excitation du grand sympathique; mort; par le Dr Léon BLON-

DEAU. (Fr. méd., 884, 1.)

Dans le cours d'une gastrotomie, au moment où le chirurgien

introduisit sa main dans le péritoine, survinrent à deux reprises

des accidents : pâleur de la face, refroidissement, ralentissement

du pouls, accélération de la respiration, etc., qui semblent con-

firmer, par une véritable expérience sur l'homme, les résultats

des recherches de Claude Bernard sur les fonctions du grand

sympathique. G. D.

XXI. Méningite TUBERCULEUSE. - Mort, autopsie; par le Dr DESCROI-

ZILLES, médecin de l'hôpital des Enfants.

Cette observation de méningite est intéressante à cause de la

longueur de sa phase initiale qui a duré près de deux mois et de

sa physionomie fort insidieuse, puisque le jeune malade, tout en

vomissant chaque jour, n'était en proie à aucune souffrance locale,

ne maigrissait pas et conservait ses joues.

Cette irrégularité dans la marche de la maladie est peut être

le fait des productions tuberculeuses trouvées à l'autopsie dans le

cerveau et le cervelet, productions probablement plus anciennes

que celles des méninges, mais de même nature qu'elles. G. D

XXII. Paraplégie ataxique OU TABÉTIQUE; par le Dr Michel CATSARAS.

(Fr. méd., 1884,11.)

Une paraplégie subite survient quelquefois chez les tabétiques

soit tout à fait au début de la maladie, soit dans le cours de la

première période du tabes. Cette paralysie guérit habituellement.

Archives, t. X. 15

226 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

mais la marche de l'atonie parait en être accélérée. Cette conclu-

sion est basée sur une observation personnelle et sur deux obser-

vations de M. Charcot. G. D.

XXI II. UN cas DE syphilis centrale secondaire; par M. le Dr LANDOUZY.

(FI', méd" 1884,1.)

Il s'agit d'un homme âgé de quarante-sept ans, présentant des

manifestations cutanées et muqueuses de syphilis qui fut atteint

d'une hémiplégie de la face du côté droit et d'un état parétique des

membres supérieur et inférieur du même côté. Ces accidents qui

guérirent rapidement furent attribués à l'existence d'une artérite

syphilitique de la sylvienne gauche. G. D.

XXIV. EVEIL d'un état DE MAL HYSTÉRO-ÉI'ILEPTIQUE A la SUITE D'UNE

opération CHIRURGICALE avkc anesthésie ; par M. E. VALUDE, interne

des hôpitaux. (Fr. méd., 1884, 1.)

Il s'agit d'une jeune fille âgée de dix-huit ans, à laquelle on

pratiqua l'énucléation de l'oeil droit; immédiatement après son

réveil, elle fut prise d'attaques d'hystérie subintrantes qui durèrent

trois ou quatre jours. Cette malade n'avait jamais présenté anté-

rieurement d'accidents hystériques, si ce n'est une légère attaque

de convulsions survenue deux jours avant son opération à la suite

d'une vive contrariété. L'auteur pense que c'est au chloroforme

qu'il faut rapporter dans ce cas l'éclosion du véritable état de mal

présenté par cette malade. G. D.

XXV. Observation DE syphilis cérébrale; par le Dr Le DENTU,

chirurgien de l'hôpital Saint-Louis. (France médicale, 4 884, lL)

Un malade qui avait une ancienne blessure non cicatrisée du

frontal contracta la syphilis, celle-ci provoqua par la suite une

série d'accidents comateux et paralytiques qu'on crut devoir rap-

porter à une méningo-encéphalite aiguë. Tous les traitements

employés, y compris la trépanation, restèrent inefficaces, seul le

traitement spécifique amena peu à peu la disparition de tous les

accidents. La guérison se maintint pendant 4 années au bout des-

quelles survint une paraplégie : institué sans doute trop tard, le

traitement spécifique ne réussit pas, et le malade fut emporté par

de nouveaux accidents cérébraux.

XXVI. UN cas DE MYÉLOPATIIIE AIGUE.\ MARCHE ascendante, rappelant

la paralysie ascendante aiguë ; pal'l\l. BARTII, médecin des hôpi-

taux. (Fr. méd. 1884, 1.)

; Un homme âgé de cinquante ans, syphilitique, présenta, à la

suite d'un embarras, gastrique fébrile, plusieurs poussées de pur-

REVUE DE pathologie nerveuse. 227

l'ura et des douleuis s rhulllaloïdcs dans les jambes, sans fièvre.

Bientôt après, il se manifesta une iritis double subaiguë, puis des

fourmillements dans les extrémités, enfin survint une paralysie

d'abord des jambes, puis des bras, sans contractures et avec

affaiblissement rapide des réflexes tendineux. En même temps,

on nota de famine sans aucune lésion antécédente de l'appareil

urinaire. Trois juurs après le malade mourut brusquement de

syncope. 11 était alité depuis trois semaines; pas d'autopsie.

Cette série d'accidents doit être attribuée, d'après l'auteur, à une

altération de l';ixe spinal à marche ascendante, dans la patho-

génie de laquelle la syphilis aurait joué le principal rôle.

XXVII. Hémiplégie gauche avec aphasie chez un malade QUI N'ÉTAIT pas

gaucher; par M. Michel CAT5,\nAS, professeur agrégé à l'Ecole de

médecine d'Athènes. (Fr. 7nés., 1884, 1.) ·

Pour expliquer cette infraction à la loi de Broca, l'auteur sup-

pose que, chez son malade, il n'y avait pas d'entre-croisement des

faisceaux pyramidaux : Pas d'autopsie. G. D.

XXVIII. NOTE SUR un cas d'hémiplégie gauche survenu dans LE cours

d'une pneumonie droite chez UNE femme atteinte D' ? .TIiÉIl01 : 1SIF

diffuse ; par le Dr H. Luc, ancien interne des hôpitaux (Fr. méd.,

4 884, 1.) 1

Limitée au mouvement, cette paralysie ne dure guère que vingt-

quatreheures. L'âgede la malade n'estpas indiqué; il estdit seule-

ment qu'elle avait eu, deux ans avant, une attaque de rhumatisme

à la suite de laquelle s'établit lentement une endocardite et des

lésions artérielles probablement prédominantes dans les artères

du cerveau. La thrombose ainsi préparée depuis longtemps trouva

brusquement' réalisées les conditions déterminantes de sa pro-

duction dans les modifications du sang survenues du fait de la

pneumonie. G. D.

XXIX, TABES, ,\NBSTIIÉoOE faciale, dysesthésie linguale, sialormiée,

Toux, cuises d'urine; par le Dr Archibald WATSON. (Fr. méd.

4884,1.) 1

XXX. SUR LES symptômes NEUROPATHIQUES DE la lèpre ;

par P. ROSENBACH (Neùrol. Centralbl., 1884).

Observation de malade dans laquelle l'affection cutanée

jouait un rôle tout à fait subordonné. Les phénomènes morbides

les plus essentiels consistant en : analgésie complète des extré-

? ô REVUE DE pathologie nerveuse.

mités inférieures avec conservation du sens du tact, diminution

de la sensibilité à la douleur et du tact dans les extrémités

supérieures, dans le dos (domaine des taches lépreuses) et sur

la peau de la face intacte, atrophie des petits muscles des deux

mains avec troubles de nutrition, de la peau, des phalanges,

anomalies pigmentaires toutes spéciales, dystrophie cutanée

au début localisée aux extrémités inférieures, actuellement

disséminée sur le dos, exagération du phénomène du genou,

gangrène des deux orteils, absence de toute espèce de phéno-

mènes paralytiques et de troubles de l'équilibre. L'ensemble

de ces éléments permet d'asseoir le diagnostic de la lèpre

anesthésique, sive nervorum seu mzctilaas, il n'y manque qu'un

symptôme prodromique; c'est le pemphigus qui précède parfois

l'apparition des plaques et des zones anesthésiques, d'ailleurs

inconstant. Suit une analyse critique de ce fait et de beaucoup

d'autres. P. K.

XXXI. UN cas D'HYPERTONIE PSEUDO-HYPERTROPHIQUE DES

muscles; par A. EULENBURG (Neu1'olog, Centralbl., 1884).

Cas de rigidité musculaire (Leyden), ayant pour synonymes :

hypertrophie musculaire spasmodique et maladie de Thomsen.

Se différencie des autres faits de ce genre en ce qu'il s'agit,

dans l'espèce, d'une affection acquise, survenue vers l'âge de

vingt ans, sans étiologie; atteinte simultanée de la tunique

musculeuse de la vessie, absence bilatérale complète du phé-

nomène du genou, diminution notable de l'excitalité ner-

veuse faradique et galvanique, de la contractilité farado et

galvano musculaire et de l'excitabilité mécanique directe des

divers muscles des quatre extrémités. P. K.

XXXII. SUR LES TROUBLES oculaires dans la SCLÉROSE 111ULTI-

loculaire; par R. GNAUCK (neural. Centralbl., 1884).

Il ne s'agit dans l'espèce que des affections du nerf optique.

Elles constituent, notamment l'atrophie du nerf optique, des

accidents assez fréquents dans la sclérose en plaques. Dans la

moitié des cas, on constate une diminution de l'acuité visuelle,

et parmi ces faits, la moitié se complique d'atrophie du nerf.

La statistique de l'auteur comprend cinquante cas de dégé-

nérescencegrisemultiloculaire; il n'y comprend pas le syndrome

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 229

de la paralysie spinale spasmodique. Parmi ces cinquante ma-

lades, treize présentaient des troubles des muscles de l'oeil,

dix-neuf des perturbations pupillaires(dont quatre observations

de raideur immobile de l'écran), vingt-deux n'offraient aucun

trouble visuel. Vingt-huit étaient atteints de diminution do

l'acuité de la vue à divers degrés (8), de diminution de l'acuité

avec rétrécissement du champ visuel (5), ou des mêmes symptô-

mes avec altération du fond de l'oeil : atrophie totale ou partielle

des nerfs optiques; hyperémie papillairc avec névrite optique.

Après quelques détails sur diverses observations, et la mise en

relief de l'atrophie du nerf optique d'origine névritique dans

la sclérose en plaques, M. Gnauck distingue l'atrophie primi-

tive du tabes de celle de cette affection, en ce que la progres-

sion de l'atrophie est uniforme et généralisée dans la papille

du tabétique, tandis qu'elle se limiterait ou demeurerait plus

accentuée pendant longtemps sur la moitié temporale dans

la sclérose en plaques. P. K.

XXXIII. SUR la CO-ATTEINTE ÉVENTUELLE DE la charpente MUS-

CULAIRE DE LA FACE DANS LA FORME JUVÉNILE DE L'ATRO-

PIIfE musculaire PROGRESSIVE; par E. REMAK (Neurol. Cen-

tralbl, 1884).

Observation d'un cas d'atrophie musculaire progressive

héréditaire, compliquée de diplégie faciale presque absolue.

Nous passons sur l'examen plus approfondi des symptômes et

sur la discussion du diagnostic que l'on trouve posé dans la

suscription suprà. La conclusion est que l'existence d'une

forme purement myopathique de l'atrophie musculaire pro-

gressive est irréfutable. P. K.

XXXIV. SCLÉROSE multiloculaire avec atrophie NÉVRITIQUE

bilatérale DU NERF optique;» par Eulenburg. (IVeU ? '01.

Centralbl., 1884).

, '.>." tif t jf,' .'

Ce symptôme, consistant en une névrite optique, ayant

abouti à une atrophie totale, aveccécité complète, (durée quatre

semaines), permit le diagnostic entre l'hystérie et la sclérose en

plaques. Cas différent de ceux de Gnauck * et qui prouve que

dans la sclérose en plaques la névrite peut ne pas se borner a

1 Voy. Archives de Neurologie. 1

i : lO REVUE DE pathologie NERVEUSE.

atteindre les moitiés temporales des nerfs optiques, peut ne

pas y rester cantonnée, qu'elle est capable d'atteindre rapi-

dement toute la papille. P. K.

XXXV. Atrophie musculaire héréditaire ET PSEUDOHYPER-

TROPHIE DES muscles ; pas SCHULTZE (Neurolog. Cen-

tralbl., 1884).

Observation révélant chez une même famille, l'existence de

plusieurs cas d'atrophie musculaire. L'auteur est d'avis que

toutes les formes d'atrophie musculaire progressive sont très

proches parentes de la pseudo-hypertrophie, surtout quand

elles sont héréditaires. Les grandes différences accentuées qui

cliniquement et anatomiquement séparent les atrophies muscu-

laires d'origine névrotique, des atrophies musculaires primi-

tives, telles que la pseudo-hypertrophie et les formes analogues

d'atrophie musculaire héréditaire ou non, relèguent, continue

M. Schultze, au dernier plan les petites distinctions qui s'étalent

par exemple sous la rubrique de surcharge graisseuse de quel-

ques muscles ou d'altérations anatomiques consécutives ; elles

n'ont pas de valeur, car chez les membres de la famille envisagée

ici, l'adipose existait chez tel sujet et faisait défaut chez l'autre.

Comme il semble évident à M. Schultze que la pseudo-hyper-

trophie n'est pas une maladie du système nerveux, l'atrophie

musculaire héréditaire est une myopathie primitive. En tout

cas,- on en ignore la cause, car la notion d'hérédité n'en révèle

pas l'origine première. Tel est l'esprit du mémoire. P. K.

XXXVI. UN cas DE tabès dorsal compliqué d'atrophie musculaire PRO-

GRESSIVE ; par A. EULENBURG. (Berl. klin. Coca., 1885, n° 15.)

L'auteur présente un cas de tabes avec atrophie musculaire ;

sur un nombre d'environ 500 cas de tabès, il n'en a observé que

deux autres analogues. Pas d'autopsie; Eulenburg se demande si

dans certains cas l'atrophie musculaire n'est pas une maladie

surajoutée plutôt qu'une propagation des lésions des cordons

postérieurs. P. M.

XXXVII. Monoplégie brachiale avec anesthésie; par C.-J. NIaO.I.

(Tnans. of the Academy of mecl. in Ireland, t. II, 1884.)

Il s'aitd'unejeune fille de dix-neuf ans,sur laquelle on nerelève

aucun signe évident d'hystérie, qui futprisc de monoplégie brachiale

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 231 1

gauche dans une circonstance assez particulière : elle lavait du

linge dans de l'eau chaude lorsqu'elle vint à plonger son bras

dans l'eau froide. Il survint immédiatement de l'anesthésie de la

main, puis de la faiblesse musculaire. Peu à peu l'anesthésie et

la parésie remontèrent jusqu'à l'épaule. Tous les muscles du

membre supérieur étaient en état de parésie, mais l'anesthésie

dépassait les limites de la paralysie et s'étendait du côté gauche

seulement sur le thorax et l'abdomen. CH. F.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

IV. SUR QUELQUES phénomènes d'états épileptiques ET coma-

TEUX ; par L. WITKOR'SKI, (Neurol. Centralbl., 1884).

L'auteur met en relief un mode d'accès d'épilepsie, consis-

tant en une paralysie pure, momentanée, sans aucun trouble

de la connaissance, sans phénomène convulsif, tantôt bilaté-

rale, tantôt unilatérale (voy. Allg. Zeitsch. f. Psych, t. XXXVII) ;

il émet la possibilité dans l'espèce d'une lésion ou d'un

trouble fonctionnel de la substance grise centrale du plancher

du troisième ventricule (Christian et Bechterew). D'une ma-

nière générale, l'histoire des accès rudimentaires suggère

l'idée d'une localisation différente pour chaque genre d'accès

épileptique ; localisation bien cantonnée lorsque l'attaque se

borne à quelques phénomènes en rapport avec l'endroit atteint,

localisation constituant le point d'origine et de rayonnement

des modifications physiologiques quand l'attaque se généralise.

En ce qui concerne les équivalents psychiques de l'épilepsie,

ils tirent leurs caractères non pas de la forme de l'attaque

psychopathique, pas davantage de la forme spécifique incons-

tante de la folie, mais de la combinaison des symptômes psy-

chiques avec d'autres troubles nerveux, souvent tout à fait

passagers (convulsions, paralysies, sopor, vertiges, hyperes-

thésies, anesthésies, fièvre). En étudiant ces combinaisons, on

arrive à restreindre de plus en plus la notion des particularités

caractéristiques habituelles de tel ou tel épileptique, les accès

: 3 revue DE pathologie mentale.

avec leur phénomènes concomitant et consécutif varient plus

qu'on ne croit chez un individu donné. Quant à l'état de la

pupille , tout sopor pur s'accompagne de myosis (suppres-

sion de l'influence cérébrale), aux phénomènes convulsifs res-

piratoires et vaso-moteurs directs s'associe la mydriase, d'où

prédominance ou succession de ces modifications pupillaires

selon que règne tel ou tel élément. L'assoupissement, qui sur-

vient dans les derniers jours qui précèdent la mort, s'accom-

pagne de mouvements oculaires coordonnés d'une unifor-

mité et d'une lenteur toute spéciale, quand on est en face

d'un pronostic fâcheux ; il y aurait lieu de les rapprocher des

mouvements coordonnés des yeux d'une précision régulière

qu'on observe pendant le sommeil et l'état de rêve et, par suite,

du supposer que les processus cérébraux de l'agonie sont ana-

logues à ceux qui président aux rêves. P. K.

V. Abstinence absolue D'UN FOU systématique; par

F., SIEMENS. (Neurolog. Centralbl., 1884.) ,

Observation prouvant qu'un' adulte bien portant physique-

ment peut supporter une abstinence absolue, même sans in-

gestion d'une goutte d'eau, pendant douze jours; nul incon-

vénient physique, ni psychique ; diminution totale du poids

de 14 kilog. soit un 1 kilog. 160 par jour. En second lieu, dans

les derniers stades de l'abstinence absolue, l'urine contient de

l'albumine issue des reins. Cette albumine disparaît très rapi-

dement dès qu'on a fait ingérer une copieuse quantité d'eau.

Le fait témoigne encore de l'inanitiation volontaire par délire

jusqu'à danger pour la vie, c'est pourquoi M. Siemens em-

ploya la sonde oesophagienne ' ; sinon, la sonde, dit l'auteur,

fait plus de mal que de bien à telles enseignes que toute ré-

sistance de la part de l'aliéné l'eût engagé à différer son inter-

vention. D'après lui, ce genre de cas est extraordinairement t

rare. Guérison. P. K.

VI. SUR LES CELLULES NERVEUSES ganglionnaires DE l'écorce

DU CERVEAU DANS LA PARALYSIE PROGRESSIVE DES ALIÉNÉS;

par E. MENDEL. (Neurol. Centralbl., 1884).

A l'état normal, la cellule corticale est entourée d'un espace

4 Voy. Archives de Neurologie, t IX, p. 108.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 233

péri-ccllulaire très peu large (cerveau bien sain, enlevé très

peu de temps après la mort, convenablement durci, sans excès),

elle mesure à la base de 7 à 50 li.; en hauteur 10 à 75 z. Les

cellules les plus grandes occupent le lobule paracentral ; on

en trouve quelques-unes isolées dans le lobe frontal, et dans le

lobe occipital avec de petites et de moyennes. Forme un peu

arrondie, fusiforme, ou pyramidale ; l'aspect morphologique

et le nombre des angles et des prolongements dépendent

d'ailleurs de la situation des cellules pyramidales par rapport

à l'axe optique du microscope. Leur protoplasma, finement t

granuleux, est quelquefois jaunâtre surtout chez les vieilles

gens ; leur noyau est ellipsoïde. Dans la paralysie générale

à évolution courte, il n'existe pas d'altérations cellulaires ;

pour qu'elles existent, il faut une paralysie générale ancienne,

avec démence avancée et phénomènes paralytiques très pro-

noncés. Ces altérations corticales sont : 1° dilatation des

espaces péricellulaires remplis d'une matière jaunâtre, ne se

colorant' pas ou ne se colorant que peu par le carmin ; 2° pro-

toplasma stéato-pigmenté (coloration jaunâtre et granulations

obscures opaques ou brillantes fortement réfringentes) ; 3°

sclérose et atrophie cellulaires : disparition du contenu fine-

ment granuleux, aspect rayé, consistance plus ferme, con-

tours tortueux, disparition des éléments; 4° le noyau offre

les mêmes modifications dans son contenu, dans sa forme,

dans sa situation par rapport à l'élément cellulaire; il existe

aussi de gros noyaux ; au dernier degré de l'altération, ils font

défaut. Intégrité des cellules des gros ganglions, de la protu-

bérance, des noyaux, qui commandent aux muscles de l'oeil.

Seuls les noyaux de l'hypoglosse semblent, dans les cas de

très longue durée, être le siège d'altérations extrêmement pro-

noncées, quant à leurs cellules.

VII. Sur l'état des aliénés en RussiE;parM.KowALE\vsKY. (Archives

de psychiatrie, de neurologie et de psychopathologie légale, Khar-

kow, 488, nn 1.)

Avant la fondation des états provinciaux en Russie (zemstwa),

c'était le « Comité de charité publique », qui avait soin de la

situation des aliénés. Enchaînés dans les caves, les malades étaient

alors traités presque comme des criminels. Actuellement ce sont

Voy. Archives de Neurologie, Société de psychiatrie et maladies ner-

veuses de Berlin. Déc. 1884.

234 ! REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

les états provinciaux, qui en ont soin. Quoique la situation des

malheureux se soit beaucoup améliorée, on trouve encore, cepen-

dant, des états provinciaux dans lesquels : 1° l'administration

exige un paiement plus ou moins considérable, même des aliénés

pauvres, pour leur traitement dans les asiles; 20 l'administration

ne reçoit dans les hôpitaux que des aliénés originaires de la ré-

gion ; 3° les aliénés sont soumis préalablement à un examen,

long et inutile, par la régence du gouvernement; 4° les malades

sont maltraités; 5° le traitement n'est pas confié aux spécialistes,

et 6° les médecins ne sont pas indépendants.

Or, M. Kowalewsky pense que ces faits anormaux sont dus à

l'arbitraire extrême et à l'absence de lois, précises et obligatoires

pour tous les états provinciaux, sur les aliénés. C'est pourquoi

l'auteur demande que le gouvernement élabore et mette en vigueur

des lois nécessaires. Mais, préalablement, il croit utile de convo-

quer un congrès de tous les psychiatres russes pour l'examen de

différentes questions pratiques, qui peuvent se présenter. Pour

M. Kowalewsky, ces questions seraient les suivantes :

1° Réception et entretien des aliénés dans les différentes par-

ties de l'empire :

2° Contrôle de malades dans les établissements et chez eux

(examen par la régence du gouvernement, devant les tribunaux,

etc.);

3° Législation par rapport aux aliénés ;

4° Occupations et travaux dans les maisons des aliénés;

5° Administration de ces maisons;

6° Sortie des malades;

7° L'organisation actuelle des maisons des aliénés et l'idéal à

réaliser dans la patrie. J. ROUBINOVITSCH.

VIII. L'importance DES altérations ANAT011fOPATHOLOGIQUES DE

la paralysie progressive DES aliénés dans LEURS rapports

avec la PRODUCTION DES attaques APOPLECTIFORNES ET Épi-

L1;PTIrORDIES; par W. BECHTEREW. (Arch. f. Psr.la., XIV, 3).

Les symptômes cliniques des attaques congestives correspon-

dent selon l'auteur, toutà fait aux phénomènes que l'on observe

quand on augmente brusquement la pression encéphalique.

Les attaques apoplectiformes témoignent d'une augmentation

générale et temporaire de cette pression, tandis que lesattaques

épileptiformes indiquent une localisation à la zône psycho-

motrice. Deux facteurs interviennent dans ces mécanismes ;

le liquide céphalo-rachidien, et la circulation propre du cer-

veau. Ce sont les troubles dans l'équilibration compensatrice

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 235

des deux espèces de liquides et leurs modifications fonction-

nelles qui engendrent les attaques et leurs formes différentes.

Ainsi, les lésions communes de la paralysie générale entrai-

nent une hyperpression de la part du liquide céphalo-rachi-

dien ; delà une anémie cérébrale diffuse, apoplectigène. En

d'autres cas, ce sera une congestion cérébrale active qui, en

élevant la pression artérielle, engendrera de l'apoplexie avec

convulsions générales, parce que le liquide céphalo-rachidien

chassé par la pression sanguine, ne refluant pas assez vite

(lésions de ses voies d'écoulement) comprimera la surface du

cerveau. Quant aux convulsions partielles, elles sont dues à

la formation de poches kystiques sous-arachnoïdiennes (travail

inflammatoire spécial) qui exercent une compression locale

sur les régions corticales sous-jacentes (circonvolutions ascen-

dantes, région frontale, pli courbe et organes voisins). P. K.

IX. LA POPULATION PSYCHOPATHIQUE DU GRAND-DUCHÉ D'OLDEN-

BURG, D'APRÈS LES RÉSULTATS DU RECENSEMENT DE LA POPU-

LATION PRATIQUÉ LE 1er DÉCEMBRE 1880, COMPARÉE AVEC

les admissions antérieures; parP. KOLLMANN. (Allg. Zest-

schr. f. Psych., XL, 4.)

-

Le nombre total des perturbations mentales comporte 977 se

répartissant en :

231; REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.' 237

détaillée). On demandait l'interdiction, de concert avec le

l3ezir7csplasz7cus ; l'auteur conclut au rejet de la demande, à

raison de l'intégrité intellectuelle de la personne incriminée,

et se déclare prêt à faire un rapport qu'une fois rentré chez

lui il rédige. Mais le tribunal, au mépris de toutes les conve-

nances, saisit de l'examen le médicinal collegium, bien que les

deux confrères fussent d'accord, et qu'il n'eût pas entre les

mains le rapport motivé, d'ailleurs non demandé par lui.

M. Neumann critique les allures et les conclusions des rap-

porteurs ultérieurs ; il ne s'agit pas en effet de savoir si la

personne en question a été jadis affectée, il s'agit de détermi-

ner au moment actuel l'état des facultés, car nous n'avons pas

assisté au passé dont on parle. P. K.

XII. DE L'INFLUENCE DE la GROSSESSE SUR l'évolution DES

psychoses; par BARTENS. (Allg. Zeitsch. f..Psgch., XL, 4.)

Note relatant douze observations qui viennent à l'appui de

ce fait, que la grossesse noircit le pronostic d'une maladie

mentale existant avant elle. A cela rien d'étonnant, puisque

la grossesse par elle-même (troubles de circulation, perturba-

tion chimique du sang, troubles de nutrition en rapport avec

cet état) met souvent les femmes affaiblies et fatiguées à deux

doigts de l'aliénation mentale (excitabilité, maussaderie). Mais

la plupart des cas d'aliénation mentale rassemblés dans la

bibliographie, au cours desquels la grossesse survint, étaient déjà à

des cas de psychose puerpérale; la nouvelle grossesse ne pou-

vait donc qu'agir désavantageusement. Dans les faits exception-

nels où il semble quelagrossesseaitdéterminélaguérison, il est

plus logique de croire, que ce sont les conditions sociales du

bien-être, de la tranquillité créées par le mariage qui ont pro-

duit un bon effet; en tout cas, la satisfaction sexuelle n'a

pas grande influence ici. Du reste, les observations d'Erlen-

meyer sont les seules où l'on ait affaire à des primipares. Sur

les douze observations de M. Bartens, une seule femme a

guéri de par sa grossesse, c'était une érotique très excitée (voy.

l'observation de Marcé.) Sur les onze restantes, deux avaient

été atteintes de psychoses puerpérales ; deux furent amélio-

rées, une mourut, huit demeurèrent malades ; cinq d'entre elles

présentaient une tare héréditaire (une guérison, une amélio-

ration). P. K.

238 REVUE DE pathologie mentale.

XIII. COURTE communication SUR UN cas DE TROUBLE mental

douteux ; parGpUNEWALD (Allg. Zeitsch.f. Psych., XL, 4).

Il s'agit d'un vol commis par un dément épileptique observé

dans un asile pendant trois mois. P. K.

XIV. Rapport sur UNE épileptique ; par G. LANGREUTER.

(Allg. Zeilsch. f. Psych., XL, i.)

Une femme est condamnée à un an de prison pour coups

et blessures, et à six ans de détention pour vol grave. Or,

elle présente tous les caractères de la folie épileptique. On

constate chez elle pendant son incarcération de l'irritabilité

morbide avec amnésie, des accès de rage ne laissant également

aucune trace dans la mémoire (équivalents psychiques), des

périodes d'obnubilation durant souvent des jours entiers, des

vertiges épileptiques, des accès convulsifs classiques, des

phases de torpeur et d'angoisse, de la déchéance intellectuelle.

Conclusions abrégées du rapport : hérédité psycho et neuro-

pathique à sa plus haute puissance, se manifestant, dès la plus

tendre jeunesse, par de l'excitabilité, des violences, de la

céphalalgie. Plus tard se montrent des accès de rage patholo-

gique, ces paroxysmes disparaissent au moment de la puberté

pour revenir plus violents après les premières couches. Enfin

se montre le tableau complet observé à la prison dont l'affai-

blissement psychique est la conséquence. Malheureusement

ce rapport suit la condamnation. ' P. K.

XV. Rapport STATIST1C0-CASUISTIQUE SUR LE quartier D'ALIÉ-

NÉS DE L'HOPITAL JULIUS DE WURZBOURG POUR LES ANNÉES

' 1873-1882 INCLUS par K. LIND (Allg. Zeilsch. f. Psych.,

XL, 5).

Deux parties'. La première renferme les indications statis-

tiques relatives à la fréquence des admissions dans ce quartier,

à la comparaison de cette fréquence avec celle' des autres asiles

d'aliénés de la Bavière, à la division en individus ayant droit à

l'hospitalisation (relevant de l'ancien diocèse de Wurzbourg),

en bavarois et non bavarois, au placement ultérieur des ma-

1 A rapprocher du travail de Rieger. Voy. Archives de Neurologie,

t. VIII, p. 92.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 239

lades après leur renvoi, aux résultats du traitement en général

et du traitement par rapport aux diverses formes de l'aliéna-

tion mentale (tableau); enfin quelques mots sur l'emploi des

moyens de contention, les agents hypnotiques et les sédatifs.

Nous y cueillons ce qui suit : bien des formalités pour la récep-

tion et le renvoi des malades n'existent pas. L'admission et le

congé appartiennent au chef médical du quartier; il lui suffit

en outre de prévenir les communes de l'incurabilité pour être

débarrassé des aliénés. C'est pourquoi, tandis que les asiles

d'Erlangen, d'Irrsee près Kauftbeuren, de Karthausprüll, de

Werneck, de Klingennünster, de Deggendorf, de Barpeuth re-

cevaient dans ces dix dernières années 1,254, 1,381, 834, 1,135,

1,219. 2,005, 832, 601 aliénés, ce quartier de Wurzbourg en

admettait 1,4991. Cette grande activité du service, jointe à

l'impossibilité où l'on y est actuellement de faire du no-res-

traint (emploi aussi modéré que possible de la camisole, des

ceintures, du bourrelet ouaté), jointe encore à la nécessité, de

par le manque d'espace, d'user des narcotiques, implique l'o-

bligation de créer un véritable asile. L'auteur préconise le

chloral à doses hypnotiques massives de 1 à 2 grammes, ou à

doses fractionnées (30 à 50 centigr.), répétées pendant le jour

sans dépasser au total 3 grammes ; les opiacés ne convien-

draient guère que chez les alcooliques ; quant à l'hyoscyamine,

à faibles doses (5 mill. à 1 cent.), elle augmente l'agitation, à

hautes doses, elle intoxique. La seconde partie contient

une série d'observations suivies d'analyses critiques plus ou

moins développées. On a dans les dix ans traité 321 mélanco-

liques, dont les deux tiers de femmes, soit une proportion de

1 : 5 par rapport aux autres entités morbides. On y a vu 125

guérisons, 118 améliorations, 72 incurables, 6 morts. Voir

l'OBSERVATION 1 (lypémanie de la ménopause). La folie systé-

matique primitive a été représentée par 1 67 faits dont 92 chez

les hommes; on a noté 2 guérisons, 60 améliorations, 97 incu-

rabilités, 4 morts. Voir l'OBSERVATION III (femme de trente-

six ans, guérison complète malgré les hallucinations, au bout

de dix-huit mois de maladie). La folie épileptique a été obser-

vée chez 92 individus dont 71 hommes; il y a eu 27 guérisons

(accès maniaques passagers), 47 améliorations, 1-2 incurabilités,

quatre morts. Voir l'OBSERVATioN IV (épilepsic de la gravidité)

et trois autres faits d'épilepsie provoquée (électrisation intem-

pestive et morsure d'ours). Quatre exemples étudiés avec soin

210 REVUE DE pathologie mentale.

, Il' 1 1 l' ï i .. .

permettent à M. Lind d'affirmer que la déchéance ^pondérale

qui suit les accès d'epilepsie est faible et souvent nulle chez les

...., ,. - ' ? , , l ? l 1. i... ? i;1'1'1 r')'t . '

vieux épileptiques, au elle n est pas proportionnelle, aux accès

i -j" f ii- - . 7 -j ' ? '►'M'j ? .i1; *" ! t

que les fortes diminutions de poids oui suivent des ictus aceilinu-

;, , . , , ? -t ? 7- ? Lt Il 1 t si ,. ,1

lés doivent être rapportés à la faible alimentation concomitante.

T , f .... - . , .. '- n o¡Tola., .Ihll t'I"1 ? itte4.-

La folie périodique a eu pour terrain treize hommes et .treize

n '' ? ) ? ? ? t Ili, 1 - e. - . 1 51l il, il.

lemmes (citons 1 Observation V), et la folie c ! ? 'eM/a : ? 'e, : quatre

. " .1# 1 ? o.. p e ? I1'0''). (. ,,0 .h 'U ? l ... 1 ? 1 tif

femmes et un homme, tous individus fortement héréditaires. ? .. ? ... ? l, j'T ? t ? )" (\ 1" t '¡' .. i ,'...., j 1. i ¡ ¡ ..... t 1 J' .J" «

Lent trente et un cas de démence paralytique; cette affection ? " -t ">" ... ifrt,il 1, ',t llàliq,4.il-i-'f

qui atteignait cent neuf hominés"préélominé Ici'-dnsq lé ,qu'a-

' ., t n si z t-"( '-... 1 l'lU mt : rttrt·t 11 %1.3 r ·r·

trième dixième de la vie : Voir Observation VI . (lypeniatio- : ' I "'1,... , tr ·,-ro ? ·,.r,llr r : .. fJ"I : i.' 1, tttf"gl.

hypochondrie due a 1 exagération., du travail intellectuel;

i , 1 ..1", l>lnt4 I"fi U el ? qt au 4H'I t W 'u'"^ ? <

hypothermie énorme dans les derniers Jours de la vie : ,29,1) ? ? ., ,1 i-trïrli/1 r ? .tP'),')r ? H't ....... tt.f.t ? '

OBSERVATION,'VII r(paralÿséfigeriei·âlé, due a la misère,

4. ' ' 1, ? f' ! t,,ff ? n ? H"MU.< ? )< itn) ? T ? f,

vingt-sept attaques , epileptitormes . toniques; précédant la

' Il ? ? ".1 t co; : >m'trHF'/I;'¡1 - 'l ? i ? Ir', l'

mort, hyperthermie à 42,1f-) : 'm OBSE3VATION VIII (paralysie

, ? i ? 1 h"I't ? 1fd ? ,')" : trrl' ,t'l, P,1111'" ? H-ul,}' "l'/I'd '(. i

générale syphilitique, mais s inanitë de, traitement, hydrar-

g ' ? \ 1 ? f- -; ? ir 'rrrrl)tT.9t .-sl. n,I .rfl` yte.t,r

. un')' Au ? (iD' 'loro ? '\nt'\rrr¡t ? r,('l lPJ,q 1 ... ? ,M ? jl...ftIO't.,u

gyr;que ; n, e ll'lUln tremens sont, consacrées' les OasER-

, ? v1T ! 'VYT'<VTrT'')'r°J ? ) ? Il ". '{ 1 olll' à 1> lw

Varions , , , " . a ,0 le al' ma a te soma l uc

f 63' f' ? , v i ''Ij']'' ,'r ."'"in ¡'dTlI ? lJ ]'0" l'l,II" ,lfWl.tt. 13 ,.t z

compte 63 exemples,, 1 auteur en donne OBSERVATION qui

j ? ? ) ? 'r ? r ? 4b ih)t)"'f li 1 .2f ,

devrait prendre le numero.XIV (RosaR..., p. T49).,LesOBSER-

devrait prenare' le ? ' ."i I .' XIV* osa ? p, 74 ? ,'f L69013âR- .,

vations XIV et XVII. qui suivent ^devraient avoir les nume- ? tW ? TT'-ttt t tr" J' 1 ? t<t <U ? « ? ¡

rs tyr et XVI illustrent, la fôlié cdûe à il- des lésions 'cérébrales

''t ? 1 yy · t. ? cf)- ? t ',r '1 I ; rflltvr r' 1 jf))r( ? < ?

matérielles (tumeurs) ? inversion du sens nerutal, a son actii,

1 ? J' 1 ." " Iplyl, 1 .1.11 '. 11 ? '1

1 Observation XI (Margaretha s. p. 576 qui',devrait porter

l ? ,j 5 . tt . ? h ·,. 1 7 ) y 1 rW '1 nl ! t 1 ·rm

le ciniîi'e XVlI..Ennn quelques observations ne rentrent pas

nr. ·mr t t·t ' ! n qt 1 t')I ! : ft.lf " 1 ? t"Y' 'aW t `rtt 1

rigoureusement dans le cadre de la,psychiatrie, tels ces troubles

intellectuels chez deux fillettes, atteintes de convulsions hvste-

. - nl t' ! ^ r z ? rr ! t .trtn(1 fll-J Id ? ¡;. tHfli1 .'it1»«»<.

reformes ou chorélformes '(Sabme, ib. p. 7a/ ; Anna M...) avant

- (far r ! 1 rd'i nit ? ft{tr ? et U'94 ff ,'tn'i;);.

" ? If"1 'Il" l'... 'III, .>nt"drlt't> 'l ? "\; 10' ! ln...t< ? tlI"lf sous la

guéri par le changement de milieu. .On pouirait, sous la

/11" ? d'' t" 4 . si t) 9 1t·a l .,1 ? ]"0'\ ? )<n'/i ? .....1111"1',1 ? ] t,

rubrique de troisième, partie, coter le résume des causes de la

,Wi · , tlmr 1 f , r·r' .g· r·otn ·t '«' .< ? «« t' «Ott

mortalii'élef'ld teneur d'un e ? dis'c u ss ion fort intéressante au

mortalite'et la teneur d une discussion fort intéressante au ? <'h' ·,Ur.) oa ! Wltlr=K nr ! t t' rlnt ^ ! 1 ·- -tt ? t)<t f') r

sujet delà soi-disant intoxication' chlorahique' de deux maras-

tiques. ' ptjnj

iv ? r P 'J Il If' n 'Iff(UPÎ)'J fiJufm3 ! < ! tV/ L ,sua : l'1 t : InuS7

( ' t, ri. , f nr : Ima «h t(tnrr)n <".ff(-)t 9t) ·ltt,s '') r. ! t[13.1

fXYI',(,S'1. ",r DE VOYAGE EN FRANCE qbA"I'n," ,.1 " ! \{Jj, EN

XVI. Souvenirs DE voyage 1 en, France, en ,rt tc : W TI '1f I ) en

'ECOSSE ET 'J...-nB ? .1 ? lJ'ir" '¡OH' Il' ? w ? PI'" JI)' ..., J('A' 'll"

Ecosse ET en'' Belgique; '.par. H. A..AVILDERMUTH (Allq.

'z " 'b 1/' f l'pl ? h XLtt5)'tlltil 1 ··n ? ItrN 111H ? j. ¡H ?

,'Zelit'seèlil'. f.@"Ps%'ycfh., xi, 5). Il, Í 'J ' ,

111 -/ 1 'l-1 , Il -. -1 ? rt. iliti, .4 1 ·r 7Ja Il Il, (1111)'\ lui ui>

L'auteur'a visité en\ France' 'la"Salpètrière"i Bicôtre, 'Vau-

1 Voy. à ce sujet Archives de Neurologie, t. VIII, p. 229. , 1 ,,

RHVUH DE PATHOLOGIE MENTALE. 241

cluse, Ville-Evrard, Sainte-Anne et l'établissement privé de

Falret et de Cotard; il a assisté aux leçons de MM. Charcot.

Legrand du Saulle, Ball, Luys; il a suivi les développements

de M. Bourneville sur la constitution de son service. Il a

couru à travers Charenton. Il se déclare satisfait du genre de

construction des nouveaux asiles ou des nouveaux bâtiments;

mais il nous reproche d'avoir conservé les habitudes militaires z

quant à l'uniforme, à la disposition des malades pour la

visite, pour la tenue des gardiens, au volume des trousseaux

de clefs; on se croirait plutôt, selon lui, en des établissements

pénitentiaires ? En Angleterre il a visité Bedlam avec ses

fenêtres encadrées de fer, dont une étroite aile seulement

peut s'ouvrir de chaque côté, et sa maison de convalescence

de Goldaming. Il a visité Hayward-Heath où il a vu les lits-

hamacs pour gâteux et infirmes; il a été frappé du traitement

du médecin-directeur qui, outre l'habitation, le chauffage, le

blanchissage, les légumes, touche annuellement 1,000 livres

sterlings (25,n00 fr.). Il est entré à Broadmoor', à Northamp-

ton County lunatic Asylum, Bcrry Wood, à Saint Andrews

hospital for mental diseases forthe middle and upper classes,

à l'asile de Brentwood, au Royal India Asylum d'Ealing ; il a

très superficiellement parcouru le Saint-Luks hospital et

consacré tous ses soins aux détails des asiles d'idiots d'Earls-

wood et Darenth-School ainsi qu'au Bartholomew's hospital

de Londres. Ce dernier, réservé aux paralysés et aux épilep-

tiques, présente cette particularité que deux fois par semaine,

les chefs de clinique de l'hôpital ou d'autres autorités compé-

tentes se réunissent en consultation publique, devant les étu-

diants, pour examiner les cas difficiles. De courts instants ont

été donnés au Kind's hospital de Great Ormonds street, au Na-

tional hospital for' Kindiseases Saint Thomas hospital. Nous

passons sur les réflexions comparatives entre Londres et Paris,

entre les moeurs mêmes des deux villes.

Quant à l'Ecosse, M. Wildermuth résume le mode d'assis-

tance, le mode de fonctionnement du service des aliénés. Il

décrit le Royal Edinhurgh Asylum, le Morningside Barony paro-

chal Asylum Woodilee, l'Elgin District Asylum, n'ayant jeté

qu'un coup d'oeil sur le Fife and Kimross District Asylum.

Puis, il spécifie que l' oellV1'e de Pinel, qui enleva les chaînes aux

1 Voy. Archives de Neurologie, t. V, p. 402. ' '

Archives, t. X. 16 G

242 SOCIÉTÉS savantes.

malades, a atteint en Angleterre et en Ecosse Son plus beau délié..

lhipémèt; élle n'est peut-être pas bien loin d'être complété en

tés pâÿ.s',....

En ]èliqiie, Ghëel l'a arrêté peu de temps. L'idée, dit-il,

est bofirié, èllé à exil partie reçu une satisfaisante exécution ;

mais tout contrôlé psychiatrique y est impossible, à raison, et

dd petit nombre dé médecins, et de la grande étendue de ter-

tain â parcourir. La visité quotidienne de chaque section par

dés gardiens constitué un sùécédané insuffisant. Si l'on pou-

vait arriver â introduire dans ce système une direction médi-

éâle inflexible, cumulant les fonctions administratives et

possédant plèitis pouvoirs, et si, concurremment, l'on multi-

pliait, pour 16 contrôle et l'assistanée, le nombre des médecins

en sous ordre, dans ces conditions, mais dans ces conditions

seules, d11MI représenterait l'idéal. P. KÊRA VAÍJ,

SOCIÉTÉS SAVANTES

6CIËIÉ mÉf)lco-pstcHôLocl6uFi

. Séance du 29 juin 1885. Présidence DE M. DAGONET

M. Ni. Legrand du Saulle me demandait à la dernière

séanee si iâ malade présentant ces symptômes de boulimie im-

pulsive dôiït jê vous ai entretenus n'était pas diabétique ? Ainsi,

nous disait-il, aurait pu s'expliquer plus simplement sort besoin

fié manger. L'analyse dès urines faite à deux reprises par l'in-

ternt én pharmacie de mon service n'a révélé la présente d'au-

cune Ert : fi.W de SUt5fP. : J'ajouterai aujourd'hui que dans lé cas même

Mt cette fomntë éût été gly'Õàsul'iqiIè¡ je n'en clÙlsidérerllis' pas

moins soit impulsion comirie un Véritable état Mental pathdlti-

gique. Car la malade souffrait de son dérèglement d'appétit au

point de vouloir se suicider.

M. ) : tËY termine le dépouillement des matériaux laissés par

Broca, sur le poids des Lobés frontaux, dès lôliês occipitaux et

sociétés savantes. 213

des régions pàriélo-lëiriporales. II rappelle, en débutant que la,

délimitation entre les différents lobés, est : polir la région frbn-

talé, la^scissure de Rôlàndd; poUr, la. région occipitale, la scissure

perpendiculaire. Lès régions pariétale et temporale sont réunies

dans une seule pesée. Le nombre dès observations est de 131

pour les hommes et de 116 pouf lés femmes. Les principaux : ré-

sultats auxquels elles conduisent sont les suivants : dans lès deux

sexes, le lobe frontal gauche est le plus .lourd, qdel que' soit le

poids de l'encéphale, mais là prédominance du lobé frontal

gauche est moins marquée pour les cerveaux d'un poids inférieur.

Dans les autres; régions cérébrales, c'est lé droit qui l'emporté sur

le gauche; mais cette fois, surtout pour lés régions pài·iëio-téiïi-

p6ra)eS) la différence entre lés deux lobes est, au contraire, plus

marquée pdur les cerveaux les moins lourds. Le rapport dès dif-

férents lobés au poids de tout le cerveau indiquerait que les

femmes ont proportionnellement lés lobés frontaux plus pesants

que ceux dés hommes. Oh observe l'inversé pour les régions occi-

pitales et pàriéto-têmporalës.

L'influence de âge se manifeste de là manière suivante : La

prédominance du lobe frontal gauche est plus marquée chez les

adultes que chez les vieillards. Chez les adultes le poids des lobes

frontaux est proportionnellement plus fort pour les nommes que

pour les femmes, et c'est seulement chez les vieillards que le con-

traire à lieu. D'une manière absolue, le poids de toutes les

régions cérébrales diminue avec l'âge; les variations les plus

sensibles portent sur les régions pariéto-temporales. Le dévelop-

pement maximum des différentes régions est atteint. Pour les

lobes intérieurs, à trente-cinq ans, pour les régions occipito-

pâriéto-temporâlës, dès vingt-cinq ans. '

Enfin lés résultats généraux et lés résultats relatifs à l'influence

de l'âge, indiquent que les variations pondérales les plds sén-

sibles portent sur là région pariêto-tëmporalë. Cette région pré-

senté donc un intérêt particulier dans l'étude dé l'évolution

cérébrale.

M. Riu communique deux observations, de délire postépilép-

tique : la première est celle d'un certain Micbot qui à déjà eu

son heure de triste célébrité et qui vient de mourir à l'àsiio

d'Orléans. En 1875, après plusieurs crises convulsives, Michot t

dans un accès de délire^ avait, en une heure et demie, tue sept

personnes et parcouru huit kilomètres. Ayant eu entre les mains

le dossier constitué par l'instruction laite au moment où ces

crimes ont été commis ëtrêunissatit, d'autre' part, lès renseigne-

ments recueillis près du malade, M. Riu rétablit l'étal mental de

Michot au moment des meurtres. La première de ses victimes fut

sa femme; or, il est évident que depuis longtemps, Michot était

2H É sociétés savantes.

en de mauvaises dispositions pour elle, car il lui reprochait sou-

vent de ne pas subir ses approches quand; il le j désirait. Faible

d'esprit et croyant au sortilège, il crut toujours que ses crises

épileptiques lui étaient causées par quelques personnes de son

pays et l'accès de fureur épileptique qui s'est manifesté chez lui

à la suite d'attaques répétées, n'a été que le résultat de l'état

cérébral pathologique dans lequel se trouvait habituellement

Michot. L'ictus paroxystique n'aurait fait) 'suivant M. Riu, qu'im-

primer au délire ses caractères essentiels : la fureur et l'incons-

cience ou plutôt l'amnésie, très clairement,établis d'ailleurs par

les faits nombreux énumérés dans le rapport judiciaire. Le ma-

lade, sous l'influence du traitement, voyait,depuis quelque,temps

diminuer le nombre,, de ses, crises; son, état, meiit1 ? élaii a'1é-

lioré ; mais il est, mort au, mois , de,. janvier, d'une pneumonie

double. Dans les derniers temps de,sa vie il crovait toujours ou un

... ? .. , ? . ' ' ... ? ï 1 ? I.I,q.n·,.

sort lui avait été'J'elé¡pal" les,¡ : reusJde ,son .1)3.\'5, L'aversion que

manifestait sa femme pour lui l'avait indispose contre elle, il en

était devenu tout d'abord très mélancolique, puis son état mental

s'était de plus en plus rapproché de celui',1'ûri délûant'h ônique.

La seconde, observation est.cette d'un héréditaire,' 'dont ? là' ! folie

resta à l'état latent tant qué'l;épilépsié dôniilétâitilttéintni'agit

pas comme causn detern;l1n,nte"de srivdélie : l ? 11 ? R'iû'pïôritre

aussi le cerveau d'une idiotf dont 'rhél'nispl1èi : è'droitt'esi'udiful'-

mément atrophié; cette femme était,' par'alVséén'du"'côté'gaûche. ? ... ? ? Wlisl , v. HY.1 1 ï 1 ? W Ile ? - !

II fait ensuite passer sous les veux de la soeicte un crâne présen-

tant une fracture avec déplacement de 1 os frontal, restée ina-

perçue pendant toute la durée'de la- vie ! ' Le'malade est. mort

réceniment él'un''abéès'du éérvêau ? t'3 ? > \ Ù, \\1 \11\ ? \ 'Il 'hl \ ? r.' t .1) ? W v· t , . 11f,11 · t 1; ! %11r J.y r.m( y ll I, v.I

M. Briand, demande à combien de temps, selon M. Riu, remon-

teraitjcette fracture. Il la crôit réÏàtrvement 3;.ssz 'réè'ehle"t

pense que l'abcès ? IC ? VP,u¡ a ,l 1 ? f' ? f ? T.gue,ne ? \ I : il ? ? n

. ? "'" J ? * ,f'. l<r'ii'i;i'»(. J>. , (,1 ;'( ? M-ir» >>

causée par le déplacement de 1 os fracture. L abcès du cerveau

dont les, signes, cliniques sont, encore .assez mal détermines-^

une, marche lente et insidieuse, il, existe dans la science un cer-

tain, nombre de, cas où la morl est survenue plusieurs mois après

la chute qui a détermine information 'de 1 abeès ? ' ' ? ' z

i; - > "'UfJ.1 i . ,1l1'·y : . ,. i , ?

1\1 : Rm ne peut donner aucune date précise, mais il croit la

fracture ancienne... ),,< l , '1 r ? /' ,; . ; f. n .. t J

M. Christian pense, au 'contraire qu'elle, remonte à quelques

mois à peine; il1eslime que c'est à cet accident qu'il, faut faire

remonter la formation de l'abcès dont la marche lente et pro-

gressive a fini par déterminer la mort du sujet.. , z

' M.wtccr.I3nr.v,rn.

SOCIETES SAVANTES. 2tà

'Vi- CONGRÈS' DE LA. SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE ? * DE L'ALLEMAGNE DU bUD-OUEST1.

' -on- (j '

1, fltqt¡f'H. jln lez 'J ? 1 1 1 p

loi l' 1/ r ! 'ltiV SLESSIL)N 1).E. CARLSRLIHE

;;or... 1 Jit "0 ? r 1 .¡ '1 )

"1,....01. ? Séance du- 18 -octobre 1881.

n' I . · J 11 ? n , fyr q . , ,

'1 ? If'ëns'¿iller aulique Schuele,' ouvre le congrès par des

'fit 1.... 11 communique une lettre d,t'nbtireati de la

paroles de bienvenue ? Il communique une lettre du bureau delà

Société des aliénistes allemand»', d'après laquelle on a écarté les

revendications' proposées par motion il y a deux ans, il'I'égard de

l'assurance contre''l es''accidents du personnel'-1 des cardiens en

; 2. ' "> ' 0 fit 1 1 j ? `

service,2. ! Ml-ll 1 I -1 'Jn.. I jl, n "

. ? I. ,FUERSTNEl\} choisi comme président, exprime sa joie de voir

de nouveau convoqué ce Congrès, qui a pour rôle important de

. li."I. '1 tf 11 ? .

traiter à côté des grand congrès nationaux et internationaux, les

"J ,c\1LR¡p,es > 1 : t,nA c9¡ ? rès nali,onlI .et interl)alionaux, les

affaires ultimes de la psychiatrie. Chaudes pal oIes de regret il la

ménioire,4dele,Ri,neçhér,et Gl'elz. 11\I : 1\IOLUELiGh : It et Wundeulicii

sont choisis comme secrétaires.

Le, président propose de laisser pendante la question de l'assu-

rance contre les accidents sus-mentionnée. Adopté.

J, ? J, 'Jt j . " ,

- ru M. JoLLY (de, Strasbourg). Sur la méthode de Mchll,t Play fuir

dans le traitement de l'hystérie. Publications sur^ce sujet de \1'eir

Mitchell, notamment dans la 3° édition de Fat and blood. (Phila-

delphie, '1 884), - vul ? arisation de Playfair, Binswanger, Burkarl

(Volkmann's\ SammlU1z ! 1 kliniscJLlJ1' Vo ? OEf;). Tous les'auteurs la

» - . 1 i -il* 49". i. - * , . ' i ,i

recommandent'. C'est pourquoi M. Jolly vient apporter son contin-

gent critique d'une méthode employée par lui dans quatorze cas.

Ses résultats s'accordent généralement avec'ceux des auteurs sus-

énoncés ; niais son interprétation, quant à la nature du résultat

obtenu, s'écarte, sous quelques rapports, des opinions exprimées

jusque-là. Ainsi l'isolement, le repos, le gavage, le massage et la

faradisation bénéralesoutles facteurs dont se compose la méthode.

Chacun d'eux a bien des fois élé employé dans le' traitement de

l'hystérie. Mais Mitchell est lei premier qui les ait réunis en un

seul système complexe 3. Tout d'abord on l'a appliqué à une caté-

. 1 '

' Voy. Archives de Neurologie, t, VI, p. 423. I

Icl., t. VI, le. 431.

1(l., t. VII, p. 371.. .

? 46 SOCIÉTÉS SAVANTES.

gorie déterminée d'hystériques, à celles chez lesquelles, dans le

cours de la névrose, il s'était produit de l'affaiblissement somati-

qlre d'ordinaire entretenu par une ingestion alimentaire défec-

tueuse (troubles digestifs réels ou imaginaires). On soumet ces

malades à une sorte d'engraissement : repos complet au lit,-

toutes les deux heures ingestion d'uneportion de lait,-au bout de

trois à quatre jours (espace de temps nécessité pour l'assuétude),

on administre une riche alimentation mixte à l'aide d'une foule

de repas intermédiaires intercalés entre les repas principaux.

Somme toute la patiente absorbe une grande quantité de lait.

L'introduction d'une tel)e masse alimentaire s'effectue grâce à

l'exclusion des mouvements musculaires actifs et grâce à l'excita-

tion de l'activité musculo-cutauée. Celle-ci s'exécute par un mas-

sage d'abord quotidien (séance d'une demi-heure, puis d'une

heure et demie), puis bi-quottdien (deux séances par jour de une

heure et demie); on commence par les extrémités inférieures pour

agir finalement sur toute la surface de la peau, sur tous les mus-

cles : on stimule ainsi l'assimilation et l'appétit. A ce moment, on

fait intervenir la faradisation généralisée musculo-cutanée. En

six à huit semaines, ou trois mois, on obtient un résultat éclatant,

il la condition qu'on débarrasse les malades des éléments psycho-

pathiques ; pour atteindre ce but, il convient, de les séparer abso-

lument de leurs parents, de les soumettre^ l'autorité bienfaisante

d'un étranger expérimenté qui lutte contre leurs quatre volontés,

et leur montre l'insanité de leurs désespoirs et de leurs idées pro-

conçues, de leurs sensations erronées (enseignpmj3nt de Cuarcot). Cet l

isolement aura lieu dans une maison de santé ou dans un hôpital,

sinon dans un as,i|e, selon ja ! 11tqiqp de fArtl ! p'e de, la personne.

Repos. Dans les premiers, temps l'alitement sera' cpnptet, on

supprimera toute espèce d'efforts en portant les ? mellt; la

hpuche même. Cette mauiprp de faire s'appjique non pas seule-

ment aux cas de parajysip pu de parère hystérique, HH ! is peux

de : ;iJ11p.If} faiblesse et- d'aboulie très prpnoneées. Les malades ne

G.rdNnlysà se sp.tir qpl ! Ia,8# et sont bientôt en M¡1 f>'exéFçlter

. tes e)}'prts nécessaires aux exerctces muspujaires. Si l'pputsemont

n'est pas absolu, qn se ç¡ : ¡ ! 11J ! Ü¡ : J de prescrire je m à la sujte fles

séances du massage, et dp jf} frf·lc>ljslt;on. l.dirnezri,tio;; foyçée :

, '9P.P.S ! ! à l'extrême Mp'er411Qn des forpps, assurp la régularité

, fl¡H1 t'ingestion, montre rapidement aux hystériques ¡UJ'l}lles

peuyenj. exécuter un act^e donné et en tirer nront 1rH\ : lgl' le,§ spn-

, sations jmpgrtunes ¡Hlxq\1e ? 3 ! ? e))ps avaippt pédé jusqu'alors. Au

surplus, pe gavagp ¡ : P ! Wi ! 1t mê ! 11(J aux hystériques de bqnnp ap-

parence, voire aux obèses quand il y a anémie. A elles la diète

lactée pure durant les trois à quatre premières semâmes, (nais en

si faibles quantités qu'on les fasse considérablement perdre de

leur poids; alors on les relève par l'alimentation' t'orcép. Ya-t-il.

SOCIÉTÉS SAVANTE ? . 7

(jans J'espèce un depiaceniept des fonctions d'asin11latiqIJf pu une

amélioration de Cg fonctions ? On ne ¡¡ait, En tout cas, Je'¡syl111

exerce une heureuse intluence Inprale. Dlccs,ne et ¡Jleçtr ! att9n :

Constituant d'abord des auxiliaires de 1^ cure, elfes agissent en-

suite moralement en rompant l'uniformité de la vie de ces pia-

lades et pn leur présentant un résultat; en second lieu elle ? pro-

voquent un sommeil calme, réconfortant, réparateur. M. Jolly

n'attribue pas au massage de supériorité sur l'électrisation, mais

il est évident que l'électricité convient plutôt à tels ou tels cas.

Voici les indications qui appellent la mise en pratique de la

méthode de Mitchell. Il s'agit toujours d'une hystérie grave dans

laquelle, quelle qu'en ait été l'origine (affection somatique, én)o-

tion dépressive, spontanéité), on rencontre, à la période d'acmé

ou parfois prématurément, une diminution dp la volonté qui laisse

la malade le jouet passif de ses sensatipqs anormales, et de ses

réflexes exagérés, de ses conceptions hypochondriaques imagi-

naires, de ses erreurs personnelles ; en même temps, elle est, de

par- ces anpmalies. poussée induire les autres en erreur (Richc : l).

Tel est l'état psychique caractéristique de l'hystérie. 11 y a donc

lieu de déployer le moins d'appareil possible pendant les épisodes

çpnvu}sifs et d'agir §ur Joute, Ig. substance de l',ç ? 1pmiJh par la ! 3lq&ip.n et }'6 ! nsemb)o de l'Ql ! tmifll ! ! 11¡¡IIt physiologique précp-

ge ! 11m ! 3n spécifié. J, 9 ! 1y insiste il. rajde d'exemples sur ta va-

leur du traitement au pinceau faradique, ¡mimé (le for^s courants.

tSO) ! : .

M. Schuele. Cette méthode ne suffit pas à tous les pas. Eh bien !

n'est-elle convenable qu'aux hystériques npp alir;nées, pçI pptl5yplt-

g]lg nneux aux psychoses llytrjqys ? Que (âut-ij faire en pré-

sence ! lC ç9ncepHpQ ? ¡¡r\lt.f ? 1 : Yf : ! 9.hçJll.1riaOE : I et, en parti-

culier dans les dyspepsies sous la dépendance d'une névrose du

nerf vague, a)ors que l'ingestion ljçpqqtfijF;e en exagère les

troubles ? Doit-on dans l' ! 1spècel de but en blanc, fprcer les ma-

lades à beaucpup manger ? En ce qui le concerne, il croit p.lulOt

devoir rqqll1rnil ! l< ! H une certifie retenue.

''11, Jolly. L9 méthode ne se Plie nas aux çaj dans lesquels il

pxis.[e. des idées détirantes ! U'p.gçhgn4rj ! HI(I( ? l L ? accidents de

dyspepsie ne cqpsljlNgql ¡HP ! de £ °nlr§-Jn41Saiiea, le tracement

en qilfisliqn ieur aérait plutôt, Q'il¡¡rè9 son, oxperience, favorable.

M. FUEI1.STNEI1.. C'est un vieux procédé que celui de la Î4tc]js-

tion et en particulier au pinceau; il s'y rallie, lui aussi : qua de

(pif J'a^t-il employé à Jlejdelberg, de même que \\'f}stp \/¡ ! la

Charge, Le. badigégnnags de la région épigastrique chasse'des

troubles gastriques intenses. 11 çQnyftm simplement de se mon-

trer prudent quand. il y a psychose caractérisée. C'est'avec joie

qu'il voit grandir i'opinio)) d'aprgs laquelle |a plupart 'des synp-

? 4Z3 SOCIÉTÉS, SAVANTES;

tomes nerveux de l'hystérie ont une origine psychique ;sil souhaile

que ces malades entrent plus fréquemment et de meilleure heure

que jadis dans les asiles d'aliénés,car-,ciestrlà ! qu',il,est,,le, plus

facile despratiquer la séclusion' et' ! )e) traitement psychique. l'io'd

''llt. WrRÔwsht : =Ce's`obsérvâtioâs de' l'auteur'c6mprenhent-e)[ès

les formes vraies de l'hystérie qui ressortissent à'i'enfance et'à il

l'époque delà puberté` ? n ? ¡> ! 1ud'l% .'duo" j ? Î lmlU' )'11(1 .Il

1L1'Jtiii.ï : Noi ? éil'cé'qui''coïicerne'l'ensenrblé; un' fait' relatif' à

lâ'pûb'èrté'.1 ? 1 ? u ? *; ''>'>> ! , Iii'dô-roq iup xuqd : eivi'iq «oli ? jB*h

a puberté. f.- ? i P eivi-iq 1

J -.6 11n1' 1 il ' 11 itW , ee ,· f ·l,rrm,mL,rw. .1'\ffQ JI #t : ) 4ryi

M. SCHUELR. Les phénomènes dyspeptiques surviennent souvent

de très bonne heure. En outre, l'affaiblissement de la' volonté

chez tes personnes éxtt ! êniiJli1ent'¡>anéllliqlles'j reposé'< souvent 'sur

un substratum organique; aussi doit-on se garder de trop génie-

raliserlle -traitement, au ? pinceau avec'des .courants, faits, filais

faut-il relever le fonds, : dei l'économie.' J.Qn Lyal'riYe plutôt, 1 par

l'expectation que par. l'alimentation t : oEgt¡ ! 1eJ.li n.<} ? P ? s¡so.ma-

tiques ) priment^ d'ailleursqleüid; Jtiôris b;içhtqûé ? 51.·till : aasse

ment «moral consiste, à gagner, la malade profondément affectée

- ? --.. .'> : ",»i tiivi'i ."y- 9,««n-4 1\\ use; .(iisii'jiil iji )tAH; .Jt).

, par, le sentiment de sa faiblesse.. , , ....' 1 < tt !

r ...,1 ,l'.p ? ri i. ,110 / .c)iiprioJf"iH .'\\\1\'\\I\\)'\IJ\{ Mi

h, Mr Fl ! ERSTE,R ? Ces...an ! m ! quJc¡'jslJHs ! 1t,IP,9.SIPH.(.t ! l ! l (.U-

ment, : leur : tangue Æ, XyI,v\lc,ljnúI'I ? B ! e& p,yi,t¡ ¡¿, Æ9B plus

que. l'estomac, Le traitement au- pi2-S,1¡mtPc.ql ! ll ? jÈ}P ? IjAe

la-confiancei aux patient^ &J".¡j'jLlJ ? u;'1 sb 91nJ'ilUt( ! onu Auùt

" '-l\f : " KU\N.\ Lè' ll'aitment' psychiq ue ¡[pfme.J e, pivot- deidu cure;)la

méthode préconisée-supl'à exerce, unejs11\.llairojntluenceunol'ale,

ât la'cotidi Lion 4qu'elle soit bien,rjVet)éejpar n^deçin.jjj ^

1\1. JOLLY. La guérison aussi promfJle"quol possible , : ¡,vo;là L'objec-

tif. Que d'existences l'alimentation forcée des aliénés n'a-t-elle

rl.,lfr.(y 1 T J T J J - J 1\

pas sauvées ! 1/ : r.1 JG1f jilia ^ 1 Y.ULTOT 23UIt1llUtL 8Ti.Ta

....1 I' 1'3Jt JlOJ .

M. FRE(IS13EIIC, (de-Sarreguemines.) Le nouveau projet- de loi des

aliénés en France. Après un 'historique' sur la lui ? dë : ·IS38,

l'auteur, expose les motifs qui ontrsuscité ia'révisionl'jt'en 'résume

les conclusions. En somme, d'après lui, le nouveau/projet de loi

1- , ...' 1 1 , il "'¡,III... ? Id

proposer des, mesures -de-surveillance-plus-ou-moins vexatoires, en

1 l 1 ..Il .1 1 ? 1,' \ - .

partie même impraticables contre les asiles d'aliénés, il ne constitue

plus un progrès d'assistance dans le sens humain. Bien des'*à'lié-

ilistes 1-fi-ançàis', proteste titii énergiquementpel1 condamii6ntl, ! Ces

innovatiÓus : I,.III'fJI9u j¡juo I'I ,j,. iu. hH,t 11 ! Jli : ,1,'111 ,lill,WÍI 1;1

Discussion : .' ' ? 5n)-ci)utt ",noleitJ euuii 1Jp ao J9 J

llllUE·ItSTNER. N'é' è[.uïipls '¿rué la"è0uuaissalice 'de 'cé tte' '1 o i'a il

éveillé parmi ses compatriotes Je désir de posséder un semblable

monstre. Voici les points discutables :

lu Surveillance de chaq'ue'aliéiié par l'Etat; ^ 'vu > ? t vo7 i

.3" Droit exclusif du'directeur de retenir les aliénés dangereux;

SOCIÉTÉS' SAVANTES. 2 M

ji3°ÎDécisioiiS'i'elatives aux aliénés qui ont commis des actes cri-

minels dans les asiles : (' "1//1'1. > i » m j, ., .

'04° Admission ! provisoire de cinq jours. , r.

D'où vient ! tout ce mouvement ? Pourquoi cet abaissement des

idées en,France ? Pourquoi un leldéfaul d'énergie chez les alié-

nisles français ? 1« .. a', ? ! l'l ? 'l"" J '

M. L7ncour.ac. C'est contre certains asiles privés que le mouve-

mentla,dfabord été, dirigé, car en France, il existe deux catégories

d'asiles privés : ceux qui possèdent, grâce à leurs riches clients,

une existence indépendante; ceux qui font fonction d'asiles

publics , , '"<'' ....

H-<K.< 'ti J ii uu-.i ? ii, In. Ili 1 rr Í. ni of If ; . ,

1 1.J.J¡l.Jll5-, s'éteve]ContreJaiVisite obligatoire du mandataire de

la. qt,'1J dJ -Ill- U."U ¿ : fJu.JJfdJ ! t : GoJ i,.ji,dv ,

'IL) ! ' JoLLY'. A'-t-on,' à côté' des décisions vexatoires, mainlenu les

bonnes et saines' pratiques de'la vieille loi ? Ioi t i

u'MJrFiiEusfiËRGl.1'Le'i ! oùvêau projefaccentucMa tutelle provisoire

des' aiiéilés'/Í1 ! i¡ inslittÍa[¡t rtiil' curateur' provisoire' à' leurs biens.' : 1 : 1J" "1J" ln ? ? J't¡n(l 9["'1. J" 1;1.' >;;> , ,

M. STARK (d Illenau). Sur la situation actuelle de la question de

lu pa ? '«MJ/t)/(/e.Historique. Voir" a e'sujet, lalhèâdellercccna 1

tlo«t;11 : 5Laih iT'û d'âilleürs pâs eu8ntiaissànce; outre que ceara-

'vail tient c5uiiptél'dé ltiüs ? les"éléïùent's chi« liques,t'car; comnte le

"dit1 At"'Stark',i tt'·tii's`tnitiléëiifésl`c ? l`déli;ÿdî ? fôrütelit,'eulse ,couden-

sant, une molécule de paraldéhyde r3t. : 2 H40 ? C61P2 03J; résume

la; (1 ueslibn.leh lièr'eI : JIl /'apportanhlllt con tingenL 1 de ! nombreuses

ubservatious.lttérapetitiques'toutesinouvelles : iautuv '( ubnW, 1

M. Sta'rI23 ? üë sli"ëôtéllbhlè'i1Ul'léll;é : ,ullls'suivants¡àll'asile

d'llleüaû depuis' novmbre iS83 : nq ¡aWJj l : uei'T§IT 6J . .t uol M

lll.i J 1\ U ")11"¡(13 2Jb 90.')lo'l IIO¡J.6Ú' : Jlllllj,'1 ctiU'I·l,t tr ¡ ..1111 '(,

, MOfIBIDES TOTAUX RIÍSULTAT, RIÍSULTAT

ÉTATS MORBIDES TOTAUX Cl)111'LE'f T DEMI-IIESULTAT. 1Nu't ? IoA : ST '

;. Ù' jet si V<\i/\q JT11'n -Jf1 .1 ( ? 11t1'·11 : 9T711 lb) afl.i"" 131f', . .1/,

,1,lârYpuit : · ? -iUt ljupnoJaiii1 nu 1<'i'lIf.A - ? m.\Y\"l ¡1 : 1 r,vr,41·c

Il,,0 : e}\ra3héne' : J1<iv ? ¡¡j "lj'Jcll-2mo 11111 dIJl"'I' ri ? 3' 1 slu 1

Exaltations. 54 1 44 b 7 ct.'i 3 u 1

Uepi-essions ? ",11891 I,ul ïl ? b ? 4 "'i ? >* s> 0 r'

1 e."rSlOl1 v uu ' TI11 ni : , '.

,n I.· 7j t, .·ill-1 : i ? a ! 4,r10"tri,tlJi'yGt`I,UW·,S 010

, ")U.jn-<i.i ? tt ? ? f ? itu<< ? ) ! t-( ! it... '

"CS'1CllJJ2UrC : yytlTll ? ,, (i . ? j, ti^fll , , t, u

- 11. Fuerstner. D'après,sonlexpérience,on)s'uccoutume si vile à

la paratdéhyde qu'il faut en élever continuellement ! les doses.

C'est ce que nous disions nous-même 2. Il ? . .. l\

lL,doLLY ne partage, pas l'oP.j¡ÜÇJ,\l"4.lJ ? S ! a\ ? quant à la solu-

lJiJilél1" -. , 'l' H'I h ? >3 , ,. ,.

tl,u .' dl ? 1 J" ", .. j . z

1 Voy. Anchiues de Neuroloyie, t ? VIII, p., 100. : ? ..... " l, "IIJ'"

= ld., loc. cit et conclus. î et 90 de la tltèe clo Nercam. 1

2O SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Stark. A + 15° C la solubilité dans l'eau atteint 10 p. 100.

M. JoLLY la dissolvait à l'origine dans ]'.eau,Ievin,Iessjrops,'

mais elle s'en précipite facilement si l'on ne fait pas une minu-

tieuse attention. Aussi; plus tard, ! i ! oqn1}-t-il dans le cognac et la

teinture d'écorce d'oranges (proport. : 4 : ); en administrant la

quantité voulue dans- un verre d'eau. Il a, dans les états mor-

bides les plus divers où il l'a administrée, obtenu, en somme, le

même résultat qu'avec le chloral. Mais la paratdéhyde admet des

dpses pjus hardies que le chloral. Malheureusement on doit très

rapidement en élever les doses à 40 grammes. En revanche, en la

suspendant de temps à autre, on se débarrasse de cet inconvé-

nient. 11 est difficile d'en formuler l'indication spéciale à certains

types morbides. C'est chez les maniaques et dans le delirium tre-

mens qu'il a obtenu les meilleurs effets '.

M. STARK.'Une malade atteinte de folie systématique hallucina-

toire qui depuis des années troublait le quartier par ses cris, avait

épuisé sans succès tous les' narcotiques ; la première dose de pa-

raldéhyde l'a ' sur-le-champ fait dprmjr d/un sommeil calme.

L'actiop dq médicament pprsista pendant six nois. Les hallucina-

tions PI ! p'rgJ1pjirent plH j elles paraissent cependant être réap-

parues dans ces, derniers temps. \

M. EUEnSTVEIG.C'est chez les mélancoliques agités et dans les

états aigus en général qu'il a enregistré les menteurs résultats.

Résultat très variable chez les paralytiques généraJJIÍ' Assuétude

rapide. Chaque cas, exige une surveillance pendant l'administra-

tion du médicament'. , 1

M. Stark. C'est un médicament à essayer. Les injections sous-

cutanées ne lui ont jusqu'ici donné que, des résultats négatifs.

(Voir à cet égard, Thèse de Nercam, conclus. 12 et 13).

M. Wildersiutii. Quelques observations sur les troubles de la pa-

role chez les idiots. Les différentes formes de l'idiotie ne présentent

pas, relativement à l'étude des troubles de la parole, un champ

aussi profitable qu'on le pourrait prétendre à priori. Il y a chez

ces malades, association de troubles intellectuels, sensoriels et

P1oteqr, qui forment un tableau morbide très complexe dont

l'analyse, à raison des allures psychiques des idiots, est hérissée

de difficultés toutes particulières. Nous pénétrerons dans ce laby-

rinthe en nous guidant sur les travaux de Kussmaul etWernicke.

Prenons d'abord les dysphasies et les lalopathies. A cet égard,

les anomalies du langage chez les idiots se décomposent en'deux

grands groupes : I ? Cas. où le trouble de la p{H'/Ûe est i ! ? .$prçssion

1 Comparer avec notre communication Ma Soc ! 'e7e mcdico-psychoingique

(Archives de Neurologie, ip'c. cit.) et avec ]a. éonslusion de Nerparn.

2 Même observation- Voir conclus, 1G 'le Nrrcam,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 251

directe cl2c tro2 ? 6le g ? ltc·lleFlTCe j depuis l'idiot complètement muet,

.jusqu'iL l'arriéré capable d'éducation, le trouble dp la parole cor-

respond au cercle étroit de la conception de ces êtres; ils man-

quent d'un bagage de mots richement fourni et l'association ra-

pide est défectueuse. On y rencontre d'abord des exemples, en

grand npmbre, chez lesquele degré auquel est restée la vie

psychique et son expression principale, Ja parole, son analogue

dans les .étapes que l'enfant normal doit parcourir pour son dé-

yloppme ! 1t intellectuel et verbal. Tel est l'arrêt de formation

ve ? ·6alevf.yVildermutli en esquisse quelques exemples. Au degré le

plus inférieur, l'idiot ressemble à un enfant des premières semaines

'de la vie, c'est un, , ! l¡tom1l : le végétatif, réflexe (1 observ.); à un

degré plusvélevé, op'a sous les yeux un enfant d'un an et demi à

deux ans qui émet des onomatopéesiunisyllabiques (t. observ.);

gravissons l'échelle, et, l'articulatjon aipsi que le bagage verbal

progressant, nous constatons plutôt un défaut de syntaxe el de

grammaire, un langage qe.I1éb)e,que celui d'un enfant de deux

4 trois ans; tes verbes ne, sont ,mis qu'à l'infnjtif, le personnage

ne parle de [lui qu'à, la troisième personne, mais il est capable

d'écrire correctement mots et yop.< ! h ! e'1 il fait des, imitations pué-

riles de ce qui se passe autour de lui; incapable d'éducation, il en

impose au pronostic (imbécillité congénitale). Dans ce groupe se

rap¥( ? e,I)CQr ? 1es d,éfcluoit qui rappellent plutôt l'incprti-

tude ct'yn'adylë,aPFrenant,à à parler une'Jaiigue étrangère (parole

et articulation ÇOI'l'CC,ts; ,n)1 ! : js,dé\g ! 1ati ? ns adverbiales fausses,

plépnasmcs, paraphrases, confûsrôii de mots à peu près' sem-

lalahles) l'impossibilité de prononcer correctement (zézaiement

des arriérés) - les dysphasies quiutiennent à une anomalie'dans

lp'dél ? it de la conception'^parole traînante ou élocution abon-

dante ayecchangement'constant de spjeLs' eon1me chez le ma-

ll ! fiq ! 1e pu le fou systématique (idiots, et microcéphales, 'avec

répétition des dernières syllabes)'- tous faits à pronostic défa-

vorable, 2° Cas pilles troubles de la parole sont, non pas la cause

directe, l'expression de l'arrêt morbide de la vie conceptuelle, mais

une cQI/1p{fC(tti011' ç1(J l'idiotie. En nous en (tenant aux-dysphasies et

aux dysarthies, et eq commpnçant par les dyslalis fÎ1'cpiq[1s,

nous, rencontrons d'abord un' trouble de farticujation très ré-

pandu pliez les idjpts, le balbutiement, qui. en même temps sert

de ri1niqpp e ! Ü ! 't ? nos 4^y groupes; puis,, des il ! w\'re(11 ! H1s

dans ('émission de^certaines, syllabes, déchets epalen')pnt mevi-

tables dans, le développement de la. parqjp normale. Les mqgjla-

))es, dans le ? fgrnigs le¡¡ p ! U& iYrs1 f.ejs }e sigmatisme, le rho- ? Rin1 ! h le gamrnaçjsmo se trouvent, ayee d'autre ? rq ! gJ ! I1 au ! IWi'1 chez la motte 4e§ arriéres ; gé¡ ! êrH ! ¡ : jme ! 1 d'Qv4re IpOl1r,

pqo pgl·turip(jqné(jt, en un cas de ('auteur, une dé,feçtyp7 : lé

sensorielle; tellg col|.a J \ H 0 1 L 0 tjp j)jxans,api))u (i'iI\1h ! Jj ! IM

252 SOCIÉTÉS SAVANTES.

modérée.'capabled'instruction, qui, qupique parlant correctement,

l,ronbncé : i·.'s. ts : 'tsclv. . unil'ormément cornme le ^t/aanâlis. Llle

éCl'il"exaclell1en t.. ce's, lettes'quand, elle ? eopie"yfais ne. peuplés

répéter avec leur valeur,articulée;,à Iu,diétée,elleilesééryL o;ité;

ds ! Les troubles de d'articulation qui s : eq'eclilI,L aU ? }IOI.u.ell.t1¡9

il s'agit1 déformer* 1 de", syllabes et- des,nroLsse présentent sous

'deux aspecLs : ,Voici, en,premier;;lieu,,le,lylb«tieinerit t.rèsâécen-

ttié pendant là forniatioIl ,dencertainsq1\OllsJ' ,c : estl'impossibililé

'd'émettre distinctement' les consonnes, dIS( ? Fiqll ? 1 ? a,H< ? l¡HI

indist.incLe.difficitc à;d6nnir,- c;cne ou empêchetotalemgntÎdfor

niation dessyllabes ctdes mots; quand on essaie de les D ! jl;e\Plal;\.r,

les patients font entendre une,qllanlité. de 90nMlHi ? J)l19mlWJ,r¡l ?

quemenl-el, spontanément, i br,dpm,euren t. ,i nf,¡¡.p ? b ! ? d ! 1,p¡rJ : \e ? Cs

'faits témoignent touJ' OUI'S cd 'UII lrou b 1 el1\svcb,iclue Otrès. ac ? e¡ntué;

'très'a^ilés; iuattentifs,,distrrrits;rils,caressent,,certaiyes : uarqlLe,

eL'sonL'sujets à'des sympathies et si ! dj3 autipaLlne,s, inéylicaliléa ?

'mais,' ce quiles'ditférenciesdes" iqjols'ê 1f1.tPr.eJII i ? H¡'P'YH f),e 'bC : 2 ! jt

qu'ils' ap'prennentpcoiuprenneulji cou nais-jeiiJLj.jles,, (personnes -, dc

léù'FêlÍ ? lIrage;r,pal'licipent ai lai vie; extérieure,het.rre,pdëut quel-

'1] ú,ès 'se l'V, ice.\\t.e\(jel\xième'j aspect,) cqncrIle( : uIle.. Pfqlçl confuse

'dès;4 u"q1autiliel' les' S011S;' cette¡ parole ,vague, noyée, llo,u¡ carac,-

teri'sééJpürune·énii ? iou·néj : liâée r.des.cou onye,s; avc oubliée

certaines syllabesmolé,a;falipartientr è.nl'itrrLécillilé,moyey,e et

'léâèi·e ! trl'els`ce5wdow 1 malades" ,e¡ u articulent, bien,,mais,.qui

'n'a'rrivent''pas'à'fut'mei' ies'mutst ma ! gr6.'ieur,développement in-

tellectuel1 relatif, ''si bioiyu'iliy,allieu de sei.demajider si ,1e, trouble

'de 1 la J 'pàrol'¡d en ""bopposanll à' : Iéclucatioun'et ? pâs ,aeveyut ? Îa

c'dïis'ef,de1 ! ràrrèlrde' dév'eldp'pem'enl-psy'chique.iDans ces,deux,ca,

'n'y'avait en'même''temps hémiplégie' droite et) contracture mo-

dérée ; le balbutiement du premier malader : était,,évideurnrept

d'ùéigïtii,luillïaire; sinon- On eût'obtenu,"par un traitement ration-

Í1éJl et J lIIélhodi quc',i 1 un ''excellent résultat; L'al' bopenenLsy)I1 ?

Licjùè,l rai'emèuCpur'chez·lestidiots;' existait prononcé,chez deux

soeursmicrocépbates j'émettantpnetlement ides lettresnisoiées,

elles' faisaient' un1 faux' pas1 en artic'ulanl i les < mots; jellest disaient

par exemple Kraukrult au lieu de N'ranhfurt; une autre fillette,

imbécile, capable d'éducation, n'achopait que si on lui donnailà

repeter des mots dont elle ignorait le sens alors même qU'Ils ré-

sonnaient comme des mois qu'ellesavaitsprônoucér : Bégaiement

pur : l'auteur'n'a lpu le : renconlrer.ndaus r l'idiutie., Quant aux

troubles de 'la' parole qui rappellent la> paralysie générale, trouvés

'chez un groupe d'épileptiques* assez semblables à des paralytiques

énéraux;bieu <luewl'élrilepsie ne fût pas ,chez, eux symptoma-

tique le moins du monde, ils témoignaient' dans l'espèce (5 obs.)

d'un mla,uge Je balbuliell1ent etd'acbopementsyltabiquo ; l'écri-

ture offrait tous les caractères de la paralysie générale.. ·

SOCIÉTÉS' SAVANTES. 253

"Autres syndromes rares ! Un cas d'l1phasle l11oll'lce, F¡JIt;\tllln(.e

en' février 1874, arrivée à'l'afiile' en''octobre 1 S70; débile dès sa

naissance'; depuis sa première année, convulsions du côté gauche

avec perte complète de connaissance,' sous forme- d'accès laissant

après eux'unë1' légère' parésie des'extrémités du même côté; De-

puis quatre'ans,"ces" accès' ont disparu- sponta;tément : ,L'enfant

n'a, jamais parlé bien qu'elle'comprit1 touticei qu'on lui , disait et

qu'elle'' fût1' capable de' développement intellectuel ; en effet elle

connalt un travail manuel facile; peut-écrire certaines lettres soit ? ? ri¡Í1trs'o(t s'oui; ta'dictée, et imprime)àji'articu ! ation du seul

son' qu'elle possède : 'du son' en toutes les modulations quiitradui-

sent les divers' sentinients ? Evidemment, c'est île-trouble localisé

>de' là"parole"qui.1a/'nuji a'ul développementl inteJJeclueJ : - : Un cas

d'aphasie sensori&He.'OEpiieptiqué entré à'Stépbansfeld ai l'âge. de

iiéuf ans' : 'dix1 â 'douze' accès par môis;bn n'a lien obtenu.au point

'de : vii'dé11'ëns'elt ! Hel\1bnl nifdu traitement; il a conservé )ejmume

.'JFigag'é1dè'Tmots ! ( ! L d'expressions alsaciènnes''fqu'a sonjarrivée, il

les iÍppliúe'tJu'I ! este"co'rreètemènt : lles¡personne5, ebdes choses

"nùuvéiies/it tes' désigne par analogie avec des ! objets déjà connue;

'il 'désignera ? 1 par' exempter son' ipfirmierll1Jetit-]mpa, Il l'éc.99.n¡.e

grand-papa, il eréera" des' mots( po UI" spécifier. cerl ! lill j -jouets ctel,s

'¡iue[aës' sol dals : 3l\ui pose-t-on : une question..dans.solydialecte"il il

Ise 'dÓ'i1Ρ el uhe"grandèJj1ei ne, inutile^'d'ailleurs, po urI, comp1;gdrc ,;

ilt'déilîlnde"'fréq'uémmént ce.que l'on dit,rapprouve,lripmphalc-

'm'el) l' éi1SJançant}lIne )fexpressionj'barhare j qui.1 géné\'al,en ? I.t ? 9,e

correspond' pas au IllonJ de' la'Iquestion ? iul pli,i;nomèue,paral3;

'tiqiiè; ln II rtroublé'rderlausensibiÎilé; caractère, hémijaléral des

accès (¡Ù'édolll i nahce àddroite; de BLfls,)cs J conv,Il.ls,jl1lJ d,I; ! [IJ,II¡l

bien piu's'iongtemps.dans l&-,domaine dujfa.cigdrpit quedans)a

¡J¡il i I ? ne ps, dans , d.ul.fa,ci.I. dmit qY./t P ? lI).S ,i

môme' région : à ? auche) : : tn '1¡I1l'J HI ul, ltmm ,¡Judlhu : ,1 ..i-i ♦>>

'' L'essai 'précédent ! nei repose ! peul-êlre : pa.s S\Jr .1lnL}},Qn ! ! l ! l.d'oq-

- 'sër atidns;asei eÓnsidérahle ;.l'anatomielpal,ho\(lgiÆf,e, ? tlg.is5e

'de'côté' à'-raison'' dutupeu .· de Jdocuments,. apparten,yt,à hauteur

dUl;-mê me;llIcn a' eu; 1 ocaaSlonl que; de, pr.at,lqurl.t\,olt autopsies, et t

encore'n'a'-t-il pu procèdes qu'aides investigations-, macroscopiques. ? j)iSll ? J ? : 'IIW . J"luli1u¡.'¡>J >< uml Uv JIJJ'UULIA '.t.f'.U170 '11'1 <j

1.. UdUiJ 'ltj IiIJ 11" filPI toJ.'II'I ? Il u" 1 ? 111. tn f i " ·.I ? n.1 " ? )AI. JOLLY, s'élonl1f',d ! }, la rareté, de 1 aphasie ; il 1 attribue proba-

., , . V ,. "- ? ' " ? U ? 't-J Jill eJOtU r-l.'l 't-'jn'J)1

thlement a la divct;31té dés,âés..l lrh ,JOfll anÎl '111111111 : .1 ?

j'if.W'1LDP : rIüUTHUn eufant;olservépar,luiprésentait;le trouble

'que vôicif : 'ilr ne=plaçyitl jamais, l'ajectif ,comme,, qualificatif"d'un

subslaÍ1lif.'Ji 1 t'OI'mai LI toujours' n.\'cc cet, adjeqtif. une, proposition

spéciale'. Il disaitnonpa'i : ! C'est IIlIe.loqglle,lJeHe ;fJI1ai ? ,' bien. :

c'est une ficelle qui 'est longue.'olU"j -II ",[¡fI/'111 ne dIlOIJ' il -mm

'" 1\1. l uiis'rt : ne ? Voit' on" f réqutJll1lllelJlIJat parole existante dispa-

milre sou l'illlluence d'affeclions cérébrales ? ' pt "t"

254 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. TILDEIt111U'lti. Les observations le prouvent.

M. Fuerstner. A-t-on, dans les cas cités, constaté des lésions

anatoniiques ?

il. VVILUIsIiMUTA. Je n'ai eu que Irais fois l'occasion de nécrop-

sier dés patients ayant souffert de trouble très pédnohëé de la

parole. Dans le premier cas, un homme, complètement idiot de

naissance, né prématurément (à 7 mois), n'avait jamais parlé,

n'avait même jamais présenté de rudiment du langage; mêriië au

début, il était complètement incapable d'éducatiôii. 11 mourut de

tuberculose. Aztt6psie. résidus dé léptoméningite chronique,

particulièrement prononcée à la c'onnexité ; degré modéré d'hy-

drocéphalie interne, asymétrie des hémisphères quant à la dispo-

sition des circônvolutidri.'s. droite, la frontale ascendante passe

sans interruption dans la scissure de Sylvius. La limite entre les

deuxième et troisichie frontales est occupée'par un endroit dé-

primé, mais non porehcéphâlique. Là branche perpendiculaire

de là scissure de Sylvius est étendue ; la temporale'Supérieure est

atrophiée à un haut dègrê ; l'insulà n'est plus couvértè : 'A gauche

lê rameau ascendant de là scissure 'de Sylvius est également

long; aucune lésion1 dans la région dé là parole, là froiilalë âs=

cendaitté ne descend pas dàtis là scissure de Sylvius. Le second

cas concerne un enfant né prématurément six mois ; entré à l'a-

sile à l'âge de 4 ans, il mourut peu après de pneumonie càtar'rhale.

11 n'a jamais manifesté aucun signe témoignant d'une activité psy-

chique spontanée, il n'a jamais possédé la parole articulée ; il n'a

à sa disposition qu'une seule espèce de plainte pour exprimer ses

besoins. Il est àlteintde convulsions tôutesspéciàles qui surviennent

fréquemment au plus léger èontact et se traduisent par de courts

mouvements d'extension avec opisthotonos : Autopsie. Circonfé-

rence crânienne : 40 éentim.; toutes les sutures sont conservées

excepté la suture frontale; calotte très mince avec places lrahs-

parentes en plusieurs endroits. Méninges molles d'une couleur

trouble en plusieurs points, notamment à là convexité, avec tumé-

faction gélatineuse. Poids de l'encéphale = 623 gr. ; hémisphère

gauche plus petit que le droit; diltérencecorrespondante dans la

couche optique, le pédoncule cérébral, le faisceau pyramidal.

Mille asymétries dans la disposition des circonvolutions. Le sil-

lon de Rqlando rejoint des deux eûtes la scissure de Sylvius. Le

corps calleux représente une mince lame de substance blanche.

La troisième frontale ne présente ni à droite, ni à gauche, aucune

anomalie, inais des deux côtés la temporale supérieure rétrécie,

étiolée, offre l'image d'un peigne et fait un contraste considé-

rable sur le reste du lobe temporal bien développé. L'insula est

couverte. Les ventricules sont dilatés. Le troisième fait est re-

latif à l'épileptique idiot, dont il à été question plus haut (2° 6b-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 255

servation du 4.r groupe) ; l'autopsie décelait une ieptoméningite

chronique de la convexité, avec hydrocéphalie interne considé-

dérable ; aucune anomalie d'ailleurs dans la région dé l'insula, ni

dans les parties environnantes.

M. STAM. J'ai examiné beaucoup d'encéphales d'enfants idiots

privés de la parole. Un grand nombre d'entre eux ne présentaient

aucune altération dans l'insula ; en revanche, en un cas on

trouvait un développement défectueux de celte région.

. i

- ' Séance du 19 octobre. '

. l' f - ' '

Présidence de il. le conseiller auliqrie ScxtiLà.

. t. 4 \ J.

M. RIEGER (de Wurzbourg) . , Sur les épileptiques dangereux.

Cette communication lui est inspirée par les propositions de

joli ? Limier, Pélmàù; etc. 1 sur l'assistance des épileptiques. Il

appellera l'attention sur la catégorie des épileptiques dangereux,

bien connue des praticiens. Ceux qui sont les plus difficiles à as-

sister et à traiter sont incontestablement ceux qui par intervalles,

sont en partie complètement calmes, normaux et rangés, tandis

qu'à d'autres moments, sous forme d'accès, ils deviennent violents

et même criminels, sansprésenler d'attaques convulsives : oubiéri

on les exclut eri principe dès asiles, ou bien on essaie le plus vite

possible de s'en' débarrasser. Ces malades ne conviennent pas

aux asiles ordinaires d'épileptiques (voy. celui de Wurzbourg),

parce qu'il sont un germe de désordre et que leurs boris moments

sont trop pré'ciëux pour leur entourage. L'Èfàt a donc le devoir

de réduire à l'impuissance dès individus qui deviennent de temps

à autres nuisibles éi ,de fonder pour eux des ecildiiies Où, étoic

gnés des aliénés proprement dits, ils puissent se livrer ad travail

et jouir de la plus grande liberté pendant les périodes d'accal-

mie, voire au sein de leur famille ; au premier signal on les inter-

nerait sans bruit.

Discussion :

M, JOLLY. La différence des cas empêche d'établir les principes

généraux. Plus les accès sont fréquents, plus on doit les détenir.

Les épileptiques à accès rares doivent trouver accès dans les asiles

d'épileptiques, tels que le quartier de l'hôpital de Wurzbourg,

mais il faut avoir à sa disposition des locaux d'isolen1ent qui y

font complètement défaut. Quant aux épileptiques dangereux et

criminels, les mêmes conditions, les mêmes difficultés se pré-

sentent que pour les aliénés périodiques; quand lés périodes

1 Vôy. Archivés dé Neurologie, t. V, p. 369 ; ir, p. 291

256 SOCIÉTÉS SAVANTES.

. t ,. -

d'accès ont suivi leur cours, il faut le.; congédier, niais. lacondi-

tion qu'on puisse assurer une certaine surveillance ; c'est à l'Etat

et aux autorités qu'incombe le devoir d'y veiller. ,l' ."

M. KIRN. Dans le 'duché de Bade, on interne des- épileptiques

calmes, mais obnubilés, dans les hospices; ceux qui- présentent un

trouble de la connaissance grave ou qui sont dangereux( pendant

leurs paroxysmes sont reçus dans l'asile d'aliénés de la région. 1 ?

M. l UERST\IsR. Cette question comporte quatre catégoriesld'épi-

leptiques : 1° les épileptiques inofIensifs,t faciles 1 à''¡1Ospitalise\'

comme à Wurzbourg. Ils ne sont cependant pas aussi. inoffensifs

que veut bien le dire t,Riege : ¡ Vn¡¡. l',vp 1,l).,nce, V-Iédipale conti-

nue et des visites quotidiennes, sont a.I]sol,ul1lcnt<lnécessaires,

l'établissement en étant responsable; ,2° les malades à psychoses

aiguës passagères, à traiter'dans une'' maison ^'aliénés, à congé-

dier quand leur 'trouble psychique a'Uni son évolution, car.on

, 1 ? t'OIt"I ? ¡,'I' ."1' -. 16 - ), ? 1

u'a dès lors aucune raison de les garder; 3° épileptiques a accès

..I 'l ? ".1'" li'- 1 1 1 ' 1 tl oh) .,¡ ? 1.1 ' *

de manie périodique, avec intervalles' en quelque sorte lucides,

incombent simplement à' une' maison d'¡dié'ê's ;'1J4 épileptiques

criminels. Il faut savoir si la prévention a été écartée on si l'atfec-

tion s'est manifestée pendant le'temps'de'la pénalité.. Dans les

1 -t , -te, à, 9

deux cas,il'faut faire intervenir l'asile d'aliénés ? Pendant les bons

deux cas, il.faut faire ! l1te['vellir aSI e a ]e ! ls. en ant les ons

moments, liberté modérée, jamais on ne leur permettra de s oc-

cuper dans les jardins, etc.' ? ' I ..(()r '" III' W 1,.....t.q ( .

1 l ,')1 Il ' 1 111 11 ^i, tHI'U(' 1) · tl ' L1 f .1'

M. WiLDKKMUTH. Les asiles d'iiospitatisatiou sont, suffisants s'ils

sont munis de locaux d'isolement. En. ce qui ,concerne la sur-

fi" "' * ' ' ? si 1"iieiii'ment

veillance, on est averti par les auras fréquemment identiques.

Le' caractère de la psychose se, modifie souvent chez les, jeunes

épileptiques : au débtit" s9 ! FejJl,les Itat;,) t : \'<;1gilai ! J' sont" rl's

médiocres; quand le malade a grandi, il peut, devenir très dan-

gereux. L'orateur se rappelle ? en c,mom,en"unt lalade,qu¡"à à

l'orieine tout à fait inoffensif, devint plus tard, extrêmement

a-ressif. . # 'i).' , Il ? t' . t. J J . $j 8

agressif. ' ' , 1. - 'Jl tll ! )tl#i ) 11 t( f " <"

M. W,\LTEl1. a, pour ainsi dire, eu.la, crème des épileptiques à

Pforzheim. Il insiste sur les désavantages qu'il y, a à recevoir des

épileptiques méchants parmi les, tranquilles; ceux-ci sont agités

et gâtés par les premiers. Aussi prendra-t-on ses mesures pourl'a-

venir à Emmendingen. On pourvoira;de cellules d'isolement les

quartiers d'épileptiques proprement dits. Il n'est pas nécessaire

d'avoir des établissements autonomes. , .

M. Rieger. Toutes les difficultés gisent dans les alternatives de

périodes de calme, de raison et de folie. Détenir dans un asile d'a-

, liénés n'importe quel épileptique sous prétexte que, malgré ses

allures normales de la période lucide, il peut toujours commettre

un acle qui le rend dangereux, n'est pas praticable surtout quand

ces phases anormales sont rares. D'autre part, est évident que,

1 .r,' : , l "1 ,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 257

,, r i, ,11 1 JI j ,r¡ n l' 'Id .1 -ill'i 1'1 1 Il 11- j t

lorsqu'ils viven en complète liberté, on ne peut toujours s'opposer

à un malheur. Qu'on les soustraie au châtiment, ou, qu'on les

livre à une condamnation à l'issue de laquelle ils sortiront; la

société saine'n'a que des préjudices à en recevoir. Par conséquent,

il faut trouver un système qui, permettant au malheureux de tra-

vaille, avec ou sans appui''dè l'Etat, soûs ûne sur veillânce donnée

dans 1 un endroit' déterminerait' l'avantage de 'lui 'octroyer une

grande.) liberté; une'grande) indépendàiice\aüf,ra : ú besoin, à le

préserver, deJlui-inême : .1t-I("lInm £ Hlp' ,(\,.1\1,5 -ni "1 "t'f'o'

r ? ff ¡1 "H1 JI ? ..., ln' 1 ? rt Il i t ? r' ,

·3141.aSCHUELÉJ OUi ? il faut une assistance spéciale pour les indi-

vidus en'qdcstionY'mais l'Etat ''seul est'1 impuissant dans l'espèce';

c'est a'1 assistance1 privée qu'il convient de's'adresse . < , , ,

.r'1 ? f' q ? h""1 a41 o( 'lht.h'T.1q2 ? r Jnb ? U j ... "n'1- J ri ? *

M. Witkowski. 1S1,1 ? Q ! ff,{q'Uyf.r phénomènes, C £ ê ! uts épileptiques, et

éontittéûx. 0'u l'on a; complètement,méçpnnu,,les, nouveaux

points de vue que ai fait connaître relativement l'appréciation

dé'S'in1uÍifeH¡\,'lio';}sJ é¡\ilcpt'Óïdës' et, autres semblables, ou on, leur

àâd4éssedestoliJeciyocis. J (rx¡ns r.o1,1tjl,slHif,ql1 ? ques côtes de

celte .question à laquelle" j'apporte (le nouvelles observations : , , il- r go, l' I" ., .4, a 1 , 1, ..

recueillies dans le courant de l'an dernier il, ) ? '- (lI'J'

...q ,. t '\)I ? 1 "1 . " il , t; f 1. "J¡ J.. 1 ., .....

L'f ? aqu lé'p'}lfP.lisr1,l, sous form¡¡ ? tf¡jPJL.1 : ! flyt,iQuc ,momclltulle

(Allg.'ZeïLtschr. r psych"ftXXXVll), ,sans "autre trouble, s'observe

1) ( 11ft. ',1 -rd ,1 i IL .... ....... , mais encore sous celle

non pas seulement sous la forme bilatérale mais ..encore, sous celle

d'hémiplégie et même de monoplégie ; j'en ai vu récemmontl ûu

mip ,. .. "1.1 t,l zip. z

fait dans-Iequel"la 1 paralysIe 1s'dall limitée à une, Jambe. D'où

vient1 celle'1 brùtalé"interruption' de' la' ëOllactibilité : "voiolii'e

, 1 ' . -n , ......., ., ? ...,r ? ?

remplaçant les'troÓbfds"de la'éonnaiss ! iiice ? Il '¿ü;;viènt déJs'ongèÍ'

aux 1 pi>intsùê l'eiib'ép1îale Óù' lesjtrâctus'1 moteurs sont, condensés

(capsule interne)'/ou encore à la substance -rise du` plancher'du

troisième veiiTri'culé`(centré dé Chéistiâniét ? eçht.r,1)'¡ Eni o

cas,'n'y'a y 'Il' # Ill,ll", "' " 1 11, ." encore,inconnue,

cas,' il1 y lieu'de ! supposer que la modification, encore.inconnue,

. J 1 i ,... 1 \ ? i, f -in ? m' t., , 1 ? , "

qui préside à"une'allaque d'épilepsie'n'occupe' pas'invariablement

un seul et même endroit, qu'elle s'effectue en des points très

différents °selon' les cas' du systèniel,nerv'eux; une fois née, elle

s'irradie de1son' point de 'départ' àqünel grande partie' de I*encé-

phale; à ce moment'se montrent les convulsions, le' trouble"'de' la'

connaissance', etc ? par exception, ellepeut demeurer limitée a son

origine,' de ' là'l'attaque rudihientairé. Le mémoire' remanié 'de

Saint, sur les formes de la ! folie' épileptique', renferme un exemple

d'ictus paralytique en queslion'(Obs. I.) : « Le malade/écrit l'au=

leur,- tomba à la renverse pour se relever aussitôt'. » Je profite de

l'occasion pour exprimer; mes doutes relatifs à l'existence des

équivalents purement psychiques. Les caractères de l'attaque rési-

dent, ! non pas seulement dans la 'folie à forme d'accès, non pas

- " .. 11 \ ' 1. , ,

1 Voy, .ll'chives de Neurologie, Ueviiés analytiques.

Archives, t. X. 1 ï

258 SOCIÉTÉS SAVANTES.

seulement dans l'espèce de spécificité (d'ailleurs inconstante) delà

modalité de la vésanie épileptique,' mais. dans l'association des

symptômes psychiques à' d'autres troubles nerveux souvent tout'à

fait passagers, troubles qui peuvent affecter les formes de convul-

sions, de paralysie, assoupissements, vertiges, hyperesthésie, anes-

thésie, fièvre, etc. C'est dire du même coup qu'il n'existe pas de

particularités caractéristiques habituelles stéréotypant un épilep-

tique donné; les prétendues modifications caractéristiques se

montrent, comme les autres, par intervalles de temps à autre.

L'épilepsie pure, non compliquée, ne s'accompagne pas de symp-

tômes intervallaires continus spéciaux. Les attaques, avec leurs

phénomènes concomitants et consécutifs : 'voilà toute la. névrose ;

leur agglomération et leur longue durée peuvent donner. l'appa-

rence d'une continuité qu'un -examen plus approfondi révèle tou-

jours erronée. Les auteurs français,' Falret en tête, ont eu raison

de signaler le fréquent retour' de manifestations semblables dans

les divers accès d'un même épileptique, mais on a trop voulu

schématiser l'uniformité photographique de tous les accès. Franz

Fischer a accepté cette donnée (Berl. Klin. Wochezsc/z· ? I88r);

or, il n'a pas observé son malade pendant un assez grand nombre

d'années, sans quoi il eût vu quelles différences fondamentales on

trouve constamment quand on compare' les' accès entre'eux.

L'exemple qu'il relate décèle déjà que, pour des époques parais-

sant tout à fait égales, les phénomènes 'psychiques variaient

d'allures, . les accès convulsifs'ne présentaient pas'le même

nombre; enfin, il a négligé de prendre la température' pendant

les profonds étals de coma, de délire incohérent, de congestion

violente, d'accélération du pouls (il devaity avoir de lièvre) : Toutes

ces modifications je les ai saisies en analysant avec soin, quoi

qu'en dise Fischer. Jusqu'ici je n'ai trouvé absolument aucun

exemple d'identité parfaite de toutes les attaques. ' -'

Je n'ai pas retrouvé le rétrécissement pupillaire pI'oemy(Jl'iatique

signalé par Siemens, Rbmberg, Gowers au début d'une attaque

d'épilepsie; la dilatation est toujours initiale. Cette double cons-

tatation cadre avec mes manières de voir sur la dilatation pu-

pillaire (action de la morphine, mai 1877); en effet, si dès l'abord,

il survient du sopor pur, on observera du myosis (déficit de l'exci-

tant cérébral); si les phénomènes convulsifs prédominent, s'il se

produit des troubles vasomoteurs directs, c'est la mydriase qui

se présentera, le dernier facteur entraut en jeu dans les périodes

les plus avancées de l'accès. Il y a quelques années à la clinique

de Strasbourg j'ai, pendant le stade de sopor d'une épilepsie

symplomalique de paralysie générale, vu s'effectuer aussitôt

une mydriase maxima.

La discussion aboutirait à la même formule quant au myosis

qui se montre pendant l'arrêt de la respiration intermittente. Rosen-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 259

bach et autres ont montré avec insistance combien fréquemment,

les interruptions respiratoires s'accompagnent de troubles ner-

veux d'un autre ordre. Tel est également mon avis. J;insisterai sur

la somnolence des mourants pendant la pause respiratoire; dès que

la respiration reprend, le patient rouvre les yeux, roule les globes

oculaires dans les orbites, relève sa tête affaissée; il semble que

l'écorce affaiblie à l'égal du centre respiratoire ait besoin, pour

reprendre ses fonctions, de l'addition d'excitations qui normale-

ment agissent d'une façon continue. Il peut aussi arriver que les

interruptions psychiques se montrent à l'agonie temporairement

indépendantes des interruptions respiratoires et même qu'elles

soient autonomes; ainsi'la pupille, si elle réagit encore, suit l'ac-

. tivité psychique, elle se rétrécit dès que vient le sommeil, et cela

indépendamment de la pause respiratoire. Mais on a vu aussi des

^pauses respiratoire sans myosis et même avec mydriase. Donc, la

manière d'être de l'activité psychique, a dans le phénomène en

¡'question, une 'valeur assez considérable, quoique probablement

non exclusive. " ' , iqi ' - '; 1

... ? <1 1t « i v t - , ni t' il .

, ..1 Les mouvements comateux des yeux déjà décrits (Arch. f. Psych. XI)

, consistent en mouvements oculaires d'une uniformité toute spé-

ciale, .d'une lenteur modéré, et coordonnés. Tout récemment je

les ai observés exclusivement pendant les derniers jours qui pré-

cèdent la mort, ce qui me permet d'accentuer leur mauvaise signi-

fication pronostique. Quant à leur, valeur diagnostique, .pendant

lei sommeil normal, ils ne , se produisent jamais ;. on constate au

, contraire sans exception des mouvements oculaires dépourvus de

. type et bien plus,lents (Witkowski-Roehlmann). Ces derniers, lout

rares qu'ilssoientà l'agonie, se montrent cependant isolémentcons-

tituant une forme intermédiaire aux, mouvements comateux et

aux mouvements .normaux. du, regard. Donc les mouvements ocu-

laires du sommeil ont une, certaine spécificité; de là à les rapporter

à d'autres phénomènes également spéciaux il n'y a qu'un pas : je

les rattacherai aux rêves qui mettent de préférence en jeu les

conceptions visuelles. En effet pendant l'état de veille les mou-

vements des yeux, coordonnés .d'une façon précise et régulière

dans tous les sens, sont également ordonnés par rapport aux mo-

difications pupillaires; donc cette suppression à tous égards de

la coordination normale qui accompagne la lenteur très frap-

pante de ces changements de lieu des yeux est un indice impor-

tant en faveur, de l'existence de processus intracérébraux en

rapport avec l'état de rêve. En tout cas n'est-ce que par l'étude

de faits aussi réguliers et de leurs modifications également

constantes en des conditions données que nous finirons par

comprendre les graves problèmes relatifs aux fonctions du

cerveau.

260 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Discussion : ,,1 M ... ,II Il

M. STARK. L'excitation ne se montre pas seulement'pendant l'at-

taque ; elle fait explosion chez tout épileptique,à toute' occasion,-

elle fait donc incontestablement partie de la caractéristique'de

ces malades. - ' ' 1 ,1 "t

M. Iimx. Maints épileptiques ne présentent pas de symptômes

intervallaires, maints autres présentent, dans' l'intervalle ' des

attaques, des modifications psychiques qui constituent le caractère

psycho-épileptique. Il consiste soit en un affaiblissementsintellec-

tuel progressif, soit en un état permanent d'irritabilité, soit, enfin

en la simultanéité de ces deux ordres de sYII.1ptpll.es ? pppllajj

lion de III. Rn : GEII.. , ,i il r ? OI)t.7 -il Il;1 ,,)J

M. WiTKOwsKL J'ai simplement vu des- épilepliquesl temporaire-

ment irritables ; les plus dangereux tpendaiit leurs accès étaient

souvent les plus inoffensifs pendant les intervalles.lde ces) accès*

Du reste je n'ai probablement pas assez vu'de malades; la cam-;

munication précédente n'a trait, qu'à des accès Jpurs d'épilepie

vraie. ' n - je , Il, 1 b allmlt lit, ynii'J

M. FREUSBIOEG appuie la' manière' de- voir' dèc1\I : ' Wilkowski.

Cependant dans les accès on'peut voir certaines'modalitéJ'paràis1

saut irréguiieres affecter l'alternance. Il a très souvent observé

l'ictus apoplectiforme. Le rêve résulte d'un trouble de coordina-

tion moteur. - -

M. WiLUERMUTit. Les ictus apoplecliformes sont très rares dans

l'épilepsie. Il en rapporte deux cas dont l'un avait trait à une

jeune fille qui tomba soudain à terre et perdit la parole sans que

la connaissance'fût'atteinte ? ne'croit pas 'à'. l'uniformité' 'dans

les accès, mais il-existe<des ! équivafehts psychiques sans troubles

moteurs. Deux exemples à l'appui; la température n'a pas été

prise. -

M. \VThowshl. Evidemment il est difficile de constater sûre-

ment des troubles du mouvement. Il existe aussi fréquemment

des morsures de la langue, des joues, etc. non soupçonnées qui

forcent à douter de l'existence des équivalents psychiques.

M. Wildermuth. Un cas qu'il rapporte impose le diagnostic d'é-

quivalents ayant succédé à des troubles moteurs graves." -, , ' 1 'à

M. STARK se rappelle un jeune homme qui avant son entrée a

l'établissement n'avait présenté aucun accès; ou constatait chez

lui le tableau de l'épilepsie. Le second jour de son arrivée il avait

sa première attaque. '

M. RIEGER a observé chez un épileptique des accès chioréiformes

avec conservation de la connaissance. Au point de vue médico-

légal n'est-il pas nécessaire de constater des troubles de la moti-

lité ?

SOCIÉTÉS SAVANTES. 261 t

M. WITKOWSKL Non, bien que celte constatation ait une haute

importance. Dans un cas déterminé, cela fut complètement impos-

sible, jusqu'au.jour.où,le patient; en train de se déshabiller, fut

terrasséipar une agitation convulsive s'étendant à toute la char-

pente musculaire du corps.

M. Rmccn. Dans un cas il y avait exagération tout à fait énorme

des réflexes tendineux. , ' i r,

M'. WITKOWSKI n'a encore pas observé cela.

M. Scaôrr.r·;`(d'Illénaü). Présentation du plan de situation de l'asile

p ? 'oycM'es'd'JEm ? He) ! tMen '. Il s'agit d'un établissement destiné

à'1,000' 'Malades qu'on se propose d'élever sur une surface terri-

toriale de î,200 ares. Il aura le caractère d'un hospice agricole.

Sa construction'qui,coûtera 3,000,000 de marks (3,750,000 fr.),

sera'réparlie en'diverses annuités-budgétaires. Dès qu'on aura

terminé les quartiers' centraux'fermés et la métairie annexe, on

l'ouvrira à''400 malades. A mesure due les bâtiments distincts

séparési,se construiront'çà et'Ià, on y évacuera des aliénés de

Pforzheim jusqu'à ce que cet asile soit totalement vidé.

,,Les deux curateurs, organisateurs sont réélus pour l'annéesui-

vante (MM. Schuele et Kirn) et la séance est levée. (Allg. Zcitsch. ? Psych., XLI, 4,-5,) l, l, , , , P : Ii;lil.lV.IL.

JJITI 'I "1 ? > il. ,1,'yd'l Pl ra' , , t i, ¡ .

",ht.1 ? fJ . ? 11 1 'l ), n(m,1 i , ., .

- 11 1 . 1 ff' rf 1 ti 1 , ,. i ji ? l. -r ( . j 1, , r r ,

1111 f 1 1 ? 1 1 , t' 1 f 1 if, 1 1 1 .... z

CONGRES, ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ UES MÉDECINS S

j of, il III" ? ALIÉNISTES' ALLEMANDS

1 <- t... r r f i ,r ( , t ? ,r i' ""11' SESSION N DE Lh : ll'Z1G' G

I 'u'

' ' Séance du 4 septembre 1884

r t , .

Le bureau se compose de \lAf. de Gudden, Loehr, Nasse.

L'1. \Vcslphal et Zinu se sont excusés.

11, Nasse, président, ouvre la séance à trois heures et demie,

par des paroles de bienvenue. Il se réjouit de voir la réunion

avoir lieu dans le local consacré à la nouvelle clinique psychia-

trique ; il en adresse à qui de droit ses remercimenls. Excuses

1 Voy. Archives de Neurologie. Varia, t. X, Gi'and-duclié de Gade.

2 Id" . VII, p. 359,

262 L) SOCIÉTÉS SAVANTES.

et lettres de salutations de 11111. Pèlman et Flamm. -= Souvenirs

aux membres morts pendant l'année : Frese (de Kasan), E : ,fleyer

(de Brake), Lachner (de Prûll), Brutzer (de Riga), Ewertz (dé Mee-

renberg), Ehrdt (de Huberlusburg), Schmüssig (de liuda-Pestli) :

l'assemblée se lève en leur honneur. Invitation du professeur

Flechsig à visiter la clinique officielle..n , l -<<

OEuvre du bureau relative aux décisions antérieures ! de la

société. '1 ' 1 " ".1 z

I. En ce qui concerne la statistique des asiles D'ALIÉNÉS 1, la réponse

de l'autorité a élé favorable aux avis de la Société. E'1rn1Oins d'un

an, les ministres de l'intérieur, 'des cultes, de l'enseignement et'

de la médecine ont, aprèsavoir'cousulté'le bureau royal de sta-

tistique, et la commission centrale, admis Jespropositions.,de la

Société. 1

Désormais, la feuille de statistique de i-éceptioiz.-sit7,, papier ..blanc

comportera les rubriques suivantes : . '1"11.1\ ?

.. lu- i z ' un t «

Io Réception le.... >i ? '10,; t ¡"hl' 'JI "1" > f /"J. 10 -i !

2° Du nommé... prénoms... sexe...'¡ .'

3° Né à...lieu...district.....) ? . .

4° Dernière habitation ou) dernier séjour... Prison ? ... Asile d'aliénés ? ...

Lazareth ? ...

5o Année et jour de la naissance...

6o Etat civil... Célibataire ? ... Marié ? ....Veuf ? ... Divorcé ? ...

7o Religion... ' "

8° Etat social ou profession ? ...

9° Durée de la maladie avant l'admission...,i-i ' , ¡ . oJ

10° A. Y avait-il parenté du père et de la mère ? ... A quel degré ? ...

SOCIÉTÉS SAVANTES. 2( ! 3 3

13° Existe-t-il des malformations somatiques ? ... Lesquelles ? ...

14° Le patient a t-il été déjà dans un asile d'aliénés ? ... Dans lequel ? ...

264 SOCIÉTÉS SAVANTES.

.0;. ' ' ? 1

enfin le projet présenté par le chancelier en conseil, fédéral sur

les séquestrations pénales, (1879) écarte, le piacement, des aliénés

au sujet duquel aucune solution convenable ne s'était présentée,,

cette question ne rentrant d'ailleurs pas dans les pénalités par.la,

privation de la liberté. 11 faut bien dire encore que le"prollème

qui nous occupe à été envisagé par les gouvernements à des points

dé'vue, tout à fait distincts, à telles enseignes qu'ils en ont ren-

voyé la conclusion aux fonctionnaires municipaux. Le bureau de

la société propose donc de ne pas toucher jusqu'à nouvel ordre

aux conclusions d'Eisenach. Adopté à l'unanimité. , l' ,.

IV. Y a-t-il lieu d'admettre que V aliénation mentale puisse cyasti-

tuer une cause de divorce ? Et dans quelles circonstances ? Faut-il paru ? ,1. \ -, . Il . Il' 1 ? , 1 t... ,

exemple, pour cela, quelle ait duré trois ans J ? , , ? b ,').,).T

, r * r . , i i ,^ | i , l(, ,, , >ti t ,"»V * ' t' l'I -" ' * ' i

En' ce 'gui concerne la' première question, ,1e président rappelle,

que W ? SANDM s'exprimait ainsi' : ' " ''

que W.' Sander s exprimait ainsi : 'JJ,lldhll' uni. 'VI ! I '

Io La société n'a pas à se préoccuper si, en principe, le divorce.est' 1(âi

tll ! 1e, e,l,l ! ; Ifa pasjà le discuter au point de/vue religieux, moral, éthique ;j

2° 1 il ¡serait à' souhaiter que l'on nivelàt en Allemagne les décisions l

polymorphes qui se produisent en ce qui a trait au divorce pour cause de,

folie; 3° 'en supposant que l'on admette' le. d,iv9 ! 'Gç,}n p.ril,},cipe,.lali ?

nation mentale en est fun motif, lorsqu'elle doit être ténue pour incurable , 1

4v. l'examen de l'état mental aura lieu;' comme 'dans le1' cas d'intëa'vei ? I

tion n fin d'interdiction ; si le malade en question n'a pas encore été'interdit,1' I

on lui désignera un curateur; 4 (bis) autre rédaction proposée : l'exa-

men de l'état mental afin (l'établir ¡'incurabilité 1 aura lieu après que let 1

conjoint 'sain 'd'esprit aura demandé le divorce;, il produira, à l'appui de ; (

cette demande un certificat motive du médecin du malade; on appellera

concurremment deux spécialistes; 5" la sentence prendra cure'de spécifier'

les, conditions- de fortune ! < dans lesquelles" se trouvera* juridiquement'le ! 1

conjoint divorcé pour cause de 'maladie;'elle parierai do'la' nomination t

d'un tuteur qui, devra être désigné, dans d'acte même et sera chargé de'1

recevoir les , rentes de' l'aliéné ;, 6°, tout mariage doit. être considéré i

comme nul quand une, des parties contractantes était, à l'époque de la

célébration, déjà aliénée sans que l'autre le sut... , ,, «

I ? t .1 .. , , I 1 " t fi'l- J.' ... , '' ' ' '

M. Scander, a été chargé du rapport /'Le mémoire qu'il lit, très.

étendu'et' circonstancié à tous égards, ' "' - - "1"sd les manières

I ? f, ,V cite- iii ex e -I*

de voir'du professeur Hazan,' des directeurs Wendt, Hasse, des

docteurs'KnehL, Blanche, Luys, Magnan, du professeur Charcot,

dé M. Voisin, en un mot tous les documents publiés; il y ajoute sa

note personnelle. Voici les conclusions'qu'il soumet à l'apprécation

de la société, sans que le bureau en ait pris connaissance, .i 4

4° Répétition intégrale de la première proposition ; . z

z Répétition intégrale de, la troisième proposition avec cette

addition : aliénation mentale durant' depuis trois uns; ,; Il

, , , , . l'i j. Il 1 1 t , 14

1 V. i ile 1";eu).Ologie, t. Vll, 1, [ ? 1-, 9. .1 '

SOCIÉTÉS 'SAVANTES. 265

'' 3° L'examen de l'état mental comportera les mûmes errements

que ceux qui'se rattachent à l'interdiction, mais seulement, si le

conjoint sain'le-demande, on adjoindra un'curateur spécialement

désigné quand le malade né sera pas encore interdit;

4°'Reproduction intégrale de la conclusion cinq;

5°'On doit annuler un1- mari âge quand l'un des conjoints était

alién6"zL l'époque où ce mariage a été'conclu. L'autre partie est

autorisée'à Pl;op'oscr'lïô\ ! alidatioI1si la maladie ne lui avait pas été

notifiée auparavant.1» ! 1 . l't ! JH 1 "l," ' ' , .

Discussion : ? Hl1l1LnU 1 t j'Nh 1 - Il. » l ,

DiselissiOI2

l\U'von' ! GÚDDN ? Il'và\t' mieux s'en .tenir au point de vue mé-

dieàl}' ? 'e'st\-.à-.dirë'¡11 : s'occuper que delà réglementation, des

procédés médico-légaux au rapport. Il propose de le faire rédiger ? 1 , ? ''t.] ? .. ? t t è ? j,.

par trois' spécialistes et d écarter la durée de la maladie comme

1 ... ' ! -Il ? n't Jf' un '<)/

cause d'incurahilité. 1 ? 11 e J 1, lU' 1 1 (j i

- M,I SA ? ¡DER,.l\Iême en supposant que l'idée du'divorcé soit admise

dans J'espèce ? c'est' âù' médecili"tlii'iI',a¡jpiÚ.dei1't de formuler un

,1 ' , ,,11/ ? ,»| , t., ' *l»l '' M- Il i

jugement à .1'¡pÎ)UiWq\y ? ;rpè : Mrl,a,¡'¡'d7 car lui seul sait les consé-

quences de'la'tiialà'di4è ttlru'il" o'belsér.v.e' dans . le cas de mariage, et* ·

par conséquent, , seul il peut apprécier s'il y a nécessité ou non de

'l' 1 ,j ? Il Il .. - . , y

prononcer, la séparation ? Il,, faut, voir plus, 'qu'une question de

formalités. 1 ni l ," l, Il (l''li ? 111' 11"" .1 1 n "01'" '

,Votes. Adoption uhanime'de' la'cônclusion l' En'ce qui concerne

la conclusion' 2, 1f."llIrDEL "én'fàit'ressbrlir l'inutilité, les gou-

... ? , Il . IL- il là , ? 0

vernements ayant a'1 l'étude : 'dëp,'tlÎS"longlemps, les problèmes que

,.( '1.1,1, 1 J'hl,II.IU 1'1 11' ? ) ? 1...... P. P ' 1

soulève le divorce; on prépare un code civil, il ,l'usage .de t em-

pi ! ,e,¡1l\em.an ? 1 Conclusion, 3. aont sujet ? sont soulevés une

foule de points épineux : quelle durée permet d'assigner à un cas

d'aliénation mentale l'épithète d'incurable ? Quelle'1 est la forme,

quels sont les caractères d'une psychose'incurable ? Autant d'élé-

ments à-propos desquels des psychiatres ne possèdent aucune base.

Par suite, dans l'état actuel de la' sciéiïcej'on ne saurait formuler

dérègle, sous peine de nuire aux malades; une telle crainte

n'existe pas lorsqu'il s'agit de l'interdiction. A la discussion, dont

nous venons de résumer les conclusions prennent part MAI. Mes-

chede, Nasse, von Gudden, Scllül ? 11ltZlg" l\Iendel,¡Sandel', Sie-

mens.' On décide'qu'on ne volera pas sur celte conclusion, et

qu'on' laissera tomber'le débat sur tout le resté, de la question.

- ' ? J i> Il, . ,. ' '

V. Dans quelle- mesure les gens qui ont versé leurs cotisations à une

caisse de secours, de malades', d'invalides, etc., se trouvent-ils lésés

dans leurs droits, quand ils' sont atteints d'aliénation mentale1 ? 9

M. SANDER, rapporteur. En effet, tout individu atteint d'aliénation

1 V. Archives de Neurologie, t. VII, p. 379.

266 SOCIÉTÉS^ SAVANTES.

mentale, de syphilis, d'une affection consécutive à une altercation,

ne reçoit aucune indemnité pour parer aux dépenses occa-

sionnées par les nécessités du traitement, notamment à Berlin. Mais

il n'en est pas de-même partout... Le bureau propose la motion

suivante... La société des aliénistes allemands, considérant que;

d'après la loi relative à l'assurance en cas de maladie, il n'est plus

fait d'exception de principe à l'égard des aliénés, regarde sa re;,

vendication de l'année précédente comme sans objet, mais elle in-

vite ses membres à ne cesser de rechercher et d'examiner les cas

dans lesquels on frustrerait des' aliénés dëllêûi's'droits en mécon-

naissant'le caractère pathologique 'de leurs' manifestations;' toute

opposition dans l'espèce constitue un devoir ? /Adopte. - * '

Le bureau a'envoyé'des félicitations à Hoffmann; de Francfort :

qui a fêté, le 91 août Il 883, sa cinquantième année' de doctorat et à

Hagèn ? d'Erli1l1ge'n qui, le 16 août' 1884/ fêlait le soixante-dixième

anniversaire de sa naissance . "1' IfJil' >> >» ? 1 ? Invitation déliasse à 'visiter -l'asile' de;IKoenigslutter" Pré'senta-

tion'des comptes de'la' société et transmission au' bureau de.leur

révision. ' ' ' 1 1 " - - "1 1 Il. 1 ? 1 ivL. 1 ? -i il

''Renouvellement de bureau. En exécution des statuts, deux mem-

bres sortent. Ce sont von Gudden et' Ziim'd\L Zinn écrit-que ses

occupations- l'empêchent d'accepter le renouvellement de ,,son

mandat. Nomination par acclamation ,de MAI. de Gudden et

Schüle. , , l . '" ,l, , , j l - ? ... - ',1 : , 1 l' 1.1

(Visite de,la clinique psychiatrique,sous,la conduite de 1lechsig.

' ' '" Ir' 1 t 1 J. ' 1 il 1 Il, Il 1111, lit t c

11,.1. * '- lit ' ! ]U J '1'1"" lu..{ ? ou 'lt.H," t tul ¡j( t 1 hl if;

J i" ' ,1 . i , , , . rr il. .... hl' J , ; JI

La séance est ouverte' huit heures et demie : Lebûreàu annonce

qu'hier il a adressé une lettre de félicitations à Richartz d'Ende-

nich qui' a célébré sa cinquantième année de doctorat. ,1 Il

. si ? " ,1 l' -t # t t.. \11 t 1 fJ Il .. 1 t fez

"lI. ,LOEIIR lit, un rapport sur les, progrès de l'assistance en Alle-

magne pu ? , les ' asiles d'aliénés pendant ces dernièl'cs ft ? )në6s*. ,( '

, M. FLECHSIG, Contribution au traitement gynécologique des per-

sonnes hystériques., - Trois observations forment le fonds de ce

travail. Elles ont déjà été publiées dans le Neul'olog, Centralbl.

de 1 884,, et nous en avons donné aux revues analytiques des Ar-

chives de Neurologie la suscription qui lient lieu d'analyse. Nous

les répétons ici.

//

1 Nous publions ce rapport à part, aux varia, afin de l'écourter le moins

possible, d'en donner l'analyse la plus substantielle et la plus complète.

' i. P. KÉRÂVAL.

SOCIÉTÉS' SAVANTES . 2 67 Î

Observation Il Grande hystérie, avec troubles psychiques intenses.

Castration. Les ovaires sont atrophiés et dégénérés. Guérison complète. -

'Observation II. Psychose avec éléments hystériques. Fibrome utérin

du volume d'une tête d'enfant.. Amputation supravagmale de l'utérus.

Bon résultat. '

c Observation Ici ? Hystéroépitepsie; rétrécissement de l'orifice externe

de l'utérus. Dilatation sanglante. Guérison. -

. nisczcssiozz : ,, : 1'\ '' " - , 1 .

.. ,i i.i " 1 'i tli' ts z 1 . , -.· r..

f J.. 'l^'i-i ' i . r 'itti'ft ? ) I >.i f ? t.. ? 14f. MENDELCommunique un cas, de folie hystérique qui ressemble

àlaelui de, l'observation .11. Dans ce cas, une tumeur avait néces-

silé l'ôvariotomi. A la suite de l'opération, la psychose s'aggrava

et la malade demeura folle d'une façon permanente. Il rappelle

encoi;ele,(cas| d'Is,rael (castration apparente) et croit ne .devoir

attribuer,au,traitement gynécologique des psychoses, aucune im-

1 l I J~ -^J ? f ° -I V 1 v" j j Il . f. I ' t t Ij

portance essentielle. l ",1 l i<...... ? ' l '1 ' ., ,,r ? ?

is : \1.. LLliCHSIG. - Actuellement. lescas favorables sont par rap-

port aux ¡,cas( défavorables dans lai proportion. de, : ,3. Le cas

d'Israel ne prouve rien car on n'a pas établi que les altérations

résidassent dans, les organes, génitaux. De plus l;influence morale

n'est pasldénuée d'importance. Il'01,1'11'' ? J '1" ,, 1 1/' ? ,,1

IHJl\1. ILITZIG communique un cas à évolution' défavorable.. c ? , <

)11\'1'1\1 ? l ,l, doute " " que lâ'gûéristin '" '. ]1 d JI' b

' ' . 1, ESCllEDE doute que a guerlson ait* été 'réelle' ans 0 ser-

vation de Flechsig, car les récidives au bout d'une ou de' plu-

sieurs années sont bien fréquentes' : L'intervention toujours grave

de l'ovariotomie mérite d'être très sérieusement passée au crible

de la critique. 11 connaît un fait dans lequel une épingle à che-

veux dans l'utérus' a'déterminé.des phénomènes semblables.

M. Flechsig. Evidemment un diagnostic gynécologique exact

. s'impose,,tout, d'abord. Il, ne faut pas, opérer à j'aveugle toutes les '

hydriques.. }) n, th' ;1 l' , . , , .. ' . " , .

M. GUDDEN. User de la plus grande prudence en, matière

d'intervention sur les fonctions sexuelles de la femme ; un danger

est toujours à era.indre'eIesrésu ! tats e.n sont toujours' douteux.

" - ..< < t,. \ l' .)' \ \ ? ...... z

i\1. RICHTER (de Dalldorf). Sur les connexions des trac lu s' optiques

conducteurs dans l'encéphale humain, - La bibliographie renferme

un grand' nombre de èas dans lesquels l'atrophie du nerf optique,

celle même qui ne s'était installée que chez les adultes, s'était

propagée non' seulement 'aux bandelettes optiques, mais ''encore

aux corps genouiiiés/aux tubercules quadrijumeaux et'aux couches

optiques, soit du même côté, soit du côté opposé (aspect macros-

copique). Le livre de Wilbrand sur l'hémianopsie en contient

douze cas, mais ces faits ne sont pas univoques, car il s'agit sou-

vent de foyers hémorrhagiques des bandelettes optiques, des corps

genouillés, et des couches optiques (cas de Gudden), de tumeurs

268 SOCIÉTÉS SAVANTES.

kystiques ou tuberculeuses (cas de Lancereauy et li urtsclrér), per-

mettant d'invoquer l'action d'une compression ou, encore d'arrêts

de développements (cas de Wrolick d'IIugu'enin ? ) d'une autre,

essence. Aussi, la plupart des autopsies de ce genre, n'ayant la'

plupart du temps fourni que des résultats négatifs, l'auteur. is'est'

donné la peine de conserver des cerveaux d'adulles;°ressortisasnt

à la question et de les examiner à fond. Il a pu étudier six'aulop-"

sies relatives à des atrophies unilatérales du nerf optique et trois'

encéphales concernant des atrophies bilatérales du' nerf "optique.

Voici trois exemples : " ,J', ? JU ? '1111j

Un paralytique 'général aveugle se heurte la 'tête aux murs, tout 'en

prétendant qu'il voit très bien (juillet 1881) : 'llpïerirt en 1882 ? Lès 'nerfs'

optiques sont remarqua1.Jlementlatrophiés, les bandelettes·optiquosesont',

devenues toutes petites. Au- delà, on,,ne distingue il l'oeil nu'aucune

anomalie., Mais au, microscope, on. constate que la,disloarition des fibres

parnit due aune prolifération .conjonctive, (qu'il. existe, une prolifération

identique survie plancher dütroisième veutrçulë, et, ,quq"l ? ( ! égé,I,19rçs ?

cence se continue le lônsr'des' bandelettes optiques 'jusque dans les' véri-t

cence R contil le ,long ? « ? ,... l .,J ? 1 , ],l ? tPl,l|

tricules latéraux,' dont les parois ressemblent^ (v une épaisse couenne.

Donc, il s'agit' non pas d'une' lésion - essentiéllê"dü1systl'mè"optiqllé\' ¡11Í11s

d'une compression de-3ce système par un (Moment extrinsèque quoique

iutracr,inien.,ll importe de noter que le 'cas n'a rien -à 1 voir avec t'atrophie

spinale des paralytiques généraux. Il ? ,c5 -- ,i ' · ? 1 ; '<-

- Une démente sénile présente une ' hémianopsie' homonyme' gauche

complète, absolue (août, 1882); elle porte à gauche une conjonctivite qui

se complique successivement en novembre, de, kératite ? en décembre de

cataracte : de phthisie du glp ! Je, oculaire,,dans,le courant de, 1SS3; l'oeil

droit a invariablement présenté 1 ! ! 1C,p,r.I ? lc ? ( ! e ! a moitié,, droite.. de, la

rétine, Mort en juillet" 1883 On trouyo, à l'autopsie, un foyer de ramollis-

sement dans le lobe occipital droit qui évidemment a causé l'hémianopsie;

aucune autre explication ne se présente.'Est-ce'ce foyer qui'a 'déterminé,

les,troubles tropfuquesnip l'oeil' gauche ? ,L'évolulÎon clinique paraît 'four-

nir une réponse affirmative, car la malade étant calme n'avait pu se

heurter, et l'oeil droit- n'avait pas subi, ces altérations. D'ailleurs, l'examen

ulthtlralmoscolrique, décèle que l'hémianopsie s'accompagne de troubles

trophiques de la rétine' (observations de Wilbrand); il, est. mai que la

rétine' ne constitue pas tout le globe oculaire, que celui-ci a, ses vaisseaux

propres, etque)abib)iograpbio'nec'outient'pas d'observations semblables

à la nôtre. D'où réserve. '" ' ' , ' '4 '

Un syphilitique avéré est, il l'âge de quarante-cinq ans, atteint de divers

ictus apoplectiques ( 18S0). En décel11bre'188. on constate d'abord une

aphasie indéniable typique avec paralysie adroite. Ces symptômes rétro-

cèdent, et il s'installe une hémiplégie- gauche avec hémianopsie homo-

nyme gauche. L'examen opthalmoscopiquo rêve)) à Ubthot)' et Jloeli

(décembre 18S2, janvier-mars 1883), une atrophie du nerf optique droit;

rien il gauche; la pupille gauche réagit bien, là pupille droite réagit très

peu. Cet état est le même en juin 1883, mais au point de vue mental, on

constate de la lenteur dans les conceptions, sans autre dérangement,

avec des phénomènes d'angoisse et d'oppression; de temps il autre,

SOCIÉTÉS, SAVANTES. 269

sommeil constant; on pense à une tumeur cérébrale (gommes ? ). Autopsie :

décembre 1883. "La première coupe révèle, dans le nerf optique droit ! 'existence'd'un néoplasme. Un foyer de ramollissement dans l'insula

gauche expliqué l'hémiplégie droite et l'aphasie des premiers temps. Un

foyer de ramollissement dans les circonvolutions ascendantes droites, rend'

compte de'l'hémiplégie gauche. L'hémianopsie gauche- doit'être imputée

à un foyer de ramollissement dans le lobe occipital droit. Les os du crâne

extraordinairement epaissisjà l'intérieur ont, pendant ! la vie, exercé une.

pression qui permet de comprendre, l'état mental.. A la tumeur du nerf

optique droit, qui est un psammome, il faut rattacher. l'atrophie de la pa-

pille observ'ee'de'ce côté pendant la vie. ' ? 11 ' ..f()I, \.,lvf /

,t En,, somme une des , neuf observations de. l'auteur démontre

que £ l'atrophie des nerfs)optiques;t uni- ou bi-lalérale ne saurait

jamais être à;l'ceil nu suivie au-delà, de la bandelette optique du

côténopposéi ou des deux bandelettes, bien que, dans' l'espèce1,'

l'atrophie eaistàt'dépuis des années (un'cas' d'atrophie unilatérale

durant' depuis'1 dix' ans)'. Quant' à, l'esameliüiic'i·ôscopiqite en tous

ces cas; les cellules nerveuses, ont plus ou imomsl disparu, dans

les'corps gq lés 1 td,ns et internés, dans les tubercules quia-j

drijumeaux supérieurs ! et inférieurs dans les couches, optiques ;,des;

cellules épargnées prennent mal les réactifs colorants 1 et leurs-

noyaux sont indistincts. Quand l'atrophie existait depuis un temps'

assez long, les vaisseaux se trouvaient très larges dans les orgues

en question, notamment dans la couche oplique; uniformité' des

lésions partout, môme quand il s'agissait d'une'atrophie unilaté-'

raie. Intégrité 'des' cellules corticales des''lobes' occipitaux.' ' l" '

Quelle'' est ! dans'les cerveaux d'IiémialOpsiqïlës, J'à. "'oie 'qû'J-1

.' 1'" . t., , " '/f ? . d., . 1\\ .II; ! ? 'i' JI' t J

rait pu suivre la dégénérescence partie du.lobe , occipital pour,

ra,l, P, 'SIV.r ? 1 . 1 . 1 1 1 9, oc p,ltl pour,

gagner, le segment antérieur ? Recherche vaine. l, Impossihle "de

trouver la zone trophique et,le trajet des fibres conductrices. Peut-

être faut-il accuser de cet insuccès les méthodes de coloration

usitées (nigrosine hcmatoxyline'carmin brun de Bismarck)

dans le but plus spécial de fixer les cellules.' Du reste, les éléments'

cellulaires des organes nerveux dont il a étéquestion présentaient)

chez les hémianopsiques, toutes les altérations consignées sli'/J1 : ¡¡.

Il n'en découle pas nécessairement que ces altérations .émanas-

sent du lobe occipital puisqu'un des cas témoignait d'une atrophie

partielle du nerf,occipital droit de, par une tumeur (action rétro-

grade), et que dans Inobservation d'atrophie du nerf optique avec

phlhisie du, globe, oculaire gauche, la relation entre cet accident

et le lobe occipital n'est pas démontrée. ' '' " " l'

Conclusions : v 1 Une atrophie du nerf optique uni- ou'hi-latéralé

qui porte sur le cerveau d'un, adulte ne se transmet pas forcément

aux bandelettes optiques (aspect macroscopique), même quand

cette atrophie existe depuis dix ans. 2° Dans ce laps de temps,

l'atrophie du nerf oplique se propage aux éléments nerveux (cel-

270 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Iules) des corps genouillés, des tubercules quadrijumeaux supé-

rieurs et inférieurs et à'ia couche optique d'une manière égale;

toute atrophie unilatérale du nerf optique agit sur les organes en

question des deux côtés. Si l'atrophie du nerf optique est bilatérale,

,il s'exerce une action cumulative. 3° La destruction d'un lohe

occipital ne produit pas nécessairement d'altérations macrosco-

piques des organes placés en avant de lui,, que nous venons, de

nommer, même quand cette destruction date de plusieurs années,

1° 11 n'est pas, démontré que la destruction d'un lobe occipital

détermine sur les cellules nerveuses des organes placés en avant

de lui les mêmes altérations que l'atrophie du nerf optique. Il

' t i , . . l' 1, t. l' l ,< i. , v.

M. E. MENDEL. Sur les cellules nerveuses ganglionnaires de l écorce

, dans la paralysie progressive des aliénés, ? Ce mémoire déjà publié

dans le rC211',)107. centralD. de 1884, se trouve analysé'dans'1'articie

des revues analytiques des Archives de Neurologie' Nous rappelons

,. 1 I ? 1 . m ? 1 1 ? 1'1 '1 .1 1 1 r, il.1 ? I

qu'après avoir fixe 1 j¡lstologlC normale des cellules nerveuses,

1 \. ,1 ' .. Il \'\\ \ \ 1 \ il ? j- '\' . I\q \ "...... 1 F

1 auteur a établi que. la paralysie générale se traduit par - ') ? Un

agrandissement des espaces pericellulaires qui'sont remplis'd'une

matière jaunâtre ne se colorant que peu ou point par le' carmin ;

1 2°' une dégénérescence stéato-pigmehtaire *du~proloplasmà''cellu-

laire ; 3° de la sclérose et de l'atrophie des cellules ? 4° des altéra-

tions des noyaux identiques à celles du protoplasma.

Discussion :

M. l3mswnc>rn. L examen d un groupe de cellules géantes pyra-

midales dans les circonvolutions ascendantes lui a révélé des

résultats, semblables à ceux de M. Mendel. Mais il n'a pas vu la

coloration jaune des.espaces péricellulaires de Mendel. Peut-êlre

cette différence tient-elle à la 'méthode ' ? ' Au premier stade, c'est

principalement le noyau qu'il faut considérer ; les altérations sont

celles que l'on vient d'entei1arë. Les celllules sont lésées par

groupes. Dans les cellules jeunes, noyau et pigment sont en raison

inverse; des cellules^avancées en âge, normalement pigmentées,

permettent la. distinction exacte du noyau, celles chez lesquelles

il existe une pigmentation anormale ne permettent pas'de distin-

; r c. "\ ' " ' ''ci )' n .1 .n .)

guer nettement leur noyau. 1 \1' f . \q ,. '\ 11 d ,\

.. \ ' \ \

M. von GUDDEN. La méthode d'examen est pour beaucoup dans

la détermination des détails. Le D, Nissl de Munich qui a consacré

un temps énorme à l'examen de l'écorce, qu'il colore au Rouge-

Magenta, * considère le- durcissement dans le liquide de Müller

comme insuffisant; il le prolonge dans l'alcool. Voici des prépara-

tions qui viennent de lui. Il est, sur-le-champ, facile de recon-

naître l'atrophie des cellules nerveuses de l'écorce des paralytiques

généraux, elle se traduit par : diminution de l'éclat du noyau,

diminution de la netteté du fil des contours de ce noyau, -

recoyuillcment du protoplasina devenu moins finement granuleux;

BIBLIOGRAPHIE. 271 I

même observation pour ses prolongements. - contrôle constant

avec l'écorce de cerveaux d'individus sains.

M. Mendel. Ceci est une confirmation de ses propres résultats,

quoiqu'il se soit mis du liquide de Millier. La réplétion des espaces

péricellulaircs par delà matière jaunâtre est très rare; sur 2,000

préparations, huit seulement présentaient ce phénomène. C'est

pourquoi Rinswanger ne l'a pas vu. Il ne s'agit pas là d'un produit

artificiel, car toutes les préparations ont été traitées de la même

manière, et rien de semblable ne se présente dans l'écorce des

animaux. ' '

-mu' '" r. ',»> ... t..i-- · ... La . v.....

M. von Gudden Il'3 jamais vu de préparations aussi claires, aussi

nettes que celles de Nissl. " · ' "

.. M .#I' '

M. Binswanger mentionne que Flemming durcit exclusivement

dans, l'acide hromiqüe.l , ( ... ,

L'heure avancée ne permet pas d'entendre les mémoires de

Nasse Sur l'emploi sous-cutané du fer dans les psychoses, ni de

110;HLP : It Sur lejapport entre les établissements fermés et les colonies

d'aliénés. ' ,

, Visite d'Altscherbitz sous la conduite de Poetx, et ,de Niehleben

sous celle d'Ilitzig. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLI, et 5.

, .1 , - ,, , , P. Iïfsn,w.m.. ,

'fi 1 1 ï'.i'l"1 1 1,1 si ? n fl'I ( 1 'UJ.' ,. i ] 4, If I If

' , .,1 1 it Il t f i , 1 1 J 1 t ? J, ',j l.1

, . 1 f , ; 1 Il 1 ,.fH' ....t' * fI r ;, ? , r . r.... t'f

1 . ' ? ? ? t BIBLIOGRAPHIE ' '1 fi' 4 t , 1

.... 1 . t', ..., ....

IV. Histoires, disputes et discours des illusions el impostures des

diaúles,' dts magiciens infâmes, sorcières et empoisonneurs, des

ensorcelez et démoniaques et de la guérison d'icculx : item de la

punition que méritent les magiciens, les empoisonneurs et les' S01'-

ciels; par JEAN WtER/médecit) du'duc de' Clèves', 2'vol. gr'. 8°.

(Aux bureaux du Progrès médical et chez Delahaye et Lecrosmer).

1 f y 1 " < ' f 1 9 , , 1

Cet ouvrage est le troisième' de la Bibliothèque diabolique

publiée par M. Buurneville.ll présente le plus grand intérêt au

point de vue. de l'histoire de l'hystérie, qui nous apparaît au

moyen âge, à l'époque de la renaissance, telle qu'elle est aujour-

d'hui. L'auteur a cible mérite de reconnaître l'existence d'un

état maladif dans un rand nombre de manifestations que

l'opinion publique, même parmi les gens éclairés, s'accordait a

272 3 BIBLIOGRAPHIE.

attribuer à l'influence manifeste du démon. Jean Wier, médecin

instruit et philanthrope, s'est appliqué à défendre les malades

qui, sous les noms de sorciers, d'ensorcelés, etc., étaient trop

souvent voués au bûcher. Son livre eut, malgré les protestations

nombreuses qu'il souleva, une influence considérable sur l'esprit

public. Cinq éditions qui parurent dans l'espace de douze ans attes-

tent assez son succès considérable pour le temps. L'ouvrage est

divisé en six livres : le premier traite du diable, de son origine,

de sa chule; le second, des magiciens infâmes; le troisième, des

sorcières; le quatrième, des maladies de possession; le cinquième,

des moyens mis en usage pour la guérison des possédés; dans le

sixième, il examine les peines à édicter en matière de sorcellerie.

11 proteste contre les bûchers et les évêques brûleurs; dans les

affaires capitales, dit-il, les preuves doivent être « luce mediana

clariores». Ces mots, qui sont les propres termes de Jean Wier, indi-

quent assez l'esprit de son livre, qui se recommande, par un grand

nombre d'observations intéressantes, à tous ceux qui. s'occupent

de maladies nerveuses et mentales. Cil. F.

V. Zur physiologie des Gehirnes (Contribution à la physiologie du

cerceau); par le Dr Arthur CIIRISTIANI, professeur à Berlin

(Berlin, 0. Enslin, 1885.)

Ce livre est divisé en huit chapitres, qui, bien que portant sur

des sujets un peu dissemblables en apparence, concourent à la

détermination des rapports du cerveau avec les différentes fonc-

tions de l'organisme. A proprement parler, il faudrait diviser ce

travail en deux parties : la première présente les résultats de

recherches personnelles de Tailleur, tandis que la seconde est

consacrée à une étude historique et critique de la question sur la

localisation cérébrale de la fonction visuelle. Autant que l'étendue

de ce compte-rendu le permet, nous allons suivre l'auteur point

par point dans ses diverses excursions, qu'il fait dans le domaine

de la physiologie cérébrale. ,

M. Chrisliani a cherché d'abord à déterminer l'influence réflexe

du nerf optique sur l'action du pneumogastrique et il est arrivé à

constater, que l'excitation aussi bien adéquate, qu'électrique ou

mécanique du bout central extra ou intra-crânien du nerf optique

exerce toujours une influence d'arrêt sur le coeur et accélère très

sensiblement la respiration, en lui imprimant un caractère inspi-

ratoire pareil à celui que Traube et Hoscnthal ont constaté à la

suite de l'excitation du bout central de la partie cervicale du

pneumogastrique. C'est en effet tout à fait le contraire qu'on ob-

tient après l'excitation du bout central du trijumeau. Les excita-

tions du nerf auditif produisent absolument les mêmes effets que

BIBLIOGRAPHIE. 273

celles du nerf optique. En portant ses expériences d'excitation sur

la mae cérébrale mme, l'auteur est arrivé a limiter un petit

endroit, dont l'excitation produit'un arrêt des mouvements du

diaphragme dans l'inspiration ou accélère la respiration, qui de-

vient en même temps plus profonde dans sa phase inspiratoire.

Cet endroit, qu'il nomme « centre de l'inspiration du troisième

ventricule », occupe, la surface d'un millimètre carré sur la partie

intérieure de la couche optique, un peu au-dessus du plancher du

troisième ventriculcet plus près des corps quadrijumeaux ( ? cor-

por;).quadriemii]a).L'excitation fut-portée sur ce centre lou-

jours, après l'ablation préalable de deux hémisphères cérébraux,

toutes .les précautions nécessaires ayant été prises pour'éviter les

dérivations du'courant : '0n pouvait constater'en outre que l'exci-

tation du plancher du'troisième ventricule produit aussi un arrêt

du,c.oeur et resserre la, pupille;, qui au contraire se'dilate, si l'exci-

tation est appliquée un peu pluslcn avant : 'Ulp;uait'donc 'existèr

un rapport intimecentre jJe. crntre' rd'inspimLion' du1' troisième

vcntriculeel celui de l'innervation de"la pupille ; ce`qui'fut'côns=

talé déjà pour le nerf auditif par Claude Bernard e111'estphal. La

strychnine excite également les^ deux centres, mentionnés, tandis

que le'chloral produitun effet contraire. La, destruction du centre

inspiratoire met en n r"vidence l'existence^ d'Ull autre, centre qui,

situé dans la substance de corps quadrijumeaux antérieurs au-

dessous de l'aqueduc de Sylvius, fonctionne. dans^un sens.expira-

Loil'e'l't ';011 excitation amène l des Racées d'expiration ou l'arrêt

total' delà respiration dans sa phase expiratoire. J " , , ,,

L'ahlaliÕn'dü' cen'elet'ne rmodifie pas sensiblement la respira-,

tion ; le même effet 'est' produit par là section post corpora quart.

driemina, si le « ponsVàrolï»)"h'est pas lésé^car les lésions de

ce dernier peuvent' ! amener de très forts arrêts expiratoires, qui

finissent' vile' par "là" mort,' tandis que sa( destruction complète

produit seulement une accélération passagère de la respiration.

'fous ces'faits amènent l'auteur il conclure, que l'acte de l'inspi-

talion résulte d'une série d excitations, qui arrivent au centre

général de la respiration par,trois voies différentes, notamment- :

1° Par les nerfs optique et auditif; ' , ici' 1

2° Parles nerfs sensitifs de là peau; ' ,

3o Et par une parlie'dcs fibres du pneumo-gastrique, tandis que

l'action d'arrêt et l'expiration active résultent d'une série d'exci-

tations qui arrivent au centre par d'autres fibres du pneumogas-

trique, par le trijumeau et par tous les autres nerfs sensibles. Les

excitations du centre respiratoire lui-même ne paraissent pas

être de nature réflexe. ,

En poursuivant ces recherches, M. Christian estarrivé à déter-

miner dans le troisième ventricule l'existence d'un autre centre, qui

est celui de la coordination. Les animaux, chez lesquels les lamis-

AIICIIIVES, t. X. 18 H

274 BIBLIOGRAPHIE.

phères cérébraux ont été préalal>lenentenlevés,jusqu'auxcouches

optiques, ne peuvent plus, après la destruction de ce centre, coor-

donner leurs mouvements nécessaires pour marcher ou pour

prendre une position debout ou assise; ils restent le plus souvent

sur un côté, ce qui ne s'observe pas, d'après l'auteur, après l'abla-

tion du cervelet. Les phénomènes d'incoordination produits par

cette dernière opération sont, d'après lI. Chrisliani,dus à un em-

poisonnement de la moelle allongée par le sang veineux, qui s'y y

écoule au moment de l'opération même. L'existence de ce centre

de coordination dans le troisième ventricule a été constatée aussi

un an après par M. 13ecliLerew.

M. Christiani a pu en outre s'assurer maintes fois que les mou-

vements coordonnés des animaux, chez lesquels on a enlevé les

hémisphères cérébraux elles corps striés ne sont entravés en rien

tant que le centre de coordination du troisième ventricule n'est

pas lésé. Ces animaux sont non seulement doués d'une faculté de

locomolion propre à un animal normal, mais aussi ils évitent et

franchissent avec une très grande facilité tous les obstacles qui

se trouvent sur leur chemin, etsansmême se heurter contre eux.

Cela n'arrive pas si les nerfs optiques sont coupés, ou si on a

laissé une trop grande partie des corps striés, ou enfin si l'hémor-

rhagie causée par l'opération est trop grande. M. Christiani insiste

en manière de conclusion, que les animaux, chez lesquels on a

extirpé les hémisphères cérébraux avec les corps striés, ne sont

pas aveugles et que l'importance des hémisphères cérébraux pour

la vision n'est pas aussi grande que quelques auteurs le croient.

En se trouvant en contradiction avec les données expérimen-

tales de M. Munk, il cherche à combattre les idées bien connues

de ce dernier aussi bien par une série d'expériences rigoureuses

que par des déductions logiques qu'il en tire. Il est impossible de

suivre dans tous les détails la polémique entre ces deux physio-

logistes, à laquelle M. Christiani a consacré deux chapitres de son

livre et qui présente un grand intérêt au point de vue de la cri-

tique scientifique expérimentale. L'auteur en 1 datant in-extenso

les faits admis par M. Munk s'efforce à démontrer que leur inexac-

titude résulte aussi bien d'un procédé d'investigations défectueux

que d'une méthode d'observation peu rigoureuse. Il croit que les

lésions expérimentales du cerveau produisent le plus souvent des

phénomènes trop complexes pour qu'on en puisse tirer des con-

clusions absolues par rapport à la localisation d'une fonction

donnée. Cela n'est guère possible que quand la section est faite

de façon qu'elle sépare exactement une fonction de l'autre, alors

l'aholition de la fonction de la partie extirpée met en évidence

celle delà partie conservée. Comme section pareille, qui imprime

au reste de l'organe un certain étal d'équilibre, et que l'auteur

nomme « section acquilibrante », il faut considérer celle par

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 275

laquelle on enlève les hémisphères cérébraux avec les corps

striés; dans ce cas là, M. Christiani n'a jamais pu constater chez

les animaux la cécité complète attribuée par M. Munk à l'abla-

tion des hémisphères cérébraux^

Les chapitres V, VI et VII de ce livre sont entièrement consa-

crés à l'hislorique de la question de la fonction visuelle au point

de vue de sa localisation cérébrale. Nous ne saurions pas suivre

les détails de celte partie du travail,qui, faiteavec un soin extrême,

présente avec une grande netteté l'évolution historique de cette

question depuis Ilaller jusqu'aux derniers jours. L'auteur dé-

montre. par un grand nombre de documents, que jusqu'à présent t

ni les données de la physiologie expérimentale des animaux ni

celle de la clinique de l'homme ne parlent pas d'une manière

absolue en faveur de la théorie de cécité cérébrale émise par

M. Munk, que la lésion de la couche superficielle du lobe occipi-

tal, tout en produisant des troubles visuels, ne peut pas être

regardé comme l'origine unique de la cécité de cause cérébrale.

La lecture du livre deM. Christiani, où la clarté d'exposé est aussi

grande que la rigueur scientifique, avec laquelle toutes ces ques-

tions y sont traitées, suggère forcément l'idée, mise en évidence

du reste depuis longtemps en France parl'école delaSalpêtrièle,

qu'en présence de tant de résultats contradictoires, que l'expé-

rience physiologique faite sur les animaux fournit entre les

mains de physiologistes même des plus éminents, il ne reste qu'à

demander à la clinique de l'homme secondée des recherches ana-

tomo-pathologiques la solution unique des problèmes aussi com-

plexes que ceux de la physiologie cérébrale. M. Mendelsoun.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

Essai descriptif sur les troubles psychopathiqut's avec lucidité

d'esprit; par (Thèse de Paris, 1885.) 1

Essai sur les amnésies, principalement au point de vue cliologique ;

par BOUILLAUD, (Thèse de Paris, 188;),)

Du spas1e t1'(Ùwwtique consécutif aux déchirures incomplètes des

nerfs; par BEGUÉ, (Thèse de Paris, 1885.)

De la diarrhée tabétique; par Vivres. (Thèse de Paris. 188 : j.)

De la méningo-myclite ascendante szibaigiid dans la tlotirénentél'ie ;

par Mailfaire. (Thèse de Paris, 1885.)

Des appareils ou machines électro-statiques cl de leur emploi en

médecine; par VILLAHD. (Thèse de Paris, 1SS.)

De l'électricité statique dans le traitement de l'hémiplégie de

cause cérébrale; par PL \cÉ. (Thèse de Paris, 4885.) ,)

VAK1A

Inauguration DE la statue DE PIIILIPE l'INEL OFFERTE PAR la Société

médico-psychologique A la Dr Paris.

Lundi 13 juillet a eu lieu l'inauguration de la statue de Pinel,

érigée depuis plus d'un an place de la Salpêtrière; différentes

considérations, qu'il est inutile de rappeler, avaient fait retarder

cette cérémonie. Les membres de la Société iiiédico-psycholo-

gique ont enfin pensé qu'il ne suffisait pas de fondre un bronze

aux traits de cet illustre bienfaiteur de l'humanité, mais qu'un

hommage public devait lui être rendu pour la consécration du

monument. La fête nationale est venue fort à point offrir un

prétexte à cette tardive cérémonie dont l'éclat a témoigné de

l'intérêt qui s'attache à Pinel.

Le célèbre aliéniste est représenté tenant à la main des chaînes

brisées qu'il vient d'ôter aux aliénés élevés désormais « à la

dignité de malades ». Une jeune fille est à ses pieds elle lève vers

son bienfaiteur un regard plein de reconnaissance, ramasse

des fleurs qu'elle semble vouloir lui offrir. De chaque côté du

piédestal sont placées des figures allégoriques représentant l'une

la Science, l'autre la Bienfaisance, les deux qualités maîtresses

du célèbre aliéniste, dont l'intelligent slaluaire, M. Ludovic

Durand, n'aurait su tirer un meilleur parti. Le monument est

élevé au milieu d'une pelouse ombragée par de grands arbres.

Acette cérémonie favorisée par un temps splendide assistait

une foule de notabilités scientifiques et politiques, divers repré-

sentants du gouvernement, les préfets de la Seine et de police, le

Conseil municipal et des délégations de l'Académie, de l'Institut,

etc. La famille Pinel était représentée par M. Honoré Pinel et le

Dr Charles Pinel. ' 1

Plusieurs intéressants discours, interrompus fréquemment par

d'unanimes applaudissements, ont été prononcés. Nos lecteurs

nous sauront gré de les avoir recueillis.

Allocution de M. le D' DAGONET, médecin de l'asile Suintc-Aliiae,

président de la Société ? H ? t;0 ? C/tO<( ? MC.

« Messieurs,

« La Société médico-psychoiogique de Paris vient aujourd'hui

inaugurer la statue d'un grand et illustre citoyen, le Dr Philippe

VARIA. 277

Pinel. Elle rend ce public et solennel hommage à l'homme géné-

reux qui, tirant de la barbarie la science de l'aliénation mentale,

a fait à tout jamais disparaître les traitements inhum ains infligés

pendant plusieurs siècles à des infortunés que l'on ne croyait pas

alors pouvoir considérer comme des malades. Elle honore

l'homme érudit qui, pour réaliser une telle réforme, a pris pour

guide naturel l'esprit scientifique d'observation.

« L'auteur de cetle oeuvre artistique remarquable. M. Ludovic

Uurand, a été bien inspiré en plaçant aux côtés de Pinel la

science et la bienfaisance, ces deux grandes forces mises au ser-

vice de l'humanité.

« La science dont nous admirons les incessants progrès et les

merveilleux effets, la bienfaisance qui soulage la souffrance de la

maladie et de la misère, font des miracles lorsqu'elles unissent

leurs efforts. Pinel a su les unir; coeur rempli de l'amour du

bien et de ses semblables, esprit scientifique convaincu, il a eu

le courage de combattre les idées déplorables d'un passé sécu-

laire ; il a brisé les chaînes des aliénés, ouvert leurs cachots.

C'est pourquoi nous devons le considérer comme un bienfaiteur

de l'humanité.

« Je n'ai pas, messieurs, à énumérer les travaux, à exposer les

titres scientifiques de cet illustre médecin, cette lâche est réser-

vée au secrétaire général de notre Société, M. le Dr Ritli.

M. Legrand du Saulle, le trésorier de notre Comité de souscrip-

tion, vous fera connaître par quels efforts on est parvenu à réunir

la somme nécessaire pour l'érection de la statue de Pinel.

« Notre éminent collègue, M. Baillarger, le président de ce

comité, nous exprime ses regrets de ne pouvoir se joindre à nous

pour hoitorer'la mémoire du savant illustre qui a tant contribué

à l'amélioration du sort des aliénés. '

«Au nom de la Société médico-psychologique, je remets la

statue de Philippe Pinel à la ville de Paris.

« Notre Société a voulu que ce don fût fait, d'une manière

solennelle, comme un témoignage public de son admiration pour

le savant, pour l'homme de bien, et comme la consécration des

sentiments généreux et des convictions ardentes qui ont honoré

notre pays, notre première République, et qui transmettront aux

générations avenir un nom glorieux et impérissable. »

Discours de M. ROBINET, vice-président du Conseil municipal.

« Messieurs,

« Au nom du conseil municipal de Paris, je remercie le prési-

dent de la Société médico-psycologique, M. le Dr Dagonet, des

paroles qu'il vient de prononcer.

278 VARIA.

« Au nom de la ville de Paris, je remercie tous ceux qui ont eu

la pensée généreuse d'élever cette statue à l'un des savants les

plus éminents, à l'un des hommes les plus dignes et les meil-

leurs qui aient jamais existé.

« Messieurs, je laisse à d'autres plus compétents le soin de

retracer la vie si bien remplie et les travaux scientifiques si

importants accomplis parPinel. Permettez-moi seulement, comme

représentant de la municipalité parisienne et du conseil général

de la Seine, de ces deux corps à qui incombe la gestion et la

tutelle des aliénés, permettez-moi, dis-je, sur cette place publique,

devant ces vieux bâtiments de la Salpêtrière, de jeter un lapide

coup d'oeil sur le passé, de voir ce qu'étaient nos malheureux

malades avant Pinel, ce qu'il a fait pour eux, et ce qu'ils sont

aujourd'hui. '

« A Bicêtre, à la Salpêlrière, dit Pariset, dans son éloge de

« Pinel, le vice, le crime, le malheur, les infirmités, les maladies

« les plus dégoûtantes et les plus disparates, tout était confondu

« comme les services. Les bâtiments étaient inhabitables. Les

« hommes y croupissaient couverts de fange, dans des loges toutes

« de pierre, étroites, froides, humides, privées d'air et de jour et

« meublées seulement d'un lit de paille, que l'on renouvelaitrare-

« ment, et qui bientôt devenait infecte : repaire affreux où l'on

« se ferait scrupule de placer les plus vils animaux.

« Les aliénés que l'on jetait dans ces cloaques étaient à la merci

« de leurs infirmiers, et ces infirmiers étaient des malfaiteurs que

« l'on tirait de la prison. Les malheureux malades étaient chargés

« de chaînes et garrottés comme des forçats. Ainsi livrés sans

« défense àla brutalité de leurs gardiens, ils étaient l'objet des plus

« cruels traitements, qui leur arrachaient jour et nuit des cris et

« djes hurlements que rendait'encore plus effrayant le bruit de

« leurs chaînes... Les femmes étaient enchaînées quelquefois

« toutes nues dans des loges presques souterraines, et pires que

« des cachots. A l'époque des crues de la Seine, ces cachots étaient

« envahis par les rats qui se jetaient la nuit sur ces malheureuses

« et les rongeaient partout où ils pouvaient les atteindre. A la

« visite du matin, on en trouvait dont les pieds étaient dévorés

« par ces animaux, elles succombaient souvent. Aussi, blessées de

« toutes parts, leur coeur ne respirait que vengeance et, dans

« l'ivressede haine qui les emportait, ellesne cherchaient, comme

« des bacchantes, qu'à déchirer leurs filles de service ou il se

« déchirer entre elles. » ,

« Et dans quelle atmosphère, messieurs, dans quel cadre hideux

se plaçait cet enfer ? C'était dans un milieu au moins aussi épou-

vantable, dans cet hospice-bastille qui était la Salpêtrière, là où se

. trouvaient enfermées pêle-mêle, à côté des aliénées, toutes les mi-

sères sociales de l'époque, les infirme ? les malades, les prostituées.

VARIA. 279 9

« Quel phénomène plus terrible que ce qu'on nommait alors la

plainte de l'hôpital ? Parfois, dit un auteur du temps, au milieu

du silence de la nuit, les habitants des quartiers Saint-Marcel et

Saint-Victor entendent s'élever une clameur, une sorte de gémis-

sement sauvage, qui se répète à intervalles réguliers : c'est la

plainte de l'hôpital ! Comprimé, refoulé, ce flot de rancunes et de

haines qui inonde le coeur de toutes ces malheureuses, monlelen-

tement ; et à un moment, il déborde, elles ont convenu une

révolte, et toutes, au nombre deplusieurs mille, en même temps,

au même signal, poussent des hurlements épouvantables. Ce cri

d'alarme qui se propage à près d'une lieue, produit un saisisse-

ment horrible. »

« Notre grande Révolution arrive enfin, avec son cortège

d'idées réformatrices et humanitaires. En 1792, les trois adminis-

trateurs des hospices, représentants de la Commune de Paris,

Thouret, Cousin et l'illustre Cabanis, tous trois amis de Pinel,

jugèrent qu'il était le seul homme de Paris et même de la

France, qui fût en état de remédier à tant de maux.

« Quel homme, en effet, était mieux préparé pour les réformes

qu'il avait à accomplir ? D'un tempérament dont la bonté était le

caractère essentiel, imbu du sentiment social à un haut degré,

Pinel avait reçu une puissante éducation scientifique, et notam-

ment celle qui est la hase de toutes, une éducation mathématique

très étendue.

« Esprit profondément émancipé, il était intimement mêlé au

grand mouvement philosophique du dix-huitième siècle : il avait

été l'un des hôtes assidus du salon d'Helvétius; en relation cons-

tante avec la plupart des encyclopédistes. il était en rapports

intimes avec les savants et les philosophes les plus illustres, avec

les Fourcroy, les Berthollet, les Cabanis, les Condorcet et tant

d'autres. Tel était l'homme à qui fut confiée la direction de

Bicêtre, puis de la Salpêtrière.

« Sous sa haute influence, tout changea bientôt de face. A la

contrainte, aux tortures usitées presque partout ailleurs, Pinel

substitua des procédés où la justice était tempérée par la bonté.

Plus de fers, plus de chaînes. Il laissait aux malade ? paisibles

toute là plénitude de leur liberté. Avec lui apparurent vis-à-vis

des aliénés la pitié, les'égards, les ménagements, la douleur, la

justice. Partout, il substitua l'ordre à la confusion, la règle au

caprice et les saints devoirs de l'humanité aux honteux excès de la

barbarie. Telle fut, messieurs, au point de vue spécial que j'ai

envisagé, l'oeuvre humanitaire de ce savant bon entre tous.

« L'oeuvre de Pinel, et c'est là un de ses plus beaux titres, a

trouvé des continuateurs. L'école de la Salpêtrière fait encore

la gloire de la France, et elle compte ici de brillants représen-

tants. Si, du côté des médecins, licitoiiiie n'a failli à sa Lâche.

280 VARIA.

d'un autre côté, nous pouvons le dire haulement, les pouvoirs

départementaux et communaux, depuis plusieurs années, n'ont

reculé devant aucune dépense, devant aucun sacrifice, pour l'amé-

lioration du sort des aliénés. Espérons que les pouvoirs publics,

par des modifications profondes au projet de loi actuellement en

discussion, feront aussi leur devoir. Quant à la ville de Paris et

au département de la Seine, je le répète, et c'est par là que je

termine, ils sont prêts à introduire tous les perfectionnements

qui seront réclamés. Ce sera là, messieurs, le plus bel hommage

que nous puissions rendre à la mémoire de Pinel, le bienfaiteur

des aliénés.

«Encore une fois, messieurs, au nom du Conseil municipal, je

remercie tous ceux qui ont eu la pensée généreuse d'élever cette

statue et de l'offrir à la ville deParis, jeremrcie tous les membres

de la Société médico-psychologique et je remercie l'éminent

sculpteur, M. Ludovic Durand, pour l'oeuvre magistrale dont il , a

enrichi le patrimoine artistique de notre chère cité. 1 -

«Au nomdeParis, hommageetsalutà la grande figure de Pinel ! »

Discours de M. POUBELLE, préfet de la Seine. `

« Messieurs, '

, t l ,i

« M. le président du conseil municipal vous a adressé, au nom

des élus de la cité,.ses remercîments pour le don gracieux que

vous venez de faire à la ville de Paris. Je viens l'accepter officiel-

lement en son nom et vous donner l'assurance que, comme il est

bien reçu, il sera bien gardé. '

« Cette statue, élevée par vous à la mémoire de Pinel, ne consa-

crera pas seulement son souvenir; elle rappellera, en même

temps, que c'est grâce à l'initiative de la Société médico-psycholo-

gique, à sa persévérance, à sa générosité que ce monument a pu

être érigé. L'hommage rendu aux morts illustres honore aussi

les vivants : l'estime qu'ils font du mérite et de la vertu d'autrui

ramène, par un juste retour, la pensée sur leur propre mérite et

l'on remarque, avec raison, que si Pinel a ouvert le chemin el

donné l'exemple, il a trouvé parmi tant d'hommes distingués,

dont les noms sont présents à tous les esprits, des continuateurs

dignes de lui.

« Votre Société a su les réunir presque tous dans ses rangs ; elle

a associé les efforts, doublé les bonnes volontés, recueilli dans

ses annales des documents précieux, ouvert à chacun sa publicité,

et, grâce à ses correspondants français et étrangers, concentré

en un seul faisceau toutes les lumières que les travaux de ce siècle

ont projetées sur cette terrible maladie qui laisse le mieux voira à

la fuis la grandeur et la misère de l'homme : l'aliénation mentale

VARIA. 28 1

« Vous ne pouviez mieux glorifier les idées qui inspirent votre

apostolat qu'en élevant une statue à l'homme qui les le premier

personnifiées avec tant d'autorité; qu'en la plaçant au seuil de ce

grand établissement où, sous une direction active et vigilante, se

sont accomplis, de nos jours, tant de progrès et où l'étude des

maladies mentales compte tant d'éminenls représentants.

« A la Salpêtrière, comme à Bicêtre, c'est Pinel qui a été l'ini-

tiateur. L'intéressant tableau de Toiiy Hoberl-Fleury et celle belle

statue le montrent délivrant les aliénés de leurs chaîne-. Ce fut,

en eilet, partout où il a passé, son premier acte et il était signifi-

catif. En cessant de lraiter l'aliéné comme une bête féroce que l'on

renonçait à guérir, el qu'il suffisait de réduire, il lui a restitué sa

dignité d'homme; il a fait comprendre à tous, et spécialement à

ses gardiens, qu'ils avaient devanteux silllplementuulllaiade dont

l'affection n'étant souvent que passagère, etqui devait, plus encore

que tout autre malade, être un objet d'égards, de soinsliligenls, et

se trouver soumis, dans l'asile qui le recueillait, à une direction à

la fois ferme et bienveillante.

« Telles sont les idées morales que ce moumennt doit surtout

provoquer et enseigner. Pour que l'exemple, et, j'ajouterai, la

justice, fussent complets, je voudrais qu'auprès de la statue du

médecin illustre, quelque part, sur les murs de cet asile, une ins-

cription commémorative rappelât le nom de Pussin. Dans son

emploi de surveillant à Bicêtre, puis à la Salpêtrière, il a secondé

de la manière la plus intelligente et la plus active l'oeuvre ùu grand

aliéniste. Pinel lui rend cet hommage à mainte reprise dans ses

écrits, et, puisque les personnes qui bout constamment auprès

des aliénés, peuvent le plus pour leurbien-ülre, leur repos, et leur

guérison, il m'a semblé à propos de reconnaître ici publiquement

la valeur de ces discrets, mais très iréels services. Pinel, messieurs,

« n'était pas seulement, selon le mot de Cuvier, un beau génie,

« c'était encore un excellent homme n. La bonté l'a constamment

inspiré, et l'on peut se souvenir d,, l'un de ses modestes serviteurs,

qui, comme lui, ont été bons, en lace du monument élevé par vos

mains généreuses, à la science et l'humanité. » "

Discours prononce par M. PIC11OV, conseiller municipal du quartier.

« Messieurs,

1 i

« Ce n'est pas à ceux qui ont eu l'idée d'élever celle statue que

l'un fera, le reproche d'avoir exagéré l'hommage dû par la posté-

rité aux hommes qui l'ont bien servie. L'éclat et la spontanéité de

cette manifestation témoignent que le souvenir et la reconnais-

sance des bienfaits de Pinel ne s'e1laceront pas.

« S'il est vrai que les grands hommes doivent être classés d'après

282 VARIA.

la justice qu'ils ont fait entrer dans le monde, une place d'hon-

neur ne revient-elle pas parmi eux au savant, au philosophe, qui a

fait plus que de prêcher l'horreur de la violence, qui lui a subs-

titué, dans la pratique, le respect du droit du faible, la tolérance

et l'humanité ?

« L'inauguration de la statue de Pinel est comme la fête de

la bienfaisance. D'autres ont loué la science du médecin : il est au

rang des plus illustres. Mais sa gloire est, par dessus tout, d'avoir

appliqué, dans sa profession, les idées qui font de la philosophie

du XVIIIe siècle l'initiatrice du droit moderne et la souveraine

émancipatrice.

« N'est-ce pas un ami de Pinel, le grand Condorcet, qui donnait

pour règle à celte philosophie le sentiment de l'humanité, «c'est-

à-dire celui d'une compassion tendre, active, pour tous les maux

qui affligent l'espèce humaine, d'une haine pour tout ce qui, dans

les institutions publiques, dans les actes du gouvernement, dans

les actions privées, ajoute des douleurs nouvelles aux douleurs

inévitables de la nature ? » N'est-ce pas l'auteur de l'admirable

Tableau du progrès de l'esprit humain qui dénonçait l'insou-

ciance barbare qui immolait dans les hôpitaux tant de victimes

humaines ?

« Diderot avait déjà dit dans l'Encyclopédie : « Le noble et su-

blime enthousiasme de l'humanité se tourmente des peines des

autres et du besoin de les soulager; il voudrait parcourir l'univers

pour abolir l'esclavage, la superstition, le vice et le malheur..., il

se plaît à s'épancher par la bienfaisance sur les êtres que la nature

a placés près de nous. J'ai vu cette vertu, source de tant d'autres,

dans beaucoup de fêles et dans fort peu de coeurs. » Celte passion

qui ne s'enflamme pas dans une âme vulgaire, Pinel l'avail à la

fois dans la tête et dans le coeur !

« La Convention nationale, qui poursuivait, au milieu des plus

affreux déchirements, des di. acuités les plus écrasantes, de la

guerre étrangère et de la gueno civile, son oeuvre de régénération

sociale, et qui s'entourait, pour la mènera bien, de tous les grands

esprits, ne pouvait manquer de faire appel aux lumières et au

dévouement de l'émule des Halle, des Corvisart et des Cabanis.

« Ce fut elle qui le nomma successivement médecin de Bicêtre

et de la Salpêtrière. Il put accomplir ainsi, dans le traitement

des malades atteints d'aliénation mentale, la révolution qui est

l'éternel honneur de sa vie et qui a supprimé d'une façon défi-

nitive les pratiques de barbarie alors en usage dans les hôpitaux.

« Ce fut encore la Convention nationale qui l'appela à l'une des

premières chaires delà Faculté de médecine réorganisée et qui

lui permit de donner à son enseignement toute sa portée, loutson

rayonnement et toute son autorité. Il fallait que cela fût dit de-

vant celte statue, autant pour glorifier Pinel que pour rendre

VARIA. 283

justice à l'Assemblée qui l'a choisi l'un des premiers pour contri-

buer à la reconstitution morale de la Patrie.

« C'est surtout lorsqu'on considère le nombre prodigieux de

grands hommes qui ont, par leurs travaux, leurs méditations et

leurs luttes, préparé pendant l'épopée révolutionnaire les desti-

nées glorieuses du monde nouveau, que l'on est tenté de redire

avec llfichelct : Le vertige me vient à regarder la scène de tant

d'êtres, hier morts, aujourd'hui si vivants, créateurs ! »

Discours de M. LEGRAND DU SAULLE, président du comité de

souscription de la Société rzérlico-ps7cfro(oyicice.

« Messieurs,

« En France, notre instinct chevaleresque et honnête nous

conduit à honorer le génie partout où il s'est rencontré. Pour

nous. la reconnaissance publique a des droits imprescriptibles.

Elle peut se faire très longtemps attendre, mais l'heure de la répa-

ration finit toujours par sonner.

« La solennité qui nous réunit aujourd'hui est une preuve bien

significative de ce que j'avance, et c'est avec une satisfaction pro-

fondément émue que j'ai en ce moment, l'honneur de présenter

aux mandataires de la ville de Paris et au premier magistral du

département de la Seine ce bronze monumental élevé à la mé-

moire du Dr Philippe Pinel, médecin en chef de la Salpêtrière,

professeur à la faculté de médecine, membre de l'Académie des

sciences et membre d'honneur de l'Académie de médecine,

mort à la Salpêtrière, a l'âge de quatre-vingt-un ans, le 2n oc-

tobre 1826.

« Pinel ne fut pas seulement cet illustre médecin, dont les

titres scientifiques vous seront rappelés tout à l'heure par le

secrétaire général de la compagnie, mais il fut encore un philan-

thrope perspicace et osé, un patriote sincère, un grand citoyen.

Appelé vers la fin de 1792, aux fonctions de médecin de Bicêtre il

fut aussi affligé qu'indigné du spectacle horrible qui chaque jour

s'offrait à ses yeux. Les malades, chargés de chaînes, à peine

vêtus, croupissaient sur de la paille, au milieu d'immondices,

dans d'étroits et infects cabanons. A leurs manifestations déli-

rantes ou convulsives, à leurs cris ou à leurs supplications, il

n'était répondu d'ordinaire que par des sévices ! En voyant que

les troubles de l'esprit pouvaient conduire à un pareil état d'ab-

jection et appelaient en quelque sorte de semblables cruautés, le

nouveau médecin de Bicêtre s'arrêta à la généreuse pensée d'une

grande et secourable réforme, puis il conçut bientôt l'admirable

projet d'élever le fou à la dignité de malade. Le hasard le servit

bien. Il avait sous ses ordres un surveillant très zélé, actif, plein

28t VARIA.

de coeur, d'un courage éprouvé, et Pussin fut pour lui un pré-

cieux collaborateur. Honneur au modeste employé, honneur à

Pussin ! .

« Philippe Pinel demanda un jour à la Commune de Paris la

permission de briser les fers de ses malades. Une vive opposition

se manifesta, et Coulhon, président, crut devoir se transporter le

lendemain à Bicêtre. « Es-tu donc fou toi-même, dit-il à Pinel,

« de vouloir déchaîner toutes ces bêtes féroces ? )'«Non, répondit

« le médecin de Bicêtre, j'ai la conviction que ces malheureux ne

« sont aussi violents que parce qu'ils sont enchaînés. Lorsqu'ils

« seront libres, ils se calmeront et peut-être redeviendront-ils

« raisonnables. » «Eh bien ! lais comme il te plaira, o répliqua

Couthon.

« Vous bavez ce qui advint, et chaque jour, depuis presque un

siècle, nos aïeux dans la science, nos maîtres et nous-mêmes,

nous n'avons été que les admirateurs, les disciples et les conti-

nuateurs de Pinel.

« Mais comment, à cette heure, ce monument se trouve-t-il sur

cette place ? Chaque statue a son histoire, et je tiens à dire com-

ment naquitle projet concernant le héros de celte fête.

« Par une maussade matinée de printemps, un médecin et un

artiste, réunis pour un portrait dans un atelier de sculpture, s'en-

tretenaient sans animation des choses du grand art. Le statuaire

citait les oeU\J'es qu'il avait exposées au Salon, à différentes

reprises, énumérait les médailles qu'il avait obtenues, et arriva

tout à coup à cette confidence : « Je voudrais .maintenant, dit-il,

« faire une belle statue pour l'une des places de Paris.,) « Qu'à

« cela ne tienne, lui répondit le médecin, je vous commande la

statue de Philippe Pinel brisant les fers des aliénés. Représentez-

moi dans un groupe en bronze ce que M. Tony Robert-Fleury a

si bien rendu par la peinture. » L'artiste, étonné, ému peut-être,

promit de se recueillir, d'aviser et de présenter promptement des

esquisses et quelque chose comme un avant-projet. Il avait com-

pris, à la façon dont le médecin avait formulé sa commande,

qu'il ne s'agissait pas d'un plaisant badinage d'atelier. Et, de

fait, sa confiance fut loin d'être trahie, puisque nous sommes ici

aujourd'hui.

« Le médecin dont il s'agit était membre delà Société médico-

psychologique. Il avait compté sur ses confrères, et il avait bien

fait. Nous allons le retrouver dans un instant, mais je dois au

préalable présenter la Société médico-paycluloâique aux membres

du corps municipal et à toute l'assistance.

« Vers 1852, un petit groupe de travailleurs sérieux s'assem-

blait à la Faculté de médecine, dans une salle d'emprunt, et là,

avec un grand zèle, se niellait à discuter sur les choses de la

science et de la philosophie, sur la psychologie morbide et sur

VARIA. 285

l'amélioration du sort des aliénés. Au bout de quelques mois, la

clinique mentale était abordée, puis la médecine légale appliquée

à la folie et aux névroses, et enfin l'organisation administrative

de nos grands établissements spéciaux. Lallemand, Cerdy, Bûchez,

Ferrus, Adolphe Garnier, Cerise, Peisse, Alfred Maury, Parchappe,

Panl .lanet, TI'Cdat, Falret, Félix Voisin, Calmeil, Moreau (de

Tours), Ott, Delasiauve, Casimir Pinel (neveu), Sandras, Archam-

bault et beaucoup d'autres, avaient répondu à l'appel d'un alié-

niste éminent qui, non content d'avoir fondé un important recueil

scientifique, sous le nom d'Annales médico-psychologiques, avait t

pressenti tous les services que pourrait rendre encore une Société

médicale spécialisée, une Société médico-psychologique. Ce clini-

cien si remarquable, ce professeur libre si suivi et si écouté pen-

dant plus de vingt ans, a passé trente-deux ans de sa vie à la

Salpêtrière et a été l'un des continuateurs les plus ardents de

Philippe Pinel. Il a eu le rare bonheur de voir survivre et pros-

pérer toutes ses oeuvres, et, à cette heure solennelle,' si M. Baillar-

ger est retenu loin de nous par quelques soins à donner àsa santé,

il est présent du moins par la pensée et par le coeur. Aussi, lui

adressons-nous depuis ici nos respectueuses cordialités et nos

voeux les meilleurs. à -

o Sous l'inspiration d'un tel chef, la Société médico-psycho-

logique continua depuis il travailler sans relâche; elle est deve-

nue l'une des Sociétés savantes les plus accréditées, et nous

avons compté ou nous comptons parmi nous des membres du

Sénat, de la Chambre des députés, du Conseil municipal de

Paris, de l'Institut, du Collège de France, de l'Académie et delà

Faculté de médecine, des médecins des hôpitaux de Paris et la

plupart des médecins des services d'aliénés du département de

la Seine.

« Un jour, à la séance du 23 décembre 1877, le médecin, que

nous avons laissé dans l'atelier d'un statuaire, monta il la tribune

et soumit aux membres de la Compagnie l'avant-projet d'une

statue à élèvera Philippe Pinel. La Société médico-psychologique

pensa qu'il était de son devoir de ne point se désintéresser dans

celte question de justice tardive et de réparation scientifique. En

effet, si la Société existe elle-même et si elle compte plusieurs

soeurs cadettes en Europe et en Amérique, n'est-ce point parce

que Pinel a imprimé une impulsion vigoureuse à l'étude de

l'homme frappé dans son intelligence et qu'il a presque créé de

toutes pièces la science des maladies mentales ? Une commission

fut nommée et le rapport fut lu eu séance le 2,'i mars 11;78, Per-

mettez-moi de vous citer quelques phrases de ce document

important : « La France, disait le rapporteur, distraite par tant

« d'événements divers et peu attentive aux réminiscences atten-

« dries d'un passé lointain, a laissé sa dette s'accroitre vis-à-vis de

286 VARIA.

« Pinel. Un siècle nous séparera tout à l'heure de la grande

« réforme opérée par le savant philanthrope de Bicêtre, sans que

« l'éclat du bienfait soit terni. Plus les troubles de laraison se

« multiplient, plus la science progresse, plus les asiles ouverts aux

« naufragés de l'intelligence s'améliorent, plus la Société médico-

« psychologique grandit, et plus nous en devons reporter l'hon-

« neur à Pinel, qui a tout fait, tout enseigné, tout inspiré. Nous-

« mêmes, les petit-fils scientifiques de Pinel, nous ne sommes que

« des continuateurs marchant avec notre époque et cherchant

« sans cesse à élargir la voie ouverte tout à coup par le génie

« de notre aïeul illustre. Le novateur de la médecine mentale

« a donc des droits imprescriptibles à la reconnaissance pu-

te blique. »

« Séance tenante, la Société vota à l'unanimité la proposition

de voeu que voici : « La Société médico-psychologique, considérant

« que Philippe Pinel est l'une des gloires médicales les plus pures

« de la France; que c'est sur son initiative perspicace et hardie

« que sont tombées, en l-j93. les chaînes des aliénés à Bicêtre ;

« qu'il est le véritable fondateur de la science des maladies men-

« taies; qu'il a fondé, par son enseignement éclatant et fécond,

« à la Salpêtrière. un très grand nombre d'élèves qui ont propagé

a partout ses idées, ses réformes et ses bienfaits;

« Considérant que Philippe Pinel n'a pas été seulement une

«illustration dont s'enorgueillissent l'Académie des sciences,

« l'Ecole de médecine et les hospices de Bicêtre et de la Salpê-

« trière, mais encore qu'il a exercé une influence décisive c : L émi-

« nomment secourable sur une classe nombreuse de malades et

« de déshérités, et qu'à ce titre, il est considéré dans le monde

« entier comme l'un des bienfaiteurs les plus méritants de l'hu-

«Emet le voeu qu'une statue soit élevée à Philippe Pinel, à

« Paris. »

« Ce voeu est devenu une réalité, et il constitue en quelque

sorte l'acte de naissance'de la statue, le premier litre de la nou-

velle propriété de la ville de Paris.

« Et maintenant, messieurs, que vous connaissez les origines du

monument et les qualités des donateurs, permettez-moi de

m'adresser aux représentants du corps municipal de Paris et de

l'administration départementale de la Seine, et souffrez que je

leur tienne ce langage : «Au nom du comité d'initiative de la

statue, je vous remets gracieusement ce groupe monumental et

je vous invite à en prendre possession. »

« Je ne saurais descendre de cette tribune sans adresser les

plus vifs remerciements aux pouvoirs publics et aux hommes qui

sont venus si libéralement en aide au comité, dont les soucis et

les embarras ont été parfois bien lourds. Je remercie le gouver-

VARIA. 287

nement de la République française, dans la personne de M. le

Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts. Non seulement

l'Etat a subventionné le groupe en bronze, mais encore les deux

statues en pierre, la Bienfaisance et la Science, qui décorent le

piédestal. Je remercie le Conseil municipal de la ville de Paris,

qui a souscrit avec tant d'empressement à la statue etau piédes-

tal, et qui a bien voulu voler des fonds pour l'aménagement de la

place de la Salpêtrière et môme pour la décoration de cette solen-

nité. Je remercie le conseil général de la Seine de la sérieuse

allocation qu'il nous a accordée. Les médecins des services

d'aliénés du département sont très touchés des sacrifices si con-

sidérables que le conseil général, si soucieux des graves intérêts

qui lui sont confiés, s'impose chaque année en faveur de nos chers

malades. Il est animé des sentiments les plus philanthropiques et

les plus secourables. Aucune infortune ne le laisse insensible et

froid. Honneur à lui ! »

Eloge de Philippe Pinel, prononcé par M. le secrétaire général

Atzt. RITTI, ait nom de la Société médico-psychologique.

» Messieurs,

« Par une heureuse inspiration, on a complété ce monument

élevé à la gloire d'un médecin par deux figures allégoriques : la

Science el la Bienfaisance. Que de choses grandes el généreuses

a produites l'union de ces deux forces sociales ! Certes, par laseule

puissance de son esprit, le savant de génie arrive aux plus mer-

veilleuses découvertes, et crée ces théories sublimes qui con-

duisent l'intelligence sur ces hauteurs sereines où elle se plaît à

s'é ever; mais pour rendre à l'humanité un de ces services qui

excitent la vénération des contemporains et la reconnaissance de

la postérité, il faut, s'inspirant d'un sentiment élevé, féconder

son savoir par un ardent amour de ses semblables ; il faut être,

selon l'heureuse expression de Voltaire, un enthousiaste du bien

« moral ». Philippe Pinel en est un exemple éclatant.

« Cet homme de bien naquit le -II 1 avril 1745, dans un petit

village du Languedoc, à Saint-Paul, près de Castres. On le desti-

nait à l'église ; mais son ardeur pour l'étude des mathématiques

et des sciences naturelles n'indiquant pas une vocation bien

arrêtée, son père, modeste médecin de campagne, l'autorisa à

faire ses éludes médicales à Toulouse. Dès qu'il fut reçu docteur,

il se rendit à Montpellier, où il vécut pendant près de quatre ans,

donnant des leçons pour vivre et consacrant ses loisirs à se per-

fectionner dans la pratique de son art sous la savante direction

de Barthez. C'est là qu'il se lia de l'amitié la plus tendre avec *

l'un des créateurs de la chimie nouvelle, avec l'illustre Chaptal.

288 VARIA.

« Paris l'attirail, et l'occasion s'en présentant, il s'y rendit,

léger d'argent, mais riche de savoir el d'espérance. z

«Ce savoir était des plus étendus : mathématiques, sciences

physiques et naturelles, médecine; il avait tout appris, tout

approfondi ; il cultivait même avec amour les lettres et la philo-

sophie, et avait pour la lecture des poètes celte prédilection mar-

quée qu'ont toutes les natures délicates et élevées.

«Ses 'débuts il Paris, où il arriva en décembre 477S, furent

difficiles ; une timidité insurmontable, qui était le fond de son

caractère n'était pas le moindre obstacle à son succès. Heureuse-

ment, le hasard, qui fait quelquefois bien les choses, l'amena à

se lier d'amitié avec Je botaniste Desfontaines; grâce à lui, il

entra en relations avec plusieurs savants distingués, qui appré-

cièrent vivement l'étendue de ses connaissances et la justesse de

son esprit. C'est alors qu'il eut la satisfaction d'être admis dans

la Société d'Auteuil.

« De tous ces brillants salons du xvme siècle, où s'étaient éla-

])orées et développées les idées modernes, celui de Mm0 llelvétius

était en quelque sorte un des derniers survivants ; il n'en était

pas le moins sérieux. On y conservait et continuait l'esprit et

l'oeuvre des encyclopédistes : c'était, selon les paroles d'un histo-

rien : « une académie intime, et un institut d'entre-soi, dans

«lequel, par pur zèle, par pur amour pour la science, on venait

« poursuivre des éludes pour lesquelles on avait besoin du com-

« merce familier de la pensée ». Condorcet, Garât, Volney, Des-

tutt de Tracs, Fauriel, Richerand, et la plupart des savants et

des philosophes de l'époque s'y rencontraient ; mais de ces

réunions élait Cabanis. L'affectueux et bienveillant Cabanis, que e

le poète Andrieux. dans un vers, a pu toul naturellement com-

parer à Fénelon, introduisit Pinel dans ce cénacle. Ces deux

coeurs généreux étaient faits pour s'entendre : de ce commerce

amical, si noble et si désintéressé, allait sortir une des plus belles

réformes que notre époque ait produites. '

« La Révolution venait d'éclater, soufflant partout cet esprit de

rénovation qui devait transformer notre société. Ce sera son

éternel. honneur d'avoir porté hardiment cet esprit dans les ques-

tions d'assistance publique et de s'être faite ainsi la sauvegarde

des intérêts des misérables, des malades el. des infirmes. L'his-

toire n'oubliera pas les noms des trois hommes qui, s'inspirant

du célèbre rapport de Tenon, imprimèrent à ce service une direc-

tion nouvelle plus conforme aux progrès de la science et aux

sentiments d'humanité. Cabanis, Cousin et Thoul'et, que le mou-

vement des affaires avait portés à la tête des hôpitaux, firent

appel au dévouement de leurs amis pour les aider dans la difti-

cile tâche qu'ils avaient entreprise. Sur les instances de Cabanis,

Pmt'1 accepta d'être nommé médecin de Bicêtre, : le savant m0-

VARIA. 289

deste et bienfaisant, qui jusqu'alors s'était tenu à l'écart, trouvait

enfin une tâche digne de lui.

« C'était dans les derniers mois de 1792. Bicêtre, à la fois hos-

pice, hôpital, maison de force et de correction, présentait à cette

époque le plus triste aspect. La partie réservée aux aliénés

comprenait une série de loges, toutes de pierre, étroites, froides,

humides, privées d'air et de lumière et ne contenant qu'un lit de

paille que l'on renouvelait rarement. Ceux que l'on enfermait

dans ces réduits infects étaient à la merci de leurs infirmiers, et

ces infirmiers étaient des malfaiteurs que l'on tirait de la prison.

Ces malheureux fous, ch argés de chaînes et garrottés comme des

forçats, se trouvaient livrés sans défense à la brutalité de leurs

gardiens. Les cruels traitements qu'ils subissaient, leur agitation

trop souvent poussée jusqu'à la fureur, leur arrachaient jour et

nuit des cris et des hurlements que rendait encore plus effrayant

le bruit de leurs fers.

« A ce spectacle lamentable, Pinel fut pris d'une immense pitié.

Par une intuition de génie les grandes pensées viennent du

coeur il comprit-que le seul moyen d'améliorer le sort de ces

pauvres aliénés, de calmer la constante violence à laquelle ils

étaient en proie, c'était l'emploi de la douceur, de la bonté et de

la justice; c'était, avant tout, la suppression de ces moyens de

contrainte dignes de la barbarie.

«Mais, en certains cas, vouloir faire le bien ne suffit pas, il

faut y être autorisé. Pinel ne s'arrête pas pour si peu. Surmontant

sa timidité naturelle, il se présente à la Commune de Paris, et,

devant cette assemblée, il plaide la cause des malheureux confiés

à ses soins, il fait appel à tous les sentiments dont son coeur

déborde pour convaincre ses auditeurs et à la manière dont on

l'écoute, il croit avoir cause gagnée, lorsqu'une voix l'interrompt :

«Citoyen, dit-elle, j'irai demain à Bicêtre te faire une visite;

« mais malheur à toi si tu nous trompes, et, si parmi tes insensés,

« tu recèles des ennemis du peuple ! ... »

« Celui qui parlait ainsi était Coutlion.

« Le lendemain, le terrible conventionnel se rend à Bicêtre;

plein de défiance; il veut tout voir, interroger lui-même les aliénés

les uns après les autres : partout il ne recueille que les injures

les plus grossières; partout il n'entend que cris et vociférations.

Impatienté de la monotonie d'un tel spectacle, il se retourne vers

Pinel :

« Ah ça ! citoyen, lui dit-il, es-tu fou toi-même, de vouloir

« déchaîner de pareils animaux ?

« Citoyen, lui répond celui-ci, j'ai la conviction que ces

« aliénés ne sont si intraitables, que parce qu'on les prive d'air

« et de liberté, et j'ose espérer beaucoup de moyens tous diffé-

« rents. »

Archives, t. X. 19 9

290 VARIA.

« Eh bien ! fais en ce que tu voudras, je te les abandonne ; '

« mais j'ai grand'peur que tu ne sois victime de ta présomption. »

' « Se croyant suffisamment autorisé par ces paroles de Coutlion,

Pinel, sans perdre un instant, se met, le jour même, à l'oeuvre.

Il entre seul dans les loges, aborde avec calme les aliénés, quelle

que soit-leur fureur, leur prodiguant des paroles de consolation

et d'espérance; puis, les délivrant des pesantes chaînes qui les

retiennent, il leur donne la liberté de se promener et le moyen

de -respirer un air plus pur que celui de leurs cachots. Qua-

rante malheureux qui gémissaient sous le poids des fers depuis

de nombreuses années, furent ainsi rendus à la lumière du jour.

L'un d'eux, qui était resté dix-huit ans enfermé dans une cellule

obscure, fut pris d'une sorte de ravissement lorsqu'il put contem-

pler les premiers rayons du soleil : « Ah qu'il y a longtemps,

« s'écria-t-il, que je n'ai vu une si belle chose ! » »

« Les heureux résultats de cet acte philanthrophique ne se firent

pas attendre : l'état d'effervescence, entretenu par l'emploi, des

procédés barbares, se dissipa progressivement; au tumulte et au

désordre succédèrent bientôt le calme et l'harmonie. « L'usage

« gothique des chaînes de fer » avait fait son temps; une ère

nouvelle venait de s'ouvrir pour les aliénés, celle de la bonté, de

la douceur et de la bienveillance. Ceux qu'on avait traités jusque-

là comme des parias de la société, qu'on avait craints comme

des bêtes fauves, se trouvaient enfin réhabilités et définitivement

élevés à la dignité de malades. -

- «Tout l'honneur de cette grande réforme revient à Pinel ; mais,

à l'exemple de ce bienfaiteur de l'humanité, aussi juste que bon,

nous devons rappeler la part qu'y a prise son modeste et dévoué

collaborateur, le surveillant Pussin. Cet homme peu cultivé, mais

d'un coeur tendre et compatissant, fut l'auxiliaire le plus précieux

et le plus fidèle du Maître : jamais il ne faillit à son devoir, .jamais

son zèle ne se ralentit, quelque difficile, quelque pénible même

que fût la tâche à remplir. -

« Après deux ans de séjour, ou plutôt de complète abnégation

de soi-même, Pinel quitta Bicêtre, non pour se reposer, mais

pour porter à l'hospice de la Salpêtrière l'heureuse révolution

qu'il venait d'opérer. Là il trouva les. mêmes abus, les mêmes

atrocités; il eut à vaincre bien des difficultés et, le dirai-je ? à

combattre certaines résistances. Sa calme obstination sut venir

à bout de tout : résistances et difficultés furent surmontées, et les

chaînes des folles de la Salpêtrière tombèrent comme étaient

tombées celles des fous de Bicêtre.

«Pour rendre la réforme ' plus complète et plus efficace, un

progrès important restait à faire.

« Lorsque, dans Paris, un individu était pris d'un^accès de folie,

on le dirigeait d'abord sur l'Hôlel-Dieu. Quelle que fût la forme

VARIA. : 291

de son délire, il y était soumis à des saignées répétées, y prenait

force bains et douches; parfois, on lui administrait quelques

grains d'ellébore ou quelque antispasmodique. On conçoit aisé-

ment les résultats déplorables d'un traitement aussi uniforme

que peu rationnel. Après un ou deux mois d'un tel régime, que

de malades tombaient dans le plus complet état de stupeur, pré-

sentant tous les symptômes de l'anéantissement des fonctions

physiques et morales ! En s'élevanl contre une médication aussi

peu scientifique, Pinel critiqua surtout la phléhotomie obligatoire

dans la folie; et, indiquant le remède à côté du mal, il réclama

la suppression du traitement préalable de l'Hôtel-Dieu et demanda

le transport immédiat des malades dans les hospices d'aliénés

pour y recevoir des soins plus humains et plus conformes à la

nature de leur affection. 11 n'eut ni paix, ni trêve jusqu'au jour

où les pouvoirs publics, lui donnant gain de cause, adoptèrent

une organisation nouvelle.

« De telles améliorations, en profilant aux malades, servaient

aussi la science. L'observation de la folie, rendue plus facile, per-

mettait de mieux la connaître, d'étudier de plus près ses formes

si variées. Pinel acquit ainsi cette « expérience éclairée », ce

grand sens clinique, qui caractérisent son Traité médico-philoso-

phique sur l'aliénation mentale. Ce livre fait époque dans la science.

On ne le relit pas aujourd'hui sans une certaine émotion : savoir

profond et étendu, descriptions exactes et précises, style austère

et grave, tout y est réuni pour satisfaire l'esprit; mais le coeur

est profondément saisi, lorsqu'on arrive aux chapitres où l'auteur,

traçant les règles à suivre dans le traitement moral de la folie,

raconte avec une éloquente simplicité les réformes qu'il a accom-

plies et indique celles qu'il espère du progrès des connaissances.

Ces pages, tout empreintes du sentiment humanitaire de la phi-

losophie du xvme siècle, sont comme la déclaration des droits de

l'aliéné à la sympathie universelle et des devoirs du médecin

envers ce blessé de l'intelligence.

« A côté du philanthrope et de l'aliéniste, il y avait en Pinel

le savant au vaste esprit de généralisation. Portant la méthode

analytique et le procédé de la nomenclature dans l'étude de la

médecine, il s'est appliqué à grouper, dans sa Nosographie philo-

sophique, les maladies, à la manière des naturalistes, par classes,

ordres, genres et espèces. Cet ouvrage, que les progrès de la

science ont jeté dans l'oubli, eut, à l'époque, un immense reten-

tissement ; il devint bientôt classique et son auteur prit rang

parmi les médecins les plus renommés de l'Europe. Par le nombre

et la valeur de ses disciples, il se trouva placé à la tête d'une école

médicale que l'on appela l'école de Pinel, par opposition à l'école

de la Charité, dont le chef était l'illustre Corvisart. Pinel iecevait

ainsi la récompense-la plus chère que puisse désirer le penseur.

292 VARIA.

« Cet homme, si digne de son siècle, et par le coeur et par

l'esprit, vit venir à lui les honneurs sans qu'il les ait recherchés.

Nommé successivement professeur de la Faculté de médecine,

membre de l'Institut, de l'Académie de médecine, il ne voulut

jamais quitter son poste de médecin des aliénées de la Salpê-

trière. Pendant plus de trente ans, il demeura dans cet hospice,

sans cesse occupé d'améliorer le sort de ses malades; il y mourut,

le 25 octobre 1826, âgé de plus de quatre-vingt-un ans, entouré

de la vénération universelle et de l'affection de tous les malheu-

reux qu'il avait secourus.

« La mémoire de Pinel est restée vivante et pure comme celle de

l'homme de bien. S'il mérite la reconnaissance de tous pour la

réforme sociale à laquelle son nom restera attaché, il a tout

particulièrement droit à la gratitude des médecins. N'est-ce pas

lui qui nous a ouvert la voie ? N'est-il pas notre premier maître

en aliénation mentale ? Semblable au Virgile du Dante, il nous a

servi de guide dans ces ténébreux séjours de la douleur et des

larmes; il a excité notre compassion, en nous faisant assister aux

souffrances et aux angoisses des malheureux fous, enchainés

comme des malfaiteurs; mais, plus heureux que le poète, il lui a

été donné de soulager ces grandes infortunes, il a délivré les

aliénés de leurs, fers et porté le calme et l'espérance dans des

coeurs endoloris où ne régnaient que le désespoir et la crainte;

il a fait plus encore : il a prouvé que la folie, cette maladie répu-

tée incurable, pouvait être vaincue par un traitement rationnel

et humain; aussi, cette tâche bienfaisante terminée, Fine ! put

effacer du fronton de ces sombres demeures la sinistre inscrip-

tion : « 0 vous qui entrez, laissez toute espérance ! » Celte oeuvre

est grande et belle : l'homme illustre, qui l'a accomplie, a bien

mérité de la science et de l'humanité ! » »

Le président de la Société se lève ensuite pour donner lecture

de plusieurs télégrammes de sociétés savantes étrangères qui

regrettent de n'avoir pu se faire représenter à cette fêle ; il

remercie aussi tous ceux qui, en assistant à la cérémonie, en ont

rehaussé l'éclat. « Votre présence, dit-il, messieurs, est le témoi-

gnage manifeste de l'intérêt que vous portez au progrès de la

science et de votre scllicitude pour les souffrances de ceux que la

misère et la plus terrible des maladies viennent atteindre. Les

souffrances les plus difficiles à soulager sont celles produites par

l'aliénation mentale et le législateur tout aussi bien que le méde-

cin, sont fort embarrassés lorsqu'il faut sauvegarder à là fois la

sécurité publique, la liberté individuelle, le secret des familles et

les soins à donner à de malheureux aliénés qu'on doit protéger

et traiter souvent malgré eux. Il faut espérer que la loi qui se

prépare saura résoudre d'une manière pratique les difficultés si

nombreuses que soulève ce grave problème. »

varia. 293

Un lunch admirablement bien organisé par les soins de M. Motel

a ensuite réuni tous les assistants dans l'une des salles de la Sal-

pêtrière. De nombreux toasts ont été portés à la Société médico-

psychologique, aux représentants de la municipalité et du gouver-

nement, à la mémoire de Pinel et à la République.

Asiles SUISSES.

Il y a en Suisse environ 8,000 aliénés (chiffre toutefois établi

d'une manière peu certaine), pour une population de 2,832,000

habitants, 4,000 aliénés environ sont soignés dans le asiles publics

et privés par 48-50 médecins.

Canton DE GENÈVE. Les Yerzets. Asile de l'État (130 malades),

directeur et médecin en chef, professeur Dr OLIVET.

Canton de VAUD. - I Bois deCéry. Asile de l'État (350 malades),

directeur et médecin en chef, Dr CIIaLLAND ; médecin en second,

Dr Kayser; médecin assistant, Dr Hansen. ` ? ° La Métairie. Asile

privé(30 lits), D''H;ST. 30 Etay. Asile pour les idiots (40 malades),

pas de médecin dans la maison ; visité par le Dr Zimmer à Au-

bonne.

Canton de EUClt.l1'EL. 1° P1'éf(tI'gie¡'. Asile privé recevant les

malades de l'État, (130-140 malades). Médecin en chef et directeur,

Dr BUIiHIIAIIDT; médecin en 2e, Dr Godet. 2° Asile Bellcvue près

le Henveville (privé), 30 lits. Dr MARGUET. - 3° l3ellcvzce près de

Landeron. Asile pour idiots (10 lits), pas de médecin spécial.

Canton du Valais. Pas d'asile d'aliénés. A Sion, une division

de l'hôpital reçoit 30 à 40 imbéciles et crétins, pas de médecin spé-

cialement attaché à cette division.

Canton DE Fribourg. j)fa)'<6HS. Asile de l'État, (140 malades.)

Médecin-directeur, Dr REPONDS.

Canton DE BERNE. - fla La 4Yctldau. Asile de l'État. (330 lits.) Di-

recteur médecin en chef, Dr prof. ScrIEnnEn; médecin en second,

Dr de Speyr; médecin assistant (change chaque année). On pro-

jette de bâtir un nouvel asile à Munzingen, pour 3ô0 lits. 2o

L'Espérance (Zur Hoffitung).Asile privé, de3511ts. DrNicnA ? s-BovFT.

3° illtttchenbttchsée. Aliénés et alcooliques. Asile privé, appar-

tient à 11-0 veuve Straub. Médecin de l'Asile, Dr GLASER. - 4°

Weissenheim. Asile privé, (pour faibles d'esprit, c'est-à-dire

enfants susceptibles encore de développement ! . Directeur non

médecin, M. R. Glur , médecin, Dr E. KtimG.

Canton de SOLEURE. - Rosseg. Asile de l'État (180-200 mala-

des), avec une petite colonie à proximité. Médecin-directeur,

Dr ACCKEIMANN.

294 VARIA.

Canton D'ARGOVIE. - Kcenicgsfelden. Asile de l'Etat (380-400

malades). Directeur et médecin en chef, Dr SCH,1UFELHUEL ; médecin

en second, or Weibel; médecin assistant (il change chaque

année).. '

Canton de B.\LE- VILLE, -10 Une division de l'hôpital est affectée

au service des aliénés; on a commencé à bâtir un nouvel asile,

60 lits pour les curables, 40 pour les incurables (idiots et épilepti-

ques compris). Médecin-directeur, prof. \'VILLE, (clinique psychiâ-

trique) ; médecin adjoint, X... (change souvent). -'2° L'Espérance

(ZUI' Hotlnung), Asile privé (asile privé pour enfants faibles

d'esprit, imbéciles; etc.), Dr 1 IEDLER-YUNG; M. Nehracher est attaché

comme instituteur à l'asile.

Canton de B1LE-CA11P.1GNE. -- Une division de l'hôpital can-

tonal à Liestal est affectée au service des aliénés (90-100 lits), sous

la direction du . ,D J. KUNZ. 1 '

,CANTON DE TüURGOVIE. - 1° IIIül1stel'lingen, Asile de l'Etat (pour

aliénés curables, environ 150 lits). Médecin-directeur, Dr WALTER ;

2" Saint-Katharinenthal. Asile de l'Etat. (La division des aliénés

l'ait .partie de l'asile destiné aux vieillards, malades ordinaires

incurables, aliénés incurables, épileptiques, etc. La division

réservée aux aliénés compte 180 lits). Médecin-directeur, Dr Jo-

seph BRUINER; - 3° Ifrezczlingen. Asile Bellevue et ville Brunneg

asiles privés. Médecin-directeur, Dr R. BINS\VANGEIi; médecin en

second, Dr X... ? 4° Allnau. Asile privé (6 à 12 lits). Dr BRIDGER.

Canton DE S.11NT-GALL.' - Saint-Pirminsberg. Asile de l'Etat

(2àO-300 lits). Directeur-médecin en chef, Dr WELLER; médecin en

second, Dr von Monakow.

. Canton D'A1'PR\ZELL. Pas d'asile de l'Etat. lVczhenhCttlSe72.

Asile privé (10 lits), appartenant à Mmo Galle. Médecin, Dr CUSTER.

Canton DE SCII1FFOUSE. - Une division de l'hôpital est affectée

au service des' aliénés avec environ. 20 lits. En outre, dans la ville,

il existe deux petits asiles pour des malades incurables tranquilles.

Les médecins font en même temps le service de l'hôpital

cantonal. Dr von MANDACH, senior; DSTURTEn; Dr von 111.1NDACH,

junior. .

Canton DE LUCERNE. Saint-Urban. Asile de l'Etat (280-300 ma-

lades).- La colonie Solznenhalde dépend aussi de l'asile avec 2

à4 lits). Directeur et médecin en chef,.Dr FETSCHERIN; médecin

en second, Dr Lisibach; médecin assistant (change chaque année).

' Canton DE ZUIIICH. lu Bti7,ghol,i. Asile de l'Etat t (330-350 lits,

pour les aliénés curables (clinique psychiatrique). Directeur-mé-

decin en chef, professeur Dr.A. FOREL; médecin en second,

D Lauffer; médecin assistant en premier, X... ? médecin assistant

en second, X... ? Ces deux places changent souvent; 2°, liteinau.

VARIA. 295

Malades incurables (600 lils). Médecin-directeur, Dr 11AEGELI; mé-

decin en second, Dr Greppin ; 3° Colonie et asile privé de

Stammheim. Dr von ORELLI; 4° Asile privé pour idiots {18-

20 lits, sans médecin spécial) dirigé par MUe Keller. (Dans ce

canton, il existe en outre deux asiles où l'on prétend guérir les

malades par les prières ! ! Il y a constamment' dans ces deux asiles

une centaine de malades, avec un mouvement très considérable

(100 au plus par an). Ce sont les institutions de Màennedorf et de

Mônchhof. Il est bon de connaître ces deux maisons pour n'y

pas envoyer de malades. Elles sont souvent citées comme asiles

suisses. Il est utile de ne pas les confondre avec ces derniers.

Canton de UNTERWALD-LE-BAS. Stau ? Asile pour 40 incurables,

sans médecin spécial. '

LES cantons DE TESSIN, GLARIS, SCHWYTZ, URI, UNTHRWALD-LE-

Haut, n'ont aucun asile. Les malades sont placés dans les mai-

sons communales de pauvres. Plusieurs de ces cantons veulent

bâtir soit isolément, soit en s'associant entre eux. " '

Canton des (;RISONS. - Realta. Asile pour 30 incurables. Direc-

teur, M. Lietha (non médecin); médecin, Dr Puol, à Thusis. 1

Le canton des Grisons va bâtir un nouvel asile.

Rapport SUR LES PROGRÈS DE l'assistance DES aliénés effectués EN

ALLEMAGNE au MOYEN DES asiles pendant ces dernières années;

par LOEHR 1, , . . '

Province du RIIIN (suite). Bonz.' Ouverture de l'asile eu 4882.

On l'a complété par des installations intérieures. Dans l'asile,-des-

tiné seulement à 300 malades, on a, jusqu'au 1er- avril 1884,

ajouté des dortoirs et des locaux d'habitation- qui portent le

nombre des places à 450. Au ,\er juill,et 1884, ou pouvait recevoir

462 malades. On a installé des hangars dans les cours des quar-

tiers d'isolement, une horloge, un pulsomètre 2 qui élève l'eau du

canal et permet l'irrigation du domaine, une usine à gaz, un quil-

lier couvert; transformation complète des poêles à bain inutili-

sables. ' , . , .

Grafenberg. On, a augmenté le territoire de près de 36 hectares

dont 28 sont utilisés comme terrain de labour et jardins. En 1882

i Voy. le t. X, p. 138. ' '

2 Nous appelons l'attention sur cet instrument,.qui permet notamment

de remplir à peu de frais un ou plusieurs réservoirs.- ; ' -< '' P. K. z

296 VARIA.

on a acheté cinq maisons d'habitation, placées dans le voisinage

immédiat de l'établissement; on y a logé tous les métiers et les

familles, on y a fondé une colonie d'aliénés en liberté. En avril 1884,

le nombre des travailleurs de ce genre dépassait le chiffre 30; il

sera doublé.dans le courant de l'été par les transformations archi-

tecturales d'une autre maison. L'asile même entretient 460 à 470

malades dont plus de 100 appartiennent aux classes de pensions

supérieures.

Andcrnctch. A eu beaucoup à faire dans ces dernières années

pour remédier à des défectuosités architecturales dues à la mau-

vaise foi.

Merzig. On a, l'hiver dernier, enlevé le pensionnat de première

et deuxième classes pour faire de la place aux malades de qua-

trième classe. La population en a été fixée à 450. Sur les 225 lits

d'hommes, 221 sont déjà occupés, les dernières places sont pro-

mises. Le service des femmes contient 25 lits de libres.

Dur en. Destiné, à l'origine, à 300 malades, il ne disposait dans

les deux quartiers d'isolement que de six cellules pour chacun. Le

chiffre de la population a rapidement atteint 450 de sorte que les

cellules devinrent insuffisantes. On a donc installé dans chacune

des deux sections de demi-agités six chambres d'isolement d'après

le modèle en bois de l'exposition d'hygiène de Berlin 1. L'établisse-

ment peut entretenir 500 malades. Ces chambres d'isolement avec

leur chauffage à la vapeur si simplement modifié ont donné de

très bons résultats pendant cette année. L'ensemble du remanie-

ment architectural a coûté à peu près 10,000 marks (12,500 fr.)

On construira un dépôt mortuaire.

Grafenberg est devenu le siège d'une société de secours pour

aliénés, ressortissant du district de Dnsseldorf.

Province de POIEA.1NIE. - L'établissement de Greisswald est offi-

ciellement regardé comme inutilisable. Ceux de Stralsmnd et jRf(-

genwalde sont vieux et toujours remplis. Le dernier, vu sa situa-

tion, ne se plie à aucune amplification. L'établissement d'Uec)ter-

munde, quoique nouveau, est déjà encombré. Construit pour

240 malades, il en héberge 400; il y a peu de temps, il en conte-

nait 440. Et cependant l'asileprivé de Bergquell,près Stettin, reçoit

85 malades de la province. Ueckermunde a été doté de pavillons

d'observation et de surveillance, on a remplacé des lieux d'ai-

sances défectueux par des watter closets à rinçage automatique.

L'an dernier, on a centralisé l'eau chaude destinée à tout l'éta-

1 Le service d'architecture des asiles de la Seine s'est-il procuré les

documents de cette exposition ? Nous appelons l'attention de l'adminis-

tration .sur ce point , . P. K.

VARIA. 297

blissement. Agrandissement des locaux de la buanderie et de la

machine. '

Province de POSFN. Owinsk. Le nouvel asile de 1874 est ter-

miné. Le vieil établissement de 1878 et 1879 est transformé et

augmenté. On peut y recevoir 540 malades, c'est-à-dire le quart

des aliénés à traiter. Le directeur peut déjà en admettre et cette

admission ne demande pas plus de trois ou quatre jours, suivant

un autre errement en vigueur. Le drainage de l'établissement

est assez complet, il en est de même pour les promenades des

jardins et du parc. Les petites chambres, celles notamment de

l'ancien établissement, sont transformées en grandes chambres

partout peintes à l'huile. La ventilation artificielle s'installe de

plus en plus; en hiver on n'épargne pas le combustible pour tou-

jours aérer. Conduites d'eau très riches. Chacune des 22 sections

possède des chambres de bains spéciales munies de deux bai-

gnoires. Les tuyaux de conduite de plomb ont été remplacés par

des tuyaux en fer. Alimentation très copieuse, très variée; bière

en abondance; on est en mesure d'éviter le plus possible l'uni-

formité du vêtement. Pas de moyens de coercition mécanique.

Isolement rare. On a'établi deux ateliers et une métairie. Des

malades travaillent constamment dans les bureaux de l'asile.

Heures régulières d'enseignement.

Province de l'Est DE la PRUSSE. Koenigsber. Sur le terrain de

l'hôpital de la ville, on a construit .un édifice pour maniaques;

il contient, au rez-de-chaussée un cabinet de bain, deux sections

complètement séparées, ayant chacune un corridor qui sert

de salle de jour; une chambre de gardiens ou de gardiennes et

trois cellules d'isolement. La cellule est munie d'un verre épais

de 13 millim., bleu-terne, qui permet de ne point masquer aux

plus furieux, aux plus destructeurs, la vue du dehors, car on ne

voit de l'extérieur dans la cellule qu'à l'aide d'une lumière arti-

ficielle ; les malades au contraire reçoivent un jour d'une nuance

douce qui tempère leurs sensations.

Nombre des admissions :

De 1881-1882 : 131.

De 1882-1883 : 134.

. De 1883-1884 : -158.

Guérisons : 66,66 p. 100. Cet établissement sert à l'enseigne-

ment de la psychiatrie.

Allenberg. L'agencement de la colonie permet d'y introduire

40 hommes. Aussi, en 1882, construisit-on un édifice pour

40 femmes occupées à la cuisine et à la cave ; il ressemble

aux édifices des malades de la colonie. Les ateliers ont été trans-

portés dans les anciens communs. On a réformé le quartier cel-

298 VARIA.

lulaire des hommes avec ses dix cellules. Ce résultat a été atteint

grâce au traitement au lit des agités. Superficie : 74.hectares.

L'an dernier, on a exécuté une canalisation neuve, on a terminé

le bâtiment d'isolement des femmes. On s'est mis en communi-

cation par un téléphone avec le télégraphe public de Wehlau; un

~ téléphone rejoint par un câble sous-terrain l'asile à la colonie.

On a reconnu nécessaire la construction d'un nouvel asile ci

Allenstein. A l'origine, il devait s'ouvrir, le 1er octobre 1885, à

200 malades; mais à cette époque, il ne pourra recevoir que

50 aliénés évacués d'Allenberg; il ne sera installé que pour oc-

tobre 1887.

Province' de l'Ouest de la Prusse. Schwetz. Depuis 1881, on se

sert d'une nouvelle conduite d'eau et d'un nouvel organe d'écou-

lement, qui ont coûté 50,000 marks (62,500 fr.), de là des amélio-

rations hygiéniques marquées. La mortalité n'atteint plus que

2,68 p. 100. Rareté extrême des maladies intercurrentes et notam-

ment de la phthisie pulmonaire.

Neustadt. Ouverture en 1883 de l'asile nouvellement construit.

Il reçut 91 aliénés de Schwetz et des malades empruntés aux

hôpitaux d'indigents et aux familles. Très bien situé, accoté à

des monts boisés dont une partie appartient à l'établissement et

a été transformée en un parc'

Province de IIANOVIIE. - GoeHQ'eM. Depuis trois ans, on a sup-

primé le système des latrines d'Arcet qui a donné les plus mau-

vais résultats, pour le remplacer par le rinçage à eau du système

Hopper. On irrigue avec l'eau d'égouts une surface de 2 hectares,

constituée par un sable argileux très mauvais. Cette terre a été

transformée en une prairie riche en humus. Dans le voisinage

immédiat de la surface caillouteuse qui, au nord, est à une dis-

tance de 200 mètres des jardins de l'asi'e, on ne perçoit aucune

odeur désagréable. Cet automne, on va ouvrir la première des

quatre villas. C'est une habitation absolument dégagée, ouverte,

simplement limitée par des haies vives et des grillages en bois,

sans grilles, destinée à 25 hommes. La nouvelle buanderie où

habitent quelques malades femmes.(4 à : 6) s'agence actuellement.

Les dépenses de la villa, y compris. l'habitation d'un médecin-ad-

joint célibataire et d'un économe marié, ont été de 35,000 marks

.(43,750 fr.).. - ....

Hildesheim. Dans la colonie d'Einum,o.n a en 1882 gagné parla

nouvelle construction 25 places; elle offre maintenant 79 places.

Le cloître Michael reçoit les eaux de la ville.

. j .. ".

Osnczbrück. En 1882; culture de 20 hectares.' La colonie compte

- I i hommes habitant dans. une maison rustique. On a exécuté la

- canalisation cette année et.l'an dernier; on projetteil'installation

VARIA. 299

de waterclosets et l'irrigation. L'admission à titre provisoire per-

met l'entrée d'un plus grand nombre de malades récemment

atteints. -

Province de SCHLESVIG-110LSTE1N. - Asile de Schleswig. On a,

en 1881, acheté un terrain de culture adjacent ; on y a arrangé

des habitations pour des gardiens mariés, on a installé un éclai-

rage au gaz pour 641 becs. La superficie comporte 50 hectares.

L'année dernière, on a construit une villa pour le directeur, ce

qui porte- à quatre les habitations de familles de médecins.

On a affermé neuf hectares en sus. L'an dernier, pour diminuer

l'encombrement on a augmenté de trois cellules le bâtiment d'iso-

lement, on a élargi le local d'habitation ; le dépôt des quartiers

a été transformé en neuf chambres d'isolement. Les asiles privés

ne peuvent plus recevoir de femmes. 11,000 marks (13,750 fr.)

ont été consacrés aux grosses réparations; on a acheté 6 hectares

de terrain. Des dons ont augmenté le fonds de rémunération des

gardiens et des gardiennes éprouvés, et ont permis de former un

capital pour malades congédiés.

Alsace-Lorraine, état immédiat de l'empire. -Asile de Sa1' ? 'e ! }lIe-

mines. Ouvert en 1880'. En 1883, construction d'une église au

prix de 40,000 marks (50,000 fr.) Il est encombré et manque d'eau.

On a commencé à Steinbaclierhof à installer des habitations.

S<6F/t«Ht-/f<t/-Hoer. C'est en 1882 qu'on a livré la nouvelle ha-

bitation du directeur, qu'on a utilisé le nouveau dépôt mortuaire.

A Nqël on a inauguré la nouvelle salle des fêtes. La même année

on a complété les transformations des deux pavillons de fonction-

naires et de la vieille salle des fêtes. On a installé dans l'ancien

pavillon du directeur une habitation de famille pour le second

médecin ; au rez-de-chaussée ont été arrangés les bureaux admi-

nistratifs. On cultive 70 hectares.

PROVINCE DE ÏÏESSE-NASSAU. L'asile d'Eichbei-g a vu commencer

en 1881 une construction neuve et une transformatiouarchitectu-

rale qui maintenant sont presque terminées. On a acheté un ter-

rain de 347 ares 24 au prix de 23.972 m.arks (29,965 fr.). D'une

manière générale, les deux édifices sont groupés sur trois plans

partiellement obliques placés les uns au-dessus des autres; coût :

994,000 marks (1,042,500 fr.). Ce sont, sur un premier plan, de

l'est à l'ouest : une huanderie - un nouveau pavillon pour 20

pensionnaires femmes, un bâtiment de femmes (ancien), un

nouveau pavillon pour pensionnaires hommes, - une maison de

fonctionnaires (ancien), une ancienne habitation princière

(réservée à l'horticulture),-une cuisine neuve. En arrière et plus

' Voy. Archives de Neurologie, t, III, p. 108. -

300 FAITS DIVERS.

haut on trouve un nouveau pavillon d'observation pour 30 femmes

et autant d'hommes. Tout en haut, vers le nord existent : un non.*

veau pavillon pour 20 femmes agitées, un nouveau réservoir

d'eau avec chaudière,-un nouveau pavillon pour hommes agités,

enfin à l'ouest, une nouvelle chapelle, une salle d'autopsie et

de microscopie. Les nouveaux édifices cubent par tête, dans les

chambres d'habitation : 22 cent. cubes; - dans les dortoirs :

32 à 37 cent. cubes;- dans les cellules : 54 cent. cubes ; ils pos-

sèdent, à tous les étages, des chambres d'isolement, et sont

chauffés par un système à air modifié qui assure la ventilation.

De grandes mesures de prévoyance ont été prises contre les in-

cendies, à l'intérieur et à l'extérieur des constructions. Water-

closets. Dans la nouvelle buanderie, très spacieuse, habitent 16

femmes avec leurs gardiennes et la gardienne en chef spéciale-

ment attachées au lessivage; les quelques femmes occupées à la

cuisine y habitent aussi. Au second étage, est la salle des fêtes.

L'asile peut recevoir maintenant 450 malades.

L'asile de Frarzcfort sur le Mein encombré, attend depuis des

années des améliorations. Des plans ;très différents ont été faits,

mais l'autorité ne s'est encore décidée pour aucun d'eux. Le pro-

jet qui la plus grande chance de réussir est celui qui consiste à

se débarrasser de l'établissement actuel dont les terrains ont une

grande valeur et à construire un nouvel asile dans une situation

plus isolée.

A l'asile d'idiols deSc)ceucznz près Nassau a, en 1883, été ouverte

une section pour épileptiques et arriérés. L'asile a été agrandi, de

sorte qu'actuellement il se compose de six grands bâtiments. Mais

on manque d'espace pour donner satisfaction à 80 demandes

urgentes.

ZD (A suivre.)

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés de la SEINE. Nomination. - Par arrêt pré-

fectoral du 30 juillet, M. Lucien PicQuÉ, chef de clinique chirurgi-

cale à l'Hôtel-Dieu, est nommé chirurgien adjoint des asiles

d'aliénés de la Seine (emploi créé). Le nouveau titulaire touchera

un traitement fixe de 300 fr. par asile, soit 1,200 fr. et une indem-

mité de déplacement de 200 fr. pour chacun des asiles situés hors

barrière, savoir Villejuif, Ville-Evrard et Vaucluse.

faits VIVRÉS. 301

Asiles publics d'aliénés des Bouciies-du-Rhône. Concours pour

l'admission de deux élèves internes en médecine. Le vendredi,

10 juillet 1885, à 9 heures du matin, a été ouvert un concours

public pour la nomination de deux élèves internes en médecine,

l'un à l'asile public d'aliénés de Marseille, l'autre à l'asile d'Aix.

Association française pour l'avancement des sciences. La

quatorzième session de cette association a eu lieu a Grenoble,

le jeudi 13 août 1885, sous la présidence de M. le professeur

Verneuil.

Congrès pour l'instruction des AVEUGLES. - Un congrès pour

l'instruction des aveugles se réunira à Amsterdam le 3 août pro-

chain. En même temps aura lieu une exposition des objets em-

ployés pour l'instruction des aveugles et des ouvrages exécutés

par ces derniers dans un grand nombre d'établissements. La Bel-

gique, le Brésil, l'Allemagne, la France, l'Italie, la Russie et la

Turquie seront officiellement représentés. Une centaine de direc-

teurs d'instituts d'aveugles, ont déjà envoyé leur adhésion. (Jour-

nal d'oculistique.)

Les aveugles employés au télégraphe. Le journal l'Electricité

annonce que l'on prépare des appareils spéciaux, permettant de

confier des services télégraphiques aux aveugles.

Ecole d'anthropologie. - Cette école vient de décider la création

d'une chaire de l'histoire des civilisations et a nommé professeur

de cette chaire M. le Dr LETOURNEAU.

NoMtNATioNs. Asile de Villejuif. M. le Dr Vallon est nommé

médecin en chef.

Hospice de la Salpétriére. M. le Dr BABINSEY est nommé chef de

clinique des maladies nerveuses.

Société DE médecine et chirurgie de Bordeaux. Prix de la

Société. Question mise au concours : de l'épilepsie jaeksonienne.

Ce prix, d'une valeur de 1,000 fr., sera décerné à la fin de 1886.

Pria; Fauré. - Ce prix, d'une valeur de 500 fr., sera décerné à

la fin de l'année 1886 au meilleur mémoire sur la question sui-

vante : Exposer aux populations peu aisées ce que l'on entend

scientifiquement par alcoolisme et montrer les inconvénients graves

qui résultent pour la santé, non seulement de l'ivrognerie, mais

encore de l'usage quotidien et longuement prolongé des boissons

alcooliques. Les mémoires écrits très lisiblement en français

doivent être adressés franco à M. Douaud, secrétaire général de

la société, allée de Tourny, 10, jusqu'au 31 août 1886, sous les

formes académiques.

Statue DE PINEL.- L'inauguration de la statue de Fine ! , élevée

sur la place de la Salpêtrière, a eu lieu le lundi 13 juillet der-

nier, sous la présidence de M. le Dr Dagonet. (Voir p. 285.)

302 FAITS DIVERS.

Exposition D'ANVERS.- Société DE médecine mentale de BELGIQUF.

La Société de Médecine mentale de Belgique se propose de

tenir à Anvers, à l'occasion de l'Exposition universelle, du 7 au

9 septembre 1885, une Réunion extraordinaire qui sera consacrée

à l'étude de divers sujets,- ressortissant du domaine de la phré-

niatrie et de la neuropathologie.

Deux questions feront l'objet d'un rapport : l'une de la part de

,1\1. le Dr Lcfebvre, professeur à l'Université de Louvain, l'autre de

la part de 1\1. le Dr Semai, médecin-directeur de l'asile d'aliénées

de Mons, tous deux membres titulaires de la Société. La première

a été Formulée comme suit : Etablir les bases d'une bonne statis-

tique internationale des aliénés; la seconde : Relations entre la cri-

minalité et la folie. Les séances du matin seront consacrées à la

discussion de ces deux questions. Les séances de l'après-dîner

seront remplies par les communications diverses qui ont été

promises et auxquelles viendront s'en adjoindre probablement

encore d'autres. Ensuite les journées des 10, 1 et 12 septembre

pourront être éventuellement employées à des excursions soit à

Gheel, soit à Lierneux, soit il Gallo. soit à Mons, soit à Tournai.

La Société fera parvenir ultérieurement un programme plus

détaillé à tous ceux qui voudront bien l'honorer de leur adhésion.

La Société de Médecine mentale serait heureuse de recevoir, à

cette occasion, le concours des alienistes étrangers et d'autres

personnes compétentes s'intéressant aux questions traitées, telles

que les médecins en général, les magistrats, les criminalistes, etc.

La participation si cette réunion est gratuite..Les adhérents

sont invités a s'adresser, plus pour amples renseignement ? , à

M. le Dr B.-C. 1NGELS, médecin de o ? e6-GM ! Sa ! H, à Gand.

Meeting contre l'abus de l'alcool. - A l'occasion de l'exposi-

tion d'Anvers, il se tiendra les 11 et 12 septembre prochain un

grand meeting international contre l'abus des boissons alcooliques,

auquel seront convoqués tous ceux qui se préoccupent de la

question. Pour obtenir des cartes d'invitation ou des renseigne-

ments, s'adresser à M. le Dr A. Moelles, 1, rue Montoyer, à

Bruxelles. La participation est gratuite.

La statue de DARWiN. On vient d'inaugurer la statue de Dar-

win dans le nouveau muséum d'histoire naturelle de SouLh-Kel1-

sington, bâti sur l'emplacement de l'Exposition universelle de

1851. Une partie du montant de la souscription pour cette statue

a été affectée à la création d'un fonds spécial, dit fonds Darwin,

qui sera appliqué, sous la direction de la Société royale, à l'encou-

ragement des sciences biologiques.

Le cas du Dr L.-U. Beach. - La condamnation et l'exécution

'du Dr Beach à Holidaysburgh (Pennsylvanie), pour le meurtre de sa

femme a excité un vif intérêt. Il a été exécuté le 12 février der-

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 303

nier. Quoique plusieurs médecins, d'une véracité indubitable,

témoignassent de son insanité et qu'il eût été et fût encore sujet

à des attaques pour lesquelles il avait été traité pendant des

années, fait corroboré par sa première femme dont il était di-

vorcé, le jury l'a déclaré coupable. La cour suprême a refusé une

nouvelle enquête. Le conseil des grâces n'a pas voulu, 'pour une

plus ample information, commuer la sentence et le gouverneur

de Pennsylvanie a refusé même un examen par des aliénistes

compétents. La profession médicale considère que le Dr Beach

était irresponsable et ]a 'lJledico legal Society a nommé une com-

mission pour examiner ce cas avec soin. (The medico-legal Journal,

1885, na 4.).......

THE AMERICAN Journal OF NEUROLOGYAND P3YCHIATRY. Ce jour-

nal, édité par MM. M. Bride, Landon Carter GrayetE.-C. Spitzka,

annonce, en publiant le dernier numéro de son troisième vo-

lume, qu'il cesse de paraître. Nous le regrettons, car ce recueil

contenait des travaux intéressants et était fait avec soin.

Asile clinique (Sainte-Anne) : Distribution des prix A l'École

départementale d'infirmiers et D'11FIRNIÈRES. Celte cérémonie

a eu lieu le 22 août sous la présidence de M. Bourneville, assisté

de MM. Dagonet, Bouchereau, Quesneville, Dr Taule, directeur,

des internes, etc. Après un très bon discours de M. le Dr Dagonet,

rempli des meilleurs conseils, les récompenses ont été décernées.

M. Bourneville a clos la séance en insistant sur la nécessité d'avoir

à l'asile un instituteur et une institutrice qui serviraient le jour

aux malades, le soir aux infirmiers et aux infirmières; sur la

nécessité de rendre l'enseignement obligatoire; sur l'obligation,

pour l'Administration, de recruter exclusivement les surveillantes

parmi les élèves de l'École. Enfin, il a mis en relief ce fait que,

aujourd'huiencore, l'Administration ne comprend pas l'utilité des

écoles d'infirmières et s'imagine que la première femme venue,

pourvu qu'elle soit protégée, peut être nommée surveillante.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Bibliothèque diabolique. - Jean Ven. Histoire, Disputes et Discours

des Illusions et Impostures des diables, des magiciens infâmes, sorcières

et empoisonneurs, des ensorcelés et démoniaques et de la guérison d'iceux;

304 Fe BULLETIN B1BLI03RAPHIQUE.

Item de la~ punition que méritent les magiciens, les empoisonneurs et les

sorcières. Le tout compris en six livres; par Jean Hier, médecin du duc

de Clèves, suivi : de deux dialogues touchant le pouvoir des sorcières et

la punition qu'elles méritent, par Thomas Erastus. Avant-propos par

Bourneville; - Biographie de Jean Wier, par Axenfeld.

Cet ouvrage, en vente au bureau des Archives de Neurologie, forme

deux beaux volumes de plus de 600 pages, et est orné du portrait de

l'auteur, gravé au burin.

Prix : Papier velin, 15 fr. les deux volumes. Pour nos abonnés 12 fr.

Il a été tiré pour les amateurs un certain nombre d'exemplaires sur

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Papier parcheminé (n" 1 à 300), prix 20 fr. les deux volumes. - Pour

nos abonnés ..... , 16 fr.

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les deux volumes. Pour nos abonnés . , .......... 20 fr.

N.-B. - Les prix ci-dessus sont pour les exemplaires pris dans nos

bureaux; pour la France, le port est de 1 fr.; pour l'étranger, de 2 fr. 50.

Fonts. - Second anttaal report of the managers of lhe slate lunatic

asylum, at UTICA, for the Year 1884. Albany, N. Y. 1885. - Woed, Pàr-

sons and G°.

N'OTUNAGEL. Traité clinique du diagnostic des maladies de l'encéphale,

basé sur l'étude des localisations. Traduit et annoté par P. KÉRAYAL;

précédé d'une préface par M. le professeur CuencoT. Volume in-8° de

677 et xxi pages, avec 68 figures. Prix : 14 fr. Paris, 1885. Librairie

A. Delahaye. 0

RicHER (P.). Etudes cliniques sur la grande hystérie ou htlstéro-épi-

lepsie. Volume in-8° de 975 pages, avec 196 figures. Prix, papier teinté :

25 fr. Papier Japon : 50 fr. Paris, 1885. Librairie A. Delahaye.

SALElt-PACE. Ificerche sperimentali sulla influenza délie soslartze

ipnogene sulla nutrizione degli organi. Brochure in-8° de 5 pages. -

Palerme, 188n. Journal Il Pisaiti. 0

La classificazione délie frenopatie. Brochure in-8° de 25 pages, avec

2 tableaux. Palerme, 1885. Journal ll Pisani.

- Il Pensiero rtell' imita del diseqno organico délia natura correlagioni

con la clinica freniatrica. Brochure in-8" de 30 pages. Palerme, 1884.

Dalla Stamperia militare. 0

Co ? t<r ! 6M<o clinico ed allatomico-palologico alla localizzazione del

centro psichico-visivo. Brochure in-8° de 47 pages, avec 2 planches hors

texte. Palerme, 1884. Tipografia di Salvatore Bizzarrilli.

Un caso di neuraslertia cerebello-spiuale cou agorafobia. Brochure

in-8° de 18 pages. Palerme, 1882. C'1l'ini, Caronna et Macoclin.

- Le cardiopatie nei Pazzi loro patogenesi e studi anatomo-patologici.

Brochure in-8° de 80 pages, avec 9 planches hors texte. Palerme, 1883.

Carini, Caronna et Macoclin.

THULIÉ (H.) - La Femme (Essai de sociologie physiologique). Ce

qu'elle a été. - Ce quelle eslt. Les théories : ce qu'elle doit être. Vo-

lume in-8° de 520 pages. Prix : 7 fr. 50. - Paris, 1885. Librairie

A. Delahaye.

Le rédacteur-gérant, BOUIINEVILLE.

Hwcm. t.b lIkUlbl8'k'. ¡IlIV 98·

Vol X. Novembre 1885. N" 30

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NERVEUSE

CONTRIBUTION A L'ETUDE DES FAUSSES SCLEROSES

SYSTÉMATIQUES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE

Par N. POPOFF, médecin il l'asile Saint-Nicolas il Saint-Pétersbourg.

Il -s'est passé relativement très peu de temps encore

depuis que les recherches de Tûrck ont été publiées

(1856); mais les opinions de ce savant ont déjà été

étudiées et approfondies d'une manière assez exacte,

et maintenant il ne se passe presque pas d'année sans

que l'on publie cluelques observations d'affections sys-

tématiques de la moelle épinière, sans que l'on ne

porte un nouveau rayon de lumière sur quelque côté

obscur de cette question. Quant à la littérature rela-

tive à ce sujet nous pouvons observer qu'à partir de

1880, il se fit entendre quelques voix, rares jusqu'à

présent, il est vrai, assurant que beaucoup de tableaux

cliniques s'expliquent d'eux-mêmes sans supposition

d'une affection systématique de la moelle épinière.

Ainsi, M. Adamlciewicz', se basant sur l'examen

t .4rch. f. Psychiatrie, 1880.

Archives, L. X. 20

306 PATHOLOGIE NERVEUSE.

de la moelle épinière d'un tabétique, avoue qu'on avait

affaire, dans ce cas, non à une affection systématique,

comme on le suppose aujourd'hui, mais à la prolifé-

ration du tissu conjonctif, spécialement dans les cor-

dons postérieurs, et il explique cette localisation par

des conditions purement anatomiques.

L'année passée, MM. Ballet et Minor ' ont étudié

toutes les observations existant dans la littérature des

cas de maladies systématiques compliquées des cor-

dons latéraux et postérieurs et ont conclu qu'une seule,

entre eux, appartenant à M. Damaschino, peut être

considérée avec quelque vraisemblance comme telle;

toutes les autres doivent être classées dans les groupes

de scléroses diffuses. L'observation du Dr Tschetschoff,

non encore publiée, que nous présentons plus bas peut

d'après ses particularités cliniques et surtout anatomo-

pathologiques, éclairer cette question sous un autre

point de vue.

Voici cette observation que nous devons à l'obli-

geance de M. Tschetschoff, professeur agrégé delà faculté

de médecine de Saint-Pétersbourg, à qui nous nous

permettrons d'adresser ici nos meilleurs remerciments.

Observation. Anna 0..., paysanne, âgée de vingt-deux

ans,' entre à l'hôpital militaire Saint-Nicolas à Pétersbourg, le

14 janvier 1880.

Dans son enfance, elle était faible, chétive, scrofuleuse et

n'a commencé à marcher qu'à l'âge de cinq ans. Agée de douze

ans, elle arriva à Saint-Pétersbourg, et tant qu'elle fut dans de

bonnes conditions hygiéniques, jusqu'en 1877, elle jouissait

d'une parfaite santé.

Au mois de novembre de la même année, il se déclara tout-

à-coup un état fiévreux et des douleurs dans le bas du dos qui

1 Arch. de Neurologie, 1884.

DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 307

augmentaient, puis une faiblesse dans les extrémités inférieures,

de sorte que la malade dut garder le lit. Après deux semaines

les douleurs diminuaient, la fièvre cessait; mais la faiblesse,

restée à un haut degré dans les jambes, rendait la marche dif-

ficile. Néanmoins 0... put reprendre ses occupations habi-

tuelles. Deux ou trois mois après, la faiblesse augmenta de

nouveau, des douleurs dans le dos, du tremblement et des

crampes dans les membres inférieurs se firent sentir. Il s'y

joignit une constipation tenace, rétention de l'urine et huit

mois après le commencement de la maladie, 0... fut forcée

d'entrer à l'hôpital, oùl'on employa l'électricité pendant quel-

ques mois. Son état s'améliora de façon qu'elle put retourner

au village. Elle n'y resta pas longtemps, car les symptômes

s'aggravèrent rapidement. Elle revint à Saint-Pétersbourg et

entra à l'hôpital Obuchow, où on la traita presque une année,

mais cette fois sans succès appréciable. On la transféra à l'hô-

pital Nicolas, où, à la fin de 1881, elle fut placée dans la section

des maladies nerveuses du professeur agrégé Tschetschoff.

L'examen, fait en novembre 1881, montra ce qui suit : La

malade était de taille moyenne, d'une constitution normale,

les téguments externes pâles, le tissu cellulo-adipeux sous-

cutané très faiblement développé, la colonne vertébrale ne

présentant pas de douleur à la pression. A la partie supérieure

des deux poumons, la respiration bronchique avec l'expiration

prolongée et quelques bruits sous-crépitants.

C'est dans la sphère motrice que se montrait le plus grand

dérangement. Tous les mouvements soit actifs, soit passifs

devinrent difficiles et limités. 0... ne marcha plus qu'à l'aide

d'un bâton, ou en s'appuyant sur quelqu'un. Son allure devint

caractéristique, spastique. Elle ne s'assied qu'avec beaucoup de

peine. A chaque essai de marcher les jambes lui tremblent.

Parfois on observe un léger tremblement et une contraction

convulsive de quelques muscles des jambes même pendant le

repos, et alors les jambes se trouvent dans l'adduction et l'ex-

tension extrêmes des équino-varus. Les adducteurs des hanches

sont fortement contractés même en état de repos, leurs con-

tours se dessinent nettement sous la peau. On remarque une

rigidité, une tension dans tous les muscles des jambes, mais

de différents degrés : plus faible dans les adducteurs et exten-

seurs de la hanche que dans les fléchisseurs. La force muscu-

naire est affaiblie et les réflexes des tendons sont visiblemet

308 PATHOLOGIE NERVEUSE.

exagérés. La réaction des muscles et des nerfs sur les deux

courants dans les extrémités inférieures et supérieures est tout

à fait normale. Dans la sphère de la sensibilité, l'examen n'a

pas montré de changement, mais la malade se plaint de dou-

leurs sourdes dans les parties inférieures de la colonne dorsale,

et de douleurs continues dans les jambes.

L'émission de l'urine est plus fréquente et plus douloureuse

quoique l'urine ait les qualités normales; constipation.

Dès le mois de février 1882, la malade commence à s'aperce-

voir qu'en se réveillant, ses membres supérieurs sont fortement

fléchis dans l'articulation du poignet, du coude et de l'épaule,

qu'elle ne peut les étendre qu'avec peine. Au surplus, se font

sentir de temps en temps des douleurs et des tremblements

convulsifs dans les extrémités supérieures, mais sans atteindre

le même degré que dans les extrémités inférieures.

Au mois d'octobre 1882, les crampes apparaissent aussi dans

les muscles de l'abdomen et l'examen démontre la rigidité des

muscles du côté droit de l'abdomen.

L'examen, fait au mois de décembre 1882, démontre un

affaiblissement de la force musculaire des deux mains, spécia-

lement de la main droite et une rigidité surtout dans les flé-

chisseurs de l'avant-bras.

A partir de la fin de 1882 le processus dans les poumons

marcha rapidement, les forces diminuèrent, il apparut de la

diarrhée, des escharres et le 28 février 1883, la malade mourut.

Nous n'avons pas pu obtenir le protocole de l'autopsie. 11

est certain qu'à l'examen macroscopique de la moelle épinière

à l'état frais, on remarqua une nuance grisâtre dans la partie

postérieure des cordons latéraux de la partie inférieure de la

moelle.

De la description citée, on voit que les symptômes les plus

remarquables sont : marche spastique, rigidité des muscles,

leur tremblement convulsif et contractures, affaiblissement des

forces musculaires et une grande exagération des réflexes des

tendons, en un mot, tous les traits caractéristiques de la

maladie de la moelle épinière, connue sous le nom de tabes

dorsal spasmodique.

Une supposition pareille s'affirme par la marche lente de

la maladie, par son cours de bas en haut, par l'absence de

l'atrophie de muscles. 11 est vrai qu'à ce diagnostic on pour-

rait opposer le commencement subit de la maladie, accom-

DES FAUSSES SCLEROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 309

pagné d'un état fiévreux, d'après le dire de la malade, mais,

quand on se rappelle que 0... appartenait à une classe de

personnes faisant très peu attention à elles-mêmes et que par

cette raison elle pouvait ne pas remarquer les premiers symp-

ômes d'une souffrance arrivant lentement et qui se montra

plus clairement quand par hasard la fièvre s'y est jointe, si

nous prenons en considération tout cela, nous ne donnerons

pas une signification décisive à ces renseignements.

Contre le tabes dorsal spasmodique parleraient aussi les

troubles de la sensibilité et de la vessie, mais M. Charcot ainsi

que M. Erb admettent la possibilité que cette maladie soit

accompagnée de pareils symptômes, mais ceux-ci ne doivent

être placés qu'au second plan, comparativement aux troubles

des mouvements comme nous le voyons justement chez notre

malade.

L'examen microscopique1 de la moelle épinière, fait par nous

mêmes, nous donne :

a) Substance blanche.

Dans la région de l'origine apparente de la première paire

cervicale les cordons antérieurs n'offrent pas de changements

visibles. Dans les cordons latéraux, il y a légère prolifération

du tissu conjonctif sur leur bord postérieur. Dans les cordons

postérieurs on remarque une sclérose dans la sphère des fais-

ceaux de Goll, surtout dans leur partie postérieure. Dans la

partie inférieure de la portion en question la sclérose des fais-

ceaux latéraux s'agrandit peu à peu et forme une bandelette

1 Pour mes recherches précédentes, je me suis servi du liquide de

M.Erlitzky (Progrès notez., 1877, no 39) pour durcir la moelle, mais la pra-

tique me prouva ensuite que bien que la moelle atteigne très rapide-

mont dans ce liquide le degré de durcissement nécessaire pour obteni

des coupes minces, elle devient pointant très fragile lorsqu'on l'y tienr

longtemps. Los recherches du docteur 'Cscltitsclt tl'Grtréphale, 1881'

montrent eu plus que dans la moelle durcie d'après la méthode de

1(. Eriitxky, probablement sous l'influence du sulfate de cuivre, il se

forme des masses fauves qui ressemblent beaucoup au pigment. Quant il

la pièce en question, cette moelle épinière fut durcie dans une solution

de bichromate de potasse de 2 p. 100, les coupes furent colorées par du

carmin, préparées dans de l'alcool et de l'essence de girolle, et ensuite

dans du baume de Canada.

310 PATHOLOGIE NERVEUSE.

large atteignant presque la substance grise. En avant, sur la

bord extérieur elle n'atteint pas la racine antérieure.

Dans la région de l'origine apparente des racines de la

seconde et de la troisième paires cervicales, il y a les mêmes

changements décrits, avec cette différence seulement que dans

les cordons postérieurs la sclérose atteint plus les parties anté

rieures, mais non encore la substance grise.

Dans la région de l'origine apparente des racines des qua-

trième et cinquième paires cervicales se voit le même tableau,

seulement dans les parties inférieures la sclérose des cordons

postérieurs atteint un plus grand développement et va jusqu'à

la commissure postérieure.

Dans la région de l'origine apparente des racines des

sixième et septième paires cervicales, les changements patho-

logiques conservent le caractère décrit plus haut.

Dans la région de l'origine apparente des racines de la

huitième paire cervicale, le faisceau gauche de Goll est plus

faiblement atteint que du côté droit, surtout dans son tiers

moyen, mais la prolifération du tissu conjonctif s'étend sur

tous les faisceaux de Goll en les délimitant nettement de ceux

de Burdach.

Fin. 5. - Coupe transversale de la moelle épinière dans le renflement

cervical. - Prolifération du tissu conjonctif des cordons postérieurs

et du bord antéro-postérieur des cordons latéraux.

Fig. 6. Coupe transversale 3 la limite des portions cervicale et dorsale.

Prolifération du tissu conjonctif des cordons postérieurs et du bord

externe des cordons latéraux.

DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 311

Dans la région de l'origine apparente des racines de la

première et de la seconde paires dorsales, on remarque la même

départition de la sclérose comme dans la partie inférieure de

la portion cervicale, mais elle est plus intense dans les cor-

dons postérieurs ne touchant qu'à peine les cordons posté-

rieurs où elle se distribue avec la même irrégularité.

Dans la région de l'origine des racines de la troisième paire

dorsale, on remarque la prolifération du tissu conjonctif, aussi

dans les cordons antérieurs, ici elle forme une bandelette

étroite le long de la fente longitudinale et au bord antérieur

des cordons jusqu'à la sortie des racines antérieures, puis

s'étend sans interruption à la périphérie des cordons latéraux,

où elle s'étend graduellement à une région plus large; de sorte

que dans la moitié postérieure de ces cordons elle remplit tout

l'espace qui répond aux faisceaux du cervelet et aux faisceaux

pyramidaux. Dans les cordons postérieurs la sclérose embrasse

comme auparavant les faisceaux de Goll.

, Dans la région de la sortie des racines de la quatrième et

cinquième paires, la propagation de la sclérose reste la même ;

mais dans les cordons postérieurs elle s'affaiblit tout en res-

tant peu régulière.

Dans la région de la sortie des racines de la sixième paire

dorsale les cordons postérieurs sont encore moins atteints. On

remarque surtout la sclérose dans les parties postérieures de

cordons latéraux, où elle atteint la substance grise. La localisa-

Fig. 7. -Coupe dans la partie supérieure de la portion dorsale de la

moelle épinière. Sclérose des cordons latéraux et postérieurs et du

bord externe des cordons antérieurs.

Fig. S. - Coupe dans la partie inférieure de la portion dorsale.- Sclérose

des cordons latéraux et antérieurs.

312 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tion dans la moitié antérieure de ces cordons, ainsi que dans

les cordons antérieurs conserve le caractère décrit plus haut,

mais son intensité augmente surtout le long du bord antérieur

de la fente longitudinale.

Dans la région de la sortie des racines de la septième et de

la huitième paires dorsales, le caractère de l'expansion de la

sclérose reste le même, seulement à mesure que la proliféra-

tion du tissu conjonctif des cordons latéraux augmente, les

faisceaux de Goll sont atteints de moins en moins ; de sorte que

pendant que les premiers sont tout à fait pris, nous ne trou-

vons dans les derniers qu'une faible sclérose dans leur moitié

antérieure. En outre le côté gauche est relativement moins

atteint que le droit.

Dans la région de la sortie des racines de la neuvième et

de la dixième paires dorsales, nous ne trouvons dans les cor-

dons postérieurs, comme processus pathologique, qu'un déve-

loppement assez marqué de cellules-araignées, tandis que dans

les cordons antérieurs nous trouvons l'augmentation de la

sclérose.

Dans la région de la sortie des racines de la onzième et de la

douzième paires dorsales, les cordons postérieurs restent sans

changement. Dans les cordons antérieurs et dans les parties

antérieures des cordons latéraux la prolifération du tissu con-

jonctif est beaucoup diminuée et présentée de la manière précé-

dente.

A partir de. cette portion de la moelle épinière, la sclérose

diminue peu à peu dans la direction de haut en bas; c'est sur-

tout a remarquer dans les cordons antérieurs et dans les parties

antérieures des cordons latéraux; dans les parties postérieures

on la remarque avec la même intensité, seulement ses dimen-

sions se rétrécissent peu à peu et dans les régions des racines

de la quatrième paire lombaire, les dimensions ont la forme

d'une bandelette assez étroite qui se joint immédiatement à la

périphérie au bord externe des racines postérieures.

Fig. 9.- Coupe dans la portion lombaire. Sclérose des cordons latéraux.

DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉIMNIÈKE. 313

b) Substance grise.

Dans la région cervicale de la moelle épinière on ne remarque

pas dans la substance grise des changements visibles, même

aux grands grossissements.

Dans la région de l'origine apparente des racines de la

première paire dorsale, quelques cellules nerveuses des cornes

antérieures semblent un peu troubles et gonflées. Dans le pro-

toplasma de quelques-unes, on remarque des traces d'augmen-

tation de la graisse.

Dans les parties inférieures, les mêmes changements sont

exprimés a un plus haut degré. De plus, ici, se jette aux yeux

que des veines sont remplies des globules de sang. Il y a près

d'elles, très souvent, des épanchements de sang insignifiants et

deux exsudats plasmatiques. La névroglie est gonflée et par ci

par là on y rencontre des cellules-araignées bien développées.

Dans les parties inférieures de la moelle, les changements

décrits plus haut ont, dans les cellules nerveuses, un plus grand

développement et embrassent une plus grande quantité d'élé-

ments. Les vaisseaux semblent être très développés et leurs

parois épaissies. Près de plusieurs d'entre eux, surtout au voi-

sinage du canal ceutral, on trouve une masse d'exsudats plas-

matiques qui pénètrent loin dans les parties voisines de la

substance grise.

Dans la région lombaire de la moelle épinière, les phéno-

mènes pathologiques mentionnés plus- haut disparaissent

rapidement et la substance grise reprend ses qualités normales.

Un coup d'oeil superficiel sur la marche de la sclé-

rose dans la moelle épinière de notre malade pourrait

conduire à la conclusion que nous avons à faire dans

ce cas à une affection systématique compliquée; mais

une analyse plus attentive montrera sans peine l'in-

vraisemblance d'une telle supposition.

En effet, delà description précédente, on voit que le

processus pathologique a plus de développement dans

la région dorsale de la moelle en diminuant peu à peu

314 PATHOLOGIE NERVEUSE.

dans la direction ascendante aussi bien que descen-

dande et embrasse les faisceaux descendants (pyrami-

daux) dans les cordons antérieurs et latéraux presque

dans toute leur longueur; les faisceaux ascendants

(os du cervelet) sont atteints dans toute leur étendue,

tandis que ceux de Goll ne le sont que presque dans

toute leur étendue. Outre cela le processus embrassait la

région « der granzlichen Schieht, der grauen substanz »

et dergeneischten zone » et pénétrant dans l'extrémité

du dernier, il se continue sans interruption jusqu'aux

cordons antérieurs touchant aussi la périphérie. En

d'autres termes, le processus dans notre cas a gros-

sièrement franchi les limites anatomiques des faisceaux

et surtout dans les cordons latéraux, il prenait le

caractère net de la sclérose diffuse.

Une définition pareille se confirme par les résultats

de l'examen microscopique des coupes à un grand

grossissement, où se montrèrent les particularités sui-

vantes :

a) Partout nous trouvons que la prolifération du tissu

conjonctif atteint de plus grandes dimensions à la péri-

phérie et dans le voisinage immédiat de la pie-mère et

qu'elle diminue peu à peu, plus qu'elle s'approche de

la substance grise.

b) Dans la région où la sclérose n'atteint pas encore

son plus grand développement, nous pouvons remar-

quer facilement des tuméfactions variqueuses des

cylindres-axes des fibres nerveuses et des cellules-

araignées très nombreuses et très développées qui,

dans leurs prolongements s'étendent entre les éléments

nerveux.

c) En examinant les vaisseaux, nous voyons souvent

DES FAUSSES SCLEROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 315

qu'ils atteignent de grandes dimensions et qu'ils pps-

sèdent des parois épaissies avec une construction dans

laquelle on voit clairement des fibres oblongues.

d) Près de ces vaisseaux changés d'une manière

pareille, nous rencontrons relativement le plus grand

développement du tissu conjonctif.

e) Dans la substance grise, nous trouvons aussi les

changements décrits plus haut dans les vaisseaux et

un développement des cellules-araignées. En outre, on

voit le gonflement des cellules nerveuses et le change-

ment de la névroglie. Là les symptômes paraissent

être plus évidents, spécialement dans la partie de la

moelle où dans la substance blanche le processus

pathologique atteint aussi le plus grand développe-

ment.

De tout ce qui précède, on voit que quoique le

tableau clinique de la maladie d'Anna 0... réponde à

celui. qui est décrit sous le nom de tabes dorsal spas-

modique, les résultats de l'examen microscopique

contredisent tout, à fait un diagnostic pareil.

Pour bien juger cette contradiction nous devons

nous adresser à l'étude de tabes dorsal spasmodique

telle qu'elle existe à présent dans la science.

M. Erb ' en décrivant la symptomatologie de la

maladie émet la supposition comme bien vraisem-

blable qu'il s'agit là d'une affection primitive des fais-

ceaux pyramidaux, mais il ajoute que jusqu'à présent,

il n'y a pas une seule observation positive dans ce sens.

M. Chariot s'exprime d'une manière encore plus

1 Erb. Die Krankheitcn des Ituckenmarlcs, 1877.

2 Charcot. Leçons sur les localisations dans les maladies du cerveau

et de la moelle épinière, 2e fascicule, 1877, p. 3w.

31 {j PATHOLOGIE NERVEUSE.

prudente en disant littéralement ce qui suit : « S'il

s'agit là effectivement d'une affection à part l'autopsie

révélera une lésion également spéciale, peut-être la

sclérose primitive des faisceaux pyramidaux, soup-

çonnée par M. Erb. Si, au contraire, les nécropsies

démontrent qu'il s'agit tantôt d'une myélite par com-

pression, tantôt d'une myélite transverse, syphilitique

ou autre, il est clair que l'autonomie clinique n'est

qu'une apparence. »

La décision complète de la question sur l'existence

de la paralysie spastique comme une forme spéciale

doit appartenir à l'anatomie pathologique. Pour cette

raison, adressons-nous aux résultats qu'elle a réussi à

obtenir jusqu'à présent et arrêtons-nous aux faits qui

confirment l'opinion à priori de M. Erb.

L'observation, unique dans l'espèce, qui, d'après

l'opinion de beaucoup d'auteurs décide complètement

la question et celle de Morgan et Drcschfeld1. C'est

pourquoi je crois nécessaire de l'expliquer un peu.

On voit du tableau clinique, qui malheureusement

est court et peu clair, que la maladie commença le

lendemain d'un refroidissement par une faiblesse et un

engourdissement dans la jambe droite. Bientôt le

malade sentit ces symptômes aussi dans la jambe

gauche. Ensuite sa marche prit un caractère spastique.

L'examen démontra une absence de parésie, de rigi-

dité et de contractures des muscles et d'agrandisse-

ment des réflexes des tendons. A la compression de

la colonne dorsale on remarqua un état maladif à la

région lombaire. Le malade mourut de la thrombose

1 Idiopalhic latéral sclerosis. (I3rilisli médical Journal. Janv. 1881.)

DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 3t7

de la veine fémorale. La moelle, examinée à l'oeil nu,

fut trouvée ramollie dans la partie inférieure. A l'examen

microscopique de la moelle durcie, dans la portion cer-

vicale, on remarqua la sclérose dans la partie posté-

rieure des cordons latéraux où la dégénérescence vers

l'intérieur atteint la substance grise. Vers le devant

elle n'atteignait pas les cornes antérieures, vers l'exté-

rieur non plus la périphérie. Dans la portion dorsale

de la moelle la sclérose était plus claire, en conser-

vant la même localisation. Dans la portion lombaire

les faisceaux pyramidaux latéraux étaient sclérosés.

Il ressort de cette description que, ni d'après son

cours, ni d'après ses particularités cliniques le cas de

M. Morgan n'a rappelé une paralysie spastique,

excepté l'allure du malade, dont l'origine paraît ici

très étrange, puisque chez le malade les symptômes

dans l'appareil neuro-musculaire qui pouvaient être la

cause de cette allure n'existaient pas. Quant au tableau

anatomique nous voyons que la sclérose quoique em-

brassant à peu près la région des faisceaux pyrami-

daux latéraux, atteignit pourtant « die grauenzliche

Schieht der grauen substanz.

En outre, à l'examen de la moelle, on ne fit pas

attention au foyer de ramollissemeut existant dans les

parties inférieures de la moelle, ce qui ne permit

d'expliquer ni son caractère, ni ses relations avec les

faisceaux sclérosés.

De l'état du cerveau on ne dit mot. Considérant tout

cela, la supposition de MM. Ballet et Minor qu'on

avait à faire à une myélite aiguë limitée qui, peut

être, eut aussi une signification à l'origine de la sclé-

rose latérale, me parait très vraisemblable. Quoi qu'il

: 11 PATHOLOGIE NERVEUSE.

en soit, il est impossible de donner une valeur décisive

à un cas aussi obscur.

Outre Morgan, quelques observateurs ont fait des

descriptions de pareils cas de paralysie spastique; où,

à l'autopsie, on a pu constater une lésion des faisceaux

pyramidaux, mais une analyse attentive du tableau

anatomique démontre que dans tous ces cas outre des

faisceaux mentionnés, ceux du cervelet furent atteints

et que la sclérose s'avança jusqu'à la moitié antérieure

des cordons latéraux. Dans beaucoup d'eux les cor-

dons latéraux et postérieurs ne furent pas épargnés,

même la substance grise. L'examen microscopique à

un grand grossissement démontra la plus grande inten-

sité du processus au voisinage immédiat de la pie-

mère et un développement exagéré du tissu conjonctif

autour des vaisseaux.

Tout cela mène à la conclusion qu'ici il s'agit

plutôt d'une affection diffuse qui commence aux enve-

loppes. Ainsi sont les cas de Stoffella1, Aufi-echt2,

Strùmpell3, Hopkin4, Madère Minkowsky6 et West-

phal7.

En considérant toutes les remarques faites plus

haut, et les cas de paralysie spastique accompagnés

d'examen anatomique qui ont été publiés, nous pou-

vons les présenter par le tableau suivant : .

1 1Viener ntedic. 117ocheischi,ilt, 1878, no 21.

2 Deillsche mctlic. 11'oyltctasylri/'t, 1880, Il'' 18.

a Ai-eh. f. Psychiatrie, 1880. Bd. X.

1 Bl'ain. Octobre, 1883.

1Viener med. l3lCttter, 1883, no 11.

6 Deiilsçhe Arclt, f. klinische Medicin, 1884. Bd. XXXIV.

7 Arçh. f. Psychiatrie, 1884, Bd. XV.

DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 3t9

320 PATHOLOGIE NERVEUSE.

est suffisant d'après notre opinion, pour expliquer le

substratum anatomique de cette maladie.

Rangeant ces cas d'après des catégories, il faut les

diviser de la manière suivante :

Dans deux cas la moelle épinière ne présentait pas

de changements visibles (à la méthode d'aujourd'hui

d'examen);

Dans deux cas on trouva la dégénérescence secon-

daire des cordons pyramidaux latéraux;

Dans deux cas, sclérose en plaques;

Dans deux cas, myélite par compression;

Dans un cas, myélite transverse;

Dans un cas, myélite aiguë limitée ( ? )

Dans dix cas, sclérose diffuse.

Si nous exceptons deux observations, où un chan-

gement quelconque de la moelle ne fut pas constaté

etqui, à l'état actuel de nos connaissances, ne peuvent

pas être expliqués exactement, il nous reste dix-huit

cas, où nous pouvons apercevoir dans la moelle épi-

nière des lésionséclatantesd'un caractère très différent;

d'après le nombre la première place appartient à la

sclérose diffuse, c'est-à-dire au même processus dans

lequel MM. Ballet et Minor rangent tous les cas

jusqu'à présent connus de maladies primaires systé-

matiques compliquées de là moelle épinière.

ISS3), puisque cette thèse n'existe pas encore il p(.tel'sbourg-. I,tis, dans

le travail que j'ai cité déjà, 11111. Ballet et Minor ont dit qu'ils eurent

occasion de voir les préparations de la moelle épinière que Jnbiueau

(léci-it et ilq li'v Pas (1( Cripotil, la

décrit et ils n'y truuvrent has de changements caractéristiques pour la

sclérose latérale systématique. 11 est il regretter que les auteurs n'aient

pas prononcé d'opinion décisive. Dans le .lalircsllcl'icli de Yirchow, où

nous trouvons quelques mots sur le Innail de JubiniMii, j'ai appris qu'à

l'autopsie du malade, on trouva la leptoméningite au-dessus des lobes

paracentraux. Peut-être Jubineau avait-il à faire il une dégénérescence

descendante secondaire ? .

DES FAUSSES SCLÉROSES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 32 <

Par conséquent, les paroles de M. Charcot qui dit,

au sujet du tableau clinique de la paralysie spastique,

que nous rappelons ce que les auteurs précédents

avaient déjà observé, peuvent être appliquées à la

nature anatomique de la plupart des cas de cette ma-

ladie, puisque, comme on le sait, Ollivier (d'Angers)

qui le premier a décrit les symptômes de la paralysie

spastique, la considère comme une espèce de myélite

chronique 1.

Dans le même fait, nous trouvons aussi l'explication

des combinaisons nombreuses que nous pouvons

observer dans le cours du tabes dorsal spasmodique,

c'est-à-dire des douleurs, des troubles de la vessie et

du rectum, différentes paresthésies et anesthésies

dont l'apparition, d'après l'opinion de MM. Charcot et

Erb, ne contredit pas le diagnostic, si ces symptômes

occupent seulement la seconde place et qui appartient

à ceux qu'on ne peut pas réunir à une lésion des fais-

ceaux pyramidaux. '

Les résultats principaux de cet article peuvent être

formulés de la manière suivante :

1) Jusqu'à présent il n'y a pas d'observation qui

puisse affirmer la supposition de M. Erb de la nature

anatomique de la paralysie spastique;

2) On trouve l'ensemble des symptômes qui caracté-

risent le tableau clinique du tabes dorsal spasmodique

dans les différentes maladies de la moelle épinière;

3) La première place parmi ces affections appar- '

tient à la sclérose diffuse.

,

1 Traité des maladies de la moelle épinière, 1837, t. II.

Anciliviis. 1. X. il

MÉDECINE LÉGALE

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES AU POINT

DE VUE MÉDICO-LÉGAL ; 1

Par le Dr E. MARANDON DE MONTYEL,

Directeur-Médecin en chef de l'asile public d'aliénés de Dijon.

Bien que la science soit riche de documents médico-

légaux relatifs à des affaires d'incendies, à mon avis, la

pyromanie reste encore enveloppée d'obscurité. Ainsi

bon nombre de cas attribués à la monomanie incen-

diaire ne me paraissent rien moins que probants; tels

sont, par exemple, ceux de Klein et de Platner, où,

à côté d'incendies multiples allumés par des faibles

d'esprit, se trouve un mobile plus ou moins futile, il est

vrai, mais suffisant à les expliquer. L'absence de mo-

bile n'est-elle donc pas la caractéristique essentielle,

le signe pathoguomonique de l'impulsion irrésistible ?

Sans entrer dans des détails sur sa nature psycholo-

gique, qu'on voie en elle, avec Jacobi et presque tous

les auteurs une force intérieure, une influence occulte,

inexplicable, forçant la volonté, ou, ainsi que je l'ai

exposé dans ce Recueil, à propos de la folie avec

conscience, une perversion de la sensation, de l'émo-

tivité ou de la représentation mentale, je me demande

comment elle aura jamais pour but de satisfaire une

pensée de jalousie, de haine ou de vengeance. Irrésis-

tibilité et intérêt ne sont-ils donc pas deux termes qui

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 323

s'excluent en pathologie mentale ? D'un autre côté, la

futilité du mobile ne milite pas en faveur del'impulsion.

Que prouve, en effet, cette futilité ? ou un état d'irrita-

bilité émotive amenant une réaction disproportionnée

à l'impression ou un affaiblissement intellectuel mas-

quant les suites graves de l'acte commis ou une per-

version morale avide du moindre prétexte à mal faire.

Eu dehors de ces trois états morbides, on chercherait

en vain une explication, car s'il était vrai que ces in-

cendiaires cédassent à une impulsion irrésistible, la

présence du mobile prouverait qu'ils ont mis leurs im-

pulsions morbides au service de leurs passions et qu'ils

ont satisfait celles-ci à l'aide de celles-là. -Les accusés

qui auraient allumé plusieurs incendies, comme dans

mes observations, pour compromettre un ennemi,

trouver des occasions de boire, ou se venger de taqui-

neries, s'ils avaient été impulsifs au feu, n'auraient

fait autre chose qu'utiliser leur affection mentale pour

assouvir leur soif d'alcool et de rancune. Or, cette

hypothèse, absurde déjà par elle-même, est réfutée'

encore par la lutte qui s'établit chez le monomane in- v

cendiaire entre la partie saine et la partie morbide de

son intellect. Chacun sait que ces infortunés luttent

longtemps et ne cèdent que vaincus par la maladie.

Ils ne sauraient donc tendre qu'à la satisfaction de

cette maladie elle-même, d'autant plus que le besoin

qui les pousse naît exclusivement en eux et par

eux et que, sans attache aucune avec l'extérieur,

il n'est jamais une correspondance, un ajustement de

relations internes perverties à des relations externes

morbidement interprétées.

Ainsi les données générales de la pathologie des

324 MÉDECINE LÉGALE.

impulsions établissent à priori que les incendies mul-

tiples à mobiles futiles relèvent de toute nécessité d'un

état psychique autre que les incendies multiples sans

mobiles; que si ces derniers résultent de la pyromanie,

les premiers, indépendants de cette forme mentale,

sont le produit d'un affaiblissement intellectuel, d'une

perversion morale ou d'une irritabilité émotive. Or,

la clinique, c'est-à-dire l'analyse psychologique des

états mentaux de ces deux catégories d'incendiaires,

confirme en tous points la distinction sur laquelle

j'appelle de nouveau l'attention, après Bucknill; elle

démontre qu'à côté de certains caractères communs

qui, frappant vivement l'attention, porteraient à fu-

sionner tous ces accusés en un seul groupe, existent

des différences mentales essentielles, quoique plus

cachées, qui les séparent nettement.

Quand on s'en tient, en effet, à un examen que

j'appellerai extrinsèque, à un examen relatif aux anté-

cédents personnels et de famille, aux conditions d'âge,

d'état mental habituel, aux circonstances des incendies,

à la conduite tenue durant les sinistres et après, on

ne trouve le plus souvent aucune différence entre

les incendiaires sans mobile et les incendiaires à

mobile futile. Les uns et les autres sont d'ordinaire

des héréditaires vésaniques à l'Age de la puberté, et,

habitants de la campagne, ils ont la réputation d'être

faibles d'esprit; ils incendient au hasard de l'occasion ;

ils mettent de préférence le feu dans des objets faciles

à s'enflammer; ils opèrent surtout le dimanche à la

sortie du cabaret; ils contribuent à limiter le mal qu'ils

ont fait; ils sont enfin rusés et menteurs. A s'en tenir

donc à ces caractères communs, on les dirait frères

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 325

dans la maladie, et c'est ce qui explique la con-

fusion faite par tant d'auteurs. Aussi, quand M. Motet

a écrit : « Toutes les fois qu'à la campagne, dans un

village, dans une commune, des incendies se répètent

à des intervalles rapprochés, c'est qu'il existe un

garçon, une fille, à développement physique ou intel-

lectuel incomplet : idiot, imbécile ou épileptique. C'est

sur cet infirme que doivent porter les soupçons », il a

formulé une grande vérité, mais son tort a été de

croire que ces garçons ou ces filles à développement

physique ou intellectuel incomplet qui, à la campagne,

dans un village, dans une commune, allument des

incendies à des intervalles rapprochés, font tous partie

d'un même groupe.

C'est là son tort, car l'analyse psychologique de ces

incendiaires les montre sous deux aspects mentaux

différents. Ceux qui ont agi sans mobile, quand ils

entrent dans la voie des aveux, donnent des détails

psychologiques qui ne laisseut aucun doute sur l'exis-

tence d'une impulsion irrésistible. Ceux qui, au con-

traire, ont cédé à un mobile futile, s'ils se décident à

parler, sont incapables de fournir le moindre rensei-

ment sur une modification quelconque de leur être

physique ou psychique au moment où ils exécutaient

leurs méfaits. Ils vous exposeront les motifs plus ou

moins légers auxquels ils ont cédé, mais ils ne vous

parleront pas, comme les premiers, de leur lutte contre

le mal qui les enlaçait et les entraînait malgré eux,

de leurs maux de tête, de leurs bourdonnements

d'oreilles, de leur oppression pectorale et cordiale,

de leurs angoisses, de leurs inquiétudes et puis de leur

satisfaction intime après l'accomplissement du crime.

326 MÉDECINE LÉGALE.

Ils raconteront seulement qu'ils avaient peur d'être

vus, qu'ils prenaient toutes les précautions pour n'-être

point découverts.-

Eh bien ! ne serait-il pas antiscientifique de réunir

en un seul groupe ces deux catégories d'incendiaires

à états mentaux si différents ? Voir dans les incendiaires

à mobile futile des impulsifs au feu, ce serait voir dans

l'impulsion une idée morbide isolée, susceptible de

surgir au milieu d'un état psychique par ailleurs sain,

doctrine réprouvée par la psychiatrie contemporaine.

L'impulsion irrésistible, dit avec raison M. Dagonet,

ne peut certainement pas être le caractère unique de

la maladie, elle en est seulement le symptôme le plus

apparent ; elle se rattache a un ensemble pathologique.

Or, j'ai dit que cet ensemble pathologique, cons-

tant chez les incendiaires sans mobile, ne se retrouvait

pas chez les incendiaires à mobile futile.

D'où viennent pourtant les caractères communs que

j'ai signalés ? Comment expliquerces ressemblances, qui

ont induit en erreur taut d'auteurs, avec des états men-

taux au fond radicalement différents ? Tout d'abord il

n'est pas surprenant que ces incendiaires soient d'or-

dinaire, les uns et les autres, héréditaires, faibles d'es-

prit et pubères. La pyromanie, le faitest établi, apparaît

de préférence chez les êtres psychiquement incomplets,

et, d'un autre côté, il est facile de comprendre que ces

êtres sont aussi les mieux préparés à allumer des incen-

dies sous l'influence de causes dépourvues de gravité.

Or, lesêtres incomplets tiennent le plus souvent leur mal

de l'hérédité. La pyromanie est aussi l'apanage de la

puberté, et la puberté est pour les faibles d'esprit l'âge

de la perversion morale et de l'irritabilité émotive, deux

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 327

autres grandes causes des incendies à mobile futile.

En outre, si les auteurs de ces derniers sinistres, à

l'instar de l'impulsif au/eu, opèrent le dimanche après

la sortie du cabaret, c'est 'que l'alcool, pour celui-là

comme pour celui-ci, ainsi que pour tout le monde et

les héréditaires vésaniques en particulier, est très mau-

vais conseiller ; s'il marche au feu, c'est qu'il fait par

ruse, pour n'être pas soupçonné, ce que l'autre fait par

commisération ; enfin, si souvent, semblable au pyro-

mane, il incendie des gens contre lesquels il n'a aucun

motif de haine, la cause en est dans la futilité même

du mobile. Ainsi, des trois accusés dont je rapporte

plus loin l'histoire, deux ont mis le feu chez des per-

sonnes auxquelles ils ne voulaient aucun mal; mais

l'un cherchait des occasions de boire, l'autre s'effor-

çait de compromettre un cousin, son ennemi. Qu'im-

portent, dans ces cas, les gens et les objets incendiés !

Aussi, pour atteindre plus facilement leur but, ils met-

taient le feu au hasard, à la fortune de l'occasion et

dans des matières promptes à s'enflammer. On voit

donc combien les caractères communs à ces deux

catégories d'incendiaires prouvent peu leur identité

mentale.

En entrant dans ces longs développements, je n'ai

pas eu en vue une simple distinction clinique qui, bien

qu'ayant sa valeur, ne les justifierait peut-être pas,

j'ai surtout désiré établir une division médico-légale

des héréditaires faibles d'esprit, coupables d'incendies

multiples. En effet, s'il est incontestable que les vrais

pyromanes, c'est-à-dire les incendiaires sans mobile

sont irresponsables, à mon avis, il n'en est pas de

même dans tous les cas des faux pyromanes, c'est-à ;

328 MÉDECINE LLGALL.

dire des incendiaires à mobiles futiles. Déclarer avec

la plupart des aliénistes que les uns et les autres sont

des impulsifs, c'est les faire bénéficier tous de l'exo-

nération pénale; accepter la division que je propose

et que j'espère avoir justifiée, ce serait absoudre les

uns et livrer à la justice^ beaucoup^ des autres. L'im-

portance du résultat, s'il était acquis, justifierait mon

travail, car il importe, au plus haut degré, que la

médecine légale de la folie ne verse dans aucune exa-

gération et soit l'application stricte des données de la

clinique.

Est-il donc vrai, ainsi que je le crois, qu'un certain

nombre d'incendiaires à mobile futile, recrutés parmi

les héréditaires vésaniques faibles d'esprit soient res-

ponsables de leurs crimes, quel que soit le nombre de

ceux-ci. Je me suis efforcé d'établir que l'impulsion

irrésistible était étrangère à leur conduite et que seul

l'affaiblissement intellectuel, alliéounon à la perversion

morale et à l'irritabilité émotive pouvait être invoqué

à leur faveur. Mais il est d'opinion commune qu'en

médecine légale ces trois états n'entraînent pas de

plein de droit l'irresponsabilité, car ils existent à des

degrés divers qui laissent plus ou moins intacte la saine

appréciation des actes. Donc, tandis que l'impulsif au

feu est toujours irresponsable, l'incendiaire à mobile

futile -devra être minutieusement examiné au triple

point de vue de son développement intellectuel, de ses

facultés morales et émotives et sera, selon le résultat

de cet examen, responsable ou irresponsable. Tel est

le principe que je voudrais faire prévaloir. Puisse cette

modeste étude appeler de nouveau l'attention sur cette

question .que Bucknill a déjà signalée dans sa Psycho-

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 32

logie morbide, quand il remarque qu'en examinant un

grand nombre de cas de pyromanie, on est forcé d'ad-

mettre qu'il s'en rencontre beaucoup qui n'ont aucun

rapport avec les formes d'aliénation instinctive ou

impulsive, tels ceux qui relèvent de certains mobiles,

comme la vengeance. Il est regrettable que cette doc-

trine n'ait pas trouvé plus d'adhérents. M. Motet, il est

vrai, dans l'article pyromanie du Nouveau Dictionnaire,

le plus récent quiait parusur ce sujet, aprèsavoir parlé

des aliénés conduits à des incendies par le délire ou

des impulsions irrésistibles cite quelques exemples pour

montrer une autre catégorie d'incendiaires dont l'in-

telligence, ajoute-t-il, peut bien n'être pas normale,

mais dont on n'est pas en droit de dire que ce sont des

imbéciles ou des aliénés. Malheureusement, à cette

occasion, le savant aliéniste ne pose aucun principe

général. Il se borne à écrire que la vérité sur cette

question comme sur beaucoup d'autres en médecine

légale ne peut être dégagée que par l'examen le plus

attentif, l'observation la plus patiente et il termine en

remarquant que les déviations, les perversions intel-

lectuelles ne sont pas la folie et que ce serait créer un

danger social que d'exonérer de responsabilité les in-

cendiaires qui les présentent. Malheureusement encore

les exemples qu'il donne ne sont point des exemples

d'incendies multiples commis dans des circonstances

et par des individus qui rappellent en tous points la

pyromanie et les pyromanes. Il n'est donc pas inutile

de publier quelques cas de ce genre. Si les considé-

rations qui précèdent sont erronées, les faits reste-

ront.

330 MÉDECINE LÉGALE.

Observation I. - Six incendies. Accusé faible d'esprit.

Hérédité maternelle. - Mobile des crimes : le désir de se

venger d'un cousin en le faisant passer pour l'auteur des sinis- : res. - Caractères extrinsèques de la pyromanie au complet.

Responsabilité atténuée. Condamnation à cinq ans de

travaux forcés.

En 18R ? , six incendies éclatèrent dans le village de Charrez

en plaine, petite commune de quatre cents âmes. Ces six incen-

dies avaient, si on peut ainsi dire, un air de famille qui les

faisait attribuer à une même main. Ils avaient éclaté soit un

dimanche, soit un jour de fête; entre dix heures et minuit,

heures de la sortie du café ou du bal ; dans des objets faciles à

à s'embraser et n'exigeant que l'approche d'une allumette, tels

que fagots de paille ou d'osiers, toitures de chaume.

Trois jours après le premier sinistre, un propriétaire de la

localité trouvait dans sa cour une lettre de menaces d'incendie

signé du nom de Claudius Saron, cousin de Claude Saron,

l'accusé. Or les deux cousins avaient entre eux des rapports

tendus. Brouillés pour des affaires d'intérêts, ils se disputaient,

s'injuriaient souvent, se battaient même à l'occasion. Les

experts constataient entre l'écriture du prévenu et celle de la

lettre les analogies les plus sérieuses, bien que, ont-ils déclaré,

l'écriture du billet fut très habilement contrefaite.

D'un autre côté, Claude Saron, dans ses conversations dési-

gnait son cousin Claudiuscommeun homme capable de mettre

le feu par méchanceté, et s'efforçait d'entretenir et d'accroître

les soupçons qu'avait fait naître contre lui la lettre trouvée,

lettre qui intriguait de plus en plus la commune, à mesure que

les incendies se multipliaient.

Le sixième incendie avait éclaté le 19 novembre; l'enquête

judiciaire n'avait pas plus abouti pour celui-là que pour les cinq

précédents, quand, le 22 novembre, une lettre anonyme de-

nonça Claude Saron. Pris en flagrant délit de mensonge, il se

troubla, puis avoua le dernier sinistre, ajoutant qu'il ignorait

les motifs qui l'avaient poussé à cet acte criminel et qu'il était

alors sous l'influence de la boisson. Il fut arrêté; aussitôt se

produisirent une foule de dépositions qui montraient en lui

l'auteur non seulement du crime avoué, mais des cinq autres.

Les premiers aveux du prévenu furent faits devant le juge de

paix et la gendarmerie; il les renouvela devant le magistrat

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 331

instructeur à la date du 28 novembre et du 28 décembre. Ces

dépositions se résumaient ainsi : « Je n'ai pas mis le feu par

méchanceté; ni moi, ni ma famille nous n'avons à nous plain-

dre de la victime. Ça m'a pris tout d'un coup; en passant devant

la maison, l'idée m'est venue de mettre le feu et je l'ai fait en

allumant à ma pipe une allumette que j'ai approchée du toit

en chaume, puis j'ai travaillé à l'éteindre avec les autres. En

mettant le feu j'étais en ribotte. Je ne connais pas l'écriture

de la lettre de menaces d'incendies signée du nom de mon

cousin. Aux autres incendies, je suis allé au feu, mais je vous

réponds que ce n'est pas moi qui les ai allumés. »

Cet homme qui s'accusait, puis se défendait si naïvement était

par la ligne maternelle, un héréditaire vésanique, et, dans son

village était réputé faible d'esprit. Une enquête spéciale, faite

sur ma demande, recueillit des renseignements très précis sur

la lignée paternelle et maternelle de l'accusé.

Dans la famille du père il n'y avait à relever qu'une myopie

héréditaire : Saron père est myope, Claude Saron l'est, ainsi

qu'un jeune frère de huit ans.

Du côté de la mère, les antécédents étaient autrement

sérieux. Deux frères de la grand' mère maternelle avaient été

aliénés : l'un a été atteint de délire hypochondriaque, l'autre

d'exaltation maniaque avec perversion des instincts. Une cou-

sine germaine de la mère du prévenu, d'une immoralité révol-

tante, était kleptomane ; un cousin germain a une fille qui a eu

des accidents épileptiformes à la convalescence d'une angine

grave. La mère elle-même de l'accusé, très nerveuse, est

sujette à de fréquentes migraines. Enfin, dans la famille

maternelle de Claude Saron, les branches collatérales sont

riches en tuberculeux et souffrent d'une mortalité excessive de

la première enfance.

Au point de vue intellectuel, tous ceux qui connaissaient

Claude Saron déclarèrent au magistrat instructeur qu'il était

faible d'esprit, et parmi les témoins se trouvait l'instituteur du

village qui avait été son précepteur. Il était certain néanmoins,

car ici les témoignages étaient tout aussi unanimes, - que

jamais Claude n'avait présente de signes ostensibles d'aliéna-

tion, et il était encore certain qu'il aidait et suppléait son père-

Saron employait son fils à son huilerie, l'envoyait en tournée

dans les villages chercher des colzas chez les habitants pour

leur fabriquer leur huile, le chargeait de la leur apporter, et

332 MÉDECINE LÉGALE.

d'en vendre aux autres. Dans ces tournées, c'était lui qui

encaissait le prix des ventes et les rétributions pour la fabrica-

tion. De même pour la culture, c'était lui encore qui labourai i

et ensemençait. - -

Le caractère de Claude Saron était doux. Il était bon cama-

rade, pas batailleur ; les témoins déclaraient tous ne pas con-

naitre, avant les incendies, un seul acte de méchanceté à s.i

charge. Il n'avait pas de mauvais instincts; toutefois, il aimait

assez fréquenter les cabarets le dimanche et supportait mal les

boissons.

J'ai visité Claude Saron deux fois à la prison. Lt

prévenu était un jeune homme de dix-huit ails; le crâne bien

conformé, la physionomie pas désagréable. Très ému de ma

visite, l'accusé ne tarda pas à pleurer dès que je l'interrogeai

sur les incendies de Charrez ; son émotion et ses sanglots

furent tels que j'avais grand'peine à obtenir de lui des

réponses intelligibles. Il protesta vivement de son innocence,

gémit d'avoir été arrêté pour un autre, accusa la gendarmerie

de l'avoir odieusement trompé. A l'entendre, il se serait

reconnu l'auteur du dernier incendie, confiant dans les pro-

messes des gendarmes qu'un aveu seul pouvait lui rendre la

liberté. Quant à la lettre qui l'avait dénoncé, il l'attribuait à

une vengeance exercée par quelqu'un qu'il ne voulait pas

nommer. Négations absolues et réilérées, telle était sa

défense.

Une longue conversation me convainquit de l'exactitude de

l'appréciation des gens de sa commune : l'intelligence était au-

dessous de la moyenne, toutefois Claude Saron avait reçu une

instruction primaire complète; il paraissait très au courant de

son métier d'huilier. Il se faisait une idée exacte de ses devoirs

vis-à-vis de la société, aussi comprenait-il la portée morale et

sociale des actes dont il était accusé. Je ne constatai chez lui

aucun trouble intellectuel.

Huit jours après, à ma seconde visite, l'accusé toujours ému

et pleurant, persista à nier. Il fut, cette fois, très affirmatif

relativement à la lettre anonyme qui le dénonçait. Il l'attribua

à son cousin Claudius, avec lequel, dit-il, il vivait en très

mauvaise intelligence. Claudius, s'imaginant que les parents

de Claude dépouillaient peu à peu leur grand'mère maternelle

et attiraient de leur côté l'héritage, leur en voulait. Il aurait

même frappé Claude en le menaçant de mort. L'accusé me

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 333

mit ainsi au courant des inimitiés qui divisaient les deux

branches de la famille, des raisons qu'elles avaient de se

détester et de se venger.

Sur ma demande, Claude Saron fut placé pendant deux mois

à l'asile. Cette longue observation ne m'apprit rien de nouveau :

L'accusé persista dans son système de négations et ne laissa

percer ni hallucinations, ni trouble intellectuel, ni perversion

instinctive. On aurait pu se croire en présence d'un homme

raisonnable, innocent des crimes qu'on lui reprochait. J'ai pu

toutefois m'assurer encore de l'infériorité intellectuelle de ce

jeune homme. Il comprenait parfois difficilement ce qu'on lui

disait et donna des preuves d'une grande crédulité.

On trouve dans cette affaire tous les. caractères

signalés par les auteurs comme symptomatiques de la

monomanie incendiaire. Les incendies sont allumés au

hasard, à la fortune de l'occasion; à la hâte, sans

grande préméditation; dans des objets faciles à s'en-

flammer et n'exigeant que l'approche d'une allumette.

Ne dirait-on pas qu'ils sont l'oeuvre d'un malade, pris

d'un besoin subit de voir des flammes et qui le satis-

fait le plus promptement possible dans les conditions

les plus expéditives ? Il n'y a pas jusqu'aux heures et

aux jours mêmes des sinistres qui ne militent en

faveur de la maladie; entre dix heures et minuit, les

dimanches et jours de fète, c'est l'instant ou plaisirs

et boissons ont rendu l'esprit plus accessible à toutes

les suggestions. Or, en fait, un très grand nombre de

pyromanes ne cèdent à leur penchant maladif que

sous l'influence de l'alcool, dans le premier degré de

l'ivresse, dans cet état caractérisé par la surexcitation

des instincts bons ou mauvais. La conduite de l'accusé

est non moins significative. Incendiaire, il éteint les

incendies qu'il a allumés; criminel l'instant d'avant,

le voilà devenu bienfaisant tout comme un impulsif,

334 MÉDECINE LÉGALE.

qui, son besoin morbide satisfait, éprouve un grand

soulagement, revient à lui, regrette le mal et s'efforce

de le réparer. Arrêté, après un premier aveu échappé à

l'émotion, Claude.Saron nie tout, refuse de donner

le moindre détail sur ce qui s'est passé en lui; puis il

ruse, se pose en victime d'uuedénonciationcalomnieuse,

nouvelle ressemblance avec le pyromane qui, de tous

les impulsifs est le moins franc, le plus enclin à dissi-

muler quand les soupçons se portent sur lui. Si nous

considérons le coupable eu lui-même, nous trouvons

encore d'autres similitudes : il a dix-huit ans, l'âge de

la pyromanie; il a le caractère sombre et peucommu-

nicatif, ordinaire à l'impulsif au feu; bien plus, il a la

réputation d'être faible d'esprit, et par sa mère il est

héréditaire vésanique !

Eh bien ! toutes ces apparences sont trompeuses,

Claude Saron n'est pas un pyromane, il n'a pas agi

sous le coup d'une impulsion irrésistible, mais dans

uu but parfaitement déterminé. En effet, brouillé avec

Claudius pour des affaires d'intérêt, cause ordinaire

des haines entre paysans, menacé et battu par lui,

désireux de se venger, mais trop faible pour attaquer

de front, Claude Saron met le feu une première fois;

puis, trois jours après, quand tous s'interrogent et

recherchent le coupable, il écrit une lettre compro-

mettante qu'il signe du nom abhorré, puis la jette

dans une cour où elle sera certainement ramassée. Le

village s'émeut; une enquête s'ouvre sur cette lettre

qui fait soupçonner un innocent;. lui, profitant de cette

émotion, de ces soupçons, met de nouveau le feu pour

les entretenir comme il les a créés. Son. but est atteint,

ils redoublent d'intensité. Il cause alors de son cousin,

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 335

le représente comme un homme capable d'incendier.

Je le demande, où trouver maintenant place pour l'im-

pulsion ? Tous les actes n'ont-ils pas une explication

rationnelle en dehors d'elle ? Le mobile qui a armé la

main de Claude n'est-il pas un mobile passionnel

d'ordre physiologique, mobile calculé de haine et de

vengeance ?

Pourtant il m'a été impossible d'avoir la preuve

clinique directe que Saron n'était pas un impulsif au

feu. Malgré une observation continue de plusieurs

mois, en dépit de mes insistances, l'accusé ne s'est

jamais trahi, a persisté dans son système de dénéga-

tions et je n'ai pas pu obtenir de lui l'aveu de ce

qu'il éprouvait au moment des crimes. J'ai été plus

heureux dans les deux cas suivants.

La pyromanie écartée, je dus rechercher si les crimes

du prévenu ne se justifiaient pas par la perversion

morale, l'irritabilité émotive ou l'affaiblissement in-

tellectuel. Les deux premières affections mentales

étaient exclues aussi bien par les renseignements de

l'instruction que par l'examen direct; restait l'affai-

blissement intellectuel. Mettre six fois le feu dans le

but d'incriminer un cousin germain avec lequel on a

des démêlés ne peut guère être que l'oeuvre d'un

faible d'esprit; or nous savons que, dans sa commune,

Claude Saron passe pour tel. Mais quel était le degré

de cette faiblesse d'esprit. Etait-elle telle que le pré-

venu incapable d'apprécier la purtée morale et sociale

des crimes commis, devait être déclaré irresponsable ?

Je ne le vois pas. D'abord tout l'examen direct

prouvait le contraire; ensuite, il me paraissait irration-

nel de déclarer imbécile irresponsable un jeune homme

336 MÉDECINE LÉGALE.

qui avait reçu une instruction primaire complète, qui

suppléait et remplacait son père soit comme huilier,

soit comme cultivateur.

Toutefois, vu sa faiblesse d'esprit, vu l'hérédité ma-

ternelle qui pesait sur' lui, j'ai demandé et obtenu des'

circonstances atténuantes. Claude Saron n'a été con-

damné qu'à cinq ans de travaux forcés.

Observation II.()Ma'e incendies. - Accusé d'une intelligence

bornée. - Hérédité possible, mais non certaine. - Deux

incendie* allumés par vengeance, en partie non fondée; deux

pour avoir des occasions de boire. Principaux caractères

extrinsèques de la pyromanie. - Allégation fausse d'une

incontinence nocturne et diurne d'urine avec morsures de la

langue et inconscience ae certains actes.- Responsabilité.

Condamnation à douze ans de travaux forcés.

En 1883, quatre incendies éclatèrent à Binges, petite com-

mune de 500 âmes. Tous les quatre avaient été allumés un

dimanche soir et avaient pris dans de la paille ou des tas de

tisses. Berger, domestique, que des paroles imprudentes signa-

gnalèrent à la justice, fut arrêté. Sur les instances du ma-

gistrat instructeur, après bien des hésitations et des réticences,

il se reconnut coupable et raconta toutes les circonstances des

crimes qu'il avait prémédités et exécutés avec tant d'adresse,

que, sans ses conversations compromettantes, on ne l'aurait

jamais soupçonné. D'après ses aveux, Berger, par les deux

premiers incendies, avait voulu brûler une maison, sa propre

propriété, dont il accusait à tort le notaire de la commune

de l'avoir dépossédé; il désirait aussi, par ce moyen, se venger

de ce notaire qui avait opéré une saisie sur ses appointements.

Les deux autres fois, l'accusé, très adonné à la boisson, avait

incendié au hasard pour avoir des occasions de boire, ayant

remarqué, lors des premiers sinistres, la libéralité de la

municipalité.

Ainsi le prévenu reconnaissait lui-même que deux mobiles

l'avaient poussé : -la vengeance et l'ivrognerie. En effet, au

dire de tous, Berger était un ivrogne, avide de toutes les oc-

casions de boire. De nombreux témoignages établissaient en

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 337

outre que, durant les incendies, l'accusé ne travaillait pas, et

se bornait à procurer aux pompiers des rafraîchissements aux-

quels il prenait une large part. Enfin, à diverses reprises,

après les deux premiers sinistres, on avait entendu le prévenu

dire : « Je voudrais bien que le feu prenne de nouveau pour

boire de bons coups ». ,

Les renseignements, recueillis par l'instruction sur les an-

técédents de Berger, établissaient que sa haine contre le no-

taire était en partie fondée. Après avoir reçu une instruction

primaire complète, il travailla chez ses parents, qui étaient

petits propriétaires. Il se maria à vingt-neuf ans, mais deux

ans après, sa femme le quitta à cause de sa belle-mère.

Berger, loin de s'opposer à ce départ, ne s'occupa jamais ni

de son épouse, ni de ses deux enfants. Après cette séparation,

l'accusé qui, de tout temps, avait été paresseux et porté à

boire, le devint de plus en plus. Les affaires ne prospérèrent

pas ; obligé d'hypothéquer le peu qu'il possédait, il emprunta

500 fr. au notaire de la commune. En 1878, pour gagner unpeu

d'argent, il sollicita le poste de facteur rural, et l'obtint; mais

ses nouvelles fonctions développèrent, plus encore que par le

passé, ses habitudes d'ivrognerie et ses affaires ne se relevèrent

point. Le notaire saisit alors ses appointements et loua les

biens sur lesquels il avait hypothèque. Cette mesure mit le

comble à l'exaspération de Berger qui, peu au courant des

affaires, vit dans cette location à un tiers la preuve d'une ex- 1

propriation. L'accusé ne dissimula plus dès lors ses sentiments

de haine et de vengeance ; souvent on l'entendit murmurer

qu'il mettrait le feu à sa maison, et que ceux qui l'avaient

n'en profiteraient pas.

Une circonstance fâcheuse était venue, d'ailleurs, ajouter

encore à l'amertume de sa situation. A la fin de janvier 1883,

il fut révoqué de son emploi de facteur pour négligence dans z

son service. Il dut, pour vivre, se mettre en condition. Il devint

ainsi domestique dans la commune même où il avait été pro-,

priétaire. Alors sa haine devint plus violente, d'autant plus

que souvent on lui reprochait sa ruine, on l'accusait d'avoir

été victime de ses vices, de son ivrognerie et de sa paresse. Il .

s'adonna, plus encore que par le passé, aux alcools.

Berger eut toutefois comme domestique un service excellent,

tandis que facteur, il s'était montré très indélicat. Déjà, à

cette époque, pour se procurer les moyens de boire, il s'ac-

Archives, t. X. : t2

338 MÉDECINE LÉGALE.

quittait mal des commissions, détournant l'argent ou les

objets confiés; une fois même il fit un faux.

Au point de vue des facultés intellectuelles, Berger avait la

réputation d'un esprit borné ; telle fut aussi l'opinion qu'il

laissa de lui dans l'administration des postes ; mais tous ceux

qui l'ont connu affirmaient que jamais il n'avait donné aucun

signe d'aliénation mentale.

Le prévenu, dans ses longs et nombreux entretiens

avec moi, m'a donné sur ses crimes trois explications diffé-

rentes. Il a commencé par me dire : « C'est une idée qui me

passait par la tête ». Je lui ai alors demandé d'entrer dans les

détails, de me raconter ses sensations quand cette idée s'em-

parait de lui, puis enchaînait sa volonté. Berger me répondit

qu'il n'éprouvait rien à ces deux moments ; mais que, le feu

mis, de peur d'être vu, il tremblait de frayeur. Ebranlé par

mon incrédulité, l'accusé m'avoua peu après les mobiles de

ses crimes, tels qu'il les avait exposés au juge d'instruction.

Il me raconta que ses sentiments de vengeance haineuse ac-

quéraient plus d'empire sous l'influence de l'excitation alcoo-

lique et aussi que, après un léger excès, il éprouvait un besoin

de boire davantage, d'avoir plein son soûl, selon son expres-

sion, et alors il cédait à ses rancunes et à sa soif. Enfin, habile

à profiter de mes questions, il insinua par la suite que s'il

avait mis le feu par vengeance et par désir de boire, c'était

aussi et surtout pour le plaisir de voir des flammes et les gens

accourir au secours.

Un examen minutieux et prolongé ne me permit de cons-

tater chez lui ni hallucinations, ni conceptions délirantes,

ni perversion morale. Berger me parut un homme rusé ,

doué de l'intelligence ordinaire des gens de la campagne.

. Je le questionnai sur ses antécédents personnels et ceux de

sa famille. Berger me dépeint sa mère comme une femme

extrêmement nerveuse, qui, à la moindre contrariété, entrait

en état de surexcitation, et était contrainte de garder le lit

des mois entiers. 11 ajouta qu'une demoiselle Lapos..., sa

cousine germaine, dont le père fut grand buveur, était morte

aliénée à l'asile de Dijon. En ce qui le concernait, d'après son

récit, il n'avait jamais été malade ; vers l'âge de douze ans, il

avait seulement eu de grands maux de tête ; mais il insista

beaucoup sur une infirmité qui le tourmentait depuis son en-

fance ; il avait, disait-il, une incontinence d'urine nocturne

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 339

et diurne. A l'entendre, il lui arrivait, même la journée,

d'uriner dans son pantalon sans s'en apercevoir : « Je sens

ma chemise mouillée, et alors je vois que j'ai pissé de-

dans ». Pareil accident lui arrivait pour le moins une ou deux

fois par mois. Toutefois, depuis son arrestation, rien de tel

ne s'était produit. Sur mes questions, il me fournit les ren-

seignements suivants : Il n'avait jamais eu ni vertiges, ni

étourdissements, mais parfois il se trouvait le matin avec la

langue mordue ; il était obligé de se lever cinq ou six fois la

nuit pour uriner ; bien plus, il laissait quelquefois tomber

les objets qu'il tenait à la main sans s'en douter, et il se sou-

venait parfaitement, dit-il, qu'un jour, cette chute inconsciente

des objets avait coïncidé avec une incontinence d'urine tout

aussi inconsciente. Enfin, en 1871, il aurait été réformé sur

un certificat du Dr W..., constatant sa malheureuse infirmité.

Je pourrais, d'ailleurs, m'ajouta-t-il, me renseigner soit auprès

de sa femme qui, pendant deux ans, avait partagé son lit et

lavé son linge, soit auprès de M. le docteur Adam, qui avait

soigné sa mère.

En présence de ces graves renseignements, je priai le ma-

gistrat instructeur de prescrire immédiatement une enquête

et de me mettre en relation avec la femme de l'accusé. Le

démenti le plus formel a été donné aux allégations de Berger.

Le docteur Adam a déclaré qu'il était depuis vingt-trois ans le

médecin de la famille, et qu'il n'avait jamais constaté chez

les divers membres rien qui eût trait à une faiblesse d'esprit

ou à une tendance à l'aliénation mentale. Comme militaire,

Berger, lors du tirage au sort et en 1871, avait été dispensé

à titre de soutien de famille et n'avait jamais été réformé,

à preuve que, depuis la mort de ses parents, il avait accompli

une période de vingt-huit jours en 1875, et une autre pé-

riode de treize jours en 1878. En ce qui concerne les absences

durant lesquelles il laissait tomber inconsciemment les objets,

de tous ceux qui l'avaient connu et fréquenté, personne ne

s'en était aperçu. Quant à l'incontinence nocturne, un do-

mestique qui couchait avec Berger a déclaré qu'en un an, il

avait uriné une fois au lit la nuit, par suite d'ivresse ; l'incon-

tinence diurne a été énergiquement niée, par, tout le monde.

Toutefois il était vrai qu'une demoiselle Lapos... , morte

aliénée, était sa cousine germaine, et qu'en 1871, le docteur

W... lui avait délivré un certificat établissant l'existence, de-

340 MÉDECINE LÉGALE.

puis son enfance, d'une incontinence nocturne et parfois

diurne.

J'ai interrogé moi-même M ? Berger. Elle a démenti en tous

points le récit de son mari, témoignage qui ne pouvait laisser

aucun doute, puisque, pendant deux ans, cette femme avait

cohabité avec lui. Malgré les répugnances de M-6 Berger,

j'obtins d'elle une confrontation avec le prévenu. L'accusé,

qui n'avait pas vu sa femme depuis plusieurs années, se

troubla en sa présence. Quand il entendit ses démentis éner-

giques, il perdit contenance et avoua tout. Réellement atteint,

jusqu'à l'âge de seize ou dix-sept ans, d'une incontinence

d'urine, depuis une vingtaine d'années il était guéri de cette

infirmité. En 1871, il était marguillier; le curé de Binges,

d'accord avec sa mère, avait écrit au docteur W... pour lui

demander un certificat d'exemption de service militaire, en

lui affirmant la persistance de l'incontinence. Le docteur W...

s'en était rapporté au témoignage du curé et avait certifié.

Convaincu que ce certificat avait surtout contribué à l'exonérer

en 1871 du service militaire, Berger avait eu l'idée d'utiliser,

pour se soustraire à la cour d'assises, ce moyen qui, dans

sa croyance, lui avait si bien réussi une première fois. Quant

aux absences dont il avait parlé, aux morsures de la langue et

à la chute des objets, il avait saisi, dit-il, l'importance de cer-

taines de nos questions et s'en était servi.

Ici encore, on retrouve, sinon tous du moins un

grand nombre des caractères extrinsèques de la pyro-

manie. Comme les pyromanes, Berger a la réputation

d'être faible d'esprit ; il incendie des objets faciles à

s'enflammer, tels que paille et tisses; il met le feu

deux fois chez des gens auxquels il ne veut aucun

mal, et, détail caractéristique, deux fois, dans sa propre

maison; il opère toujours le dimanche soir à la sortie

du cabaret; si, paresseux, il ne contribue guère à res-

treindre le mal qu'il a fait, il court du moins au feu

avec les autres.

Il n'est pas certain qu'il soit héréditaire vésanique.

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 341

A cet égard les renseignements sont incomplets. Le

docteur Adam; qui connaît les Berger depuis vingt ans,

n'a vu parmi eux, il est vrai, ni aliéné ni faible d'esprit

mais la famille maternelle est originaire de Metz et je

n'ai pu me renseigner sur elle. D'un autre côté, une

cousine germaine aliénée est morte à l'asile; le père

de cette malade buvait, c'est encore vrai, mais je n'ai

pu davantage connaître si les excès avaient été anté-

rieurs ou postérieurs à la naissance desa fille. La ques-

tion d'hérédité reste donc douteuse. Quoi qu'il en soit

sur ce point, d'autres caractères principaux de la

pyromanie se retrouvent dans cette affaire.

La dissimulation profonde de Saron ne m'avait pas

permis de mettre à nu ses sentiments et ses sensations

au moment des crimes; la franchise de Berger sur ce

point l'a permis. On a vu plus haut qu'il résulte de ses

aveux mêmes qu'il n'éprouvait rien autre que le désir

de se venger ou de boire. Par la suite, il a sans doute

essayé d'utiliser nos questions, mais seul son premier

récit est sincère. On a donc la' confirmation directe de la

doctrine que je défends, et à moins de considérer,

contrairement aux données de la science actuelle,

l'impulsion comme une idée isolée, née à l'impro-

viste dans un organisme sain, n'amenant aucune

réaction et susceptible d'être mise au service de la

passion, on est forcé de reconnaître que Berger n'était

pas impulsif. Cette affirmation directe, nous l'aurons

encore dans l'observation suivante.

Berger n'avait pas cédé davantage à une irritabilité

émotive ou à une perversion morale. En effet, il n'a

jamais obéi à l'entraînement irréfléchi du moment. Ses

ruses, ses calculs, et ses temporisations en sont les

342 MÉDECINE LÉGALE.

preuves; et s'il a commis comme facteur des actes

indélicats, la cause est non une folie morale, mais la

passion de boire. Son affaiblissement intellectuel était-

il tel qu'il devenait irresponsable de ses actes ?

En acceptant même comme fondée la réputation

d'intelligence bornée dont jouissait cet homme soit

dans sa commune, soit dans l'administration des postes,

il était difficile de conclure à son irresponsabilité. En

effet, dans le temps où il commettait ses crimes, il

remplissait, à la satisfaction de ses maîtres, les fonctions

de domestique,- il avait reçu, en outre, une instruction

primaire complète et il avait été longtemps facteur.

Mais je crois que ce que beaucoup ont pris chez Berger

pour de la simplicité d'esprit n'était qu'une certaine

obtusion intellectuelle amenée par ses excès de

boissons. Le Dr Adam, qui a vu grandir l'accusé, a

déclaré qu'il n'avait jamais constaté chez lui d'affai-

blissement intellectuel, et à la prison, privé depuis

deux mois de tout alcool, il 'av.ait été avec moi plein

de ruse et d'intelligence.

La futilité des mobiles auxquels il avait obéi ne

prouvait pas non plus son irresponsabilité. Peu au

courant des affaires, ainsi que la plupart des gens de

la campagne qui ne sont pas pour cela des imbéciles

irresponsables, il avait cru, sans doute à tort, que le

notaire de'la commune l'avait exproprié, mais il avait

contre cet officier ministériel un motif réel de vengeance :

f, <-'

la saisie de ses appointements qui avait été pénible à

son coeur d'ivrogne et s'il s'est trompé en incendiant

deux fois sa propre maison qu'il ne croyait plus à lui,

c'est bien sciemment qu'il a voulu nuire au notaire.

Quand il mit le feu les deux autres fois pour se pro-

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. 343

curer des occasions de boire,- il agissait par passion

de l'ivrognerie non par imbécillité. Il a d'ailleurs fort

bien expliqué ce qui se passait alors en lui, en disant

que, quand il avait fait un léger excès, il éprouvait le

besoin d'avoir plein son saôul. Tous les buveurs en sont là.

Ce n'était pas la maladie qui l'aiguillonnait, car il

n'était certes pas dipsomane, mais ivrogne.

Le jury a été relativement indulgent pour Berger :

il a écarté toutes les questions entraînant la peine de

mort et a admis des circonstances atténuantes. La

cour l'a condamné à douze ans de travaux forcés. -

Observation III. Sept incendies. - Accusée atteinte d'im-

bécillité avec perversion moarle et instinctive. - Mobiles des

crimes : Méchanceté et vengeance généralisées contre tous les

habitants de la commune. Tous les caractères extrin-

sèques de la pyromanie chez la femme.- Irresponsabilité.

Ordonnance de non-lieu.

Cette observation sera courte. L'irresponsabilité de celle qui

en est l'objet est si évidente que je n'aurai point besoin, comme

dans les deux précédentes, d'entrer dans de minutieux détails et

de me livrer à une longue discussion médico-légale. Les faits,

brièvement exposés, parleront d'eux-mêmes.

En 1876, une petite commune de l'Eure, fut, en quelques

mois, ravagée par huit incendies. Le feu prenait de préférence

le soir et toujours dans des toits de chaume ou des. tas de

paille. Dès le troisième sinistre, on soupçonna, bien que sans

preuve aucune, une fillette de quatorze ans d'en être l'auteur.

Mais, malgré la surveillance établie et les précautions prises,

les incendies continuèrent sans qu'on pût établir sa culpabi-

lité. Elle était d'ailleurs toujours empressée à porter secours.

Cette fillette, Thérèse X..., avait été de tout temps le fléau

du village. Héréditaire vésanique par sa mère et par son père

qui appartenaient l'un et l'autre à des familles d'aliénés, elle

était imbécile et douée des plus mauvais instincts.. Elle n'avait

jamais pu apprendre à lire, pas même un métier ; tout au

plus était-elle propre à quelques travaux grossiers de

344 MÉDECINE LÉGALE.

manage'ou des champs; mais, en revanche, pour faire le mal,

elle était douée d'une ruse et d'une méchanceté diaboliques.

Rien n'avait pu modifier son naturel cruel et pervers ; les

punitions les plus sévères et les plus douloureuses amenaient

des promesses, jamais d'amélioration. Elle avait le physique

d'une héréditaire dégénérée : la taille était petite, le crâne

étroit, la physionomie bestiale, la voûte palatine en ogive, les

cheveux- s'implantaient très bas sur un front court. Réglée

depuis un an, sa perversion morale et instinctive s'en était

accrue ainsi que ses habitudes, déja anciennes, d'onanisme et

de lubricité.

Elle fut enfin surprise par sa mère, un soir, qu'elle mettait

le feu dans sa propre demeure. La pauvre enfant reçut pour

la dernière fois une de ces formidables corrections que, sans

succès, on ne lui ménageait pas depuis son enfance, et sous

le fouet, confiante dans la promesse que la punition serait

adoucie, elle avoua tout. Elle n'était pour rien dans le premier

incendie, c'est celui-là, au contraire, dont l'auteur était resté

inconnu, qui lui.avait donné l'idée d'en allumer d'autres en lui

indiquant le moyen d'être nuisible sans être découverte. Avec

une ruse et une habileté incroyables, elle était parvenue à

tromper la surveillance et avait mis sept fois le feu pour se

venger de sa famille et des habitants du village qui, sans

affection ni sympathie pour elle, lui infligeaient de mauvais

traitements ou la poursuivaient de quolibets.

Placée en observation à l'asile par le parquet, j'eus tout le

loisir de l'interroger et de l'observer. On trouvait dans son

affaire tous les caractères extrinsèques de la pyromanie chez la

femme : Thérèse était doublement héréditaire vésanique, le

développement incomplet de son intellect n'était point douteux;

elle était à l'époque critique de la puberté ; elle incendiait un

peu tout le monde, même sa propre demeure et contribuait à

restreindre le mal ; elle mettait le feu dès qu'une occasion pro-

pice se présentait et dans des objets : faciles à s'enflammer qui se

trouvaient à portée de sa main. Or, j'ai en vain recherché chez

elle la symptomatologie et l'évolution de l'impulsion irrésis-

tible. Elle rendait, un compte exact du but poursuivi et expli-

quait fort bien qu'elle portait secours pour ne pas être

soupçonnée ; elle agissait uniquement pour faire le mal et se

venger. Bien que l'intelligence de cette fillette fût très peu

développée, elle n'aurait pas manqué, me semble-t-il, de

DES INCENDIES MULTIPLES A MOBILES FUTILES. z5 5

fournir certains indices qui auraient mis sur la voix de l'im-

pulsion, tels que. les maux de tête, l'angoisse et surtout la

satisfaction éprouvée avec l'accomplissement du crime ou la

joie ressentie à la vue des flammes. Même en l'interrogeant

directement sur ces points, on n'obtenait que des réponses

négatives ; elle ne comprenait pas ce que signifiaient ces

demandes et en revenait toujours à ces deux mobiles.

La pyromanie se trouvant ainsi écartée, j'étudiai Thérèse X...

au point de vue de son développement intellectuel et de ses

sentiments moraux. Dans son village, cette fillette était réputée

absolument imbécile ; elle n'avait pu apprendre à lire ni se

plier à un métier. Je me convainquis que ce résultat n'était

pas dû à la paresse mais à l'état psychique de l'enfant. Etran-

gère, pour ainsi dire, à toute notion morale du bien et du mal,

incapable de comprendre les devoirs vis-à-vis de la société et

des autres, la vie, pour Thérèse, se réduisait à deux choses :

se procurer du plaisir à soi-même et faire du mal aux autres.

Sa méchanceté dépassait toute imagination ; elle ne perdait

pas une occasion d'être nuisible, et je donnerai une idée de sa

froide cruauté en racontant que, se trouvant seule un jour à

l'infirmerie avec une malade âgée et infirme, elle avait

éprouvé une grande joie de lui enfoncer un mouchoir dans la

bouche et de la voir s'asphyxier; sans l'arrivée d'une infir-

mière, un malheur en serait résulté.

L'irresponsabilité de Thérèse ne parut douteuse à

personne. Si elle n'était pas pyromane, elle était douée

d'un développement intellectuel si borné et tourmentée

d'une telle perversion morale qu'il n'était pas possible

de la rendre responsable de ses actes. Tel fut aussi

l'avis du parquet; une ordonnance de non-lieu fut

rendue, et la jeune fille fut maintenue à l'asile. 1 .

Des considérations et des observations qui précèdent

je conclurai : .

I. Les incendies multiples allumés par une même

main présentent d'ordinaire les caractères suivants :

ils sont l'oeuvre de gens de la campagne, d'héréditaires

346 MÉDECINE LÉGALE. DES INCENDIES MULTIPLES.

vésaniques, frappés d'un développement incomplet de

l'intellect, à la période de la puberté, rusés et men-

teurs, empressés à courir au feu avec les autres; ces

incendies sont allumés au hasard de l'occasion, dans

des objets faciles à s'enflammer, et quand les auteurs

sont du- sexe masculin, ils éclatent de préférence le

dimanche soir à la sortie du cabaret. '

II. Malgré tous ces caractères communs, ces incen-

diaires se divisent en deux groupes parfaitement

distincts : ceux qui ont agi sans mobile et ceux qui

ont agi sous l'influence d'un mobile plus ou moins

futile. '

III. Ceux qui ont agi sans mobile ont cédé à une

impulsion irrésistible au feu et sont des pyromanes

irresponsables dans tous les cas. Quand ils entrent

dans la voie des aveux, on retrouve toujours chez eux

la symptomatologie et l'évolution spéciale de la folie

impulsive.

IV. Ceux qui ont agi sous l'influence d'un mobile,

quelque futile qu'il soit, ne sont jamais des pyro-

manes ; car il est impossible, dans aucun cas, ' de

retrouver chez eux la symptomatologie ainsi que l'évo-

lution spéciale de la folie impulsive et que, d'un autre

côté, une impulsion irrésistible ne saurait être mise

au service d'une passion. 1

V. Ces incendiaires à mobile plus ou moins futile

n'ont pu céder qu'à l'affaiblissement intellectuel allié

ou non à la perversion morale et à l'irritabilité émo-

tive.

VI. Ils ne sont pas irresponsables dans tous les cas,

car l'affaiblissement intellectuel, la perversion morale

et l'irritabilité émotive se présentent à des degrés divers

DES FAMILLES D'IDIOTS. 347

qui laissent plus ou moins intacte la saine appréciation

des actes. 1 -

VII. Ainsi, tandis que les'incendies multiples, sans

mobile, sont toujours l'oeuvre de pyromanes irrespon-

sables, les héréditaires vésaniques, frappés d'un déve-

loppement intellectuel incomplet qui, à la période de

la puberté, ont allumé des incendies multiples sous

l'influence d'un mobile futile, devront être scrupuleu-

sement examinés au point de vue des facultés intellec-

tuelles, morales et émotives, et seront, selon les cas,

déclarés responsables ou irresponsables.

CLINIQUE MENTALE

DES FAMILLES D'IDIOTS';

Par BOURNEVILLE et SÉGLAS.

Pour terminer ce travail, nous avons encore à parler de

deux familles ayant produit plusieurs enfants idiots ou

imbéciles.

IV. Famille HORN... '

ty

Père alcoolique ( ? ) Mère débauchée, enfant naturelle ( ? ), Grand'

mère paternelle irritable, débauchée ( ? ), voleuse, Un frère et une

soeur imbéciles ; deux frères idiots ; deux frères et une soeur morts

de convulsions en bas Qge.

Antécédents héréditaires. (Renseignements fournis par la grand'-

mère maternelle, le père et la mère). - Père : trente-sept ans, assez

1 Voir tome X, page 186.

348 CLINIQUE MENTALE.

grand, atteintdepuis quatre ans d'une bronchite chronique ; carac-

tère doux; n'est pas du tout nerveux : n'a jamais fait d'excès de bois-

son, au dire de sa femme, tandis que sa belle-mère prétend qu'il

buvait beaucoup d'absinthe, s'enivrait souvent et ne commençait

quelquefois sa semaine que le mercredi. Il était d'ailleurs bon

ouvrier et vivait tranquillemennt avec sa femme. Pas d'autres

maladies que sa bronchite'. [Père, cantinier, mort à soixante-

dix-sept ans d'un asthme, n'avait jamais eu de maladies ner-

veuses, n'a fait d'excès d'aucune sorte. - Dï'ére, ménagère, n'a

jamais été nerveuse, est morte d'un mal de jambe. - -Deux frères,

qui étaient bien portants et ont eu des enfants bien portants,

sont morts, l'un du choléra en 1866, l'autre tué en z1 ? - Deux

soeU1'S, dont l'une est morte en couches; leurs enfants sont bien

portants. Il n'y a dans la famille ni épileptiques, ni aliénés, ni

difformes, ni suicidés, ni criminels.]

Mère, trente-sept ans, blanchisseuse, intelligente, est sujette

depuis son enfance à des douleurs de tète qui reviennent une quin-

zaine de fois par an. Elle est très vive, mais n'a pas d'attaques de

nerfs; elle n'a jamais fait d'excès de boisson. (Sa mère raconte

que sa fille, à partir de quatorze ans, s'est livrée aux hommes et

il la débauche, tandis que la fille accuse sa mère de l'avoir prosti-

tuée à l'âge de quatorze ans et demi ; elle cite môme le nom de

l'homme qui l'a possédée par suite de ce marché qui a valu à sa

mère deux ans de prison. Celle-ci ne nie pas les deux ans de

prison, mais prétend avoir été faussement dénoncée et injuste-

ment condamnée). Quoi qu'il en soit, elle a eu. avant son mariage,

à l'âge de vingt ans, un enfant actuellement à Bicêtre, qu'elle

nomma Desob..., du nom de l'amant avec lequel elle aurait vécu

quatre ans. Puis, l'année suivante, elle est accouchée à l'Hôtel-

Dieu d'un enfant du même père et qui est mort-né. Ensuite elle

a eu ; d'un autre, un 3° enfant dont elle est accouchée à l'hôpital

Saint-Antoine, et qui est morte à trois mois. Après cette troisième

couche, elle a mené une vie plus régulière et a connu son mari,

avec lequel elle s'est mariée deux jours avant d'accoucher de

Horn... Constant. On pense que depuis son mariage elle est restée

tranquille, mais, depuis la mort du mari (déc. elle fréquen-

terait, au dire de sa mère, de malhonnêtes gens (hommes et

femmes), ce qui aurait amené une brouille entre elles3. [Père, do-

Il est mort en 1884 de sa bronchite tuberculeuse.

°- Il Il paraît qne, étant enfant, il était arriéré; un jour, il est parti de

chez ses parents, et on ne l'a retrouvé qu'au bout de quinze jours; il n'a

jamais pu apprendre de métier; il ne bégayait pas, mais parlait très vite,

et parfois on avait de la peine à le comprendre.

La tenue de cette femme est celle d'une ouvrière soigneuse et propre.

On pense qu'elle a encore un amant (septembre 1885).

DES FAMILLES D'IDIOTS. 3M

mestique, mort à vingt-sept ans de la variole, six mois avant la

naissance de sa fille qui est une enfant naturelle. - Mère, bien

portante, sans accidents nerveux, change souvent de profession.

Elle assure n'avoir eu qu'une enfant (la mère de nos malades), et

n'avoir pas connu d'autre homme que le père de sa fille : cette

dernière l'accuse au contraire d'avoir eu plusieurs amants et de

l'avoir prostituée elle-même, comme nous l'avons vu plus haut.

Elle dit que sa mère, outre les deux ans de prison que ce fait lui

valut, a encore été condamnée une fois pour vol; elle assure aussi

qu'elle buvait et boit encore. Depuis l'entrée des enfants à l31cêtre,

la grand'mère est souvent venue les voir; sa tenue est convenable;

on n'a pas constaté d'indice d'ivrognerie. Pas de névropathes

dans la famille, etc.]

Pas de consanguinité, ni avec Des..., ni avec Ilorii...

Depuis son mariage, Mme Horn... a eu sept enfants, ce qui fait

en somme dix enfants : 1° un garçon, Des... (Ons. V); -°2° fausse

couche de sept mois ; - 3° fille morte à sept mois de convulsions ;

- 4° Horni... Constant (OBs. VI); 5° un garçon mort de

convulsions à treize mois; - 6° fausse couche de trois mois

7° Horn..., Stéphane (Oss. VU); 8° une fille âgée de douze ans

en 188f, bien portante, d'un caractère doux mais peu intelligente,

et qui a eu des convulsions à cinq ou six mois, à plusieurs reprises ' ;

- 9° une fille, neuf ans en 1881, bien portante, un peu chétive,

est gentille, avenante et intelligente; elle n'a jamais eu de con-

vulsions ; 10° un garçon, mort à cinq mois, d'une méningite,

avec des convulsions.

Observation V. Imbécillité ; perversion DES instincts.

Antécédents personnels. - Arrêt de développement ; premières con-

vulsions dans la première année; secondes convulsions vers deux

uns. - Marche ci deux uns et demi; parole à trois ans. Mauvais

instincts. - Accès de colère. - Premier placement à Bicétre, en

1870; transfert Li l'asile de Suint-llLcan, en août 1870. Place-

ment à la colonie de Vaucluse, en '< 877 ; transfert à Bicétre en 1881.

Incontinence nocturne d'urine. Traitement ; école, uymnas-

tique : amélioration considérable.

Desob... (Eugène-Victor), né à Paris, le 4 septembre 1865, est

entré à Bicêtre le 21 septembre 18881 (service de M. BOURNEVILLI';).

Cet enfant est entré une première fois le 12 juin 1870; il a été

1 Elle est depuis deux ans à l'hôpital de Forges-les-Bains pour une

tumeur blanche du genou droit.

350 CLINIQUE MENTALE.

transféré le 31 août à l'asile de Saint-Alban, puis à Vaucluse, le

23 juillet 1877; il a été envoyé de la colonie de Vaucluse à 131cétre,

le 20 septembre -1884, parce qu'il est atteint d'incontinence noc-

turne d'urine. Les notes prises sur lui pendant son premier séjour

ne donnent que des renseignements très incomplets.

Antécédents personnels. (Renseignements fournis par la mère de

l'enfant, 27 février 1882.) - Le père de Desob... se portait bien

jusqu'au mariage de sa maîtresse avec Hornick; il n'avait pas

d'accidents nerveux, ne buvait pas ; il était intelligent, d'un carac-

tère calme. [Pas de névropathes dans sa famille.]

Grossesse bonne, sans accidents, pas d'alcoolisme, etc. '. -Accou-

chement à terme, naturel, sans chloroforme. Pas d'asphyxie à la

naissance. L'enfant a été élevé en nourrice, au sein jusqu'à un

an, puis ramené à Paris et placé en garde; il n'a marché qu'à

deux ans et demi, et n'a guère parlé distinctement qu'à l'âge de

trois ans. A cette' époque, on l'a'repris et on s'est aperçu qu'il

avait des habitudes d'onanisme. Son père nourricier avait déjà

signalé ce fait : il a continué à se toucher; quand on lui avait t

attaché les mains, il « travaillait de son corps » et on avait déses-

péré de pouvoir l'en empêcher. Amaigrissement progressif.

Pendant le temps qu'il a passé chez ses parents, il mangeait

beaucoup, dormait mal et criait parfois la nuit; il a eu presque

continuellement la diarrhée, mais jamais de .vomissements. Il

était jaloux des autres enfants, et passait ses,journées seul, sans

jouer, soit assis, soit marchant dans la chambre. Il était méchant,

voulait tuer les serins de sa mère, son frère Horni...; il faisait des

niches aux locataires. Un jour, il inonda la maison en ouvrant un

robinet d'eau au sixième étage. Un médecin qui l'a examiné alors

a déclaré qu'il tournait à « l'idiotisme ». 11 était sujet à des accès

de colère, surtout quand on le contrariait.

11 aurait eu, pour la première- fois, en nourrice, des convulsions

très fortes; puis une seconde fois, de un à trois ans, lorsqu'il était

en garde. Croûtes dans les cheveux. un an; pas de glandes, de

dartres, d'ophthalmies, ni d'otites.

. 1881. Septembre. Poids : : 30 kil. 30. Taille : 1 m. 34.

1882. Juin. Poids : 33 kil. 30. Taille : 1 m. 38. ,

1883. Juin. Poids : 36 kil. Taille : 1 m. 42.

1884. Janvier. Poids : 40 kil. 10. Taille : 1 m. 46.

" Juin. Poids : 41 kil. : i0. Taille : 1 m. 50. '

'i885. Janvier. Poids : 46 kil. 50 : Taille : l'm. 52. ' '

' Juin. Poids : 45 kjl. 70. Taille : 1 kil. 52.

Rien de particulier lors de la conception.

DES FAMILLES D'IDIOTS. 35 Ik

1884. 14 mai. Etat actuel. Tête ronde, assez volumineuse et régu-

lière.

352 CLINIQUE MENTALE.

musclés, présentent une très légère concavité de la face interne

des tibias; la voûte plantaire est peu accentuée, les doigts longs

et normaux. La coloration des extrémités des quatre membres

n'a rien de particulier.

Organes génitaux : verge assez développée, pas de phimosis,

méat normal, testicules normaux. Rien à l'anus.

Les appareils respiratoire et circulatoire sont intacts; les diges-

tions sont régulières, les selles normales; pas de vomissements,

de mérycisme, ni de gâtisme. La. sensibilité générale et spéciale

est conservée...

Peau : cheveux, cils, sourcils bruns, abondants ; léger duvet à

la lèvre supérieure; poils abondants au pubis, plus rares aux

aisselles et aux jambes. Sur le masséter gauche, on trouve une

cicatrice de six centimètres de long, oblique de haut en bas et

d'arrière en avant, due à une chute sur un Couteau; une cicatrice

de vaccin sur chaque deltoïde; cicatrice gaufrée, au niveau de

l'ombilic, du côté gauche; tache pigmentaire au-dessus du condyle

interne du fémur gauche; pas de ganglions.

Dynamomètre Mathieze : AI. D = 70,5 - M. G. 70.

Actuellement, cet enfant n'est pas méchant, ni taquin; il est

docile, doux pour ses camarades, pour les animaux; il n'a pas de

mauvais instincts, n'est ni voleur ni salace; il est toujours assez

coléreux; il ne montre pas beaucoup d'allectioil pour ses frères,

ni pour sa.grand'mère; mais il aime beaucoup sa mère et est très

heureux de la voir; il refuse de voir sa grand'mère, parce que

« cette grande bique ne cherche qu'à faire du mal à sa mère ». 11

n'aurait plus, parait-il, d'habitudes d'onanisme régulières; cepen-

dant on l'a encore surpris quelquefois se masturbant.

L'état intellectuel de Désob... s'est aussi considérablement modifié

depuis son entrée; à ce moment (septembre 43-I), il savait à peine

lire, n'écrivait qu'un peu, faisait un peu de calcul, n'avait aucune

notion d'histoire de géographie. Dès le mois de janvier 1882, on

constata chez lui des aptitudes assez grandes et des progrès, dejà

sensibles, qui n'ont fait que s'accentuer depuis. Aujourd'hui (1884),

il sait lire et d'une façon assez expressive, il écrit assez bieu, fait

des problèmes sur les quatre opérations, sait un peu d'histoire et

de géographie; la mémoire est demeurée un peu paresseuse; il

comprend bien toutes les explications qu'on lui donne. Mêmes pro-

grès pour les exercices physiques : gymnastique, danse et escrime,

et pour les travaux manuels. Cet enfant est actuellement un des

meilleurs apprentis de l'atelier de menuiserie. En somme, il se tient

bien, est docile, actif, apporte au travail toute la bonne volonté

possible, et fait en tout des progrès considérables. «

1885. - La puberté s'est accusée : fine moustache, rien aux

joues ni au menton. Poils noirs, abondants au pénil. Verge grosse

DES FAMILLES D'IDIOTS. 3 ? 3

et longue. Testicules de la grosseur d'un oeuf de pigeon. Il avoue

se masturber encore quelquefois.

L'incontinence d'urine a diminué, mais n'a pas complètement

disparu. On l'a notée : 23 fois en,'4882, 22 en 1883, 35 en 4884 et

6 fois du )" janvier au 30 septembre 188o.

Au dynamomètre, la main droite est un peu plus forte que la

gauche.

L'amélioration a continué sous tous les rapports. Dez... est

capable de gagner sa vie comme menuisier et l'on s'occupe de le

placer.

Observation VI. IDIOTIE complète.

Athrepsie de la première enfance; premières convulsions à huit mois;

secondes convulsions à neuf mois, etc. ; marche à sept ans et demi;

bave, succion, parole nulle, gdtisme, etc... - Syphilis : roséole,

plaques muqueuses anales, adénites. - Etat du malade en 4884.

Horni... (Conslant-dean-Emuanuel) est entré le 20 septembre

1880, à l'âge douze ans, à l'hospice dé Bicêtre (service de M. BouR-

NEVILLE.)

Antécédents personnels. (Renseignements fournis par sa mère,

12 janvier 1881). Pendant la grossesse ', la mère a eu des contra-

riétés nombreuses par suite de disputes avec sa mère à cause de

son mariage, qui ne s'est fait que deux jours avant l'accouche-

ment. L'accouchement, naturel, aurait en lieu à terme; cependant

le nouveau-né n'avait d'ongles ni aux pieds, ni aux mains. Il a été

élevé au biberon jusqu'à trois mois, il était bien portant; puis il

a été mis en nourrice pour être élevé au sein; cinq semaines

plus tard, il était « en'étisie ». Sa mère l'a repris alors et l'a

élevé au biberon. '

Depuis quatre mois et demi jusqu'à huit mois, l'enfant vomis-

sait presque tout ce qu'il prenait (lait de chèvre, de vache...); sa

mère a fini par lui faire conserver ses aliments en lui donnant

du biscuit qu'elle mâchait d'abord elle-même. A huit mois, il a

eu une première fois des convulsions qui ont dure une heure, et

portaient également sur la face et les quatres membres. Un moi»

plus tard, il a eu une seconde attaque de convulsions pendant

dix minutes. Il a encore eu des convulsions à deux autres reprises :

en tout, elles ont duré jusqu'à un an, les deux dernières crises ont

été les plus courtes.

A vingt mois, il n'avait pas une dent; à vingt-deux mois, il les

avait toutes. A dix-neuf mois, il disait : « papa, maman », et n'a

1 Bien portants tous deux à l'époque de la conception.

Archivas, t. X. X3

354 CLINIQUE MENTALE.

jamais 'dit autre chose; il n'a marché qu'à sept ans et demi. C'ett

vers deux ans qu'on s'est rendu compte qu'il « n'était pas comme

les autres enfants ». Il n'a jamais su s'habiller, ni manger; il boit

seul, n'est pas salace . il a toujours gâté; cependant, à la fin de

son séjour chez ses parents, il s'accroupissait pour faire ses besoins.

Il n'est pas gourmand; il vole par moments surtout les objets

massifs, il est colère. Il est gai, joueur, n'a pas d'autres tics que

de têter toujours son doigt. Il est assez affectueux, en particulier

pour sa mère, qu'il ne veut jamais quitter et avec laquelle il est

très expansif. Il n'aime pas entendre crier les autres enfants :

avant son entrée, il n'avait jamais pleuré, maintenant cela lui

arrive quelquefois. Il ne parle pas. Croûtes dans les cheveux; pas

d'otites, ni de dartres, ni d'ophtlialmie; varioloïde en 1870. Depuis

qu'il a été en nourrice, il a toujours eu une « faiblesse de la

colonne vertébrale », et s'est tenu incliné en avant.

14 juin. Rougeole légère n'ayant rien présenté de particulier

dans son évolution.

31 juillet. Poids, 24 kil. 600; taille, -Im,23.

4 â82. Janvier : Poids, 25 kil. 500 ; taille, -I m,;L6.

'2 juin. L'enfant est un peu moins gâteux qu'autrefois, il ne

mange plus d'ordures; il commence à se servir de la cuillère. Il

continue à sucer ses doigts et bave sans cesse, la bouche toujours

entr'ouverte. Il ne dit encore que « papa, maman », il ne sait ni

s'habiller, ni se laver. Il est assez obéissant.

6 6 octobre. Hier, on s'est aperçu que l'enfant présentait une

éruption. Elle est disséminée et presque contluente sur l'abdomen,

moins abondante dans le dos, presque nulle aux bras, aux jambes

et au cou; la face est intacte; pas de croûtes dans les cheveux. Les

taches ont une couleur cuivrée très nette. Rien aux lèvres, dans

la bouche, ni dans le pharynx. A l'anus, on trouve deux plaques

exulcérées à gauche et en bas, une en haut et à droite, une au

haut du sillon interfessier. Rien à la verge : ganglions inguinaux

très développés des deux côtés (syphilis).

r. 7 octobre. L'éruption est plus conlluente qu'hier et a remonté

sur,le cou; la gorge est un peu rouge. Vin de quinquina, sirop

d'iodure de fer; bains.

- 10 octobre. Persistance de l'éruption, les plaques muqueuses de

l'anus se sont un peu élargies; rougeur des muqueuses gingivale

et buccale.

26 octobre. La roséole commence à s'éteindre; c'est principale-

ment sur le ventre et à la partie postérieure des cuisses, à la région

lombaire que l'éruption a été conlluente. Adénites nombreuses,

cervicales, sous-maxillaires, axillaires et inguinales; rien dans la

gorge, plaques muqueuses anales.1.

DES FAMILLES D'IDIOTS. 355 5

15 novembre. Persistance de larges plaques de roséole qui tendent

à s'effacer : plaques muqueuses anales; on ne sent plus les adénites

cervicales droites.

9 décembre. Adénites persistantes, rien dans la bouche, ni au

cuir chevelu. Le traitement n'a consisté, jusqu'ici, qu'en toniques.

1883. 2 janvier. Les taches, en voie de disparition, laissent après

elles une teinte cuivrée : persistance des adénites, pas d'alopécie.

45 janvier. Plaque muqueuse près de la commissure labiale

gauche. Embarras gastrique fébrile.

31 janvier. Adénites cervicales multiples peu volumineuses;

quelques adénites dans l'aisselle droite et dans les deux aines. La

roséole a presque disparu sur le dos; il n'y a plus rien sur le reste

du corps; rien à la tête, à la bouche, à la gorge, ni à l'anus.

Poids, 24 kil. 800 ; taille, le,28.

23 avril. 11 y a encore quelques taches sur les reins; rares adé-

nites cervicales, et dans l'aine droite; rien dans les aisselles, rien

dans la bouche; pas d'alopécie.

13 juin. Les taches sont complètement effacées ; il ne reste plus

que quelques ganglions dans les aines.

30 juin. Poids, 28 kil. 9; taille, 1m,30.

1884. 4 janvier. Rien à la peau si ce n'est de l'érythème chro-

nique des fesses et des cuisses dû au gâtisme; la partie inférieure

du sacrum est très saillante. Plus de glandes au cou, aux aisselles,

ni aux aines; pas d'apolécie, ni de croûtes dans les cheveux. Rien

aux lèvres, à la bouche, ni à la gorge; rien à la verge, qui est

petite et allongée. Le prépuce long permet cependant de décou-

vrir le gland qui est intact; le méat est un peu rouge, normal; on

ne sent que le testicule droit dans l'anneau, le gauche n'est pas

descendu. Le traitement suivi a été simplement tonique : extrait

et vin de quinquina, sirop d'iodure de l'er, hydrothérapie. '

31 janvier. Poids : 26 kil. 20; taille : lm,30.

14 mui. Etat actuel. Tête moyenne; léger degré d'acrocéphalie et

de plctciocépleu,lie combinées. En effet, le crâne est allongé dans le

sens vertical, mais il n'est pas oblique et ne se termine pas abso-

lument en pointe. En même temps, on constate un chevauchement

de ses deux moitiés l'une sur l'autre, de telle sorte que toute la

moitié droite parait portée en avant ; cette moitié est aussi plus

développée que la gauche, par suite de la présence des voussures

de compensation. Les sutures des os crâniens ne sont pas saillantes.

Les bosses frontales sont assez marquées, surtout la droite qui, en

même temps, est sur un plan antérieur à la gauche; la bosse

pariétale droite est très volumineuse, tandis que la gauche est à

peine indiquée. L'occipital est plat suivant un plan vertical, la

356 CLINIQUE MENTALE.

moitié droite en retrait sur la gauche; les deux bosses occipitales

sont peu saillantes, égales, mais ne sont pas sur le même plan.

. des familles' D'IDIOTS. 357

Peau : cheveux, cils, sourcils châtains, abondants ; pas de poils

aux aisselles, au pubis ni sur les membres : trois cicatrices de

vaccin sur chaque bras; une tache pigmentaire au niveau du

bord inférieur du grand pectoral droit; petite tumeur papillo-

mateuse un peu au-dessous de l'ombilic et du côté gauche.

On trouve encore quelques taches jaunâtres, derniers vestiges de

l'éruption syphilitique sur le tibia droit et sur la face antérieure

des deux bras; il n'y a rien dans la gorge, ni à l'anus; pas d'alo-

pécie : quelques ganglions seulement dans les deux aines de l'ais-

selle droite. '

Au point de vue intellectuel, cet enfant est un type d'idiotie

complète, et ne semble aucunement susceptible d'être amélioré. Il

n'a aucune notion du monde extérieur; il ne parle pas du tout,

ne pousse que de petits cris heu ! ,heu ! Son regard est vague, et

son attention ne peut se fixer sur aucun objet. 11 n'a pas de mau-

vais instincts, n'est pas voleur, ni malfaisant : il n'est pas mé-

chant, ne bat pas ses camarades ; il aime beaucoup à jouer avec

de petits bâtons ; il se balance souvent, suce toujours ses doigts,

ne bave plus; pas d'onanisme. Il marche seul et mange seul,

mais avec ses mains; il est gourmand et même vorace; pas'de

salacité ; gâtisme. 11 paraît assez affectueux pour ses parents qu'il

caresse lorsqu'ils viennent le voir.

1883. Juin. Poids. 27 kil. 400. Taille, leu,33.

1885. Janvier. Poids, 29 kil. 500. Taille, 1m33.

Juin. Poids, 29 kil. 500. Taille, Im34.

Pas de changements au point de vue de la puberté : rien aux

lèvres; un groupe de poils courts à gauche de la verge, qui est

toujours petite. Il n'est plus salace, ne pleure plus quand on l'ap-

proche ; dans la marche, il a conservé l'habitude de plier et de

relever alternativement le tronc. 11 a pris en affection dès l'entrée

un autre enfant, Naud ? ils s'approchent l'un de l'autre en riant

et en chantonnant. Il se sert d'une cuiller pour manger, à la con-

dition qu'on le surveille.

Observation VII. Imbécillité.

Crises nerveuses ci quatre ans, suivies de strabisme pendant un an. -

Alternatives de somnolence et de turbulence; kleptomanie, mendi-

cité. Onanisme. - Accès de colère, jalousie. Syphilis

(1882-1883); injections sous-cutanées de peptonate de mercure;

stomatite mercurielle. Tumeur du foie. - B)'onc/tOpKeMnM ? e.

Rubéole. - Description du malade. - Etat des organes génitaux.

Etat intellectuel.

Horn... (Jean-Stéphane), est entré le 18 février 1881, à l'âge de

dix ans, à l31cétre (service de M. Bourneville).

358. clinique mentale.

Antécédents personnels. (Renseignements fournis par le père et

la mère, 9 juin -1851'.) Grossesse bonne.Aeco ! fC/tpmeH< à terme,

naturel, sans chloroforme. - A la naissance, l'enfant ne présen-

tait rien d'extraordinaire. Sa nourrice, qui était enceinte d'un

mois, ne l'a nourri an sein que jusqu'à quatre mois; ensuite il a

été élevé au biberon (lait de vache). - Il a marché vers quinze

mois, et a parlé vers dix-huit mois ; il a toujours uriné de

temps en temps au lit. Quand il fut repris par sa mère à l'âge

de deux ans et demi, il n'avait pas eu d'autres maladies que

le ventre ballonné et de la constipation. Jusqu'à quatre ans,

il n'eut rien autre que des engelures,' quelques croûtes dans les

cheveux, sur les mains, à la figure et sur le corps, et souvent des

adénites cervicales. A quatre ans, « il est tombé tout raide par

terre et est resté ainsi pendant une heure; le médecin qui a été

appelé a dit que ce n'était pas des convulsions, mais une crise

nerveuse. Après, les yeux étaient retournés et il a louché pendant t

un an ». Il n'a jamais eu la rougeole, ni aucune autre fièvre : n'a

jamais présenté d'autres accidents nerveux que ceux qui sont

mentionnés plus haut ; il faisait souvent des grimaces en jouant.

A trois ans et demi, mis à l'asile, puis dans une série d'écoles, il

n'a jamais rien appris; quelquefois il dormait des heures entières,

dans d'autres moments; il était d'une turbulence extrême, taqui-

nant ses camarades, les empêchant de travailler et même les

volant. Souvent, au lieu d'aller à l'école, il s'en allait mendier; il

disait alors que ses parents ne lui donnaient pas à manger.

Il s'habillait très mal ; il mangeait seul avec une cuillère et une

fourchette, mais salement et gloutonnement. Pas de salacité; pas

de rumination ; quand il boit, il tousse tout de suite. Onanisme

très fréquent depuis son retour de nourrice jusqu'à l'âge de sept

. ans.Il est colère, menteur, indifférent à tout, peu affectueux. Il est

jaloux de son frère, qui est idiot et sur le compte duquel il met

tous ses méfaits. Il ne veut pas jouer avec les autres enfants, et

préfère rester seul dans un coin; il ne peut souffrir les animaux.

- Le sommeil est généralement très agité; il a été quelquefois

un mois de suite sans dormir la nuit. Pas de vertiges, d'attaques,

ni de chutes.

A son entrée dans le service, on constate que cet enfant ne sait

que quelques lettres, qu'il ne sait pas écrire, qu'il prononce bien

et parait avoir un peu de mémoire. Il connaît les objets usuels. Il

est très turbulent, paresseux, malpropre, menteur et gourmand, ce

qui confirme les renseignements desa mère. Il s'habille convena-

blement ; onanisme persistant. Poids, 18 kil. 800; taille, 1m,09.

1882. 17 juin. Embarras gastrique; douleurs de côté d droite,

avec un peu d'affaiblissement du murmure vésiculaire de ce côté.

1 Rien de particulier il la conception.

DES familles D'IDIOTS. 359

La température oscille toujours entre 38° et 39°. L'e. fant sort de

l'infirmerie le 7 juillet.

10 juillet. 11 remonte à l'infirmerie, se plaignant de douleurs

de côté à droite. Pas de signes stéthoscopiques; à la percussion,

on constate, dans le tiers inférieur et postérieur du thorax, de la

submatité qui se prolonge dans toute la région du foie jusqu'à

l'épigastre. Cette région est très sensible, ne présente pas de dé-

formation, il n'y a pas d'ictère ni de vomissements; les selles

sont normales. Le malade sort le 1 août sans que la température

ait dépassé 39°. - Poids : 21 kil. 800; taille : 1- 17.

23 décembre. Amélioration sensible ; parole tout à fait libre ; il

commence àsyllaber, compte jusqu'à cinquante; il est plus obéis-

sant, s'habille, seul.

Eruption papuleuse confluente à la région lombaire, discrète

sur les membres et le tronc; à la nuque, les papules présentent

une petite collerette; coloration bronzée. Adénites cervicales, rien

à la face, à la verge ni à l'anus. L'amygdale droite est un peu

tuméfiée; le pilier antérieur, rouge et luisant, présente vers sa

partie moyenne une petite élévation de deux millimètres de lon-

gueur (syphilis). ' , ,

1883. 30 janvier. La syphilis est en voie de diminution ; des-

quamation des papules qui présentent une coloration rouge brun

cuivré; nombreuses adénites cervicales, axillaires et inguinales.

Quelques papules dans le cuir chevelu ; rien à l'anus; ulcération

à bords irréguliers sur l'amygdale gauche. Sirop d'iodure de fer,

vin de quinquina, injections sous-cutanées de peptonatc de mercure.

(XX gouttes, 2 milligr. 30.) Poids : 22 kil. 60; taille : 4m 18.

24 février. Nombreuses adénites cervicales de la grosseur d'un

haricot au maximum; quelques petites adénites axillaires, pléiade

inguinale. Les papules sont toutes revêtues de squames en voie

de détachement, ayant une coloration brun jaunâtre qui va en

s'éteignant. Quelques squames dans le cuir chevelu, un peu d'alo-

pécie ; plaque rouge de la paupière inférieure gauche, pointe du

nez couperosée. La face interne des lèvres et des joues n'a rien

de particulier, les gencives sont fongueuses et ulcérées par points

les dents'sont couvertes de taches à leur couronne, la langue est

recouverte d'un enduit blanchâtre et est comme mâchonnée sur

ses bords qui sont le siège d'un dépôt jaunâtre qu'on détache

assez aisément. L'haleine est infecte, la salivation considérable;

adénite sous-maxillaire droite quelques indurations consécutives

aux injections. Amaigrissement notable.' (Poids : 20 kil. 320.)

27 février. On suspend les injections. L'état est toujours le même.

12 mars. La stomatite est très améliorée ; le malade mange et

parle facilement; il ne crache presque plus ; son haleine n'est

360 CLINIQUE MENTALE.

plus fétide. 11 s'est produit une eschare d'un centimètre de dia-

mètre au niveau d'une des injections sous-cutanées.

10 avril. Depuis plusieurs jours l'enfant se plaint d'un point de

côté à droite et au niveau de l'épigastre. Cette région est le siège

d'une voussure' très douloureuse à la pression ; le foie est gros et

déborde les fausses côtes. Pas d'ictère; un peu de toux ; submatité

sous la clavicule droite et râles assez fins mélangés de frotte-

ments. Langue chargée. Deux verres d'eau de Sedlitz ; extrait de

quinquina.

13 avril. Douleurs au niveau de la région hépatique, qui est

bombée et saillante. A la palpation, on sent le foie déborder les

fausses côtes de près de 3 centimètres ; dans cet espace, on cons-

tate une matité évidente. Au niveau de l'épigastre, le rebord du

foie est également abaissé ; l'examen ne détermine que peu de

douleur-; ventre souple.; pas d'ictère, anorexie, soif vive, langue

saburrale. Le 11, l'enfant qui avait pris de l'huile de ricin, a vomi

pour la première fois; hier, il a vomi son potage; deux ou trois

selles diarrhéiques, jaunâtres par jour. Fièvre très modérée,

n'ayant rieu de particulier; vésicatoire.

16 avril. Circonférence de l'abdomen au niveau de la douzième

DES FAMILLES D'IDIOTS. 36 i

nution de la sonorité dans les deux tiers inférieurs du poumon

droit. Rien à gauche; Je foie n'a pas augmenté de volume ; pas

d'ictère, diarrhée. La température n'est pas très élevée et oscille

toujours aux environs de 38°, sans rien présenter de particulier

dans sa marche.

362 clinique mentale.

8 mai. L'éruption est modérément continente vers la face, peu

contluente sur le tronc; les taches, larges et pâles, sont difficiles

à distinguer des taches presque effacées de roséole. Toux fré-

quente ; expectoration abondante et glaireuse ; soif vive, langue

sale. A lapercussion, diminution de la sonorité dans la moitié in-

férieure du poumon droit, en arrière et sur le côté. A l'ausculta-

tion, souffle dans les deux tiers inférieurs du même poumon. et

respiration soufflante à la base, en arrière sur une petite éten-

due ; râles soufflants et sibilants disséminés dans le reste du pou-

mon et dans le poumon gauche. - .

9 mai. L'éruption commence à s'effacer, sauf sur la face; souffle

dans toute l'étendue du poumon droit en arrière, mélangé par

places de râles crépitants; à gauche, diminution de la sonorité

et râles fins à la base; rien en avant. La respiration est régulière,

la toux fréquente. Il n'y a pas de larmoiement; un peu de con-

jonctivite ; langue humide, selles régulières. - Vin de quinquina,

extrait de quinquina.

10 mai. L'éruption continue à s'effacer, surtout en arrière. Ma-

tité à droite, en avant et en arrière; râles sous-crépitants, crépi-

tants et souffle tubaire en arrière; en avant, on n'entend que

des râles sous-crépitants. A gauche, il y a également des râles.

Toux fréquente, dyspnée marquée, sueur abondante.

,Il mai. Persistance du souffle et de la bronchophonie dans la

moitié inférieure du poumon droit; quelques râles ronflants à

l'inspiration, au sommet des deux poumons; un peu de sonorité

au niveau du tiers moyen du poumon droit, sonorité dans toute

la hauteur du poumon gauche. En avant et à gauche, l'inspiration

est un peu rude. La toux est toujours fréquente, l'expectoration

assez abondante. Langue nette, appétitbon, pas de vomissements,

selles régulières. La voussure du foie a disparu et il ne dépasse

plus le rebord des fausses côtes. - Bouillon, potage, lait, un oeuf,

vin de quinquina.

12 mai. Même état; quelques râles à la base gauche; pas de

gêne de la respiration ; vomissement dans la journée d'hier.

13 mai. Point de côté violent à droite, l'auscultation ne révèle

rien de nouveau.

18 mai. L'étal général est beaucoup meilleur, mais l'état local

le modifie très peu. Le souffle persiste, un peu moins rude et dans

une étendue un peu moindre; râles sous-crépitants nombreux,

surtout vers l'aisselle et au sommet droit; quelques frottements

pleuraux. La température, qui n'a guère dépassé 39°, est revenue

à la normale sans avoir présenté, dans ses oscillations, rien de

caractéristique.

DES FAMILLES D'IDIOTS. 363

21 mai. L'enfant est gai et mange de bon appétit. Selles régu-

lières, toux fréquente par quinte, expectoration verdâtre. La région

thoracique semble déprimée du côté droit qui présente à la per-

cussion un peu de submatité. Dans toute la hauteur du poumon

de ce côté, souffle et râles fins humides, aux deux temps de la

respiration. Du côté gauche, respiration un peu rude, mêlée de

quelques râles ronflants très disséminés.

4 juin. Toux moins fréquente, toujours quinteuse; expectoration

muco-purulente abondante, sonorité normale à gauche; subma-

tité dans toute l'étendue du côté droit et râles humides mélangés

de gros frottements pleuraux. Etat général satisfaisant.

30 juin. Poids : 21 kil. 900; taille : 1 m. 19.

9 juillet. Etat actuel. - Tête ovoïde assez développée; l'occipital

fait uns légère saillie, au dessous de laquelle existe à droite une

sorte de méplat, tandis qu'à gauche il existe une convexité assez

marquée. La bosse occipitale droite est plus accentuée que la

gauche; de même la bosse pariétale droite. Le front est haut,

bombé, assez large; la bosse frontale gauche est notablement

plus développée que la droite. ,

36t le CLINIQUE MENTALE.

tion est normale ; les gencives sont en assez bon état, mais recou-

vrent légèrement les dents.

Le cou est régulier : le thorax présente en avant une saillie assez

marquée des insertions sternales des quatrième, cinquième et

sixième côtes; le rebord costal droit est plus déprimé que le

gauche, et en arrière, la moitié droite du thorax parait aplatie

au-dessous de l'omoplate.

Le rachis est normal, ainsi que le bassin. Les membres supé-

rieurs et'inférieurs sont bien conformés, quoique un peu grêles.

Pas de traces de rachitisme. '

Les cheveux sont blonds et peu abondants; sur la moitié gauche

du crâne on trouve sept cicatrices, les unes linéaires, les autres un

peu étoilées. Sourcils blonds et rares, cils très longs et abondants;

duvet assez marqué surles épaules, les flancs et les cuisses. -.Peau

blanche avec de nombreuses taches (vésicatoires, petits abcès

consécutifs aux injections); petites glandes cervicales et inguinales,

rien dans les aisselles. - Les testicules sont descendus, mais très

petits; la verge est peu développée, un phimosis assez prononcé ne

permet pas de découvrir le gland.

Digestion. - L'appétit est régulier, la mastication se fait bien,

les, selles sont normales ; pas de gâtisme. Le foie déborde les fausses

côtes d'un travers de doigt, et remonte presque jusqu'au niveau

du mamelon ; la rate ne parait pas volumineuse; du côté droit on

distingue mal les espaces intercostaux qui sont très apparents du

côté gauche. Le ventre est assez développé et un peu tendu. Pas

d'ictère. ' ' ' 1

Respiration. - Submatité au sommet des deux poumons, surtout

à gauche; de l'épine à la pointe de l'omoplate, sonorité; au-des-

sous de la pointe et des deux côtés, matité. En arrière età gauche,

la respiration est un peu obscure au sommet, du côté du rachis; à

lapartie moyenne, elle est normale; en bas, elle paraîtlointaine;

la voix est un peu chevrotante en bas vers la colonne vertébrale.

Ce phénomène est plus marqué à droite, et dans une plus grande

hauteur. De ce côté, la respiration qui est normale dans la moitié

supérieure ne s'entend presque pas dans la moitié inférieure; il

reste encore un peu de souffle. En avant, sonorité un peu exagérée

des deux côtés; à droite, la respiration est normale sous la clavi-

cule, un peu obscure au niveau du mamelon; à gauche, elle est

normale.

La sensibilité, générale et spéciale, est intacte.

Etat intellectuel. - En juin 1881, dès son entrée, on a constaté

qu'il savait compter jusqu'à cinquante, avec des jetons; il connais-

sait les lettres de l'alphabet, mais sans savoir les assembler; il

faisait des bâtons sur l'ardoise; il se nettoyait assez bien, cirait

;es souliers, mais ne savait pas s'habiller seul; au réfectoire, il se

DES FAMILLES D'IDIOTS. 365

servaitde la fourchette, de lacuilleret du couteau, aidaitàlaver i-

la vaisselle.

En juillet et août, on remarque qu'il a parfois mauvaise tête,

qu'il est menteur, a de mauvaises habitudes et cherche à entraîner

les autres enfants; en octohre, il est plus attentif; en décembre

il s'habille seul, travaille mieux. , '

En mars et avril 1882, il est plus docile et plus assidu; après un

premier séjour à l'infirmerie (15 mai-27 juillet), il travaille assez

bien jusqu'au 29 décembre. est alors malade de nouveau, et lors-

qu'il redescend de l'infirmerie, le 11 juillet 1883, on constate qu'il

n'a rien oublié de ce qu'il avait appris.

Actuellement, il s'habille bien, mange proprement, n'est plus

gourmand, ni voleur. Il n'est plus onaniste. 11 connaît les diffé-

rentes parties du corps, sait nommer les mouvements, les couleurs,

tous les objets contenus dans les boîtes de leçons de choses, et tous

ceux qui l'entourent. Il commence à faire quelques lettres et aies

assembler; il n'a que très peu de notions en ce qui concerne son

âge, Jes saisons, les mois, les jours, l'heure. La parole est très

distincte. Il parait être assez affectueux..

1884. Janvier. Poids, 24 kil. 400. Taille, 1 m. 23.

Août. Poids, 25 kil. 100. Taille, 1 m. 26.

1885. Janvier. Poids, 26 kil. 400. Taille, 1 m. 28.

- Juin. Poids, 25 kil. Taille, 1 m. 30.

La puberté ne s'accuse pas. Lèvres et pénil glabres; testicules

de la grosseur d'une olive; bourses un peu rétractées; prépuce

long; gland découvrable; méat normal. La longueur de la verge

et la circonférence sont de 3 centimètres et demi.

Durant cette année, on a remarqué, comme les autres années,

des périodes de une ou deux semaines durant lesquelles il est

inerte, irritable, querelleur, refuse de travailler. D'ordinaire, il

est moins sujet aux colères qu'autrefois; il n'est plus menteur,

est devenu affectueux, s'occupe de son frère, idiot, le place

auprès de lui au réfectoire et le fait manger. Il est devenu plus

actif, assez propre, et joue avec les autres enfants. ce qu'il ne

faisait pas dans les premiers temps. Il syllabe assez bien, assemble

même quelques mots, bail la numération, compte 2 par 2, trace

quelques lettres. Il est complaisant et fait de petites corvées dans

le service.

En résumé, sous T'influence du traitement, cet enfant s'est

notablement amélioré à tous les égards.

Laissant de côté tous les faits, quelqu'intéressants qu'ils

soient, que les observations peuvent présenter d'étrangers à

366 CLINIQUE MENTALE.

notre sujet, nous ne résumerons dans notre tableau que les

points qui nous occupent en particulier :

DES FAMILLES D'IDIOTS. 367

signale l'hérédité et les anomalies intellectuelles ou morales

qui les accompagnent, trahissent facilement leur origine mor-

bide. Le cas actuel nous semble faire partie de ce groupe, et

ces deux condamnations dont l'une surtout décèle une perver-

sion profonde du sens moral, coexistant avec l'instabilité

mentale, peuvent, à notre avis, être un signe de plus de la

tare héréditaire.

Ainsi donc du côté de la mère, l'hérédité s'accumule depuis

deux générations. Du côté paternel, même chose. Le père des

Horn... ne présentait pas d'accidents nerveux, mais il faisait de

fréquents excès de boisson et c'est là un fait d'une valeur

très importante au point de vue de l'hérédité. De plus, il est

le fils d'un asthmatique et cette affection, qui a des rapports si

intimes avec les maladies du système nerveux, est une cause

d'hérédité qui a certes une grande valeur. L'asthme, en effet, est

lié souvent au goitre exophthalmique; les récentes recherches

de MM. Ballet ' et Marie 2 le montrent fréquemment uni par

l'hérédité aux maladies nerveuses et surtout aux maladies

mentales. Guislain s, d'un* autre côté, a fait voir que souvent

l'aliénation alterne avec l'asthme, et Solter 4 lui trouve de

nombreuses connexions avec l'épilepsie. On peut donc aisé-

ment admettre qu'un père atteint d'asthme transmette à ses

descendants une prédisposition névropathique spéciale, tout

comme un choréique, une hystérique, une épileptique, ou

même un aliéné.

Aussi disons-nous que, dans le cas actuel, l'hérédité est

double et s'accumule sur les enfants avec une intensité d'au-

tant plus forte qu'elle date de deux générations. Aussi de ces

cinq malheureux enfants venus à terme, deux meurent, à quel-

ques mois, de convulsions, deux sont idiots, l'un inéducable, tous

deux incapables de tenir place dans lasociété ; une autre, imbé-

cile, a eu autrefois des convulsions. Une seule fille est bien por-

tante et intelligente, mais on peut pronostiquer sans peine,

qu'avec des antécédents pareils, si elle-même ne ressent pas

les atteintes de l'hérédité, ses enfants, si elle en a, hériteront

des prédispositions névropathiques de toute la famille.

1 G. Ballet. Revue de médecine, 1883, p. 254.

2 Marie. -- Thèse de Paris, 1883.

3 Guislain. - Leçons orales sur les ph¡'énopatlties.

* Salter. On asthme, 1860.

368 CLINIQUE MENTALE.

III. Famille GUI...

Grand-père paternel; quelques excès de boisson; oncle paternel

aliéné; mère migraineuse. Grand-père maternel asthmatique;

cousin éloigné idiot; consanguinité éloignée. - \Onze enfants :

quatre idiots, une idiote, un convulsif.

Antécédents héréditaires. (Renseignements fournis par la mère,

20 octobre 1879.) - Père : ébéniste, quarante-deux ans, bien por-

tant, d'une taille assez élevée, a eu, dans le courant de l'hiver 1872,

un eczéma de la face et du tronc qui n'a pas reparu. Pas d'alcoo-

lisme, ni de migraines, pas d'accidents nerveux ni rhumatismaux;

caractère doux. [Père : soixante-sept ans, n'a jamais été malade;

aucun accident .nerveux ; quelques excès de boisson. - Mère :

morte de la rupture d'une anévrysme ; pas d'affection nerveuse.

- Deux frères : l'un est mort du choléra ; l'autre, placé à l'asile de

Maréville comme aliéné, y est mort le 1er décembre 1858 à l'âge

de dix-huit ans 1. Deux soeurs : dont l'une encore vivante, n'ont

jamais eu d'accidents nerveux.] .

Mère : quaranté-deux ans; brodeuse, intelligente, maigre, un

peu anémique ; sujette à des névralgies faciales et à des migraines

très fortes, sans vomissements. A la. suite d'une contrariété d'a-

mour-propre, elle eut pendant six mois des troubles semoriaux

de la vue (phosphènes). Elle voyait pendant deux ou trois heures

des feux, des cercles lumineux. Ces phénomènes disparaissaient

sous l'influence du sommeil. Aucun accident cutané, rhumatis-

mal ou pulmonaire; pas de maladies graves. [Père mort d'un

astfime à soixante ans, sans avoir présenté d'autres accidents ner-

veux. Mère : soixante-dix-sept ans, bien portante, pas d'affec-

tions nerveuses. Une cousine paternelle au troisième degré de

la mère de notre malade a eu un garçon idiot, mort à huit ans.

1 Gui... (Charles), dix-neuf ans, entré le 22 novembre 1858 à l'asile

de Maréville, mort le ter décembre 1858. - Aucun antécédent héréditaire,

pas d'excès alcooliques; pas de syphilis; excès vénériens et onanistillues.

' Chagrins d'amour suivis d'accès de tristesse, d'excentricité, d'embarras

de la parole. Les accidents ont débuté quinze jours avant l'entrée à

l'asile ; terreurs panophobiques lui arrachant des plaintes et des cris con.

tilluels; hallucinations incessantes : ou le poursuit, on veut le mutiler,

lui couper le cou; il est agité, bruyant, agressif. Plus tard il se croit

amputé des parties génitales et, dans cette conviction, il urine dans son

lit ou dans ses vêtements. Les traitements sont infructueux; sous l'in-

fluence des terreurs panophobiques, Gui .. refuse toute alimentation; il

survient un amaigrissement rapide et un état de marasme nerveux qui

amènent rapidement la mort.

DES FAMILLES D'IDIOTS. 369

Consanguinité : le père et la mère du malade sont cousins au

cinquième ou sixième degré. Leurs deux mères portaient le même

nom.

Onze enfants : 1° une fille morte à un an sans avoir eu de con-

vulsions ; paraissait intelligente. A sa naissance, elle était comme

enflée. - 2° et 3° deux filles, l'une de vingt-un ans, l'autre de

dix-neuf, bien portantes, intelligentes ; aucun accident nerveux.

4° un garçon (Louis-Oscar), mort idiot à Maréville; - 5° un

autre garçon (Charles-Georges), idiot, est encore actuellement à

Maréville; - 6° une fille morte à huit mois de la variole, quoi-

qu'elle eût, dit-on, été vaccinée et que le vaccin eût bien pris ; -

7° une fille (Henriette), idiote, morte à la Salpêtrière à dix ans le

1er décembre 18 i 5 ; - 8° un garçon, bien portant, assez intelli-

gent, a eu quelques convulsions internes, il ¡louche; - 9° une

fille, huit ans, bien portante, pas de convulsions ni d'affections

nerveuses; -- 100 Un garçon de cinq ans (Henri Gabriel), idiot,

gâteux ; 1 in un garçon de trois ans (Eugène-Georges), idiot et épi-

leptique.

Ces deux derniers malades ont été placés à Bicétre; mais

avant de relater leur observation, nous allons dire quelques

mots de leurs frères Charles et Louis-Oscar. Nous devons à

l'obligeance de M. le Directeur de l'asile de Maréville, de

nombreux renseignements sur ces deux premiers malades :

nous n'indiquerons ici que les traits principaux de leur affec-

tion. '

Observation VHI. Idiotie complète.

Gui... (Louis-Oscar), âgé de six ans et demi à son entrée à l'asile

de Maréville le 27 juillet 1868. Mort le 30 avril 1872.

Idiotie congénitale. Tête petite, front bas, déprimé : ne parle

pas, peu de sentiments affectifs : calme et inoffensif. Gâteux.

Santé physique bonne; vie purement animale.

Le 10 avril 1872, l'enfant est atteint de bronchite généralisée

il meurt le 30 avril. A l'autopsie, on trouve un ramollissement

notable des lobes antérieurs du cerveau et des tubercules gris

en voie de formation dans les deux poumons.

Observation IX. IDIOTIE complète. ,

Gui... (Charles-Georges), âgé de quatre ans et demi à son entrée

à l'asile de Maréville le 14- septembre 1868.

Tête assez bien conformée, figure assez intelligente; idiotie con-

lucamEs, t. X. 24

370 CLINIQUE MENTALE.

génitale, ne dit guère que papa et maman; gâtisme. L'état in-

tellectuel de l'enfant ne s'améliore pas, 'et les derniers certi-

ficats (novembre 1881) constatent l'idiotie complète; l'absence de

parole, le gâtisme, l'existence automatique et végétative. La santé

physique est bonne.

Nous avons pu aussi recueillir à la Salpêtrière quelques

renseignements sur Henriette Gui., le septième enfant de cette

famille. Nous les transcrivons ici :

OBSERVATION X. -IDIOTIE COMPLÈTE.

Gui... (Henriette), entrée à la Salpêtrière le 9 juin 1873, morte

le 4 décembre 1875 (service de M. llot.au).

Les différents certificats concernant cette malade constatent

qu'elle était atteinte d'idiotie congénitale avec nlic7'océphalie; stra-

hisme convergent et asthénie générale. Elle était turbulente avec

des périodes d'excitation; elle avait de mauvais instincts. Elle ne

mangeait pas seule et était gâteuse. Elle ne s'est pas améliorée

pendant tout son séjour à la Salpêtrière.

Nous allons maintenant rapporter plus en détail les obser-

vations des deux derniers enfants qui ont été placés à Bicêtre.

Observation XI. IDIOTIE congénitale complète.

Pas de convulsions. Congestion cérébrale à trois ans ( ? ). - Parole

nulle. - Incapacité de s'habiller, de se laver, de manger. - Gâtisme,

onanisme, phimosis.

Gui... (Henri-Gabriel) est entré à l31cêtre le 8 novembre 1879, à

l'âge de cinq ans (service de M. Bourneville). Il est né le

22 juin 1874.

Antécédents personnels. (Renseignements fournis par la mère,

3 décembre 4879.) Rien de particulier lors de la conception.

Aucun accidentpendant la grossesse; accouchement à terme, facile.

- A la naissance, pas d'asphyxie. -Elevé au sein par sa mèrejus-

qu'à quinze mois. Rougeole à deux ans et demi, variole à trois ans;

congestion du cerveau ( ? ) : il a été pendant soixante-cinq jours très

malade, a déliré pendant deux jours, pas de paralysie ni de con-

vulsions. Pas de croûtes, de dartres, de glandes, d'oplrllralmies,

d'otites, etc. 1

Il a commencé à marchera un an; toutefois, il semblait «comme

.maintenu sur les genoux ». Il a commencé à prononcer quelques

DES FAMILLES D'IDIOTS. 3Î,i'

monosyllabes vers deux ans, jamais la parole ne s'est développée

il mange avec la main, mais sait tenir une cuillère. Il a toujours

été gâteux. Pas d'onanisme. 11 est taquin. mais n'est pas méchant;

il est assez caressant, embrasse souvent sa mère de lui-même.

11 n'est pas gourmand, ni salace; pas de colères, quelquefois des

accès de cris.

1880. 26 juin. Gui... parle très peu, prononce quelques mots

(maman...), ne lit.pas ses lettres; il est d'ailleurs presque impos-

sible de fixer son attention. Il mange bien avec la cuillère; il

n'est pas gourmand, salace, ni voleur; gâte moins dans le jour

depuis quelque temps. Pas d'onanisme.

1881. Mai. Bronchite légère.

Juillet. Epulis au niveau des incisives gauches de la mâchoire

inférieure, extirpation au thermo-cautère.

1882. 29 mai. Ne dit que papa, maman... ne sait pas se laver, ni

s'habiller, mais sait se déshabiller. Il est voleur, mais pas destruc-

teur. Pas d'onanisme, gâtisme persistant; ni bave, ni succion,

ni balancement. Mange souvent avec ses mains, et déchire les

aliments avec ses dents.

Juin. Poids, 18 kil. 500; taille, lm,l2. - -

Il septembre. Etat actuel. Au premier abord, on est frappé de

l'aspect malingre et chétif del'enf3nt. Le visage, les extrémités

sont froides et très cyanosées; la maigreur est prononcée.

Tête peu développée, asymétrique. La moitié droite de la calotte

crânienne est plus large et plus saillante que la gauche, surtout à

l'union du pariétal avec l'occipital. La bosse pariétale gauche est

plus basse et plus en arrière que la droite; à gauche, au-dessus

de la bosse pariétale, dépression assez marquée. Les bosses occi-

pitales sont saillantes et égales, les bosses frontales sont égales,

peu saillantes; au-dessous d'elles, légère dépression. '

372 CLINIQUE MENTALE.

Système dentaire très défectueux ; la petite incisive gauche, la

canine droite et la première petite molaire droite mauquent en

haut. En bas, il ne reste que les quatre incisives, les deux grosses

molaires gauches et la dernière molaire droite; menton très

pointu. - -

Cou grêle, pas de ganglions, pas de cicatrices. - Thorax peu

développé, mais bien conformé. Colonne vertébrale rectiligne.

Pas de développement exagéré de l'abdomen..

Membres supérieurs grêles, bien conformés; mains violacées,

doigts longs; pas de ganglions axillaires. Membres inférieurs

maigres, sans déviations; extrémités violacées et froides, doigts

longs, voûte plantaire normale; pas de ganglions inguinaux.

Organes génitaux. Verge petite, normale; prépuce long, léger

phimosis. Testicules descendus, de la grosseur d'une petite noisette.

Peu2c : cheveux, sourcils, cils blonds, abondants. Pubis, mem-

bres, aisselles glabres. Une petite cicatrice gaufrée sur l'insertion

supérieure du couturier gauche; une cicatrice de vaccin sur le

deltoïde gauche, deux sur le droit.

Rien dans les poumons, ni au coeur. Fonctions digestives régu-

lières, appétit bon; langue bonne; ni vomissements, ni diarrhée.

- Foie et rate normaux.

Sensibilité géné/'ale intacte. Sens spéciaux obtus, surtout

l'odorat. - Sommeil bon, pas de cauchemars.

Degré d'instruction, nul. Il est très inattentif, ne retient rien de

ce qu'on lui dit, ne prononce que quelques mots « papa, maman »,

ne connaît pas le nom des objets usuels. Il est assez méchant,

très désobéissant, ne craint personne, comprend bien ce qu'on lui

dit. Assez affectueux pour ses parents qu'il reconnaît bien. Il a

souvent des accès de colère et de cris; très joueur, il s'amuse avec

n'importe quoi, ne se querelle pas avec les autres enfants; il est

voleur. Il sait manger seul avec la cuillère; cependant, il se sert

souvent de ses mains; il ne sait pas s'habiller. Pas de bave, ni de

succion, ni de balancement. Gâtisme invétéré, onanisme par inter-

valles. Marche bien, pas de paralysie. Pas d'épilepsie.

1879. Novembre. P.oids, 14 4 kil. 800. Taille, 1 m. 1.

1880. Septembre, Poids, 16 kil. 100. Taille, 1 m. 5.

- 1884. Juillet. Poids, 18 kil. 30. Taille, 1 m. 6.

1882. Janvier. Poids, 18 kil. 500. Taille, t m. iL

4882. Juin. Poids, 18 kil. 500. Taille, 1 m. 12.

4883. Janvier. Poids, 20 kil. Taille, 1 m. 1 ?

1883. Juin. Poids, 20 kil. 30. Taille, 1 m. 16.

4884. Janvier. Poids, 21'kit. 500. Taille, 1 m. 16.

1884. Juillet. Poids, 22 kil. 200. Taille, 1 m. 21.

1885. Janvier. Poids, 22 kil. 30. Taille, 1 m. 22.

1885. Juin. Poids, 23 kil. 200. Taille, 1 m. 22.

DES FAMILLES D'IDIOTS. 373

Observation XII. IDIOTIE complète; ÉPILEPSIE.

Crises nerveuses simulant des peurs; accès épileptiques (dix ans);

impotence absolue, parole nulle; mâchonnement des mains, stra-

bisme ; affaiblissement prédominant au membre inférieur gauche.

Tuberculose pulmonaire, marche des accès. - Autopsie incomplète.

Gui... (Eugène-Georges), entré Bicétre, le 27 août 1879, à l'âge

de trois ans. - Mort le 5 mars 1880 (service- de M. BOURNEVILLE.I

Antécédents personnels. (Renseignements [fournis par sa mère,

20 octobre 1879). Lors de la conception, rien de particulier.

Grossesse bonne. Accouchement à terme facile. - A la naissance,

pas d'asphyxie. Elevé au sein jusqu'à deux ans. Pas de

gourmes, d'ophthalmies ni de dermatoses. Rougeole à deux ans.

Vacciné, pas de varioloïde. Il a eu d'abord des crises nerveuses

(deux ans); il semblait avoir peur, et tressautait; plus tard, les

mêmes phénomènes se reproduisirent avec un cri. Enfin survin-

rent de véritables accès pendant lesquels il rendait de l'écume

sanguinolente (un an).

Il n'a jamais ni marché, ni parlé; il a toujours gâté. Son regard

est vague et ne fixe personne ; il ne parait pas entendre; jamais

on ne l'a vu rire; il ne pleure que rarement. Il passait ses jour-

nées sur les bras de sa grand'mère ou dans une chaise, mettant

ses mains dans sa bouche, mais sans les sucer.

1879. Septembre. Idiotie, épilepsie, strabisme; mutisme, cris

inarticulés; instincts très bornés; turbulence, gâtisme. Arrêt gé-

néral de développement, atrophie des membres inférieurs, para-

plégie.

16 octobre. Depuis l'entrée, l'enfant est resté couché constam-

ment. Depuis son admission, les jambes sont fléchies sur les

cuisses, et les cuisses sur le ventre. Quand on le lève, il se tient

assez bien sur la jambe droite ; mais la jambe gauche reste fléchie.

Traitement anti-scrofuleuæ; deux bains salés par semaine ,

essayer de faire marcher l'enfant.

4 novembre. Pas de modifications appréciables. Quand on le

soutient, l'enfant avance les jambes comme pour marcher, mais

tout se borne à cet effort.

20 novembre. Poids : 8 kil.; taille : Om;6S.

1880. 2 janvier. Amaigrissement progressif depuis quelque

temps. Toux assez fréquente ; sonorité normale, râles ronflants aux

deux bases. Les jambes ont plus de tendance à se fléchir; gonfle-

ment oedémateux du prépuce avec quelques petites ulcérations ; on

ne sent pas les testicules : Même traitement; viande crue.

374 CLINIQUE mentale.

4 mars. Maigreur extrême : la peau est collée sur les os. -

L'enfant ne peut tenir sur ses jambes; il prend toujours un peu

de lait, de viande crue, de vin, et on lui a donné des bains salés

et un traitement auti-scrofuleua.

5 mars. Mort à quatre heures du soir.

Marche des accès : ;

DES FAMILLES D'IDIOTS. 375

côté du père et du côté de la mère. L'influence de l'alcoolisme

sur la dégénérescence des produits, et que nous avons pu déjà

constater dans les deux observations précédentes, trouve encore

ici son application.

Nous voyons, en effet, le grand-père paternel de ces malades

qui était alcoolique donner naissance à un fils qui succombe

à un délire mélancolique bien caractérisé. Quoique le père de

nos malades ait été sain de corps et d'esprit, il n'en est pas

moins évident que, de son côté, il y a transmission des disposi-

tions morbides par hérédité, en retour collatéral. Les faits de

ce genre, pour être plus rares que ceux de l'hérédité directe,

n'en existent pas moins, et l'atavisme est, en fait, admis par

les aliénistes.

D'un autre côté, la mère, dont le père était asthmatique,

et qui compte déjà un idiot dans sa famille, est elle-même

sujette à des accidents nerveux. Ici l'hérédité se manifeste

directement et les dispositions pathologiques, venant des deux

parents, s'accumuleront, aggravées par la transmission, sur la

tête des enfants. De là, les dégénérescences si frappantes chez

la plupart d'entre eux et que nous rapportons plus haut en

détail.

Il est un fait déjà signalé dans l'OBSERVATION III que l'on

retrouve dans celle-ci et auquel on pourrait attribuer aussi une

influence sur l'état des descendants : c'est la consanguinité

des parents. Mais, outre que, pour nous, on a beaucoup

exagéré l'importance étiologique de la consanguinité, est-il

besoin de l'invoquer ici ? Et la double hérédité n'est-elle pas

une cause beaucoup plus active et plus certaine. Si la consan-

guinité intervient, ce n'esqsomme toute qu'indirectement, en

rapprochant les deux familles déjà tarées et en accumulant, si

nous pouvons parler ainsi, l'intensité de l'hérédité. Les unions

consanguines ont, .t effet, pour nous, une double action sur

le produit, suivant l'état des parents. Il est évident, en effet,

que si ces derniers sont bien conformés, bien portants, sans

tare d'aucune espèce, le produit sera irréprochable. Dans le

cas contraire, il héritera des vices de ses créateurs, absolument

comme dans les cas où ils n'ont aucune affinité.

Ce n'est pas la consanguinité de ses parents qui fera de lui

un dégénéré, ce sera la transmission des affections hérédi-

taires dont ils peuvent être atteints.

Quoiqu'il en soit, dans le fait qui nous occupe actuellement,

376 RECUEIL DE FAITS.

nous voyons que, par suite de la dégénérescence progressive,

cette famille est vouée à l'extinction. La plupart des enfants

sont morts jeunes, souvent avec les phénomènes les plus pro-

noncés de déchéance physique et intellectuelle : idiotie com-

plète, épilepsie, paralysie, tuberculose, maladie dont la rela-

tion avec les maladies du système nerveux, signalée par

Esquirol, bien étudiée par M. Dupouy, est un fait généralement

admis. Nous en avons vu, d'ailleurs, encore un exemple dans

l'OBSERVATION IV.

Parmi les survivants, deux présentent une constitution

débile, tous les caractères de l'idiotie ; ils sont et resteront

incapables de tenir jamais leur place dans le monde, ne pou-

vant se suffire à eux-mêmes, privés de toutes les facultés

nécessaires à la vie de relation, ne vivant que de la vie animale,

et même inaptes à se reproduire. Un autre, qui a eu des con-

vulsions et est affecté de strabisme, porte déjà le cachet hérédi-

taire, et si les trois autres enfants sont sains jusqu'à ce jour,

ils n'en restent pas moins les héritiers des dispositions mor-

bides de leurs parents, qui si elles ne se manifestent pas plus

tard chez eux, peuvent éclater dans leurs rejetons, sous une

forme peut-être plus terrible.

Ce pronostic funeste peut s'appliquer à tous les cas de ce

genre, et sans qu'il soit guère possible d'y remédier. Et les

faits que nous rapportons aujourd'hui ne sont que des

exemples de plus de ces dégénérescences de l'espèce humaine

que Morel a si consciencieusement étudiées et si magistrale-

ment décrites.

RECUEIL DE FAITS

FAIT POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA THÉRAPEUTIQUE

SUGGESTIVE;

Par le Dr J. SÉGLAS.

Dans un bulletin qui parut dans le Progrès médical (n° 16

de l'année 1884), notre confrère et ami le Dr Ch. Féré a exposé

ce que l'on peut entendre par la médecine d'imagination, et

DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 377

montré comment, dans certaines affections d'origine purement

psychique, dans les maladies dites imaginaires ou mieux par

imagination, on peut souvent guérir le malade en agissant

sur son moral, en se rendant maître de son imagination.

Les études récentes que l'on a faites sur l'hypnotisme nous

apprennent que, dans ces cas, c'est par suggestion que l'on

agit sur la maladie, et cela même à l'état de veille et sans

qu'il ait été besoin souvent de soumettre les malades au som-

meil somnambulique, comme l'ont montré d'ailleurs les expé-

riences de M. Bernheim et de M. Bottey.

Ces faits sont actuellement bien connus et établis par

nombre d'expériences, et il n'est guère de médecins s'occupant

de l'étude des affections nerveuses qui n'ait vu disparaître,

sous l'influence du traitement moral, les troubles fonctionnels

si communs chez les hystériques, paralysies ou contractures,

tics, névralgies diverses...

Mais, jusque-là, la plupart des expérimentateurs se sont

bornés à s'adresser aux troubles somatiques, et si quelques-

uns ont étudié les modifications que les suggestions peuvent

apporter dans l'état mental d'un névropathe jouissant de la

plénitude de son intelligence, bien peu ont pensé à appliquer

au traitement des malades de cette catégorie présentant des

troubles vésaniques quelconques, les résultats de l'expéri-

mentation. On ne connaît guère, dans cet ordre d'idées, que

l'observation de M. Bernheim et les mémoires de M. Aug. Voisin

lus aux congrès de Blois de t88t et de Grenoble, 1885.

Cependant l'hypnotisme et les suggestions peuvent rendre

de grands services dans le traitement de certaines formes

d'aliénation mentale, et si aujourd'hui nous osons avancer ce

fait, c'est que nous avons obtenu ainsi la guérison d'une dliénée

hystérique chez laquelle tous les traitements, habituellement

employés, échouaient successivement depuis de longs mois.

De pareils faits, en apparence incroyables, deviennent de

suite très compréhensibles si l'on veut bien se rendre compte

de ce qu'est, en somme, la folie hystérique, et des modifica-

tions que l'état hypnotique imprime à la manière d'être des

sujets.

Pour être délirant, un individu hystérique n'en reste pas

moins hystérique, et le délire ne suspend pas fatalement chez

lui les manifestations somatiques de la névrose. Souvent

même, au contraire, les deux ordres de symptômes physiques

378 RECUEIL DE FAITS.

et psychiques coexistent et s'exagèrent par influence réci-

proque ; et c'est alors le plus généralement les symptômes

d'ordre physique qui auront fait les premiers leur apparition

et qui pourront servir de substratum au délire quand celui-ci

viendra à se déclarer. Telle perversion morbide survenue

dans lesfonctions d'un sens spécial, goût, odorat, par exemple,

peut, à un moment donné, susciter des idées d'empoisonne-

ment. Tel trouble de la sensibilité générale et viscérale, anes-

thésie, hyperesthésie, ou de la motilité, paralysies, contrac-

tures, peut être le point de départ d'idées de persécution ou

hypochondriaques, et même de suicide. Ces faits sont d'ailleurs

communs et d'observation journalière dans d'autres formes

vésaniques : mélancolie, délire de persécution, délire de néga-

tison

D'un autre côté, chez les sujets ayant antérieurement des

attaques convulsives, c'est quelquefois à propos d'une de ces

attaques que surviendront les troubles intellectuels. Dès lors,

chaque nouvelle attaque sera comme un coup de fouet donné

au délire et pourra être l'occasion de périodes d'agitation

maniaque fort dangereuses.

Or, si l'on veut bien réfléchir à l'action de l'hypnotisme expé-

rimentalement reconnue dans l'hystérie, il me semble que dans

ces cas-là il n'est pas irrationnel d'admettre qu'il peut modifier

la physionomie du délire.

On a cité nombre de faits dans lesquels on voit l'hypnotisme

suspendre lès attaques, faire disparaître des contractures, des

névralgies, constituant en cela ce que M. Ch. Féré appelle la

médecine d'imagination. Or, si tous ces troubles fonctionnels

ont été l'occasion de symptômes délirants, il n'est pas illo-

gique d'admettre, et l'observationnous l'a prouvé, qu'une fois

disparus, le délire n'étant plus surexcité peut diminuer

chaque jour d'intensité et céder plus tard, toujours sous l'in-

fluence des mêmes moyens. Avec les idées délirantes dispa-

raîtront aussi petit à petit les périodes d'agitation maniaque,

quelquefois excessive, que, d'ailleurs, l'action inhibitoire des

agents hypnotiques peur influencer directement; les périodes

d'agitation sont aussi souvent dues à des troubles hallucina-

toires intenses qui constituent presque tout le fond de la

folie hystérique, sur lesquels on peut agir par les mêmes pro-

cédés, si L'on se rappelle les expériences de M. Bernheim, sur

ce qu'il a appelé les hallucinations négatives. ,

DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 379

Nous ne saurions, dans ce rapide exposé, entrer dans plus

de détails, notre but est simplement de montrer que, chez

certains aliénés hystériques, l'hypnotisme et les suggestions

peuvent modifier avantageusement la maladie. Cela peut

se déduire d'une façon rationnelle, comme nous croyons

l'avoir montré, des expériences déjà faites sur la matière : et

la clinique semble confirmer cette manière de voir, ainsi que

l'indique l'observation suivante que nous ne ferons que

résumer.

Observation. --Il s'agit d'une jeune femme de trente ans, ayant

des antécédents névropathiques très accentués, surtout du côté

paternel, et qui ont aussi imprimé leur marque chez une de ses

soeurs et chez son enfant.

Elle-même a toujours été d'un caractère excentrique; à vingt

ans, elle a eu des céphalalgies, des syncopes, des crises nerveuses

sans convulsions, pendant une grossesse. En 1883. à propos d'une

fausse couche, les accidents nerveux redoublent, syncopes, atta-

ques de léthargie très fréquentes, parfois avec contracture,

attaques convulsives avec délire loquace; puis, à l'occasion de

chagrins de famille, s'ajoutent des hallucinations, de l'insomnie,

de l'exaltation mentale et l'accès délirant s'établit (délire lypé-

maniaque, hallucinations, idées de suicide). Elle fut soignée dans

différents asiles pendant un an par les moyens ordinaires et sans

aucun résultat.

1884. 13 juin. Etat actuel. Faciès maniaque des plus carac-

téristiques. - Cheveux en désordre, jurons, injures, mots obs-

cènes, cris, chants. Hallucinations sensorielles multiples,

bavardage incohérent rappelant des idées de persécution, hypo-

chondriaques, d'empoisonnement, de suicide que la malade rat-

tache d'elle-même aux troubles de la sensibilité, violences, agita-

tion extrême. - Erreurs de personnalité, perte de la mémoire

de certains faits antérieurs au délire, perversion des senti-

ments affectifs. - Insomnie. - Zones hyperesthésiques, très

douloureuses même spontanément, : clou, zone latéro-vertébrale,

sous-mammaire, sous-claviculaire et ovarienne du côté gauche.

Rétrécissement du champ visuel du même côté, sans achroma-

topsie. Tympanisme. - Aucun trouble des appareils digestif,

respiratoire, circulatoire, génito-urinaire. - Pas de signes de

dégénérescence ; adhérence du lobule de l'oreille.

Attaques de grande hystérie presque journalières et se présen-

tant, si on ne les arrête pas, par séries de trois ou quatre. L'aura

vient de l'ovaire gauche et, plusieurs heures avant l'attaque, lama-

lade su plaint de son ventre, puis d'une houle qui l'étouffé au creux

380 RECUEIL DE FAITS.

de l'estomac; en même temps, il y a des petites contractions spas-

modiques dans les différents muscles de la face du côté gauche.

Ces contractions se rapprochent, la boule remonte graduellement

à la gorge et l'attaque se déclare. La période épileptoïde n'est re-

présentée que par des secousses tétaniformes suivant immédiate'

ment la perte de-connaissance et affectant tout le corps, mais

surtout le côté gauche; la phase de résolution qui suit immédiate-

ment est peu nette et interrompue de temps en temps par de

violentes secousses, pas d'écume ni de stertor. - Arrive ensuite

la période de grands mouvements, parmi lesquels l'arc de cercle

antérieur dorsal est constant. La période des attitudes passion-

nelles manque souvent, cependant la malade prend parfois l'at-

titude du crucifiement. Ce qu'il y a de plus particulier dans les

attaques, c'est la période des hallucinations et du délire qui est

très longue : hallucinations, zoopsiques terrifiantes (chevaux,

taureaux, serpents, crapauds se multipliant à l'infini, corbillards,

guillotines, etc...), la malade cause alors des scènes de sa vie

antérieure, à l'accès délirant et qui ont dû le provoquer : le

délire des attaques, en somme, par la couleur des idées ressemble

beaucoup au délire constituant l'affection mentale, lequel d'ail-

leurs s'exaspère à la suite de chaque attaque. Celles-ci sont arrêtées

par la compression de l'ovaire gauche et si on peut le faire avant

la période délirante, le délire habituel reste ce qu'il était avant l'at-

taque. '

29. - Deux attaques convulsives le matin : le soir. une attaque

de catalepsie spontanée.

30. - Une attaque convulsive, mêmes idées délirantes, très

agitée.

2 juillet. Attaque à midi.

3. Attaque, mêmes idées d'empoisonnement : veut laver ses

aliments pour chasser cepoison qui lui fait si mal à la tête (clou).

4. - Attaque : dans la période de délire, on veut lui faire

boire du poison, il y a du sang partout, des curés « qui font des

enfants aux bonnes soeurs ». Après l'altaque, elle se rappelle

simplement qu'elle a été malade et attribue cela au poison qui

était dans ses aliments et que ses persécuteurs (les curés et les

agents politiques) lui ont fait prendre.

7. - Attaque convulsive.

8. Applications d'aimant sur les zones hyperesthésiques

(ovaire gauche, dos à gauche ; vertex), de vingt minutes à une

demi heure pour chacune. On continue ce traitement tous les

jours et, après chaque séance, on peut constater une diminution

fort nette de l'hyperesthésie dans les zones citées.

9. = Deux attaques avec période de délire très longue et hallu-

cinations (corbillard, échafaud, animaux fantastiques).

DE LA THERAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 381

10. Très excitée; même délire.

il. Somnolence depuis deux jours; même délire; erreurs

de personnalité au sujet des gens qui l'entourent, qu'elle prend

pour de grands personnages et qu'elle tutoie cependant.

12. - Toute la matinée elle se plaint de son ventre (ovaire) et

demande un instrument pour se tuer plutôt que de souffrir ainsi.

Attaque à midi : hallucinations (serpents) : délire, se voit au bal,

au théâtre; elle va souper et boire du Champagne, absolument

comme dans son délire continuel.

13. Moins somnolente, reçoit bien ses parents, regarde et

prend intérêt à ce qui se passe autour d'elle.

14. - Son ventre, dit-elle, va beaucoup mieux, le clos un peu mieux

mais la tête lui fait toujours mal. (On continue l'application des

aimants.) Figure meilleure, délire toujours identique mais moins

expansif. Elle garde un chapeau sur sa tête pour la protéger

contre le poison en poussière qu'on veut lui jeter pour augmenter

encore ses douleurs. Elle lave toujours sa viande avant de manger.

15. - Plus docile, cause raisonnablement de certains fais de sa

vie antérieure. Se plaint de son ventre et voudrait mourir, mais pas

avant d'avoir vu son mari. - Trois attaques convulsives à midi.

17. Deux attaques très violentes avec hallucinations zoopsi-

ques et terrifiantes, délire. Après l'attaque, le soir elle crie, chante,

jure est hallucinée, très délirante et présente absolument le

même facies qu'à l'entrée.

18. Véritable accès maniaque : jurons, chansons légères,

très hallucinée, veut tuer tous les curés : idées de persécution ; les

agents politiques la poursuivent toujours.

21. - Plusieurs attaques convulsives suivies d'une période très

longue de délire loquace. Même état maniaque.

30. -Ne veut pas s'habiller parce que ses habits sont empoi-

sonnés ; état maniaque, cris, jurons, violences,

2 août. Une attaque convulsive : toujours agitée.

3. Une attaque convulsive.

9. Une attaque convulsive.

18. - La malade est toujours en proie à un véritable accès

maniaque; elle est très violente et dangereuse pour elle et les

autres. Le délire est toujours le même : les symptômes physiques

(attaques, dysesthésies) très accentués.

Les traitements employés jusqu'ici, bromures alcalins, opium,

chloral, belladone, valérianates, obscurité, bains prolongés, hydro-

thérapie, n'ont.produit aucun effet. Seulsles aimants ont semblé,

en modifiant l'état cynesthétique (le rétrécissement du champ

viauel de l'oeil gauche avait lui-même diminué), amener un peu de

calme, mais ce traitement a dû être bientôt abandonné à cause

382 RECUEIL DE FAITS. 1

de l'agitation de la malade quien rendait l'application impossible.

C'est alors que nous résolûmes d'essayer l'hypnotisme, et nous

allons voir dans la suite de l'observation, comment nous avons pu

ainsi modifier l'état de notre malade. Comme nous nous sommes

toujours servi des mêmes procédés, nous ne décrirons simplement

qu'une fois pour toutes une des séances d'hypnotisme. Nous dirons

aussi que nous avons toujours agi dans l'état somnambulique et

après nous être préalablement assuré aussi bien de l'état hypno-

tique que de la bonne foi de la malade par les réactions neuro-

musculaires bien connues maintenant.

C'est toujours au sens de la vue que nous nous sommes adressé

pour produire l'hypnose, et, pourcela, nous [employions soit la

fixation de la boule de verre, en strabisme convergent supérieur,

soit la fixation par le regard, soit les passes ; et si la malade était

trop agitée ou refusait de se laisser endormir, nous y ajoutions

les suggestions verbales ou bien nous avions recours à la pression

des globes oculaires, mais avec moins de succès.. Nous dirons de

suite que nous avons toujours réussi à produire l'hypnose même au

milieu des paroxysmes d'agitation les plus violents.

Le sommeil survient assez rapidement (de 1 à 3 minutes), et

s'annonce par des clignotements des paupières et de profonds

soupirs. Dans la période léthargique nous trouvons le phénomène

caractéristiqne de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire : l'insen-

sibilité est absolue. L'ouverture d'un oeil ou des yeux détermine

l'hémicatalepsie ou la catalepsie complète ; mais cette phase est

moins nette que la précédente, nous avons plutôt alors un état

cataleptoide; les membres n'ont pas la flexibilité cireuse caracté-

ristique ; on a une certaine résistance à vaincre pour les mettre

dans différentes positions. - La malade étant revenue en léthargie

par l'occlusion des yeux, la pression sur le vertex détermine le

sonmambulisme, les yeux ne s'ouvrant qu'incomplètement. La

sensibilité générale et spéciale reparaît alors : les zones hype-

resthésiques sont douloureuses comme à l'état de veille, le phéno-

mène d'excitabilité cutano-musculaire est très évident. Dans cet

état, nous avons fait de temps en temps une des expériences

classiques qui nous ont toujours réussi; le dédoublement par la

pression du globe oculaire des hallucinations provoquées, leur

renversement par le miroir, l'hallucination provoquée d'une cou-

leur déterminant ensuite d'elle-même l'hallucination de la couleur

complémentaire... Quant aux autres, pour les quelles il faut s'en

rapporter à la bonne foi de la malade, telles ,que les hallucina-

tions des divers sens gaies ou pénibles; les impotences fonction-

nelles, les hallucinations négatives de Bernheim, etc., elles ont

toujours été telles qu'on les trouve décrites dans toutes les rela-

tions d'expériences sur les sujets hypnotiques; aussi ne nous y

arrêterons-nous pas. Disons enlin que nos séances n'ont jamais

DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 383

duré plus d'un quart d'heure, que la malade, une fois réveillée, n'a

gardé aucun souvenir de ce qui s'est passé pendantson sommeil :

elle ne sait même pas qu'elle a dormi. Hlle n'est pas fatiguée et ne

se plaint que d'avoir un peu froid.

Nous ne considérerons maintenant dans chaque expérience que

ce qui a rapport directement au traitement de la malade. D'un

autre côté la plupart de ces séances étant la répétition les unes

des autres, nous ne transcrirons ici que celles qui seront inté-

ressantes à un point de vue particulier. Dès la première séance

(18 août) et malgré l'état d'agitation très grande de la malade,

le sommeil arrive en trois minutes par la fixation de la baguette

de verre. La phase de somnambulisme étant obtenue parla friction

du vertex, nous suggérons simplement la guérison du mal de tête

(clou) et aussi la disparition des voix. Il est inutile de dire que,

comme pour toute suggestion, nous agissons par persuasion, et

attendons que la malade soit bien convaincue de nos paroles.

Elle est réveillée par le souffle sur les yeux et quelques heures

après elle dit toujours souffrir de la tête, mais bien moins et elle

n'entend plus de voix, ce qui lui semble fort bizarre, les voix étant

d'habitude continuelles.

A midi, série de quatre attaques convulsives dontles prodromes

(boule, spasme des muscles de la face) existaient avant la séance

d'hypnotisme.

Après l'attaque, le mal de tête est toujours moins violent qu'a

l'ordinaire et les hallucinations ne s'étendent qu'à gauche. -

A trois heures, attaque spontanée de léthargie : contractures

presque généralisées, plus manifestes à droite et dans l'extension

forcée : phénomènes cataleptiformes ; les frictions amènent la

résolution musculaire. Cet état dure deux heures et demie, et la

malade réveillée n'a aucune conscience de cette période. Le mal

de tête est toujours moins fort, et les hallucinations de l'ouïe ne

siègent plus qu'à gauche.

19. - Le résultat des suggestions persiste comme hier soir. Elle

est très calme toute la journée. - Le soir à sept heures, attaque

de lathargie; en l'examinant, notre main touche par hasard le

vertex, alors la malade essaye d'ouvrir les yeux. A ce moment,

apparition des phénomènes cataleptiformes et des contractures

qui disparaissent par la friction des muscles antagonistes. La

malade est réveillée par le souffle sur les yeux : aucune conscience

au réveil.

20. - Très calme mais toujours délirante : les troubles de la

sensibilité sont revenus; hallucinations à gauche seulement.

21. Nous hypnotisons la malade et lui suggérons qu'elle ne

souffre plus dans la tête, ni dans le dos (et, pour l'en convaincre,

nous lui montrons que ces points ne sont plus douloureux au

384 RECUEIL DE FAITS.

toucher), que ses voix ne se feront plus entendre et que les

agents politiques qui la tourmentent vont disparaître. Ces sugges-

tions persistent au réveil, durent toute la journée pendant laquelle

la malade est très calme, fait de la musique. Elle se dit encore

persécutée, mais par les curés seulement et a des hallucinations

de la vue, symptômes que nos suggestions ont respectés.

22. Attaque de léthargie durant depuis trois heures avec

contractures invincibles des quatre membres : le bras gauche et

les deux jambes sont dans l'extension forcée : à droite, le bras est

dans l'adduction forcée, l'avant-bras fléchi à angle droit et les

doigts dans la flexion forcée. Craignant que ces contractures ne

persistent pas au réveil et ne déterminent de nouvelles idées déli-

rantes, me souvenant aussi du fait produit dans l'attaque précé-

dente, je frictionne légèrement le vertex, la malade se remue,

essaye d'ouvrir les yeux, je fais disparaître alors les contractures

par l'excitation superficielle au niveau des muscles antagonistes,

je renouvelle mes suggestions et provoque le réveil par le souffle

sur les yeux.

23. - Très calme, les suggestions persistent ; reçoit bien son

mari.

24. - Série de trois attaques convulsives à la suite desquelles

tous les points hype1'esthésiques ont reparu. S'excite le soir : reparle

de ses persécuteurs.

25. Le matin, elle est très excitée et se querelle avec une ma-

lade, Mme X..., qu'elle dit être un des agents à sa poursuite : pro-

drômes d'une attaque. Ayant remarqué déjà l'influence des

attaques, de leur période de délire, sur le retour des idées déli-

rantes et de l'excitation, j'essaye de l'empêcher par des sugges-

tions. J'endors donc la malade et après avoir renouvelé les sugges-

tions anciennes je lui frictionne le ventre en lui disant que je fais

descendre sa boule qui ne l'étouffera plus : elle accepte cette idée,

la sensation d'étouffement, l'ovarie disparaissent. Une fois ré-

veillée, elle se porte bien, ne grimace plus, ne se plaint pas, n'a

pas d'attaque, reste calme.

26. - Le matin, elle est très excitée et en veut toujours à

Mme X... qu'elle appelle maintenant « sale femme » depuis que je

lui ai dit qu'il n'y avait plus d'agents politiques.

Pendant toute une période qui dure jusqu'au 15 septembre, la

malade est très excitée, violente, dangereuse même et les rêves

qui troublent son sommeil, les hallucinations du sens génital

qu'elle éprouve la nuit, la poussent à exercer des représailles

contre deux personnes qui l'entourent qu'elle accuse de la pros-

tituer. Les moyens de coercition ne faisant que l'exciter davan-

tage, j'imagine de lui donner, pendant le sommeil somnambu-

lique, des hallucinations négatives au sujet des personnes à qui

DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 385

elle eu veut et dont je supprime l'existence soit pour un des sens

de la malade (ouïe ou vue), soit pour tous à la fois. Le moyen me

réussit pleinement, et la malade une fois plus calme, je fais dis-

paraître la suggestion après lui avoir recommandé le calme, la

docilité, et l'avoir tranquillisée au sujet de la personnalité des

personnes qu'elle attaquait et des rapports qu'elle aura désor-

mais avec elles. Le procédé des hallucinations négatives que je

n'ai employé qu'en dernier lieu a réussi beaucoup plus vite que

les idées suggérées de calme, de la disparition de tous ses enne-

mis, qui ne duraient que peu. Car elle croyait toujours les re-

connaître dans les deux personnes dont j'ai parlé et ces erreurs

de personnalité, ainsi que les autres si nombreuses qu'elle faisait

n'ont jamais pu céder à mes suggestions et n'ont disparu d'elles-

mêmes qu'à la fin de la maladie.

A notre avis, ce fait doit tenir au mode de la suggestion car nous

avons observé qu'il fallait les faire d'une façon différente pour

chaque genre d'idée. - Mais toujours, au lieu de s'adresser direc-

tement à l'idée elle-même, il nous semble préférable, d'après

l'expérience des faits, de rechercher d'abord le mode de produc-

tion de l'idée et de s'adresser à ses causes génératrices; attaquer

toujours d'abord les troubles somatiques exaspérant le délire, tel

a été notre procédé et les faits nous ont donné raison, puis agir

sur les hallucinations. Et alors il a fallu se mettre à la piste de

toutes, les prendre une à une, et souvent ne pas se contenter

, d'une simple affirmation, mais faire assister la malade elle-même

pendant le sommeil à la présence de ses hallucinations habi-

tuelles, les lui susciter au besoin pondes faire disparaître ensuite,

en l'assurant qu'elles ne reviendront jamais. Une fois cela fait, les

idées de persécution ou d'empoisonnement n'étant que secon-

daires, ont cédé d'elle-même, ne revenant que par paroxysmes,

surtout aux époques menstruelles et toujours sous l'influence de

troubles sensoriels divers.

Nous espérons qu'on nous pardonnera cette digression qui

montre d'une manière générale notre façon d'agir. Car, étant

donné la mobilité du délire des hystériques, nous ne pouvons faire

assister jour par jour le lecteur à toutes les petites oscillations de

la maladie. Nous n'insisterons que sur les poinLs particuliers;

nous rappellerons seulement encore qu'à chaque séance nous re-

nouvelions nos suggestions antérieures : d'ailleurs, la malade

devenant suggestible ci l'état de veille, nous avons pu rapidement

n'user de l'hypnotisme que dans les cas absolument nécessaires,

soit pour prévenir une attaque imminente, soit dans des paroxys-

mes du délire et d'agitation, l'hypnotisme agissant toujours de

lui-même sur ce dernier symptôme.

4 septembre. - Attaque de léthargie avec contracture des

quatre membres de une heure de durée.

Archives, t. X. 25

386 RECUEIL DE FAITS.

8. Ecrit à ses parents un billet où elle demande leur visite

et leur annonce qu'elle ne souffre plus de nulle part, que les

agents qui la poursuivaient se sont enfuis. Elle est, en somme,

beaucoup moins excitée et ses idées délirantes moins diffuses et

moins incohérentes, car elle n'en veut plus qu'aux deux personnes

dont j'ai parlé, et encore ne sont-ce plus des agents.

Cette idée, d'ailleurs, disparait le 1.5 septembre, de la façon

dont nous avons parlé plus haut. Ce jour-là. elle rit aux propos

qu'on lui tient, elle fait un peu de tapisserie, et reçoit la visite

de ses parents qu'elle accueille fort bien. Le soir, attaque de

léthargie avec contractures. Au réveil, paraplégie surtout acceu-

tuée dans la jambe gauche.

17. - Nouvelle attaque de léthargie avec contracture. Au

réveil. disparition de la paraplégie sous l'influence d'une seule

séance d'électrisation par les courants faradiques aidée de sug-

gestions à l'état de veille. Les idées hypochondriaques qui commen-

çaient à s'accentuer disparaissent alors avec le symptôme qui les

avait provoquées .

20. Très agitée depuis deux jours : cris. chants, violences,

tentative de suicide sous l'influence d'hallucinations de l'ouïe

très intenses. - Hypnotisme : suggestion de la disparition des

voix qui s'éteignent graduellement et qu'enfin elle n'entendra

plus. Au réveil, expression très calme de la figure, plus d'excita-

tion, plus d'hallucinations.

21. - Prodromes d'une attaque disparaissant sous l'influence

des suggestions hypnotiques. - Très calme toute la journée : on

peut maintenant fixer son attention et arriver à la faire causer

raisonnablement.

2 octobre. Depuis dix jours que nous n'avions vu la malade,

il s'est déclaré un accès de terreur panophohique avec hallucina-

tions terrifiantes, surtout zoopsiques, idées d'empoisonnement,

le tout consécutif à une piqûre de morphine intempestive et qui

détermina des vomissements. - Faciès halluciné, cheveux en

désordre, cris de peur, fuite; il est presqu'impossible d'obtenir

l'attention de la malade ; les bains, les soporifiques et antispas-

modiques n'ont rien fait depuis le début de cet accès. Somnam-

bulisme provoqué : je la fais promener en rêve partout où elle le

veut en lui suggérant à mesure la disparition de toutes les hallu-

cinations qui l'effrayaient; diesel-assuré et dit : " Elles ne revien-

dront plus, n'est-ce pas, toutes ces bêtes ? » Sur mon affirmation,

elle se calme tout à fait. Au réveil, elle a l'air très étonnée de

ne plus rien voir d'effrayant : elle fait sa toilette, reçoit affec-

tueusement ses parents, est très calme. Les anciennes suggestions

persistent toujours.

3. Attaque convulsive après laquelle, se souvenant seulement

DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 387

qu'elle a été indisposée, elle dit que c'est parce que ses vêtements

sont empoisonnés. Cependant elle ne s'excite pas. Avant l'attaque,

sentant sa boule remonter, elle disait : « Je suis si malade, que je

ferais mieux de me tuer. »

5. Les hallucinations de la vue ne se sont pas reproduites,

mais elle entend des voix dans le lointain et on la pousse dans

le dos. Idées d'empoisonnement plus développées : lave tous ses

aliments.

6. - Sous l'influence des suggestions hypnotiques, les halluci-

nations diverses disparaissent ainsi que l'idée d'empoisonnement.

Elle mange proprement au réveil, est calme, cause raisonnablement.

8. -Attaque convulsive avec une période de délire où elle voit

des taureaux, du sang, des fleurs. - Ces hallucinations persistent

après la crise et durent toute la journée, résistant aux suggestions

à l'état de veille. Les suggestions antérieures persistent.

9. -- Mêmes hallucinations qu'hier : le clou a reparu. Ces phé-

nomènes disparaissent après une séance d'hypnotisme. Elle est

alors calme, ne délire pas, fait de la musique... Certains faits de

mémoire, antérieurs à la maladie, ont été oubliés, l'année, son

domicile, son âge, la perte de ses parents. Elle commence main-

tenant à savoir le jour, le mois, l'année; il m'a suffi de le lui dire

et de le lui demander ensuite tous les matins. Quant à son âge,

elle se vieillit de plusieurs années et je ne puis la convaincre de

son âge réel qu'en lui disant dans le cours du sommeil somnam-

bulique que je lui enlève les années qu'elle se donne de trop.

Depuis ce moment, elle a toujours donné son âge réel. Les senti-

ments affectifs se réveillent sous l'influence des suggestions à

l'état de veille ; elle demande des nouvelles de ses parents, les

attend et les reçoit bien. - Polyurie depuis quelques jours.

Aucun trouble de la sensibilité.

11. - Hallucinations du sens musculaire, on la pousse, on la

fait aller à droite et à gauche. Refuse de manger sans que je

puisse savoir pourquoi; cependant l'idée du poison n'existe plus.

1° ? . - Attaque de léthargie sans contracture : même état, très

calme, affectueuse, mais je ne puis lui faire prendre qu'un potage.

13. - Toujours calme, ne délire pas : je ne puis constater

d'autres hallucinations; même refus de nourriture résistant aux

suggestions à l'état de veille. Sonde oesophagienne. Les anciennes

suggestions persistent.

15. Epoque menstruelle. Hallucinations de l'ouïe : cloches;

elle délire alors sur les enterrements, les catacombes.

A 8. -Attaques de léthargie avec contracture. Même état mental

que le 15 durant jusqu'au 24.

21. - Ce jour-la, nouvelle attaque de léthargie avec contracture.

388 RECUEIL DE FAITS.

22. Réapparition du clou hystérique, mais sans délire

consécutif. La malade reste calme, s'occupe, ne fait que des

erreurs de personnalité. Elle consent à manger.

24. Calme et docile, trouve seulement que la vie est trop

longue puisqu'elle souffre encore de la tête. A ce niveau, hyperesthé-

sie notable; comme les suggestions à l'état de veille restent

impuissantes, j'ai recours au sommeil somnambulique, je suggère,

comme précédemment, la disparition de la céphalalgie et rappelle

toutes les anciennes suggestions qui persistaient d'ailleurs. Au

réveil, la douleur spontanée et l'hyperesthésie du vertex ont dis-

paru. Ne parle plus de mourir.

27. - Attaque de léthargie suivie de contractures.

28. Toute la journée elle est calme, fait de la musique, mange

bien, ne manifeste pas d'inquiétudes, d'idées de persécution,

d'hallucinations, ni de douleurs. La mémoire des faits de sa vie

d'enfant et de jeune fille revient ; fait toujours des erreurs de

personnalité. ,

der novembre. - Attaque de léthargie avec contractures.

3. Accès de migraine ophlhalmique très-net : douleur dans

l'oeil gauche et la région sus-orbilaire s'arradiant de là à droite ,

scotomes bleus et jaunes sur les côtés, passant quelquefois de-

vant les yeux en dansant et en faisant une ligne tordue eu

zigzag ; nausées, vomissements : parésie de la jambe gauche, pas

de troubles cynesthétiques.

7. Les maux de tête et les scotomes ont disparu', il ne

reste que la parésie de la jambe gauche avec anesthésie.

8. Attaque de léthargie de trois heures à onze heures du soir,

suivie de contractures.

10. - Les deux jambes sont paralysées et insensibles, à cause

du poison, dit-elle. Elle est calme, mais elle a peur et s'inquiète

beaucoup de son enfant.

0. Tentatives répétées de suicide suite d'impulsions subites

auxquelles elles ne peut résister sans avoir des étuutfements, des

angoisses, des maux de tête. Les idées, détruites antérieurement,

ne reviennent pas : parésie et anesthésie constantes de la jamhe

gauche.

9 décembre. L'anesthésie a disparu avec la paralysie par suite

de l'électrisation aidée de» suggestions à l'état de veille. Les

impulsions au suicide persistent toujours et 1'tiîtxiété précordiale,

la tension céphalique qui les accompagnent suscitent des idées d'eua-

1 Les suggeslions sont restées sans efrel. Le .sulfate du quinine

et un purgatif ont amené la disparition delà migraine.

DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 389

foisonnement. Surviennent ensuite des hallucinations de la vue

(taureaux...) et du sens musculaire : elle a peur que tout ce dont

elle a souffert ne revienne.

24. Les hallucinations, surtout de la vue, n'ont fait que croître :

les idées d'empoisonnement et de suicide persistent : incohérence.

26. Une séance d'hypnotisme a raison des hallucinations et

des idées délirantes d'empoisonnement et de suicide. C'est l'époque

des règles.

1885. - si janvier. - Courte période d'excitation génitale :

pas d'onanisme.

13. Anurie depuisdeux jours : pas de vomissements. - Né-

vralgie occipitale.

14. - Urines abondantes (chiendent).

2 f écrier. Mêmes impulsions suicides et homicides auxquelles

elle résiste grâce à nos suggestions renouvelées à l'état de veille

et tous les jours en lui disant que non seulement elle doit, mais

aussi qu'elle peut résister. Elle reconnaît elle-même que ces

idées sont contraires à la raison, mais elles lui sont sans doute

imposées par un personnage invisible; elle se sent d'ailleurs daus

ces cas poussée dans le dos.

44. - Tremblement subit généralisé : « Ce n'est rien, dit-elle,

cela va passer, je ne serai pasmatade. » Au bout d'une minute, on

voit quelques petites secousses convulsives, une ébauche à peine

sensible d'arc de cercle, et cependant elle dit : « Ce n'est rien, je

n'aurai rien »; il y a encore quelques petites secousses, puis elle

reste tranquille, somnolente. Je la secoue un peu en lui disantque

tout est fini et elle se réveille. C'est, en somme, une attaque avortée,

grâce aux suggestions antérieures.

25. - Elle écrit : « Je ne peux m'expliquer les ordres et les

défenses qui m'étaient imposées avec une autorité si puissante,

que j'étais forcée de les accomplir et quels étaient le motif et

l'intérêt de ces gens maudits qui n'existent plus. Ils m'ont fait

fait subir tous les tourments imaginables et m'ont envoyé des

spectacles épouvantables. J'étais tiraillée à droite et à gauche

sans jamais savoir ce qu'il fallait que je fasse. »

2 mars. - Les idées de suicide et d'homicide persistent : « J'é-

prouverais, écrit-elle, un plaisir extraordinaire à exécuter ce dont

je me prive depuis longtemps par obéissance et par crainte.

(... Je suis sous une influence forcée, mais je voudrais bien que

cette personne se montre à moi et me parle catégoriquement. »

Elle est d'ailleurs très raisonnable, très douce et docile; ne souffre

pas et ne manifeste aucune de ses anciennes idées. -

3. - Elle se ressouvient d'elle-même de la mort de son père

390 RECUEIL DE FAITS.

qu'elle n'a pas voulu admettre jusqu'ici : crie, pleure, n'est pas

hallucinées : elle supplie qu'on lui dise que son père est simple-

ment en voyage. - L'après-midi, à trois henres, contractions

spasmodiques dans le côté gauche de la face, autrefois précur-

seurs de l'attaque convulsive. Elle n'étoulfe pas, ne sent pas sa

boule; dit même. qu'elle ne viendra pas; tremblements du côté

droit surtout dans le bras. Pas de troubles delà sensibilité, dou-

leur profonde au niveau de la bosse pariétale gauche (à 5 centi-

mètres sur une ligne verticale distante de 3 centimètres de l'in-

sertion supérieure du pavillon de l'oreille). - Rêves; durée totale,

sept minutes. En se réveillant, elle dit : « N'est-ce pas que je n'ai

pas eu d'attaque. D'ailleurs, je me sens bien guérie, et n'en aurai

plus jamais. »

21. Epoque menstruelle : impulsions homicides; demande à

rester seule parce qu'elle a peur de tuer quelqu'un.

25. Zones hyperesthésiques, spontanément douloureuses sous

la clavicule gauche, le sein gauche et dans le. jarret de ce côté.

2 avril. Même état, idées d'empoisonnement, hallucinations

du sens musculaire.

3. - Pendant le sommeil somnambulique, je lui suggère la

disparition des points hyperesthésiques, celle de ses hallucina-

tions, et des personnages invisibles qui la poussent au suicide ;

puis par suite, la fausseté de ses idées d'empoisonnement et la

cessation des impulsions dangereuses; je renouvelle aussi les an-

ciennes suggestions.

10. - Très calme depuis huit jours, gaie, ne souffre pas, n'a

pas d'impulsions et, comme délire, n'a plus que ses erreurs de

personnalité et de mémoire.

Hier soir, une malade ayant eu à côté d'elle une attaque d'épilep-

sie, elle est prise de peur, se sauve dans une autre chambre, où une

violente « commotion » la secoue; elle repart dans une autre pièce,

et là une seconde commotion la jette à terre sans connaissance ;

puis surviennent des mouvements désordonnés des membres,

comme un tremblement excessif, ne ressemblant eu rien à ses an-

ciennesattaques. Ce tremblemenl dure toute la nuit. Au matin, dou-

leurs de tête sus-orbitaires et dans la région pariétale à gauche

6 centimètres sur une verticale distante de 5 centimètres de l'in-

sertion du pavillon. Les points hyperestbésiques ne sont pas re-

venus, diminution notable de la sensibilité dans tout le côté droit

du corps et de la face. Trépidation de tout le côté droit faisant par

suite trembler tout le corps, mais le côté droit seul est agité de

petites secousses répétées, presqu'uniformes, s'interrompant par

ntervalles pendant quelques secondes. Les mouvements volon-

taires exagèrent l'amplitude des tremblements : la démarche est

DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 391 <

celle d'un spasmodique : légère raideur des membres du côté

droit. De ce côté, les réflexes tendineux sont très développés au

coude, au poignet, au genou, au coup-de-pied. Tremblement latéral

delà tête peu accentué, pas de déviation de la 'ace. petites secousses,

intermittentes dans l'orbiculaire des paupières et le zygomatique

droit. Ecoulement des larmes dans l'angle externe des yeux, sur-

tout à droite : dilatation de la pupille droite. Rien du côté de la

langue. Le tremblement persiste pendant le sommeil. ,

La malade s'affecte beaucoup de son état et est convaincue

qu'elle est atteinte d'épilepsie, le bromure que je prescris la

confirmant dans cette idée ; et comme elle exige cependant des

médicaments, je lui ordonne un peu de chloral.

1 1. - La douleur de tête est limitée au point pariétal. Outre

la trépidation qui agite par intervalle les membres en entier, on

sent une trémulation de tous les muscles, surtout à l'avant-bras.

13. Le tremblement persiste, mais en s'attenuant : cepen-

dant la malade manifeste des idées d'empoisonnement.

20. - Le tremblement diminue la marche est possible. Pen-

dant toute cette période la malade n'a cessé de demander si on

était bien sûr qu'elle n'était pas épileptique ou qu'elle ne le devien-

drait pas. Et il fallait 'une assurance formelle, une suggestion

énergique en somme, pour la consoler et lui enlever cette pensée

qui ne faisait qu'augmenter le tremblement. Ne faut-il pas voir

dans ce tremblement tnn phénomène d'induction psychomotrice

(Féré), résultant d'une autosuggestion de la part de la malade

effrayée des convulsions épileptiques de sa compagne.

29. Hier, un phénomène du même genre se produit encore.

Une employée l'ayant appelée folle, elle commence à pleurer,

puis s'excite, se met en colère, et finalement en arrive à un état

d'excitation assez accentué, elle délire même un peu, parle de

fleurs, mais les idées détruites par les suggestions ne reparais-

sent pas. -

30. Cette excitation etce délire cèdent aux suggestions ensom-

nambulisme. A la suite de celle séance, la malade est méconnais-

sable el c'est à ce jour qu'on peut l'aire remonter la crise qui ter-

mine l'accès. Elle semble se concentrer, réfléchir, et son langage

est beaucoup plus réservé ; elle n'emploie plus le tutoiement vis-à-

vis de certaines personnes avecqui elle se montrait très familière;

elle discute d'elle-même ses ei reurs de personnalité et quand nous

l'entendons alors appeler les personnes par leur nom, elle répond

à nos questions qu'elle s'est aperçue de ses erreurs, qu'elle a

été malade.

6 mai. - Quelques vertiges, sensation de velours sous les pieds.

- -Traitement tonique : la malade, depuis deux mois, suit un traite-

3 ! H RECUEIL DE FAITS.

ment hydrothérapiqne qu'elle a accepté sous l'influence des

suggestions. Eruption furonculeuse.

11. - La mémoire de tons les faits antérieurs à son délire est.

revenue et est complète. Plus d'erreurs de personnalité : aucune

hallucination, aucune idée délirante. Reconnaît la fausseté de

ses anciennes conceptions, dit que cela est dû aux écarts de son

imagination, qu'elle a été folle. Les sentiments affectifs sont rc-

venus. Elle s'occupe de son avenir, de la position que sa

maladie peut lui avoir faite dans le monde où elle ne veut rentrer

que sûre d'être bien guérie, car elle veut tout faire pour ne pas

retomber malade.

Juin. Cet état persiste : aucun trouble somatique ni psychique.

- Travaille un peu, sort, se promène, va même à l'église. Au-

cune excitation aux époques menstruelles. Elle rit maintenant de

ses erreurs passées.

Juillet. - Même état : un peu soucieuse par suite d'affaires

de famille existant réellement, juge frès bien sa maladie passée

et la situation qui en résulte pour elle. Elle ne se plaint simple-

ment que d'être un peu apathique et incertaine au sujet de ses

projets d'avenir. Aucun trouble ni physique, ni psychique, pas

d'hallucinations, pas d'impulsions. Le sommeil seul est un peu cour t.

10 août. - Le sommeil est revenu complètement.

1er septembre. - Aucune idée délirante, pas de troubles soma-

tiques : sommeil très bon.

TABLEAU DES SEANCES D'HYPNOTISME

DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE. 393

sont manifestement secondaires aux désordres somatiques,

car ils existent, se développent et disparaissent avec eux.

Aussi, là, comme ailleurs le précepte, sublata causa lollitur

effectus, restera vrai : et les suggestions réussiront bien mieux

si elles s'adressent à la cause de l'idée ou tout au moins à ce

qui est regardé comme tel par la malade, qu'à l'idée elle-

même. L'eflet qu'elles peuvent produire dans ce dernier cas

sera bien moindre; car la malade se trouvera entre deux

forces contraires, la suggestion imposée qui détruit son idée

délirante, et le trouble physique qui la produit. Or fatalement

uu jour ou l'autre ce sera la dernière qui l'emportera, si elle

dure toujours. Au contraire, si l'on s'attaque à la cause, l'idée

qui en résulte disparaîtra pour ainsi dire d'elle-même. L'ob-

servation nous a maintes fois montré ce fait, notamment à

propos des idées de suicide qui n'ont cédé que du jour ou l'hal-

lucination qui les provoquait, et qui était la cause à laquelle

la malade les rattachait d'elle-même, nous a été connue. Quant

à l'agitation qui n'est en somme que la manifestation exté-

rieure de tout ce désordre pathologique, elle disparait avec lui

et même elle cède en général assez facilement à l'action inhi-

bitoire directe de l'hypnotisme. '

Nous sommes bien convaincu que dans ce cas l'hypnotisme

seul a eu raison de l'accès, alors qu'avec les autres traitements

on n'obtenait aucun résultat, et que le pronostic de l'accès

avait été désespéré. Cette guérison se maintiendra-elle ?

Nous n'osons l'espérer étant donnés les antécédents de la

malade, mais aucun procédé thérapeutique n'a jamais pu que

guérir l'accès d'un aliéné sans modifier son état mental anté-

rieur et d'ailleurs rien n'empêche maintenant de soumettre la

malade à tel traitement qu'on voudra, usité en pareil cas. Que

l'accès soit passé, que le calme soit revenu, c'est tout ce que

nous pouvions demander, tant le pronostic était sombre. Nous

ne tirerons pas de ce fait cette conclusion qu'il faille traiter

les aliénés par l'hypnotisme. Loin de nous cette pensée; nous

ne nous adresserons qu'à certains malades, des hystériques

surtout presque tous plus ou moins suggestibles. Quant ;i

prendre cette méthode d'emblée dans le traitement d'une folie

hystérique, telle n'est pas encore notre idée, et nous savons

qu'il y a bon nombre de ces cas qui guérissent par les moyens

usuels. Mais lorsque ces moyens sont restés inefficaces, lors-

qu'on voit la maladie durer un temps très long malgré tous

394 RECUEIL DE FAITS. DE LA THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE.

les traitements employés, quand on a épuisé toutes les res-

sources de la thérapeutique et que le pronostic semble devenir

funeste, je crois que l'on est autorisé àuser de tous les moyens

et à essayer la thérapeutique suggestive.

Telles sont les considérations qui nous ont guidé dans le trai-

tement exposé ci-dessus qui, en somme, a agi rapidement et

donné de suite des modifications sensibles. La mobilité du

délire hystérique, seule, en nous obligeant à poursuivre les

idées délirantes une à une, a retardé la guérison complète.

Il va sans dire qu'on ne commencera un pareil traitement

qu'après avoir bien fait l'analyse psychologique du malade et

s'être assuré autant que possible du mode d'évolution du délire

pour connaître (le suite la façon de faire les suggestions. Il

s'agira alors simplement de chercher à appliquer les expériences

connues suivant chaque cas particulier.

Les séances, d'un autre côté, seront aussi courtes que pos-

sible ; on ne les renouvellera, comme nous l'avons fait nous-

même, qu'autant que l'état de la malade semblera l'exiger, et

que les suggestions à l'état de veille ne réussiront plus. En

cas d'insuccès on pourra cesser le traitement.

Quant aux dangers et aux difficultés qu'on peut rencontrer,

ils nous paraissent avoir été bien exagérés. L'hypnotisme peut

pour certains médecins être incriminé et rejeté comme

moyen expérimental chez les sujets sains ou peu malades. Mais

chez des malades aussi atteints que la nôtre, on ne peut

guère craindre d'aggraver la situation et jamais, pour notre

part nous n'avons eu d'accidents, loin de là, chaque séance

étant suivie d'un mieux de plus ou moins longue durée, mais

fort sensible, aussi bien au physique qu'au moral.

On nous objectera peut-être les attaques de léthargie de

notre malade; mais il suffit de faire remarquer qu'elles exis-

taient déjà fréquentes avant l'hypnotisme et même avant

l'affection mentale.

D'un autre côté si l'on ne peut modifier l'état mental on

agira au moins sur l'état somatique et sur l'agitation, et l'on

pourra ainsi aider les autres traitements. Quant aux difficultés,

nous pensons qu'avec de la persévérance on peut en triom-

pher bt arriver à endormir des sujets, comme nous l'avons fait,

même au milieu d'un paroxysme maniaque.

Le seul point réellement difficile, c'est, encore une fois, la

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 395

façon de faire les suggestions, qui nécessite un examen

clinique approfondi.

Comme ce n'est pas sur une observation qu'on peut établir

un système nous conclurons en disant que nous n'avons pas

voulu ériger une nouvelle méthode thérapeutique. Nous avons

seulement eu l'idée aujourd'hui d'attirer l'attention des

observateurs sur ce mode de traitement (suggestions hypno-

tiques et à l'état de veille), qui nous semble rationnel et qui

peut être, à notre avis, employé avec succès dans certains cas,

exceptionnels peut-être, mais qui n'en existent pas moins et

qu'une observation minutieuse pourra faire reconnaître.

REVUE CRITIQUE

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES ;

Par M. LECORCUÉ.

Les troubles nerveux qu'on observe chez les diabétiques,

signalés depuis longtemps par la plupart des auteurs qui ont

écrit sur le diabète, ont fait l'objet, dans ces derniers temps,

de deux travaux d'ensemble intéressant, la revue critique de

MM. Féré et Bernard ' et la thèse de \1. Dreyfous. Nous insiste-

rons surtout ici sur les faits que nous avons personnellement

relevés chez nos malades et qui forment d'ailleurs un tableau

varié des manifestations les plus importantes.

A priori, ces troubles peuvent être rapportés soit à des lésions

matérielles et grossières des centres cérébro-médullaires, soit

à des modifications plus délicates, subies par les éléments ner-

veux au contact d'un sang adultéré ou d'une circulation arté-

rielle insuffisante. Ces deux ordres de troubles névropathiques

' Des troubles nerveux chez les diabétiques. Féru et l3ernarl. Archives

de Neurologie, 188,2, t. 1\', p. 336.

2 Dreyfous. - Patltogenie pl accidents nerveux du diabète sucré. Th.

agr{'g-" 188a.

396 REVUE CRITIQUE.

se relient-ils par une sorte de chaîne ininterrompue, et les

lésions étendues et profondes du premier groupe ne sont-elles

que l'expression dernière des altérations légères et insaisis-

sables, pour ainsi dire, qui provoquent les manifestations atté-

nuées de la deuxième catégorie ? La fréquence dés lésions ner-

veuses indiquées par Dickinson dans le diabète semblerait

autoriser cette hypothèse. Il est impossible d'admettre l'opi-

nion primitivement émise par l'auteur anglais et de regarder

ces lésions comme la cause même du diabète. Mais le fait en

lui-même n'en est bas moins réel, et l'on constate habituelle-

ment, disséminés dans les différentes parties de l'axe cérébro-

spinal, de petits foyers limités de thrombose ou de désinté-

gration, des lacunes, de petites extravasations de sang ou de

pigment, etc. Ces diverses altérations expliquent peut-être un

certain nombre de phénomènes nerveux observés chez les dia-

bétiques, et pourraient sinon servir de substratum anatomique

aux troubles névropathiques, dits sine ? nate2,i*a, relevés chez

les malades, au moins établir une transition entre les manifes-

tations regardées comme purement dynamiques et celles qui

se rattachent d'une façon indiscutable à des foyers de ramollis-

sement ou d'hémorragie. Mais la relation directe entre l'exis-

tence et le siège de ces altérations et les divers phénomènes

nerveux n'a pas été établie, jusqu'ici, d'une manière satisfai-

sante ; et, jusqu'à nouvel ordre, il nous paraît prudent de main-

tenir une ligne de démarcation entre les symptômes liés mani-

festement à des lésions en foyer et les troubles multiples

de ce qu'on pourrait appeler la névropathie diabétique. Ceux-

ci, qu'ils portent sur la sensibilité, la motilité ou l'intelligence,

constituent pour nous les vraies manifestations nerveuses du

diabète. Les autres, relevant le plus souvent de l'hémorragie

et du ramollissement, ne se rattachent qu'indirectement à la

maladie générale par l'intermédiaire des altérations du sys-

tème vasculaire.

A. Manifestations nerveuses directes. Les troubles de cet

ordre que nous avons observés chez nos malades sont des plus

variés ; nous les diviserons en troubles sensitifs, troubles mo-

teurs et troubles intellectuels.

1 Troubles sensitifs. - Les troubles sensitifs affectent les

sens spéciaux ou la sensibilité générale. Ils peuvent intéres-

ser la vue, l'ouïe,- le goût, l'odorat, le toucher. L'amblyopie,

plus ou moins prononcée est le symptôme le plus souvent ob-

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 397 Î

servé (2 lois sur 114 Oas.). Nous reviendrons tout à l'heure

sur ce sujet que nous avons du reste déjà traité ailleurs'. La

surdité est moins fréquente (OBs. XXXVI, XXXVII, XXXIX).

Chez une de nos malades (OBS. LV), la surdité était limitée il

l'oreille gauche. Parfois, la vue et l'ouïe sont compromises en

même temps (OBS. LVI). Les troubles de l'odorat et du goût,

sont encore plus rares ; nous n'avons noté que deux fois les

perversions de ces sens (OBS. XXXIX, XL).

Dans d'autres cas, c'est la sensibilité tactile qui est atteinte.

Les malades de nos Observations ne sentaient qu'imparfaite-

ment les objets qu'elles prenaient à la main. Elles avaient de la

peine à saisir les petits objets, une épingle, une plume. En cou-

sant, l'une d'elles laissait échapper son aiguille qu'elle ne sen-

tait plus. Lorsqu'elle ne regardait pas l'objet qu'elle tenait, elle

le laissait presque toujours tomber. Chez ces malades, la sensi-

bilité était très émoussée, aux membres supérieurs ; on cons-

tatait, à l'aide du compas de Weber, que l'écart était le double

de ce qu'il est à l'état sain.

Voici d'ailleurs les chiffres précis que nous avons notés dans

l'exploration comparée des deux côtés du corps avec le compas,

chiffres qui permettent de se rendre compte du degré de l'anes-

thésie.

Écart du compas de Weber pour donner lieu à la sensation

des deux pointes.

398 REVUE CRITIQUE.

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 399

matin au lever qu'au coucher. Elle paraît très distincte de

la sensation de courbature due à la fatigue, et qui cesse avec

le repos. La courbature diabétique ne disparaît point avec le

repos ; elle peut même être assez marquée pour troubler le

sommeil ; elle ne s'aggrave nullement par l'exercice qui semble,

au contraire, la disssiper. Elle traduit assez bien les oscilla-

tions que présente la glycosurie, s'aggravant lorsque l'élimi-

nation du sucre augmente, s'atténuant, au contraire, lors-

qu'elle diminue. Le bromure' en diminue parfois l'intensité ;

mais comme ce médicament agit en même temps sur la glyco-

surie, il est probable que c'est en faisant baisser la glycosurie

qu'il a prise sur la courbature.

La céphalalgie a été fréquemment observée chez nos ma-

lades sous les formes les plus diverses. Tantôt les malades

accusent une sensation de pesanteur au niveau de la région

postérieure ou antérieure de la tête; il leur semble qu'elles ont

comme du plomb sur les yeux (OBs. V). Tantôt il s'agit de véri-

table migraine s'accompagnant de vomissements (OBS. XXXIX),

cédant avec la diminution de la glycosurie (OBs. XXXI,

XXXVIII). Parfois cette migraine revêt le caractère de la mi-

graine ophthalmique (OBS. LXXXII, LXI) ; dans d'autres cas,

il n'y a qu'une simple pesanteur de la tête (OBs. XXXIII).

Enfin une des formes les plus communes de la céphalalgie

diabétique est la céphalalgie occipitale avec douleur localisée à

la nuque (Oss. XLV, LVI, LIX, LXXII).

Mais c'est le plus souvent sous forme de névralgies que se

traduisent les troubles de la sensibilité générale.

Ces névralgies diabétiques ont été étudiées par différents

auteurs, Loeb', Buzzard, Schmitz, Tischemacher, Berger,

.Drasche, Worms; elles affectent le sciatique, le crural, les

nerfs intercostaux, frontal, occipital, cervico-occipital ; elles

n'ont que peu de rapports avec l'intensité de la glycosurie.

Ce qui les caractérise, suivant Berger, c'est :

1° Leur spontanéité;

2° Leur localisation à quelques branches terminales du

sciatique, le sural et le plantaire;

1 Loeb, Deutsch Arch. f. Klin. med., 1880. Buzzard, The Lancet,

1882, p. 302. Schmitz, Deustch med. IVoch21s., 1882. - Tisehemaeher,

Deutsch med. Wochns., 1883. Berger, Breslau art ? Zeitsch., 1882.

Drasche, Ilieii. med. TJToch., 1882. -\Vorms, Bull. Acad. /lied., 1¡,;82.

400 REVUE CRITIQUE.

3° Leur tendance à la bilatéralité;

4° Leur violence, la longue durée des paroxysmes, rappelant

tout à fait les névralgies dues à des lésions de la moelle;

5" L'apparition rapide de troubles vaso-moteurs dans la

zone des nerfs affectés;

6" Leur résistance à tout traitement ordinaire, leur amélio-

ration par le traitement anti-diabétique.

Cinq fois nous avons constaté l'existence de la sciatique

(OBS. IX, XI, XXXVIII, XXXIX, LXI). Elle accompagne, pré-

cède ou suit l'apparition d'autres névralgies, telles que les

névralgies dentaires (013s. IX); des névralgies intercostales

(Otis. XI), la gastralgie (OBS. XXXV111), la migraine (OBs.

xxxviii, XXXIX).

C'est le plus souvent à gauche qu'elle s'est manifestée chez

les malades que nous avons observées. Nous n'avons constaté

qu'une fois (Ons. XXXV) la sciatique double, symétrique,

indiquée par Worms et Drasche.

Chez cette dernière malade, la sciatique reparut à plusieurs

reprises et chaque fois son retour coïncida avec une recrudes-

cence de la glycosurie.

La gastralgie ne nous a pas semblé moins fréquente. Nous

l'avons rencontrée six fois (OBs. XI, XXVII, XXXVIII, LU, LIV,

LV). Comme la sciatique, elle annonce parfois la recrudes-

cence de la glycosurie et cesse lorsque celle-ci diminue ou

disparait (Olis. XXXVIII). Comme elle aussi, elle accompagne;

précède ou suit d'autres névralgies, telles que les névralgies

intercostales (Ons. XI), la névralgie faciale (Oris. LV). Elle

provoque souvent des vomissements (OBs. XXVII, XXXIX).

Parmi les autres névralgies qu'il nous a été donné d'obser-

ver chez la femme diabétique, nous citerons encore la névral-

gie faciale (uns. LA', LXXVI), des névralgies dentaires(Ons. IX),

oculaires (Obs. LXXXII), des coliques utérines (Cas. XXXIV),

la névralgie de l'ovaire (OBS. XXXVIII).

Ces troubles si variés de la sensibilité coexistent fréquem-

ment chez le même sujet. Il n'est pas rare d'observer chez la

même malade, à des intervalles plus ou moins rapprochés,

de la sciatique, des névralgies intercostales, de la gastralgie

(Cas. XI); ailleurs de la migraine, des douleurs articulaires

des mains, des coliques néphrétiques (Cas. XX11D; ailleurs

encore de la migraine, une sciatique, de la gastralgie, des

crises de névralgie de l'ovaire (Cas. XXXVIII). Ce qui démontre

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 01

bien que la cause de ces hyperesthésies de siège si différent

sont de même nature, c'est qu'on les voit souvent alterner

ensemble, c'est qu'on les voit se modifier, diminuer d'in-

tensité et disparaître lorsqu'on est arrivé, à l'aide d'une

médication appropriée, à faire baisser le sucre éliminé par

les urines. Elles résistent le plus souvent à toute autre médi-

cation.

2° Troubles moteurs. La motilité paraît moins souvent

atteinte, chez les diabétiques, que la sensibilité. Lasègue et

Charcot ont signalé cependant un certain nombre de cas de

diabète où se sont produits des troubles paralytiques qui ne

paraissaient pas liés à des lésions profondes du système ner-

veux. Ces paralysies ont pour caractère d'être passagères,

incomplètes et limitées; elles occupent le plus souvent un

membre, ou un groupe de muscles, parfois même un muscle

isolé ; en général elles sont associées à divers troubles sensitifs,

anesthésie ou hyperesthésie. Nous devons dire qu'aucune de

nos malades ne nous a présenté de phénomènes de ce genre.

Ce que nous avons observé assez souvent, c'est une sorte

d'atonie musculaire, surtout sensible vers les extrémités infé-

rieures, et qui rend la marche difficile, sinon impossible.

Cette parésie, qui semble liée à la présence dans le sang

d'une quantité excessive de sucre, augmente par la marche

et cède à la médication alcaline.. Chez notre malade de l'OB-

SERVATION XLVII, ce sentiment de faiblesse paraissait limité à

l'un des côtés.

Il n'est pas 'rare d'observer aux stations thermales des

malades qui, à leur arrivée, ne pouvaient se tenir sur leurs

jambes, ou dont la force baissait rapidement, par suile de

mouvements exagérés, et qui, au bout d'un temps même res-

treint, alors que la glycosurie avait baissé, pouvaient se livrer

à l'exercice de la promenade. Dans ces cas, on ne peut attri-

buer l'amélioration à la reconstitution de l'individu, puisque,

souvent, l'embonpoint n'avait pas reparu. Il resterait à se

demander si c'est en agissant sur le muscle ou sur le système

nerveux que le sucre arrive à produire ces effets de parésie,

mais nous avouons qu'il est encore actuellement impossible

de se prononcer sur cette question.

Quelques malades se plaignent de crampes limitées au

membre supérieur. Dans un cas, nous avons observé des troubles

de motilité qu'il nous parait intéressant de signaler, bien que

Archives, t. X. 26

402 , REVUE CRITIQUE.

nous ne soyons pas convaincu de leur nature diabétique;

nous voulons parler des phénomènes que nous avons observés

chez une femme de quatre-vingts ans (Cas. XLIX). Cette

femme, qui rendait chaque jour deux litres d'urine contenant

50 grammes de-sucre par litre, fut prise tout à coup de

crampes tétaniques des avant-bras et des jambes. Ces crampes

se manifestaient par crises qui se répétaient quinze à vingt

fois par jour; chaque crise durait à peine 30 secondes. Elles

s'accompagnaient de douleurs assez vives. Le moindre mou-

vement suffisait pour en provoquer le retour. Il n'y avait pas

trace de paralysie dans l'intervalle ; l'intelligence était intacte ;

la sensibilité parfaite. L'apparition de ces crises avait coïn-

cidé avec une augmentation du chiffre de sucre éliminé par les

urines. Elles se dissipèrent avec l'abaissement de la glycosurie.

3° Troubles intellectuels. L'intelligence peut être plus

ou moins compromise. Deux fois nous avons observé la crainte

de la mort passée à l'état d'idée fixe (OBs. X, LVII). Une de nos

malades (Cas. LI) ne pouvait rester seule sans éprouver un

violent désir de se jeter par la fenêtre de son appartement ou

d'un wagon. Elle en était effrayée et craignait de ne pouvoir

résister à cette impulsion. Deux autres (OBS. XLIII, LXXVIII)

furent atteintes de délire de persécution avec hallucinations.

Chez la malade de notre Observation XLIII, il se manifesta

à plusieurs reprises avec des retours de lucidité; chez la malade

de- notre Observation LXXVIII, il précéda de très peu l'issue

fatale, et la malade mourut délirante. Bien qu'on puisse tou-

jours, chez une diabétique, soupçonner dans ces cas l'existence

d'une intoxication alcoolique, nous ne croyons pas que l'éthy-

lisme fût en jeu dans les deux cas que nous rapportons; du

reste, il n'y avait ici aucun autre symptôme d'alcoolisme.

Un rien agite ces malades, la moindre émotion les boule-

verse. Elles ne peuvent supporter un bruit inattendu sans en

éprouver une sensation désagréable.

Le vertige s'observe souvent chez les femmes diabétiques

(OBS. XI, XX, XXIV, XLIV, CLIII, LV, LVII, LXXIX). Il est tan-

tôt objectif comme chez le malade de notre Observation XLIV,

et tantôt à la fois objectif et subjectif. Il peut, dans certains

cas, entraîner la chute de la malade (OBS. LV); il ne s'ac-

compagne qu'exceptionnellement de céphalalgie, ce qui le dis-

tingue du vertige symptomatique d'une lésion cérébrale en'

voie d'évolution. Il apparaît dans des cas où l'anémie n'est

TROUBLES NERVEUX dans LE diabète CHEZ LES femmes. 403

point assez prononcée pour qu'on puisse lui attribuer les acci-

dents vertigineux, et chez des malades qui bien souvent ne

présentent pas de troubles gastriques. Tout porte donc à croire

qu'il peut exister un vertige de nature diabétique.

Nous avons observé un cas d'aphasie qui dura quinze jours

et qui s'accompagna de céphalalgie. Cette aphasie se déclara

chez une malade âgée de quarante-huit ans (OBS. LXIX) assez

fortement diabétique, rendant 4700 centimètres cubes d'urine

avec 40 grammes de sucre par litre. Tout en relatant ce fait,

nous nous demandons s'il s'agit bien réellement d'un trouble

essentiellement dynamique et de provenance diabétique. Ce

qui nous porte à émettre ce doute, c'est que, chez cette malade,

survint une hémorrhagie rétinienne, et que, d'autre part, le

diabète de cette femme s'était compliqué d'albuminurie. Elle

rendait 2 or. 3') d'albumine par litre, lorsque survint l'aphasie ;

de sorte qu'on est presque aussi bien en droit de faire de cette

aphasie le symptôme d'une lésion cérébrale ou rénale qu'une

manifestation diabétique.

L'insomnie n'est pas rare. Elle est souvent pour ainsi dire z

toute mécanique et due au besoin fréquent' d'uriner. Mais,

dans d'autres cas, elle se produit spontanément et paraît liée

à un trouble nerveux (OBS. LXXII). Il est parfois difficile de la

faire disparaître. C'est d'autres fois la somnolence qui fatigue z

les malades comme dans nos Observations XI, XLII, LXXII.

Cette somnolence, persistante, invincihle, n'existe parfois que

le jour. Elle devient alors une cause d'insomnie, comme chez

la malade de notre Observation XI. Il existe assez fréquem-

ment des chauchemars.

Le caractère est souvent modifié ; c'est de la tristesse qu'on

remarque chez les malades, de l'irritation (OBS. XIX, XX),

une sensibilité exagérée.

La fréquence des troubles cérébraux et intellectuels trouve

son explication dans les antécédents héréditaires nerveux

qu'on relève habituellement chez des diabétiques. La malade

de notre Observation XVII avait eu un frère épileptique, elle

avait été elle-même atteinte d'épilepsie dans son enfance. Une

autre (Cas. XLVII) avait deux de ses neveux aliénés; elle

avait été elle-même frappée d'aliénation quelques années

avant l'apparition de son diabète, et l'on avait été obligé de

la mettre dans une maison de santé. La malade de notre

Observation LXXVIII avait un frère aliéné. , , .

404 . revue critique.

B. Manifestations nerveuses indirectes. Nous rangeons

sous ce titre les phénomènes nerveux qui se rattachent à des

lésions matérielles évidentes du système central. Ces lésions

ne sont pas absolument rares chez les diabétiques. Nous avons

déjà indiqué les altérations signalées par Dickinson et les con-

clusions exagérées et erronées que cet auteur a cru pouvoir

tirer de ses recherches au sujet de la pathogénie du diabète.

En dehors de ces faits, il existe des cas assez nombreux de

ramollissement et d'hémorragie cérébrale coexistant avec un

diabète indiscutable, et d'après les observations de Siegen, de

Gilles, de Golden, de Richardson, de Griesinger, il semblerait

que le diabète puisse être la conséquence de ces lésions. Une

pareille conséquence doit être tenue pour exceptionnelle. Bien

que Olivier ait constaté la fréquence de la glycosurie à la suite

des hémorragies cérébrales, cette glycosurie a toujours été

passagère. Nous pouvons même dire que cette variété de gly-

cosurie nous a semblé moins commune qu'à M. Olivier; car,

bien que nous ayons souvent recherché le sucre dans l'urine

des sujets frappés d'hémorragie cérébrale, nous n'avons que

rarement constaté l'existence de la glycosurie dans ces con-

ditions.

Chez la femme comme chez l'homme, les phénomènes

cérébraux qui coexistent avec la présence du sucre dans l'urine

nous paraissent plutôt un effet qu'une cause du diabète. La

plupart des faits cités par Leudet, par Libert doivent être inter-

prétés dans ce cas. Lorsqu'on analyse leurs observations, on

arrive facilement à se convaincre que des symptômes d'un

diabète indiscutable préexistaient aux manifestations nerveuses.

Ainsi, dans le premier fait de Leudet, il s'agit d'une femme

de trente-deux ans qui, avant l'apparition des accidents céré-

braux, avait présenté des troubles de la vue accompagnés d'une

polydipsie telle qu'elle absorbait de six à huit litres de boisson

par jour. De même, on ne pourrait que difficilement faire du

cinquième fait de Libert un cas de diabète symptomatique de

lésion cérébrale; la malade, en effet, âgée de cinquante et

un ans, avait eu de nombreux furoncles, et l'on avait même

constaté la présence du sucre dans ses urines antérieurement

à l'éclosion des troubles nerveux.

Les manifestations symptomatiques de lésions matérielles

tantôt se développent progressivement, tantôt apparaissent

brusquement. Dans le premier cas, elles sont souvent précé-

TROUBLES NERVEUX dans LE diabète CHEZ LES FEMMES. 405

dées de la plupart des phénomènes que nous avons signalés

comme manifestations directes du diabète et qui attestent

évidemment la mauvaise nutrition des diverses régions de

l'encéphale, changement de caractère, tristesse, irritabilité,

insomnie, cauchemars, vertiges, céphalalgie. Aussi est-on en

droit de redouter quelque accident grave quand on voit per-

sister d'une manière anormale ces différents troubles névro-

pathiques'.

Dans d'autres cas, les symptômes éclatent subitement sous

forme d'ictus apoplectique ou d'attaque convulsive, suivis de

paralysie intéressant le plus souvent toute une moitié du

corps. Ces manifestations, toujours fort graves, peuvent ne

pas mettre immédiatement la vie de la malade en danger.

Elles peuvent s'amender graduellement; mais, d'ordinaire,

elles ne disparaissent qu'incomplètement, se reproduisent

facilement et entraînent tôt ou tard une terminaison fatale.

Parfois la mort survient à la première attaque, en quatre ou

cinq heures. Il n'est pas douteux qu'il ne s'agisse dans ces cas

de lésions vasculaires, analogues à celles qui se produisent

dans la rétine, donnant lieu à des épanchements sanguins

dans les masses nerveuses ou dans les enveloppes de l'encé-

phale. Seegen signale quatre cas d'hémorragie cérébrale ou

méningée, rapidement suivie de coma et de mort. Bien

d'autres auteurs : Nicolas, Bouchut, Redon, Ronbach ont rap-

porté des observations semblables. Pour nous, si nous avons

rencontré dans le cours du diabète chez l'homme des cas ana-

logues à ceux de Seegen, c'est-à-dire des cas de pachyménin-

gite ou d'hémorragie méningée avec convulsions suivies de

coma, nous n'avons observé chez la femme que des cas de

ramollissement (OBS. XX. XXI) et d'hémorrhagie cérébrale

(OBs. XVIII, LX111).

Chez la première de nos malades atteinte de ramollissement

on ne constatait encore que de la perte de la mémoire, des

vertiges, une faiblesse extrême des jambes, qui lui rendait la

marche difficile et presque impossible.

Chez la deuxième, les symptômes étaient plus prononcés;

outre les vertiges et la perte de mémoire, il y avait une sen-

siblerie maladive qui la portait à pleurer sans raison, et une

parésie, marquée d'abord du bras gauche, puis de la jambe

du même côté.

Chez notre troisième malade, un an environ avant la mort,

406 " 1 v REVUE CRITIQUE. '

on constata' un' trouble' des' plus marqués de son intellect.

Cette femme, d'une intelligence supérieure, avait perdu non

seulement la mémoire des noms, mais encore celle des lieux.

Elle ne pouvait s'aventurer dans sa petite ville nafale. Elle ne

retrouvait plus le chemin pour rentrer à son logis, s'égarait à

sa porte; elle ne se retrouvait même plus dans l'intérieur de

sa maison. Ainsi, allant au cabinet, elle ne savait plus rentrer

dans sa chambre à coucher. Sa démarche était en outre vacil-

lante. Elle tomba dans un état comateux qui, au bout de

vingt-quatre heures, se termina par la mort. Ces malades, bien

que n'étant, déjà plus jeunes, n'avaient point encore atteints

l'âge où, se manifeste d'ordinaire le ramollissement. La plus

âgée (Ces. XXI) n'avait que soixante ans. Aussi, a-t-on quelque

droit de considérer dans ce cas le ramollissement comme le

fait du diabète. Le diabète dont elles étaient affectées était du

reste assez prononcé; elles ne rendaient pas moins de 120 à

150 grammes en moyenne de sucre par jour. 11 n'avait pu être

qu'assez médiocrement modifié par le traitement. Dans l'OB-

SERVATION XX, la glycosurie avait cependant à peu près disparu

sous l'influence des eaux de Contrexeville ; mais elle n'avait

pas tardé à reparaître avec plus d'intensité.

Quant à nos deux faits d'hémorragie cérébrale, ils se pro-

duisirent dans les conditions suivantes. L'une de nos malades

(Cas. XVIII) était diabétique depuis trois à quatre ans quand

. elle fut frappée brusquement d'une paralysie de tout le côté

gauche du corps. La paralysie se dissipa assez rapidement, et

la malade, tout en restant diabétique, put vivre encore huit ans

avec toute l'intégrité de son intelligence. Cette femme, écrivain

distingué, continua à produire avec autant de succès qu'avant

son attaque. Elle succomba aux atteintes d'un érysipèle qui

l'emporta en quelques jours.

Chez notre deuxième malade (OBS. LXIII), une première

attaque fut suivie d'une hémiplégie qui s'amenda et guérit

aussi à peu près complètement. Mais elle succomba quatre ans

après à une nouvelle hémorragie.

. C. Troubles oculaires. Bien que les troubles oculaires

dans le diabète ne relèvent pas tous de lésions rétiniennes et

nerveuses, la fréquence de l'amblyobie, comparée à celle de la

cataracte chez nos malades, nous engage à étudier de préfé-

rence ces troubles de la vue à la suite des manifestations ner-

veuses proprement dites.

TROUBLES NERVEUX dans LE diabète CHEZ LES femmes. 407

La cataracte diabétique n'est certainement pas rare; nous

ne l'avons cependant observée que neuf fois chez la femme.

Dans huit cas, elle était double et avait débuté par l'oeil

gauche., Ce sont là d'ailleurs ses caractères ordinaires : début

par le côté gauche, extension rapide aux deux cristallins.

D'abord centrale, elle ne tarde pas à se généraliser. Elle peut

se montrer à tout âge. Seegen l'a rencontrée chez une jeune

fille de douze ans. Elle nous semble toutefois plus fréquente

lorsque le diabète se développe après la ménopause. Elle n'ap-

paraît d'ordinaire que dans les cas de diabète rebelle ou diffi-

cilement modifié par le régime. Phénomène tardif, la cataracte

existe fréquemment avec diverses autres complications, telles

que la tuberculose, la néphrite parenchymateuse, des furon-

cles, l'eczéma vulvaire. .

Nos malades nous ont bien plus souvent présenté de l'am-

blyopie, vingt-six fois sur cent quatorze. Tantôt elles n'accu-

saient qu'une simple diminution de l'acuité visuelle; tantôt

elles se plaignaient d'une sensation de brouillard plus ou moins

épais, de nuages interposés devant les deux yeux, parfois de

sensations lumineuses, de lueurs brillantes, d'étincelles. Nous

n'avons jamais constaté l'hémiopie, dont la fréquence chez

les diabétiques a été cependant bien établie par de Graefe.

Ces troubles visuels sont souvent passagers, d'autres fois ils

persistent et tiennent alors le plus souvent à des lésions

rétiniennes, comme dans notre Observation XII, où l'on

constata l'existence d'hémorragies ponctuées et de taches

graisseuses de la rétine; comme dans notre Observation XVI,

où l'ophthalmoscope montra également une rétinite hémor-

ragique.

Parfois, c'est de la presbytie rapide et précoce (OBs. VI), ou

de la diplopie, ou de l'inégalité pupillaire que l'on observe.

Dans le premier cas, il s'agit d'une parésie de l'accommoda-

tion, qu'on peut corriger à l'aide de verres appropriés. La

diplopie a été notée par Seegen. Girard l'a aussi rencontrée

chez une jeune fille de dix-huit ans, qui guérit par l'emploi

des douches. Ce phénomène doit être rapproché des paralysies

mobiles et passagères de la troisième paire, signalées chez

les diabétiques du sexe masculin par Ogle, Charcot, Gale-

zowski. .

Ces diverses modifications de la vision n'apparaissent qu'à

une époque avancée du diabète. On les voit quelquefois s'amen-

408 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

der sous l'influence du régime, comme dans certaines des

observations de Seegen. Mais elles peuvent aussi s'aggraver

et aboutir à des troubles permanents de la vue.

- (A suivre.)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XXXVIII. NOTE SUR LES lésions TROPHIQUES DES valvules AOR-

. TIQUES dans l'ataxie locomotrice; par M. J. TEISSIER,

(Lyon méd., 188 ? t. XLV).

Peut-on devenir cardiaque par le seul fait qu'on est ataxique ?

S'appuyant sur les autopsies de deux ataxiqûes chez lesquels

il existait au niveau des valvules aortiques plusieurs petites

perforations, M. J. Teissier pense que de même qu'elle produit 1

la raréfaction du tissu osseux, l'ataxie peut entraîner la résorp-

tion de certains éléments cellulaires qui constituent le plancher

des valvules et amener en fin de compte leur perforation.

' Rien pendant la vie n'avait décélé chez les deux malades

précédents l'existence d'une altération valvulaire. On comprend

cependant que ces perforations empruntent un réel intérêt aux

graves complications qu'elles sont susceptibles de provoquer

(maladie de Corrigan, déchirure valvulaire, etc.).

L'auteur s'étant assuré par de nombreuses recherches faites

sur d'autres malades que ces perforations n'étaient le fait ni

d'une cachexie avancée, ni d'une malformation congénitale, il

est permis d'admettre qu'il s'agit de troubles trophiques pou z

vant légitimement prendre place à côté des nombreuses alté-

rations de nutrition que l'on a déjà si souvent notées dans le

cours de l'ataxie. G. D.

XXXIX. SUR LES TROUBLES DES associations ; par R. DE Pfun-

GEN. (Jahrbùch. f. Psych., V, 1, 2.)

Long travail de revue critique très minutieuse, conçu et

exécuté de la façon suivante. Dans le chapitre premier inti-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 409

tulé : De la structure et des fonctions de l'appareil d'association,

l'auteur résume les travaux d'Arnold (fibres propres), d'IIitzig,

de Meynert, de Gratiolet, de Munk, de Bechterewet de Fuers-

ner. Puis, quatre chapitres sont consacrés à l'étude des mani-

festations diffuses des lésions en foyer des manifestations

en foyer de lésions diffuses des troubles de nutrition dans

la folie systématique aiguë, la paralysie générale, la méningite

chronique, les névroses constitutionnelles, des troubles

d'association considérés comme émanés des centres vasculaires.

De l'examen à ces points de vue de diverses entités anatomo-

pathologiques et psychopathiques, il résulte qu'on n'a pas

tout dit quand on a parlé d'une lésion sise en un point, car

bon nombre de syndrômes émanent d'actions à distance; qu'in-

versement bien des phénomènes résultent de simple perturba-

tion dans le jeu des éléments anatomiques et de leurs conduc-'

teurs; mais qu'en somme, l'anatomie et la physiologie céré-

brales restent encore impuissantes lorsqu'il s'agit de préciser.

Les dix-neuf observations relatées par M. de Pfungen, tout

intéressantes qu'elles soient, ne changent malheureusement

pas l'état de la question. P. K.

XL. Contribution A la localisation DE L'HÉMICHORÉE;

par F. GREIFF. (Arch. f. Psych., XIV, 3.)

Observation I. Vieille femme de soixante-quatorze ans,

extrêmement athéromateuse, ayant eu quelques attaques

apoplectiques : démence consécutive avec parésie gauche.

Sans qu'une nouvelle attaque se soit produite, on constate, un

matin, des mouvements choréiformes les mieux réussis dans

les extrémités gauches, et surtout dans le bras. L'auteur croit

que l'attaque d'apoplexie a passé inaperçue, ou qu'il s'est

effectué une lésion suffisante pour engendrer l'hémichorée

sans ictus, ou enfin que l'hémichorée a résulté d'un foyer

ancien gagnant certains tractus centraux, d'où le diagnostic

d'hémichorée posthémiplégique. On constate en outre une

hyperesthésie passagère (durée : quatorze jours) et l'existence

de sensations douloureuses spontanées qui, avec des alterna-

tives variables, quant à l'intensité, persistent jusqu'à la mort.

Intégrité des organes sensoriels, et notamment des yeux. Con-

comitance exacte de l'hyperesthésie et de phénomènesvaso-mo-

teurs (rougeur, chaleur, petites hémorragies sous-cutanées)

410 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

du côté paralysé. Aussi conclut-on à l'excitation directe des

tractus sensitifs par le processus anatomique de l'organe cen-

tral, les phénomènes d'excitation de la région motrice ayant

absolument coïncidé avec elle. L'autopsie révèle un foyer

cérébelleux exactement limité à l'hémisphère gauche, un foyer

de ramollissement superficiel à la base du lot e occipital droit,

n'empiétant aucunement sur;les régions en relation avec les

fonctions motrices, deux petits foyers hémorrhagiques dans la

couche optique droite. C'est à l'un de ces derniers que

M. Greiff attribue l'hémichorée, parce que dans le segment

inférieur de la couche optique, il occupe entre elle et le milieu

du pied du pédoncule cérébral la place exacte où passe le

faisceau pyramidal; il a pu irriter en même temps le faisceau

sensitif et les tractus vasomoteurs (voyez dans l'original la

délimitation macroscopique et microscopique exacte).

Observation II. Femme de cinquante-deux ans atteinte,

à la suite d'une émotion extrême, de démence avec désordre

dans les idées. Un beau jour, ictus avec hémiplégie droite pas-

sagère, parésie faciale légère. Deux mois plus tard, attaque

épileptiforme avec hémiparésie gauche passagère, ultérieure-

ment suivie d'attaques semblables avec trouble dans .l'articu-

lation des mots, et aphasie amnésique; une d'entre elles laisse

à sa suite de l'hémianesthésie, de l'hémianopsie, des mouve-

ments choréiformes (bras) du côté gauche et finalement de pa-

résie des extrémités du même côté ; hémiathétose de la main,

température un peu plus élevée àgauche. -Autopsie. C'est une

paralysie générale avec foyer de ramollissement occupant les

circonvolutions motrices du côté droit et englobant une partie

du faisceau pyramidal d'où les dégénérescences secondaires

classiques. Il existe, en outre, un foyer de ramollissement

circonscrit dans la protubérance, qui lèse aussi le faisceau

pyramidal. En un mot double lésion capable d'exciter les con-

ducteurs moteurs. P. K.

XLI. Contribution au diagnostic DES affections EN FOYER DE

LA PROTUBÉRANCE ET DE LA MOELLE ALLONGEE; par H. SENA-

TOR (Arch. f. Psych., XIV, 3.)

Observation avec autopsie, mettant en lumière un foyer de

ramollissement de ces régions consécutif à une obturation

thrombosique de la basilaire et des vertébrales. Le diagnostic

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 411 [

s'appuya sur le jeune âge du sujet, la constatation d'une artério-

sclérose, l'absence de néphrite chronique, la faible inten-

sité de l'ictus 1. L'auteur appelle l'attention sur les allures du

globe oculaire (paralysie du nerf oculo-moteur externe gauche

et du muscle droit interne droit) ; sur la paralysie de .l'hypo-

glosse droit, tandis que les autres nerfs crâniens étaient exclu-

sivement paralysés à gauche ; sur la paralysie des extrémités

du côté droit qui ne fut complète que dans les dix derniers

jours ; sur la suppression du sens musculaire dans les extrémi-

tés paralysées, sur les troubles vaso-moteurs des mêmes membres

et la diminution de l'excitabilité faradique sur la production

à la face de réflexes croisés (électrisation faradique ou galva-

nique). P. K.

XLII. Tumeurs symétriques A la base du cerveau; parle Dr STRAHAN.

(Journal of Mental Science, juillet ! 883.)

Nous donnons ici le résumé de l'observation :

Homme de vingt-huit ans, célibataire, entré à l'asile en

octobre 1880, pour un premier accès de folie : il a été soldat

dans l'armée des Indes, a eu des habitudes d'intempérance, il a

commis une tentative de suicide par strangulation, et a refusé de

manger, il a été souvent malpropre : il est incohérent, agité et a

des idées de persécution, aucun symptôme de paralysie n'est

signalé avant son entrée. IL est arrivé graduellement à une cécité

absolue (atrophie des deux nerfs optiques).

A l'asile, il est agité, souvent bruyant, il a des idées délirantes,

il est sourd, et on note un peu d'incoordination dans les mouve-

ments des mains. Le 27 août 1882, sans que son état se soit en

rien modifié jusque-là, le veilleur de nuit le trouve dans l'état

suivant : perte de connaissance, écume à la bouche, pupilles dila-

tées, égales; respiration stertoreuse; face congestionnée, déglu-

tination impossible. Mort après deux jours de coma.

On obtient alors de la mère du malade les renseignements sui-

vants : le malade était l'aîné et le seul survivant .des huit en-

fants qu'elle avait eus de son premier mari : voici le sort des

sept autres : le premier meurt phthisique à quatre ans et demi,

le second succombe à la rougeole à sept mois, le troisième et le

quatrième sont morts-nés : le cinquième, une fille, vit jusqu'à

vingt ans, elle était sourde, avait eu de la chorée, et est morte

aliénée dans un asile : le sixième enfant a dû subir à dix-huit ans

l'énucléation de l'oeil gauche et est devenu sourd après l'opéra-

tion, il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans, a perdu la vue du

côté sain jusque là et estmortaprès une « forte attaque. » Enfin le

septième, qui avait atteint l'âge de trente ans sans avoir été malade

412 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

est mort subitement. Interrogée, celle femme déclare qu'après la

naissance de son premier enfant, elle a perdu ses cheveux, que

deux ans après elle a eu mal à la gorge et à perdu la voix, et

qu'enfin, plus tard, à une époque qu'elle ne peut préciser elle est

devenue sourde du côté gauche. Son mari est mort à quarante-

cinq ans; il était devenu, dit-elle, « complètement fou » deux

jours avant sa mort. Cette femme s'est remariée, elle a eu de

son second mari plusieurs enfants, dont l'aîné a aujourd'hui plus

de vingt ans : ces enfants du second lit n'ont jamais été ma-

lades. Dans ces conditions, la syphilis ne peut guère être

mise en doute chez le père du malade en question.

L'autopsie complète n'a pas pu être faite, mais le Dr Strahan a

réussi à se procurer le cerveau, qu'il a remis au Dr G. II. Savage.

Voici ce qu'a constaté ce médecin distingué : de chaque côté de la

moelle allongée, et reposant sur la surface inférieure du cervelet,

on trouve une tumeur, irrégulièrement arrondie, bosselée, ferme

et dure au toucher, ayant à peu près le volume d'une grosse noix :

celle du côté gauche est un peu plus volumineuse que celle du

côté droit.

Chacune de ces tumeurs a déterminé au-dessus d'elle une dé-

pression de la surface inférieure du cervelet, en avant une dé-

pression du bord postérieur du pont de Varole, et en dedans une

dépression de la moelle. Ces tumeurs ne sont adhérentes ni au

cervelet, ni à la protubérance, ni a la moelle; elles siègent à l'ex-

térieur du feuillet viscéral de l'arachnoïde. L'examen histologique

a montré qu'elles étaient de nature fibro-cellulaire. R. M. C.

XLIII. SUR UN cas DE tabès dorsal avec dégénérescence DES

NERFS périphériques ; par SAKAKY. (Arch. f. Psych., XV, 2.)

Observation avec autopsie. Particularités nécroscopiques :

dégénérescence presque complète des cordons postérieurs,

atrophie prononcée des racines postérieures, amincissement

et coloration grisâtre des nerfs saphènes, altération excessive-

ment nette au microscope portant sur tous les nerfs périphé-

riques (comparaison presque constante avec la normale). Il

s'agit d'une atrophie simple des tubes nerveux, sans proliféra-

tion du tissu conjonctif; la numération des tubes sur un milli-

mètre carré est comparativement fort intéressante. Comme

les régions où il y avait l'atrophie la plus prononcée ont été

dans l'espèce hantées par les troubles les plus notables de la

sensibilité, comme les nerfs moteurs et les nerfs mixtes ont

été trouvés intacts, l'anesthésie émanait de l'atrophie des nerfs

sensitifs. Planche à l'appui. P. K.

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 413 3

XLIV. UN cas DE formation D'UN LIPOME dans LES MÉNINGES

spinales; par M. BRAUBACH. (Arch. f. Psych., XV, 2.)

Observation : Paralysie des extrémités inférieures, anesthé-

sie extrêmement marquée, parésie vésicale, contracture exces-

sive des deux membres inférieurs, exagération des réflexes

tendineux, chez une fillette de cinq ans, atteinte [(extrémité

supérieure droite et membres inférieurs) depuis sa deuxième

année. Il faut noter que les douleurs et de l'amaigrissement

ont précédé les contractures ; celles-ci ont été suivies de dimi-

nution de la sensibilité cutanée du tronc et des membres.

Mort de phthisie pulmonaire. Autopsie. Tumeur fusiforme

mesurant dans sa longueur 12 centimètres, dans son diamètre

transverse et vertical 3 centimètres, dans son diamètre antéro-

postérieur 2 centimètres. Elle occupe la cavité limitée par la

dure-mère, son extrémité supérieure arrive à 3 centimètres

au-dessous de la pointe du calamus scriptorius, son extrémité

inférieure vient entre les quatrième et cinquième paires dor-

sales. Elle refoule en avant et àgauche l'organe central, qu'elle

réduit à l'état de ruban (ramollissement). Aplatissement,

mais faible dégénérescence des racines nerveuses droites, inté-

grité des racines de gauche. Dégénérescence descendante des

faisceaux pyramidaux, dans les cordons latéraux. Il s'agit

d'un lipôme pur ayant pris naissance dans l'arachnoïde ou

la pie-mère. La bibliographie n'en contiendrait que quatre

cas. Les particularités de celui-ci résident dans la conservation

de la conductibilité à l'égard des impressions douloureuses,

malgré la compression et les altérations cervico-dorsales; dans

le peu d'altération des racines de droite et l'intégrité de celles

de gauche ; dans la conservation des fonctions motrices du

membre supérieur gauche, et, par contre, la contracture du

membre supérieur droit (excitation permanente des racines

de ce côté par élongation). Planche à l'appui. P. K.

XL. NOTE SUR UN POINT DE CONTROVERSE ENTRE lIIOELI ET MOI;

par J. Katyschew. (Arch. f. Psych., XV, 2.) .

Moeli prétend que la faradisation du cou', entraine toujours

une mydriase primitive suivie parfois d'un myosis très net.

1 Voy. Archives de Neurologie, t. IV, p. 404. Réaction des pupilles chez

les aliénés.

z

414 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

Katyschew affirme qu'il se produit dans ce cas toujours du

myosis, à la condition qu'on fasse agir des courants faibles.

Il prend un adolescent d'origine bavaroise, atteint de maladie

de Basedow (hypertrophie du coeur très prononcée avec goitre).

Le soir, il place à sa gauche une table avec l'appareil élec-

trique, il se met lui-même devant lui et un peu à droite ; obli-

quement par rapport au patient se trouve une autre table où

brûle une bougie de stéarine distante de trois à quatre pas. La

situation des yeux du sujet par rapport à la flamme évite la

production du myosis; les pupilles sont très dilatées. Faisant

alors fixer la bougie d'une façon persistante, on applique une

électrode sur le cou, et l'on met l'autre en contact avec le côté

dorsal dumétacarpe du même côté; le courant, au début faible,

est graduellement renforcé. Dans ces conditions, la faradisa-

tion n'exerce aucune influence sur la largeur des pupilles.

Rapproche-t-on la bougie de deux pieds, on obtient un myosis

douteux; faradise-t-on alors la région cervicale d'un côté, on

voit se produire un myosis bilatéral très notable qui dure pen-

dant les quelques minutes qu'on électrise et cesse dès qu'on

interrompt l'électrisation. Seulement, il faut se défier de la

puissance de fixation des individus ; chez d'aucuns, cette ma-

noeuvre entraine de l'hyperexcitabilité de la rétine qui porte

préjudice aux conclusions. P. K.

XL VI. Cas guéri DE paralysie DE L'OCULO-MOTEUR externe

avec diabète sucré; par J. LANDSBERG. [Arch. f. Psych.,

XV, 9.) -

C'est M. Landsberg lui-même qui fait le'sujet'de l'observa-

tion, dont l'intérêt réside dans la coïncidence exacte du dia-

bète avec la paralysie, celle-ci disparaissant au moment même

où disparaissait celui-là. Quand céda le diabète, il y eut

copieuse excrétion d'acide urique. L'auteur fait remarquer

combien l'exercice musculaire favorise la combustion du sucre

dans l'économie. Il s'agit enfin d'un diabète purement transi-

toire. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

XVII. Grands ET petits asiles d'aliénés, par T. Claye SHOW

(Journal of Mental Science, juillet 1883.)

Dans ce travail, M. Claye Shaw reprend et examine, en les

serrant de près, quelques-uns des arguments mis en avant de

part et d'autre dans la discussion ouverte sur les avantages et les

inconvénients des grands et des petits asiles d'aliénés. Il conteste

particulièrement la valeur de certains résultats fournis par la

statistique; en se basant sur ce fait que les asiles observés sont

beaucoup trop dissemblables entre eux, (tant au point de vue du

nombre qu'au point de vue de l'état somatique et mental des

malades admis), pour qu'une comparaison puisse être utilement

faite entre des chiures provenant de sources aussi peu uniformes.

En somme, ce travail, légèrement éclectique, quoique favorable

en général aux grands asiles, est un document critique intéressant t

écrit par un homme compétent; c'est une pièce importante de

plus à joindre au dossier de cette question si controversée en

Angleterre. R. M. C.

XVIII. Cas D.1U1'0-tU'rILaTIONS CHEZ LES ALIÉNÉS- par James ADAM.

(Journal of mental Science, juillet 1883.)

Observation 1. Femme de quarante-cinq ans, mariée, insti-

tutrice, devenue aliénée à l'époque de la ménopause; hallucina-

tions religieuses; tendance au suicide : entrée le 15 octobre 1875;

le 2 décembre, elle s'arrache littéralement l'oeil droit avec ses

doigts; elle refuse de manger : il faut la surveiller étroitement, et

parfois avoir recours aux moyens de contention pour l'empêcher

de s'arracher l'oeil gauche. Deux ans après son entrée, son état ne

s'est nullement amélioré; elle a la camisole à demeure. Une

autre année se passe,dans laquelle on constate une légère améliora-

tion, qui augmente progressivement, malgré le déplorable état do

sa santé physique. En 880, on obtient d'elle la révélation d'halluci-

nations de la vue et de l'ouïe. Sous l'influence d'un régime

tonique, l'amélioration persiste et augmente, et, de 1881 à 1883,

elle se montre plus calme, n'a plus besoin d'être maintenue par

des, moyens coercitifs, et n'est plus l'objet que d'une surveillance

416 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

simple, mais attentive et continue; elle'participe à toutes les dis-

tractions de l'établissement. Elle a toujours des hallucinations,

mais elle ne leur obéit plus.

Observation Il. Jeune homme de dix-huit ans, garçon de

ferme, entré le 12 mars 1883; l'aliénation, de cause non connue,

remonte à quatrejours; pas d'hérédité; délire religieux (il prétend

être l'apôtre saint Paul), et idées de persécution. Quatre jours

avant son entrée, il est allé dans un champ écarté et s'est nette-

ment et complètement amputé la verge avec un canif; il a perdu

beaucoup de sang, et a modéré l'hémorrhagie en arrosant la

plaie avec de l'eau qu'il a trouvée dans le voisinage et qui se

trouvait être extrêmement froide. Il avoue des habitudes de mas-

turbation et déclare s'être amputé la verge pour obéir au pré-

cepte de l'Ecriture : « Si ta main droite fait le mal, coupe-la. »

Il refuse de manger, et on l'alimente à la sonde; il est agité,

arrache son pansement, crache àla figure de ceux qui l'entourent

et fait des prières. Deux jours après son entrée, il est plus calme

et consent à manger. Le 26 mars, il a encore des hallucination ? ,

mais il est calme; il reprend des forces : la plaie guérit lentement,

mais d'une façon satisfaisante. R. M. C.

XIX. SUR DES accès TOUT particuliers d'excitation SEXUELLE

PERVERSE; par ANJEL. (Arch. f. Psych., XV, 2.)

Un homme de quarante-cinq ans, indemne de toute tare

héréditaire, de bonne éducation, n'ayant jamais commis le

moindre excès que ce fût, devient, par instants, excité, agité,

rageur, et se sent irrésistiblement poussé à désirer salir des

petites filles. Durée des accès : huit à quatorze jours. Cons-

cience du malade, qui rattache ces anomalies morbides à une

violente frayeur éprouvée huit ans auparavant. A la suite de

l'événement terrifiant, il aurait éprouvé, pendant un certain

temps, de l'angoisse précordiale, à laquelle ont succédé ces

accès. M. Anjel croit qu'il s'agit d'équivalents psychiques de

l'épilepsie. 0

Autre cas. Dame bien éduquée, d'excellente condition, tou-

chant à la ménopause. Tare héréditaire. Jadis petit mal, et

plus tard hystéro-épilepsie (attaques et troubles psychiques).

Puis insomnie, qui cède à son tour pour ne revenir qu'à

l'époque des règles. Actuellement, aux mêmes époques, se

montre une impulsion à rechercher les attouchements de

garçons de moins de dix ans; en même temps, dégoût des

hommes faits. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 417

XX. Sur les conceptions IRRéSISTIBLES; par C.-E. HOESTER-

MANN. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLI, 1.)

II n'y a conception irrésistible vraie que lorsque la concep-

tion n'a rien à voir avec l'association des idées; elle émane

d'excitants internes intra-cérébraux el est entretenue par un

affaiblissement dans l'énergie des hémisphères, tout hémis-

phère affaibli dans sa vitalité devenant incapable de s'opposer

à l'influence des excitants en question. Quant aux idées domi-

nantes d'un individu, celles en rapport avec des associations

d'idées, il est vrai que, dans les cas avancés, elles entraînent

les mêmes conséquences que les conceptions irrésistibles pro-

prement dites, mais leur pronostic est meilleur, elles sont plus

accessibles à la thérapeutique psychique. A cette dernière ca-

tégorie appartiennent deux observations intéressantes du mé-

moire. P. K.

XXI. Contribution A la connaissance DE la démence para-

LYTIQUE ; par EiCKHOLT. (Allg. Zeitschr. f. Psych., XLI, 1.)

I. Etiologie. Fréquence et valeur des facteurs étiologiques

les plus importants.

Sur mille malades hommes, dix-sept sont paralytiques

généraux, et la plupart de ces paralytiques généraux ont de

trente-cinq à cinquante ans; un nombre extrêmement petit a

moins de trente ou plus de soixante ans. La paralysie générale,

chez les individus très jeunes, ne reconnaît pas de facteur étio-

logique auxiliaire, mais elle suit une marche tout spécialement

pernicieuse.La paralysie générale est bien moins héréditaire que

les autres affections mentales ; en revanche, on note fréquem-

ment l'action concurrente de l'ivresse, du surmenage intellec-

tuel, delamisère : proportion de l'ivresse = 24,2 p. 100. Im-

portance très minime de la syphilis : sur cent-soixante-et-un

cas, il n'y avait sûrement syphilis que chez dix-neuf individus

(anamnestiques); or, chez douze de ces malades, il s'écoula

cinq à vingt ans entre l'infection et l'explosion de la paralysie

générale; résultat nul du traitement antisyphilitique; pas de

particularités spéciales quant à la marche; un seul malade

était porteur de lésions spécifiques; l'immense majorité de

semblables paralytiques avait subi l'action d'autres causes de

paralysie générale. Il est rare qu'on soit amené à discuter l'in-

Archives, t. X. 27

418 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

fluence d'une psychose primitive comme cause de paralysie

générale; pour l'affirmer, i ! faut que la paralysie générale

succède directement à un trouble mental simple existant

depuis un temps plus ou moins long et alors, si ce dernier

existe depuis longtemps, on peut dire que la paralysie géné-

rale en est la complication, s'il n'existe que depuis peu, on

dira que la paralysie générale a pris à son début le masque de

la psychose primitive; mais que dire, lorsqu'il y a eu entre

une psychose simple et la paralysie générale un intervalle

normal de plusieurs années ? La paralysie générale chez la

femme est six fois moins fréquente que chez l'homme ; on

n'a jusqu'ici pas assez envisagé la grossesse et la ménopause ;

en revanche, il ne faudrait ni exagérer l'influence de cette

dernière, ni déprécier le rôle de la première.

II. Genèse des attaques congestives. Quel en est le point

de départ ? Comment se forment-elles ? C'est l'écorce grise qui

engendre les attaques épileptiformes ; celles-ci sont le résultat

d'un trouble purement fonctionnel. Ou bien il se produit une

modification de la nutrition qui entraine l'équilibre instable

des cellules nerveuses des centres moteurs; dès lors, une exci-

tation périphérique (plénitude de la vessie) ou intra-erânienne

(oedème cérébral, anomalies circulatoires) provoque la surac-

tivité des éléments anatomiques. Ou bien les mêmes éléments

entrent en jeu de par les altérations pathologiques (inflamma-

tion chronique, ramollissements , hémorragies sous-ménin-

gées, hématome de la dure-mère). Les attaques apoplectiformes

dérivent d'oscillations fréquentes dans la pression intra-céré-

brale du fait de la maladie elle-même. P. K.

XXII. CONTRIBUTION A L'HISTOLOGIE pathologique DE L'ÉCORCE

du cerveau CHEZ LES aliénés; par V. LlEBMANN. (Jahnbüch.

/. Psych., V, 3.)

Lès coupes sont les unes soumises à la dissociation dans une

solution de chlorure de sodium, les autres durcies dans l'al-

cool ou le liquide de Muller. Les agents de coloration sont :

le carmin, l'éosine, l'hématoxyline. On éclaircit parallèlement

dans l'essence de girofle et dans la glycérine; avant d'iutro-

duire dans la glycérine, on a soin de laver à l'alcool chaud

pour débarrasser des cristaux de cholestérine. C'est l'écorce

des circonvolutions ascendantes qui est ici surtout en jeu.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 419

La paralysie générale offre, comme altération la plus cons-

tante, une dégénérescence hyaline (colloïde) des cellules ner-

veuses ; premier stade : tuméfaction, trouble; hypertrophie,

gonflement de la cellule, hypertrophie du noyau arrondi et

parfois divisé en deux, il est rare que l'on constate concurrem-

ment la destruction moléculaire; deuxième stade : issue de la

substance hyaline, constituant des organites irréguliers, en

divers points de l'écorce, qui se colorent faiblement et se dis-

solvent aisément dans l'essence de girofle, recoquillement des

cellules, conservation des noyaux. Dans les premiers stades,

les vaisseaux, rarement en état d'hypergenèse nucléaire, pré-

sentent la dégénérescence hyaline des parois; on trouve des

masses hyalines périvasculaires (leucocytes émigrés dégéné-

rés). Enfin, plus tard, déliquium pulvérulent de la matière

hyaline. La formation de kystes se rattache à ces modifica-

tions. Peut-être les attaques congestives émanent-elles de

thromboses hyalines ? Dégénérescence hyaline de la névroglie,

du protoplasma de ses noyaux (organites de formes variables).

Pas de multiplication des cellules-araignées. Conclusion : La

paralysie générale est une encéphalite diffuse de l'écorce ayant

pour origine la dégénérescence hyaline. La dégénérescence

hyaline existe encore quelquefois de concert avec l'inflamma-

tion diffuse dans l'hypertrophie partielle se traduisant par

des phénomènes de compression cérébrale.

Observation d'épilepsie chez un jeune homme de dix-huit

ans. Sclérose de la corne d'Ammon ', dégénérescence grais-

seuse étendue des vaisseaux, thromboses hyalines, dégénéres-

cence hyaline des cellules de l'écorce englobant par places (ma-

cules) la substance blanche.

Observation de mélancolie grave : dégénérescence graisseuse

accompagnée de dégénérescence hyaline. P. K'.

XXIII. Deux cas DE méconnaissance pendant PLUSIEURS

années D'UNE maladie mentale (délire des persécutions avec

plaintes continuelles) CHEZ DES détenus ; par de KRAFFT-

. EBING (Jah7'büch. f. Psych., V, 3).

PREMIER cas. Condamnation à la prison perpétuelle pour

incendie. Homme de trente-neuf ans, condamné pour vol en

1 Voy. Archives de Neurologie, Mémoire de Sommer et thèse de Coul-

bault, t. III, p. 373 et|t. II., p. 246. '

420 REVUE DE pathologie mentale.

1873. L'acte commis fut considéré comme un acte de vengeance.

On disait encore que son caractère était belliqueux. Dans l'ins-

truction, il parle d'intrigues, de calomnie, de persécution. En

prison, réclamations, pétitions, mémoires insupportables. En

1882, sorte de recrudescence des mêmes allures. On soup-

çonne donc une maladie mentale. M. de Krafft-Ebing conclut

à l'aliénation non seulement depuis le temps de l'observation,

mais encore à l'époque où l'acte incriminé fut commis; il fait

remonter l'affection à un traumatisme céphalique(1872), qui

aurait donné un coup de fouet à un germe morbide originel.

Acquittement; transfert dans un asile d'aliénés.

Second cas. Condamnations répétées pour vol. Fait sem-

' blable ; transfert dans un établissement d'aliénés. P. K.

XXIV. Rapport rrEDICO-LÉGAL. Imbécillité, imposture, IRRES-

PONSABILITÉ ; par J. FRITSCIi. (Jahrbùch. f. Psych., V, 3.)

Anomalie de formation du cerveau et du crâne chez un

jeune chevalier d'industrie qui, sous un nom d'emprunt, avait

fait plusieurs dupes. P. K.

XXV. Du PRONOSTIC DE LA FOLIE CHEZ LES ALIÉNÉS QUI REFUSENT DE

manger; par Henry SUTBEIIL.1ND. (Journal of Mental Science,

juillet 1883).

Nous reproduisons ici les conclusions dérailleur, conclusions

qui, au cours de ce mémoire, sont respectivement appuyées sur

des faits. Suivant M. Sutherland, le pronostic est - 1. Favorable,

quand les aliments inspirent une certaine répugnance, mais ne

sont pas catégoriquement refusés; 1 a. Défavorable, quand il

y a refus persistant démanger. 2 a. Favorable lorsque la répu-

gnance à l'égard des aliments et le refus de manger relèvent

d'une cause somatique susceptible d'être supprimé ; - 2. Défet-

volable, lorsque cette cause somatique ne peutpas être supprimée;

défavorable surtout dans les cas de paralysie générale avec

complications organiques graves; 3. Favorable, lorsque le

refus de manger se manifeste au cours d'un premier accès de

folie. 3 a. Défavorable, si le refus est observé au second accès ou

dans les accès ultérieurs. 4. Favorable, si, après avoir été ali-

menté une fois artificiellement, le malade consent à se nourrir

spontanément; 4 cc. Défavorable s'il a été nécessaire de recourir

plus d'une fois à l'alimentation artificielle; en pareil cas, la gué-

rison mentale est d'autant moins probable qu'il a fallu recourir

plus souvent à l'alimentatation forcée; 5. Favorable, si la santé

REVUE de pathologie mentale. 421

et le poids du malade ne se modifient que d'une façon peu sen-

sible. 5 a. Défavorable, si le malade maigrit en dépit de l'ali-

mentation quotidienne à la sonde; les cas de ce genre marchent

d'ordinaire vers une terminaison rapidement fatale; 5 b. Défa-

voruble aussi, du m'oins au point de vue de la guérison mentale,

lorsque le malade engraisse trop sous l'influence de l'alimenta-

tion, car alors il aboutit à la démence; 6. Favorable, quand le

malade a le désir de guérir; 6 a. Défavorable, lorsque les idées

de suicide sont persistantes; 7. Favorable, si l'on a recours de

bonne heure au traitement pharmaceutique et à l'alimentation;

- la. Défavorable, dans le cas contraire.

Enfin nous devons mentionner une dernière conclusion, par

laquelle l'auteur termine son intéressant mémoire; elle est ainsi

formulée : « La valeur thérapeutique de la nourriture que l'on

introduit de force dans l'estomac d'un malade dépend beaucoup

plus de l'état même du malade que du mode d'administration ou

de la nature des aliments. » R. M. C.

XXVI. Méningite tuberculeuse chez des aliénés adultes; par W. Ju-

lius llIICLE. (Journal of Jlental Science, juillet 1883.)

L'auteur a pu observer quatre cas de méningite tuberculeuse

chez des aliénés adultes (hommes); les observations détaillées de

ces quatre cas sont consignées dans ce travail, ainsi que les

constatations faites à l'autopsie; on se bornera à signaler ici,

d'après l'auteur lui-même, les points les plus saillants de ces

quatre cas intéressants.

Dans le premier cas, il s'agit d'un malade qui, après avoir

présenté les symptômes de la phthisie et une pleurésie, avait

guéri ; plus tard, la tuberculose reparut, la santé générale s'altéra

sou ? l'influence de lésions intestinales qui furent constatées après

la mort; le malade mourut d'une méningite tuberculeusesiégeant,

comme d'habitude, à la base.

Dans le second cas, une méningite, siégeant principalement à

la base, était venue s'ajouter à des signes de tuberculose pulmo-

naire : outre les lésions delà méningite tuberculeuse, on trouva

à l'autopsie des tubercules dans les poumons, dans la plèvre,

des fausses membranes pleurétiques anciennes, et dans le péri-

toine ; on rencontra également des nodules tuberculeux dans la

rate; enfin les ganglions bronchiques étaient augmentés de

volume, indurés et caséifiés.

Dans ces deux cas, qui forment un premier groupe, la ménin-

gite ne s'est pas comportée absolument comme elle a coutume de

1e faire chez les adultes non aliénés; c'est ainsi que chez ces

deux malades la durée de la maladie a été exceptionnellement

z32 REVUE DE pathologie mentale.

courte et le coma' très précoce, et que, chez l'un d'eux, on n'a

constaté aucun ralentissement du pouls.

Le troisième malade était atteint de phthisie chronique avec

cavernes, de tuberculisation mésentérique, d'altérations tuber-

culeuses légères de l'intestin grêle, et de tuberculose rénale au

début. A l'intérieur du crâne, on ne trouva de tubercules que sur

la convexité du cerveau; mais les ventricules latéraux étaient

remplis d'uu liquide séreux louche et les tissus voisins étaient

très ramollis. Chez ce malade, les symptômes cérébraux à la lin de

la vie étaient très marqués, mais non caractéristiques. La respi-

ration de Cheyne-Stokes modifiée, telle qu'on la rencontre quel-

quefois dans la méningite tuberculeuse de la base. existaitici,

bien qu'il n'y eût point de tubercules à la base, et que les signes

d'inflammation fussent très peu marqués. La zone dite corticale

motrice était atteinte dans une certaine mesure, et cependant on

ne constata ni spasmes localisés, ni convulsions, ni paralysie;

l'impossibilité de se tenir debout, constatée les deux derniers

jours de la vie, paraissait due à un relâchement musculaire gé-

néral et à l'état aslhéuique du malade. Enfin les centres corti-

caux auxquels on rattache la vision étaient considérablement

atteints, sans qu'aucun symptôme saillant ait été constaté du

côté de la fonction visuelle.

Dans le quatrième cas, les tubercules méningés visibles étaient

limités aux lobes pariétal, occipital et temporo-sphénoïdal du

côté droit; ils suivaient donc surtout la distribution des branches

de la cérébrale postérieure droite, bien qu'à la vérité on en ren-

contrât quelques-uns dans les régions alimentées par les branches

pariétales antérieure et postérieure de la cérébrale moyenne

droite. Sans être unique, cette distribution unilatérale et bien

localisée des tubercules, est rare. Il existait aussi des signes d'irri-

tation,peut-êtremêmed'intlammation légère à labase. On Irouva

des tubercules, sous diverses formes, dans les poumons, la

plèvre, la rate, le rein gauche, ainsi qu'au voisinage du pan-

créas, dans les ganglions abdominaux. Chez ce malade, les

symptômes cérébraux avaient été de courte durée; les symptômes

moteurs avaient fait complètement défaut. Il convient de noter

aussi que des hallucinations, très vives et de très longue durée, de

l'ouïe et du tact ont coïncidé, dans ce cas, avec des lésions très

accentuées du centre cortical de l'audition du côté droit et des

régions contiguës au centre du loucher du même côté; d'autre

part, bien que le pli courbe du côté droit fût atteint, aucun

symptôme visuel ne fut constaté; on n'observa pas non plus de

symptômes moteurs, bien que la zone corticale motrice du côté

droit fût envahie. Ici, comme dans le cas précédent, il va sans

doute lieu de tenir compte du moins de production des tuber-

REVUE DE thérapeutique. 43

cules, et de la tolérance dont les tissus font parfois preuve à leur

égard. '

Ce qui distingue surtout les deux cas de ce second groupe,

c'est que les symptômes cérébraux ne se sont manifestés que

consécutivement à des lésions pulmonaires avancées, c'est que le

processus inflammatoire n'a été que peu marqué et n'a guère

présenté que des caractères de début, c'est enfin que des symp-

tûmes cérébraux bien accusés n'ont été nulle part accompagnés

d'une paralysie rigoureusement localisée. R. M. C.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

VIII. DE la caféine dans SES rapports avec la chaleur animale, et

envisagée par opposition A l'alcool; par W. BEVAN LEWIS,

(Journal of Mental Science, juillet 1883.)

Nous ne pouvons ici ni entrer dans le détail des expériences

assez compliquées de l'auteur, ni reproduire les intéressants ta-

bleaux qui accompagnent son mémoire; nous devons par consé-

quent nous borner à reproduire ses conclusions qui sont les sui-

vantes : la caféine et l'alcool possèdent une propriété commune,

celle d'accroître dans une large mesure la production normale

de la chaleur; mais ces agents diffèrent sur un point très impor-

tant : en effet, tandis que l'alcool, grâce à une décharge excessive

et prolongée de chaleur, abaisse considérabiementia température

du corps, la caféine, en conservant la chaleur, tend à rétablir

rapidement la température normale.

L'auteur ajoute que si l'on administre des doses élevées et

associées de caféine et d'alcool, on constate nettement qu'un

stade précoce, caractérisé par une diminution de production de

la chaleur, précède l'augmentation de la thermogénèse; d'autre

part, l'abaissement de tempe, attire qui caractérise l'action de l'al-

cool, est plus ou moins tenue en échec par l'action antagoniste

de la caféine.

On voit aisément combien sont utiles les données que four-

nissent à la thérapeutique ces constatations physiologiques.

R. M. C. ,

424 REVUE DE thérapeutique.

IX. Rapport SUR L'ENSEIGNEMENT EN masse DES enfants

PAUVRES DE L'ÉCOLE QUI BÉGAIENT ET BALBUTIENT, DANS UN

BUT curatif; par BERKHAN. (Arch. f. Psych., XV, 2 '.)

Vingt-sept enfants, garçons ou filles, ont été confiés à des

professeurs d'articulation presque tous employés chez les

sourds-muets. L'instruction des balbutieurs consiste en un

enseignement théorique et pratique d'articulation, soit pour

les sons qui leur manquent, soit pour les sons défectueux.

Les bégayeurs sont exercés pendant dix minutes à fléchir la

tète (quatre à six fois), à décrire des cercles divers avec elle

(quatre à six fois), à exécuter une quarantaine de fois des mou-

vements giratoires variés avec les bras, à jeter ces membres en

avant ou en arrière, à faire subir au tronc la même gymnas-

tique, pour régulariser le jeu du soufflet thoraco-pulmonaire et

lui donner de l'ampleur ; le reste de l'heure est consacré à

l'articulation. L'enseignement commença le 8 août 1883 et

fut terminé au bout de douze à quinze semaines. Le 20

novembre, on procédait à l'examen des enfants. Il est intéres-

sant de lire, par le menu, les rapports remis à M. Bcrkhan

par les professeurs chargés des petits groupes confiés exclusi-

vement aux soins de chacun d'eux (allures des enfants, ma-

nière de faire des instituteurs, graduation de la technique).

En fin décompte, sur les vingt-sept malades, il y a eu six amé-

liorations, une aggravation, vingt guérisons. Sur les vingt

guéris, quatre sont des balbutieurs, seize sont des bégayeurs;

sur les seize bégayeurs guéris, six présentaient cette infirmité

à un haut degré, neuf à un degré moyen, un à un faible degré.

Les six améliorés bégayaient à un haut degré. Il a fallu pour

les quatre balbutieurs, quinze semaines à six heures de leçon

par semaine; pour les bégayeurs on a dû donner neuf semaines

au moins, quinze semaines au plus, du même temps. Un nou-

vel examen pratiqué par M. B... au mois de mars, c'est-à-

dire plus de trois mois après les résultats, révélait une rechute

chez deux enfants (fillette et garçon présentant du bégaiement

à un haut degré) ; chez six, il y avait tendance à la récidive. On

leur fera un second cours. P. K.

1 Voy. Archives deNeurofugie, t. VIII, p. 328.

REVUE DE thérapeutique. ' 125

X. LE MODE d'action thérapeutique dissemblable DES DEUX

SORTES DE COURANTS ÉLECTRIQUES ET L'EXAMEN ÉLECTRO-

DIAGNOSTIQUE du champ visuel; par C. ENGELSKJON. (Arch.

f. Psych., XV, 2.)

C'est la première partie du travail dont nous avons déjà con-

signé in extenso les conclusions'. Le sous-titre « Traits p1'in-

cipaux de la description » explique qu'il ne s'agit encore que

d'une communication provisoire (voy. paragraphe final). L'in-

troduction, les chapitres premier (mode d'action dissemblable

des deux sortes de courants) et cinq (effets des deux sortes de

courants électriques dans l'électrisation de la peau) se résument

comme il suit. Premier exemple : Une femme atteinte de

dilatation vasculaire des mi11ns (érythromélalgie) est soumise

au courant continu, elle guérit; l'électrisation faradique

entraîne une aggravation. Deuxième exemple : une femme

atteinte de contraction spasmodique des vaisseaux cutanés

(asphyxie locale) voit son mal s'aggraver par les courants

constants; elle guérit sous l'influence des courants faradiques.

L'électrisation, par quelque genre de courants que ce soit, des

nerfs du bras, ne produit, chez aucune de ces malades, aucun

changement; chaque courant agit donc spécifiquement suivant

tel ou tel genre d'affections, mais exclusivement sur les appa-

reils vaso-moteurs locaux. L'action spécifique de chaque sorte

de courants est encore prouvée par le traitement électrique de

la migraine ; chacun d'eux n'agit pas indifféremment sur l'hé-

micrânie vaso-constrictrice et sur l'hémicrânie vaso-dilatatrice.

Remarquons qu'on place dans ces cas un électrode à la

nuque et l'autre au niveau du larynx, et qu'on fait intervenir

une force de courant insuffisante pour produire une contrac-

tion musculaire. Les mêmes effets se produisent dans toutes

les formes possibles de neurasthénie cérébro-spinale, dans les

régions seules où il y a des cellules ganglionnaires (inaction

des conducteurs nerveux). Le chapitre II traite du p ! iéno-

mène vaso-moteur réflexe paradoxal. Toute neurasthénie céré-

brale, dit M. Engelskjôn, toute céphalalgie, tout vertige,

tout étourdissement qui s'accompagne en même temps de

symptômes spinaux, indique qu'il y a action réflexe sur la

moelle, d'où l'utilité d'appliquer au cerveau telle sorte de cou-

1 Voy. Archives de Neurologie, t. X, p. 104.

426 - REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

rants, à la moelle telle autre sorte d'électricité. Même action

réflexe de la queue de cheval par rapport à l'axe médullaire.

Le chapitre III est intitulé de la névrose électrique. Quand

on a longtemps électrisé les organes centraux, ils souffrent, et

cette souffrance se traduit par certains phénomènes; ces phé-

nomènes en imposent air praticien. D'où la nécessité de

toujours attendre, avant de formuler'son pronostic, quelques

jours après la fin d'une cure électrique. Chapitre IV. Exa-

men électro-diagnostique du champ visuel. Quinze xamens sont

la source originelle de cette conclusion qu'un courant à action

thérapeutique positive amplifie le champ visuel, tandis qu'un

courant à action thérapeutique négative rétrécit le champ

visuel. Par conséquent, étant donné un malade, examinez son

champ visuel sous l'influence des courants continus ou induits,

vous trouverez ainsi l'agent qui agira favorablement sur lui.

Mais il faut éviter que la force du courant ne soit telle qu'il

se produise de l'irritation cutanée, sinon la proposition n'est

plus vraie. - Chapitre V. L' Importance des facteurs éliolo-

giques pour le choix des deux sortes de courants. Mode d'action

de certains médicaments. Un bain froid agit comme un courant

galvanique; un bain chaud, comme un courant faradique.

Placez les mains d'un névropathe dans l'eau froide ou dans

l'eau chaude, et examinez son champ visuel : vous obtiendrez

les mêmes effets que si vous faisiez agir un courant à action

thérapeutique positive ou un courant à action thérapeutique

négative; l'eau froide = galvanique, l'eau chaude = faradique.

Aux névroses issues de dépressions morales (frayeurs, afflic-

tion, chagrin), il faut les courants induits; il en est de même

pour l'intoxication nicotinique (trois cas). Aux affections en

rapport avec le surmenage cérébral ou musculaire, avec les

fatigues physiques, on opposera les courants continus. Dans

l'espèce, il n'y a à se préoccuper ni du choix des pôles, ni du

sens des courants. P. K.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUG

Séance du 30 mars 1885. Présidence DE M. OAGONET.

)1. REY lit une note sur le poids des hémisphères cérébraux. Ces

recherches portent sur 235 pesées de cerveaux d'hommes et i-16 de

femmes faites par Broca. Elles donnent en grammes comme

moyenne chez les hommes 556,4 pour l'hémisphère droilet HH5,7

pour le gauche; chez les femmes Ir7-I,° ? pour l'hémisphère droit et

z7-1,4 pour le gauche. Il y a donc entre chaque hémisphère une

légère différence en faveur du droit, ce qui concorde avec les

faits connus. La différence maxima observée chez le même indi-

vidu a été de 18 grammes pour un homme et de 16 grammes pour

une femme; cet écart est par conséquent bien inférieur à celui

qu'on rencontre chez certains aliénés, et en particulier les dé-

ments.

L'influence de l'âge sur le poids du cerveau ne s'exerce pas de

la même façon dans les deux sexes : chez l'homme le cerveau

acquiert son maximum entre vingt-cinq et trente-cinq ans, tandis

que chez les femmes le développement est plus précoce; c'est en

effet entre vingt et trente ans que les femmes ont le cerveau le

plus lourd. Le poids croit avec la taille. Une étude particulière

des cerveaux les plus lourds de 1,500 à 1.600 grammes et au-

dessus provenant des registres de Broca et d'un certain nombre

de pesées faites par M. Rey chez des aliénés donne ce résultai

intéressant que les individus sains d'esprit et doués de cerveaux

exceptionnels succombent pour la plupart avant l'âge de qua-

rante ans et ne se retrouvent pas dans les hôpitaux ordinaires,

tandis que les aliénés doués de pareils cerveaux ont généralement

dépassé cet âge. ? j'est-on pas autorisé à tirer cette conclusion :

Beaucoup d'individus porteurs de très gros cerveaux ne sur-

vivent que pour échouer dans les asiles d'aliénés.

M. Lunier fait observer qu'il y aurait intérêt pour tirer quelque

profil de ces pesées, de procéder par séries comprenant d'un côté

les vésaniques de l'autre les cérébraux. Il rappelle à cette occasion

428 SOCIÉTÉS SAVANTES.

qu'il y aura en octobre, à Rome. un congrès anthropologique au

point de vue de la crâniologie criminelle avec exposition de pièces

anatomiques.

M. Féré. Permettez-moi d'insister sur deux points particuliers

delà communication de M. Hey. Chez les femmes, dit-il, le cerveau

acquiert plus tard son maximum de développement et son atro-

phie commence plus tôt. Cette proposition,qui mériterait de s'ap-

puyer sur des taits plus nombreux concorde avec d'autres faits

relatifs à l'évolution du squelette et sur lesquels j'ai insisté à plu-

sieurs reprises : l'évolution de l'os est plus précoce dans les points

où l'évolution a été la plus tardive et c'est dans ces régions que

l'atrophie se manifeste tout d'abord.

Quant à la remarque que les sujets à gros cerveau disparaissent

après quarante ans dans les hôpitaux ordinaires, tandis qu'on les

retrouve encore dans les asiles d'aliénés, elle serait surtout impor-

tante si on pouvait en donner une explication satisfaisante. Les

hommes à gros cerveau disparaissent-ils par le fait d'une mort

prématurée, ou bien acquèrent-ils d'ordinaire une position

sociale qui leur permet d'éviter l'hôpital, quand ils ne deviennent

pas aliénés ?

M. Foville donne lecture d'un travail de M. Parant, sur la simu-

lation des maladies mentales.

Des signes physiques intellectuels et moraux de la folie hé1'édi-

tai1'c. - M. FALIl.ln. Il me semble que question des signes spéciaux

des folies héréditaires pourrait faire revivre les anciennes discus-

sions si intéressantes de notre société. Les leçons de M. Magnan et

notamment sa dernière communication àl'Académie rentrentdans

cet ordre d'études. Deux grandes dissidences régnent ici à ce sujet :

Les uns pensent que l'héréditéjoue un très grand rôle dans l'alié-

nation mentale, mais qu'elle n'exprime aucun cachet à l'aliéné;

d'autres, comme Morel, admettent des folies héréditaires, c'est-à-

dire avec des stigmates et des .signes particuliers. L'hérédité a

aussi donné lieu à des statistiques dont les conclusions divergent.

Je me bornerai à vous exposer quelques considérations générales

pour provoquer la discussion.

Historique. L'ouvrage de M. Lucas a marqué une époque

nouvelle dans l'étude de l'hérédité au point de vue physiologique

et pathologique. Moreau (de Tours) a étudié l'hérédité dans ses

applications aux différentes formes d'aliénation mentale. Morel a

établi des lois générales et, malgré ses obscurités et ses aperçus

vagues, il a ouvert une voie nouvelle en étudiant les transforma-

tions de l'hérédité morbide.

Y a-t-il des stigmates physiques, intellectuels ou moraux chez

les descendants d'aliénés ? Les aliénés héréditaires ont-ils un cachet

SOCIÉTÉS SAVANTES. 429

spécial ? C'eslla question sur laquelle je veux insister en tâchant

d'éclaircir ces deux points principaux : Quelle est l'empreinte de

l'hérédité dansles maladies mentales ? Y a-t-il des formes mentales

caractéristiques héréditaires ?

De la paralysie générale. La paralysie générale a été étu-

diée comme une maladie individuelle et diverses natures étiolo-

giques ont été d'abord indiquées pour en expliquer les causes en

dehors de l'hérédité; plus tard, l3aillarger (mémoire de 1847) et

Lunier ont fait intervenir l'hérédité congestive : depuis, on a

admis des paralysies générales d'origine vésanique; aujourd'hui,

au point de vue de la cause, on admet,trois espèces de paralysies

générales : spontanées, congestives, vésaniques.On a dit, de plus,

que ces paralysies générales héréditaires avaient comme caractères

spéciaux une plus longue durée des rémissions fréquentes et

qu'elles se présentaient souvent sous la forme circulaire.

Alcoolisme. « N'est pas alcoolique qui veut, » a dit Lasègue; on

peut être ivrogne à volonté, mais non pas alcoolique sans prédis-

position spéciale. Il est reconnu aujourd'hui que les alcooliques

sont des héréditaires. Cette hérédité se manifeste de plusieurs

façons : les uns sont sensibles à la moindre dose d'alcool, les

autres ne peuvent s'enivrer et résistent aux plus fortes doses; en

sorte que l'alcoolisme lui-même est soumis à l'hérédité morbide.

Morel l'a démontré à l'aide de faits nombreux et il établit que les

alcooliques aboutissent à la dégénérescence et à la stérilité.

Délire de persécution. Cette expression, inconnue autrefois, à

peine indiquée dans Esquirol, a été mise en relief par Lasègue.

C'est une maladie fréquente, caractérisée au début par de simples

interprétations délirantes; survient la période d'hallucination de

l'ouie, puis s'ajoute la systématisation dans laquelle les halluci-

nations des autres sens s'accompagnent d'autres interprétations

délirantes, le tout pour aboutir à la mégalomanie. On n'a pas

suffisamment distingué le délire de persécution sans hallucina-

tions des persécutés hallucinés. Lasègue a dit que ceux. qui per-

sonnifient leur délire sont plus dangereux que les autres parce

qu'ils deviennent persécuteurs. Mais il n'a pas assez élabli que ces

aliénés persécuteurs n'ont jamais d'hallucinations; ce ne sont

pas les persécutés de nos asiles; ils font des mémoires, soulignent

les mots, ont des formes de langage particulières, s'adressent aux

autorités; ils n'ont pas d'hallucinations, ce sont des fous raison-

nants ; ce sont des héréditaires.

Epilepsie. Lasègue a admis que l'épilepsie vraie reposait sur une

déformation crânienne de la base, datant de la naissance. Per-

sonne ne peut nier que l'épilepsie ne soit héréditaire, mais il a

été établi que son hérédité n'est pas toujours similaire; il n'y a

que 7 à 8 p. 100 d'hérédité similaire, ce qui donnerait raison à

430 SOCIÉTÉ* S \ VANTES.

Lasègue quand il disait que l'épilepsie n'était pas constamment

héréditaire. Moreau (de Tours) avait d'ailleurs déjà dit que les

épileptiques sont des fils d'alcooliques. Certains épileptiques sont

des fils d'alcooliques. Certains sont aussi fils d'aliénés. L'épilepsie

héréditaire a son empreinte : l'état convulsif est moindre, le ver-

tige plus accentué ; -la forme larvée appartient de préférence à

l'épilepsie héréditaire.

Hystérie. Les hystériques, au point de vue de leurs ascendants,

rentrent dans la loi de Morel et présentent aussi la prédominance

des formes vertigineuses et frustes sur les phénomènes cunvul-

sifs et ne présentent que les caractères isolés de l'hystérie : clous,

ovarie, etc.

Hypochondrie. Les hypochondriaques par hérédité ont des idées

absurdes, étranges, sur la nature et la cause de leur mal, bizarres

sur la pathogénie; ils croient, par exemples, que leur sperme

circule avec leur sang.

Toutes les formes d'aliénation mentale portent donc l'empreinte

de l'hérité et, de plus, cette hérédité imprime des marques carac-

téristiques à chaque forme héréditaire. Ces aliénés présentent dès

l'enfance une foule de signes tels que l'asymétrie du crâne et de

la face, strabismes, tics de la face, bégaiement, hec-du-lièvre.

Chez ces prédisposés, ces stigmates se retrouvent dans toutes les

parties du corps, dans la démarche, dans les organes génitaux

(pieds bots, hernies). A côté de ces .lignes physiques il y a des

signes intellectuels, comme des inégalités énormes dans le déve-

loppement des facultés; certains sont brillants, poètes, calcula-

teurs, peintres, sculpteurs; ils ont une mémoire prodigieuse; ce

sont des génies partiels, d'après Féli, Voisin, et à côté de cela ils

ont des instincts vicieux, sont réfractaires à toute éducation,

indisciplinables et incapables de se conduire. C'est au moment

de la puberté que ces caractères s'accusent. On voit survenir des

accidents convulsifs. choréiformes ou délirants qui déroutent le

diagnostic et simulent une méningite. L'évolution de la puberté

est lente, difficile dans les deux sexes, et n'a pas été asez étudiée.

C'est à ce moment que s'opère la bifurcation : les uns deviennent

idiots et imbéciles, les autres tendent vers la folie raisonnante et

le délire des actes. Ceux-ci s'engagent, changent de positions, se

l'ont condamner, passent pour des excentriques ou se font en-

fermer, deviennent la source d'une foule de contestations et

passent leur vie entre la liberté et les asiles.

Ce qui est intéressant, c'est d'étudier les signes physiques qui cor-

respondent à ces troubles intellectuels et moraux. Si ces aliénés ont

l'air d'individus normaux à certains intervalles, les signes phy-

siques n'en persistent pas moins, ainsi que M. Legrand du Saulle

l'a établi et que M. Magnan vient de l'exposer à l'Académie de

SOO'HTÉS Suantes. 431 i

médecine. Ce sont des anomalies génitales dans tous les temps

de l'acte génital en plus ou en moins, excès de salacité ou divers

degrés d'impnissance. Ceci est souvent difficile à obtenir dans les

confidences des malades ou de leurs familles. Les traités de l'im-

puissance et de la stérilité contiennent des faits très intéressants

mais mal interprétés; il y a des crises et des accidents cérébraux

subits à apparence grave, mais d'un pronostic moins sérieux.

Toutefois, ces crises cérébrales sont souvent un des modes de

terminaison de tous ces héréditaires.

Ainsi, à la naissance, dans l'enfance, à la puberté, plus tard et

jusqu'à la mort, ces aliénés héréditaires se comportent donc

autrement que les autres aliénés.

Un important caractère sur lequel M. Magnan a insisté, c'est

le développement subit des conceptions délirantes qui surgissent

d'un jour à l'autre au milieu d'un état général qui ne parait pas

comporter un tel élément. Ce sont, par exemple, des idées de

grandeur absurdes, survenant tout à coup et disparaissant de

même. Morel n'avait pas insisté sur ces faits que M. Magnan a

bien mis en lumière.

En dehors du rôle général de l'hérédité comme cause d'aliéna-

tion mentale, il y a lieu d'étudier les formes qui portent plus

spécialement le cachet de l'hérédité : la forme raisonnante, les

formes intermittentes et périodiques, la folie circulaire, la folie

avec conscience, la folie du doute, etc. Il y a encore lieu de dis-

tinguer des variétés dans le groupe des folies héréditaires et c'est

cette analyse qui contribuera le plus au progrès de l'aliénation

mentale.

Séance du 27 mai <885. Présidence uc M. UAGONET.

M. ltlrw, secrétaire général de la Société, prononce en termes

élevés un éloquent éloge de Lasègue.

Séance du il juillet 18851. - Présidence de M. DAGONET.

Le président donne lecture de plusieurs lettres de différents

membres de la société qui s'excusent de n'avoir pu assister à la

séance d'inauguration de la statue de Pinel. Parmi ces lettres, il

s'en trouve une de M. Henri Bonnet, auquel il vient d'arriver un

grave accident. Notre confrère a en effet été frappé dans la région

orbitaire par un aliéné qui l'a fort maltraité. Le coup a été si

' Les deux séances de mai et de juin ont déjà été publiées dans les

Archivot, p. 111 et 242.

432 SOCIÉTÉS SAVANTES.

violent qu'il a déterminé un oedème papillaire avec suffusions

sanguines dans la gaine du nerf optique.

M. Magnan. Dans la séance du 27 avril dernier, M. Jules Falret

a exposé avec sa netteté habituelle l'état de la question sur la folie

héréditaire. Il a indiqué les diverses opinions en présence. Pour

quelques auteurs, l'hérédité joue un grand rôle dans l'étiologie,

mais seulement à titre de cause prédisposante. Pour d'autres,

l'hérédité fait sentir son influence sur les diverses formes mentales,

leur laisse son empreinte et leur donne une physionomie spéciale.

C'est ainsi que les paralytiques généraux, les alcoolisés, les persé-

cutés, les épileptiques, les hystériques, les hypochondriaques

offrent des caractères particuliers quand ils sont tous le coup de

cette influence héréditaire. Enfin', pour beaucoup de médecins,

aujourd'hui il existe une folie héréditaire indépendante des

autres formes mentales. Il va sans dire que les malades atteints

de folie dite héréditaire, expression assurément impropre, que

nous conservons parce qu'elle est déjà adoptée par plusieurs

auteurs, il va sans dire que ces sujets n'ont pas le monopole des

influences héréditaires, le privilège exclusif de devoir aux ascen-

dants les dispositions névro ou psychopatiques qu'ils présentent.

L'hérédité, en effet, exerce son action, rayonne sur toutes les

manifestations de la folie, sur toutes les formes vésaniques;

qui dit psychoses, dit maladies éminemment héréditaires, mais

l'influence de l'hérédité s'exerce à des degrés différents dans la

folie héréditaire, la folie intermittente, le délire chronique. Les

héréditaires, dès la naissance, offrent la marque de leur origine :

des stigmates physiques, des stigmates psychiques, qui les font

reconnaître parmi tous les autres aliénés. De très bonne heure,

parfois dès l'âge de quatre ou cinq ans, avant méme qu'une édu-

cation vicieuse ait eu le temps de les influencer et* de les modifier,

ces jeunes sujets peuvent présenter des obsessions, des impulsions,

des anomalies intellectuelles et morales, des étrangetés qui les

distinguent et qui les rangent, sans conteste, dans une classe à

part. Les exemples de ce genre sont très nombreux. Je me rap-

pellerai, parmi les faits publiés dans les anomalies sexuelles', le

cas du professeur de faculté, atteint d'inversion du sens génital,

qui, dès l'âge de cinq ans, présente comme stigmate psychique

un entraînement inexplicable au vol; à six ans, une voluptueuse

curiosité pour les nudités masculines, un attrait irrésistible pour

les garçons; plus tard, l'impulsion qui le poussait à compter et

recompter plusieurs fois de suite les fleurs, les ligues, les clous,

les carrés, les petits détails d'une tapisserie, d'un écran, d'un

4',\lagnan.-Des anomalies, des aberrations et des perversions sexuelles,

Progrès médical, 1884.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 433

plafond. Notez bien ces différents syndromes épisodiques : klepto-

manie, aberration sexuelle, àrithmomanie. Nous verrons plus tard

quelles relations existent entre ces différents phénomènes, à pre-

mière vue si disparates et si éloignés les uns des autres. Le malade

de NI. Blanche, atteint d'anomalie sexuelle, était, dès l'âge de

six ans, obsédé pour les clous de souliers de femme. Et cet autre

dégénéré, dont la frigidité cessait à l'évocation de la tête ridée

d'une vieille femme; ce dégénéré avait commencé dès l'âge de

cinq ans à être subjugué par cette grotesque obsession. Il a eu

plus tard la crainte des lieux élevés et des idées de suicide.

Je n'insiste pas, car chacun de vous a eu l'occasion de voir de

jeunes dégénérés en proie à des obsessions, à des impulsions, à

des troubles psychopathiques de diverse nature et M. Briand nous

en communiquait à la dernière séance un certain nombre d'in-

téressants exemples. M. Falret a passé en revue les caractères

propres de la folie héréditaire. Il a rappelé d'abord les stigmates

physiques, bien connus depuis M. Morel, et à leur propos j'ajou-

terai simplement qu'il n'est pas rare de trouver, chez des hérédi-

taires à conformation extérieure régulière, des anomalies du fond

de l'oeil, faciles à constater avec l'ophthalmoscope; des pigmenta-

lions irrégulières, des amas pigmentaires de la choroïde ; l'insertion

irrégulière cette membrane au pourtour du nerf optique ou des

fissures choroïdiennes donnant lieu à des colobomas qui laissaient

apparentes des parties plus ou moins étendues de la sclérotique;

on voit encore l'émergence irrégulière de Tarière centrale de la

rétine qui nait parfois sur le limbe de la papille et généralement

dans ces cas celle-ci est ovalaire et plus ou moins déformée. Enfin,

quelquefois on aperçoit, munies de leur gaine de myéline, des

faisceaux de fibres qui s'épanouissent en forme d'aigreltes, d'un

blanc nacré au delà de la papille. Ces anomalies n'entraînent

pas habituellement de troubles sensibles de la vision; mais, de

même que l'adhérence du lobule de l'oreille, l'hypospadias ou le

doigt palmé, elles sont la traduction des déviations nutritives.

Les symptômes psychiques ont été décrits avec beaucoup de

soin; M. Falret a fait ressortir les inégalitiés intellectuelles des

héréditaires, la prédominance chez eux de certaines facultés;

l'influence sans contre-poids des instincts; notre distingué col-

lègue nous a entretenus ensuite de la double tendance qui se

dessine chez eux à la puberté : les uns, les apathiques, descendent

insensiblement la pente intellectuelle; les autres, les raisonnants,

marchent vers la folie des actes et conservent toute leur lucidité.

C'est bien là l'état mental de l'héréditaire, mais qu'il me soit

permis de vous soumettre quelques réflexions sur cette déshar-

monie et ce défaut d'équilibre des facultés. Pour se faire une idée

nette de l'état mental des héréditaires, il est indispensable de

suivre le développement successif de l'intelligence depuis la

Archives, t. X. 28

434 SOCIÉTÉS SAVANTES.

dégradation complète de l'idiot jusqu'aux simples anomalies

otfei,Les par les héréditaires. Les idiots les plus dégradés, ceux qui

sont au plus bas degré de l'échelle, se trouvent dénués de toute

perception sensorielle; ils ne flairent pas, ils ne goûtent pas, ils

voient sans regarder. ils entendent sans écouter et leur vie,

purement végétative, est réduite aux simples réflexes. Pourquoi

»ont : ils aussi relégués dans la moelle ? C'est que des lésions patho-

logiques ont annulé l'action cérébrale. Ces lésions cérébrales

(ramollissements, hémorragies, scléroses circonscrites ou diffuses,

à processus tantôt primitifs, tantôt secondaires, inflammations

méningées ou ventriculaires avec hydrocéphalie, tumeurs, etc.)

offrent suivant les sujets des variétés infinies comme distribution,

comme étendue et c'est ce qui explique la multiplicité d'aspect de

l'état mental de l'idiot dont les aptitudes s'étendent, se com-

plètent à mesure que le territoire devient libre sur la zone des

centres sensoriels et des instincts.

Cette vaste région, située en arrière de la pariétale ascendante,

et des plus importantes, puisqu'elle est la base organique de nos

souvenirs; c'est dans les différents centres qui la constituent que

se trouvent déposées les images mnémoniques de toutes nos

impressions sensorielles, et c'est là que les centres supérieurs

viennent puiser les matériaux nécessaires à l'élaboration intellec-

tuelle, à la formation des idées; ces images passant en avant,

dans la région frontale, deviennent des schémas, les signes repré-

sentatifs de la pensée. Cette région postérieure est le siège des

appétits et des instincts; aussi, tant que la région frontale reste

fermée, le sujet est voué à l'idiotie; il jouit, en effet, de l'exercice

de ses sens, mais sans le contrôle ni le pouvoir modérateur

qu'exerce la région antérieure (les centres supérieurs); il se

montre gourmand, voleur, enclin à une dégoûtante salacité, il

est spino-cérébral postérieur, en un mot, il est purement instinc-

tif. Dès que la région frontale devient libre, le sujet franchit

cette limite postérieure, il commence à pénétrer dans le domaine

de l'idéation, du contrôle, il cesse alors d'être idiot et s'élève à la

dignité d'imbécile. :

Il n'est pas difficile de comprendre que ces dégénérés puissent,

grâce à l'intégrité de l'un de ces centres (ouïe, vue, toucher, etc.),

présenter certaines aptitudes qui, par une culture patiente,

finissent par acquérir un développement d'autant plus surprenant

qu'il tranche sur la stérilité des autres facultés. Quand les dégé-

nérés s'élèvent jusqu'à l'imbécillité, la débilité mentale, ces dis-

positions, ces aptitudes sont encore plus sailiantes, et c'est ainsi

que Félix Voisin a pu avec raison qualifier de génies partiels cer-

tains idiots, c'est ainsi que nous voyons l'imbécile ou l'idiot

dessinateur, musicien, sculpteur, danseur, calculateur, l'idiot écho,

suivant que ces sujets ont conservé l'intégrité des centres percep-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 435

tifs ! de la vue, de l'ouïe, du toucher, etc. Le sens musical, en

effet, la notion du coloris réclament l'intégrité de la première

temporale, du pli courbe; l'habileté, la dextérité des mains,

l'harmonie des mouvements, ne peuvent s'obtenir qu'avec une

région psycho-motrice entièrement libre. i 8

Il résulte de tout ceci que l'intelligence n'est pas uniformé-

ment atteinte dans ces dégénérescences; au milieu d'un sol'

stérile nous trouvons des aptitudes, des talents particuliers variant

suivant les sujets. Pourquoi n'y a-t-il pas-une idiotie, pourquoi

n'y a-t-il pas une imbécillité, comme nous avons une paralysie

générale avec des caractères essentiels, constants, toujours les' `

mêmes ? C'est que, dans la paralysie générale, la lésion orga-'

nique est une et identique, une encéphalite chronique intersti-

tielle, diffuse, généralisée à marche progressive. Il n'en est pas de

même dans l'idiotie, dans l'imbécillité, ce n'est pas, nous l'avons

vu, uue seule et même lésion organique qui produit ces dégéné-'

rescences, elles sont dues à de nombreux foyers que ne règle'

aucune systématisation. Par suite, plusieurs régions de l'encé-

phale peuvent être atteintes sans que les régions voisines soient

altérées; delà, cette variété symptomatique qui fait qu'il y a des

imbéciles, des idiots et non pas une entité morbide répondant à

chacun de ces états.

Un fait qu'on ne peut pas passer sous silence, c'est que si les

dégénérescences mentales sont héréditaires ; dans quelques circons-

tances, elles peuvent être acquises, et chacun de vous a certaine-

ment observé, à la suite d'affections aiguës chez les très jeunes

sujets, des cas d'arrêts de l'intelligence et de dégradations men-

tales analogues à l'idiotie, à l'imbécilité. à la débilité mentale, et

même à la déséquilibration de l'héréditaire. Donc, il a suffi de

l'apparition d'une maladie aiguë et notamment d'une fièvre

typhoïde, d'une variole, d'une scarlatine, ce sont là les facteurs

habituellement en cause pour pervertir ou anéantir à tout jamais

l'intelligence d'un enfant jusque-là -bien pondérée. Que s'est-il

donc passé ? La réponse est facile si l'on veut se reporter aux tra-

vaux publiés depuis une vingtaine d'années sur les troubles nerveux

consécutifs aux maladies aiguës.

Thore ', M. Christian 2 et plus récemment le Dr Kraepelin se

sont occupés des cas de folie simple comme conséquence des mala-

1 Thore. - Ann, médico-psychol., 1850,1e série, 7e année.

i Christian. De la folie consécutive aux maladies aiguës, (arch.

gén. de med., septembre et octobre 1873.)

à Emile Kraepelin. Ueber den Einfluss acuter Krankheiten auf die

ElItstellll1l(f von 1lCl'vcmkl'ankheiten, 1881. - B. D. XI, XII.

436 SOCIÉTÉS SAVANTES.

dies aiguës; M. Foville ' a signalé consécutivement à la variole

des paralysies généralisées suivies de guérison. Ce ne sont point

ces faits que j'invoque, quoiqu'ils démontrent déjà l'action puis-

sante des affections fébriles sur le cerveau; c'est plus particulière-

ment les cas de paralysie ou de dégradation intellectuelles

consécutifs aux fièvres éruptives, à la fièvre typhoïde. La thèse du

regretté Fritz sur les symptômes spinaux de la fièvre typhoïde

a ouvert la série de recherches que MM. Roger et Damaschino J,

VVestphal 4, Vulpian , Déjerine 6, Popoff 7, Marie 8 et beaucoup

d'autres ont successivement poursuivies sur les paralysies consé-

cutives aux maladies aiguës. M. Landouzy 9 qui, dans son impor-

tante monographie, a résumé tous les travaux antérieurs, fait

remarquer dans ses conclusions les tendances des akinésies à

prendre, chez les enfants, la forme hémiplégique ou cérébrale.

Tous ces désordres sont la conséquence de lésions analogues à

celles qui se développent pendant l'évolution foetale; et sur ces

cerveaux de jeunes sujets en voie d'évolution, les résultats sont

identiques. 11 faut donc nécessairement faire entrer dans le

groupe des héréditaires ces faits que la clinique désigne, quoique

assurément la dénomination d'héréditaires ne leur convienne pas.

Tout ce que nous venons de dire se rapporte avec autant de

vérité aux malades atteints de débilité mentale et aux dégénérés

les plus élevés dans l'échelle des dégénérescences, aux hérédi-

taires. Chez les idiots profonds, nous avons des lésions analo-

miques grossières, appréciables pour tous, donnant lieu soit à

des vices de conformation, à des paralysies de la motilité, de la

sensibilité générale ou de la sensibilité spéciale et aux troubles

fonctionnels qui en découlent; chez les héréditaires, si nous ne

trouvons pas de grosses lésions anatomiques, la clinique, du moins

par les troubles fonctionnels qu'elle révèle, nous montre les pro-

fondes modifications des différents centres de l'axe cérébro-spinal.

1 Foville. - Ann. méd. psych. Janvier 1873.

2 Fritz. - Symptômes spinaux dans la fièvre typhoïde, 1863.

3 Roger et Damaschino. Recherches accatonzo-patleoloyiyzces sur la

paralysie spinale de l'enfance. (Gaz. illid. de Paris, 1871).

1 Westph : ) ? Be1'line¡' hlinzsclce lVoclcezcsclcz·ijl, 1872, n" 47.

5 Vulpian. Arch., de plcys., 1873. An. du mémoire de Westphal.

Déjerine. Recherches sur tes lésions du système nerveux dans la

paralysie diphthéritique ; (arch. de phys. 1101'm. et path., 1878).

7 Laveran. Fièvre typhoïde Tr. de pathologie et de cl. médicales,

1879 (cas d'encéphalite superficielle signalée par Popoff il la suite de la

fièvre typhoïde).

8 Marie. - Sclérose en plaques... Progrès médical, 1884.

» Landouzy. - Des paralysies dans les maladies aiguës, 1880, p. 312.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 437

Il me suffira de rappeler les phénomènes neuro-psychiques de

l'héréditaire que j'ai présentée dans l'avant-dernière séance.

Cette femme, âgée de trente ans, perd, par moments, en pleine

conscience, la libre direction de ses mouvements. Ce sont d'abord

des mouvements analogues à de simples réflexes, se passant dans

le segment d'un membre ou dans tout un membre, ne paraissant

mettre en jeu qu'une région limitée de la moelle : tels sont les

mouvements de flexion ou d'extension de la main sur l'avant-bras

ou de l'avant-bras sur le bras; du pied sur la jambe, ou de la

jambe sur la cuisse, ou bien encore l'élévation d'une épaule;

d'autres fois, ce sont des mouvements plus étendus, le frottement

d'une main contre l'autre ; d'autres fois encore, c'est la marche en

avant, la malade pénètre sans but, mais le sachant, dans une

chambre, la parcourt et se retire, c'est tout; mais elle ne peut

pas s'empêcher de le faire et elle éprouverait un très grand

malaise si elle résistait. Tout ces mouvements sans utilité, sans

objet, s'effectuent en dehors de la volonté; la malade les constate

tout en restant impuissante à les réprimer.

D'autres fois, se sont des phénomènes d'arrêt qui se produisent :

étant debout la malade ne peut plus s'asseoir; assise, elle ne peut

plus se relever, et pendant un moment l'impulsion fait défaut.

Dans tous ces cas, la moelle s'émancipe, l'influence psycho-motrice

semble suspendue. Dans d'autres circonstances, les phénomènes

sont plus complexes, c'est toute la mimique d'un état passionnel

nettement déterminé, le rire ou les pleurs qui échappent à la

volonté; et cette manifestation extérieure est en désaccord avec

l'état cénesthétique du sujet, qui tantôt est indifférent, tantôt, au

contraire, est opposé à la nature même dans la manifestation.

Ainsi cette femme a été prise un jour d'un fou rire à l'enterrement

de son grand-père, pendant que toute la famille, en larmes, se

lamentait et qu'elle était elle-même profondément affligée de la

perte de ce parent qu'elle aimait beaucoup et qui s'était toujours

montré très bon pour elle. D'autres fois, au contraire, elle pleure

sans qu'aucune cause intérieure ni extérieure explique cette mani-

festation de la tristesse, indépendante de sa disposition morale et

de sa volonté.

Si nous remontons de la moelle et du mésocéphale à la couche

corticale postérieure, nous allons trouver encore là un mécanisme

faussé. Le centre de l'audition ne peut plus retenir les images

tonales qui tendent à s'échapper, et de même que des centres

médullaires partaient des mouvements irrésistibles, de même de

ces centres perceptifs s'échappent des images tonales, des mots

que la malade ne peut pas retenir, projette au dehors, étonnée

elle-même de son impuissance et exprimant sa surprise par cette

réflexion : « Est-ce singulier de dire, le sachant, des choses que je

ne voudrais pas dire. » Plus tard, la situation se complique; la

438 SOCIÉTÉS SAVANTES.

région antérieure intervient à son tour, mais sans rétablir l'ordre.

Ce ne sont plus quelques mots qui échappent involontairement.

c'est tout un discours qui se déroule, une série de faits divers sur

des enterrements de gens vivants, récit que la malade expose

dans ses moindres détails, raconte malgré les prières réitérées de

son entourage l'invitant à se taire, malgré aussi son vif désir de

ne pas continuer.

J'ai eu l'occasion d'observer plusieurs faits analogues et même

de noter dans un. cas l'hérédité' similaire de cette disposition

bizarre à parler malgré soi et à raconter ce que l'on voudrait taire.

' Un déséquilibré d'une grande intelligence a torturé pendant

plusieurs années sa femme, par l'obligation de passer des nuits

entières à écouter ses discours où il formulait une série de re-

proches nullement justifiés. Quand il avait parlé six ou sept heures,

il était satisfait et sa femme pouvait se coucher. La fille de ce

discoureur nocturne, femme d'un de nos confrères des plus dis-

tingues, commence, dans ses périodes d'excitation maladive, ses

harangues, vers huit heures du soir pour ne les finir qu'au matin.

Son mari qui l'aime beaucoup l'écoute patiemment pour éviter

l'excitation qui ne manquerait pas de se produire s'il lui imposait

silence et s'il niellait, en quelque sorte, obstacle à ce flux de paroles

qui semble agir comme une véritable crise.

Je ne rappellerai pas les autres troubles psychiques et la perver-

sion sexuelle que présentait la malade que nous avons examinée

ensemble. Cette observation, par la réunion chez le même sujet

de ces troubles médullaires et psychiques, a l'avantage de faire

ressortir l'identité de nature de tous ces phénomènes; partout

même désordre, même lésion fonctionnelle, qu'il s'agisse des

centres médullaires ou cérébraux.

Ce qui prédomine dans la folie des héréditaires, c'est la déshar-

monie et le défaut d'équilibre non seulement entre les facultés

mentales, les opérations intellectuelles proprement dites d'une

part, les sentiments et les penchants d'autre part, mais encore la

dé : ,harmonie des facultés intellectuelles entre elles, le défaut

d'équilibre du moral et du caractère.

Un héréditaire, peut-être un savant, un magistrat distingué,

un grand ar tte, un mathématicien, un politicien, un adminis-

trateur habile, a présenté au point de vue moral des défec-

tuosités profondes, des bizarreries étranges, des écarts de conduite

surprenants et comme le côté moral, les sentiments et les pen-

chants sont la base de nos déterminations, il s'en suit que les

facultés brillantes sont mises au service d'une mauvaise cause,

c'est-à-dire d'instincts, d'appétits, de sentiments maladifs qui,

grâce aux défaillances de la volonté, poussent aux actes les plus

extravagants et parfois les plus dangereux.

' D'autres fois, c'est l'inverse qui : e produit : tel héréditaire dont

SOCIÉTÉS SAVANTES. 439

la conduite est des plus régulières, les moeurs irréprochables, Mes

sentiments et ]e penchants des mieux pondérés, offre de véri-

tables trous dans son territoire intellectuel. Il a une mémoire des

plus ingrates ou bien il ne peut rien comprendre au chiffre, au

calcul, à la musique, au dessin; en un mot, avec une intelligence

moyenne, il est absolument nul pour certaines facultés, il est

absolument dépourvu de certaines aptitudes, de certaines facultés.

Ses centres de perception sont inégalement impressionnables,

inégalement aptes à recueillir toutes les impressions; certaines

impressions seulement s'enregistrent d'une façon régulière et

laissent des images durables;- d'autre part, certaines relations,

certaines associations, entre différents centres, sont troublées ou

même entièrement rompues; en un mot, il y a désharmonie,

défaut d'équilibre, c'est-à-dire signe de dégénérescence.

M. Jules Voisin communique une observation fort curieuse de

grande hystérie avec dédoublement de la personnalité chez un

homme qu'il a eu dans son service à Bicêtre. Nos lecteurs trouve-

ront le texte complet de l'observatiun à la page 212.

M. Bourru, .qui a pu suivre ce même malade à l'hôpital de

Rochetorl, apporte à la Société des renseignements complémen-

laires fort intéressants.

V... s'est échappe de Bicêtre le 2 janvier t 885. Après avoir passé

plusieurs semaines à Paris, il s'engage dans un régiment d'infan-

terie de marine et est dirigé sur Nocliefort dans les derniers

jours de janvier. Peu de temps après, il commet un vol à l'occasion

duquel une instruction est ouverte au conseil de guerre. Les ren-

seignements recueillis sur ses antécédents ne tardent pas à démon-

trer son irresponsabilité. Relâché de la pi ison, il est envoyé à

l'hôpital et entre dans le service de la clinique médicale de l'école *

de Rochefort. Le lendemain, il tombe en état de mal hystéro-

épileptique, qui laisse à sa suite une hémiplégie avec hémianes-

thésie droite. En présence de cette situation, nous pensons natu-

rellement à rechercher l'action des métaux et de l'aimant. C'est

de là que sont venues nos observations.

En appliquant, sur lavant-bras droit paralysé, un barreau

d'acier, le transfert se produit bientôt. Mouvement, sensibilité

dans ses divers modes, tout a passé de gauche à droite avec la

symétrie ordinaire. ·

En même temps, une autre transformation s'est produite, bien

plus surprenante. Tout d'un coup, les goûts de notre sujet se sont

complètement modifiés, le caractère, le langage, la- physionomie,

tout est nouveau. Ce n'est plus le même personnage. Mieux

encore, il ne reconnaît plus les lieux où il se. trouve, les personnes

qui l'entourent; il se croit à Bicêtre, salle Cabanis, nu il ; il a vu

hier M. Voisin; il attend sa visite.. ' '

440 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Ce changement saisissant, accompagnant le transfert de la

sensibilité et du mouvement de gauche à droite, nous pensons

tout d'abord qu'il s'agit d'une dissociation de l'action des deux

hémisphères cérébraux, et nous cherchons tout naturellement,

par des expériences ultérieures, à rendre à notre sujet l'activité

de son cerveau tout entier.

Après quelques tentatives infructueuses par des procédés variés,

l'électricité statique nous donna un succès complet. Sur le tabou-

ret électrique disparaît toute paralysie du mouvement et de la

sensibilité; en même temps, le sujet se trouve dans un nouvel

état de conscience. Il se réveille à l'âge de quatorze ans, le 23 mars

1876, à la colonie pénitentiaire de Saint-Urbain. 11 n'a jamais été

malade; sa voix, son attitude, sa physionomie sont celles d'un

enfant. La mémoire, qui embrasse toute son enfance, s'arrête à

la date où il se croît transporté.

Dans cette épreuve, un agent physique, l'électricité, a restitué

au système nerveux l'intégrité de ses fonctions de sensibilité et

de mouvement, et, du même coup, a transporté l'état de conscience

à cette époque très éloignée de la vie, où cette intégrité n'avait

pas encore été atteinte par la maladie.

Une série d'expériences analogues nous a fait connaitre des

états multiples dont l'ensemble embrasse toute la vie de V...,

états que nous devons décrire en détail. -

PREMIER état. Hémiplégie et hémianesthésie sensitivo-senso1'ielle à

droite. - État ordinaire de notre malade depuis le 28 mars 885.

V... est incomplètement paralysé de la jambe droite; il peut

cependant marcher en traînant cette jambe. Le bras droit est

absolument paralysé, flasque, sans contracture. Le dynamo-

mètre marque 0 à la main droite et 36 à la main gauche. L'anes-

thésie du côté droit est absolue et nettement limitée à la ligne mé-

diane du corps. L'oeil droit a une acuité très faible, et le sens des

couleurs est notablement altéré. Il en est de même du goût et de

l'odorat. Dans l'hypochondre droit existe une zone hystérogène.

La compression du testicule droit arrête l'attaque de convulsion.

V... est bavard, violent, arrogant dans sa physionomie et son

attitude. Son langage est correct, mais grossier; il tutoie tout le

monde, donne à chacun un surnom irrévérencieux. Il fume du

matin au soir et obsède chacun de ses demandes de tabac et

d'argent. Du reste, il est intelligent, se tient au courant des nou-

velles du jour, affiche les opinions les plus antireligieuses et

ultra-radicales en politique. Incapable d'aucune discipline, il veut

tuer tout supérieur, toute personne qui voudrait exiger une

marque de respect. La parole est gênée, la prononciation défec-

tueuse ne permet guère d'entendre que la fin des mots. Il sait

SOCIÉTÉS SAVANTES. 4ft

lire, mais ce vice de prononciation rend inintelligible la lecture

à haute voix : je ne peux écrire, la main droite étant paralysée.

La mémoire, très précise pour les moindres détails actuels (il

récite des colonnes entières de journal), est très bornée dans le

temps. Impossible de reporter son souvenir au-delà de sa présence

à Rochefort et de la dernière partie de son séjour à'Bicêtre. Tou-

tefois, il a conservé la mémoire de la deuxième partie de sou

séjour à Bonneval, alors qu'il tiavaillait au'jardinage. Entre Bon-

neval et Bicêtre, s'étend une grande lacune de la mémoire ; d'autre

part, son enfance, son séjour à Saint-Urbain, le métier de tailleur

qu'il a appris à son arrivée à Bonneval, alors qu'il était paraplé-

gique, lui sont totalement étrangers.

Deuxième état. -- Hémiplégie et hémianesthésie scnsitivo-senso1'ielle

à gauche. Cet état s'obtient par application d'un barreau

d'acier sur l'avant-bras droit.

Le transfert s'opère avec une symétrie parfaite. La paralysie

de la sensibilité, du mouvement, a passé de droite à gauche ; en

plus, existe une hémiplégie faciale gauche. La zone hystérogène,

le testicule dont la pression arrête l'attaque convulsive, ont éga-

lement changé de côté. Le dynamomètre marque juste 0 à gauche,

36 à droite.

V... se croît à Bicêtre, salle Cabanis, n° 4 f ; il se dit àgé de

vingt et un ans, au 2 janvier 1881 ; il a vu hier M. Voisin et

atlendisa visite.

Il est réservé dans sa tenue ; la physionomie est douce; le lan-

gage correct et poli ; il ne tutoie plus et appelle chacun de nous :

« Monsieur ». Il fume, mais sans passion. Il n'a pas d'opinion en

religion, en politique; ces questions, semble-t-il dire, ne regardent

pas un ignorant comme lui. Il est respectueux et discipliné. La

parole est aisée, la prononciation très distincte ; il lit parfaitement

bien et écrit passablement. Il ignore complètement tous les évé-

nements passés depuis le 2 janvier t884; il ne connaît pas les

lieux où il se trouve et ne sait comment il y a été transporté. Les

personnes qui l'entourent lui sont inconnues; il n'est jamais venu

à Rochefort, n'a jamais entendu parler de l'infanterie de marine,

r.i de la guerre du Tonkin. Il se rappelle qu'avant d'entrer à

Bicêtre où il croit être, il a fait un séjour à Sainte-Anne. Tout son

souvenir est borné à cette courte période de sa vie.

Troisième état. - Variété du précédent. Cet état n'en diffère que

par l'hémiplégie faciale; il s'obtient par l'application d'un

aimant sur l'avant-bras droit.

Ici le malade se croit transporté à Saint-Georges (asile de

Bourg) en août 4882; il a dix-neuf ans. La France est en guerre

avec la Tunisie.

442 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Le caractère, les facultés effectives, le langage, la physionomie,

les goûts sont tels que nous venons de les décrire, mais la mémoire

est limitée à une époque antérieure. V... vient de Chartres où

habite sa mère; il a été envoyé comme travailleur, chez un pro-

priétaire de vignobles aux environs de Mâcon. Tombé malade à

plusieurs reprises/il a été soigné à l'hôpital de Mâcon, puis envoyé

à l'asile Saint-Georges. Tout ce qui précède, tout ce qui suit cette

courte période de sa vie, lui est totalement étranger.

Quatrième état. - Paraplégie avec contracture. Obtenu par

l'application de l'aimant sur la nuque.

La paraplégie est complète avec contracture ou extension.

L'anesthésie est étendue à toute la partie inférieure du corps

jusqu'à l'ombilic. Toute la partie supérieure jouit de la sensibilité

et du mouvement. La zone hystérogène a abandonné l'hypo-

chondre gauche, et s'est fixée dans l'aîné droite. La force muscu-

laire est sensiblement égale dans les deux mains : 21 à la main

droite, 25 à la main gauche.

V... se réveille à Bonneval ; il vient de voir MM. Cortyl, Camuset.

11 est poli, timide, triste; son intelligence paraît très obtuse; ';

sa mémoire confuse; il ne sait rien des personnages et des évé-

nements de l'époque où il croit se trouver. La prononciation est

nette, mais le langage incorrect, impersonnel, enfantin. Il ne sait

lire ni écrire; il épèle seulement les lettres capitales. Son occupa-

tion ordinaireest à l'atelier des tailleurs; il coud en homme exercé.

Il ne connaît point les gens qui l'entourent. Son souvenir est

borné à Bonneval, où il se trouve, et à Saint-Urbain où il était,

dit-il, paralysé, couché. Toute la première partie de sa vie, de sa

naissance, à l'accident de la vipère qui a causé sa maladie, tout

ce qui a suivi l'attaque et le changement spontané d'état survenus

à Bonneval lui sont absolument inconnus.

Cinquième état. - Absence de toute paralysie et anesthésie.

Obtenu par le bain électrique ou l'application de l'aimant sur

la partie antérieure de la tête.

Débarrassé de toute paralysie, le sujet est remarquable d'adresse

et d'agilité. ,

11 reprend conscience à Saint-Urbain, en 4 8 i i ; il a quatorze ans.

Timide comme un entant, sa physionomie, son langage, son atti-

tude, concordent parfaitement. Il sait très bien lire et convena-

blement écrire.

La mémoire embrasse toute son enfance. Il se rappelle les

mauvais traitements qu'il recevait de sa mère, à Luyson, près

Chartres, son arrestation pour vagabondage, sa condamnation

à l'internement dans une maison de correction. Il est à la colonie

pénitentiaire de Saint-Urbain, que dirige M. Pasquier. 11 apprend

SOCIÉTÉS SAVANTES. 443

à lire à l'école de Mlle Breuille. Il est employé aux travaux

d'agriculture. Son souvenir s'arrête exactement à l'accident de

la vipère dont l'évocation amène infailliblement une grande

attaque d'hystéro-épilepsie.

Sixième ÉTAT. - Absence de toute paralysie et anesthésie. Obtenu

par l'application d'un barreau de fer sur la cuisse droite.

Le transfert, dans ce cas, est des plus laborieux; il s'accompagne

de convulsions, d'hallucinations, de grandes salutations rhyth-

miques. Comme dans l'état précédent, le malade est débarrassé de

tous les troubles du mouvement et de la sensibilité. Essais dyna-

mométriques de la main;droite : 30°; de la main gauche : 32°.

11 reprend conscience le 6 mars z; il a vingt-deux ans. 11

est soldat d'infanterie de marine. à la caserne. 11 connaît les

événements contemporains, les personnages au pouvoir, mais

Victor Hugo, grand poète, sénateur, n'est point mort.

Ce n'est plus l'enfant timide de tout à l'heure, c'est un jeune

homme ni pusillamine, ni arrogant. Le langage est correct, la

prononciation nette. Il vit très bien et écrit convenablement.

Sa mémoire embrasse toute sa vie, à l'exception de la seule

époque où il était paralytique avec contracture, à Saint-Urbain

et Bonneval. Aussi ne se rappelle-t-il point avoir jamais été tail-

leur, et ne sait-il point coudre.

Voilà donc six' états différents de la conscience; chacun d'eux

est limité à une époque déterminée de la vie du sujet, mais

l'ensemble embrasse sa vie entière. Les détails qu'il nous a

donnés dans chaque état se sont trouvés conformes aux rensei-

gnements renfermés dans les observations de M. Camuset, de

M. Voisin et à ceux obtenus par l'instructeur du conseil de guerre.

Cette conformité ne laisse pas d'avoir une grande importance.

Ces états ont tous été obtenus par des agents physiques paral-

lèlement aux modifications de la sensibilité et de la motilité, si

bien que l'expérimentateur, en agissant sur l'état somatique,

peut, à son gré, obtenir tel ou tel état connu de la conscience,

état complet pour l'époque qu'il embrasse, c'est-à-dire ayant sa

mémoire limitée du temps, des lieux, des personnes, des autres

connaissances, acquises .(écriture, art du tailleur), des mouve-

ments automatiques appris, ayant ses sentiments propres et leur

expression par le langage, le geste, la physionomie. La concor-

dance est complète.

Nous avons dû alors faire l'épreuve opposée : agir directement

sur l'état de conscience et constater si les transformations de

l'état somatique seraient parallèles.

Pour agir sur l'état psychique, nous n'avions d'autre moyen

que la suggestion ou somnambulisme. Nous faisons donc la

444 SOCIÉTÉS SAVANTES.

suggestion suivante : « V..., tu te réveilleras à Bicêtre, salle

Cabanis ». V... obéit; au sortir du somnambulisme, il se croit à

Bicêtre, au 2 janvier 1884.

L'intelligence, les facultés affectives, la mémoire sont exacte-

ment telles que nous les avons décrites dans le deuxième état.

En même temps,'il se trouve hémiplégique et hémiatrophique

à gauche. La force au dynamomètre, la zone hysthérogène, toul

est transféré comme dans le deuxième état.

Dans une autre suggestion, nous lui commandons de se trouver

à Bonneval, alors qu'il était tailleur. L'état psychique obtenu est

semblable à celui décrit au quatrième état, et simultanément est

apparue la paraplégie avec contracture et insensibilité des

parties inférieures du corps. De la même manière peuvent être

obtenus les autres états.

La démonstration nous parait ainsi complète :

1° En agissant sur l'état somatique par les moyens physiques,

l'expérimentateur place le sujet dans l'état concordant de sa

conscience;

1° En agissant sur l'état psychique, il fait apparaître l'état

somatique concordant.

Ce ne sont donc plus les alternances de personnalité qui appa-

raissent spontanément au caprice de la maladie, comme dans le

cas de Félida (M. Azam), ou dans l'observation antérieure de

notre sujet lui-même (M. Camuset, M. J. Voisin).

Ce sont ici des relations précises, constantes et nécessaires

entre l'état psychique et l'état somatique, telles qu'il est impos-

sible de modifier l'un sans modifier l'autre parallèlement.

M. Féré fait remarquer que les modifications de l'état psychique

sous l'influence d'agents physiques ont déjà été réalisées par lui

et M. Binent', et qu'il a pu établir qu'au changement d'état psy-

chique correspond un changement d'état dynamique=.

M. Delasiauve a remercié la société de la manifestation sym-

pathique dont il a été l'objet au lunch qui a suivi l'inauguration

de la statue de Pinel3. Marcel f3nLNn.

1 Binet et Féré. - La polarisation psychique (Revue philosophique, 1885).

« Féré. Bull. soc. Biologie. Avril, mai, juin, juillet. - Sensation et

mouvement. (Revue philosophique, octobre 1885.)

3 A la suite du banquet, un toast a en effet été porté par le prélet de

la Seine au doyen des aliénistes présents, et comme chacun s'étonnait

de trouver vierge encore la boutonnière du savant et du vieux lutteur de

1830, M. Bourneville s'est levé pour expliquer que la distinction tardive

sollicitée par quelques-uns pour son maître n'ajouterait rien à la valeur

et à l'honorabilité de 11. Delasiauve. Le préfet de la Seine a cependant

promis de demander aux pouvoirs publics la récompense depuis si long-

temps méritée.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 445

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE LA PROVINCE DU RHli'i1

Séance du 16 novembre z

Secrétaires : MM. Loehr et Ungar. Nouveaux membres reçus :

MM. Arnoldi, Hebold, Fr. Hertz, Zimmermann, Behrend, Krell.

M. RATON. Sur une épidémie de fièvre typhoïde à l'asile d'aliénés

d'Osnabrùck. Mémoire publié in extenso dans ce journal-.

DMCMS6tOH :

M. Nasse fait remarquer que deux publications de ces dernières

années ont échappé à M. Rath. Aussi, Fiedler a, dans les Archives

de médecine clinique allemande, communiqué plusieurs cas dans

lesquels la fièvre typhoïde a déterminé la guérison ou l'améliora-

tion d'entités psychologiquess; parmi ces cas se trouvait un para-

lytique général. Campbell (Joum. of ment, science) a publié vingt-

deux faits du même genre empruntés à l'asile de Durham ; on y

compte trois guérisons, huit améliorations, parmi lesquelles celle

d'un paralytique général. Les observations de l'asile de Siegburg

comprenaient aussi des paralytiques généraux atteints de fièvre

typhoïde dont la maladie présenta une évolution plus favorable.

Presque tous les auteurs attribuent à la fièvre typhoïde une action

salutaire sur les psychoses; Wille seul la nie opiniâtrement dans

tous ses travaux sur ce point. Dans son dernier compte rendu

annuel pour 1881, il communique encore trois cas de mort et deux

cas d'aggravation psychopathique de par la fièvre typhoïde. Nasse,

lui, considère la fièvre typhoïde comme la maladie intercurrente

qui exerce l'influence la plus favorable sur les aliénés. 11 est à

remarquer que la fièvre typhoïde guérira aussi bien les maladies

mentales entées sur de l'anémie que celles greffées sur de l'hype-

rémie cérébrale; il y a aussi des cas dans lesquels l'état psychique

ne se modifie point pendant que la fièvre typhoïde marche, les

idées délirantes ne disparaissent que lorsque disparaissent les

symptômes typhoïdes. Evidemment, le mécanisme de ces trans-

formations git dans les changements que la maladie aiguë im-

prime à la nutritiun ; il ne s'agit pas seulement d'une impulsion

donnée à la résorption interstitielle; il doit en outre se former

des vaisseaux nouveaux et même de nouveaux éléments nerveux.

M. FINKELNBURG. Sw' la valeur diagnostique des phénomènes d'hyp-

notisme. L'orateur a expérimenté l'hypnotisme d'après les

1 Voy. Archives de Neurologie, t. VI, p. 148-153.

2 Id. Revues analytiques.

446 SOCIÉTÉS SAVANTES.

procédés Charcot, Richer, Richet, chez vingt-deux individus sains

et quinze .malades. Maintes personnes peuvent, sous l'influence

de la séclusion de toute influence extérieure et de l'attraction

attentive monotrice vers un objet, se transformer en automates

privés de l'autoconscience, etc... (suivent les caractères de ces

états). La simulation et l'illusion sont impossibles, car, au moment

où l'hypnotisme est opéré, on constate de la mydriase ; une seule

exception est relative à un jeune homme qui, au moment en

question, voit lui apparaître une figure qu'il fixe. On constate en

même temps que de la mydriase, de l'accélération du pouls et de

la respiration, une expression tétanique delà physionomie; enfin,

de pures excitations cutanées provoquent toujours des réflexes

tout spéciaux, localisés, circonscrits. Sur vingt-deux individus

sains, cinq étaient prédisposés à l'hypnose (prédisposition nerveuse

individuelle). Sur quinze malades, sept présentaient de la récep-

tivité a entrer dans cet état, réceptivité qui suppose forcément

une prédisposition nerveuse constituée par un équilibre instable

dans le fonctionnement des centres nerveux. Conclusion : une

hypnotisation facile prouve une réceptivité morbide du système

nerveux. Autre point : il est exact, comme l'a montré Braid, que

chez certains malades, l'hypnotisme fait passagèrement dispa-

railre des troubles moteurs périphériques; donc il représente un

élément de diagnostic entre les troubles centraux et périphé-

riques ou plutôt entre les paralysies par simple affaiblissement

des conducteurs volontaires et celles par processus dégénératifs;

même observation en ce qui concerne les contractures.

Discussion :

M. UNGAR communique l'observation d'un buveur atteint de

delirium tremens avec accès de manie furieuse; en lui faisant

fixer un bouton pendant quelques minutes, il obtenait du calme,

l'agitation disparaissant complètement.

M. FINKELNBUIIG. Je n'ai pas chez trois malades osé répéter

les expériences, parce qu'un jeune homme soumis à une séance

d'hypnotisme provoqué, se mit ultérieurement à s'hypnotiser seul

spontanément : communications épistolaires identiques à la

suite des expériences de Hansen à Amsterdam et Copenhague.

M. HECKER a assisté à une partie des expériences de Heidenheim ;

évidemment l'hypnotiseur habituel peut, au moindre regard, pro-

voquer sans autre préparatif l'hypnotisation chez ses sujets; de

plus, il a vu un de ces sujets être pris plus lard d'attaques épilep-

toïdes. En ce qui concerne, les aliénés, les a-t-on soumis à ces

études ? Quant à lui, il n'a dans une catégorie d'incurables obtenu

que des résultats négatits. 0

M. Nasse s'abstient en principe d'hypnotiser les aliénés; il y a

SOCIÉTÉS SAVANTES. 447

des dangers inhérents à la surveillance; chez la femme notam-

ment, il se pourrait commettre des abus génésiques. Il y a qua-

rante ans, à Paris, les magnétiseurs hypnotisaient en fatigant

les organes visuels à l'aide de mouvements de doigts. Cette pra-

tique ne lui a pas fourni de résultats chez les individus sains.

Chez les malades, on produit ainsi des anesthésies, mais on ne

fait pas disparaître les contractures. Ces passes sembleraient

réussir dans des névralgies, mais elles deviennent une arme dan-

gereuse.

M. RUHLE essaie dejeter la déconsidération sur les méthodes et

les éludes envisagées ici; il croit que les maladies de la volonté

ne sont assujetties à aucune règle et échappent au physiologiste.

M. EICKIoLT. Contribution à l'étiologie de la démence paralytique.

Mémoire publié in extenso dans ce recueil'.

Discussion :

M. FINHELNBURG. A-t-on récemment fait des recherches cons-

ciencieuses sur la question de savoir si. dans la famille des para-

lytiques généraux, on a déjà eu à déplorer des atteintes de cette

maladie. Il y a longtemps, Hoffmann avait fait cette enquête à

Ségburg; il avait obtenu un résultat négatif.

M. OEBEKE. L'hérédité joue un faible rôle dans la paralysie

générale. Cette question comporte deux points de vue ; la capa-

cité d'hériter et celle de transmettre. Les femmes transmettent

plus facilement la paralysie générale; les hommes en sont plus

aisément atteints. La syphilis, en tant qu'élément étiologique,

doit être envisagée au point de vue anatomo-pathologique; or,

d'après Virchow, elle produit aussi une inflammation généralisée

diffuse des membranes et de la surface de la peau. Eh bien, quand

il existe une predisposition à la paralysie générale, ou à une

affection organique du cerveau, la syphilis n'est peut-être que la

cause occasionnelle de cette dernière. C'est alors que la diathèse

sedénoue en une paralysie générale àlaquellele traitement anti-

syphilitique ne produit aucun effet.

M. Nasse. Il est remarquable qu'à l'asile de Grafenberg on

observe un nombre aussi infiniment grand de paralytiques généraux

(17 p. 100), taudis qu'à celui de Siegburg la proportion centési-

male est bien plus faible, et qu'à Andernach on n'en note que

- f0 p. 100 pendant une durée d'observation de cinq années. La

cause de ces différences doit être cherchée dans des conditions

locales, dans les grandes villes qui environnentGrafenberg. Quant

à la syphilis, à Siegburg, il y a parmi les paralytiques généraux

7 p. 100 et parmi les non paralytiques p.100 de syphilitiques; à

1 Voy. Arck. de Neurologie. Revue analytique.

448 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Andernach les paralytiques généraux contiennent 35 syphilitiques

pour 100, les non paralytiques ne sont syphilitiques que dans la

proportion de plus de 1 p. 100. En tout cas, il est clair que la

syphilis a, dans la paralysie générale, plus d'importance que dans

les autres psychoses. Mais il est certain, comme le dit Snell, qu'il

faut se garder d'attribuer à la syphilis une influence pathogéné-

tique en ce sens quand l'infection date de dix, vingt ans ou da-

vantage, quand on a engendré ou uns au monde des enfants

sains, quand l'autopsie ne révèle pas d'altérations anatomiques

spécifiques. Dans le cas spécial de l'auteur, y avait-il en outre

des troubles de la parole ? il importe toujours de noter avec pré-

cision les symptômes et de ne pas s'en rapporter à l'impression

générale d'un cas donné; c'est faute d'avoir consigné les élé-

ments morbides* observés qu'on a dû se contenter pour la statis-

tique de facteurs hétérogènes et de diagnostics incomplets.

M. EIC&HOLT. A l'analyse symptomatique il faut joindre l'ana-

lyse anatomo-pathologique de l'observation.

M. FINHELNBURG. Si la syphilis jouait un aussi grand rôle dans

la production de la paralysie générale on devrait observer celle-

ci plus fréquemment qu'on ne l'observe chez la femme. L'infec-

tion syphilitique est souvent escortée d'habitudes morales dissol-

vantes et d'épuisement. ? II. OEBEKE. On sait que parmi les prostituées, chez qui lasyphi-

lis est fréquente, on observe également plus de paralytiques

générales. En ce qui a trait aux classes sociales relevées, on ne

ment que trop souvent sur le chapitre syphilis.

M. HURLE. La syphilis se comporte vis-à-vis de la paralysie

générale, comme vis-à-vis de la dégénérescence des cordons pos-

térieurs et du tabes; il peut intervenir un troisième élément nocif

pathogénétique, le genre de vie des individus.

Séance du 16 juin 1883.

Secrétaire : M. Loehr. Mort du conseiller sanitaire Henser, direc-

teur de l'asile provincial d'aliénés d'Eichberg (Nassau). Récep-

tion, comme membres nouveaux, de MM. Gottlob, Ungar, Hoes-

termann.

M. Hertz. Contribution à l'anatomie pathologique des hallucina-

tions sensorielles. Une petite catégorie d'autopsies particulières

permettent de tirer parti pour expliquer le mode de production

anatomo-pathologique des hallucinations de l'ouïe chroniques,

intenses, finissant par former tout le tableau pathologique d,al-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 449

térations occupant le segment de la base du crâne qui comprend

le lobe temporal. Deux cas témoignent d'une perforation rami-

fiée delà table vitrée du crâne,, qui apparaît comme s'il avait été

rongé, taillé à l'emporte-pièce,. des deux côtés par des granula-

tions de Pdcehioni. Mais ce ne sont pas des granulations qui

ont effectué ce désordre ; car la dure-mère est demeurée intacte,

la substance cérébrale avec ses méninges molles s'est imprimée

dans les fossettes, de sorte que les lobes temporaux sont trans-

formés en proéminences tout à fait distinctes, projetées sous

forme de mamelons fixes. On peut par conséquent supposer que,

par ce fait, les districts centraux en question avaient été pen-

dant la vie le siège d'excitations fonctionnelles inégales (théorie

de Hagen). Un autre crâne de femme, également en proie à des

hallucinations de l'ouïe, présentait un outre, dans les deux fosses

temporales, deux bourrelets osseux, correspondant, de chaque

côté, aux sillons temporaux inférieurs), qui formaient des crêtes

aiguës; il en résultait un eiichâloiiiieineiit, plus prononcé de ces

deux régions au cerveau; de là, des excitations inégales de la

substance nerveuse. Dans les deux premiers cas, des trous décrits

ou plutôt du diploë mis à nu par les perforations, le sang filtrait

en abondance et pendant longtemps. Il importe de tenir compte

de ces états nécroscoptques. Malheureusement on -n'a pas sou-

mis la substance corticale projetée dans les fossettes anormales

à l'examen microscopique.

M. Peretti. Sur l'action narcotique de la paraldéhyde. Mémoire

imprimé à part '.

M. Freusberg. Sur la folie des vagabonds. Les aliénés vagabonds'

tendent, dans des proportions toutes particulièrement fréquentes

à exagérer. La majeure partie de ceux qu'a observés M. Freusberg

sont des individus affaiblis au point de vue intellectuel présentant

une agitation maniaque plus ou moins forte. Ils ont ceci de com-, 1

mun que, lorsqu'on les interroge, ils font' des réponses niaises,

contrefont par leurs discours et leurs allures les aliénés'ordi-

naires s'efforcent devant les médecins de bavarder, de gesticuler,

de déraisonner à l'excès, à moins qu'on ne sévisse contre 'eux.

Cette singularité qui n'entraîne pas d'ailleurs le diagnostic de

simulation, car il existe, en dehors des symptômes précités,

une perversion morale évidente, cette singularité ne se retrouve

pas dans des cas rares de mélancolie, plus rares encore de folie

systématique, infinitésimaux de paralysie générale typique.. '

M. SCHUCHARDT. Quelques observations sur les maladies intercur- ,

rentes chez les aliénés. Parmi les 628 aliénés observés, 36 furent

t Voy. Arch. de Neurol., t. VIII, p. 106 et 383; t. X, p. 107 et Thèse

de Nercam (Paris, 1884)........ '. '

Archives, t. X. 29

450 SOCIÉTÉS SAVANTES.

atteints (22 f ? 14 h.) de maladies intercurrentes, se décompo-

sant en : , 1 1

SOCIÉTÉS SAVANTES. 451

M. Nasse. Les conceptions qui proviennent par l'intermédiaire

d'une cause quelconque ne sont pas les vraies conceptions irrésis-

tibles : celles-ci sont primitives, essentielles..

M. FlNKELNBURG. De ce que les premières conceptions irrésis-

tibles se relient à une émotion, pour se répéter plus tard sans

cause efficiente, il ne s'ensuit pas qu'il faille les exclure du cadre

des conceptions irrésistibles. ' /. j 1

M. Friedmann. Sur ce que l'on entend par troubles de la connais-

sance dans les maladies psychiques. Imprimé à part'.

M. ROLLER. Sur, les troubles de la motilité dans la folie simple.

Publié à part ! .

Séance du 4 9 juin 4 884

Réception de MM. Umpfenbach et Wulfert.

Courtes communications d'intérêt social par le président.

M. JEHN. Quelques communications sur une endémie d'ictère à

l'asile des aliénés de Merzig. Cette endémie a duré du mois d'août

au mois de novembre 1883; 4+4 malades ou gardiens ont été

atteints, quelques malades et gardiens congédiés ont, au bout de

quelque temps, été, en dehors de l'établissement, atteints de phé-

nomènes mettant hors de doute l'identité du poison morbide. La

population totale de l'asile, y compris tout le personnel, comptait

510 têtes. L'épidémie, d'une énorme densité, se montra bénigne

puisqu'il ne mourut personne ; en revanche, on constata une

fièvre élevée, des accidents de néphrite et d'hépatite, une pro-

pension à la récidive. Forte tuméfaction de la rate ; apparence

du catarrhe gastro-duodénal simple sans entozoaires. On pensa

d'abord qu'il fallait incriminer la nourriture parce que l'affection

ne portait presque que sur ceux qui prenaient le régime commun,

mais l'atteinte des personnes qui avaient quitté l'établissement,

quatre à six semaines après leur départ, prouvait une longue

incubation d'un ferment morbide. Rien à arguer de l'eau, ni des

autres conditions hygiéniques ; ni miasmes locaux, ni fatigues, ni

refroidissements, ni nourriture indigeste. (Voy. les travaux de

Froehlich. Arch. f. Klin, med. 1879.) Endémie .du reste tout à fait

isolée; à plusieurs lieues à la ronde, il n'existait aucun cas sem-

blable.11 ne fallut pas songer à accuser une revaccination ell'ectuée

en mai 1883, puisque pendant le temps d'incubation du vaccin,

l'ictérie ne se produisit pas, et que la courbe de fréquence de

l'ictère ne concorde pas avec les deux séries de séances espacées

1 Voy. Arch. de Neurol. Revue analytique.

2 Id. i ,

452° SOCIÉTÉS SAVANTES.

..... l. 1 à.

à 15 jours de date; ou eût dû, si le vaccin avait engendré l'ictère,

avoir deux sommets à 15 jours de date. Reste à examiner l'en-

combrement d'un établissement fait pour 200 malades et en

hébergeant plus de 400; cette cause est plausible, bien qu'on

gnore la nature du poison ictérogène et le mécanisme de la

maladie dans l'espèce ? .

M. PELMAN. Contribution casuistique à l'étude de la manie transi-

toire. Un travailleur avait commis sur sa femme un crime hor-

rible ; on le trouvait affaissé, profondément endormi, sur le

cadavre de celle-ci, et tenant dans ses bras son corps mutilé. Il

prétendit n'avoir aucun souvenir de ce fait, il ne se rappelait pas

ce qui s'était passé pendant l'après-midi de ce jour. Tout indique

en effet que ce criminel ne mentait pas.

Discussion :

M. Nasse. Ces cas n'appartiennent pas à la manie transitoire ;

leur modalité caractérisée par le trouble de la connaissance

relève de l'épilepsie, de l'alcoolisme et des hallucinations.

M. Rrrrmc. Il est dangereux de conclure d'une amnésie relative

à un crime, qu'il y avait trouble de la connaissance au moment

de l'acte. L'intoxication alcoolique aiguë n'est pas seule en jeu ;

n'y a-t-il pas en effet beaucoup de personnes qui, sous l'influence

d'une ivresse légère admettant de la part d'un observateur le dia-

gnostic d'intégrité absolue, ont perdu plus tard, notamment

quand une période de somnolence a passé par là-dessus, le sou-

venir de ce qui leur est arrivé pendant cette ivresse' à peine

accentuée ? Allez-vous déclarer que ces personnes sont irrespon-

sables de ce qu'elles ont fait pendant cet épisode échappant à la

clairvoyancedesjindividus qui les entouraient ? Evidemment non;

et cependant la mémoire leur fait ultérieurement défaut.

M. 008EKE. Contribution à la question du traitement de la sitio-

phobie chez les aliénés. - 11 y a près de quinze ans qu'avec Richarz

j'ai proposé de procéder à une alimentation sans violence. (Allg.

Zeitschr. f. Psych., t. XXVII) par l'administration méthodique de

lavements de peptones associés à des vins généreux. Depuis lors,

cette- méthode a rendu de bons services. Dans certains établisse-

ments, on a aboli toute alimentation forcée, sans les remplacer

par notre système, mais ce stimulant les malades à manger par

persuasion, présentation de mets engageants, par modification de

l'humeur de ces malheureux. Que faut-il faire, quand aucun de ces

moyensne réussit ? Une expérience de quinze années m'a appris que

les lavements alimentaires sont éminemment propres, même quand

l'aliéné refuse opiniâtrement toute nourriture, à conserver son

existence au moins trois semaines. Exemple : Une. dame ainsi

traitée d'abord durant quatorze jours d'abstinence alimentaire

SOCIÉTÉS SAVANTES. '453

absolue même à l'égard des liquides, puis pendant une périoJe

ultérieure de sept jours (ingestion exclusive d'eau). Total vingt-

deux jours de traitement continu; guérison. Tous les malades

soumis aux lavements ont résisté, ont refusé d'ingérer aucune

nourriture pendant une, deux, trois semaines; tous ilsontrecom-

mencé à manger. Mais la condition indispensable de ce procédé

c'est qu'ils se laissent administrer les lavements. Après une série

d'années de succès, je me suis dernièrement trouvé aux prises

avec quatre cas extrêmement rebelles; l'alternative dernière était

ou d'introduire à tout prix dans l'organisme une nourriture quel-

conque, ou d'assister à une mort probable (affaiblissement des

forces, insomnie, agitation sur lui-même de l'inanitié, déchéance

somatique profonde). En conséquence, j'introduis- la sonde oeso-

phagienne. Cette introduction s'effectua chez trois de ces malades

sans trop de résistance; le dernier se débattit, mais on évita le

traumatisme grâce aux sondes molles anglaises passées par le nez.

Les deux premières observations concernant des dames de qua-

rante et un et quarante-deux ans; alimentation à la sonde pen-

dant deux mois et demi à trois mois. Au bout de ce temps, l'une

d'elles accepta la cuiller pendant trois ans, dont les sept derniers

mois ne comportèrent qu'une nourriture liquide et finalement, il

y a peu de temps, elle s'est mise à manger. La seconde fu t nourrie

à la cuiller, après l'alimentation à la sonde, pendant un ou trois

mois; elle ne consentait à manger que de temps à autre. Dans la

troisième observation, il s'agit d'un homme vigoureux decinquante-

sept ans ; alimentation à la sonde de quatre mois et demi pendant

les quatorze premières semaines, il diminuait de poids de 27 p. 100,

puis regagnait en embonpoint. La quatrième observation est

représentée par un malade qui, depuis trois ans, est, trois jours

exceptés, nourri à a son de sans avoir voulu consentir à manger seul;

onze mois durant il s'est continuellement abstenu de nourriture,

pui·, une nuit, il fut pris de convulsions généralisées, dépourvues

de cause qui, accompagnées de perte de connaissance, laissèrent

à leur suite de l'hébétude. Pendantcette période d'hébétude, pen-

dant ces trois jours consignés ]e malade calme dans son Jit s'alimen ta

de lui-même; dès que revint la connaissance, le délire reparut

et avec lui, la sitiophobie, le désir de demeurer nu, d'aller et

venir sans cesse, sans repos, les vociférations de paroles stéréo-

typées. Cet état continue. Ces cas opiniâtres, insolites, ont rap-

port à des individualités connues dans leurs familles comme entê-

tées ; ils montrent que l'alimentation artificielle une fois commencée

peut être prolongée très longtemps, voire à perte de vue. Ce

n'est pas à dire, au reste, qu'on ne fasse pas d'écoles contradic-

toires. Vingt-cinq ans de pratiques psychiatriques m'ont permis

d'enregistrer cinq cas de mort, survenue dans tous les cas, chez

des malades ne se pliant pas à l'administration des lavements, et

454 SOCIÉTÉS SAVANTES.

se décomposant eu un refus relatif de nourriture pendant quinze

jours : un refus relatif pendant douze jours, absolu pendant deux;

- un refus relatif pendant six jours, absolu pendant cinq; un

refus relatif pendant douze jours, absolu pendant six; - un refus

absolu pendant huit jours et demi. Ces cas de mort par abstinence

pendant des laps de temps relativement courts, rapprochés de la

possibilité, pour certains cas morbides des plus graves, de con-

server la vie des malades, grâce à l'alimentation à la sonde,

apportent une restriction aux manières de voir de Siemens 1. Les

exemples de Siemens, d'après lesquels l'inanitiation n'est pas

gravé tant qu'elle ne dépasse pas quatorze jours sans ingestion

d'eau et cinquante jours avec ingestion d'eau, tant quela diminu-

tion de poids des aliénés ne dépasse pas 40 p. 100; ces exemples

constituent des exceptions extrêmes, car, si la théorie était vraie,

aucun de nos cinq malades n'eût dû mourir. En résumé, trois

pratiques sont en présence : 1° l'expectation; 2° lavements qu'on

ne remplace par la sonde oesophagienne, employée elle-même

sans violence, que lorsque les malades se débattent contre les

lavements, ou quand on redoute une issue fatale; 3° sonde oeso-

phagienne toujours. En présence d'un malade, le médecin a à

décider : 4° s'il doit demeurer le spectateur passif et systéma-

tique de l'inanitiation; 2° s'il doit laisser mourir un sitiophobe

obstiné ; 3° s'il doit l'alimenter à la sonde, instrument qui, en

certains cas, permet d'espérer, en attendant mieux, la conserva-

tion de la vie. Les malades qui succombent malgré l'alimentation

à la soude, meurent par inassimilatiou des parois digestives, par

des processus morbides dus à l'inanitiation ou aggravées de par

l'inanition, enfin par la pneumonie alimentaire, par des trauma-

tismes résultant de là lutte terrible engagée entre l'aliéné et le

médecin au sujet de l'alimentation forcée ou du vomissement à

dessein d'aliments ingérés de force : le médecin renonce alors à

l'alimentation artificielle. A côté décela il existe une fraction de

faits qui bénéficient de la sonde oesophagienne, soit directement,

soit parce que la sonde, en terrifiant le patient l'engage à se

remettre à manger. Et cependant, l'alimentation mécanique

n'est pas un procédé thérapeutique, et cependant bien des alié-

nés nourris longtemps artificiellement restent après cette épreuve

à l'état d'automates végétants, à raison de l'affaiblissement de

leurs facultés. Mais ne faut-il pas parer au plus pressé par le seul

moyen à notre disposition ? Au médecin, il appartient d'apprécier

la nature des faits qu'il observe, la valeur des syndromes, le

caractère de l'aliéné, la forme de la psychopathie et de l'adapta-

tion à tel ou tel malade de telle ou telle méthode.

1 Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 268.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 455

Formule de la matière du lavement alimentaire.

125gr. de viande de boeuf sans graisse ni tendon, coupée fin.

240 gr. d'eau distillée.

2 gouttes d'acide chlorhydrique.

2 gr. de chlorure de sodium.

Faites macérer une heure et filtrez.

Reprenez par 120 gr. d'eau distillée et filtrez au bout d'une heure.

Mêlez les deux liquides.

Et ajoutez : pepsine soluble, 0,12.

acide chlorhydrique, '0 gouttes.

Faites digérer 6 heures à la température de 30-32" R. '

Il reste alors 240 gr. de liquide peptique. '

Cette dose est administrée, en alternant avec du vin de Porto, en 3 la-

vements de 4 cuillerées à soupe, par 24 heures (un lavement toutes les

3 heures) ; pendant la nuit on ménage une pause de 6 heures.

Formule de la matière à ingérer par la sonde.

. " . si z

456 BIBLIOGRAPHIE.

alimentaire longtemps prolongé. Le 44, gastrotomie; difficultés

opératoires; néanmoins, on réussit à fixer le viscère aux téguments

abdominaux ; pouls consécutivement très faible. Le soir. on intro-

duit par la canule un mélange de lait et de vin. Le lendemain

matin, la canule, trop mobile, doit être remplacée par une autre

plus volumineuse. Mort vers midi. Autopsie. Estomac réduit d'un

quart de son volume et déplacé vers la gauche. La section a porté

sur la courbure supérieure du duodénum. La veine porte n'admet

qu'une sonde de diamètre ordinaire. Intégrité du voisinage de la

plaie; intégrité du péritoine.

La prochaine séance aura lieu le 15 novembre. (Allg. Zeitschr.

f, tsych., XLI, 4-5.) P. KERAVAL.

BIBLIOGRAPHIE

VI. Beitroege zur pathologischen Anatomie und zur Pathologie der

dementia paralytica. (Contributions à l'anatomie pathologique

et à la pathologie de la démence paralytique); par FRANZ TUCZEK.

in-8°, Berlin, 4884; A. Hirschwald, éditeur.

Ce mémoire constitue le développement, avec pièces justificatives,

de communications faites parM. Tuczek à diverses sociétés savantes

de l'Allemagne'. Il se compose de trois parties principales. Dans

la première, l'auteur soutient que la lésion caractéristique de la

paralysie générale porte sur les /tores nerveuses à myéline intra-

co¡'ticales2 du lobe frontal (hase et convexité) et de l'insula; on cons-

tate la disparition de ces éléments à toutes les périodes et dans

toutes les formes de la démence paralytique. Celte altération ne

se montre dans aucune autre psychopathie, ni dans la démence

consécutive à la manie et à la mélancolie, pas plus que dans les

troubles psychiques de la sénilité. Elle serait bien plus caracté-

ristique que les autres lésions attribuées à la paralysie générale.

notamment l'atrophie cérébrale, l'inflammation des méninges et

de la dure-mère, la périencéphalite et l'encéphalite interstitielle,

car ces' modifications anatomiques existent également dans les

démences secondaires, tandis que la déchéance des fibres nerveuses

'Voy.'Archivcs de Neurologie, t. VI p. 403; t. VII p. 365 ; t. VIII p. 90

et 336. s .

9ldem. ° ... , ,

BIBLIOGRAPHIE. 457

intracorticales s'observe tout à fait au début de la para-

lysie progressive, alors même que manquent l'atrophie du cerveau

les adhérences et inflammations méningo-encéphaliq ues et névro-

gliques. M. Tuczek fournit à cet égard dix-sept cas de démence

paralytique sous les formes les plus variées et à n'importe quelle

période de son évolution(43 h. 4 f.); les observations sont très étu- ,-

diées à tous lespoints de vue; sept observationsd'autres psychoses

permettent la comparaison. La seconde partie intitulée Dégé-

nérescence scléreuse de la lisière de substance blanche de certaines

zones déterminées de l'écorce dans la démence paralytique, se base

sur six faits; dans tous ces cas. la maladie a duré longtemps ;

dans cinq d'entre eux, il existait en même temps une sclérose

avancée des cordons postérieurs (avec lésion simultanée des cor-

dons latéraux), un seul ne présentant aucune altération de la

moelle épinière. M. Tuczek tendrait à croire qu'il y aurait lieu de

formuler le diagnostic de lésion systématique des fibres d'association

sous-corticales de Meynet, dans les segments antérieurs du cerveau.

- De ces éléments l'auteur déduit que la démence paralytique

résulte d'une lésion primitive de certains systèmes de fibres

intracorticales; la dégénérescence des libres de la substance

blanche pourrait bien n'être que secondaire, qu'il s'agisse de la

couronne rayonnante et des faisceaux spinaux, ou du faisceau

d'association intracortical, et provenir de la disparition des

fibres d'association intracorticale qui les prive des excitations

centrales. M. Tuczek tient d'ailleurs compte dans cette brochure

de tous les travaux, de tous les procédés de préparation anté-

rieurs et postérieurs à ses communications, ainsi que des objec-

tions qui lui ont été faites au sein des sociétés savantes en ques-

tion. Au surplus, il ne serait pas impossible que des fibres

altérées récupérassent leur structure normale et leur excitabilité,

de là les remissions, les épisodes, la fugacité de certaines mani-

festations et'l'apparition de certains syndromes (mécanique céré-

brale délicate), de là enfin les guérisons dont, pour terminer,

M. Tuczek relate un exemple in extenso. P. Kéraval.

VII. Hypnotisme expérimental. La dualité cérébrale et l'indépen-

dance fonctionnelle des deux hémisphères cérébraux; par le

Dr E. Bérillon. Précédé d'une lettre-préface de M. le Dr Dumont

pallier. Paris, Delahaye et Lecrosnier, 1884.

Un auteur anglais que l'on ne saurait trop souvent citer, lors-

qu'il s'agit de l'indépendance fonctionnelle des hémisphères

cérébraux, Wigan, poursuivant la démonstration de cette théorie

d'après laquelle la folie ne serait que le résultat de la déshar-

monie entre le cerveau droit et le cerveau gauche, publiait, en

1844, un livre portant ce titre, à lui seul suffisamment signifi-

458 BIBLIOGRAPHIE.

calif : « La dualité de f'e,'}Jl'it ». A l'appui de sa manière de voir,

il insistait, tout particulièrement, sur les faits de dédoublement

des opérations cérébrales dans les maladies mentales.

Depuis lors, de nombreux travaux ont paru sur cette question

de psychologie ou de physiologie cérébrale, des faits nombreux,

recueillis avec toute la rigueur scientifique désirable, ont été

produits en faveur de l'autonomie hémisphérique que M. Bérillon

vient, à son tour, défendre avec talent. en s'appuyant principale-

ment sur l'hypnotisme expérimental.

Cet important travail nous est annoncé comme le résultat de

nombreuses expériences entreprises à la Pitié, dans le service de

M. Dumontpallier, qui a tenu à présenter au public médical, sous

forme de lettre-préface, l'oeuvre de celui qui s'est montré le

fidèle interprète de l'enseignement du maître.

Avant d'aborder l'étude de l'hypnotisme expérimental, M. Bé-

rillon s'est imposé une tâche considérable, celle de rassembler

tous les documents relatifs à l'indépendance des hémisphères

cérébraux en mettant, tour à tour, à contribution l'anatomie,

la physiologie, l'embryogénie, l'observation psychologique et la

pathologie cérébrale.

En exécution de ce vaste plan, l'auteur consacre la première

partie de sa thèse à l'énumération et à l'interprétation de tous

les faits susceptibles d'être invoqués pour la démonstration de la

dualité cérébrale. Dissemblance morphologique entre les deux

hémisphères, inégalité de volume et de poids, prédominance

fontionnelle, défaut de parallélisme et de simultanéité dans leur

développement embryogénique, dédoublement de la personnalité

chez certains aliénés, les exemples de suppléance, les données

localisatrices les plus récentes, toutes ces particularités sont utile-

ment rappelées et judicieusement appréciées dans le but de

prouver que le cerveau, loin d'être une individualité physiolo-

gique, est, en réalité, un organe pair, chacun des hémisphères

étant, à lui seul, un cerveau complet, autonome.

Etabli déjà sur cette solide base, M. Bérillon expose, dans la

deuxième partie de son travail, les résultats qu'il a obtenus au

moyen de l'hypnotisme expérimental et pénètre au coeur même

du sujet.

Ce n'est que tout récemment qu'on est parvenu, à l'aide de

pratiques spéciales, à partager expérimentalement l'individu en

deux moitiés, dont chacune présente les symptômes d'un état

particulier de J'hypnotisme.. 1\1. Dumontpallier s'est efforcé, on le

sait, de montrer, par de nombreuses expériences, qu'une légère

pression sur la région médiane du vertex a une action réflexe

simultanée sur les deux hémisphères, tandis que la pression uni-

latérale n'a qu'une action réflexe unilatérale croisée, sur l'hémi-

sphère du côté opposé à la pression.

BIBLIOGRAPHIE. 459

Braid avait déjà constaté que. dans l'état cataleptique, en impri-

mant aux membres du sujet une attitude déterminée, l'émotion

en rapport direct avec cette attitude se manifeste immédiatement

sur son visage. C'est ce qu'il appelait la suggestion par les gestes,

sorte d'accommodation idéo-motrice.

Tous les observateurs avaient acquis la certitude qu'il est pos-

sible, chez un sujet en catalepsie, de provoquer une suggestion

unique par les différents procédés employés parole, geste

imprimé, attitude imposée et l'on sait avec quelle précision

M. le professeur Charcot a poursuivi l'étude des phénomènes de

suggestion par Y intermédiaire du sens musculaire.

Mais, dit M. Bérillon, il n'était encore venu à l'idée de personne

de rechercher si, en imprimant une attitude différente, à chaque

côté du corps du sujet en expérience, on obtiendrait une expres-

sion faciale double et dissemblable pour chaque côté du visage.

Or, c'est précisément là le curieux résultat que MM. Dumont-

pallier et lui ont pu obtenir dans des expériences nombreuses

chez des hystériques.

En effet, à des attitudes différentes, contradictoires et simul-

tanées, communiquées à chaque côté du corps, s'adaptent des

expressions correspondantes dans chaque côté du visage qui, par

exemple, sourit dans sa moitié droite, en même temps qu'il appa-

raît courroucé dans sa moitié gauche, parce que la main droite

fait le geste d'un amical adieu, tandis que la main gauche

semble, le poing fermé, menacer quelqu'un. N'e·t-ce pas là une

preuve que chaque hémisphère a été influencé pour son propre

compte et réagit d'une façon indépendante !

De plus, M. Bérillon, partant de ce principe d'après lequel un

individu en état de somnambulisme présente une aptitude spé-

ciale à transformer immédiatement en acte l'idée reçue, est par-

venu à provoquer chez des sujets placés sous cette influence, des

illusions et des hallucinations bilatérales et de caractère différent.

C'est, au point de vue expérimental, exactement ce que la cli-

nique réalise quelquefois, comme en témoignent les curieuses

observations publiées par M. Magnan, observations relatives à des

malades qui, par exemple, en tendent des choses gaies par l'oreille

gauche, tandis que, simultanément, l'oreille ne perçoit que des

choses désagréables, des injures, des menaces, etc. : ce sont bien

là, comme le faisait remarquer à ce propos le savant médecin

de Sainte-Anne, des faits qui prouvent le dédoublement et l'indé-

pendance fonctionnelle des hémisphères cérébraux, en même

temps qu'ils désignent les centres sensoriels de l'écorce, comme

siège organique.

L'hypnotisme expérimental et l'observation clinique concourent

donc à nous faire admettre que chaque hémisphère représente

un organe distinct, doué d'une individualite propre.

460 BIBLIOGRAPHIE.

En résumé, conclut M. Bérillon, on peut dire que l'homme, au

point psychique, sensitif et moteur, est réellement double, en un

mot, qu'il possède deux organes de l'idéation, deux cerveaux. '

Telle est cette consciencieuse étude que l'auteur a su rendre

attrayante par la clarté de son style et la parfaite méthode qu'il

a apportée dans la disposition des matériaux considérables assem-

blés, avec grand soin, afin d'étayer solidement la doctrine de

l'indépendance fonctionnelle des hémisphères cérébraux.

Outre les résultats si intéressants fournis par l'hypnotisme

expérimental, le lecteur est assuré de trouver dans le livre de

M. Bérillon, nettement coordonnés et judicieusement appréciés,

tous les faits relatifs à cette importante question de physiologie

cérébrale. P. CAMPER.

VIII. De l'aliénation mentale chez les vieillards; par F.-A. GOUDAL.

(Thèse de Paris, 1884.) .

Cette thèse a pour but de montrer que tous les troubles vésa-

niques peuvent se rencontrer chez les vieillards : l'auteur rapporte

en effet, un certain nombre d'observations sousles dénominations

de manie, de mélancolie, de délire des persécutions, d'érotomanie,

de paralysie générale. Le nombre restreint de faits recueillis

par M. Gondal ne lui a pas permis d'étudier avec fruit les particu-

larités de la marche et de l'évolution des psychoses chez les sujets

âgés. Quant au rôle de la prédisposition dans leur développement,

il a été aussi négligé. 11 est même remarquable de constater

que sur dix-sept observations soit inédites, soit empruntées il

d'autres auteurs, il en est treize dans lesquelles il n'est point ques-

tion d'antécédents roil héréditaires, soit personnels; dans un cas,

on les a cherchés sans les trouver; une malade avait été placée;

un autre avait montré des bizarreries de caractères; et un qua-

trième avait eu deux frères aliénés. L'étude de la prédisposition

mérite pourtant une attention particulière dans les névropathies

des vieillards; en effet, il est bien établi aujourd'hui que la pré-

disposition joue un rôle capital dans le développement de ces

maladies; mais un autre problème se pose : les névropathies

peuvent-elles s'acquérir, et comment ? Les observations recueillies

sur les vieillards peuvent avoir à ce point de vue une valeur tout à

fait particulière. Un certain nombre de faits personnels nous ont

jusqu'à présent montré que dans cette catégorie de sujets le rôle

de la prédisposition est tout aussi évident que chez les adultes;

mais cette question mériterait d'être étudiée plus à fond. M. Gou-

dal reconnaissant dès le début de son travail deux formes dans la

démence dite sénile, nous avions espéré qu'il chercherait à distin-

guer dans les cas de soi-disant démence avec aliénation, les

formes vulgaires de la folie, et qu'il élargissait ainsi son champ d'oh-

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 461

servation. Chez un certain nombre de ces déments, on peut

en effet retrouver les manifestations ordinaires des psychoses

classées; quelquefois ces manifestations sont plus ou moins atté-

nuées dans leur intensité, et on à affaire à des vésanies à sour-

dine qui n'en sont pas moins reconnaissables; et chez ces sujets,

encore, quand on peut chercher, le rôle de la prédisposition est

aussi évident. CH. Fr;as.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

Contribution à l'étude clinique des oedèmes périphériques d'origine

nerveuse; par J. WmL. (Thèse de Paris, 1885.)

Des paralysies traumatiques d'origine périphérique ; par IL FAU-

vel. (Thèse de Paris, 1885.) '

' Contribution à l'étude de la méningite cérébro-spinale ép idé inique ;

par A. HLRR. (Thèse de Paris, 488â.)

Contribution à l'élude clinique de l'arthropathie des ataxiques ;

par Barré. (Thèse de Paris, -1885.)

Des perturbations cardiaques dans le goitre exophthalmique ; par

LESCAUX. (Thèse de Paris, 1885.)

De l'hémitttrophie de la langue dans les lobes dorsulotuxiqaes ;

par 1t;1\.mu. (Thèse de Paris, 988.) .

Contribution à l'étude du traitement du tétanos; par Riboul.

(Thèse de Paris, 188.)

De l'hystérie chez les enfants; par Peugniez. (Thèse de Paris,

1885.)

De la réfrigération par le chlorure de méthyle ; par ROU1LL0.

(Thèse de Paris, 1885.)

Utilité de la révulsion dans les affections aiguës de la moelle ;

par CALL.IS. (Thèse de Paris, 4885.)

De l'épilepsie dans ses rapports avec les fonctions visuelles ; par

PicHoN. (Thèse de Paris, 1885.)

Contribution à l'étude des lésions du cervelet; par Le Large.

(Thèse de Paris, lb *83.)

De l'éthéromanie ; par E. 13H;LUZe. (Thèse de Paris, d875.)

Contribution à l'étude des paralysies dans l'urémie ; par BERNARD.

(Thèse de Paris, 1883.)

Quelques considérations sur les terreurs morbides et le délire

émotif en général ; par E. Doyen.

FAITS DIVERS

Assistance DES idiots et des imbéciles. - La plupart des préfets

et des conseils généraux refusent d'admettre les idiots et les

imbéciles dans les asiles d'aliénés. Il en résulte de nombreux

inconvénients. Le Droit du 20 septembre a publié les débats d'une

affaire soumise à la cour d'assises de la Sarthe, le 7 septembre

dernier. Il s'agit d' «une fille idiote qui s'était laissé séduire » et

qui en demeura enceinte. Elle est accouchée à huit mois. Sa

mère, qui l'assistait, n'a pas noué le cordon. L'enfant est mort.

Le père et la mère de l'idiote l'ont enterré dans un trou. Tous

trois comparurent, pour homicide par imprudence, devant le tri-

bunal correctionnel de la Flèche. La fille, « qui est fort peu in-

telligente », fut acquittée; la mère fut condamnée à six mois de

prison, le père à quinze jours de prison comme co-auteur. (Il n'est

pas question dn misérable qui a abusé de l'idiote.) Puis le père de

l'idiote a comparu devant la cour d'assises pour l'accusation de

suppression d'enfant. Il a été acquitté. Ce fait montre la nécessité

d'assister et d'interner dans des asiles spéciaux les enfants et les

adultes idiots, surtout les filles, et de créer dans ce but des asiles

inter-départementaux.

Nécrologie. - Le De 0. Berger, professeur extraordinaire de

neuro-pnthologieà à 13reslau, est décédé la 10 juillet, à l'âge de

quarante et un ans. '

Le Dr L. Lanier, membre, fondateur et secrétaire général de

l'association française contre l'abus des boissons alcooliques,

membre de l'Académie de médecine, inspecteur général honoraire

du service des aliénés, est décédé le 5 septembre dernier, à l'âge

de soixante-troisans. Nous citerons parmi les travaux qu'il a publiés :

Recherches surlea paralysie générale progressive, thèse, 1849; - De l'a-

aliénation mentale et du crétinisme en Suisse, 18(i8 ; - Recherches sur

quelques déformations du crâne observées dans le département des

Deux-Sèvres, 1832. - Des aliénés, îles divers modes de traitement

et Il' assistance qui leur sont applicables, 4865; - Des placements

volontaires dans les asiles d'aliénés, étude sur les légistations fr«n-

çaise et étrangère, 4868 ; - Des aliénés dangereux, 4869; Projet de

statistique applicable à l'étude des maladies mentales, 1869; - De

l'augmentation progressive du chiffre des aliénés et de ses causes,

4 870 ; - De l'isolement des aliénés, 4871; De l'origine et de la

FAITS DIVERS. 463

propagation des sociétes de tempérance, 1871 De l'influence des

grandes commotions politiques et sociales sur le développement des

maladies mentales., 1874; - Rôle des boissons alcooliques dans l'aug-

mentation du nombre des cas de folies et de suicides, 1872; Divers

articles dans le Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie

pratique (.Jaccoud) ; Folie (Législation) ; -Crc2nc(défor·maliorzs arti-

ficielles du); - Crétinisme ; et un certain nombre d'autres travaux

qui, de même que les précédents, ne survivront guère à leur

auteur. Il était aussi un des directeurs desAtncales médico-ps·lzo-

logiques, où il a fait paraître un certain nombre d'articles.

Société française DE tempérance. Programme des prix et

récompenses à décerner en 1886. Le Conseil d'administration de la

Société, dans sa séance du 5 mai 1885, a décidé : 1° que tous les

travaux se rapportant à la tempérance et aux boissons alcoo-

liques envisagées sous le rapport soit de leur composition, soit

de leur action sur l'économie, seraient admis au concours; 2° que

des récompenses pourraient être accordées aux travaux imprimés

aussi bien qu'aux travaux manuscrits envoyés à la Société. La So-

ciété ne met au concours aucune question- spéciale pour l'année

1886, mais elle appellé particulièrement l'attention des concurrents

sur la question suivante : Etudier sur un point déterminé du terri-

toire français (commune, canton ou département), l'influence de

la loi du 17 juillet 1880, d'un côté sur le' nombre des débits de

boissons et de l'autre sur le chiffre des condamnations pour ivresse

publique, des morts accidentelles déterminées par les excès de

boisson, des folies et des suicides de cause alcoolique. Une somme

de 9,000 francs sera répartie entre les auteurs des mémoires cou-

ronnés. Les ouvrages ou mémoires devront être remis au secré-

tariat général de l'oeuvre, rue de l'Université, 6, avant le 1 ? jan-

vier 1886. Pour l'année 1887, la Société met au concours la

question suivante : Le Livre des mères, manuel à l'usage des

femmes désireuses de préserver leur famille de l'alcoolisme et de

l'ivrognerie. Montant du prix : 1,000 fr. Le concours pour ce prix

spécial ne sera clos que le 34 décembre 41886.

Folie DE l'enfance. « Le petit Eurda, âgé de huit ans, habi-

tant aux environs de Tizi Ouzou (Algérie), a jeté des pierres à sa

mère qui lui faisait attendre son déjeuner. Puis, pris d'une folie

furieuse, s'est précipité sur elle et l'a tuée à coups de couteau. »

(Lanterne, 20 septembre.) Les cas de folie de l'enfance se pré-

sentent assez souvent. Tous les ans, à Bicêtre et à la Salpêtrière,

on voit des exemples de folie générale ou partielle, de folie impul-

sive, quelquefois même l'aliénation consiste simplement en

hallucinations. '

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Càmmahem (V.). Un caso di paraplegia spastica da trauma vertébrale.

Brochure in-8" de 7 pages. Milan, 1805. F. Vallarcli.

Cullerre (A.). Magnétisme et hypnotisme. Exposé des phénomènes

obsirvés pendant le sommeil nerveux provoqué au point de vue clinique,

psychologique, thérapeutique et médico-légal, avec un résumé historique

du magnétisme animal. Volume in-f8 de 381 pages, avec 21 figures.

Prix : 40 lr. Paris, Librairie J.-B. Baillière, 19, rue Hautefeuille.

M'CUEL (H.). Contribution à l'étude des albuminuries transitoires

dans quelques maladies du. système nerveux. Brochure in-8° de U4 pages.

- Prix : 2 fr. 50. - Paris, 1885. Librairie J.-B Baililère.

TATY (Th.). Etude clinique sur les aliénés héréditaires. Brochure

in-8° de 115 pages. Prix : 2 fr. 50. Paris, 1815. - Librairie J.-B.

Baillière.

Vizioli (R ). - La malattia di Fmedreicu (Atassia ereditaria). Bro-

chure in 8o de 69 pages. - Napoli,

18a5. - Dottor I,eunardo Vallardi, editore.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

TABLE DES MATIÈRES

Abstinence absolue d'un fou systé-

matique, par Siemens. 232.

Acide chlorhydrique avalé par un

aliéné, .\ 5,

Alcool, 423.

Aliénés (rapport sur le progrès de

l'assistance des - eflectnés en

Allemagne, au moyen des asiles

pendant ces dernières années,

par Loehr, 13R, 295.

Aliénés qui refusent' de manger,

(du pronostic de la folie chez les),

pat Sutherland), 420.

Aliénés, 100 ; - (en Russie), par

Kowalewsky, 233; (dans le

duché d'O 1(leti boit 1',7, statistique),

par Kollmann. 235; (Statis-

tique de Vnrzbourl, par Lind,

238; ? (loi sur les), 2',$; - mé-

ningite tuberculeuse chez les -

adultes), par .\Iickle, 1,21.

Anto-mutilations chez les aliénés,

par Adam, 415.

Aphasie, 227.

Asiles (voyage en France, en An-

gleterre, en Ecosse et en Bel-

1)il- Wiklermulh, ? '0; -

(Statistique des), 262 ; isuisses),

S>3; - (grands et petits), par

Shaw. 415.

Associations (troubles des), par de

Pfungen, 408.

Ataxie locomotrice (note sur les lé-

sions trophiques des valvules

aortiques dans l'), pnl' .\1. J. Teis-

sier, 408.

Attention (sur la tension des

muscles comme (le

l'), par Sikol'sky, 145.

Beach (cas du docteur), 302.

Bégaiement et balbutiement par

Berkham, 424.

Brome (emploi simultané de divers

sels de brome dans l'épilepsie),

108.

Bromure de potassium, 108.

Caféine et alcool, par Lewis, 423.

Cannabinone, 122.

Cellules nerveuses (vacuoles dans

les), 90.

Cérébrale (Dualité), par Bérillon,

457.

Cerveau (poids du), 212, t.2H; -

(Physiologie du), par Christiani,

272; -(tumeurs symétriques de

la base du , par Strahan, /il 1.

Cervelet (écorce du),parBeevor, 84.

Chanvre indien, par Richter, 110.

Conceptions irrésistibles, par flces-

termanu, .117, 450.

Congrès annuel de litsociéte iles mé-

decins aliénistes allemands, 261.

Congrès (XV,>) de la Société psy-

chiatrique de l'Allemagne du

Sud-Ouest, 245. ·

Corps strié (fibres du), par Edin-

ger, 88.

Cylindraxes tuméfiés dans la moelle

épinière, par Scltultze, 93; -

(dans la sclérose multilocnlaire),

93.

Cerveau (sclérose granuleuse de

l'écorce du), 92; -, (histologie

patliologiqua de l'écorce du

chez les aliénés), t. 18).

Démence paralytique, 417, 447, 456.

Démoniaques (histoires, disputes

et discours, des illusions et im-

postures des diables, des magi-

ciens infâmes, sorciers pt empoi

sonneurs, des ensorcelez et de

la guérison d'iceulx), par Jean

Wier, an. 271.

.lncmvr ? . X. 3l1

466 TABLE DES MATIÈRES.

Détenus (deux cas de méconnais-

sance pendant plusieurs années

d'une maladie mentale chez des

détenus), par Krcdlt-Ehin ? 419.

Diabète chez les femmes (troubles

nerveux dans le), par Lecorché,

395.

Digestifs (troubles d'origine ner-

veuse), par \Icehms; 96.

Doigt à ressort (théorie), parler-

nhardt, 97.

Ecchymoses sous-cutanées d'o-

rigine nerveuse, par Keller, 9 ?

Electriques (action des courants et

électro-diagnostic du champ vi-

suel), par Engelskjon, 10 ?

Electriques (le mode d'action thé-

rapeutique dissemblable des deux

sortes de courants et l'examen

électro-diagnostique du champ

visuel, par Eiigulslijoii, 425.

Encéphale (ramollissements syphi- i-

litiques multiples), par Hosen-

thal, 99.

Epilepsie partielle, 108.

Epilepsie, 231.

Epilepsie (bromuration), 108.

Epileptique (délire post-), 213;

(états), 257.

Epileptiques dangereux, 255.

Epileptiques (nombre des dans

le duché de Mecklenbourg-Schwe-

rin), par Tigges, 236; (rapport

sur), 238.

Esprit (pathologie de 1'), par 111au-

dsey, 132.

Folie praoépileptiyue, 121.

Folies héréditaires, 111, 215, 48,

432.

Ganglions intervertébraux, par Bech-

terew, Hosenbach et Sclultzes, 85.

Genou (phénomènes du), 121.

Grossesse et psychoses, par Bar-

tens, 237. ·

Hallucinations , par J{alldil1sky,

102; - (anatomie pathologique

des sensorielles), par Hertz,

448.

Hemichorée (localisation de l'), par

Greill, 409.

Hémiplégie curticale et surdité ver-

bac, par jloebius, 95.

Hémiplégie gauche dans le cours

d'une pneumonie, 22 ?

, Hémiplégie gauche avec aphasie,

22 .

Hypnotisme, par Finkelbul'g, 1,t.5.

Ihpoehondre (réflexe de la région

de l'J, 97.

Hypertrophie musculaire vraie, par

Sakaky, 122.

Hystérie (notesurun cas de grande.

'c))cx ! 'bom ! ne,avecdedoubie-

ment de la personnalité et arrêt

de l'attaque par la pression des

tendons), par J. Voisin, 212, 4.5 ! ) ;

- (11'aitcmrnt, méthode de Mit-

cbell et Play l'air), 245, 266.

Hystérie (traitement gynécologique

de l'), par Flesclrsi" 110.

Hystéro-épileptique (état do mal

à la suite d'une opération chirur-

g'iL : lde a\'e.; anestliésic), par Va-

lu de, 226.

Ictère (endémie d' à l'asile do

\Ierzi), 4 .

Idiots (des familles d'), par Bour-

neville et Séglas, 186, 47; -

(troubles delà parole chez les),

250.

Imbécillité (rapport médico-légal),

420.

Inanition (troubles nerveux dans

l'), M7.

Incendies multiples, au point de

vue méclico-lénal, par llfaramlou

de lontyel, 32.

Intercurrentes (maladies chez

les aliénés), 449.

Interdiction, 236.

Législation relative aux aliénés en

Angleterre et en Ecosse, par

Foville, 128.

Lèpre (symptômes névropathiquos

de la), par Rosenhaeh, 227.

Lipome des méninges spinales, par

Braubach, 413.

Manie transitoire, 452.

Méningite spinale chronique de la

queue de cheval avec dég¡'n¡'l'es-

cence secondaire de la moelle,

probablement d'origine' syphili-

tique, par Eisenlohr, 91.

Méningite tuberculeuse, 22 : ¡;

(chez les aliénés adultes), 42).

.Moelle épinière (l'orme de la), par

Flesch, 86.

Monoplégie brachiale avec anestiie-

sie, par Nixon, 230.

Mort apparente (diagnostic de

la), par l3uclt, 96.

Muscles (cas d'hypertonie pscudo-

hypertrophique des), par Eulen-

burg, 228.

TAULE DES MATIÈRES. li 67

Musculaire (atrophie- progressive

avec participation de la face), par

ltemalc, 2 ? 9, - fatropUe héré-

ditaire et pseudo-hypertrophi-

clue), par Schultze, ? 30; -(tabes

dorsal avec atrophie), 230.

lyélopathie aiguë à marche ascen-

dante, rappelant la paralysie as-

cendante aigué, par Barth, 226.

Névrite multiple et poliomyélite,

par Strueml;ell, 93.

Occlusion intestinale par excitation

du sympathique, 225. ,

Oculo-iholeur commun (paralysie

périodique du), par Thomsen,

119.

Oculo-moteur externe (paralysie

de l' ;, guérie chez un diabétique,

pur Landsberg, 414.

Onoinatomanie, par Cbarcot et Ma-

gnan, 157.

Optique (section des fibres du nerf

au voisinage de la capsule

interne), par Bechterew, 84 ; -

(tractus dans l'encéphale), par

Richter, 267. ,

Paratdehyde,parDenda,t07,249.

Paralysie générale (état des cellules

nerveuses dans la), par \Iendel,

232; par Meudet, 23,, 270.

Paralysies isolées des nerfs du bras,

et combinées du bras et de l'é-

paule, lhlr Bernhardt, 95.

Paratysiespros'ressivesatronbiques,

par Eisenlohr.'192.

Paraplégie tabétique, 23o.

Pathologie du système nerveux, par

Struemprll, 136.

Pinel (inauguration de la statue de),

276.

Protubérance (diagnostic des attec-

lions en foyer de la), par Senator,

49 U.

Psychoses combinées, par Siemens,

101.

Réactions électro-magnétiques des

nerfs et des muscles malades,

par Eulcubur, 90.

Sciatique (altérations de la moelle

épinière causées par l'élongation

du), par Tarnowski, 35. '

Sclérose latérale amlotrophique

(doux nouveaux cas de - avec

autopsie), par Charcot et .Marie,

l, 168,

Sclérose en plaques (curabilité de

)a),parCatsaras,S6.

Sclérose nndtiloculairc (troubles

oculaires dans la), par Gnauck,

228; - (avec atropine névritique

du nerf optique), par Eulenburg),

229.

Scléroses systématiques de la moelle

épinière (contribution il l'étude

des fausses), par Po polI, 305.

Sensibilité générale chez les consul.

sil's et les aliénés par Thomsen,

10U.

Sexuelle (sur un cas tout particuliet

d'excitation sexuelle perverse),

par Anjel, "16.

Sitiophobie (traitement de la), 482.

Spinale (lésion avec cécité et para-

lysie générale), 116.

Société médico-psychologique, lit,

2n3, 41G.

Société de psychiatrie et des mala-

dies nerveuses de Berlin, 116.

Société française de tempérance

(Prix), 144.

Société psychiatrique de la province

du Rhin, 445.

Surdité verbale, 95.

Syphilis, 99; - (centrale secon-

daire), 226 j - (cérébrale), 226.

Système nerveux (nutrition du), A

l'état physiologique et 'patltulo-

gique, par Jfatret, 76.

Tabes chez la femme, par Moebius,

98.

Tabes dorsal et syphilis, par de

Reuz,99; (avec atrophie), par

Eulenburg, 30;- (avec dégéné-

rescence des nerfs périphériques),

par Sakaky, 412.

Tabétique (paraplégie), 225.

Thérapeutique suggestive (fait pour

servir à l'histoire de la), par

Séglas, 376.

Thumsen (une observation de mala-

die de), par Pitres et Dallidet,

201.

Transfert dans l'épilepsie partielle,

par Hirt, 108.

Tubercules quadrijumeaux, par

Spitzka, 89.

Vagabonds (folies des), 449.

Vague (affection du nerf- dans le

- tabès dorsal), 118.

Vaso-moteurs de la peau de l'homme,

par Bucb, 87.

Zones (des) hystérogènes et hypno-

gènes, des attaques de sommeil,

par Pitres, 125.

TABLE

DES AUTEURS-ET DES .COLLABORATEURS

Adam, 415

Anjel, 416.

Baierlacher, 98.

Bartens, 237.

Barth, 226.

Bechterew, 84, 85, 234.

Beevor, 84.

Benda, 107.

Bérillon, 457.

BerkUan, 424.

Bernard, 95.

Bernhardt, 95, 97, 119.

Bigot, 116.

Binet, 128.

f31uswanner, 270.

Bloncleau (L.), 225.

Blumenthal, 124.

Bourneville, 186, 271, 347.

Bourru, 439.

Braubach, 413.

Briand, 143, 116, 244, 411.

Buch, 87, 96.

Catsaras, 66, 225, 227.

Charcot, I, 157, 168. "

Charpentier, 131.

Christian, 244.

Christiani, 272.

Dagonet, 276.

Dallidet, 201 ?

Delasiauve, 444.

Deny. 135, 22 : ï, 226, 227, 408.

Descroizilles, 225.

Edinger, 88.

Rickholt, 417.

Eisenlohr, 91, 92.

Engelskjun, 104, 425.

Erlenmeyer, 10*.

Eulenburg, 90, 228, 229, 230.

Falret, 428.

Féré, 231, 272, 428, 444, 161.

Finkelnburg, 445, 1,1,6, ! v47, 448.

/.su5[

Flesch, 86.

Fleschsig, 110, 26G, ? G7.

Foville, 128, 428.

Freusberg.

Freuellsberg, 248, 249, 260.

Fritscb, 420.

Fuerstticr, 245, 2'.7, 2$$, 21p, ).0.

z53, 25...

Garnier, 460.

Gnauck, 124, 228.

Goudal. 460.

Greiff, 92, 409.

Grtiii(,wa](1, 238.

Gudden, 2G5, °3n7, 270

lleekel', 446.

Hertz, 455.

Hirschlot ? 120.

Ilirt, IOS

Hitzig, 567.

Hoestel'lnann, 417, 450.

dastrowitz, 119.

Jehn, 4 ? 1.

Jolly, 245, 247, ? 8, 4\), 25U, 253,

2o5.

255.

Kandi1lsky, 202.

Katyscbew, 413.

Relier, 94.

Kéraval, (P.). S3, 8G, 87, 88, 89,

90, 91, 92, 93, H/" 95, 96, 97, 98,

99, 100, 101, 102, 104, 10î, 108,

109, 110, 12'" 137, 143,' ? oS, 229,

230, 232, 235, 236, 237, 2;18, 240,

243, 2G1, 27t, 409, 419, 411, t.l2,

413, 414, 416, 417, 418, 419, 420,

424, 4 ? G, 456, 457.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 469

Kirn, 248, 256.

Kollmann, 235,

Kowalewsky, 233.

KralTt-Ehing-, 419.

Landouy, 226.

Laugrenter, 238.

Landsberg, 414.

écorché, 395.

Le Dentu, 226.

Legrand du Saulle, 113, 115, 283.

Lewin, 121.

Lewis (13evail), 423.

Liebmann, 418.

Liman, 121. l.

Lind, 238.

Loehr, 135, 266, 295.

Luc, 227.

Lunier, 427. : 'Iairet, 76.

Magnan, 111, 113, 115, 117, 242,

432.

Marandon de Montyel, 322.

Marie, 1, 84, 168.

Maudsey, 132.

.mindel, 149, 421, 124, 232, 267,

2je, 271.

Mendelsohn, 275.

lleschedn, 267.

Mickle, 421.

;¡loebius, 95, 96, 98.

Musgrave-Clay (de), 412, 415, 416,

421, 423.

Nasse, 445,447, 4 ?

Neumann, 236.

Nixon, 230.

OEbeke, 447, 448, 450, 452.

Oppenheim, 118, 119.

Pelman, 452.

Peretti, 449.

Pichon, 281.

Pfungen (de), 408.

Pick, 90.

Pitres, 125, 201.

Popoff, 305.

Poubelle, 280.

Remak, 119, 120, 229.

Reinhard, 97.

Renz (de), 99.

Rey, 42, 427.

Richter (de Pankow), 110, 122.

Richter (de Dalldorff), 267.

Rlegel', 255.

Ripping. 452.

Ritti,287.

Riu. 242, 943.

Robinet, 277.

Rosenbach (P), 85, 90, 108, 117,

iIS, 22".

Rosenthal, 99.

Roubinowistch, 234.

Ruhle, 44 ? 448.

Sakaky, 122, 4t2.

Sander, 264, 265.

Schuchardt, 449.

Schuele, 245, 247, 248, 257, 261.

Schultze, 85, 93, 230.

Schulz, 90.

Séglas, 186, 347, 376.

Senator, 410.

Shaw, 415. '

Siemens, 101, 232.

Sikorsky, 145.

Spitzka. 89.

Stark, 249, 250, 255, 260.

Struempell, 93, 136.

Sutherland, 420.

Tarnowski, 35.

Teissier, 408.

Tigges, 236.

Thomsen, 100, 119, 121.

Tuczek, 456.

Ulithoff, 121.

Ungar, 446.

Valude (E.), 226.

Vogelsang, 123.

Voisin (J.), 212, 439.

Watson, 227.

Westphal, 116, 118, 119.

Wier (Jean), 271

Wildermuth, 240, 250, 253, 254,

256, 260.

Witkowski, 234, 248, 207, 260,

261.

EXPLICATION DES PLANCHES

[PLANCHE PREMIÈRE

Fig. 1. Coupe transversale de la moelle épinière passant par le ren-

flement lombaire d'un lapin sacrifié trois mois après l'élongation du nerf f

sciatique droit, pratiquée avec une force de 4 kilogr. Sclérose ou cordon

postérieur droit, côté de la traction. - Les éléments nerveux du cordon

postérieur, A, sont remplacés par du tissu conjonctif. La corne posté-

fleure, B, est atrophiée. La corne postérieure droite mesure 1 ? 05;

la corne postérieure gauche, 1 mm, 35; le cordon postérieur droit, Im», 95;

le cordon postérieur gauche, 2mm, 40.

Fig. 2. Coupe transversale de la moelle épinière passant par le

renflement lombaire d'un lapin sacrifié 42 jours après la traction du nerf

sciaiique droit, avec une force de 5 kilos. L'inégalité des cordons pos-

térieurs est moins marquée que dans la ligure précédente. Envahisse-

ment du tissu conjonctif qui remplace les éléments nerveux dans le

cordon postélieur atrophié de la traction A. La corne postérieure droite

est diminuée de volume autant que dans la moelle précédente. Va-

coles dans la corne antérieure B. La corne droite postérieure mesure

lmm, 50; la corne postérieure gauche, 1 ? T, s0; le cordon postérieur

droit, L ? t, 05; le cordon postérieur gauche, 1"n", 20.

Fig. 3. Cellule nerveuse en voie de vacuolisation provenant de la

. corne antérieure droite du lenllement lombaire d'un lapin sacrifié 38

jours après une traction du nerf sciatique droit avec une force de 5 kilos.

Fig. 4. - Tubes nerveux indemnes du bout central du uerf sciatique

d'un lapin sacrifié 8 jours après une traction dont la force équivalait à

600 grammes.

Fig. 5. - Coupe transversale passant par le renflement lombaire d'un z

lapin sacrifié 40 jours après la traction du nerf sciatique droit avec une

force de 4 kilos. - Légère diminution de volume de la corne postérieure

droite B, atrophie marquée du cordon postérieur droit A. Les éléments

nerveux sont remplacés par du tissu conjonctif dans tout le faisceau de

Goll et dans la plus grande partie du faisceau de Burdach. Le cordon

postérieur droit mesure 1 ? 05; le cordon postérieur gauche, Imm, 50;

la corne postérieure droite, I)im, 9G; la corne postérieure gauche, Imm, 20.

Fig. G. Coupe transversale passant par le renflement lombaire d'un

lapin sacrifié 20 jours après la traction du nerf sciatique dioit avec une

force de 4 kilos. Amoindrissement notable de la partie lntra-médul-

laire des racines postérieures et du cordon postérieur du côté de la trac-

tion A. Envahissement de ce dernier par le tissu conjonctif comme dans

les figures i et 5. Le cordon postérieur droit mesure 0 ? 09; le cordon

postérieur gauche, 0 ? 20 ; la corne postérieure droite, 1mm, 50 ; la corne

postérieure gauche, 1 ? 55

Fig. 7. Tubes nerveux lesés provenant du bout périphérique du nerf

sciatique d'un lapin sacrifié 43 jours après une traction à la main. La

myéline est en voie de résorption. Prolifération des noyaux de la gaine

de Schwann. Tubes nerveux de formation nouvelle.

t7t EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE Il

Fig. 1. - Circonvolution frontale ascendante droite de Bornic ? Oasm-

V.1TION 11, au niveau du lobule paracentral. Abondants corps granuleux

dans la substance blanche. La partie située tout à fait à gauche ne

contient pas de corps granuleux.

Fig. 2. - Capsule interne, Observation I, côté gauche, les corps gra-

nuleux y sont disposés en deux groupes.

Fig. 3. Capsule interne, Observation II, côté gauche.

A, couche optique. B, noyau lenticulaire. C, corps granuleux

occupant les interstices entre les faisceaux de libres coupées perpendicu-

lairement à leur direction.

EXPLICATION DES PLANCHES. 75

PLANCHE II

Fig, 4. Pédoncule gauche, Observation I.

A, corpo ârauulew - l3, cellules pigmentées du tocusuiger.

Fig, 5. Protubérance coupée par moitié, Observation I.

A, corps granuleux.

Fry. 6. - l4loelle cc.rvicale, OllsntiVATIUNB II.

A, corps granuleux du faisceau pyramidal cruisé. - H, curps granu-

leux aberrants. C, corps granuleux situés dans les processus radicu-

laires autérieurs. - D, corps granuleux du faisceau pyramidal direct.

8rcua. (.il th,I\I : 6 : : 1" , , ..111' - 10Si)