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NEUROLOGIE
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NEUROLOGIE
REVUE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
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PERIMER, GAUTIE7, GÉ'R]-.NTLZ, GILLES DE 1.\ TOl IiETTI, r : 0311ta1 LT, GRASSET,
li[Cil111), JOFFItOY(%.), K : 111C (T.), Kt : I.LCit, Kl.lt a \' \ r. (P.), ICOJEV \ IKOE,
IANDOl Z1', LEGBA\11 DU SAULLE, M U'.NAN, JI111tET, lfaltaR110\ DE MOXTYEL.
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PIRRIILT, PIGNOL, PITRES, POPOFF, Itl6N.%Itl) il'.). REGNAR1) (A.),
inU ! E))(P.), SLGUS, SfiGUiN (E.-C.), SIK.OIISKY, TALAMON, TAUXOWSKY,
TEINTURIER (1 : .), TIIUL1É (H.), TROISIKII (I ! .), vicotiltolix lit.),
wlstv (J.).
Liétlacleto en chef : D0U11NEVII.I.E
Secrétaire de lu rédaction : Cil. 1 H tt
Bi'M ! '<m;<;Mr.LEmtA.
Tome IX. 1885.
Avec 2 planches cl si ti.1115 li, le\le.
PARIS
B U It 1,'j\ tJ.C DU rnocncs MÉDICAL 1.
I i, rue (les Carme*.
1885
Vol. JX. Janvier 1885. N" 25.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE NERVEUSE
COMMOTION DE LA MOELLE éPINIèRE
'ETUDE CLINIQUE ET CRITIQUE
Par les Drs L. DTJMÉNIL, professeur de clinique chirurgicate à l'École
de médecine, et PEfEL, chirurgien en chef de l'hospice général de
Rouen.
L'observation des traumatismes de la colonne verté-
brale a révélé depuis longtemps des faits d'interpréta-
tion difficile, faits dans lesquels des troubles fonction-
nels, quelquefois assez graves pour amener une mort
rapide, ne trouvaient pas leur explication dans des
lésions corrélatives, ou dans lesquels des symptômes en
apparence légers étaient suivis, à distance, de pertur-
bations graves.
Ces faits se sont multipliés à notre époque, avec les
causes capables de les produire, surtout avec les acci-
dents de chemins de fer; et l'on a été jusqu'à en
décrire, comme particulière à ces accidents, une
variété sous le nom de Railway spine. Les auteurs qui
ont le plus sérieusement étudié cette question, entre
Archives, t. IX. i
2 ' PATHOLOGIE NERVEUSE.
autres Erichsen, Page, se sont élevés avec raison
contre cette spécialisation, et se sont attachés à démon-
trer que s'il y avait là une cause plus fréquente et
plus puissante de lésions de la moelle épinière, elle
n'avait rien de spécial, et que tous les genres de trau-
~ matisme pouvaient produire les mêmes effets.
C'est cet ordre de faits qui constitue le terrain sur
lequel on a établi la doctrine de la commotion de la
moelle épinière, dont l'étude est encore fort obscure.
Son existence, admise sans contestation par des
hommes d'une autorité considérable à une époque
déjà éloignée de nous : Boyer, Ch. Bell, A. Cooper,
Abercrombie, Olivier (d'Angers), a été de nos jours
mise en doute par des considérations d'ordre anatomo-
physiologique, et surtout par l'insuffisance des moyens
de recherches d'anatomie pathologique dont dispo-
saient les premiers observateurs. Aussi, quoiqu'elle
ait été maintenue dans le cadre pathologique par la
plupart des auteurs modernes, ce n'est le plus souvent
que par tradition et sans l'appui de faits démonstratifs.
« On peut affirmer, dit Shaw ', que ce qui manque
surtout pour l'intelligence des cas ordinairement
rangés sous le titre de commotion de lamoelleépinière,
c'est un nombre suffisant d'autopsies. »
Nous aurons à examiner si nous ne possédons pas
en réalité des faits probants; mais constatons de suite
que l'étude des maladies de la moelle épinière, si
complètement refaite à notre époque, a conduit la
plupart des pathologistes à faire jouer un rôle impor-
tant à la commotion dans leur étiologie, de telle sorte
1 System of surgery, by Holmes, v. II, p. 378.
COMMOTION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 3
que la question s'est étendue du domaine de la
chirurgie à celui de 'la pathologie médicale. C'est
ainsi que nous pouvons citer les noms de Charcot,
Vulpian, Leyden, Hammond, Jaccoud, W. Gull,
W. Savory, Bergmann, Lockhart Clarke, M. Donnel,
comme rattachant à la commotion des lésions consé-
cutives, telles que : l'ataxie, les amyotrophies.
Cette question a pris une très grande importance, à
notre époque, au point de vue de la médecine légale,
surtout depuis le travail d'Erichsen', dont les opinions
ont été admises par la plupart des pathologistes
anglais : M. Savory 2, Buzzard 3, M. Donnel *. Ce
courant n'a cependant pas été sans contradicteurs et
la doctrine de la commotion a été soumise par Page s
à une critique violente.
Il est certain que les premiers observateurs qui ont
décrit la commotion de la moelle épinière y ont
surtout été conduits par analogie avec la commotion
cérébrale; mais l'étude plus complète de l'anatomie et
de la physiologie des centres nerveux a montré des
différences notables dans les conditions statiques de
l'encéphale et de la moelle. Celle-ci étant entourée par
un espace que remplit le liquide céphalo-rachidien,
fixée au canal osseux par les racines des nerfs et les
ligaments dentelés, maintenue dans l'étui résistant que
lui forme la pie-mère, garantie en outre par les
1 On railway and othe;, injuries of the nervous System, 1866.
2 Effects of injuries of the spinal cord (St. Barlhotomew's Ilospital Rep.,
v. Y, p. 45).
3 On cases of injury from railway accidents (The Lancet, 1867, v. I,
p. 389).
l'lie Lancet 1883, v. II, p. 16.
5 Injuries of the spine and spinal cord, 1883.
le - PATHOLOGIE NERVEUSE.
parties molles extérieures, par les articulations des
vertèbres qui amortissent les chocs, ne paraît pas à
quelques-uns susceptible de ressentir un ébranlement
comme le cerveau. Page attache une grande importance
à ces considérations d'ordre aiiatoriio-I)hysiologique.
Buzzard pense, au contraire, que lorsqu'un choc
arrêtant brusquement le tronc a lieu, la moelle épinière
suit le mouvement acquis dans le canal qu'elle ne
remplit qu'en partie, et peut éprouver par ce fait une
véritable commotion; de sorte que ce qui est pour l'un
un obstacle devient pour l'autre une condition favo-
rable. Les auteurs du Compendium de chirurgie
avaient déjà émis une opinion semblable à celle de
Buzzard; mais au lieu de voir là une véritable commo-
tion, ils n'y trouvaient qu'un tiraillement exercé par
la résistance des racines des nerfs.
Nous n'attachons qu'une importance secondaire à
des considérations de cet ordre, et nous allons chercher,
dans l'examen des faits, des preuves plus convain-
cantes. Mais d'abord nous croyons devoir bien déter-
miner la signification que nous entendons donner à
l'expression de commotion de la moelle épinière. Avec
la plupart des auteurs, nous pensons qu'il n'y a pas
de commotion, en tant que simple ébranlement de
l'organe, sans modification dans sa structure intime,
mais nous ne pouvons admettre la manière de voir de
ceux qui, ainsi que Leyden, rangent sous le nom de
commotion tous les traumatismes dans lesquels le
canal rachidien n'a pas été lésé, quelles que soient les
altérations quesoncontenu a pu subir. Nous yrattachons
les cas seuls où le traumatisme a atteint la moelle,
sans y produire de lésions en foyer, et où les troubles
COMMOTION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 5
fonctionnels immédiats ne sont pas en rapport avec
des altérations de structure apparentes.
Le point capital que les études modernes ont bien
mis en évidence, est l'influence des traumatismes sur
la production de lésions consécutives dont l'importance
dépasse de beaucoup celle des lésions primitives. Un
fait que j'ai observé et que je vais relater démontrera
cette vérité d'une manière plus frappante encore que
ceux qui ont été publiés jusqu'à ce jour. -
Observation. Marquct (Jean-Baptiste), âgé de soixante
ans, chef d'équipe, est apporté à l'Hôtel-Dieu, le 15 février
1881, au moment de la visite.
Il avait fait, la veille, une chute dans un bassin d'une pro-
fondeur de 1 mètre 50, et il était tombé verticalement la tète
la première. Il perdit complètement connaissance, et resta
environ une heure dans cet état.
A son entrée, nous constatons un peu de renversement de
la tète en arrière, mais sans rigidité ; les mouvements de la
tète s'exécutent assez facilement, mais provoquent de la dou-
leur dans le cou. Les membres supérieurs présentent quelques
mouvements d'ensemble, un peu plus étendus à gauche qu'à
droite. A droite, il peut à peine porter la main au niveau du
menton ; à gauche, il l'élève un peu plus, mais sans pouvoir
cependant atteindre le front. Ces mouvements sont exécutés
uniquement par les muscles des épaules, les avant-bras et les
mains n'y participent nullement.
La respiration est diaphragmatique, le côté gauche du tho-
rax est complètement immobile, la base droite du thorax pré-
sente des mouvements bornés d'expansion. La paralysie du
mouvement est complète aux membres inférieurs.
La sensibilité à l'épingle est conservée aux membres supé-
rieurs et à la partie supérieure du tronc jusqu'au niveau de
l'ombilic, suivant une ligne de niveau; elle est complètement
abolie au-dessous de cette ligne et sur toute l'étendue des
membres inférieurs. L'excitation de la plante des pieds avec
l'épingle provoque dans les deux membres inférieurs des mou-
vements réflexes assez étendus.
La déglutition est normale, la respiration et la circulation
6 PATHOLOGIE NERVEUSE.
sont régulières. Le malade perd ses matières fécales sans en
avoir conscience, et en est complètement souillé à son arrivée.
La vessie est distendue, et le cathétérisme donne environ un
litre d'urine limpide, un peu foncée, fortement acide. La
colonne vertébrale ne présente dans les régions lombaire et
dorsale ni déformation , ni douleur à la pression. On constate
une douleur vive au niveau de la sixième cervicale, mais sans
déformation appréciable. L'exploration parle pharynx ne révèle
rien de particulier.
Le malade est placé dans la position horizontale, la tète
reposant sur un petit coussin. Le cathétérisme est renouvelé
le soir.
2° jour. - Les mouvements des membres supérieurs sont
un peu plus étendus, mais toujours bornés aux muscles des
épaules; la respiration est diaphragmatique ; le membre infé-
rieur gauche présente quelques légers mouvements. La sen-
sibilité cutanée a reparu dans une zone de quatre travers de
doigts au-dessous de l'ombilic. Mouvements réflexes, comme
la veille. Rétention d'urine persistante ; urines claires et
acides ; pas d'évacuations alvines. Intelligence nette.
3° jour. -La sensibilité a reparu sur la verge et la moitié
droite du scrotum, mais non sur la moitié gauche. Il y adel'hy-
peresthésie cutanée sur le côté droit du thorax. Les mouvements
sont un peu plus étendus aux membres supérieurs ; du côté
gauche, il peut, avec difficulté, étendre et fléchir l'avant-bras
sur le bras. Du côté droit, ces mouvements font défaut. Il
commence à fléchir très légèrement les pieds et les orteils.
Les muscles adducteurs des cuisses sont contractés au point do
ne permettre que très difficilement l'écartemcnt des membres.
Le malade a pu uriner un peu dans le bassin, et a eu de l'in-
continence ; on retire cependant encore, avec la sonde, une
certaine quantité d'urine qui est neutre ou légèrement acide.
4e jour. Les mouvements sont les mêmes. Il se produit
de temps en temps dans les membres inférieurs des secousses
qui retentissent vers les lombes, et sont surtout appréciables
pendant le cathétérisme. La contracture des adducteurs
signalée la veille persiste. Les mouvements passifs provoquent
de vives douleurs. L'incontinence d'urine continue; mais il
en reste toujours un peu dans la vessie ; elle est neutre et un
peu louche.
Aux membres supérieurs, douleurs spontanées jusqu'au
COMMOTION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 7
poignet à droite, jusqu'au métacarpe à gauche. Sur ces
membres, le toucher avec le doigt et la piqûre à l'épingle, le
pincement, éveillent les sensations normales. La pression sur
les masses musculaires provoque de la douleur des deux côtés.
Sur le thorax, sensibilité normale à la partie supérieure,
hyperesthésie à la partie inférieure. A l'abdomen, hyperes-
thésie cutanée jusqu'au pubis. Sensibilité normale aux organes
génitaux.
Sur la face antérieure de la cuisse et de la jambe droite, la
sensation du toucher existe ; mais le pincement de la peau et
la piqûre ne sont pas perçus. La pression des masses mus-
culaires n'est pas douloureuse, sur la face dorsale du pied, la
piqûre donne la sensation du toucher; anesthésie et analgésie
à la face plantaire. Au membre inférieur gauche le pincement
et la piqûre donnent une simple sensation d'attouchement;
cependant la piqûre est perçue à la face antérieure de la cuisse.
L'application d'un corps froid aux membres supérieurs
donne la sensation normale,; sur le thorax et l'abdomen le
froid et la chaleur ne donnent pas la sensation thermique,
mais le malade accuse une piqûre très douloureuse.
Sur la verge, le froid donne une sensation de chaud ; sur la
cuisse gauche une sensation de froid. La perception des tem-
pératures est très obscure aux jambes et nulle aux pieds.
5° jour. - L'hyperesthésie persiste à la moitié inférieure
du thorax ; le froid est perçu à l'abdomen ; sensibilité au tou-
cher obtuse à la plante des pieds ; la pointe de l'épingle y
donne une sensation de chatouillement. Miction et défécation
involontaires.
7° jour. Les irritations douloureuses sont perçues au
côté externe de la jambe gauche et à la face antérieure des
deux cuisses ; le chatouillement est perçu à la plante des pieds.
Les mouvements sont un peu plus étendus au membre supé-
rieur gauche, persistance de la contracture aux adducteurs des
cuisses, une miction volontaire.
Se jour. Les mouvements de flexion des pieds et d'exten-
sion des orteils sont plus accentués. La perception des tempé-
ratures existe aux membres inférieurs, mais un peu obtuse.
Inertie de la vessie. L'urine fraîche est neutre, mais elle prend
vite la réaction alcaline.
9° jour. Sentiment de pesanteur aux mains et aux jambes
quand il essaie de les soulever. Un peu plus de mobilité dans
8 . PATHOLOGIE NERVEUSE.
la jambe gauche que dans la jambe droite ; du côté gauche,
légère flexion du genou. Persistance des douleurs spontanées
qui ont même augmenté dans le bras droit ; persistance de
l'hyperesthésie au thorax et à l'abdomen ; elle s'est étendue à
la face antérieure des cuisses. Mouvements réflexes très accen-
tués.
10° jour. L'hyperesthésie est un peu diminuée au thorax
et à l'abdomen, elle est très prononcée à la face antérieure de
la cuisse droite, moins à la cuisse gauche. Les mouvements
continuent à s'accentuer dans le membre inférieur gauche.
L'urine fraîche est neutre ; un peu de diarrhée. Eau albu-
mineuse, sous-nitrate de bismuth.
1 le jour. Les douleurs sont plus fortes dans le membre
supérieur droit; elles arrachent par moments des gémissements
au malade, et le privent de sommeil. Les cuisses sont devenues
douloureuses comme les bras. Mouvements de flexion et d'ex-
tension de l'index droits, du pouce et de l'index gauches. La
pression sur la masse des triceps cruraux est douloureuse, sur-
tout à gauche. Il éprouve des douleurs vives quand on passe
le bassin sous les cuisses, mais il n'a pas la sensation du
froid. Urine neutre, les dernières portions un peu troubles.
12e jour. La quantité d'urine rendue dans les vingt-quatre
heures est de deux litres et demi.
13e jour. Trois litres d'urine.
1 fi- jour. Les mouvements volontaires s'accentuent
davantage dans les doigts ; extension légère de l'index et de
l'auriculaire droits. A gauche, les mouvements ont gagné en
étendue dans l'index et l'auriculaire, ils commencent à se
montrer dans le médius, l'annulaire et le pouce ; le malade
redresse un peu la main, mais sans pouvoir l'amener complè-
tement dans l'axe de l'avant-bras. Il existe aussi, de ce côté,
quelques légers mouvements de pronatiou et de supination.
L'avant-bras se fléchit et s'étend sur le bras, mais avec beaucoup
de lenteur et saus force. Du côté droit, le redressement de la
main, la pronation, l'extension de l'avant-bras sont nuls, la
flexion de l'avant-bras peut seule s'exécuter faiblement. Les
mouvements des membres inférieurs continuent à augmenter
d'étendue et de force; le redressement des orteils et la flexion
des pieds sont plus énergiques ; le malade arrive, avec beau-
coup d'efforts, à détacher le talon du lit.
La respiration est toujours exclusivement diaphragmatique-
COMMOTION DE LA. MOELLE ÉPINIÈRE. 9
Les douleurs profondes persistent aux membres supérieurs.
L'hyperesthésie a notablement diminué au thorax, la piqûre
n'y provoque que la sensation à peu près normale, mais
l'application d'un corps froid y est encore assez pénible;
l'hyperesthésie existe encore à l'abdomen, la piqûre et l'appli-
cation d'un corps froid y sont très douloureuses ; il en est de
même sur les cuisses. Aux deux jambes, la piqûre est perçue
d'une manière normale.
La vessie contient une petite quantité d'urine très purulente
et neutre.La totalité'des urines rendues dans les vingt-quatre
heures a dépassé trois litres. Ni sucre, ni albumine.
15° jour. - Pas de sensibilité à la pression sur la colonne
vertébrale, si ce n'est un peu au niveau des deux ou trois pre-
mières dorsales, pas de déformation. La contracture des
adducteurs de la cuisse persiste. Le cathétérisme de la veille
au soir n'a donné que quelques gouttes d'urine purulente.
Quantité des vingt-quatre heures, trois litres. Un peu de
diarrhée.
170 jour. - La diarrhée a cessé. Urine des vingt-quatre
heures, trois litres.
18° jour. Un peu d'extension de l'avant-bras sur le bras;
le malade leva très bien la jambe gauche et tend le genou.
La sensibilité des cuisses est redevenue normale. Aux jambes
le toucher est encore perçu un peu faiblemeut. Le froid est
bien perçu à l'abdomen et aux cuisses, la sensation y est
encore un peu douloureuse. Aux jambes, le froid ne donne
que la sensation du toucher.
Secousses dans les membres inférieurs, avec retentissement
dans les bras ; elles s'accompagnent d'une contraction qui a
pour effet de rapprocher les bras du tronc.
19° jour. - IIyperesthésic des muscles des membres infé-
rieurs, surtout à la cuisse droite. 0 gr. 02 d'extrait thébaïque
le soir.
22e jour. - Moins de douleurs depuis l'administration de
l'opium. Les mouvements gagnent sensiblement en étendue :
il peut élever le bras gauche à la hauteur de la tête, et porte la
main de ce côté à la poignée de la corde de son lit; l'extension
des doigts est complète des deux côtés quoique plus faible à
droite et il peut amener la main dans l'axe de l'avant-bras. Il
commence à exécuter quelques mouvements très lents et très
bornés d'extension de l'avant-bras droit.
10 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Il soulève à une assez grande hauteur le membre inférieur
gauche, mais il ne peut que détacher avec peine le talon droit
du lit.
Disparition presque complète de l'hyperesthésie cutanée,
Encore quelques troubles dans les sensations thermiques ; un
corps chaud appliqué sur le côté droit du thorax donne une
sensation de froid. Un corps chaud ou froid ne donne, à la
face externe des jambes, qu'une sensation de toucher. Il
perçoit encore confusément la piqûre de l'épingle à la face
externe des jambes. L'urine est purulente et alcaline; la quan-
tité des vingt-quatre heures reste à trois litres.
Il sent le besoin de la défécation et fait des efforts pour le
satisfaire.
Il mange deux portions. Acide benzoïque, injection vésicale
d'acide borique au centième.
26e jour. Les urines des vingt-quatre heures ne repré-
sentent plus que deux litres.
299 jour. - L'urine examinée à la sortie de la sonde est
légèrement acide,
33° jour. La sensibilité tactile est à peu près complète-
ment revenue partout. La sensibilité thermique est encore
obtuse aux membres inférieurs.
39° jour. - Urines beaucoup moins troubles. Exploration
électrique au moyen de l'appareil à induction de Gaiffe, avec
les éponges mouillées; appareil gradué au maximum.
Cuisse droite, région antérieure, le courant est senti ; mais il
ne provoque pas de contractions.
Même résultat à la cuisse gauche.
Jambe droite : il sent faiblement le courant à la région
antérieure, le jambier antérieur se contracte, mais faiblement
et pas assez pour imprimer des mouvements au pied ; l'exten-
seur commun ne se contracte pas; la sensibilité est faible à la
région péronière, la contraction des muscles y est assez forte
pour porter le pied dans l'abduction.
- A la région postérieure la sensibilité est plus développée, les
jumeaux se contractent faiblement. L'électrisation du nerf
musculo-cutané ne produit rien de plus que l'électrisation
directe des muscles.
Jambe gauche : La sensibilité électrique est obtuse comme
à droite; la contractilité est très faible dans le jambier
antérieur, nulle dans l'extenseur commun ; i la région péro-
COMMOTION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. il i
nière, même résultat que du côté droit. Contractilité plus déve-
loppée dans les jumeaux.
Membre supérieur droit : à la région antérieure de l'avant-
bras les muscles se contractent assez fortement ; absence de
contractions aux régions thénar, hypothénar et interosseuso.Le
long supinateur se contracte bien. Les muscles de la région
postérieure se contractent peu. Contraction énergique dans le
biceps, assez forte dans le triceps.
Membre supérieur gauche : contractions énergiques aux
régions thénar et hypothénar, faibles dans les interosseux.
Les muscles de la région antérieure de l'avant-bras, le long
supinateur se contractent bien.
46° jour.- La faradisation produit du côté droit des contrac-
tions énergiques dans le vaste interne, plus faibles mais bien
appréciables dans le vaste externe et le droit antérieur. Du côté
gauche, contractions énergiques dans le vaste interne; le vaste
externe se contracte plus fortement qu'à droite, il en est de
même du droit antérieur.
Le jambier antérieur et l'extenseur commun se contractent
énergiquement des deux côtés.
Aux membres supérieurs la contractilité est bien développée
aux régions thénar et hypothénar, interosseuses antérieures, et
postérieures des avant-bras, plus cependant à gauche qu'à
droite.
Pris, la veille, d'une douleur vive en cercle autour du bassin
et de la racine des cuisses, en même temps que de raideur
dans les jambes et de quelques frissons. Température à 39°
hier soir.
Ce matin, persistance de la raideur des jambes ; les mouve-
ments des membres inférieurs provoquent des douleurs dans
le bassin et au haut des cuisses, avec une sensation très grande
de pesanteur.
Le talon droit est, par intervalles, le siège de douleurs lanci-
nantes qui déterminent des contractions involontaires. Les
membres supérieurs ne présentent rien de particulier, sauf un
retentissement douloureux dans le bras droit quand il essaie
de soulever la jambe. La sensation de cercle douloureux
existe, aujourd'hui, au milieu de la région épigastrique.
L'application du froid à la cuisse gauche et à l'abdomen pro-
duit une sensation douloureuse; elle n'est pas perçue à la
12 1-) PATHOLOGIE NERVEUSE.
jambe droite, elle l'est à la cuisse droite et légèrement à la
jambe gauche. Température du matin 31 ? du soir, 36.
49° jour. Diminution très sensible des douleurs. Tempé-
rature du soir 37°,6.
50° jour. Disparition complète des douleurs.
52° jour.- Impossibilité de fléchir complètement les doigts;
douleurs très vives dans les articulations phalangiennes, dans
les mouvements passifs, plus à droite qu'à gauche. L'attitude
de la main est la demi-flexion dans les articulations méta-
carpo-phalangionncs avec extension dans les articulations pha-
langiennes.
53° jour. La veille au soir, retour des douleurs autour du
bassin et de la racine des cuisses avec mouvement fébrile
et frissons. Température à 3cJ°,4..
Ce matin, la raideur des membres inférieurs est plus pro-
noncée, les mouvements plus limités. La pression sur la partie
inférieure de la crête épineuse est douloureuse. Le contact d'un
corps froid est douloureux aux cuisses et sur l'abdomen; les
corps chauds ne provoquent pas la même sensation pénible.
Température du matin, 38°; du soir, 38°,7.
56° jour. La raideur des membres a augmenté et les
mouvements sont encore plus limités, lout en restant un peu
plus étendus à gauche. Le malade ne peut plus soulever les
jambes, ni se servir de ses mains ; il se meut tout d'une pièce.
Il accuse des fourmillements dans les mains. llaperdu l'appétit.
Les urines sont acides, fortement colorées.
72° jour. Sensation de chaleur très pénible dans les par-
ties inférieures du corps à partir de l'hypogastre, les draps du
lit paraissent brûlants. Le malade prend depuis cinq à six
jours un gramme d'iodure de potassium et il croit que cette
sensation de chaleur, qui existait du reste déjà auparavant, a
augmenté depuis ce moment. Deux cautérisations ponctuées
ont été pratiquées, la dernière il y a trois jours.
92° jour. - inouvelle apparition de douleurs, avec sentiment
de constriction autour de la racine des membres inférieurs et
'du bassin. Ces accidents ont débuté vers deux heures du matin
et ont eu leur maximum à quatre heures; ils s'accompa-
gnèrent d'un accès d'oppression très intense ; le malade ne
pouvait respirer et croyait, dit-il, qu'il allait mourir. A huit
heures du matin, la température est à 40°,3, le soir à 38°,3.
COMMOTION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 13
93° jour. Les accidents de la veille ont disparu, le malade
est revenu à son état antérieur ; il y a cependant plus de
raideur dans les membres.
98° jour. Nouvel accès de fièvre avec frissons répétés ; la
sensation de cercle autour du bassin n'existe plus. Tempéra-
ture du matin 39°,1; du soir, 37°,4.
103° jour. Nouvel accès, sans oppression. Le malade ne
peut imprimer le moindre mouvement aux bras ni aux jambes.
Température du soir, 39°,la.
104° jour. - Même état. Dépôt purulent dans l'urine. Ce
liquide, examiné immédiatement à sa sortie de la vessie, est
légèrement alcalin. Température du matin, 390,6; du soir, 40°.
On reprend les injections vésicales de solution borique au
centième.
105° jour. Un corps froid, promené sur la face antérieure
des cuisses, sur l'abdomen et la poitrine détermine de la dou-
leur en même temps que la sensation du froid est perçue.
Température du matin et du soir, 38°, 1.
120° jour. Lé matin, rien de particulier n'avait fixé notre
attention et nous avions pratiqué une série de cautérisations
ponctuées de chaque côté de la crête épineuse. Le soir, dou-
leurs dans toute la région abdominale, les muscles droits sont
fortement contractures et la pression à leur niveau est très
douloureuse. Les bras sont fixés au tronc et le malade pousse
des gémissements lorsqu'on cherche à les porter dans l'abduc-
tion ; il en est de même lorsqu'on cherche à étendre les avant-
bras qui sont dans une demi-flexion. Impossibilité pour le
malade de soulever ses jambes, les mouvements passifs y sont
très douloureux. Sensation de chaleur brûlante à la peau sur
toute la surface du corps. L'injection d'un liquide dans l'esto-
mac détermine une sensation de froid pénible au creux épigas-
trique, et un sentiment de plénitude douloureuse qui persiste
longtemps. Température du soir, 40°,1.
121° jour. Même état, la douleur est très vive au creux
épigastrique. Température, matin, 38°,7; soir, 40',2.
Injection hypodermique do six milligrammes de morphine.
122° jour. Persistance de la contracture ; douleur épigas-
trique moins vive. Température du matin, 40°,IN; du soir, 40°, 1.
Le malade prend, depuis cinq jours,' quatre centigrammes
d'extrait de jusquiame ; la dose est portée à six centi-
grammes.
14 PATHOLOGIE NERVEUSE.
123° jour. Disparition delà contracture dans les muscles
droits de l'abdomen. Même impossibilité d'imprimer des mou-
vements volontaires aux membres inférieurs ; mouvements
très limités aux bras et aux avant-bras, surtout à droite.
L'examen de la contractilité électrique des muscles montre
qu'elle est considérablement diminuée et pour ainsi dire nulle,
excepté à la région postérieure de l'avant-bras où la faradisa-
tion provoque des contractions d'une intensité presque nor-
male. Les douleurs sont moins vives. Température du matin,
38 ? a; du soir, 38°,9.
124° jour. Diminution des douleurs et disparition à peu
près complète de la sensation de chaleur à la peau. Tempéra-
ture du matin, 37°, du soir, 38 ? 1..
125° jour. - Quelques mouvements volontaires dans les
membres supérieurs, surtout à gauche. Température du ma-
tin, 37°,4.; du soir, 370,9.
126° jour. Température du matin, 36°,9 ; du soir, 38°,i.
1271 jour. - Le malade ne souffre plus; mais il conserve
encore un léger sentiment de chaleur dans les viscères abdo-
minaux. Il mangeait trois portions avant ce dernier accès, il
n'en mange pas une actuellement. Température du soir, 37°,3.
128° jour. Température du soir, 2°,8.
129° jour. Frissons à six heures du matin. La sensation
de chaleur vive dans la cavité abdominale a fait place à une
sensation de froid. Température du matin, 40°. Le soir, l'accès
est terminé; température, 37°, 9.
131° jour. Température, soir, 39°,3.
132° jour. Température, soir, 37o,le.
133° jour. - Escharre large comme une pièce de deux
francs sur la crête sacrée.
144° jour. Le malade qui, depuis le dernier accès, n'était
pas revenu à un état aussi calme qu'après les accès précédents,
a été pris, aujourd'hui, à deux heures du soir, d'un nouvel
accès fébrile avec tremblement très accusé des membres supé-
rieurs. Il accuse, à la face postérieure du tronc, une sensation
de froid humide comme s'il était plongé dans de l'eau froide.
A cinq heures et demie, température 38 ? a.
145° jour. - Encore un peu de malaise dans l'après-midi.
Température du soir, 37°,8. 8.
146° jour. -Pris à une heure du soir d'un accès fébrile avec
COMMOTION DE LA. MOELLE ÉPINIÈRE. 15
tremblement violent des membres supérieurs. Douleurs vives
à la face antérieure des bras ; contracture qui maintient les
avant-bras dans la demi-flexion et les applique fortement
contre la base du thorax, sans que le malade puisse les chan-
ger de place. Température, soir, 40°, 1.
147° jour.- Température, soir, 39°.
Les jours suivants, l'escharre s'étend en surface et en pro-
fondeur avec suppuration abondante, il s'en produit une autre
au talon droit et celle-ci gagne le bord externe du pied. On
pratique des lavages phéniqués. Les frissons se renouvellent
plus fréquemment et sont plus forts ; il se manifeste de l'op-
pression.
160° jour. Les points où l'urinoir touche la face inférieure
de la verge et la partie antérieure du scrotum présentent sept
ou huit ulcérations. Escharre en arrière de la tète du péroné
droit. Suppuration très abondante à la région sacrée.
16'a° jour. Les escharres de la région sacrée continuent
leur progrès et on constate la dénudation d'une partie du
sacrum.
165° jour. La voix est complètement éteinte. Le cha-
touillement de la plante des pieds provoque encore des con-
tractions réflexes dans les muscles de la cuisse.
167° jour. - Au moment de la visite, le malade est pris
d'un frisson avec tremblement violent des membres ; il accuse
la sensation d'un froid intense. La température est à 38°,9.
Depuis le 147° jour la température s'était maintenue entre
38°,1 et 39°,8, généralement plus élevée d'un degré environ le
soir.
1680 jour. -Le frisson de la veille, après avoir duré trois
quarts d'heure, cessa pour reparaître à trois reprises. Le
malade est pâle et faible, la voix est complètement éteinte.
Température soir, 36°. Les jours suivants, elle oscille de 36°,9 9
à 38°,3, se tenant généralement à 37° et quelques dixièmes. La
faiblesse augmente et il succombe le 197° jour.
Autopsie le 12 septembre, vingt-quatre heures après la
mort.
L'exploration de la colonne vertébrale par sa partie anté-
rieure, après ouverture des cavités, ne fait reconnaître aucune
anomalie. Les méninges sont saines. La moelle est ferme, un
peu congestionnée à la région cervicale. A la partie supérieure
16 PATHOLOGIE NERVEUSE.
de la région dorsale, la coupe présente une dépression au
niveau de la corne antérieure droite.
Les poumons sont sains ; le coeur petit présente quelques
taches laiteuses ; pas de lésions valvulaires.
Le foie est volumineux, brun clair, d'aspect gras. Les
bronches ne donnent pas la réaction de la matière amyloïde
avec l'iode.
La rate, de volume normal, estdiffluente.
Les reins sont atteints de pyélo-néphrite légère. Les cavités
contiennent plusieurs calculs. La vessie présente les lésions
de la cystite chronique, teinte brune de la muqueuse, colonnes
charnues.
Examen microscopique. Durcissement et préparation de
la moelle. La moelle, coupée par fragments de deux centi-
mètres environ, est mise immédiatement dans l'alcool ordi-
naire. Une partie de la moelle fut laissée dans l'alcool ; une
autre partie, composée de fragments pris dans les différentes
régions, fut, après séjour pendant vingt-quatre heures dans
l'alcool, soumise à l'action de l'acide chromique, suivant le
procédé habituel. Nous eûmes ainsi des portions de moelle
durcie par l'alcool seul les autres par l'alcool et l'acide chro-
mique.
Lps préparations ont été colorées au carmin, éclaircies par
l'essence ds girofle et montées dans le baume de Canada dis-
sous dans le chloroforme.
Outre les lésions que nous décrirons bientôt, et qui existent
aussi bien sur les coupes durcies par l'alcool que sur celles
soumises ensuite à l'action de l'acide chromique, il est un
aspect que nous devons signaler et que nous n'avons constaté
que dans les coupes faites sur la moelle durcie dans l'alcool
exclusivement : nous voulons parler de la présence de nom-
breuses cellules embryonnaires disséminées soit dans la subs-
tance grise soit dans la substance blanche le long des vais-
seaux. Cette légère infiltration embryonnaire fut considérée
tout d'abord comme indiquant un processus inflammatoire; ne
l'ayant pas retrouvée sur les coupes delà même moelle ayant
subi l'action de l'acide chromique, nous nous procurâmes une
moelle saine d'enfant de onze ans et après l'avoir durcie dans
l'alcool exclusivement, nous constatâmes dans cette moelle
ainsi durcie la même infiltration embryonnaire. Cette diffé-
rence d'aspect tient-elle au mode de durcissement ? Cela est
COMMOTION DE LA. MOELLE ÉPINIÈRE. 17
probable; aussi ne faisons-nous que mentionner cette infiltra-
tion embryonnaire sans la considérer dans le cas actuel comme
réellement pathologique.
Lésions constatées. Les lésions suivantes ont été cons-
tatées sur les préparations, quel qu'ait été le mode de durcis-
sement :
1° Région cervicale. -Légère sclérose des cordons latéraux
(faisceau pyramidal croisé). La coupe, examinée par trans-
parence à I'oeil nu, présente en ce point une coloration rosée
plus marquée; avec un faible grossissement (t-0 diamètres),
on reconnaît une vascularisation plus grande de cette région;
quelques vaisseaux, coupés perpendiculairement à leur direc-
tion, permettent de voir leur gaine lymphatique distendue et
contenant quelques leucocytes. Les faisceaux du tissu con-
jonctif y sont plus épais ; ces travées conjonctives présentent
un état grenu particulier qui n'existe pas dans les autres
parties de la substance blanche ; de place en place, au point
d'intersection des faisceaux conjonctifs, existent des cellules
conjonctives de la névroglie (cellules araignées). Les tubes ner-
veux présentent aussi quelques modifications ; plusieurs sont
vides ; sur quelques-uns on constate une tuméfaction du
cylindre-axe.
Les cellules nerveuses de la substance grise sont nombreuses,
présentent pour la plupart leur forme et leurs prolongements
habituels; quelques-unes cependant ne sont qu'incomplète-
ment colorées en rose et présentent une partie jaune, granu-
leuse.
2° Région dorsale. Sclérose du cordon latéral, présentant
les mêmes caractères que dans la région cervicale. Les cellules
nerveuses sont plus altérées; elles sont rares, déformées; plu-
sieurs sont arrondies, granuleuses, sans prolongements, et
complètement jaunes, comme en voie de disparition.
3° Région lombaire. Légère sclérose du cordon latéral ;
les cellules nerveuses grosses, nombreuses, sont saines.
En résumé, les lésions constatées sont les suivantes :
lo Sclérose commençante du faisceau latéral;
2° Dégénération granuleuse des cellules motrices de la subs-
tance grise, surtout dans la région dorsale.
(A suivre.)
Archives, t. )X. 2
is PATHOLOGIE NERVEUSE.
EXPLICATION DE LA PLANCHE I.
FIG. 1. Coupe transversale de la moelle (région dorsale). Schéma
indiquant la région envahie par la sclérose qui occupe le faisceau
pyramidal croisé A des deux côtés.
(Contrairement à l'apparence que donne le dessin dans la région sclé-
rosée les travées conjonctives principales sont plus larges, moins délicates
que dans les autres parties de la substance blanche ; la vascularisation
y est plus grande et se traduit par la présence de nombreux orifices
vasculaires résultant de la section transversale ou oblique des vaisseaux. )
FIG. 2. Un point de la région sclérosée \u avec un grossissement
de 300 diamètres environ (ocul. 2, Nachet. Obj. 3, Verick).
a, a, Tubes nerveux d'inégales grosseurs, dont le cylindre-axe est tantôt
petit, tantôt comme tuméfié.
d, Tubes nerveux vides.
b, Cellule de la névroglie, sans noyau; à prolongements multiples.
c, Substance vaguement fibrillaire et pointillée, interposée entre les
tubes nerveux (sclérose au début) qui se trouvent ainsi plus éloignés les
uns des autres.
FiG. 3. - Cellules de la névroglie dessinées isolément (gross. obj. 7, î,
Verick. Ocul. 2 Nachet).
La plupart de ces cellules sont sans noyau; elles sont nombreuses,
disséminées; situées au point de jonction de deux ou trois faisceaux de tissu
conjonctif, elles présentent des prolongements multiples, déliées leur
présence constitue un des caractères les plus évidents de la lésion du
faisceau pyramidal croisé.
Fi(;. 4.- Celliles nerveuses des cornes antérieures de la substance grise
en voie de dégénération granulo-graisseuse. Le protoplasma de quelques
cellules est jaune, granuleux. Leurs prolongements ont disparu dans
quelques points, il ne reste à la place de la cellule qu'un amas de granu-
lationsjaunâtres.
CLINIQUE NERVEUSE
ÉTUDE SUR UNE AFFECTION NERVEUSE CARACTÉRISÉE PAR
DE L'INCOORDINATION MOTRICE ACCOMPAGNÉE D'ÉCHO-
LALIEI ET DE COPROLALIE2 (Jumping, Lataii, lllrnacax);
Par GILLES DE LA TOURETTE.
Bouteille, qui, à l'âge de quatre-vingts ans, profitant
de l'expérience qu'il avait acquise par de longues années
de pratique, écrivait son Traité de la Chorée , s'écriait
dans son Avant-propos 3 : « Tout est extraordinaire dans
cette maladie : son nom est ridicule, ses symptômes
singuliers, son caractère équivoque, sa cause incon-
nue, son traitement problématique. De graves auteurs
ont douté de son existence, d'autres l'ont crue simulée,
quelques-uns l'ont réputée surnaturelle ». Il est cer-
tain, qu'à l'époque où Bouteille publiait son livre jus-
tement apprécié, les affections nerveuses dans lesquelles
l'incoordination motrice était le symptôme prédominant
se trouvaient fort mal différenciées les unes des autres,
et pour la plupart englobées sous le terme générique de
Chorée danse), qui, à proprement parler, ne pré-
juge guère de la nature de la maladie. Mais, depuis
1 De hU, écho, et \où.û, je parle.
2 De ? o7rooç, ordure, et a),i, je parle. Nous avions choisi, d'abord le
terme de eschrolalie (de xiQ%oô5, indécent, et ),a),w, je parle) ; mais il
nous a semblé préférable d'employer le mot coprolalie, qui, quoique moins
exact, a l'avantage d'être mieux connu.
3 Bouteille. Traité de la chorée, iSI8. Avant-propos.
20 CLINIQUE NERVEUSE.
1818, de grands progrès ont été accomplis et la chorée a
vu tous les jours diminuer son territoire pathologique en
assistant au perfectionnement de la nosographie ner-
veuse. C'est ce que pressentait du reste le vieil auteur
français, lorsqu'il disait' : « Je donne le nom de
pseudo-claorées ou chorées fausses à différentes affections
nerveuses, spasmodiques,convulsives, hystériques, etc.,
qui ne présentent pas les symptômes caractéristiques
de la chorée vraie, et ri ont de ressemblance avec elle
que par des agitations involontaires des différentes par-
ties du corps et par des convulsions grimacières du
visage ». Si, à la suite du travail de Bouteille, on avait
bien voulu tenir compte de la dernière partie de cette
ancienne définition, il est fort probable que l'effon-
drement du groupe des chorées serait encore beau-
coup plus complet qu'il ne l'est aujourd'hui. C'est de
ce complexus que serait sortie la maladie que nous
allons étudier.
Son histoire est brève, si tant est qu'elle existe, car
nousn'en connaissons aucune description au vrai sens
du mot ; elle peut se diviser en deux périodes, toutes
deux de bien minime importance.
En 1825, Itard' publiait une observation qui était
intégralement rapportée par Roth en 1850, et par
Sandras en 1851'. Cette observation que l'on trouvera
1 Bouteille. - Traité de la chorée, 1 SIS, 3e partie, p. 329.
1 Itard. Mémoire sur quelques fonctions involontaires des appareils
de la locomotion, de la préhension et delà voix (Archiv. dézc, dc znéd..18 ? 5,
t. VIII, p. 403.
3 Roth. Histoire de la musculation irrésistible ou de la chorée anor-
male. Paris, 1850.
* Sandras. Traité pratique des maladies nerveuses, t. II, p. 3t.
Paris, 1851.
DE l'incoordination motrice 21
en tète de celles que nous avons recueillies est extrê-
mement concluante et d'autant plus intéressante que
la malade qui en fait l'objet a vécu jusqu'en 1884, et a
été vue par M. le professeur Charcot, qui a contrôlé le
diagnostic rétrospectif. Pas un des trois auteurs pré-
cédents ne songea à la rapprocher de cas similaires, pas
plus qu'à la différencier des autres affections choréi-
formes. Et même, Sandras, le dernier des trois, qui
considère cette observation comme un cas de chorée,
embrouille encore la question en la rapprochant d'un
cas d'aphasie avec hémiplégie droite et hémichorée,
puisqu'il ajoute : « J'en ai observé moi-même un fait
fort remarquable sous plus d'un rapport dont il me
paraît très utile de consigner ici les détails ».
Il faut arriver à Trousseau, pour trouver pour la
première fois une mention, plutôt même qu'une des-
cription très succincte, de l'affection que nous allons
décrire; et encore la place-t-il dans son chapitre inti-
tulé : Des diverses espèces de chorée. Qu'il nous soit per-
mis dès maintenant de citer ce passage de la Clinique
médicale' : « Ces tics sont en quelques cas accompa-
gnés d'un cri, d'un éclat de voix plus ou moins bruyant
très caractéristiques. Et à ce propos, je rappellerai le
fait que j'ai bien des fois raconté d'un de mes anciens
camarades de lycée que j'avais reconnu, à vingt ans
d'intervalle, pendant qu'il marchait derrière moi, à
l'espèce d'aboiement que je lui avais entendu pousser
autrefois alors que nous faisions ensemble nos études.
Ce cri, ce jappement, cet éclat de voix, véritables cho-
rées laryngées ou diaplcrcrmatilzles peuvent constituer
1 Trousseau. Clinique médicale de l'Hilel-Dieil, t. II, Se édit.,
p. 267-268.
22 CLINIQUE NERVEUSE.
tout le tic. Ce sont, non seulementun éclat de voix, un
cri étrange, c'est encore une tendance singulière à ré-
péter toujours le même mot, la même exclamation et
même l'individu profère à haute voix des mots qu'il
voudrait bien retenir. Ces tics sont bien souvent héré-
ditaires ».
Chorées laryngées, chorées diaphragmatiques, l'in-
terprétation fausse touche de trop près une description
qui, nous le verrons, est exacte sur bien des points.
Les observations de Trousseau passèrent inaperçues;
elles furent toutefois reproduites sans commentaires,
en 1879, par Handfield Jones'; mais elles n'inspirèrent
aucunes recherches.
La deuxième période est de date toute récente et
plus féconde que la première, bien que la sanction d'un
travail d'ensemble fasse défaut aux observations éparses
qu'elle comprend. Les auteurs qu'on y rencontre, soit
qu'ils n'aient eu en leur possession que des documents
insuffisants, soit qu'ils n'aient même pas eu qualité-
n'étant pas médecins pour conclure, ont donné des
faits, mais n'ont pas constitué une maladie.
Le premier d'entre eux, Beard (de NewYorlc),pré-
sentait à l'Association neurologique, en 1880, un
mémoire intitulé : ci Les sauteurs du Maine », dans
lequel il rapportait des observations concernant des
individus qui bien évidemment étaient atteints de l'af-
1 H. Jones. -Studies on funrtious of ? tert)0 : M system, 187°.
2 Le mémoire de Beard a été publié dans le x Journal of nervous and
mental diseuses, vol. VII, p. 487 ». Nous en avons donné la traduction
dans le numéro 5 du vol. Il des Archives de Neurologie, 1881, p. 146-150.
Quant à l'assertion de Beard, relativement aux .Malais, et qu'il dit
avoir puisé dans le Gondon médical Record, nous n'avons trouvé dans ce
journal que la mention du premier mémoire de Beard : numéro du
15 août 1878, p. 368.
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 23
fection que nous allons décrire. L'auteur annonçait
en outre, dans sa communication, qu'il existait de
semblables cas parmi les Malais.
C'est ce que nous apprenait en 1883, M. 0. Brien ',
qui, quoique n'étant pas médecin, a bien vu et bien
observé les faits qu'il rapporte dans le Journal de la
Société asiatique.
Enfin, au mois de mars 1884, la Medicina contem-
poranea2, publiait une note de M. Hammond (de New-
York), dans laquelle cet auteur rapportait, d'après le
témoignage d'officiers de la flotte américaine, une
observation concluante quoiqu'incomplète de cette
affection.
Nous avons nous-même, sur les conseils de notre
maître, M. le professeur Charcot, analysé les travaux
des trois précédents auteurs et montré, en juillet 1884',
que le Jumping du Hfaine, le Latah de Malaisie, et le
Myriachit observé par les officiers américains en Sibé-
rie n'étaient qu'une seule et même affection. Nous
donnions en même temps le résumé d'un cas-type que
nous observions alors à la Salpêtrière; à celui-ci nous
en ajouterons aujourd'hui sept autres, qui, joints à ceux
observés par les précédents auteurs, nous fourniront
une base solide pour l'étude d'une maladie dont on a
pu rapporter des observations, mais que l'on n'a pas
encore songé à décrire'.»
1 Journal o/'<AeS/)-a ! 7 ? brandi of the royal Asiatic Society. Singapnre,
juin 1883. Nous devons la communication de ce document à l'obligeance
de M. de Quatrefaôes. 0
2 Hammoiid. - Myriachit. Nuova malattia del systema nervoso. La
llerliciua cou7emporaraen, mars 98;4, p. 126-127.
3 Gilles delà Tourette. Archives de Neurologie, juillet 1884, vol. VIII,
11, 22, p. 68-74. Jumping, Latah, Aly2,iachil.
' Nous ne croons pas qu'il existe d'autres documents importants sur
2t. le CLINIQUE NERVEUSE.
013SLIRVITION' I.
Première partie : Itard : Mémoire sur quelques fonctions involon-
tcziz'es des appareils de lcz locomotiozz, de lu Pz·é7zezzsion et de lcz
voix. (Arch. gén. de médecine 4 S' ? , t. VIII, p. 403.) Deuxième
partie inédite. (Charcol).
111m° de D..., actuellement âgée de vingt-six ans, fut, à l'âge
de sept ans, prise de contractions convulsives dans les muscles
des mains et des bras, qui se manifestaient surtout dans les
moments où cette enfant s'exerçait à écrire, écartaient brus-
quement sa main des caractères qu'elle traçait. Après cet
écart, les mouvements de sa main devenaient de nouveau
réguliers et soumis à la volonté, jusqu'à ce qu'un autre sou-
bresaut interrompit de nouveau le travail de la main. On ne
vit d'abord en cela que de petits tours de vivacité ou d'espiè-
glerie, qui, se repétant de plus en plus, devinrent des sujets
de réprimande et de punition. Mais bientôt, on acquit la certi-
tude que ces mouvements étaient involontaires et convulsifs
et on vit y participer les muscles des épaules, du cou et de la
face. Il en résulta des contorsions et des grimaces extraordi-
naires. La maladie fit encore des progrès, et le spasme s'étant
propagé aux organes de la voix et de la parole, cette jeune
personne fit entendre des cris bizarres et des mots qui n'avaient
aucun sens, mais tout cela sans délire, sans aucun trouble
des facultés mentales. Des mois et des années s'écoulèrent
dans cet état de choses auquel on n'opposa que de faibles
remèdes dans l'espoir des changements favorables que pouvait
apporter la puberté. Cet espoir fut complètement déçu.
MI', de... fut alors envoyée en Suisse auprès d'un médecin qui
s'était spécialement adonné au traitement des maladies ner-
ce sujet. Dans un récent voyage Londres, MM. Broadbent et H. Jachson,
nous ont dit n'avoir jamais observé de semblables cas, ni lu une descrip-
tion de cette maladie. D'autre part, nous a\ons reçu la même réponse de
nombreux médecins de diverses nationalités que nous avons consultés
dans la Section de neurologie du Congrès médical international de Copen-
hague. (Nous ne faisons pas d'exception pour la brochure de M. J. Ar-
mangue yTuset, intitulée Miimasmo o Neto'osio 7n ! t<a ! t<e, qui vient de
paraître à Barcelone, et dans laquelle on ne trouve (sauf quelques
considérations psycho-physioiogiqups) que les documents que nous avions
donnés dans notre lievue Critique des .lrcltoes de Neurologie, juillet 1881).
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 25
veuses qu'il combattait surtout par des bains de petit-lait.
Soit par l'effet de ces bains, soit par l'heureuse influence du
séjour et de la vie des montagnes, la maladie se dissipa presque
complètement; et quand, au bout d'un an, cette demoiselle
quitta la Suisse, elle en revint calme, brillante de fraîcheur,
et sujette seulement à quelques tiraillements visibles, mais
peu fréquents des muscles de la touche et du cou. Elle fut
mariée à cette époque. Mais, le mariage, au lieu de consolider et
d'achever sa guérison comme on l'avait espéré, reproduisit
assez rapidement sa maladie. Il est vrai que Mmo de D...,
n'ayant point eu d'enfant s'est trouvée privée des chances favo-
rables qu'aurait pu lui offrir la révolution physique et morale
ordinairement produite par la maternité. Quoi qu'il en soit,
cette affection convulsive qui, si l'on en excepte dix-huit ou
vingt mois de répit dure depuis dix-huit ans, ne parait pas
devoir s'user par le temps et semble au contraire faire de nou-
veaux progrès. Voici quel est son état actuel : les contractions
spasmodiques sont continuelles, non successives, et séparées
par de courts intervalles de quelques minutes; quelquefois le
repos est plus long, d'autres fois plus court et il en survient
même souvent deux ou trois qui se succèdent sans rémission.
Elles affectent surtout les muscles pronateurs de l'avant-bras,
les extrémités des doigts, les muscles de la face et ceux qui
servent à l'émission et à l'articulation des sons. Parmi les
mouvements continuels et désordonnés qu'amènent ces con-
tractions morbides, ceux imprimés aux organes de la voix et de
la parole sont les seuls dignes de toute notre attention comme
présentant un phénomène des plus rares et constituant une
incommodité des plus désagréables qui prive la personne qui
en est atteinte de toutes les douceurs de la société, car le
trouble qu'elle y porte est en raison du plaisir qu'elle y prend.
Ainsi, au milieu d'une conversation qui l'intéresse le plus
vivement, tout à coup, sans pouvoir s'en empêcher, elle inter-
rompt ce qu'elle dit ou ce qu'elle écoute par des cris bizarres
et par des mots encore plus extraordinaires, et qui fout un con-
traste déplorable avec son aspect et ses manières distingués ; les
mots sont pour la plupart des jurements grossiers, des épi-
thètes obscènes et, ce qui n'est pas moins embarrassant pour
elle et pour les auditeurs, l'expression toute crue d'un jure-
ment ou d'une opinion peu favorable à quelques-unes des
personnes présentes de la société. L'explication qu'elle donne
- 26 CLINIQUE NERVEUSE.
de la préférence que sa langue, dans ses écarts, paraît accorder
à ces expressions inconvenantes est des plus plausibles. C'est
que, plus elles lui paraissent révoltantes par leur grossièreté,
plus elle est tourmentée de la crainte de les proférer et que
cette préoccupation est précisément ce qui les lui met au bout
de la langue quand elle ne peut plus la maîtriser. Du reste,
l'état général de sa santé parait se ressentir fortement de cette
longue affection convulsive, comme le prouvent un amaigrisse-
ment croissant et la pâleur du teint, bien que les fonctions
digestives n'aient pas notablement souffert.
L'influence de la maladie sur l'état du moral est encore plus
sensiblement marquée et l'on observe ici comme dans toutes
les névroses de ce genre excessivement prolongées, une grande
mobilité dans les idées et une légèreté d'esprit et de caractère
qui n'appartiennent qu'à l'extrême jeunesse et qui résistent
aux révolutions de l'âge.
Deuxième partie. M. le professeur Charcot a vu à plu-
sieurs reprises cette malade qui, jusqu'à un âge avancé, avait
conservé son incoordination musculaire et prononçait malgré
elle, même dans les lieux publics, des mots obscènes ainsi que
il. Cliarcot en a été témoin.
En dernière analyse, les journaux politiques ont annoncé
sa mort survenue vers le mois dejuilletouaoùt 1 88 %, et certains
ont offert à leurs lecteurs un régal des mots obscènes qu'elle
prononçait et qui étaient en particulier « merde et foutu
cochon ».
Observation II (Personnelle).
(La première partie a été recueillie par M. Il. chef de
cliniZue de 11. Charcot.)
S. J..., né le lot juillet 1864 au Havre; employé comptable
dans un bureau des ponts et chaussées. Père bien portant ;
la mère a des antécédents tuberculeux. Elle a perdu une fille
de tuberculose pulmonaire ; quatre autres enfants sont morts
jeunes ; trois sont encore bien portants. Il est impossible de
relever d'antécédents nerveux, syphilitiques ou alcooliques
chez les parents qui sont de petits commerçants rangés et
paraissant jouir d'une modeste aisance.
DE 1,'IN COORDINATION MOTRICE. 27
S... n'a jamais été malade pendant son enfance; il élait très
intelligent et remportait tous les prix de sa classe. La dernière
année il a eu le prix d'honneur; à ce moment (juillet 1880)
son professeur remarqua que l'épaule et le bras droits étaient
de temps en temps soulevés par de petits mouvements brusques
et involontaires. Peu de temps après, il entra dans un bureau
et put écrire malgré ces mouvements jusqu'au mois de janvier-
février 1881, époque à laquelle il dut interrompre tout travail.
Les mouvements tendaient à se généraliser; ils avaient envahi
la jambe droite et ce ne fut que vers le mois de juin (1831j
que le côté gauche fut pris à son tour. Vers le mois de janvier
de cette même année était apparu un autre ordre de phéno-
mènes : involontairement et conjointement avec ces mouve-
ment, S... poussait un léger cri d'abord inarticulé, sorte de
he7 ? z ! et de ouah ! émis assez haut pour être parfaitement
entendu par les personnes environnantes.
Il s'en fut consulter M. leDr Gibert (du Havre), qui le soumit
à un régime tonique et à l'hydrothérapie, régime que le
malade suivit très irrégulièrement, de son aveu même, et dont
il ne retira aucune amélioration. Pendant toute la durée
de l'année 1881 et jusqu'en octobre 1882 époque laquelle le
malade entra à l'hospice de la Salpêtrière (salle Bouvier,
service de M. le professeur Charcot), les mouvements ne firent
que s'accroître de môme que des phénomènes phonétiques
particuliers se dessinaient de plus en plus.
A cette époque il présentait l'état suivant : dix-sept ans,
grand, assez maigre, jouissant d'une santé générale excellente,
mangeant bien, dormant bien, ne souffrant pas ; caractère
doux et timide, pouls 82 : léger souffle anémique de base, sans
lésions, le malade n'ayant du reste jamais eu de rhumatismes.
Sans incitation appréciable, S. exécute une série de mouvements
tout particuliers, localisés et généralisés, se produisant tantôt
d'un seul côté du corps, tantôt des deux côtés à la fois. Ces
mouvements sont rapides : à la tête ils occupent les muscles
du front, épicràniens, du pavillon de l'oreille, de la commis-
sure de la bouche qui est rapidement tirée en haut et en de-
hors ; le malade exécute une série de grimaces auxquelles ni
les yeux ni la langue ne prennent aucune part. A ces grimaces
s'associent le plus souvent des mouvements très rapides de
balancement et d'élévation des bras, de même que simultané-
ment les jambes, surtout la droite, se fléchissent et se redres-
28 CLINIQUE NERVEUSE.
sent alternativement, le pied droit venant frapper le sol avec
force. Au moment de l'acmé de cet ensemble de mouvements bi-
zarres S... pousse un crirauque et inarticulé. Ces phénomènes
se reproduisent parfois très fréquemment; une émotion les
ramène : le sommeil, qui est très bon, les fait cesser complète-
ment. Il ne se passe jamais un jour ni même une demi-heure
sans qu'ils ne se montrent : ils ne gênent l'alimenta.tion qu'en
ce que, le verre ou la fourchette, s'ils sont saisis au moment
d'unesecousse, sont quelquefois projetés brusquement en dehors
de leur destination primitive.
Peu de temps après son entrée à l'hôpital et grâce à un exa-
men suivi et plus approfondi, on s'aperçut bientôt d'un phéno-
mène tout à fait caractéristique. Le cri que poussait S... prenait
dans certaines circonstances un caractère tout spécial ; en
effet, bien que le oiiahl ouala ! existât toujours, le malade se
faisait maintenant l'écho fidèle des paroles et même des phrases
brèves qu'il entendait prononcer : « Voilà M. Charcot ».
« Charcot » répétait-il immédiatement, en exagérant ses mou-
vements habituels. Et il ajoutait : a Ah ! voilà M. Charcot,
M. Charcot, M. Charcot »; le tout accompagné de grimaces et
de contorsions. En dehors de ces sortes de suggestions nomi-
nales pour ainsi dire, traduites à haute voix et sans que le
malade pût s'en empêcher, il existait des suggestions idéalises
qu'il traduisait de la même façon. Un jour S .. entendit le di-
recteur de l'hospice dire à une concierge qu'elle ne veillait pas
suffisamment à son service : aussitôt, tout en faisant des contor-
sions, il répéta tout haut : «Ah, la vache, ne fait pas son service,
son service... »
Nous insistons sur cette dénomination ordurière, car chez
S... ce caractère ordurier du mot ou de la phrase qui accom-
pagnent le geste est constant. Lorsque le malade n'a pas été
frappé par un mot, par un fait qu'il peut traduire par le lan-
gage, il accompagne souvent ses contorsions du mot merde; et
cela, devant n'importe quel auditoire. De même il exprime une
idée ordinaire d'une façon ordurière : M. X... rentre dans la
salle : «Ah 1 le voilà ce vieux c... de père X ? ce vieux c... : »-le e
tout prononcérapidement et devant une personne pour laquelle
il doit avoir et il a le plus grand respect. Une dame rentre dans
la salle : « Ah la vache : je la... elle doit avoir, etc. » : deux ou
trois phrases courtes, et on ne peut plus ordurières, dites avec
un accompagnement exagéré de tics et de contorsions, remuant
DE L INCOORDINATION MOTRICE 29
les bras, se relevant et s'abaissant à plusieurs reprises, levant
les épaules, renversant la tête en arrière et de côté. Ces paroles
sont tellement involontaires qu'il lui arrive de les prononcer
devant sa mère qu'il affectionne beaucoup et qu'il fut un jour
de sortie obligé de s'en aller d'un restaurant où il scandalisait
les habitués par ses paroles lubriques prononcées avec force.
Ajoutons que les gestes ne présentaient rien d'ordurier. S...
était encore forcé d'imiter par ses gestes, de même qu'il imitait
en répétant les mots qu'il entendait dire, mais dans des cir-
constances peut-ctreplus limitées. S... était dans la cour de
l'infirmerie delà Salpêtrière : X... venait vers lui : « Ah ! ali !
X ? X... merde, merde », disait S... en levant les bras en
l'air et les abaissant alternativement et levant en même temps
assez haut la jambe droite. Puis les mouvements s'arrêtaient
ou même s'ils ne s'étaient pas montrés, X... et bien d'autres
qui s'en faisaient un j eu répétaient les gestes ordinaires et des
paroles, alors la force d'imitation était telle chez celui-ci qu'en
levant les bras et la jambe droite il trébuchait et tombait par
terre; toutefois sans se faire mal.
Vers le mois de mai-juin, S... fit à l'hospice connaissance d'une
personne avec laquelle il entra en correspondance régulière. A.
partir de ce moment, l'état que nous avons décrit s'aggrava
devant les entraves que l'on mit à cette liaison. Auparavant,
quelquefois il avait assez d'empire sur lui-même pour ne pas
prononcer ses mots orduriers habituels : dès lors, gestes et
mots furent faits et prononcés avec un luxe et une fréquence
inaccoutumés.
Sur ces entrefaites et devant l'inefficacité d'un traitement
très irrégulièrement suivi, le malade fut rendu à sa famille le
1 Il juillet 1883. Il revint au Havre dans cet état, éprouvant un
chagrin tel qu'à plusieurs reprises il songea à quitter la maison
paternelle pour revenir à Paris. Jusqu'à la fin de 1883, aucune
amélioration ne se montra : peu à peu cependant vers le mois
de janvier 1881 survint une certaine sédation; insensiblement,
ces phénomènes portés à leur acmé s'amendèrent et voici l'état
dans lequel nous trouvons S... le 15 juillet 1885., au Havre
dans sa famille, état dont nous complétons l'exposé au moyen
des documents particuliers que son père et sa mère nous four-
nissent en son absence.
S... a insensiblement perdu l'habitude de prononcer des mots
orduriers, mais il est encore écholalique; si on l'appelle dans
30 CLINIQUE NERVEUSE.
la rue, il ne manque que rarement de répéter son propre nom.
Les grands mouvements désordonnés ont également disparu :
il n'existe plus que des mouvements limités du membre supé-
rieur droit dans son ensemble : les orbiculaires des deux yeux
rentrent également en action rapide, enfin, ce qui n'avait pas
été noté pendant son séjour à l'hôpital, la langue est de temps
en temps projetée au dehors et à plusieurs reprises. Toutes les
émotions agissent très vivement sur lui : il saule, dit sa mère,
quand on l'appelle, et, bien que l'amélioration soit considérable
il n'a encore pu reprendre son emploi. L'état général est excel-
lent ; l'intelligence nette et vive : S... a contracté quelques
habitudes de paresse et flâne en attendant sa guérison défini-
tive.
Depuis qu'il est au Havre il n'a fait aucun traitement et
attribue son amélioration au grand chagrin qu'il a éprouvé
pendant plusieurs mois : il ne parle encore de la Salpêtrière
qu'en termes très bons et très affectueux pour les personnes
qui lui ont donné des soins et pour lesquelles, nous dit-il avec
sincérité, il conservera la plus grande reconnaissance. Il
n'existe chez lui aucun trouble de sensibilité : le coeur est sain ;
le champ visuel est normal.
Observation III (Personnelle).
G. D..., quinze ans, se présente en février 188t à la
consultation particulière de M. le prof. Charcot, qui prescrit
un traitement électrothérapique à suivre à l'hospice de la
Salpêtrière, où il nous est donné de l'observer. Il est né au
Havre, où habitent ses parents.
Le père et la mère, que nous voyons à différentes reprises,
sont bien portants : le père n'accuse aucun antécédent parti-
culier ; la mère est une enfant naturelle et n'a pas connu son
père ; elle-même n'était pas encore mariée lorsqu'elle était
enceinte de G...; elle eut, dit-elle, une grossesse ordinaire, mais
qui s'accompagna d'un état mental particulier, causé par le
désir de régulariser une situation, qui devint normale avant la
fin de la grossesse. L'enfant vint à terme, et, dans les années
suivantes, la mère eut deux filles et un garçon, qui sont au-
jourd'hui très bien portants.
G... a toujours été élevé avec tout le confort désirable : son
DE L'INCOORDINATION MOTRICE 31
père est armateur et possède une fortune qui le met à mémo
de faire donner à son enfant tous les soins désirables. Celui-ci
est normalement conformé et n'a pas eu de maladies d'enfance.
A dater de l'âge de huit ans, les parents remarquèrent que son
caractère devenait très impressionnable. Vers l'âge de neuf ans,
G... fut vivement grondé pour s'être oublié en classe dans son
pantalon, ce dont il éprouva une grande peine. Quelque
temps après, il vit un homme s'enfuir par-dessus le mur du
jardin attenant à la maison paternelle, et ressentit une grande
frayeur. A partir de ce moment, la mère remarqua que son
enfant exécutait fréquemment des mouvements inusités et
particuliers, consistant en mouvements rapides de flexion et
d'extension de la tète et du cou. Bientôt après, ces secousses
se généralisèrent : les muscles de la face exécutèrent des gri-
maces variées; il existait des mouvements des bras, d'élévation
alternative des épaules. Subitementl'enfant courait, se mettait
à genoux, se relevait et exécutait des contorsions variées.
Tous ces mouvements disparaissaient pendant le sommeil.
La croissance se faisait régulièrement, bien que l'enfant restât
toujours un peu petit, quoique issu de parents d'assez haute
stature. La santé générale était très bonne.
Vers l'âge de onze ans, G... fut soumis à un régime to-
nique : il prit deux douches par jour, et fit de la gymnas-
tique médicale. Sous l'influence de ce traitement il survint
une grande amélioration : les tics s'affaiblirent, sans toutefois
disparaître complètement. Cette accalmie dura un an , et
les contorsions reparurent de plus belle.
Au commencement de l'année 1883, apparut une série toute
nouvelle de phénomènes. En même temps que survenait une
contorsion, G... se mettait à prononcer le mot : merde, avec
force. Les parents crurent à un symptôme passager, mais ils
furent fort étonnés et très désagréablement surpris lorsque,dans
les périodes les plus accentuées de la maladie, au mot de merde
s'ajouta celui de couillon. Merde, couilton, prononcés sèchement
et vite, accompagnèrent désormais les plus fortes manifestations
de mouvements.
A partir de ce moment, tous les traitements, tous les médi-
caments, sont mis en usage, mais infructueusement. « L'af-
fection écrit le Dr Lafaurie (du Havre) a résisté chez lui à
tous les moyens de traitement, soit médicamenteux, soit hygié-
niques, le séjour à la campagne, où l'enfant a passé huit mois
32 CLINIQUE NERVEUSE.
consécutifs, a paru avoir d'abord un heureux effet, mais ce
moyen, comme l'hydrothérapie , comme la gymnastique,
comme le bromure de potassium et autres sédatifs du système
nerveux... tout a échoué (23 février 1881.).»
C'est à cette dernière époque qu'il vient à la consultation de
M. Charcot avec sa mère. Nous n'insisterons plus sur les con-
torsions que nous avons décrites, sur la bonne santé générale
de l'enfant qui grandit beaucoup en ce moment, et est parfai-
ment conformé : il nous faut appeler l'attention sur un autre
symptôme. Pendant l'examen , le mot de Charcot, vient
frapper son oreille, aussitôt il répète : Charcot en faisant une
contorsion ; celle-ci est quelquefois assez atténuée ; la mère
nous apprend alors que, vers l'époque où l'enfant commença
à prononcer son mot ordurier, il devint également écholalique,
se mettant, sans rime ni raison, à répéter un mot, une fin de
phrase.
Ces mots, G... est incapable de s'empêcher de les prononcer,
ce qui fait que, bien qu'il demeure près de l'hôpital, il ne peut
venir seul prendre le traitement électrothérapique : il s'est
arrêté un jour devant des enfants de son âge qui jouaient aux
billes, et ceux-ci, impatientés par les : merde et couillon
qu'il prononçait, et qu'ils prenaient pour des insultes à eux
adressées, l'eussent corrigé si l'on n'était intervenu. La dame
chez laquelle il est en pension, nous confie qu'elle vient tou-
jours à pied à l'hospice ; car, dans un omnibus, l'enfant a
provoqué une fois un véritable scandale. Il est inutile de dire
que toutes les objurgations ont échoué,
Pendant les mois de mars, avril, G..., qui prend des dou-
ches, vient à l'électrothérapie (électricité statique), suit un
régime tonique, ne présente aucune amélioration. Cependant,
vers le milieu de mai, une sédation semble se produire : les
mouvements sont moins fréquents, moins accentués : le mot
ordurier est moins souvent prononcé. Il devient possible de
faire travailler un peu (3 h. par jour) G..., dont l'instruction
a été fort négligée, par suite de sa maladie, et qui passe son
temps à lire des récits de voyages. L'état général est satisfai-
sant, l'intelligence vive : de temps en temps, surviennent à la
face quelques petites poussées d'eczéma qui disparaissent faci-
lement.
Le 2N juillet,nous revoyons G..., quisuit toujours exactement
son traitement : il se plaint d'être plus énervé depuis quinze
jours. Le mot merde, qu'il ne proiio, venu :
il le dit pendant qu'il lit et sans cause a le, 'il continue
à répéter -symptôme qui n'était jamais dispj"M3a"tm d'une
phrase ou un mot qui l'a frappé. Il s'ennuie beaucoup et voudrait
bien retourner au Havre. L'état général est toujours très satis-
faisant. Ajoutons qu'il n'a jamais existé chez lui aucun trouble
de la sensibilité et que l'examen du fond de l'oeil et du champ
visuel n'a révélé rien de particulier.
26 juillet. G... nous raconte qu'il y a environ trois mois,
il eut une angine qui dura trois ou quatre jours; pendant
cette affection, qui s'accompagna de fièvre, les mouvements
furent beaucoup moins intenses et beaucoup moins fré-
quents. Aujourd'hui, et depuis quinze jours, il est dans une
période d'éuervement : à tous propos, il a des secousses muscu-
laires et répète tout haut tous les mots qui caractérisent l'idée
qui le domine au moment même.
Pendant le mois de septembre 188'N, les parents ramenè-
rent l'enfant au Havre. Celui-ci paraît ne pas s'être mal trouvé
de ce changement d'existence. Lorsque nous le voyons en
octobre, il présente encore des tics fréquents dans la face et
une certaine tendance à l'écholalie; mais il se trouve beaucoup
mieux et nous demande avec insistance quand il pourra
retourner dans sa famille. De temps en temps, il prononce
encore le mot merde. Etat stationnaire, fin novembre 1884.
Observation IV (Personnelle),
Ch..., vingt-quatre ans, natif d'Evreux, ville qu'il a toujours
habitée jusqu'au mois d'août 1883, se présente en mai t8rt'a à
la consultation externe de M. le professeur Charcot, hospice
de la Salpêtrière. '
Son père est mort, dit-il, d'une fièvre typhoïde, sa mère est
bien portante ainsi que ses deux frères. Ch... jouit d'une
bonne santé générale, est de haute taille, intelligent et exer-
çait la profession de clerc d'huissier : il ne présente aucun
trouble de sensibilité, le champ visuel est normal; les or-
ganes génitaux sont bien conformés et fonctionnent normale-
ment. A l'âge de six ans il a eu la rougeole; à treize ans la
fièvre muqueuse.
Dès l'âge de huit à neuf ans, sans cause appréciable, sont
3t CLINIQUE NERVEUSE.
survenus des mouvements involontaires dans les muscles de
la face, du tronc et des membres, mouvements qui n'ont fait
que s'accroître et devenir plus fréquents d'année en année
pour acquérir leur summum en 1880. Vers cette même époque
le malade s'est aperçu qu'en écoutant un discours, une confé-
rence il était poussé par le besoin presque irrésistible de 2épé-
ter un mot, un bout de phrase qui l'avait frappé davantage. Il
lui fallait toute sa contention d'esprit et un vif désir de respec-
ter les convenances pour ne pas répéter ce mot tout haut ; tou-
tefois il s'est aperçu à différentes reprises que plusieurs des per-
sonnes qui l'environnaient avaient parfaitement entendu. Il lui
est arrivé, lorsqu'il lisait, d'être poussé par le besoin irrésistible
de prononcer ce mot, cette phrase qui attirait toute son atten-
tion ; et, comme il était seul, il se laissait aller à satisfaire ce
besoin de répétition. De plus, nous dit-il, toutes les facultés de
l'intelligence étaient pour le moment absorbées chez lui, par
ce mot, cette phrase qui alors s'emparaient de toute sa pensée
à un point tel' qu'ils lui faisaient perdre le fil du discours ou de
la conversation. Le mot entendu ou qui en lisant l'avait frappé
avait de la tendance à revenir sur ses lèvres, à être répété à
intervalles variables, mais toujours au moment juste où à la
fin d'une des contorsions si particulières qui le tourmentaient
et dont nous allons parler.
Ces mouvements involontaires qui chez lui existent depuis
si longtemps, puisque leur début semble remonter à l'âge de
huit à neuf ans, sont irrégulièrement généralisés ou localisés ;
ils surviennent à intervalles très rapprochés, toutes les deux,
trois minutes, et ne cessent que pendant le sommeil qui est
très bon. Ils augmentent d'intensité et de fréquence lorsque le
temps est orageux, lorsque le malade se trouve en compagnie
de certaines personnes qu'il n'a pas l'habitude de voir ; ils di-
minuent au contraire lorsque l'attention est fixée avec beau-
coup de force sur un point particulier, pour revenir toutefois
un instant après avec plus d'intensité et s'accompagner du
mot qui représente l'idée qui a fixé son attention. Lorsque le
malade est debout et marche, ce sont des séries composées de
deux ou trois sauts sur place accompagnés de mouvements
alternatifs d'abaissement et d'élévation des deux épaules. Les
bras remuent, les doigts s'ouvrent et se ferment. Les mouve-
ments qui se passent dans les muscles de la tête et de la face
sont très caractéristiques ; la tête s'incline brusquement vers
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 35
l'une ou l'autre des épaules; en même temps, l'une des com-
missures est tirée en haut et en dehors ; la bouche s'ouvre
toute grande ; lorsquelle se referme, on entend les dents des
deux mâchoires s'entre-choquer violemment. Assez souvent la
langue se trouvant interposée est brusquement saisie et la-
cérée ; elle est du reste toute couturée de cicatrices : une fois
entr'autres un morceau fut nettement sectionné et détaché; il
reste encore à sa face inférieure une plaie de un centimètre de
largeur et assez profonde
Jusqu'en 1880, ces secousses musculaires permirent encore
au malade de copier et de rédiger des actes d'huissier, il pou-
vait écrire et dessiner. Mais durant toute cette année les con-
torsions furent si violentes qu'il dut interrompre son occupa-
tion ordinaire, dans l'impossibilité presqu'absolue où il était
d'écrire. Son maintien particulier ne lui permettait en outre
pas de rester dans une étude où se présentaient beaucoup de
personnes, bien que toutefois ses gestes n'eussent rien d'in-
décent et qu'il ne prononçât jamais de mois orduriers. En 1881, il
put reprendre ses occupations; cependant, depuis deux mois
(mars 1884) il a été obligé de les suspendre à nouveau; il
écrit de travers, fait des pâtés. Il oublie de porter des actes à
domicile par ce fait que lorsque son attention est attirée sur
un point, il est tellement absorbé par cette idée nouvelle
qu'il oublie tout ce qu'il a à faire. Lorsqu'il doit porter un
acte il peut se contenir et ne pas faire de mouvements pen-
dant le temps nécessaire pour remettre le papier dont il est
chargé; mais après qu'il l'a remis les mouvements s'exagèrent,
il répète le mot qu'il a en tète ; il y a là une sorte de détente
exagérée.
Le malade, qui est très intelligent et analyse très bien ses
sensations, n'a pas remarqué qu'un bruit soudain, une surprise
exagérassent momentanément son état; il n'a jamais éprouvé
le besoin irrésistible d'exécuter l'acte qu'il voyait faire à
autrui.
Nous le voyons à différentes reprises, car il vient trois fois
par semaine à la Salpêtrière prendre un bain d'électricité
statique, mais son état ne semble pas s'améliorer, car au 24
juillet, depuis plus de trois semaines, il n'est pas venu à l'hô-
pital.
26 juillet. Ch... revient à l'Electro thérapie. Interrogé sur la
fièvre muqueuse dont il a souffert à l'âge de treize ans et qui
36 CLINIQUE NERVEUSE.
a duré environ quinze jours autant qu'il s'en souvient, il nous
dit ne pas se rappeler si, pendant cette période, les mouvements
qui étaient alors beaucoup moins intenses et beaucoup moins
fréquents qu'aujourd'hui, se sont atténués. 11 a cru remar-
quer cependant, qu'à plusieurs reprises, ayant eu de légères
affections fébriles, ces mouvements se seraient amendés pen-
dant leur durée.
Observation V (Personnelle).
Ch...,quatorze ans, né en août 1870 au Havre qu'il a toujours
habité. Il ne semble pas y avoir d'antécédents héréditaires
dans la lignée du père qui, après avoir tenu une maison d'épi-
cerie, est aujourd'hui rentier. Les grands parents maternels ne
présentaient rien de particulier. La mère, grande, blonde, apa-
thique, perdit en 1868 un enfant d'une affection aiguë qui
dura seulement quatre ou cinq jours. Elle en éprouva un vio-
lent chagrin, et peu à peu devint démente. Pendant près de
deux ans elle eut une folie douce, avait la monomanie des
fleurs, jouait à la petite fille, etc. Elle s'est rétablie peu à peu.
L'enfant qu'elle mit au monde en 1878) quoique assez
chétif pendant les premières années, n'a jamais fait de maladies
sérieuses. De bonne heure on lui fit prendre des leçons de
gymnastique à laquelle il ne tarda 'pas à s'adonner avec
passion.
En 1878 les parents s'aperçurent qu'il faisait des grimaces ;
il avait une série de tics de la face auxquels on ne fit pas at-
tention tout d'abord. Peu à peu, ces mouvements incoordonnés
se généralisèrent, ils envahirent les bras, les jambes des deux
côtés, l'enfant faisait des contorsions bizarres, pliait les ge-
noux, sautait sur place.
Quelquefois il ouvrait et fermait la bouche avec assez de
force et de précipation pour que la lèvre inférieure fut mordue
jusqu'au sang.
Tous les traitements furent essayés et échouèrent; en 1883
les parents vinrent consulter M. Charcot. Nous voyons Ch... au
Havre. le 12 juillet 188t. C'est un enfant assez grand pour son
âge, pâle et anémique, qui reproduit très bien la physionomie
de sa mère. Il est intelligent et répond très nettement à toutes
nos questions. Jamais, parait-il, il n'a poussé de cris, ni dit
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 37
pendant ses contorsions de mots orduriers. Pendant que nous
l'examinons, il cligne des yeux en même temps que le bras
droit se porte à plusieurs reprises rapidement en pronation.
Ces mouvements ont du reste beaucoup diminué, surtout en
intensité.
L'examen du coeur et des autres viscères ne nous révèle
rien de particulier ; la sensibilité générale et spéciale est con-
servée.
Observation VI (Personnelle).
J. L..., onze ans, né en 1873. Grand'mère maternelle migrai-
neuse ; le père, qui est magistrat, est migraineux ; la mère est
un peu nerveuse et très impressionnable, elle a fait une
fausse couche et a un autre garçon et une fille plus jeunes que
nous voyons et qui sont bien portants.
J..., nous dit le père, a toujours été nerveux, c'est un enfant
doux ordinairement, mais très impressionnable et qu'une
impression fâcheuse, une punition par exemple, émeut très
fort. Les parents sont venus habiter le Havre au mois de mai
de 1879, il y a cinq ans. '
Une année ou deux après leur changement de domicile (ils
habitaient alors la Vendée), l'enfant commença à faire quelques
grimaces ; celles-ci ne tardèrent pas à s'exagérer et les se-
cousses envahirent tous les muscles. Il y eut des périodes
d'excitation telles que le sommeil qui, généralement était
bon, en fût troublé et que le malade au milieu de ses mou-
vements incoordonnés poussait des nula ! oula ! ouh ! stridents.
Un de ses mouvements les plus ordinaires consistait à se
relever vivement en criant ozcla ! comme s'il avait eu à ramasser
quelque chose.
A plusieurs reprises l'enfant, chez lequel tous les traitements
avaient échoué, fut envoyé à la campagne et isolé. Une amé-
lioration notable se fit toujours sentir pendant ces séjours.
Dernièrement, il fut, sur les conseils de M. le D Gibert,
envoyé aux environs de Rouen, chez son grand-père, où nous
le voyons le 20 juillet l881.
C'est un enfant bien développé, normalement conformé,
intelligent, chez lequel toutes les fonctions générales s'accom-
plissent parfaitement : il est peu avancé au point de vue des
3S CLINIQUE NERVEUSE.
études que ses nombreux séjours à la campagne l'ont forcé de
négliger.
Pendant que nous lui parlons, la face est animée de petits
tics convulsifs. Les yeux se ferment, les commissures sont
tirées en dehors, la tête s'incline de temps à autre sur l'une
ou l'autre épaule. -
Tous les organes, y compris le coeur, sont sains ; pas de
troubles de sensibilité. Son institutrice nous apprend qu'en
jouant et au milieu d'une contorsion, il répète souvent son
ouh habituel ; mais elle n'a pas remarqué qu'il répétât les
mots qu'il entendait prononcer , ni des mots orduriers.
27 juillet. -L'enfant eut une angine couenneuse pendant
l'automne de 1882, à la suite de laquelle survint une para-
lysie diphtéritique du voile du palais. « La mère, nous écrit-
on, croit se rappeler que, pendant la période aiguë de la
maladie, les mouvements, s'ils n'ont pas cessé, se sont du
moins produits d'une façon moins accentuée, plus rares et
plus faibles. » « Pour moi, dit le père, je me souviens aussi
comme elle, qu'à la fin, les mouvements existaient assez peu
prononcés, et, nous avons même espéré qu'il en serait débar-
rassé à la suite de l'expulsion d'un gros ver rendu dans une
selle à cette époque. Il est vrai que, pendant quelque temps,
nous attribuions à son affection nerveuse le défaut de pronon-
ciation qui ne provenait que de la paralysie du voile du palais ;
mais cette paralysie finit elle-même par produire un tic nou-
veau, qui ne dura pas bien longtemps; il faisait, en commen-
çant certaines phrases, comme une bouillie des mots qu'il
prononçait. Je crois qu'il imitait ce qu'il avait fait par l'effet
de la paralysie. Du reste, le premier tic marqué que nous
ayions observé chez lui il y a bien six ou sept ans, un cli-
gnement d'yeux, il l'avait emprunté à un enfant que nous
voyions souvent en Vendée, et j'entends ici tous les jours dans
la rue les « ou, ou, ou » qu'il faisait il y a trois mois et dont
il n'est pas encore tout à fait débarrassé. »
Au mois d'octobre 1884., le père amène son enfant en consul-
tation chez M. Charcot, qui confirme le diagnostic. Etant
donné l'état relativement favorable du sujet, qui n'a plus que
quelques tics généralisés, M. Charcot conseille le retour à
la ville et la reprise des occupations intellectuelles sans
fatigue.
DE L INCOORDINATION MOTRICE. 39
Observation VII (Personnelle).
M. E..., vingt et un ans, dessinateur mécanicien, né le
13 avril 1863 à Paris. La mère est de Paris, le père de la
Bourgogne. Grands parents paternels : morts jeunes, d'acci-
dents ( ? ). Grands parents maternels : morts dans un âge avancé.
La soeur de la grand'mère maternelle aurait eu la chorée ou
une affection analogue ( ? ). Père tonnelier, non alcoolique,
très impressionnable, très vif de caractère ; mère non ner-
veuse, asthmatique ; une soeur qui, depuis cinq ans, aurait la
même affection que le malade.
Pas de maladies d'enfance : n'aurait eu que tout jeune un
petit abcès derrière l'oreille droite, peut-être d'origine stru-
meuse ( ? ).
Bonne mémoire, intelligent, bien développé ; rien au coeur,
un varicocèle à gauche depuis quatre ou cinq ans ; pas de
syphilis ni d'alcoolisme. N'a rien remarqué au point de vue
nerveux jusqu'en 1870.
Pendant le siège de Paris, une bombe est venue éclater
auprès de lui et a tué un de ses camarades en en blessant un
autre ; il a éprouvé une grande frayeur ; est resté quelques
minutes sans pouvoir parler, les bras agités de tremblement.
Il est resté quelques mois sans faire de grimaces ; puis, vers
1871-72, il a commencé à cligner des yeux. Peu à peu, sont
survenues des contorsions de tout le corps. Il changeait involon-
tairement de pas en marchant, bien que les mouvements
fussent relativement modérés. Ses mouvements étaient variés,
changeaient de forme.
Pendant toute cette période, qui s'étend de 1870 jusqu'au
26 juillet 1889., le malade a eu, tous les trois ou quatre mois,
des migraines avec un point douloureux au niveau du sourcil
droit ou gauche, spécialement ce dernier. Il est resté ainsi
agité jusqu'en novembre 1883, époque à laquelle il com-
mença à être traité à la Salpètrière au moyen de l'électricité
statique.
En mars t 88 , un mieux sensible se montra : les mouve-
ments devinrent moins brusques et moins fréquents ; du
reste, dès 1878, les mouvements des bras et des jambes avaient
déjà disparu : le malade n'avait plus qu'un tic, qui consistait
40 CLINIQUE NERVEUSE.
dans un clignement d'yeux très fréquent, accompagné de con-
torsions des deux sterno-mastoïdiens qui inclinaient la tète
surtout du côté droit. C'est ce tic qui s'est beaucoup amélioré.
Il semble au malade que tous les quarante ou quarante-cinq
ours, il y a des périodes d'aggravation qui durent dix ou
quinze jours. La santé générale est du reste parfaite ; le ma-
lade dort très bien ; il sait cependant dire, le matin en se
réveillant, si la journée sera bonne ou mauvaise. Il sent du
reste très bien lorsqu'un mouvement va venir; il peut le
retarder par un effort de volonté, mais il ne peut l'éviter. Il a
remarqué quelquefois que, dans la journée, il survenait dans
l'un ou l'autre des sterno-mastoïdiens, une contracture passa-
gère, qui néanmoins pouvait durer deux heures, légère, mais
qu'il pouvait apprécier avec les doigts. Le sterno-mastoïdien
du côté gauche se contracte environ trois fois plus souvent
que celui du côté droit, et porte par conséquent la tète à
droite; cependant les contractions des deux côtés sont assez
rapidement alternantes pour que la tête subisse une rotation
double qui la porte alternativement, et d'une façon soudaine,
vers l'une ou l'autre épaule.
A tous ces symptômes, il en joint un de tout spécial et qui
nous a incité à prendre son observation. En entrant dans la
salle d'électrisation, nous passons derrière lui et nous le
frôlons légèrement ; aussitôt il fait sur son tabouret un saut
extraordinaire qui fait rire tous les assistants. Il nous dit, à ce
sujet, qu'il est extrêmement impressionnable et quele moindre
attouchement, lorsqu'il n'est pas prévenu, le fait bondir sur
place.
Le malade n'a pu être suivi depuis, car il est parti soldat :
le grand désir qu'il avait de l'être l'ayant fait user d'un
stratagème pour être pris lors du conseil de révision.
Observation VIII (Inédite).
Communiquée par M. le professeur A. Pitres (de Bordeaux).
1\1"e X..., âgée de quinze ans, a fait à l'établissement hydro-
thérapique de Longchamps, à Bordeaux, un séjour de plusieurs
mois pendant l'hiver de 1883 pour y être traitée d'accidents
choréiformes convulsifs accompagnés de l'émission brusque et
involontaire de mots grossiers ou obscènes.
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 4 t
M"°X... est fort intelligente; elle apprend facilement les
leçons que lui donne son institutrice; elle joue bien du piano.
Elle est grande et forte. Elle n'est pas réglée.
Sa mère n'a jamais eu d'accidents nerveux. Son père a un
tic convulsif non douloureux de la face. Elle a une tante
bizarre, presque aliénée, qui vit isolée et est sujette à des
crises nerveuses, à de la boulimie et quelquefois à des périodes
de tristesse pendant lesquelles elle refuse absolument de
parler.
A l'âge de neuf ans, M"° X... a commencé a avoir dans les
membres et la face des tics choréiformes, des secousses irréâu-
lières et brusques. En même temps il lui arrivait souvent de
proférer vivement quelques paroles banales ou grossières. Après
quelques mois, les accidents disparurent. Mais un an plus tard,
ils se montrèrent de nouveau. Les secousses convulsives repa-
rurent, d'abord dans les épaules, puis dans les bras, puis dans
la figure. A ce moment elles commencèrent à s'accompagner
de bruits gutturaux indistincts. A l'âge de treize ans, ces
bruits devinrent des sons nettement articulés. Le plus souvent,
la malade disait alors : « 17a-t-en, va-1-eie, imbécile ». Un peu
plus tard l'émission des mots devint plus fréquente, plus nette
encore et les mots furent empruntés au vocabulaire le plus
grossier, le plus ordurier. Cet état a persisté à peu près sans
modifications jusqu'à présent.
1'le X... appartient à une famille qui est dans une position
très élevée. Son éducation a été excellente. Elle n'a jamais
quitté sa mère qui l'a entourée de la surveillance la plus
tendre et la plus continue. On se demande où et comment
elle a pu apprendre les mots qu'elleprononce : « nom de Dieu-,
foutre, merde», etc. Jamais, dans les moments de calme, elle n'a
employé une de ces expressions grossières.
Quand Aille X... est en présence d'une personne dont la vue
l'intimide, elle peut, à force de volonté, étouffer les sons et
empêcher, en serrant convulsivement les lèvres, qu'on puisse
comprendre les paroles qu'elle prononce. On n'entend alors
qu'une sorte degrognement indistinct. Il parait qu'aussitôt après
qu'elle se trouve libre elle profère avec une abondance inac-
coutumée les paroles grossières qui font partie de son vocabu-
laire habituel. Jamais les mots ne sont prononcés sans qu'il y
ait en même temps une série de secousses convulsives des
muscles de la face, des épaules et du tronc. Mais assez souvent
42 CLINIQUE NERVEUSE. DE L'INCOORDINATION MOTRICE.
les secousses convulsives ont lieu sans qu'aucune parole soit
articulée et nous avons vu que d'autres fois les mots pouvaient
être étouffés et rendus incompréhensibles par un effort intense
de volonté.
Pendant le sommeil, les mouvements spasmodiques cessent
complètement, et il n'y a jamais de paroles involontairement
proférées.
Pas de troubles appréciables de la sensibilité, pas de parésie
des membres.
M. le professeur Pitres nous écrit, en outre, à la date du
27 octobre : « M"° de M... n'a pas, parait-il, présenté nette-
ment les phénomènes de l'écholalie. Il est vrai qu'on ne l'a
jamais recherchée en prononçant à haute voix devant elle les
mots grossiers qui lui sont familiers. Tout au contraire, la
mère de la malade avait cherché à substituer à ces mots des
expressions indifférentes, des exclamations banales. Pour cela
elle avait ordonné à l'institutrice de s'écrier, plusieurs fois par
jour devant sa fille : «Ah mon Dieu ! » ou « Maman » L'institu-
trice a rempli consciencieusement sa tâche, mais la malade ne
répéta pas les exclamations qu'elle entendait pousser devant
elle.
« Un seul fait observé par l'institutrice parait se rapporter à
l'écholalie. Un soir de l'année 1883, pendant que M"° X... so
déshabillait pour se coucher, un chien vint aboyer sous les
fenêtres de sa chambre. Aussitôt elle commença à imiter invo-
lontairement les aboiements de ce chien, et jusqu'à une heure
du matin elle ne put s'endormir, parce que à chaque, instant
tout son corps était agité de secousses musculaires accompa-
gnées d'aboiements bruyants, tout à fait semblables à ceux
qu'avait poussés le chien. Autre renseignement assez curieux :
M"° X... avait une tendance assez marquée à imiter les gestes
ou à prendre les attitudes bizarres dont la vue l'avait frappée.
Un jour que son institutrice la promenait dans une foire, elle
vit un Gargantua en carton, dont la bouche s'ouvrait et se fer-
mait avec un mouvement régulier, engouffrant tout ce qu'on
lui présentait. L'enfant regarda un moment ce spectacle avec
étonnement, et pendant tout le reste de la promenade elle ne
cessa d'ouvrir et de fermer involontairement la bouche comme
elle l'avait vu faire au Gargantua.» » (A suivre.)
THÉRAPEUTIQUE
DE L'EMPLOI DU CURARE DANS LE TRAITEMENT
DE L'ÉPILEPSIE;
Par BOURNEVILLE et P. BRICON.
Nous n'avons pas à nous occuper ici de l'action physiolo-
gique du curare si bien étudiée par de nombreux auteurs,
surtout par Claude Bernard' d'abord et ensuite par M. Vul-
pian 2 ; ces recherches sont classiques, et, quoiqu'il règne
encore quelque obscurité sur le mécanisme de l'action phy-
siologique du curare, nous ne saurions tirer à cet égard de
nos études personnelles aucune donnée nouvelle.
Il nous semblait, dès l'abord, peu rationnel d'utiliser dans
le traitement de l'épilepsie un médicament qui, physiologi-
quement, sauf une légère excitation initiale, reste sans action
sur les centres nerveux et sur le système nerveux sensitif, et
qui, en abolissant les mouvements volontaires, ne saurait
agir que sur l'effet et non sur la cause de l'épilepsie. Nous
connaissions les observations anciennes et leur lecture ne nous
avait pas inspiré l'idée de traiter nos malades par le curare.
Nous ne nous sommes décidés à l'expérimenter qu'après avoir
lu les nouvelles observations publiées récemment par plu-
sieurs médecins étrangers, qui prétendent avoir obtenu du
curare des résultats satisfaisants et le préconisent dans le
traitement de l'épilepsie.
Nous ne nous dissimulons pas que, pour préciser d'une
manière tout à fait exacte l'action du curare, nous aurions dû
pousser la curarisation jusqu'à l'affaiblissement des mouve-
ments respiratoires, ou tout au moins jusqu'à l'affaiblissement
' Oaude Bernant. .eyon. ! ! <;' /M e d ! <<f : )tCM<o.rtMM e< n;e-
1 Claucie Bei-tiar(l. - Leçons sur les effets des substances toxiques et naé-
dicamenteuses; Paris, IS57, ive-26" leçon (7 mai-13 juin 1856), p. 239-393.
2 Vulpian. - Leçons sur l'action physiologique des stibsta21ces toxiques
et médicamenteuses ; t. ler, 1er fascic., Paris, 1881, 4°-8e leçon, p. 193-423.
4 4 THÉRAPEUTIQUE.
général des autres muscles. Sous ce rapport, nos recherches
ne sont donc pas concluantes, mais de tous les auteurs qui
ont vanté l'action du curare dans le mal comitial, aucun ne
l'a employé, que nous sachions, à la dose limite, et, dans
l'espèce, la crainte d'accidents possibles, pouvant se produire
lors d'un accès éclatant au milieu de la curarisation presque
complète, nous a empêché de dépasser les doses employées
par nos prédécesseurs.
Nous pouvons ajouter que nous comprenions peu comment
ce médicament, dont l'élimination est si rapide quand il est
administré par la voie hypodermique, pût avoir une action
quelque peu prolongée sur les accès d'épilepsie.
Nous n'insisterons pas davantage sur ces considérations
générales qui indiquent suffisamment la confiance relative que
nous avions dans le traitement de l'épilepsie par le curare, et,
après avoir fait l'historique de l'emploi du curare dans l'épi-
lepsie, nous donnerons les résultats que nous avons obtenus
à Bicêtre. ·
I. HISTORIQUE.
Thiercelin ' aurait, le premier, publié deux observations
d'épileptiques traités par le curare {méthode endermique), chez
lesquels le nombre et l'intensité des accès diminuèrent, mais
dont l'amélioration disparut avec la cessation du traitement ;
ces épileptiques avaient été soumis auparavant à diverses
médications sans aucun succès.
Observation 1.- Epilepsie congénitale héréditaire. Jeune homme
de vingt-huit ans, affecté d'une épilepsie congénitale héréditaire,
a passé quatre ans à l'hospice de Charenton. Considéré comme
incurable, il avait cessé de recevoir des soins médicaux depuis
deux ans. Ses accès variaient entre quinze et vingt par mois,
dont une partie n'était que des vertiges, et les autres, en plus
grand nombre de haut mal. -
Observation Il. Epilepsie; début à neuf uns par des vertiges;
accès d'abord nocturnes. Jeune fille de dix-sept ans, épileptique
depuis huit ans. Les crises, à l'état de vertiges pendant un an, ont
ensuite pris le caractère du haut mal, mais seulement nocturnes
i Thiercelin. Académie des sciences et Gazette médicale de Paris,
février 1861.
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. t5
pendant deux ans. Depuis cinq ans, ces accès venaient le jour et
la nuit, et étaient caractérisés par des convulsions violentes, des
cris aigus, le râle guttural, l'écume à la bouche, etc. Leur nombre
est de vingt-huit à vingt-neuf par mois depuis un an.
Sous l'influence du curare, administré à doses variant entre
3 à 5 centigrammes par jour, au moyen d'un vésicatoire en
pleine suppuration, M. Thiercelin a vu, dans l'espace de deux
mois (décembre 1859 et janvier 1860), les accès diminuer, de
manière que chez l'un on n'en a compté que cinq au lieu de
quinze ou vingt, et chez l'autre huit au lieu de vingt-huit
ou vingt-neuf dans le dernier mois. La gravité des convul-
sions s'est amendée aussi d'une manière très notable, et l'état
général s'est sensiblement amélioré. Ainsi l'appétit a aug-
menté en ramenant les forces et J'embonpoint. A l'irritabilité
nerveuse, si grande habituellement chez ces malades, ont
succédé un calme intellectuel et une bonne humeur constante
faisant présager un retour prochain à une santé parfaite.
Cette amélioration donnait de grandes espérances, quand,
malheureusement, au bout du deuxième mois, la provision de
curare était épuisée. La contre-épreuve se produisit alors
rapidement chez les deux malades. Les accès revinrent dans
le mois suivant (février) à leur ancienne fréquence ou à peu
près : à savoir, quinze par mois pour l'un, et pour l'autre
vingt-quatre.
Ayant obtenu un nouvel échantillon de I gr. 50 de curare,
M. Thiercelin recommença l'administration chez la jeune fille
seulement, l'exiguïté de la provision ne permettant pas de
mener les deux traitements de front.
Dans l'espace de dix jours, la jeune malade reçut sur un
vésicatoire du bras 50 centigr., soit 5 centigr. par jour en une
seule dose. Pendant ces dix jours, trois crises seulement
revinrent la nuit, et avec peu de convulsions. Amélioration
manifeste.
Le onzième jour, le médicament manque ; il survint trois
accès dans la nuit suivante. Les convulsions ont repris une
certaine intensité. Le douzième jour, M. Thiercelin remet
aux parents 1 gr. du médicament, divisé en quatorze paquets,
et devant être administrés en quatorze jours. Chaque paquet
devait suffire à trois pansements.
Dimanche 1 1 novembre, le deuxième paquet a été employé,
et, pendant ces douze derniers jours, on n'a eu à constater
46 G thérapeutique.
.que deux accès nocturnes, d'une durée au-dessous de la
moyenne et de peu d'intensité.
En résumé, ces deux malades ont été soumis au traitement
par le curare pendant un temps trop court pour pouvoir
affirmer que la diminution de leurs accès fut sous la dépen-
dance de l'administration de ce médicament. Ces observations
sont, du reste, incomplètes, et l'absence de tableaux d'accès
durant la période de traitement ne permet aucune comparai-
son avec les époques correspondantes des années précédentes.
M. Seliivardi rapporte des observations inédites du D Pe-
rini (de Milan) ; celui-ci a aussi employé le curare dans quatre
cas d'épilepsie (un en 1864, deux en 1865, un en 1866). Nous
en donnons le résumé :
Observation 111. - Jeune homme de vingt-cinq ans. Accès
fréquents et violents. Début causé par la vue d'accès épilep-
tiques ; traité sans succès par la valériane et l'atropine. Aura : :
sensation de piqûre dans la région dorsale. Vésicatoire au lieu
de l'aura, saupoudré de un demi centigramme de cérat. Traite-
ment : un peu plus d'un mois. Guérison. Mort l'année sui-
vante de tuberculose pulmonaire. Pas d'autopsie.
Cette observation est incomplète et peu concluante en ce
sens que l'on voit très souvent les accès diminuer, à mesure
que se développe la tuberculose.
Obsi'rvation IV. Femme de trente-sept ans, aurait eu, en
1843, une encéphalite très grave (' ? ). Premier accès en 1865
sans cause connue; traitée sans succès par la valériane, l'atropine,
etc. Aura : Sensation de chatouillement le long de la colonne
vertébrale. Application de vésicatoires au point de départ de
l'aura (dernières vertèbres cervicales), saupoudrés de poudre de
curare. - Durée du traitement. : deux mois. - Amélioration lente
et progressive, puis guérison.
Observation V. Jeune fille de dix-huit ans, accidents convul-
sifs à la suite de chagrins d'amour, puis accès épileptiques. Aura
épigastrique. Même traitement que pour la précédente. Guérison
en deux mois.
Observation VI. Enfant de douze ans. Antécédents épilep-
tiques héréditaires. Paraplégie faciale rhumatismale suivie d'ac-
1 Schivardi. La meclicuzione iporlcrncica, 4° édition. Milan, 1879,p. 199.
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 47
ces épileptiques. Vésicatoire à la nuque saupoudré de curare.
Traitement de quatre mois. Guérison.
Ces trois dernières observations sont encore moins con-
cluantes que la première, et, à notre avis, on ne saurait préco-
niser un traitement sur de tels faits; ce sont des notes à con-
sulter personnellement et non à publier.
Le 26 janvier 18G'a, M. Benedikt communique à la Société
des médecins viennois le résultat de ses recherches sur l'emploi
thérapeutique du curare '. Dès cette époque, il rapportait avoir
traité quinze épileptiques au moyen des injections hypoder-
miques de curare. Voici le résumé des quatre cas que M. Bene-
dikt a relatés avec quelques détails :
Observation VII. Le premier concerne un enfant de douze
ans, atteint depuis quatre a cinq années d'accès momentanés de
perte de connaissance avec roulement desyeux;ii était, depuis
Pâques de l'année 1863, sujet à des accès épileptiques qui reve-
naient au moins une fois chaque semaine, il fut mis en traitement
au commencement d'août et durant les deux mois de traitement
par le curare, les accès ne reparurent plus.
Observation VIII. Dans un autre cas, les accès se répétaient
tous lestrois jours; pendant le traitement, qui dura quatre mois, les
accès ne revinrent que deux fois seulement et furent remplacés,
les jours où auparavant ils avaient l'habitude d'éclater, par des
frissons, de l'abattement, etc.
Observation IX. Dans un troisième cas où les accès venaient
presque tous les deux jours, les accès n'apparurent pendant le
traitement que une à trois fois par mois ; ils étaient plus faibles.
Observation X. Dans un quatrième cas où l'on notait des
vertiges quotidiens et presque chaque jour des accès ordinaires
d'épilepsie, ces derniers devinrent très rares.
Les injections furent faites, dans tous les cas, trois fois par
semaine ; les doses varièrent de l/t5 à 1/10 de grain 2.
En 1866 3, M. Benedikt publiait un second mémoire ; cette
nouvelle série se composait en général d'épileptiques peu favo-
rables, car ils étaient malades depuis un temps déjà assez long.
1 Wiener 7 ? ze(liziiiische Presse. 29 janvier 1865, 110 5, p. 118.
2 Le grain autrichien équivaut à 73 milligrammes.
3 Wiener niediziitische Presse. 12 et t9 août. n"5 33-39, p. 79, 91, 806.
Positive Restiltate zur Curare Thérapie.
1,8 thérapeutique.
OBSERYATfox\).Ftach(lïermann), vingt ans; début probable
en 183'3 à la suite d'un coup sur la tête ; pas d'hérédité, vertiges
fréquents et accès; développement intellectuel peu prononcé; à
l'hôpital, on nota des accès avec perte de connaissance sans
secousses, suivis ordinairement de somnolence persistant parfois
pendant huit heures.
Après un accès à l'hôpital, on observa des troubles intellectuels
et une espèce de perle de connaissance. Comme prodromele ma-
lade accusait une sensation de chaleur qui lui montait à la tête,
parfois précédée d'une forte oppression. En six mois d'observa-
tion il eut environ un accès par mois.
La réaction des nerfs moteurs était normale. Le 3 novembre
1861, on commença le traitement par le curare (injection sous-
cutanée de un huitième de grain, trois fois par semaine). Le ma-
lade eut pendant les quatorze premiers jours deux faibles ver-
tiges et le traitement fut continué jusqu'à la fin de janvier 186-3.
Du 19 novembre 1864, au commcncemenlde l'année 1866, il n'eut
plus d'accès.
« Ce cas, ajoute M. Benedikt, est du plus haut intérêt parce
qu'il nous montre l'influence du curare sur les symptômes
psychiques de l'épilepsie. Je dois ici faire remarquer que dans
beaucoup de cas, au début du traitement, on observe des accès
où les symptômes convulsifs restent les mêmes, mais où les
troubles psychiques l'ont déjà défaut, quoiqu'ils aient été aupa-
ravant des plus prononcés. »
Observation XII. Steinschutz (Johann), douze ans, fils de
paysan. Pas d'antécédents héréditaires ; depuis quatre ans, vertiges
presque momentanés; le malade perd complètement connais-
sance, roule les yeux et reprend la conversation ou son tra-
vail sans avoir conscience de l'intermède pathologique. Ces ver-
tiges se répétaient plusieurs fois le jour. A Pâques de l'année 1863
eut lieu le premier accès d'épilepsie à la suite d'une lecture d'his-
toire de revenants. Il en eut sept jusqu'au 19 août l 863 : alors le
malade fut mis en observation, l'accès durait un quart d'heure,
précédé (un quart d'heure à une demi-heure) d'un accès de petit
mal. Le dernier accès survint quatre jours avant le début du trai-
tement. La réaction du système nerveux moteur par la recherche
galvanique et faradique était très augmentée. Le malade fut pen-
dant huit mois (du 19 août 1863 au 17 mars 1864) traité comme le
précédent etn'eutplus d'accès ni de petit ni de haut mal, et jus-
qu'à présent (commencement de juin 1866) ils ne sont pas revenus.
Après sept semaines de traitement, on trouva du sucre dans
l'urine.
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 49
Observation XIH.Sehro]Ienberger(Joseph), dix-sept ans, hor-
loger, a eu à neuf mois à la suite d'une peur et à six ans après
une chute, un accès d'épilepsie. L'enfant n'a pas d'antécédents
héréditaires; il est intelligent; il y a deux semaines, il eut
de nouveaux accidents convulsifs ; il eut chaque jour, durant six
jours, deux ou trois accès débutant par une sensation de pression
montant de l'abdomen, suivis de l'abolition de la parole, de la
perte de connaissance et de secousses généralisées. Les accès
duraient de trois à cinq minutes et ne laissaient après eux aucun
symptôme. Le traitement, commencé le 29 septembre, fut con-
tinué durant quelques semaines. Les accès cessèrent de suite et ne
reparurent plus'.
Observation XIV. - Altar (Isak), épileptique depuis quatre ans ;
accès nocturnes se répétant dans les derniers temps touslestrente-
deux jours. Quoique le résultat obtenu par le traitement n'ait pas
persisté, M. Benedick dit devoir rapporter ce cas, parce que ce ma-
lade est, jusqu'à présent, celui qui est resté le plus longtemps en
observation ; il fut soumis au traitement du 8 août au 26 décem-
bre 1864. Le malade était sujet dans l'intervalle de ses accès a
des suffocations. L'origine de la maladie est attribuée à des
chagrins, etc. Les accès étaient nocturnes. Des injections de 1/16 à
1/4 de grain lui furent faites quatre fois par semaine. Les accès
perdirent leur type. Dans les deux premiers mois il n'y eut aucun
accès, mais à l'époque où avait coutume de venir l'accès, le ma-
lade ressentait un malaise général et des frissonnements. Dans les
trois mois suivants il y eut un accès, à la suite duquel il resta
pendant un jour assoupi. Plus tard, un autre accès fut suivi de
tremblement de la main droite; dans l'année 1863, il eut cinq
accès au lieu de douze; en 1866, jusqu'en juillet, cinq accès; de
sorte que le malade avait à cette époque à peu près le même
nombre d'accès qu'avant le traitement.
Depuis le premier traitement, il avait été soumis, à deux
reprises différentes à des injections de curare. Les accès de suffo-
cation avaient disparu. Dans ce cas, la présence de sucre dans les
urines fut aussi constatée après plusieurs semaines de traitement.
La contractilité électro-musculaire, normale au début du traite-
ment, diminua passagèrement pendant la durée de celui-ci.
« Ces observations montrent indubitablement, dit M. Bene-
dikt, que le curare possède non seulement une action spécifique
sur la diathèse motrice de l'épilepsie, mais encore sur la dia-
thèse psychique. De nombreux insuccès dans les cas invétérés
' M. Benedickt nous apprend que ce malade a été observé par lui
pendant six années et qu'il n'a pas eu de rechute.
Archives, t. IX. 4
50 thérapeutique.
démontrent qu'il n'est aucun remède sûr pour tous les cas. De
nombreuses expériences me font l'impression, je ne veux pas
dire me démontrent, que ce remède arrête le développement
de la maladie dans les cas récents, idiopathiques, concernant
'des jeunes sujets. »
M. Benedikt faisait des injections trois fois par semaine
durant six à huit semaines ; il suspendait alors le traitement
s'il n'y avait plus d'accès, enfin il le reprenait dès qu'il y avait
rechute. Il se servait du curare du commerce.
Les injections étaient faites au cou, elles restaient doulou-
reuses pendant plusieurs heures chez les personnes sensibles
et donnaient lieu parfois à de petites indurations'.
Enfin, le 3 février 1871 2, M. Benedikt faisait une dernière
communication à la Société médicale de Vienne sur le Traitement
des convulsions par le curare. Il s'agissait d'une malade qui souf-
rait trois mois avant le traitement d'accès decardialgie, auxquels
s'ajoutèrent plus tard des phénomènes congestifs du côté de la
tête et des accès de suffocation. Les narcotiques et les prépara-
tions métalliques restèrent sans effet. On nota encore chez
elle du spasme dans les gros vaisseaux, des pâleurs, des fris-
sons, des fourmillements, des convulsions d'abord localisées
aux orteils et aux doigts de la moitié droite du corps ; celles-ci
se généralisèrent et s'accompagnèrent de délire ; elles de-
vinrent de plus en plus fréquentes malgré l'usage du bromure
de potassium (deux scrupules en deux doses par jour) et dispa-
rurent par l'usage du curare dans l'intervalle de trois jours
(deux injections en tout).
Le curare s'est montré sans action dans certaines formes
d'épilepsie ; l'épilepsie gyratoire, par exemple, et dans un cas
d'épilepsie symptomatique d'une lésion traumatique de la
cuisse.
Mandt 3, en opposition à ces succès partiels, a fait connaître
un cas dans lequel les injections de curare furent employées
pendant quatre mois sans le moindre effet. Il s'agissait d'une
1 Dans une let;re que nous a adressée M. Benedikt, en 1883, celui-ci
fait observer qu'il filtre maintenant chaque fois la solution jusqu'à ce
qu'elle devienne claire et jaune, et que depuis ce temps la réaction
locale est nulle ou au moins très rare.
2 Wiener med. Presse, 19 février 1871, n° 8, p. 196.
à Mandt. Die Wirkung des Curare bei Epilepsie(6Vieaernaed. Pnesse,
ne 17, 1866).
DU CURARE DANS L'ÉPILEPS1E. 51
femme de vingt-deux ans à qui on injecta au bras et à la nuque
dix gouttes d'une solution à 1 : 120 tous les deux jours pen-
dant le premier mois, ensuite tous les jours les autres mois.
Au lieu de la piqûre, il se faisait une petite induration.
MM. A. Voisin et H. Liouville', en 1865, ont fait à Bicétre
des recherches physiologiques et thérapeutiques sur le curare.
Nous laisserons de côté la partie physiologique de leur travail
pour ne nous occuper que du mode d'administration et de
l'action thérapeutique du curare dans l'épilepsie. A tous les
autres modes d'administration ces auteurs préfèrent la méthode
hypodermique. ,
« Le vrai moyen disent-ils, pour avoir des résultats rapides et
presque prévus à courte échéance et la plus utile voie pour pou-
voir parer de suite par la ligature, avec une bande roulée, à un
accident, est l'injection sous-cutanée dans les membres avec les
précautions qu'elle exige.
« Les malades que nous avons traités avec le curare sont tous
des épileptiques placés dans le service de l'un de nous à l'hospice
de Bicétre. Leur affection nous a paru d'autant mieux se prêter à
celte médication qu'elle est, d'une part, regardée comme le plus
souvent incurable, et que, d'autre part, elle est une de ces ma-
ladies que l'on dit avoir été traitée avec succès par le curare dans
les contrées où on le prépare. De plus, cette médication curarique
a déjà fait à Paris et à Vienne, dans les mains de MM. Thiercelin
et Benedikt, l'objet de recherches malheureusement restées in-
complètes par la privation du médicament, et peu certaines, peu
concluantes par le défaut d'une dosologie établie d'une façon plus
fixe. »
Douze malades adultes ou âgés de plus de quinze ans ont
été mis en traitement presque tous au commencement d'août.
Au début, les doses étaient de 2/10 de milligrammes; comme
elles ne produisaient aucun effet appréciable, elles ont été
portées successivement à 60-70 milligr. A partir de là,
MM. Liouville et Voisin ont procédé par augmentation de
5 milligr., puis d'un centigr., et sont arrivés à administrer en
injections sous-cutanées 8 centigr., 38 centigr. par la voie
endermique et 40 centigr. par les voies rectale et buccale.
MM. A. Voisin et Liouville ne semblent pas avoir retiré de
grands avantages de la médication par le curare, ainsi qu'il
résulte du passage suivant de leur brochure :
' A. Voisin et Il. Liouville. Etudes sur le curare. Paris, 1866.
52 THÉRAPEUTIQUE. DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE.
« Pour ce qui touche les résultats défini tifs de l'emploi du curare
contre l'épilepsie, nous ne pouvons pour ce moment rien affirmer
dans aucun sens. Nous n'avons pas vu qu'il fût nuisible, mais
rien ne nous autorise non plus à vanter son efficacité. Pour
asseoir sérieusement un jugement définitif sur ses avantages réels,
il nous semble qu'on est en droit d'exiger des observations de
plus longue durée (deux, trois, quatre ans même) et une statis-
tique avec des points comparatifs antérieurs dans une période à
peu près pareille. »
Beigel ' a injecté dans un cas d'épilepsie jusqu'à 13 milligr.
de curarine sans aucun résultat. ·
Le travail de MM. H. Liouville et A. Voisin clôt, en quelque
sorte, la première période dans laquelle le curare a été em-
ployé contre l'épilepsie. Il nous semble s'être écoulé un
certain nombre d'années avant que le curare fut mis de nou-
veau à contribution : il nous faut arriver, en effet, à l'année
1878, époque où il est reparlé du curare.
« J'ai essayé, dit M. Rosenthal 2, dans un certain nombre de
cas, une solution de 5 centigr. de curare dans 5 gr. d'eau, avec
addition de trois à quatre gouttes d'alcool absolu ; pendant deux
ou trois mois, je faisais tous les deux jours une injection sous-cu-
tanée, en allant progressivement de 4 milligr. à 9 milligr. Chez
sept malades que j'ai soignés ainsi (dont quatre cas sans antécé-
dents héréditaires, et deux d'hystérie épileptiforme), et chez cinq
autres malades traités de la même façon à l'asile des aliénés de
Vienne, le médicament n'a produit aucun effet durable. n
M. le Dr Kunze a recommandé dans ces derniers temps
d'une manière pressante le curare dans l'épilepsie. Il a expé-
rimenté le curare chez 80 malades, et aurait obtenu chez 6
d'entre eux une guérison parfaite. Les faits rapportés en
détail par lui tendraient à prouver que, dans toutes les formes
de l'épilepsie, même dans celles où la maladie, déjà ancienne,
a amené un affaiblissement notable de l'intelligence, le curare
peut, dans certains cas, guérir le mal et même rendre un peu
i Beigel. Versuche mit Curare und CKra ? ? : (Be) ? Klin. Wochens-
chrijt, nos et 9, 9867).
2Rosentlial. - Traité clinique des maladies du système nerveux,
trad. de Lubanski. Paris, 1878, p. 547.
3 Kunze. Jahrbuch du Practischeiz Medicin de P. Borner, année 1879,
p. 25 ?
' DE l'hystérie. 53
de son intégrité à l'esprit. Selon cet auteur, la dose de 1 centigr.
de curare en injections hypodermiques serait sans danger. Les
injections étaient faites pendant trois semaines tous les cinq
jours.
Edlessen', encouragé par ces observations, a essayé le
curare dans un certain nombre de cas d'épilepsie confirmée.
Dans deux cas d'hystéro-épilepsie, le curare a échoué. De
treize épileptiques, six ne tirèrent aucun bénéfice du médica-
ment ou ne furent améliorés que passagèrement, trois virent
leurs accès diminuer d'une façon notable avec cessation même
pendant plusieurs mois, tandis qu'auparavant les accès étaient
quotidiens et très violents ; trois malades enfin auraient été
guéris complètement. Dans presque tous les cas d'autres médi-
caments avaient été auparavant administrés en vain 3.
La solution employée par ces deux auteurs était ainsi com-
posée :
5'il RECUEIL DE FAITS.
mère bien portante aussi, impatiente et irritable. Sa soeur aînée
riait et pleurait en disproportion et parfois en contradiction avec
le motif actuel, disposition amoindrie par son mariage. Frère irri-
table. Grand-père maternel aliéné.
Antécédents pathologiques de la malade. - Parmi les accidents
de la première dentition, elle eut des convulsions longues, coïnci-
dant avec destroubles dyspeptiques notables. A l'âge de cinq ans, la
malade, chez qui la marche se fit tardivement et avec difficultés, fut
apportée à l'hôpital Sainte-Eugénie, où elle demeura un an envi-
ron, à cause d'abcès superficiels collectionnés en diverses parties
de son corps, et dont elle porte encore aujourd'hui des cicatrices
évidentes aux régions sus-claviculaire, mammaire et axillaire
droites. Vers cette époque, la malade présente de plus du gon-
flement aux épiphyses des os longs qui ne se déformèrent pas
beaucoup.
A l'âge de sept ans elle recommença à marcher sans appui, les
troubles disparaissant d'une façon progressive, quoique 'lente et
incomplète.
Réglée à douze ans, elle ne l'a jamais été périodiquement; ses
évacuations sanguines se sont toujours montrées sans régula-
rité. Au moins de janvier 1884, entre 10 et 1 1 heures du matin, la
malade fut prise, au milieu de son travail et sans cause appré-
ciable, d'un accès de toux et d'éternument qui se prolongea pen-
dant trois heures, après lesquelles elle se livra à sa vie habituelle.
Huit jours plus tard, un nouvel accès survient, identique au pre-
mier, mais moins long, et s'accompagnant, comme le premier de
quelques phénomènes convulsifs.
Ces accès conlinuèrent de paraître, séparés par des intervalles
plus ou moins grands jusqu'au 2o juin, époque où elle fut reçue
à l'hôpital des Tournelles, d'où elle sortit au commencement
d'août pour venir à la « Salpêtrière ».
Elle raconte n'avoir perdu connaissance que dans les crises
fortes, ce que nous avons constaté dans la salle Duchenne
où elles se manifestaient d'une manière écourtée et atté-
nuée depuis son entrée, lorsque, le 21 octobre, elles redeviennent
plus intenses, circonstance qui nous met à même de mieux les
observer.
Etat actuel (20 octobre). La malade, ayant un embonpoint
assez notable et de taille un peu au-dessous de la moyenne, a été,
dès son jeune âge, facilement émotive; elle a une certaine timidité
dans ses actions et est, en général, assez gaie. L'exploration de la
sensibilité cutanée donne une hêmi-anesthésie, une hémi-pares-
thésie et une hémi-tlrermo-anesthésie gauches; nous devons dire,
néanmoins, qu'à deux reprises l'algesthésie n'était modifiée
qu'aux poignet et main gauches.
DE l'hystérie. 55
Si, fermant ses yeux, on place les membres gauches de la ma-
lade, étendus ou fléchis, dans l'adduction et qu'on lui demande où
ils se trouvent, on constate qu'elle a perdu la notion de leur posi-
tion ; en outre, en lui disant de toucher un des doigts de la main
droite à l'aide de sa main gauche, on voit qu'elle s'y trompe.
L'examen des membres droits donne des résultats opposés.
Sensibilité spéciale. La malade ne distingue pas le violet et
n'est pas sûre du vert, c'est-à-dire qu'elle a un rétrécissement du
champ visuel à gauche; elle entend moins la montre à gauche;
anosmie à gauche, agueusie.
Réflexes tendineux. Rotuliens un peu exagérés; au poignet
gauche presque nuls et au poignet droit peut-être exaltés. Pres-
sion dynamométrique = 39 pour la main droite, = 16 pour la
gauche.
Le 21, à la visite du matin, on nous avertit que la malade
se reconnaît en imminence d'une de ses crises en disant
« qu'elle sent son ventre tournoyer et qu'on va lui arracher le
gosier », pour citer ses propres mots; on y voit une aura quasi
complète et, dans ces conditions, nous avons l'occasion d'assister
aux phénomènes qui vont se dévoiler. En effet, M"° Greuz... s'é-
carte alors de ses compagnes, suspend son occupation et s'assied
près de son lit. Deux ou trois minutes après, elle est prise d'une
toux involontaire, faisant bientôt place à des éternuments, puis la
toux revient au bout de quatre, six ou huit minutes pour ainsi
alterner jusqu'à la cessation complète de ces accès, durant
un temps quia varié entre dix et soixante minutes et se montrant
dans le jour, d'une manière indéterminable, du moins jusqu'ici.
Presqu'immédiatement après le commencement de ces symp-
tômes, ses extrémités sont le siège de convulsions, surtout les
membres droits et les membres pelviens plus encore que les
membres thoraciques. Ces convulsions sont toniques. Ces der-
nières l'emportent de beaucoup sur les toniques; il n'y a jamais
de relâchement musculaire complet, mais on entend un peu de
stertor à la respiration.
Dans les convulsions cloniques qui se répètent nombre de fois,
on observe soit l'arc de cercle, typiquement réalisé, soit des
grands mouvements désordonnés dans lesquels les membres sont
éloignes de son corps, en jetant au loin les objets qu'ils ren-
contrent dans leur passage ou appliqués sur la bouche et sur le nez,
comme dans l'acte d'une personne qui va éternuer. De temps en
temps les membres thoraciques sont agités de mouvements rapides
et rhytmiques qui ont une courte durée et frappent la poitrine
à coups répétés exigeant l'intervention d'une main étrangère qui
en empêche la continuation. Elle s'arrache le cou et les cheveux,
se heurte indifféremment toutes les parties du corps contre
les barreaux du lit, déchire parfois le col de sa chemise ; en un
56 , RECUEIL DE FAITS.
mot, elle cherche à se débarrasser de toutes les causes possibles
de dyspnée\et d'étouffement.
Dans l'attitude de l'arc de cercle, il arrive qu'en un moment plus
ou moins proche de la fin de cette attitude, la malade a des rires
et des pleurs presque simultanés, convulsifs.
Si on la pince-ou si on lui comprime un des points hysté-
rogènes, principalement l'ovarien gauche ou celui répondant au
côté, externe -du sein droit, elle retire sur-le-champ cette partie du
corps ou exécute un mouvement de défense, cela à un moment
quelconque de l'attaque'pen8antzlaquelle ses paupières, agitées
de vives palpitations, sont closes et ne s'entr'ouvent que quand il
se fait une pause, d'ailleurs passagère, entre la toux et les éternu-
ments. " ? '
En écartant ses paupières, on voit les globes oculaires tournés
en haut et agités, eux aussi, de secousses, les pupilles plutôt dila-
tées que rétrécies, mais sensibles à l'influence de la flamme d'une
bougie. Les bruits cardiaques sont, en général, frappés forts,
éclatants et correspondant à des pulsations radiales (entre 90 et
120 par minute), irrégulières, parfois presque imperceptibles.
La malade ne pousse aucun cri, ni présente aucune autre con-
vulsion partielle. A la fin de tous ces phénomènes-là, la malade
transpire sur le tronc; mais principalement sur le cou et sur le
visage où la sueur ruisselle.
Il est curieux de noter qu'il n'y a pas de crachats et que l'écou-
lement nasal est très réduit, ce qui est en désaccord avec les éter-
numents et la toux, mais n'est pas sans valeur pour leur explication.
La malade déclare, lorsque celles-ci sont finies, ne conserver
aucun souvenir de ce qui s'est passé.
La crise que nous avons décrite plus haut ne débute pas toutes
les fois par la toux; par exception, c'est l'éternument qui ouvre
la scène, et il nous semble avoir remarqué qu'alors la crise sera
peu intense. Effectivement, dans cette éventualité, la malade ne se
couche pas, reste sur une chaise et, après avoir eu une aura très
légère, est atteinte d'accès d'éternuments et de toux de courte
durée et présente très peu de mouvements aux membres; les
attaques de celte catégorie ne dépassent guère dix ou quinze minutes
et ne s'accompagnent pas de perte de connaissance. Ses fonctions
végétatives s'accomplissent bien ; l'appétit est conservé même à
la suite des attaques.
Dans le cas que nous venons de rapporter diverses particu-
larités sont importantes à être relevées, surtout quant à l'aspect
qu'ont revêtu les attaques.
M"e Greuz..., nous l'avons vu, a une tare héréditaire
(grand-père maternel aliéné) ; de plus, jusqu'à l'âge de sept
de l'hystérie. 57
ans, elle a été nettement rachitique et scrofuleuse et ce n'est
qu'alors que son état s'améliore de plus en plus.
Dans la suite, une fois la menstruation établie, nous en
voyons des troubles constants et marqués venir s'ajouter et
rendre plus imminente l'explosion des manifestations hysté-
tériques actuelles, que la chlorose et les émotions morales ont
définitivement déterminées.
Ses attaques n'ont pas ordinairement de phénomènes pré-
monitoires nets ; tout au plus devient-elle plus impatiente,
bàille et, une fois, a montré une envie de mordre une voisine.
Toute impression désagréable produite par un choc, par le
cri d'une voisine épileptique, même par une contrariété, suffit
parfois pour faire paraître l'aura à point de départ ovarien et
à laquelle il n'a manqué jusqu'à présent que les battements
aux tempes pour constituer le type décrit par M. Charcot.
Cette aura est presque aussitôt suivie des accès de toux et
d'éternuments, qui tout d'abord ont constitué les premiers
phénomènes de la maladie et qui aujourd'hui encore marquent
le début des attaques, puisqu'il y a à la suite des convulsions
indubitables.
Quelles relations pouvons-nous établir entre ces phéno-
mènes en apparence sans règle et l'attaque complète décrite
par M. Charcot ?
Nous pensons que les phénomènes précédents peuvent être
compris comme il suit : les convulsions cloniques décrites ne
sont pas suivies de la résolution complète des muscles néces-
saire pour indiquer la venue de la seconde période et, s'il y a
le stertor, il n'est jamais intense et il est entendu presque pen-
dant toute la durée de l'attaque. La malade n'a jamais pro-
noncé de phrases, ni n'a exécuté une mimique quelconque,
dénonçant le tableau de la troisième période avec ses deux
phases gaie et triste. Pour la dernière période, tout en riant et
pleurant elle nous dit qu'elle ne voit ni animaux ni rien d'ef-
frayant.
Donc, le désordre et la confusion dans les attaques de notre
sujet ne sont que superficielles et n'échappent, en réalité, pas
aux descriptions de MM. Charcot, Bourneville, Regnard et
Richer. c
La malade ayant été soumise dans deux de ses attaques aux
inhalations d'éther, dont les effets sont apparus au bout de
quatre, six, huit minutes, fait des allusions à sa profession,
58 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
aux heures de son travail en disant entre autres choses :
« Regardez, 111 ? X... m'a confié cette pièce parce que je suis
habile, je m'y entends plus que vous » ; on voit qu'elle s'adresse
à ses compagnes.
A diverses reprises, nous avons compté les éternuments de
la malade et nous avons eu, pendant le même nombre de
minutes, une quantité d'éternuments variables; ainsi tantôt
nous comptions 32, 37, 40 éternuments dans une minute ;
tantôt 100, 95 dans trois minutes; tantôt 161, 149 dans cinq
minutes.
Dans l'espace de vingt-deux jours (21 octobre au 12 novembre)
la malade a fait 16,195 éternuments qui donnent par jour, en
moyenne, à peu près 163. Nous attirons l'attention sur cette
particularité intéressante d'autant plus que les éternuments de
cette nature ont été rarement mentionnées par les auteurs que
nous avons lus. Nous n'avons rencontré que deux cas dans
lesquels il soit question d'éternuments qui n'étaient pas cepen-
dant aussi nombreux, ni aussi fréquents. Ces deux cas appar-
tiennent à Brodie 1.
En terminant, nous nous demandons s'il n'y aurait pas lieu
de considérer les accès de toux et d'éternuments comme devant
être mis sur le compte de l'atténuation et de l'effacement
même, que nous avons noté pour les périodes et de ne voir là
qu'une sorte de compensation, de substitution dans les symp-
tômes hystériques, vu que les éternuments ne sont autre
chose que le résultat de véritables petites convulsions des
muscles expirateurs ?
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
I. Sur le phénomène'du genou chez les enfants; par Pelizoeus.
(Arch. f. Psych., XIV, 2.)
De trois écoles populaires dill'érentes de Berlin, l'auteur a exa-
miné 2,403 garçons de six à treize ans. Sur une première série de
1 Progrès médical, le 10 juillet 1880.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 59
778, un seul enfant ne présentait pas le phénomène du genou,
sur une seconde de 787, trois seulement en étaient exempts; enfin
une dernière catégorie de 828 révélait chez deux sujets l'absence
de ce réflexe tendineux. Or, l'un de ces six individus, avait eu, six
semaines auparavant une diphthérie grave, sans paralysie, et le
i éflexe patellaire revenait douze semaines plus tard des deux côtés.
L'examen ultérieur de quatre autres démontrait le retour du même
phénomène. Un seul enfant en était privé d'une façon continue;
il s'agissait d'un sujet anémique, faible, mais bien portant, à
muscles peu développés. De sorte qu'en réalité, sur 2,403 garçons,
le phénomène du genou manqua absolument une seule fois. C'est
tout ce qu'il est prudent d'affirmer. P. K.
II. Contributions A la pathologie de l'encéphale; par
L. VVITEONSIiI. (Arch. f. Psych., XIV, 2.)
1°Sous le titre de Dégénérescence descendante à la suite de po-
rencéphtilie, l'auteur complète l'observation anatomique dont il a
déjà parlé '. Consécutivement à une hémorrhagie probable (pig-
mentation de la cicatrice et du voisinage du processus) la subs-
tance corticale adisparu et lefond de la scissuresylvienne se trouve
transformé en une membrane assez épaisse ; il n'existe plus ni
insula, ni circonvolutions frontale, pariétale, temporale autour de
la région, ni capsule interne, ni capsule externe; les gros ganglions
de la base manquent; il ne resle que quelques vestiges de la couche
optique. Le pédoncule cérébral est libre au milieu de la cicatrice.
L'intégrité des tubercules quadrijumeaux et des nerfs prouve, de
concert avec l'absence d'atrophie générale de l'hémisphère, que la
lésion s'était effectuée après l'époque du développement parfait du
cerveau, c'est-à-dire après la puberté. La dégénérescence porto
sur le faisceau pyramidal, sur les fibres issues du genou de la
capsule etsur lefaisceau plusinterne. Intégrité du segment externe
du pédoncule. Atrophie des cordons antéro-latéraux de la région
cervicale de la moelle, de la substance noire du pédoncule et du
noyau rouge de la calotte (de Stilling) ; atrophie de l'étage supé-
rieur du pédoncule, du ruhan de Reil et de la couche intermédiaire
des olives. Intégrité du faisceau longitudinal postérieur et des
noyaux des nerfs crâniens.
2° Le second chapitre, intitulé : Néoplasie osseuse et calculeuse
dans l'encéphale, renferme effectivement l'histoire d'un ostéome
vrai siégeant dans la substance même de l'hémisphère cérébelleux
gauche; on y trouva tous les éléments du système osseux (périoste,
'Dans son travail sur la Névroglie. (Archives de Neurologie, t. VIII,
p. 75.)
60 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
moelle, os). Il s'agissait d'un vieillard de soixante-dix-neuf ans
n'ayant présenté aucun trouble moteur. M. W. fait remarquer que
les calcifications simples sont constituées par des lamelles dues à
l'agglomération de corpuscules stratifiés. On y rencontre des
grains hyalins qui semblent résulter de la trunformation directe
des corpuscules lymphatiques dans l'espace périvasculaire et de la
-dégénérescence hyaline des parois vasculaires et des tissus envi-
ronnants; on sait du reste, que ces altérations peuvent exister sans
qu'ily ait de dégénération calcaire, mais elles précèdent invaria-
blement cette dernière. Chez un malade, on constatait sur la pie-
mère de la fosse cérébelleuse un néoplasme de ce genre, gros
comme une petite pomme, comprimant le cervelet, dont le lobe
inférieur contenait un second nodus semblable, du volume d'une
cerise ; on avait affaire à des papillomes calcifiés.
3° Un dernier paragraphe porte la dénomination de : Note affé-
rente à la pathologie des cellules nerveuses ; c'est un appendice de
M. W. à ses recherches sur la réaction liislocliimique des cellules
et de leurs noyaux Dia pièces provenant d'encéphales mutilés
(vivisection), de ramollissements cérébraux anciens, de lésions
traumatiques du cerveau chez l'homme, ont été soumis à son exa-
men. Nulle part, il n'a trouvé d'altérations des cellules nerveuses
qui indiquassent un processus inflammatoire actif de ces éléments.
En dehors des foyers, ou rencontre d'abord de nombreuses cellules
en voie de destruction granuleuse, plus loin des cellules privées de
leurs noyaux, plus loin encore, en de» endroits qui paraissent
normaux, des cellules munies de leurs noyaux, mais solubles com-
plètement et facilement dans les acides faibles et le suc gastrique
artificiel. P. K.
III. Contribution A la pathologie et au diagnostic de la formation
DE CAVITÉS DANS LA MOELLE ÉPINIÈRE; par FuERSTNER et ZACIIER.
(Arch. f. Psych., XIV, 2.)
Les auteurs essaient de tracer le tableau clinique de la forme
anatomo-pathologique en question, à la lumière d'une observation
personnelle et des autres cas publiés du même genre (Westphal,
Schuppel, Sclrultze). L'évolution comparée de ces quatre faits leur
permet d'affirmer que la lésion (gliomateuse) débute presque tou-
jours dans la substance grise centrale, et qu'elle prend naissance
à la région cervicale, pour ne s'étendre que tardivement aux cor-
dons blancs. Nulle part la substance grise n'est totalement anéan-
tie, mais elle se trouve au moins comprimée quand les éléments
nerveux demeurent conservas. De cette compression et des alté-
1 Archives de Neurologie, t. V, p. 263.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 61
rations consécutives, notamment des cornes antérieures et posté-
rieures, résultent des symptômes qui affectent une marche des
plus chroniques. Ce sont : l'affaiblissement et l'atrophie lente des
extrémités supérieures, des troubles légers de la sensibilité, l'ab-
sence des réflexes tendineux, rarement la rigidité et la contrac-
ture, les troubles trophiques, l'analgésie, la diminution du sens
thermique et du tact, les symptômes vaso-moteurs. Les troubles
du mouvement sont toujours peu importants. Dans les stades tar-
difs, il se produit des phénomènes bulbaires, des symptômes du
côté du trijumeau, des symptômes cérébraux. Quant à l'atteinte
de la substance blanche, elle est secondaire et le masque clinique
correspondant ne présente pas, après la destruction de la subs-
tance grise centrale, les mêmes allures que lorsqu'il résulte de
lésions uniques. P. K.
IV. De l'hystérie considérée dans ses relations avec quelques
maladies localisées; par D. F. C.1S1'ELLS. (Gcccetu naecliccc CQtn,lcG7aa
1882.)
Après avoir rapporté et analysé une observation personnelle et
quelques autres empruntées à ditlérents auteurs, l'auteur arrive
aux conclusions suivantes : '
Io Les divers états que l'on comprend sous le nom d'hystérie
représentent autant de localisations différentes de diverses mala-
dies que compliquent des actes nerveux réflexes distincts;
2° Pour diagnostiquer et classer ces étals, il faut s'attacher tout
d'abord à la lésion organique et à l'altération fonctionnelle qui
les déterminent et qui correspondent toujours à celles de généra-
tion, de circulation ou de nutrition cellulaires. En aucun cas, on
ne peut faire abstraction des données étiologiques, chronologiques
et mosologiques qui leur correspondent;
3" Dans le traitement de l'hystérie toute espèce d'agents thé-
rapeutiques peut devenir nécessaire; mais il faut les employer
avec la plus grande circonspection et les soins les plus minutieux;
4° Le pronostic varie suivant les localisations ou les généralisa-
tions. P, M.
V. Sur la symptomatologie DE la compression DE la MOELLE, par.
CARIE TUBERCULEUSE DES DERNIÈRES VERTÈBRES CERVICALES; par
0. KAHLER. (Praer medici7a. lYochsch/'L., 1883, nez 47.)
L'auteur insiste sur la paraplégie cervicale et ses caractères et
sur ce fait que la compression de la moelle par carie des dernières
vertèbres cervicales s'accompagne généralement d'atrophie mus-
culaire des membres supérieurs, d'abord des interosseux, puis
62 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
pouvant se propager aux muscles de l'avant-bras, du bras, et
même de l'épaule; c'est une atrophie non paralytique; l'examen
éleclrique donnant les mêmes résultats que pour l'atrophie mus-
culaire progressive, les réflexes tendineux du poignet existaient
alors même que les muscles étaient très diminués de volume, pas
de troubles pupillaires ni cardiaques, dans la forme que Kabler
décrit il y avait toujours pahyméningite externe à la face antérieure
de la moelle, aussi pense-t-il qu'on peut diviser en deux groupes les
cas de carie des vertèbres cervicales suivant qu'ils rentrent ou non
dans cette description et s'accompagnent d'autres symptômes
qu'il indique rapidement. Cinq observations sont jointes à ce tra-
vail. P. M.
VI. Contribution A la symptomatologie du tabès; par Berger
(Verlaanal, der schl. Gesellsch. f. vaterl cuit, in Breslauer Earztl.
Ztschft'- 188t, n" 13.)
Rapporte avoir vu plusieurs cas de tabès s'accompagner au début
presque exclusivement de migraine ou de névralgie occipitale; le
phénomène rotulien faisait défaut, ce qui a permis dès le début
de faire le diagnostic confirmé d'ailleurs par la suite de la
maladie.
Insiste aussi sur les troubles vésicaux qui pendant longtemps
(des années) peuvent constituer le seul signe du tabès, et donner
lieu à des erreurs de diagnostic et à l'emploi d'un traitement spé-
cialement dirigé sur les voies urinaires qui en réalité ne sont nul-
lement malades (tabès dysurica). P. M.
Vil. Note sur les rapports de la trépidation épileptoïde du PIED
avec l'exagération DES réflexes rotuliens ; par M. de FLEURY.
(Revue de médecine, 1881, n° 8.)
La trépidation épileptoïde du pied et l'exagération des réflexes
rotuliens sont tenus pour des phénomènes du même ordre, leur
signification et leur valeur séméiologiques pour identiques. L'au-
teur montre la dissociation fréquente des deux symptômes en des
cas fort variés.
Il a rencontré la trépidation épileptoïde du pied avec des ré-
flexes rotuliens normaux dans diverses affections chirurgicales de
la jambe et du cou-de-pied du côté lésé, dans un cas de rhuma-
tisme chronique; avec affaiblissement ou abolition des mêmes
réflexes dans la fièvre typhoïde et sa convalescence. L'anémie ar-
tificielle des membres inférieurs par la bande d'Esmarck ne sup-
prime avant et avec la contracture que la trépidation épileptoïde
du pied. Elle est sans rapport aussi avec le réflexe achillien.
D. B. '
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 63
VIII. Un cas d'affection du trijumeau. (Contribution à la connais-
sance de l'ophtlialmie neuro-paralytique, du trajet des fibres du
goût issues de la corde du tympan, et des tuméfactions articu-
laires intermittentes); par H. STATOR. (Arch. f. Psych, XIII, 3.)
L'observation concerne un homme de trente-neuf ans ayant
subitement présenté une paralysie de la moitié gauche de la face,
une ophthalmie de l'oeil du même côté, de la congestion cépha-
lique (élourdissements, vertiges, tintouins). Insensibilité complète,
au contact, à la douleur, aux impressions thermiques de la peau
et des muqueuses, nasale, labiale, buccale, gingivale, palatine,
linguale, conjonctivale du côté malade. Intégrité des mouve-
ments, de la mastication, de l'odorat; perte du goût, léger affai-
blissement de l'ouïe, conservation des réflexes des deux yeux.
Conjonctivite, bientôt suivie de kératite, de perforation de la cor-
née, sans pannus : guérison par cicatrice vasculaire. En même
temps tuméfactions bilatérales, mobiles, et peu douloureuses des
grandes articulations inférieures. L'intégrité du sensorium, l'uni-
latéralité des accidents de la face excluent l'idée d'une lésion
protubérantielle ou bulbaire ; l'atteinte exclusive du trijumeau
dans ses trois branches et la kératite indiquent que la cinquième
paire est lésée avant sa division, et que le ganglion de Gasser est
altéré. Malgré l'amélioration obtenue à l'aide des ventouses, des
vésicatoires et de K I., il est impossible de se prononcer sur la
nature de la lésion. L'auteur examine, en terminant, la patho-
génie de la kératite neuro-paralytiqne en général, à la lumière
de l'observation clinique. Or, la clinique montre que la théorie de
sa genèse mécanique, par heurts, sécheresse de la cornée, est
fausse, puisqu'une paralysie unilatérale du nerf en question ne
supprime pas le réflexe palpébral spontané ou provoqué, même
d'origine sensorielle, puisque la conjonctivite qui résulte de la
paralysie des paupières (paralysie du facial périphérique) n'en-
traîne jamais de nécrose de la cornée, puisque enfin il existe des
cas d'affection du trijumeau avec anesthésie de l'oeil sans ulcère
cornéen et qu'inversement l'atteinte du trijumeau peut s'accom-
pagner d'ulcère cornéen sans qu'il y ait anesthésie de l'aeil. Dans
toutes ces conditions, la sécrétion lacrymale persiste; elle est
même augmentée quand la conjonctive est enflammée. La kéra-
tite neuro-paralytique provient, par suite, de l'atteinte des nerfs
trophiques issus des ganglions de Gasser. L'intégrité du facial et
du glosso-pharyngien dans l'observation précédente, rapprochée
de la perte du goût constatée, prouve que les fibres gustatives de
la corde du tympan émanent non du nerf de Wrisberg, non du
nerf tympanique, mais du trijumeau. - Quant aux tuméfactions
articulaires, leur évolution, leur modalité (apyrexie, peu d'inflam-
mation locale) permet d'éliminer leur nature rhumatismale, sans
64 le REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
qu'on s'explique leur relation avec l'affection du trijumeau même
par la théorie des vaso-moteurs. P. K.
IX. SUR LES modifications D%NS LES échanges moléculaires DE la
nutrition SOUS l'influence DE l'hypnotisme ET dans la paralysie
AGIT.1\TE; par G. GUERTLER. (Arclc. f. Psych., XIV, 4.
I. Les proportions d'acte phosphorique excrété selon lespériodes
de la journée ne sont pas modifiées par l'hypnotisme. La quantité
laplus faible appartient Ma matinée; puis la phosphaturie augmente
pour atteindre son maximum dans les heures qui suivent le principal
repas; elle est moindre la nuit quolejour(EtudesdeZùlzer, 1"ii-chow's
Archiv. , t. LXVI). Sur vingt-deux faits, M. Gürtler n'a constaté
que trois exceptions ; il s'agissait alors d'un rapport normal
inverse, l'hypnotisme ayant déterminé une phosphaturie plus
forte la nuit que le jour; mais la quantité d'acide phosphori-
que était alors inférieure à celle de la partie correspondante du
jour précédent. La polyurie a été observée, et, quand elle se pro-
longeait, l'urine renfermait moins de matières constitutives
(urée, phosphates, chlorures). Il. Les trois faits de paralysie agi-
tante examinés par l'auteur n'ont pas révélé de phosphaturie ; un
seul témoignait de la polyurie. P. K.
X. Sur un cas de SYPHILIS CRÉ13RO-SPINkLE ; par J. ALTHAUS.
(Centralblutt fier Nervenkeilkunde, Psychiatrie und QïneHc/te
Psychopathologie, 1883.)
Observation très complète, caractérisée par une paralysie avec
raideur du bras et de lajambeducôté droit et de la jambe gauche.
Sur ces parties on note : intégrité delà sensibilité, exagération des
réflexes tendineux, production de convulsions et même d'épi-
lepsie spinale par les excitations de toutes sortes. Traitement initial :
seigle ergoté etK Br : plus tard, phosphore (huile phosphorée en
capsules) et doses modérées de KI., K Br et sublimé. Amélioration
de presque tous les symptômes. Le malade est encore en traite-
ment. Suit l'appréciation critique. P. K.
XI. Sur la SENSIBILITÉ DE la peau A l'égard DES excitants ÉLEC-
TRIQUES ; par P.-J. 111DIUS. (Centralbl. fùr Nervenheilk., etc.,
1883.)
Après l'exposé critique des recherches de Leyden, et Munk,
Bernhardt, Drosdoff, Watteville et Tschirjew, l'auteur décrit son
mode de contrôle. L'excitation unipolaire (Ka= un pinceau à fils
métalliques, flexibles et secs) d'un courant induit ne lui permet
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 65
point encore de -donner des moyennes. Toutefois, par ce procédé,
ou en intercalant dans le circuit de grandes résistances, et en fai-
sant intervenir les décharges d'ouverture par série de trois (An au
sternum ou dans la main gauche, Kâ sur le lieu d'excitation), il
constate que c'est la peau de la face qui présente la plus grande
sensibilité; les membres inférieurs sont moins sensibles que les
membres supérieurs, et la surface des mains et des pieds (insensi-
bilité de la paume et de la plante) forme un contraste par rap-
port au reste du revêtement tégumentaire. Ces différences tien-
nent surtout, pour M. Moehius, à la variété d'excitabilité des nerfs
de la peau ou des organes centraux; l'exercice plus ou moins sou-
tenu des régions envisagées entraîne une sensibilité plus ou moins
exquise. Il faut encore faire intervenir l'adaptation naturelle de
telles ou telles parties à tel ou tel mode d'excitation ; les unes
sont destinées à la perception de la douleur, les autres point. La
résistance épidermique n'a rien avoir dans l'espèce. Non plus que
leur richesse en filets nerveux, car les plus petites électrodes sont
capables' d'atteindre un nombre suffisant d'appareils terminaux
pour que les centres analysent la sensation et distinguent entre
l'intensité de l'excitation et l'aire de la zone excitée. Il est ab-
solument inutile de s'appliquer déterminer un minimum de dou-
leur et un minimum de sensibilité. Lorsqu'en effet, pour apprécier
une sensation cutanée, on est obligé d'augmenter la force d'un
courant. la fonction des parties profondes entre en jeu. Ainsi,
pour le front et la joue, le minimum de sensibilité tactile relève
d'une force de courant presque identique, tandis que, en ce qui
concerne la sensibilité à la douleur, le front est beaucoup plus vite
impressionné, le périoste sous-jacent se mettant de la partie.
Quant au caractère de la sensation, la piqûre d'aiguille qui ré-
sulte de l'excitation farado-cutanée, est peut-être due à une série
d'excitations rapides et successives sur les organes terminaux,
tandis que les formications de modes variés ayant la même ori-
gine témoignent de l'excitation de petits troncules cutanés.
La sensibilité de la peau vis-à-vis du courant continu (An à la
main,Ka sousforme de pinceau) exige presque partout une forcede
courant identique, si ce n'est à la main ou au pied où le galvano-
mètre dévie de l 50 à 220 sans qu'on ait réussi à produire de brûlure
douloureuse. Telle est lasubstance de ce mémoire dont les par-
ticularités sont relevées, comparativement avec celles des auteurs
précédemment cités, dans un tableau de neuf colonnes. P. K.
XII. Un cas d'atrophie faciale rl ? M1LATÉnALE; par bKRKHAMT.
(Centralb. f. Neruenleeilk., 1883.)
Une jeune dame de dix-neuf ans voit apparaître sur le front et
la joue gauche une tache brune (premier signe d'un trouble de la
Archives, t. IX. S
66 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
nutrition ? ) : elle la frotle avec une pommade irritante de compo-
sition inconnue, et, quelques mois plus tard, alors que les phé-
nomènes intlammatoires sont guéris, se développent, du même
côté, les dépressions caractéristiques de l'atrophie. Intégrité de
coloration de la peau (excepté sur la cicatrice du foyer trauma-
tique) ; intégrité de la langue, des rebords alvéolaires, des dents,
du palais, du nez, de l'oreille, des sens, de la sensibilité, de la
motilité, du sympathique, des masticateurs, de l'excitabilité élec-
trique. La maladie a cessé de progresser dans les derniers mois :
faut-il attribuer cette amélioration au traitement galvanique du
grand sympathique (d'une apophyse mastoïde à la moelle cervi-
cale) et à la faradisation modérée des muscles de la face du côté
gauche ? P. K.
XIII. Sur une fréquence extraordinaire DE la respiration inter-
Piétée COMME UN ÉPISODE D'ÉPILEPSIE SPINALE; par le D..MlLIOTTI.
(Giornale di Neuropatologia. Novembre-décembre 1883.)
L'intéressante observation qui fait l'objet de ce travail concerne
une femme de trente-cinq ans confinée au lit depuis trois ans par
une paraplégie qui, bien qu'incomplète, empêche complètement la
locomotion; il y avait aussi desdouleurs dans le dos, des secousses
dans tout le corps, fourmillements dans les membres, surtout dans
les inférieurs et fréquence de la respiration avec alternatives d'a-
méliorations et d'aggravations; il y aurait eu aussi une douleur en
ceinture avec éruption de zona qui se serait répétée plusieurs fois ;
à différentes reprises grande difficulté pour uriner.
En examinant la colonne vertébrale, on constatait une absence
des apophyses épineuses de la huitième et de la neuvième dorsale,
et lorsqu'on pressait un peu à ce niveau la malade éprouvait une
sensation pénible toute spéciale, il lui semblait qu'elle allait s'é-
vanouir. La malade peut encore fléchir et étendre les jambes
dans son lit quoiqu'assez lentement, elle présente une épilepsie
spinale très prononcée; un peu d'hyperalgésieetaussi d'anesthésie.
Pas d'atrophie musculaire, ni de troubles trophiques. Mais le symp-
tôme qui incommode le plus la malade, c'est une fréquence tout à
fait extraordinaire de la respiration jusqu'à 90 à 100 R. par mi-
nute, pendant que le pouls reste à 80 ou 83, et la température
normale; ces accès de respiration accélérée durent un temps va-
riable de un quart d'heure à cinq heures, et se renouvellent sou-
vent deux fois par jour, soit spontanément, soit provoqués par une
émotion, par une pression brusque et imprévue sur l'épigastre ou
le dos; c'estle premier accès qui chaque jour dure le plus long-
temps.
L'auteur se livre ensuite à une discussion approfondie sur la
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 67
nature de cette dyspnée et de l'affection qui lui a donné naissance.
Maladie du poumon, du coeur, du rein ; altération du sang,
sans oublier les différentes maladies nerveuses qui s'accompagnent
de paraplégie. Peut-être M. Miliotti élimine-t-il cependant un peu
trop facilement l'hystérie, cause si fréquente des manifestations
nerveuses extraordinaires; quoi qu'il en soit, la conclusion à la-
quelle il arrive est qu'il s'agit d'une compression lente de la moelle
épinière, consécutive à la carie de quelques vertèbres dorsales. -
Quant à la fréquence des mouvements respiratoires son méca-
nisme fait aussi l'objet d'une discussion minutieuse après laquelle
l'auteur admet qu'elle est due à la lésion médullaire et n'est autre
chose que l'expression d'une épilepsie spinale des muscles respi-
ratoires. Ce travail se recommande tout particulièrement par l'in-
géniosité des rapprochements entre les données de la physiologie
et les symptômes observés. P. M.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
1. Sur la pathologie de la manie; par J. `V1GLESNORTH. (Journal
of mental Science, janvier 1884, p. 485.),
Quand on veut étudier fructueusement le fonctionnement nor-
mal ou anormal d'un organe, il ne faut pas se borner à le consi-
dérer à sa période d'entier achèvement, il faut encore suivre atten-
tivement son développement. En appliquant cette méthode au
cerveau, on arrive à cette conclusion importante que, dans le
cerveau humain, les centres les plus élevés sont ceux dont l'évolu-
tion s'est accomplie en dernier lieu, et ceux aussi, par conséquent,
qui sont le plus accessibles à la déchéance. Cette proposition est
une de celles qui jettent le plus de lumière sur la pathologie
mentale.
L'opinion de M. Wiglesworth, déduite de la proposition qui pré-
cède, est que l'ensemble de symptômes cliniquement désigné sous
le nom de manie a pour substratum anatomique une affection,
fonctionnelle ou organique, des plexus coordonnateurs les plus
élevés du cerveau. Cette théorie explique d'une façon satisfai-
sante la succession des phénomènes dans l'accès ordinaire de la
68 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
manie. Voici d'ailleurs l'eX) lication que M. Hughlings Jackson
donne de la manie épileptique : «Lorsque disparait, dit-il, l'in-
fluence de quelques-uns des groupes nerveux les plus élevés, les
groupes nerveux immédiatement inférieurs, désormais privés de
contrôle, entrent brusquement en activité, et c'est à leur activité
.que sont dus les mouvements maniaques. Dans l'ordre physique,
' il y a perte de fonction de quelques-uns des groupes nerveux les
plus élevés, et accroissement d'activité des groupes immédiate-
ment inférieurs; dans l'ordre psychique, il y a perte de conscience
et manie. »
Cette théorie de la manie post-épiloptique par épuisement parait
à l'auteur en tout point applicable à la forme ordinaire de la
la manie. Il est évident que, suivant cette manière de voir les
portions du cerveau dont l'activité produit les manifestations que
nous appelons maniaques, sont en réalité les portions saines, et
qu'elles constituent la majeure partie de l'organe, tandis que la
lésion réelle n'occupe qu'un espace irès limilé. 11 y a hieu à la
vérité dans les parties saines un certain degré d'hyperémie, mais
cette hyperémie est secondaire ; c'est l'hyperémie de tous les or-
ganes en état de suractivité.
En résumé, pour M. Wigtesworth, « la manie est une maladie
primitive des plexus coordonnateurs les plus éle\és de l'écorce
cérébrale; par suite de l'abolition, permanente ou temporaire, des
fonctions de ces centres, les centres inférieurs, qui comprennent
la plus grande partie de l'écorce cérébrale, sont mis en activité ;
la tendance même de ces centres inférieurs à entrer en suractivité,
détermine au moyen d'une excitation réflexe, par la voie du
système vaso-moteur, l'afflux d'une quantité supplémentaire de
sang dans ces pallies, absolument comme s'il s'agissait d'une
glande qui entre en activité; cet afflux sanguin supplémentaire
dure tout autant qu'il est nécessaire de pourvoir à la suractivité
fonctionnelle ».
M. Wiglesworth s'attache ensuite à démontrer que cette théorie
explique d'une manière très satisfaisante les phénomènes observés
dans la manie.
Cherchant ensuite à localiser la maladie, il fait remarquer que
puisque, selon toute probabilité, le cerveau tout entier est re-
présenté dans les lobes frontaux, il est légitime de penser que
c'est dans la région frontale qu'il faut chercher les plexus les plus
tardivement développés, bien qu'à la vérité ils ne soient pas
nécessairement confinés d'une façon exclusse dans cette région.
A ce propos, l'auteur tient à bien établir que les conclusions qu'il il
a établies plus haut relativement à la nature de la manie sont en-
tièrement indépendantes des hypothèses qu'il propose au siège de
la maladie, en sorte que celles-ci peuvent être reconnues erronées,
sans que celles-là soient atteintes.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 69
Enfin 11. \\'iles-orlli s'explique, en terminant, sur un dernier
point; dans sa définition de la manie, il l'a donnée comme une
maladie fonctionnelle ou organique; il existe en effet des manies
qui sont tellement passagères qu'il parait bien difficile de les rat-
tacher à autre chose qu'à un simple trouble fonctionnel; d'autres,
au contraire, sont tellement durables et aboutissent à une ruine in-
tellectuelle si complète qu'on e-t contraint d'admettre une lésion
matérielle des cellules nerveuses, que nous ne connaissons pas
encore, mais sur la nature de laquelle les progrès de la science
jetteront certainement un jour la lumière. R. M. C.
II. De l'éducation spéciale des infirmiers d'asile; par A. CAMPBELL-
CLwE. (Journal of mental Science, janvier, 1884, p. 459.)
L'auteur est convaincu que le meilleur moyen de se procurer et
de retenir de bons infirmiers pour les asiles d'aliénés consiste à
relever leur situation sociale à leurs propres yeux et aux yeux du
public : l'une des façons les plus sûres d'alleindre ce résultat, c'est
de leur donner une éducation professionnelle aussi complète que
possible.
C'est dans la fréquentation même des infirmiers que M. Clark a
puisé ses premières idées sur le sujet qu'il traite actuellement; il a
pu s'assurer que, bien que remplissant leurs fonctions d'une façon
un peu mécanique, ils ne montraient, aux heures de loisir, aucune
répugnance à exercer leur intelligence; souvent même ils faisaient
preuve, en matière de diagnostic, d'une habileté à laquelle il ne
manquait que d'être plus éclairée, et ils témoignaient, à l'égard
descas qu'ils observaient journellement, d'un intérêt qu'il parais-
sait aisé de stimuler dans un but médical. Cette petite étude du
personnel placé sous ses ordres conduitl'auteuràpenser : 1°qu'il
existe une barrière trop grande entre les fonctionnaires de l'asile
et les infirmiers; 2° que les qualités intellectuelles et morales des
infirmiers ne sont pas utilisées au*si largement qu'elles pourraient
l'être; 3, que les infirmiers doivent être étudiés individuellement,
comme les malades eux-mêmes.
Profitant alors d'une circonstance favorable, et mettant à con-
tribution le zèle de la surveillante en chef (celle-ci, instruite dans
les hôpitaux de Londres était une infirmière expérimentée),
M. Clark réussit à faire pénétrer, doucement et tacitement, par
voie de comparaison, dans l'esprit des autres infirmières, le senti-
ment très net de l'insuffisance de leur éducation professionnelle :
ce sentiment se traduisit par une curiosité intelligente et un désir
visible de s'instruire. Sans laisser à ces bonnes dispositions le
temps de s'éteindre, l'auteur organisa rapidement, tant bien que
mal, une série de leçons. Le nombre decesleçons fut de dix-huit ;
70 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
le nombre moyen des auditeurs fut de vingt, sur vingt-six in-
firmiers et infirmières; la présence aux cours n'était pas obliga-
toire. Des examens eurent lieu; leur résultat fut à la fois, pour
l'auteur, une surprise et un désappointement; tous les candidats
répondirent bien ou mal aux questions pratiques : la moitié d'entre
eux seulement répondirent aux questions d'anatomie et de physio-
logie ; les réponses étaient suffisantes. Le nombre des candidats
fut de quinze au premier examen, de dix-sept au second. Le
maximum étant fixé à cent points, il fallait avoir obtenu soixante-
cinq points au moins et avoir assisté à quatorze leçons pour ob-
tenir un certificat de première classe ; trente-cinq points au moins
et la présence à douze leçons étaient nécessaires pour obtenir un
certificat de seconde classe. Les résultats furent les suivants : sept
candidats obtinrent plus de soixante-cinq points; quatre ob-
tinrent moins de soixante-cinq points, mais plus de trente-cinq;
enfin huit n'atteignirent pas trente-cinq points. Les échecs se ren-
contrèrent surtout parmi les hommes; on pouvait les attribuer
surtout au manque d'éducation première, plutôt qu'au manque
d'aptitude, peut-être aussi, dans quelques cas, à l'absence d'ambi-
tion. Il faut ajouter que le personnel masculin avait un service
plus chargé que le personnel féminin. Enfin l'auteur put s'assurer
que plusieurs des leçons avaient été trop élevées pour la moyenne
des élèves.
La seconde série de leçons faite d'une façon plus utilitaire fut
assidûment suivie, et réussit mieux que la première. Des prix
furent donnés aux trois meilleures compositions sur les hallucina-
tions, l'observation de trois malades servant de base à chacune
des compositions; trois hommes et cinq femmes prirent part à ce
petit concours. Le résultat des examens fut très satisfaisant; cinq
femmes et quatre hommes obtinrent un certificat de première
classe; une femme et trois hommes un certificat de seconde
classe.
Un autre résultat favorable fut indirectement atteint : des sortes
de conférences s'établirent entre les élèves ; ils discutèrent et com-
mentèrent les leçons ajoutant ainsi l'enseignement mutuel à l'en-
seignement du maître; enfin les élèves se piquèrent d'émulation ;
cette émulation fut surtout marquée entre les deux sexes, où elle
ne fut pas toujours exempte d'un sentiment moins noble, celui de
lajalousie et du mauvais vouloir : mais ce n'estlà qu'un inconvé-
nientqui a déjà diminué, et que l'avenir ne fera qu'amender en-
core.
L'auteur demande, en terminant, que l'Association médico-
psychologique prête son concours à l'étude de cette question; l'é-
ducation professionnelle des infirmiers d'asile constituera une in-
novation profitable à tout le monde, aux infirmiers eux-mêmesdont
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE 71 1
le niveau social et intellectuel sera élevé, et aux médecins dont la
tâche sera singulièrement facilitée.
Enfin M. Clark soumet à l'Association un projet dont les bases
seraient à peu près les suivantes :
1- Des mesures seraient prises d'une façon simple et à titre
d'essai, sous le patronage de l'Association médico-psychotonique,
pour que les surintendants médicaux d'asiles qui seraient dis-
posés à faire l'essai loyal de ce système entrassent dans une com-
binaison dont la durée minimum serait de deux ans; 2° l'épreuve
à tenter consisterait uniquement à donner un enseignement spé-
cial, non obligatoire, consistant en des leçons pendant l'hiver et
en enseignement au lit du malade, dans la mesure où les exigences
de chaque asile le permettraient; et à délivrer des certificats spé-
ciaux de première, de deuxième et de troisième classe, suivant
l'importance et la durée des services; 3" une liste officielle des in-
firmiers ou infirmières qui auraient obtenu des certificats serait,
au bout de deux ou trois ans, imprimée et distribuée par les soins
et aux frais de l'Association ; 4° les médecins d'asile qui entre-
raient dans cette combinaison, nommeraient une commission
munie des pouvoirs nécessaires pour prendre les dispositions et
établir des règles propres à mener à bien la tentative dont
il s'agit. R. M. C.
III. Contribution A la casuistique DES psychoses consécutives
aux maladies fébriles; par L. Kirn. (Allg. Zeitsch. f. Psych..
XXXIX, 6.)
Sept observations sont consignées. Elles n'apportent aucune
modification aux travaux de Kroepelin '. L'auteur insiste simple-
ment sur l'acuité des symptômes et la rapidité de leur évolution
dans l'espèce, sur l'étal d'affaiblissement psychique possible, sur
les traits si vagues des formes vésaniques. Pour lui, les psychoses
fébriles sont caractérisées par un délire auquel le moi prend peu
de paît, tandis que les psychoses asthéniques se rapprochent des
conceptions formées par le fou proprement dit; les premières
seraient courtes, mais d'un pronostic fâcheux ; les secondes se pro-
longeraient sans danger. Aux lésions somatiques graves corres-
pondraient les psychoses du stade initial de la maladie, aux alté-
rations anatomiques modérées appartiendraient les psychoses des
périodes avancées. La prédisposition jouerait un rôle très impor-
tant ; nervosisme. émotion morale, hérédité psychopathique ou
neuropathique. P. K.
1 Voy. Archives de Neurologie, t. II, p. 263, et t. IV, p. 105.
72 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
IV. SUR LE CARACTÈRE ET LES R\LLUCIVAT10\S DE JE\ ? \E D'AnC; par
William IRELAND. (Journal of mental Science, janvier 4883,
p. 483, et avril 1883, p. 18.)
On est quelque peu déçu lorsque, après avoir lu les deux articles
consacrés au caractère et aux-hallucinations de Jeanne d'Arc, on
s'aperçoit que l'auteur ne conclut pas, ou qu'il conclut à peine, en
des termes dont la réserve confine à la timidité. Toute la première
partie du travail est purement historique, et puisée aux meilleurs
sources; c'est en effet dans les documents relatifs au procès d'abord
et ensuite à la réhabilitation de Jeanne d'Arc que 111. Ireland a
cherché les éléments de ce résumé historique, où les hallucinations
de l'héroïne aussi bien que les principaux traits qui peuvent
éclairer son caractère sont soigneusement notés au passage, mais
sans commentaires. C'est dans les deux dernières pages seulement
que l'auteur laisse entrevoir son opinion; voici les principaux
points de cette dernière et courte partie de son travail : lorsqu'elle
se réclame sans cesse de l'intervention divine, Jeanne d'Arc peut
paraître absolument digne de foi à ceux qui admettent volontiers
le surnaturel dans l'histoire, et son aptitude à jouer le rôle diffi-
. cile qu'elle s'était donné pourrait être considéré comme la preuve
du choix fait par une sagesse supérieure à la sienne propre, plutôt
que comme le résultat des excitations mal réglées d'une affection
nerveuse. D'auho part, il est certain, et l'auteur en cite plu-
sieurs exemples, que ses voix l'ont, à diverses reprises, induite en
erreur.
Elle n'avait que vingt ans lorsqu'elle est morte ; si elle avait
vécu plus longtemps, il est probable que la marche des phéno-
mènes aurait révélé plus clairementle caractère de ses «délusions».
Brierre de Roismont a montré à la vérité que les hallucinations
sont compatibles avec l'état de raison ; mais si quelques personnes
ont pu avoir des hallucinations sans que leur raison fût troublée,
on considère à bon droit que les hallucinés sont des gens dont la
raison est ou atteinte ou bien près de l'être. Il est tel acte de
Jeanne d'Arc à propos duquel on ]t ferait atijoui-d'liiii comparaître,
non devant des docteurs en théologie, mais devant des docteurs en
médecine, et leur décision ne serait pas douteuse. Mais elle vivait
aune époque où on croyait à de fréquentes communications des
hommes avec les esprits : toute la difficulté se réduisait à savoir si
ces esprits étaient bons ou mauvais; faut-il s'étonner que la
paysanne de Domremy ait partagé l'universelle crédulité. La
grande difficulté consiste à donner l'explication des premières
« délusions » de Jeanne , lesquelles paraissent se rattacher à des
hallucinations de l'ouïe et de la vue. L'auteur déclare qu'il n'a,
à cet égard, aucune explication claire à fournir, et qu'il s'est pro-
posé seulement de retracer les principaux événements de la car-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 73
rière de Jeanne d'Arc de façon à mettre les i)q3-eliologis[es en me-
sure de se faire une opinion. H.M.C.
V. NOTE SUR QUELQUES cas propres a démontrer l'importance qu'il
Y A A RECHERCHER TOUTES LES CIRCONSTANCES ENVIRONNANTES LORS-
QU'IL s'agit d'apprécier l'état mental d'un I\L1D1. ; par SAMUEL
Wilks. (Journal of mental Science, janvier 1883, p. 549.)
Cette note a été inspirée à M. par la lecture d'un article
précédemment publié par le Mental Science et dans lequel l'auteur
insistait sur la nécessité de connaître tous les tenants et aboutis-
sants d'un malade avant de se prononcer sur son état mental. En
effet, « le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable » et l'on
conçoit qu'il puisse se présenter telle circonstance où une asser-
tion qui, considérée absolument, peut et même doit paraître par-
faitement déraisonnable, se trouve néanmoins entièrement con-
foime à la réalité des faits.
M. Willzs (qui n'e.-t pas aliéniste, mais qui est l'un des médecins
les plus instruits et les plus occupés de Londres) a pu observer un
certain nombre de cas, où des erreurs ont été bien près d'être
commises, soit par lui-même, soit par ses confrères. Le plus ins-
tructif et le plus significatif de ces cas est celui dont voici le ré-
sumé :
Il s'agit d'un homme qui fut examiné par cinq médecins, au
nombre desquels se trouvait M. Wiiks lui-même ; à la vérité aucun
des cinq médecins n'était aliéniste. n'v eut qu'une voix pour dé-
clarer le malade aliéné ; heureusement il n'était point question
d'internement, et il ne fut ni demandé, ni donné de certificat. Le
malade était un homme du monde, que M. Wilks connaissait fort
bien de nom et de vue, qui habitait dans un des faubourgs de
Londres une maison détachée, possédait chevaux, voilures, domes-
tiques, etc.; il menait le train d'un homme riche, et on lui attri-
buait en effet une grande fortune. Un jour, cet homme se met au
lit, refuse de manger, maigrit, souffre d'une insomnie continuelle,
et déclare qu'il ne vivra pas jusqu'à Noël (on était en automne).
Lorsque M. \Villa fut appelé en consultation, les médecins trai-
tants lui apprirent que le malade était plongé dans une grande
mélancolie, qu'il éprouvait des craintes illnsoireslesplusterribles,
qu'il ne cessait de parler de sa propre perversité, de l'avenir ter-
rible qui l'attendait, alors même qu'il échapperait à la justice; il
ne cessait de demander si l'on n'étaitpas venu le chercher pourle
conduire en prison. Il déclara à M. Wilks que toute tentative de
consolation était superflue, qu'il ne vivrait pas longtemps, et que
lorsque le matin survenait il ne savait jamais s'il ne serait pas en
prison le soir. « Il était, dit 11. 1'illcs, lout à fait inutile de cher-
74 4 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
cher à raisonner avec lui. » Deux médecins l'avaient déclaré mé-
lancolique depuis quelque temps ; les deux autres médecins qui le
soignaient actuellement et M. Willis lui-même ne purent que con-
firmer le diagnostic. La femme du malade, interrogée avec le
plus grand soin, ce point est à noter n'avait pu donner au-
cun renseignement sur les causes qui avaient pu réduire son mari
à ce triste état. Quelque temps après, un parent du malade alla
voir M. Wilks et lui apprit que les assertions du pseudo-aliéné
étaient aussi exactes que ses terreurs étaient légitimes : tuteur
d'enfants orphelins, il avait détourné et dissipé la fortune qu'il
avait mission de gérer; au moment où il se mit au lit et témoigna
des craintes qui paraissaient illusoires à son entourage, l'instant
approchait où ses malversations allaient être découvertes, et rien
n'élait plus naturel et plus logique de sa part que de s'attendre a
toute minute à une descente de police.-Lafamilie, très désireuse
d'éviter un scandale judiciaire, fit de grands sacrifices et put dé-
sintéresser à peu près complètement les pupilles frustrés qui ne
déposèrent pas de plainte; à partir du moment où cet arrange-
ment fut conclu, le malade revint à la santé. R. M. C.
VI. Un C\S de perte aiguë de la mémoire; par G. SAVAGE. (Journal
cf mental Science, avril, 1883, p. 85.1
Les cas de perte de la mémoire ne sont pas rares ; mais dans le
cas dont il s'agit, la perte a été beaucoup plus soudaine et plus
complète que d'habitude. M. Savage se déclare fort embarrassé
pour poser un diagnostic; s'il fallait absolument en donner un il
inclinerait à penser que c'est une paralysie générale qui va se
développer. Voici le résumé très succinct de cette longue observa-
tion :
Femme de quarante ans, une tante paternelle aliénée; un en-
faut, âgé de vingt ans; son mari a eu une maladie fort longue,
qui a sensiblement diminué ses ressources : le 8 octobre 1882. elle
a eu une attaque, qui a été considérée, dit-on, par le médecin,
comme simplement hystérique ; c'est à partir de ce moment qu'elle
a perdu la mémoire. Elle dit actuellement qu'elle est mariée depuis
quatre ans, que son enfant en a seize ; elle ne sait ni où elle est, ni
où elle a été; elle répète indéfiniment une même question sans se
souvenir qu'on lui a répondu. Ni agitation, ni exaltation, ni hallu-
cinations, ni illusions, ni mélancolie. Si on lui demande en quelle
année on est, elle donne un jour une date et le lendemain une
autre : elle ne sait pas non plus le jour de la semaine, à moins
qu'un journal ne tombe sous sa main et ne le lui indique. Elle ne
sait ni le nom du médecin, ni le nom de la surveillante, ni si elle
est à Londres ou à la campagne. Elle ne se rappelle ni un tableau,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 75
ni une odeur, ni un goût. Chaque jour, elle déclare qu'elle est
redevenue elle-même et qu'elle a recouvré la mémoire : vérifica-
tion faite, au bout de deux minutes, les faits et les visages sont de
nouveau effacés de son esprit. Le 2 décembre, à son lever, elle
titube et paraît étourdie; on la recouche, elle a un peu de para-
lysie motrice du bras gauche, avec déviation conjuguée des yeux
à droite ; elle a perdu connaissance ; revenue à elle, elle est apha-
sique, et n'a conservé que quelques mots allemands (elle parle
bien cette langue, ayant habité l'Allemagne pendant plusieurs
années avant son mariage) ; on constate une paralysie motrice
très peu marquée du bras gauche, et existant à peine à la jambe
gauche; elle est dans un état de semi-inconscience et parait avoir
une sorte d'inquiétude dans tout le côté gauche. Au bout de plu-
sieurs heures, elle reprend entièrement connaissance; la faiblesse
à gauche est alors marquée. Depuis cette époque, même état
qu'avant J'attaque peut-être avec une très légère amélioration de
la mémoire.
La portée de l'attaque convulsive est considérable. On est auto-
risé par divers points de l'observation, à dire que s'il y a une alté-
ration cérébrale, elle a son siège dans la moitié droite du cerveau ;
quant à déterminer s'il s'agit d'une lésion corticale, d'un épanche-
ment dans les membranes, ou d'une dégénérescence affectant peut-
être la couche optique droite, c'est-là un problème que M. Savage
ne se trouve pas en mesure de résoudre.
Dans la seconde moitié de janvier,le mari de la malade mourut ;
comme l'avait prévu l'auteur, l'impression de chagrin produite
par celte nouvelle, très marquée sur le moment, fut oubliée en un
instant; on répéta la nouvelle, même émotion vive, même oubli
presque instantané.
Il faut ajouter que la faculté d'associer les idées n'est aucune-
ment troublée, et que la notion d'un grand nombre de faits fon-
damentaux ou acquis par l'éducation subsiste à peu près intégra-
lement ; par exemple elle connaît et emploie aussi bien que jamais
la table de multiplication ; elle peut lire, définir un objet, le nom-
mer quand on le lui présente ; mais elle n'a pas plus la mémoire
des choses lues que des choses entendues. Elle n'a pas plus oublié
la musique que les mots, elle reconnaît les notes 1 l'oreille et à la
vue, et peut jouer du piano de mémoire.
La place d'une telle malade est-elle dans un asile ? En tant que
folle, non sans doute; mais peut-on considérer comme respon-
sable une personne dont les impressions sont aussi fugitives, la
mémoire des choses les plus récentes aussi oblitérée ? Libre, ne
serait-elle pas à la merci du premier venu ? C'est à ce point de
vue que son internement constitue une mesure de sécurité. L'au-
teur la traite comme un cas de démence progressive ; il est pro-
bable en effet qu'elle aura d'autres attaques qui affaibliront encore
76 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
sa mémoire eu même temps qu'elles feront tomber son intelligence.
Quant aux lésions anatomiques, ce seront probablement des lé-
sions se rattachant à la paral3'sie .inérale, ou bien celles qui
caractérisent les modifications post-apoplectiques. R. 1)1. C.
VII. SUR LES maladies mentales consécutives a une élévation DE la
température EXTÉRIEURE; par R. Victor. (Allg. Zeitsch. f. Psych.,
XL, 1 et 2.)
Un premier groupe résulte du coup de chaleur, c'est-à-dire de
l'action générale de la chaleur ambiante sur l'organisme soumis
en entier à celle-ci. L'excès de chaleur atmosphérique engendre
alors des psychoses anisi caractérisées. A la suite de prodromes
constitués par du malaise, de la lassitude, de rafïaibti-sement de
la mémoire, de la céphalalgie, de l'angoisse prrcordiaie. survient
une exagéralion delà sensibilité des organes sensoriels; des hallu-
cinations vives et animées deviennent la cause d'une agitation
maniaque aiuc, ou, plus rarement, d'une profonde mélancolie. On
a vu également, dans les mêmes condition0, des com ulsionc, de la
démence aiguë, des tentatives de suicide, de la stupidité, une
anxiété excessive. La soudaineté des phénomènes, leur acuité,
voilà le cachet de l'évolution des manifestations qui tantôt dis-
paraissent complètement sans laisser de traces, après un sommeil
de vingt-quatre heures, tantôt se transforment en une entité
chronique semblable à la paralysie générale. Ces accidents sé-
vissent surtout sur des troupes on marche, ils affectent de préfé-
rence des soldats déjà malades. La mort en est le résultat dans
40 à 0 p. 100 des cas. Ou peut aussi observer des troubles men-
taux chez les individus qui vivent dans un milieu artificiel sur-
chauffé (ouvriers de fabriques, chauffeurs de machines, boulangers,
chauffeur ? de bateaux, etc.). Il s'agit, dans l'espèce, de lipotliviii,es.
de convulsions «Ioniques avec vomissements, myosis et immobilité
pupillairc, entraînant une mort rapide ou même instantanée.
L'ensemble des faits recueillis par l'auteur dans la bibliographie
(une seule observation lui est personnelle) montre que la satura-
tion de l'air par de la vapeur d'eau, des poussières, des émana-
tions humaines, la surcharge des manoeuvres ou des fantassins
par des fardeaux trop lourds, l'excès de transpiration, l'alcoo-
lisme, les fatigues antérieures, physiques ou morales, constituent
autant du causes prédisposantes. La température du corps des
victimes s'élève souvent jusqu'à -10 et 4a°; par conséquent, la
pathngénie doit être imputée à un arrêt dans l'équilibration phy-
siologique de la chaleur somatique ; le mécanisme des altérations
(hémorrhagies encéphaliques, etc.) doit donc être le même que
dans les cas d'hyperthcrmie fébrile.
Le second groupe des affections mentales de cet ordre relève de
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 77 Î
l'insolation ou coup de soleil. Ici, l'action du calorique, plutôt locale,
porte principalement sur la tête et la nuque; le soleil ou toute
autre source de chaleur artificielle rayonne vivement sur ces ré-
gions. M. Victor en a recueilli quinze observations à l'asile d'E-
berswalde. Tous les sujets étaient des hommes qui avaient été
exposés pendant des années à une chaleur rayonnante intense,
cinq d'entre eux présentaient de l'hérédité... un seul était buveur.
Cinq avaient eu jadis une maladie grave. Absence de syphilis. Une
affection organique du coeur. En général, la psychose avait débuté
graduellement par de l'agitation accompagnée de douleurs cépha-
liquesou par uu stade prodromique de dépression profonde, sinon
de mélancolie vraie, avec tendance au suicide. Puis, ou bien il
s 'était développé le tableau cliniquecomplet delà paralysie générale
(dix cas), ou l'on avait assisté, soit à de la lypémauie (deux cas),
soit à de la folie systématique (trois cas). Neuf morts : altérations
de paralysie générale; quatre sorties dont une guérison (mélan-
colie) ; deux chroniques (fo)ie systématique).Ce sont, tout compte
fait, quinze formes graves, presque incurables dans la genèse des-
quelles les causes prédisposantes ne jouent aucun rôle. P. K.
VIII. Contribution A la connussance des aliénés criminels; par
W. Sommer. (,111,q. Zeitsch. f. Psych., XL, 1 et 2.)
L'auteur a dressé la statistique des malades de ce genre reçus à
l'asile d'Allenberg, de 1832-1882, c'est-à-dire depuis l'ouverture de
l'asile provincial de l'ouest de la Presse ; il indique leurs prove-
nances de diverses maisons de correction, d'arrêt, de détention
définitive ou préventive, des établissements pénitenciers. Le total
s'en élève à 11 1 : 84 h., 27 f. Une longue et savante discussion
complète le tableau. Nous n'y pouvons que cueillir quelques for-
mules intéressantes : c'est ainsi que, dans la région en question, il
y aurait vingt-cinq fois plus de criminels parmi les aliénés; que
les crimiuels femmes sont aussi fréquemment atteints d'aliénation
mentale que les hommes ; que presque toujours les aliénés cri-
miuels ne sont transférés à l'asile qu'incurables; que le mariage
paraît préserver et de la folie et du crime; que, si le criminel doit
être considéré comme un malade à ménager autant que possible,
on doit aussi le considérer comme un homme dangereux, de par
sa propre faute, ou, de par son hérédité morbide, et le séparer de
la société jusqu'au jour où il olfre certaines garantie» d'innocuité.
M. Sommer montre ensuite que l'hérédité du crime n'est pas
très fréquente, que l'hérédité de la folie chez les criminels est
moindre que chez les aliénés ordinaires (il s'en faut de 8 p. 100).
' L'isolement pénal ne serait pas aussi dangereux en tant qu'agent
morigène, mais il accélérerait, chez des prédisposés, l'explosion
d'une psychose. Ce petit nombre d'extraits prouvent que le mé-
78 REVUE de pathologie mentale.
moire traite non seulement des aliénés criminels, mais encore des
criminels aliénés. L'historique des asiles pour ces deux catégories
d'individus est finalement complètement exposé. « Il serait à
souhaiter, termine M. Sommer, que l'on construisit un asile-
hospice pour ceux qui, après avoir accompli le temps de leur peine,
devraient encore être considérés comme dangereux.Maisc'està
peine si, dans toute la monarchie prussienne, il y en aurait à
transférer plus de 100 à 200. » P. K.
IX. Contribution : 1 la question de l'assistance DES épileptiques;
par Wildermuth. (Allg. Zeitsch. f. Psych. XL, 1 et 2.)
D'après l'auteur, qui apporte sur ce sujet une expérience de
seize ans, idiots et épileptiques, jeunes ou adultes, peuvent, sans
inconvénients, pour les uns comme pour les autres, être traités
et instruits dans un seul et même établissement différant d'un
asile d'aliénés. On épargne ainsi le nombre des médecins et des
professeurs. Certes, il incombe à l'Etat de bientôt fonder des
établissements publics destinés aux épileptiques, mais ils pour-
raient aussi recevoir des idiots. Il y a cependant lieu d'affecter
des locaux séparés aux épileptiques psychiquement sains, aux épi-
leptiques dont l'intelligence est affaiblie, aux idiots, aux malades
adultes, aux semi-adultes de quinze à vingt ans. On ne devra pas
négliger les occupations agricoles et industrielles. La direction
médicale et administrative de l'institution appartient au médecin.
Il est non moins utile de créer un service externe pour les épi-
leptiques auxquels la séquestration ne convient pas, de les exa-
miner gratuitement, et de leur délivrer des médicaments à prix
réduit. P. K.
X. Sur les familles nerveuses; par P.-J. Atoalus. (Allg. Zeitsch. f.
Psych. XL, 1 et 2.)
Cinq arbres généalogiques fort bien dressés orment le fond
du travail dont voici les conclusions.
Les affections les plus graves se sont montrées dans les familles
où il y avait, soit transmission multiple (bilatérale), soit mariage
consanguin. La consanguinité est en rapport avec la manie puer-
pérale, l'épilepsie, la folie chronique. On ne constate guère de
caractère pathologique prédominant en relation avec la tare héré-
ditaire ; les formes morbides de pareille origine sont vagues, toute-
fois lachorée, l'hystérie proprement dite, lespropensions au suicide
y manquent absolument, de même que la dipsomanie, l'infection
syphilitique, le tabès, la paralysie générale. La dégénérescence phy-
sique fait défaut, malgré l'existence de la diathèse névropathique :
durée delà vie et fécondité comme dans les familles saines; seules
REVUE DE pathologie mentale. 79
les incurvations de la colonne vertébrale paraissent se développer
trèssouvent, au cours delà vie,sans cause appréciable. Les facultés
intellectuelles sontbonnes, en plusieurs cas même élevées; quoique
l'instabilité du système nerveux et le manque d'énergie entravent
plus ou,moins l'utilisation de l'intelligence, l'assimilation psychique
et les travaux sont en conformité parfaite avec la valeur des fonc-
Lions.Pas de dégénérescence morale. Etcependant, l'imprégnation
héréditaire est plus grande, plus enracinée qu'on ne l'admet géné-
ralement. S'il semble que les maladies graves ne se transmettent
pas aussi communément, en revanche, les hommes en apparence
bien portants ne sont pas normaux; ils portent les stigmates de
l'hérédité. Ceux-ci peuvent simplement se traduire par de l'obnu-
bilation de la connaissance, une sensibilité exagérée à l'égard d'ex-
citations qui échappent à un individu normal, en une émotivitc
excessive, en une adynamie rapide au moindre effort. De tels hérédi-
taires sont pessimistes, mais ils sont capables d'amour et d'amitié.
Conclusion pratique : Toute personne, chez laquelle sont sur-
venues des modalités graves quelconques de dégénérescence ner-
veuse, ne doit pas se marier. Quoique le croisement avec un sang
pur produise d'heureux résultats, le célibat est le seul moyen à
opposer à la propagation. Il est dur de déconseiller le mariage à
des héréditaires jusque-là sains, mais il faut avertir la famille in-
demne des dangers d'une pareille alliance, lorsqu'on est son con-
seil. Le public sera également éclairé sur les conséquences de
l'hérédité par des conférences spéciales. P. K.
XI. Recherches expérimentales ET cliniques sur l'épilepsie; par
Unveriucht. (Arch. f. Psych. XLV, 2.)
En laissant de côté les recherches bibliographiques très com-
plètes de ce mémoire, il nous reste dix-sept expériences per-
sonnelles instituées sur des chiens. Vingt-cinq conclusions en ré-
sument la teneur mieux que n'importe quelle analyse :
1- L'excitation électrique produit des attaques d'épilepsie, non pas seul
lement quand on fait agir le courant sur la région corticale antérieur :
motrice, mais aussi quand on l'applique sur les parties postérieures du
cerveau, qui, d'après d'autres recherches, seraient en relation avec les
fonctions de la vue. La propension aux convulsions est, dans de larges
limites, indépendante de l'apport du sang artériel à l'écorce du cerveau,
de l'excitabilité réflexe et de la chaleur du corps; 20 La durée de l'ac-
tion du courant électrique joue, dans la genèse des convulsions, un plus
grand rôle que la force du courant ? 30 L'évolution des convulsions cor-
respond à la disposition topographique des centres moteurs dans l'é-
corce du cerveau; ainsi n'entrent en convulsions, les uns après les
autres, que les territoires musculaires dont les centres sont situés, dans
l'écorce cérébrale, les uns à côté des autres ; 4" La charpente musculaire
intrinsèque de la langue, ainsi que les muscles rétracteurs de cet organe,
80 REVUE DE pathologie mentale.
reçoivent des libres motrices des deux moitiés de l'écorce ; Sa La même
conclusion s'applique bien probablement aussi aux muscles qui ouvrent
et ferment la mâchoire inférieure; 6" La nuque et le tronc sont, dans
les convulsions hémitatérales, tirées du côté de l'hémisphère excité;
7" Le muscle risurius du chien est simplement innervé par l'hémisphère
homonyme; 8" L'excitation de la région corticale postérieure se tra-
duit par une dilatation de la pupille et de la fente palpébrale, et par un
mou\ émeut de latéral ! té des globes oculaires. Une action prolongée engendre
du nystaginus du côté opposé, auquel s'adjoint une attaque dépitepsie;
- 9 Les convulsions ne se propagent jamais il la seconde moitié du
corps qu'après s'être complètement disséminées sur la première. Parfois
une pause sépare les deux actes; - 10o De l'autre côté, les convulsions
affectent un ordre sériaire invariable; elles commencent, quelqu'ait été
leur point de départ sur le côté primitivement atteint, par l'extrémité
postérieure; Un Quand l'excitabilité de l'écorce s'y prête, on obtient,
par une excitation électrique unique ou répétée, ou même parfois à l'aide
d'influences mécaniques, uu état de mal épileptique qui, tantôt se calme
spontanément, tantôt entraîne la mort de l'animal. Deux formes peuvent
être distinguées. A. Dans la forme oscillante, l'excitation va et vient, à la
manière d'un pendule; après avoir parcouru la seconde moitié du corps,
les convulsions cloniques y reviennent en sens inverse, passent de
l'autre côté, le quittent, se réinstallent sur le second, etc., jusqu'à ce que,
devenues générales, elles occupent le corps entier. B. Dans la forme
récidivante, après uue première attaque convulsive méthodique, normale,
une seconde prend naissance sur le même territoire musculaire; elle est
suivie d'une troisième, puis d'une quatrième, à allures de plus en plus
rapides, jusqu'à ce que, se généralisant, les convulsions s'emparent de
tous les muscles; - 1'-)- Il se peut que certains groupes musculaires par-
ticipent faiblement ou ne participent pas du tout aux convulsions; c'est
qu'alors généralement leurs centres corticaux sont faiblement excitables
ou ne sont pas excitables du tout; 13o Chaque accès isolé coïncide
avec une livpei-ilieriiiie de un à deux dixièmes de degré. C. On aurait, dans
l'état ^le mal, noté 44o l'; le thermomètre monterait encore post ruortem
de trois dixièmes. On a beau abaisser la température somatique jus-
qu'à 34° S', on n'entrave ni l'excitabilité corticale, ni la genèse de l'état
de mal; 14" L'anémie n'a d'influence sédative sur les convulsions que
lorsque, très prononcée, elle met la vie en danger 11 en est de même
pour la suffocation. Dans ce dernier cas, si l'on restitue à temps l'apport
d'oxygène, les convulsions, qui s'étaient déjà éteintes, reprennent.
L'excès d'uxyène dans le sang fait disparaitre les pauses mterconvulsives
de l'état de mal; les pupilles deviennent étroites; 15- La morphine
ne calme les convulsions que lorsqu'on en administre de hautes doses,
et même, la plupart du temps, des doses mortelles. En revanche, l'in-
jection intraveineuse de chloral (dans certains casa la simple dose de 20
centigrammes), ou l'inhalation d'éther calment sur-le-champ les convul-
sions. L'atropine augmente l'excitabilité de l'écorce; elle peut réveiller
une attaque réduite au silence ; 16° L'écorce du cerveau joue un rôle
fondamental dans la production des convulsions musculaires. En extirpant
certains centres moteurs isolément, on élimine du même coup du tableau
cowulslf les territoires musculaires en correspondance avec eux. En cer-
tains cas, les muscles sont le théâtre de mouvements associés produits par
le transport brusque de l'excitation dans les appareils centraux profonds,
revue de pathologie Mentale. 8t
car ces mouvements se manifestent encore après la section transverse
du pédoncule cérébral et de la moelle. Fréquemment ils présentent un
caractère tonique; 17o L'extirpation de la zone corticale motrice dans
l'état domalépileptique réduit au silence les convulsions musculaires ; c'est
tout au plus si l'on voit se produire alors des mouvements associés. Une
ablation bilatérale anéantit également ces derniers ;-i8°Ilest vrai que la
propagation de l'excitation concorde avec la disposition topographique
des centres corticaux, mais elle ne souffre aucune modification dans sa
marche, quand on isole les uns des autres, par de profondes incisures
dans la substance cérébrale, des départements corticaux voisins. En pra-
tiquant autour d'un centre une section complète, on ne trouble pas non
plus la marche normale des convulsions musculaires, par conséquent l'in-
citation semble se transmettre dans les foyers centraux profonds ; -i9°
Cela explique aussi que la section du corps calleux n'empêche pas l'in-
\asion des convulsions sur l'autre moitié du corps; 20° Une hémor-
rhagie ventriculaire apaise les convulsions de la moitié du corps corres-
pondante; 21° L'accès convulsif, provoqué par l'excitation de l'écorce
du cerveau, présente, entre toutes les modalités convulsives d'ordre
expérimental, la plus grande ressemblance avec les attaques de l'épilep-
sie humaine; 22° La nature corticale de ces dernières puise ses argu-
ments dans les diverses formes de l'aura, dans les équivalents psychiques
ainsi que dans les intéressantes relations entre le sommeil et les
psychoses ; 23° Quelques observations nous apprennent que la
destruction de la région motrice empêche également chez l'homme les
convulsions dans les territoires musculaires correspondants; 240
Quant à la marche des convulsions, les acquisitions de la clinique ac-
tuelle s'accordent avec nos expériences; ou ne manque d'indications
exactes que sur la manière dont est frappée la seconde moitié du corps.
Le petit nombre de celles qui existent ne s'accordent pas avec nos obser-
vations, mais peut-être peuvent-elles s'expliquer par la loi des mouve-
ments associés ; 25° Ce fait que, dans les convulsions hémilatérales,
certains districts musculaires sont intéressés sur l'autre moitié du corps,
n'a pas d'analogue en clinique. Ce n'est que pour l'appareil musculaire
de la nuque que quelques remarques isolées des auteurs se plient, à la
rigueur, à une explication comme la nôtre. P. K.
XII. Un lipome du plexus choroïde ; par Il. 013EIISTEINLR.
(Centralbl. 1\cruetaheillc., 1883.)
Ce fait, excessivement rare, ne constitue, en définitive, qu'une
curiosité pathologique, d'autant plus que sur l'individu en question
on ne possédait aucun renseignement. La tumeur occupait le
plexus choroïde gauche; dure, arrondie, d'un diamètre longitu-
dinal d'un centimètre et demi, divisée en son milieu par un
profond étranglement qui la scindait en deux moitiés également
lobulées, elle présentait au microscope l'aspect d'un lipome vrai
parcouru par des tractus conjonctivo-vasculaires, originaires de sa
capsule d'enveloppement. L'auteur rappelle 't ce propos le fait'
présenté par lui à la Société Psychiatrique de Vienne, il y a neuf
ans. P. K.
ARCHIVES, t. IX. 6
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE
I. Une simplification recommandable de la batterie A courants
constants; par Hugo Koebner. (Cenlralbl. ? A'e)'ueH/tet7A., 1883.)
Sous le nom de nouveaux éléments de l'atileut, re-
commande l'appareil suivant. Un cylindre de verre de li centim.
de haut et de 10 centim. de diamètre soutient un anneau en zinc
muni de trois saillies supérieures qui plonge dans le vase. Le fond
du cylindre est occupé par une lame.de cuivre qui porte un fil de
cuivre; ce fil de cuivre est isolé par delà gutta-percha. Un second
fil part d'une des saillies de l'anneau en zinc. On remplit le verre
d'eau additionnée d'un peu de sulfate de zinc ou de magnésie; on
jette au fond quelques morceaux de sulfate de cuivre et l'élément
est prêt àfonctionner. P. K.
Il. Etude sur l'action ne L'ACËtAL ' 1 (diétlillacétal) ; par
Stoltenhotf. (Cenlralbl. f. u'eruelzheilk., 1853.)
Ce corps qui a pour formule C" Il'- 0 ? pour densité 0,87, qui est
soluble dans 18 volumes d'eau, qui distille sans décomposition à
+ )04° 1 ? qui est volatile à la température ordinaire, a été utilisé
par l'auteur sur six aliénés et sur trois individus sains. Il calme
le plus souvent, au moins passagèrement, l'agitation la plus pro-
noncée, mais jamais l'effet n'est durable ; dans les 5, 15, 30 mi-
nutes qui suivent son ingestion buccale, on obtient, à l'aide d'un
minimum de ri grammes, un sommeil de 4 à 10 heures; cette dose
chez les individus sains d'esprit ne détermine que de la somno-
lence fugace, à moins qu'on emploie 7 grammes. Dix grammes
ne présentent aucun inconvénient. Les effets accessoires impor-
tuns se bornent à de la congestion céphalique accompagnée d'irré-
gularités du pouls ; ils ne constituent nullement une contre-indi-
cation à l'administration du médicament. Si l'on en juge d'après
l'odeur exhalée par l'haleine, il est rendu en nalure par la respi-
ration. Il importera du reste dans l'avenir dele chercher dansl'u-
vine par la méthode de Liebon : la lessive de soude, l'iode et
1 Voy. Ai,chives de Neurologie, travail de Langreutur, t. VIH, p. 383.
revue DE thérapeutique. 83
l'acide chlorhydrique, en sa présence, produisent des cristaux mi-
croscopiques d'iodoforme. M. Stolteiilloff a provoqué, chez un
lapin, par la méthode des inhalations, deux à trois heures de
sommeil. P. K.
111. Observation sur une action remarquable de l'électricité
statique; par S.-Th.STEtN.(C<'H<m/6<. ? Ve)'ccH/t6t ? 4883.)
Un homme de vingt-six ans, vigoureux, indemne de toute atteinte
hystérique ou psycuopathique, occupé à des travaux fatigants,
est, depuis plusieurs années, capable de présenter les phénomènes
de catalepsie les plus accusés, tout en demeurant éveillé. Il suffit,
après lui avoir fait étendre le bras volontairement, d'en effleurer
la surface avec la paume de la main, du centre à la périphérie,
pour déterminer la rigidité avec anesthésie locale; une caresse
en sens inverse, c'est-à-dire de la périphérie au centre, rompt le
charme. Toutes les parties du corps sont passibles des mêmes
résultais par les mêmes procédés. Or, en promenant la chaîne
conductrice positive d'une machine statique du centre à la péri-
phérie, on obtient aussi la catalepsie; on lait cesser cette deriiiè ! e
en rayant légèrement les téguments avec la même électrode de la
périphérie au centre. Ce n'est pas le simple contact de la tige qui
agit ainsi, car l'électrode, sans le passage du courant, demeure
inactive. Le pôle négatif catalepsie, s'il est conduit légèrement
de la périphérie au centre ; inversement, il délie la contraction
musculaire, s'il est conduit du centte à la périphérie. L'exemple
de cet individu n'est pas unique; les mêmes faits s'observent
encore chez les sujets hypnotisés. L'électricité galvanique ou
faradique ne produit rien de semblable; elle augmente simple-
ment l'excitabilité des muscles en état de catalepsie expérimentale.
P. K.
IV. Contribution au traitement SYMPTOMADQUE de la paralysie
AGI1'.1\TE; par ? 1LLE\LIETEfi. ((,'Btt>;)'C(i. %. rC)'UG)LLCtih., 1883 -)
11 s'agit d'une malade, dont l'observation est relatée en détail,
qui fut successivement traitée parles moyens suivants : Chloral :
0,30 centigr. par jour additionné de 0,001 milligr. de morphine :
dix-huit mois de traitement; effet purement hypnotique.
K 13r. ; 8 br. par jour dans une tasse de valériane (infusion à
10 p. 100); diminution considérable du tremblement; deux mois
de traitement. Nitrate d'argent; un à dix centigr. par jour
en pilules; deux mois de traitement; effet négatif. Curare;
injections sous-cutanées; Il milligr. à 33 milligr. suspendent
invariablement les accidents de la molililê dès les heures sui-
8ï- le revue de thérapeutique.
vantes, pour deux jours. Courants continus (An. sur le front ;
cathode à la nuque; 8. Eléiii. Siem.); employés pendantdeuxmois
et demi (six séances par semaine de dix minutes), ils font gra-
duellement cesser presque absolument le tremblement. - Celui-ci
diminue aussi très notablement sous l'influence de l'atropine asso-
ciée au seigle ergoté, poussée jusqu'à un début d'intoxication
(neuf pilules contenant chacune 0,3 : ; centigr. d'extrait et 1 milligr.
d'alcaloïde). Disparition complète du tremblement, de par
l'hyoscyamine cristallisée très pure, administrée d'emblée à la
dose de 24 milligr. (intoxication). Quoi qu'il en soit, dans
toutes les expériences, la suspension des médications les plus
actives entraîne la réapparition du tremblement. P. K.
V. Recherches expérimentales sur l'action biologique du BRO-
mure de zinc; par Baldassare Testa. (Il Morgagni, octobre
1883.)
Le bromure de zinc agit suivant l'importance de la dose sur la
sensibilité, puis sur lamotilité; il arrête le coeur des grenouilles
en diastole, mais cette action est très lente en comparaison de
celle du zinc lui-même. L'action'du bromure de zinc doit être
rapprochée plutôt de celle du zinc que celle du bromure de potas-
sium ; c'est probablement à l'influence exercée par le brome que
l'on doit rapporter un certain degré de sommolence produit chez
les animaux par le bromure de zinc, ce qui n'a pas lieu avec le
bromure de potassium. Le bromure de zinc porte son action
d'abord sur les extrémités périphériques des nerfs sensitifs, et en
second lieu sur le centre spinal, sans excepter cependant les troncs
nerveux ; il doit y avoir aussi une action à part sur le centre céré-
bral puisqu'on observe de la somnolence. P. M.
VI. De l'action thérapeutique du bromure de zinc comparée avec
celle du bromure de POf.S3lUJi et de zinc; par Baldassare
Testa. (Il llorwpni, avril 1884.)
L'administration prolongée du bromure de zinc diminue l'exci-
tabilité du cerveau.-lllême si on élève au moyen de la strychnine,
le pouvoir excito-moteur de l'axe 1>ulbo-spiual le bromure de zinc.
et le bromure de potassium diminuent l'excitabilité cérébrale. Le
bromure de zinc doit celte action autant au brome qu'au zinc.
L'action prolongée du bromure de zinc ainsi que celle du bro-
mure de potassium diminuent sans l'abolir l'action épiteptogéne
de la cincltonidiue, mais la diminuent beaucoup plus cependant
que celles de la picrotoxine. Le bromure de potassium, le bro-
mure de zinc et le zinc lui-même sont utiles dans l'épilepsie, en
REVUE DE thérapeutique. 85
diminuant l'activité médullaire, en même temps que l'excitabilité
corticale, le bromure de zinc peut encore agir par son influence
sur les fibres terminales sensitives, il possède d'ailleurs une puis-
sance inférieure à celle du bromure de potassium, mais supérieure
à colle du zinc. Il a aussi une action efficace dans d'autres né-
vropathies convulsives, notamment dans l'hystérie.Le bromure
de zinc doit être en général préféré à celui de potassium, parce
que ce dernier a l'inconvénient de faire tomber facilement l'orga-
nisme dans un état de prostration plus ou moins profonde, ce qui
n'a pas lieu avec le bromure de zinc. P. M.
VII. Trutement des psychoses par l'électricité; par TIGGES.
(Allg. Zeitsch. f. Psych. XXXIX, 6.)
D'après ce travail, les courants continus paraissent agir surlout
sur les symptômes. En employant des courant faibles, on peut
arriver à rendre le sommeil aux psychopathes, à les débarrasser
des sensations pénibles intra ou extra-céphaliques qui ifs tour-
mentent, à faire disparaître les troubles de la sensibilité générale,
les vertiges, et l'engoûrnent intra-crâniens, la congestion de la
face, l'oppression êpigastrique et les illusions de tous les sens, no-
tament du tact, les bourdonnements d'oreilles et les hallucinations
de l'ouïe qui les accompagnent souvent, les symptômes d'exci-
tation d'ordre moteur, y compris la chorée, le ptsyalismc, les ma-
nifestations delasLupeur(muLisme,immobilité,inseusihilité). Voilà
bien des résultats en rapport avec les divers lieux d'application des
électrodes, avec la fixité ou la mobilité, soit de la cathode, soit de
l'anode ; aussi ne s'étonnera-t-on pas qu'ils ne soient que momen-
tanés. P. K.
VIII. Un cas d'élongation des nerfs D\NS le tabès dorsal; par
M. ROSE,ÇSTF,[.i. (Arch. ? Psych., XV 1.)
Chez un tahétique souffrant depuis six ans(observation très com-
plète), on pratique, en une seule séance, l'élongation des deux
sciatiques. Immédiatement après l'opération, on constate que le
patient a reconquis une partie de son sens musculaire et de sa
sensibilité, mais les réflexes patellaires n'ont pas reparu. Le jour
suivant, il se plaint de douleurs térébrantes ou de brûlures des
plus violentes dans les jambes; il lui semble aussi qu'on a rac-
courci ses membres inférieurs. En même temps, la température
s'élève, il se forme au lieu d'opération un phlegmon qui tue l'opéré
en quatre semaines. Autopsie. Dégénérescence grise des cordons
postérieurs, phlegmon fémoral double, thrombose delà veine i'é-
morale droite. Le microscope ne décèle pas d'altération de la
86 SOCIÉTÉS savantes.
moelle, ni du sciatique en rapport direct avec l'élongation. En
somme, celle opération n'a pas de raison d'être. De critiques
en critiques, l'auteur arrive à regarder le tabes comme une affec-
tion systématique, conformément aux indications de Struempell *.
P. K.
IX. Contribution A L'EFFET de la teinture d'aconit; par R. Neuen-
DORFF. (CH<)'0/K. f. Ne ? -ueî2heilk., 1883.)
Un paralytique général présente sur le dos de chaque main un
érythème papulo-vésiculeux symétrique, de concert avec des irré-
gularités de l'activité cardiaque (arhyllimie indescriptible). Consi-
dérant que celles-ci ont déterminé l'éruption, on ordonne de trois
à seize gouttes par jour d'un mélange au cinquième d'extrait
d'aconit ; les fonctions du coeur se régularisent en même temps
que J'affection cutanée disparait. Quelques mois plus lard, le
patient présente des accès d'asthme; action favorable de la même
préparation. L'autopsie ultérieure montre J'existence d'une dila-
tation avec dégénérescence graisseuse du coeur; endaortite chro-
nique déformante, depuis les valvules,jusqu'à l'aorte abdominale.
P. K.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 27 octobre Présidence de M. o1'ILL6.
Le président annonce à la Société la mort de MM. Girard de
Cailleux, Sauze et Dumesnil.
M. DALLY fait part de quelques réflexions qui lui sont suggérées
par le programme d'enseignement suivi dans les collèges. Se pla-
çant au point de vue social et pédagogique, il s'attache à démon-
Voy. Archives de Neurologie, t. VII, p. 329.
SOCIETES SAVANTES. 87
trer le peu de valeur des examens du baccalauréat qui ne peu-
vent rien en faveur de l'intelligence des candidats et n'amène-
raient que des déceptions, si l'on s'appuyait trop sur'ces examens
pour préjuger de l'avenir des élèves. La précocité mentale est,en
effet, un signe d'infériorité plutôt que de supériorité de l'intelli-
gence ; il en résulte qu'un critérium basé sur les premiers succès
d'un enfant pour choisir des sujets d'avenir n'aboutirait qu'à des
déceptions. Les prix de collège, ne seraient donc plus une preuve
de l'intelligence des enfants. Les races inférieures présentent
une précocité intellectuelle remarquable : à Sidney, llelhourn,
Victoria, les enfants anglais paraissent au début moins intelligents
que les enfants malaisiens et australiens. La sélection sociale et
intellectuelle fondée sur les examens ne peuvent donner un ré-
sultat réel qu'en élargissant considérablement les limites d'âge.
M. BouitDiN partage celte manière de voir.
M. FALRET demande la nomination d'une commission chargée
de résumer les opinions émises à la Société à propos des divers
projets de révision de la loi du 30 juin 1838.
111. LUNIER. Toutes les questions ayant été débattues ici, il y a
lieu d'adopter la proposition de M. Falret.
M. Bouchereau demande que, pour tenir compte de l'opinion
des minorités dont la manière de voir n'a pas prévalu dans les
discussions qui ont eu lieu, cette commission ne soit composée,
que de membres n'ayant pas jusqu'alors émis leur avis dans la
commission extra-pai-lenieii Lai re qui a déjà étudié le projet de loi.
Séance du 24 novembre. Présidence de M. Foville.
M. Régis présente à la Société un modèle de tableaux pouvant
permettre de représenter graphiquement l'observation des
aliénés atteints de manie, lypétiianie ou folie à double forme. Ces
tracés permettent aussi J'enregistrement du pouls et de la tem-
pérature.
M. Christian fait observer que s'il est intéressant d'établir une
échelle entre la mélancolie avec stupeur et le délire aigu, il est
bien difficile d'en déterminer scientifiquement les degrés : où un
observateur verra de la manie, l'autre ne verra que de l'agita-
tion maniaque, quel sera le critérium ?
M. Régis reconnaît la justesse de cette critique, mais il pense
néanmoins que ces tableaux, qui indiquent à grands traits les
diverses phases de la folie chez un même individu pourront rendre
quelques services au clinicien, surtont en ce qui concerne les
folies intermittentes.
88 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Foville. Ces tracés m'intéressent d'autant plus qu'autrefois,
j'ai fait des recherches dans ce sens, et que je me suis toujours
heurté à l'objection soulevée par ,11. Christian. Néanmoins il y a
lieu d'encourager les recherches de cette nature; peut-être pouira-
t-on un jour établir pour la folie des graphiques d'une méthode
assez simple pour comparer nutte elles diverses observations.
Elections. Aprèsles élections, la commission, chargée de résu-
mer les opinions de la Société sur les divers projets de révision
de la loi 1838, est composée de : MAI. Christian, Dagonet, de la
Maëstre, Legrand du Saulle, Magnan, Meuriot.
M. Motet. Messieurs, depuis quelque temps, les actes de violence
des aliénés en liberté se sont multipliés dans des proportions in-
quiétantes. Dans une période de moins de quinze jours, j'ai été
commis, pour constater l'état mental de trois aliénés, à la suite
de tentatives d'homicide. Il m'a semblé intéressant de vous sou-
mettre ces trois cas; s'ils appartiennent à la même forme de
trouble mental, ils diffèrent quant à l'évolution du délire, et
chacun d'eux présente des particularités qui méritent d'être
notées.
S... est un homme de trente-deux ans; il nous a été impossible d'éta-
blir ses antécédents. Tout ce que nous'savons de lui c'est que, depuis
plusieurs mois, il était devenu sombre ; il ne faisait pas d'excès alcoo-
liques, manquait d'appétit; et son sommeil était traversé par des rêves
pénibles. Quinze jours avant la tentative de meurtre qu'il a commise,
il avait complètement abandonné son travail et vivait chez lui oisif,
toujours inquiet. Sa femme est blanchisseuse et occupe plusieurs ou-
vrières. Un jour,ses yeux s'arrêtèrent sur l'une d'elles qui repassait une
chemise d'homme, il la voit introduire sa main dans la manchette après
le coup de fer et l'agiter. Immédiatement, il comprend dans ce geste une
allusion blessante pour lui; l'ouvrière a voulu dire : « S... est un em-
manché ,. A partir de ce moment, il croit qu'on le soupçonne d'avoir des
habitudes honteuses ; il n'a plus de repos, il vit aux écoutes et interprète
dans le sens de son délire les faits les plus insignifiants. Voici le fait qui
l'a déterminé à agir : «Il voit l'ouvrière sortir des cabinets d'aisance et,
par un mouvement tout automatique, porter sa main derrière elle et secouer
ses jupes, puis rentrer dans l'atelier sans se douter un instant que
S... est en observation ; mais lui, traduit ce geste ainsi : « Si S .. veut
me posséder, il aura mon derrière x, et exaspéré de cette insulte, dont
son délire a fait tous les frais, il décide qu'à la première provocation il
se vengera. Cette femme, qui ne se doute de rien, est alors l'objet d'un
espionnage incessant. Pendant plusieurs jours, S... attend ayant
enfin vu l'ouvrière sortir des cabinets et ajuster ses jupes, il trouve que
c'en est trop, qu'il faut en finir; il a dans la main son couteau ouvert et
sans dire un mot, il la frappe à la poitrine. Elle pousse un cri, on accourt ;
S... s'enferme dans l'atelier et quand les sergents de ville arrivent, il est
sur la défensive et engage avec eux une lutte des plus énergiques. Conduit
à la préfecture de police, il est dirigé sur l'asile Sainte-Anne. Quand il y
arrive, S... est dans un tel état de dépression qu'on ne peut réveiller
SOCIÉTÉS SAVANTES. 89
ses souvenirs. L'obnnbilation intellectuelle est complète. M. Magnan, qui le
voit alors se demande si cet homme n'est pas un et s'il n'est
pas dans un état de stuleurconsécutice à une crise comitiale. Une observa-
tion prolongée pendant plusieurs jours permet d'écarter cette opinion; S...
sort de cet état, les souvenirs redeviennent nets, précis, et il nous raconte
avec les détails que nous venons de donner la succession des faits. Son
délire nous apparaît systématisé; si l'évolution semble plus rapide
qu'elle ne l'est, d'ordinaire, c'est que nous manquons de renseignements
sur cet homme. Il s'est passé pour lui ce qui se passe trop souvent
même dans un milieu social plus élevé que celui auquel S .. appartient.
On ne prête qu'une attention distraite à des bizarreries, à des excentri-
cités de caractère, dont la nature reste méconnue. Même dans un milieu
social plus élevé se produisent souvent ces cruelles méprises. L'acte de
violence une fois consommé, on se souvient alors d'une foule de petits
faits qu'on avait crus sans importance, et, d'un seul coup, se révèle un
état pathologique, ancien, profond, irrémédiable.
Telle est la condition de S... ; cet homme est un aliéné irres-
ponsable d'un acte tout entier sous la dépendance d'un délire de
persécutions des plus nettement systématisées. Il est interné à
Saint-Anne ; il importe que cette mesure soit maintenue, dans un
intérêt d'ordre public et de sécurité des personnes.
Voici maintenant un second fait non moins intéressant que le
précédent : l'état mental de l'individu dont il s'agit avait passé
inaperçu pendant l'instruction et c'est seulement au moment du
jugement que M. le président de la 10e chambre du tribunal de la
Seine, averti par le défenseur, reconnaît la nécessité d'un examen
médico-légil.
G... est prévenu de coups et blessures; c'est un homme de soixante ans,
bien portant; rien, au premier abord, ne trahit le trouble profond dont
cet homme est atteint; il prétend être un propriétaire malheureux; ses
locataires lui susciteraient mille difficultés. Il se serait pris de querelle
avec un individu auquel il ne voulait pas louer un logement. Dans l'ar-
deur de la discussion il a été menacé , il s'est défendu, il reconnaît qu'il
a eu tord de tirer son couteau. Telle est la version de G.. Elle ne pré-
sente rien d'invraisemblable, et si l'on s'en tenait à ces premières données,
on seiait tout disposé à ne voir en lui qu'un homme poussé à bout, arri-
vant au paroxysme de la colère, pour des motifs fondés en apparence.
Mais, il n'y a rien de vrai dans récit de G... Toutes ses prétendues
infortunes sont imaginaires, et c'est lui qui crée les difficultés dont il se
plaint.
Cet homme, aux allules si calmes dans la prison, au langage si mesuré,
est absolument dangereux. Vis-1-vis de nous, il se tient longtemps sur
la réserve; mais il se laisse à la fin surprendre, et nous déclare qu'il est
convaincu que tout ce qui s'est passé, la querelle, son arrestation, son
séjour à la prison de la santé - c'est un coup monté» ; et la preuve, c'est
que l'individu, cause de cette déplorable aventure, s'appelle Boitelle.
G... a été marchand de vins, et lorsqu'il's'est établi à Paris, son autori-
90 SOCIÉTÉS SAVANTES.
sation d'ouvrir un débit de boissons était signée du préfet de police,
M. Boitelle; il y a certainement pour lui une correspondance entre les
deux noirs, c'est une allusion à ses opinions politiques, il n'est pas
douteux « qu'on lui en veut. » ·
Une fois engagé sur cette piste, G ? se livre tout entier; il raconte ses
infortunes, se plaint de n'avoir plus de repos; ses locataires sont insup-
portables, et sa femme l'engage à ne pas se montrer trop dur pour eux.
Ces confidences, déjà caractéristiques, ne sont rien auprès des détails
que nous donne Illne G... Depuis cinq ans surtout, son mari est d'une
humeur toujours inquiète, se plaint sans cesse, et prend, contre d'ima-
ginaires ennemis, des précautions peu rassurantes pour elle. Tous les
soirs, il met un couteau sous son oreiller. Son sommeil est fréquemment
interrompu et, cherchant une cause il son insomnie, il se lève, vu voir
si dans la cour de sa maison il n'y aurait pas quelque chose d'extraordi-
naire dont l'influence le priverait de sommeil. Il y quelques mois,
pendant une soirée pluvieuse, l'un de ses locataires avait descendu un
rosier en caisse, pour que la pluie l'arrosât; G... ne dormant pas, lit sa
ronde et trouva la plante dans la cour, il la prit, la rentra chez lui et
dit 1 sa femme : a Eh bien, Noil,'i ce qui m'empêchait de dormir ». Tout
lui porte ombrage; nn meuble déplacé, un vêtement suspendu il l'espa-
gnolette de la fenêtre, lui fournissent l'occasion de récriminations sans
fin. A sa femme qui lui fait quelque obserW iuu, il répoml : «'l'aisez-vous,
folle, stupide bête; si je voulais écrire un mot, demain otis seriez moite».
Un jour, s'adressant son chien, il lui fait : « Tu as cinq ans, il y a
cinq ans que je suis malheureux. Si je savais que tu en es la cause, je
te tuerais ». On n'a jamais su pourquoi il a tué une de ses poules qu'il
est allé jeter très loin de chez lui. Sa femme nous a montré des quit-
tances de la compagnie Lesage dont il a coupé tous les en-tétes, parce
(tue, (lit-il, il ne veut has qu'nn 4 Lesage » fasse la vidange des fosses
de sa maison. Il a déchiré et jeté par la fenêtre son acte civil de mariage;
il ne veut pas chez lui de papiers venant de la mairie.
Depuis plusieurs mois, G... est plus troublé encore; son caractère déjà
difficile est devenu agressif, et, en même temps, des conceptions déli-
rantes vaniteuses se sont manifestées : Une nuit, entre autres, il s'est
mis à parler à haute voix, annonçant qu'il était le Christ, qu'il gouver-
nait tout. Sa femme essaya vainement de le calmer, il l'injuria, la
menaça et lui répéta pour la centième fois qu' « il n'avait qu'un mot il
dire et qu'elle mourrait». ,.
G... était, pour tous ceux qui l'approchaient, un sujet d'inquiétudes,
de craintes. On prévoyait à son exaltation croissante qu'il allait devenir
violent. Sa femme s'était depuis longtemps aperçue qu'il s'armait toutes
les nuits; elle tremblait qu'il ne s'en prit à elle. Le commissaire de
police de Courbevoie avait reçu de son côté de nomhteuses plaintes.
Lorsque G... fut arrêté, personne de ceux qui le connaissaient ne fut
surpris d'un acte de violence, que ses menaces, son humeur tracassière
faisaient redouter. Comme il arrive si souvent en pareil cas, l'agression,
qu'on a pu croire subite, répondait à une conception délirante. G...
n'avait pas voulu louer un logement à " un particulier » dont la figure
ne lui revenait pas; il a supposé qu'il lui gardait rancune, qu'il lui en
voulait. La conviction s'est faite dans son esprit, et il a cherché querelle,
il a frappé en aliéné convaincu qu'il avait le droit de se défendre.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 91 i
G... n'est certainement pas responsable de cet acte; mais il
appartient à cette catégorie d'aliénés qui tuent pour un soupçon
et sont un danger permanent pour tout le monde. Dans un intérêt
d'ordre public et la sécurité des personnes, G... dut être séquestré
d'office dans un asile.
Quelque temps après, j'étais commis par le procureur de la
République pour examiner l'état mental d'un nommé ))..., inculpe
de tentative 'de meurtre.
Cet individu est âgé de vingt-huit ans; il vit seul de son métier de
cordonnier dans un cabinet misérable; pendant tout l'été, il a couché
enveloppé d'une couverture sur la sangle d'un lit; il prépare lui-même
ses aliments, ne parle que très peu aux fournisseurs auxquels il s'adiesse,
et ne permet pas qu'on lui parle. Très sobre, il ne boit qu'un demi-
litre de vin par jour. Il ne reçoit personne et la concierge n'a que fort
rarement pu pénétrer chez lui.
D... a de la famille à Paris, mais il vit éloigné d'elle, se souvenant
avec rancune qu'elle est intervenue en 1879 pour le faire placer à l'asile
Sainte-Anne. : 11. llaânttn, qui l'a vu à son entrée, certifie qu'il est atteint
du délire des persécutions : « On le regarde de travers, on a changé son
nom, on lui fait des misères ». Plus tard, il est envoyé à Ville-Evi-ard,
d'où il sort incomplètement guéri, le 1"' février IS83. Le 28 février, son
père demande de nouveau son internement, mais le commissaire de
police refuse d'intervenir, et 1)... reprend sa vie solitaire, sans cesse
persuadé qu'on s'occupe de lui et qu'on veut lui faire du mal; avec de
telles dispositions d'esprit, D... devait fatalement en arriver a la violence,
et le 27 octobre, il tire un coup de revolver sur des voisines qui ne
l'avaient nullement provoqué ; mais il reste convaincu qu'elles avaient
orâanisé tout un sstème cle taquiueries 3 son cudroit : « ,1'ai twé dessus,
dit-il, parce qu'elles me faisaient mal au ventre; je ne les connaissais
pas, mais je savais bien que c'étaient elles qui m'empêchaient de tra-
vailler. Si on avait pu me tordre le cou on l'aurait fait. Elles avaient
toutes les envies, elles voulaient entrer chez moi, je ne le voulais pas.
J'aime mieux être tout seul, ça vaut mieux; qu'elles secouent leurs puces
chez elles ; pourquoi viennent-elles frapper à ma porte ? La concierge en
était; je ne veux pas recevoir d'ordres de la concierge; elle m'a craché
dans le dos; elle s'est appuyée sur mon épaule; je n'ai pas besoin de
tout cela; elle a bien manqué d'y passer la première. Celle qui a étrenné
n'avait qu'a me f... la paix. Elles ont jeté de la « puJfiue » sous ma
fenêtre, tout ça pour m'embêter parce que je ne voulais pas leur parler;
elles m'ont en\o\é du « pis » dans les reins; je trouerai la peau à tous
ceux qui m'ennuieront». mesure que D... parle, devient presque mena-
çant, et nous jugeons inutile de prolonger un examen déjà trop significatif.
Cet homme, qui a passé successivement par les phases classiques
du délire chronique, a été interné de nouveau a Sainte-Anne, d'où
il n'aurait dû jamais sortir. M. LEGRAKD du SAULLE fait observer
que les malades dont M. Motet, vient de raconter les intéres-
santes histoires, sont bien de réels persécutés. Il arrive aussi, bien
souvent, ajoufe-t-il, de voir désigner comme tels de simples
92 SOCIETES SAVANTES.
alcooliques ; il y a lieu de réagir contre cette tendance des médp-
cins ordinaires qui mettent dans leurs certificats « délire des
persécutions», alors qu'il faudrait dire tout simplement « alcoo-
lisme subaigu ». Cette distinction est importante au point de vue
clinique. MAHCEL Briand.
IX- CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET ALIÉNISTES
DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST'
SESSION DE BADE
Séance du 16 juin 1884 ..
M. le professeur Rns (d'HeideIberg) ouvre la séance, en sa qua-
lité de premier curateur. Sur saproposition, M. le professeur Kuss-
maul est choisi comme président de la première séance; M. le pro-
fesseur Hitzig présidera la seconde. Secrétaires : MM. Laquer et
Edinger.
M. L1CIITItEISt prend la parole sur les différents tableaux sympto-
matiques de l'aphasie. Il construit le schéma suivant :
Voy. Archives de Neurologie, t. VIII, p. 365.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 93
Soit A, Le centre des images acoustiques des mots.
M. Le centre des images motrices des mots.
AM, La voie d'union entre ces deux centres.
Aa, La voie d'entrée centripète des impressions auditives.
llim, La voie de sortie motrice.
L'exercice de la répétition avec intelligence de ce qu'on répète
provoque un influx centripète et la formation d'un magasin d'idées
B, d'où la voie AB, en même temps qu'un influx centrifuge entrai-
nant la parole spontanée (voie BM). Il vient alors la figure sui-
vante.
De la parole on ne saurait séparer la lecture et l'écriture qui
s'apprennent en somme avec elle et émanent de la formation d'un
centre des signes écrits 0. Pour lire, il faut que ce centre soit
joint à A, la lecture à haute voix utilisant le trajet OAM et l'intel-
ligence de l'écriture ne pouvant avoir lieu que par l'intermédiaire
de la voie OAB. La pratique de l'écriture développe le centre E
(centre commémoratif des mouvements de l'écriture), et, par suite,
la voie de communication OE qui sert à copier; on n'écrira spon-
tanément que si B et E sont unis, mais il faut passer par M.
Les déductions pathologiques, les voici :
I. Une lésion du point M provoque l'aphasie du type Broca ca-
ractérisée par une perte de la parole réelle, de la lecture articulée,
de la faculté de répéter, d'écrire spontanément, d'écrire sous la
dictée. Les malades comprennent encore la parole et l'écriture;
ils peuvent encore copier.
4 le SOCIÉTÉS SAVANTES.
11. Une lésion du point détermine 1'(tl)htisie sciiso-iello, tic Vei-
uicke. Les patients ne comprennent plus la parole ni l'écriture;
ils sont incapables de répéter, d'écrire sous la dictée, de lire à
haute voix. Mais ils peuvent encore copier, parler spontanément,
écrire volontairement (ou plutôtiissont simplementparaphasiques
et pajagraphiques).
111. Toute interruption de la voie de communication MA entraîne
l'aphasie de conductibilité de Wernicke. La parole et l'écriture sont
encore comprises; l'acte de copier est possible. Il y a paraphasie
pour la parole spontanée, pour l'écriture volontaire, pour la fa-
culte de répéter, pour la faculté d'écrire sous la dictée, pour la
lecture à haute voix.
IV. L'interruption de la voie de communication MB empêche la
parole volontaire, l'écriture spontanée; mais répéter, écrire sous
la dictée, lire à haute voix, comprendre la parole et l'écriture
copier, constituent autant d'actes exécutables.
V. Une altération portant sur le trajet Mmpngendre'Ia perte de
la parole spontanée, de la faculté de répéter, delà lecture à haute
voix. Ecrire spontanément ou sous la dictée, copier, comprendre la
parole et les signes écrits, sont encore possibles (variété d'aphasie
tic Bl'OC(t).
VI. Une altération interrompant le tractus AB engendre une
variété d'aphasie sensorielle consistant en la perle de l'intelligence,
de la parole et de l'écriture, la paraphasie de la parole spontanée,
la paragraphe de l'écriture volontaire. Mais les individus atteints
répètent, lisent à haute voix, écrivent sous la dictée, sans com-
prendre. L'auteur en cite un exemple personnel.
VII. La suppression du tractus Aa se traduit par la perle de l'in-
telligence du mot, de la faculté de répéter, et d'écrire sous la dic-
tée. La parole spontanée, l'écriture volontaire, l'intelligence des
signes du langage écrit, la faculté délire à haute voix et de copier
persistent intégralement. M. Lichtheim en rapporte un exemple
de son crû.Tandis que dans les deux autres formes d'aphasie
sensorielle, la surdité verbale disparait assez rapidement, elle dure
assez longtemps dans l'espèce.
Terminologie. Les deux grands groupes de troubles aphasiques
méritent les noms d'aphasie motrice et d'aphasie sensorielle. Elles
sont toutes deux complètes. Les autres formes doivent être distin-
guées par la dénomination d'aphasie partielle, centrale et péri-
phérique. La lésion de AM s'appellera aphasie de conductibilité
intermédiaire. En dehors de ces types, on peut imaginer des com-
binaisons multiples, faciles à construire à l'aide du schéma précé-
dent. Quant aux affections difficiles à interpréter, qui paraissent
en contradiction avec la loi, elles résultent de ce que certains élé-
ments composants des tableaux symptomatiques rétrocèdent plus
ou moins vite et plus ou moins complètement.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 95
Localisation. L'aphasie de Broca git dans la circonvolution
frontale attenante à la scissure de Sylvius. L'aphasie sensorielle se
rattache à la circonvolution temporale vis-à-vis. La forme ressor-
tissant à l'interruption de AM dépend de l'insula (observation de
l'auteur). Les voies MB et AB se composant de séries de trousseaux
émanés de sphères sensorielles variées, il en résulte qu'une inter-
ruption complète ne peut avoir lieu qu'au voisinage des centres
et des lieux de convergence; c'est pourquoi l'aphasie partielle mo-
trice réside dans la couche blanche sous-jacente à la zone de Broca,
l'aphasie partielle sensorielle relevant delà couche blanche située
au-dessous de la première temporale. On ne connaît guère ou
bien l'on conteste le trajet des voies Mm Aa; la multiplicité des
fibres de transmission ne fait de doute pour personne; aussi,
pour que les types d'aphasie due à leur interruption soit le moins
frustes possible, est-il nécessaire que les lésions soient très rappro-
chées des points M et A.
VIII. La lésion de la voie OA entraîne la cécité graphique isolée.
Discussion :
M. Kussmaul se réjouit de ce que l'auteur ait observé un cas de
surdité verbale si pure. On arrivera aussi à constater delà para-
phasie isolée. Il est difficile d'en dégager l'autonomie quand elle
accompagne d'autres troubles de la parole, mais parfois elle do-
mine tellement la scène qu'on doit lui accorder une réelle impor-
tance. Est-elle bien uniquement sensorielle ? Il est impossible de
distinguer s'il n'y a pas beaucoup de fibres détruites dans l'écorce,
et l'intrication des tractus corticaux s'oppose à ce qu'on dégage
aucune notion relative soit aux fibres centripètes, soit aux fibres
centrifuges.
M. LICllTIIGI)I. « L'homme observé par moi présentait un trouble
paraphasique avant d'être frappé de l'attaque de surdité verbale.
Quand les symptômes du premier ictus eurent disparu, il resta
uniquement et il est encore sous l'influence de la surdité verbale. »
M. SCIIUI : LG (d'llleuau). Sur un cas de dyspepsie nerveuse (neuras-
thétaie dyspeptique). L'observation concerne une dame de vingt-
huit ans présentant une prédisposition névropathique, mais bien
douée au point de vue psychique, d'une éducation très soignée,
jusqu'alors bien portante, indemne notamment de tout désordre
hystérique. Constitution délicate. Mariée, elle a mené rapidement
à bien deux fois les phénomènes de la puerpéralité ; mais il s'en
est suivi un affaiblissement physique ayant exigé le séjour dans
les montagnes. A la fin de 1881, elle est atteinte de leucorrhée
symptomatique d'un catarrhe utérin. A l'automne de 1883, la
perte d'un enfant (diphthérie) la déprime au point qu'elle ne dort
plus; la leucorrhée augmente, les règles deviennent irrégulières.
On constate alors des troubles digestifs non motivés; tout aliment
96 SOCIÉTÉS SAVANTES.
provoque une sensation de plénitude pénible, ayant son siège à la
région épigastrique, durant plusieurs heures, et s'associant à des
nausées et à des vomi tu ri lions (absence de vomissements). Constipa-
tion opiniâtre; léger enduit saburral sur la langue; pas de lien-
térie. C'est au début de 1883, qu'elle entre à l'asile; anémie, amai-
grissement, lypémanic teintée d'hypochondrie. Sur ces symptômes
se greffe bientôt un épisode" aigu de systématisation hypochon-
driaque : « elle a le cerveau desséché, les organes internes dépla-
cés, le larynx et l'estomac disloqués ; il faut la suspendre par les
pieds pour lui infiltrer de l'eau par le nez dans l'intérieur de la
tête, ou lui séparer la tête du tronc pour lui faire cesser les sensa-
tions pénibles » ; tentative de suicide. Puis l'amélioration se fait
sentir et permet désormais la vie commune.
Mais la malade demeure en proie à uncomplexussymplomalique
consistant en une dyspnée plus ou moins forte, un constant besoin
d'air (le thorax présente en permanence l'état d'inspiration);
cette dyspnée s'exaspère au maximum après l'ingestion alimen-
taire, la malade étouffe pendant une heure et plus. Elle se prête
cependant résolument à l'alimentation qu'on exige d'elle. Son
poids est en ce moment de 94 livres, sa taille z- 1 ? î0. Au mois
d'avril, se manifestent des ulcérations dentaires douloureuses,
coniluontes; on obtient cependant que l'alimentation ne soit pas
suspendue. Selles tous les trois jours à l'aide de lavements ; pas de
lientérie ; le ventre est rétracté en bateau, tandis que la ca-e tlio-
racique est dilatée à son maximum (orthopnée). Intégrité des
organes splanchniques et du sang. Absence de menstruation.
Tous les toniques leeonstituants et digestifs sont en vain passés
en revue, y compris la galvanisation et la faradisation. Malgré la
régularité dans l'alimentation, malgré le repos au litpresque con-
tinu, l'amaigrissement et la pâleur deviennent inquiétants. Au
début de novembre, le poids total est de 02 livres. En même temps,
dépression, découragement, humeur anxieuse. Au milieu de
novembre, accès de dyspnée caractérisés par dilatation et immobi-
lité thoracique, lenteur excessive de la respiration (type abdomi-
nal), petitesse alarmante d'un pouls fréquent, refroidissement des
extrémités, impossibilité absolue de déglutir. La malade désigne
la région supérieure du larynx comme étant le siège d'un obstacle.
Elle ne peut parler. Cet état dure toute la nuit tel quel. On a
recours, non sans une vive appréhension, àla sond; oesophagienne,
car on craint d'augmenter encore la dyspnée; mais, ô surprise ! à
peine la sonde a-t-elle surmoulé un obstacle perceptible à la par-
tie supérieure de 1·u;sopliage, à peine est-elle introduite, que la
respiration reprend son amplitude normale, de sorte que l'instru-
ment permet non seulement l'ingestion alimentaire, mais l'oyxgé-
nation. Celte pratique réussit chaque fois que la malade a un
accès, si bien qu'où effectue l'introduction de la sonde à vide pour
SOCIÉTÉS SAVANTES. 97
chasser les malaises respiratoires quelconques. Sous l'intluence de
cette méthode, tous les accidents disparaissent. On s'occupe ensuite
de déshabituer la patiente de la sonde et, depuis lors, il y a de
cela quelques mois, elle a récupéré la santé en regagnant 20 livres.
L'autour pose, de concert avec une autorité médicale allemande,
le diagnostic de dyspepsie nerveuse résultant de neurasthénie. Il
s'agit, pense-t-il, du degré le plus avancé de la névrose du nerf
vague, mis en lumière par Rosenbach, dans lequel la sonde eut
raison du spasme de la glotte et, par suite, de l'arrêt des réflexes
thoraciques.
Discussion :
M. FUI : 11 ? TNER. Pourlui, il s'agit d'une folie systématique hysté-
rique dans laquelle la sonde agit à merveille. On avait affaire
dans l'espèce, non à de la dyspepsie proprement dite, mais à des
phénomènes psychiques et à des sensations anormales.
M. Sciiuele ne partage pas l'avis de 11. luirstuer, car il n'existait
pas de conceptions délirantes à l'époque des troubles nutritifs,
car, la connaissance restant indemne, il se produisit de véritables
symptômes gastriques, et le refus d'aliments émana, non de la
folie systématique, mais de la dyspnée, car, en dépit du meilleur
régime, la malade ne digéra pas, puisqu'elle diminua de poids.
M. KussMaUL. Quel obscur terrain que celui de la dyspepsie ner-
veuse, des anémies gastro-intestinales, des dyspepsies anémiques.
Pourquoi chez les neurasthéniques dyspeptiques, attribuer une
telle importance au complexus symptomatique qui se passe du
côté de l'estomac. Comment savoir si c'est la neurasthénie qui
cause de tels symptômes ? Est-on toujours sûr qu'une affection
organique de l'estomac ne constitue pas le corps du délit ? (faits
de Hiaschko, Jurgen.) Les deux dernières observations de Sassak
recueillies dans le service de Kussmaul concernent les symptômes
les plus nets de dyspepsie ; le traitement demeura inefficace, le
diagnostic impossible. L'autopsie pratiquée par Recldiii2shauseii
révéla dans la région stomacale et intestinale des altérations
atrophiques des deux plexus.
M. JoLLY (de Strasbourg). Sur la paralysie Ce
nom s'applique à des états dans lesquels les muscles de la parole.
de la déglutition, de la respiration présentent des troubles sem-
blables a ceux de la paralysie bulbaire, en rapport avec des lésions
encéphaliques à tendance centrale. Dans les dernières années, on a
publié une douzaine de cas de ce genre qu'on peut classer en deux
catégories :
1° Le cas à lésion étendue du cerveau, interrompant les tractus
qui se rendent aux noyaux bulbaires. (Voy. le fait de Jolly par sclé-
rose cérébrale, 1872.) Il y faut joindre les cas de démence para-
Archives, t. IX, 7
98 SOCIÉTÉS SAVANTES. *
lytique avec paralysie des muscles de l'articulation, dans lesquels
il n'y a généralement pas d'altérations de la moelle allongée.
2° Les cas à foyer bilatéral ou unilatéral dans les ganglions de
la base. Tableau semblable à celui de la paralysie du bulbe Cas
de Joffroy (1872). 11 faut y ranger la plupart des faits de paralysie
pseudo-bulbaire, y compris les observations toutes récentes de
Bercer. L'auteur vient d'en observer un exemple à sa clinique
(autopsie). On les distingue de la vraie paralysie bulbaire en ce
que, dans la paralysie psendo-bulbaire, il se produit des attaques
apopluaiformea, tandis qu'on ne constate pas d'atrophie ni de
réaction dégénérative de la langue. : 11. Joli%, admet une troisième catégorie. Il s'agit de faits ressem-
blant non plus à la paralysie bulbaire progressive chronique main
à la paralysie bulbaire aiguë. 11 en communique une observation;
la mort eut licueii seize jours, les symptômes furent : un affaiblis-
sement rapide et progressif des jambes et des bras puis des muscles
de la nuque. Dès le début, il existait un), 2 ottl)le pi-oitoiicé de l'ar-
ticulation avec difficulté de mouvoir la langue; difliculté du dé-
glutir, et plus tard aphonie. Mort dans le coma. Pas d'attaques
apoplectiques. Parmi les prodromes, il faut noter des accès du cépha-
iatgie si intenses que la malade essaya, une fois, de se suicider.
Autopsie. Lésion fort étendue siégeant de préférence dans la subs-
tance blanche du cerveau, avec foyer de ramollissement rouge au
milieu du corps calleux. La lésion des hémisphères portait surtout
sur les parties sises entre les circonvolutions ascendantes et la cap-
sule interne. La lésion se continuait en bas, mais en diminuant
d'intensité, jusque dans les pédoncules cérébraux ; elle consistait
en une énorme accumulation de eorpuscutesfymphoides, au voisi-
nage des vaisseaux. On trowa encore un petit foyer près du noyau
du facial. Intégrité complète des noyaux de t'hypogtosse, du nerf
pneuuto-gastriquc,du glosso-pharyngien.
11. Srmea (d'lleidelbcr). Sur lu marche a reculons de la yn -
nouille. Enlevez l'encéphale d'une grenouille, placez-la sur une
planche que \ous abaisserez horizontalement, et \ous verrez l'a-
nimal marcher à reculons.En prenant les précautions nécessaires,
on provoque aussi ce mouvement chez une grenouille indemne ;
par conséquent, il est physiologique. Quel est l'endroit de l'encé-
pbale qui en tout temps détermine lamarclie à reculons. Extrayez
avec un couteau bien affilé l'encéphale de la grenouille jusqu'au
tiers postérieur des lobes optiques desdeux côtés; donnez à l'animal
vingt-quatre heures pour qu'il se rétablisse, et la grenouille marchera
sans exception, toujours, à reculons, notamment quand on lui ex-
citera la patte de derrière. Cet acte n'est pas irrésistible; c'est un
mouvement linéaire, parce qu'il s'installe à ! a suite d'une lésion
symétrique de l'encéphale.
SOCIETES SAVANTES. 99
Discussion :
M. 1W zcc. « Pour moi, les mouvements irrésistibles sont tous,
dès l'origine, des mouvements volontaires qui prennent un carac-
tère irrésistible de par le fonctionnement à taux de diverses parties
de l'organe. C'est ainsi qu'il peut se produira des mouvements en
apparence irrésistibles quandl'individu s'illusionne sur sa situation
dans l'espace. » Les expériences précédentes paraissent, selon lui,
démontrer l'existence d'une simple excitation réflexe par laquelle
certaines parties sont mises en mouvement inégalement.
M. S usiner ne croit pas que ce mouvement soit effectué
contre la volonté. A l'inverse d'autres mouvements irrésistibles,
il a lieu symétriquement des deux côtés. Les mouvements irrésis-
tibles résultent de l'asymétrie de l'innervation.
Pause de dix minutes, à la suite de laquelle M. Kussmaul em-
pêché est remplacé au fauteuil présidentiel par M. Erb.
M. Ilnzic présente à l'assemblée Veticéplutle du chien montré
l'année dernière ', conservé par le procédé de Lavdowsky (glycé-
rine phéniquée e). Depuis cette époque l'organe a été conservé à
sec et il a encore exactement le même aspect que jadis. M. Hitzig
fait en outre circuler deux encéphales durcis par la méthode fran-
çaise à l'acide nitrique.
11. lltizig lit un mémoire sur la température au-dessous de /tt) ! 0 ?
male cliez les paralytiques Ce mémoire sera publié in ex-
M. 1"UEI(ST.NEII (d'lleidPlberl. Sur la yliose de décorée du cerveau.
Plusieurs observateurs ont, en ces dernières années, publié des
cas de sclérose tubéreuse ou granuleuse disséminée de l'écorce.
Voici un cerveau dans lequel les altérations macroscopiques consis-
tent on un état trouble avecépaississemenl delà pie-mère, accom-
pagné d'atrophie considérable des deux insulas, notamment de la
deuxième circonvolution de l'insula du côté gauche. Cette der-
nière présenté en outre, de même que les autres circonvolutions
de l'insula, des granulations et des mamelons tubéreux, de grosseur
etcousistancedmersesreposant,commeautautdeverrues, surla sur-
face. Un autre mamelon tubéreux ayant la forme d'une framboise,
gros comme une noisette, occupe l'épaule gauche. Sa section, de
mémequetasectiondesgranutationsde l'insula du même côté, per-
met de constater des cavités entouréesd'un anneau résistantde tissu
tibreux (analogie absolue avec la publication de M. Bournevillea).
Le microscope décèle un développement remarquablement étendu Li
de la couche externe de névroglie de l'écorce qui ne tranche plus
1 Voy. Archives de Neurologie, t. VIII, p. 372.
2 Id., L. VIII, p. 366.
« Id., t. V, p. 94.
100 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nettement sur les autres couches sous-jacontes. En partant de la
première sans quitter le trajet des vaisseaux, on trouve dehauten
bas tout autour d'eux une transformation chimique de la substance
fondamentale névroidique consistant en aspect [brillant, forte co-
loration à la fuchsine, disparition des fibres résistantes, et, en
certains endroits, abondance de corpuscules amylacés dessinant
une mosaïque. Les canaux vasculaires, remarquablement étroits,
sont comme enclavés dans le tissu ; leurs parois sont rigides, mais
nulle part on n'y constatede prolifération cellulaire, ni de dépôts
de pigments, pas plus que dans les organes ambiants. A d'autres pé-
riodes, les corpuscules amyloïdes ont disparu, et la substance fon-
damentale apparaît sous la forme d'un réseau contenant de très
grandes cellules-araignées (corps calleux) et des éléments névro-
gliques très développés de diverses sortes. Ce réseau subit une
double transformation ; c'est, en quelques endroits, un ramolis-
sement muqueux (formation de cavités), en d'autres, l'épaississe-
ment fibroïde (au pourtour et à l'intérieur des cavités, à la surface
du cerveau); on a tout à fait sous les yeux l'image de la syringo-
myélie. En tout cas, ces faits sont à distinguer de la sclérose, car
la sclérose atteint de préférence la substance blanche, porte surla
paroi vasculaire (épaississement et Ilypei-l)lasie cellulaires) et fina-
lement, même dans les stades les plus avancés, elle n'aboutitd'or-
dinairepas au ramollissement. Le terrain du processus est la né-
vroglie; habituellement c'est la couche externe où il commence
pour marcher soit vers l'intérieur de l'écorce, soit seulement vers
l'extérieur (formation.de tubéroaités.) Les régionsde'prédilection pa-
raissent être : l'iusula et la région operculaire. En conséquence,
il y a lieu de distinguer : une sclérose mu) LHocuJaire une sclérose
diffuse (cas de Sànger Strumpel ! ); une gliose diffuse (hyper-
trophie cérébraie deVirchow);unegiioso circonscrite, tantôt
congénitale, tantôt (rarement) acquise. Au point de vue clinique,
d'après les observations connues jusqu'ici, on a presque exclusive-
ment affaire à des idiots dedegrés différents. Un seulcas, celui de
Greitf concernait des accès de petit mal aboutissant à un âge plus
avanc"à à une psychose (gliose circonscrite peu intense). Dans l'obser-
vation dont il vient d'être question, ilyavaitimhécillitéconrénitale;
plus tard, pendant bien des années, on constata de l'aliénation
mentale à symptômes alternes, des lacunes croissantes dans la mé-
moire, de l'aphasie a Laxique très accusée. Les autres phénomènes du-
rent être rattachés à un foyer prolubérantiel (altération unilaté-
rale du noyau de la pyramide ; myélite parenchymateuse de la
pyramide, terminée par ramollissement à l'intérieur des ca-
vités, dégénérescence hyaline des vaisseaux). Une dégénérescence
descendante modérée, unelésion partielle des cordons postérieurs,
une dégénérescence grise des nerf optiques complétaient le tableau
anatomo-pathologique.
SOCIETES SAVANTES. 101
Séance du 1 juin 188t.
M. HITZIG (de Halle) prend la présidence.
M. Tuczek (de i)larboLii--) montre, avec l'autorisation du profes-
seur Weigert(de Leipzig), des préparations originales obtenues à
l'aide d'une méthode toute récente de ce maître, dont les résul-
tats n'ont pas encore été publiés. Ce sont : 1° des coupes à tra-
vers l'écorce du cerveau normal qui décèlent d'une façon très
complète les fibres nerveuses à myéline de toutes les couches
corticales; 2° des coupes à travers l'écorce du cerveau d'un pa-
ralytique général : a dans le lobe occipital (fibres très abondantes
dans toutes les couches), b dans le lobe frontal (absence presque
complète de fibres dans toutes les couches; seule la couche des
grandes cellules présente quelques libres isolées, et encore les
trousseaux d'ensemble sont-ils manifestement réduits de volume.
La méthode à la solution alcoolique de fuchsine acide suivie d'une
immersion dans une solution alcoolique de potasse préconisée
par M. Mendel1 est impuissante à révéler la disparition des fibres
nerveuses à myéline, tandis que les dernières recherches de
Weigert permettent de confirmer pleinement les assertions de
M. Tucxek '.
Discussion :
M. KnOEPELN (de Munich) appuie les allégations de M. Tuczek
d'après ses recherches personnelles.
Bade est de nouveau choisie comme lieu de la prochaine réu-
nion du congrès. Curateurs, 11\f. Sclitilc et Furstner. Le surplus
des cotisations de cette année sera réparti, par fractions égales,
entre la caisse de secours d'Iieppenhein, celle d'lllcuau, et la
fondation Dick du Palatinat.
Sur la proposition du directeur Karrer de Kiing-enmûnster, un
télégramme de souhaits de prospérité est adressé au professeur
Hagen d'1 ? rlannen qui fête en ce moment le soixante-dixième an-
niversaire de sa naissance.
M. (de Des anomalies congénitales de I'fril dans
leur ! '«/)/)0 ! < t;wc les maladies mentales et nerveuses Après une
énumération des anomalies anatomiques mentionnées dans les
écrits psychiatriques, anomalies observées surles yeux d'individus
atteints d'affections mentales et nerveuses et rattachées aux
signes somatiques de la perturbation psychique, M. Manz passe
à quelques formes congénitales trouvées par lui. Telles certaines
1 Voy. Archives de Neurologie, t. VIII, p. 336.
° Id , t. VU), p. 33G.
102 SOCIÉTÉS SAVANTES.
anomalies de coloration de l'iris, de la choroïde, certaines dispo-
sitions morphologiques insolites de la papille du nerf optique,
certaines irrégularités relatives à l'origine, à la division, au trajet
des vaisseaux rétiniens. Citons riiétérochromie delà choroïde et de
la rétine, la pauvreté partielle enpigment du fond de l'ceil, pauvreté
pigmentaire isolée ou associée à l'albinisme. L'albinisme exerce
une influence évidente sur la situation sociale de l'individu qui en
est atteint, il peut même nuire à son éducation psychique; le dé-
faut de pigment est aussi le symptôme d'une infirmité congénitale
(leticopatliie); quoi d'étonnant donc que cesinfirmespréseutent un
développement défectueux de l'encéphale. La constatation des ano-
malies opbthalmoscopiques offre quelque difficulté en ce sens qu'il
est souvent fort difficile de savoir s'il y a un trouble pathologique
réel ou une simple différence physiologique; il faut s'appliquer,
dans l'espèce, à tirer parti de son jugement, et des connaissances
dont l'exercice et une analyse précise sont les facteurs. Le mode de
fonctionnement n'a rien à faire avec les difformités de la papille ou
des vaisseaux rétiniens, car il n'existe pas, dans l'espèce, de trouble
de la vue. Ces anomalies sont le résultat, ou d'une malformation
vraie, de première date embryogénique, ou d'une maladie foetale
(exemples : existence de fibles nerveuses à myélme dans la ré-
tine; formes anormales de l'entrée du nerf optique; trajet
inusité des vaisseaux rétiniens; quelques cololomas). La ma-
ladie foetale atteint un seul oeii(atrop)iie du nerf optique; -
fentesintra-ocu)aires;c.eitainesaiterationsdutrdctusuvéa);
restes de choroldite foetale) ou en même temps d'au très organes, et
alors l'oeit s'en ressent directement ou indirectement (exemple :
configuration pathologique du crâne et de l'orbite : forme du
globe oculaire dans le rachitisme et la syphilis). L'albinisme
n'est peut-être qu'une dyscrasie faetale entraînant une défectuo-
sité généralede l'oeil; la rétinite pigmeiil-tire n'estsouverit qu'une
maladie résultant de diverses localisations d'une affection intra-
utérine à nous inconnue. Quant aux relations que les anomalies
en question affectent avec des maladies psychiques ou des mala-
dies du système nerveux central, les unes sont symptomatiques
d'un trouble mental congénital, d'une lésion des organes nerveux
centraux (exemple : idiotie, épilepsie congéniale, psychose asso-
ciée au crétinisme), les autres dénotent une prédisposition parti-
culière à ces maladies, une imprégnation morbide héréditaire ou
non. Il faut les ranger à côté des malformations auriculaires,
buccales, génitales, souvent observées chez les aliénés, sans ce-
pendant que le médecin leur accorde une valeur séméiologique
quelconque, tandis que maints traités de psychiatrie les consi-
dèrent comme les produits de troubles trophiques. On rencontre
également des anomalies congénitales de l'oeil chez des individus
tout à fait bien portants. La statistique permettrait d'en établir
SOCIÉTÉS SAVANTES. 101
l'importance séitiéioloique. Or Kostt et Nienielscbek ont, sur 140
aliénés, trouvé soixante-quatorze fois un déplacement du nerf
optique dans la papille, deux fois l'existence de fibres myétiniques
dans la rétine, soixante fois une diminution de calibre des ar-
tères, six fois une augmentation de calibre des veines. Klein sur
131 cpiloptiques et maniaques a rencontré vingt-neuf anomalies.
On ne saurait au reste s'appuyer sur la bibliographie, car les au-
teurs se sont attacliés, non point à enregistrer au hasard toutes
Jes anomalies indistinctement, mais simplement les anomalies
devant. suivant eux, être tenues pour signes d'une maladie de l'en-
cépltale.
La pratique personnelle île l'orateur est actuellement constituée
par la collection accidentelle et non systématique de faits qui se
sont présentés, au cours des ans, en ville ou à l'hôpital. Ce qui lui
fait supposer qu'il existe un ce[ tain rapport entre les anomalies
oculaires et les psychoses, ce sont de fréquents examens opthal-
moseopiques pratiqués il y a assez longtemps sur les pensionnaires
de l'hospice de Fribourg qui abrite toute espèce de formes et de
degrés d'idiotie et d'infirmité névropalliidue; plus tard, il réunit
tousles dessins optitttatmoscopiques de la clinique médicale riche
surtout en hystériques. On conçoit celle relation, quand on se
se rappelle les conditions anatomo-pbysiologiques et anatonto-
palliolo;itlues de 1'ail et du cerveau. Ainsi c'est en vain qu'un
aveugle-né essaiera des'éduquer; il n'y arrivera qu'incomplète-
mont au point de vue psychique. Les troubles de la nutrition
générale peuvent, pendant la période embryonnaire, porter sur
les parties constitutives, nerveuses ou non, de l'atl et du cerveau,
d'où : tantôt un pur trouble fonctionnel, tantôt une altération
- inatoiniqtie (leucopatl)ie. svpliilis, i- : ieliitisiiie f'obtl). 1.l disposi-
tion des vaisseaux joue, elle aussi, un rôle évident dans l'accrois-
cement : elle peut, aux divers stades de l'état embryonnaire, pro-
(Iiiii-c en I)ieii de; ot ? anesdes lé;iotiq slé,71ales (aLini)liies, d(,qti,tie-
tions, raréfaction vasculaireprécoce)entrainantde;
lacunes intellectuelles, des convulsions, des anomalies vasculo-ré-
tinienneset ne uro-vascuto-reti nie unes avec ou sans atrophie percep-
tible etc... Quoi qu'il en soit, jusqu'à nouvel ordre, les anomalies
congénitales de )'oeitnosont.paspatt)01 : nomoniques : ct)esno
peuvent servir de symptômes psycltopathiques et tieuropalhiques
que lorsqu'on les rapproelie d'autres anomalies somatiques.
M. RuMpF (de Bonn). Contribution ci la physiologie et ci 1(i p(itho-
logie de lu sensibilité tactile. Les recherches du professeur liumpf
ont été exécutées à l'aide d'un cesthésiomètre construit sur les
indications du professeur llerin,n,, de Prague, instrument qui, sans
être parfait, peut, par le principe même de sa construction,
imprimer un progrès à la connaissance des sensations tactiles.
101 SOCIÉTÉS SAVANTES.
On parvient a : ou uide èl Se l'ellSClânel' sur la faculté lleS OI'an 25
nerveux cutanés, à distinguer ce qui est rugueux de ce qui est lisse.
Il se compose de douze barres d'acier dont le n° 0 est absolu-
lumeut lisse, les nos 1 à 1 sont entourés de fils de ruolz de force
variée du diamètre de 0 milli., 1 un millimètre; chaque barre
présente donc une rugosité qui lui est propre. En conséquence, on
recherchera quelles sont, en chacune des régions de la peau, les
barres qui sont nécessaires pour transmettre à l'individu la sensa-
tion non pas d'un corps lisse, mais d'un corps rugueux. Il faut
naturellement régler aussi uniformément que possible la pression
de la barre sur les téguments, le mouvement de cette barre sur
l'épidémie, la température du métal (elle devra être de 33° C.,
mais on disposera les choses de telle sorte que l'on puisse exclure
toute sensation thermique), la durée de l'expérience. Dans ces
conditions, on trouve, que chez un grand nombre d'hommes, la
sensibilité cutanée de régions identiques est exactement la même
à l'égard des corps rugueux.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 103
l'extrémité en rapport avec la cathode présente une augmenta-
tion nette de la sensibilité. Ces deux modifications apparaissent
quelque temps après qu'a commencé l'action du courant ; elles
persistent quelque temps après l'ouverture du circuit et, parallèle-
ment, sur la partie correspondante de l'autre moitié du corps, le
transfert présente la plus grande netteté.
Le circuit une fois ouvert, dès que le phénomène primitivement
constaté a disparu, la sensibilité tactile décèle une modification
exactement inverse sur les régions qui viennent d'être soumises à
l'anode (la sensibilité, tout à l'heure abaissée, augmente, puis
diminue), ou à la cathode (la sensibilité, tout à l'heure exagérée,
diminue). D'ailleurs, au pourtour des zones soumises au courant,
il existe toujours un district de sensibilité inverse.
Effet des narcotiques. Toutes les préparations de ce genre
diminuent la sensibilité. L'ingestion gastrique de deux centi-
grammes de morphine ou l'injection sous-cutanée de quinze milli-
grammes de cet agent entraîne, par exemple, un abaissement de
la sensibilité de la pointe des doigts qui perçoit non plus la barre
n° 1, mais le n° 1.; la peau de l'avant-bras distingue la rugosité
non plus des n°8 6 ou 4, mais 9 et 6. Même action quoique un peu
moindre de l'hydrate de chloral, de la paraldélyde, du K Br. ;
les doigts ne sentent que le n° 3, l'avant-bras les til, 4 et G.
Pathologie. Dans quelques cas de tabès où les autres méthodes
d'examen avaient à peine fourni de différences considérables
d'avec la normale, la barre la plus rugueuse ne provoqua pas de
sensation de rudesse. Chez d'autres malades ne révélant pas de
diminution objective de la sensibilité, cette méthode trahit des
déviations notables. Elle est par conséquent recommandable.
M. RuMt'r présente des préparations d'encéphale et de moelle
syphilitique dans lesquelles apparaissent les altérations vasculaires
bien connues. (L'observation sera publiée en détail '.)
M. llamos (de Leipzig.) Sur une parulysic yériodique de l'oculo-
moteur commun. On a encore comparativement peu étudié les
paralysies des muscles de 1*(jcjl au point de vue neurologique;
nos connaissances sont bien défectueuses dt l'égard de l'étiolo-
gie et de la localisation de ces accidents. Une forme particu-
lièrement obscure, c'est la paralysie périodique de l'oculo-muteur
commun. Elle est d'ailleurs rare. En voici un cas. 11 s'agit d'une
fillette de sept ans, issue de parents sains, née bien portante. On
notait chez elle, à l'âge de onze mois, une paralysie de l'aU
droit (trois jours de durée); à t'age de trois ans, de violentes
douleurs de 1'(eil du même côté, suivies de strabisme, de dimi-
'Voy. Anilse aux Revues analytiques.
106 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nution de volume, de paralysie (durée des douleurs, neuf à dix
jours; durée de la paralysie, huit semaines). Depuis lors, chaque
année, un accès semblable au mois d'août. Cette année, un
accès se montre au mois de mars; début par de violentes dou-
leurs et des vomissements; durée, huit à quatorze jours; la dou-
leur disparut aussitôt que vint la paralysie. Au débul d'avril, il
e iste de la parésie locale de l'oculo-meteur commun du côté droit,
mais rien de plus. Rien n'indique la syphilis congénitale ou
acquise ; la paralysie rétrocède lentement, mais assez uniformé-
ment (c'est la paralysie de l'iris qui cède la première) ; dix semaines
plus tard, on ne trouve plus qu'un vestige de mydriase. Deux
cas analogues ont été publiés par de Haner et Saundby; Moebius
tient pour extrêmement probable qu'il s'agit, dans l'espèce, d'un
processus pathologique à développement progressif, très lent,
agissant par poussées, et siégeant au voisinage du noyau de
l'oculo-moteur commun. 11 semble, dans les trois cas, qu'avec le
temps les accès augmentent de gravité, de sorte qu'il y a lieu de
supposer que finalement s'installera une paralysie permanente.
La périodicité s'explique, dans le cas de de liasner, par la congestion
menstruelle : les autres faits ne se plient à aucune explication.
On a bien affaire à une affection cérébrale, car la paralysie débute
par de la céphalalgie et des vomissements (voisinage de la racine
descendante du trijumeau qui renferme des fibres sensitives de la
tête, de l'oeil ( ? ), de la dure-mère ( ? ).
M. Tuczek (de ilarl)oui ? ). Communication de recherches relatives
aux échanges de la nutrition chez les aliénés pendant l'abstinence.
Les matériaux de celte communication résident en deux obser-
vations de refus de nourriture de longue durée (folie s3stéma-
tique). L'auteur réussit à enregistrer des séries prolongées,
continues,de recherches sur l'assimilation et la désassimilation, et
a les prolonger pendant plusieurs semaines au-delà du temps de
l'abstinence, jusqu'à ce que se fût rétabli l'équilibre normal des
excrétions azotées. Chaque jour, il déterminait la quantité d'urine,
sa densité, sa réaction, l'élimination d'urée, de sulfates, phos-
phates, chlorures, d'albumine, de sucre, d'indican, d'acétone,
contenus dans celte humeur. Dans la première observation, le
malade s'abstint de nourriture pendant vingt-trois jours pleins;
il buvait simplement tous les deux jours un verre d'eau de Ho gr.
Le second cas concerne un jeûne en partie complet, en partie
incomplet de vingt-huit jours. On eut soin chaque fois de déter-
miner les proportions en eau et en albumine de l'alimentation
avant, après ou pendant le temps du jeûne absolu ou relatif. De
là les résultats généraux suivants :
10 Au début du jeûne, la quanlité d'urine diminue, mais sa densité
s'élève, pour décroître ensuite proportionnellement à la diminution des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 107 ï
parties constitutives fixes de cotte humeur. Un jeûne absolu, sans inges-
tion d'eau, se traduit par une quantité cl'iiiiiie de cent-cin-
quante à deux-cents grammes (moyenne)
2° Chez les aliénés qui jeûnent en demeurant couchés au lit, la
dernière semaine d'abstinence se traduit par l'élimination d'une quan-
tité journalière d'urée de neiirgrammes (moyenne1, quantité qui correspond
aune perte somatique de 12 : ; grammes de muscle. Dans la ltétiorle
d'ingestion alimentaire copieuse (illi succède a l'abstinence, l'excrétion
d'urée ne monte que très graduellement jusqu'à la normale; le corps
répare sa perte en albumine. L'excrétion d'acide sulf«riyne et d'acide
pliosplioriqnc est, pendant l'abstinence, tout à fait parallèle a l'exciéiion
d'urée, e'est-a-dire à la destruction de l'albumine organique; elle est,
dans la dernière semaine d'abstinence, pour l'acide sulfurique, de
222 mdligr. ; pour l'acide pliosphorique de 7 (lécigr. Dès que le malade
recommence il s'alimenter, la courbe des deux acides suit exactement
elle de l'urée. 1,'exci-étioii de chlore est, pendant le jeûne, à peu près
nulle, elle est on moyenne dans la dernière semaine, de 2 décigr. par
jour. Dès que le malade se remet il manger, la courbe du chlore monte
rapidement et indépendamment (les autres courbes, pour atteindre promp-
temrnt la normale; la plus grande partie du chlore ingéré constitue un
aliment de luxe qui traverse promptement l'organisme.
3° La diminution du poids du corps chez les aliénés sitiolhobes doit-
être bien plus attribuée l,t perte d'eau lit perte d'albumine. En
ingérant une grande quantité d'eau, le malade peut, malgré la perte
d'une notable proportion d'albumine, voir son poids augmenter. Ce poids
peut diminuer quand l'ingestion d'eau est défectueuse malgré l'ingestion
d'un notable appoint d'albumine. -
L'urine des 110 iôtiter-inp ni albumine ni sucre. On
n'y trouve que de dès que l'alimentation introduit de l'albumine,
ni L-C( ! en petites quantités. On y rencontre constamment de l'acétone;
elle y apparaît à peu près dès le cinquième lotir de l'abstinence, et pen-
dant toute z durée; dos les deuxième et troisième jours qui suivent la
terminaison du jeûne, l'urine n'en contient plus. Pour rechercher )'ace-
toile. 1 autour s'est servi des réactifs de Légal (nitro-prussiate de soude)
et de Penzolri (orthonitrobonzoate d'aldéhyde).
Les tableaux et les courbes seront publiés dans les Archiv. f.
Psych. même volume, même cahier '.
Discussion :
MM. Hitzig et FùnsTKHn s'étonnent qu'à l'asile de Marbourp on
laisse "i longtemps les sitiophohes sans manger et qu'on ne les
alimente pas à la sonde. Cette pratique u'entraine-t-elle jamais
de pneumonie ? Pour quels motifs rejette-t-on la sonde ?
M. Tuczek. A l'époque où l'on se servait de la sonde on ne voyait
jamais beaucoup de pneumonie; z il n'en survient que
chez de vieilles femmes; mais on ne saurait, dans l'espèce, les
1 Nous en parlerons plus amplement, s'il y a lieu, aux Revues analy-
tiques.
108 SOCIÉTÉS SAVANTES.
attribuer à la courte sitiophobie. La pneumonie n'a donc rien à
voir avec l'abstinence. On rejette l'alimentation à la sonde pour
plusieurs motifs. D'abord, chez les mélancoliques, il y a lieu de
redouter des lésions causées par l'alimentation forcée. En second
lieu, l'alimentation forcée peut provoquer des idées délirantes.
Enfin que d'aliénés refusent ensuite de manger par d'autres moyens.
'Tel n'est pas l'avis de M. leprofesscur Furstner. En toutcas,ce ne
serait pas une raison pour les laisser s'inanitier. Les dangers de
l'alimentation à la sonde ne sont pas si grands. Une protestation
énergique convient seule à l'adresse de Siemens' qui voue à l'ana-
thème tous les psychiatres coutumiers de l'alimentation à la sonde.
M. llowcst : v (d'Ileidellrer). Recherches expérimentales sur lrs
réflexes tendineux. Ses recherches seraient aptes dès l'abord à
confirmer l'hypothèse de Tschirjew, d'api es lequel réflexes tendineux
et tonicité musculaire constituent deux réflexes musculaires ayant
des voies de transmission identiques, et se manifestant à la suite
d'excitations périphériques qualitativement semblables; la diffé-
rence entre ces deux phénomènes réside en ceci que les condi-
tions génératrices du tonus musculaire sont une excitai ion de
l'appareil centripète intra-musculaire produite par élongation
musculaire à l'aide des points de fixation anatomique, d'où con-
sécutivement une contraction modérée mais continue, tandis
que le réflexe tendineux émane de l'excitation de l'appareil de
terminaison seusilif du muscle produite par un soudain renfor-
cement de l'élongation musculaire (tiraillement du tendon par
un heurt), d'où consécutivementuneconvulsiou musculaire intense
brève. Les expériences de Mommsen montrent que toute circons-
tance qui modifie la force d'un réflexe musculaire, modifie dans
le même sens celle du réflexe tendineux (section du nerf, section
des racines postérieures, section de la moelle, intoxication au
chloroforme, au curare, la strychnine, traction longitudinale).
Quant à la tonicité musculaire, Brondgcest a prouvé qu'il existe
ou peut exister un tonus réflexe des muscles du squelette, mais il
n'existe pas de fait physiologique ou clinique qui laisse le moins
du monde supposer l'existence d'un attire tonus tonique.
En répétant, en modifiant de mille manières l'expérience de
13-oiid,eest, l'auteur est arrivé au résultat qu'il est la plupart du
temps facile de constater chez une grenouille décapitée un tonus
réflexe, et pour les fléchisseurs de la partie postérieure des quatre e
extrémités, etpour les extenseurs des jambes. D'autres expériences
lui ont appris que les appareils centripètes par lesquels s'entre-
tient l'activité du tonus réflexe de Brondgeest occupent le muscle
lui-même; on tout cas, ce n'est pas, comme beaucoup l'ont
Voy. Revues analytique-.
SOCIÉTÉS SAVANTES. t03
jusqu'ici supposé, exclusivement par l'action des nerfs cutanés
sensitifs que cela a lieu. L'excitation des nerfs musculaires cen-
tripètes qui produit le tonus peut n'être qu'un facteur mécanique ;
ce qui plaide en faveur de cette opinion, c'est qu'en renforçant
l'élongation des faisceaux par une charge modérée, on rend le
tonus évident.
Les arguments cliniques invoqués contre l'identité du réflexe
tendineux et du tonus musculaire ne prouvent rien. S'il est exact
qu'avec quelque prudence on arrive à régler nettement et facile-
ment les allures des réflexes tendineux d'un homme, il est, par
contre, toujours difficile, généralement même impossible, de
juger isolément de la force du tonus musculaire d'un individu
vivant. L'unique modification de la tonicité musculaire accessible
à un diagnostic analytique et sûr, c'est son augmentation anor-
male ; cette augmentation existe quand les mouvements imprimés
au membre par le clinicien lui donnent, chez un patient qui a
appris à annihiler son innervation volontaire, la sensation d'une
résistance exagérée, et quand cette résistance exagérée disparait
sous le chloroforme. Si pendant la narcose chloroformique, la
rigidité musculaire demeure partielle, c'est que 1'liypertonub mus-
culaire n'est pas pur, qu'il se complique d'altérations périphériques
des faisceaux résultant d'une exagération de la tonicité datant de
loin (contracture). Aucune des autres modalités de la tonicité
musculaire ne saurait être reconnue sur le vivant; cela n'a rien
d'étonnant lorsqu'on songe que le tonus réflexe des muscles du
squelette d'un homme normal peut se présenter à l'état de contrac-
tion minima, et que c'est à peine s'il existe de différence entre la
sensation de résistance qu'on perçoit chez un individu sain
soumis au chloroforme dont on fait mouvoir les membres (ab-
sence de tonus), et les sensations de résistance qu'on perçoit
chez le même sujet, en dehors du sommeil chtoroformique.
mais s'abandonnant complètement à nos manipulations (tonus
normal). A fortiori, etc. Aussi une foule d'erreurs ont-elles
été proclamées. On a finalement objecté contre la nature
réflexe des réflexes tendineux que cliniquement ils ne mar-
client pas parallèlement aux réflexes cutanés ; cette objec-
tion n'a pas de poids pour qui réfléchit un instant à la
différence physiologique des muscles striés et de la peau : autant
vaudrait s'étonner que les altérations des nerfs centripètes de
l'appareil auditif ne se rencontrent pas dans le tabes alors qu'on y
trouve des lésions du nerf optique.
Discussion :
M. le professeur SCIIULTZE, fait remarquer qu'il y a assez long-
temps, il a sur le lapin fait l'expérience suivante. On introduit
1 Voy. Revues analytiques.
110 SOCIÉTÉS SAVANTES. '
sous le tendon patellaire, uuepetite bûche de bois, pour le tendre
fortement. On a beau dès lors frapper sur lui, il ne se produit pas
de convulsions réflexes du triceps. Donc le simple contact méca-
nique est incapable, à lui seul, de produire le processus réflexe;
il faut encore que le tendon puisse vibrer.
M. le professeur SCHUL1'ZIs. Sur la myélite 'ftuma< ! « ? Les alté-
rations primordiales de la myélite aiguë sont chez l'homme à peine
connues, nos connaissances sur les stades récents de l'intlantuta-
tion traumatique ne reposent que sur des expériences physiolo-
giques. Or, voici l'autopsie d'un homme mort trois jours après
une lésion de la colonne cervicale. Les lésions macroscopiques
consistent en un foyer circonscrit occupant le segment antérieur
des cordons postérieurs, à une distance assez éloignée du lieu de
la lésion ; c'est la même situation, la même disposition qu'en un
cas récemment publié liarNN'estl)lial etlui '. Au microscope on ren-
contre des hématies extravasées, de grandes quantités de cellules
(globules blancs) entre les fibres nerveuses écartées par elles; ces
libres ont plutôt l'air de dégénérer qu'elles ne semblent tuméfiées;
pas de méningite suppurée. A l'oeil nu, on dirait d'un ramollisse-
ment rouge, et l'orateur ne croit pas que les cellules mentionnées
se transforment directement en cellules granuleuses.
M. SCIIULTZE. Présentation d'anomalie de développement toute par-
liettlièrc de la moelle. Un des cas concerne un spina-bifida de
la colonne cervicale associé à une anomalie de structure du qua-
trième ventricule et de la moelle épinière. Dans le renflement
cervical, le canal central est dilaté; cette dilatation, médiane,
rejoint la périphérie postérieure de l'organe; en un point, un
pont de névroglie porteur de fibres nerveuses est jeté sur cette
fente. Autre observation. Celle-ci provient d'un adulte jeune,
bien portant, victime d'un accident de chemin de fer. Ouest frappé
delà proéminence à la surface de l'organe de mille petites excrois-
sances qui constituent autant de gibbosités; elles sont composées
de substance blanche. La substance grise, surtout à la région cer-
vicale, est, dans les cornes antérieures et postérieures, interrompue
dans sa continuité par des tractus de substance blanche, de
quelque façon qu'on pratique des coupes (transverses ou longitu-
diuales); à la partie inférieure de cette région, sur une étendue
en hauteur peu considérable, la substance grise est réduite à des
points. Nous laissons naturellement de côté les phénomènes ressort-
tissant à la contusion récente.
A la suite du congrès, la plupart des assistants visitèrent, sous
la conduite de M. Ileiligeutltal, conseiller aulique, les engins de
gymnastique suédoise exposés à Friedrichsbad par le professeur
Zander de Stockholm. (Archiv. f. Psych. u. 1'cruenhrankic., XV, 3.)
P. Kéraval.
SOCIÉTÉS SAVANTES. Ill 1
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN
Séttiice (lit i i tléceiitbi-e 1883 i.
M. LOEHR, président, déclare la séance ouverte. Il communique à
l'assemblée des lettres de salutations de MM. Hasse, Kroemer, Ideier,
Schmidt.SehroeteretSchoefer.
M. Jasruomrz donne connaissance d'une circulaire de la Société
de médecine interne par laquelle elle convie les psychiatres, et
' notamment, les médecins d'asiles, à prendre part à l'enquête sta-
hstique relative à la tuberculose. '
M. Ordo (de Dalldoi-l) présente un encéphale farci de cysticerques.
Il s'agit d'une journalière de vingt-quatre ans, indemne de toute
hérédité nouropsychopathique. Le 1 avril, elle signale trois
métrorrbagies, suites de couches, après lesquelles la menstruation
ne s'est pas rétablie. En mai, surviennent des céphalalg-iesfréqueli-
te,, surtout occipitales, à la suite desquelles se montrent des
troubles de tasanté généralement du même mois, ces céphalalgies
augmentent et s'accompagnent de lassitude jusqu'au 23; ce jour,
agitation pendant laquelle la malade se frappe'aux murs, gémit,
supplie son mari de la tuer : à cet état succède une période de
sopor. Elle entre à la Charité. Le 2 ! t, à son réveil, la lucidité est
complète ; la patiente ne se souvient pas de ce qui s'est passé ; il
lui reste beaucoup de faiblesse, mais elle s'en remet, et quitte
l'hôpital au début de juillet. Jusqu'au commencement de septembre,
bien-être relatif entrecoupé par de nombreuses céphalalgies, et
d'assez fréquents vertiges accompagnés de lipothymies; périodes
de calme alternant avec des phases de grande agitation et nécessi-
tant tinatemontleretouràl'hopital, le 13 septembre. Le* octobre,
on la transporte à l'asile; son diagnostic d'entrée est ainsi for-
mulé : affaiblissement intellectuel, avec hallucinations et conceptions
délirantes; l'examen révèle, en effet, un épuisement général de
l'économie, de l'angoisse et de l'excitation entées sur un fond
d'anémie prononcé; rabattement est extrême, la tête ballotte de
ci delà; station presque constamment assise au lit : démarche in-
certaine, lourde; absence du signe de Romberg; indifférence à
l'égard des événements extérieurs; il semble qu'il y ait un peu de
parésie faciale gauche, de diminution de la sensibilité générale.
'Voy..<''c/ftt'es<'N<' : <)'o/o)e,t.VH),p.23(;. ,
Pouls petit, facilement dépressible =-'70. Céphalalgie occipitale,
parfois frontale; angoisse, vertiges, lassitude générale. De temps
à autre, agitation avec gémissements, suivie d'hébétude, de troubles
du côté de la mémoire, de desordre dans les idées; pendant les
séries d'accalmie, la conversation est possible et normale, mais
elle détermine un peu de fatigue. A partir du 16 octobre, accès
d'agitation extrême avec hallucinations de l'ouïe et de la vue,
désordre dans les idées, mobilité de l'humeur, actes délirants. Le
10 novembre, sommeil prolongé et profond; la malade ne de-
meure que quelques heures par jour éveillée, elle estalors calme.
Le 19, céphalalgie, angoisse; puis la santé se rétablit complètement.
Du 21 au 26, confusion des couleurs, céphalalgie; la malade reste
absorbée. Le 26, lipothymie suivie d'une telle faiblesse que la
malade, toute étourdie, ne répond que lorsqu'on insiste. Pouls faible
= 70. Elle se lève le 1 décembre, elle se sent bien, et ne présente
qu'un peu de dépression psychique. Le 2 décembre, elle reste au
lit, violente agitation, céphalalgie très intense, vomissements fré-
quents, délire ; il faut l'isoler. Mort soudaine quelques heures
après. La promptitude du décès ne permet pas d'en observer les
phases; ou relève simplement qu'en dernier lieu, le visage et les
lèvres présentaient miecoiorationbtanche.AttoStC.Sanstoenia
(les n'cri signalaient pas non plus la présence), on
est étonné du farcissemeut colossal de l'encéphale, du coeur, de
l'ensemble de l'appareil musculaire par des vésicules de cysli-
cerques. La pie-mère et l'écorce des organes centraux, les parois
des ventricules, surtout à gauche, en sont littéralement bourrées;
il en est de même des muscles. La dure-mère, le diaphragme, la
plèvre, le poumon gauche n'en contiennent que quelques-unes. En
ce qui concerne les détails et l'étude critique, l'auteur établit les
relations de cause à effet entre les phénomènes morbides et l'in-
vasiuu des cysticerques, bien qu'on ne trouve pas de loenia. Il y
a eu pour lui d'un seul trait invasion en masse; l'encéphale a
manifesté sa souffrance par les céphalalgies, l'état maniaque et la
stupeur. Puis, il s'est accoutumé à ces corps étrangers, jusqu'au
jour où leur l'accroissement a de nouveau entraîné des troubles
graves, les uns témoignant de l'augmentation de la pression in-
tracranienne, les autres, de processus actifs (inflammatoires). La
mort soudaine se rattacherait à l'augmentation dans le nombre
des cysticerques du cervelet, de la protubérance, du quatrième ven-
tricule.
Discussion : .'
M. J.ILST110WIT7. Le tableau clinique des cysticerques est encore
assez vague; bien des cas rappellent la paralysie générale. On
trouva, dans une observation, le type de l'hystérie mortelle aiguë
de L. Meyer (absence de troubles moteurs). Ce qui le frappe
SOCIÉTÉS SAVANTES. 118 3
dans le fait de M. Otto, c'est l'absence de convulsions, malgré
l'infiltration des centres moeurs. Il rappelle que le diagnostic est
parfois possible, quand on sent des cysticerques sous la peau et
dans les muscles. Un de ses malades atteint de cysticerques mu-
sculairesn'avail présenté aucun phénomène encéphalique.
M. REUM conteste l'utilité de l'oplitlialmoscope comme instru-
ment de diagnostic, dans l'espèce.
M. LAXGREUTEK. Des cysticerques peuvent occuper l'encéphale
sans engendrer de phénomènes cliniques caractéristiques.
MM. Loeiir et Zinn remettent en mémoire le cas semblable
d'ULLmoi (1 le séance de la Société Allg. Zeitscle. f. Psych., 4 871),
dans lequel on put établir le diagnostic pendant la vie.
M. F. Falk. Sur quelques accusations pour crimes contre la morale
(attentais). L'auteur rapporte quatre cas d'attentats : actes
luxurieux commis sur des fillettes de moins de quatorze ans. Le
premier de ces faits avait, iiiêmeà des profanes, suscité le soupçon
qu'il s'agissait d'un aliéné, mais l'expertise ne décela, chez l'ac-
cusé, âé de vingt-cinq ans, rien de pathologique ; condamnation
à deux ans de détention. Le second concernait un jeune homme
de vingt-trois ans, faible d'esprit, jusque-là intègre, qui auparavant
avait été interdit. Les troisième et quatrième cas avaient trait à
des hommes de quarante ans qui, à plusieurs reprises, pendant
des accès d'épilepsie transformés (troubles psychiques) avaient
devant des enfants découvert leurs parties génitales; l'instruction
fut suspendue pour le dernier; le premier fut acquitté deux fois;
sa conduite, dans ces cinq dernières années, n'a pas laissé à
désirer. Mais, dans ces quatre cas, ce n'est qu'après des condam-
nations répétées que l'on flaira un trouble mental. L'examen
médico-légal, en annulant la pénalité, permit de faire intervenir
le tribunal civil et d'obtenir une interdiction.
Discussion :
M. Zinn fait remarquer les difficultés que l'on recontre, en ce
qui concerne les jeunes criminels de cette catégorie, à obtenir
l'élargissement d'individus dont la force de résistance a diminué.
La paralysie générale et la démence sénile se prêtent mieux à
un rapport médico-légal. Il mentionne deux cas dans lesquels il
ne trouva, chez l'accusé, qu'un sommaire souvenir de l'acte, sou-
venir relativement tardif. Dans les deux cas, il s'agissait d'épilep-
tiques. Les spécialistes entendus avant lui avaient conclu à la
responsabilité. M. Zinn aborde ensuite l'histoire médico-légale
d'un fait de ce genre. Voici l'entrée en matière : « En septembre
1806 passait à travers un village, dans une province voisine, un
homme convenablement vêtu ; à l'entrée de ce village, il trouve
trois enfants qui jouent dont une fillette. Il marche à cette der-
ARCHIVES, t. la. 8
11 se SOCIÉTÉS SAVANTES.
nière, la renverse, la prend sur ses genoux, lui enfonce un doigt
dans les parties génitales tandis que les autres enfants s'enfuient,
repose à terre la fillette qui se met à crier, lui donne un silber-
groschen et s'en va.» On l'arrête le soir dans un hôtel d'une ville
située à un heure de là et l'on apprend que c'est le chef d'une
maison de commerce autorisée des provinces de l'Ouest. Ses
allures frappent le directeur de la prison. Ici commence la série
des rapports médico-légaux contradictoires, longue épopée qu'il
faut lire par le menu pour en apprécier les détails. Elle se résume
en une multitude de comparutions de divers médecins, en une
nouvelle instruction relative à l'attitude du patient après l'acte et
pendant sa détention, en la demande d'explications toujours con-
tradictoires à la barre du tribunal, les uns attestant la simulation
tandis que M. Zinn affirme l'état de maladie : de là désordre
dans l'esprit des juges et des jurés. L'irresponsabilité finit par
être déclarée. L'avenir prouva la réalité des assertions de l'ora-
teur et confirma son diagnostic : épilepsie. Le malade guérit au
bout de six mois : depuis lors, pas plus qu'avant le crime, il n'a
eu d'accès d'épilepsie.
M. Iliascu fait remarquer combien les rapports défectueux sont
fréquents. Il communique une observation de son crû.
M. Loehr rappelle, par rapport aux jeunes criminels pour atten-
tats, les cas soumis au congrès du Hambourg : soins à donner aux
idiots. (Voy. compte rendu.)
M. Edel mentionne la fréquence de ces crimes chez les profes-
seurs.
MM. FALK et Iluata confirment cette fréquence, à la lumière des
documents les plus modernes : intégrité psychique habituelle de
ces délinquants.
M. LOEHR présente à l'Assemblée le mémoire suivant emprunté
à l'héritage littéraire de M. de GELLfIUIt`7. Quelques résultats tirés
de l'emploi de l'hydrothérapie à l'asile d'aliénés d'Iicclccrmiwle.
Ce mémoire était destine à la société. Pour agir comme dérivatif
à l'égard de la circulation crânienne, et produire le sommeil,
l'auteur a employé les compresses aux mollets. Un morceau de
toile long de deux mètres et demi, de la largeur d'un drap, est
roulé et plongé, d'un tiers de sa longueur, dans de l'eau froide;
on l'exprime en le tordant, et l'un entoure la jambe de telle sorte
que les tours secs recouvrent partout de plusieurs couches les
tours humides; on peut encore lier par dessus un morceau de
laine ou un bas. On place ce bandage le soir au lit, pour l'enlever
le lendemain matin. En dilatant les vaisseaux, il produit une
réplétion exagérée du système vasculaire des membres inférieurs,
il dégage la tête; d'où la diminution des congestions céphaliques.
SOCIETES SAVANTES, 115
L'auteur l'a toujours employé utilement, notamment contre l'in-
somnie. Le lendemain, le calme diurne dépasse celui que pour-
rait produire n'importe quel médicament. Au besoin on changera
les compresses toutes les trois à quatre heures, dès que les couches
internes seront sèches. Les résultats favorables ont été obtenus
dans les manies récentes et périodiques, dans les formes d'agi-
tation chronique. (.lllg. Zeetsclar. f. Psyelt., IL[, 1.) P. Kéraval.
Séczn·e du I znurs I 531.
M. le président LOEiirt transmet les salutations de \11. lnwsr.,
)L4.SSl;,IImSCH,K.UtCZEWSEI.
Le secrétaire de la Société, M. Bernhard, ayant transporté ses
pénates à Gaerlitz, sa succession est, d'après le voeu du président,
donnée à 11. Gock.
M. 0. Mùller. Les lieux de station d 'hiver pour les maladies zzer-
veuses ci la Itiuièru. L'ouverture de la voie du Saint-Gothard
permet chaque année, à des milliers d'Allemands souffrants de
gagner l'Italie l'hiver, sans presque aucune fatigue. Or, la Rivièra
constitue un étroit pays riverain qui s'étend, à partir de Gênes au
sud. sur la côte orientale (Rivièra di Levante) jusqu Clliavari,
sur la côte ouest jusqud.Niz/a et Cannes (ttivièra di Pouente).
De hautes montagnes, dont les bords escarpés taillés à pic
surplombent la Méditerranée, forment un écran contre les vents
du Noi-d; de la, des conditions climatériques spéciales. Cette
bande de territoire atteint bien rarement quelques kilomètres de
large. Toutes les stations sont contiguës à la mer, au moins par
les habitations intérieurement situées; en tout cas, leurs régions
supérieures s'élèvent rarement de quelques cents pieds au-dessus
du niveau marin. Aussi trouve-t-on là une végétation australe de
palmiers, cactus, orangers, citroniers. oliviers dont on fait la
récolte en décembre etc., tandis que les sommets des montaenes
sont couverts de neige et de glace; le seul inconvénient, c'est
qu'à raison de l'escarpement on rencontre souvent des contrastes
brutaux entre le soleil et l'ombre, entre la température de midi,
du matin, du soir. Sur la côte orientale de la Rivièra, il n'y a
qu'un lieu qui ait attiré nos compatriotes, parce qu'il présente un
caractère riant et champêtre, c'est Nervi. Presque aux portes de
Gènes ( ! 'kilomètres), Nervi a, dans ces dix dernières années, con-
quis droit de cité thérapeutique; cette sale vil le italienne est devenue
un lieu agréable. L'affluence allemande est prouvée parla présence
actuelle de trois médecins de cette nationalité. Très préservée au
nord et à l'est par les montagnes abruptes qui dominent la ville,
elle est haiguée d'uu airextraordiuaireureut duw, rafraiclii malin
116 (i SOCIÉTÉS SAVANTES.
et soir par les brises qui s'élèvent de la mer. Le caractère italien
est toujours le même; une vieille rue la coupe qui se dirige au sud,
le long des côtes en venant de Gênes. Quantité de jardins et de
parcs magnifiques plantés de palmiers et d'arbres descendent de
la ville aux bords de la mer. Quelques desiderata doivent mal-
heureusement être également enregistrés relativement au confort
et à l'agrément il n'existe pas non plus encore d'établissements
de bains bien installés. Le 1), SelieLolig y possède une maison de
santé parfaite. La Rivièra di Ponente offre bien plus d'attrait.
La perle des stations d'hiver, grâce à sa situation, à l'air qu'on y
respire, au' : promenades, au confortable, aux soins dont on est
entouré, à la propreté, c'est Saii Rem). Simple petite ville calme
il y a quelques dix années, elle compte aujourd'hui 18,000 habi-
tants, trente grands hôtels et pensions. L'année dernière
2,003 Allemands sont venus s'y mettre en traitement. Six médecins
allemands y sont maintenant suffisamment occupés. Très propre,
elle possède nombre de très belles promenades qui gagnent les
monts ambiants. Le lieu de réunion des étrangers est le Corso,
sis au-dessus de la gare et du jardin de l'Impératrice; ses belles
plantations (palmiers, etc.) et les séances de concerts répétées
plusieurs fois par semaine contribuent à en faire un endroit de
rendez-vous. Température moyenne d'après Koerner '; annuelles
- 16,63; hivernale = + '10,5 : c'est-à-dire qu'elle tient le milieu
entre Naples et Palerme. -A une heure de chemin, par une voie
riveraine de la plage, on atteint Ospedoletli station ouverte,
l'hiver dernier, à grands frais par le crédit foncier de Lyon. « A
mon arrivée, le 10 décembre de l'année précédente, je trouvai
presque vides les magnifiques locaux de l'hôtel de la Reine qui
comprend deux cents chambres; l'élégant salon de conversation
était aux mains des divers corps d'état du bâtiment, le professeur
Muguenin de Zurich était attendu avec impatience. » En somme,
grand calme, douce retraite, facilité de respirer, sur des pro-
menades agréables et pleines de goût, un air pour ainsi dire
tamisé; telles sont les particularités qui certainement attireront,
dans l'avenir de nombreux clients, à la condition que les prix de
pensions, la nourriture, et la modicité relative des dépenses pour
un assez long séjour se mettent de la partie. Les chambres, les
salles, les cabinets de bains sont confortables et hygiéniques.
Descendons vers le sud; après une maiche d'une heure, nous
abordons une petite ville gracieusement entourée d'une forêt de
palmiers voisine. Nous sommes à 13ord10het·ce : 2,300 habitants. Très
fréquentée pendant ces dernières années, elle jouit du calme de
la campagne. C'est le lieu le plus préservé de la Rivièra. Prix
1 San liemo. Eine Deitische Winlercolonie, Leipzig, 1883, Otto Wie-
gaud.édt.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 117
modérés, culture de palmiers de toutes grosseurs et de diverses
variétés. Vue magnifique sur la mer du café Cadana.aJe passe
les stations de la Rivièra française, dont les Allemands ne sesou-
cientguère aujourd'hui.» »
Les formes morbides pour lesquelles un séjour d'hiver et la Ri-
viera est indiqué sont avant tout les affections pulmonaires. Parmi
les maladies du système nerveux, les médecins de la résion citent
les perturbations asthéniques, et celles qui résultent d'un épuise-
ment somatique. M. 0. Millier ajoute les états de dépression psy-
chique au début (mélancolie ethypochondrie légères), tandis qu'il
ne saurait y avoir qu'aggravation pour les états d'excitation ac-
compagnés de manifestattons irrésistibles, d'angoisse, d'halluci-
nations, ainsi que pour les états en rapport avec des pertes de
substance (paralysie générale au début). Il importe cependant de
choisir le lieu qui convient à chaque malade, et surtout de le con-
fier à un spécialiste avant qu'il n'entreprenne le voyage et pen-
dant sou traitement là-bas.
M. ICNt : ctlr. Longue durée insolite d'un état d'o6tattLilution psy-
chique de nature épileptiquc. L'observation porte sur un homme
de trente-six ans libre de toute tare héréditaire ou autre. Il ra-
conte qu'il a été atteint d'épilepsie à la suite d'un traumatisme
(fracture des osdunex, commotion cérébrale) l'âge de vingt-
neuf ans, en 18î6. La moyenne de ses attaques fut pendant cinq
ans de deux par semaine. Puis une lacune considérable existe
dans ses souvenirs. « Vers l'époque où le feuillage commence à
jaunir, dit-il (vers la fin de septembre 1881) » il auiait été frappé
d'hémiplégie gauche, et aurait séjourné à l'hôpital de Hautzen
(il était en tournée de voyage); en même temps, il aurait présenté
un trouble de la parole. En reconstituant son histoire à l'aide de
lambeaux de renseignements, on trouve qu'avant cette attaque
apoplectique, il était pendant sa tournée entré à l'hôpital de Lo-
bau (Saxe) pour une bronchite; à ce moment, les médecins ne se
sont aperçus d'aucune perturbation nerveuse ou mentale. Il quitte
guéri l'hôpital le 20 août, et, après son départ, on remarque qu'il a
barbouillé les murs de sa chambre et les livres qu'il lisait d'ins-
criptions dépourvues de sens. Dans la nuit du 20 au --Il août, on le
trouve à 21 Iiilotii. de iiautzen privé de connaissance et par
des convulsions. Porté à l'hôpital, il est déclaré hémiplégique
gauche ('paralysie de la parole). ll n'a sur lui ni argent, ni pièces
d'identité si ce n'est un certificat de sortie de l'hôpital de Lobau.
Peu de jours après son admission, il écrit (car il ne peut parler)
tous les renseignements demandés par un fonctionnaire muni-
cipal sur sa personnalité et mentionne son séjour antécédent à
l'hôpital. Malgré cela, a son entrée à l'asile, autant d'ailleurs
qu'aujourd'hui.sa mémoire est iiieip,ti)[e de 1(ii fournir ttieuii 1-ell-
118 SOCIÉTÉS SAVANTES.
seignement sur cet épisode; nous ne pouvons même savoir de lui
quand celte amnésie est apparue pour la première fois. Ce que
l'on peut affirmer, c'est que, depuis l'ictus apoplectique, les accès
d'épilepsie ont gagné en fréquence et en violence; ils sont rede-
venus journaliers comme au début et sont suivis d'une excitation
de plusieurs heures (injures, menaces, idées d'empoisonnement,
destruction, tendances aggressives, un accès de manie furieuse de
quatre semaines). Inutilité de K I. K 13r. oxyde de zinc. Néanmoins
au bout de quelques semaines, la parole est revenue, le bras
gauche a récupéré ses fonctions après plusieurs mois. Translation
du malade à l'asile de Colditz le 2 janvier 1883. De l'hémiplégie
gauche, il ne reste qu'un téter strabisme interne gauche, de la
faiblesse de la branche buccale du facial du même côté, de l'm-
puisance de la jambe à porter le corps (les mouvements en sont
possibles, mais ils sont limités comme étendue et comme force).
Pas d'autre anomalie somatique à part les vestiges de la fracture
des os du nez. Rien du côté des facultés psychiques. Les accès
d'épilepsie se montrent pendant deux jours consécutifs; le troi-
sième jour est un jour de répit. Chaque accès commence par
une immobilité grâce a laquelle le malade semble figé dans la
stupidité; on a le temps de le placer sur son lit. Il ne se produit
pas de ci Les convulsions durent dix minutes; la jambe gauche
y participe; deux heures de sommeil terminent l'attaque. Jamais
d'agitation. A partirdu 2 février, doses quotidiennes de 10 gr. de
KBr. en deux fois. Jusqu'au tO, on ne constate aucune modifica-
tion ; puis les accès deviennent plus rares. Du 14 février au 28
mars, quatre accès. Puis disparition des attaques malgré la dimi-
nution graduelle de KBr et sa réduction à 2 gr. par jour. Pen-
dant ce laps de temps, la jambe gauche a recouvré sa force; le
malade se promène sans boiter, librement.
L'orateur insiste sur la durée de l'obnubitation psychique dont
le minimun a dû être de trois semaines, sur l'absence d'hébétude
objective pendant ce laps de temps. Le malade pu voyager, s'oc-
cuper, séjourner à l'hôpital sans qu'on remarquât d'anomalies; il
a pu, même sous l'influence de phénomènes graves (troubles de la
parole), renseigner convenablement un fonctionnaire. Un ensei-
gnement se dégage de ce fait, c'est que le médecin légiste doit se
montrer très réservé. Il faut encore noter les effets bienfaisants
et rapides du 1113r; d'autant plus que, depuis un an, on n'a ou à
enregistrer aucun symptôme d'épilepsie, alors que la maladie da-
tait de sept ans, et que les six derniers mois avaient été marqués
par une aggravation considérable compliquée bientôt d'hémiplé-
gie avec troubles de la parole.
Discussion :
M. Zixx contraint l'auteur à ajouter que l'ivrognerie doit être
écartée dans l'espèce.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 119 9
M. Mueller. A la suite de fièvres typhoïdes graves, maints ma-
lades présentent d'assez longues disparitions de la connaissance.
M. Loehr rappelle la perte de connaissance qui succède à la
manie; dans un cas dû aKrafft-Ehing la perte de conscience
dura du 23 mai au 30 juin.
M. 71-Ns. Sur l'extension projetée de l'assistance médicale des
malheureux de la province de Brandebourg ' . Berlin n'est pas comprise
dans la province. - Avant la mise en vigueur de l'ordonnance ré-
glant le régime et l'organisation de l'assistance des pauvres et des
aliénés, la province, à ce point de vue, se décomposait en trois ré-
seaux auxquels incombaient pour chaque district le soin et l'en-
tretien des pauvres et des aliénés, (1876). Or le réseau des pauvres
du pays de Kurmarkii'a pourvu lu'à 7rtiid'peiiie à l'assistance de
ses aliénés, au moyen de l'asile d'aliénés départemental (Landirre-
nanstalt) d'l : berwvalde et de l'établissement d'aliénés et d'infirmes
(Iii,etipile.ae und Siechenanstalt) de Le réseau des
pauvres du pays de la Basse-Lusace n'a pas non plus suffi aux be-
soins à l'aide de l'asile départemental d'aliénés de Sorau. Enfin
le réseau du pays de Neumark ne possède pas d'asiles d'aliénés.
Donc, le régime d'assistance de la province de brandebourg, tout en
ayant étendu ses anciennes constructions, tout en eu avant exécuté
de nouvelles autant que possible, n'a pu satisfaire aux exigences de
la nécessité. Voici quelques points du programme et des plans pré-
parés par l'orateur en sa qualité de rapporteur médical (Landes
médicinal Réfèrent) pour la province de Brandebourg : on sait que
cette fonction comporte la haute surveillance des asiles d'aliénés
provinciaux, ainsi que l'inspection médicale et hygiénique des
établissements de bienfaisance, de correction, d'éducation pénale,
de sourds-muets de la région.
La population de la province comporte 2,260,000 âmes dont
S,68;; aliénés, soit I aliéné pour 398 habitants. De 1871 à 1880, la
population s'est accrue dans la proportion de 11 1 p. 100; les alié-
nés ont augmenté de 39 p. 100. A présent la province hospitalise
dans ses trois asiles 9,440 aliénés se répartissant en 800 pour
Eherswalde, 400 pour Sorau, 240 pour Wittstock. Il y a encom-
brement, et, de plus, les bâtiments ne correspondent plus au
genre de malades a héberger, surtout lorsqu'on considère l'excès
disproportionné des malades incurables et dangereux, de ceux qui
causent du désordre, dont l'aspect extérieur suscite le dégoût.
M. Zinn est parti d'un point de vue, confirmé par l'expérience gé-
nérale. d'après lequel on n'arrive à parer aux indications de l'assis-
tance publique des aliénés qu'en donnant aux asiles un périmètre
1 A rapprocher du mémoire sur la basse Franconie de M. Rieer, Ar-
chives de Neurologie, t. VIII., p. 92.
120 SOCIÉTÉS SAVANTES.
permettant l'admission d'un malade pour 1,000 habitants; par
conséquent il faut que la province construise encore des asiles
pour z0 malades. Elle manque aussi d'asiles pour les aliénés
congénitaux (idiots) perfectibles ou non, d'établissements pour
hospitaliser et traiter méthodiquement par les ressources théra-
peutiques les épilepliqucs non aliénés, d'institutions adaptées à
l'éducation pédagogique des enfants épileptiques. Mais, comme la
province ne peut mener de front l'exécution de toutes ces obliga-
tions, comme on a provisoirement la latitude de caser les idiots,
soit dans les asiles privés, soit dans les asiles publics situés en de-
hors de la province, comme les soins préventifs pour les épilep-
tiques non aliénés n'ont pas une urgence immédiate, M. Zinn
propose :
1° D'abord, de créer un asile d'aliénés pour 600 malades, asile
de traitement et d'hospitalisation destiné de préférence à des ma-
lades incurables, dangereux, créant le désordre. A cet asile on
annexera une exploitation agricole étendue qui, sise à une dis-
tance mesurée de l'établissement, occupera le voisinage d'une
grande ville placée sur une voie ferrée. Ce nouvel établissement
ne recevra pas de pensionnaires, cat-EI)ei-swald(, et Sorau suffisent
à ces besoins-là. Chacun des trois établissements pour aigus et
chroniques (Eberswalde, Sorau et le nouvel asile) desservira la
partie de la province immédiatement adjacente. Eberswalde pro-
filera à un rayon de 1,200,000 habitants, Sorau à une zone de
700,000, le nouvel asile servira à 400,000 âmes;
2" Provisoirement, on peut écarter les projets de construction
d'un autre asile d'aliénés de 300 lits environ, d'un asile d'idiots,
d'un asile d'épileptiques non aliénés.
La besogne n'est jamais complète pour le médecin, tant qu'il
ne s'est pas inquiété du programme même de l'édification d'un
asile; il doit non seulement se familiariser avec les besoins de l'é-
tablissement dans leurs petits détails fondamentaux, mais encore
reproduire par le dessin, de façon à les rendre plus intelligibles
pour tous, les exigences à satisfaire. L'architecte, en supposant
qu'il agrée le programme proposé, a pour mission de compléter
les ébauches, et de perfectionner le plan proprement dit pour l'exé-
cuter. L'exécution même sera surveillée par l'aliéniste en per-
sonne. L'entente la plus précise régnera avant et pendant l'exé-
cution entre l'aliéniste et l'architecte ; celui-ci apprendra de celui-là,
les indications à remplir et leurs particularités les plus menues, il
s'en pénétrera, car la fusion intime des deux ordres de connais-
sances (architecturales et médicales) peut seule porter des fruits
mûrs. Architecle etmédeciu prendront part aux consultations des
autorités compétentes; ils manifesteront leurs opinions dans les
conseils, y rectifieront les manières de voies erronées, jetteront
la lumière sur les points mal compris et feront régner l'unité.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 121
L'auteur soumet donc et explique à la société ses plans fondamen-
taux (5 ébauches et un plan de situation); il a eu pour souci d'é-
viter rigoureusement tout ce qui ne se rattache pas directement à
l'adaptation, au but fixe de l'asile, son objectif a été de faire le
nécessaire solidement et conformément à la ditection poursuivie.
Il a adopté le système des pavillons séparés en se proposant
d'éliminer impitoyablement les espaces morts : tels les angles et
les endroits privés de lumière directe. Le placement de chaque
sexe comportera quatre bâtiments.
122 SOCIÉTÉS SAVANTES.
voyage, afin de visiter les nouveaux établissements d'aliénés et
hôpitaux de l'Allemagne et de l'étranger, avec mention d'avoir à
commencer ce voyage, dont il rendra compte plus tard à la so-
ciété, aux environs de la Pentecôte.
Discussion à laquelle prennent part Loehr, Schroeter, Zenker,
Edel : elle met en lumière la satisfaction relative au résultat ob-
tenu. La société exprime ses félicitations à l'auteur du projet, en
même temps qu'elle adresse aux autorités provinciales, toute sa
gratitude pour les services rendus par leur rapide décision.
M. l ? 1'SF : LFIn. De l'ozone et de son action sur les maladies nerveuses
chroniques. Ce ne sont encore que des recherches préalables
auxquelles l'auteur a été poussé par les résultats que Binz (de
Bonn) a obtenu, à l'aide de l'ozone comme narcotique. Il importe
peu, pour lui, que l'on désigne sous le nom d'ozone ce qui dans
l'air fournit la réaction connue sur le papier amidonné impré-
gné d'iodure de potassium, ou tout autre chose, tant il lui
parai certain que l'atmosphère contient un gaz spécifique quant
à son action sur les organismes malades. Sous ce rapport, l'air a
été à peine examiné. Depuis le mois de décembre 188 ? il pra-
tique' chaque jour trois examens sans négliger les conditions ther-
miques, météorologiques, barométriques, hygrométriques, ané-
mométriques etc., du milieu ambiant. Or, il a, jusqu'à présent,
été assez heureux pour constater qu'une très forte proportion
d'air ozonisé exerce une action spécifique sur les maladies ner-
veuses des catégories les plus variées, de même, qu'un air peu
chargé ou tout à fait privé d'ozone. Il a, pour les malades de
son établissement, tracé des courbes du sommeil accompagnées
des inscriptionsconsignantles réponses des maladesàdesqueslious
adressées et contrôlées- par lui. Le temps avancé s'oppose à ce
que l'auteur termine sa communication. Plus tard, lorsque la
série de recherches se sera grossie des bénéfices d'une observation
régulière ultérieure, il fera connaître les résultats obtenus.
La séance est close à cinq heures. (Allg. Zeilscha. f. Psyrli.
XLI, 1.) P. KÉRAYAL.
XVIIe CONGRÈS DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DES ALIËMSTES
DE LA BASSE-SAXE ET DE 1VESTPH ? LIE'
SESSION DE HANOVRE
Séance du 101 mai 1883.
M. Snell est appelé à la présidence; secrétaire : M. Tannen.
1 Voy. Archives de Neurologie, t. V, p. 265. -
SOCIÉTÉS SAVANTES. 123
M. Snh : LL prend la parole sur les sensations pathologiques en tant
que symptômes de perturbations mentales. Les sensations patho-
logiques, jadis peu remarquée;, ont été, de la part des psychiatres
contemporains, plus étudiées; elles ont attiré une attention en
rapport avec leur importance. C'est ainsi que Seliuelu (Dysphrénie
névralgique), après avoir observé, en clinique, les sensations
pathologiques, arrive à ce résultat que le groupe des perturba-
tions mentales, dans lesquelles les sensations pathologiques
constituent une partie fondamentale, comprend toutes les psy-
choses dont la genèse ne dérive pas d'une lésion encéphalique
directe. Les sensations pathologiques relèvent du vaste domaine
des hallucinations, mais elles jouent un rôle tout particulier, et
s'observent assez souvent sans hallucinations proprement dites.
Elles ne manquent presque jamais dans la mélancolie et dans les
formes de délire systématisé, sont plus rares et moins importantes
dans la manie, et s'observent fréquemment dans les diverses mo-
dalités de la démence, y compris la paralysie générale. Elles
peuvent atteindre n'importe quelle partie du corps, s'y localiser
ou s'étendre de façon à occuper au besoin tout l'organisme, de-
meurer sous la même forme pendant des années, ou varier et
même survenir périodiquement, constituer le pivot de la maladie
ou n'être qu'accessoire, enfin, ce qui les distingue des hallucina-
tions, rétrocéder. L'orateur lit à ce propos l'histoire d'une femme
de trente ans, actuellement en traitement à l'asile d'Ilildeslieim,
sous le coup d'une hérédité psychopathique indirecte, qui brus-
quement sentit que sa lèvre supérieure devenait trop épaisse et
trop longue. La malade, attribuant cette sensation à ce qu'elle a
trop mangé s'abstient dès lors le plus possible d'aliments; la sen-
sation anormale croit néanmoins de telle sorte qu'elle accfuiert ! u
conviction que la mort seule peut la débarrasser de ce malheur.
De là une mélancolie anxieuse accompagnée de sitiopliobie et
tentatives de suicide. Inutile de dire que la lèvre supérieure ne
présente aucune anomalie. Une surveillance attentive et des soins
assidus aboutissent au relèvement de l'état général; avec lui se
montre une période d'accalmie pendant laquelle disparait la sen-
sation, la malade reconnaissant son erreur. Malheureusement une
rechute ne tarde pas à se produire. En d'autres circonstances, les
dents deviennent gênantes, bien qu'elles soient saines; on les
arrache sans résultats. Mais les sensations pathologiques les plus
fréquentes sont celles qui se localisent au cou, à la poitrine, au
ventre. Il y a sur ce point quelques réserves à faire. C'est ainsi
que l'anxiété dite précordiale ne se limite pas le moins du monde
a la région en question, qu'elle peut porter sur n'importe quelle
place du thorax et de l'abdomen, varier d'étendue et paraître
émaner des organes splanchniques (idées délirantes correspon-
dantes). Les aliénés spécifient souvent que la cause de leurs sensa-
121 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tiens pathologiques réside en des corps étrangers vivants ou ina-
nimés (lame d'acier, serpents, grenouilles, démonomanie intra-
somatique). Sensations pathologiques des organes sexuels, plus
fréquentes chez la femme : aliénées se croyant enceintes pendant
vingt ans. La colonne vertébrale est bien moins fréquemment
hantée par les sensations pathologiques; elles n'y sont pas non
plus aussi polymorphes qu'ailleurs, mais revêtent le caractère de
toitures (douleurs, machines). A la tête, on accuse des sensations
de tension, pression, plénitude, vide, constriction douloureuse au
niveau du bregma, des arcades surcilières, d'un côté ou des deux
côtés; assez fréquemment, les yeux semblent secs, raides, immobiles
brûlants, exagérément mobiles, détachés de la cavité orbitaire,
branlants (mélancolie), la langue paraît sèche. Le corps est brisé
écartelé, toi-Luié, immergé dans l'eau chaude ou dans l'eau froide
inondé de vermine. Périodicité des sensations pathologiques et
quant à leur force (exaspération) et quant à leur apparition (pé-
riodes d'intégrité), notamment dans la manie périodique ou dans
la folie circulaire; elles disparaissent au stade de parfait dévelop-
pement, d'état, pour revenir au stade de repos ou de dépression
(deux cas); souvent, dans ces entités morbides, une sensation de
douleur et de pesanteur dans les membres empêche les patients
de marcher. Elles sont parfois l'origine réelle d'un délire systé-
matique (observation à l'appui). En agissant vivement sur le mo-
ral des sujets (changement de résidence, événements imprévus),
on arrive quelquefois à modifier les sensations pathologiques,
voire à les supprimer pour un temps (un exemple de persécuté en
1818). Chez maints mélancoliques, les sensations pathologiques
disparaissent le soir, l'humeur devient gaie.
AI. SNELL termine en faisant remarquer que la communication
précédente n'a d autre prétention que d'appeler nouteaut'at-
tention sur cette partie intéiessante de la séméiotique des mala-
dies mentales.
Discussion :
M. Hasse. Tous les persécutés éprouvent des sensations patholo-
giques. Elles sont fréquentes chez les paralytiques généraux ainsi
que dans le stade dépressif de la folie circulaire.
M. IlESSE, raconte l'histoire d'un aliéné qui se plaignait inces-
samment de douleurs dentaires immotivées. Déjà on lui avait en-
levé huit dents lorsqu'on l'amena à l'établissement d'ilteti. L'abla-
tion d'une dent chassait la douleur dans une autre, qu'elle fût ou
non demeurée, un certain temps après l'extraction, dans l'al-
véole.
M. ENGELKEN connaît depuis douze ans un chiffonnier qui
éprouve des sensations pathologiques abdominales. Des magiciens
lui soufflent la nuit du froid dans le corps. Il se place sur le
SOCIÉTÉS SAVANTES. 125
ventre pour échapper à ces sensations désagréables, et aussitôt les
magiciens se faufilent à travers l'anus dans l'intérieur de son
organisme, pour lui faire endurer mille tortures. Souvent il se
dispute avec dos hommes qu'il prend pour des enchanteurs.
M. SNELL appelle l'attention sur la maladie toute spéciale récem-
ment décrite (Virchow's Archiv, mars 1883) sous le nom d'atrémie
par B.-W. Neftel de Kew-York. Elle atteindrait, en Amérique, les
dames de la plus haute classe. Tout effort somatique ou psychique
engendre les sensations pathologiques les plus violentes dans la
tête, le dos, l'épigastre; en même temps tendance à la lipothy-
mie, dyspnée, troubles digestifs. Eu conséquence, les malades
sont contraintes à garder un repos au lit absolu, afin d'éviter ces
tortures.
Aucun des assistants n'a observé de pareils états pathologiques.
Bien des fois ils ont vu des mélancoliques et des hystériques ne
pouvoir marcher. Et, à cet égard, M. Engetken mentionne un cas
dans lequel l'emploi de l'eau froide (en allusions) amena une
prompte guérison. Burghard en a cité de semblables. Mais nul
n'a constaté l'atrémie proprement dite de Neftel.
la famille et considérations sur l'opium. Après avoir gémi sur
les vices d'éducation psychiatrique des médecins praticiens' qui
ne reconnaissent pas assez vite l'aliénation mentale et ne savent
pas la traiter méthodiquement assez tôt, M. Engeiken explique
que, dans la région qu'il habite, il n'a pas à regretter ces mau-
vaises conditions. Depuis de longues années (1767), sa famille a
fondé un asile que les fils aînés se transmettent, de sorte que la
notoriété a vaincu les préventions populaires; des régions voi-
sines du Hanovre et de une bonne partie des cas
psychopathiques parviennent à sa connaissance et sont visités par
lui. On a pu suivre ainsi l'hérédité à travers quatre générations
et diagnostiquer le début des affections mentales. Aussi, pendant
quatorze ans de pratique, l'orateur a-t-il pu voir un grand nombre
de faits récents et les traiter. C'est la teneur d'une riche expé-
rience, d'une ample moisson de diagnostics et de méthodes thé-
rapeutiques qu'il consigne.
Les cas de psychoses récentes ou commençantes qui permettent
un traitement au logis, sont des états de dépression simples se
traduisant par une maussaderie légère ou plus profonde, accom-
pagnée ou non de conceptions délirantes, à la condition que les
familles surveillent leurs malades, qu'on n'ait à redouter de leur
part aucun dommage direct, aucune explosion dangereuse, aucune
tendance au suicide. Maints de ces aliénés ont conscience de leur
maladie et se soumettent volontiers aux objurgations; d'autres
ne se plient qu'à une ferme autorité. Tels sont les cas qui sans
t26 SOCIÉTÉS SAVANTES.
exception s'offrent au médecin de la maison; celui-ci les traite et
n'appelle des spécialistes en consultation, que lorsqu'un complet
insuccès lui en démontre la nécessité. Quoi qu'il en soit des tem-
porisations et des explications banales du médecin traitant (neu-
rasthénie ! anémie ! ), quand finalement on appelle le psychiatre,
il se trouve en présence, dans l'immense majorité des cas, de dys-
thymie et de mélancolie simples, voire même de mélancolie vio-
lente avec forte angoisse précordiale, insomnie complète et con-
ceptions délirantes. On constate, en outre, presque toujours des
accèsnévraigiformes plus ou moins continus présentant des phases
d'exacerbation temporaires, des phénomènes congestifs, des bat-
tements de coeur, de l'hyperesthésie psychique, de la céphalalgie,
des alourdissements, des tintouins, des battements dans les tempes,
de l'inappétence, des rêvasseries, quelquefois un réel embarras
gastrique, de l'apathie, delà lenteur au travail mécanique aller-
nant avec des fougues laborieuses presque impulsives et disconti-
nues, des troubles du sommeil, de la constipation, de la lenteur,
et de la faiblesse du pouls, excepté quand le malade s'agite (pouls
tendu, fréquent), ou lorsqu'il est atteint d'anxiété précordiale
(pouls accéléré, dur, tendu, dicrote). Le regard reflète ces divers
états. La parole paresseuse, traînante, peut être également claire,
accélérée : gémissements, cris stéréotypés, monosyllabiques.
Beaucoup recherchent l'isolement, d'autres sont incapables de
rester un instant seuls; d'autres encore, après avoir présenté des
allures de la motilité normales, suivent subitement leurs impul-
sions instinctives, et se livrent à des actes, à des migrations dan-
gereuses. L'évolution de la mélancolie simple est presque cons-
tamment lente, graduelle; les prodromes, peu marqués, passent
inaperçus de l'entourage, mais leur progression est ininterrompue;
le malade lui-même convient de malaises anciens qui, en somme,
ont été les premiers signes originels de l'affection. Presque toujours,
il y a eu des causes psychiques occasionnelles (émotions); du reste
il faut faire la part de la force des incitations et de la résistance des
individus, au point de vue physique et psychique. La teneur des
conceptions délirantes dépend et du caractère de l'émotion occa-
sionnelle, et de l'individualité du malade, et du genre d'éduca-
tion, des croyances de ce dernier. Il n'est guère d'aliénés de ce
genre qui ne soient aptes à faire une tentative de suicide soudaine
inattendue, à essayer de fuir pendant une crise d'angoisse vio-
lente. Cependant, au début, tous offrent encore des intervalles
lucides plus ou moins longs avec conscience de leur état. L'héré-
dité occupe dans l'espèce une large place non seulement de par
la nature du germe, mais aussi de par le milieu et l'espèce de
l'éducation ou de l'instruction; l'ensemble de ces éléments produit
le terrain originel. Les conditions politiques et sociales, la puberté,
la menstruation, la grossesse, iapuorpérahté, iajactation, la méno-
SOCIÉTÉS SAVANTES.. , 17
pause, 1,Lftibl esse plivsi(Itte,l es dystroplii es chroniques, l'épuisement
consécutif auv. maladies fébriles, les excès doivent aussi être pris
en considération. Le traitement se propose un double but : 1 - s'op-
poser à la cause delà maladie : les prescriptions hygiéniques et
morales de tous ordres s'imposent à cet effet. On suivra les indi-
cations tirées de l'analyse complète du malade sous toutes ses faces;
2- formuler une médication qui n'a de chances d'aboutir que si
les conditions les plus favorables ont été assurées par le traitement
moral et hygiénique. Dans tous les cas de psychoses récentes sim-
ples, il faut prescrire des médicaments. Outre que cette manière
de faire exerce un effet psychique favorable,elle est inévitable dès
qu il y a douleur, angoisse, conceptions délirantes, hallucinations,
et doit être imposée lorsque le malade n'a plus conscience de son
état de maladie. Les narcotiques doivent, avant tout, entrer en
ligne, car seuls ils agissent directement sur la douleur. Un seul
mérite d'être usité, c'est l'opium. Mais il faut savoir l'employer;
il donne des résultats brillants, à la seule condition qu'il soit bien
manié, dans les cas légers, au début. Il est bien plus actif que la
morphine; il agit favorablement sur la nutrition des centres ner-
veux par neutralisation des agents d'excitation des cellules de per-
ception, par arrêt des impressions reçues. Tantôt l'effet est rapide
(dès la première dose ou en peu de jours) tantôt il est lent (quelques
jours à une ou deux semaines). M. Engetken ne connaît pas
d'exemple ou l'effet n'ait été bienfaisant. La dose doit produire
une légère action narcotique ; un vomissement peu après l'inges-
tion indique la nécessité de la baisser; mais un vomissement du
début, c'est-à-dire une heure ou un peu plus tard après l'adminis-
tration, constitue une indication d'avoir à persister à la même
dose, car alors le vomissement disparait au bout de quelques
jours. Chez des adultes faibles, délicats, on fera prendre, pour
commencer, au moins 5 centigr., matin et soir; dès le deuxième
jour, chaque dose sera de 10 centigr. ; de fortes constitutions
exigent au moins par doses 7o milfigr. et, dès le second jour, 13
ceutigr.; généralement ces doses doublées produisent un résultat
curatif considérable; on les continue une semaine ou davantage,
et, dès qu'on constate que le mieux-être s'arrête, on monte de
10 ceiitigt,. Si l'action d'une dose ne dépasse pas en durée six,
huit, dix heures, c'est qu'il faut augmenter la quotité, sinon on
s'en tient à la quantité prescrite jusqu'à ce qu'il n'en soit plus de
même. Souvent il suffit d'augmenter de 5 à 6 centigr. pour
imprimer une nouvelle impulsion aux progrès du l'amélioration;
en un mot, l'action graduelle est indispensable tant que l'estomac
ne fournit pas de contre-indication. Dans la pluralité des cas de
névrose encéphalique simple, on n'a besoin que de 20 à 30 cen-
tigr. deux fois par jour; rarement on doit monter à 40 ceutigr.;
il est extrêmement rare (grandes résistances individuelles) qu'il il
US SOCIÉTÉS SAVANTES.
faille atteindre 30 à 60 centigr. par doses. C'est on prolongeant
l'action des doses exigées qu'on doit s'attendre à une complète
disparition de l'ensemble du tableau morbide. Mais, ce résultat
obtenu, ne supprimer le traitement qu'avec la plus grande pru-
dence. On commence par diminuer la dose d'un quart ou d'un
tiers pendant huit jours, s'il, ne vient pas de recrudescence; on
diminue de moitié, pendant une autre semaine; s'il se montre
des indices de rechute, on ajoute une fraction pour huit à flua-
torcejours, sinon on risquerait d'être obligé de recommencer tout
le traitement, et alors il faudrait reprendre sur de nouveaux frais,
graduellement, sous peine de collapsus avec diarritéeprofuse,
douleurs vagues, empirement de l'état psychique.
L'opium agit au début sur l'appareil digestif en suscitant des
nausées, de l'inappétence, delà constipation. Les nausées dispa-
raissent dès les deuxième et troisième jours qui suivent; l'appétit
revient, du moins lorsqu'on fait ingérer de petites doses de 10 à
d : i centigr. ; la constipation cède dès les quelques semaines con-
sécutives, sinon les laxatifs en font justice, soit qu'on les admi-
nistre concurremment avec l'opium, soit qu'on suspende l'opium
pendant que le malade est sous l'influence du laxatif. Parfois on
observe, dans le cours du traitement, delà diarrhée; dans ce cas, ré-
duire les doses, pendaut uu jour ou deux, de moitié; il n'estd'ailleurs
pas nécessaire que la diarrhée disparaisse totalement. Pour faire
agir l'opium surdes individus robustes, réfractaires, même à3U et
40 centigr., il faut administrer un émétique puissant pendant un
jour ou deux successivement ; puis on fait prendre d'emblée au
minimum 13 centigr.
En somme, l'opium n'agit qu'indirectement. Comme hypnotique,
en dilninuantl'exci talion cérébrale; celle-ci diminuée, le sommeil
survient spontanément. Pour obtenir ceteffel, il faut donner chaque
jour deux doses de force suffisante; la première (dose matutinale) sera
administrée une heure après le premier repas (huit iL neuf heures
du matin); la seconde (dose vespérale) une heure avant le repas
du soir (sept heures du soir). Par ce procédé, aucun inconvénient
n'est à redouter. L'opium fortifie le système nerveux en tonifiant
les vaisseaux ; de là suppression des congestions fluxionnaires, des
influences naralysatrices, de la douleur psychique, des ratiocina-
lions et préoccupations délirantes, des idées fixes. La lassitude,
le besoin de sommeil, la lourdeur des membres, qui parfois se
montrent au début, résultent de la sédation de l'excitation. Durée
du traitement : des jours, des semaines, plusieurs mois, quelque-
fois très longtemps. Jamais ou n'obtient le thériacisme. En des
cas, tout à fait isolés, de mélancolie chronique entée sur une
prédisposition héréditaire ou acquise, on a dû traiter pendant des
années, et, si l'on n'a pas guéri, on a supprimé des idées de sui-
cide. Ce serait donc une arme puissante entre les mains du mé-
BIBLIOGRAPHIE. 129
decin. L'expérience de M. Engeiken lui permet de recommander
l'opium ainsi administré, dans la dysthymie et la mélancolie ré-
cente simple, surtout quand prédomine de l'angoisse précordiale,
dans la mélancolie active. Il peut agir comme prophylactique
dans la mélancolie puerpérale ; on éviterait] a récidive en en admi-
nistrant 10 centigr. deux fois par jour avant ou après la délivrance,
pendant quelque temps. Le résultat est brillant dans les psychoses
basées sur l'anémie, chez la femme, et lorsqu'il existe un subs-
tratum alcoolique. Ce sont les propriétés principales du médica-
ment qu'il importe d'utiliser. Il agit comme anesthésique, contre
l'hyperesthésie psychique, t'hyperesthésie nerveuse, l'excitation
nerveuse ; comme tonique et stimulant à l'égard du système ner-
veux vaso-moteur ; d'où son action trophique sur l'encéphale et
son action stimulante sur les organes chylopoïétiques. Sans l'o-
pium, termine M. Engeiken, je répudierais mon titre de médecin
aliéniste. A l'appui, quatorze observations tirées de son ba-
gage : 1874, 1875, 4876. malades suivis jusque pendant l'an-
née 1881.
Discussion :
Elle révèle une contradiction presque unanime de la part de
tous les membres présents. L'opium est loin de fournir des résul-
tats même à peu près aussi éclatants. Et cependant la plupart des
médecins ont expérimenté très largement l'activité du médica-
ment en question.
M. 11-sse présente à la Société les plans de construction relatifs
à l'agrandissement de l'asile de Konigslutter. On élèvera quatre
nouveaux bâtiments isolés qui déjà sont en voie d'exécution. Ces
bâtiments recevront quatre-vingts malades.
La séance est close à sept heures du soir. La prochaine réunion
aura lieu àhaiiovre,le lormai 1SS a. (tlll. Ze.itsclel·. f. Psch.. XLL 4 .)
P. KËRAVAL.
BIBLIOGRAPHIE
I. Contributions ci l'élude de l'hystérie. (Cas pratique. Hystérie à
forme convulsive. Guérison ); par le Dr Eustasio Sena GimENo.
Après avoir rappelé sommairement les diverses théories de
l'hystérie l'auteur, dit qu'il se range à celle de son maître, le
Archives, t. IX. 9
130 BIBLIOGRAPHIE.
D Campa, professeur d'obstétrique et de pathologie spéciale de la
femme et des enfants à l'Ecole de médine de Valence. » Pour le
D'Campa, le siège anatomique de celle maladie ou, pour mieux
dire, sa lésion anatomique réside dans l'appareil de la génération,
et comme ce professeur n'est pas de ceux qui croient que l'hystérie
est l'apanage exclusif de la femme, il la localise pour la femme,
dans les ganglions ovariques, d'où part une excitation qui retentit
sur la moelle, en raison de la relation intime qui existe entre
l'ovaire et les centres nerveux; et pour l'homme, il assigne comme
siège nosofogiquo à l'affection les ganglions spermatiques, dont
l'état de souffrance agit de la même manière que celui des gan-
,lions ovariques. Cette théorie est analogue à celle de Négrier et
de Schulzenberger.
« Celte nouvelle théorie se trouve la mieux en harmonie avec
les désordres menstruels, qui ouvrent si fréquemment une porte
d'entrée à l'hystérie, puisque, comme le dit très bien le D Campa,
sur cent cas d'hystérie, il y en a quatre-vingt-dix dont on trouve la
cause dans une altération de la fonction menstruelle, altération
ayant ordinairement son point de départ dans l'ovaire ».
A l'appui de cette manière de voir, l'auteur donne ensuite la
relation d'un cas, qu'il a eu l'occasion d'observer, et qui montre
« l'importance du traitement basé sur l'étiologie, auquel on devra
recourir tout d'abord toutes les fois que cela sera possible ».
Voici cette observation, en partie traduite littéralement, en partie
résumée.
« 11 s'agissait d'une dame de vingt-huit ans, mariée, de tempé-
rament hmphatico-nerveux, d'une constitution appauvrie, adon-
née aux travaux domestiques. Ni les antécédents pathologiques de
la famille de la malade, ni les siens propres n'ont aucune relation
avec la maladie actuelle, car jusqu'à sa dernière couche, qui eut
lieu l'an dernier au mois de février, elle ne s'écarta en rien des
lois physiologiques qui régissent les fonctions de reproduction.
« La santé de cette dame n'avait subi aucune altération notable
pendant quelques années; mais, au mois de juin de cette année,
elle se vit subitement atteinte d'une maladie convulsive caracté-
risée par des accès intermittents précédés de bâillements et de
pandiculations; pendant l'accès, qui ne s'accompagnait jamais de
perte de connaissance, elle éprouvait dans la poitrine une forte
sensation d'oppression qui l'étouffait et qu'elle traduisait en disant
que la matrice lui remontait dans la poitrine.'L'attaque finie, la
malade se sentait bien, tout comme s'il ne lui fût survenu rien
d'anormal, jusqu'au retour d'une nouvelle attaque, qui avait lieu
au bout de quinze jours. Ces accès se succédèrent de quinze en
quinze jours, quoique la malade eût pris tout ce qui lui avait été
conseillé, soit par des médecins, soit par des empiriques...
« Cet état de choses dura jusqu'au mois de mai dernier, époque
BIBLIOGRAPHIE. 131
à laquelle on me demanda mes soins. Alors un interrogatoire
attentif m'apprit que la malade n'avait pas eu ses règles dans les
trois derniers mois qui avaient précédé son mariage, que la
menstruation avait néanmoins reparu après celui-ci, mais que
souvent, depuis qu'elle était mariée, comme avant, elle avait res-
senti l'orgasme nerveux précurseur du flux menstruel, mais sans
que l'écoulement sanguin se montrât jamais.
0 Bien que n'ayant pas vu apparaître la menstruation pendant
douze ans, cette dame a eu trois grossesses heureuses, terminées
par de bonnes couches... »
« En face de ces renseignements, et en l'absence d'autres anté-
cédents qui puissent être en relation avec la maladie, nous atten-
dîmes le moment, de l'attaque pour être à même de mieux
asseoir notre diagnostic. Effectivement, trois jours plus tard nous
fûmes appelé pour assister à un accès. A notre arrivée dans la
chambre de la malade, nous la trouvâmes couchée, dans le dé-
cubitus dorsal et maintenue par deux de ses proches, précaution
nécessitée par les fortes convulsions générales dont elle était
agitée. Les facultés expressives et sensitives étaient abolies, mais
l'ouïe et la connaissance étaient conservées, d'après ce que nous a
dit la patiente elle-même après l'attaque. »
« Celle-ci terminée, la malade se montra gaie, riant pour le
motif le plus insignifiant... »
L'analyse de l'urme, en montrant qu'il n'existait pas d'albumine
dans ce liquide, éloignait l'idée d'éclampsie; les antécédents
fournis par la malade et les phénomènes observés, conduisaient
au diagnostic d'hystérie à forme convulsive.
« Opposé à la polypharmacie, et par conséquent soucieux de
chercher la médication la plus simple, en rapport toujours avec
la cause du mal, ne trouvant d'autre part, comme influence sus-
ceptible de donner naissance aux accidents observés, que le défaut
de relation entre l'ovulation et la menstruation, nous pensâmes
tout d'abord à provoquer l'hémorrhagie et, en vérité, nous n'a-
vons actuellement aucune raison de nous en repentir, car il suffit
de quelques grammes de fer réduit par l'hydrogène, alternant
avec le tartrate ferrico-potassique, et de bains de siège chauds,
pour que la menstruation reparût après avoir fait défaut pendant
douze années consécutives. L'hémorrhagie menstruelle se fit et les
attaques d'hystérie disparurent. Un mois se passe; le flux cata-
ménial se suspend de nouveau, et alors les attaques reviennent.
Dans ces conditions, nous prescrivons de nouveau les bains
chauds, et, comme la première fois, les règles reparaissent et les
attaques d'hystérie cessent. Il n'en est plus survenu d'autres; aussi,
considérons-nous cette dame comme guérie de sa maladie ». (La
Cronica Medica, de Valence, août 1881, p. 673.) Cu. H. P.
132 BIBLIOGRAPHIE.
II. Das Centralorgan des Nei-veia2)pa ? ,Éits ; par 0. Kahler.
(In Lelarbuclz dei- Gewebelelare, von C. ToLDT, 2° édit., 1884.)
Cette section de l'histologie récente de Toldt, écrite par M. le
professeur Kahler, présente les particularités suivantes : au lieu
de se borner, comme cela a lieu dans la plupart des traités d'his-
tologie, à passer en revue les éléments divers du système nerveux,
M. Kahler a pensé qu'il serait plus utile, sans négliger l'anatomie
et l'histologie générales, de mettre sous les yeux des étudiants
l'état actuel de nos connaissances relatives à la disposition, au
trajet, aux connexions des fibres et des cellules, dans l'ensemble
des centres nerveux. Ce n'est plus, si l'on veut, de l'histologie fine,
mais c'est une histologie plus en rapport avec les besoins mo-
dernes, car elle permet d'étudier, sous le microscope, la méthode
anatomo-clinique de notre savant maître, AI. Charcot.
Avant d'entrer en matière, M. Kahler prend soin d'exposer la
technique et les procédés de recherche neurologiques. Ce résumé
sert d'introduction, par exemple, à la description du trajet des
fibres dans la moelle. On se préoccupe ainsi successivement : 4° de
la méthode de découpe; 2° de la méthode embryogénique ; 3" de
la recherche des dégénérescences secondaires; 4° des examens
d'anatom : e comparée. Les procédés de préparation, durcissement,
conservation, avec les formules les plus recommandables et les
plus récentes, les points de repère destinés à s'orienter, l'anatomie
pathologique pure et expérimentale, sont l'objet d'indications très
claires et très judicieuses. « C'est en coordonnant, dit l'auteur, les
résultats obtenus à l'aide de toutes les mélhodes sus-mentionnées,
que l'on est arrivé, au moins partiellement, à dissiper sur plu-
sieurs points l'obscurité dont était, il y a peu de temps encore,
enveloppée la texture intime, l'architecture des organes centraux.
Nous n'enregistrerons dans le cadre des descriptions suivantes que
des notions indubitablement établies. »
Et M. Kahler décrit en détail les segments de la moelle, en
allant du général au particulier, et en morcelant ses examens de
telle sorte qu'on suive pas à pas chaque système, à chaque région,
à chaque étage, de bas en haut. Il gagne ainsi la moelle allongée.
Il la passe en revue sous deux chefs : partie fermée - partie ou-
verte. 11 s'occupe, dans la partie fermée : i° des coupes transverses
à la hauteur de l'entrecroisement des pyramides; 2° des coupes
transverses à l'endroit où le canal central se dispose à s'ouvrir, et
termine par un aperçu résumant le trajet des fibres de cette par-
tie. La partie ouverte comporte : 1° les coupes transverses à la
hauteur dû tiers inférieur des olives ; 2° les coupes transverses à
la hauteur du tiers moyen des olives; 3° les coupes transverses à
BIBLIOGRAPHIE. 133
la hauteur du tiers supérieur des olives; un résumé synoptique
de ces trois segments complète l'analyse.
Passons à la protubérance. Division en coupes transverses : 1° à
la hauteur de son tiers inférieur ; 2° à la hauteur de son tiers
moyen. Puis, nouveau résumé final donnant du corps à la dissec-
tion histologique. Ajoutons que, pour la protubérance comme
pour le bulbe, des paragraphes spéciaux intercalés dans le texte
mettent, grâce au type italique adopté, eu évidence les origines
des paires nerveuses qui correspondent aux diverses coupes
étudiées.
Le cervelet, ses relations, sa texture et sa structure participent
delà même netteté, du même soin; ici aussi un sommaire termi-
nal fixe les idées sur le trajet et les rapports des fibres cérébelleuses.
Plans identiques en ce qui concerne le cerveau majeur. Les tuber-
cules quadrijumeaux sont abordés par deux séries de coupes; les
unes à la hauteur du tube quadrijumeau supérieur, les autres au
niveau du tubequadrijumeau inférieur; comme ailleurs, on trouve
un résumé du trajet des fibres du cerveau moyen ; comme ailleurs,
également les origines des nerfs ressortent en italique.
Le chapitre qui traite du cerveau se scinde en A, le tronc avec
les ganglions de la base; B, le manteau (substance blanche et
écorce des circonvolutions). Nous appellerons l'attention sur la
structure histologique des masses grises du tronc. On y rencontre
d'abord une série de coupes tranverses et verticales à la région
du pulvinar et des corps genouillés ; l'origine du nerf optique et
du chiasma suscite la consignation de toutes les notions capables
d'éclairer la question, à quelque ordre de connaissance qu'elles
soient empruntées. Une autre série de coupes pratiquées dans le
même sens porte sur la région intermédiaire, c'est-à-dire sur le
pédoncule, dans la capsule interne, sur le lieu de transformation
de la calotte du cerveau moyen en région substhalmique et la
zone de transition de cette région en d'autres portions du tronc
du cerveau. La région optcco-nucléo-lenticulaire et celle des
noyaux lenticulaires et caudés sont elles-mêmes sectionnées de la
même façon. Enfin, en guise de synthèse, l'auteur examine le
tronc cérébral à l'aide de coupes horizontales, et résume les sys-
tèmes de fibres qui composent le pédoncule et la capsule interne.
Nous ne nous arrêterons pas à la glande pineale. Quant aux cir-
convolutions, AL Kahler commence par leur consacrer, ainsi que
dans la moelle, quelques lignes esquissant les grands traits de
l'anatomie générale, pour envisager ensuite spécialement la cir-
convolution de l'hippocampe et de la corne d'Ammon, le lobe
olfactif et l'origine des nerfs olfactifs.
De nombreuses ligures permettent de suivre pas à pas les ana-
lyses micrographiques dans les divers endroits du système nerveux
central, et aux divers étages de ces endroits, de même qu'elles
1 34 BIBLIOGRAPHIE.
éclairent la synthèse anatomique des organes. Notre opinion est
que le travail dont nous venons de rendre compte est clair, bien
divisé, méthodiquement ordonné. P. KÉRAVAL.
III. Recherches stéréognostiques; par Hermann Hoffmann.
(Thèse de Strasbourg, 1883.)
Ces recherches sont destinées à la détermination des modalités
du toucher qui permettent de reconnaître les qualités des corps
dans l'espace (yrçïoerx&i, je connais; le corps); elles ont
été inspirées par le professeur Kussmaul. Travail rempli déchiffres
et de mensurations dont il est impossible de donner un aperçu
dans une analyse. Exposé et historique détaillés de nos connais-
sances sur le sens du toucher; quant aux recherches spéciales de
l'auteur, elles se trouvent relatées avec soin pour chaque malade
ainsi que la technique qui a été employée ; elles ont porté sur les
conditions dans lesquelles étaient faits les examens stéréognos-
tiques : 1" influence de l'état de mouvement des corps sur la fa-
cilité à les reconnaître ; 2° influence des différentes modalités du
sens du toucher (sens de la température, impression douloureuse,
sensation de contact, sens de la place, sens de la pesanteur, sens
de l'espace, sens de pression, sens du mouvement des jointures,
sens d'orientation); 3° influence de l'état de l'intelligence (jeunes
enfants, maladies du cerveau). -D'après les résultats qu'il a ob-
tenus, l'auteur pense qu'il y a lieu d'établir une distinction for-
melle entre la sensation de frôlement et celle de pression et
aussi entre le sens de la place (ortssinnl et lésons de l'espace (raum-
sinn), ainsi qu'entre les notions de pesanteur fournies d'une part
par pression du corps sur la peau, d'autre part par l'action mus-
culaire ; la délicatesse des sensations de frôlement et de piqûre
peut se montrer différente suivant les individus. P. M.
IV. De la prostitution dans ses rapports avec l'alcoolisme, le crime
et la folie (Conférence faite à Lyon), par le D' P. Lvdvme.
Tout le monde sait qu'en France la prostitution est soumise à
des règlements spéciaux, dont la police des moeurs est chargée
d'assurer l'exécution et qui ont pour but de préserver la popula-
tion des maladies vénériennes. Contrairement aune opinion en-
core très répandue dans le corps médical, l'auteur prétexte que
cette réglementation a beaucoup plus d'inconvénients que d'avan-
tages. Après avoir rappelé quelques-uns des faits scandaleux aux-
quels ont donné lieu, dans ces dernières années, les erreurs com-
mises par la police des moeurs, le Dr Ladame proteste contre l'in-
fluence néfaste exercée, selon lui, par les maisons de tolérance
BIBLIOGRAPHIE. 135
sur la santé et la moralité publiques; loin de restreindre la pros-
titution en la localisant elles contribuent à la développer dans de
larges proportions. De plus, ces maisons étant regardées comme
un exutoire qu'il faut avoir soin d'entretenir, on ne néglige rien
pour les rendre aussi attrayantes que possible; on y autorise la
vente et le débit de boissons alcooliques, aussi, suivant les expres-
sions de l'auteur, l'ivrognerie s'y présente avec toutes ses com-
plications les plus dangereuses, ses conséquenses les plus com-
munes et les plus funestes, le suicide, le crime et la folie.
Si l'ivrognerie et la prostitution sont des vices inséparables, les
rapports de la prostitution avec la criminalité sont aussi intimes,
et l'auteur, s'appuyant sur différents travaux statistiques, fait res-
sortir la corrélation qui existe entre le développement de la pros-
titution et le nombre des criminels dans les diverses régions de la
France. Ce n'est pas tout. Les maisons de tolérance sont de véri-
tables écoles de débauche, dans lesquelles les jeunes gens vont
faire l'apprentissage des aberrations qui ne les conduiront que
trop souvent à la folie, c ir bien que l'on n'ait pas encore déterminé
scientifiquement par des statistiques exactesà quel degré les excès
vénériens interviennent dans l'étiologie de la paralysie générale,
le D, Ladame admet que les excès jouent un grand rôle dans sa
production et il en déduit que la tolérance de la prostitution favo-
rise sans s'en douter le développement de la folie.
Malheureusement, comme conclusion de sa thèse, le Dr Ladanie
n'indique pas les remèdes qu'il jugerait nécessaire pour combattre
sinon pour faire disparaître la prostitution, puisqu'il considère le
régime de la réglementation comme allant absolument contre le
but qu'elle poursuit. G.1UTIEZ.
V. Manuel des maladies des nerfs périphériques et du sympathique ;
par A. SEELIGMULLER (Rrunswick, 1882).
Ce manuel fait partie de la collection des «courts manuels n
de Wreden, c'est dire qu'il ne faut lui demander ni bibliographie
méthodique ni discussions étendues, mais on y trouve un exposé
complet et clair des faits qui semblent définitivement acquis et un
aperçu suffisant des différentes théories qui ont eu cours sur tel
ou tel point de la pathologie nerveuse. ,
Après quelques notions préliminaires sur la physiologie nor-
male et pathologique du système nerveux périphérique ainsi que
sur l'étiologie générale et la pathogénie des maladies nerveuses
vient un exposé général de la thérapeutique dans ce genre d'affec-
tions, ce qui d'ailleurs n'empêche pas l'auteur de faire, lorsqu'il
en est besoin, un chapitre spécial de traitement pour telle ou telle
maladie en particulier.
136 BIBLIOGRAPHIE.
Puis l'étude des différentes affections des nerfs périphériques,
sections nerveuses, névralgies, paralysies, en y comprenant même
les paralysies toxiques et consécutives aux maladies graves ainsi
que les paralysies par inauguration (auto-suggestion inconsciente).
Les diverses crampes professionnelles font l'objet d'un chapitre
particulier, ainsi que les tics et les contractures siégeant dans le
domaine des différents nerfs.
Enfin viennent les maladies du grand sympathique soit cervical (mi-
graine, céphalée, maladie de Hasedow, ftémiatrophie faciafe progres-
sive, angine de poitrine, palpitations), soit abdominal (névralgies
viscérales, colique de plomb) et d'autres affections des nerfs tro-
phiques, vaso-moteurset sécrétoires (paralysie diffuse des vaso-mo-
teurs,sclérodermie, asphyxie symétrique des extrémités, affections
articulaires d'uriginevaso-motcice,liy pérbydrose,éplidruse,zona).
Un certain nombre de figures, notamment de la distribution
des nerfs et des points moteurs, ajoutent encore à l'utilité pratique
de ce livre. P.M.
VI. Contribution ophthalmologique au diagnostic des maladies du
cerveau; par Hermann Wilbrand (Wiesbaden, 1884).
Ce travail n'est pas seulement une étude clinique, comme son
titre semble l'indiquer; il est même plus spécialement consacré
àl'eaposition d'une théorie de la vision à l'aide de laquelle ou peut
expliquer les particularités nombreuses que présentent les faits
pathologiques.
M. Wilbrand admet dans les couches corticales du cerveau, trois
centres distincts pour le sens de la lumière, celui des couleurs et
celui de l'espace (acuité visuelle). Il croit que ces centres sont su-
perposés et non juxtaposés, attachant t cette disposition une
grande importance. L'impression traverse le centre de la lumière
avant d'arriver à celui des couleurs, celui de la lumière et des
couleurs, avant d'aï river au centre de l'espace. 11 est partisan de
lasemi-décussation dans lo chiasma en vertu de laquelle les deux
moitiés homonymes de chaque rétine sont en rapport avec l'ité-
misphère opposé. D'excellents schémas ajoutent à la clarté de cette
exposition.
Après avoir fait connaître la manière dont il envisage le méca-
nisme cérébral de la vision, l'auteur passe en revue les faits cli-
niques relatifs aux modifications de la sensibilité et aux différentes
formes d'liémople; il les trouve conformes à sa théorie. Les ob-
servations sont nombreuses et attestent une connaissance par-
faite de la littérature oplitbalmologidue; malheureusement elles
sont souvent très incomplètes, et, il faut le dire, c'est cause de
cela qu'elles concordent avec l'exposé théolique. Si les iiiodifica-
BIBLIOGRAPHIE. 137
tions pathologiques de la sensibilité visuelle avaient été étudiées
plus rigoureusement, l'auteur aurait sans doute reconnu l'insuffi-
sance de son hypothèse, comme de bien d'autres qui veulent ren-
fermer dans une formule simple une fonction fort complexe. Ces
réserves faites, nous nous hâtons d'ajouter que la théorie de
M. Witbrand constitue une synthèse assez exacte des gros faits
cliniques et qu'elle introduit un certain ordre dans des connais-
sances encore bien confuses. La méthode d'ailleurs est excellente,
car il n'est pas douteux que la clinique doive servir très efficace-
ment la physiologie dans l'étude de la vision.
Les nombreuses observations que renferme ce travail n'en cons-
tituent pas le moindre intérêt; nulle part les différentes formes
d'hemiopie n'ont été étudiées d'une manière plus complète.
Dans un dernier chapitre, l'auteur examine les faits et fait va-
loir les raisons contraires à l'existence de centres juxtaposés pour
les trois modes de sensibilité. Il combat les idées de Schneller.
Une observation d'hémiopie latérale droite, avec , trouble de la
sensibilité, termine cet important mémoire. Parinaud.
VIL L'influence du travail neruo-musculeclre et de la fatigue sur les
réflexes tendineux et sur l'excitabilité électrique des muscles et
des nerfs chez l'homme; parle Dr J. 0[tscH.sKY.(Cttarkoii', 1884.)
L'auteur nous fait ressortir que l'état de la fatigue des muscles
et des nerfs soumis à une irritation électrique (comme on le fait
dans la physiologie expérimentale) ne peut pas être considéré
comme tel. L'état produit par cette irritation ne serait donc pas
assimilable à« l'état de ta fatigue » produit par une « innervation»
des mouvements volontaires. Cette dernière doit être beaucoup
plus compliquée qu'on ne la considère.
En ce qui concerne les explorations dynamométriques des
muscles « fatigués », elles ne nous montrent pas l'état propre aux
muscles isolés, puisque le système nerveux entier prendrait part
(volonté, effort), ce procès, donc l'exploration électrique des
muscles et nerfs en question pourrait seulement nous renseigner
sur l'état delà fatigue. Prenant comme point de départ de ses
expériences ce dernier principe, l'auteur, qui expérimentait sur
des sujets jeunes et vigoureux (il faisait soulever tantôt avec les
mains, tantôt avec les pieds, en position de maximum d'efforts,
un poids dooà to livres durant t a 30 minutes), elierellaità biense
rendre compte sur le changement à la réaction galvanique et fara-
dique produit dans les muscles avant, pendant et après la fatigue
normale.
Les résultats obtenus sont les suivants : 10 la contractilité
galvanique et t'aradique augmente au commencement du travail;
138 BIBLIOGRAPHIE.
ensuite, au sur et à mesure que les muscles se fatiguent davan-
tage, la contractilité galvanique et faradique diminue. Les diffé-
rentes phases ne sont pas toujours bien prononcées; , dans ses
expériences, l'auteur observait souvent la réaction de dégéné-
rescence, affaiblissement notable de contractilité faradique avec
conservation normale de la contractilité galvanique; 3° les con-
tractions musculaires deviennent de plus en plus lentes; 41 tous
les phénomènes s'observent sur des muscles qui ont subi des con-
tractions, soit cloniques, soit toniques; 5° sur les nerfs fatigués,
on observe ces mêmes réactions, mais le Lr ti-ait doit être beaucoup
plus prolonge, c'est-à-dire qu'ils se fatiguent plus tard que les
muscles; 6" le rétablissement de l'excitabilité des muscles se fait
plus vite que celle des nerfs : pour l'accélérer, il faut faire passer
un courant constant à travers les muscles et nerfs « fatigués »;
7° au commencement du travail (fatigue), les réflexes tendineux
sont exagérés; ils diminuent proportionnellement à la progres-
sion de la fatigue et peuvent atteindre une disparition complète.
D'autre part, ces réflexes se rétablirent plus vite que l'excitabilité
musculaire. Faisant ensuite allusion à différentes théories qui
existent sur la question du phénomène patellaire), l'auteur trouve
que les résultats obtenus par ses expériences le font considérer
comme propre à un état des muscles mais pas comme réflexe
nerveux. ' F. Kaun.
VIII. De l'ataxie paralytique du coeu)' d'origine Mettre; par Semmola.
(tapies, 1881).
Sous le nom d'ataxie paralytique du coeur d'origine bulbaire,
le Dr Semmola (de Naples) signale un nouveau type clinique de
maladie du coeur dont il fait la description en quelques apho-
rismes. (Extrait des transaction of the inteinationnal médical Con-
gress, sevenlh session London, august. 4881 .) '
Les émotions violentes répétées, les excès vénériens et, en géné-
ral, toutes les causes épuisantes du système nerveux sont, pour
le Dl Semmola, le pomt de départ de l'ataxie paralytique du
coeur qui survient surtout entre quarante-cinq et soixante ans.
Les premiers symptômes sont : une oppression passagère, des
palpitations, et presque toujours des troubles dyspeptiques. A
cette période, la maladie convenablement traitée peut rétrocéder
et guérir; mais, le plus souvent, elle s'aggrave jusqu'à la mort
en passant par toutes les phases des affections organiques du coeur,
et cependant il n'existerait au moins primitivement aucune alté-
ration soit du myocarde, soit de l'endocarde.
Ce qui caractérise cette ataxie paralytique du coeur d'origine
bulbaire, dit le L)' Seitimoli, c'est l'apparition de taches marbrées,
BIBLIOGRAPHIE. 139
violacées sur les mains, et au niveau des articulations, et une con-
gestion pulmonaire passive, phénomènes dont la nature névro-
paralytique ne peut être mise en doute puisqu'ils surviennent à
une époque où il n'existe encore aucme stase veineuse due à une
insuffisance valvulaire non compensée.
Dans les cas dont on a pu faire l'autopsie, la lésion anatomique
rencontrée a été la dégénérescence graisseuse des ganglions car-
diaques et l'atrophie avec dégénérescence pigmentairedes noyaux
bulbaires du vague et des noyaux vaso-moteurs.
Dans le traitement, l'auteur recommande les sels de quinine et
la digitaline qui sont d'une efficacité surprenante, au début de la
maladie du moins, car dès l'apparition des symptômes névro-
paralytiques, toute médication devient inutile.
L'entité morbide que veut créer le Dr Semmola est d'une sim-
plicité qui contraste avec la complexité que l'on est habitué à
rencontrer dans la pathologie du pneumo-gastrique; aussi est-il
permis de se demander si les conclusions de l'auteur ne sont pas
un peu prématurées. Gautiez.
1 ? L'hystérie viscérale'; par A. Fabre. (Paris, 1883, A. Delaliaye
et Lecrosnier.)
C'est la dernière oeuvre du regrettable professeur, originale, cons-
ciencieuse et pleine d'érudition autant que celles qui l'ont précédée.
A. Fabre voit avant tout dans l'hystérie une maladie du système
nerveux de la vie végétative. Sur le tube digestif, l'hystérie ne
provoque pas seulementdes troubles fonctionnels; mais aussi des
lésions anatomiques véritables par action trophique.
A défaut d'examen direct, ces lésions seraient révélées par les
états variables de la langue, par la présence dans les selles de
débris d'entérite pseudo-membraneuse. Une analyse très minu-
tieuse des diverses conditions des vomissements hystériques,
« malgré son respect pour le maître », conduit A. Fahreaestimer
exceptionnel le rôle de l'urémie dans leur production. D'une part,
en effet, il a trouvé l'urée aussi abondante dans des matières
vomies au cours de toute autre affection que l'hystérie et l'urémie
et l'abondance des liquides expulsés par la voie supérieure suffit
à expliquer l'anurie, d'autre part; l'absence de toute autre symp-
tôme urémique, en ces cas, lui paraissent peu en rapport avec
l'idéedeM.Cliarcot.
Il insiste, en outre, sur une cause non encore signalée de vomis-
sement, l'hystérie suspensive ou inhibitoire. La vie végétative est
' M. Comby a analysé, dans le Progrès médical de L8S3,p, 57, li seconde
partie (le ces nouveaux fragments de clinique médicale. Elle traite des
t7ao7MCfyy ? 0 ?
HO INDEX BIBLIOGRAPHIQUE.
suspendue dans l'organisme, l'estomac, privé de sécrétions, rejette
les aliments inutiles que sa cavité peut recevoir. En ces cas,
A. Fabre n'a pas seulement recherche la preuve de cet arrêt de
la nutrition dans la diminution des déchets organiques dans
l'urine, comme MM. Charcot et Bouchard, mais encore dans le
retard apporté à l'élimination de certains médicaments par la
même voie.
A. Fabre établit la réalité de la fièvre hystérique et lui recon-
naît cinq formes, éphémère, chronique, intermittente, typhoïde.
Celle-ci est la plus insidieuse. La cinquième forme, dite feGricnle
hystérique, consiste en des élévations passagères de température
observées au cours de l'hystérie inliilntoire et tranchant sur l'a-
baissement ordinaire thermique qui la caractérise. Son alternance
avec d'autres manifestations névropalhiques, son origine émotive,
son évolution désordonnée caractérisent la fièvre hystérique.
La fausse phthisie des hystériques, l'hystérie simulant les affec-
tions utéro-ovariennes, non seulement par le périloiiisine et les
métrorrhagies, mais encore par une leucorrhée, comparable par
son mode de sécrétion et ses qualités à l'urine, aux larmes, à la
salive anormalement sécrétées dans cette affection. Les arthro-
pathies hystériques avec les altérations organiques souvent irré-
médiables qui les peuvent accompagner, les phénomènes cutanés
sont les derniers points traités dans ces leçons. A. Fabre considère
l'opium à haute dose comme le médicament le plus utile dans
l'hystérie, dans ses manifestations cardiaques notamment.
D. Bernvrd.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Illustrations of the anoinalozis course of posterior spinal sclerosis;
par G.-C. SEGUIN. (A7ch. of illecd. Neur., 7, 1884.)
De la surdité dans le tcibes syphilitique; par P. 111-RMET.
Alimicismo o neurosis imitante ; par Armangué Y TusET. (Barce-
lone, 1884).
Recherches dynamomélriques sur l'état des forces chez les hémiplé-
giques ; par Drcaar, 1881k.
Etude critique sur le traitement du tétanos par l'hydrate de chlo-
ral ; par L1ESTIiATI. (Thèse de Paris, 1884.)
De l'amaurose saturnine ; par Weber. (Thèse de Paris, 1884.)
Contribution à l'étude de la migraine ; migraine et arthrilisme ;
par G. SOUL.4. (Thèse de Paris, 1881.)
De l'aliénation mentale comme complication immédiate ou tardive
de la fièvre typhoïde ; par Pituvosr. (Thèse de Paris, 188t.)
Du traitement de la 4'ct(t<t<yt;ep(f)' les pulvérisations de chlorure de
méthyle; par Santelli. (Thèse de Paris, 1884.)
FAITS DIVERS
Asile d'aliénés de la Srme. - Le ministre de l'intérieur vient
de faire les nominations suivantes dans le personnel du service
des aliénés du département de la Seine :
M. le De Taule, inspecteur du service des Enfants-Assistés de la
Seine, est nommé directeur de l'asile Sainte-Anne.
M. le D Gilson, chef de la clinique de pathologie mentale,
médecin-adjoint à l'asile Sainte-Anne, est appelé à remplir, dans
la section clinique dudit asile, toutes les obligations imposées aux
médecins en chef des asiles publics.
M. le De Abel Barroux est nommé directeur de l'asile-hospice
d'aliénés de Villejuif.
M. le Dr Brivnd, médecin-adjoint à l'asile Sainte-Anne, est
nommé médecin en chef de l'asile-hospice d'aliénés de Villejuif.
M. le Dr Dubuisson est nommé médecin-adjoint à l'asile Sainte-
Anne.
Le concours pour la nomination de cinq places d'internes en
médecine dans les asiles publics d'aliénés et l'infirmerie spéciale
près le dépôt de la préfecture de police, s'est terminé par la nomi-
nation de MM. Vrain, Loisel, llalfilâtre, Grenier et Biaise, internes
titulaires, et MM. Hevertegat, Houeix de La Brousse, Fournier,
Bartbomeuf et Garnier, internes provisoires.
La composition écrite du concours de la médaille d'or de
l'internat des asiles (bourse de voyage) a eu lieu le 3 novembre à
l'asile clinique Sainte-Anne. Le sujet tiré était : Estomac (anatomie
et physiologie) ; Délire dans les maladies aiguës. Les deux questions
restées dans l'urne étaient : -1° Nerf facial (anatomie et physio-
logie); paralysie faciale; 2° Corps opto-strié (anatomie et physio-
logie); de l'hémiplégie. L'épreuve clinique a eu lieu le mercredi
suivant. -nI. Victor Vétault, interne du service du Dr Bouche-
reau à l'asile Sainte-Anne, a obtenu la médaille d'or.
Nominations et PROMOTIONS.A ? ')'<e du 27 octobre 4884. -
M. Llanta, directeur de l'asile Sainte-Anne, a été nommé directeur
de l'asile de Mont de Vergues (Vaucluse), en remplacement de
M. Cottard admis à faire valoir ses droits à la retraite, et M. Llanta
a été promu à la Ire classe de son grade.
1 il FAITS DIVERS.
llo,i,icp, de la SvLi'ÈraifeuE. Cours de clinique des maladies du ! ! )/s<entC) ! erue ! <j ? AL le professeur Cuvrcot a commencé les
cours de clinique des maladies du système nerveux, le vendredi
14 novembre, à neuf heures et demie du matin.
Ordre des cours : les lundis, leçon au fit de : malades; les mardis,
examen des malades de la consultation externe; les vendredis,
leçon à l'amphithéâtre.
Asile SA'TE-A\'\E. Clinique des maladies mentales. M. le
professeur BALL a commencé le cours de clinique des maladies
mentales, le dimanche 9 novembre à dix heures du matin et le
continue tous les jeudis et dimanches, à la même heure.
M. 11\ca.w, mPdecin du bureau d'admission, a égalementrepris
à l'asile Sainte-Anne, le dimanche 16 novembre, ses leçons cli-
niques sur les maladies mentales et nerveuses, et les continue
tous les dimanches et mercredis, à neuf heures et demie.
Les leçons porteront plus particulièrement, cette année, sur
les rapports entre la folie des héréditaires, les folies intermittentes
et le délire chronique.
Société d'anthropologie. -Le bureau pour l'année 1883 se com-
pose de MM. Bureau, président ; Letourneau et itlvcrror, vice-
présidents.
Prix BROCA. La Société d'anthropologie a décerné le prix
l3roca à M. le Dr Léo TESTUT, professeur à la Faculté de médecine
de Lilie pour son livre intitulé : Anomalies musculaires chez l'homme
expliquées par l'anatomie comparée ; leur importance en urntllro-
pologie.
L1L1DIES DU SYSTÈME NERVEUX DANS l' ARMÉE PRUSSIENNE EN 1880-
1882. -4,3î9 cas : 3,9 p. 100 de l'effectif; dans les deux années
précédentes on avait observé 3,8 p. 100 de l'effectif de l'année.
A. Maladies mentales. 120 cas : 0,31 p. 100 de l'effectif. Avec
ceux qui étaient au commencement de l'année dans les hôpitaux,
on a traité, en somme, 133 malades, dont un décès, 16 furent
guéris, 53 furent envoyés dans les hôpitaux d'aliénés des com-
munes, et 52 retournèrent dans leurs familles, etc., etc.
Depuis l'année 1873-1874, où le chiffre des maladies mentales
s'élevait à 0,39 p. 100 de l'effectif, le chiffre de cette année est le
plus élevé.
B. Épilepsie. 267 cas : 0, 15 p. 100 de l'effectif. Au commen-
cement de l'année, il y eu avait eucore 2n dans les hôpitaux. On a
donc traité 302 cas, dont 52 furent guéris; 228 de ces malades ont
été réformés.
C. Tétanos. 8 cas, dont I décès, 1 réformé, 6 guéris.
FAITS DIVERS. 143
D. Névralgies. 4JC cas.
E. Maladies des méninges cl du cerveau. 272 cas : 0 ? 6 li. 100
de l'effectif. On a traité (c'est-à-dire-)- 31 cas restés de l'an passé)
303 de ces cas, dont 64 ont eu une issue funeste.
F. Atrophie progressive des muscles, 13 cas. Dans l'un de ces cas,
on vit l'atrophie envahir d'abord les muscles interosseux de la
main droite; l'atrophie passa ensuite aux muscles du bras entier
et de l'omoplate. En examinant l'urine, on n'observa pas de pré-
cipitation calcaire comme Fi iedreicli l'a dit, mais une diminution
de la créatinine, que Rosenthal a constatée de son côté.
G. Maladies de la moelle épinière. 83 malades traités pondant
l'année : 4 morts, 45 réformés, 17 guéris. (La Semaine médicale
du 30 octobre 1884.)
Société rR\-.\CISE de tevipérvnce. La Société française de tem-
pérance, réunie en assemblée générale, le 23 décembre )884, a
formé son bureau comme il suit pour l'année l8Sa : Président,
M. le professeur Duverger; vice-présidents, 11\I. Boucliardat,
Théophile Roussel, Claude (des Vosges) et Levassent'; secrétaire
général, Dr L. Lunier, secrétaires généraux adjoints, les
Drs Decaisne et Vidal; secrétaires des séances, MM. Gurenard et
le D, Audigé; bibliothécaire-archiviste, Dr A. Motet; trésorier,
M. Jules Robynes.
Société contre l'abus du T.l3C. La Société contre l'abus du
tabac vient d'élire membres de son bureau pour 188 : i : Président,
M. Decroia; vice-présidents, MM. le Dr Bourdin, de Gasté, le
le Dr Hache, Petibon; secrétaire général, M. Rasel; secrétaires des
séances, MM. Brosselard, Calderon, Colleux, de la Vallette; secré-
taire pour l'étranger, M. Desincne ; trésorier, M. Sér.eyx ; archi-
viste, M. E. Potin.
Nécrologie. Le Dr CouTY est mort à l'âge de trente-quatre ans,
àRio-de-Janeiro,le 22 novembre, à la suite d'une maladie de coeur.
En 1878, il avait été appelé par le gouvernement brésilien à la
chaire de biologie industrielle à l'école polytechnique de Rio. En
1879, il avait installé, avec le concours de M. Lacerda, un labora-
toire de physiologie expérimentale. Avant son départ de France,
notre compatriote avait publié, sous la direction de 11. Vulpiati,
dans les Archives de physiologie, les mémoires originaux qui
suivent : 1876. Etude relative ci, l'influence de l'encéphale sur les
instincts de la vie organique et spécialement sur les organes cérébro-
vaseulaires. 2° série, t. 111. 1876. Recherches expérimentales sur
les gaz iiiti,(t-ai@té-iels. 2° série, t. IV. 1877. Recherches sur les
effets curdio-vasculaircs des excitations des sens. 2° série, t. IV.
Depuis son séjour au Brésil, il a publié différents mémoires :
)t4 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
en 1879 ; six expériences d'excitation de l'écorce grise du cerveau du
singe. (Arclc. de phys., 2° série, t. VI.) 4880. Recherches sur la
température périphérique et quelques conditions de ses variations.
(Ai-cit. de phys., 2° série, t.VU ) Sur les lésions corticales du
cerveau. (Arclv. de plzys., 2e série, t. VIII.) 1883-1884. Le cerveau
moteur. (Arch. de phys., 3e série, t. Il et III.) Il a adressé de plus
quelques notes à l'Académie des sciences, au sujet de l'action
physiologique du café, études faites, elles aussi, au laboratoire du
Musée.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
HEttMET (P.) De la surdité dans le tabès syphilitique . Brochure in-8^
de 7 pages. Paris, 1884. Imprimerie Alcaii-Lévy.
CLEVFXGER (S.-V.) Comparative physiology anrl p.srlchologg. Volume
in-8" de 2fui0 pages, cartonné à l'anglaisé. Prix' : 10 fr. 50'. Chicago, 1885.
Jansen Nl- Clurc, andCompany.
SFPPILLI (P.) et BIAncm (L.). Atli del quarto congresso delta Societa
freniatria et aliana. Tenuto m Voghera da) 16 al. 22 settembre 1883.-
Volume in-8- de 501 pages, avec 3 planches. lllilano, 1884. Tipografia
Fratelli Bachiedei.
Prêter (W.). Eléments de physiologie générale. Traduit de l'alle-
mand par J Souny. In-8" de 3t4 pages. Prix : 5 fr. Pans, 1884.
Librairie Alcan.
BEBGESIO (B ) La eolida nei calarri i ? itestit2a ! i cronici degli alienati.
Brochure in-8° de 10 pages. Milan, 188U. Tipografia dei Recliindci.
Benmno (B.) et Mosso (G.). Contributions allô studio délia circola-
zione cérébrale. Broc))ure i))-8'' de 30 pages, avec 14 figures dans le texte.
Torino, 1884. Tipografia Celanga e coinp.
111usso (G.). Le variazioni del diametro pKp ! 7/a)'e negli epillettici.
Brochure in-8^ de 2s pages. Reggio Emilia, 1884. Tipografia A. Caldcrini
e Figlio.
Sulle irregolarita dell' oi-ifizio pupillare negli aliénait. Brochure
in-8° en 8 pages. Torino, 1882. Lo Spenmentale.
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
9"eux. Ch. Biaissur, imp. - 185.
Vol. IX. ' Mars 1885 ? N" 26'
ARCHIVES DE NEUROLOGIE -
PATHOLOGIE NERVEUSE ? «-COMMOTION DE L1 IIOh : LLL.ÉPINIÈftI ? I -- .
lsTllDE CLI\IQI : I : FI' CIiITI(ll : ^
Parles D L.DUIÉ\IL, professeur de clinique cllirurgicale à l'École
de médecine, et PETEL, chirurgien en chef de l'hospice général de
Rouen. ' . , .
Si nous passous eu revue l'ensemble des faits sur
lesquels on peut baser l'étude de la commotion de la'
moelle épiuière, nous pouvons les ranger en quatre
catégories : ' . , . r r
1° Ceux dans lesquels l'exa ni en.anatd'm'iqùe' fait
peu de temps après l'accident, n'a révélé aucune lésion
appréciable de l'organe; 2° ceux dans 'lesquels"' on
rencontre des lésions circonscrites qui n'expliquent
pas la nature ni la gravité des symptômes ; 3° ceux
dans lesquels l'examen fait tardivement n'a" fait voir"
que des lésions consécutives; 4° ceux dans lesquels
il n'y a pas eu de recherches anatomiques, "iîiai'o*ü
1 Voir Archives de Neurologie, 1. IX, p. l.
Archives, t. IX. 10 0
t 16 6 pathologie nerveuse.
l'observation clinique établit l'analogie avec les faits
de la catégorie précédente.
I. Nous ne ferons que rappeler ici les faits signalés
par Boyer et par P. Franck, où l'examen de la co-
lonne vertébrale et de la moelle a été complètement
négatif. On objecte à ces faits qu'ils remontent à
une époque où les procédés d'examen ne permet-
taient de constater que des lésions grossières. Cette
objection leur ôte-t-elle toute valeur ? Sans doute la
physiologie pathologique ne reçoit aucune lumière de
ces recherches, le rapport entre des désordres ana-
tomiques et les troubles fonctionnels n'est nullement
éclairé ; mais croit-on que lorsque le microscope eût
démontré quelques ruptures vasculaires, la présence
de quelques globules de sang dans la gaîne des petits
vaisseaux, le mécanisme de la mort en eût été mieux
connu ? L'autorité des hommes sous le nom desquels
ces faits ont été produits nous garantit que l'examen
à l'oeil nu a été fait dans des conditions suffisantes
de rigueur scientifique. Il n'y a pas plus de motifs pour
rejeter de pareilles observations que les faits sem-
blables de commotion cérébrale. Ces faits me paraissent
trouver confirmation dans l'observation que je viens
de rapporter, ou l'examen histologique pratiqué après
un temps relativement peu considérable n'a pasrévélé
de traces de lésions primitives. Voici, d'ailleurs, un
cas analogue à ceux que je viens de signaler, appar-
tenant à notre époque et dont la valeur est par consé-
quent moins contestable; il est rapporté par Buzzard' :
1 Loc. rit.
commotion DE la. moelle épinière. H7 7
Un commerçant, âgé de quarante ans, bien portant,
étaitdans un train qui éprouva une violente collision; il
reçut un choc sur la colonne vertébrale et fut lancé en
avant et en arrière dans le wagon. Pendant le délai
qu'occasionna l'accident, il resta sur le talus de la voie.
11 ressentit, à la suite, de la douleur dans le dos et
éprouva les symptômes du choc du système nerveux.
Pendant les six premières semaines, il ne put prendre
d'aliments solides et fut incapable de marcher pen-
dant dix semaines. Les douleurs de dos persistèrent
pendant toute cette période, et il s'y joignit également
des douleurs dans la tête et dans les membres. Il y
eut une insomnie presque complète, du refroidisse-
ment et de l'engourdissement des jambes et, par mo-
ments, de la faiblesse de la vue. Un peu d'améliora-
tion eut lieu; les forces augmentèrent, et il put mar-
cher sans aide. Mais la douleur du dos augmenta,
l'amélioration générale s'arrêta, et il mourut quatre
mois après l'accident. L'autopsie révéla une hépati-
sation des deux poumons. On ne trouva aucune lé-
sion du côté de la colonne vertébrale.
Ce fait, ajoute Buzzard, paraît être un exemple de
commotion de la moelle ayant occasionné une pneu-
monie.
II. S'il est rare de constater l'absence totale de lé-
sions apparentes lorsqu'un traumatisme grave a amené
la mort dans la période primitive, il l'est moins de
trouver des lésions dont l'étendue et le siège ne ren-
dent pas compte de la gravité immédiate des acci-
dents.
H8 pathologie nerveuse.
« Nous sommes peut-être, dit W. Savory', trop en-
clins à attribuer les symptômes produits par une vio-
lence extérieure aux effets visibles. Dans quelques cas
de paraplégie avec hémorrhagiespinale, nous devrions
plutôt voir dans l'extravasation du sang un effet su-
perflu de la commotion, qui, même sans sa présence^
n'en aurait pas moins produit les mêmes consé-
quences. Il cite à l'appui le fait suivant :
Chute sur la tête, étourdissement pendant quelques'
minutes, retour de la connaissance avant l'arrivée à
l'hôpital. Pas d'autres traces de traumatisme que'
quelques légères contusions de la tête et un léger"
saignement de nez; mais perte complète de mouve-
ment et de sensibilité' aux extrémités supérieures et
inférieures, ainsi qu'au troncjusqu'au niveau des cla-
vicules. Respiration diaphragmatique; abolition du
pouvoir réflexe. ' Mort le lendemain de l'accident.
Ni fracture ni déplacement au crâne et à la colonne
vertébrale, pas d'hémorrhagie ni de congestion à la
surface du cerveau et de la moelle épinière. L'examen
minutieux du cerveau n'y fit découvrir aucune lésion;
mais'une section longitudinale de la moelle montra,
au niveau de la quatrième vertèbre cervicale, un cail-
lot d'environ un demi-pouce extravasé dans sa 'subs-
tance. 11 était nettement limité, et on ne put découvrir
aucune autre lésion dans les portious adjacentes ou
autres de la moelle.
Ici, ajoute Savory, s'il est possible de rattacher la
perte de fonctions conductrices du mouvement et de
1 Loc. czi., p. b4.
commotion DE la moelle épinière. 119
la sensibilité à la lésion visible, le caillot sanguin, il
n'en est pas de même du pouvoir réflexe. La sup-
pression de la fonction delà moelle considérée comme
centre est due à la commotion, qui cependant n'a
pas produit d'altération de structure visible après la
mort.
C'est la même opinion que Savory exprime ail-
leurs ', à propos des fractures de la colonne verté-
brale.
Il en est de même dans des traumatismes de la
tête où j'ai vu la mort survenir presque immédiate-
.ment sans autres lésions appréciables qu'un foyer de
-contusion très superficiel à la face inférieure d'un
des hémisphères du cerveau. Dans des cas de cette
nature, les lésions visibles sont plutôtdes témoins de
l'intensité de la violence extérieure que la cause di-
recte de la mort.
III. Le premier fait de cette catégorie, rapporté par le
docteur Ma ty en 1766, est celui du comte de Lordat qui,
six mois après une chute de voiture, commença à
"éprouver de la difficulté à parler et de la faiblesse dans
le bras gauche. Ces symptômes augmentèrent gra-
duellement; trois ans et demi après l'accident, il y
avait une émaciation considérable, il marchait avec
une canne et avec beaucoup ,de difficulté; le bras et
la main gauche étaient atrophiés et paralysés. Le mem-
bre supérieur droit était engourdi etL... pouvait à
peine lever la tête. La salive s'écoulait et il'ne pouvait
The 7n< ? vol. If, 1882, p. 883.
.. - il .1 1 1 ..11
150 pathologie NERVEUSE.
prononcer que quelques syllabes qui sortaient, avec
beaucoup d'efforts, par une forte expiration, avec un
faible bruit et à peine articulées. Les sens et l'ititelli-
gence étaient intacts. Il mourut près de quatre ans
après l'accident.
Ce cas, dit Erichsen, présente les traits ordinaires
de la commotion de la moelle d'une manières ! évidente
qu'il peut presque eu être considéré comme type. On
constata à l'autopsie une injection de la pie-mère
cérébrale qui était en même temps infiltrée de lymphe,
quelques traces de suppuration vers la faulx, un
épaississement de la moelle allongée augmentée d'un
tiers en largeur, un épaississement marqué des mem-
branes de la moelle et une induration de la portion
cervicale qui résistait à la pression.
Ce cas est, pour nous, un exemple frappant d'atro-
phie musculaire progressive avec paralysie labio-glosso-
laryngée. Le point de départ des lésions parait avoir
été dans les méninges du bulbe et de la moelle, et sans
êtreaussi anirmatifque l'est Erichsen en le présentant
comme un type de commotion, nous pensons que le
traumatisme a joué un rôle essentiel en agissant sur
les membranes par un mécanisme analogue à celui de
l'entorse.
Lockhart Clarke ' a rapporté un fait important qui
lui avait été communiqué par Gore.
Un hommede quarante-huit ans, actif, intelligent, à la
tête d'affaires importantes, reçut dans une collision de
' 7')'aM. Pcth. Soc., vol. XVII, p. 20.
commotion de la moelle épinière. 151
chemin de fer un choc sans plaies ni contusions et ne
se plaignit immédiatement que de douleurs dans le
dos. Il fit tous ses efforts pour continuer ses occupations
et y parvint pendant un temps court, mais avec beau-
coup de peine. Il éprouva graduellement de l'engour-
dissement et de la faiblesse dans les membres inférieurs.
Les troubles de l'ataxie se caractérisèrent et il succomba
trois ans et demi après l'accident. Lockhart Clarke cons-
tata une sclérose limitée aux cordons postérieurs et
un épaississement des membranes sur quelques points.
Thudicum et Lockhart Clarke ' ont publié un autre cas
qui a les plus grandes analogies avec celui-ci : un
homme de cinquante-quatre ans, en sautant à travers
un parterre de fleurs, tomba lourdement sur les talons
et ensuite en arrière sur la tête. Il fut étourdi quelque
temps, mais se remit graduellement et après quelques
jours de repos au lit parut complètement rétabli. On
remarqua cependant de grands changements dans ses
habitudes. Après avoir été passionné pour tous les
exercices corporels il cessa d'y prendre part. Cinq ans
après l'accident, pendant la chasse au coq de bruyères,
dont il avait conservé l'habitude, il remarqua que sa
jambe gauche avait perdu de sa force. A partir de ce
moment une atrophie progressive s'empara de ses
muscles et il finit par succomber par le défaut d'ac-
tion des muscles respiratoires. L'autopsie révéla
une dégénérescence très étendue de la moelle épi-
nière.
Dans une observation de Bastian2, une chute d'une
L lieale's Arch. of iiiedic., 1863.
2 ])-ans. of the roy. mccl. anil Chir. Soc., vol. 1, p. 39, 1868.
.11
152 pathologie nerveuse.
..i : 1l ? u f-
meule de foin avait amené une paraplégie immédiate
suivie ? au"bbut de' huit jours, de douleurs fulgurantes
et dé contractures. Pendant les six mois que le malade
vécut il se produisit une émaciation considérable. A
l'examen ,^011 rencontra une dégénérescence de la moelle
et, à la' fin de' la région cervicale, des lésions anciennes
indiquant évidemment l'existence d'une hématomyélie
primitive.
Nous devons noter .dans cette observation l'existence
précoce de larges escharres de décubitus qui se ratta-
chaient à la lésion primitive de la moelle. D'après ces
considérations nous sommes portés à l'éliminer descelle
étude. lLk
- C'est évidemment à cette catégorie de faits qu'appar-
tient l'observation que nous-avons rapportée.
Nous ne'citerbns que pour mémoire plusieurs obser-
vations empruntées par Olivier (d'Angers) ' à Wolf et
Abércromblé où l'on voit se développer, à la suite de
traumatismes, des dégénérescences encéphaioïdes ou
fongueuses vraisemblablement aux dépens des enve-
loppes delà moelle; la nature de ces lésions autorise
à croire que la violence antérieure n'a joué qu'un rôle
n11 ti. - ? ?
accessoire.
c,. ,~i .. -. - n " .Il z
IV.'Les faits de la quatrième catégorie ont la même e
importance que ceux'de la précédente, maintenant que
les lésiônsmédullitirës de l'atrophie musculaire et de
l'ataxie locomotrice sont bien déterminées; la sympto-
inatotogie entraine la`notion--de'l'anâtomié'path'olo-
1 : i4° ohcrvation.. ? ? v, 1 . , .....1
commotion DE la moelle épinière. 153
..... ..i.rJll allt 1
gique. Ces observations sont aujourd'hui assez nom-
breuses; je ne citerai que celles dans lesquelles l'étio-
logie ressort le plus clairement.
Un homme, observé par Bergmann ', de bonne
santé, sans aucune prédisposition héréditaire, tombe
de cheval sur le dos; reste sans connaissance et souffre
à la suite de douleurs et de raideur dans les mouve-
ments de la tête. Plus tard et lentement se développe
de la faiblesse dans les épaules/ sans troubles de l'in-
telligence ni de la sensibilité -générale ou spéciale.
L'atrophie musculaire envahit- les ` membres ? supé-
rieurs. ' ' '" " - < ' ?
W. Roberts relate le fait suivant : Un jeune homme,
soigné à l'infirmerie de Manchester, avait reçu sur la
nuque une.balle.de tissu de coton; cet accident fut
suivi immédiatement de légère raideur. du- cou et de
douleurs passagères dans ,lesbras.` Six mois. après,
des , phénomènes d'atrophie se manifestèrent, .dans
l'éminence thénar droite et Le malade succomba finale-
ment à l'envahissement des muscles, de, la respiration.
Valentiner, ajoute^Roberts, rapporte un cas dans lequel
les premiers troubles de santé, suivirent une chute sur
le dos.d'une hauteur de 8 ou 10 pieds; l'atrophie mus-
culaire se déclara six ans plus tard.... ,
C'est encore à notre sujet que.se rattache un fait
publié par M. Gull 3 sous le titre : Atrophie progressive
des muscles du tronc et des extrémités supérieures à
1 Saint Petersburyer 7ur.d. Zeitschr.; 1864.- " -" c"i" ^ """ .7
2 Reyîold's Syst. of med ? art. 117asti21q palsy.
3 Gur ? c hoshit. Rep., t8ô8. , , , . : 7
154 pathologie nerveuse.
la suite d'un coup de poing sur la nuque. Un
garçon âgé de quinze ans reçoit entre les deux épaules
un coup de poing d'un de ses camarades de jeu. Une
semaine après, le faciès prend un aspect languissant
et graduellement, à partir de ce moment, les muscles
des membres supérieurs s'atrophient, les bras perdent
leur force et demeurent incapables de tout effort. La
respiration devient purement diaphragmatique, l'atro-
phie s'étend aux deux tiers inférieurs des trapèzes et
aux muscles qui soustendent la colonne vertébrale.
La tête se fléchit en avant et ne peut être rejetée en
arrière que par les oscillations du tronc. La marche
était vacillante plutôt à cause de la faiblesse des mus-
cles qui soutiennent le tronc que par la faiblesse des
jambes. Le malade ne pouvait rester assis sans avoir
le dos soutenu. Les sphincters conservaient leur action.
La contractilité électrique des muscles était en rapport
avec leur volume ; les muscles des bras, qui étaient les
moins atrophiés, se contractaient bien, ceux des avant-
bras et des mains, qui avaient perdu davantage, se con-
tractaient moins, mais cependant les contractions y
étaient encore manifestes. L'évolution de la maladie se
lit sans douleurs, la sensibilité des muscles atrophiés
n'était pas exagérée; il n'y avait pas de contractions
librillaires.
B. M. Donnel ' communiqua à l'Académie de
médecine d'Irlande des notes sur trois cas de trauma-
tisme de la colonne vertébrale suivis d'atrophie mus-
culaire. Dans les trois cas, la sensibilité était peu
' 1·hr l.iyrel, vol. Il, 1881', p. JG.
commotion DE la moelle épinière. 155
altérée, si même elle l'était. Le dépérissement des
muscles fut rapide et eut lieu peu de temps après
l'accident. La marche et le caractère de l'atrophie
prouvaient qu'elle était sous la dépendance de la
myélite affectant les cellules motrices des cornes anté-
rieures.
Tous ces cas appartiennent à l'atrophie musculaire.
L'ataxie a aussi sa part dans les effets du traumatisme.
Nous en avons déjà cité des exemples dans la troisième
catégorie de faits ; nous en retrouvons ici un certain
nombre qui, pour n'avoir pas élé suivis d'autopsie,
n'en ont pas moins une valeur incontestable. H.-J.
Petit 1, dans un mémoire intitulé : De l'ataxie loco-
motrice dans ses rapports avec le traumatisme, cite
l'opinion de Horn et Steinthal ', qui admettent une
espèce traumatique de tabes dorsalis ; il rappelle les
observations X et XI de l'ouvrage d'Erichsen où la
commotion de la moelle amena des troubles attribuables
à la myélite chronique, parmi lesquels on trouve des
phénomènes ataxiques, deux cas empruntés à l'ouvrage
de Topinard, un fait deCharcot, dans lequel on voit un
officier de vingt-huit ans atteint d'ataxie quelques
mois après une chute de cheval sur le dos, enfin une
observation de Lockhart Clarke, relative à un homme
de quarante-deux ans qui après une violente contusion
sur les reins, eut une perte de connaissance pendant
quelques minutes et dut rester aulit pendant uumois.
Au bout dece temps, les accidents d'ataxie se dévelop-
pèrent.
1 Revue mensuelle de médecine et de chirurgie, 1879, p 200.
2 Journal der praklischen lleilkuntfe, IS44.
156 pathologie nerveuse.
Charcot admet les amyotrophies d'origine trauma-
tique et, ainsi que Vulpian, les ataxies de même source.
Hammond', tout en reconnaissant que les causes de la
sclérose spinale multiple ne sont pas très connues,
pense que des coups directs, portés sur l'épine dor-
sale, des contusions violentes, comme celles qui se
produisent dans les accidents de chemins de fer, doi-
vent figurer dans l'étiologie de cette maladie.
Leudet' a réuni sous le titre de congestion de la
moelle, à la suite de chutes ou d'efforts, un certain
nombre de faits où l'on voit survenir, plusieurs heures
après une chute sur le dos, le siège ou les pieds, une
paraplégie plus ou moins complète, temporaire,
guérissant dans un temps qui varie de trois à soixante-
dix jours. Ces faits ressemblent beaucoup à un cer-
tain nombre de ceux qu'Erichsen a rapportés après
lui. Leudet refuse de les rattacher à la commotion, à
cause de l'intervalle qui sépare l'accident de l'appari-
tion des symptômes; il attribue ceux-ci à la conges-
tion. . , z..
Nous ferons observer que -la congestion n'est elle-
même que secondaire, que le traumatisme n'a pas
agi directementsur les vaisseaux de la moelle, car, en
admettant la possibilité de cette action directe, ses
effets eussent été immédiats. Il y a eu un intermé-
diaire qui n'a pu être que la moelle même modifiée
dans quelques-uns de ses éléments, par l'ébranlement
qu'elle a-subi. Je sais,bieii- qu'en rangeant ces faits
1 Maladies du syst. nerv., p. 689, 725, 928.
2 Arch. grnér. de méd., 1863, vol. I, p. 257.
COMMOTION DE LA MOELLE I'1n1li1tL. 157
dans la commotion, on rompt avec la tradition qui
met au premier rang du tableau syinptomatologique
l'instantanéité des troubles fonctionnels; mais les des-
criptions pathologiques ne sont pas fatalement vouées
à l'immobilité, les progiès de l'observation peuvent
les modifier. N'est-il pas possible que, dans les trau-
matismes que nous étudions, l'influence de l'ébranle-
ment se fasse sentir différemment sur les divers
éléments de la moelle et que dans certains cas, les
éléments vaso-moteurs souffrent à l'exclusion de cer-
tains autres, ce qui expliquerait les congestions se-
condaires qu'a signalées Leudet ?
L'ensemble des faits que nous venons de passer en
revue présente une valeur incontestable par leur im-
portance intrinsèque, par leur nombre et par l'auto-
rité des hommes qui les ont observés.
CLINIQUE NERVEUSE
ÉTUDE SUR UNE AFFECTION NERVEUSE CARACTÉRISÉE PAR
DE L'INCOORDINATION MOTRICE ACCOMPAGNÉE D'ÉCHO-
1. : lLIls` ET DE COPROLAL1E (Jumping, L\T.%11, llSmn.cHir)';
Par GILLES DE LA 'l'OURI's1"l'E.
Observation IX (Inédite) 2.
CommuniIuée yar 11. le D1 Foré, médecin-adjoint
à la salpêtrière.
Desc..., vingt-trois ans, est né au Havre de parents d'origine
normande.
Son père est mort à soixante-sept ans d'une anévrysme ( ? ),
il n'était pas nerveux, c'était un buveur accidentel. De deux
oncles paternels, l'un serait mort aussi d'un anévrysme ( ? ) ;
l'autre accidentellement.
Sa mère est morte à soixante-deux ans hydropique ( ? ), elle
n'était pas nerveuse. Elle était de deux ans plus jeune que son
mari. Ni frère, ni soeur.
De ce mariage sont nés sept enfants : 1° une fille morte à
trente-deux ans, poitrinaire, non nerveuse; 2° une fille qui se
porte bien, nerveuse, mais sans attaques; 3" un fils marin,
V. le 25, janvier 1885.
2 Cette observation ne se trouve pas indiquée dans la première partie
de ce mémoire publiée en janvier 988s, époque à laquelle nous ne la
possédions pas. Nous serions très reconnaissant aux confrères qui pos-
sèdent des observations analogues de les publier ou de. nous les faire
parvenir pour les publier en leur nom.
DE L'INCOOItDI\.1T10\ .MOTRICE. 159
mort en mer; 4° un fils, qui s'est noyé dans le port du Havre;
5° un fils, mort à deux ans( ? ) ; 6° notre malade ; 7° une fille,
mort-née.
D... a été élevé en nourrice, où il fut, paraît-il, mal soigné.
Il n'a pas eu de convulsions à aucune époque de son enfance;
il a marché à dix mois et a aussi parlé de bonne heure ; il a
été propre de bonne heure et n'a jamais eu depuis d'inconti-
nence d'urine, jamais de chorée. Etait sujet à des colères très
violentes. Il a perdu ses parents dans le bas âge et a été
élevé à Paimpol où il aurait encore beaucoup souffert au point
de vue de l'alimentation et des soins. Néanmoins jusqu'à qua-
torze ans il n'avait jamais présenté d'autre trouble morbide
caractérisé que des terreurs nocturnes auxquelles il est encore
sujet maintenant; mais il était resté faible et malingre, si bien
que lorsque l'âge vint d'être appelé au service militaire, il fut
réformé comme faible de constitution. 11 est de taille moyenne
assez bien proportionné, si l'on ne considère que le squelette;
mais il a les chairs ' flasques et les muscles peu développés;
en outre son systèmepileux est,peu développé, il n'a que quel-
ques poils follets sur la lèvre supérieure, et ce n'est que depuis
six mois, c'est-à-dire à plus de vingt-deux ans qu'il a vu appa-
raître les premiers poils sur le pubis. Ses testicules sont
extrêmement petits, pas plus sensibles l'un que l'autre; du
reste il n'existe aucun trouble de la sensibilité générale ou
spéciale. On ne constate aucune autre malformation caracté-
risée, ni du crâne, ni do la face, ni des dents. En somme, on
peut dire que ce qui domine dans son état général, ce sont les
caractères à' infantilisme que révèle la dégénérescence dont
nous ne trouvons point la cause dans l'hérédité directe du
sujet.
La maladie dont il souffre actuellement a débuté à l'âge de
quatorze ans sans cause appréciable, sans qu'il puisse rendre
compte d'aucune sensation prémonitoire qui puisse ressembler
à une aura; il était pris de mouvements tantôt dans unejambe,
tantôt dans les deux jambes, tantôt dans un bras, tantôt dans
un bras et une jambe, tantôt dans les quatres membres. Ces
mouvements rhythmés se manifestaient toujours sous forme
de crises. Aujourd'hui encore quand ils sont très intenses et
envahissent les quatres membres, le malade tourne sur lui-
même et tombe; mais il ne perd jamais connaissance, n'urine
160 CLINIQUE NERVEUSE.
jamais ; màisinui arrive ilê'se'mcirdré lü.lâriûe, ce qui tient à
ce que les mouvements rhythmés se' propagent alors à la'
mâchoire et à la langue qui peut se trouver prise accidentelle-
ment-. - ? ..» ? ' · °
Toutes les crises de convulsions rhythmées se ressemblent,
elles sont les mêmes depuis le début de l'affection. Au com-
mencement il a eu pendant dix mois une crise ou deux par'
jour; puis pendant quelques mois, il en a eu sept ou huit par
jour; puis il s'est fait une nouvelle accalmie de quelques années ;
certains mois s'écoulaient sans qu'il eût plus de deux ou trois
accès par mois. Depuis deux ans, il s'est fait une nouvelle
recrudescence ; et au moment où il s'est présenté à nous, il en
avait à peu près une par jour durant dix minutes. Le jour
même de notre consultation sous l'influence de l'émotion, il a
eu une série d'accès. Ainsi la seule variation que l'on puisse
apprécier dans ses crises convulsives est dans l'étendue des
mouvements qui peuvent être limités à un membre, ou se
montrer sous la forme hémiplégique, ou sous la forme croisée,
ou encore généralisée.
Mais il y a quatre ans, aux phénomènes convulsifs s'est
ajouté un autre symptôme. De temps en temps, soit pendant
la crise de mouvements rhythmés. soit en dehors de ces crises,
il éprouvait le besoin irrésistible de répéter ses propres paroles
ou encore de répéter quatre ou cinq fois la même syllabe d'un
même mot. Jamais il n'a répété les mots prononcés devant lui
par une autre personne. Il n'y a que deux ans que, dans la
plupart de ses crises, il prononce une ou deux fois, trois fois
au plus des mots qu'il ne voudrait pas dire, en particulier zul
ou mercie; le plus souvent il dit sèchement un de ces mots une
seule fois. Toujours les crises sont diurnes, et en général elles
surviennent quand il est fatigué ou qu'il vient d'être excité par
une émotion plus ou moins vive.
L'attaque qu'il a eue devant nous s'est passée de la manière
suivante : la tête s'est tournée à gauche, la langue est sortie
brusquement, est rentrée de nouveau et la mâchoire s'est fer-
mée bruyamment et brusquement aussi. - En même temps le
bras gauche est agité par des mouvemements de moulin, fait
ainsi sept ou huit tours, puis la main se secoue vivement sept
ou huit fois. Les mêmes mouvements se répètent dans le bras,
droit. Le malade secoue deux ou trois fois sa jambe droite,
DE L INCOORDINATION MOTRICE. 161
tire la langue encore une fois, dit « zut » et tout est fini. En
dehors de cela il a de temps en temps un mouvement choréique
isolé d'un bras ou d'une jambe, de sorte que les accès convul-
sifs sont beaucoup moins isolés qu'on ne pourrait le croire
d'après son récit.
Depuis qu'il est soumis à l'hydrothérapie et à un régime
tonique les accès ont considérablement diminué de fréquence
et d'intensité; il n'a plus eu du cinq décembre au premier jan-
vier que quatre crises un peu importantes et encore il n'y a
pas eu d'agitation des membres inférieurs, ni de paroles invo-
lontaires ; tout s'est borné à quelques mouvements choréi-
formes du bras. Il semble en outre que les mouvements isolés
aient presque disparu, il peut aider sa tante qui est concierge
dans une maison très importante; il est mieux nourri, son état
général est meilleur.
Les circonstances ont montré du reste la valeur de l'état
général, du repos et de la bonne alimentation. Depuis le pre-
mier janvier qu'il a dû travailler beaucoup plus, faire des
courses, manger irrégulièrement, se lever fréquemment la
nuit, les crises sont devenues plus fréquentes, et les jambes
sont prises de nouveau, mais au lieu d'être comme autrefois le
siège de mouvements tout à fait incoordonnés susceptibles
d'amener la chute, il ne s'agit que de quelques mouvements
cadencés qui se répètent sept ou huit fois et cessent; il ne
prononce plus involontairement de mots grossiers, et ne
répète plus les mots ou les syllabes.
Archives, t. IX. 1 1
RÉSUMÉ ANALYTIQUE DE NEUF
164 CLINIQUE NERVEUSE.
I.
Les cas que nous avons observés seraient, croyons-
nous, suffisants pour mériter à eux seuls une descrip-
tion synthétique '. Toutefois, afin d'éviter des redites
fastidieuses, nous y joindrons les faits publiés par les
trois auteurs étrangers, nous promettant plus tard d'éta-
blir des comparaisons. Aussi, désireux de ne rien préju-
ger sur la nature de ces observations, ne leur emprunt-
terons-nous que les symptômes analogues à ceux que
nous avons nous-mêmes relevés, nous réservant de
compléter cet exposé au moment où nous comparerons
entre elles toutes ces observations.
L'affection que nous allons décrire débute généra-
lement à un âge peu avancé. Dans nos neuf observa-
tions elle a commencé :
1 fois à 6 ans : Obs. VI;
2 fois à Pans : Obs. I, VII;
3 fois à 8 ans : Obs. III, IV, V;
1 fois à 9 ans : Obs. VIII;
1 fois à 14 ans : Obs. IX.
1 fois à 16 ans : Obs. II.
Beard nous dit avoir vu des enfants de quatre à
sept ans qui étaient atteints du Jumping. Elle dé-
1 L'observation VIII appattient à M. le professeur Pitres (de Bordeaux),
qui nous l'a communiquée gracieusement. M. le D Gibert(du Havre), a
bien voulu nous donner tous les renseignements désirables sur plusieurs
des malades dont nous rapportons l'histoire et qui avaient été confiés à
ses soins. - M. le Dr Laurent (de Sanvic), nous a envoyé l'obsemation
succincte d'un lieutenant de vaisseau affecté de tics convulsifs, pendant
lesquels il prononçait avec force le mot merde à plusieurs reprises.
M. le Dr Fére nous a communiqué l'observation IX. Nous tenons a
leur témoigner ici même toute notre gratitude.
DE l'incoordination motrice. 165
bute donc dans l'enfance et au plus tard dans l'ado-
lescence; elle semble de plus affecter particulièrement
le sexe masculin, bien que nous possédions l'observa-
tion de deux femmes, et qu'O'Briennous apprenne que
la maladie sévit aussi sur les Malaises. Néanmoins, les
hommes fournissent et de beaucoup, à ce qu'il semble,
le plus fort contingent. Parmi les causes occasionnelles
le plus souvent invoquées, se trouvent les émotions
morales vives, la peur en particulier : mais la cause
véritable, déterminante, là, comme dans toutes les
maladies nerveuses ', n'est autre que l'hérédité.
« Ces tics sont bien souvent héréditaires, » a dit
Trousseau. « Cette affection, écrit Beard, est aussi héré-
ditaire que la folie ou l'épilepsie... Dans la famille
sur laquelle j'expérimentais il y ayahçuatre sauteurs : le
père, le fils et deux petits-fils âgés de quatre à sept
ans. Dans une autre, trois frères étaient atteints. »
Les malades qui font le sujet de nos neuf observa-
tions possédaient les antécédents nerveux suivants :
Obs. I. N'ont pu être obtenus.
Obs. II. Néant.
Obs. III. Etat mental tout particulier de la
mère pendant sa grossesse.
Obs. IV. Néant.
Obs. V. Mère aliénée.
Obs. VI. Grands-parents migraineux, mère
très nerveuse.
Obs. VII. Chorée des grands-parents, père très
nerveux, une .soeur atteinte de la même affec-
tion.
1 V. Ch. Féré. La Famille néuropatlcique. (Archives de Neurologie,
1884, janvier et mars.)
166 CLINIQUE NERVEUSE.
Obs. VIII. Le père a un tic non douloureux de
la face; tante aliénée.
Obs. IX. Néant ( ? )-
Nous voyons donc que, dans cinq observations, cette
hérédité nerveuse est des plus manifeste.
Nous n'avons rien dit de la profession de nos ma-
lades dont l'influence, vu l'age du début, nous pa-
raît ici de bien minime importance : toutes les classes
de la société paraissent d'ailleurs payer tribut à cette
affection.
Quant à l'influence du climat et de la situation géo-
graphique, nous croyons, vu la diversité des pays où
cette maladie a été observée, qu'elle se rencontre sous
toutes les latitudes.
Le mode de début, tout au moins dans les cas que
nous avons observés et qui sont les seuls sur lesquels
nous ayions des renseignements complets, est généra-
lement toujours, ou à peu près, identique. C'est Vin-
coordination motrice qui ouvre la scène morbide : in-
coordination qui présente ceci de particulier qu'elle
s'établit lentement, sourdement, sans paraître influencer
la santé générale du sujet. Ces mouvements incoordon-
nés ou plutôt ces secousses musculaires débutent le
plus souvent par la face ou par les membres supérieurs;
généralement l'un de ces derniers est envahi à l'excep-
tion de celui du côté opposé qui néanmoins ne tarde
pas à être pris à son tour.
C'est à l'école, c'est dans la famille, que le profes-
seur ou les parents s'aperçoivent qu'un des bras est
agité de mouvements convulsifs : les doigts s'allongent
et se fléchissent alternativement, les épaules se sou-
lèvent ; le travail devient difficile. Presque en même
DE l'incoordination motrice. 167
temps- les intervalles varient suivant les sujets-ap-
paraissent, s'ils n'ont pas été les premiers en date, des
mouvements incoordonnés des muscles de la face. Ce
sont, le plus souvent et dès le début, des clignements
d'yeux incessants; l'une ou l'autre des commissures buc-
cale est violemment attirée en haut et en dehors; les
masséters, en se contractant, produisent le grincement
de dents, la langue est projetée en dehors et même
déchirée lorsque la contraction des masséters est trop
brusque (Obs. IV). Les muscles du cou entrant en ac-
tion, la tête est portée alternativement dans la flexion
et dans l'extension : les sterno-mastoïdiens l'inclinent
de côté et d'autre.
Les membres inférieurs ne tardent pas à être enva-
his à leur tour, et l'incoordination y revêt un mode
particulier : ce ne sont plus des mouvements limités
comme précédemment à des groupes musculaires iso-
lés ; les contractions portent le plus souvent sur l'en-
semble des muscles de l'un ou de l'autre membre, sou-
vent des deux à la fois. Le malade frappe du pied, se
baisse, se relève; mais, le mouvement qu'il accomplit
le plus souvent est le saut qui peut s'exécuter sur place
ou avec progression.
Nous insistons sur ce caractère du saut : nous l'avons
expressément noté plusieurs fois. Beard a appelé ses
malades des sauteurs (jumpers) et Trousseau nous dit
sans se douter de l'importance de son témoignage :
« Sous l'influence de je ne sais quel trouble de l'inner-
vation, cet enfant était pris de mouvements bizarres,
de contractions musculaires involontaires qui le jetaient
en avant comme s'il eût été lancé par un ressort, le
faisaient sauter à sept ou huit pieds de la place qu'il
168 CLINIQUE nerveuse.
occupait lorsqu'il était debout, ou le faisaient se lever
brusquement, mécaniquemeut, si je puis ainsi dire, du
siège où il était assis, mais ne l'en précipitaient pas » »
N'oublions pas encore que, dans un grand nombre de
cas, tous ces mouvements se combinent entre eux, ou,
mieux encore, s'exécutent simultanément, s'adjoignent
les uns aux autres, se réunissent pour former un com-
plexus assez spécial quoique assez varié, la prédo-
minance des contractions dans un groupe musculaire
donnant à la physionomie de chaque malade un carac-
tère objectif tout particulier.
Si ces mouvements peuvent varier dans leur forme
d'un individu à l'autre, ils présentent cependant des
caractères généraux qui sont les mêmes chez tous les
sujets. Un de ces caractères résidedans la soudaineté avec
laquelle ils apparaissent et la rapidité avec laquelle ils
s'effectuent. Tout à coup, alors que rien dans )'habitus
général du malade ne faisait soupçonner quelque chose
de particulier, une grimace, une contorsion se produi-
sent, une fois, deux fois, à plusieurs reprises, puis tout
rentre dans l'ordre. Mais, bientôt après, car générale-
ment les intervalles sont très rapprochés les uns des
autres, surviennent de nouvelles secousses. Il faut dire
que ce sont surtout les contractions musculaires limi-
tées, soit à la face, soit à un membre,- soit l'associa-
tion particulière de celles-ci, qui se montrent avec le
plus de fréquence et le plus d'intensité. Lorsqu'il s'a-
git de grands mouvements, de sauts par exemple, leur
i Trousseau. Loc. cit., t. 1(, p. 264. Nous ajouterons que cet auteur
dit en parlant de l'état physique et des faits et gestes de t'enta).t,« «toutes
choses que ne peuvent faire les individus atteints de la danse de Saint-
Guy ». .
.DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 169
retour est moins précipité. Alors que, généralement, il
se passe à peine quelques minutes sans qu'une secousse
musculaire limitée ne se produise, les grands mouve-
ments n'existent parfois que tous les quarts d'heure,
par séries, toutes les heures ou même moins, suivant
les cas; il est vrai aussi que, dans leur intervalle, les
secousses limitées n'en existent pas moins.
Ces diverses modalités de l'incoordination motrice
sont influencées par diverses causes. On peut dire que
toutes les émotions morales ou physiques que le sujet
puise chez lui-même ou qui lui viennent de l'extérieur
les aggravent singulièrement et en fréquence et en in-
tensité. Ces malades sont particulièrement sensibles à
toutes les actions, à tous les bruits venus du dehors :
la moindre surprise détermine une accentuation des
secousses qui sont de même exagérées par une émo-
tion morale vive. De plus, il est des jours, c'est d'eux
que nous le tenons (Obs. III, IV, VII), où eux-mêmes
peuvent dès le matin, au réveil, prédire que la journée
sera plus mauvaise qu'à l'ordinaire : ils se sentent
dans un état tout spécial, ils éprouvent, disent-ils, un
énervement particulier qui leur fait prévoir pour la
journée une accentuation de leur incoordination mo-
trice. D'autre part, ces secousses peuvent être non seu-
lement diminuées, mais encore totalement supprimées
par différents facteurs; parmi ceux-ci, il n'en est pas
de plus puissant que le sommeil. Non seulement elles
cessent complètement pendant qu'il a lieu, nous en
avons pour témoins les parents qui ont scrupuleuse-
ment observé leurs enfants, mais encore, tous nos ma-
lades nous ont dit, que pendant la nuit, ils dormaient
d'un sommeil de plomb dont il était très difficile de les
170 CLINIQUE NERVEUSE.
tirer. Il est fort probable que l'énorme dépense de
mouvements qu'ils ont faite pendant la journée ne con-
tribue pas peu à ce résultat. Une seule fois (Obs. VI),
l'incoordination paraît avoir, à diverses, reprises per-
sisté pendant le sommeil; mais il y avait là un élément
morbide surajouté.
Ces secousses sont également modifiées d'une autre
façon : febris solvit spaszzzos, dit le vieil adage, nous en
avons ici une nouvelle confirmation. Parmi les sujets
qui ont été soumis à notre observation, il en est trois
qui, à partir du début de leur affection, eurent à sup-
porter des affections aiguës (Obs. III, angine simple;
Obs. IV, fièvre muqueuse ( ? ) ; Obs. VI, angine couen-
neuse). Pendant leur durée, il est incontestable que les
secousses musculaires diminuèrent debeaucoup de fré-
quence et d'intensité sans toutefois disparaître complè-
tement, et qu'elles ne reparurent avec leur violence
ordinaire qu'après la disparition de l'état fébrile.
Indépendamment de ces étals fébriles, les malades
peuvent traverser des périodes de rémission, de
même qu'il existe des périodes d'exacerbation peu-
dant lesquelles l'incoordination motrice se montre
assez peu, bien qu'elle ne disparaisse jamais com-
plètement, pour que les individus se considèrent
comme presque entièrement guéris : nous en reparle-
rons en traitant de la marche de la maladie. Toutefois,
empiétant sur ce chapitre de notre description, et
avant de passer à l'étude des autres symptômes, nous
devons dire que, dans certains cas peut-être, la maladie
peut rester bornée à cette incoordination, que toujours
celle-ci est la première en date et que souvent elle peut,
pendant de longues années, constituer à elle seule toute
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 171 I
V affection. (Dans les observations I, IX, les symptômes
autres que ceux fournis par les secousses musculaires,
ne se montrèrent approximativement que quatre ou cinq
ans après le début de l'affection; dans l'observation II,
cinq mois après; dans l'observation III, six ans; dans
l'observation IV, seize ans; l'observation VI n'est pas
très concluante à ce sujet; l'observation VIII semble se
rapprocher de l'observation II; enfin ils n'étaient pas
encore apparus après six et quatorze ans dans les ob-
servations V et VU). Donc, pendant toute une période
qui peut comprendre jusqu'à seize années (Obs. IV),
les symptômes peuvent rester complètement bornés à
ceux que nous avons déjà décrits. C'est un point sur
lequel il est du plus haut intérêt d'insister, au point de
vue du diagnostic différentiel, qui sera surtout difficile
pendant toute cette première période.
Il nous faut encore, avant de passer outre, insister
sur l'état physique et moral du sujet, état qui ne variera
pas du reste dans les périodes ultérieures. Disons-le
de suite, pendant toute cette première étape, l'état phy-
sique du sujet est aussi satisfaisant que possible. Il est
évident cependant qu'une incoordination motrice aussi
accentuée que celle qui existe parfois n'est pas tou-
jours sans inconvénients pour la santé de celui qui en
est la proie, mais ces inconvénients sont pour ainsi
dire sans importance. Les fonctions de nutrition ne
s'en exécutent pas moins bien, un sommeil réparateur
venant, avons-nous dit, suppléer pendant la nuit à la
dépense musculaire exagérée qui s'est faite pendant le
jour. Si cette incoordination survenait brusquement
avec toute son intensité, nul doute que les fonctions
générales ne pussent être altérées, mais comme elle
172 -) CLINIQUE NERVEUSE.
s'établit peu à peu, progressivement, il s'établit une
sorte de tolérance, une habitude particulière qui fait
que les malades vivent pour ainsi dire en bonne intel-
.'igence avec leur maladie. N'oublions pas toutefois
qu'il existe des contractions dans certains groupes
musculaires qui peuvent être fort préjudiciables.
Chez le malade de l'observation IV, la langue était vi-
vement projetée au dehors, et, parfois, en même temps
que cette projection, il survenait des contractions telle-
ment brusques des masséters, qu'à plusieurs reprises
l'organe de la parole fut très cruellement mordu : ce
sont là des faits rares, mais dont il ne faut pas man-
quer de tenir compte. Toutefois, à l'inverse de ce qui
se passe chez les choréiques, l'incoordination motrice,
qui, nous le savons, se présente ici sous forme de se-
cousses extrêmement brusques, n'est jamais assez sou-
tenue pour empêcher l'alimentation, lorsqu'elle siège
dans les membres supérieurs, par exemple, ou la
marche lorsqu'elle siège dans les membres inférieurs.
Quant à l'état mental, il est parfaitement régulier et
normal : les sujets raisonnent très bien ; en aucune
façon leurs actes ne rappellent ceux des aliénés ; ils
ont parfaitement conscience de leur état ; la plupart
sont fort intelligents. Quant à l'état moral, il est va-
riable suivant l'âge de l'individu. L'affection débutant
presque toujours entre sept et dix ans, il est évident
que les enfants de cet âge ne peuvent, à l'instar de
personnes plus âgées, s'affliger outre mesure de leur
état : ils prennent des habitudes de paresse si chères
à cette époque de l'existence. Mais, lorsque les années
s'accumulent et avec elles les soucis, les sujets songent
à réagir. Les efforts qu'ils font alors pour atténuer ou
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 173
faire disparaître la violence de leurs mouvements sont
parfois mais temporairement couronnés de succès. L'un
de nos malades (Obs. IV), était clerc d'huissier, et al-
lait porter du papier timbré à domicile. Pendant l'en-
trevue avec son client, si celle-ci était très brève, il
pouvait mettre un frein à tous ses mouvements inso-
lites et les arrêter complètement. Mais, aussitôt après
cette cessation qui ne s'obtenait qu'au prix de la plus
violente contention d'esprit, les mouvements revenaient
avec une violence inaccoutumée; il gesticulait, tirait la
langue, sautait sur place, devant la porte de celui qu'il
venait de quitter. Il fut obligé d'abandonner son mé-
tier. Le malade qui fait le sujet de l'observation VII,
passa récemment le conseil de révision : il avait un
désir extrême d'être soldat. Il fit en sorte de passer
le dernier, et se déclara lui-même bon pour le service.
Rentré dans la salle commune, il eut pendant quelques
instants à subir une exagération inusitée de son in-
coordination motrice qui chez lui portait spécialement
sur les deux sterno-mastoïdiens.
Signalons encore d'autres signes, qui, bien que
négatifs, n'en ont pas moins une très grande impor-
tance. Chez tous nos malades, la sensibilité générale
était tout à fait normale : les sens spéciaux ne présen-
taient rien de particulier; chez plusieurs, l'examen
campimétrique de l'oeil n'a fourni aucune anomalie :
aucun d'eux non plus n'avait jamais présenté d'acci-
dents nerveux convulsifs. Nous verrons que les obser-
vations rapportées par les auteurs étrangers sont éga-
lement muettes sur l'existence de ces variétés de
troubles. On conçoit déjà combien le diagnostic diffé-
rentiel s'en trouvera éclairé.
174 CLINIQUE NERVEUSE.
§ IL
I. Les symptômes que nous avons décrits dans le
précédent paragraphe peuvent à eux seuls constituer
toute la maladie, mais, dans la grande majorité des
cas, ils ne la constituent que temporairement et l'on
voit bientôt apparaître de nouveaux phénomènes de
beaucoup encore plus caractéristiques que les précé-
dents. Ils sont de divers genres : nous allons les décrire
d'après leur ordre habituel d'apparition.
Nous n'insisterons pas sur la date de cette apparition,
car, nous avons déjà dit que, pendant une période com-
prise dans nos observations entre quelques mois et
seize années, l'incoordination motrice pouvait exister
seule : ou plutôt, nous parlerons de cette date pour
dire qu'elle est fort variable. Le mode de début paraît
au contraire assez régulier : il y a là une gradation
constante et toute spéciale de ces phénomènes nou-
veaux, les choses se passant de la façon suivante.
La plupart du temps, pendant une de ces périodes
d'excitation que nous avons signalées, subitement, à
l'occasion d'un mouvement désordonné, et au moment
où l'incoordination est à son summun, à l'acmé de
la convulsion, le malade pousse avec force un cri inar-
ticulé (Obs. I, II, 111, IV, VI, VIII, IX), qu'il est souvent
fort difficile de traduire : c'est un heni, ozih, ouala, ah,
qui, toujours en rapport avec l'incoordination peut être
poussé plusieurs fois de suite et à intervalles variables
dans le courant de la journée. Ce cri inarticulé, lors-
qu'il existe, doit faire soupçonner l'apparition probable
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 175
d'un autre signe, qui n'est en somme que la transfor-
mation du précédent avec une caractéristique toute
particulière en plus. L'émission du son reste toujours
brusque, instantanée, en coïncidence parfaite avec le
summum de la convulsion, mais le cri devient articulé
et le mot que le malade va prononcer, mot variable,
prendra dans certains cas les caractères de l'écho : le
sujet deviendra écholalique. et écholalique complet,
comme nous allons le montrer (Obs. II, III, IV, IX, ma-
lades de Beard, O'Brien et Ilammond). Cette écholalie
est parfois assez manifeste pour n'avoir pas besoin
d'être cherchée : chez certains sujets cependant, elle
revêt une modalité telle (Obs. IV), qu'il est nécessaire
d'un examen approfondi pour la constater. Son mode
le plus simple de production est le suivant : le malade
s'entend appeler à haute voix; aussitôt il répète avec
force et rapidité son propre nom en accompagnant
l'émission du mot d'une de ses convulsions ordinaires.
Il n'est toutefois pas nécessaire qu'on s'adresse direc-
tement à lui pour que le phénomène se produise. Le
malade entend parler une des personnes qui l'entou-
rent ; aussitôt il répète, avec une secousse, le ou les
derniers mots de la phrase qu'il vient d'entendre. Il
est parfaitement conscient, tout à fait décidé même,
lorsqu'on l'en prie surtout, à se soustraire à ce nouveau
désagrément : il ne peut y parvenir. Le malade qui fait
le sujet de l'observation IV, garçon fort intelligent et
âgé de vingt-quatre ans à l'époque où nous l'observions,
s'était à ce sujet, et pendant longtemps, fort bien ob-
servé lui-même. « En écoutant un discours, une con-
férence, nous disait-il, j'étais poussé par le besoin
presque irrésistible de répéter un mot, un bout de
176 CLINIQUE NERVEUSE.
phrase qui venaient de me frapper davantage. Il me
fallait toute ma contention d'esprit et un vif désir de
respecter les convenances pour ne pas répéter ce mot
tout haut; toutefois, comme je ne pouvais me soustraire
qu'incomplètement à cette obligation, je m'aperçus, à
différentes reprises, que plusieurs des personnes qui
m'entouraient avaient parfaitement entendu. » Il lui
arriva, lorsqu'il lisait, d'être poussé par le besoin irré-
sistible de prononcer à haute voix ce mot, cette phrase
qui attiraient toute son attention : comme il était seul,
il se laissait aller à satisfaire ce besoin de répétition.
« De plus, nous apprend-il, toutes les facultés de l'in-
telligence étaient pour le moment absorbées chez lui,
par ce mot, cette phrase qui s'emparaient alors de toute
sa pensée à un point tel qu'ils lui faisaient perdre le
fil du discours ou le sens de sa lecture. Le mot entendu
ou qui, en lisant, l'avait frappé, avait de la tendance à
revenir sur ses lèvres, à être répété à intervalles va-
riables, mais toujours au moment même ou à la fin
des secousses musculaires si particulières qui le tour-
mentaient. »
Ce récit d'un malade intelligent en dit plus que
bien des descriptions. Chez deux autres sujets (Obs.
II, III), nous avons pu en vérifier l'exactitude. Il n'est
donc pas nécessaire, pour que l'écholalie se produise,
qu'un son venu du dehors vienne frapper l'oreille du
malade, la vue seule du mot qu'il lit peut la déterminer :
la seule pensée même du mot ou mieux de la chose
qu'il représente peut produire sa répétition. Il est vrai
qu'une certaine catégorie très nombreuse, d'individus,
les auditifs, impressionnent mentalement, lorsqu'ils
songent à quelque chose, leur oreille par les mois
DE L INCOORDINATION MOTRICE. 177
dont ils revêtent l'idée qui les haute en ce moment; il
en est presque toujours ainsi dans la lecture mentale,
sans articulation des mots.
Nos malades sont donc des écho laliques, et ils le sont
au premier chef : c'est là un des symptômes les plus
constants de leur affection, un de ceux qui, en parti-
culier, ont le plus frappé les auteurs étrangers. Il est
un des premiers à apparaître après l'incoordination
motrice, il semble être un des derniers à persister
pendant les périodes d'accalmie, nous ne disons
pas de guérison qui peuvent survenir. Il faut qu'il
se manifeste : le malade répétera parfaitement des
mots prononcés dans une langue qui lui est tout à fait
inconnue : il sifflera, lui Malais (O'Brien), un air
européen qu'il entendra au même moment pour la pre-
mière fois : tellement il semble se développer chez
ces sujets une aptitude spéciale et toute nouvelle.
L'écholalie, n'est en somme, ou plutôt, prise dans
son sens le plus restreint et le plus habituel, n'est que
l'imitation par la voix de sons articulés ou non qui
viennent frapper notre oreille; l'imitation d'un geste,
d'un acte, bien qu'étant plus complexe, est évidemment
un phénomène du même ordre. Cette faculté d'imitation,
cette écholalie du geste ou de l'acte, les malades, dans
certains cas, la possèdent à un degré extrême. Tous
ces phénomènes paraissent si bizarres, que nous ne
voudrions pas invoquer à ce sujet l'autorité des auteurs
étrangers, si nous n'avions pas été nous-même témoin
du fait suivant (Obs 11) : « S... est dans la cour de la
Salpêtrière, en proie à son état habituel ; il est agité
par ses contorsions variées, pendant lesquelles il pousse
son oziah, ozcah ordinaire; un malade s'approche delui,
L. L. 1\.. - 1"2
178 CLINIQUE NERVEUSE.
et essaye d'imiter une de ses contorsions les plus ordi-
naires, qui consiste à lever le bras et la jambe droite
en frappant la terre du pied gauche, position, comme
on le voit, peu favorable à l'équilibre; il imite en même
temps par la voix son onomatopée. Aussitôt, S..., qui
peut en ce moment même être tranquille, imite les cris
et gestes de son camarade d'hôpital, et il y met une
telle conviction qu'il ne tarde pas à tomber à terre,
sans toutefois se faire mal. On est obligé d'intervenir
pour faire cesser ce jeu qui pourrait devenir dangereux,
et qui a pris naissance et s'est perpétué depuis que
les autres malades ont remarqué la faculté d'imitation
irrésistible de S... » Ce symptôme, nous le retrouvons
porté à son summun dans les observations des auteurs
étrangers. Un des malades de Beard, était assis sur
une chaise et coupait son tabac : « Je m'approchai de
lui, dit cet observateur', et le frappant subitement sur
l'épaule, je lui dis : Jette-le. Aussitôt il lança son cou-
teau qui alla se planter dans une porte vis-à-vis, et en
même temps répéta mon ordre : Jette-le, avec une ex-
pression particulière de terreur et d'alarme ».
« On me présenta, dit 0'Brien ? une femme malaise
âgée et très respectable. Je causai environ dix minutes
avec elle sans rien soupçonner d'anormal. Tout à coup,
celui qui me l'avait amenée enleva son habit; aussitôt
elle commença à se déshabiller, et elle se fût mise
complètement à nu si je ne m'étais interposé ».
Dans l'observation recueillie par les officiers améri-
cains, et rapportée par Hammond 3, il est dit en par-
1 Archives de Neurologie, juillet 1881, p. Il6.
2 Ibid., juillet 1884, p. 71.
/&td.,juiUetl88<,p ? 3.
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 179
lant du matelot qui en fait le sujet : « Si le capitaine
donnait brusquement en sa présence un coup sur son
côté, le pilote répétait ce coup de la même manière et
sur le même côté ; si un bruit se produisait inopiné-
ment ou avec intention, le pilote semblait forcé contre
sa volonté de l'imiter à l'instant avec une grande exac-
titude. Les passagers, par malice, se mirent à imiter le
grognement du porc ou d'autres cris bizarres ; d'autres
battaient des mains, sautaient, jetaient leurs chapeaux
sur le pont, et le pauvre pilote imitait tous ces gestes
avec précision, autant de fois qu'on les répétait».
Cette faculté d'imitation, cette écholalie du geste ou
de l'acte est donc, dans certains cas, très complète chez
ces malades; elle peut l'être au point de leur faire com-
mettre des actes qui ne sont pas, à proprement parler,
irraisonnables, mais qui peuvent avoir pour eux ou
pour les personnes de leur entourage, les inconvé-
nients les plus fâcheux. Notre malade (Obs. Il), pouvait
tomber d'une façon malencontreuse et se blesser; c'est
ce que nous voyons également dans les observations de
Beard, d'O'Brien et de Hammond.
« Un jeune garçon de seize ans, dit le premier, jouait
avec un de ses camarades et l'avait renversé sur le
gazon. Quelqu'un s'approcha et lui dit : Frappe-le. Il le
frappa à poings fermés. Il était à une fenêtre peu
élevée ; on lui cria : Saute, et il sauta en répétant
l'ordre donné ».
« Je citerai, dit O'Brien, un cas qui eut une issue fa-
tale : le cook d'un steamer était un latah des plus corsés.
Il berçait un jour, sur le pont du navire, son enfant dans
ses bras, lorsque survint un matelot qui se mit, à l'ins-
tar du cook, à bercer dans ses bras un billot de bois.
180 CLINIQUE NERVEUSE.
Puis ce matelot jeta son billot sur un tendelet et s'a-
musa à le faire rouler sur la toile, ce que fit immédia-
tement le cook avec son enfant. Le matelot, lâchant
alors la toile, laissa retomber son billot sur le pont ; le
cook en fit de même pour son petit garçon qui se tua
sur le coup. »
n Le capitaine du bateau, nous apprend Ham-
mond, tout en battant des mains butta accidentelle-
ment et tomba pesamment sur le pont. Le pilote, sans
avoir été touché par le capitaine, se mit à battre des
mains, et voulant l'imiter jusqu'au bout,-tomba préci-
sément delà même manière et dans la même position. »
Ces exemples sont extrêmement démonstratifs, et leur
existence dans toutes les descriptions est la meilleure
preuve de leur constance.
II. La troisième catégorie de symptômes est encore,
s'il est possible, beaucoup plus caractéristique. Les
phénomènes qu'elle renferme sont en effet si fréquents,
on les observe avec une persistance telle, ils ont des
caractères si spéciaux que même, si jamais ils exis-
taient seuls, on pourrait immédiatement porter un
diagnostic : car ils sont paihognomoniques, jamais ils ne
s'observent, dans les conditions que nous allons indi-
quer, dans aucune autre affection. Itard s'exprimait
ainsi en 1825 (Obs. 1) : « Au milieu d'une conversa-
tion, dit-il en parlant de la marquise de D..., qui
l'intéresse le plus vivement, tout à coup, sans pou-
voir s'en empêcher, elle interrompt ce qu'elle dit ou
ce qu'elle écoute par des cris bizarres et par des mots
encore plus extraordinaires, et qui font un contraste
déplorable avec son esprit et ses manières distinguées.
Ces mots sont pour la plupart foutu cochon, des jure-
de l'incoordination motrice. 181
ments grossiers, des épithètes obscènes, et, ce qui n'est
pas moins embarrassant pour elle et pour les audi-
teurs, l'expression toute crue d'un jugement ou d'une
opinion peu favorable à quelques-unes des personnes
présentes de la société ». Et Trousseau nous dit en-
core : « L'individu profère à haute voix des mots qu'il
voudrait bien retenir »; ce que nous reprendrons en
disant : très souvent, outre les cris inarticulés que
poussent les malades, outre l'écholalie à laquelle ils
sont sujets, peut survenir l'émission à haute voix d'un
mot, d'une expression obscène, toujours à l'occasion
d'une convulsion et chez des personnes que leur édu-
cation et leur état mental sembleraient devoir mettre
à l'abri de pareilles inconvenances. Ces phénomènes,
nous les avons observés à satiété chez deux malades
(Obs. II, III) ; ils sont expressément notés comme
nous l'avons vu dans l'observation d'Itard, complétée
par M. Charcot, et Pitres et Féré, nous ont
communiqué deux cas des plus concluants à leur
égard (Obs. VIII, X) '. Non seulement les malades pro-
noncent des mots obscènes, mais encore il semble
qu'il puisse exister chez eux une combinaison de l'é-
cholalie dont ils sont souvent tributaires, et de la
coprolalie qui peut exister conjointement avec elle.
Citons encore un exemple : « Un jour, S... (Obs. II)
entendit le directeur de l'hospice de la Salpêtrière,
dire à une concierge qu'elle ne veillait pas suffisamment
Nous avons dit que M. le D1' G. Laurent (de Sawic), nous avait com-
muniqué l'observation, malheureusement trop incomplète pour être pu-
bliée, d'un lieutenant de vaisseau avec lequel il avait navigué, qui était
animé de mouvements couvnisifs. à l'occasion desquels il prononçait à
haute voix et plusieurs reprises le mot merde. Dans deux autres ob-
servations que nous publierons ultérieurement, cette coprolalie est éga-
lement des plus manifestes.
183 CLINIQUE nerveuse.
à son service ; aussitôt, tout en faisant des contorsions,
S... se mit à crier : «Ah la vache, ne fait pas son service,
son service, son service » ; le tout d'une façon très brève.
S... ne se contente pas .d'être écholalique : lorsqu'il n'a
pas été frappé par un mot, par une idée qu'il peut
traduire par le langage articulé, il accompagne souvent
ses contorsions du mot 221eî,de, et cela devant n'importe
quel auditeur. Vient-il -CI être frappé par une idée, par
la vue d'une personne, aussitôt il revêt cette idée, il
parle de cette personne d'une façon ordurière ; M.X...
rentre dans la salle : « Ah le voilà ce vieux c.. de père
X..., ce vieux c.. ! » - le tout prononcé rapidement et
devant une personne pour laquelle il doit avoir, et il a
le plus grand respect. Une dame entre dans la salle :
«Ah ! la vache je la... elle doit avoir, etc. »,deux ou
trois phrases courtes et on ne peut plus ordurières,
dites avec un accompagnement de secousses muscu-
laires désordonnées, remuant les bras, se baissant et
se relevant à plusieurs reprises, levant les épaules,
renversant la tête en arrière et de côté. Ces paroles
sont émises si involontairement, qu'il lui arrive de les
prononcer devant sa mère qu'il affectionne beaucoup,
et qu'il fut obligé un jour de quitter un restaurant où
il scandalisait les habitués, par ses paroles lubriques.
Ce qui montre combien celles-ci sont involontaires,
c'est que jamais elles ne sont accompagnées de gestes
en rapport avec leur signification». Rappelons-nous
que Mme de D... émettait « ce qui n'est pas moins
embarrassant pour elle et pour les auditeurs, l'expres-
sion toute crue d'un jugement ou d'une opinion peu
favorable à quelques-unes des personnes présentes de
la société ». Quant aux auteurs étrangers, O'Brien
DE l'incoordination motrice. 183
nous dit expressément : « Le latah pousse une excla-
mation involontaire qui est toujours obscène; ce dernier
phénomène se produisant dans l'un et l'autre sexe ».
Véritablement ce caractère d'obscénité estpatlioqiion2o-
nique Outre le fait lui-même, il y a là en effet quelque
chose de tout à fait particulier. On comprend à la ri-
gueur, étant donné ce besoin extrême qui fait que, chez
tous ces malades, l'idée présente s'empare de tout
l'être, et se traduit à haute voix, on comprend, disons-
nous, qu'un garçon de dix-neuf ans (Obs. II), puisse
avoir des idées lubriques ou obscènes, et les traduire
par des paroles. Mais que, hors de tout propos, des
femmes, des jeunes filles, de jeunes garçons d'excel-
lente famille, parfaitement élevés, remplacent un cri
inarticulé par une expression obscène, il y a là quelque
chose de tout à fait spécial, et disons-le, d'entièrement
inexplicable. Et rien ne peut changer la caractéristique
de ce vocabulaire, ni les objurgations, ni les divers
stratagèmes de substitution (Obs. VIII); tout au plus, la
volonté du malade lui-même est-elle quelquefois assez
puissante pour lui faire retenir un instant les mots qui
vont échapper; et encore cette contention est-elle le
plus souvent suivie d'une explosion exagérée de mots
grossiers.
Cette coprolalie n'existe pas chez tous les sujets
de même que chez tous, l'écholalie n'existe pas ou
tout au moins n'existait pas chez tous nos malades au
moment de l'observation. Sur les neuf, dont nous pos-
sédons l'histoire, à différentes époques du développe-
ment de l'affection, ce symptôme existait cinq fois
(Obs. I, II, III, VIII, IX); (nous pourrions également
compter le lieutenant de vaisseau, cité par M. Laurent,
184 clinique nerveuse.
et deux autres observations, ce qui nous donnerait une
proportion de 8 p. 12.) Nous savons que cette copro-
lalie avait vivement frappé Trousseau; nous avons
dit qu'elle existait chez tous les malades d'O'Brien.
Aussi, bien que Beard et llammond, - ce dernier
dans son unique et très incomplète observation,
ne la mentionnent pas, serions-nous tentés de dire que
dans la grande majorité des cas, et à une époque va-
riable de la maladie, elle fera presque certainement
son apparition. La date exacte de celle-ci est assez
difficile à préciser; c'est certainement le symptôme
qui vient le dernier dans la série, et comme il s'entre-
mêle à ceux qui préexistent, il est quelquefois assez
difficile aux malades de préciser exactement la date de
son début. S'il nous était permis de nous servir des
cinq observations dans lesquelles la coprolalie exis-
tait, nous dirions que dans l'observation I, elleapparut
plusieurs armées après le commencement de la maladie;
dans l'observation II, trois ans après; dans les obser-
vations III et IX, cinq ans après; l'observation VIII
n'est pas assez précise à ce sujet. L'époque de début
de ce symptôme ne paraît donc pas être très rappro-
chée de l'époque du début de l'affection; c'est, du
reste, nous l'avons dit, le dernier en date. Insistons
encore sur ce point qui lui est commun avec l'écholalie
ou la production d'un cri inarticulé, c'est que le mot
ordurier ou obscène est toujours émis au moment de
l'acmé d'une secousse musculaire et que jamais le
geste ne souligne la signification du mot. Nous savons
encore que la pensée du malade peut prendre, tout au
moins quant aux mots qui la traduisent, une tournure
obscène tout à fait spéciale (Obs. II).
. DE L INCOORDINATION MOTRICE. 185
Quant à l'état physique, moral et mental des malades,
lorsque la maladie est complètement constituée, nous
ne saurions mieux faire que répéter ce que nousavons
dit en traitant de la première période, il est excellent
sous tous les rapports, sauf bien entendu à tenir compte
des inconvénients que peut créer un état aussi anormal.
§111.
La marche de cette affection, ainsi qu'on a pu en
juger en suivant la description que nous avons don-
née, est tout à fait lente et insidieuse. Son début est
obscur; peu à peu les symptômes se déroulent à diverses
dates d'apparition, le tout, suivant une marche assez
régulière. Cependant, en faisant l'histoire particulière
de chaque symptôme , nous avons dit qu'il existait
pour chacun d'eux des moments d'exacerbation, va-
riables en durée et en intensité; nous aurions dû ajouter
que, tous les trois, secousses musculaires, écholalie,
coprolalie, lorsqu'ils coexistaient, s'exagéraient si-
multanément. En regard de ces exacerbations, pla-
cons les périodes de rémission ou d'accalmie. Sous
des influences mal connues et qui, tout au moins,
sont, autant que nous avons pu en juger, très varia-
bles suivant les sujets, les secousses musculaires de-
viennent moins fréquentes et moins fortes, les mots
orduriers ne sont plus prononcés qu'à de rares inter-
valles, l'écholalie peut ne plus se montrer. Mais, dans
ces intervalles, jamais la guérison n'est tout à fait
complète, radicale : la maladie sommeille, elle n'est
186 CLINIQUE NERVEUSE.
pas disparue. Toujours il reste des secousses mus-
culaires, atténuées il est vrai, mais qui sont aussi
toujours faciles à apprécier : c'est un bras qui en est
le siège; elles se localisent assez souvent dans les
muscles de la face (Obs. I, II, III, V, VII). Ces périodes
de calme peuvent du reste être assez longues (Obs. I,
un an; Obs. II, cinq mois; Obs. III, trois mois, etc.);
mais, à un moment donné, reparaît tout le cortège des
symptômes aussi accentués qu'auparavant, jusqu'au
jour où une autre période rémissionnelle vient rétablir
le calme. Est-ce donc à dire que la maladie ne peut
s'éteindre graduellement à la suite de plusieurs de ces
accalmies ? Nous ne saurions donner ici une affirma-
tion, mais s'il nous était permis de conclure d'après
nos observations, nous dirions que, pour notre part,
nous ne l'avons jamais vue complètement disparaître;
elle s'atténue, elle ne guérit pas, et encore son atté-
nuation peut bien n'être que le prélude d'une nouvelle
exacerbation. Dans l'Observation I, nous voyons
qu'elle a duré soixante-dix-huit ans et persisté jusqu'à
la mort de la malade; dans les autres cas, en cours
d'observation, elle dure depuis quatre ans, Obs. II;
Obs. III, V, VI, VIII, six ans; Obs. VII, quatorze ans;
Obs. IV, seize ans; Obs. IX, neuf ans.
Quant aux auteurs étrangers, bien que la nature et
l'étendue de leurs travaux ne soient pas telles qu'elles
nous permettent de conclure expressément dans le sens
de l'incurabilité, nous dirons néanmoins que la des-
cription qu'ils donnent de l'affection chez les gens
âgés, alors qu'ils nous disent qu'elle peut débuter chez
les jeunes enfants, nous engage à conclure dans le sens
même qui se dégage de nos propres observations.
DE l'incoordination MOTRICE. 187
Beard cependant est assez affirmatif au sujet de la
chronicité indéterminée, car il nous dit : « La possibilité
de l'excitation est permanente et persistante : une fois
que l'habitude du «jumping » est acquise, le sujet dont
la susceptibilité varie suivant le moment est toujours
capable de produire ces mêmes phénomènes avec une
intensité plus ou moins grande : une fois sauteur, on
est toujours sauteur, dit le pronostic. » Nous n'excep-
terions peut-être de cet ostracisme que les sujets chez
lesquels la maladie est encore bornée aux simples
tics de la face ou à des incoordinations, à des secousses
musculaires partielles, si tant est qu'on puisse considé-
rer l'affection comme constituée à cette période; mais,
lorsqu'à l'incoordination se sont jointes l'écholalie et
la coprolalie, nous croyons être dans le vrai en con-
cluant à l'incurabilité.
§ IV.
Nous croyons qu'il est maintenant nécessaire, avant
d'établir le diagnostic, le pronostic et le traitement de
l'affection que nous venons de décrire, de comparer
ses symptômes, tous puisés dans nos propres observa-
tions, avec ceux que les auteurs étrangers ont attribué
à diverses maladies connues dans divers pays sous les
noms bizarres de junzpimg; latah ; myriachit '. On se
rappelle qu'au début de cette étude nous avons supposé
que les observations dont nous allons désormais parler
1 V. Archives de Neurologie, juillet 1881, p. 68-75.
188 CLINIQUE NERVEUSE.
avaient trait à l'affection que nous décrivions : il nous
faut maintenant donner la preuve de ce que nous avons
avancé. Rappelons d'abord quelques-uns de ses symp-
tômes fondamentaux : 10- cette affection est héréditaire;
elle se caractérise par une incoordination motrice sous
forme de secousses musculaires brusques, affectant
divers muscles, produisant des mouvements variés et
assez souvent ceux qui produisent le saut; 2° cette
incoordination peut s'accompagner de l'émission de
sons inarticulés ou articulés : dans ce dernier cas, ceux-
ci sont représentés par des mots qui ne sont fréquem-
ment que la répétition de mots semblables prononcés
auprès du malade. Cette imitation vocale (écholalie)
peut avoir pour corollaire une imitation physique de
l'acte ou du geste que le sujet voit accomplir devant
lui ; 3° parmi les expressions que le malade peut répé-
ter au moment d'une convulsion, il en est qui revêtent
un caractère tout spécial , celui de ! 'oee/7e (col)ï,o-
lalie); 4° l'état physique et mental des sujets est en
pleine intégrité; la maladie semble incurable, elle
débute chez les sujets jeunes et les accompagne pen-
dant toute leur existence.
Nous passons sous silence les observations de Trous-
seau, qui ne constituent pas un ensemble suffisant pour
mériter l'analyse et nous arrivons au travail de Beard',
qui porte un titre caractéristique : « Les Sauteurs du
Maine ». Il est facile de retrouver, dans cette notice im-
portante, quoiqu'incomplète (l'auteur n'ayant pu obser-
ver les malades que pendant quelques jours, à l'occa-
sion d'un voyage) des caractères se rapprochant assez
1 Archives le Neurologie, loc. cil., 1889, p. 146-151 .
DE L INCOORDINATION MOTRICE. 189
particulièrement de ceux que nous avons énoncés pour
ne pas laisser de doutes sur l'identitédes deux affections.
1° « Cette affection est aussi héréditaire que la folie
ou l'épilepsie, nous dit l'auteur américain : dans la
famille où j'expérimentais, il y avait quatre sauteurs
(lunzhers) : le père, le fils et deux petits-fils âgés de
quatre et sept ans. Dans une autre, trois frères étaient
atteints. Chez tous, l'incoordination motrice était des
plus évidente et affectait spécialement la forme du
saut. » 2° L'écholalie et l'imitation du geste ou de
l'acte n'étaient pas moins appréciables : « Peu importait
la langue employée dit-il : le sauteur, répétait aussi bien
du grec que du latin, pourvu que l'ordre fût donné
bref et sec et en quelques mots. » 3° La coprolalie
n'esl pas meutionnée-4° « Psychiquement ces sauteurs
sont modestes, tranquilles et soucieux de leur dignité :
ils sont intelligents. » Leur état physique est satisfai-
sant : l'affection semble incurable et débuter de bonne
heure.
Tous les caractères fondamentaux sont là au grand
complet, sauf toutefois la coprolalie, qui peut-être n'exis-
tait pas chez les malades examinés par Beard, bien que
cet auteur dise en avoir observé plus de cinquante.
Beard en outre, nenous parle pas des femmes qui, nous
le savons, peuvent, comme les hommes, être affectées.
Malgré cela, nous croyons que nous devons et de suite
conclure à l'identité des deux affections. Signalons,
pour y insister, le fait que les sauteurs exécutaient
avec rapidité l'ordre qu'on leur donnait-celui-ci leur
fût-il préjudiciable en le répétant à haute voix.
La seconde notice, dans laquelle nous voyons rap-
portés des symptômes très analogues à ceux que nous
190 CLINIQUE NERVEUSE.
avons décrits est due à M. O'Brien, un bon observateur,
mais qui n'est pas médecin. Le jumping américain est
devenu le la/ah de la Malaisie; c'est dans ce pays que
l'auteur a expérimenté'. Disons que toutes ses observa-
tions peuvent ne pas être concluantes, car M. O'Brien
nous avertit lui-même que l'acception malaise du mot
latali est très large : « elle englobe toutes les personnes
d'une organisation nerveuse particulière, depuis ceux
qui, par leur constitution mentale, paraissent absolument
subordonnés à la volonté d'autrui jusqu'aux personnes
qui sont d'une nature plus on moins excitable. » Don-
nons un résumé de ce mémoire où la méthode médi-
cale n'a pas présidé à la classification des faits. Classe A :
« Le Icitah est sous le coup d'une impulsion irrésistible
qui le porte à s'élancer de suite sur l'objet le plus proche
animé ou inanimé; puis, à ce moment, il pousse une
exclamation involontaire, qui est toujours obscène; ce
dernier phénomène se produisant toujours dans l'un et
l'autre sexes. »
« Classe C : « Cette classe comprend les individus
qui, sans y être sollicités, imitent les mots, sons ou gestes
de ceux qui les entourent, tout en paraissant jouir d'un
état mental parfaitement régulier dans l'intervalle de
ces accès. Cette propension à l'imitation est souvent
combinée avec les autres phénomènes caractéristiques
du latah, mais, dans beaucoup de cas, elle existe
seule. »
Il est inutile d'insister plus longtemps : l'analogie
nous paraît ici également évidente; elle ressort encore
1 V. Archives de Neurologie, loc. cit., juillet 1884. Jumping, Latah, My-
riacliit, p. 68-75.
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 191 I
mieux de la lecture du mémoire de M. O'Brien, dont
nous ne pouvons donner que des extraits.
Enfin, en troisième lieu, nous citerons l'observation
que M. Hammond ' (de New-York) a récemment pu-
bliée, d'après le récit que lui en avaient fait des olli-
ciers de la flotte américaine, récit que cet auteur fait
suivre de quelques réflexions. Nous l'aurions classée
immédiatement dans le même groupe que les observa-
tions de Beard et de O'Brien, si M. Hammoud lui-même
n'avait eu soin d'intituler son travail : « Nouvelle ma-
ladie du système nerveux ».
Bien que cette observation soit très incomplète et
qu'elle ait été recueillie par des personnes étrangères à la
médecine nous pouvons dire cependant en toute sécu-
rité qu'il s'agit là d'un cas tout à fait analogue à ceux
des précédents auteurs et aux nôtres. « Le malade (un
pilote) y est-il dit, semblait affecté d'une maladie men-
tale ou nerveuse qui l'obligeait à imiter tous les gestes
qui venaient frapper ses sens. Si le capitaine donnait
brusquement en sa présence un coup sur son côté, le
pilote répétait ce coup de la même manière et sur le
même côté : si un bruit se produisait inopinément ou
avec intention, le pilote semblait forcé, contre sa vo-
lonté, de l'imiter avec une grande exactitude. Les pas-
sagers, par malice, se mirent à imiter le grognement
du porc ou d'autres cris bizarres; d'autres battaient des
mains, sautaient, jetaient leurs chapeaux sur le pont,
et le pauvre pilotte imitait tous ces gestes avec précision
' NI. Hammond a publié sa note dans la illediciiia contemporanea (de
Naples', mars 1884, p. 126-130. Cette note a été suivie d'une analyse do
M. Vizzioli, dans le Giornale (li Neuropalologia (Naples, anno 2,fasc. 1,
p. 42-54), dans laquelle celui-ci a soutenu l'identité avec le jumping de
Beard.
192 CLINIQUE NERVEUSE.
autant de fois qu'on les répétait... 'C'était un homme
de moyenne taille, de bonne mine, plutôt intelligent,
si on jugeait par l'expression de son visage. Comme
nous quittions la rive pour nous embarquer sur le ba-
teau à vapeur, un de nos hommes poussa un cri et jeta
son béret à terre. Observant le pilote, nous le vîmes
également jeter son béret avec force sur une barrique
qui servait au ravitaillement de l'équipage.
« Nous fûmes témoins plus tard d'un incident qui nous
prouva jusqu'où s'étendait son irresponsabilité. Le capi-
taine du bateau tout en battant des mains buta acciden-
tellement et tomba pesamment sur le pont. Le pilote,
sans avoir été touché par le capitaine, se mit à battre
des mains et, voulant l'imiter jusqu'au bout, tomba
précisément delà même manière et de la même façon. »
En lisant celte observation sans idée préconçue, il
est évident qu'elle répond tout à fait aux cas de Beard;
qu'elle reproduit presqu'exactement un cas d'O'Brien
(Classe C) dans laquelle il s'agit également d'un matelot
et, par conséquent, que le jumping, le Lata7a et le
mgriaclail sont analogues à l'affection que nous avons
observée et décrite. Nous concluerons donc que cette
affection existe dans beaucoup de pays et que, n'ayant
pas encore été l'objet d'un travail d'ensemble, les cas
qui s'y rapportent, ainsi qu'il arrive toujours apparaî-
tront désormais plus nombreux à mesure qu'on aura
mieux appris à les connaître.
Non seulement elle existe dans l'Etal du Maine où
observait Beard, mais encore dans le nord du AIichiSan.
Ace propos, cet observateur nous dit qu'elle sévit dans
ces pays particulièrement sur les individus d'origine
française vivant ensemble dans les bois, où ils exercent
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. - 193
la profession de bûcheron. N'y aurait-il pas là un de
ces exemples d'hérédité nerveuse analogue, par suite
des mariages consanguins, à celui qui nous est offert
par la race juive ? M. O'Brien a observé en Malaisie,
mais cet état, fréquent chez les Malais, l'est éga-
lement chez les habitants des détroits; cependant il
n'est pas spécial à ces peuplades car l'auteur a pu en
observer plusieurs cas chez les Tamils( ? ), les Bengalais,
les Sikhs et chez un Nubien de pure race. Quant au
myriachit, cette maladie est commune en Sibérie, et,
« le capitaine d'état-major affirma qu'il avait vu beau-
coup de cas semblables du côté de Yaliutsk, durant les
hivers extrêmement froids qu'on y observe ». Nous
même, nous avons recueilli les observations de malades
habitant en France à de grandes distances les uns des
autres. Il est évident que cette affection doit exister
dans toute l'Europe, de même qu'elle existe en Asie,
*en Afrique et en Amérique. Nous pourrions presque
l'affirmer en disant avec Beard : « J'espère que l'on dai-
gnera m'accorder quelque croyance lorsqu'on saura
que j'ai fait toucher du doigt tous ces phénomènes à
des propriétaires du Maine, à des médecins de l'en-
droit qui, après avoir convenu de la réalité, m'assurè-
rent qu'ils n'avaient jamais soupçonné que si près d'eux
se passaient des faits aussi étonnants et auxquels ils n'a-
vaient jamais prêté la moindre attention ».
§ V.
Nous serons bref sur le pronostic ; il ressort de
l'exposé que nous avons fait de la maladie. L'individu : xcmvta, t. 1\. 13
191 CLINIQUE NERVEUSE.
qu'elle atteint n'est pas menacé dans son existence; il
mourra dans un âge avancé s'il ne contracte pas d'autres
affections; mais en revanche il a bien des chances pour
conserver celle-ci toute sa vie. Et il est incontestable
que c'est là un déplorable compagnon; lorsqu'elle sur-
vient chez des enfants, elle leur donne des habitudes
de paresse, et empêche leur développement intellectuel
en supprimant le travail ou en y apportant de graves
empêchements. Il est facile, en outre, de comprendre
qu'à mesure que les malades avancent en âge, leur
situation devient de plus en plus désagréable. Mais il y
a encore ici des questions de degré ; celui qui n'a que
des secousses musculaires limitées, qui répète un mot
sans y ajouter de consonnances ordurières, n'est plus
dans les mêmes conditions physiques et morales que
celui qui est en proie à la série des symptômes au grand
complet et qui, son esprit restant toujours sain, se
rend parfaitement compte de sa pénible situation. Il
est vrai qu'il faut aussi compter les accalmies qui
peuvent être assez fréquentes. Il s'établit une sorte de
statu quo, le malade vit avec sou affection, tout en
s'en trouvant incommodé, et son entourage veut bien
ne tenir aucun compte des grossièretés qu'il peut dire,
à l'instar de ce lieutenant de vaisseau qui faisait son
service tout en proférant des mots obscènes.
Quant au diagnostic, il y a lieu d'établir ici quelques
divisions d'après les diverses périodes par lesquelles
passe l'affection :
1" cas. L'individu n'est affecté que d'incoordination
motrice, de secousses musculaires ; la maladie se consti-
tuera probablement dans un laps de temps plus ou
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 195
moins long, mais en ce moment elle ne se traduit que
par ce seul symptôme. Avec quelle autre affection
pourrait-on la confondre ?
Il en est une qui s'impose de suite, et dont la diffé-
renciation présente parfois des difficultés assez consi-
dérables; nous voulons parler de la chorée, surtout
lorsque notre affection a débuté, ce qui est le cas le
plus fréquent chez un enfant. Cependant, un observa-
teur attentif ne s'y trompera pas longtemps; l'incoor-
dination motrice de la chorée ne ressemble pas aux
secousses musculaires qui agitent nos malades. Alors
que le choréique a des mouvements assez lents, que
les doigts se tordent, que la bouche se dévie, le tout
successivement, lentement et pendant une période assez
longue, nos malades ont des secousses brusques, des
décharges musculaires. Beard l'avait bien dit : « Ces
manifestations ont un caractère instantané. De plus,
après avoir sauté, crié, ou s'être livré à d'autres actes
de même nature, le sauteur revient aussitôt à l'état
normal. Son explosion, comme celle du revolver, pour
ainsi dire, est soudaine, et comme un revolver aussi,
le sauteur est tout prêt pour une nouvelle explosion
sous l'influence d'une excitation appropriée. Si nous
examinons un sauteur, cinq secondes après le jumping,
nous ne trouvons chez lui aucun signe, aucune indi-
cation de ce qu'il vient défaire, et rien ne nous annonce
ce qu'il est à même d'exécuter ». Ce ne sont certaine-
ment pas là les caractères de la chorée vraie, de la
chorée de SJden7aanz. De plus, si l'on dit à un choréi-
que de porter un verre à sa bouche, il ne le pourra
faire sans répandre le liquide par terre ; si par hasard
notre malade a une secousse, il jettera son verre au
196 CLINIQUE NERVEUSE.
loin, mais il faut que cette secousse apparaisse à ce
moment précis, et nous avons vu dans nos observa-
tions qu'une grande contention d'esprit ce qui est
le contraire pour le choréique, pouvait momenta-
nément suspendre ses convulsions. Et encore, ne
pourrait-on guère confondre les deux affections que
lorsque la chorée passe à l'état chronique, puisque
celle que nous avons décrite est chronique d'em-
blée. Jamais, en outre, elle ne présente ces-épiplié-
nomènes aigus . que l'on observe dans la chorée;
jamais les malades ne sont confinés au lit par la vio-
lence des mouvements. Enfin, jamais on ne voit appa-
raître ces paralysies qui surviennent assez souvent dans
la chorée \
Avant d'aller plus loin, nous voulons dire un mot
d'une variété d'incoordination limitée aux muscles de
la face, à marche chronique et qui, par opposition à la
névralgie de la cinquième paire, a reçu lenom de linon
douloureux de la face. Etant donné que, de même que
chez nos malades, pendant les périodes de début ou
d'accalmie, l'incoordination semble parfois assez bien
se limiter aux muscles de cette région, il nous semble
utile de chercher préciser les différences. Il est incon-
testable qu'il existe des convulsions limitées aux muscles
innervés par le facial, soit partielles, soit généralisées %
qu'on peut dans beaucoup de cas rattacher à leur vé-
ritable cause : névralgie faciale antérieure, trauma-
tisme, voire même hystérie; de celles-ci, nous ne dirons
rien. Mais il en est d'autres qui peuvent exister iudé-
1 V. Ollive. Des paralysies chez les choréiques. Thèse, Paris, 1884, p. 37.
2 Consulter le mémoire de François. Essai sur les convulsions idiopa-
tiques de la face. Bruxelles, 180.
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 197 Ï
pendamment d'une cause connue, et même coexister
chez différents membres d'une même famille; c'est
alors que les difficultés peuvent devenir considérables.
Toutefois, si l'on veut admettre le tic non douloureux
de la face, comme une entité morbide définie, il n'est
pas moins vrai que sa limitation exacte aux muscles
innervés par le facial et sa localisation constante per-
mettront d'éviter l'erreur, car, dans l'affection que
nous avons décrite, les secousses musculaires, si elles
se cantonnent parfois dans le domaine de ce nerf, ne
tardent pas, tout au moins pour un certain temps, à
se généraliser. Enfin, il ne nous répugnerait pas d'ad-
mettre que, dans certains cas, ces tics non douloureux
de la face constituent peut-être une première étape
dans l'évolution de notre maladie, et que cette étape
peut ne pas être franchie, ainsi que nous le voyons
dans l'observation VIII, qui a trait à une jeune fille
dont le père avait un tic non douloureux de la face, et
qui elle-même présentait les symptômes de notre affec-
tion au grand complet.
2e cas. A l'incoordination motrice viennent se joindre
des cris inarticulés .
A cette seconde période, le diagnostic devient déjà
sensiblement plus facile, quoique nous ne possédions
pas encore de véritable symptôme pathognomonique.
A l'occasion d'une secousse musculaire, au moment de
l'acmé d'une convulsion, le malade pousse un cri inar-
ticulé ; le diagnostic, dans ce cas, est-il éclairé par ce
nouveau symptôme ?
Nous nous retrouvons ici en présence de la chorée ;
dans celle-ci, les divers muscles phonateurs ou res-
198 CLINIQUE NERVEUSE.
pirateurs peuvent être affectés , et produire un son
glottique particulier. Mais, de même qu'il peut exister,
dans la chorée de Sydenham, des contractions des
muscles de la face ou des membres, indépendantes
les unes des autres, de même ces convulsions de la
chorée dite diaphragmatique , peuvent exister seules.
Dans notre affection, il ne faut pas perdre cela de vue
que, chaque fois que l'émission d'un son se produit,
celle-ci coïncide toujours avec une convulsion muscu-
laire. Le malade saute, il pousse un cri; tout rentre
dans l'ordre. Il n'en est pas de même dans la chorée,
et ne tenons-nous encore pas ici compte d'une foule
de conditions contingentes qui ne permettront jamais
au diagnostic de s'égarer, s'il était possible qu'il s'é-
garât.
Nous ne dirons rien du cri initial de l'attaque
d'épilepsie ou d'hystérie; il y a là un tableau consécu-
tif si frappant, qu'y penser c'est le différencier. Il n'en
est toutefois pas de même de certains cris, de ces aboie-
ments qui surviennent en dehors des attaques chez les
hystériques, en s'accompagnant même d'incoordination
motrice. Mais, chez ces malades, il existe toujours, ou
des crises convulsives antérieures, ou des troubles de
la sensibilité, ou un rétrécissement du champ visuel,
tous phénomènes que nous n'avons jamais notés chez
nos malades. Quant aux épidémies d'aboyeurs qui ont
surtout régné au Moyen Age, outre qu'il est bien rare-
ment donné maintenant d'en constater des exemples,
même isolés, elles se caractérisaient suffisamment par
des troubles mentaux, et des actes insolites, des accès
convulsifs qui primaient de beaucoup les phénomènes
ayant trait avec la phonation.
DE L'INCOORDINATION MOTRICE. 199
3« cas. A l'incoordination motrice, aux cris inarticulés,
se joint l'émission de mots articulés avec écholalie et
coprolalie.
A partir de cette période, le diagnostic s'établit pour
ainsi dire de lui-même. A l'occasion d'une secousse, le
malade prononce un mot; celui-ci peut n'être que la
répétition d'un mot qu'il vient d'entendre; autrement,
il a un caractère obscène. Il n'existe pas, croyons-nous,
d'affection présentant cet ensemble symptornatique si
spécial. Nous savons bien que, pendant la phase som-
nambulique de l'hypnotisme, le sujet peut être échola-
lique, mais quelle différence d'état ! et même, si cette
écholalie persiste par suggestion après le réveil ouest
l'incoordination motrice ?
Certains aphasiques peuvent prononcer et à satiété
des mots grossiers et toujours les mêmes. Trousseau
cite le cas d'une dame qui offrait un fauteuil à ses
invités en leur disant : « Cochon, animal, fichue
bête ». Mais, ajoute-t-il, bien que les actes de cette
dame parussent d'ailleurs fort sensés, elle ne sem-
blait pas s'impatienter ni comprendre le sens des
injures qu'elle proférait ». Enfin, ces mots formaient
tout son vocabulaire. Il n'est pas besoin, croyons-
nous, d'insister davantage : les aphasiques eussent-ils
même de l'hémichorée ou de l'athétose ?
Le traitement de cette singulière affection, ou tout
au moins son traitement radical est encore à instituer.
On peut, en effet, en lisantnos observations, remarquer
combien de procédés curatifs ont été infructueusement
tentés; tous les sédatifs du système nerveux ont échoué.
Une seule méthode a paru amender les symptômes et
200 CLINIQUE NERVEUSE.
amener ces périodes de rémission si favorables : l'isole-
ment, combiné avec les reconstituants de toutes
sortes, préparations de fer, hydrothérapie . Les malades
ont également paru se trouver bien de l'emploi pro-
longé de l'électricité statique combinée avec l'hydrothé-
rapie et l'isolement, mais ce ne sont là que des adju-
vants ; peut-être peuvent-ils retarder l'évolution de
la maladie, surtout lorsque les malades sont traités de
bonne heure. Toutefois, nous ne saurions conclure à
ce sujet ; et nous craignons bien que la prédiction de
Beard : « Une fois sauteur, toujours sauteur », ne
reçoive ultérieurement de nouvelles confirmations.
Quant à la nature intime de l'affection, que dire en
l'absence de toute donnée anatomo-palhologique ? On
pourrait, en s'aidant des ressources delà psychologie,
essayer d'interpréter quelques symptômes, nous préfé-
rons, pour notre part, renvoyer ceux qui voudraient
tenter cette interprétation au livre si intéressant de
M. Ribot, sur les maladies de la voloiité
1 Th. Ribot. Les maladies de la volonté. Paris, 1883. Voir plus par-
ticulièrement l'Introduction et le chapitre Il.
TI ;1.<1P1'UTIQUE
DE L'EMPLOI DU CURARE DANS LE TRAITEMENT
DE L'ÉPILEPSIE1;
Par BOURNEVILLE et P. BRICON.
II. ADMINISTRATION ET DOSES.
La plus grande incertitude régnant sur la nature et la pro-
venance du curare, il est de toute nécessité d'essayer celui que
l'on se propose d'administrer. Il y a donc à rechercher : 1° si la
substance est réellement du curare; 2° quelle est l'activité de
ce curare '. Les échantillons de curare ne sont jamais parfai-
tement semblables ; les plus actifs ne donnent la mort à un
lapin ordinaire (de 4 à 5 livres) qu'à la dose de 4 milligr. ;
chez quelques-uns il faudrait donner 2, 3 et même centigr.
pour arriver au même résultat. 5 milligr. d'un curare
donné étant la dose limite pour un lapin de 2 kilogr. 500, un
individu de 50 livres aurait pour dose limiteenviron 5 centigr.,
un de 50 kilogr. le double et de 75 kilogr., 15 centigr ? On
obtient expérimentalement la dose limite en injectant sur un
lapin des doses progressives de curare, jusqu'à ce qu'il meure;
l'avant-dernière dose injectée sera la dose limite.
Le curare que nous avons employé pour notre solution de
8 p. 100 ayant amené la mort d'un lapin de 3 kilogr. à la
dose de 4 milligr., la dose limite était donc pour cet
animal de 23 milligr., soit de 36 centigr. pour un adulte
de 60 kilogr.
1 Voir page 43.
2 Voir A ce sujet l'excellente thèse de M. Jousset de Bellesme : De la
méthode hypodermique ; de la pratique des injections sous-cutanées .
Pans, 1865.
3 Jousset de Bellcsme, loc. cil., p. 72.
202 THÉRAPEUTIQUE.
La solution injectée par nous à Bicètre était ainsi for-
mulée :
DU CURARE DANS L'HPILEPSIE. 203
dose limite fournie par l'expérimentation. Sur ce point, nous
n'avons pas d'autre renseignement que celui qui nous est
fourni par M. Rosenthal. « Dans une de mes observations',
dit-il, après une injection de 0.01, il y eut des symptômes
d'intoxication consistant en nausées, vertiges, rougeur de la
face, battements doulouroux des tempes, abattement général,
accélération du pouls et soif vive ; par l'analyse chimique des
urines, on y trouva du sucre. Ces accidents disparurent par
le repos et un traitement simple. »
IV. EXPOSE DES FAITS.
Nous présenterons d'abord trois observations qui nous ont
paru intéressantes au divers titres, puis nous donnerons un ré-
sumé des observations des dix-huit autres malades soumis au
traitement par les injections hypodermiques de curare.
Observation XV. Grand'père paternel alcoolique et cancéreux.
G)'<M ! d'pc)'6 maternel alcoolique. Mère migraineuse. Deux
soeurs mortes de méningite.
Vertiges ci six ans. Accès deux mois plus tard. Retard de
la parole, de la marche, de la propreté. Teigne. Chute du
rectum. Traitement par le bromure de potassium (insuccès),
puis par l'hydrothérapie (insuccès); retour partiel de l'intelligence.
Chute, plaie frontale. Augmentation des accès. Description
d'unaccès. Déchéance intellectuelle (méningo-cncéphalite). Trai-
tement par les injections hypodermiques de curare. Insuccès.
Mul... (AlberL), né le f ? avril 1873, est entré à Bic3trc le 19 avril
1sus(1 (service de At. BouwrwLLH.).
Renseignements fournis par sa mère (28 avril 1881). P'c, qua-
rante-deux ans, bien portant, élteronnier-sellier, brun, assez in-
tetnpent, ne fait pas d'excès de boisson habituels; n'a jamais eu
de migraines, ni d'affections de la peau, etc.; marié depuis qua-
torze ans, « c'est un bon mari ». [Père, éperonnier, mort en )8' ! 2,
à t'age de soixante-deux ans. d'un cancer du pylore, faisaitquelque
excès de boisson. Mûre, morte en 1Spl, écrasée par une voiture;
n'a jamais eu d'attaques de nerfs. Pas d'aliénés, ni de paralytiques,
ni d'apoplectiques, m d'épileptiques; pas de difformes, ni de sui-
cides ou de criminels dans la famille.]
Mère, trente-cinq ans, journalière, femme de ménage, après
' Rosehtltal. - Loc. cit. (11'ieran. nzed, Presse, n" 6, 1867.)
304 THÉRAPEUTIQUE.
avoir été marchande des quatre saisons à Montargis; bien por-
tante, assez intelligente; est sujette à des migraines une fois ou
deux par mois, sans coïncidence avec les règles (céphalalgie fron-
tale, vomissements, etc.); elle n'a jamais eu de maladies de peau
ni fait de maladies graves. [Père, jardinier, faisait quelques excès
de boisson, n'a eu ni migraines, ni maladies nerveuses ; mort à la
suite d'un coup de pied dans le ventre; il avait été opéré quelques
années auparavant d'une hernie étranglée. Mère, bien portante
sobre, ni migraineuse, ni nerveuse. Deux frères, l'un mort
jeune, on ne sait de quoi ; l'autre, en bonne santé, a deux enfants
ceux-ci, n'ont jamais eu de convulsions. Cinq scetzns, dont
deux mortes jeunes de cause inconnue; les autres sont bien por-
tantes ; une a eu un enfant qui n'a pas eu de convulsions. Pas
d'aliénés, etc.] Pas de consanguinité.
Huit enfants : 1° garçon, quinze ans, bien portant, intelligent,
2° garçon, mort à dix-sept mois d'une méningite; 31 garçon, onze
ans, intelligent, bien portant : 4° fille, dix ans, intelligente, bien
portante; H" notre malade; 6° fille, six ans et demi, bien portante,
va à l'école; 7° fille, morte à dix-huit mois d'une méningite après
trois mois de maladie; 8° garçon, vingt-trois mois, santé excel-
lente. Ils ont tous été élevés au sein par leur mère; aucun n'a eu
de convulsions.
Notre malade. Grossesse moins bonne que les autres. La
mère venait à peine de sevrer quand elle est devenue enceinte; au
troisième ou quatrième mois, alors qu'elle doutait encore de sa
grossesse, elle a eu une grande peur occasionnée par un vent vio-
lent qui a failli l'enlever. Sous le coup de cette peur, elle sentit
remuer l'enfant pour la première fois; à partir de ce moment,
durant toute la grossesse, elle fut très impressionnable : si l'on
frappait à sa porte, « elle deveiiaitverte », etse cachait. En dehors
de cette impressionnabilité contrelaquelle elle luttait, la grossesse
fut bonne. Accouchement, à terme, naturel. 1.'etifiint, élevé au
sein par qa mère jusqu'à un an (pas de convulsions), a marché
à vingt mois (les autres enfants ont marché au plus tard à qua-
torze ou quinze mois); il a parlé à quatre ans mais mal (les autres
enfants ont parlé vers dix-huit mois, et à deux ans, ils parlaient
bien). Il ne fut propre qu'à trois ans (ses frères el soeurs ont été
propres de bonne heure). Jusqu'à l'âge de quatre ans, il eut en
dehors des besoins de défécation, une chute du rectum qu'on lui
rentrait faci'ement. Dès qu'il est devenu propre et sut tout dès
qu'il a marché, la chute du rectum a diminué.
lllul... a été difficile à élever; pendant longtemps, il n'aimait
que le pain, les liaricots, les pommes de terre et le laitage sucré.
11 paraissait néanmoins intelligent, comprenait ce qu'on lui disait,
essayait de se rendre utile. Il est allé à l'école où il apprenait bien.
DU CURARE DANS LEI'ILEL'SIE. 205
Avantde s'endormir il s'amusait à lire, à compter, puis « il balan-
etzil sa tète en la roulant sur l'oreiller, il aurait toujours eu cette ha-
bitude, il ne s'endormait pas sans se bercer ». Pas d'autres tics,
pas d'habitudes de succion ; il mangeait et s'habillait seul, cirait
ses souliers, faisait les commissions, etc. Pendant un an, vers trois
ans, croûtes persistantes du cuir chevelu; en 1880, glandes cervi-
cales non abcédées, conjonctivite légère, pas d'otite, etc., pas de
fièvres éruptives. '
Jusqu'en décembre 4S9, llul... ne présenta aucune affection
nerveuse. A cette époque, on constata les accidents suivants : Il
avait une convulsion de la face, on croyait « qu'il riait sans
bruit », en trois ou quatre secondesc'étaitlini. (Vertiges). Unjour
en marchant tenu à la main par son père, celui-ci sentit que
l'enfant serrait plus fortement, et s'arrêtait; il vit sa face convul-
sée ; durée : deux à trois secondes. Vers la fin de janvier 1880,
Mut... eut des accès, d'abord assez légers et assez éloignés, il est
resté trois semaines sans en avoir; les vertiges persistaient et ve-
naient environ tous les deux jours par série de trois ou quatre;
on lui donna du bromure de potassium; à partir du 12 avril, les
accès se montrèrent tous les jours, leur maximum a été de sept
en vingt-quatre heures; ses parents se sont alors décidés à le pla-
cer. Mené à la préfecture, l'enfant a beaucoup pleuré; il a même
sangloté quand il s'est vu à l'infirmerie du dépôt, où il n'est
d'ailleurs resté que quelques heures.
Accès. Aura; à l'origine, il disait : « Voilà que cela me prend, »
il accusait une douleur dans le ventre et à la tête dont il ne s'é-
tait jamais plaint auparavant. Il criait en tombant et ne se bles-
sait jamais, il n'urinait pas sous lui et il n'écumait pas. On ne sait
s'il se mordait, mais un assure qu'il n'avait pas à la maison la lèvre
supérieure aussi grosse, elle était régulière, ce n'est que depuis les
accès qu'elle a grossi. Les convulsions prédomineraient à droite;
après les crises, on a remarqué qu'il se tenait moins bien sur la
jambe droite et qu'il se servait moins bien du bras droit. Depuis
le début des accès, il mange moins; l'an dernier, il était presque
vorace. On ne sait à quoi attribuer sa maladie; pas de chutes;
pas de vers, pas d'onanisme, pas de vision colorée; on ignore s'il
a eu peur. Il n'aurait plus de vertiges. Les accès sont diurnes et
nocturnes.
L'enfant est très caressant, très affectueux pour ses parents, ses
frères et ses soeurs dont il n'était pas jaloux. 1,'iii tell igeilec a
beaucoup diminué depuis quatre mois et même depuis une
quinzaine de jours; il a reconnu ses père et mère, mais ne leur
a pas parlé (avi il 1881).
Etal actuel (21 avril 1880). Tète : crâne petit, régulier, la partie
postérieure est notablement plus développée; méplat à la partie
206 THÉRAPEUTIQUE.
supérieure de l'occipital; sillon transversal au niveau de la fon-
tanelle antérieure.
DU CURARE DANS LÉI'1LHPS1G. 207
La)'Mp ! M<<o) ! ,lac< ? 'ctf(to ? latct0riCprésententaucune
anomalie.
Sensibilité générale et spéciale, normale. - Le phénomène du
tendon est assez marqué des deux côtés, mais plus à gauche.
L'intelligence est en partie conservée ; l'enfant connaît la date
du jour, le nom du mois, son â;ze, etc., il ne se rappelle pas la
date de son entrée '. Le sommeil est lion. Le dynamomètre donne
à gauche 38, à droite, 40.
Description d'un accès. Pas d'aura. Petits cris initiaux. lié-
riode ionique : face à droite, yeux tournés en haut et à droite; pau-
pières ouvertes ou demi-closes, pupilles très dilatées, cou rigide
dans l'extension, bras droit dans l'extension, main fermée pouce
en dedans, bras gauche en denii-ilexion, doigts écartés, le pouce
tantôt dans l'extension, tantôttléchi dans la paume de la main,
les autres doigts fléchis. Membres inférieurs dans l'extension in-
complète ; pied gauche en 2urets équin, plus accusé qu'à droite,
bien que ce soit à droite que la rigidité prédomine. Période téta-
niforme : la face devient de plus en plus rouge; convulsions téta-
nitbrmes de la face à droite, puis dans les quatre membres, avec
légère prédominance adroite. Période clonique : peu accentuée;
quelques secousses dans les membres surtoutdans la jambe droite;
pâleurde la face très prononcée. Pasde stertor, pasd'écume (ou
parfois légère écume). L'enfant revient de suite à lui, sourit; mic-
tion involontaire inconstante. Durée totale : une minute.
Dans d'autres accès; pas de cri ou d'autres fois cri, un peu sourd
et prolongé, chute en arrière. Quelquefois en revenant à lui, il
se frotte la figure de la main gauche et se réveille peu à peu
(Xà6 6 minutes). Parfois, il pleure après ses accès.
4880. 2G avril. L'enfant a eu dans la nuit du 24 au 25, 13 accès;
dans la journée d'hier 10 accès; dans la nuit 19 accès et 11 accès
ce matin jusqu'à 10 heures et demie. - Soir : T. B. (-25 avril)
3U°. -G avril, matin : 39°,4.- Soir : T. 37',8; P. 124; R. 36.
Pommettes colorées, assoupissement ; pupilles normales.
15 grammes d'huile de ricin avec 1 goutte d'huile de croton.
Lavement, sulfate de quinine, 50 centigr. Pas d'accès de midi
à 8 heures du soir.
27 avril. 26 accès dans la nuit ; ce matin de 7 à 8 heures 10
de 8 heures à 10 heures et demie, pas d'accès. T. R. matin, 39°.
L'enfant est éveillé, P. 96. Pas de vomissements, langue humide,
selles abondantes; il a gâté.
30 avril. Pas d'accès depuis le 25. Julep avec 2 grammes de
bromure de )ot(fM'tMM. 5 mai : 3 grammes. 10 mai : 4 grammes.
1 Depuis cette époque l'intelligence a considérablement diminué (Voir
jauger 185).
208 THÉRAPEUTIQUE.
15 mai b grammes. 20 mai, 6 grammes.- 1 Il mai : Chute
du rectum facilement réductible.
6 mtti. - f.ecture : sait ses lettres; écriture : fait des bâtons;
calcul : connaît les chiffres. - Parait avoir peu de mémoire ;
parle difficilement. Gymnastique : ne fait que les mouvements.
Traitement : Bromure de potassium avec sirop de diacode.
24 juin. Travaille très peu; accès fréquents; somnolence; de
moins en moins intelligent. Purgatif; suspension du bromure de
potassium les 26 et 27. A partir du 28 juin, % grammes de bro-
mure de potassium; du 1er au 5 juillet, 3 grammes avec augmen-
tation progressive tous les 5 jours d'un gramme jusqu'à 7 grammes.
3 septembre. Revacciné sans résultat le 26 août. '
4 septembre. Suspension du bromure de potassium les 5 et fi;
le 5 septembre : purgatif; le 7, bromure de potassium, 2 grammes ;
le 10, 3 grammes; augmentation progressive d'un gramme tous
les cinq jours, 2 bains salés par semaine.
25 septembre. - Progrès très sérieux en lecture seulement.
27 octobre. Emmené par sa mère en congé.
i iiovei2b ? -e. Ramené par sa mère, il a eu plusieurs accès chez
lui (2 le j,r, 5 le 2, 4 le 3, 4 le 4) ; sa mère prétend « que, quand
la lèvre supérieure devient grosse, cela indique l'approche d'un
accès ».
5 novcmLre. - Purgatif; 2 bains salés par semaine.
6 novembre. Bromure de potassium : 3 grammes le 16
novembre : 3 grammes; le 26 novembre, 4 grammes.
18 décembre. Purgatif; suspension du bromure de potassium,
le 19 et le 20.
2) décembre. Bromure de potassium : 2 grammes, etc.
1881. Il 1 juin. - 1'raitement par l'7tytlrotltérapie et le bromure
de potassium (4 grammes), jusqu'au 30 juin. Suspendre pendant
8 jours -et recommencer par deux grammes en augmentant d'un
gramme tous les )0 jours jusqu'à 10 grammes.
4 juillet. A fait assez de progrès à l'école; lit demi-couram-
ment ; est plus intelligent. Gymnastique : peu de progrès.
2 décembre. Quelques petites adénites cervicales.
't3 décembre. L'enfant est obéissant, très joueur; n'est pas
méchant; fait quelques progrès à l'école et à la gymnastique.
Suppression des douches; il prend toujours du bromure de potas-
sium ; aller jusqu'à 6 grammes.
1882. 13 janvier. Le bromure de potassium a été suspendu
le 2 janvier ; du 14 au 21 janvier : 2 grammes; augmenter d'un
gramme toutes les semaines, jusqu'à 6 grammes.
17 janvier. 15 accès de jour ; 23 de nuit. T. R. soir : 39 ?
18 janvier. T. R. matin : 39°,6.
DU CURARE DANS L ÉPILEPSIE. 200
25 féurier. - Revacciné sans succès.
1 mai. Suppression du bromure de potassium.
16 mai. Hydrothérapie.
26 octobre. L'enfant a, depuis le commencement du mois
d'août, une plaque de teigne sur la région pariétale gauche; épila-
tion. lotion de sublimé.
3 décembre. Suppression de l'hydrothérapie. Progrès peu
sensibles à l'école, etc.; mémoire faible. Malgré les douches, les
accès ont augmenté ; la nutrition s'est bien maintenue; il parait
avoir profité physiquement, les joues sont pleines et fraîches.
1883. 30 mars. Traitement par les injections hypodermiques de
curare.
12 mai. Depuis la veille au matin, 9 accès, dont deux pen-
dant la visite. Il pleure abondamment quand on le voit.
i"j'UH ? Quelques progrès à l'école; il serait taquin envers ses
camarades.
8 juin. Suppression du traitement par les injections lvypoder-
miques de curare. Hydrothérapie.
3 septembre. - Il y a siz ,jours, llful ? s'est fait en tombant au-
dessus de la queue du sourcil droit une plaie linéaire de i centim.
et demi. Depuis cette chute, accès nombreux tous les jours.
t ? octo6re ? Depuis une douzaine de jours, accès répétés (3 à 4 par
jour); le 6 octobre, des sangsues posées derrière chaque oreille
ont produit la suspension des accès pendant deux jours. Bromure
de potassium 3 grammes. Voici quelques températures durant cette
période : le 3 octobre au soir, T. li. 38-,6; le 6, T. Il. 33°.
Soir : 38°,9; -le 7, T. ){. 37°,9.-Soir : 38°,3;-le S,T. R. 3-io,6.
22 octobre. Les accès sont beaucoup moins fréquents et ne
sont plus quotidiens. Suppression du bromure de potassium.
30 novembre. S ! tppt'css ! 'OH du traitement hydrothérapique.
13 décembre. L'enfant ne fait plus de progrès à l'école; il est
devenu paresseux, taquin, malpropre.
4884. 1° ccvril r)'c[<'(t'nM) : t/t ! /f'o</t'(tptue.
12 juin. Les notes de l'école constatent que .Mul.... décline
chaque jour. Il a des accès fréquents (en mars, 197).
14 juitz. - ll entre à l'infirmerie; il fléchit sur les jambes, a
6 accès par jour et autant la nuit.
19 juin. Deux verres d'eau deSedlitz.
28 juin. -Amélioration notable; il n'y a plus que 2 accès dans
les 24 heures. Accès du mois : 222.
in juillet. Aggravation nouvelle; accès très répétés, pas d'ex-
citation maniaque, hébétude, irascibilité, affaiblissemeritphysique.
M... a de la peine a marcher à la promenade, depuis trois mois
surtout; pupilles égales, un peu dilatées. Léger frémissement de la
pointe de la langue. 11 bave beaucoup; autrefois il ne bavait que
Archives, t. IX. 14
1210 THÉRAPEUTIQUE.
dans ses accès. La parole jadis libre est traînante, pénible. Il sait
encore son âge et la date. Conjonctivite palpébrale double.
12 décembre. A la suite d'accès nombreux, l'enfant présente
une hémiplégie droite incomplète; l'épaule est tombante, il boîte;
il peut toutefois mettre le bras sur la tête. Le bassin est projeté
en arrière; il fauche de la jambe droite; cependant il peut avec
effort soulever le pied; mais, en l'absence d'effort, la pointe du
pied traîne, et c'est sur elle surtout qu'il appuie. Le rachis présente
à la région dorsale une grande concavité droite. La sensibilité
est conservée. Le malade est hébété, répond très peu et d'une
façon contradictoire. Il fait automatiquement tout ce qui lui est
commandé. Pas de céphalalgie. Le dynamomètre donne à droite :
5 et à gauche 12 et demi. T)'<M'<<'me) ! < : bromure de potassium.
988a. 1 4 janvier. Mu)... n'a pas eu d'accès depuis huit jours.
La motricité est revenue dans le côté droit. La jambe seule reste
traînante dans la marche.
17 janvier. Nouvelle aggravation. Les forces physiques dé-
croissent, M... a de la peine à tenir sa plume, à marcher lors des
promenades. La déchéance intellectuelle s'accentue, il ne peut
plus apprendre de fables comme autrefois, il sait toutefois les dé-
tails de la date; il rit sans motif. Dynamomètre à droite : 25;
à gauche : 22. Traitement : 7 grammes de bromure de potas-
sium jusqu'à la fin du mois.
DU CURARE DANS épilepsie. 211
gt3 THÉRAPEUTIQUE.
prédominent sur l'hémisphère gauche du cerveau, nous fon-
dant suri' 'hémiplégie droite transitoire notée à la fin de l'année
188'N.
Observation XVI. Père alcoolique mort de paralysie générale.
Grand*père paternel mystique, violent. Grand-oncle paternel
suicidé (délire de persécution) ; une flle de ce dernier hystérique.
Autre grand-oncle mort aliéné. Cousins aliénés.
Hpilepsie idiopathique. Accès de colère de la première en-
fance ci 1881. - Fièvre cérébrale et convulsions ci 7 ans (1876).
Premier accès en août 1881. Description (les accès. -llctllucitzn-
tions et accès de manie avant et après les accès. Séries; états
de mal. - Affaiblissement intellectuel. Pliimosis. Onanisme;
rapports sexuels. Puberté.
Crest... (Adrien), né le 15 mai 1869, est entré à Bicêtre le
20 mars 1882 (service de M. Bonncmtr.E).
Re) ! i ! C)CHC)) : e) ! <s/'OM)' ? ? spa ? 'SftMM'e()3 3 avril 1882). Pe>e,mort en
1512, à l'âge de trente-deux ans, à l'asile de Montdevergues, où il
est resté quinze mois : il disaitavoir.des millions, de grandes quan-
tités de marchandises et avoir trouvé le secret de ne pas mourait.
Il était fabricant de toiles dans le département de Vaucluse et
sous l'influence de sa maladie il s'est livré à des spéculations
malheureuses.- Marié à vingt-huit ans, déjà et depuis longtemps
il avait l'habitude de boire; parfois il buvait jusqu'à un litre d'ab-
sinthe ; avec un de ses amis il pariait à qui en boirait le plus. Il
buvait encore du Champagne et de l'eau-de-vie; enfin il fumait
beaucoup. Il était cholérique et sujet des migraines (vomissements
et saignements de nez) ; il avait « comme une espèce de dartre fa-
rineuseo erratique. Aussitôt après le mariage sa femme s'aperçut
qu'il n'était pas comme tout le monde, qu'il avait des idées ex-
traordinaires ; quatre à cinq jours plus tard, on est venu faire
une saisie, il ne s'en doutait pas : son intelligence, qui avait été
assez développée, était donc déjà atteinte. [Père, mort à soixante-
dix-huit ails ; il était « halluciné, mystique », très violent; il bat-
tait sa femme et ses filles. » Un de ses frères (grand-oncle du
malade) s'est suicidé en se jetant dans un puits; il était atteint du
délire de la persécution (ses enfants sont morts les uns de la poi-
trine, une avait des attaques de nerfs, un autre, qu'on appelait le
lutteur, ou le Taureau de Provence, à cause de sa force, a été
condamné pour vol et tentative d'incendie; reconnu aliéné, il a
été séquestré dans l'asile de Cadiilac, puis transféré à l'asile de
Mondevergnes); un autre frère, l'abbé Gabriel Cr..., est devenu
fou, a été destitué et enfermé dans un asile. Le 0'' Campagne
aurait dit à la mère du malade que, sur les livres de l'asile, il y
avait beaucoup de Cr... 7e)'c, morte toute jeune des suites de
DU CURARE DANS L'&PILEPSII ? 2)3
mauvais traitements, on ne croit pas qu'elle fut nerveuse, elle
était douce, « c'était une excellente créature ». Un oncle paternel
de notre malade, François Cres ? est mort aliéné à Montdevergnes
(il a deux fils chétifs, et une fille qui n'auraient pas d'affections
nerveuses); deux tantes maternelles s'adonnent à des pratiques
religieuses exagérées; elles n'ont pas d'enfants, on ne peut donner
d'autres détails sur elles. Il y aurait eu plusieurs paralytiques dans
la famille. Pas d'autres suicides. Une Cr..., à un degré de parenté
que l'on ne peut préciser, « avait la figure tournée de coté»; le
père de celle-ci s'était remarié à soixante ans « avec sa servante
qui faisait la noce » ; les deux fils de ce même Cres.. ont été
arrêtés comme incendiaires et enfermés plusieurs fois dans des
asiles 1.]
Mère, trente ans, châtaine, de physionomie agréable, modiste
chez elle, « parce que mon mari m'a laissé dans la peine »; elle
est bien portante, n'est sujette ni aux migraines ni aux attaques
nerveuses, elle est peu impressionnable, a eu beaucoup d'ennuis
avec son mari. Jamais de maladie de peau.[Pe;'e, mort de
vieillesse, à soixante-dix-huit ans, « s'était remarié et ne s'est
jamais occupé de moi; il m'avait placée au couvent où mon mari
m'a prise parce que j'étais orpheline ». Mère, morte en cou-
ches « quand je suis venue au monde, dit-on ». Ni frère, ni soeur.
mon père était Suisse, ma mère Espagnole et je ne puis pas
donner d'autres renseignements sur ma famille.] - Pas de con-
sanguinité.
Six enfants dont quatre du père du malade : 10 notre malade ;
2° garçon, douze ans, né dix mois après le premier, est délicat,
a eu des bronchites; deux fois on l'a renvoyé de pension parce
qu'il avait des convulsions, il est moins intelligent que notre ma-
lade ; 3° garçon, mort d'une fièvre cérébrale avec convulsions con-
sécutives à une chute ; - il avait une taie ( ? ) sur l'oeil à la nais-
sauce, de même que l'enfant précédent; après la naissance de
ce troisième enfant, le père ayant déjà été enfermé à l'asile de
Montdevergnes, on avait essayé de faire vivre la mère du ma-
lade en dehors de son mari ; mais un jour, il est parvenu à avoir
de nouveaux rapports dans lesquels a été procréée : 4° une fille,
âgée de 9 ans; elle est intelligente, gentille, très nerveuse; a eu
des convulsions dans le cours d'une fièvre typhoïde à sept ans.
D'un amant, deux enfants : 5" garçon, sept ans, bien portant,
pas de convulsions; 6° fille, six mois, est bien venante, pas de
convulsions.
'Afin de vérifier l'exactitude de tous ces renseignements, nous avons
écrit à M. le Dr Campagne, médecin en chef de l'asile de Montdevergnes,
qui a eu l'obligeance de faire des recherches minutieuses sur les registres
de son asile; elles confirment, en somme, ce que nous a\ons rappoité.
214 f1. THÉRAPEUTIQUE.
Notre malade. - A la conception, le père de l'enfant était déjà
malade, et buvait beaucoup; c'est étant ivre que tous les enfants
ont été conçus ; c'est surtout dans cet état qu'il avait des rapports
sexuels. Grossesse accidentée par des chagrins, des ennuis de
toute sorte, occasionnés par son mari qui la battait souvent, lui
enfonçait les ongles dans la peau durant ses moments de rage.
Elle resta alitée pendant huit jours à la suite d'un traumatisme;
son mari la serra dans une porte; pas d'alcoolisme. -Accouche-
ment à terme, naturel, sans chloroforme ; la tête est lestée assez
longtemps au passage. A la naissance, l'enfant était cyanose;
on l'a frictionné et ce neserait qu'avec peine qu'on aurait réussi à
le faire revenir. - Elevé au sein par une nourrice, il ne dormait
pas, avait des accès' de cris, était très méchant. Attribuant ces
accidents au lait de la nourrice, on la remplaça par une autre,
mais la situation resta la même. Cr .. a marché à deux ans; les
accès de cris s'étaient transformés en ucccs de colère dans lesquels
il devenait tout bleu se roulait à terre, injuriait sa mère, la bat-
tait, ces crises duraient une heure au plus. Il a parlé vers quinze
mois ; - presque toujours uriné au lit jusqu'à onze ans;it
allait à l'école du pays où il apprenait bien. Les accès de colère ont
continué jusqu'au mois d'août 1881. Il était alors placé à l'ouplie-
linat Saint- Vincent-de-Paul, où on payait pour lui 3.i fr. par
mois, il y eut plusieurs accès de colère. C'est là qu'il aurait eu
ses premiers accès; il en a eu chaque matin pendant trois jours
consécutifs; on l'a fait examiner à l'asile Saint-Jean-de-Dieu
(août 1881) et peu après on l'a rendu à sa mère (novembre 1881),
qui l'a gardé jusqu'à son placement à Bicêtre. Elle assure que de-
puis le début de ses accès, Cr... est devenu très peureux, taudis
qu'il ne l'était pas auparavant. Il dit sans cesse qu'il a peur d'une
grosse araignée toujours placée devant ses yeux.
Sa mère décrit ainsi les accès : Pas d'uuru, cris, hurlements, ri-
gidité du corps, constriction des mâchoires; agitation consécu-
tive ; ronflement, miction, écume, pas de défécation. Avant les
accès, tristesse, idées de suicide (il a essayé de se donner un coup
de couteau et la tempe gauche).-Après les accès, il a eu plusieurs
fois des troubles intellectuels; ainsi, un jour, il est allé ouvrir une
porte, a regardé, est revenu et a dit : « Ils se sont tous évadés».
Un autre jour, il est allé pieds nus chercher un pain de quatre
livres, sans qu'on le lui eut commandé; d'autres fois, il a commis
des actes de violence, il a battu sa mère, sa soeur; une fois il a
essayé de donner à celle-ci des coups avec une pincette rougie au
feu sur le reproche qu'on lui faisait : « On vient de me le dire là »
en montrant l'oreille. Après les crises, on note encore quelques
divagations, des pai oies incohérentes.
En dehors des accès décolère et d'épilepsie,Cres... est très doux
et tiès bon. {'intelligence a diminué depuis le mois d'août, et de
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 215
plus le sommeil est agité par des cauchemars, des peurs et cela
surtout avant les accès. On croit qu'il se livre à l'onanisme.
Rougeole à 3 ans, fièvre cérébrale à 7 ans, attribuée à un coup
de soleil et durant laquelle il aurait eu des convulsions pendant
9 jours avec des intervalles; elles étaient générales, ne prédomi-
naient pas d'un côté du corps, et ne furent pas suivies de paralysie;
la maladie dura un mois ; elle eut pour conséquence de rendre
les accès de colère plus violents sans modifier leur fréquence. Cres...
se serait mis alors à travailler beaucoup, mais cette ardeur n'a
été que momentanée. Il est très vorace; parait haineux. Il avait
pris en grippe une femme de ménage de sa mère, la battait, disait
que, s'il avait vingt ans, il lui ferait tomber la tête. Pas d'autres
maladies que celles qui ont été notées.
État actuel (2 mai 1882). - Tête : crâne petit, ne paraissant pas
asymétrique ; pas de méplat à la partie supérieure de l'occipital,
bosses pariétales peu prononcées, ainsi que les apophyses mas-
toïdes ; rainure transversale au niveau de la fontanelle antérieure.
Cicatrice oblique sur le pariétal droit vers la partie médiane,
résultant, selon le malade, d'une chute pendant sa première en-
fance.
216 (; THÉRAPEUTIQUE.
mâchoire inférieure. 14 dents permanentes, bien rangées et non
cariées; mâchoire supérieure, 12 dents; la deuxième grosse mo-
laire n'est pas encore sortie, restontles deuxièmes molairesdelait
très ébranlées; articulation normale, forme des mâchoires nor-
male ; voûte palatine peu profonde, parait légèrement inégale,
..et semble plus élevée à droite qu'à gauche; voile du palais symé-
trique ; luette très longue, frôlant presque la partie postérieure
de la langue; piliers normaux; amygdales très volumineuses, sur-
tout la droite; muqueuse du pharynx assez rouge; langue large.
Gencives en bon état.
Organes génitaux : la verge est relativement longue; phimosis
congénital assez prononcé; aussi le gland se découvre-t-il avec
difficulté; adhérences préputiales; gland assez développé. Testi-
cules descendus, peu volumineux, le gauche surtout parait comme
atrophié '.
Peau et système piteux. La face est assez colorée, le reste du
corps est légèrement pigmenté. Deux petites cicatrices venant de
blessures faites en jouant sur la face dorsale de la main droite.
Au niveau du pli du coude, des deux côtés, deux petites plaques
rouges peu colorées, mais suintantes, donnant lieu à de la desqua-
mation, et étant le siège de démangeaisons assez vives; l'enfant
ne peut préciser la date de leur apparition. Les cheveux sont
blonds, assez abondants, les sourcils bruns assez fournis; les cils
bruns très longs. Cres... est imberbe ; aisselles, pénil et le reste de
la surface du corps glabres.. Il avoue se masturber : -« C'est mon
cousin, dans la ville où je suis né, qui m'a appris cela ». Son cou-
sin avait dix-huit ans.
Sensibilité générale et spéciale normale; pas d'exagération des
réflexes. Marche régulière, normale. Le dynamomètre donne, à
droite 42, à gauche 32; en janvier 1885, 79 à droite, 68 à gauche.
Le malade parait intelligent; il répond avec beaucoup de pré-
cisiou et de netteté à toutes les questions qui lui sont adressées.
Le caractère est doux et tranquille. C... ne se dispute jamais : se
lient bien à table. Le sommeil est généralement bon, mais il lui
arrive assez souvent d'avoir des heures entières d'insomnie dont il
ignore la cause; il rêve assez fréquemment sans avoir de cauche-
mars.
Description d'un accès. Pas d'aura. Sans cri ou à la suite
d'un petit gémissement, l'enfant se renverse lentement dans son
1 Examen des organes génitaux en juillet 1884 : poils peu abondants au
pénil; bourses pendantes; testicules normaux, gros; verge longue et
grosse; gland découvrable ; méat relativement peu large. - En jan-
vier 1885 : poils châtains assez abondants et assez longs au pénil ; \erge
longue et volumineuse; bourses pendantes; testicules de la grosseur
d'une noix. Masturbation moins fréquente.
DU CURARE DANS 1,'ÉPILEFSIK. 217 Î
lit; la face pâlit très peu, la tête s'incline à gauche, les yeux regar-
dent en haut et à fauche, les paupières sont ouvertes, le corps est
rigide. Au bout de quelques secondes, les pupilles se dilatent
et les globes des yeux commencent à rouler, les paupières restant
toujours ouvertes. Alors, secousses cloniques aussi prononcées
à droite qu'à gauche. Parfois, la période clonique manque. Au
bout d'une minute environ, la tête revient de gauche à droite,
l'enfant regarde avec étonnement autour de lui. On croit tout
terminé, mais bientôt il ferme les yeux, la respiration devient
stertoreuse. A ce moment, les pupilles sont extrêmement dilatées,
la langue est entre les dents, il y a de l'écume. Cet état dure en-
viron 4 minutes, puis le ttcrlor cesse. Pendant la dernière période
de l'accès, l'enfant est très congestionné et sue abondamment.
Hébétude consécutive.
1882. 5 i ? 2ai. - Légère amygdalite pultacée à droite.
Il ii2ai. L'enfant est à l'infirmerie depuis deux jouis en série
d'accès ; le 9 mai, il a eu un accès; dans la nuit du 9 au 10,
4 accès; le 10, 3 accès; dans la nuit du 10 au I 1, 28 accès; ce
matin, avant la tisite, il a ou 4 accès. La face est très rouge, les
conjonctives injectées, les pupilles modérément et également
dilatées ; mutisme absolu. L'enfant qui ordinairement parle et
comprend très bien, se met à rire à chaque question qu'on lui
pose, sans faire aucune réponse. T. It. 38°, 4. Soir : T. H. 38°, 6.
Hier 10 mai, il a été impossible de prendre la température à
cause de l'agitation de l'enfant : il a mordu et cherché à frapper
les personnes qui l'entouraient. Appétit à peu près nul depuis le
début de la série.
12 - T. R.3S ? Soir : 'f.1 ? 35 ? r.
13 mot. T. R. 381. - Soir : T. H. 38°.
I 4 znui. T. R. 380. Soir : T. Il. 38°.
15 mai. T. R. 31°, G.-Ilier l'enfant était agité, proférait des
menaces, injuriait, disait qu'on voulait le voler, cherchait à frap-
per les autres enfanta; la nuit a été calme. Ce matin, il prétend
voir des choses bizarres : un diable avec des ailes, des cornes, une
fourche, tel qu'on le voit sur les images, et aussi une araignée
énorme ; il a en outre une sensation de chute dans un précipice.
Pas d'hallucinations de l'ouïe; appétit bon.
U mai. - Les notes de l'école, de la. gymnastique, etc., cons-
tatent qu'il est intelligent, travailleur et progresse.
I" juin. Hier, à trois heures de l'après-midi, Cr... a été pris
d'un état de mal; à 8 heures, il avait eu 20 accès et 10 vertiges. A
8 heures du soir, il était dans un état comateux. T. A. 39°, 8. Ce
matin , il est- assez éveillé depuis quelques instants; mais à
5 heures, il était agité et avait le visage très rouge ; à 7 heures il
s'est mis à pleurer, puis s'est levé du lit, se figurant qu'on lui di-
218 THÉRAPEUTIQUE.
sait des sottises et a voulu frapper un de ses camarades. T. A. 38°
Les accidents se sont peu à peu dissipés.
8 juin. Brûlures légères qu'il s'est faites en renversants»
soupe sur sa poitrine. ? 0 juitz.-C... a eu 7 accès ce matin; hébétude; nouvel accès à
la suite. -
21 juin. --Deux autres accès hier; ce matin encore, les yeux
sont hagards; on a dû, faute de cellule, lui mettre la camisole à
cause de son agitation '. A la suite, il est calme et a replis sa
connaissance.
I I oclobre.- Cr... a eu 9 accès cette nuit; ce matin il estcou-
ché, regarde d'un air effaré, ne semble reconnaître personne, pas
même sa mère ; à toute question il répond : tné, 771d. Par mo-
ments il pleure sans motifs. T. Il. 401,2. - Soir : T. Il. 40°.
12 octobre. T. R. 38-,2. Soir : T. R. 38°.
13 octobre. T. R. 3-il,6. Soir : T. R. 3î,,6.
26 octobre. Revacciné sans résultat.
30 décembre . Progrès t l'école. Période d'agitation ma-
niaque à la suite d'accès.
1883. S janvier. Cr... est complètement remis de ses derniers
accidents.
9 février. Dans la nuit du 6 au 7, 17 accès. T. R. 38°,7.
Soir : T. R. 38°,4.
7 février. T. R. 38 ? >. Soir : T. R. 38o,2.
8 février. - T. R. 38°,4. Soir : T. R. 38°,2.
G février. T. R. 37°,8. Soir : T. R. 37° ,2.
10 féurrer. T. R. 38°. Soir : 3 ? ? , Dans un accès, C...
s'est mordu assez profondément le bord gauche de la langue; il
a été très agité.
,1'2 févriei,. - Amélioration, quoiqu'ayant encore conservé un
certain degré d'irritation. Purgatif, bain, sirop d'iodure de
fer.
3 mars. Début du traitement par les injections hypodermiques
de curare.
8 murs. - L'enfant déclare spontanément qu'il a maintenant
plus de peine à apprendre ses leçons qu'autrefois. Le regard n'est
pas encore dur, la physionomie est éveillée, la figure rose. - Cu-
rare et sirop d'iodure de fer.
20 murs. Série d'accès (20) T. R. 39°,2. Soir : T. R. 38°,S.
I 3 wril. - Début d'une série d'accès cette nuit (12 accès) ; ce
matin à la fin d'un accès la période de slertor étant passée, on le
trouve la face d'un rouge vermillon intense, couverte de sueur,
brûlante; il urine involontairement et abondamment sous lui;
' Les enfants agités sont laissés confondus dans un dortoir de 50 lits
servant d iulimerre, de réfectoire, du salle de réunion aux gâteux, etc.
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 219
l'enfant n'est pas encore revenu à lui. Excitation maniaque consé-
cutive assez prononcée.
14 avril. - T.'enfant est plus calme. - 46 avril. Il est revenu
aujourd'hui complètement à son état normal. : .t9 tnui. - Daus la uuit, I accès; T. 13. 39 ? ? . - Soir : T.R.
301,4. Physionomie égarée : joues rouges ; pupilles dilatées, égale-
ment; excitation au moindre attouchement. Mutisme. Bain d'une
heure; sinapismes ; lotions vinaigrées; 2 lavements avec 50
de sulfate de quinine. juitz. Amélioration.
20 juin. Hydrothérapie. ? 8 jatitz. - Vouc eile série d'accès (14 dans la nuit, 2 avant la vi-
site); il ne répond d aucune question, se met à pleurer; usage
rouge, couvert de sueur.
26 iiiillet. Série d'accès (12, nuit du ? : i-` ? 6); 4 accès le 26.
T. R. 38°, n. Soir : T. R. 38°, S.
30 juillet. - Excitation maniaque. Bain d'une heure. : 31 ,luillet. - C... raconte qu'il a eu très peur cette nuit, ayant
vu assis sur une table une foule de petits bonshommes de 2.'i cen-
timètres qui lui faisaient des grimaces (hallucinations). Encore
un peu d'incohérence ce matin. Bain de trois quarts d heure.
Octobre. L'enfant est mis en apprentissage à l'atelier du tailleur.
19 tzouc7nLrc. - Dans la nuiL du 17 au 18, 17 accès; dans la
journée, 2 accès. Il s'est levé plusieurs fois inconsciemment, avait
les yeux hagards, ne savait ce qu'il faisait, ne parlait et ne répon-
dait pas. - Soir : T. It. 3S)°.
l9 nouetnbz·c. -C... est complètement revenu à lui et a repris
son état normal.'l'. li. 38°, ? . - Soir : 1'. 11. 3S°.
2·3 novembre. C... est un peu agité depuis hier; dit des bê-
tises, se sert de termes grossiers et orduriers, etc.; pas d'accès.
30 novembre. Cessation du traitement hydrothérapique.
4 décc2nbre.-Les notes de l'école sontassez bonnes, toutefois l'on
constate une diminution de la mémoire, et « depuis six mois, Cr...
est devenu acariâtre de doux qu'il était et emploie souvent des ex-
pressions ordurières qu'il n'auraitjamais prononcées auparavant.»
24 décembre. Les périodes d'excitation maniaque et les accès
de violence deviennent plus fréquents. La mémoire diminue. Il
apprend moins bien qu'autrefois (fables, calcul), il sait les détails
de la date du jour, de son entrée et de sa naissance. - Il raconte
qu'un de ses cousins plus âgé lui apprenait les jours de sortie de
hcée à se masturber; ils se masturbaient mutuellement; il avait
alors 9 ans. Il a continué depuis à se masturber ; il prétend ne
pouvoir se retenir. L'enfant raconte encore qu'il embrassait les
organes génitaux d'une petite fille de son âge (la fille d'un ma-
réchal ferrant); ceci lui serait armé une quarantaine de fois. Il
dit enfin qu'étant chez sa mère il aurait eu, pendant trois mois,
des rapports sexuels assez fréquents avec une domestique âgée
220 THÉRAPEUTIQUE.
de 50 ans ( ? ) qui couchait dans sa chambre; les accès ne seraient
survenus que 7 mois après la cessation des rapports. Pendant
plusieurs mois, le souvenir de cette domestique lui revenait, et il
ne pouvait alors s'empêcher de se masturber. Actuellement ces
souvenirs auraient disparu. A l'infirmerie, il aime à se rapprocher
des infirmières.
f88t. 8 janvier. Nouvelle série d'accès avec excitation ma-
niaque. Légère morsure de la langue. T. R. 39 ? Soir : 1'. R. 39°, 2.
9 janvier. T. R. 38o, 8. Soir : T. R. 38°, 8.
t0 jtt»viet ? T. R. 38°, 6.-Soir : T. R. 38°. L'enfant va mieux,
bien qu'il soit un peu agité.
21 février. Nouvelle série d'accès. T. R. 40 ? Soir : T. R.
391. - 22 février. T. R. 38", 5. -Soir- : T. R. 38°, 7. - 23 féorier.
- T. R. 38 ? Soir : T. R. 38°.
le, ttf)'</. Traitement par l'hydrothérapie.
Juin. Les notes de l'école, du tailleur, etc., sont assez bonnes.
Cres... fait quelques progrès; il est sensible aux réprimandes. Les
accès de colère persistent.
8 juillet. Les périodes d'excitation maniaque sont plus rares.
Traitement : Outre les douches, bromure de potassium.
Décembre. Les notes du tailleur et de l'école sont bonnes;
l'enfant fait des progrès; la mémoire serait redevenue bonne,
mais C... est insubordonné et très violent.
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 221
222 'recueil de faits.
alcoolique; sa mère, pendant la grossesse, a éprouvé de nom-
breuses émotions, a subi des traumatismes ; ci la naissance, il
était asphyxié.
Les premiers accidents ont consisté en accès de cris (in-
làice), remplacés plus tard par des accès de colère (enfance),
A ceux-ci, vers 12 ans, se sont ajoutés des accès d'épilepsie
compliquée de délire (hallucinations, excitation maniaque, etc.).
Les accès se montrent par séries. Nous avons même noté
un véritable état de mal. Ils ont été plus nombreux en 1883,
et les facultés intellectuelles ont baissé durant cette année,
surtout la mémoire. Les accès s'étant un peu éloignés en 188,1,
on a remarqué que l'enfant paraissait recouvrer ce qu'il avait
perdu au point de vue de l'intelligence.
Bien d'autres particularités cliniques très intéressantes
pourraient encore être relevées dans ce cas. Nous nous bor-
nons à celles qui précèdent et nous reprenons l'exposé de nos
observations. (A suivre.)
RECUEIL DE FAITS
TROIS AUTOPSIES POUR SERVIR A LA LOCALISATION
CL : ltL.13R1LL : DES TROUBLES DE LA VISION;
Par Cii. FÉRÉ.
Bien que les recherches relatives aux troubles de la vision
d'origine cérébrale se soient multipliées dans ces dernières
années, la question n'est pas définitivement résolue.
On discute encore les caractères symptomatiques de ces
troubles, sur lesquels la physiologie expérimentale et la cli-
nique ne sont pas d'accord. L'expérimentation sur les animaux
tend à établir que les lésions du cerveau ne peuvent déter-
miner qu'un seul trouble fonctionnel de la vision, l'hémianop-
des troubles DE la vision. 223
sie. La clinique humaine au contraire, nous démontre que si
on peut observer l'hémianopsie en conséquence d'une lésion
cérébrale, on rencontre au moins aussi souvent une amblyopie
croisée spéciale, caractérisée par un rétrécissement concen-
trique du champ visuel, avec diminution de l'acuité visuelle,
et quelquefois disparition de la vision d'un certain nombre de
couleurs, dont la perception disparait dans un ordre déter-
miné et en rapport avec le degré du rétrécissement. Dans un
certain nombre de cas, l'amblyopie croisée et l'hémianopsie
se combinent '.
L'absence d'examen campimétrique chez les animaux nous
permet de rester dans le doute en ce qui les concerne ; et d'ail-
leurs ce sont les troubles observés chez l'homme qui nous
intéressent exclusivement.
Au point de vue anatomique, lus faits se présentent encore
avec des variétés plus nombreuses, aussi, avons-nous cru in-
téressant de rapporter quelques nouvelles observations avec
autopsie. La partie clinique de la première figure déjà dans
notre précédent travail 2.
013SI,RN'ATIO ? 1. - Hémiplégie, hémianesthésie, rétrécissement voit-
centrique du champ visuel.- Autopsie.
La nommée Lét..., soi.\ante-et-un ans, est entrée il y a six ans
à la Salpêtrière, salle Sainle-Amélie, n° 9 service de M. Chakcot.
C'est en )873 qu'elle tomba malade. Après avoir eu pendant
quelque temps un sentiment de faiblesse dans son côté droit qui
aurait été très douloureux-, elle eut. une attaque avec perte de
connaissance. Eile est entrée à la Charité dans le service de
M. l3ourdon. Quand elle est revenue à elle, elle avait une hémi-
plégie droite et était aphasique. Son aphasie a persisté environ
trois semaines, puis elle a recouvré peu à peu la parole.
Etat actuel (décembre 1881 Fttce : la commissure droite est
un peu attirée en bas. La pointe de la langue est un peu déviée
à droite. Pas de contracture ; la face parait flasque dans tous les
iiiotivements. - Pat-al3,sie complète du membre supérieur droit,
avec raideur de toutes les articulations. Contracture très pro-
noncée de tous les muscles fléchisseurs du bras, de l'avant-
bras et de la main. L'avant-bras est en demi-ilexion sur le bras,
1 Cil. Foré. Contribution à l'étude des troubles fonctionnels de la
vision par lésioiis cérébrales, t883.
- ' Lec. cit., p. 137.
22 le RECUEIL de faits.
les doigts sont fortement Ilécliis, le pouce eu dessus. Para
lysie moins marquée du membre inférieur, qui est en demi
flexion, raideur articulaire. Les réflexes tendineux sont
exagérés à droite, et il existe une trépidation du pied très mar-
quee.
Sensibilité : La sensibilité, au contact, à la douleur, à la tempe-
DES TItUUI : LIsS 1)L LA VISION. 225
v
rature, est complètement abolie sur toute la moitié droite du
corps, y compris la face. Le meinbie inférieur droit lui parait
plus froid que le gauche. L'insensibilité tactile existe égale-
ment au conduit auditif externe, à la narine du côté droit. Il en
est de même à la conjonctive, mais la cornée est sensible : le
résultat est moins net pour la langue. L'ouïe, l'odorat, le goût
sont sensiblement obnubilés droite. - L'acuité visuelle est la
même pour les deux yeux, 0,6 ; pas d'achromafopsie, mais rétré-
cassement du champ visuel, surtout marqué droite (fig. 1); pas
de lésions du fond de I*o-il.
le Ier avril 1884. - Le pédoncule cérébral gauche est
aplati, beaucoup plus petit que le droit, son t'aisceau moven est
gris, séparé du bord externe par une bandelette blanche de
2 millimètres de largeur (fig. 2). La pyramide gauche tout à fait
jaune ne mesure trilis0('St ! cineliL que 2 millimètres et demi.
Affaissement de la moitié gauche de la protubérance.
Un foyer ancien d'itemorrhanie situé en dehors du noyau lenti-
culaire, coupe le carrefour sensitif en arrière, et arrive jusque
sous la troisième cireomolution frontale, ce qui explique l'aphasie
transitoire du début.
Ancamrs, z 1 'i
Fiy. ` ? . ? 1, hrloncule cérnhral n,tucle rlunnr dans ses trois quarts
internes (D); 3, protuh(rmcu;-3, pjramide gauche dégénérée;
4, olive; 3, faisceau latéral.
25 ! 6 ' RECUEIL DE FAITS,
Les deux fiers postérieurs de la capsule interne et la portion
attenante du noyau lenticulaire ont une teinte jaune brun(F ? 3).
Pneumonie au deuxième degré à
droite au centre du lobe moyen; 1
congestion des lobes inférieurs des
deux poumons.
Cette autopsie nous montre une
lésion du carrefour sensitif ana-
logue à celles que nous avons
rapportées précédemment, et qui
semble constituer la localisation
certaine de l'amblyopie croisée.
Cette amblyopie offre un intérêt
d'autant plus grand qu'elle res-
semble en tous points à l'am-
blyopie des hystériques, qui peut
se trouver imitée dans certaines
autres conditions pathologiques'
comme dans l'épilepsie, dans l'al-
coolisme, dans le saturnisme, etc.,
mais qui n'en constitue pas moins
un symptôme important et carac-
téristique de l'hystérie comme l'a
établi M. Charcot.
Cette analogie symptomatique
de l'hémianesthésie sensitivo-sen-
sorielle d'origine cérébrale, et à
l'hémianesthésie des hystériques
permettra peut-être de déterminer
la lésion dynamique à laquelle il
faudra faire remonter la cause de
la grande névrose.
Observation Il. -- Cécité verbale incomplète, cécité musicale conz-
plète. Aphasie partielle. Hémiplégie droite avec contracture.
Rétrécissement segmentairc du champ visuel. Autopsie 2.
lIm° IL ? quarante-cinq ans, ancien professeur de piano. - Hé-
1 lî. Tliomsen et H. Oppenheim. - Ueber clas Vorkhommen und die
Bedettlung der sensorischeu azaQsllzesie bec Ct7a)iA't< ? f'M der cerzlraleaz
nerven systeii. (drch. f. ps;/cA., Bd. XV, H. 2.
2 La partie clinique est résumée d'après l'observation de AI. Bernard
(De l'aphasie, thèse 1885, p. 119).
tig. 3. - Coupe Horizontale
de l'hémisphère gauche avec
un ancien foyer h6mnrrha-
gique coupant la partie pos-
térieure de la capsule in-
terne.
DES TROUBLES DE LA VISION..227
illiplégie droite datant de 1878 : aphasie transitoire ; contracture
du côté hémiplégique, le membre supérieur dans la flexion, le
membre inférieur dans l'extension avec pied équin varus. Contrac-
ture du côté droit de la face, sans déviation ni asymétrie de la
langue qui se meut aisément en tous sens. Sensibilité géné-
rale intacte, il en est de même de la sensibilité spéciale, sauf pour
la vision. Il existe en effet, un rétrécissement hémianopsique du
champ visuel portantsurlamoitiésupérieure droite, sans atteindre
à beaucoup près le point de fixation. (Voir la figure de M. Ber-
nard.) Elle s'exprime avec difficulté et présente des troubles de
perception des signes écrits (cécité verbale incomplète, cécité
musicale complète) sur lesquels nous n'avons pas à revenir ici.
Elle succomba le 4 1 mai 1884 à une pneumonie.
AuTOi'siK.La face inférieure du pédoncule cérébral gauche
présente un aplatissement notable. Toute cette face, depuis le
bord interne jusqu'à l'union du quart externe avec le troisième
quart offre une teinte gris jaunâtre. Seul le quart externe offre
une teinte blanche naturelle. Sur le bord interne, on ne voit au-
cune fibre Manche : tout est uniformément gris.
La moitié gauche de la protubérance annulaire est notablement
affaissée, beaucoup moins convexe que la moitié droite. La pyra-
mide antérieure gauche, de moitié moins volumineuse que la
Fig. 4. Face externe de l'hémisphère gauche. Fi, Pg, F3, les trois
circonvolutions frontales F A , circonvolution frontale ascendante;
l' A, circonvolution pariétale ascendante; Pi, lobule pariétal supérieur;
P2, lobule du pli courbe ; Pa, pli courbe. Le ramollissement est
représenté par les parties courbes où se rendent des artères exsangues.
228 RECUEIL DE FAITS.
droite, offre la teinte jaune caractéristique de la dégénération
descendante.
Sur une section transversale pratiquée au niveau de l'insertion
prolubérantiel des pédoncules, on voit que le pédoncule gauche
est beaucoup plus mince. que le droit. A ce niveau existent trois
petites lacunes à raudes eclions trausveralcs, dont les parois
sont jaunes et dont le contenu rappelle celui des lacunes que l'on
voit si souvent dans le corps strié. ,
- Surlafaceexternedel'IrémisplrèreaucUe(Tr ? r).unelarjepladue
jaune englobe toute la moitié supérieure de l'iiisula, la pal-tie
moyenne et postérieure de la troisième frontale et le quart infé-
rieur de la frontale ascendante. Cette plaque se prolonge en une
bande mince sous l'opercule et arrjve jusdu'ù l'extrémité poslé-
rieure de la scissure de Sylvius, où la bande s'élargit et s'étale
sur ses deux bords. Ce prolongement passerait complètement
inaperçu si l'on ne soulevait pas l'opercule.
Il existe dans le lobuicpariétat inférieur, à l'angle inférieur,
une autre plaque jaune mesurant l'étendue de la pulpe du pouce.
Elle comprend le fond de ia scissure inter-pariôtale, mais n'at-
teint pas le lobule pariétal inférieur, ni la pariétale ascendante.
Les artérioles qui se rendent à la région nécrobioséc sont
exsangues, la branche qui leur donne naissance est oblitérée à son
origine à la sylvienne par une masse jaunâtre au centre, déco-
lorée et fibroide à la périphérie.
DES Troubles DE LA VISION. 229
Observation II1. Hémiplégie droite transitoire ; hémianopsie pcr-
munente '. Autopsie.
La nommée Carpenlier cinquante-deux ans, admise salle Du-
1 La partie clinique de cette observation est résumée d'après îles noies
communiquées par 11. Souza Leite, externe du service.
230 RECUEIL DE FAITS.
chenne de Boulogne (service de M. Charcot), a présenté dans sa
jeunesse un certain nombre de troubles hystériformes.
En novembre 1883, elle éprouva une attaque apoplectiforme à
la suite de laquelle elle eut une hémiplégie droite tout à fait pas-
sagère.- A son entrée dans le service il n'existe plus de troubles
moteurs, mais la sensibilité au froid et à la douleur était un peu
diminuée du côté droit : l'odorat, le goût et l'ouie étaient intacts ;
maisM Parinaud a constaté une hémianopsie droite des plus nettes
sans lésions du fond de l'oeil (fig. 5). Mort le 24 décembre 1881.
Autopsie. Les pédoncules cérébraux sont systématiques et
d'aspect normal, il en est de même de la protubérance, du bulbe
et du cervelet. Les bandelettes optiques, le chiasma, les nerfs
optiques n'offrent aucune altération appréciable ; il en est de
même des corps genouillés et des tubercules quadrijumeaux.
L'ouverture du troisième ventricule faite par la partie inférieure
nous montre l'absence de commissure grise.
L'hémisphère droit est sain autant à sa surface que sur les
coupes. L'hémisphère gauche ne présente d'autre altération à sa
surface qu'une plaque jaune (fig. 6) superficielle comprenant la
plus grande partie du coin et une petite étendue de la deuxième
circonvolution temporo-occipitale adjacente. Il n'existe aucune
autre lésion dans la profondeur.
Insuffisance aortique ; pneumonie du lobe inférieur gauche.
Fig. 6. Face interne de l'hémisphère gauche, li, ramollissement
^superficiel portant sur le coin et la partie postérieure de la deuxième e
circonvolution temporo-occipitale.
DES TROUBLES DE LA VISION. 231
Cette observation nous offre à relever deux points intéres-
sants :
Au point de vue clinique, elle présente une particularité
importante qui consiste en ce qu'il s'agit d'une hémianopsie
régulière, la ligne de démarcation passant par le point de
fixation. Or, en général, les cas d'hémianopsie d'origine céré-
brale ont pour caractère spécial de montrer une région fonc-
tionnellement intacte autour du point de fixation, c'est-à-dire
que la vision centrale est conservée.
Au point de vue anatomique : elle nous offre encore une
exception, nous voyons en effet une lésion de la face interne
du lobe occipital, au lieu d'une lésion du lobule pariétal infé-
rieur ou de son voisinage. Ce nouveau fait nous autorise donc
encore à dire, que la localisation de l'hémianopsie d'origine
cérébrale est encore insuffisamment établie ; et nous sommes
amené à confirmer à cet égard les conclusions que nous
avions déjà formulées.
« Il existe quelques faits anatomiques qui, joints aux faits
expérimentaux permettent d'affirmer l'existence d'une liémia-
nopsie d'origine hémisphérique, dont la localisation n'est
point nettement établie.
« L'existence de l'amblyopie d'origine cérébrale est nette-
ment établie par des faits cliniques et anatumo-pathologiques.
Elle reconnaît ordinairement pour cause une lésion de la ré-
gion du carrefour sensitif. »
On remarquera qu'en somme toutes les lésions qui déter-
minent des troubles delà vision, siègent dans la partie posté-
rieure de l'hémisphère, et qu'en examinant de près les résul-
tats des autopsies on peut voir des lésions assez rapprochées
déterminer des troubles différents. Il est donc permis de se
demander si tous les sujets sont aptes à éprouver des troubles
identiques en conséquence d'une lésion destructive de même
siège, ou en d'autres ternies s'il n'existe pas des variétés dans
l'entrecroisement des fibres provenant des régions de l'écorce
qui président à la fonction visuelle. Certaines variétés anato-
miques légitiment cette hypothèse; ne veyons-nous pas, par
exemple, que dans notre dernière autopsie la commissure grise
était absente : ce n'est pas là une anomalie rare ' ; et il existe
1 Sur deux séries de "vingt sujets examinés à ce point de vue, nous
avons vu la commissure grise manquer quatre l'ois dans la première, et
liuq fois dans la seconde.
232 REVUE CRITIQUE.
encore de grandes variétés dans l'importance de cette lame de
substance grise qui est désignée sous le nom de racine grise
des nerfs optiques à laquelle nous avions l'ait dans notre
schéma, jouer le rôle d'une commissure douée d'une sorte de
conductibilité indifférente susceptible d'expliquer la persis-
tance de la vision centrale dans l'hémianopsie d'origine céré-
brale. Des variétés de commissures et des entrecroisements
pourraient faire comprendre comment certains sujets ne peu-
vent être qu'amblyopiques, tandis que d'autres ne peuvent
être qu'hémianopsiques et que d'autres encore ne peuvent
avec une lésion identique ne présenter que des troubles com-
binés. L'existence bien établie des variétés dans l'entre-
croisement des pyramides peut venir à l'appui de cette hypo-
thèse.
REVUE CRITIQUE
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX
.1 L'ÉTAT PHYSIOLOGIQUE El" l'ATIOLOGIQUI : .
Parle D 1. MAIKET, agrégé ]illetilté ile médecine de Montpellier.
Si, dans ces dernières années, des recherches anatomo-
pathologiques plus précises ont permis de distraire du groupe
des névroses, c'est-à-dire du groupe des maladies nerveuses
sine un assez grand nombre de maladies, ces recherches
sont restées lettre morte dans beaucoup de cas. L'hystérie,
l'épilepsie, l'aliénation mentale, etc., échappent au contrôle
anatomo-pathotogique. On comprend combien la physiologie
pathologique et le traitement de ces maladies doivent se
ressentir de cet état de choses, et l'idée de rechercher leur
modus faciencla dans l'étude de la nutrition du système ner-
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 233
veux devait s'imposer. Hais pour pouvoir tirer des conclusions
de recherches faites dans cette direction chez l'homme ma-
lade, il faut connaître la nutrition du système nerveux à l'état
physiologique. Ce n'est qu'en comparant l'état de maladie
à l'état dû santé qu'on peut dire que dans tel cas il y a ou il
n'y a pas de modifications dans l'élimination de l'acide
phospborique, et qu'on peut expliquer ces modifications.
Or, nos connaissances relatives à la nutrition du tissu
nerveux chez l'homme sain ne sont pas plus avancées que
celles relatives à la nutrition de ce môme tissu chez l'homme
malade. Par suite tout travail ayant pour but de rechercher
si les maladies nerveuses modifient les échanges qui se passent
au sein du système nerveux doit être précédé d'un travail ayant
pour but d'étudier la nutrition de ce système -il l'état physiolo-
gique.
Dans l'état actuel de la science, l'étude de la nutrition du
système nerveux ne peut porter que sur certains points de
cette nutrition. Celte étude no peut, en effet, avoir pour base
que lacon naissance des éléments qui entrent dans la constitution
de ce système, éléments qui seuls peuvent fournir aux échanges
nutritifs qui ont lieu dans celui-ci. Malheureusement nous
sommes loin encore do connaître la constitution chimique du
système nerveux.
« Quoique le cerveau, dit Gorup ]3esziiiez 1, dans son remar-
quable Traité de chimie physiologique, ait été l'objet d'études
chimiques très sérieuses, nous n'hésitons pas à dire que cet
organe est plus imparfaitement connu que tous les autres de
l'économie. » Cependant, si la constitution chimique du sys-
tème nerveux nous échappe encore à beaucoup d'égards, il est
quelques substances que nous savons y jouer un grand rôle, et
parmi elles, la plus importante est l'acide phosphorique : le
tissu nerveux est, en effet, de tous les tissus mous de l'éco-
nomie le plus riche eu cet acide, c est même le seul où l'on
rencontre ce dernier à l'état libre. Si donc, faute de données
chimiques suffisantes, des recherches sur la nutrition du sys-
tème nerveux ne peuvent porter actuellement sur l'ensemble
de cette nutrition, ces recherches peuvent avoir comme
objectif quelques-uns des éléments constitutifs de ce système
et plus particulièrement l'acide phosphoriquo.
(oi-ili)-B 0 si Il ez. Traité rlr cleimir i,lrr/eioloyirttr, t. t . 11, p. )S ?
13 4 REVUE CRITIQUE.
Mais comment, étant données nos connaissances sur le rôle
de l'acide phosphorique comme élément constitutif du tissu
nerveux, arriver à savoir si cet acide est lié à la nutrition
de ce tissu ? Par l'examen des urines.
. L'homme rend chaque jour par les urines une certaine
quantité d'acide phosphorique. Une des principales sources de
cet acide éliminé est l'alimentation; toutefois, ce n'est pas la
seule, l'étude de l'inanition le prouve. Les recherches de
l31dder et Scllmidt', de Storch2, de Bisclloff , de Zuelzer 6,
celles que j'ai faites moi-même, etc., démontrent que, soit
chez les animaux, soit chez l'homme, la suppression de l'ali-
mentation diminue, mais ne fait pas disparaître l'acide phos-
phorique contenu dans les urines et portent ainsi à penser
qu'une certaine quantité de cet acide provient des échanges
qui se passent au sein de nos tissus. Il est donc possible qu'en
étudiant l'élimination de l'acide phosphoripue par les urines
on puisse arriver à savoir si cette substance joue un rôle dans
la nutrition du système nerveux, et si les maladies de ce sys-
tème modifient cette nutrition. S'il en est ainsi, en effet, la
mise en activité physiologique ou pathologique du tissu ner-
veux pourra modifier l'élimination quotidienne des phosphates n
a) Le rein n'est pas la seule voie d'élimination de l'acide pliosphorique,
on retrouve cet acide dans d'autres excrétions, dans les lèces, par exemple;
mais ce sont surtout les urines qui renferment cette substance. Les
recherches auxquelles nous nous sommes livré cet égard nous ont
montré que les leces ne renferment que la septième ou la huitième partie
de l'acide z éliminé. C'est à cette proportion qu'arrive aussi
fnâe111181111 (Anc'lr. fui- Anal, yleystol., etc., 1). 2a), tandis que llaxtltausen
(m iNutib,-ILiei- et Vogel, p. 40) pense que l'acide P110,I)II(JrILI(ie tics exci-é-
ments représente z ou la cinquième parue de l'aculu pltos-
hltorulue total, et Goi-til)-Bebtiie/, (loco citalo, t. 1, p. 114), la treizième
partie .seulement.
1W Iclt·r et Seliiiiidt. Die t'ei'tuM ! ty'«f/'<e und der S<o ? tt)tc7;M<, 1852.
2 Storch. De l'empoisonnement aigu par le phosphore. Copenhague,
1865. Cité par Zuelzer.
1 Iiisclioli. Ueber die Ausscheulung der l'ho.pleorsaitre dttrcla clert
Tluerh.rycr. (Zeitschr. Biologie, 1SBB.)
* Zuelzer. Ueber dus Yerlulltniss (Ici- Phospliorsaitre sunt Sticksioll
in Urta. (drclt. lui- pathologische Anatomie und Physiologie, etc.,
t. 1.1V1, 187b, 1. -1-1$et sp.)
b) L'acide pliosphorique qu'on retrouve dans les urines y existe soit
sous tormedeseis.'soitHntt tiès laible quantité à l'état Lbte. Longtemps
la présence dans les urines de l'acide pliosphorique non 0-,)(lé a pu èlre
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 2 : ! 5
relativement à l'état de repos ou à l'état de santé ; et, on le
sait, la chimie nous fournit des réactifs permettant de doser
la quantité de cet acide contenu dans les urines. Parmi ces
réactifs, le plus employé, on pourrait même dire le seul
actuellement employé est la liqueur d'acétate d'urane qui,
convenablement préparée et titrée, permet un dosage très
exact.
Partant donc de cette idée qu'on peut, par l'examen des
urines, arriver à savoir si l'acide phosphorique se lie à la
nutrition du système nerveux et si la maladie modifie cette nu-
trition, nous avons entrepris des expériences à ce sujet, expé-
riences que nous avons consignées dans notre travail intitulé :
Recherches sur l'élimination de l'acide pliosphoi-lqite chez
l'homme sain, l'aliéné, l'épileptiqcce et l'hystérique (G. Masson,
éditeur, 188't). Dans ce travail nous avons dû, pour arriver à
une solution complète de la question que nous nous étions
posée, étendre nos recherches à d'autres systèmes que le sys-
tème nerveux : au système musculaire et à la nutrition géné-
rale. Dans la présente revue nous voudrions, ne nous occupant
que du système nerveux mettre en relief les résultats auxquels
nous sommes arrivé relativement à la nutrition de ce système
à l'état physiologique et pathologique. Pour cela nous invoe
mise en doute, elle ne peut plus l'être depuis les recherches de Sot-
z (Zeitsclirift frinpltys, chimie, t. IV, p. 21 1SS0), de Zuelzer
(Untersuche liber die Semciologie des llurns, p. 1S. et de Lepine,
Ëymonnet et Haubert {Comptes rendus de la Société de biologie, p. Bti-1,
18S ! , et Comptes rendus de l'Académie des sciences, 28 janvier 18S4).
.Mais l'étude de l'acide 1)tuspltoticlue non oxldù dans ses rapports avec
la nutrition du système nerveux n'a pas encore été laite. Dans certains
états nerveux ou à la suite de l'administration de médicaments faisant
sentir plus particulièrement leur action sur le système nerveux, Zuelzer
et Lépine ont bien vu augmenter le chillre de cet acide proportionnelle-
ment au chiffre de l'azote; mais celte augmentation provient-elle dans
ces cas du système nerveux, c'est ce qu'il est encore impossible de dire,
ainsi que le fait remarquer Lépinu dans une communication à la Société
de Biologie (juillet 18Si) : « L'augmentation de l'excrétion du phosphore
incomplètement oxydé dans certains états nerveux ne. suppose pas néces-
sairement un grand accroissement de la de la substance
nerveuse; il se peut que la désassimilation des substances pliosphorées
disséminées dans divers tissus de l'organisme soit accrue par une action
nerveuse, comme l'est celle de la matière glncoèiie, consécutivement il
la piqûre du plancher du quatrième ventricule. » Laissant de côté 1 acide
phosphorique non oxydé, nous étudierons seulement l'acide pliosphorique
uvvdl.
236 REVUE CRITIQUE.
querons quelques-uns des faits que nous avons réunis dans le
travail que nous venons de citer, travail auquel le lecteur
devra se reporter pour de plus amples détails sur toutes les
questions que nous traiterons. Nous indiquerons en outre les
recherches qui ont été faites avant les nôtres sur le même
sujet.
Nous diviserons ce qui suit on deux parties consacrées, l'une
à la nutrition du système nerveux à l'état physiologique;
l'autre à la nutrition de ce système à l'état pathologique, dans
l'aliénation mentale, l'épilepsie et l'hystérie.
1. DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX A L'ÉTAT
PHYSIOLOGIQUE.
Historique.
Les recherches relatives à la nutrition du système nerveux
par l'étude de i'élimination de l'acide phosphorique par les
urines sont encore peu nombreuses. Elles se résument à notre
connaissance en celles de Mosler', Wood2, Hammond3 et
Byasson 1. Ces auteurs étudient comparativement l'élimination
de l'acide phosphorique chez un individu sain à l'état de repos
et chez ce même individu soumis à un travail intellectuel.
Suivant qu'ils trouvent ou non, sous l'influence de l'activité
cérébrale, une augmentation dans le chiffre d'acide pliospho-
rique rendu par les urines, ils en concluent que le système
nerveux emploie ou non de l'acide phosphorique pour pro-
duire du travail. L'acide phosphorique qu'ils trouvent en plus
dans les urines est regardé par eux comme de l'acide phospho-
rique de déchet, comme le résultat de la désassimilation de la
substance nerveuse.
1 Mosler. l3eilrtie zur lCezzzzln7s.s Urinabinideranij bel Grsumlen;
,1t(ilys iii Caitst(iti's (ihi-esbel-ichl, 1833.
2 Wood. Recherches sur l'influence de l'acliu'té cérébrale sur l'exeré-
tioit de 1'(icide I)hospho)-i(lite licti- li rein. (2 ? oeeedff ? of the Contrecticut
médical Society, 1869, aualjsé in 13tll, de la Soc. ntetl. de l'arzs, t. Xi,
1870, p. 88.
" Ilammuml. - l'lJ/,iolor/ical lleueoires. l'Irilatlelplne, 1SG3. CU h;rr
divers.
4 13yassun.-Lsscti sur la relation qui existe il l'état physiologique entre
l'activité cérébrale et la composition des- urwrec. Ttr. de Paris, 18H ?
DE LA NUTRITION DU SYSTEME NERVEUX. 23T
Les résultats auxquels sont arrivés les auteurs qui précédent
sont différents. Mosler, IIammond, Byasson veulent que le
travail intellectuel augmente le rendement de l'acide plios-
phorique. Ainsi, tandis qu'àl'état de repos, Byasson, qui expéri-
mentait sur lui-même, rendait par vingt-quatre heures 1 gr. 50 ! s
d'acide phosphorique, en rendait i gr. 977G dans le même laps
de temps sous l'influence du travail intellectuel. Wood,
au contraire, pense que la mise en activité du système ner-
veux diminue le chiffre de l'acide phosphorique rendu par les
urines. '
Sans insister sur le désaccord qui existe entre les résultats
obtenus par Wood et ceux obtenus par les autres auteurs dont
nous avons rappelé les travaux, on voit, lorsqu'on étudie de
près ceux-ci, qu'ils sont susceptibles d'objections diverses et
telles qu'on peut se demander si c'est bien au travail intellec-
tuel que reviennent les modifications que ces auteurs ont
constatées sous l'inlluence de ce travail. Parmi ces objections,
nous n'en retiendrons qu'une, celle qui a trait à l'alimenta-
tion.
L'influence qu'exerce l'alimentation sur l'élimination de
l'acide phosphorique est considérable. C'est par grammes
que peuvent se chiffrer, chez un même individu, les variations
quotidiennes dans l'élimination de cet acide suivant la nature
de l'alimentation; tandis que c'est par centigrammes que se
marquent, ainsi que nous le verrons, l'influence du travail in-
tellectuel sur l'élimination des phosphates. Il faut donc, dans
des expériences biologiques semblables à celles que nous
venons d'indiquer, annuler absolument l'influence de l'alimen-
tation, si on ne veut pas s'exposer à attribuer au travail intellec-
tuel ce qui est dû simplement à cette dernière. C'est là un
fait dont on n'a pas suffisamment tenu compte jusqu'à pré-
sent, à l'exception toutefois de Byasson.
Ce savant a cherché à annuler l'influence de l'alimentation
en se soumettant, pendant toute la durée de l'expérimenta-
tion, à un régime toujours le même par sa qualité et sa
quantité. Malheureusement ce régime, qui se composait de
pain et d'eau, était défectueux, et cela non seulement parce
qu'il produisait un état de répugnance tel que Byasson, ainsi
qu'il le dit lui-même, était obligé de se forcer pour le manger,
mais parce qu'il s'éloigne trop de la normale. La nécessité
23S REVUE CRITIQUE.
d'employer dans ces cas une alimentation aussi normale que
possible est prouvée par les recherches de Bischoff', Zuelzer "
et Sievert 3 sur les animaux et sur l'homme. Plus l'alimen-
tation se rapproche par sa nature de l'alimentation ordi-
naire de l'animal en expérience ou de l'homme, plus se ré-
gularise l'élimination de l'acide phosphorique. Ainsi à la
suite d'un régimecomposé exclusivement de pommes de terre, la
quantité d'acide phosphorique rendu pendant chaque période
de 21 heures est très variable, tandis que cette élimination
se régularise lorsque l'alimentation devient mixte ou animale.
On peut donc se demander si ce n'est pas simplement au
régime et non au travail intellectuel qu'il faut attribuer les
modifications que Byasson a constatées dans l'élimination de
l'acide phosphorique.
Les conditions d'expérimentation dans lesquelles se sont
placés les auteurs qui ont recherché l'influence qu'exerce le tra-
vail intellectuel sur l'élimination de l'acide phosphorique per-
mettent donc des doutes sur la valeur des résultats qu'ils
ont obtenus. Ce n'est pas tout : nous ne pouvons accepter
sans discussion les conclusions que ces auteurs veulent tirer
de leurs recherches. Nous ne pensons pas, qu'il suffise de
constater, sous l'influence du travail intellectuel, une aug-
mentation dans le chiffre de l'acide phosphorique rendu par les
urines pour être en droit de conclure que cet acide en excès
provient de la désassimilation de la substance nerveuse. L'a-
cide phosphorique, en effet, n'est pas propre au seul système
nerveux ; il entre dans la constitution de tous nos tissus, et
comme le cerveau en fonctionnant peut retentir sur d'autres
organes, sur d'autres fonctions, il peut se faire que ce soit à
ce retentissement qu'il faille attribuer tout ou partie des modi-
fications survenues sous l'influence du travail intellectuel dans
l'élimination des phosphates. En tout cas, c'est la un point
qu'il faut élucider avant de tirer aucune conclusion.
Ainsi, non seulement les résultats obtenus par Wood con-
tredisent ceux obtenus par Mosler, Hammond et Byasson,
mais lorsqu'on étudie de près les travaux de ces auteurs, on
1 Bischoff. Loco citalo.
2 Zuelzer. Loco citato.
3 Sievert. Zet<xc/t ? ? 7 sur die '/e.<Hntne7 : Natnrwissench. 1868,
B(l. XXXI, p. 458. ,
DE LA NUTRITION DU SYS'tÈMË NERVEUX. 'l 3 9
trouve à ces travaux des côtés défectueux qui portent à se de-
mander si c'est bien à l'actvité intellectuelle que doivent être
attribuées les modifications qu'ils ont constatées sous l'influence
de cette activité. De plus, on ne peut sans autres preuves,
attribuer ces modifications à des échanges qui se passeraient
dans le cerveau. Les recherches relatives aux rapports qui
peuvent exister entre la nutrition du cerveau et l'acide plios-
phorique devaient donc être reprises à un double point de vue ;
le problème que soulève l'étude de ces rapports se compose de
deux parties : 1° Constatation des modifications qui surviennent
sous l'influence du travail intellectuel dans l'élimination de
l'acide phosphorique.
2" Interprétation de ces modifications.
C'est ainsi que nous avons compris ce problème. Mais avant
d'indiquer les résultats que nous avons obtenus, il est néces-
saire d'exposer quelques considérations générales qui servent
de base à nos recherches.
Considérations générales.
Pour savoir si l'activité cérébrale modifie l'élimination de
l'acide phosphorique, nous avons étudié comparativement cette
élimination chez un même individu à l'état de repos et à l'état
de travail intellectuel. Pendant un certain nombre de jours nous
étudions l'élimination quotidienne de l'acide phosplioriquc
chez cet individu au repos ; puis, pendant un certain nombre
d'autres, nous étudions cette élimination chez ce même indi-
vidu soumis à un travail intellectuel. Mais pour pouvoir, si
des modifications se produisent dans l'élimination de l'acide
phosphorique, pendant l'état d'activité cérébrale, attribuer ces
modifications à cette seule activité, il est des précautions à
prendre. Ces précautions sont de deux ordres : d'ordre biolo-
gique et d'ordre alimentaire.
L'acide phosphorique, nous l'avons déjà dit, n'entre pas seu-
lement dans la constitution du système nerveux, il fait
partie intégrante de tous les tissus de l'économie '. Il est pos-
sible qu'il se lie à la nutrition de ces tissus, et que son éli-
1 Voir, à cet égard : Mairet, loco citalo, p. 13 et sq.
2'l0 REVUE CRITIQUE.
initiation soit influencée par elle ; par suite, il faut qu'à part
le travail intellectuel, l'individu en expérience soit, pendant
l'état de repos et pendant l'état de travail, dans des conditions
biologiques absolument semblables; il faut que les conditions
d'activité musculaire, de sommeil, de milieu, etc., soient les
mêmes dans les deux cas. Ces conditions sont faciles à réaliser
chez l'homme sain et elles l'ont toujours été dans nos expé-
riences.
Quant à l'alimentation, nous avons suffisamment insisté
dans le paragraphe précédent sur la nécessité d'annuler son
influence, pour n'avoir qu'à indiquer ici comment nous sommes
arrivé à ce but.
Engelmann ', dans des recherches fort bien faites sur l'in-
lluence qu'exerce le travail musculaire sur l'élimination de l'a-
cide phosphorique a déjà montré qu'en soumettant un individu
à un régime mixte revenant toujours le même par sa qualité
et sa quantité, on arrive, toutes les autres conditions restant
les mêmes, à régulariser suffisamment l'élimination quoti-
dienne de l'acide phosphorique, pour que, si ou fait intervenir
un travail musculaire et si des modifications se produisent
dans cette élimination, ces modifications puissent être attri-
buées à l'intervention de ce travail. Nous avons repris ces re-
cherches d'Ëngelmann et les résultats que nous avons obtenus
sont venus confirmer ceux obtenus par ce savant. Mais nos
recherches nous ont montré en outre que cette régularisa-
tion dans l'élimination de l'acide phosphorique est obtenue
non seulement avec un régime mixte, mais encore avec un ré-
gime animal ou végétal convenablement préparé, à une con-
dition, c'est qu'on laisse les individus en expérience manger
une certaine quantité de pain. Pour fixer les idées sur les faits
que je vicnsd'indiquer.je prendrai, parmi les observations que
j'ai rapportées à ce sujet (loc. ca't., p. 100), l'exemple suivant :
Un individu à l'état de repos, soumis à un régime mixte tou-
jours le même par sa quantité etsa qualité rend par 21 heures,
pendant quatre jours consécutifs, les chiffres suivants d'acide
phosphorique : 2 gr. OR, 2 gr. 15, 2 gr. 2'i, 2 gr. 15. Ce même
individu, soumis pendant trois jours consécutifs à un régime
exclusivement animal, rend par 2t heures les chiffres sui-
r I : yefmamn. -.Inclr. l'or Anttl. lrl ? iul., clc., 1571, tr. 7.
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 2H
vants d'acide phosphorique : 2 gr. 34, 2 gr. 63, 2 gr. 38. Ce
même individu enfin, soumis à un régime végétal élimine par
24 heures : 1 gr. 54, 1 gr. 62, 1 gr. 60 d'acide phosphorique.
Peut-on, je le demande, espérer une régularisation plus grande
dans l'élimination quotidienne de l'acide phosphorique que
celle que nous avons obtenue ? Et si, soumettant l'individu qui
précède à un travail intellectuel, des modifications se pro-
duisent dans l'élimination de l'acide phosphorique, hésitera-
t-on à attribuer ces modifications à ce travail ? Nous ne le
pensons pas.
, Ainsi, si chez un individu placé dans les conditions de vie et
d'alimentation que nous venons d'indiquer, on met enjeu l'ac-
tivité cérébrale et si des modifications se produisent dans l'éli-
mination de l'acide phosphorique, ces modifications peuvent
être attribuées à jette activité.
Mais, on s'en souvient, le but que nous poursuivons par
l'étude de l'élimination de l'acide phosphorique est celui de
savoir si cet acide est lié à la nutrition du cerveau. Or, pour
arriver à ce but, la seule étude de l'élimination de l'acide
phosphorique totale est insuffisante ; elle nous conduirait même
à des interprétations erronées. Il est nécessaire que nous
étudiions en même temps l'élimination de l'azote et que nous
ne considérions plus seulement l'acide phosphorique total,
mais cet acide suivant qu'il se trouve dans les urines sous la
forme de phosphates solubles ou insolubles.
L'acide phosphorique oxyde' qu'on retrouve dans les urines
y existe en effet sous deux formes : sous la forme de phosphates
solubles, phosphates de soude et de potasse, ce sont les phos-
phates alcalins, et sous la forme de phosphates insolubles, de
phosphates terreux, phosphates de chaux, de magnésie et de fer.
Ces deux espèces de sels peuvent facilement être étudiées sépa-
rément. C'est dans l'étude comparative de ces sels et dans les
rapports qui existent entre eux et l'azote, que nous trouverons le
moyen de savoir si l'acide phosphorique joue réellement un rôle
dans la nutrition du système nerveux.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur ces deux ordres
de faits' ; disons seulement que les considérations que nous
avons fait valoir précédemment à propos de l'acide phos-
1 Voir, pour plus de détails : ilairet, loco cilalo, p. 31 et seq.
Archives, t. IX. 16
242 REVUE CRITIQUE.
phorique total et de la possibilité de régulariser son élimina-
tion s'appliquent aussi à l'acide phosphorique uni aux terres,
à l'acide phosphorique uni aux alcalis et à l'azote.
Ces préliminaires indispensables pour donner à nos recher-
ches toute l'autorité nécessaire étant établis, nous pouvons
maintenant aborder ces recherches et indiquer les résultats que
nous avons obtenus.
Le travail intellectuel dans ses rapports avec l'élimination de
l'acide phosphorique et de l'azote.
Pour savoir si le travail intellectuel modifie l'élimination de
l'acide phosphorique et de l'azote, et pour nous rendre compte
des modifications produites, nous nous contenterons de rappeler
l'expérience suivante qui résume tout ce qui a trait à cette
question. *
Dans cette expérience, dont nous sommes le sujet, nous
nous sommes soumis à un régime de nature variable et à
un travail intellectuel de même nature mais d'intensité diffé-
rente.
Dans une première expérience, nous mangions un régime
mixte revenant chaque jour le même en quantité et en qua-
lité ', et après avoir, pendant quatre jours consécutifs, étudié
l'élimination de l'acide phosphorique et de l'azote, alors que
nous étions à l'état de repos, nous nous sommes ensuite
soumis pendant quatre autres jours à un travail intellectuel
d'une durée de sept heures ; puis, pendant deux autres
jours à un travail intellectuel de même nature et d'une durée
de dix heures. Le tableau suivant indique les résultats obte-
nus : *
1 Voir. pour la qualité et la quantité de ce régime : Alairet, loco citntu,
p. 60.
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 243
Tableau I. Influence du travail intellectuel sur l'élimination
de l'acide phosphorique et de l'azote.
244 REVUE CRITIQUE.
Ces premières données acquises, nous nous soumîmes à un
régime végétal toujours le même par sa qualité et sa quan-
tité et après avoir étudié pendant trois jours consécutifs l'éli-
mination de l'acide phosphorique et de l'azote à l'état de repos,
nous avons étudié pendant trois autres jours ce que devient
cette élimination à la suite d'un travail intellectuel d'une
durée de sept heures et de même nature que celui des expé-
riences précédentes.
Tableau II. Influence du travail intellectuel sur l'élimination
de l'acide phosphorique et de l'azote.
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 245
Poussant enfin nos recherches plus loin nous nous soumîmes
à la diète et nous étudiâmes encore comparativement l'élimi-
nation de l'acide phosphorique à l'état de repos et à l'état de
travail intellectuel.
1'uL ? u III. Influence du travail intellectuel sur l'élimination
de l'acide phosphorique et de l'azote.
246 REVUE CRITIQUE.
1° S'exagérer la diminution de l'azote, de l'acide phospho-
rique total et de l'acide phosphorique uni aux alcalis. Le
chiffre moyen d'élimination de l'azote par vingt-quatre heures
tombe de 2'e gr. 5t à 21 gr. 08, c'est-à-dire qu'il diminue de
3 gr. 46, alors que la diminution n'avait été dans l'expérience
- 2, que de 2 gr. 5 t. Le chiffre moyen de l'acide phosphorique
uni aux alcalis tombe de 1 gr. 65 à 1 gr. 27 c'est-à-dire di-
mi ue de 0 gr. 38, tandis que dans l'expérience 2, il n'avait
diminué que de 0 gr. 12.
2° Se préciser une modification à peine sensible dans l'ex-
périence 2, l'augmentation de l'acide phosphorique uni aux
terres; le chiffre de cet acide est porté de 0 gr. 50 àOgr. 58.
Dans les expériences des tableaux II et III, nous retrouvons,
sous l'influence du travail intellectuel des modifications dans
l'élimination de l'acide phosphorique et de l'azote semblables
à celles que nous ont fourni les expériences 2 et 3 du tableau I
avec cette différence que, tandis que dans l'expérience 2 du
tableau I, un travail de sept heures n'augmente pas le chiffre
d'élimination de l'acide phosphorique uni aux terres, ce même
travail augmente ce chiffre dans les expériences des tableaux
II et III; il l'augmente de 8 centigr. dans le tableau II et de
9 centigr. dans le tableau III.
D'où vient cette différence d'action pour un même travail ?
Les expériences consignées dans les tableaux II et III contrin-
diquent-elles celles consignées dans le tableau I ?
Cette différence d'action s'explique parfaitement ; elle tient
simplement à la différence de régime. Dans le tableau I, en
effet, l'individu soumis à un travail intellectuel, mangeait un
régime mixte, riche en phosphates : dans l'expérience du ta-
bleau II, le régime qui est végétal est moins riche en acide
phosphorique ; et dans le tableau III, l'individu en expérience
est à la diète. En d'autres termes, c'est dans le rapport entre
le travail et la richesse de l'alimentation en acide phospho-
rique qu'il faut chercher le pourquoi de l'augmentation ou de
la non augmentation des phosphates terreux sous l'influence
de l'activité cérébrale. Un même travail augmentera d'autant
plus le chiffre de l'acide phosphorique uni aux terres, que l'ali-
mentation sera moins riche en phosphates ; ce qui revient à
dire que, pour un même travail, si l'alimentation est suffisam-
ment riche en ces sels pour réparer les pertes faites par ce
travail, l'acide phosphorique uni aux terres éliminé par les
DE I.A NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 2 le7
urines n'est pas augmenté'. Par conséquent, pour avoir une
idée complète de l'influence qu'exerce le travail intellectuel
sur l'élimination de l'acide phosphorique, il faut absolument
tenir compte des rapports qui existent entre l'intensité du
travail et la richesse de l'alimentation en phosphates.
Mais, fait important à noter, tandis que les modifications
dans l'élimination de l'acide phosphorique uni aux terres sont
dans un rapport étroit avec l'intensité du travail et la richesse
de l'alimentation en acide phosphorique, il n'en est plus de
même de la diminution de l'azote et de l'acide phosphorique
uni aux alcalis. Cette diminution reste, en effet, à peu près la
même pour un même travail, peu importe la nature de l'ali-
mentation. C'est ce qui ressort de la comparaison des résul-
tats consignés dans le tableau I (expérience 2) et dans les
tableaux II et III. Dans le tableau I (régime mixte), la diminu-
tion de l'azote est de 2 gr. 54 et celle de l'acide phosphorique
uni aux alcalis de 12 centigr. ; dans le tableau II (régime
végétal), cette diminution est pour l'azote de 2 gr. 37 et pour
l'acide phosphorique uni aux alcalis de 9 centigr. ; et dans le
tableau Ill(diète), le chiffre de l'azote diminue, sous l'influence
du travail intellectuel, de 1 gr. 42 et celui de l'acide phospho-
rique uni aux alcalis de 14 centigr. La nature de l'alimen-
tation n'influe donc pas sur l'élimination de l'azote et de
l'acide phosphorique uni aux alcalis. Cette élimination est
seulement en rapport avec l'intensité du travail ; elle est d'au-
tantplus diminuée que cette intensité est plus grande, ainsi que
le prouve la comparaison entre l'expérience 3 du tableau I, et
l'expérience 2 du même tableau. Ici donc, comme pour l'acide
phosphorique uni aux terres, pour avoir une notion complète
de l'influence qu'exerce le travail intellectuel sur l'élimination
de l'azote et de l'acide phosphorique, il faut tenir compte des
rapports qui existent entre l'intensité du travail et l'alimen-
tation, et dans ces cas, les seuls qui puissent servir à étudier
les rapports biologiques qui existent entre l'acide phospho-
rique et le fonctionnement du système nerveux, on arrive aux
résultats suivants :
1° Le travail intellectuel diminue le chiffre de l'azote éliminé
par les urines;
1 Voir pour les rapports qui existent, relativement à l'élimination de
l'acide phosphorique, entre la richesse de l'alimentation et le travail,
nos recherches, p. 99, et plus particulièrement, p. 76 et 80.
248 REVUE CRITIQUE.
2° Le travail intellectuel augmente l'élimination de l'acide
phosphorique uni aux terres;
3° Le travail intellectuel diminue l'élimination de l'acide
phosphorique uni aux alcalis ;
4.° Le travail intellectuel diminue le plus généralement le
'c ? eefe l' acide phosphorique total. Nous disons que le tra-
vail intellectuel diminue le plus généralement l'acide phos-
phorique total ; et en effet, sidans le plus grand nombre de cas
nous avons constaté la diminution de cet acide, nous ne devons
cependant pas oublier que lorsque nous nous soumettions à
un régime végétal (tableau II), le chiffre de l'acide phospho-
rique total est resté le même sous l'influence de l'activité céré-
brale qu'à l'état de repos.
Consécutivement aux modifications produites dans l'élimi-
nation de l'acide phosphorique par le travail intellectuel se
produisent des modifications dans les rapports qui existent
entre l'acide phosphorique et l'azote et entre l'acide phospho-
rique uni aux terres et l'acide phosphorique uni aux alcalis.
Ces modifications nous ne ferons que les indiquer dans le ta-
bleau suivant, tableau qui résume aussi ce que nous avons dit
précédemment.
Tableau fiv. Influence du travail intellectuel sur l'élimination
de l'acide phosphorique et de l'uzole.
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 249
Interprétation des modifications produites par le travail intel-
lectuel sur l'élimination de l'acide phosphorique.
Le travail intellectuel diminue le chiffre de l'azote et de
l'acide phosphorique uni aux alcalis rendu par vingt-quatre
heures; il augmente le chiffre de l'acide phosphorique uni aux
terres éliminé dans le même laps de temps. Quant au chiffre
total d'acide phosphorique il est variable, tantôt il est dimi-
nué, tantôt il n'est pas modifié et on comprend même qu'il
puisse parfois être augmenté. Telles sont les modifications
que produit l'activité cérébrale sur l'élimination de l'acide
phosphorique et de l'azote. Ces modifications nous avons à les
interpréter et à rechercher quel rôle le système nerveux joue
dans leur production.
Il est une théorie d'après laquelle cette question serait facile
à résoudre. Cette théorie est due à Zuelzer. Ce médecin a pu-
blié en 18761 un travail dans lequel il cherche à montrer que
dans les conditions ordinaires de la vie, HO ? ')Ho/eH lfinsieinden,
il existe un rapport constant entre l'acide phosphorique et
l'azote éliminé par les urines. Ce rapport qui serait d'après
lui : : 17 : 100 resterait constant, peu importe les causes biolo-
giques qui peuvent modifier l'élimination des phosphates ; ces
sels varieraient dans les mêmes proportions que l'azote. Seule
l'intervention du système nerveux modifierait ce rapport; la
mise en activité de ce système augmenterait l'élimination de
l'acide phosphorique sans augmenter celle de l'azote. On voit
si la théorie de Zuelzer est vraie, combien il est facile de sa-
voir si, dans un cas donné, le système nerveux intervient ou
non. On n'a qu'à étudier comparativement l'élimination de
l'acide phosphorique et celle de l'azote ; si le rapport entre ces
Jeux substances dépasse 17 p. 100, c'est une preuve de l'inter-
vention de ce système; dans le cas contraire, c'est une preuve
de sa non intervention.
Malheureusement, si, comme la plupart des théories, celle de
Zuelzer a quelque chose de vrai, elle est fausse dans sa partie
essentielle, celle qui a trait à la possibilité de savoir, par l'é-
tude comparative de l'élimination de l'acide phosphorique et
de l'azote, si le système nerveux intervient dans la production
de tel ou tel phénomène biologique.
1 Zuelzer. Archives de Virchow. 1876, p. 66.
350 REVUE CRI 1"IQUK. NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX.
D'abord, quand on étudie de près le travail de Zuelzer, on
peut difficilement attribuer quelque importance à ce rapport
de 17 p. 100 que donne cet auteur comme exprimant les rela-
tions qui, dans les conditions ordinaires de la vie, existent entre
l'acide phosphorique et l'azote. Cette moyenne, est, en effet.
obtenue avec des chiffres qui varient dans des proportions
beaucoup trop considérables pour qu'elle puisse avoir quelque
valeur et si le lecteur veut bien se reporter à nos recherches ' 1
sur l'homme sain placé dans les conditions ordinaires de la
vie, il verra que jamais nous n'avons obtenu une proportion
aussi élevée.
En second lieu, lamise en activité du système nerveux n'est
pas le seul élément qui puisse faire varier le rapport entre l'a-
cide phosphorique et l'azote. Nos recherches2 sur le travail
musculaire dans ses rapports avec l'élimination de l'acide
phosphorique le prouvent. Dans ces recherches nous voyons,
en effet, sous l'influence de la mise en activité du muscle aug-
menter la proportion qui existe entre le chiffre des phosphates
et celui de l'azote éliminés. Or cette augmentation ne peut
pas être attribuée à l'intervention du système nerveux. Le
muscle et le nerf traduisent leur action sur l'élimination de
l'acide phosphorique d'une manière toute différente. Tandis
que le muscle en travaillant augmente les phosphates alca-
lins et ne modifie pas ou tend à diminuer les phosphates ter-
reux, le système nerveux, au contraire, diminue l'élimination
des phosphates alcalins et augmente celle des phosphates ter-
reux.
En troisième lieu enfin, si on se reporte aux recherches con-
signées dans les tableaux qui précèdent, on voit que si, sous
l'influence du travail intellectuel, le rapport entre l'acide
phosphorique et l'azote est augmenté : 10 Cette augmentation
n'est pas en rapport, ce qui devrait être si la théorie de Zuelzer
était vraie, avec l'intensité du travail. Elle est plus grande avec
un travail de sept heures qu'avec un travail de dix heures (ex-
périence 1 et 2. Tableau I).
2° Cette augmentation n'a pas lieu parce que l'acide phos-
phorique est plus augmenté que l'azote, mais parce que cette
dernière substance est plus diminuée que la première, fait
que ne prévoyait pas Zuelzer dans sa théorie.
1 J1airPl.-I,o.ocilnto, passim.
2 lrl.. p. 67 et seq.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 351
La théorie de Zuelzer ne peut donc nous donner- la solu-
tion du problème que nous étudions actuellement. Pour arri-
ver à celle-ci, il nous faut revenir quelques instants sur nos
recherches.
Les individus sur lesquels nous avons expérimenté étaient
placés, nous l'avons dit, pendant les états de repos et de tra-
vail intellectuels dans des conditions biologiques et alimen-
taires absolument semblables. Par conséquent, si les modifica-
tions dans l'émination de l'acide phosphorique que nous avons
trouvées sous l'influence du travail, tiennent à une autre cause
qu'au système nerveux, on ne peut les rattacher qu'au reten-
tissement du cerveau sur la nutrition générale. Il s'agit donc
de savoir si la nutrition générale a une influence sur cette éli-
mination, et dans le cas de l'affirmative, nous devrons chercher
à distinguer cette influence de celle du système nerveux. Avant
toutes recherches ayant pour but de déterminer s'il existe
quelques rapports entre la nutrition du système nerveux et les
modifications que nous avons constatées dans l'élimination de
l'acide phosphorique sous l'influence du travail intellectuel,
nous devons donc nous demander quels sont les rapports qui
existent entre cette élimination et la nutrition générale.
Nous avons institué à ce sujet une série de recherches que
nous ne pouvons songer à rapporter ici; nous nous bornerons
seulement à indiquer les résultats que nous avons obtenus,
renvoyant pour plus de détails à notre travail déjà cité
(page lt3 à 127). (A suivre.)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
XIV. Note sur la DISPaRITI0 : 1 du phénomène du genou chez les
vieilles gens; par P.-J. Moebius. (Centralbl. f. Nervenheilk. ,
1863.)
L'examen de cinquante-six individus ayant dépassé quatre-
vingts ans aboutit au dénombrement que voici :
252 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 253
En faisant la part de l'état de l'appareil oculaire et de ses
milieux, l'auteur conclut que le myosis est le lot du vieillard, sans
qu'on soit en mesure de préciser un âge exact, mais que toute
dilatation pupillaire qui se montre au-delà de cinquante ans
indique toujours, abstraction faite des circonstances d'ordre
ophthalmologique, une maladie de l'encéphale. Le myosis ne
s'accompagnant pas dans l'espèce de rétrécissement de la fente
palpébrale et d'enfoncement du globe oculaire, on pourrait le
rattacher à un défaut d'innervation du grand sympathique cervi-
cal ; les myosis extrêmes résulteraient encore de la contracture du
sphincter pupillaire, de par l'altération des fibres dilatatrices.
Mobilité de la pupille. - Le myosis et 1 inertie pupillaire ne sont
pas fatalement liés l'une à l'autre, mais l'inertie de l'écran irien
est considérablement plus fréquente quand il y a myosis que
lorsque les pupilles présentent une largeur moyenne. En général,
cette inertie se manifeste assez indistinctement pour les divers
excitants. Elle peut être absolue. Il n'existe aucun rapport entre
elle et la présence ou l'absence du phénomène du genou. La dila-
tation pupillaire qui succède aux excitations de la sensibilité
générale, des organes des sens, de l'activité psychique est moins
nette chez le vieillard, quand la mobilité pupillaire est amoindrie ;
elle demande chez lui de bien plus fortes impressions que chez
les adultes. L'ensemble de ces allures s'explique par un trouble de
l'innervation du grand sympathique cervical et du système ner-
veux en général, par des modifications histologiques de l'iris et des
vaisseaux irions. P. K.
XVII. Nouveaux cas de tabès chez L FEMME; par P.-J. 1BIUS.
(Cbl. f. Ncrucrtlccilh., 188, n" 20.)
L'auteur avait déjà dans les noa 9 et 12 du même journal, rap-
porté descas de tabès chez la femme; dans le présent travail qui
contient treize nouvelles observations, il arrive aux conclusions
suivantes :
1) Dans la majorité des cas de tabes chez la femme on a pu
retrouver la syphilis dans les antécédents, et, dans presque tous, se
trouvaient des circonstances qui rendaient très probable l'exis-
tence d'une infection antérieure.
2) Chez les vierges on n'a pas observé le tabes.
3) Au moment du début du tabès les malades étaient en moyenne
âgées de trente-deux ans; l'intervalle entre le moment de l'infec-
tion et le début du tabès était en moyenne de sept ans.
4) La syphilis avait toujours été d'une forme légère. On ne trou-
vait plus de signes nets de syphilis, ni sur les malades chez lesquelles
l'infection était notoire, ni sur celles chez lesquelles elle était seule.
ment probable.
234 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
S) Les causes occasionnelles de tabes manquaient absolument
dans la plupart des cas; celles que l'on trouvait consistaient en
accidents puerpéraux, '.surtout en hémorrha-ies, en des cas
isolés, refroidissement, émotions morales, prédisposition neuropa-
thique. - C. Marie.
XVIU. Contribution A la question DE l'étiologie DU tabès dorsal;
par M. BERNIIARDT. (Centralbl. /. Nervenleeilk., 1883 r.)
Examen de vingt-six cas de tabes portant sur vingt-trois hommes
et trois femmes. Dans ce nombre dix avaient certainement eu la
syphilis dont trois femmes, cinq l'avaient peut-être eue (accidents
secondaires douteux). Des onze qui restent, sept avaient été
exposés soit à l'humidité, soit à un travail exagéré dans de mau-
vaises conditions d'hygiène et d'alimentation (humidité, indigence
etc.); les quatre autres appartenaient à une classe sociale aisée
et ne présentaient aucun élément étiologique en rapport avec le
tabès. Sur les quinze individus atteints de syphilis, vraie ou dou-
teuse, huit accusaient en même temps les causes pathogénétiques
de l'ataxie locomotrice (excès, fatigues, froid humide, misère), de
sorte qu'en réalité sept tabétiques seuls relevaient de l'infection
syphilitique sûre ou probable. Sur ces vingt-six tabétiques, quinze
appartiennent à une sphère sociale peu relevée ou à la classe
pauvre; on y compte neuf syphilitiques et six individus indemnes
de syphilis : onze ressortissent à la clientèle privée, et se dédou-
blent en six infectés et cinq sujets sains. P. K.
XIX. Contribution A L'ÉTUDE DES troubles DE coordination dans L'EN-
FANCE; par A. Erlenmeyer. (Centrulbl. f. Nervenheilk., 4883.)
Etude symptomatique d'un fait très intéressant, caractérisé,
chez un enfant de huit ans, par du strabisme interne de toit
droit, des mouvements incessants dans la langue, de temps à
autre des convulsions dans lesmuscles de la face, surtout à droite,
une sorte d'aphasie alaxique mécanique (anarthrie), enfin de
l'ataxie dans les deux jambes. Les deux extrémités supérieures
sont constamment en mouvement; intégrité de la sensibilité;
signe de Romberg. Diagnostic de Friedreich : affection médul-
laire ; deErb : chorée minor. Après discussion, Erlenmeyerconclut
à l'ataxie héréditaire2, à raison de l'âge auquel l'enfant a été atteint
(cinq ans), à raison de la consanguinité de ses générateurs, à
raison de l'ataxie locomotrice et statique, à raison de la consta-
tation passagère d'un nystagmus ataxique, de l'absence des
1 Voy. Archives de Neurologie.
2 Idem.
HEbUE DE l'A'l'HUI.UUIE \EIiVEUE. 255
réflexes tendineux patellaires, de l'intégrité de la sensibilité. Sous
l'influence d'injections sous-cutanées de curare, de l'hydrothérapie,
et des courants continus (colonne vertébrale et grand sympathique)
le slrabisne disparait; une saison à Wildbad améliore les troubles
de la parole. Les autres symptômes persistent. P. K.
XX. Sur UNE PSEUDU-HYPEI2TR01'lllE des muscles; par 0. Berger
(Arch. f. Psych., XIV, 3.)
Rédaction de l'histoire de deux faits. Un seul est accompagné
d'autopsie. En voici la teneur (Obs. 1). Dès les premières années
de la vie, le système musculaire devient malade; la maladie
s'aggrave et progresse à la suite d'une rougeole; des accès d'épi-
lepsie se montrent à l'âge de six à huit ans; le patient meurt à
seize ans de tuberculose; il y avait, dans l'espèce hérédité, névro-
pathique. On trouve presque tous les muscles surchargés de graisse :
les cloisons ont aussi subi, après l'hyperplasie conjonctive, l'en-
vahissement graisseux; la plupart des fibres striées ont simplement
diminué de volume; peu d'entre elles sont en état de dégénéres-
cence parenchymateuse. Comme, cinq ans avant la mort, une
bribe des gastrocnémiena présentait une prolifération interstitielle
bien plus accusée, l'auteur pense qu'il y a eu d'abord myopathie
interstitielle, les travées de nouvelle formation ayant graduelle-
ment atrophié les faisceaux contractiles; la substitution de la
graisse se serait effectuée eu dernier lieu. P. K.
XXI. Un cas DE névrite multiple; parF.-C MUELLER. (ri7'Ct.
f. Psycit., XIV, 3.)
Une alcoolique de soixante ans est atteinte d'un rhumatisme
articulaire subaigu accompagné de délire qui se term'ne par de
la mélancolie agitée avec désordre dans les idées. En même temps
on constate de la paralysie ou de la parésie étendue de plusieurs
muscles : extenseurs de la main; extenseurs et fléchisseurs des
doigts; extenseurs et fléchisseurs de la jambe, etc.. (flaccidité et
atrophie); les mouvements d'ensemble sont encore possibles, mais
ils sont faibles et incertains. Intégrité de la sensibibité. Réaction
dégénérative, mort subite; l'autopsie révèle une tuberculose pul-
monaire. On trouve au microscope une dégénérescence atro-
phique, ou une tuméfaction vitreuse des fibres musculaires, une
dégénérescence granulo-graisseuse des branches nerveuses intra-
musculaires, dégénérescence qui occupe également les troncs,
mais y est moins accusée; intégrité des vaisseaux. On n'a pas
songé à suivre les nerfs jusqu'au centre, mais on a examiné la
moelle et le bulbe qui sont intacts. Le rôle du rhumatisme est
256 REVUE DE PATHOLOGIE NElt'LUbE.
patent. L'alcoolisme, l'âge avancé entrent également eu ligne de
compte dans la genèse de l'ensemble des accidents enregistrés.
P. K.
XXII. Contribution A l'étude DE la névrite DÉGÉNÉRATIVE multiple;
par 0. Vierordt. (Arch. f. Psych., XIV, 3.)
L'observation principale de ce mémoire concerne une jeune
fille de vingt-trois ans, syphilitique, atteinte de phthisie au début.
A la suite d'un refroidissement, elle présente de l'affaiblissement
avec engourdissement des extrémités inférieures et des douleurs
articulaiies. Puis les extrémités supérieures s'atrophient rapide-
ment. Quatre semaines après le début des accidents, réaction
dégénérative complète ou partielle, suivant leb régions explorées.
Finalement, paralysie totale des jambes, presqu'absolue des bras.
Dans le cours de l'affection, on a noté des douleurs spontanées
très faibles, des zones d'hyperesthésie extrêmes sur la peau et
dans les muscles, une diminution évidente de la sensibilité tac-
tile. La paralysie gagne le tronc et le diaphragme (fréquence
très grande du pouls); graduellement, la prostration devient ex-
cessive ; délire; incontinence de l'urine et des matières; accidents
du décubitus ; oedème des extrémités; un peu de fièvre. Mort cinq
mois après les premiers phénomènes. Ou trouve une dégénéres-
cence très accusée des nerfs périphériques, du nerf phrénique et du
nerf vague; le microscope révèle qu'il s'agit d'une dégénérescence
semblable à la dégenération secondaire consécutive à la section
et à l'écrasement d'un nerf; atrophie graisseuse et même cireuse
du tissu musculaire correspondant. P. K,
XXII RECHERCHES expérimentales ET ANATOMO-PATHOLOGIQUES sur
les rapports qui rattachent la sphère visuelle (de Muiik i) Aux
centres optiques infra-corticaux et au nerf optique; par MONA-
r,ow. (Arclc. f. Psych., XIV, 3.)
1. D'abord deux séries d'expériences chez les lapins et les chats
nouveau-nés. Aux uns on enlève des zones circonscrites du dé-
partement occipital. Aux autres on énuclée le globe de l'oeil. Chez
quelques lapins, on pratique la destruction des fibres de la
capsule interne et de la couronne rayonnante dont l'expérience
démontre la dégénérescence à la suite des résections de la zone A.
Au bout de quelques mois, on tue les animaux, et l'on procède à
un examen histologique attentif, après macération dans le bi-
chromate de potasse et d'ammoniaque. M. Monakow a de cette
0
i V. Archives de Neurologie, 6. VI, p. 403, et Progrès médical, 1879,
no 10.
REVUE LE PATHOLOGIE NERVEUSE. 257
façon trouvé ce qui suit : Chez le lapin les cellules du corps ge-
nouillé externe et du pulvinar, la substance blanche moyenne du
tubercule quadrijumeau antérieur, sont en grande partie di-
rectement unies à la sphère visuelle (zone A). Le nerf optique de
cet animal est, par l'intermédiaire des centres infra-corticaux,
en rapport étroit avec les troisième et cinquième couches de l'é-
corce occipitale. Il en est de même chez le chat. La résection
de régions circonscrites de la sphère visuelle entraîne (six à huit
semaines après l'opération), des arrêts de développement qui
portent sur les centres visuels infra-corticaux et se propagent
sans interruption aux deux nerfs optiques. Les zones AI A2 A3 ',
sont particulièrement en rapport avec le corps gemouillé externe
et le pulvinar; les zones AI et A2 sont aussi eu rapport avec le tu-
bercule bi-jumeau antérieur. Les éléments corticaux en question
sont directement rattachés aux cellules ganglionnaires du corps
genouillé externe et du pulvinar; leur mode d'union avec le tu-
bercule bi-jumeau antérieur est encore obscur. La disparition des
cellules nerveuses de ces régions infra-corticales entraîne un
anéantissement partiel de leur réseau gris; mais l'inverse n'est
pas vrai. Les racines du nerf optique prennent naissance dans le
réseau gris du corps genouillé externe et du pulvinar. L'atrophie
des nerfs optiques qui succède à l'extirpation de la sphère visuelle
a lieu par l'intermédiaire de la nécrose des cellules ganglion-
naires du pulvinar et du corps genouillé externe, et directement,
par la disparition du réseau gris de ces organes. Quant à l'atro-
phie de la racine du nerf originaire de la substance blanche
superficielle du tubercule bi-jumeau antérieur, on n'en saurait
préciser le mécanisme. - Confirmation des opinions de Gudden
et Nicali sur l'entrecroisement du nerf optique ; confirmation des
assertions de Ganser , sur le trajet des fibres du nerf optique dans
le chiasma. De plus, le faisceau entrecroisé parait presque exclu-
sivement uni à la moitié médiane de la sphère visuelle, le
faisceau non entrecroisé se rendant à la moitié latérale de la
même région. La zone corticale dont l'atrophie provoque la
dégénérescence du système des fibres optiques correspond assez
sensiblement, comme étendue, à la sphère visuelle du chien, de
Munk; mais chaque district de l'écorce empiète l'un sur l'autre,
de sorte qu'il existe un champ de passage qui n'est pas à né-
gliger.
II. La seconde partie de ce travail a trait à des observations
anatomo-pathologiques et cliniques, pris chez l'homme. Elle n'est
pas encore entièrement publiée. P. K.
i Voiries figures du Progrès Médical de 1879, ne 10.
2 Voir les Archives de Neurologie.
Archives, t. IX. 17 î
258 REVUE LE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXIV. Un cas d'arrêt de développement dans la SPHERE motrice du
cerveau; parJ. Gensen. (Arch. f. Psych., XIV, 3.)
Il s'agit d'une idiote épileptique, morte à l'âge de trente ans,
dont le développement somatique fut tardif; elle avait appris à
marcher à rage de six ans; l'épilepsie datait de la puberté.
L'éducation en fut encore possible; elle parlait imparfaitement.
mais elle correspondait suffisamment avec le monde extérieur, et
possédait un certain degré de discernement et de spontanéité.
Analgésie. L'étude nécroscopique démontre qu'il s'agit d'une ré-
duction delà substance nerveuse cérébrale, surtout au niveau de
la troisième frontale, de l'opercule et de l'insula sous-jacent des
deux côtés, mais non de microcéphalie. L'écorce parait même un
peu plus épaisse que normalement. Il y avait en un mot assez de
tissu pour que la vie psychique motrice et sensorielle persistât :
mais les facultés et les fonctions étaient en rapport avec l'état ru-
dimentaire du développement histologique. L'épilepsie n'était que
l'expression d'une excitabilité réflexe témoignant de l'insuffi-
sance des centres d'arrêt corticaux. La mort résultait d'une
hémorrhagie sous-arachnoïdienne. Une planche accompagne ce
travail. P. K.
XXV. Appendice au mémoire intitulé : Sur une affection semblable
au tableau SYIYTOll9TIQU de la DÉGÉNÉRESCENCE GRISE CLItÉISItO-
spinale ; par C. WESTPH9L. (A9'CIL. f. Psych., XIV, 3.)
Aux cas déjà signalés ' témoignant du tableau clinique de la
dégénérescence grise cérébro-spinale multiloculaire sans altéra-
lion anatomique correspondante, il convient d'ajouter ceux de
Killian (thèse de Strasbourg 1876) et Leyden (communication
privée). Par conséquent, quelle que soit l'analogie, la perfection,
la netteté de l'ensemble symptomatique, on doit user de la plus
grande réserve dans le diagnostic. Un signe différentiel certain
entre la dégénérescence réelle et les pseudo-dégénérescences
(névroses), c'est l'atrophie du nerf optique; l'existence de cette
dernière prouve qu'il y a dégénérescence, mais son absence
ne prouve rien. Quant à la contraction paradoxale, il serait pré-
maturé de vouloir lui attribuer de la valeur diagnostique. P. K.
XXVI. RECHERCHE expérimentale des manifestations connues sous
le NOM DE « phénomènes tendineux », en tenant le plus de compte
possible DES essais entrepris chez l'homme ET DES observations
pathologiques ; par Ch. Rosenheim. (Arch. f. Psych., XV, 1.)
Ce travail nous rappelle celui de Brissaud. (Thèse de Paris, 1880,
i Voy. Ai-chives f" A'euro'ogie.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 259
ch. VI, p. 83 1.) L'auteur a aussi inventé un appareil de recherches
qui pei niil d'enregistrer mécaniquement les résultats et les allures
physiologiques de l'excitation des tendons et de ses modifications
pathologiques. L'analyse ne saurait suppléer à la lecture du
mémoire, à l'étude des figures et des tracés, à l'appréciation
personnelle des diverses circonstances dans lesquelles M. |Rosen-
heim opérait. 11 pose les conclusions suivantes : 10 le phénomène
du genou (réflexe tendineux patellaire) peut être produit par cers
taines excitations électriques du tendon, abstraction faite de la
traînée du courant; 2° les excitations, déchaînées par chaque
décharge de l'appareil magnéto-électrique à rotation, s'addi-
tionnent et placent les organes nerveux centraux dans un état
d'irritation croissante. Une longue action de ce genre se réfléchit
sous la forme de contraction du triceps fémoral ; - 3° comme
maintenant, d'après Kronecker et Stiplin- « les réflexes ne sont
dégagés que par des heurts répétés sur les cedtres nerveux» rien
ne s'oppose à ce qu'on interprète le phénomène du genou comme
un réflexe. P. K.
XXVII. Sur un cas de paralysie spinale spasmodique (terme consa-
cré) avec nécropsie ; observation suivie de quelques remarques
relatives à la lésion primitive du cordon latéral des pyramides;
par C. WESTPHAL. (Arch. f. Psych., XV, 1 1.)
L'observation, très complète, se résume parfaitement dans
l'énoncé textuel de la suscription : Aucune prédisposition héré-
ditaire. En 1873, ulcère syphilitique (cicatrice préputiale). En 1876,
phénomènes spasmodiques occupant les extrémités inférieures
qui se montrent d'abord au moment de la miction. Parésie spas-
modique croissante ; convulsions spontanées; exagérations des ré-
flexes tendineux ; diminution du sens de la température dans les
membres inférieurs, avec un peu d'exagération de la sensibilité
à la douleur dans les mêmes régions. Longtemps cet état persiste
à peu près tel quel. En juillet 1880 survient une paralysie rapide
du bras droit; en même temps apparaissent des phénomènes
cérébraux. Mort dans le coma. Diagnostic. D'abord, dégénéres-
cence multiloculaire de la moelle en lésion associée de certains
cordons, en réservant la possibilité d'une dégénérescence isolée
des cordons latéraux ou des faisceaux pyramidaux ; plus tard :
passage de la dégénérescence multiloculaire à l'encéphale.
Autopsie. Exostose du pariétal droit. Ramollissement de la subs-
1 Thèse de Brissaud, 1880, eh. VI, p. 83.
3 Voy. Archives de Neurologie (Société de psychiatrie et maladies ner-
veuses, de Berlin), t. IV, p. 247.
260 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
tance blanche, surtout dans l'hémisphère cérébral gauche. Au
microscope, la moelle présente une dégénérescence des cordons
latéraux pyramidaux et cérébelleux; affection commençante des
cordons postérieurs; pyélonéphrite; hypertrophie et dilatation de
la vessie ; oedème et hypostase des poumons ; bronchite catarrhale.
C'est donc bien, termine M. Westphal, une paralysie spinale
spasmodique, en rapport avec la lésion des cordons latéraux;
t'atteinte concomitante des cordons postérieurs ne descend
jamais, dans les cas de ce genre, jusqu'à la moelle lombaire
Il n'existe pas, d'ailleurs, dans la science, de fait relatif à une
dégénérescence isolée primitive des cordons latéraux; pareille
altération est, d'ordinaire, le prélude d'une amyotrophie. On
trouve cependant une localisation latérale primitive dans la para-
lysie générale des aliénés, localisation n'ayant rien à voir avec
la dégénérescence secondaire descendante. Cette lésion, de même
que les formes associées de destruction des cordons qu'on observe
chez les aliénés paralytiques, procède alors d'un processus d't'KMO-
lution en vertu duquel les systèmes histologiques qui, dans le déve-
loppement de la moelle, ferment la marche, c'est-à-dire les sys-
tèmes où se forment le plus tardivement les manchons de myéline
(faisceaux pyramidaux, puis cordons postérieurs et faisceaux laté-
raux cérébelleux) sont ceux qui rétrocèdent les premiers, ceux
dans lesquels les manchons myéliniques dégénèrent et dispa-
raissent ; en effet, de même que les cellules granuio-graisseuses
précèdent l'organisation des cordons de substance blanche ou de
leur myéline, de même la mort de ces tractus a lieu par le
retour aux mêmes éléments. Le mécanisme du processus nous
échappe, mais sa fin marche de pair avec 1'liyper-ènèse du tissu
conjonctif fibrillaire. Les manifestations cliniques qui émanent
de la lésion combinée des cordons postérieurs et latéraux diffèrent
chez le paralytique général et chez l'individu psychiquementsain,
en ce que, dans le dernier cas, la condition anatomique de la
genèse du complexus symptomatique repose d'une part sur l'at-
teinte continue des cordons latéraux de haut en bas et en même
temps sur l'intégrité des cordons postérieurs, à partir de la
portion inférieure de la moelle dorsale et dans toute la moelle
lombaire; les cordons postérieurs sont-ils lésés plus bas ou dans
leur segment externe, les phénomènes spasmodiques font défaut.
Chez le paralytique général, au contraire, la topographie des
lésions énoncées correspond simplement à de la faiblesse paraly-
tique, associée à du tremblement et à une exagération des phéno-
mènes du genou, parce que, jamais, dans l'espèce, la lésion des
cordons latéraux n'atteint le même degré que chez les sujets dont
l'intelligence est intacte, son existence étant abrégée par maintes
1 Voy. Archives de Neurologie.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 261
complications 1. - A ce propos, le ramollissement cérébral
observé ici comme accident ultime constitue une particularité
remarquable ; malheureusement on a négligé la recherche anato-
mique approfondie de la région. P. K.
XXV111. Contribution LA casuistique DE la sclérose cérébelleuse;
par W. Sommer. (Arch. f. Psych., XV, 1.)
Observation très incomplète concernant un idiot de trente ans*
l'idiotie fut consécutive à une encéphalite à l'âge de trois ans. Ce
malade s'agite tout à coup pendant sept semaines et meurt subi-
tement. On trouve à l'autopsie une pachyméningite externe, une
leptoméningite chronique, une poussée d'hyperémie méningée,
une hydrocéphalie chronique externe et interne, de )'oedème
cérébral, de la sclérose avec atrophie de tout le cervelet, moins
le vermis et les parties qui relient cet organe au reste de l'encé-
phale. Toutes ces altérations sont anciennes ; leur progression
croissante a évidemment tué le patient. Peut-être le bulbe s'est-il
mis de la partie; cet organe n'a pas été examiné. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
XIII. De la conscience dans LES états connus sous LE nom d'états
d'inconscience; par A. PicK (Arc7a. f. Psych., XV 1).
L'auteur a examiné, à la lumière d'une observation de folie
épileptique, très minutieusement prise, les assertions de Gnauck,
d'après lesquelles il y a, dans l'espèce, un état anormal de la
conscience analogue à celui du rêve, et non une perte de con-
naissance totale; aussi le souvenir de ce qui s'est passé pen-
dant l'accès n'est-il pas toujours éteint, et présente-t-il des
formes variées; tantôt (pendant l'attaque) l'individu perd la notion
du monde extérieur, tantôt il n'y a qu'obnubilation psychique
(psychose épileptique 2). M. Pick confirme ces opinions et essaie
l'explication d'une pathogénie somatique. Ainsi, il est des états
1 Voy. Archives de Neurologie. Revues analytiques.
2 W t. V, p. 372.
262 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
d'inconscience avec alexie, avec agraphie, qui, tout en traduisant
des modifications entre les rapports de la teneur de la connais-
sance et le monde extérieur, se limitent surtout aux impressions
sensorielles et notamment à celles d'ordre optique. Sans parler
des hallucinations et des illusions qui peuvent exister en même
temps, on voit le malade méconnaître son entourage, son écriture,
et ne pouvoir écrire lisiblement. C'est là de la perte de la vision
mentale des objets et des signes ' ; la perte passagère des images
corn iiiénioralives des impressions visuelles, résulte de troubles
moléculaires et circulatoires dans les postes terminaux où se
peignent ces images. Ce sont les degrés divers de ces mo-
difications locales qui font que, pour une même phase, les
impressions sensorielles récemment emmagasinées demeurent
indemnes, tandis que les images commémoratives d'origine
ancienne sont altérées. C'est pourquoi il existe une conscience
avec amnésie, une conscience sans amnésie, et des états intermé-
diaires de la connaissance. Ces particularités se rencontrent encore
dans les maladies nerveuses et cérébrales d'un autre ordre, voire
dans le délire de la fièvre traumatique (une observation à l'appui). 'i.
P. K.
XIV. LA RESPONSABILITÉ LÉGALE PEUT-ELLE ÊTRE ACQUISE PAR LES imi3e-
CILUS pourvus d'éducation ? par G.-E. SHUTTLKWORTH. (Journal Of
mental Science, janvier 1884, p. 467.)
L'auteur s'explique tout d'abord sur ce qu'il entend désigner par
le mot imbécile; il considère comme imbécile toute personne qui
présente une insuffisance intellectuelle soit congénitale, soit sur-
venue dans la première enfance, pourvu que le degré de cette
insuffisance soit moindre que dans l'idiotie.
Il étudie ensuite l'état mental des imbéciles au point de vue de
leur capacité à déposer en justice, mais surtout au point de vue de
leur responsabilité légale en matière criminelle. <
Pour manquer de cette précision absolue qui, seule, en rendrait
l'application facile, les conclusions de 111. Shuttleworth n'en sont
pas moins fortjudicieuses. 11 pense avec raison que la responsabi-
lité d'un imbécile est variable suivant sa capacité mentale primi-
tive et aussi suivant le degré de développement intellectuel qu'aura
produit chez lui l'éducation. Tel imbécile par exemple, peut, en
commettant un acte, savoir que cet acte est blâmable, sans se
douter le moins du monde qu'il est criminel ; la notion usuelle
du blâmable aura pénétré dans son cerveau par l'éducation; la
notion plus élevée et moins fréquemment usitée du crime ne lui
est pas familière ; il peut ne pas la posséder : comme exemple
1 Voy. Archives de Neurologie, t. VI, p. 403, et Crouigneau, Paris, 1884.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 263
extrême, l'auteur cite le cas d'un imbécile qui, trouvant un
homme endormi, lui coupa la tête, pcpsant qu'il serait fort plat-
sant devoir le dormeur chercher sa tête à son réveil ; cet imbécile
croyait avoir fait une mauvaise plaisanterie, très propre à lui
attirer quelque correction; il ne savait ni ne comprenait qu'il
avait commis un crime. En somme, la responsabilité des imbéciles
pourvus d'éducation, trop négligée en médecine légale, est va-
riante suivant les cas et ne peut être équitablement mesurée
qu'après une étude attentive de chaque cas en particulier.
R. 1)1. C.
\V. UN CAS DE TABES HORS\L AVEC TROUBLE MENTAL; par L. GOLDSTEIN.
(Central6l. f. Ne·verrlteilk., 1883.)
Observation d'ataxie suivie de lypémanie anxieuse avec idées
d'empoisonnement; on veut « le tuer, le voler »; on agit sur lui
à l'aide d'une machine infernale; pas d'autopsie. M. Goldstein
insiste sur l'intégrité, dans l'espèce, de la vue et des nerfs crâniens,
sur les douleurs excentriques eu rapport avec les conceptions déli-
rantes. 11 tendrait cependant à se rattacher à l'idée que la psychose
et les tabès étaient indépendants. P. K.
XVI. Psychose ET carcinome; par R. Neuendorff. (Centrnl6l. f. Ner-
venlceillc., 1883.)
L'observation dont il s'agit met en relief des idées fixes d'em-
poisonnement, des hallucinations de la vue et de l'ouïe (le malade
voit martyriser des animaux et les entend crier), un état de dépres-
sion profonde accompagné de désordre, de mobilité, de contra-
diction, dans les idées (lamentations) et les actes. Le patient
émacié, cachectique, ne présente aucun des signes du cancer; on
attribue, par conséquent, sa déchéance somalique à son défaut
d'alimentation. T. terminale, le jour de la moit, 3 ? 1.- Toute la
petite courbure, du cardia au pylore, est envahie, presque dans la
moitié de la paroi, par un carcinome médullaire. P. K.
XVII. CoaTmsBrnoN LA catatonie; parR. NEUENDORFF. (Centralbl.
J'.Ncrvcnlteilk., 1883').
A la suite de l'exposé détaillé de deux observations d'aliénation
mentale, l'auteur passe à la discussion symptomatique. Les symp-
tômes relevés seraient caractéristiques de la lobe systématique et
de la mélancolie stupide, s'il ne s y était joint des phénomènes
tétaiioides et cataleptoïdes qui leur impriment un cachet spécial,
et les rangent dans la classe de la catatome de Kahlbanm. P. K.
1 Voy. les Archives de Neurologie.
264 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XVIII. CONTRIBUTION A la pathologie ET A l'anatomie PATHOLO-
GIQUE DE la paralysie progressive; par ZACHER. (Arch. f. Psych.,
XIV, 3'.)
M. Zacher s'occupe ici de certains symptômes ou groupes symp-
tomatiquesquiserattachent aMa : aM<t ? M coHM<Mes.I. En premier
lieu, l'allure des réflexes tendineux et cutanés, au moment ou à la
suite des attaques, est étudiée à l'aide de quatre groupes d'obser-
vations. Ce sont : 4° des paralysies générales à moelle indemne
(nécropsies); 2° des paralysies générales avec sclérose funiforme
des deux cordons latéraux (nécropsies); 3° des paralysies générales
avec sclérose également systématique des cordons latéraux et des
cordons postérieurs (nécropsies) ; 4" des paralysies générales ne
pouvant être classées dans les catégories précédentes, ou pouvant
y être classées, mais sans autopsie. Une analyse minutieuse el
judicieuse aboutit aux conclusions suivantes.
Les réflexes tendineux paraissent toujours exagérés sur la moitié du
corps en proie aux phénomènes d'excitation moteurs, même quand ces
phénomènes d'excitation se compliquent de phénomènes paralytiques,
inversement, les réflexes tendineux sont plus faibles ou disparaissent
complètement dans la moitié du corps où l'on ne constate que de la
paralysie de la motilité. Relations homologues entre les réflexes cutanés
et l'état de la sensibilité, c'est-à-dire que le réflexe cutané, et en parti-
culier le réflexe crémastérien est affaibli ou nul dans la région où les
sensations sont émoussées ou abolies. Presque toujours, quand la sensi-
bilité à la douleur est obtuse, on constate simultanément de la parésie
motrice du même côté, de sorte que l'abolition des réflexes cutanés
devient un signe de parésie. La genèse de ces manifestations par excès
ou par défaut réside dans l'atteinte directe ou à distance des centres
corticaux en connexion avec les centres réflexes de la moelle; elle n'im-
plique aucunement l'idée de la destruction immédiate ou consécutive des
éléments anatomiques.
Pour M. Zacher, les phénomènes tendineux sont de vrais réflexes2,
car le heurt d'un tendon provoque souvent avec la contraction du
muscle correspondant des convulsions légères dans le muscle
voisin, ce qui n'a pas lieu quand on frappe sur l'os; car, en outre,
le choc du ventre musculaire même ne produit jamais, quel que
soit l'état d'hyperexcitabilité mécanique de ce dernier, des con-
tractions aussi fortes ni des convulsions successives. De plus, il n'y
a pas de rapport de cause à effet entre les tensions et les raideurs
musculaires qui très fréquemment accompagnent l'hyperexcita-
bilité réflexe et celle-ci; les faits démontrent que ce sont de
1 Voy. les Archives de Neurologie.
2 Idem.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 265
simples concomitances accidentelles. Il. L'auteur passe à
l'examen de quelques troubles de la motilité qui se rattachent aux
attaques congestives. 10 Les mouvements automatiques coordonnés,
adaptés, conformes au but proposé, qui présentent en somme le
caractère de mouvements voulus, intentionnels, et se rattachent
d'ordinaire aux attaques accompagnées de phénomènes d'excita-
tion moteurs, s'observent généralement au bras, rarement à la
jambe ou à la tête. Les uns émanent probablement de pares-
thésies, d'obnubilation des perceptions sensorielles, d'hallucina-
tions; les autres, vraiment automatiques, dérivent d'excitations
centrales; 20 la déviation conjuguée de la tète et des yeux qui suit
l'attaque est un phénomène d'excitation moteur. Après critique
et réflexion approfondie sur les cas conformes et non conformes
aux allégations de Prévost et Landouzy, M. Zacher admet que,
dans les attaques congestives où l'on constate des phénomènes
d'excitation unilatéraux purs, la tête et les yeux regardent le côté
lésé; dans celles qui se traduisent par des paralysies simples
également unilatérales, la tête et les yeux regardent le côté
opposé à la lésion; 3° les troubles du sens musculaire, assez fré-
quents, mais difficiles à constater, consistent ici dans la perte de
notion de situation des membres et dans l'impossibilité de tirer la
langue, bien que ces organes ne soient pas paralysés. Nec plura.
111. Ce dernier paragraphe est consacré aux troubles de la vue ',
qui accompagnent et suivent les attaques congestives. Les docu-
ments que nous possédions jusqu'ici se trouvent complétés par
huit nouvelles observations. De ce matériel il conviendrait de
déduire que les attaques congestives se traduisent certainement
par deux genres de troubles visuels : 1 par de la cécité psychique
pure, sans qu'on soit, jubqu'à nouvel ordre en mesure de décider
si elle est constamment bilatérale, si elle s'accompagne de troubles
de la motilité du côté droit, de dysphasie etc. ; 2° par de l'héinia-
nopsie vraie, ou du moins par un symptôme semblable; ces deux
forment s'associent probablement bien des fois (trouble visuel
combiné). L'existence d'une amaurose exclusivement unilatérale
est aujourd'hui des plus douteuses. La localisation anatomique
de l'hémianopsie porte évidemment sur le cerveau postérieur; on
ne peut préciser la nature du processus, mais le trouble étant
transitoire, on peut affirmer que la lésion n'est pas grossière.
IV. M. Zacher a observé chez deux malades, pendant l'évolution
de leurs attaques, un singulier trouble vasomoteur ; en effleurant
la peau à l'aide d'un objet mousse, on déterminait une raie,
d'abord blanche, puis d'un rouge intense, sur laquelle poussaient
de petites élevures analogues à celles de l'urticaire (transsudation
1 Voy. Archives de Neurologie, t. VI, p. 403 (travail d'Hirschberg) ; voy.
la thèse (le Croitigneaii stir la Ilision nientale. Paris, 1994. :
266 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
constatée de sérosité). Ces deux paralytiques généraux, qui pré-
sentaient une s mptomalolo;ie différente, avaient tous deux delà
sclérose des cordons latéraux. V. Dans la revue d'ensemble
terminale, nous devons noter que l'auteur a toujours invariable-
ment observé 1'unilaLéralité des phénomènes parétiques ou con-
vulsifs, qu'il considère certains types d'attaques congestives comme
de vrais complexus morbides en rapport avec des sphères corti-
cales qu'il importera d'étudier et de préciser plus tard, qu'enfin
l'attaque n'émanerait pas, d'après lui, d'une exacerbation de
l'inflammation chronique puisque, même quand l'étal est grave, la
température ne s'élève pas, tandis qu'elle monte à propos d'at-
taques légères, et que cette allure de la température doit faire
songer suivant le cas, à l'atteinte des centres thermiques ou à leur
intégrité; il y a là matière à un travail spécial. P. K.
XIX. DE l'influence DE l'ivrognerie sur la genèse DE l'idiotie;
par Kind. (Alla. Zeitschr. f. Psyle., XL, 4.) .
Long travail de statistique qui se résume de la façon suivante :
Au premier abord, on trouve que sur 538 idiots du sexe masculin,
dans 56 cas, leurs aïeux buvaient; sur 385 idiotes, dans 49 cas,
leurs aïeux faisaient des excès de boisson. Cette ivrognerie ata-
vique, dont la proportion apparente est de 105 : 923 se décom-
pose en : ivrognerie à la fois paternelle et maternelle, ivrognerie
paternelle, ivrognerie paternelle et graud'paterneile d'un côté,
etc.. Mais est-elle bien réellement la cause de l'idiotie. Après
avoir fait le décompte, dans l'espèce, du genre de spiritueux, des
accidents auxquels ils ont donné naissance chez les ascendants,
de la profession du père, de l'âge des parents au moment où l'enfant
est venu au monde, de la consanguinité, des tares héréditaires
de tous ordres, de la puissance génératrice et des conditions hy-
giéniques des familles, du caractère de la grossesse envisagée en
soi ou par rapport aux autres accouchements, du mode d'évolu-
tion de l'idiotie dans les familles d'ivrogues et de son degré, du
genre de mort de ces idiots-là et du poids de leurs cerveaux, selon
l'âge ou le sexe, etc., etc. M. Kind prouve que, sur ses 923 idiots,
il n'y avait en somme que 31. cas (au lieu de 105) atlribuables à
l'ivrognerie chez les ascendants; la proportion pour cent, qui
semblait être de f t : 18 devient en réalité 3 : 68. Et encore est-on
incapable de préciser l'enchaînement de diverses circonstances
intervenant ici, les rapports pathogénétiques exacts entre les
différents éléments étiologiques. Ainsi, il est bien souvent impos-
sible de déterminer si l'ivrognerie n'était pas elle-même le symp-
tùme d'une psyclrose. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE 267
XX. Sur l'extension de la dégénérescence physique chez les CRI-
11 : VELS ET LES «APPORTS QUI EXISTENT ENTRE LES SIGNES DE DEGENE-
RESCENCE ET les névropathies ;- par Kneciit (Allq. Zeitschr. /.
Psych., XL, 4').
1. Sur 1, ? lé individus mâles internés au pénitentier de Wal-
dheim en 1870 et 1877, 379 présentaient des malformations exté-
rieures (taille), appareil dentaire, colonne vertébrale, crâne, face,
etc.); soit 47,7 p. 100, et, dans ce nombre, il n'y en avait que 130
qui ne portassent qu'un seul signe de déchéance somatique. Quant
aux malformations internes, la ressemblance de l'encéphale de ces
sujets avec celui des animaux a été exagérée, mais on rencontre
fréquemment une disposition anormale des circonvolutions, de con-
cert avec les autres signes de dégénérescence extérieurs. Les autres
anomaliesinternes ne sauraient encore être chiffrées, à raison du
trop petit nombre d'autopsies existant. En ce qui concerne les
troubles psychiques, on rencontra soixante fois l'affaiblissement
intellectuel congénital ou acquis au moment de l'incarcération;
23 tombèrent malades au cours de leur peine, à raison d'une pré-
disposition ou d'une affection antérieure. L'épilepsie, le tic con-
vulsif de la face, l'irritabilité du système vasculaire (pouls de vieil-
lard précoce) constituaient autant de tares héréditaires : 72 of-
fraient des cicatrices céphaliques, et, parmi eux, plusieurs étaient
en proie jà des vertiges ou à des convulsions épileptiques; 212,
soit 17,5 p. 100 faisaient des excès alcooliques habituels.
Il. Les signes de dégénérérescencesont-iis plus fréquents chez les
névropathes et les psychopathes que dans l'ensemble de la po-
pulation, et que chez l'homme sain. Sur 75 femmes révélant
des signes de dégénérescence, 59 souffraient de troubles dans
le domaine du système nerveux, psychoses ou autres accidents,
dont M. Knecht enregistre l'énumération eliifftée; 29 d'entre
elles étaient en même temps des héréditaires. Après avoir
minutieusement agité cette question statistique sous des for-
mes différentes, l'auteur pose les conclusions que voici.
1° Ce qu'on désigne sous le nom de signes de dégénérescence
constitue l'expression la plus fréquente de la prédisposition
névropathique ; 2° Les porteurs de ces dégénérescences
possèdent une tendance trois à quatre fois plus grande à contrac-
ter des psychoses et des névroses que les individus normalement
conformés; 3° L'immunité relative aux anomalies de formation
ne constitue nullement, pour les individus touchés par la tare
héréditaire, une garantie qu'ils ne seront pas affectés un jour de
psychoses ou de névroses ; - 4° Quanta la gravité de l'inlpré-
1 Voy. Archives de Neurologie, Sociétés.
268 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
gnation morbide , ce sont les descendants d'épileptiques et de
buveurs qui sont le plus en danger.
Quel rapport existe-t-il entre la fréquence de l'imprégnation
névropathique chez les criminels et son extension dans la popu-
lation non criminelle ? En Allemagne, la prédisposition névro-
pathique est essentiellement plus étendue chez les criminels. Il
est d'ailleurs impossible de décider s'il existe une relation étroite
entre le crâne et la tare névropathique. Mais il est certain que la
fréquence du crime est influencée par les causes sociales, et il
n'est pas douteux que le combat pour la vie ne place les névro-
pathes dans des conditions plus défavorables que tout autre
individu. P. K.
XXI. Contribution au traitement DU refus d'aliments CHEZ les
aliénés; par F. Siemens. (-41,ch. f. Psych., XIV, 3 : XV, 1.)
Long mémoire compact, riche en indications bibliographiques
de tous ordres relatives à cette question (parties I, II, III, IV ').
L'auteur veut prouver que les moyens de contrainte doivent être
remplacés par des procédés naturels, mais adaptés au but à
atteindre. Dans bien des cas, le jeûne des aliénés n'est pas dan-
gereux, pour peu qu'on le surveille, et le malade le rompt spon-
tanément (Obs. I et IV) : en tous cas, ce jeûne est très souvent le
symptôme d'un trouble somatique réel contre lequel la sonde
oesophagienne ne peut rien (Obs, II, III. IV), les oscillations pon-
dérales étant en somme faibles, si l'on réussit à faire prendre à
l'aliéné une petite quantité d'aliments (Obs. X V). Passons du
reste aux conclusions qui se dégagent des quinze faits personnels
1111. Siemens.
1" Le refus volontaire d'aliments chez les aliénés ne met pas les malades
en aussi grand dangerqu'ona a voulu le dire; il suffit, pour s'en convaincre,
de contrôler les allures de l'état somatique et de l'état psychique.
9'' Ce refus résulte, dans la plupart des cas, d'altérations dans l'inner-
vation et les échanges stcechiologiques de ces patients. Il n'est donc
qu'un symptôme d'états morbides de l'économie.
30 Aussi l'organisme devient-il capable de résister pendant un temps
assez long, tout en ne prenant qu'une petite quantité de nourriture,
à la condition qu'on lui évite d'autres dommages et qu'on l'empêche de
perdre ses forces.
4° L'inanition spontanée pour des raisons purement psychiques
n'entraîne par elle-même aucun symptôme inquiétant ni dans le domaine
somatique, ni dans le domaine psychique, tant que le jeûne ne dépasse
pas quatorze jours sans ingestion d'eau, ou cinquante jours avec inges-
1 Nous regrettons cependant d'y voir considérer le jeûne du Dr Tanner
comme démontré.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. ll69
tion d'eau, et tant qu'on ne constate pas la disparition de to p. ioo
du poids du corps.
50 L'alimentation artificielle contre la volonté des malades devient, si
ceux-ci résistent, dangereuse mécaniquement (traumatisme gastro-oeso-
phagien, introduction d'aliments dans les bronches, etc.) et physiologi-
quement, car on ne tient pas compte de la puissance digestive et assimi-
latrice de l'économie.
6° Les dangers qui résultent pour le corps de l'alimentation forcée,
par violence, dépassent encore ceux qui émanent de l'abstinence passa-
gère ou même prolongée.
7" Le meilleur traitement de la sttiophobie, le voici : Solliciter sans
relâche les malades à accepter volontairement des aliments; dans ce but,
leur présenter les aliments, les mets, qu'ils désirent et qui sont faciles
a ingérer. Quand la résistance n'est pas trop grande, la simple alimen-
tation à la cuiller est praticable. Dans les autres cas, on arrive, par les
efforts patients des* médecins et des gardiens, à faire prendre aux mala-
des autant d'aliments qu'il en est nécessaire pour conserver la vie. Si
alors, sur ces entrefaites, la cause patbogénétique s'atténue, si la lésion
physiologique s'améliore, on voit la sitiophobie cesser.
8" Il n'en est pas moins vrai qu'il y a des cas dans lesquels une abs-
tinence prolongée, quoique non absolue, fait dépérir, puis mourir, les
aliénés. Ce sont, la plupart du temps, de vieux lypémano-hypochondriaques
qui, par suite d'une longue période morbide préalable, ont graduellement
perdu leur capacité de résistance et du régénération. On ne saurait les
sauver.même par l'alimentation à la sonde.
9° L'abstinence absolue, pratiquée par des malades vigoureux, pour
des motifs psychiques, n'a pas coutume de durer si longtemps que la
vie s'en trouve menacée.
10' On agira très sagement en ne s'occupant pas d'alimenter pendant
leur accès d'obnubilation de la connaissance les paralytiques généraux,
les épileptiques et autres malades quipeideut pendant ces épisodes pério-
diques, la notion exacte de leurs rapports avec le monde extérieur, car
ces accès se maintiennent rarement longtemps, et par conséquent, la pri-
vation de nourriture ne détermine aucun Danger.
110 L'alimentation à la sonde doit être bornée aux pertes de connais-
sance de longue durée et aux cas de paralysie des voies gastro-oesopha-
giennes supérieures.
12o Les moyens qui viennent d'être consignés nous ont jusqu'à présent
suffi dans tous les cas, et nous espérons nous tirer d'affaire avec eux
dans l'avenir. Si cette manière d'agir devait jamais se trouver en défaut,
nous ne nous découragerions pas, mais nous persisterions à diriger
tous nos efforts sur la découverte d'autres moyens dépourvus de danger
pour le malade. P. K.
XXII. Histoire d'une somnambule EXTRA-LUCIDE, EN tant QUE CONTINT-
BUTIO-4 A l'étude de la porencéphalie (avec trois de5S1l1S$la
plume); par D. L.11DL. (Arch. f. Psych., XV, 1.)
L'observation concerne une fillette de douze ans dressée par sa
mère et deux cabaretiers au rôle de somnambule, sorcière, nécro-
270 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
maucienue, devineresse, médecin. Peu à peu ils lui inspirèrent
une grande confiance en son talent personnel. L'histoire montre
que l'enfant sut développer, dans l'espèce, beaucoup d'intelli-
gence, de tact, de savoir-faire. Cependant elle était infirme; elle
présentait une hémiplégie flasque du bras droit, une hémipa-
rébie très accusée de la- jambe du même côté (atrophie de ces
membres), un nystagnius horizontal des deux yeux avec strabisme
divergent. Mort deux ans plus tard. L'autopsie décèle l'existence
d'une communication infundibuliforme entre l'espace sous-arach-
nddien et le. ventricule latéral gauche. Ce trou porte sur la
partie moyenne des deux circonvolutions ascendantes ; il touche
un peu aux bords limitrophes des lobes frontaux, pariétaux,
temporaux : disposition radiaire des circonvolutions à l'intérieur
de la cavité. En un mot, le segment supérieur de la dépression
comprend la partie inférieure de la frontale ascendante et un
morceau de la première frontale; son segment antérieur occupe
la partie inférieure de la première frontale et la partie posté-
rieure de la deuxième frontale; son segment inférieur se compose
de la partie postérieure de la troisième frontale et des circonvo-
lutions de l'iusulu ; son segment postérieur embrasse la partie
antérieure de la première temporale et la partie inférieure de la
pariétale ascendante avec l'opercule. On peut suivre dans le trou
trois branches vasculaires principales de la sylvienne : 1° l'artère
de la deuxième frontale (front, externe et inférieure); 2° l'artère
de la froii taie ascendante (ceutraleaulérierel; 3° l'artère delà parié-
tale ascendante (centrale postérieure). L'ensemble de l'encéphale
pèse 846 gr. 76. Différence entre l'hémisphère cérébral gauche
et l'hémisphère droit, 33 gr. 34. Dans une analyse critique très
attentive, l'auteur fait ressortir les troubles de la motilité en
rapport avec l'atteinte des circonvolutions motrices, l'absence
d'aphasie par suite du simple déplacement avec intégrité des
éléments anatomiques du centre en quesiion, la conservation des
facultés intellectuelles, la substance corticale n'ayant pas subi de
dommage. Le travail se termine par des remarques sur la genèse
et l'étiologie de la poreucéplialie en général, à la lumière de
toutes les observations connues actuellement 1. P. K.
XXI11. Sur les troubles psychiques consécutifs aux blessures
c'éphaliques ; par IIAKTUANN. (Ai-eh. f. Psych., XV, 4). ? At2 T.
Travail d'ensemble fondé sur des recherches bibliographiques :
observations empruntées les unes aux sources littéraires citées, les
autres au directeur Poetz. Un tableau réunit vingt-huit cas accom-
' Voy, Archives de Neurologie, travail de Kundrat, t. VI, p. 156.
ItVU : : U Y.11'HUt.o( : IL \1N1 ? L. 271
pa"'u(j5 d'autopsies et met en relief les noms d'auteurh, le genre
du traumatisme, les suites immédiates de ce dernier, la forme de
la psychose. De cette élude, M. llartmaun tire que :
1" La folie traumatique n'est pas une formenosologique hpécihquc.
2o Cependant elle possède certaines particularités dans sa marche et sa
terminaison. Les entités les plus fréquentes sont les étals d'exaltation et
la démence à des degrés divers; ces modalités se piésentent pures ou
associées. 30 Les psychoses traumatiques primitives se rattachent
immédiatement aux phénomènes de commotion produits par l'accident,
biles représentent, soit la prolongation affaiblie, le (lot mourant dos
troubles fonctionnels du cerveau, surtout de la sphère intellectuelle
(démence primaire), soit la réaction de l'organe central contre l'ictus
trauiuatique (manie furieuse ou manie primitive, périodique ou continue
souvent accompagnée de convulsions). C'est à des lésions traumatiques
qu'il faut rapporter les tmublus moteurs ou seiisitils qui se manifestent
aimultai,cmuut. - 4 Les psychoses traumatiques secondaires se ratta-
chent au traumatisme; après un stade protiromiyue plus ou moins long,
ce sont des anomalies psycho-cérébrales (excitabilité, obtusion psychique
et morale) qui établissent la continuité dans le temps et la pathogénie
étiologique; on constate aussi, à cette période, des troubles sensoriels,
sensibles et moteurs. La vésanie proprement dite est de prime abord
marquée au sceau de l'affaiblissement psychique ou bien, à la suite d'un
stade préalable de mélancolie ou de m.me, elle se transforme rapide-
ment en démence qui revêt la plupart du temps le caractère de celle de
la paralysie Parmi les psychoses secondaires, il faut ranger
les transformations psychiques d'une épilepsie consécutive aux blessures
cepttatiques, ainsi que les pshoses réflexes prenant leur point de dépatt L
dans les cicatrices, et les autres modes d'irritation du système nerveux
pétipltériquu après lésion cephatique. Les premières sont de préférence
des états d'exaltation ; les secondes se traduisent presque aussi souvent
par des états de dépression. 6o Le pronostic est dans les psychoses
traumatiques primitives, de même que dans les psvehoses réflexes, pro-
portiunuellement favorable. Quinze cas de psychose primitive de cette
espèce se liquident par six guérisons, cinq améliorations, deux morts ;
qmnzeobservationsdepsycttosetettfxe comprennent huit guérisons,
trois améliorations, une mort. - 7" Le genre et le lieu du traumatisme
n'exercent aucune iuttueuce sur la psychose ultérieure, ce qui s'explique
d'autant mieux que la lésion cérébrale ne correspond pas toujours à
l'endroit où agit l'agent traumatiques 8" L'existence de phénomènes
de commotion n'est pas la condition préliminaire indispensable pour la
production d'une psychose ultérieure. Cependant de graves manifesta-
tions de commotion impliquent l'idée que l'affection psychique sera plus
dangereuse. 9o La blessure céphalfque, avec ou sans tesiongrossieie,
laisse encore après elle pendant de nombreuses années, une infirmité
encéphalique qui peut atteindre au degré de la vésanie grâce au concours
d'autres éléments étiologiques (surtout prédispositions héréditaires, tare
individuelle, dommages alcooliques et psychiques). Le danger s'accroît
encore quand le traumatisme a laissé après lui des résidus locaux (lésion
en foyer, cicatrice calleuse). 11 faut attribuer, pour l'appréciation pronos-
tique relative à une psychose ultérieure, une certaine importance aux
27 : 2 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
accidents suivants qui permettent de conclure que le traumatisme a
laissé quelque infirmité cérébrale. Ces accidents sont : la propension à
des congestions encéphaliques à répétition ; la diminution de la tolé-
rance à l'égard des spiritueux ; les céphalalgies à retours périodiques,
ou localisées a un endroit déterminé ; les accès de vertige ; une excita.
bilité morale anormale à l'égard d'impressions auparavant innocentes ;
la diminution de la capacité de travail intellectuel ; la persistance de
paralysies ou d'autres perturbations sur les organes des sens. --d0°
L'épilepsie consécutive du des lésions céphaliques obscurcit considérable-
ment le pronostic par suite de la possibilité des transformations psy-
chiques de la névrose. 110 Le sexe masculin est de beaucoup plus
exposé que le sexe féminin a la vésanie traumatique, de même, en gé-
néral qu'aux blessures. C'est l'âge moyen de la vie qui prédomine, pour
la même raison. 12° Il a pu s'écouler jusqu'à vingt-trois ans entre
l'ictus traumatique et l'apparition de la vésanie (Kratf ? bina).- 43 Le
rapport etiologique entre une vésanie et une blessure céphalique ne
saurait être allégué que dans les psychoses primitives et dans les psy-
choses réllexes, ainsi que dans les cas où l'autopsie confirmait la lésion
traumatique. D'ailleurs, il faut exiger la constatation du rapport de con-
tinuité temporelle et intime entre la psychose et les altérations nerveuses
et psycho-cérébrales survenues depuis le traumatisme. Les syndromes
précurseurs auxquels on doive principalement faire attention sont : de
légers degrés d'imbécillité revêtant parfois la forme de la moral insanity
et la réaction anormale des individus quant aux alcools et aux impres-
sions psychiques. Dans certains cas, on a des raisons de croire que la
blessure céphalique incriminée était simplement le tésultat d'une psy-
chose déjà existante ; c'est ainsi que la chute pendant une attaque con-
gestive, ou un vertige épileptique, avait pu déterminer le traumatisme à
la suite duquel les manifestations morbides préexistantes étaient deve-
nues plus évidentes. 140 La vésanie traumatique n'a pas de signes
anatomopatliologi(lu*. 11 est rare que l'on trouve à l'autopsie des
lésions traumatiques (fractures crâniennes, etc.) et leurs conséquences
(processus méningitiques et encéphalitiques, etc.). Mais l'absence de
désordres anatomiques traumatiques ne justifie pas, à elle seule, l'ex-
clusion de la genèse traumatique d'une psychose, car celle-ci peut, de
même que lesautres modalités psychopathiques, avoir, pour substratum
patuogénétique, des altérations moléculaires, des anomalies dans la
fonction de conductibilité des éléments de l'encéphale et dans la répar-
tition du sang au sein de ce centre nerveux. P. K.
XXIV. Inversion du sens génital; par Tarnowsky. (Messager de psy-
chidtrie clinique et légale et de Neuropathologie, par Mierze-
jewsky de Saint-Pétersbourg. Wiestnir ILlitzitchesicoy isoudebnoy
psychiatrie i Névi,oputologii). An 11, fascicule 2 (décembre 1884).
L'auteur, professeur de syphiligraphie à Saint-Pétersbourg, a
recueilli dans le cours d'une pratique de vingt cinq ans un nombre
considérable de cas d'inversion du sens génital observés ni sur le
banc des criminels, ni dans une asile d'aliénés, mais parmi les
gens de la société non considérés comme malades. L'auteur s'oc-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 273
cape plus particulièrement de la pédérastie qui, comme il l'observe
très justement, n'est qu'une variété des inversions du sens génital
et doit être étudiée dans ses rapports avec les autres formes de
l'aberration génésique. Le travail du professeur Tarnowsky est très
1 elle en observations cliniques, les unes personnelles d'autres em-
pruntées à divers auteurs; il offre sous ce rapport un intérêt très
grand. Il est précédé d'une classification et de considérations gé-
nérales sur la question. Si cette partie du travail offre certains
points discutables, le lecteur trouvera dans le même numéro du
Messager un article de Magnan s'occupant du même sujet et grou-
pant, dans un cadre très vaste toutes les anomalies, les aberrations
et les perversions sexuelles. Voici la classilication de Tarnowsky :
1 Anomalies du sens génital chez les dégénérés : ce. Inversions con-
génitales du sens génital; 6. Inversions périodiques du sens génital;
e. Inversions épileptiques du sens gé ? 21ttil (I;étléi-tistie épileptique).
2° Inversions acquises du sens génital ; ct. Inversion se développant
chez des sujets sains ci cerveau normal et bien conformé (chez les non
dégénérés) ; Inversions du sens génital dans le courant de la dé-
iiieîzce sénile (pédérastie des vicllurds); c. Inversions du sens géni-
tal au début de la paralysie générale (pédérastie paralytique).
Comme étiologie de ce second groupe, l'auteur invoque les
exemples funestes des institutions fermées, les pratiques, que se
permettent les aînés sur leurs cadets dans les collèges où ils sont
internes; les habitudes de pédérastie sur les vaisseaux, dans les
prisons, les casernes, etc. D'après les travaux récents il est permis
de douter de l'existence de ce groupe et des observations minu-
tieuses prouveraient sans doute à l'auteur que même dans les cou-
ditions qu'il indique, il n'y a qu'un groupe de gens susceptibles
de contracter des habitudes de pédérastie invétérées : ce sont les
dégénérés.
Les observations que Tarnowsky donne à l'appui de ses subdi-
visions du premier groupe offrent un intérêt clinique tout parti-
culier. Tel est, par exemple le malade qui donne à une fille pu-
blique des indications sur la manière de le flageller en la prévenant
que lorsqu'il viendra le soir il ne lui adressera pas la parole, se
couchera sans mot dire, et subira la flagellation indiquée. En effet
quelques mois plus tard il arrive morose et taciturne, se désha-
bille, se couche, subit la flagellation, s'excite, prononce des pa-
roles bizarres, éjacule s'endort et s'en va après quelques heures de
sommeil sans mot dire. Ces visites se répètent tous les deux ou
trois mois. Dans les intervalles, il vient payer et donner à cette
femme quelques indications complémentaires. Cela dura plusieurs
années, et il n'a jamais eu avec elle de coït normal. Tel autre
homme très bien, très rangé, père de famille, etc., a des accès
autrement curieux : on lui prépare un logement spécial occupé
par trois prostituées jouant, l'une le rôle de maîtresse de la mai-
AncaivKs, t. ! \. 18
274 REVUE DE PATHOLOGË MENTALE.
son, l'autre de camériste, et la troisième de cuisinière. Elles
étaient prévenues de ce qu'elles avaient à faire. Le malade art-
vait sans avoir jamais vu préalablement le personnel de la mai-
son. On le déshabillait, le couchait, lui faisait subir l'onanisme,
la flagellation et toutes espèces de violences sexuelles, tout cela
selon un programme arrêté par une tierce personne qui arran-
geait l'affaire. Le malade feignait de .·.edéfendre,se débattait, de-
mandait grâce, enfin on lui donnait manger, on le laissait dor-
mir quelque temps; mais on ne le laissait pas sortir malgré se=
demandes. Cela durait quelques jours. Le confident du malade
qui observait de loin toutcequise passait, reconnaissait à certains
signes qu'il était temps d'en finir et on lâchait le malade qui ren-
trait dans sa famille. Ces attaques se répétaient deux fois par an.
M. Tarnowsky range ces deux observations dans la subdivision
de « l'aberration génitale périodique » qu'il trouve analogue à la
manie périodique. Il est difficile d'accepter cette manière de voir et
il est très probable qu'il ne s'agit ni d'impulsious ni d'obsessions.
Malheureusement, ces observations sont incomplètes et il est très
vraisemblable que les deux malades ont présenté d'autres syn-
dromes épisodiques propres aux dégénérés. Dans le même groupe
de « périodiques » sont rangés par il. Tarnowsky les « exhibition-
nistes » de Lasègue et les nécrophiles de Brière de Boismont
(Gazette médicale, juillet 1845). Pour sa troisième subdivision,
M. Tarnowsky admet qu'un acte de violence sexuelle impulsif peut
être observé comme équivalent psychique d'un accès épileptique.
Il cite à l'appui les faits cliniques suivants :
Le premier(observation de Tarnowsky) jeune homme de vingt-
six ans, avait eu quelques accès épileptiques. Il arriva un jour
chez sa maîtresse (après un dîner copieux avec excès de boissons),
ne la trouva pas chez elle, se jette sur un garçon de dix-sept ans
qui couchait dans le logement et essaye de le violer. La femme
de chambre entend les cris, arrive au secours, il se jette sur elle
et se livre au coït. Il se couche après ne se réveille qu'au bout de
douze heures de sommeil, et ne se souvient plus de ce qui s'est
passé avec le garçon, se souvient toutefois qu'il a été ivre la veille
et croit avoir eu un coït.
Dans un second cas (observation d'Erlitzlcy), il s'agit d'un
jeune homme qui, après avoir brillamment terminé ses études,
mène, pendant deux ans, une vie dissipée. 11 a quelques accès d'é-
pilepsie. Fiancé à une demoiselle de bonne famille, il arrive le
jour de la noce, accompagné de son frère qui est médecin, il
entre dans le salon où tous les invités sont réunis, s'approche de
sa fiancée, se déboutonne le pantalon et commence à se mastur-
ber devant tout le monde. On l'emmène immédiatement à la cli-
nique psychiatrique. En route, il continue à se masturber; la même
excitation génésique persiste pendant les premiers jours de sou
SOCIÉTÉS SAVANTES. 275
séjour. L'accès passe et le malade ne garde qu'un souvenir vague
de ce qui s'est passé.
Une troisième (observation de Kowalewsky) concerne un homme
de quarante ans, toujours bien portant, qui après une courte pé-
riode dépressive d'uue journée demande à une amie de sa femme
en présence de celle-ci de vouloir bien se livrer à lui. Sur le re-
fus de la dame il s'adresse immédiatement à sa femme qui refuse
à son tour; il tombe alors à terre, il gémit, puis il devient furieux
et met en fuite sa femme et son amie. Le malade brise les car-
reaux, déchire ses vêtements, menace de jeter de l'eau bouillante
à la tête du premier qui entrera et finit par mettre dans le poêle
son enfant âgé de trois ans. Le jury rendit une ordonnance de non-
lieu, quelque temps après il entra dans le service de M. Kowa-
lewsky avec tous les symptômes du haut mal. M. Tarnowsky finit
son article par une étude critique des symptômes somatiques de
la pédérastie active et passive. Cette partie de son travail ne pré-
sente qu'un intérêt médico-légal tout à fait spécial. BAJENOFF.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 20 janvier.
Des troubles mentaux dans la sénilité précoce et rapide; par
M. Charpentier. Quoique signalée incidemment par les méde-
cins aliénistes dans nombre de leurs observations, la sénilité pré-
coce ne nous semble pas avoir fixé suffisamment l'attention au
point de vue des troubles mentaux qui l'accompagnent, surtout
s'il ne s'y joint aucune lésion des tissus ou des liquides autre que
celles qui caractérisent la vieillesse.
Sous le nom de vieillesse ou de sénilité ordinaire, nous enten-
dons le complexus de destruction ou, pour employer le langage
des évolutionnistes, le processus de dissolution qui, commençant
ordinairement vers soixante ans, se continue jusqu'à la termi-
naison de l'existence. La vieillesse type, la vieillesse idéale, celle
que peuvent souhaiter ceux qui désirent vivre longtemps vieu x
276 SOCIETES SAVANTES.
permet à l'être humain de jouir de toutes ses fonctions de nutri-
tion, et de relation, en tant qu'il en fasse un usage modéré. A côté
de ce type, rare il est vrai, et dont la caractéristique est l'extrême
lenteur du processus de destruction, viennent se ranger les formes
rapides de la sénilité, formes rapides parce que des périodes d'ac-
célération viennent varier la lenteur uniforme du processus ou
parce que cette même accélération s'établissant pendant le cours
ou même pendant le début ne s'arrête pas, en active le dévelop-
pement et en détermine en peu de temps la terminaison fatale.
Sous le nom de sénilité précoce, nous entendons celle qui sur-
vient avant l'âge de la vieillesse ordinaire et, comme chez les indi-
vidus qui en sont frappés, la marche est rapide quand il s'y joint
des troubles mentaux; ainsi se trouve justifiée l'expression de sé-
nilité précoce et rapide qui fait l'objet de notre communication.
Les aliénistes ont peu traité ce sujet, et les auteurs qui ont
écrit sur la vieillesse parlent en termes vagues d'une vieillesse qui
viendrait de bonne heure par suite de misère organique, physiolo-
gique ou hygiénique. L'expression est d'ailleurs d'origine récente.
C'est en février 1871, dans les séances de l'Académie de médecine,
alors que l'alcoolisme et toutes les autres misères sévissaient sur
la population de Paris, que les expressions de sénilité prématurée
et surtout de sénilité précoce furent heureusement employées par
MM. les professeurs Richet et Verneuil pour expliquer la gravité
des traumatismes chez les blessés; nous pensions, à la lecture des
comptes-rendus, voir surgir alors la sénilité précoce simple, déga-
gée des lésions aulres que celles de la vieillesse; mais, nous le
répétons, l'alcoolisme dominait en maître sur le terrain clinique;
il servit à expliquer la sénilité prématurée. Plus tard, M. Verneuil
expliqua, comme vous le savez, cette gravité du traumatisme en
faisant intervenir à l'aide d'observations fondées et incontestables
d'autres éléments étiologiques morbides, lésions du foie, diabète,
impaludisme, etc. De la sénilité précoce simple sans autres lésions
que celles de la vieillesse il ne fut pas question. Et cependant celte
sénilité précoce simple existe; elle frappe à cinquante-cinq ou
à cinquante ans et même plus tOt. Les individus frappés par cette
sénilité le sont non seulement dans leur système cutané, séche-
resse et teinte terreuse de la peau, rides du visage et de la face
dorsale des mains, cheveux blanchis ou tombés, dents cassées
ou disparues, mais ils le sont dans leurs fonctions digestives ralen-
ties, dans leurs fonctions respiratoires diminuées, dans leur
système musculaire affaibli; et ils vivent, et ils continuent à vivre,
et ils ne sont pas malades, et ils n'ont pas de troubles intellec-
tuels ; ils vivent au même titre que, dans la vieillesse typique, le
vieillard qui conserve ses fonctions, mais diminuées et nécessitant
un usage modéré; il est de ces séniles précoces, ce sont les privi-
légiés, qui n'ont même pas de manifestation athéromateuse; le
SOCIÉTÉS savantes. 277
pouls est plus faible, et c'est tout. « On a l'âge de ses vaisseaux »,
a dit le professeur Peler; c'est vrai, mais quelque respect que nous
ayions pour la profondeur de cette pensée, nous ne pouvons nous
empêcher de dire qu'elle n'est pas absolument exacte; elle est vraie
pour les sujets dont les vaisseaux sont altérés, elle cesse de l'être
pour ceux' qui restent étrangers à ces lésions tout en se laissant
envahir par le complexus simple de la sénilité. 1
Mais ce groupe de séniles précoces est étranger à notre sujet,
puisqu'il ne présente pas de troubles mentaux. Nous n'y insistons
pas davantage.
Nous ne nous arrêterons pas longtemps non plus sur les sujets
atteints de sénilité précoce et de troubles mentaux chez lesquels
l'étioiogie est déterminée par des maladies aigués ou chroniques
qui en ont été les causes occasionnelles. Nous faisons allusion aux
sénilités précoces et rapides des tuberculeux, des cancéreux, des
brightiques, de certains cardiaques, de beaucoup d'atliéromateux,
des scrofuleux souffrant depuis longtemps d'affections osseuses
ou articulaires prolongées, de tous ces malheureux atteints de la
misère organique ou physiologique de Bouchardat, sans compter
les intoxiqués par poisons lents, alcool, plomb, tabac, opium,
morphine, par la syphilis, par la glycémie, ou par la rétention
de produits destinés à être éliminés. Dans tous ces états, la séni-
lité précoce est fréquente et les troubles mentaux ont été souvent
signalés. Le délire mélancolique, la folie soupçonneuse des phti-
siques, la démence par athéromasie cérébrale, la folie diabétique
et goutteuse, les folies diathésiques, l'encéphalopathie saturnine
et syphilitique, la morphiomauie, et surtout l'immense groupe
des troubles cérébraux alcooliques ont été successivement étudiés.
Nous n'avons rien à dire de nouveau, sinon d'insister sur la fré-
quence assez grande de la sénilité précoce dans ces conditions,
à la fin, pendant le cours, et parfois au début de la scène patho-
logique. Cette apparition au début est assez importante pour qu'à
propos de sénilité précoce l'attention soit toujours éveillée sur
la possibilité du développement de quelques-unes de ces graves
maladies.
Nous ne ferons au-si que passer légèrement sur d'autres
troubles mentaux qui existent à l'âge mûr en même temps que
la sénilité précoce, mais qui ne relèvent pas de cette sénilité.
Ainsi un épileptique a des conceptions délirantes à vingt-cinq ans,
il en a d'autres à quarante-cinq et la sénilité précoce apparaît ou
bien celle-ci succède, accompagnée de troubles intellectuels, aux
suites d'une fièvre typhoïde, d'un traumatisme crânien ou d'une
dernière couche chez des sujets de cet âge; dans tous ces cas,
sénilité précoce et perturbation cérébrale sont liées à un autre
élément étiologique : épilepsie, accouchement, maladie grave,
traumatisme, ou encore à une tare héréditaire, car, si nous ne
278 sociétés savantes.
nous trompons pas, les héréditaires d'ordre cérébral ou névro-
sique souvent vieillissent de bonne heure et vieillissent vite.
De même, nous ne faisons que signaler, pour les éliminer des
sénilités précoces, les pseudo-sénilités. Il est des jeunes gens qui
sont gris ou chauves- à vingt-cinq ans. des femmes de cet âge
dont le système dentaire est complètement carié; des garçons de
dix-huit ans qui, par l'attitude du cou, de la tête, des épaules et
des bras, ont l'air de vieillards; mais ce ne sont là que des appa-
rences ; et, si. à un certain âge delà vie, un seul caractère comme
la chute des dents de lait suffit pour indiquer le passage de la
première à la deuxième enfance, il n'en est pas de même de la
vieillesse qui est un résultat d'ensemble, lequel se retrouve dans
chaque détail de l'économie, mais ne se caractérise isolément
dans aucune de ses parties; nous éliminerons aussi de la sénilité
précoce la sénilité des idiots et des crétins, car on peut dire de
leur âge viril ce qu'on a dit de leur intelligence, ils ne peuvent
avoir perdu ce qu'ils n'ont pas possédé. Nous faisons exception
pour quelques rares d'entre eux qui, par une éducation, ont pu
s'élever au rang d'imbéciles, présenter quelques traits de l'âge
mûr et, par le privilège du temps, se glisser en y étant confon-
dus parmi les déments sénilisés.
Les troubles mentaux que nous avons à décrire et que nous dé-
signons sous le nom de troubles mentaux de la sénilité précoce
simple, pour les bien distinguer de ceux dus à des antécédents pa-
thologiques, présentent certains caractères généraux. Ils survien-
nent presque toujours dans les mêmes conditions. Souvent il y a
eu antérieurement un changement assez brusque dans les habi-
tudes, changement voulu par les sujets ou imposé par des néces-
sités sociales; de plus il y a impossibilitéde leur part à contracter
de nouvelles habitudes à moins que ce ne soient des habitudes
vicieuses, celle-là venant apporter alors leurs modifications patho-
logiques, mais sans s'opposer, tant s'en faut, à l'apparition de la
sénilité précoce et du trouble mental. La véritable caractéristique
de la condition qui préside au développement de celte sénilité et
de ces troubles mentaux, c'est l'incapacité d'adaptation de l'indi-
vidu à son nouveau genre de vie. Nous n'expliquerons pas ce
défaut d'adaptation ; nous ne ferons que le constater, il existe
aussi chez le vieillard, mais ! moins marqué; chez celui-ci, les
idées sont comme ses pas; elles ne dévient pas, elles ne vont
pas à reculons, mais elles ne peuvent pas suivre; chez nos sujets.
non seulement les idées ne peuvent pas suivre, mais elles se trou-
blent. Au reste, une observation résumée montre mieux ce dont
il s'agit :
M""= X ? quarante-huit ans, sans antécédents pathologiques
individuels ni héréditaires habite Paris; femme d'intérieur, elle a
toujours vécu avec sa fille qu'elle maria convenablement en pro-
sociétés savantes. 2"9
vince. Retenue à Paris par des questions d'intérêt, elle est obligée
de vivre seule séparée de ses enfants. Deux mois après, elle est
méconnaissable, tant ses traits altérés portent l'empreinte de la
vieillesse : tous les voisins en sont frappés; elle ne peut leur
fournir aucune explication; elle n'a aucun chagrin d'être séparée
de sa fille, aucun des suites du mariage, mais elle a conscience
du changement qui s'est opéré en elle, elle avoue qu'elle a un
ennui vague. Elle n'entretient plus sa maison, elle se passerait de
dîner, tant cela l'ennuie de préparer ses repas ; elle n'aime plus les
travaux de couture, d'ailleurs sa vue baisse; elle se lève plus tard,
dort mal. La nuit elle a des peurs vagues, non motivées, elle ne
sait pas de quoi elle a peur : elle passe ses journées assises, quit-
tant avec peine son fauteuil, remettant de jour en jour des sor-
ties nécessaires; les fonctions digestives sont ralenties, la nuit il
v a quelque oppression; l'amaigrissement est notable, ainsi que
la diminution des forces; l'examen le plus minutieux, répété
plusieurs jours de suite, ne nous fait rien découvrir. M-11 X ? sur
notre conseil, passe deux mois auprès de ses enfants; aucune
amélioration. A son retour, les traits de la sénilité sont; encore
plus accentués; on la soutient pour l'accompagner tantses forces
la trahissent. A part un peu d'emphysème pulmonaire, nous ne
trouvons rien; rien dans les urines, il n'y a pas à penser non plus
à de l'alcoolisme dissimulé, menstruation normale. Au point de
vue intellectuel, le même ennui de tout; quelques peurs non mo-
tivées, les peurs sont plus prononcées ainsi que les insomnies,
elle désire quelqu'un près d'elle la nuit; elle a peur de manger
parce qu'elle a peur de mal digérer, elle apeur de mourir; elle a
peur du bruit de la sonnerie de la pendule; elle a peur de passer
d'une pièce dans une autre; elle demande qu'on ne marche pas
légèrement près d'elle, les surprises l'effrayent, la mémoire a di-
minué; mais ce qui est surtout notable c'est l'indifférence de la
malade pour les questions d'intérêt qui ne sollicitent plus son at-
tention. Trois semaines plus tard, au retour d'une courte prome-
nade, elle fut prise d'un peu de frissons, d'oppression, d'une
pointe de côté; nous constatons une pneumonie du côté droit,
quelques jours après le gauche fut pris également et la malade
succomba avec un délire fébrile le douzième jour.
En résumé, absence d'antécédents pathologiques, absence de
causes hygiéniques mauvaises, une séparation volontairement
consentie et non attristante, puis un ennui vague, une paresse
générale, une négligence des actes habituels, des insomnies, en-
suite des frayeurs, les traits de la sénilité marchant de pair avec
les troubles intellectuels et enfin apparition d'une pneumonie
terminale, voilà le tableau symptomatique de ce qui s'est passé
en cinq mois. Cette femme vivait pour sa fille et par sa lille; c'é-
lait sa tille qui élait le 1110utile de ses actes quotidiens, de ses ha-
280 SOCIÉTÉS savantes.
bitudes; la fille disparue, tout change et la mère est incapable
d'accomplir les mêmes actes pour elle-même; l'adaptation ne se
fait pas, ce ne sont même pas de nouvelles habitudes qu'elle n'a
pu contracter ce sont les mêmes qu'elle n'a pu continuer parce
que le motif, le mobile en' était changé. Nous aurions pu citer
des faits analogues concernant un commerçant retiré des affaires,
un employé ayant obtenu sa retraite; le changement d'habitude
était plus manifeste, et les mêmes phénomènes se sont produits;
nous nales avons pas vu rester à l'élat stationnaire, ni disparaître
et toujours nous avions eu une maladie terminale qui s'expliquait
par l'altération grave portée à la nutrition, et alors que nos in-
vestigationspréeédentes avaient été infructueuses dans la 1-eche relie
d'un élément morbide étiologique.
Ainsi tous nos malades ont présenté les caractères communs
suivants : apparition précoce et développement rapide des carac-
tères de la ,vieillesse et apparition des troubles mentaux qui an-
térieurement n'existaient pas; caractère dépressif des manifesta-
lions mentales; formes mélancoliques, hypocondriaques, anxieuses
ou panophobiques; état conscient des malades, sauf dans certains
cas d'affaiblissement intellectuel; marche rapide san< améliora-
tion notable; terminaison fatale par une maladie ultime qui ne
s'est révélée que dans les derniers temps de l'existence ; comme
cause conditionnelle : changement brusque d'habitude; comme
caractère négatif, absence d'hallucinations.
D'autres sujets présentent aussi des troubles mentaux associés
à la sénililité prématurée; mais nos observations sont incom-
plètes à cet égard; nous n'avons fait que les observer passagère-
ment. Ces sujets appartiennent aux deux sexes, mais surtout ou
sexe féminin, nous pensons que parmi eux doivent se trouver des
héréditaires. Ces sujets ont une caractéristique, ils ne veulent
pas vieillir et ils ne savent pas vieillir, le moindre pli du visage, la
moindre décoloration du système pileux, la moindre altération
des formes les émeut et les plonge rapidement dans l'inquiétude
et l'hypochondrie ; il est vrai de dire que leurs frayeurs ne sont
que trop justifiées, et que souvent chez eux les progrès de la séni-
lité luttent avec trop de succès contre les procédés locaux ou gé-
néraux qu'ils emploient pour enrayer le début de la dissolution.
Malgré nos efforts, aucun d'eux ne voulait admettre une sénilité
précoce à laquelle ils ne pouvaient se résigner et tous eussent
préféré une maladie comme explication de leur état. Ces sujets
nous ont paru se rattacher aux formes dégénérées, héréditaires,
raisonnantes, morales, lucides de la folie; en tous cas, ils obsèdent
le médecin par leurs craintes multiples, mobiles et variées et par
leurs supplications importunes pour faire disparaître les effets
prématurés du temps. Nous ne serions pas étonnés si parfois des
terminaisons graves de cette forme venaient à se produire.
sociétés savantes. 281
Enfin, il est un troisième groupe de sujets présentant aussil'as-
sociation des troubles mentaux et de la sénililité prématurée.
Nous en possédons par devers nous deux cas où l'éclosion des
symptômes mentaux fut pour nous une surprise, tant nous y
étions peu préparés. Il s'agit en général d'individus des deux
sexes ayant parcouru leur carrière jusqu'à quarante-cinq, cin-
quante-cinq ans et s'étant souvent fait remarquer parleur activité,
leur persévérance opiniâtre etun déploiement parfois considérable
d'intelligence. Des revers plus ou moins nombreux qu'ils ont ren-
contrés ne les ont pas ébranlés, tandis qu'arrivés à cette pé-
riode, subitement on les voit .blanchir ou grisonner en peu de
temps; les traits du visage s'empâtent ou au contraire s'altèrent
par émaciation ; l'éclat du regard se ternit, la voix se casse ou
devient dolente; on sent chez eux la fatigue toujours imminente
quelques efforts qu'ils fassent pour la dissimuler, le repos qui leur
est conseillé et qu'ils prennent ne les améliorant pas, ils reparais-
sent plus vieillis, plus fatigués que jamais, : jusqu' : 1 ce que cédant
aux progrès de cette sénilité, à l'influence de la décadence intel-
lectuelle dont ils ont souvent conscience et aux conseils d'amis,
ils se décident à prendre un repos définitif, faisant en cela acte
de prudence.
Si nos observations ne nous trompent pas, tous ces sujets ont
porté pendant des années une empreinte qu'ils ont entièrement
dissimulée; ils ont été dominés et dirigés par une idée fixe, soit de
faire fortune, soit de conquérir des lionneurs, soit de réformer
l'état politique, social et moral de leur époque ou de leur
milieu. Nous devons à cet égard être très mesuré dans nos appré-
ciations, car l'idée qui les soutient, implantée profondément, est
souvent une idée noble, élevée et ne méritant que des éloges ;
mais il n'en est pas moins vrai que ce;soit une idée fixe et que,
sous ce rapport, elle présente une certaine communauté avec les
autres idées fixes plus vulgaires et surtout plus dangereuses par
les excès auxquels elles conduisent les malheureux qui çn sont
affligés. Généralement ce ne sont pas les déceptions, ni les peines
morales qui font éclore le mal, mais il semble que cette idée qui
s'est imposée perd subitement ses racines et, tout à coup ébranlée,
disparaît rapidement, souvent même avant que le but proposé ne
soit atteint. En tous cas, ces sujets reconnaissent eux-mêmes
l'éclosion du mal, ils le pressentent et, dans leur entourage, ils
font comprendre qu'ils se sentent devenir vieux, fatigués, pa-
resseux et qu'ils doivent se reposer. Heureux sont-ils, s'il en est
temps encore, sinon par leur survie à activité stérile, ils vontfairo
regretter une réputation qu'ils avaient justement méritée.
Ces cas se rencontrent chez des hommes de science, des litté-
rateurs et des hommes politiques. Dans la classe des commerçants
qui ont prospéré, ce n'est pas un fait rare. Nous avons observé
282 sociétés savantes.
également ces phénomènes chez deux dames de moeurs exemplaires
et d'une observance rigoureuse dans l'accomplissement de leurs
devoirs religieux. Dans tous ces cas, les phénomènes d'anxiété
sont plus rares ou moins intenses; ici c'est l'affaiblissement gra-
duel, insensible de l'intelligence qui domine ; la mémoire
s'affaisse pour les faits-récents comme chez les vrais vieillards.
mais le souvenir do leurs travaux accomplis et de leurs services
rendus persiste chez eux même, plus vifs, et souvent porte ces
malades à en faire la glorification dans des termes tels que ceux
qui les entourent ne tardent pas à soupçonner l'invasion du mal.
Quant à eux, ils persistent dans leurs opinions, leurs idées, leur
genre de vie, sans les adapter au siècle qui marche et auquel ils
deviennentpromptementétrangers. Leur susceptibititéaugmente ;
ils deviennent irascibles; surgissent alors des idées de misanthro-
pie, de mépris pour la société dont ils ne voyent que les défauts,
quelques vagues idées de persécution se dessinent et le discer-
nement des notions de justice subit, comme la mémoire, une
évolution inverse du mode, suivant lequel elles ont été acquises.
lis en arrivent à méconnaître les injustices qu'ils commettent
envers les autres, tout en ressentant vivement l'impression des
torts que l'on a envers eux. Ils sont, sous ce rapport, semblables
aux enfants qui déjà distinguent et apprécient le mal qu'on leur
fait, avant de discerner le mal qu'ils font aux autres ; toujours défen-
seurs tenaces de leurs droits, ces affaiblis précoces méconnaissent
les droits d'autrui et parfois en arrivent à des menaces et voies de
fait qu'ils croient légitimes et fondés sur des notions de justice.
Parfois, ne remplissant pas leurs engagements parce qu'ils en ont
oublié la valeur morale, ils s'étonnent des rigueurs de ceux qu'ils
ont lésées, rigueurs qu'ils trouvent injustes, et ils en arrivent à
vouloir les réprimer au nom d'une justice dont ils n'ont plus
qu'une notion enfantine. Cet affaiblissement intellectuel précoce
avec marche rétroga.de du discernement vers l'enfance nous
parait mériter considération au point de vue médico-iégat,
pour atténuer la responsabilité des délits auxquels ces séniles
peuvent être entraînés dans de telles conditions. Parfois même,
si les autres traits de l'affaiblissement intellectuel son t peu saillants.
y aurait-il lieu dans ces cas, de tenir un compte rigoureux des
traits physiques de la sénilité précoce, pour atténuer la responsa-
bilité dans les cas d'airail)lisenieiit intellectuel ; parfois la marche
est moins rapide que dans les autres formes de sénilité précoce.
Messieurs, pour terminer, nous vous demandons la permission
de résumer cet exposé dans les propositions suivantes :
10 A côté de la vieillesse ordinaire uniformément lente et de
ses variétés de formes rapides par périodes d'accélération transi-
toires ou rapides d'emblée, il a tien d'admettre l'existence d'un
SOCIETES SAVANTES. 283
groupe de sénilités survenues avant l'âge. Ce sont les sénilités
précoces ;
2° Ces sénilités précoces ne sont souvent que l'expression de
l'atteinte grave portée à la nutrition par ces maladies générales
ou locales, engendrées ou non par des écarts hygiéniques. Sou-
vent ces maladies se masquent derrière la sénilité précoce et
exigent des investigations minutieuses pour être constatées. Elles
peuvent être ou non accompagnées de troubles mentaux que les
auteurs ont décrit, mais sans mettre assez en relief la précocité de
la sénilité concomitante ;
3° Les troubles, mentaux de la sénilité précoce peuvent exister sans
maladies, et, dans ces cas, si une maladie apparaît, ce n'est que
comme épisode terminal incapable d'expliquer ni les troubles
mentaux, ni la précocité de la sénilité.
Ces troubles mentaux sont à forme dépressive avec certaine
conscience du sujet; ils ont le caractère des formes mélancoliques,
hypocondriaques, anxieuses, ou panophohiqnes de la folie; il =
peuvent consister dans l'état d'affaiblissement intellectuel ;
4° Ces troubles mentaux, qu'ils reconnaissent pour cause le
changement brusque d'habitude, ou les atteintes mûmes de la
vieillesse et l'inquiétude qui en est la conséquence, ou bien encore
la cessation brusque de l'énergie entretenue jusqu'alors par une
idée intensive déterminante, des troubles mentaux ont toujours
pour condition causale commune, l'incapacité de l'individu de
s'adapter aux circonstances nouvellesqui l'entourent. L'adaptation
qui est un facteur principal dans les évolutions des êtres et des
espèces, est aussi une cause de cette destruction, quand elle vient
à disparaître de ces mêmes états et espèces; cette incapacité
d'adaptation apparaît très marquée dans les troubles mentaux de
la sénilité précoce ;
Il y a lieu, au point de vue médico-légal de tenir compte de
l'existence de cette sénilité précoce dans l'appréciation des délits
contre les personnes commis par les sujets qui en sont frappés,
et de rechercher minutieusement dans ces cas les traces de
l'affaiblissement intellectuel et, en particulier, de l'affaiblissement
du discernement des notions de justice.
6° Enfin il existe une sénilité précoce sans maladies, sans
troubles mentaux. Les hommes qui en sont frappés savent vieillir,
comprendre les avertissements du temps, et adapter leur genre
de vie aux modifications survenues dans leurs fonction*. En cela
faisant, ils peuvent longtemps se prolonger et jouir de la vie et
des fonctions qui y président à la condition d'un usage modéré.
Ceux-là enseignent par leur conduite les prescriptions hygiéniques
que réclame la précocité de la sénilité. (A suivre.)
VARIA
DISCOURS prononcé par M. LE Dr Dagonet LA distribution des PRIX
DE l'école d'infirmières laïques de l'asile Sainte-Anne.
Mesdames, Messieurs, l'année précédente nous avons dû vous
exprimer un regret, celui de ne pas voir nos cours professionnels
suivis avec toute l'assiduité désirable. Cette année, nous sommes
obligés de constater le même manque d'assiduité.
Ces conférences que nous prenons la peine de vous faire, se
rattachent directement à vos devoirs professionnels, elles auront
même pour vous, comme je vous l'expliquerai tout à l'heure, un
véritable intérêt personnel; nous vous engageons donc à mettre
de ce côté le plus grand empressement. Nous ferons du reste en
sorte, l'année prochaine, de faire ces cours à une heure plus
favorable, ils deviendront de cette manière une partie des devoirs
qui vous sont imposés dans cet asile.
Nous tenons d'autant plus à cette assuidité qu'un changement
important s'est produit cette année dans notre établissement, sur-
tout du côté des femmes
La communauté religieuse qui, depuis la fondation de cetasile,
régnait despotiquement ici a fait place à un service laïque.
C'est là une très grosse affaire et pour la mener à bonne fin, il
n'a pas moins fallu que des efforts énergiques et persévérants
d'hommes absolument convaincus, en tête desquels nous devons
placer M. le Dr Bourneville, député de la Seine, qui veut bien ve-
nir présider cette réunion.
Bien des objections ont été faites pour l'adoption d'une sem-
blable mesure, bien des erreurs, bien des préjugés ont été mis
en avant. Vous les connaissez tous.
Le personnel laïque serait-il dévoué, plein d'égards pour les
malades, et honnête à tous les points de vue, n'aurait-on pas à
faire, sous ce rapport, une comparaison fâcheuse avec la commu-
nauté religieuse qui allait nous quitter ?
Je ne veux pas ici entamer de discussion à ce sujet; pour ce qui
concerne l'asile Sainte-Anne, ce qu'il nous importait de savoir,
c'était si le service laïque fortifierait nos espérances ou s'il donne-
rait raison aux préoccupations de quelques esprits pessimistes et
peu expérimentés. Nous sommes heureux de le constater, aujour-
d'hui que l'expérience est faite, cette transformation ne nous a
donné que des résultats avantageux.
VARIA. 285
Le service des hommes n'élait pas directement intéressé dans la
question, il a continué à se faire, grâce au zèle des surveillants eu
chef des différentes divisions, de la manière la plus satisfaisante.
Chez les femmes, les médecins en chef se sont, en général, féli-
cités de la bonne tenue de leurs gardiennes, de l'exactitude et du
zèle qu'elles ont apportés à l'exécution des prescriptions dont
elles étaient chargées. Dans une maison comme celle-ci, cet em-
pressement à soigner les malades et à exécuter les prescriptions
médicales est la première règle à observer. La maison est faite
pour les malades et non pour le plus grand bien-être de tel ou tel
employé. L'assuidité à ces cours est aussi l'une des conditions qui
nous paraissent nécessaires à remplir pour obtenir de nos em-
ployés les qualités qui seules peuvent leur permettre de faire un
bon service.
Personne, en effet, n'ignore que la communauté religieuse, sous
la direction de laquelle se trouvaient les gardiennes, cherchait le
plus possible à les détourner d'assister à cc, conférences.
L'instruction est certainement la chose qui plait le moins aux
communautés; en développant l'intelligence, en élargissant en
quelque sorte l'horizon de nos connaissances, elle a pour résultat
de rectifier une foule d'erreurs et d'idées fausses que, le plus sou-
vent, l'on a soin d'entretenir dans un intérêt particulier.
Le conseil municipal, en fondant les cours professionnels à
Sainte-Anne et dans quelques autres établissements hospitaliers, a
eu un double but en vue, celui d'abord d'avoir un personnel plus
intelligent, plus soumis aux médecins et, par conséquent, plus ca-
pable de donner des soins aux malades, et, d'autre part, celui de
faciliter la laïcisation des services hospitaliers.
C'est pour cette raison que les médecins de cet asile tiennent
essentiellement à ce que ces cours se fassent régulièrement et
soient suivis exactement.
Je vous l'ai dit l'année précédente, quelques-unes des parties
qui vous sont enseignées peuvent vous paraître abstraites, mais
elles provoquent l'attention, la réflexion, de votre part, et elles se
rattachent à l'ensemble même des notions élémentaires dont vous
comprenez seulement l'utilité après qu'elles vous ont été toutes
exposées. Elles sont le principe, la base de l'instruction qui \ous
est nécessaire.
Il faut que vous sachiez appliquer des bandages, mettre des
ventouses, des appareils, faire toutes sortes d'injections, etc., et
pour le faire avec intelligence, il vous faut posséder certaines con-
naissances anatomiques et physiologiques.
La physiologie, par exemple, vous apprend que l'homme ne peut
pas vivre sans respirer, que la respiration se fait au moyen d'or-
ganes qu'on a désignés sous le nom de poumons; que l'homme a
besoin pour respirer de dix mètres cubes d'air par heure et que,
286 VARIA.
pour se maintenir dans des conditions de santé convenables, il
doit habiter une chambre suffisamment ventilée et ayant au moins
trois mètres en tous sens. C'est pour cette raison qu'il y a de
graves inconvénients à accumuler dans les dortoirs, dans les
salles de réunion un nombre de malades trop considérable pour
le volume d'air que l'espace peut contenir. Le besoin respiratoire
n'est plus satisfait et en dehors des maladies infectieuses et de
l'apauvrissement du sang qui peuvent en résulter, la phthisie pul-
monaire qui comprend, à Paris, le chiffre le plus considérable de
la mortalité en est une conséquence fâcheuse.
Si la respiration doit être attentivement surveillée, il en est de
même de l'alimentation.
L'homme perd au repos pour l'entretien de sa vie une certaine
quantité de force et de matière qu'il lui faut réparer; on a cal-
culé que, pour les recouvrer, il lui fallait absorber I kilogr. de'pain
et 300 gr. de viande. Voilà la ration de l'homme au repos.
Mais s'il travaille, les mêmes calculs ont établi qu'il lui fallait
absorber, sous forme d'aliments, cinq fois la quantité de force qu'il
a perdue en travaillaut,soil environ 2 kitog. de pain et 500 gr.de
viande, ou d'auties aliments fournissant la même quantité de force.
Ce qui existe pour le travail matériel existe aussi pour le travail
moral et intellectuel. Toutes ces notions sont rigoureusement dé-
duites. L'alimentation assure l'entretien de l'individu et le main-
tien de sa température.
11 faut donc surveiller l'air que nous respirons, l'eau que nous
buvons, les aliments que nous absorbons, tout doit être scrupu-
leusement vérifié, qualité et quantité, si l'on veut prévenir des
causes nombreuses d'insalubrité; c'est là, il est vrai, un soin qui
incombe à l'administration; mais notre devoir est d'empêcher
qu'aucune négligence coupable ne soit apportée de ce côté.
L'on a dit avec raison que les hôpitaux mal tenus, mal surveil-
lés étaient la pire des choses, les individus qui y entrent avec un
simple rhume peuvent mourir d'une maladie contractée à l'hôpi-
tal lui-même.
C'est pourquoi nous voulons, nous médecins, que nos services
soient tenus convenablement; c'est un devoir de conscience pour
nous, nous voulons que tout se passe honnêtement, loyalement,
que la surveillance s'y fasse d'une manière effective et non fictive
que nos employés remplissent leurs fonction» avec intelligence,
car nous sommes convaincus qu'il n'y a pas d'autre moyen d'as-
surer à nos malades tout le bien être que nous cherchons à leur
procurer.
Je ne m'étendrai pas davan tage, mesdames et messieurs, sur ce su-
jet, je me borne à vous engager, dans votre propre intérêt, à suivre
exactement ces cours, car nous avons la ferme intention, au sur
à mesure des progrès de la laïcisation, de réserver nos meilleures
VARIA. 287
places à Ville-Juif, à Ville-Evrard etailleurs àceux d'entre vous qui
auront fait leurs preuves de bonne conduite et qui auront obtenu
les récompenses qui, chaque année, seront accordées à la suite de
ces conférences. Il nous reste, eu terminant, à remercier nos dé-
voués collaborateurs, les internes de nos services du zèle et du dé-
vouement qu'ils ont apportés à faire ces cours.
AI. le Dr Respaut a fait le cours d'anatomie et il a insisté parti-
culièrement sur l'étude des os et des articulations. Son cours a été
suivi avec assiduité et profit.
Le cours de pansements et de petite chirurgie, fait avec la plus
grande clarté par M. Dericq, interne en médecine du service de
l'admission, a été généralement suivi avec beaucoup plus d'assi-
duité par les gardiens que par les gardiennes. Tous, du reste, se
sont appliqués à l'exercice pratique de l'application des bandages
et pansements.
M. le Dr Vetault a fait le cours de physiologie avec beaucoup de
zèle; les femmes ont montré, en particulier, qu'elles savaient en
tirer des conclusions pratiques.
il. Duhamel, interne eu médecine du service des hommes de
l'asile Saint-Anne, a fait avec le plus grand soin le cours d'hygiène;
il a exposé dans différentes leçons les notions les plus importantes;
et les plus pratiques, de cette partie de la science, il a eu enfin la
bonne idée de faire autographier le résumé de chacune de ses
leçons de manière à permettre aux élèves de fixer facilement dans
leur mémoire l'enseignement qui leur était donné. C'est une heu-
reuse innovation qu'il serait utile d'imiter.
MM. Delage et Bouffé, internes en pharmacie, se sont chargés de
faire le cours de pharmacie, ils l'ont fait de la manière la plus
satisfaisante. Ce cours, commencé au mois de mai, a été fait en
quatorze séances. Les hommes ont été les moins nombreux; mais,
en'revanche, pour la plupart, ils ont su profiter de l'enseignement
qui leur était donné, ainsi que l'attestent leurs compositions.
Il y lieu aussi de remarquer que les élèves des années précé-
dentes montraient plus de zèle et d'assiduité que les nouveaux
venus. Les femmes se sont toujours rendues au cours en plus
grand nombre ; mais, à l'inverse de ce qui se passait chez les
hommes, on remarquait l'absence des anciennes élèves. Il faut
dire cependant à leur louange que certaines d'entre elles ont par-
faitement conservé les notions qui leur avaient été données l'année
précédente. En effet, leurs reconnaissancesontété très brillantes;
l'une a eu le maximun et six ou sept ont nommé les trois quarts
des produits. Comme il était facile de le prévoir, leurs composi-
tions écrites se sont un peu ressenties de leur négligence à venir
au cours, aussi, pour cette partie de renseignement, étaient-elles
inférieures aux hommes, tandis qu'elles étaient de même force
pour les reconnaissances.
288 FAITS DIVERS. py
Je ne veux pas, mesdames et messieurs, vous faire attendre plus
longtemps la distribution des récompenses qui vont vous être dé-
cernées : je termine en exprimant l'espoir de n'avoir l'année pro-
chaine que des éloges à vous faire, sous tous les rapports.
FAITS DIVERS
Institution nationale DHS SOURDS-MUETS. AI. JAVAL, inspecteur
général des services administratifs, a été nommé directeur de cette
institution.
Institut royal des sciences de 1,01113AIIDIE. Le prix Fossiati vient
d'être décerné à M. Luigi Lucioni, professeur à l'université de
Florence, pour son mémoire sur les localisations sensorielles dans
l'écorce cérébrale.
Enfants, idiots. Des développements apportés durant les
dernières années dans le département de « Public Charities and
Correction » ont soulevé une question de quelque intérêt. Uue fille
idiote d'une des institutions de Bandall's Island fut rendue grosse
par un idiot. Ce cas soulevait la question suivante : Les idiots
microcéphales sont-ils capables de se perpétuer PBerkham rapporte
qu'un imbécile, marié depuis quelques années à une femme bien
portante, n'eut pas d'enfants. Au contraire, un homme sain, marié
à une femme idiote, eut trois enfants, dont deux furentidiots. Ces
cas confirment le dire de Vogt, que les idiotes peuvent concevoir
et que la plupart du temps les idiots sont incapables de faire des
enfants. Dans les cas de conception, lorsque la femme est seule
demi-crétine, Berlillain n'a jamais vu leur progéniture arriver à
l'à,e, mûr; si ce n'est pas un mort-né, le produit meurt ordinaire-
ment pendant l'enfance. L'idiot microcéphale deRandati's Island
a les organes génitaux bien développés, et, sans aucun doute, il
est capable de procréer. Les résultats de Berkham sont confirmés
par les travaux de Monteyell sur l'hérédité dans les familles dégé-
nérées psychiquement. (Joumt. of tteruous and mental diseuses.
1881, l. 103.)
Le rédacteur-gérant, Bouhneville.
trrcA (.h lj £ hlâbâi ion/ Jb ?
Vol. lx. Mai 1885. N" 27.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE CAUSÉES PAR
L'ÉLONGATION DU NERF SCIATIQUE
Etude expérimentale faite dans le laboratoire de M. le professeur
Jean 1111ERZEJEVt'SKI (de Pétersbourg).
Par Pauline TARNOWSKI.
Pendant ces douze dernières années, l'élongation
des nerfs a joui d'une grande vogue dans la thérapeu-
tique des maladies nerveuses. Il faut reconnaître
qu'elle n'a pas produit les guérisons qu'on en atten-
dait ; néanmoins, bon nombre de praticiens de tous
les pays y ont eu recours à titre d'essai empirique tou-
tes les fois que les moyens habituellement employés
restaient inefficaces. Peut-être trouvera-t-on trop hardi
de traiter de méthode empirique ce nouveau mode
de traitement ? Mais la littérature volumineuse, dont
elle a été l'occasion, n'est-elle pas là pour montrer,
que, parmi le nombre considérable d'observations cli-
niques qu'on compte par centaines, on en trouve à
peine une dizaine qui traitent la question au point de
Archives, t. IX. z19
290 pathologie expérimentale.
vue expérimental. Avant d'exposer nos expériences
personnelles, faites sur des lapins, nous croyons utile
de tracer un court exposé de tous les travaux concer-
nant l'élongation des nerfs depuis le jour où le profes-
seur Biliroth en 1869 entama le premier cette question,
qui ne reçut droit de cité qu'en 1872, à la suite d'une
opération du professeur Nussbaum, suivie d'un succès
éclatant. Nous nous permettons cette investigation
dans l'histoire de l'élongation des nerfs, dans le but
d'appuyer de toutes les données connues les quelques
conclusions pratiques que nous avons à tirer de notre
étude expérimentale.
Pour faciliter l'aperçu des observations antérieures,
nous les divisons en quatre groupes : Groupe le', con-
tenant les élongations des nerfs pratiquées dans un
but thérapeutique. Groupe II : Elongations de
nerfs suivies de mort. Observations avec autopsie.
Groupe III : Recherches purement expérimentales sur
les élongations des nerfs entreprises sur des animaux,
sans examen de la moelle épinière. - Groupe IV : Les
mêmes, avec examen histologique de la moelle. C'est
à ce dernier groupe que se rapporte notre travail.
Groupe Ie'. Elongations de nerfs pratiquées dans
un but thérapeutique.
En 1860 61, le professeur Nussbaum ' faisait une
résection de l'articulation du coude; occasionnellement
il étira avec force le nerf ulnaire qui était adhérent
1 Nussbaum. Deutsche Zeitschr. fiii, Chirurgie, 1872, p. 450.
altérations de la moelle épinière. 291
aux tissus voisins. Au lieu des complications qu'ap-
préhendait l'opérateur, il vit disparaître la contrac-
ture du quatrième et du cinquième doigt qui persistait
malgré tous les remèdes.
M. Billroth 1, en 1869, voulut s'assurer des causes
qui faisaient persister les douleurs atroces et les con-
tractures dans la région fessière chez un malade, en
dépit de tous les modes de traitement. Il découvrit à
cet effet le nerf sciatique qu'il explora jusqu'à son
émergence et amena, à sa grande surprise, un enraie-
ment des contractures ainsi que des douleurs. Ces
deux incidents servirent de préface à une longue suite
d'opérations sur les nerfs dans le but de les guérir en
les étirant.
Ce fut M. Nussbaum, 2 qui le premier, en 1872,
élongea les nerfs dans un but thérapeutique. Voici en
deux mots l'exposé de son observation : Un soldat,
âgé de vingt-trois ans, reçut un coup de crosse sur la
nuque et le coude gauche. Il souffrait de crampes très
douloureuses et de contractures des muscles pectoraux
ainsi que des muscles du bras gauche, qui cessèrent
après l'élongation du nerf ulnaire, du plexus axillaire
et des nerfs corticaux dans la région claviculaire. Ce
résultat brillant mit à la mode la nouvelle opération,
et, depuis, l'élongation des nerfs fut pratiquée dans
tous les pays, avec plus ou moins de succès. La même
année, M. Gartner3, à Stuttgardt, étira le plexus bra-
1 Vogt. -Die Nervendelinung als Opération in der Cliirurg. Praws,
Leipzig, 1877.
2 Nussbaum. - Blosselegung und Dehizzvig der IRïcketntnrksneruen.
Deutsche 7eitsch·ift sur Chirurgie, Bd. I, K. V, p. 450.
3 G;irtner. Ibid., p. 102.
292 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
chial chez une demoiselle de trente-huit ans, qui accu-
sait de la paralysie et des douleurs dans une des
extrémités supérieures. Enraiement des douleurs.
Mort au bout de quinze jours à la suite d'une lésion
dans la veine jugulaire, indépendante de cette opé-
ration. Vojt l (1876) étira avec succès le plexus
brachial chez un maçon de soixante-trois ans pris de
tétanos après s'être blessé à la main. M. Verneuil'
(1876) élongea, en le broyant, le plexus brachial à une
femme de soixante ans qui accusait des contractures
douloureuses dans l'extrémité supérieure et une réci-
dive de cancer. La malade mourut à la suite d'un éry-
sipèle survenu pendant le traitement. Watson Eben',
en 1878, fait part de deux cas d'élongation du plexus
brachial chez un garçon de seize ans et un homme de
trente-cinq ans, qui tous deux avaient été pris de téta-
nos à la suite d'une blessure l'un au doigt, l'autre à
la main. Les deux malades moururent.
Czerny4 (1879) fit subir plusieurs fois l'élongation
du plexus brachial à un jeune homme atteint d'hémi-
plégie et de crampes très douloureuses, mais sans
succès. Clin', homme de trente-huit ans, luxation
compliquée de la phalangette du pouce, résection de
la phalangette, tétanos, traction du plexus brachial,
mort le cinquième jour. Esmarch (1880) obtint un
beau résultat après une élongation du plexus brachial.
1 Vogt. Centralb. sur Chirurgie, 1876, no 40.
2 Verneuil. La thèse de Duvaull sur la distension des nerfs, etc.,
1876, thèse de Paris.
1 Watson Ehen. - The Lancer 1878, I, p. 229.
4 Czerny. Arch. sur Psychiat., etc., 1879, X, p. 284.
' Clin und Knie.S<-Pe<e)'M)'yn : ed. 117och., 1879, no 33.
'' Esindi'ch. Deulsche metl. 117ocheiische,ilt, 1880, n" 19.
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÉRE. 293
Enraiement des douleurs et retour de la motilité.
Gillette et Debove `, depuis 1881, ont pratiqué avec suc-
cès l'élongation du plexus brachial et d'autres nerfs.
Leurs travaux, du reste, sont trop connus en France
pour que j'aie à les exposer ici. Ranke (1882) commu-
nique une observation sur une contracture congéni-
tale qu'il entreprit de combattre en élongeant le
plexus brachial; il n'obtint aucun résultat satisfaisant.
Stintzing3 (1883) élongea le plexus brachial à un
vieillard de soixante-sept ans atteint de paralysie agi-
tante, aucune amélioration ne s'ensuivit.
Des élongations du nerf cubital furent pratiquées
par les observateurs suivants : Vogt4 (1873) l'entreprit
chez une malade qui s'était violemment blessée au
poignet : cessation des douleurs, guérison. Alorton'
(1877) : Blessure faite au poignet avec des ciseaux,
douleurs envahissant toute l'extrémité supérieure :
l'élongation du nerf cubital amena une guérison.
Czerny6, en 1878, traitapar l'élongation du nerf cubital
une névralgie de l'extrémité supérieure occasionnée
par un violent traumatisme du coude, chez un homme
de vingt-quatre ans; amélioration. Duplay' (1878) :
Névralgie du nerf cubital par compression d'un fibrome
chez un homme de vingt-six ans, l'élongation du nerf
1 Gillette et Debove. - Union méd., 1881, p. 116. ,
1 rangez Arch. sur klinische Chirurgie, 1882, 48, p. 537.
' Stintzing. Ueber Nervendehnteng, Leipzig, 1883, p. 165.
1 Vogt. Deittschc Zeitschr. sur Chirurgie, 1876, VII, p. 155.
5 Morton T)Mmas. 7'wo cases of izervestretching. (Thednzr.ric.Jouru.
of lhe Med. Sciences, 1878, Jan.)
6 Czerny. Loc. cit.
7 Dup)ay. Bulletins et mémoires de la Société de Chirurgie, 1878, IV,
p. 773- - ...
294 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
amena une guérison de la névralgie. Mac-Leod'
(1879) : Parésie et atrophie de l'avant-bras et de la
main chez un homme de vingt-six ans; élongation du
nerf ulnaire; l'atrophie ne diminue pas. Gerald Bom-
ferd (1880) : Atrophie musculaire de l'extrémité
supérieure; élongation des deux nerfs ulnaires; atro-
phie notablement diminuée. Leisrink3 (1882) pratiqua
une traction du nerf ulnaire pour remédier à une
altération motrice et un trouble de la sensibilité obser-
vés dans l'extrémité supérieure; les symptômes empi-
rèrent. Banne z) : Névralgie dans la région par-
courue par le nerf ulnaire; amélioration après la
traction du nerf correspondant. Nicoladokib (1882)
cite un cas d'amélioration durable à la suite de l'élon-
gation du nerf cubital. Certains auteurs combattirent
la lèpre anesthétique en pratiquant l'élongation des
nerfs. Tels furent : Lawrie en 1878 et Gerald Bomferd'
à Calcutta, Lacorie' en 1880 à Lahore, qui, selon leurs
témoignages élongèrent, le nerf ulnaire avec succès.
D'autres auteurs élongèrent le nerf cubital en même
temps que le nerf médian. Le professeur Verneuil', qui
modifia la méthode de l'élongation des nerfs pratiquée
t llac-Leod. - Brain, 188o, II, p. 147.
2 Gerald Bomferd. The Lancet, 188t, I, p. 329.
3 Leisrink. Beiti,age zur Casuistik der Nervenchirurgie speciall der
Ne2-veiidehnung. (Arch. f. Chirurgie, 1882, p. 48, K. 2.)
* Ranke. Arch. für chirurgie, 1882, p. 537.
5 Nicoladoki. Beilrdge zur Nervenchirurgie réf. dans la Centrait, f.
Nervenheillcunde, 1882, p. 231.
6 Gerald Bomferd. Nerve sti,etèhing in azzaesthetie leprosy. (TheLancel,
1881, 26of february.)
7 Lacorie (Lahore). Case of anaesthetie leprosy treated by stretching
of both ulnrer and sciatic 7 : o'ue. (The Lancet, 1881, Mardi.)
8 Veriieuil. - V. Duvatilt, loc. cit.
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 295
en Allemagne, en introduisant la sonde cannelée, sur
laquelle il broyé le nerf, entreprit une double élon-
gation en étirant le nerf médian et ensuite le cubital à
un homme de trente-neuf ans, qui accusait des crampes
douloureuses dans les muscles de la main à la suite
de l'amputation de l'annulaire : guérison complète.
Auerbach' entreprit en 1882 l'élongation des nerfs
médian et cubital dans un cas de paralysie agitante,
occasionnée par une vive frayeur; une amélioration
s'en suivit. Gillette (1881) étira avec une force de
quinze kilos les nerfs médian et cubital à une femme
qui accusait de l'ataxie depuis cinq ans. Les douleurs
de l'extrémité supérieure cessèrent, mais celles des
extrémités inférieures augmentèrent.
Elongation du nerf médian. Callender3 (1874) :
Un homme de quarante-cinq ans endurait de violentes
douleurs dans le moignon après une amputation de
l'avant-bras. L'élongation du nerf médian amena un
amendement des douleurs. M. Callenderl pratiqua la
même opération sur un jeune homme de vingt ans, qui
accusait également de vives douleurs dans le moignon;
Enraiement des douleurs. NankiveIP fut moins heu-
reux. Il communique deux cas de mort à la suite de
l'élongation du nerf médian. Sa première observation se
rapporte à un jeune homme de vingt-trois ans, blessé
1 Auerbach B. Zur casuistik der Nervendehnung. (Deutsch. nied.
11'ockensch., 1882, no 3, p. 37.)
2 Gillette. Loc. cit.
3 Callender. T2,aits. of the cH ? H'caSoc. of London, 1574, VII, p. 100.
Callender. - Lancet, 1875, 1, p. 883.
1 i%'iiiliivell. - Lancet, 1878, 1, p. 311.
296 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
au médius et pris de tétanos. Quarante-huit heures
après l'élongation du nerf médian, le malade mourut,
La deuxième observation concerne un homme de qua-
rante-huit ans auquel on amputa le pouce, ce qui
amena du tétanos, élongation du nerf médian, mort
le lendemain. Struckmann' Maag : Une femme de
trente-sept ans accusait de la névralgie de l'avant-bras;
L'élongation du nerf médian amena du soulagement.
Estiander' : Un homme de vingt-sept ans souffrait à
l'extrémité supérieure d'une névralgie d'origine trauma-
matique. Elongation du nerf médian; amélioration.
Thomas' (1879) : Tétanos d'origine traumatique chez
un jeune homme de vingt-trois ans qui se blessa à la
main; le nerf médian fut élongé et broyé sur une
sonde cannelée; convulsions, mort. Smith (1880) :
Homme de cinquante-quatre ans, auquel on ouvrit un
abcès phlegmoneux à l'avant-bras; il s'en suivit du
tétanos; l'élongation du nerf médian amena la guéri-
son. Le' Fort (1882) : Névralgie et paralysie à la suite
d'un accident de chasse; guérison complète après
l'élongation du nerf médian. Pour en finir avec le
membre supérieur citons encore quelques observations
sur l'élongation du nerf radial. Paget6, en 1876, étira
avec succès le nerf radial dans une contracture doulou-
reuse. Blum' : Anesthésie et altération motrice dans
' Struckmann-Maag. Etc.
2 Estlander. V. l'article de M. Chauvel sur l'élongation des nerfs.
Archives de médecine, 1881, vol. I, p. 707.
3 Thomas. Bulletins et mémoires delà Société de Chirurgie, 1879.
V. p. 173.
4 Smith. -Med. Times and Gaz., 1880,11, p. 216.
11 Le Fort. Gazette médicale de Paris, 1882, p. 387.
' Paget Voir le travail de M. Chauvel, loc. cit.
7 Blum. - De l'élongation des nerfs. (Arclz. de médecine. 1878.)
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 297
l'extrémité supérieure chez un homme de vingt-neuf
ans, qui avait été blessé; élongation du nerf médian,
retour de la sensibilité, mais pas d'amélioration de la
motilité du bras.
Elongations des nerfs intercostaux. En 1878,
M. Nussbaum ' annonça la guérison remarquable d'un
malade affecté depuis vingt ans d'une névralgie inter-
costale. Au mois de novembre 1878, M. Nussbaum lui
étira les 8°, 9° et 10' nerfs intercostaux. Disparition
des douleurs. Malheureusement la guérison ne fut
guère stable, les douleurs se renouvelèrent, comme le
constata M. Langenbuch en 1880. Kleef (1880). Une
femme de trente-cinq ans, névrite ascendante chro-
nique. Elongation des 4\ 5', 6° nerfs intercostaux.
Guérison. Bzehazek3(1881) pratiqua également l'élon-
gation des nerfs intercostaux dans un cas de névralgie,
mais sans amélioration durable. Nicoladoki (1882) :
Elongation des nerfs intercostaux suivie de mort. (Voy.
au groupe second l'autopsie du malade de Nicoladoln).
L'élongation des nerfs ne se bornant pas aux extrémi- 1-
tés fut pratiquée également sur la face, ainsi l'élonga-
lion du nerf facial fut faite par M. Baum en 1878 à
une femme de trente-cinq ans qui souffrait de contrac-
tions convulsives des muscles de la face. Guérison.
1 Nussbaum. Die- Opération einer intercostal Neuralgie. Munchen,
t8,9.
2 Kleef. - Ei ? t Fall von Dehnung der intercostal Nerven. ()F7eKern ! e<<.
fYoch., 1880, n° 40.)
3 Bzehazek. R. V. Beitrnge zur operatiuen Beha ? idlung der intercos-
tal Neuralgien (Allgem. 11'iencr med. Zeilschr., 1881, n°s 43-i4.)
* Nicotadoki. Beitctrge zur Nerven-Chirurgie. (vienez med. Presse
1889, n°° 27 et suivants.)
1 Baum. Berliuer Klinisch. Wochenschrifl, 1878, p. 595.
298 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
Schùssller1 (1879, à Brème) : Une femme accusait des
convulsions des mucles de la face depuis huit ans;
élongation du nerf facial; guérison complète. Putnam 2
(1880, à Boston) : Spasmes cloniques de la face chez
un homme de vingt-cinq ans, élongation dunerf facial.
Insuccès. Allen Sturge et Gadlec' (1880) guérirent une
vieille femme de soixante-douze ans, qui, depuis six
ans, accusait des contractures spasmodiques de la face,
en lui étirant le nerf facial. Eulenburg4 amena une
guérison dans un cas analogue, en pratiquant l'élon-
gation du nerf facial pour des contractions delà face.
Bernhardt3 (1882, à Berlin) fait part dans son article
de dix observations sur l'élongation du nerf facial et
en tire une conclusion favorable à cette opération.
Carter Grayl communique deux observations person-
nelles sur l'élongation du nerf facial. Dans la première,
il constate un soulagement de courte durée, dans la
seconde l'état du malade empire.
Elongations du nerf Trijumeau. Higgens7 (1875)
étira les nerfs sus et sous-orbitaires, chez un homme
de soixante-deux ans, qui souffrait de violentes dou-
leurs après l'énucléation du bulbe oculaire. Les dou-
1 Seliùssler (H.). Mimischer Gesichisk ? ,(i ? izpf. Dehnung des faciales
(Berl. Klin. 117ochenschî ? 1879, n- 46, p. G84.)
2 Putnam. Arch. of nzed. New-Yoi,k, 1880, I.
» Allen, Sturge et Gadlee. - The Brit. nied. Jouria., 1880, II, p. 810.
Eulenburg. Archives générales de médecine, 1881, I, p 107.
' Be'-nhat'dt Weiterer Beilrag. zur Frage von den Erfolgen der
Dehnung des N. facialis bei tic convulsif. (Deutsch. nzed. TVochenschr..
1882, n- 9.)
Carter Gray (L ). tao cases z of /ac'al nerven the Amer.
Journ. of Neurol. und Psych., I, p. 51r,.
fliggeiis. - The Brit. med. Journ. 1879, 1, p. 89 ?
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 299
leurs cessèrent. En 1878, l'auteur pratiqua l'élonga-
tion du sus-orbitaire dans un cas analogue, avec le
même succès. Vogt1 (1876 et 1877) étira le nerf alvéo-
laire supérieur pour des névralgies et obtint la gué-
rison. Spence (1817) obtint également une guérison
en élongeant le nerf sous-orbitaire dans un cas de
névralgie accompagnée d'accès épileptoïdes. Czerny 3
(1878) communique deux observations sur l'élongation
du nerf sus-orbitaire; la première concerne un homme
de soixante-trois ans, guériosn. Dans la seconde, la
névralgie ne céda qu'après une résection du nerf. Grain-
ger-Stewart4, en 1878, opéra un vieillard de soixante-
dix ans atteint de névralgie et de contractions
de la face; le nerf sous-orbitaire fut étiré à deux
reprises, ensuite ce fut le tour du nerf mentonnier.
Guérison. Rocher' guérit en 1879 un homme de
trente-deux ans qui souffrait depuis quatorze années
d'une névralgie opiniâtre, en lui étirant le nerf sus-
orbitaire. Masing" (1879) : Elongation du nerf sus-
orbitaire dans un cas de névralgie; guérison. Crédé'
(1880) guérit une névralgie de la face chez une
femme en lui élongeant le nerf sous-orbitaire. Purdie'
(1880) atteint le même résultat dans un cas analogue.
Hahu9 (1880) et Langenbuch, dans la même année,
1 Vogt. Loc. cit.
2 Spence. The Lancet, 1880, p. 249.
3 Czerny. Loc. cit.
grainier Stewart. The Brit. med. Journ., 1879, p. 803.
3 Kocher. Co2-iespondeîtzblatt sur Schweigei, Aerzte, 1879, n° 14.
" 111asing. St-Pelersb. 711ed. 117och., 1879, n" 49.
Credé. -- Berl. klin. iYoc/z., 1880, p. 235.
8 Purdie. Stretching of sciatic and infraorbit nerves. (7'/ie.ance<,
1880, II, 14.)
1 Hahu. - Berlin klin. lvoch., 1880, p. a3o. Lat)genbuch./61d., p. 235.
300 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
étirèrent le nerf sous-orbitaire dans des névralgies,
mais ne parvinrent qu'à enrayer momentanément les
douleurs. Walsham ' (1880) pratiqua l'élongation du
sous-orbitaire chez une femme atteinte de névralgie
et contractions convulsives de la face; guérison.
Quinquaud (1880-1881) pratiqua la même opération
dans des cas analogues et obtint également des résul-
tats satisfaisants. Bada) (Bordeaux) entreprit, selon le
rapport de M. Trélat, trois fois l'élongation du nerf
nasal externe pour des névralgies dans la région orbi-
taire, et constata toutes les fois l'arrêt des douleurs.
Sée5 (9 88), Po)ai] ! on' et Alouchet6 étirèrent le nerf
dentaire inférieur, dans trois cas de névralgie; amé-
lioration dans la première obser.vation et guérison
complète dans la dernière. Leisrink (H.)'communique,
en 1882, trois cas d'élongation des trois branches du
trijumeau pour des névralgies et obtint toutes les fois
la guérison. Ranlcee (1882) fait part de sept observa-
tions sur l'élongation des trois branches du trijumeau.
Il note. bien quelques guérisons, mais toujours à la
suite de la résection des branches du nerf.
Elongations du nerf optique. Kümmell Hermann9
1 Walsham. The Brit. med. Journ., 1880, Il.
2Quinquand. - Société de Biologie, 12 mars 1881.
3 Badal. - Gazette médicale de Paris, 1882, p. 848.
1 Sée. Gazette médicale de Paris, 1882, p. 293.
5 Palaillon. Ibid.
' Mouchet. Ibid., p. 351.
' Leisrink. Beifrctgezur Ne)-venchii-uigie, etc ? 4rch. f. Chirurg., 1882,
48, 4, 3.
8Ranke. - Compte-rendu des opérations pratiquées à la clinique chi-
)-Mt-.9 : ca<e(<e Groningen. (Arch. f. Klin. chirurgie, 1882, p. 537.)
0 Kummell Hermanu. - {/e&erDe/mM7tf/en. oplicus (Deutsch med.
lVoch., 9882, 11- 1.)
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÉRE. 301 i
(1882) pratiqua cinq fois l'élongation du nerf optique,
sans atteindre de résultats satisfaisants. Pamard' (1882,
à Avignon) entreprit une élongation bilatérale des
nerfs optiques dans un cas d'atrophie de ce nerf, d'o-
rigine syphilitique; amendement des douleurs, mort
accidentelle du malade, pas d'autopsie. Hatzaourow2
communique trois cas d'élongation du nerf tra-
chléaire dans des cas d'iridocyclite de staphylome de
la cornée, et d'intenses douleurs subséquentes à l'énu-
cléation. Toutes les trois fois, les douleurs cessèrent.
Élongation du nerf sciatique. De tous les nerfs,
c'est, sans contredit, le sciatique qui fut étiré le plus
souvent. Aucommencement, ce fut pour des névralgies,
des traumatismes et, depuis 1879, ce nouveau mode de
traitement fut appliqué en Allemagne (Langenbuch) au
traitement de l'ataxie locomotrice. Procédant par
ordre chronologique, nous présenterons d'abord un
aperçu, aussi bref que possible, des observations sur
la névralgie traitée par les tractions nerveuses, et nous
le terminerons par un exposé de celles qui concernent
l'ataxie. Patruban' (1873) étira le nerf sciatique à un
homme souffrant d'une sciatique rebelle; améliora-
tion. Nussbaum' (1876) pratiqua l'élongation des deux
nerfs sciatiques et du crural à un homme de trente-
cinq ans, atteint de paralysie et de spasmes cloniques
des extrémités inférieures ; amélioration. Drayez
1 Pamard. Gazette médicale de Paris, 1832, p. 206.
2 KatMourow. Wratch. Gaz. nzed. hebdom. St-Petersb., 1883, nos 44
et 45.
Patruban. Ce ? t<)'u/< ! « /Mr Mect. MM/MC/t<., 1873, p. 2X4.
Patrubaii. - Centralblatt sur med. ll'issensclzt., 1873, p. 254. 1876.
Nussbiiiin. Nervendehnung bei centralen Leiden ; Munchen, 1876.
5 Drake. Canada nzed. aîtd sury. Journ., 1876, november.
302 PATHOLOGIE EXPERIMENTALE.
(1876) : Un homme de vingt-six ans est pris de
tétanos après une insignifiante blessure au pied ; l'é-
longation du nerf sciatique amène un soulagement
momentané; les convulsions revinrent et le malade
mourut quinze jours après l'opération. Bird' (1877)
amena une guérison en étirant le nerf sciatique pour
une sciatique qui avait persisté durant six mois.
Chiene' (1877-1878) pratiqua cinq fois cette opération
pour des sciatiques et obtint deux guérisons. Sklifas-
sowski' (1878, Saint-Pétersbourg) étira le nerf scia-
tique dans le but d'amender de vives douleurs occa-
sionnées par une plaie; ce n'est que la résection du
nerf qui amena la guérison. Macfarlane` (9 878) guérit
une sciatique contractée à la suite d'un refroidisse-
ment, en opérant une traction du nerf sciatique.
lliasin5 fit une traction bilatérale du nerf sciatique à
un homme de trente-sept ans, qui accusait, depuis
sept ans, une névralgie accompagnée de troubles de la
motilité et de la sensibilité. Une seconde observation
du même auteur se rapporte à un garçon de douze
ans blessé à la région sacrée, et accusant une disten-
sion du pied, un pied varus équin et des contractures
convulsives. L'élongation du^nerf sciatique amena une
amélioration. Morton0 pratiqua une traction du nerf
sciatique à un homme de cinquante-deux ans, souffrant
depuis onze ans d'une névralgie d'origine traumatique.
1 Bird. Tlie iVew-1-oi-li med. Record., XIV, 1877, 13 septembre.
2 Cliiene. - Tlze Practitiozzen, 1877, p. 417. The Lancet, 1878, 1, p. 905.
Sklifass.owski. Sl-Petersb. nied. kvoch., 1878, n" as, p. 213.
1 Macfarlane. Tlie La ? zcet, 1878, 11, u" 6.
8 Masing. S<-Pe<o&. med. iYock., 1878, iio 3'i, p. 281. Voy. le
même recueil.
é Morton. Thomas, loc. cit.
ALTÉRATIONS DE LA MOELLE FP1NI,RE. 303
Soulagement de courte durée. Struchemann Maag'
(1878) fait part de deux observations concernant deux
jeunes femmes atteintes de névralgies de l'extrémité
inférieure; les tractions nerveuses amenèrent un
amendement. Andrews et Farrer' (Chicago) : Ilaraplé-
gie et contracture des muscles de l'extrémité infé-
rieure, d'origine traumatique; traction du nerf sciatique
et crural, guérison. Crabbel g : Tétanos à la suite d'un
traumatisme chez un homme de quarante-deux ans;
traction du nerf sciatique et du crural; mort le même
jour. Clarke' (1878) : Une femme de vingt-quatre ans
fut prise de tétanos après l'amputation du gros orteil;
l'élongation du nerf sciatique amena la guérison.
Czerny' (1879) pratiqua une traction bilatérale des
nerfs sciatiques pour une myélite par compression et
une paralysie des extrémités inférieures; progrès
rapide delà myélite. llorris (1879) : Traction du nerf
sciatique à l'émergence du tronc chez un enfant de
sept ans ( ! ) pris de tétanos après s'être blessé au pied ;
mort le même jour. Grainer-Stewart' (1879) : Contrac-
tions douloureuses des muscles de l'extrémité infé-
rieure ; traction du nerf sciatique, amélioration.
Blum' : Névralgie et atrophie musculaire dans la région
sciatique, chez un homme de trente-neuf ans ; traction
du nerf correspondant, guérison. Dans une seconde
1 Struchemann Maag. IIosp. Fidende, 1878, 2, B. V., 44.
2 Andrews and Farrer. Chicago 2 ? zed. Joie7-n., 1878, p. 230.
3 Crabbel. - Arch. sur chirurgie, XXIII, p. 817.
4 Clarlie. -Glascow med. Journ., 1879, Suly.
3 Czerny. Arch. sur Psych., 1879, p. 284.
1 Morris. The Brit. nied. 1879, I, p. 933.
' Grainger Stewart. Ibid., p. 803.
9 Blum. - Bulletin et mémoire de la Société de chirurgie, isso.
304 . PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
observation, M. Blum constata un amendement. Hut-
chinson' (1880) : Un jeune homme de vingt-deux ans
reçut une décharge de plomb dans l'extrémité infé-
rieure ; il s'en suivit un tétanos; élongation du nerf
sciatique; mort vingt heures après. Omboni2 : Un
enfant de sept ans se blesse vivement au pied. Téta-
nos ; la traction du nerf sciatique amena un soulage-
ment de courte durée; mort. Golding-Bird3 : Névralgie
violente consécutive à l'amputation de l'extrémité
inférieure; traction du nerf sciatique restée sans suc-
cès, la résection du nerf amena la guérison. Spence'
(1880) : Commencement d'atrophie musculaire; amen-
dement après l'élongation du nerf sciatique. Robertson'
(1880) : Un homme de quarante-cinq ans souffrait
depuis huit années d'une névralgie dans la région du
nerf sciatique; une traction de ce dernier amena un
soulagement. Patow Bramwell ° (1880) : Sur cinq
malades auxquels il pratiqua la traction du nerf scia-
tique pour des névralgies, constata trois guérisons,un
amendement et un insuccès. Purdie' (1880) constata
la guérison d'une névralgie après l'élongation du nerf
sciatique. Pooleye (1880) rapporte quarante quatre
observations de tractions nerveuses pratiquées dans
diverses névralgies, principalement dans la sciatique.
L'auteur, un grand partisan de ce nouveau mode de
1 Hutchinson. dlecl. Tinzes and Gaz., 1880, II, p. 216.
2 Omboni. - ln Fi-onibetta Sullo sti2,artiento deinerve, 1880.
3 Golding-Bird. The Brit. med. Journ., 1880, I, p. 969.
4Spence. - The Lancet, 1880, I, p. 249.
3 Robertson. - The Lancet, 1880, p. 587.
Patow BromweU. The Bi,it. med. Journ.. 1880, I, p. 94 t.
7Purdie. - Stretchirzg of scialic, etc. (The Lances, 1880, II, 14.)
4Pooley. - The New-Yorlc 7zc £ Record., 1880, p. 173.
ALTÉRATIONS DE La MOELLE ÉPINIÈRE. 305
traitement, prétend que la traction enraie chaque fois
les douleurs et exerce une action favorable sur les
altérations trophiques. Pour ce qui est du tétanos d'o-
rigine traumatique, l'auteur considère la traction des
nerfs comme inutile. Berridge1 (1881) : Contractions
douloureuses des muscles de l'extrémité inférieure ;
l'élongation du nerf sciatique produisit du soulage-
ment. Gillette' (1881) constata également'de l'amélio-
ration, après la traction du nerf sciatique, chez deux
femmes atteintes de névralgies. Norman Mackintosh3
(1881) : Traction du nerf sciatique chez un homme de
quarante et un ans souffrant d'une névralgie depuis
quatorze ans; amélioration. latrie ( (1881) fait part
de résultats favorables atteints par la traction du nerf
sciatique dans la lèpre anesthésique. Lamarre )C.5
(1881) : Traction répétée du nerf sciatique chez une
femme de soixante-dix ans sans obtenir de résultat
favorable; mort accidentelle de la malade, l'ouver-
ture du cadavre ne put être faite. Morton Williams
(1882) fait part de deux observations sur l'élongation
du sciatique pour une paralysie agitante; pour une
sciatique ; amélioration chaque fois. L'auteur se pro-
nonce en faveur de cette opération. Simon R. M. 7
(1882) : Paralysie infantile chez un enfant de cinq
i Berridge. The 13z·it. zned. Journ. 1SS), april.
2 Gillette. Loc. cit.
3 Norman Mackintosh. lite Brit. ned. Jourre., issi, I.
4 Lawrie. -lhecase anaeslhetie fehrosry, etc. (The Lancet, ISSI.)
1 Lamarre (E.). Contribution à l'étude de l'action de l'élongation des
nerfs dans les affections médullaires, (I ? evite (le chirurgie, ISSI.)
a Moi ton William. A contribution to the szibject of ? zei-ve slrelching.
(Joura. ofnerv. and ment, clisease, 1882, p. 133.)
1 Simon lt. AI. Nerve strelching iii infantile paralysis (the B;'t/. nzecl.
Journ., 188 ? , II).
Archives, t. IX. 20
306 PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
ans. La traction du nerf sciatique améliora la dé-
marche. Weltrubsky1 (1882) entreprit, dans la clinique
du professeur Lussenbauer, toute une série de tractions
nerveuses, dont trois du sciatique, pour une névrite
ascendante. Résultat excellent mais non stable, pour
des douleurs violentes dans l'articulation du fémur.
Amélioration de courte durée pour une épilepsie
débutant par des crampes dans le membre inférieur.
Après la traction, les intervalles après les accès
gagnèrent en durée. Leisrink2, dans le nombre de ses
observations sur l'élongation des nerfs, fait part de
trois cas d'élongation du nerf sciatique; pour une
névralgie, une sclérose et une myélite. Résultats néga-
tifs. Itauke3 fit deux fois la traction du nerf sciatique,
dont une amélioration. Wieth John A.4 pratiqua pour
une sciatique la traction du nerf intéressé et obtint un
soulagement de courte durée. Riedel5 (Aix-la-Chapelle,
1882) communique deux cas de lésions de l'épine dor-
sale d'origine traumatique, qui guérirent à la suite de
traction du nerf sciatique et du crural. Leyden E.' s
(1882) essaya à trois reprises de ce nouveau mode de
traitement, mais sans en obtenir de résultats satisfai-
sants. L'effet de la traction des nerfs fut absolument
1 Weltrubsky. Erfalirungen liber Nervendehnung Casuistische Mitlhei-
lungen ans der chirur. Klinic gussenbauer. (Prctg, med. Woch., 1882,
nos 14 et suivants.)
2 Leisrink. Beili-cege zur casuistik des Neruencleirttrgie, etc., loc. cil.
rancie. Loc. cit.
i Wieth John A. Titrée cases of strelching for the relief of persistais
fulguraling pains, etc. (Amer. Jours. of Nettrol. and Psllch., I, p. 465.)
6 Riedel. Ve)'ueeA ! <7 ! y ac/t. ! Ve)'e//M ! on. (Deutsch. med. llo-
chenschr., 1882, no 1.)
Leyden E. UeLer Nenaendehnung, etc. (Charité Annalen, 188-9,
p. 267.)
COMMOTION DE LA MOELLE EPINIERE. 307
nul. Blum' (t882) : Deux cas de sciatique. L'une gué-
rie, l'autre soulagée pur l'élongation du nerf intéressé.
Westphal2(1882/j : Un ouvrier de quarante-quatre ans
fut opéré dans la même séance, au nerf sciatique et
au crural pour une paralysie spasmodique. Soulage-
ment momentané. En somme, résultat nul.
(A suivre.)
PATHOLOGIE NERVEUSE
COMMOTION DE LA MOELLE ÉPliNIÈRE3
ETUDE CLINIQUE ET CRITIQUE
Par les D" L. DUMÉNIL, professeur de clinique clirurgicale a l'École
de médecine, et PETEL, chirurgien en chef de l'hospice général de
Rouen.
L'hémorrhagie intra-arachnoïdienne d'origine rachi-
dienne ne se comprend qu'avec déchirure de la dure-
mère, comme complication d'hématorrachis, ou déchi-
rure du feuillet viscéral de l'arachnoïde dans le cas
de lésions des vaisseaux sous-arachnoïdiens; c'est assez
dire qu'elle s'accompagne de troubles graves persis-
tants, et les quelques faits rares qu'on a observés mon-
1 Blum. - Gazette médicale de Paris, 1882, p. 145.
2 Westphal. - Ueber einen Fall von ! grosser Degeneralion des central ? ! e)'ueM ? 4'<eH : ï, etc. C/ta)' : Yc) ! ! tcM, 18S3, p. 390 et suivantes.
3 Archives de Neurologie, t. IX, p. 1 et 145.
308 PATHOLOGIE NERVEUSE.
trent qu'elle provoque surtout des phénomènes d'exci-
tation, des convulsions et des contractures '.
Il est douteux que 1'liémorrha-ie sous-arachtioïdieniie
puisse être produite par un traumatisme de la colonne
vertébrale, et il est impossible, en l'absence de faits
probants, d'être fixé sur les symptômes qu'elle pour-
rait occasionner. Tout porte à croire qu'ici encore,
les phénomènes d'excitation, raideur de la nuque,
contracture, convulsions cloniques et toniques, doivent
prédominer.
L'hématomyélie d'origine traumatique, sans lésions
de la colonne vertébrale est rare, mais il en existe des
exemples incontestables. L'observation quatre du mé-
moire de Savory que nous avons citée, en est une. Il
en est de même d'un fait rapporté par Bennett 2.
Un individu, se disputant avec sa femme, lui assène
un coup violent sur la nuque, une paraplégie subite
se déclare dans les quatre membres, sans que les par-
ties molles paraissent aucunement intéressées. Quatre
jours après ,la femme meurt, et, à l'autopsie, on trouve
au centre de l'axe gris, vers la quatrième cervicale,
un foyer hémorrhagique.
Peut-on distinguer la simple commotion de ces
épanchements ? Telle est la question la plus difficile à
résoudre dans le diagnostic des traumatismes de la
moelle épinière. L'hématorrhachis peut rendre l'erreur
possible, mais nous avons vu combien il est rare, isolé
des lésions de la colonne vertébrale. Dans ces cas,
comme l'apparition des phénomènes de compression
1 Bouchard. Lor. cil.
' Clinical lectures on the principles (iiiii pracliseof medicine, t859.
COMMOTION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 309
exigerait l'accumulation d'une quantité de sang con-
sidérable, on peut penser que la distinction de J.-L.
Petit en phénomènes primitifs et consécutifs pourrait
servir au diagnostic.
Une question importante à étudier ici, est de savoir
si un hématorrachis peut disparaître assez rapidement
pour qu'on puisse expliquer par la résorption du sang,
la disparition quelquefois très rapide des accidents.
Nous manquons de données précises à cet égard; no-
tons cependant que, dans un cas emprunté par Eri-
chsen' à A. Cooper, un an après l'accident (torsion
de la colonne vertébrale), on trouva encore un épan-
chement de sang abondant entre la dure-mère et le
canal osseux, étendu de la première vertèbre cervi-
cale à la deuxième dorsale. Notons, en outre, qu'il n'y
eut aucun accident primitif, que les troubles consécu-
tifs, ne se montrèrent que plusieurs mois plus tard,
qu'ils prirent le caractère de symptômes inflammatoires
et que la paralysie des membres ne vint que peu à peu
dans les derniers temps de la vie.
Il nous paraît très vraisemblable, que la paralysie
qui peut accompagner un épanchement sanguin et
qu'on voit disparaître plus ou moins rapidement tient
plus à la commotion qu'à l'épanchement même.
L'hématomyélie provoque une myélite centrale, et
à ce titre est suivie à courte échéance d'altération am-
moniacale des urines et d'escarres graves de décubi-
tus. Ajoutons que les mouvements réflexes disparais-
sent rapidement et que l'excitabilité électrique est
abolie.
i Loc. cit., p. 90.
310 PATHOLOGIE NERVEUSE.
D'après ce que nous avons dit sur les phénomènes
d'excitation, observés dans les hémorrhagies ménin-
gées, on pourrait penser qu'il y a là un élément propre
à les faire distinguer de la commotion simple. Notre
observation, en montrant, dès le troisième jour, une
sécrétion urinaire, cette lacune ôte à la polyurie un
caractère de certitude complète. Le pouvoir réflexe du
centre spinal paraît résister davantage, car nous cons-
tatons son existence chez notre malade, au moins pour
le réflexe plantaire. Les deux moitiés de la moelle ne
sont pas toujours également influencées; nous voyons
dans notre cas, le côté droit plus profondément frappé
que le côté gauche, et cette différence se maintient
pendant toute la période de rétablissement des fonctions.
Nous retrouvons d'ailleurs cette particularité dans un
certain nombre d'observations. La distribution des
troubles sensitifs ne répond pas exactement à celle
des troubles moteurs, nous voyons l'anesthésie épargner
la partie supérieure du tronc et les membres supérieurs,
lorsque la paralysie motrice y est très accusée.
Erichsen, après avoir avancé d'abord que la com-
motion de la moelle ne s'accompagne pas de paralysie
des sphincters, ajoute à la page suivante que les trou-
bles de ce côté se produisent rarement de bonne heure,
qu'on ne les observe que dans les périodes avancées
de la maladie, lorsque le ramollissement de la moelle
est complet. Notre observation est en contradiction
avec cette manière de voir. Un symptôme auquel nous
attachons une grande importance est la persistance de
l'acidité de l'urine, jusqu'au trente-deuxième jour. La
contractilité électro-musculaire n'a été explorée chez
notre malade que le trente-huitième jour ; nous la
COMMOTION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 311 I
trouvons d'abord affaiblie et même abolie dans un
certain nombre de muscles paralysés, mais d'une
manière très inégale, généralement plus à droite, où
la paralysie a été plus complète. Dans l'espace très
court de six jours elle reparaît jusqu'à atteindre presque
les limites normales, en restant toutefois un peu moins
développée du côté droit. Il semble qu'il y ait eu plutôt
une sorte d'engourdissement que perte réelle de la con-
tractilité électrique, car dans ce dernier cas, elle ne se
serait pas réveillée spontanément dans un délai si court.
. La marche des troubles fonctionnels est graduelle-
ment décroissante. Nous voyons le rétablissement des
mouvements commencer dès le deuxième jour, et
s'accentuer progressivement, quoique lentement. Le
retour de la sensibilité s'opère aussi très vite au tronc,
et finit par gagner, mais beaucoup plus lentement les
extrémités inférieures. Ce retour de la sensibilité s'ac-
compagne d'hyperesthésie très accusée, qui semble
indiquer un certain degré d'excitabilité des éléments
de la moelle. Nous devons aussi noter dans cette pé-
riode quelques contractures dans les muscles des
cuisses, traduisant déjà, sinon une inflammation réelle,
au moins une certaine irritation propre à faire craindre
pour plus tard des lésions plus profondes. Ces premiers
troubles n'ont pas empêché la guérison de s'accentuer,
mais peut-être l'ont-elles ralentie, car, au quarante-
sixième jour, malgré l'amélioration progressive, les
fonctions étaient loin d'être rétablies dans leur inté-
grité. Là s'arrête la période que nous pouvons appeler de
commotion. A partir de ce jour, c'est la myélite qui
évolue, et le tableau symptomatique se modifie com-
plètement.
312 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Diagnostic. Le diagnostic est-il toujours possible,
et avec quels éléments peut-on l'établir ? La soudaineté
des accidents n'est pas spéciale à la commotion; une
fracture, une luxation des vertèbres, une hémalorra-
chis, une hématomyélie traumatiques peuvent occa-
sionner une paraplégie aussi brutale. L'absence de
déformation n'a pas une valeur absolue, un déplace-
ment produit par une fracture peut exister un moment,
puis disparaître. La sensibilité sur un point peut exis-
ter dans la commotion, et être due à un simple tiraille-
ment, une sorte d'entorse. Si, en outre, nous rattachons
à la commotion les cas où les troubles du premier
moment manquent complètement ou sont si légers
que le malade n'y apporte aucune attention, nous
devons avouer que le diagnostic immédiat est impos-
sible, et si le malade succombe rapidement, l'autopsie
seule peut résoudre le problème.
Mais si la vie se prolonge un certain temps, n'y
a-t-il pas dans la nature et la marche des symptômes
des caractères capables de faire distinguer la simple
commotion de la contusion de la moelle et de la com-
pression produite par un épanchement sanguin ? Les
troubles fonctionnels de la contusion ont un degré de
permanence que nous n'avons que trop souvent l'oc-
casion de constater dans les fractures et les luxations
de la colonne vertébrale. De plus, la contusion de la
moelle amène rapidement la décomposition ammonia-
cale des urines, et la formation d'escarres. Nous
devons nous arrêter plus particulièrement à l'étude des
épanchements sanguins, puisque c'est surtout sur leur
existence qu'on a basé la critique de la doctrine de la
commotion.
COMMOTION DE LA MOELLE ÉP1NIÈRE. 313
On peut les trouver sous la dure-mère (hématora-
chis), dans la cavité arachnoïdienne ou dans les mailles
de la pie-mère (hémorrhagies méningées), dans le tissu
de la moelle (hématomyélie). L'hématorachis trauma-
tique, fréquent comme complication des fractures et
des luxations, peut-il être le résultat d'un simple ébran-
lement de la colonne vertébrale, dans l'état d'intégrité
parfaite des os et de la dure-mère ? Une observation
de Chalvet', et la cinquante-sixième observation d'Oli-
vier d'Angers, mettent la chose hors de doute. Le plus
souvent, le sang s'épanche en nappe mince plus ou
moins étendue, dans les mailles du tissu cellulaire
lâche qui unit la dure-mère au canal osseux, mais il
peut incontestablement former un foyer assez consi-
dérable pour comprimer la moelle 2.
Un fait que nous avons observé depuis la rédaction
de ce travail, et qui rentre dans'la catégorie de ceux de
Bergmann, W. Roberts, Valentiuer, W. Gull,111. Idonnel,
mérite d'être mentionné avant d'aller plus loin.
Observation. X..., âgé de dix-neuf ans, employé de
commerce, d'une taille élancée, est atteint depuis son enfance
d'une incontinence d'urines nocturne intermittente.Il n'existe
dans sa famille aucune maladie du système nerveux. 11 présente
les attributs du lymphatisme.
A l'âge de quatorze ans et demi, il fit une chute sur le dos,
d'upe hauteur de trois mètres environ, et tomba sur un tas de
charbon. Il y eut perte complète de consciencependantun temps
court. Revenu à.lui, rien de particulier ne frappa son attention
ni celle des parents. Il fut placé plus tard dans une maison de
commerce, où il était occupé à un travail de bureau. A l'âge
1 Société anatomique, 1879.
2 Compenad. de c/i'Kt'e. Bouchard, Dictionnaire. encyclopédique des
sciences nzéd., t. Viii, lie partie. -Lidel. American Journal of the me-
diculsciences, octobre 1864.
314' pathologie nerveuse.
de dix-sept ans et demi, il accusa des douleurs de reins et com-
mença à éprouver de la difficulté à porter le bras droit derrière
le dos. Il changea de place au mois de novembre 1883, et entra
chez un commissionnaire en rouenneries. Là, son travail con-
sistait à traîner une petite voiture chargée; il le continua jus-
. qu'en 1884. Il me consulta à cette époque, et je constatai un
amaigrissement considérable de l'épaule droite. Je conseillai
l'électrisation, qui fut pratiquée régulièrement de deux en deux
jours.
Je revis le malade le 2 décembre 1884, et je trouvai tout le
membre supérieur droit notablement amaigri. Le relief del-
toïdien n'existait plus ; la fosse sous-épineuse était excavée, le
grand pectoral très aminci. Les muscles du bras et de l'avant-
bras avaient perdu au moins le quart de leur volume; le
déchet était le même aux éminences de la main. Le bras était
collé au tronc, et le malade ne pouvait l'en détacher. La flexion
et l'extension de l'avant-bras s'exécutaient assez bien, mais on
surmontait aisément la résistance des muscles. Le malade ne
serrait que faiblement de la main droite; la main tremblait en
écrivant. La sensibilité était intacte.
Le membre inférieur correspondant ne présentait aucune
apparence anormale; les saillies musculaires y avaient leur
développement ordinaire, le malade se tenait également bien
sur les deux jambes et pouvait aisément faire une course assez
longue; cependant, quand il avait marché quelque temps, il
ressentait de l'engourdissement et des douleurs dans le membre
inférieur droit.
Il lui semblait aussi sentir quelque chose d'anormal dans la
langue quand il faisait quelque effort. La parole était nette, la
langue était tirée droite et ne présentait aucune anomalie.
Un des grands avantages du fait que nous avons
rapporté, est d'établir nettement dans la marche cli-
nique deux périodes, celle des phénomènes primitifs
et celle des troubles tardifs, les premiers appartenant
à la commotion, les seconds à l'inflammation. La pre-
mière période comporte une durée de quarante-sept
jours; elle est apyrétique et présente un retour gra-
duel des fonctions. S'il y a eu quelques phénomènes
COMMOTION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 315
d'excitation, ils n'ont pas empêché la marche vers la
guérison de s'accentuer. La seconde période est de
cinq mois et se termine par la mort. Elle éclate brus-
quement avec violence, un état fébrile des plus accen-
tués et amène tous les troubles de la motilité, de la
sensibilité et de la nutrition qui caractérisent la myélite.
Les lésions de la deuxième période sont ici bien po-
sitives, ce sont celles de la sclérose des cordons laté-
raux et la dégenération des cellules nerveuses. Celles
qu'on pourrait rattacher à la première période, font
complètement défaut, car nous ne pouvons attacher
d'importance à une dépression signalée sur une coupe
de la corne antérieure droite. Comme aucune lésion
particulière n'a été révélée en ce point par le micros-
cope, nous avons tout lieu de croire à un simple acci-
dent de préparation. S'il y avait eu des altérations
primitives en foyer, on les aurait certainement retrou-
vées, car la durée de la maladie nous paraît relative-
ment bien courte pour en avoir effacé toute trace;
j'ajouterai même que le travail inflammatoire de la
seconde période, aurait dû les accuser davantage. Rap-
pelons que, dans le fait de Bastian, on retrouvait
des traces d'hémato-myélie près de. six mois après
l'accident.
La critique qui s'est attachée à contester la significa-
tion des observations ne repose que sur quelques objec-
tions facile à réfuter. Nous l'avons dit, c'est Page surtout
qui a cherché à ruiner la doctrine de la commotion-
de la moelle. Ne pouvant nier les faits, il en a cherché
l'explication dans des lésions qu'on rencontre réelle-
ment quelquefois, mais dont il a augmenté systémati-
quement la fréquence. Il croit, dans des cas de cette
316 PATHOLOGIE NERVEUSE.
nature, à l'existence d'épanchements sanguins dont
la résorption expliquerait la guérison; les phénomènes
qu'on rapporte à la commotion ne seraient que des
phénomènes décompression. Mais ce n'est qu'une hypo-
thèse, et il ne cite qu'un cas emprunté à Mayo, où, à la
suite d'un coup violentsur les trois vertèbres inférieures
le blessé mourut en quatre heures. On trouva du sang
extravasé dans le canal rachidien, avec intégrité des
vertèbres et de la moelle. Evidemment ce n'est pas
l'épanchement sanguin qui a tué le malade en quatre
heures par compression.
Nous étudierons plus loin avec les données actuelles
de la science, le rôle qu'on est autorisé à attribuer
aux épanchements sanguins.
Page critique l'observation d'ataxie locomotrice d'o-
rigine traumatique rapportée par Lockhart Clarke, par
la raison qu'il est impossible d'expliquer des lésions
systématiques provenant d'une violence extérieure.
L'observation que j'ai rapportée réfute péremptoire-
ment cette critique.
La pathogénie des lésions consécutives, me paraît
complètement démontrée par les recherches anato-
miques. Ce sont évidemment des lésions inflamma-
toires aboutissant à la sclérose. Dans notre observa-
tion, l'évolution des accidents, aussi bien que les
lésions, trahissent l'existence d'une myélite franche.
Telle est aussi l'opinion de Charcot sur l'origine des
amyotrophies qui surviennent en conséquence d'une
cause traumatique. Telle est aussi celle d'Erichsen sur
la nature des lésions tardives de la commotion.
Symptomatologie. Nous n'avons pas l'intention
de faire une étude complète des symptômes de la com-
COMMOTION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 317
motion à tous ses degrés depuis les cas les plus légers
qui ne se traduisent que par un léger engourdisse-
ment, une douleur obtuse qui disparaissent assez rapi-
dement, jusqu'aux formes où la mort survient en quel-
ques heures. Nous ne nous arrêterons qu'aux phéno-
mènes qui se sont montrés dans l'observation qui nous
appartient. Nous chercherons ensuite, par l'examen des
faits épars dans la littérature médicale, sur quelles bases
on peut établir le diagnostic. La symptomatologie est
très difficile à établir, parce qu'il y a peu d'obser-
vations complètes et parce que les symptômes propres
à la commotion, se trouvent mélangés à d'autres dont
la distinction n'est pas toujours facile. Nous devons
d'abord signaler, dans un grand nombre de cas, des
troubles cérébraux de début, tenant à la commotion
du cerveau qui coexiste souvent, de sorte que le terme
commotion cérébro-spinale conviendrait mieux à ces
cas que celui de commotion de la moelle épinière.
Mais, après une perte de connaissance plus ou moins
complète et plus ou moins longue, le malade revient
à lui, les troubles de sensibilité spéciale disparaissent
et la sphère pathologique se circonscrit de plus en
plus aux troubles fonctionnels du centre médullaire.
Une remarque qu'il n'est pas inutile de faire d'a-
bord, c'est que les troubles moteurs et sensitifs sont
beaucoup plus persistants dans la commotion spinale
que dans la commotion cérébrale, probablement parce
que les éléments anatomiques condensés dans un fais-
ceau étroit et serré, ressentent plus profondément les
effets du traumatisme. Tous les éléments de la moelle
peuvent être influencés dans les fortes commotions,
aussi bien les éléments moteurs que les sensitifs, et,
318 PATHOLOGIE NERVEUSE. DE LA MOELLE ÉPINIÈRE.
parmi ceux-ci également ceux qui président aux* diffé-
rentes variétés de sensibilité.
Le rôle que la moelle remplit dans certaines fonctions
organiques, peut aussi être modifié, ainsi que nous le
voyons chez notre malade atteint de polyurie notable
et persistante. Nous devons dire cependant ici, que
l'observation ne mentionnant pas l'état antérieur de la
contracture très prononcée des adducteurs des cuisses,
contredit cette manière de voir, et il nous est impos-
sible de trouver ailleurs que dans l'étude attentive de
l'évolution des symptômes, le moyen d'établir le dia-
gnostic sur des bases rationnelles. La persistance de
l'acidité des urines jusqu'au cinquante-sixième jour,
chez notre malade, l'absence des escarres avant l'ap-
parition de la myélite nous semblent avoir une très
grande importance.
Nous avons surtout insisté dans cette étude, sur les
faits où il y avait eu des phénomènes primitifs incon-
testables, mais nous avons souvent mentionné aussi les
cas de Leudet et d'Erichsen, où ces phénomènes ont
été très légers ou nuls. Si, comme dans les cas de Leu-
det, on peut voir les troubles consécutifs disparaître
plus ou moins rapidement, ce qui indique que l'inté-
grité de la moelle a été peu compromise, il n'en est
pas toujours de même, ainsi que le prouvent les obser-
vations d'Erichsen, de sorte que les désordres secon-
daires ne paraissent pas complètement subordonnés
à l'ébranlement primitif, et l'on est autorisé à penser
que la structure de la moelle lui donne une suscepti-
bilité extrême à ressentir le contre-coup de violences
extérieures dont la gravité ne se révèle que tardive-
ment. Ce mode d'influence des traumatismes n'est pas
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 319
du reste, spécial à la moelle. On le retrouve dans la
pathologie du cerveau, dans ces troubles que Lasègue l
a décritscomme manifestation tardive des traumatismes
de la tête, ainsi que dans l'étiologie de la paralysie
générale'.
Nous tirerons de cet exposé les conclusions suivantes :
1° La commotion de la moelle épinière doit être
maintenue dans l'état actuel de la science ;
2° Elle peut être l'origine de lésions inflammatoires
consécutives;
3° Ces lésions inflammatoires peuvent présenter la
forme de myélites systématiques;
4° La commotion peut exister à l'état latent et ne
se révéler que par des troubles secondaires, variant
depuis la simple congestion passagère, jusqu'aux sclé-
roses incurables.
THÉRAPEUTIQUE
1)l : L'EMPLOI DU CURARE DANS LE TRAITEMENT
DE L'ÉPILEPSIE 3;
Par BOURNEVILLE et P. BRICON.
IV. EXPOSÉ DES FAITS Stl2le.
Nous allons terminer aujourd'hui l'exposé des observations
de nos malades épileptiques traités par le curare. Chemin fai-
1 Les cérébraux (Etude de pathologie mentale), (Arch. de méd., 1880,
vol. I, p. 385.)
2 Thèse de Paris, 1882.
3 Voir t. IX, p. 43 et 201.
320 THÉRAPEUTIQUE.
sant, nous relèverons brièvement les particularités cliniques
les plus intéressantes.
Observation XVIL Epilepsie s ? /mptot ? M< ! <jfMe.Père et grands-pères
paternel et maternel alcooliques. Soeur morte de méningite.
Cousine germaine : convulsions. Premières convulsions à trois ans
et demi; deuxièmes convulsions A quatre ans et demi, prédominant
à gauche. De quatre ans et demi ci sept ans, dix ci douze états
de mal convulsifs. A sept ans, nouvelles convulsions presque
exclusivement limitées ci gauche, suivies d' hémiplégie du côté cor-
respondant. Alliétose. Modifications de l'intelligence.
A dix ans, nouvel état de mal : nouvelle din21 ? zutio ? z de l'intelli-
S'enre. Début de l'épilepsie vers 1870. Suspension des accès.
Pleurésie sèche (1880). Traitement par les injections de
curare : accidents locaux du côté paralysé; insuccès. Mort
dans un accès (1883).
Autopsie : asymétrie du crâne. - Atrophie de l'hémisphère droit
( ? : i0 gr. de moins que le gauche). Pseudo-kyste répondant (k
un foyer ancien d'encéphalite très étendu, ayant presque entière-
ment séparé l'hémisphère en deux portions.
Lef... (Gustave), né le 22 septembre est entré à Hicetre une
première fois le 2S mai 1868, une seconde fois le 29 décembre 1871
(service de M. BoowEVIr.LC : ); il est décédé le 40 novembre 1883, à
quatre heures du soir.
Renseignements fournis par sa mère (28 août 1882). Père, cin-
quante-deux ans, menuisier, taille moyenne, bien portant, n'est
sujet ni aux migraines, ni aux névralgies, ni aux maladies de peau.
Il ne fume pas, mais il fait des excès de boisson une fois par mois
(vin) : « un demi-setier de vin de plus qu'à l'ordinaire et il est
pris ». Ses camarades le plaisantent : « Toi, Lef..., passant par
les vignes, tu es gris » ; il n'a pas le vin mauvais; il est un peu
cholérique, bon ouvrier; marié à vingt et un ans. [Père, mort à
quatre-vingts ans; on l'a noyé, pense-t-on, ou il est tombé par
accident dans le canal du Loiret; menuisier, il faisait des excès de
boisson. Afët'e, morte vers vingt-huit ans, on ne sait de quoi;
laissant cinq enfants. Grand-père paternel, mort à quatre-vingts
ans. Pas d'autres renseignements. Quatre frères et une SOEM ! ' : un
frère est mort à quarante-huit ans, de la poitrine et de chagrin,
dit-on, parce que son fils a «mal tourné» : il buvait, courait les filles,
ne travaillait point (pas de condamnations); il s'est cassé la jambe
et est resté trois mois à Lariboisière, et, un an après l'accident, il
est mort de la poitrine, il n'avait pas d'enfants. La soeur est morte
du choléra en 1819, laissant un fils qui est mort de la poitrine.
Pas d'autres détails. Pas d'aliénés, d'épileptiques, de paralytiques,
de difformes, de suicides, de criminels dans la famille. 1
DU CURARE DANS L ÉPILEPSIE. 321
Mère, quarante-sept ans, intelligente, teinturière, repasseuse
elle fait les apprêts. Mariée à dix-sept ans, elle est bien portante,
sobre, a une physionomie régulière, agréable, n'a jamais eu
aucun accident nerveux; elle n'a jamais eu de convulsions dans
l'enfance, ni de maladies de peau. [Père, soixante et onze ans,
maçon, bien portant, travaille encore; faisait autrefois de nom-
breux excès de boisson. Grand-père paternel, mort à soixante-
douze ans des suites d'une chute du haut d'une échelle. Aupa-
ravant, il était bien portant ; il buvait un peu. - Grand' mère
maternelle, morte vers soixante ans, on ne sait de quoi. -Grand-
père paternel, mort du choléra en 1832. - Grand'mère maternelle,
morte d'une fluxion de poitrine. Un frère est mort du choléra
en 1865, ainsi que sa femme et son enfant. Une soetii- est sujette
à des douleurs d'estomac sans accidents nerveux. Elle a deux
filles : l'une d'elles a eu des convulsions, mais elle est intelligente,
l'autre est bien portante. Pas d'aliénés, etc. Pas de consan-
guinité.
Trois enfants : 4° notre malade; 2o fille morte à sept ans d'une
méningite; elle était très intelligente ; 3° fille, quinze ans, bien
portante, intelligente; pas de convulsions, assez nerveuse.
Notre malade. A la conception, rien de particulier; elle a eu lieu
trois mois après le mariage; pas de rapports dans les excès alcoo-
liques : « s'il a bu, dès qu'il a la tête sur l'oreiller, il dort ».
Grossesse bonne, pas de traumatisme, ni de constriction, etc.
Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme. A la naissance,
L... était petit, n'était pas asphyxié; il était «très gentil». Elevé au
sein en nourrice, repris à quatorze mois, il ne se tenait pas sur
les jambes; il était en mauvais état; la nourrice était devenue
enceinte; il fut alors placé chez sa grand'mère maternelle jusqu'à
l'âge de vingt-deux mois. Il a marché à dix-huit mois et parlé à
quinze-seize mois; il était assez précoce, et quand il est revenu de
chez sa grand'mère, il était très gentil, « courait comme un lapin,
était diable, intelligent ». Il a eu la rougeole à quinze mois, mais
n'a eu aucune autre fièvre éruptive, ni diphtérie, etc. A trois ans
et demi ou quatre ans, étant confié à la garde d'une personne
étrangère, il est tombé sur un décrottoir et s'est fait une coupure
au front, dont la cicatrice existe encore. Trois semaines après, il
eut une diarrhée, au cours de laquelle survinrent des convul-
siolzs très fortes qui ont duré trois heures et « ont porté
sur les deux côtés, mais elles étaient plus fortes à gauche ».
Les convulsions avaient débuté à quatre heures du matin ; la diar-
rhée existait sans autres symptômes depuis deux à trois jours. Un
médecin lui fit appliquer des sangsues, mettre de la glace; le len-
demain, il était calme, n'était pas paralysé; il fut complètement
guéri au bout de quatre à cinq jours; il a alors marché et s'est
Archives, t. IX. 21
322 THÉRAPEUTIQUE.
servi de son bras « comme s'il n'avait rien eu ». A quatre ans
et demi, il eut de nouveau des convulsions qui durèrent environ
cinq heures, portèrent sur les deux côtés ; mais principalement
sur le côté gauche. De quatre ans et demi à sept ans, les convul-
Stons ont reparu dix ou douze fois, ayant toujours les mêmes
caractères, c'est-à-dire avec prédominance à gauche sans para-
lysie. -
A sept ans, sans prodromes, vers quatre heures du matin, comme
presque toutes les autres fois, Lef... eut de nouvelles convulsions,
qui cette fois ont été presque exclusivement limitées ci gauche, elles
ont duré six heures, et ont été suivies de « cris effrayants qui
n'étaient pas humains ». Le malade serrait très fortement les
dents; ces cris ont persisté presque toute la journée; la nuit fut
assez calme et le lendemain matin un médecin constata la para-
lysie dit côté gauche. Il ne reprit connaissance qu'au bout de vingt-
quatre heures; il aurait eu de la fièvre (glace, éther, sinapismes);
il ne se leva que vers le huitième jour, et il était incapable de se
tenir sur la jambe gauche et de se servir du bras gauche «qui
était tombant ». Il a recommencé à marcher quatre semaines
après les convulsions (on lui avait fait prendre quatre bains
électriques), mais il a toujours traîné la jambe et il la traîne
autant aujourd'hui qu'à son entrée. Le bras u'arécupéré quelques
mouvements qu'au bout de deux à trois mois. Depuis qu'il est à
Bicêtre, la main a repris de la force. Le bras a été électrisé pen-
dant un an, mais cela « n'a pas faitgrand'chose ». Les mouvements
cl'athétose se seraient montrées vers le deuxième mois après les
convulsions. On n'a pas remarqué le début précis de la contrcic-
ture.
Jusqu'à sept ans les convulsions ne paraissaient pas avoir touché
l'intelligence, mais après les convulsions dont il vient d'être parlé
celle-ci était très affaiblie. La parole, qui était très développée,
libre, sans bégaiement, est devenue très embarrassée; Lef... restait
quelquefois longtemps sans dire un mot; la parole est redevenue,
plus libre vers huit ans.
De huit à dix ans, Lef... a habité Montereau, où il aurait eu
encore une fois des convulsions, attribuées par le médecin à une
congestion cérébrale. On ne sait combien de temps elles ont duré,
ni quels étaient leurs caractères ; il fut pendant neuf jours très
malade. Après ces convulsions, l'intelligence aurait encore baissé.
Lef... n'eut plus, à dater de cette époque, de nouvelles convul-
sions.
De dix à seize ans, on a essayé de le mettre à l'école, mais il
n'apprenait rien; il se mettait eu colère, se battait avec les autres
enfants, et les dérangeait. Ses maîtres ont déclaré qu'ils ne pou-
vaient rien en faire. On a essayé de le mettre estampeur; il a
fallu y renoncer, parce qu'il «n'y était pas»; du reste, il ne pouvait
DU CURARE DANS L 1']Lrpq JE. 323
qu'à peine se servir de la main gauche, avec laquelle il ne pouvait
qu'avec difficulté tenir son pain. On se décida à le placer à l31cétre
(.seize ans), parce qu'il se laissait entraîner par des vauriens, avec
lesquels, un jour, il avait volé des pruneaux chez un épicier; il
avait pris la clef du logement et l'avait jetée à l'égoût; une autre
fois ayant volé des allumettes il les avait fait flamber, etc. Ses
camarades l'avaient emmené un jour vagabonder à Saint-Ouen,
un autre jour aux Champs-Elysées, d'où il avait été ramené à dix
heures du soir, par une dame à qui il avait pu dire son adresse.
Il causait à ses parents des inquiétudes continuelles. Dès son en-
trée, le 28 mai 1868, il a fréquenté l'école de Bicêtre, où il n'a rien
appris; il n'a pas eu d'accès durant ce premier séjour. Transféré à
Saint-Lizier, quelques jours avant l'investissement de Paris
(fin août), il y est resté jusqu'au 29 décembre 18î 1, époque où il
est rentré à Bicêtre : « 11 était bien le même ».
Les accès auraient débuté à Bicêtre, on ne sait à quoi les attri-
buer ; on n'avait rien observé dans les sorties, sauf une violente
colère en avril 1 882, sous un prétexte futile, et il y a trois semaines
deux étourdissements dans lesquels il ne serait pas tombé et n'au-
rait pas perdu connaissance.
Son caractère a toujours été emporté avant les convulsions
même étant tout jeune, il se mettait en colère contre ses jouets*
Depuis deux ans, on le trouve quelquefois un peu sombre. La
mémoire est la même; elle n'a subi aucun changement depuis son
retour de Saint-Lizier. Pas d'onanisme jusqu'à vingt-six ans.
Pas de vers, pas de dartres, pas d'engelures, pas de croûtes dans
les cheveux ; pas d'ophthalmie. Il aurait eu une otite à droite ( ? )
qui aurait duré un an.
Etat actuel. La main gauche est notablement plus petite que
la droite ainsi que l'avant-bras correspondant; elle présente un
état qui se rapproche de l'alhélose; lorsqu'elle est abandonnée à
elle-même, les doigts se mettent dans l'extension forcée; il y a
même une subluxation de la phalangine sur la phalange et ce
phénomène est surtout marqué à l'index. Les deux dernières
phalanges restent dans une flexion modérée. Le pouce présente
une subluxation en arrière de la première phalange; si on vient
alors à placer les doigts dans la demi-flexion, ils reviennent d'eux-
mêmes à l'état précédent; mais si on les place dans la flexion
complète, ils y sont facilement maintenus. La force de la main est
notablement diminuée. La main étant dans l'extension, si on
demande au malade de la fermer, il arrive avec effort à fléchir les
trois derniers doigts et le pouce; mais l'index, en raison de sa sub-
luxation phalango-phalanginienne en arrière, ne peut être fléchi
et reste étendu. Tous ces mouvements peuvent être exécutés
volontairement, et il n'existe en somme aucun mouvement invo-
324 THÉRAPEUTIQUE.
lontairo dans la main non plus que dans le pied. En un mot, il
ne semble pas du tout que ce malade ait eu de l'hémichorée.
La sensibilité de tout le côté gauche paraît normale au toucher
et à la pression; mais la sensibilité au chatouillement et au froid
est presque entièrement abolie.
Il existe une atrophie de la moitié gauche de la face; l'ouverture
palpébrale est moins grande qu'à droite ; la région malaire est
moins développée; chute du sillon naso-labial gauche.
4880. Janvier. Pleurésie sèche à gauche.
1882. 21 octobre. Le malade est sujet à des accès de colère
dans lesquels il déchire ses habits.
10 novembre. - Traitement par les injections hypodermiques de
curare, 4 gouttes (2 milligr.). Les doses ont été élevées aux
mêmes dates et suivant la même progression que chez le malade
de rOBSEUVATION XVIII.
4 6 novembre. 8 gouttes (4 milligr.). La douleur est presque
nulle au moment de l'injection; pas d'accidents locaux, sauf par-
fois une légère ecchymose, pas de troubles généraux ; - hier le
malade s'est plaint de céphalalgie.
. 23 novembre. Au bras gauche (côté paralysé), Lef... présente
des indurations au niveau du deltoïde avec douleur et rougeur de
la peau. On fera dorénavant à gauche l'injection à la région dor-
sale.
48 décembre. Le malade présente des indurations multiples,
à la suite des injections hypodermiques, mais toujours au bras
paralysé (côté gauche). Il n'accuse aucun phénomène général,
l'appétit est excellent. Les injections sur le côté paralysé sont
supprimées. - 10 gouttes de la solution 2 p. 100. - 31 décembre.
Les indurations ont diminué.
4883. 8 janvier. Les indurationscontinuent à diminuer. Rien
autre de particulier.
16 janvier. Eruption papuleuse très discrète sur la face et la
partie antérieure du thorax.
9 février. Lef... est sorti en congé depuis le 4 février; il est
rentré hier; il a eu trois accès chez ses parents, avec lesquels il
se serait querellé. Le père s'enivrerait avec de l'absinthe. Le bro-
mure de potassiuin (8 gr.), qui avait été continué par erreur, est
supprimé.
8 juin. Suppression du traitement par les injections hypoder-
miques de curare. - Hydrothérapie.
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 325
Traitement du 10 0 novembre i 889 au 8 juin 1883
(7 mai. 1 jours).
326 THÉRAPEUTIQUE.
de liquide anormal. - A l'ouverture du thorax, on constate une
adhérence presque totale entre les deux feuillets de la plèvre a
gauche; du côté droit, il existe quelques adhérences à labase.
Péricarde et cavité péricardique, rien de particulier.- Le ccezer
(180 gr.) est surchargé dégraisse, légèrement hypertrophié, en
systole, fortement contracté. Les valvules, le myocarde, l'endocarde
sont normaux. Les cavités contiennent un peu de sang liquide
sans caillots. On trouve quelques plaques laiteuses sur la crosse
de l'aoi te et à la base de la vulve antérieure de la mitrale. Les
adhérences du poumon gauche se laissent facilement détacher.
Les poumons ne présentent rien de particulier, sauf de l'oedèmo
et de la congestion surtout prononcés aux bases. Poumon gauche,
500 gr. Poumon droit, 550 gr. Unie (li;Ubr.). Ileizgauele (120 gr.);
rein droit (150 gr.). Les capsules surrénales, le foie ( ! ,250 gr.), ne
présentent que delà congestion; l'estomac, l'oesophage, le larynx
et tous les autres organes sont sains.
Le nerf médian paraît plus gris et plus petit à gauche qu'adroite.
Les artères fémorales ne présentent pas de ditlérence de volume
appréciable.
Crâne dur, épais, notablementplus à droite qu'à gauche, et cela
dans toute son étendue; la moitié droite du crâne a à peu près la
même épaisseur partout, tandis que, du côté gauche, il existe des
parties plus pu moins épaisses les unes que les autres. La base du
crâne est moins développée ti droile (côté de la lésion) qu'à gauche
(côté paralysé) ; les fosses y sont moins profondes et le frontal est
plus oblique de ce côté que de l'autre. Le liquide céph(tlo-7achi-
dien est en. quantité normale.
L'encéphale pèse 4,070 gr. Les artères de la base paraissent
égales. Le tubercule mamillairc droit est très atrophié, il est grisâtre
et représente à peine le quart du volume de celui de gauche. La
moitié droite de l'espace perforé est aussi moins grande. Le
pédoncule cérébral droit est moins large, moins épais que le gauche.
La moitié droite de la protubérance est moins bombée que la
gauche; la pyramide antérieure droite est un peu moins large que
la gauche; l'olive clroile est plus apparente; en un mot, la moitié
droite du bulbe paraît moins développée et moins bombée que la
gauche. Au-dessous des olives, l'atrophie porte au contraire sur
le côté gauche de la moelle. L'hémisphère cérébelleux droit
pèse 5 gr. de plus que le gauche. Cervelet et isthme : 170 gr.
L'hémisphère cérébral droit est en retrait de 2 centimètres en
avant sur le gauche; en arrière, ce retrait n'est que d'un demi à
un centimètre au plus; en largeur, l'hémisphère droit a plus
d'un centimètre de moins que le gauche, au niveau du chiasma;
en arrière, on trouve 5 centim. et demi à droite, et 8 centim. et
demi à gauche : sur les deux hémisphères, la décortication se fait
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 327
très bien; l'hémisphère gauche paraît sain. L'hémisphère droit
pèse 230 gr. de moins que le gauche.
Ce qui frappe de suite, c'est l'existence, sur l'hémisphère droit,
d'un pseudo-kyste très volumineux, partant de la circonvolution
olfactive, répondant à la portion bulbaire du nerf olfactif et s'éten-
dant jusqu'à 2 centim. et demi de l'extrémité occipitale de l'hémis-
phère. En dedans, le pseudo-kyste longe la bandelette optique
droite, le pédoncule cérébral qu'il contourne, et la corne tempo-
rale du ventricule latéral. En arrière du pédoncule, le pseudo-kyste
remonte sur la face interne et sur la face convexe et semble avoir
séparé complètement le lobe occipital du reste de l'hémisphère.
Le kyste distendu a un aspect gélatiniforme et bosselé. La paroi
du kyste (celui-ci vidé) donne une sensation pseudo-cartilagineuse.
Les bosselures rappellent vaguement les circonvolutions.
Hémisphère gauche. Face convexe. Cet hémisphère n'a été exa-
miné qu'après un séjour de quelque temps dans l'alcool. La pre-
mière circonvolution frontale envoie dès son origine un pli long,
sinueux, mais unique à la deuxième frontale. Dans une partie de
sa longueur, ce pli double la circonvolution, puis elle se compose
de deux petits plis transversaux dontle postérieur donne naissance
à deux plis antéro-postérieurs qui viennent en forme de crochet
s'insérer sur un pli antéro-postérieur de la deuxième qui naît de
la frontale ascendante. L'insertion inférieure envoie un petit pro-
lonfement à la deuxième circonvolution frontale. La deuxième
circonvolution frontale comprend à l'origine un pli transversal assez
volumineux qui, en bas, s'abouche avec la troisième circonvolution
frontale. Delà partie moyenne de ce pli part la deuxièmecircomo-
lution frontale qui va directement en arrière, reçoit le pli de pas-
sage de la première circonvolution frontale, décrit une première
sinuosité, puis une seconde, dont le sommet reçoit le second pli
de la première frontale, puis vient s'insérer sur la circonvolution
frontale ascendante. La troisième circonvolution frontale est
sinueuse et assez courte La circonvolution frontale ascendante
est grosse, sinueuse, va presque verticalement en haut. Le
sillon de Rolando est profond. - La circonvolution pariétale ascen-
dante est grosse, mais moins que la frontale ascendante. A un
centimètre de sa partie inférieure part un gros pli de passage
qui l'unit au pli pariétal inférieur.
Ce pli interrompt la scissure interpariétale qui se trouve ainsi
transformée en deux scissures distinctes, l'une parallèle au sillon
de Rolaudo et se prolongeant avec la branche transversale du
sillon médian du pli pariétal supérieur; cette partie delà scissure
interpariétale forme ainsi avec ce sillon une scissure isolée, pro-
fonde, bifurquée en haut et atteignant presque, par sa branche
bifurquée postérieure, le bord supérieur; l'autre partie de la scis-
sure interpariétale est sinueuse, profonde, normale..
O
328 THÉRAPEUTIQUE.
Le lobule pariétal inférieur est sinueux, bien développé, il pré-
sente un sillon profond qui le divise presque entièrement en deux
parties; il envoie un pli de passage au pli courbe et en reçoit un
du pli pariétal supérieur; celui-ci est sinueux, mais moins volumi-
neux que l'inférieur. Le pli courbe est plissé, et n'offre rien de
particulier. Les scissures parallèle et pariéto-occipitale externe
sont profondes. Les circonvolutions temporales sont normales,
bien développées. -Le lobe occipital est normal. Le lobule de
l'insula est bien développé; il reçoit de la première temporale un
pli de passage volumineux, bifurqué à sa base.
Face interne. La première circonvolution frontale est épaisse,
plissée. Le lobe paracentral est épais, long, bien développé; au
'lieu du pli longitudinal qu'il présente ordinairement, on observe
deux plis transversaux dans l'axe postérieur assez profond le pre-
nant sur toute sa hauteur; l'antérieur est moins marqué. Le sillon
qui le sépare en avant de la première frontale n'atteint pas tout
à faille bord supérieur, il est sinueux. La scissure calloso-mar-
ginale est sinueuse, peu profonde. - La circonvolution du corps
calleux est épaisse bien développée, légèrement bifurquée en avant
au niveau du bourrelet du corps calleux. Le lobe quadrilatère
est bien développé, très sinueux; il est séparé du coin par lascis-
sure pariéto-occipitale très profonde. Le coin et la scissure cal-
carine sont normaux. - Le lobule fusiforme envoie en haut un pli
de passage à la circonvolution de l'hippocampe. Lobule lizzgunl, lo-
bule de l'hippocampe et corne d'Ammon normaux. Corps calleux,
pédoncule cérébral, couche optique, corps strié, bien développés,
normaux.
Les circonvolutions et les scissures du lobe orbitaire ne présen-
tent rien de particulier.
Hémisphère droit. Face convexe. La première circonvolution
frontale est bien développée, dédoublée dans ses deux tiers posté-
rieurs ; elle s'insère par sa partie supérieure au niveau du bord
interne sur la frontale ascendante. On observe en avant de la
frontale ascendante une scissure parallèle presque complète, inter-
rompue seulement par une insertion de la deuxième frontale
sur la frontale ascendante. (Scissure parallèle frontale (sulcus
proecentralis superior). La deuxième frontale est très dévelop-
pée, très sinueuse, surtout en avant; elle envoie un pli de passage
en haut et vers le tiers antérieur à la première frontale.- La troi-
sième frontale est bien développée, sinueuse. Le rameau anté-
rieur ascendant de la scissure de Sylvius est très prononcé, très
profond et n'est séparé que d'un demi-centimètre de la scissure
frontale inférieure.
. La frontale ascendante est plissée, assez grêle surtout dans son
cinquième supérieur qui est en retrait par rapport à la surface
DU CURARE DANS L'I : PILEPSII·;. 329
de 4 millimètres environ; elle est beaucoup moins développée que
la gauche. Le sillon de Rolanclo est profond, sinueux. La pa-
riétnle ascendante est sinueuse, plus développée que la frontale
ascendante, surtout dans son tiers inférieur qui parait normal.
En arrière de la frontale ascendante et au-dessous déjà lèvre
supérieure de la scissure de Sylvius, on trouve le pseudo-kyste qui
occupe : s) sur la face externe, la place du lobe temporal dont les
circonvolutions sont complètement détruites; la partie postérieure
du lobe pariétal inférieur, la partie la plus antérieure du lobe
occipital, le pli courbe, la partie postérieure du lobule pariétal supé-
rieur; 6) sur la face interne : la moitié postérieure du lobe
quadrilatère, tout le coin, le lobule lingual et toute la circonvolu-
tion de l'hippocampe, y compris la corne d'Aiimoiz. Comme on le
voit, la lésion forme une sorte de cercle oblique d'avant en
arrière et de bas en haut, et qui coupe en quelque sorte l'hémis-
phère cérébral en deux parties, l'une antérieure (lobe frontal et
région pariétale), l'autre postérieure répondant au lobe occipital.
La partie antérieure du lobe pariétal est atrophiée, mais a con-
servé son aspect normal, l'autre est très atrophiée, réduite à l'état
membraneux. Tout le pli courbe est très atrophié et réduit à l'état
membraneux, ainsi que la partie postérieure du lobule pariétal
supérieur. La partie antérieure dece dernier lobule est atrophiée,
mais a conservé son aspect habituel. Les circonvolutions occipi-
tales paraissent normales.
Le lobe de iinsula est très atrophié.
Face interne. La première circonvolution frontale et le lobe
paiace71t7,al sont plissés, bien développés.-La scissure calloso-mar-
ginate est sinueuse, profonde; elle est interrompue vers son tiers
antérieur par un pli de passage allant de la première frontale à
la circonvolution du corps calleux. La circonvolution du corps
calleux est atrophiée dans toute son étendue, mais l'atrophie
atteint son maximum sur la moitié antérieure; en ce point, la
circonvolution est réduite à une sorte de mince membrane.
La partie antérieure du lobe quadrilatère est très atrophiée, plis-
sée et en retrait de plusieurs millimètres par rapport au lobe
paraccntral; sa partie postérieure, comme nous l'avons dit, étant
plus atrophiée encore, se trouve beaucoup plus en retrait par
rapport au lobe occipital.' Le corn se trouve perdu dans le foyer.
- Le lobe occipital est bien développé, sauf dans une petite por-
tion de sa partie antéro-inférieure, qui est intéressée dans le foyer.
Le lobe orbitaire, dans son ensemble, est très atrophié; les pre-
mière et deuxième circonvolutions olfactives sont réduites à une
sorte de membrane; le foyer qui les intéresse se confond avec la
lésion qui a détruit la partie antérieure du corps calleux. Le lobe
orhitaire mesure à droite : longueur, 3 centim., 8 dixièmes;
330 THÉRAPEUTIQUE.
largeur, 5 centim.; à gauche : longueur, 3 centim. 8 dixièmes;
largeur, 5 centim.
Examen du foyer. L'hémisphère cérébral droit, après être
resté plusieurs mois dans l'alcool, mesure en longueur 1 ! centim. 2.
On pratique trois coupes perpendiculaires à '72,') 04 et 12o milli-
mètres de l'extrémité antérieure de l'hémisphère. (PL. II.)
Première coupe. Passant par l'extrémité inférieure de la parié-
tale ascendante, le tiers inférieur du sillon de Rolando, la fron-
tale ascendante et se terminant au niveau de l'insertion de la
première frontale, elle sectionne le pseudo-kyste à 4 centimètres
en arrière de son extrémité antérieure. Cette coupe montre que
le pseudo-kyste a une paroi mince transparente, vasculaire;
entre les parois, on remarque, intérieurement, quelques fins
tractus. Au niveau de la coupe, le kyste mesure 4 centimètres
environ de largeur. Les circonvolutions temporales, la circonvo-
lution de l'hippocampe, la corne d'Ammon, etc., ont tout à fait
disparu. La pie-mère épaissie forme en avant une poche arrondie
répondant à l'extrémité antérieure du lobe sphénoidal. La subs-
tance grise des circonvolutions de l'insula est complètement
détruite; ces circonvolutions sont remplacées par une sorte de
membrane plissée, au-dessous de laquelle se remarque quelques
petites cloisons la reliant au noyau extra-ventriculaire (la capsule
externe et l'avant-mur ayant disparu), qui, par sa face infé-
rieure, est en contact direct avec la paroi kystique supérieure.
Deuxième coupe. Elle est faite à 32 millimètres de la première,
et porte sur le lobule quadrilatère, les lobules pariétal supé-
rieur et inférieur et le kyste à l'endroit où celui-ci paraissait
occuper presque toute la hauteur du cerveau. Sur cette coupe
on note que, sauf une petite partie du lobule pariétal supérieur,
du reste atrophiée elle-même, toutes les autres parties des circon-
volutions sont détruites, et qu'à leur place, sur la face convexe
seulement, on trouve un tissu aréolaire grisâtre par endroits
circonscrivant des cavités déformes et de dimensions diverses. On
peut donc distinguer à ce niveau une paroi kystique interne et
une externe, dont l'intervalle (un centimètre environ) est comblé
parce tissu. Les faces inférieure et inféro-interne du kyste sont
représentées par une simple membrane, lapie-mère, non doublée
par le tissu aréolaire, dernières traces des circonvolutions. On
voit encore que le ventricule latéral communique largement avec
la poche kystique (la corne sphénoidale se confondant ici avec
le kyste).
Troisième coupe. Elle est pratiquée sur le lobe occipital et vers
l'extrémité du kyste et montre encore une partie des circonvolu-
tions remplacées par le tissu aréolaire ; d'autres sont atrophiées,
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 331
quelques-unes presque normales. (PL. II, fig. 4, 2, 3. Les rtg. 4,
5 et 6 représentent des coupes symétriques pratiquées sur l'hé-
misphère sain.)
Réflexions. Le malade n'a eu que six accès pendant la
durée du traitement, chiffre correspondant à celui des mêmes
mois de l'année précédente ; mais l'on remarquera que le
nombre des vertiges a considérablement augmenté pendant la
même période ; que, de plus, Lef... était sujet à des rémissions
irrégulières, ayant même atteint parfois l'espace de près de
sept ans. Le curare a donc été inefficace, les vertiges ont même
été plus nombreux qu'avant et après la médication.
Ceci dit relativement aux effets du curare, nous devons
relever les particularités principales de cette observation très
curieuse au point de vue clinique et au point de vue anatomo-
pathologique.
0 a) Si, dans les antécédents héréditaires, nous n'avons à citer
que les excès alcooliques du père et des aïeuls et des convulsions
chez une cousine, dans les antécédents 'personnels du malade
nous avons à signaler des accidents nombreux.
b) De quatre à douze ans, Lef... a eu une douzaine d'états
de mal convulsif, débutant le matin vers quatre heures, durant
quatre à cinq heures et dans lesquels les convulsions étaient
généralisées, mais plus fortes à gauche. Quelques jours après,
il était rétabli sans trace de paralysie.
c) A sept ans, sans prodromes, ainsi que c'est à peu près la
règle, nouvel état de mal plus long que les précédents, dans
lequel les convulsions oizi été presque exclusivement limitées à
gauche, suivies de cris et de grincements de dents durant plu-
sieurs heures, et laissant après elles une hémiplégie du côté
gauche. La paralysie s'est compliquée d'athétnse au bout de
deux mois et de contracture. "L'intelligence, qui avait été
jusqu'alors respectée, fut notablement affaiblie par ces convul-
sions. Elle diminua encore après un dernier état de mal sur-
venu à dix ans. La situation intellectuelle et morale peut se
résumer ainsi : imbécillité avec perversion des instincts.
d) C'est en 1871, quand Lef... avait 19 ans, que s'est mon-
trée l'< ? 7e4'<e. Les accès, sur lesquels, malheureusement,
nous n'avons pu recueillir de détails précis, ont toujours été
assez rares, excepté en 1879 où l'on en a compté dix-sept. Il y
a même eu une rémission complète pendant six années.
332 THÉRAPEUTIQUE.
e) Nous devons dire encore : 1° que, outre la contracture et
un certain degré d'alhétose, les membres du côté paralysé,
ainsi que la moitié correspondante de la face étaient moins
développés que les parties similaires du côté sain ; 2° que
les injections de curare ont déterminé dans le côté paralysé
(gauche) des indurations qui n'ont pas été observées à droite
(troubles trophiques) ; 3° enfin que, si la sensibilité au tou-
cher et à la pression était conservée, la sensibilité au chatouil-
lement el au froid était abolie sur toute la moitié gauche du
corps, répondant à l'hémiplégie.
f) Nous ne nous appesantirons pas sur les lésions trouvées à
l'autopsie. Nous en avons donné une description suffisamment
détaillée. Ce que nous devons rapppeler, c'est l'étendue consi-
dérable du foyer, la destruction totale du lobe temporal, la
séparation presque complète de l'hémisphère cérébral droit en
deux tronçons ne communiquant que par un pont étroit de
substance nerveuse ; l'atrophie de la capsule interne, de l'avant-
mur, etc., ce qui explique en partie les troubles de la sen-
sibilité.
Ce résumé justifiera certes, aux yeux de nos lecteurs, les
détails dans lesquels nous sommes entrés, car ils verront là
un exemple d'accidents très communs chez les enfants, encore
trop peu connus, et dont l'intérêt pratique est incontestable.
Nous n'insistons pas davantage et nous reprenons l'exposé
succinct des autres cas d'épilepsie traités par le curare.
Observation XVIII. Epilepsie symptomatique. Deux soeiii-s et
deux frères. Convulsions dans l'enfance. Mère absinthique
pendant la grossesse.
Premières convulsions ci trois mois, revenues plusieurs fois
jusqu'A deux ans. Maux de tête cinq ci six fois par an
de huit ci douze ans. Vertiges ci douze ans. Accès vers
douze ans et demi. Affaiblissement intellectuel. Change-
ment de caractère. Traitements divers; insuccès. - Agitation
maniaque parfois après les accès; Hallucinations de l'ouïe.
Onanisme. Curare; insuccès. Hydrothérapie (du 8 juin au
30 novembre 1883 et du 1" avril au 31 octobre 1884); in-
succès.
Derou... (Ernest), né le 27 avril 1867, est entré à Bicêtre le 14
août 1882 (service de M. BOURNEVILLE).
DU CURARE DANS l'ÉPILEPSIE. 333
Traitement du 6 novembre 1882 au 8 juin 1883 (7 mois = 199 jours).
TOTAUX
33 1· THÉRAPEUTIQUE.
mai-décembre 1881 ; 1882, 1883, 1884.) Bromure de sodium
( 1 1 novembre 1880); Chlorhydrate de pilocarpinc (du 4 mars
au 3 août 1882). Curare; insuccès.
Harp... (Georges), né le 2 décembre 4 864, est entré à Bicêtre le
2 juillet 4 872 (service de M. Bourneville).
Traitement du 6 novembre 1882cn( 8 juin 1883 (7 mois = 21 jours).
TOI AUX - '
DU CURARE DANS L'EPILEPSIE. 335
curare a donc été complètement nulle. Nous avons noté en
J884 une diminution des accès et une augmentation notable
des vertiges. On remarquera que, chez cet enfant, tous les
nombreux traitements mis en usage ont échoué.
Observation XX. Epilepsie idiopathique. Idiotie. Gâtisme.
Mlraie de pilocarpine (188â).- Amélioration. Curare (f383);
insuccès.
Duché... (Pierre), vingt-trois ans, entré àBicêtre le 18 décembre
1876 (service de Bourneville).
Traitement du 6 novembre au S mai 1883 (6 mois - )76 jours).
TOTAUX
336 THÉRAPEUTIQUE.
Réflexions. Le nombre des accès qui semblaient
diminuer progressivement depuis 1879, qui en 1882 était tombé
à 164 (de 226 en 1881), sous l'influence probable du traitement
par les injections hypodermiques de nitrate de pilocarpine,
s'est élevé de nouveau durant le traitement par le curare. Il est
toutefois à noter que depuis que Duché... n'est plus soumis à
aucun traitement, les accès d'abord, puis les accès et les ver-
tiges ont considérablement augmenté, sans cependant avoir
encore atteint le chiffre enregistré en 1878 (458), ni même
celui de 1879 (317) première année de la période décroissante
signalée plus haut.
Observation XXI. Epilepsieidiopathique. Phimosis. - Bromure
de potassium de ')871 à 1880. Hydrothérapie (16 avril au 4 er
novembre 1882 et du 4°r avril au 15 octobre488r).-Af'viblisse-
ment des facultés intellectuelles. Injections hypodermiques de
curare; insuccès.
Tribou... (Edouard), trente-trois ans, est entré à Bicêtre le 31
mars 4 874 (service de M. BOURNEVILLE).
Traitement du (^novembre 1882 au 5 mai 4883 (6 mois= 165 jours).
TOTAUX
DU CURARE DANS l'ÉPILEPSIE. 337
Traitement. Pour ce malade les doses sont les mêmes que
pour Duch... jusqu'à la date du 2 avril 1883; le 4 avril il est mis
à 17 gouttes de la solution à 4 p. 100, puis les 8, 13, 18, 23, 28
avril, à 20, 22, 2î, 26 et 28 gouttes de la même solution.
Réflexions. Depuis l'entrée du malade à Bicêtre
jusqu'en 1877, les accès ont eu la marche progressive trop
souvent habituelle ; decette époque à 1881., le nombre des accès
a tantôt diminué, tantôt augmenté sans toutefois atteindre le
chiffre de 1877. Cet arrêt de la maladie est plutôt fictif que
réel, car il est à noter qu'en mars 1877 et 1878 l'on a enregis-
tré par exception 39 et 19 accès, L'ensemble des dix années
présente donc, si l'on tient compte de cette élévation momen-
tanée et tout accidentelle une marche progressive évidente.
Le résultat des différents traitements [bromure de potassium,
8 gr. jusqu'au 18 novembre 1880 ; hydrothérapie etc.) est abso-
lument nul.
Observation XX. Epilepsie. Soeur épileptique. Premières
convulsions à dix-sept mois. - Vertiges A trois ans et demi. -
Accès a neuf ans. - Déchéance intellectuelle. Picrotoxine (de
juin 4 881 à juin 1882) - insuccès. Hydrothérapie (juillet à
décembre 1880, et de juillet à décembre 1882); insuccès. In-
jections hypodermiques de curare; insuccès.
Lamb... (François), né le 16 avril 1866, est entré à Bicêtre le 13
juillet 1875 (service de M. Bourneville).
Traitement du 30 mars au 15 septembre 1883
(5 mois et demi = 170 jours).
TOTAUX a .
338 THÉRAPEUTIQUE.
DU CURARE DANS l'ÉPILEPSIE. 339
TOTAUX
340 THÉRAPEUTIQUE
le' avril au 13 octobre). On note donc outre l'augmentation du
nombre des accès, l'apparition, puis l'augmentation des ver-
tiges, et parallèlement des accès d'excitation maniaque et une
déchéance intellectuelle de plus en plus accusée.
Observation XXII. Atrophie cérébrale. Epilepsie symptoma-
tique et imbécillité. Hypospadias. - Père alcoolique. Mère
hystérique. Tante et oncle maternels, cancéreux. Naissance
avant terme (version). Premières convulsions ci quatre ans.
Hémiplégie gauche consécutive ; diminution de la paralysie, accès
d'épilepsie ci quinze ans. Aura indéterminée. Déchéance in-
tellectuelle. Traitement par les injections hypodermiques de
curare; insuccès. Bromure de nickel (1er septembre 1884).
AuLerl;... (Pierre), né le 4 juillet 1866, entré le 9 septembre 4882
à Bicêtre (service de M. Bourneville).
Traitement du 1 1 janvier au 8 juin 1883 (5 mois = 144 jours).
TOTAUX
DU CURARE DANS l'ÉPILEPSIE. 3H
Observation X1111. Instabilité mentale ; épilcpsic idiopathiquè.
Père alcoolique. Mère : crises nerveuses en 4883. - Grand-père
maternel alcoolique, mort aliéné. Premières convulsions cc trois
ans. - Maux de tête fréquents. Absences depuis janvier 1882.
Benar... (Eugène), né le 7 juin 1872, est entré à Bicêtre le 9
septembre 1882 (service delf. BOUIiIE'ILLH.).
Traitement par les injections hypodermiques dccurare
(Du 30 mars au 1 cl septembre 1883=5 5 mois).
342 THÉRAPEUTIQUE.
puis Il à partir du 5 mai et 12 à dater du 10 mai. Il est remis à
8 gouttes le 16 mai, à 9 le 17 mai et enfin à 7 gouttes du 24 mai
au 4 juillet. Tout le reste du mois de juillet il est à 8 gouttes ; il
n'est mis à 9 gouttes que le 8 août et à 10 gouttes le 15 août.
Réflexions. Si nous comparons les accès de la même
période de 1883 et de 1884, nous trouvons une notable amé-
lioration, mais il est juste de dire que cette amélioration se
dessinait déjà avant sa mise en traitement, car de 105 accès
(mois de son entrée), ce malade était tombé à 6 accès (mois de
mars) dans le mois précédant la cure par le curare. Pendant
neuf mois consécutifs, il n'a pas eu d'accès (de mai 1883 à
février 1884); 13 accès en janvier 1885.
Observation XXIV. Epilepsie symptomatique. - Père mort hletlei-
sique. Mère migraineuse et colérique. Premières convulsions
à deux ans prédominant ci gauche. Onanisme. Vertiges et
accès ci treize ans et demi. -Période d'excitation maniaque. -
Affaiblissement des facultés intellectuelles. Traitements par
le bromure de potassium et l'hydrothérapie. - Injections hypoder-
miques de curare. Bromure de nickel (11 juillet 1884).
Laur... (Emile), âgé de seize ans et demi, entré le 9 septembre
1882 à Bicêtre (service de M. Bourneville).
Traitement du 42 janvier au le* septembre 1883 (3 mois = 223 jours).
totaux
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 343
de comparaison avec les mois correspondants de l'année pré-
cédente, mais si nous comparons les mois de traitement avec
les mois précédents, nous trouvons une diminution des accès :
185 au lieu de 226 ; les accès des cinq mois suivants sont aussi
plus élevés (204), mais il y a lieu de tenir compte du peu de temps
pendant lequel le malade a été observé, de la déchéance intel-
lectuelle qui n'a pas été entravée par le traitement : en résumé
le résultat est peu concluant.
Observation XXV. Epilepsie idiopathique. Coqueluche.
Convulsions prédominant droite (à six ans et demi), suivies d'évu-
zzouissements, puis d'étourdissements (à sept ans et demi).- Accès
à 10 ans. - Tourneur. Onanisme. Affaiblissement intellec-
tuel.- Injections hypodermiques de curare (4883); insuccès. -
Kleptomanie. Gâtisme. Plus d'onanisme en 48884; hydrothé-
rapie (1er avril au 15 octobre).AmtûrattOKh'es notable. -
Redevenu propre.
Parad... (Léon), né le 10 février 4 870, entré à Bicêtre le 42 juil-
let 1883 (service de M. BOURNEVILLE).
Traitement du 9 février au 8 juin 1883 (4 mois = 110 jours).
344 THÉRAPEUTIQUE.
DU CURARE DANS l'ÉPILEPSIE. 34.5
Traitement du 9 février au 45 juin 1883 (4 mois - 117 jours).
36 THÉRAPEUTIQUE.
Traitement du 30 mars au 30 juin 4883 (3 mois = 93 jours).
TOTAUX
DU CURARE DANS l'ÉPILEPSIE. 3 1-7
0 13 S E R V. TI 0l 11. - Epilepsie idiopathique. Père alcoolique
Convulsions ci sept ou huit mois. Vertiges ét treize ans. Alcoo-
lisme de vingt-quatre ci vingt-cinq ans. Premier accès ci vingt-
cinq ans. Bromure d'or en 1882 ; insuccès. -Injections ieypodez-
miqzces de curare; insuccès. Affaiblissement des facultés in-
tellectuelles.
Lid... (Joseph), quarante-cinq ans, est entré le 10 mai 1880 à
Bicêtre (service de M. Bourneville).
Traitement du 30 mars au 30 juin 1883 (3 mois = 93 jours).
totaux
318 THÉRAPEUTIQUE.
OusEw-a'rcov \111. -Epilepsic idiopathique. - Père alcoolique ( ? ).
Fièvre intermittente (trois ans.) - Premier accès à sept ans.
Accès d'abord incomplets. - Accès de manie.- Déchéance intellec-
tuelle complète. Traitements divers (bromure de potassium, serin
des marais, etc.) Hydrothérapie (avril à décembre 1882, et
d'avril à octobre 4884). Traitement par les injections hypoder-
` ? niques de curare; insuccès. Gâtisme.
Perch... (Gilbert), né le 24 septembre 1868, est entré à Bicêtre
le 28 janvier 1882 (service de M. BouRNEviLLE).
Traitement du 11 janvier au 13 février 1883 ( mois= 33 jours).
TOTAUX
DU CURARE DANS 1,'ÉPILEPSIE. le 9
germain maternel mort du mal de Pott. Onanisme. Début ff
trois uns.- Débilité mentale consécutive. Rougeole. Erysipèle
(mai 4881). Congestion méningitique. Hydrothérapie (juillet
1881 et d'avril à novembre 1882). Amélioration. Abcès du
cuir chevelu (1882). Curare; insuccès. Hydrothérapie (juin à
octobre 1883). Mal de Pott. Abcès par congestion. - Fistule
ingzzizzo-abdomizzale gauche. Autopsie : tuberculose pulmonaire ;
méningite purulente (moelle et cerveau).
Charm... (Emile), dix ans, entré à Bicêtre le 16 novembre 1880
(service de M. BOURNI3V1LLE), mort le 31 juillet 4884.
Traitement du 6 novembre 1882 un 8 juin 1883 (7 mois--201 jours).
TOTAUX
350 THÉRAPEUTIQUE.
diminuent fréquemment les accès, sans que toutefois on puisse
déterminer exactement leur rôle et le mécanisme et la durée
de leur action. Nous noterons aussi que l'enfant soumis aux
douches après la suppression du traitement par le curare n'a
plus retiré de l'hydrothérapie le bénéfice des années
précédentes. La marche des accès est du reste, depuis
-novembre 1882 au 31 juillet 1884, très irrégulière; le nombre
en est tantôt élevé, tantôt diminué d'un mois à l'autre sans
qu'il soit possible de se rendre compte de ces irrégularités.
Observation XXXI. E4pilepsie idiopathique. Cousine germaine
(du père) épileptique. Convulsions à dix-huit mois. Parésie
gauche. Secousses de la main gauche. Premier accès en mai
1880. Vertiges. Aura et affaiblissement des facultés intellec-
tuelles. Accès surtout nocturnes. Hydrothérapie (1884-4882).
Amélioration. Curare; insuccès. Tuberculose. Mort.
Délai... (Edouard), dix huit ans, est entré à Bicêtre le 7 dé-
cembre 1880 (service de 11. BounnEwLr.L), décédé le 25 octobre 1883.
Traitement du 6 novembre l 882 au 30 juin 1 883 (8 mois=233 jours).
TOTAUX
DU CURARE DANS 1, PILEPSIE. 351
ment nulle, car déjà, depuis quelques mois, les accès allaient
en diminuant progressivement, les vertiges avaient complète-
ment disparu ; pendant le traitement par le curare, les accès
se maintiennent à peu près au même chiffre que dans les mois
précédents, ils s'élèvent toutefois à 18 et 19 dans les mois de
mai et juin 1883, puis tombent à 8, 2, 2 et 1 pour les quatre
mois suivants; le traitement avait été supprimé le 30 juin, la
mort eut lieu le 25 octobre.
On : r.nwrov R111. Idiotie ; épilepsie. Mère : idées de suicide
pendant deux mois. Grand-père maternel mort de phthisie.
Grand'mère maternelle morte de cancer utérin. Frère jumeau
mort « trois jours (convulsions). Grossesse : chute à cinq mois,
peur à sept mois et demi. Premières convulsions à deux mois,
suivies d'une paralysie gauche. - Depuis, nombreux accès.
Gâtisme. Tics, tournoiement, mérycisme partiel (liquides).
Secousses ; traitement par le curare, insuccès. Obstruction du
larynx par un morceau de viande; mort.- Autopsie : sur l'hémis-
phère cérébral droit (face convexe) : atrophie de la plupart des
circonvolutions situées en arrière du sillon de Rol(indo, et des
circonvolutions de la face interne.
Vautr... ();rnest)1, né le Il février 1872, entré le 25 mai 1878, à
Bicêtre (service de M. Bourneville). Mort le 22 mai 1883.
Traitement du 23 novembre J 882 au 22 mai 1883
(5 mois = 146 jours).
TOTAUX
352 THÉRAPEUTIQUE.
DU CURARE DANS l'ÉPILEPSIE. 353
Traitement du 47 février au 31 août 1883 (6 mois
et demi = 192 jours).
.TOTAUX
RECUEIL DE FAITS
DU DEGRÉ D'IMPORTANCE AU POINT DE VUE DU PRONOSTIC
D'UN ABAISSEMENT EXTRÊME DE LA TEMPÉRATURE DANS
LE COURS DES MALADIES MENTALES ;
Par N. POPOFF, médecin de l'asile Saint-Nicolas, a Saint-Pétersbourg.
Depuis que z a attiré l'attention sur les varia-
tions de la température du corps durant diverses formes
d'affections mentales, beaucoup d'autres auteurs ont étudié
cette question et ont été presque unanimement amenés à
conclure qu'une psychose par elle-même, sans complication
d'une affection organique, peut modifier la courbe normale de
la température.
Sans m'arrêter sur toutes les particularités que peuvent
présenter sous ce rapport les maladies mentales, je m'en
tiendrai à l'abaissement brusque de la température dans
quelques cas particuliers. Des faits de ce genre sont décrits par
Lowenliardt 2, Ulrich Filin ? Jenler 1, Scliülc 6, Kroemer7,
' WnksmouH). Tempcraturbeobachtungen bei geisleskranken. ( 111.
zeitschri/f sur psychiatrie, 1857.)
2 Lowenhardt. Uelie), eine Fonnz von Manie mil hefer zenzfrera-
tursenkung . (AU. zeilschr. y. psych., 1868.)
3 Ulrich. Ueber satbnornaale 11(j-pei@wiiî, ? ie 7;ait zugrundelegung ziveie,
Falle. (AU. zeitschr. f. psych., 1869.)
* Filins. Ueber das vorhommen niedriger korfe.rten7peratur bei geis-
tesltranken (St-Pelersbourg nzed. Wochenschrift, 1876.)
s Zenker. ! 7e&e'' die tiefe z rend 112(ii,meschiitz bei geisles-
ki,anke7t. (Allg. zeitschrift f. psych., 1877.)
6 Sohüle. Zeitschrift zûr p/e/t., 1878.
' Kraemer. Temperaturbeobachtungen bei paralylischen geisleskran-
ken. (Allg. zeitschrift f. psychiatrie, 1880.)
DE LA TEMPÉRATURE DANS LES MALADIES MENTALES. 355
et dernièrement par Beeliterew et Otto Hebold ". Un sem-
blable phénomène ne pouvant être expliqué ni par des condi-
tions extérieures défavorables, ni par l'état physique des
malades, la plupart des auteurs ont cru devoir le rapporter aux
changements qui surviennent dans le système nerveux central.
Effectivement, des recherches expérimentales et des données
d'anatomie pathologique ne tardèrent pas à confirmer une telle
supposition. Landois et Eulenbourg, pratiquant des expériences
sur des chiens et des lapins, ont démontré que les changements
qui s'opèrent dans la température du corps, dépendent de l'in-
iluence exercée sur elle parles régions du cerveau correspondant
aux circonvolutions centrales des animaux supérieurs. Plus tard,
Hitzig étudiant l'influence thermique de l'écorce du cerveau
lui attribua la même localisation qu'aux fonctions motrices.
Il est vrai que Vulpian et Kûssner, s'appuyaut sur leurs expé-
riences, n'arrivèrent point aux mêmes résultats, mais Bech-
terew donna dernièrement la raison de cette contradiction ;
il fit des recherches très minutieuses et trouva que la région
thermique de l'écorce du cerveau chez les chiens offre les
mêmes limites que les centres moteurs de Hitzig. Le même
auteur a a publié plusieurs cas de lésion de la région motrice
de l'écorce du cerveau, dans lesquels s'observaient des chan-
gements de la température interne du corps; il admet, par
suite, que les centres thermiques du cerveau de l'homme se
trouvent à proximité des centres psycho-moteurs. Ainsi les
investigations et les recherches sus-mentionnées prouvent que
le système nerveux central peut exercer une influence notable
sur la température du corps, et que parmi les fonctions lésées
dans les affections psychiques doivent figurer celles des centres
thermiques. Les troubles de la calorification, dès qu'ils atteignent
une certaine intensité, sont considérés par beaucoup d'auteurs
comme provenant de modifications profondes aboutissant à la
mort (Otto Ileboldt, Lowenhart et d'autres).
Un fait, que j'ai eu l'occasion d'observer cette année, est en
1 f3ecVterew. Essai clinique sur la température dans quelques formes
de maladies mentales. Thèse 1881, en russe.
2 Otto Hebold. Subnormale temperaluren bei geisteskranlcezz. (drc/t.
f. psychiatrie, 1882.)
3 Bechterew. Ueber die lésion der mo<0)'t ! c/te't zone des growkizns
(St-I'clesburger med. lVoc/iezzsc)zrift,187c3.)
356 RECUEIL DE FAITS.
contradiction, sous certains rapports, avec cette dernière
opinion.
Antoinette W..., femme d'un médecin, âgée de quarante-neuf
ans, entra à l'hôpital de Saint-Nicolas, le 12 mars 4 884. La malade
appartient à une famille de psychopathes. Son aieul (maternel)
se distinguait par un caractère violent, capable à la moindre
occasion de s'emporter jusqu'à perdre tout empire sur lui-même;
la mère de la malade était très irritable, distraite, fantasque. La
soeur de sa mère, devenue aliénée, est morte dans un asile de
Varsovie, et une autre tante maternelle est devenue maniaque
après ses couches. Un oncle maternel a été atteint de manie, et le
frère de la malade a été atteint de délire alcoolique. Mme W...,
dès sa plus tendre enfance, manifesle une grande irritabilité, un
caractère obstiné et une intelligence assez bornée. A l'âge de
cinq ans, à la mort de son frère, elle eut une crise convulsive
avec perte de connaissance. Plus tard, lllme W... éprouva des
maux de tête qui, devenus peu à peu plus violents, augmentaient
à la suite d'une émotion ou d'une fatigue de l'esprit. La mens-
truation, dont le début remonte à l'âge de quatorze ans, a tou-
jours été régulière.
A vingt et un ans, elle eut des accidents cérébraux mal déter-
minés, qui furent suivis d'une convalescence très lente. Elle se
maria à vingt-cinq ans, et eut quatre enfants. Les grossesses et
les couches furent normales et sans influence sur l'état mental
de la malade. - Mais elle ne fut pas heureuse en ménage : son
mari, irascible et hypochondriaque, souleva des querelles et des
scènes qui provoquaient chez la malade une grande irritation
accompagnée de douleurs au coeur et de névralgie intercostale.
En 1877, à la suite de pertes pécuniaires, d'une maladie de
son frère et d'une grande frayeur causée par un incendie dans le
voisinage de sa maison. lllm W... éprouva un accès de manie qui
se prolongea jusqu'en mars 4878. Au mois de novembre 1879, un
nouvel accès de même nature se déclara sans raison apparente et
dura jusqu'en mars 1880. Depuis lors, jusqu'en 1884, la malade
eut encore deux accès. La maladie se développait chaque jour
assez lentement et s'annonçait au commencement par une légère
excitation, une perte d'appétit et de sommeil, un besoin de loco-
motion et un grand désir de voyager. Elle se mettait, en outre, à
boire d'abord de la bière et du vin, et plus tard de l'eau-de-vie et
de l'esprit de vin; ces abus se répétèrent surtout dans son dernier
accès qui commença en janvier 4884, et qui devint si violent, que
ses parents furent contraints de la placer à l'asile.
Elle fut conduite delà gare à l'établissement, camisolée, dans
un état d'exaltation extrême.
DE L1 TEMPÉRATURE D\NS LES MALADIES MENTALES. 357
La camisole de force fut immédiatement retirée', et l'examen
montra ce qui suit :
La malade a beaucoup d'embonpoint, elle est grande et d'une
forte constitution. Ses bras portent des plaies et des ecchymoses,
produites par la constriction des liens. Son crâne est régulier, la
face est injectée, les artères carotides et temporales sont gonflées'
les pupilles rétrécies, la langue est chargée, le pouls accéléré et
assez plein. Les bruits du coeur sont distincts ; la respiration est.
normale; le ventre est ballonné. L'expression du visage est ani-
mée et très mobile; tous les mouvements sont extrêmement
énergiques, variés, saccadés; la malade ne reste pas un moment
tranquille, quitte sa place continuellement, se rassied, court, tend
à s'enfuir et ne cesse de prononcer des mots sans suite, mêlant le
russe, le français et le polonais, ce qui tend son langage encore
moins compréhensible.
Il est assez difficile de fixer son attention, de sorte que ce n'est
qu'en lui posant des questions réitérées qu'on parvient à obtenir
des réponses brèves sur sa famille, son mari, son âge, etc... Elle
est ordinairement gaie, contente d'elle-même et bien disposée,
mais son humeur peut changer soudainement et il suffit du plus
léger prétexte pour provoquer un violent accès de colère. Tel
était l'état de la malade à son arrivée à l'asile. Elle mangeait
difficilement, dormait mal, retirait et déchirait ses vêtements. Le
22 mars, elle commença à prendre un peu plus d'aliments, mais
elle dormait peu, paraissait fatiguée, restait le plus souvent cou-
chée, mais sans cesser néanmoins d'être excitée, de parler et de
gesticuler.
23 mars. Elle est plus calme, mais sa faiblesse physique aug-
mente ; elle passe presque toute la journée aulit, parle peu, mais
avec la même volubilité. Elle se sent bien. La peau est
froide et marbrée de taches rouges aux extrémités. Le pouls est
lent, faible, 40 par minute. A sept heures du soir, la température
rectale donne 34°, 350. On prescrit du lait coupé de cognac, du
vin; on réchauffe les extrémités et on fait sur tout le corps des
frictions continues avec de l'esprit de vin aromatique.
' Grâce aux conseils du Dr Tschetschott, médecin en chef de l'asile,
ainsi qu'à la collaboration énergique de 1111te Sliwortzoff, docteur en mé-
decine ile lafaciilté de Paris, je suis parvenu à introduire dès le commet
cernent de l'année courante dans la division des femmes de l'asile Saint-
Nicolas le no-restraint le plus absolu. Cette méthode, dès son application,
n'a pas manqué d'exercer une salutaire influence sur le cours des diverses
formes mentales, et plus particulièrement dans les cas de violentes agi-
tations qui, d'une manière très notable, s'amendent plus rapidement que e
par le passé, où la camisole de force et les autres moyeus de contention
étaient employés.
358 RECUEIL DE FAITS. '
34 mars. Assez faible physiquement : état d'excitation comme
la veille. Bon sommeil. La température rectale à dix heures du
matin 34°, 8 C.; à deux heures de l'après midi 3,il, 7 C.; à sept t
heures du soir, 34°, 3 c. On suit le même traitement en y ajoutant
des sinapismes.
25 mars. T. à dix heures du matin, 35°, 9 ; à deux heures de
l'après-midi, 36°, 4 C.; à sept heures du soir, 36°, o C.
26. T. à dix heures du matin, 36", 4 c. ; à deux heures de
l'après-midi, 36° 8 c. ; à sept heures du soir, 37°, 2 c.
27 mars. T. à dix heures du matin, 3(i°, 8 C. ; à sept heures
du soir, 36°, 8 C.
28 mars. A dix heures du matin, 37°, C. ; à sept heures du
soir, 36°, 9 C.
29 mars. A dix heures du matin 37°, c.; à sept heures du
soir, 36°, 2.
30 mars. A dix heures du matin, 37°, G C. ; à sept heures du
soir, 37°, C.
31 mars. - A dix heures du matin, 37°; à sept heures du soir,
37°, 1.
Du 25 au 28 mars, la malade dormit peu et d'un sommeil agité
elle mangea mal, ne prit que du lait et du bouillon. Sa surexci-
tation est moindre, les forces sont épuisées.
Depuis le 28 mars, l'appétit et le sommeil sont meilleurs; une
amélioration sensible se produit dans son état physique et psy-
chique.
Avril. 1-3. L'appétit et le sommeil sont bons; la malade com-
mence à quitter le lit et passe des journées entières dans un fau-
teuil, mais elle marche encore avec difficulté. On observe aussi
une légère excitation qui s'exprime par une gaîté bruyante,
beaucoup de loquacité et une exubérance des gestes. Elle parle
déjà logiquement et fait des réflexions judicieuses sur tout ce qui
l'entoure.
Le 4 avril, Mme W... fut transférée dans la section des malades
tranquilles, et le 5 mai, elle quitte l'hôpital comme convalescente.
Nous voyons dans cette observation, un abaissement no-
table de la température centrale; elle n'atteignait, en effet,
au rectum que 34°, 3 C. se trouvait ainsi de 30) 3 C. à 3°, 7 C.
au dessous de la normale, celle-ci atteignant au rectum de
37°,6 C. à 38° C'. Cet abaissement thermique est d'autant plus
notable que l'état général de Mmo W... ne ressemblait guère à
1 Jiirgensen. Zur Gehre von <<e)' Bckacadlttng fieberhafler kracalcheilcu
mikels des halten wassers. (Arch. /u)'M)tMC/ie« ! eeetM, 1867-68.)
DE LA TEMPÉRATURE DANS LES MALADIES MENTALES. 359
celui que l'on constate dans la stupeur. Bien qu'elle fût très
affaiblie, elle était cependant encore excitée, pouvait quitter
le lit, parlait sans discontinuer et avec de nombreuses gesticu-
lations. Il faut aussi ajouter que l'épuisement des forces phy-
siques atteignit son plus haut degré seulement quand la tem-
pérature commença déjà à s'élever et à monter à 36° C.
Pourtant, un tel abaissement ne peut être expliqué par une
influence extérieure ; il est vrai que la malade avait d'abord
essayé de défaire ses vêtements et de se découvrir, mais sa
chambre était suffisamment chauffée, le thermomètre s'élevait
à 16° R.; d'ailleurs on a démontré que la chaleur du corps
peut ne pas varier, malgré les oscillations de la température
ambiante, si celles-ci ne dépassent pas les limites entre 110 et
32° R. (Rosenthal).
Ce phénomène ne peut non plus être expliqué par le refus
d'aliments; ce dernier étant de trop courte durée pour altérer
la nutrition de la malade qui avait à peine maigri. On no peut
donc supposer ici qu'un trouble des centres thermiques du
cerveau promptement enrayé par le traitement actif qui a été
mis en usage.
Différents auteurs ont rapporté des observations analogues
dans lesquelles un abaissement considérable et longtemps pro-
longé de la température n'a pas entraîné la mort.
Burckhardt1 décrit un cas de mélancolie chez une femme,
dans lequel la température au début s'était abaissée à 34°, 8 C.
(1110 observation); chez une autre malade également mélan-
colique, il avait encore constaté un abaissement de tempéra-
ture arrivant à 34°, 6 c. ; dans les deux cas, la terminaison a
été favorable. Dans l'observation XXI, il s'agit encore d'un
mélancolique dont la température est descendue à 3t°, 8 G.
L'année dernière, Ilaasse publia ses recherches sur les
variations de la température durant des psychoses périodiques.
Dans ce mémoire, qui ne renferme rien de nouveau, il n'y a que
la Xillle observation qui présente quelque intérêt. En effet,
après un accès d'exaltation maniaque, la température est
tombée plusieurs fois à 34°, 4 C., sans que l'état général du
malade ait été sensiblement modifié. Du reste, dans d.'autres
1 Burckhardt. l3eoLachttczyezz ueber die temperalur geisleskranken.
(Arch. f. sch., 1S7S.)
2 Hausse. Einige l3coGachluzacn zceber die temperalur bei perio-
dti ? ,heit geistcskranken. (Allg. zeilschi,ifi f. psychiatrie; 1883.) *
360 REVUE CRITIQUE.
cas, dans l'alcoolisme par exemple, la température peut baisser
dell°C., sans entraîner la mort, comme le prouve l'observation
rapportée par Magnan.Il s'agissait d'une femme âgée de trente-
huit ans, chez laquelle les températures vaginale et axillaire
s'étaient abaissées jusqu'à 260 C. La malade avait fait des excès
alcooliques et était restée longtemps exposée au froid. Elle se
rétablit'promptement'. Il est regrettable que les observations
de ce genre ne soient pas plus nombreuses 2 pour pouvoir en
tirer des déductions générales; mais néanmoins, des cas déjà
publiés il ressort ce fait qu'un abaissement même considérable
de la température peut se produire dans le cours des maladies
mentales sans entraîner nécessairement un pronostic fatal.
Aussi, ne doit-on pas admettre avec certains auteurs, qu'un
trouble thermique de cette nature dépend de modifications des
centres nerveux tellement graves qu'elles sont incompatibles
avec lavie; plusieurs faits, nous l'avons vu, protesteraient
contre cette dernière assertion.
REVUE CRITIQUE
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX
A l'état physiologique LT pathologique3.
Par le D' A. MAIRET, agrégé à la Falculté de médecine de Montpellier
II. DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX
A L'ETAT PATHOLOGIQUE
Nos recherches sur la nutrition du système nerveux à l'état
pathologique ont porté sur trois groupes de maladies fonc-
' ' Magnan. Leçons cliniques sur l'alcoolisme. (Gazette des hôpitaux,
10, 17 et 24 juillet 1869.)
2 Voir une observation de M. Bourneville. (Société de biologie,
1871, p. 1.)
3 Voy. t. IX, p. 232.
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 361
tionnelles de ce système : aliénation mentale, épilepsie, hys-
térie. Nous étudierons successivement chacune de ces maladies.
ALIENATION MENTALE.
Historique. ' -
Les recherches relatives aux modifications que peut produire
l'aliénation mentale sur la nutrition du système nerveux par
l'étude de l'élimination de l'acide phosphorique sont moins
nombreuses que pourrait le faire supposer la connaissance du
rôle que joue cette substance dans la constitution du système
nerveux. Elles se résument, à notre connaissance du moins,
en celles de Bence Joncs', de Sutherland 2, de Beale 1, de
Lombroso 1, de Mendel6 etdeWood. Ces auteurs arrivent à
des conclusions variables. Les uns pensent que dans lesinflam-
matious aiguës du cerveau les phosphates sont augmentés,
parfois en quantité excessive (Bence Jones, Beale); que dans la
manie ces sels sont augmentés pendant les périodes de paroxysme
et diminués pendant les périodes de dépression (Sutherland,
Beale, Lombroso), que chez les idiots et les déments, le chiffre
de l'acide phosphorique oscillerait autour de la normale (Lom-
broso, Mendel).
D'autres, au contraire, pensent que, sous l'influence de l'alié-
nation mentale, la quantité de phosphates rendus par les urines
est diminuée; Mendel résume, en effet, de la manière suivante
les recherches qu'il a faites :
« En général, dans les affections cérébrales chroniques, la
quantité d'acide phosphorique éliminé par vingt-quatre.heures
est inférieure, pour un même régime, à la quantité d'acide phos-
phorique éliminé pendant un même laps de temps, par un in-
dividu sain, et cela, soit d'une manière absolue, soit d'une
manière relative à la somme des matières solides éliminées.
Bence Jones. Philosophical constatationes, 1850, p. 66, cité par
Beale.
2 Sutherland, cité par Beale.
3 Beale. De l'Urine, etc., trad. de l'anglais par Olivier et Bergeron,
1865, p. 217.
1 Lombroso. In Mendel.
' Monde). Arch. f. Psych. und n-erwetl : , 1872, 111. Band, p. 636.
362 REVUE CRITIQUE.
« Chez le maniaque et chez le fou furieux, la quantité d'acide
phosphorique éliminé est diminuée, soit d'une manière abso-
lue, soit d'une manière relative à la somme des matières so-
lides. »
- - D'autres enfin pensent- que l'aliénation mentale augmente
seulement la quantité d'acide phosphorique uni aux alcalis, le
chiffre de l'acide phosphorique uni aux terres diminuant au
contraire (Wood).
Pour être peu nombreuses, les recherches sur l'élimination
de l'acide phosphorique n'en conduisent pas moins les auteurs
à des résultats aussi divergents que ceux que nous avons ren-
contrés à propos du travail intellectuel. Et naturellement les
opinions de ces auteurs sur la valeur qu'on [peut attribuer à
l'étude de l'élimination de l'acide phosphorique par les urines
pour savoir si l'aliénation mentale modifie ou non la nutrition
du cerveau sont en rapport avec les résultats qu'ils ont obte-
nus. Ceux qui trouvent dans les urines une augmentation de
l'acide phosphorique pensent que cette augmentation est un
indice de la dépense d'influx nerveux ; ceux qui ne constatent
pas cette augmentation pensent que l'étude de l'élimination
de l'acide phosphorique ne peut nous éclairer sur les troubles
que l'aliénation mentale est susceptible de faire subir à la nu-
trition du système nerveux.
Nous n'entrerons pas ici dans la critique des expériences qui
précèdent; nous l'avons fait ailleurs. Nous ferons ressortir
seulement les divergences qu'ont obtenues ces auteurs dans
leurs recherches. La nécessité d'instituer de nouvelles expé-
riences pour savoir, par l'étude de l'élimination de l'acide
phosphorique, si l'aliénation mentale modifie la nutrition du
système nerveux, s'impose par la divergence des résultats
qu'ont obtenus les auteurs et par l'erreur dans laquelle ils sont
lorsqu'ils veulent, se basant sur les modifications en plus ou en
moins dans l'élimination de l'acide phosphorique total, conclure
que cet acide se lie ou non à la nutrition du système nerveux
et que telle ou telle maladie modifie ou no modifie pas. cette
nutrition. Nous avons insisté sur cette erreur dans la première
partie de ce travail,, et si nous la rappelons ici, c'est pour indi-
quer que, comme pour le travail intellectuel, nous avons dû,
pour l'aliénation mentale étudier l'élimination do l'acide phos-
phorique à un double point de vue : 10 constatation des mo-
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 363
difications que la folie imprime à l'élimination de l'acide phos-
phorique ; 20 interprétation de ces modifications.
Ces deux parties du problème nécessitent quelques considé-
rations générales, sur lesquelles nous devons nous arrêter avant
d'exposer le résultat de nos recherches.
Constatation des modifications qu'imprime [la folie
dans l'élimination de l'acide phosphorique.
Pour pouvoir dire que, dans un cas donné d'aliénation men-
tale, il y a modification dans l'élimination de l'acide phospho-
rique, il 'faut avoir un terme de comparaison, et ce terme,
l'étude de l'élimination de l'acide phosphorique chez l'homme
sain peut seule nous le donner. Et comme beaucoup des cas
d'aliénation mentale que nous étudierons sont incurables, c'est
avec l'élimination de l'acide phosphorique chez l'homme sain
en général que nous devrons comparer l'élimination des phos-
phates. Cette élimination est-elle, chez ce dernier, suffi-
samment régulière pour nous permettre d'établir une moyenne
d'élimination par vingt-quatre heures ? Telle est la question
qui se pose actuellement à nous.
Si nous interrogeons à ce sujet les auteurs (Breed, Winter,
Riessel, Wood, Mendel, Yvon, Hardy, Tessier, etc.), nous
voyons que le chiffre d'élimination de l'acide phosphorique
par vingt-quatre heures est très variable suivant les individus
examinés. C'est par grammes que peuvent se chiffrer les écarts
quotidiens dans cette élimination. Par suite, il est impossible
d'établir une moyenne d'élimination qui permette de savoir
si la folie modifie ou non le rendement de cette substance.
Nous verrons en effet que si cette maladie modifie ce rende-
ment, elle ne le modifie pas dans des proportions telles que
les chiffres obtenus ne puissent être compris dans les oscilla-
tions quotidiennes que les auteurs ont constatées chez l'homme
sain, envisagé d'une manière générale.
Il est vrai que les écarts qu'ont obtenus les auteurs (Mosler,
Haxthausen, l'arhes, Mendel, Beaunis, etc.) n'étaient pas
moins grands lorsqu'ils étudiaient non plus l'élimination de
l'acide phosphorique chez différents individus, mais cette éli-
mination chez un même individu placé dans les conditions
ordinaires de la vie. Et cependant nous avons vu, dans la pre-
mière partie de ce travail, qu'en se plaçant dans certaines con-
364 REVUE CRITIQUE.
ditions déterminées, en soumettant un individu à l'état de
repos, à une alimentation toujours la même en qualité et en
quantité, on régularise chez cet individu le rendement de l'acide
phosphorique dans des proportions telles que l'intervention
d'un travail se marque facilement. Par conséquent, ce que
nous avons fait pour un seul individu, nous pouvons l'étendre
à plusieurs, et voir si les écarts quotidiens que nous obtien-
drons pour chacun d'eux, ne sont pas assez faibles pour nous
permettre d'établir sinon un chiffre moyen d'élimination des
phosphates par vingt-quatre heures, du moins des chiffres mi-
nima et maxima assez rapprochés l'un de l'autre pour que l'in-
fluence de la maladie se marque aisément. Mais cette manière
de faire n'est pas pratiquée, et cela pour nombre de raisons
qu'il est inutile d'indiquer ici. Elle ne peut être de mise que
lorsqu'on veut juger, non plus que l'élimination de l'acide
phosphorique chez l'aliéné, relativement à l'état sain, mais de
cette élimination dans deux périodes consécutives et de courte
durée d'une même maladie.
Heureusement, on peut arriver à la solution de ce problème
d'une autre manière.
Supposons un individu en état de santé vivant constamment
dans le même milieu, dans les mêmes conditions biologiques
et soumis à une alimentation revenant toujours la même dans
un laps de temps restreint. Ne peut-on pas penser que, dans
ces conditions l'économie de cet individu s'adaptera à ce milieu,
qu'il s'établira entre les ingesta et les excréta un rapport qui
pourra varier d'un jour à l'autre, mais qui tendra à devenir
constant lorsqu'on comparera entre eux, non plus deux ou
plusieurs jours consécutifs, mais deux ou plusieurs cycles de
nourritures consécutifs. C'est là une question que je me suis
posée et je trouvais justement dans le milieu où j'observais mes
malades, c'est-à-dire à l'asile des aliénés, un milieu favorable
pour la résoudre.
Le régime alimentaire de notre asile varie dans de faibles
limites, surtout pour une même époque de l'année. En étudiant
les variations qu'il subit, je vis sauf quelques légères différences
qui se fondent si on porte l'examen sur une période de huit
jours, que le cycle des mêmes aliments revient chaque quatre
jours. Nous désignerons ce cycle sous le nom de période ali-
menlaire.
Ces conditions étant remplies, voyons ce qu'est chez un in-
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 365
dividu sain l'élimination de l'acide phosphorique par jour et ce
'qu'elle devient par période de quatre et de huit jours. Pour
cela, prenons un exemple parmi plusieurs autres.
TABLEAU V. Homme bien portant (22 ans) soumis aux conditions
ordinaires de milieu et d'alimentation de l'asile.
366 REVUE CRITIQUE.
le faire pour plusieurs. Pour cela, nous avons examiné pen-
dant un eou plusieurs périodes alimentaires dix individus sains,
vivant à l'asile à l'état de repos et mangeant le régime ordi-
naire de l'établissement, puis nous avons pris pour chacun de
ces individus le chiffre moyen d'élimination d'acide phospho-
rique par vingt-quatre heures. Nous consignons dans le tableau
suivant les résultats que nous avons obtenus.
Tableau. VI. Elimination moyenne de l'acide phosphorique
par 94 heures pendant la durée d'une période alimentaire chez dix
individus sains, vivant ci l'asile et à l'état de repos 1.
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 367
phosphorique par vingt-quatre heures peut, si l'on tient compte
de la période alimentaire, varier, suivant les individus, entre
1 gr. 55 et 2 gr. 11.
Les différences que nous avons ainsi obtenues dans le ren-
dement journalier de l'acide phosphorique sont encore trop
considérables pour nous permettre d'établir un chiffre moyen
d'élimination de cet acide par vingt-quatre heures. Toutefois,
elles ne sont pas telles qu'elles rendent factice la détermina-
tion de chiffres maxima et minima au-dessus et au-dessous des-
quels on puisse dire qu'à l'état pathologique, lorsque le malade
observé est placé dans des conditions de milieu et d'alimenta-
tion semblables à celles dans lesquelles étaient placés les in-
dividus sains qui font le sujet du tableau qui précède, le rende-
ment de l'acide phosphorique est augmenté ou diminué. Ces
conditions sont faciles à réaliser. La première l'est tout natu-
rellement puisque c'est pour des hommes sains vivant comme
nos malades à l'asile que nous avons étudié l'élimination de
l'acide phosphorique. La seconde ne l'est pas moins, l'aliéna-
tion mentale, maladie essentiellement chronique, permet assez
souvent une alimentation régulière. Par conséquent, pour
pouvoir comparer l'état pathologique à l'état physiologique au
point de vue de l'élimination de l'acide phosphorique, nous
n'avons qu'à laisser les malades suivre le régime ordinaire de
l'asile, à tenir compte de la période alimentaire et à surveiller
qu'ils mangent la portion ordinaire de l'établissement. Ce que
nous venons de dire pour l'acide phosphorique total s'applique
aussi à l'acide phosphorique uni aux terres et à l'acide phos-
phorique uni aux alcalis.
Ainsi se trouve résolu le problème dont nous poursuivons la
solution. Toutefois, pour qu'on ne puisse attribuer qu'à l'élé-
ment maladie les modifications dans l'élimination des phos-
phates qu'on constate sous l'influence de l'aliénation mentale,
il est encore quelques précautions à prendre. Ainsi ilestindis-
pensable de recueillir toute l'urine rendue en vingt-quatre
heures par les malades observés, de tenir compte de l'âge de
ceux-ci, de supprimer tout traitement pendant la durée des re-
cherches, etc., etc.1. Ces précautions nous ne ferons que les in-
diquer ici, et dire que nous en avons tenu compte.
Ajoutons encore que lorsqu'on peut observer l'aliéné jusqu'à
i Mairet. Loco citalo, passim.
368 REVUE CRITIQUE.
son entière guérison, le problème qui précède devient encore
plus simple; on n'a, en tenant compte toujours de la période
alimentaire, qu'à comparer chez lui l'élimination de l'acide
phosphorique à l'état de santé et à l'état de maladie.
. Interprétation des modifications produites par l'aliénation
mentale sur l'élimination de l'acide phosphorique.
Supposons que l'aliénation mentale produit des modifications
dans le rendement de l'acide phosphorique ; pouvons-nous en
conclure que ces modifications proviennent des échanges qui
se passent au sein du système nerveux ? Nous avons déjà vu,
en effet, à propos du travail intellectuel, que les modifications
qu'on constate sous son influence reconnaissent deux origines,
le cerveau et la nutrition générale. N'est-il pas possible que
l'aliénation mentale retentisse, elle aussi, sur cette dernière ?
C'est tout au moins un fait à rechercher, et pour cela nous sa-
vons qu'il nous faut étudier comparativement l'élimination de
l'azote, de l'acide phosphorique uni aux alcalis et de l'acide
phosphorique uni aux terres.
Ce n'est pas tout. Lorsque nous avons étudié l'influence
qu'exerce le travail intellectuel sur l'élimination de l'acide
phosphorique, nous avons pu supprimer toutes les causes bio-
logiques qui sont peut-être susceptibles de produire elles aussi
des modifications dans le rendement de l'acide phosphorique.
Chez l'aliéné, cela ne nous est pas possible; il est une de ces
causes que nous ne pouvons pas supprimer, c'est l'activité mus-
culaire, qui, dans certaines formes d'aliénation mentale, la ma-
nie avec agitation, par exemple, peut être porté très loin. Or,
lorsqu'on étudie la composition du tissu musculaire, on voit
que de tous les tissus mous de l'économie, ce tissu est, après le
tissu nerveux, le plus riche en acide phosphorique. Par suite,
'nous devons nous demander si l'activité musculaire se modifie
par l'élimination des phosphates, et dans le cas de l'affirmative
rechercher de quelle manière a lieu cette modification et sa-
voir si, quand le système musculaire et le système nerveux
agissent simultanément, on ne peut pas faire la part de ce qui
revient à chacun d'eux dans les modifications qu'on cons-
tate.
DE LA. NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 369
, Travail musculaire et acide phosphorique.
Nous serons bref sur ce qui a trait au travail musculaire
dans ses rapports avec l'acide phosphorique. Nous indiquerons
seulement les résultats que nous ont fournis nos recherches,
recherches qui constituent tout un chapitre de notre ouvrage
déjà cité (chap. in, p. 67 à 91) :
1 ° Le travail musculaire augmente la quantité d'azote éliminé
par vingt-quatre heures ;
2° Le travail musculaire augmente la quantité d'acide phos-
phorique éliminé par vingt-quatre heures ;
3° L'augmentation de l'acide phosphorique porte exclusivement
sur l'acide phosphorique uni aux alcalis ; dans la majorité des
cas, le chiffre de l'acide phosphorique uni aux terres reste fixe,
parfois il est légèrement diminué.
Augmentation de l'acide phosphorique uni aux alcalis et de
l'azote, tel est donc le fait capital de l'action du travail mus-
culaire sur l'élimination de ces substances. Cette action est
donc inverse de celle du travail intellectuel; celui-ci, en effet,
diminue l'élimination de ces deux substances et augmente seu-
lement le chiffre des phosphates terreux, phosphates que le
travail musculaire laisse intacts ou diminue même. Le tableau
suivant indique, on ne peut mieux, l'influence qu'exercent ces
deux travaux sur l'élimination des phostates et de l'azote.
On le voit donc si le travail musculaire agit, l'élimination de
l'acide phosphorique, l'étude comparative de l'élimination de
l'azote, de l'acide'phosphorique uni aux alcalis et de l'acide
phosphorique uni aux terres permet de faire la part de ce qui,
dans un cas donné, revient aux muscles et au système ner-
veux dans les modifications produites.
Connaissant l'influence qu'excercent le travail intellectuel,
le travail musculaire et la nutrition générale sur l'élimination
de l'acide phosphorique, et la manière de distinguer l'action
de chacun de ces facteurs, nous possédons tous les éléments
nécessaires pour nous permettre d'interpréter les modifications
que l'aliénation mentale peut produire dans l'élimination des
phosphates, et nous pouvons aborder nos recherches. Celles-ci
ont porté sur les deux formes principales de folie, la manie et
la lypémanie. Nous avons étudié, en outre, l'idiotie et la dé-
mence simple.
Archives, t. IX. 21
370 REVUE CRITIQUE.
Manie et acide phosphorique.
Nos recherches relatives à la manie se rapportent à des malades
chez lesquels l'agitation. n'atteignait pas un degré trop consi-
dérable. Et cela parce que, dans les cas où l'agitation était
trop intense, il nous a été impossible de recueillir toute l'urine
rendue dans les vingt-quatre heures, et que l'état des malades
réclame une alimentation et un traitement particuliers. En
outre, notre attention s'est plus particulièrement portée sur des
maniaques chez lesquels l'agitation revenait par accès séparés
par des intervalles de calme relatif ou complet. Parmi ces ma-
lades, il en est que nous avons pu suivre pendant les diffé-
rentes phases de leur maladie jusqu'à leur guérison complète.
Nous avons consigné dans un autre travail les résultats que
nous a donnés jour par jour l'examen des urines. Nous nous
contenterons ici d'indiquer les résultats généraux que nous
ont fournis nos différentes observations.
V. J... est un malade entré déjà plusieurs fois à l'asile et
que nous avons pu suivre à des intervalles plus ou moins éloi-
gnés, du mois d'octobre 1879 au mois de janvier 1881. Cet
homme, qui est resté placé pendant toute la durée de nos
recherches dans les mêmes conditions de milieu et d'alimen-
tation (nous avons tenu compte de la période alimentaire) ren-
dait en moyenne par vingt-quatre heures :
1» A l'état de guérison : '
Azote, 22,58 ; acide phosphorique total, 1,85; acide phosphorique
uni aux terres, 0,48; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,37.
2° Du 7 octobre 4 870 au 17 du môme mois, pendant un accès
d'agitation, alors que la maladie était à sa période d'état
et l'intelligence du malade très embrouillée :
Azote, 34,39 ; acide phosphorique total, 2,38 ; acide phosphorique
uni aux terres, 0,99, acide phosphorique uni aux alcalis, 1,42.
3° Pendant une période de dépression, du 23 au 26 octobre :
Azote, 22,34 ; acide phosphorique total, 1,49 ; acide phosphorique
uni aux terres, 0,C)6; acide phosphorique uni aux alcalis, 0,83.
4° Pendant une période de rémission, du 28 octobre au no-
vembre :
Azote, 22,08 ; acide phosphorique total, 1,66 ; acide phosphorique
uni aux terres, 0,37 ; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,29.
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 371
5o Pendant une seconde période d'agitation (novembre 1879),
alors que les troubles somatiques étaient aussi marqués
et les troubles intellectuels un peu moins accentués que
précédemment :
Azote, 34,55; acide phosphorique total, 2,04 ; acide phosphorique
uni aux terres, 0,50; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,43.
6° Pendant une troisième période d'agitation (mai 1880), l'agi-
tation étant plus superficielle que précédemment :
Azote, 22,t,S; acide phosphorite total, 2,53; acide phosphorique
uni aux terres. 0,52; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,74.
7° Pendant une période de rémission (juin 4880) :
Azote, 19,S5; acide phosphorique total, 1,82; acide phosphorique
um aux terres, 0,40; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,42.
8° Pendant une période de dépression (juin 1880) :
Azote, 20,75; acide phosphorique total, 1,82; acide phosphorique
uni aux terres, 0,88; acide phosphorique uni aux alcalis, 0,94.
9° Pendant une période d'agitation, à l'époque du déclin de la
maladie (juin d880) :
Azote, 21,88; acide phosphorique total, 2,33; acide phosphorique
uni aux terres, 0,53 ; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,80.
10° Pendant la convalescence (juillet et août 1880) :
Azote, 16,69 ; acide phosphorique total, 1,69; acide phosphorique
uni aux terres, 0,46; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,23.
L'observation de V. J... nous montre que la manie exerce
une influence sur l'élimination de l'acide phosphorique et que
cette influence est variable suivant les périodes. A ce dernier
point de vue, cette maladie peut être divisée en quatre périodes :
agitation, dépression, rémission, convalescence.
Pendant l'agitation, le chiffre de l'acide phosphorique rendu
par vingt-quatre heures est augmenté. Tandis qu'à l'état sain, ce
chiffre est de 1 gr. 85, il atteint alors 2 gr. O ! e, 2 gr. 23, 2 gr. 33.
Toutefois pour que ces modifications se produisent sous l'in-
fluence de l'agitation, il faut que celle-ci ait une certaine inten-
sité, sinon le chiffre del'acide phosphorique reste normal; il nous
aparu inutile d'indiquer les résultats auxquels nous ont conduit
nos recherches à ce dernier point de vue ; les signaler suffit.
L'augmentation de l'acide phosphorique qu'on constate sous
l'influence de l'agitation porte sur les deux espèces de phos-
phates, mais avec une intensité différente sur chacun d'eux
suivant les cas. Pendant la période d'état de la maladie, alors
que les troubles cérébraux sont intenses, que les idées sont très
embrouillées, que l'entraînement intellectuel ne peut être ré-
372 REVUE CRITIQUE.
primé, l'acide phosphorique uni aux terres est augmenté dans
des proportions beaucoup plus considérables que l'acide phos-
phorique uni aux alcalis. C'est ce qui ressort des résultats que
nous avons obtenus dans les deux premières périodes d'agita-
tion que nous avons indiquées. Dans ce cas, le rapport entre
l'acide phosphorique et l'azote atteint, chez V. J..., 42 p. 100
et 69 p. 100 au lieu de 35 p. 100 qu'il est à l'état normal.
Pendant les périodes de déclin de la maladie, alors que les
troubles cérébraux sont peu intenses, l'acide phosphorique uni
aux terres est au contraire proportionnellement moins augmenté
que l'acide phosphorique uni aux alcalis, si bien que, dans les
deux dernièrespériodes d'agitation que nous étudions, le rap-
port entre les phosphates terreux et les phosphates alcalins
tombe à 30 p. 100 au lieu de 35 p. 100.
Pendant l'état de dépression, alors que, à part l'agitation,
les troubles cérébraux persistent et s'accusent par de l'apathie,
un vague sentiment de tristesse, de la pesanteur de tête, etc.,
l'élimination de l'azote et de l'acide phosphorique est modifié
de la manière suivante. La quantité d'azote est diminuée :
22 gr, 34 et 20 gr. 75 au lieu de 22 gr. 58. L'acide phospho-
rique est diminué, le chiffre de cette substance peut descendre
de 1 gr. 85 à 1 gr. 49. La diminution de l'acide phosphorique
porte exclusivement sur l'acide uni aux alcalis : 0 gr. 94 et
0 gr. 83 au lieu de 1 gr. 37, chiffre normal; l'acide phospho-
rique uni aux terres est, au contraire, augmenté etmèmedans
d'assez grandes proportions : 0 gr. 66 et 0 gr. 88 au lieu de
0 gr. 48.
Pendant la période de rémission, la quantité d'azote éliminé
parvingt-quatreheuresestplus oumoius diminuée relativement
à la normale : 22 gr. 04 et 19 gr. 83 au lieu de 22 gr. 58. Il
en est de même de l'acide phosphorique : 1 gr. 82 et 1 gr. 66
au lieu de 1 gr. 85. La diminution de l'acide phosphorique
peut porter sur les deux espèces de phosphates, mais elle
atteint surtout, et même dans un cas exclusivement, les phos-
phates terreux, dont le chiffre s'abaisse de 0 gr. 48, chiffre phy-
siologique, à 0 gr. 40 et 0 gr. 37.
Pendant la convalescence, la quantité d'azote éliminé est
diminuée : 16 gr. 69 au lieu de 22 gr. 58 ; il en est de même
de l'acide phosphorique : 1 gr. 69 au lieu de 1 gr. 85, et dans
ce dernier cas, la diminution porte également sur les phosphates
neutres et alcalins.
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 373
Telles sont les données qui se dégagent de l'observation de
V. J... Ces données, nous les retrouvons les mêmes dans tous
les cas de manie que nous avons examinés.
G.g... est un maniaque qui, à une période de convalescence
très avancée, rend par vingt-quatre heures :
Azote. 20,71; acide phosphorique total, 1,30; acide phosphorique
uni aux terres, 0,36; acide phosphorique uni aux alcalis, 0,94.
Ce malade rend, 4° sous l'influence d'un accès d'agitation
à la période dite de la maladie :
Azote, 25,12; acide phosphorique total, 2,27; acide phosphorique
um aux terres, 0,99 ; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,23.
2° Sous l'influence d'un accès d'agitation diminuant d'une
manière progressive :
Azote, 25,84; acide phosphorique total, 2,00; acide phosphorique
uni aux terres, 0,64; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,38.
Car..., à l'état de calme, rend par vingt-quatre heures :
Azote, 19,00; acide phosphorique total, 1,36; acide phosphorique
uni aux terres, 0,45; acide phosphorique uni aux alcalis, 0,91. 1.
Sous l'influence d'un état d'agitation, il rend :
Azote, ? 41; acide phosphorique total, 2,26; acide phosphorique
uni aux terres, 0,66 ; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,60.
Sous l'influence d'un état de dépression, ce même malade
rend :
Azote, 19,91 ; acide phosphorique total, 1,53; acide phosphorique
uni aux teires, 0,68; acide phosphorique uni aux alcalis, 0,85.
Les exemples qui précèdent et dont on trouvera les détails
dans notre travail', ainsi que ceux relatifs à deux autres cas de
manie que nous croyons inutile de rappeler ici, confirment
absolument les résultats que nous avons obtenus chez V. J...
Aussi, généralisant les conclusions auxquelles nous a conduit
l'observation de ce malade, dirons-nous :
La manie influence l'élimination de l'acide phosphorique et
de l'azote. A ce point de vue, l'état maniaque peut être divisé
en quatre périodes : agitation, dépression, rémission, conva-
lescence.
L'agitation, lorsqu'elle est peu intense, ne modifie pas l'élimi-
nation de l'acide phosphorique ; dans le cas contraire, elle
1 Maire). Loco citato, p. 15S- ! 6S.
374 REVUE CRITIQUE.
augmente très nettement le rendement des phosphates, phos-
phates terreux et phosphates alcalins ; mais encore ici faut-il
distinguer les cas dans lesquels les troubles cérébraux sont très
marqués de ceux dans lesquels ces troubles sont superficiels.
Dans le premier cas, qui correspond à la période d'état de la
maladie, l'agitation produit les modifications suivantes :
L'azote est augmenté, et cela dans des proportions assez consi-
dérables ;
L'acide phosphorique est augmenté. L'augmentation de cet
acide porte sur l'acide phosphorique uni aux terres et sur l'acide
phosphorique uni aux alcalis, mais proportionnellement davan-
tage sur le premier de ces acides que sur le second; de sorte que
les rapports qui existent à l'état physiologique entre les phos-
phates neutres et les phosphates alcalins sont considérablement t
augmentés.
Dans le second cas, qui correspond à'ia période de déclin de
la maladie, l'agitation modifie de la façon suivante l'élimina-
tion de l'acide phosphorique et de l'azote :
L'azote n'est pas augmenté, ou, quand il l'est, c'est dans des
proportions beaucoup moins considérables que dans la période
précédente;
L'acide phosphorique est augmenté. L'augmentation de cet
acide porte sur les deux espèces de phosphates, mais à l'inverse
de ce qui se passe dans la période précédente, davantage sur
l'acide phosphorique uni aux alcalis que sur l'acide phospho-
riqueuni aux terres, de sorte que les rapports qui existent entre
ces deux acides sont diminués.
Pendant l'état de dépression, état généralement passager,
prélude d'un nouvel accès d'agitation ou transition entre deux
accès, et dans lequel toute trace d'agitation a disparu, mais où
l'individu reste affaissé, se plaint de pesanteur, et de douleur
de tête, où parfois on a beaucoup de peine à lui arracher une
parole, etc., le rendement de l'acide phosphorique et de l'azote
est modifié de la manière suivante :
1° La quantité d'azote éliminé est inférieure à la normale dans
des pz oportions variables, parfois très faibles, d'autres fois, au
contraire, assez marquées ; /
2° La quantité d'acide phosphorique est diminuée. La diminue-
tion de cet acide porte exclusivement sur l'acide phosphorique
uni aux alcalis; l'acide phosphorique uni aux terres est au
contraire augmenté.
DE LA NUTRITION DU SYSTEME NERVEUX. 375 i
Pendant les périodes de rémission :
1° La quantité d'azote éliminé est diminuée;
2° La quantité d'acide phosphorique est diminuée. La diminue-
tion de cet acide porte sur les deux espèces de phosphates , mais
plus souvent davantage sur les phosphates alcalins que sur les
phosphates neutres.
Pendant la convalescence : .'
1° La quantité d'azote éliminé est diminuée;
2° La quantité d'acide phosphorique est diminuée. La diminue-
tion de cet acide porte et peu près également sur l'acide phospho-
rique uni auc terres et sur l'acide phosphorique uni aux alcalis.
Pour rendre plus saillantes les modifications que l'état ma-
niaque imprime à l'élimination de l'azote et de l'acide phospho-
rique, nous les synthétiserons dans le tableau suivant :
Tableau VIII. Influence exercée par l'état maniaque sur l'élimi-
nation de l'azote et de l'acide phosphorique
376 REVUE CRITIQUE.
de l'azote et de l'acide phosphorique uni aux alcalis est inti- ? Ke ? Me ? t<'eaMc ? ) : e ! a6tOK. Et encore faut-il, pour que
dans ce cas l'augmentation se produise, que l'agitation ait une
certaine intensité ; différemment, nous l'avons dit, le rende-
ment de l'azote et de l'acide phosphorique n'est pas modifié.
` Pendant la période d'agitation, l'acide phosphorique uni aux
terres est augmenté; il en est de même pendant les périodes
de dépression, tandis que cet acide est diminué pendant les
états de rémission et de convalescence. Le fait de l'augmenta-
tion de l'acide phosphorique uni aux terres, dans deux périodes
aussi dissemblables symptomatologiquement que les périodes de
dépression et d'agitation, prouve d'une manière on ne peut plus
manifeste que, dans la manie, l'augmentation de l'acide phos-
phorique uni aux terres ne se lie pas exclusivement il l'agita-
tion.
Et si on remarque, d'une part, que c'est dans la période
d'état, alors que les troubles cérébraux sont le plus intenses,
que le chiffre de l'acide phosphorique uni aux terres est le plus
élevé; d'autre part, que l'augmentation de cet acide est plus
considérable pendant les périodes de dépression que pendant
les périodes d'agitation du déclin de la maladie, alors que les
troubles cérébraux sont moins marqués que pendant l'état de
dépression, on est obligé de rattacher à ces troubles l'augmen-
tation des phosphates terreux. Et si on rapproche ces faits des
résultats que nous a fournis l'étude de l'influence exercée par
le travail intellectuel sur l'élimination de l'acide phosphorique
uni aux terres, on est obligé d'admettre que la manie, dans
les périodes d'agitation et de dépression, augmente les échanges
nutritifs qui se passent au sein de la substance nerveuse.
D'où vient maintenant cette augmentation de l'azote et de
l'acide phosphorique uni aux alcalis qu'on constate pendant
les périodes d'agitation de la manie ? Cette augmentation, liée,
nous l'avons vu, à l'agitation, ne se rattache pas aux échanges
nutritifs qui se passent au sein de la substance nerveuse. En
effet, elle n'existe plus dans l'état de dépression, alors que ces
échanges sont cependant suractivés, comme le prouve l'aug-
mentation des phosphates terreux. C'est donc en dehors du
système nerveux qu'il faut chercher son explication. Or, l'agi-
tation met en activité, et parfois d'une manière considérable,
le système musculaire ; et comme nous savons que les muscles,
en travaillant, augmentent l'élimination de l'azote et de l'acide
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 37"
phosphorique uni aux alcalis, il est naturel d'attribuer à la su-
ractivité du système musculaire une part dans l'augmentation
de l'azote et des phosphates alcalins qu'on constate sous l'influence
de l'agitation maniaque.
Est-ce là la seule origine de cette augmentation ? Si l'on
compare l'élimination de l'azote et de l'acide phospho-
rique pendant l'agitation des périodes d'état et des périodes
de déclin de la manie, on retrouve dans les périodes de
déclin proportionnellement plus d'acide phosphorique éli-
miné que d'azote, ainsi qu'il arrive sous l'influence du travail
musculaire; dans les périodes d'état, au contraire, alors cepen-
dant que le système musculaire est mis en activité d'une ma-
nière aussi intense qu'aux périodes de déclin, l'acide phospho-
rique uni aux alcalis est proportionnellement moins augmenté
que l'azote, et cette diminution dans les rapports entre l'acide
phosphorique uni aux alcalis et l'azote ne tient pas à ce que cet
acide est éliminé en moindre quantité qu'aux périodes de déclin,
c'est l'inverse qui existe ; elle tient à ce que l'azote est plus aug-
menté proportionnellement que les phosphates alcalins. Cette
plus grande augmentation de l'azote ne peut être évidemment
rattachée au système musculaire; son origine ne peut être
recherchée que dans une décomposition plus active des ma-
tières albuminoïdes en général, c'est-à-dire dans une suracti-
vité de la nutrition générale. .
D'où cette conclusion : l'agitation maniaque suractive la
nutrition générale.
C'est l'inverse qui se produit dans les périodes* de dépres-
sion. Ici en effet, nous retrouvons en môme temps qu'une aug-
mentation des phosphates terreux, une diminution de l'azote
et des phosphates alcalins, c'est-à-dire des modifications abso-
lument semblables à celles constatées à la suite du travail in-
tellectuel, et qui reconnaissent évidemment la môme origine
que ces dernières, c'est-à-dire un ralentissement de la nutri-
tion générale. Par suite, nous pouvons dire : l'état de délmes-
sion maniaque retentit sur la nutrition générale, qu'il ralentit.
La manie a donc une réelle influence sur les échanges qui
se passent au sein du système nerveux, influence qui semble
se poursuivre encore pendant les périodes de rémission et de
convalescence; mais nous n'insisterons pas davantage sur ce
point. Nous ferons seulement remarquer que, dans la manie,
les périodes de dépression étant de très courte durée d'une
378 REVUE CRITIQUE.
manière absolue et relativement aux périodes d'agitation, c'est
la suractivité de la nutrition générale qui domine, et de beau-
coup, dans cette forme d'aliénation mentale.
Nous pouvons, considérant seulement les états d'agitation
et de dépression, résumer comme suit les conclusions qui se
dégagent de l'étude de l'élimination de l'acide phosphorique,
et de l'azote dans la manie :
1° la manie modifie diversement, suivant LES PÉRIODES,
l'élimination par LES urines DE l'acide PHOSPHORIQUE ET DE
l'azote ;
2° La manie modifie LES échanges NUTRITIFS QUI SE passent
au SEIN DE la substance nerveuse ; ELLE LES augmente ;
3° la manie retentit SUR la NUTRITION générale, qu'elle
SURACTIVE dans LES PÉRIODES d'agitation ET QU'ELLE ralentit
dans LES PÉRIODES DE DÉPRESSION.
Lypémanie et acide phosphorique.
De même que nous avons dû laisser de côté à propos de la
manie, les cas dans lesquels l'agitation était trop intense, de
même aussi pour la lypémanie et cela pour les mêmes rai-
sons.
Nous n'avons pu suivre les lypémaniaques que nous avons
examinés jusqu'à leur entière guérison, comme il nous a été
donné de le .faire pour quelques maniaques; par suite, pour
juger chez eux des modifications qu'imprime la lypémanie à
l'élimination de l'acide phosphorique, nous devons prendre
comme terme de comparaison l'élimination de cet acide chez
l'homme sain en général. (Voir les recherches consignées
page 366, tableau VI.)
Cela dit, voyons si cette forme d'aliénation modifie l'élimina-
tion de l'acide phosphorique.
Gib... est un lypémaniaque qui s'imagine qu'on va le tuer :
chez cet homme, l'aliénation mentale est restée très longtemps
stationnaire, et nous l'avons observé pendant un long laps de
temps à des intervalles plus ou moins éloignés. Nous consignons
dans le tableau qui suit les résultats que nous a fournis l'exa-
men de ses urines au mois de mai 1880 et aux mois de mars et
avril 1881.
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 379
Tableau IX.
380 REVUE CRITIQUE.
avec ce qui existe chez l'homme sain en général, nous voyons
que :
l°La quantité d'azote est diminuée;
2° La quantité d'acide phosphorique total est normale ;
3° La quantité d'acide phosphorique uni aux terres est aug-
mentée ;
4° La quantité d'acide phosphorique uni aux alcalis est di-
minuée.
Par conséquent, chez Gib..., l'élimination de l'azote et de
l'acide phosphorique diffère de l'état normal par les trois points
suivants :
a) Diminution de l'azote ;
b) Augmentation de l'acide phosphorique uni aux terres ;
c) Diminution de l'acide phosphorique uni aux alcalis.
Ajoutons encore, pour rendre plus précis les résultats qui
précèdent, que l'état mental de Gib... restant le même, nous
avons examiné à plusieurs reprises les urines de ce malade :
au mois de septembre 1880, pendant unepériode de huit jours ;
au mois d'octobre 1881, pendant une période de quatre jours;
au mois de mars 1883, pendant une période de quatre jours;
et que, dans tous ces cas, nous avons toujours trouvé des
modifications semblables à celles de mai 1880, mars et avril
1881.
Cette influence de la lypémanie sur l'élimination de l'acide
phosphorique, nous la retrouvons la même que chez Gib...,
chez les autres lypémaniaques que nous avons observés; ainsi
dans les trois cas suivants, dont nous ne ferons qu'indiquer
les résultats généraux
Bis... atteint de lypémanie avec tendance au suicide, rend
en moyenne par vingt-quatre heures pendant la période station-
naire de la maladie :
Azote, t î,32 ; acide phosphorique total, 1,74 ; acide phosphorique uni
aux terres, 0,89; acide phosphorique uni aux alcalis, 0,S5.
Bar..., âgé de vingt-neuf ans, présentant les signes de lypé-
manie s'accompagnant à certains moments de stupeur, rend en
moyenne par vingt-quatre heures :
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 381
Azote, 19,33 ; acide phosphorique total, 1,83; acide phosphorique uni
aux terres, 1,71; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,12.
V..., trente-six ans, présente les signes delà lypémanie
rend en moyenne par vingt-quatre heures : .
Azote, 14,92; acide phosphorique total, 1.48; acide phosphorique uni
aux terres, 0,75 ; acide phosphorique uni aux alcalis, 0,73.
Les observations qui précèdent nous ayant donné des résul-
tats concordants, nous pouvons ce nous semble généraliser ces
résultats et dire que, dans la lypémanie :
1° Le chiffre de l'azote rendu par vingt-quatre heures est di-
7 ? lilzué;
2° Le chiffre de l'acide phosphorique uni aux terres est aug-
menté ;
3° Le chiffre de l'acide phosphorique uni aux alcalis est dinzi-
nué ;
4° Le chiffre de l'acide phosphorique total se maintient dans
les limites inférieures de la normale ou bien est faiblement di-
minué. -
Toutefois, pour que, dans la lypémanie, toutes les modifica-
tions qui précèdent se produisent, il faut que la maladie ait
une certaine intensité, sinon l'acide phosphorique uni aux
terres n'est pas augmenté; on ne constate que la diminution
de l'acide phosphorique uni aux alcalis et de l'azote '.
Interprétation des modifications produites par la lypémanie dans
l'élimination de l'acide phosphorique.
Les modifications que produit la lypémanie sur l'élimination
de l'azote et de l'acide phosphorique nous étant connues, nous
devons chercher à nous en rendre compte. Pour cela, rappro-
chons-les de celles que produit le travail intellectuel chez
l'homme sain. Nous synthétisons dans le tableau suivant ce
qui a trait à ce travail et à la lypémanie.
hiairet. - Goco cilalo, p. 184-iBG.
382 REVUE CRITIQUE.
Tableau X. -Comparaison entre l'influence qu'exercent le travail
intellectuel et la lypémanie sur l'élimination de l'acide phospho-
rique et de l'azote et sur les rapports qui existent entre ces su6s-
tances. ·
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 383
Idiotie et démence.
Nous serons bref sur l'influence qu'exercent l'idiotie et la
démence sur l'élimination de l'acide phosphorique. Nous indi-
querons seulement les conclusions qui se dégagent de nos re-
cherches.
1° Idiotie :
a) Lorsque l'idiotie est considérable, on constate une diini-
nution de l'azote, de l'acide phosphorique uni aux terres et de
l'acide phosphorique uni aux alcalis.
b) Lorsque l'idiotie est moins complète, le chiffre de l'acide
phosphorique et de l'azote est compris dans les limites infé-
rteures de la normale.
2° Démence :
La démence diminue l'élimination de l'azote, de l'acide phos-
phoriqueuni auxterres et del'acide phosphorique uni aux alcalis.
Si nous nous contentons de rappeler ainsi les conclusions
qui précèdent relativement à l'idiotie et à la démence, c'est que
les résultats que nous avons obtenus dans ces cas nous
donnent des résultats trop peu précis pour nouspermettre, en
nous basant sur ces états morbides, de nous rendre compte des
rapports qui existent entre l'acide phosphorique etles troubles
cérébraux. En effet, si ces résultats nous portent à penser que,
dans ces maladies, les échanges qui se passent au sein du système
nerveux sont ralentis, nous ne pouvons cependant établir ce
fait sur des bases scientifiques indiscutables. Mais il n'en est
pas de même en ce qui concerne la manie et la lypémanie.
Nous avons vu ces deux formes d'élimination modifier très
nettement ceséchanges et, par suite, nous pouvons dire comme
conclusion générale :
L'aliénation mentale modifie les échanges nutritifs qui se
passent au sein du système nerveux.
EPILEPSIE
Historique.
Les recherches relatives aux rapports qui existent entre
l'épilepsie et l'élimination de l'acide phosphorique sont peu
nombreuses. Nous nous contenterons de rappeler que Beale 1
1 Beale. Loco. citato, p. 220.
384 REVUE CRITIQUE.
et Mendel' ont trouvé, sous l'influence d'attaques épileptiques,
épileptiformes et apoplectiques, une augmentation de l'acide
phosphorique éliminé par les urines et que Külin 1, au contraire,
n'aurait pas constaté cette augmentation. Nous insisterons
toutefois davantage sur les recherches de Lépine et Jacquin 3.
Dans un travail intitulé : Excrétion de l'acide phosphorique
pai, 1'î(i,iîze dans ses rapports avec celle de l'azote, .travail con-
sacré à des recherches sur les maladies du système nerveux,
Lépine et Jacquin étudient non seulement l'élimination de
l'acide phosphorique total, mais encore l'élimination de
l'acide phosphorique uni aux terres et de l'acide phosphorique
uni aux alcalis; et, à ce pointde vue, ils arriventà des résultats
qui, sous beaucoup de rapports, sontconfirmatifs de ceux que
nous avons obtenus. Certaines des observations rapportées par
ces auteurs complètent même celles que nous avons recueillies
nous-même. Le fait principal qui se dégage de ces observa-
tions, c'est que les attaques d'épilepsie, les vertiges et même
les seules menaces d'attaques augmentent le chiffre de l'acide
phosphorique uni aux terres, tandis que dans ces cas lesphos-
phates alcalins sont peu influencés et peuvent même être di-
minués relativement à l'état ordinaire. Notons encore que
Lépine et Jacquin sont amenés à conclure que, sans l'influence
d'attaques d'épilepsie, le rapport entre l'acide phosphorique
et l'azote serait augmenté, tandis que dans l'intervalle des
attaques, ce rapport serait diminué.
Recherches personnelles.
Nos recherches sur l'élimination de l'acide phosphorique dans
l'épilepsie a porté sur des malades à l'état de repos, vivant
à l'asile, soumis au régime ordinaire de l'établissement etpré-
sentantun certain degré d'affaiblissement intellectuel.
Nous avons étudié, chez ces hommes, l'élimination de l'a-
cide phosphorique en dehors des attaques, l'influence des
attaques, et enfin pendant l'état de mal épileptique. Dans ces
divers cas, nos recherches ont porté sur un nombre de jours
assez considérable pour que nous puissions établir pour chaque
individu une moyenne d'élimination de l'acide phosphorique par
' Mendel. loco. citato, p. 660.
2 Ruhn. - Deutsch. Arch, für Klin., 1878, cite par Lépine et Jacquin.
3 Lépine et Jacquin. Sur l'excrétion de l'acide phosphorique etc. (Rev.
mens, de méd. et de chir., juin, septembre et décembre 1879.)
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 385
vingt-quatre heures nous permettant une étude comparative
facile. Nous avons observé ainsi sept épileptiques. Nous nous
contenterons de rappeler ici en détail l'expérience qui suit :
Tableau XI. Es..., 30 ans; épileptique, entré à l'asile le
il septembre 4880.
386 REVUE CRITIQUE.
Si nous établissons chez Es... le chiffre moyen d'élimina-
tion de l'acide phosphorique par vingt-quatre heures pendant
les jours où cet individu est à son état ordinaire, ades attaques,
ou bien est dans sa période épileptique, nous obtenons les ré-
sultats consignés dans le tableau ci-dessous :
T.V11LEAU XII
DE LA NUTRITION DU SYSTEME NERVEUX. 387
2° L'acide phosphorique uni aux terres est proportionnellement plus
augmenté que l'acide phosphorique uni aux alcalis, ainsi que
le 1 prouve l'augmentation du rappoit entre [ces deux acides :
48 p. 100 au lieu de 39 p. 100.
Les résultats qui précèdent, nous les avons obtenus sem-
blables dans tous les cas d'épilepsie que nous avons observés,
sauf la]diminution de l'acide phosphorique uni aux alcalis sous
l'influence des attaques. L'observation de Es... est la seule dans
laquelle nous ayons constaté cette diminution, dans tous les
autres cas, les phosphates alcalins étaient augmentés.
M..., vingt et un ans, épileptique, rend en moyenne par
vingt-quatre heures.
A l'état ordinaire :
Azote, 16,54 ; acide phosphorique total, 1,60; acide phosphorique uni
aux terres, 0,53; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,07.
Sous l'influence d'attaques : '
Azote, 19,77; acide phosphorique total, 1,96; acide phosphorique uni
aux terres, 0,70; acide, phosphorique uni aux alcalis, 1,26.
A..., trente ans, épileptique, rend en moyenne par vingt-
quatre heures :
A l'état ordinaire :
Azote, 17,47; acide phosphorique total, 1,96; acide phosphorique uni
aux terres, 0,47; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,49.
Sous l'influence d'attaques :
Azote, 22,26; acide phosphorique total, 1,29; acide phosphorique uni
aux terres, 0,73; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,56.
Pendant la période épileptique :
Azote, 20,34 ; acide phosphorique total, 2,20 ; acide phosphorique uni
aux terres, 0,53; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,67.
R..., cinquante ans, dément épileptique, rend en moyenne
par vingt-quatre heures :
A l'état ordinaire :
Azote, 15,33; acide phosphorique total, 1.32; acide phosphorique uni
aux terres, 0,42; acide phosphorique uni aux alcalis, 0,90.
Sous l'influence d'attaques :
Azote, 16,89; acide phosphorique total, 1,69; acide phosphorique uni
aux terres, 0,56; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,13.
Pendant la période épileptique :
Azote, 20,32; acide phosphorique total, 1,73; acide phosphorique uni
aux terres, 0,55; acide phosphorique uni aux alcalis, 1,18.
388 REVUE CRITIQUE.
Si on compare les résultats qui précèdent avec ceux que
nous avons obtenus chez Es..., nous voyons qu'il n'existe entre
eux qu'une seule différence portant, ainsi que nous le di-
sionsplushaut, sur l'acide phosphorique uniaux alcalis. Tandis
que chez ce dernier malade cet acide était diminué sous l'in-
fluence des attaques, il est augmenté dans les trois cas que nous
venons de rappeler.
Par conséquent, nous pouvons dire :
A. Sous l'influence des attaques et comparativement à l'état
ordinaire :
1° L'azote rendupar vingt-quatre heures est augmenté.
2° L'acide phosphorique uni aux terres est augmenté ; /
et cela proportionnellement plus que l'azote;
3° L'acide phosphorique uni aux alcalis est augmenté.
Une seule fois sur sept, nous n'avons pas vu se pro-
duire cette augmentation; ;
4° L'acide phosphorique total est augmenté.
B. Sous l'influence de l'état de mal épileptique :
10 L'azote rendu par vingt-quatre heures est augmenté;
2° L'acide phosphorique uni aux terres est augmenté;
3° L'acide phosphorique uni aux alcalis'est augmenté ;
- 4° L'acide phosphorique totales ! augmenté.
Si, d'un autre côté, on compare les résultats que nous avons
obtenus chez les épileptiques qui précèdent pendant l'état or-
dinaire, c'est-à-dire en dehors des attaques et de l'état de mal
épileptique, avec les résultats que nous afournisThomme sain
en général, on voit que pendant l'état ordinaire, l'élimination
de l'azote et de l'acide phosphorique n'est pas modifiée.
Interprétation des modifications produites par les attaques d'é-
Epilepsie et par l'état de mal épileptique sur l'élimination de
l'acide phosphorique par les urines.
A. Attaques d'épilepsie. Sous l'influence des attaques, l'a-
zote, l'acide phosphorique uni aux terres et l'acide phospho-
rique uni aux alcalis sont augmentés. Or, comme nous savons
que la nutrition générale influence dans le même sens ces diffé-
rentes substances, on serait tenté de rattacher leur augmenta-
tion à une suractivité de cette nutrition; mais, lorsqu'on
étudie les faits de plus près, on voit qu'il ne peut en être ainsi.
DE LA NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX. 389
D'abord l'acide phosphorique uni aux terres est proportion-
nellement beaucoup plus augmenté que l'acide phosphorique
uni aux alcalis et que l'azote, ce qui porte déjà à admettre que
l'augmentation des phosphates terreux a une autre origine que
la nutrition générale. En second lieu, les recherches de Lépine
et Jacquin nous ont montré l'acide phosphoriqueuni aux terres,
augmenté sous l'influence des vertiges, ou même simplement
sous l'influence de l'imminence des attaques, alors que les
phosphates alcalins et l'azote ne sont nullement augmentés.
Evidemment, l'augmentation de l'acide phosphorique uni aux
terres reconnaît une autre cause que la nutrition générale. Et
comme, d'une part, l'intervention du système nerveux ne peut
être mise en doute dans les attaques d'épilepsie, et que, d'autre
part, nos recherches nous ont montré que l'intervention de ce
système suractivé dans sa nutrition se traduit par une éléva-
tion dans le chiffre de l'acide phosphorique uni aux terres éli-
miné par les urines, nous sommes, par la force des choses,
amené à attribuer, en partie tout au moins, à une suractivité
de la nutrition du système nerveux les phosphates terreux éli-
minés en plus qu'à l'état ordinaire sous l'influence des attaques
d'épilepsie.
Inversement, l'augmentation de l'acide phosphorique uni
aux alcalis et de l'azote n'existant pas en dehors des attaques,
sous l'influence des vertiges et de l'état de mal épileptique,
c'est ailleurs que dans le système nerveux qu'il faut rechercher
son explication.
Or, les attaques d'épilepsie mettent en jeu l'activité du
système musculaire dans des proportions considérables, et
comme la mise en activité de ce système augmente l'azote et
l'acide phosphorique uni aux alcalis, nous sommes naturelle-
ment amené à rattacher au système musculaire l'augmentation
de l'azote et des phosphates alcalins, qu'on retrouve sous l'in-
fluence des attaques d'épilepsie.
Est-ce là la seule origine de cette augmentation ? Ne faut-il il
pas incriminer la nutrition générale ? C'est possible, mais nos
recherches ne nous permettent pas une démonstration rigou-
reuse de ce fait.
En résumé : 1° Les attaques 'd'épilepsie modifient l'élimina-
tioîz, par les urines, de l'azote et de l'acide phosphorique ; elles
augmentent celle élimination;
390 REVUE CRITIQUE. NUTRITION DU SYSTÈME NERVEUX.
2° Les attaques d'épilepsie suractivent les échanges en acide
phosphorique qui se passaient au sein de la substance ner-
veuse.
B. Etal de mal épileptique. Sous l'influence de l'état de
mal épileptique, l'azote, l'acide phosphorique uni aux terres et
l'acide phosphorique uni aux alcalis, sont augmentés, et cela
dans des proportions à peu près semblables, de sorte que les
rapports qui existent entre ces substances et l'état ordinaire ne
sont pas ou très peu modifiés. Par suite, nous devons nous
demander si la nutrition générale no doit pas être incriminée ;
mais lorsqu'on étudie comparativement ces modifications avec
celles que produisent les attaques d'épilepsie et l'agitation ma-
niaque, on arrive à faire jouer un rôle important au système
nerveux et au système musculaire dans leur production.
Ces différents faits établis, nous pouvons résumer comme
suit les rapports qui existent entre l'épilepsie et l'acide phos-
phorique :
1° Dans l'épilepsie, en dehors des attaques et de l'état de mal
épileptique, l'élimination de l'azote et de l'acide phosphorique
par les urines n'est pas modifiée;
2° Les attaques et l'état de mal épileptique augmentent l'éli-
mination de l'azote et de l'acide phosphorique; ils suractivent les
échanges qui se passent au sein du système nerveux.
Quant à l'hystérie, nous rappellerons seulement que nous
avons institué, comme pour l'aliénation mentale et l'épilepsie,
des expériences à l'effet de savoir si cette maladie modifie la
nutrition du système nerveux. Ces expériences encore trop
peu nombreuses et incomplètes ne nous permettent de for-
muler aucune conclusion.
Dans cette revue consacrée à l'étude de la nutrition du
système nerveux à l'état physiologique et pathologique, nous
avons dû, pour nous rendre compte de cette nutrition, faire
plus particulièrement appel à nos recherches personnelles. Il
nous parait inutile de reprendre les différentes conclusions
qui se dégagent de ses recherches ; nous avons eu soin, chemin
faisant, de les mettre suffisamment en relief. Nous rappellerons
seulement les points suivants :
1° Il est possible de pénétrer la nutrition du système nerveux
par l'étude de l'élimination de l'acide phosphorique ;
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 391
2° Si l'acide phosphorique se lie à lanutrition d'autrestissus
que le tissu nerveux, il se lie intimement à la nutrition de ce
dernier;
3° L'activité cérébrale et les maladies fonctionnelles du
système nerveux modifient la nutrition de ce système ;
4° L'activité cérébrale physiologique et pathologique retentit
sur la nutrition générale qu'elle ralentit.
Ces derniers points, modifications dans les échanges nu-
tritifs qui se passent au sein du système nerveux sous l'in-
fluence des maladies fonctionnelles de ce système, retentisse-
ment de l'activité cérébrale sur la nutrition générale, mérite-
raient de nous arrêter davantage au double point de vue
scientifique et pratique. Nous y reviendrons plus tard; nous
n'avons voulu pour le moment que les dégager de nos re-
cherches et les mettre en relief. (A suivre.)
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
XXV. DU MÉCANISME PSYCHIQUE DU DELIRE DANS LA VÉSANIE PRIMAIRE
(paranoïa, primcire Verrucktheit, des auteurs allemands); par
Rosenbach. (Messager russe, 1884.)
On sait que la psychiatrie allemande professait, jusque vers 1860,
que toutes les formes des maladies mentales ne sont que des pé-
riodes différentes d'un seul et même processus morbide commen-
çant toujours par une modification de la sphère affective
(mélancolie, manie), continuant à moins de guérison sous une
forme déterminée de délire pour finir par la démence. Telles
étaient, par exemple, les idées de Griesinger, qui les a développées
dans son livre classique. En 1863, Swell émit l'opinion que le
délire systématisé de persécution et de grandeur (délire chronique
de Magnan) peut se développer sans être précédé de période mé-
lancolique ou maniaque; Griesinger se rallia à cette manière de
voir et professa à la charité de Berlin que ces états morbides pou-
vaient surgir d'emblée (de là le nom de vésaiiiepi-in2ai7-c). A l'heure
qu'il est, certains auteurs, Westphal en particulier, n'admettent pas
du tout qu'un délire systématisé puisse être un état secondaire.
392 .REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. ,
On admet généralement que le délire chronique 1, laisse intac
l'appareil logique des malades. M. Rosenbach croit que c'est une
erreur; il est même d'avis que le délire chronique ne peut évoluer
que sur un fond de débilité mentale. Ce ne sont pas les halluci-
tions qui fournissent les éléments du délire, les idées délirantes
les plus bizarres surgissent spontanément et le fait même que
des illusions et hallucinations peuvent être interprétées par le
malade dans le sens de son délire prouve qu'il existe déjà une
certaine débilité mentale. Il est vrai qu'on voit souvent des gens
d'une instruction spéciale brillante devenir délirants chroniques;
cela ne prouve rien, à notre avis, puisque des gens occupant des
postes élevés et ayant reçu une belle instruction peuvent très bien
être des débiles. M. Rosenbach s'élève de même contre l'opinion
généralement répandue que, dans le cours d'un délire chronique,
les idées ambitieuses surgissent comme une conséquence logique
des idées de persécution. Cette manière de voir n'est pas, selon
M. Rosenbach, conforme aux faits cliniques. Il avance qu'une
analyse attentive des idées délirantes, des illusions et des hallu-
cinations dans le délire chronique prouvent le contraire, Qu'on
peut encore, au début de la maladie, retrouver les éléments des
deux espèces d'idées délirantes (persécution et ambition); le fait
même que le malade rapporte tout ce qui se passe autour de lui
à sa personnalité est déjà une idée de grandeur, quand même le
malade lui-même ne la considérerait pas comme telle. En général,
les idées de persécution ne sont pas nettement séparées des idées
ambitieuses qui viennent après, comme on le croit ordinairement,
et les deux espèces d'idées délirantes forment souvent un tissu
inextricable. BAJENOFF.
XXVI. Théorie physiologique DE l'hallucination; par A. BINET
et Ch. Récrié. (Revue scientifique, janvier z.)
Il existe un certain nombre de faits qui paraissent démontrer
que l'hallucination est produite par une excitation des centres senso-
riels. Parmi ces faits, on peut citer les suivants :
1° L'achromatopsie. M. Paul Richer a montréque. chez la plupart
des hystériques hypnotisées, il est impossible de suggérer
des hallucinations colorées par l'oeil achromatopsique; M. Binet a
pu vérifier que la même règle s'étendait à une hallucination
spontanée, chez une hystérique aliénée. Si l'achromatopsie, qui
est très probablement un trouble fonctionnel de l'écorce cérébrale,
met le même obstacle à l'hallucination qu'à la perception d'une
' C'est le terme propre de la terminologie française qui correspond à
la primare verrucktleeit ou paranoïa des Allemands. tN.-B. ) '
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 393
couleur donnée, cela tient vraisemblablement à ce que les deux
phénomènes, perception et hallucination, emploient le même
ordre d'éléments nerveux. En d'autres termes, l'hallucination se
passerait dans les centres où sont reçues les impressions des sens ;
elle résulterait d'une excitation des centres sensoriels.
20 Les phénomènes de contraste. M. Parinaud a observé que
l'hallucination d'une couleur peut développer des phénomènes de
contraste chromatique aussi bien, et même d'une manière plus
intense que la sensation réelle de la couleur. Si, par exemple, on
présente à une malade en état de suggestion une feuille de papier
divisée en deux parties par une ligne, et qu'on lui donne sur une
des moitiés l'hallucination du rouge, elle accuse sur l'autre
moitié la sensation du vert complémentaire. Or c'est précisément
ce qui se passe lorsqu'on regarde fixement un carton moitié blanc
et moitié rouge.
3, Les sensations subjectives. Toute hallucination d'une couleur
qui dure un certain temps laisse après elle, comme le fait une
sensation de la même couleur, une sensation consécutive de
couleur complémentaire. Ce phénomène, observé pour la première
fois par Gruithuisen, dans les images de ses rêves, peut être répété
facilement sur des hystériques hypnotisées. On montre à la malade
un carré blanc en lui suggérant qu'il est coloré en rouge, ou en
vert, etc. Puis on lui fait reporter les yeux sur un autre carré, au
centre duquel on a marqué un point pour immobiliser le regard ;
il suffit d'attirer l'attention de la malade sur le point noir pour
que spontanément elle s'écrie que le point est entouré d'un carré
coloré; et la couleur qu'elle indique est la complémentaire de
celle qu'on lui a fait apparaître par suggestion. Cette couleur
complémentaire est l'image négative laissée par l'hallucination
colorée; elle dure peu de temps, s'efface, seperd, meurt, comme
disent les malades ; elle a bien les allures d'une image négative
ordinaire.
Pour agir à coup sûr, il faut préciser par une comparaison la
couleur qu'on suggère; sans cette précaution, on obtient sou-
vent des résultats contradictoires. Si, par exemple, on se con-
tente de suggérer du « rouge », la malade peut se représenter
soit le rouge qui a pour complémentaire le vert, soit un rouge
orangé dont le complémentaire est le bleu. La réponse peut
donc varier suivant les cas, sans que la malade cesse d'être sin-
cère. Mais on arrive facilement à éviter ces variations en appor-
tant de la précision dans la suggestion de la couleur.
Il est à propos de rappeler à ce sujet qu'on retrouve des phéno-
mènes analogues dans la vision mentale des individus normaux.
L'idée persistante d'une couleur complémentaire, comme si c'était
une sensation réelle (Wundt) brillante, développe une image con-
394 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
séculive de couleur. Ces faits nous montrent le rapport étroit de
parenté qui unit la sensation, l'hallucination et le souvenir.
4° Mélange des couleurs imaginaires. Ce mélange donne des cou-
leurs résultantes qui sont conformes aux lois de l'optique. Que
par suggestion on colore une série de cartons blancs, et qu'on
apprenne à l'hypnotique à se servir d'une plaque de verre pour
porter l'image réfléchie d'un des cartons sur un autre, on verra
que la fusion des deux couleurs imaginaires produira la même
résultante que s'il s'agissait de couleurs réelles.
50 Phénomènes observés du côté de l'oeil. M. Féré a observé que,
dans le cas des lésions cérébrales et dans l'hystérie, il existe un
rapport constant entre la sensibilité spéciale de l'oeil et la sensi-
bilité de ses enveloppes. Ce rapport, prouvé par un grand nombre
de faits, paraît indiquer qu'il existe, dans des régions indéter-
minées de l'encéphale, des centres sensitifs communs aux organes
des sens et aux téguments qui les recouvrent. Or, les auteurs ont
constaté que, dans différentes circonstances, l'hallucination visuelle
produit une modification dans la sensibilité des téguments, ce qui
nous paraît rendre probable que l'hallucination visuelle intéresse
le centre de la vision. Ainsi, chez un sujet dont la cornée et la
conjonctive sont insensibles pendant la catalepsie, il suffit de pro-
voquer une vision imaginaire pour ramener la sensibilité des
membranes externes de I'oeil. Chez un autre sujet, l'hallucination,
en se prolongeant après le réveil, provoque une dysesthésie des
téguments de l'oeil qui dure exactement autant de temps que
l'hallucination. Enfin, chez une hypnotique, l'hallucination visuelle
unilatérale produit une dysesthésie localisée exclusivement dans
l'oeil halluciné.' H. G.
SOCIETES SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 29 décembre 1884. Présidence de M. FOVILLE.
M. le Président annonce à la Société qu'un de ses membres,
M. G. Ballet, vient d'être nommé médecin du bureau central.
Elections. Après élections, le bureau est ainsi composé pour
l'année 488. Présidezt : M. DAGONGT; vice-président, M. Mesnet;
secrétaire général : M. RITTI ; secrétaires annuels : MM. Charpentier
et Garnier.
Des troubles mentaux dans la sénilité précoce; par M. CHARPEN-
tier (V. p. 275).
M. Longer. L'une des causes de la sénilité, d'après M. Char-
pentier, est l'idée fixe ; cela ne me semble pas très rationnel, car
j'ai souvent remarqué, au contraire, que les gens à idée fixe tom-
baient moins facilement dans la démence que les autres. Dans
certaines professions, il y a une cause de sénilité précoce bien
connue ; c'est le changement brusque d'occupations. Un commer-
çant actif cesse-t-il tout à coup de s'occuper d'affaires qu'il n'est
pas rare de le voir tomber bientôt dans la décrépitude. Ces faits
ont une grande importance en médecine légale ; les hémiplégiques
devraient, à mon sens, entrer dans le cadre des séniles précoces.
M. LEGRAND nu SAULLE. Le directeur de la Dette inscrite me disait
un jour que la mortalité chez les officiers en retraite était de
22 p. 100 dans la première année. Je ne sais trop si je dois attri-
buer cette mortalité à une sénilité précoce ; ne reconnaîtrait-elle
pas plutôt la nostalgie pour cause ?
M. Foville demande si dans ce chiffre de 22 p. 400soutcomprisles
officiers atteints par la limite d'âge et ceux retraités pour infirmités,
ou bien s'il s'agit seulement des premiers ; dans la première hypo-
thèse, il n'y aurait rien d'étonnant à ce que la mortalité soit si
élevée, puisqu'elle frapperait une catégorie d'individus dont plu-
sieurs ont été mis à la retraite pour incapacité maladive.
396 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. LEGRAND du SAULLE. La statistique du ministère des finances
ne fait pas cette distinction.
M. Motet. Je suis très frappé de l'interprétation de M. Char-
pentier. On est ou on n'est pas un vieillard; si les malades qu'il a
observés sont jeunes, l'affaiblissement intellectuel prématuré est
la conséquence d'un état pathologique déterminé et non de la
sénilité. Il serait plus exact, en ce cas, de dire ce que sont des
individus chez lesquels l'aspect extérieur rappelle celui des
vieillards, mais ce ne sont pas des séniles précoces. Le plus souvent
cette catégorie de malades à laquelle a fait allusion M. Char-
pentier, est composée d'individus obtus par suite de poussées con-
gestives et particulièrement de vieux buveurs, dont la circulation
cérébrale est ralentie, et l'activité individuelle diminuée; cène
sont pas encore des déments, ce sont des lents. Quand ils
deviennent actifs, c'est qu'un trouble cérébral nouveau s'est pro-
duit. II n'y a donc pas matière à créer un groupe nouveau avec
les séniles précoces.
M. Charpentier. J'ai voulu surtout décrire ces gens qui, sans
troubles organiques apparents, autres que de la faiblesse muscu-
laire, présentent un affaiblissement intellectuel et ne sont cepen-
dant pas des vieillards. N'est-il pas légitime de les appeler des
séniles précoces puisqu'ils sont jeunes encore, et que cependant ils
ressemblent à des vieillards ?
M. Motet. Lasègue rapporte l'histoire d'un marchand de
vins qui, innocent d'un crime qu'on l'accusait d'avoir commis,
et emprisonné pour ce motif deux fois de suite, fut très indifférent
à sa seconde incarcération, alors qu'au contraire, la première
l'avait beaucoup frappé. C'est qu'il était sous le coup d'une
violente commotion morale qui avait déterminé une démence
rapide, comparable à celle dont nous parle M. Charpentier ; mais
là encore, il s'agissait de troubles cérébraux se traduisant par des
paralysies.
M. Charpentier. M. Lunier m'objecte que l'homme à idée fixe,
tombe rarement en démence, cette objection n'en est pas une
pour moi, car la démence ne se rencontre pas toujours chez des
séniles précoces.
M. LEGItAND du SAULLE. Un éminent magistrat de Paris me fit,
un jour, part des scrupules qu'il avait à condamner certains per-
sonnages ayant occupé autrefois les plus hautes fonctions, et
dont l'existence était des plus honorables avant la catastrophe les
amenant devant lui; il s'agissait, dans son esprit, de ces hommes
qui, arrivés à un âge avancé, compromettent leur crédit et leur
honneur, en prêtant leur nom à des sociétés financières véreuses.
Comme j'avais assisté à beaucoup d'interrogatoires de ces indi-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 397
vidus, je répondis au magistrat qu'il avait raison de les con-
damner. On ne doit pas voir en eux des séniles, mais des hommes
tombés, parce que n'ayant pas une fortune suffisante pour le rang
désiré, ils acceptent des fonctions très rétribuées en feignant de
les croire honnêtes.
M. Boucueiieau. La mortalité des retraités si élevée dans la
première année, n'a rien qui me surprenne, surtout chez les
officiers qui souvent ne cessent leurs services que pour cause
d'infirmités et même de maladies graves.
M. Magnan, sur l'invitation de M. Falret, donne communication
du mémoire qu'il a lu à l'Académie de médecine sur les ano-
malies, les aberrations et les perversions sexuelles chez les dégé-
nérés. Ces anomalies sexuelles sont si nombreuses, si variées,
qu'elles prêteraient à la confusion, si l'on ne faisait ressortir
leurs liens réciproques par une classification basés sur l'anatomie
et la physiologie. Les spinaux, qui forment le premier groupe,
sont réduits au réflexe simple; leur domaine se trouve limité à la
moelle, au centre génito-spinal de Büdge. C'est l'onanisme chez
l'idiot complet. Pour les seconds, les spinaux cérébraux postérieurs,
le réflexe part de l'écorce cérébrale postérieure et aboutit à la
moelle. La vue seule, l'image d'un sexe différent, quelles que
soient ses qualités, provoque l'organe vénérien. C'est l'acte
instinctif purement brutal. Un troisième groupe comprend les
spinaux cérébraux antérieurs. Le point de départ du rétlexe est
dans l'écorce cérébrale antérieure; c'est une influence psychique,
comme dans l'état normal, qui agit sur le centre génito-spinal ;
mais l'idée, le sentiment ou le penchant sont ici pervertis. Enfin
les cérébraux antérieurs ou psychiques, ce sont les extatiques, des
érotomanes.
La plupart des sujets présentant ces anomalies sexuelles offrent
d'autres syndromes épisodiques dans le cours de leurs observa-
tions ; ils ont des obsessions, des impulsions et des délires variés
à début rapide et à évolutions irrégulières. Les troubles intel-
lectuels de ces dégénérés, exercent une action tellement obsé-
dante, qu'ils annihilent la volonté et déterminent des actes que
celle-ci est impuissante à réprimer. C'est là, au point de vue
médico-légal une des conditions les plus importantes à relever.
C'est d'autant plus nécessaire que, malgré leurs apparences rai-
sonnables, ces malades, à la merci de leurs élans impulsifs, ne
sauraient être considérés comme responsables. Ce ne sont donc
pas de simples originaux, mais bien des psychopathes, de vrais
aliénés qui, sous tous les rapports, réclament l'assistance et l'at-
tention du médecin. M. B.
398 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du 26 janvier 1883. Présidence de M. DACONET.
AI. Foville, en quittant le fauteuil de la présidence donne lec-
ture d'un discours où il passe en revue les différents travaux de
- la Société pendant le courant de l'année 1884.
M. DAGONIdT, qui remplace M. Foville, annonce queM. le Dr Gou-
jon vient d'être élu sénateur et que M. Briand a été récem-
ment nommé médecin en chef à l'asile de Villejuif. Il remercie
aussi en termes élevés la Société qui l'a choisi pour succéder à
M. Foville, et lève ensuite la séance.
Elections. M. le président donne lecture d'une lettre de M. Mesnet
qui s'excuse de ne pouvoir accepter les fonctions de vice-président.
Il est aussitôt procédé à un nouveau scrutin et le nom qui sort de
l'urne est celui de M. Semelaigne, qui est nommé vice-président
pour l'année 1885. M. B.
Séance du 23 février 1883. Présidence DE M. DAGONET.
M. LEGRAND du SAULLE donne lecture du rapport de la commis-
sion des finances.
Prix Ilel7aomne. Après discussion, il est décidé que, pour l'an-
née 1883, ce prix, d'une valeur de 1,200 francs, sera accordé au
meilleur travail relatif à l'idiotie, et de préférence aux lésions
anatomiques des centres nerveux dans l'idiotie.
Pria; Moreau de Tours. Ce prix, d'une valeur de 200 francs, sera
décerné au mémoire le plus méritant sur n'importe quel sujet de
pathologie mentale.
A la suite des rapports de MM. Christian et Garnier, MM. Camu-
set et Mairet sont nommé membres correspondants.
M. Motet, qui, dans la précédente séance, a fait hommage au
nom de M.Miraglia, de Naples, d'une intéressante étude médico-
légale sur un drame dont l'épilogue s'est terminé devant un
conseil de guerre, donne en ces termes, l'analyse du mémoire de
M. Miraglia : « Le 13 avril 1884, dans la soirée, à la caserne de la
Pizzofatcon, habitée par le 19° régiment d'infanterie, quelques
soldats se disputaient. Le caporal Romoroni, craignant qu'ils n'en
vinssent aux mains, donna l'ordre de se taire au soldat Zanolletti,
et engagea le caporal Trovato à se retirer dans sa chambre. A ce
moment, entrait le soldat Inisdea qui, se tournant vers le caporal
Romoroni lui dit : « Qu'est-ce que cela veut dire, aller dans la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 399
chambrée ? Peut-être parce qu'il est Calabrais ? .) et, il le prit
par sa tunique tandis que l'autre cherchait à le calmer. Le soldat
Pietra Codara voulut s'interposer, il fut repoussé par Inisdea qui
lui dit : « Ne m'ennuie pas, parce que ce soir il me passe des
frissons par la tête, et je suis bon pour répondre à qui voudra se
mesurer avec moi, l'un après l'autre. » Alors Codara lui'donna un
soufflet, Inisdea chercha à s'armer de son sabre-baïonnette, mais
il fut retenu par le soldat Vincenzi qui lui prit les deux bras.
Inisdea prononça alors ces paroles « cadra, cette nuit je te
couperai la tête ».
Le soldat Codara informa de cette menace le sergent Cane,
déclarant que cette nuit-là, il ne coucherait pas dans iachambrée,
croyant Inisdea capable de faire ce qu'il avait dit. Le caporal
punit celui-ci de la prison. Inisdea, de plus en plus irrité,'s'écria :
« A moi qui ai été souffleté, la prison ? » Le calme s'étant rétabli,
Codara va s'asseoir sur le lit d'un de ses camarades, et se met à
parler avec d'autres soldats qui se' trouvaient là. Personne ne
s'aperçoit que Inisdea a traversé la chambrée, qu'il a pris son
fusil, qu'il s'est rendu à son lit, a tiré des cartouches de sa
giberne et qu'il a chargé son arme.
Quelques minules se passent, et l'on entend un coup de fusil
dont le projectile atteint le soldat Zanoletti, qui tombe à terre en
gémissant; un second coup atteint à la joue gauche le caporal
Pistone, qui, à ce moment, entrait dans la chambrée, et qui vit
Inisdea, le fusil abaissé; il faisait sombre, la seconde lampe s'élait
éteinte à la première explosion, les vitres étaient tombées en
éclals. Un troisième coup siffla derrière le soldat Vincenzi, qui
fuyait : Inisdea tira encore trois autres coups.
Le caporal Bona, le soldat Storti, et le soldat blessé Zanoletti,
marchant à quatre pattes sous les lits, cherchaient à atteindre le
fond de la chambrée; ils étaient à chaque instant arrêtés par les
coups de fusil qui se succédaient dans cette direction. Ils purent
cependant franL'hir le mur qui sépare la cinquième de la septième
chambrée. Dans le dortoir des sous-officiers ou logement, les
sergents Cane et Ra--iii de la cinquième compagnie (cachés ailleurs
pour le moment), le sergent Danesi de la sixième, le sergent Lani
de la septième, s'étaient réfugiés, le caporal Romorani, le caporal-
major Inorgilla et le soldat Inellara. Pendant que ces derniers
étayaient la porte sans serrure avec deux fusils et un manche à
balai, Inisdea criant cherchait a l'enfoncer; n'y pouvant parvenir,
il tire un coup de fusil dont le projectile traverse la porte, et fait
dans l'aine une blessure mortelle à Romorani, qui tombe à terre.
Danesi et Mozilla se cachent dans un coin après avoir éteint la
lumière; lllellara épouvanté gagne la fenêtre, et, après un instant
d'hésitation saute dans la cour. Inisdea pénètre dans la chambre,
400 SOCIÉTÉS SAVANTES.
demande au blessé Romorani où sont les sergents Cane et Ragni ;
et tire encore plusieurs coups dans la direction de leurs lits et
sort.
Courant à la recherche des sergents Cane et Danesi, et du soldat
Cadora, Inisdea tira encore plusieurs coups de fusil dans la direc-
tion des latrines et se dirigea vers une porte qu'il enfonça à coups
de crosse, puis il revint vers les latrines, où plusieurs soldats s'é-
taient réfugiés. Il donna l'ordre aux soldats siciliens et calabrais
de sortir un à,nu. A nette injonction, un soldat se jette dans la
fosse, suivi de deux autres. Inisdea décharge son arme, tue
Cari, un Sicilien et Ferrato, de Forli, qu'il avait promis d'épargner
parce que c'était un conscrit; malgré cette promesse, il fait un pas
en arrière, lui tire à bout portant un coup dont la balle traverse la
poitrine de Cari et va atteindre encore le soldat Cicarelli, qui tombe
mort. Les soldats Capello, atteint à la face, et Gay, grimpent à
une fenêtre, se tiennent un moment suspendus en dehors, leurs
forces les trahissent, ils tombent dans la cour; le premier se tue,
le second se blesse grièvement.
Inisdea tire encore dans toutes les directions en criant : « Sergent
Cane, Danesi, Gay et Condardi (qu'il savait absents du quartier),
sortez donc, je veux vous écharper », et il décharge d'autres coups
de fusil dans la direction de la chambre des sous-officiers et le
long du passage de la chambrée. 11 s'approcha du lit du caporal-
major Condari, qui n'était pas encore blessé et le suppliait de ne
pas le tuer; il lui ordonne de ne pas bouger, qu'il ne le tuerait
pas, parce qu'avec les autres il s'était délivré de ses frissons, qu'il
y en avait assez pour mettre dans les journaux.
Sur ces entrefaites, le sergent Sabry du sixième ; Berraghin et
le trompette Ciccarelli escaladant un petit mur, qui de laseptième
chambrée conduit près delà chambre où était Inisdea, l'aperçurent
et leur cria : « Qui va là ! 1 », et en même temps il tira dans leur di-
rection un coup de fusil qui atteignit Sabry au genou. Ciccarelli se
jeta à terre et, sans être vu, il passa sous un lit, et en rampant, il
arriva auprès de Inisdea et de Condari qui le suppliait; alors, sor-
tant de sous le lit, il se précipita sur le forcené qui tira encore un
coup de son arme, sans atteindre personne, etle frappa à la tempe
avec le canon. Alors à la lutte qui s'engagea entre eux trois, accou-
rurent des soldats, qui, à grand'peine, purent lier ce furieux qui
menaçait encore.
Il fut transporté au château de l'OEuf, et on le laissa garrotté
dans une cellule jusqu'au matin. Dans une demi-heure, il avait
tiré-cinquante-deux coups de fusil, il restait dans sa giberne une
cartouche qu'il avait dit à Condari avoir gardée pour lui-même.
Dans ce carnage, il y avait eu trois blessés, le caporal Romorani ;
les soldats Capella, Cari, Ciccarelli, Rollenyo, le Runi et Zinoletti
étaient morts.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 401 <
Transporté dans un cachot, Inisdea fut soumis le 22 mai à un
examen prolongé de la part des experts. L'accusation et la défense
avaient chacun les leurs. M. Miraglia nous montre Inisdea absolu-
ment indifférent à toutes les recherches faites sur lui avec le secours
des machines, des instruments en honneur dans l'école moderne.
La débilité mentale de l'accusé n'exclut pas l'astuce chez lui; il est
soupçonneux-, il a la vanité du mal. C'est un grand enfant, avec le
front bas, mal conformé, étroit au plus haut degré avec la région
temporale très large au-dessus, et derrière les oreilles, un léger
strabisme existe. Aux paroles qui pouvaient exciter ses appétits
sanguinaires, on le voyait rougir et s'agiter. Cependant, à un
moment, il pleure en disant que, se souvenant d'avoir été, il y a
quelques années frappé par son frère Miche), il l'aurait tué aussitôt
son retour à Girifalco. Lorsqu'on vint faire son portrait, il se
montre très joyeux, très vain d'avoir son image; il s'asseyaittran-
quillement; mais de temps en temps il s'agitait, il demandait àse
reposer. Puis, à peine quelques instants furent-ils passés, qu'il ac-
corda cinq minutes pour terminer son portrait, et ne consentit à
poser que si M. Miraglia se mettait devant lui la montre à la main.
Quand l'aiguille marqua la dernière des cinq minutes, il seleva
tout à coup en disant : « C'est fini, le portrait est terminé ». On
ne put le prendre que de profil, il ne voulait pas poser de face;
cela fut d'autant plus regrettable qu'on eût pu voir la malforma-
tion de la tête, dont la moitié droite était plus développée que la
moitié gauche ; l'asymétrie était évidente ; le diamètre horizontal
passant d'un conduit auditif à l'autre avait 'son extrémité droite
plus élevée que l'extrémité gauche. L'irrégularité des hémis-
phères cérébraux était révélée par un développement plus mar-
qué en sens contraire de la face dans la région crânienne posté-
rieure.
Au cours de l'instruction pendant les débats, il fut démontré,
comme l'avaient d'ailleurs établi les experts de la défense, que
Inisdea, depuis son enfance avait toujours eu un caractère desplus
difficiles; il était irritable, fantasque, naturellement sauvage et
cruel, il avait résisté à tout système d'éducation; grossier, incorri-
gible, il était de plus épileptique; la difformité et l'asymétrie delà
tête a toujours existé. Il appartient à une famille d'aliénés et d'é-
pileptiques. Quand on apprit dans son pays la nouvelle du meurtre
du 13 avril, on dit que c'était là un effet de son terrible caractère,
on eût pu ajouter aussi, et de ses prédispositions héréditaires.
M. Miraglia nous donne dans un tableau trop significatif, la géiiéa-
logie d'Inisdea. Sa famille, véritable type d'hérédité morbide,
compte treize membres, dont deux générations; presque tous
sont fous; la troisième génération commence par un individu obs-
cène.
* Archives, t. lU. 26
SOCIÉTÉS SAVANTES. IO3
L'accusation fut impitoyable : elle prit l'affaire par,son côté dra-
matique, elle fit appel à la sévérité de la cour au nom de la disci-
pline, au nom de l'exemple, et, rejetant dédaigneusementtous les
arguments des médecins experts, elle fit comprendre que l'accusé,
quelles que fussent les défectuosités de son intelligence, devait
expier un crime épouvantable. M. Miraglia, pour lequel l'énormité
du crime ne pouvait être un argument ni pour ni contre l'accusé,
cherchait ailleurs les éléments d'une appréciation scientifique. Il
montrait Inisdea épileptique sous la forme vertigineuse, ayant toute
sa vie présenté les troubles du caractère des épileptiques ; il in-
sistait sur les antécédents héréditaires établis de la manière la
plus précise, il faisait valoir l'importance de la malformation crâ-
nienne et cérébrale de cet homme, et protestait hautement contre
la prétention singulière de l'accusation de refuser d'admettre qu'on
puisse être un aliéné et s'exprimer d'une façon correcte, qu'on
puisse être un aliéné et faire preuve d'une préméditation et d'un
cynisme révoltant. Et, reprenant alors toute la vie d'Inisdea en
faisant ressortir toutes les excentricités, tousles actes de violence;
s'appuyant sur la déposition même des témoins dont la plupart,
qu'ils fussent à charge ou à décharge, reconnaissaient que Inisdea
était plus qu'une intelligence irrégulière, un impulsif dangereux,
il déclarait aliéné irresponsable l'homme qui avait tué dans un
accès de fureur pathologique.
Un seul point de l'argumentation de M. Miraglia, nous a paru
un peu trop laissé dans l'ombre. Qu'on ne prenne pas l'expression
de ce desideratum pour une critique : nous ne savons pas tout ce
qui s'est passé devant la cour, et peut-être a-t-il été fait nue allu-
sion plus accentuée, que nous ne l'avons trouvée dans la brochure,
à l'état d'Inisdea dans la journée du 13 avril.
11 est certain que cet homme avait bu du vin, du rhum à plusieurs
reprises dans la journée; qu'il était excité déjà quand il eut une
discussion avec un cocher, contre lequel il dégaina dans la rue;
qu'à son retour à la caserne, l'excitation alcoolique persistait, et
que l'altercation qu'il eut avec d'autres soldats, le soufflet qu'il
reçut, la punition qui lui fut infligée, exaltèrent encore des dispo-
sitions naturelles à la violence. Certes, s'il ne se fût agi que d'un
ivrogne vulgaire, arrivant au paroxysme de la colère, en vertu
seulement de l'excitation alcoolique amenée par les excès mani-
festement volontaires de la journée, nous nous sentirions peu
disposés à l'indulgence ; mais qui ne voit que l'alcool n'a fait
dans cette douloureuse aventure qu'apporter I*appareild'excitiLion
qui manquait pour faire d'Inisdea toujours violent, toujours
menaçant, toujours prêt à l'attaque, un impulsif incapable de se
maîtriser, obéissant sans résistance possible aux pires entraîne-
ments. L'accusation trouvait des arguments dans la longue durée
de la scène de carnage, même dans les propos de l'accusé ;
40 le SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Miraglia répondait que l'épileptique peut se comporter ainsi,
et il en donnait des exemples; au courant de notre littérature
médicale, c'est à nous qu'il demandait des preuves et il en trouvait
dans le cas de Miche), qui, en moins de vingt minutes, tuait six
personnes à coups de croissant à élaguer les arbres, et au nom de
la science, fort de l'appui que lui apportât M. MervHIe, avocat
général à la cour de Lyon, disait : « C'est plus encore par leurs
antécédents que par leurs discours que se révèlent certains aliénés.
Ce serait faire preuve d'une étrange fatuité, que de vouloir subs-
tituer sa propre appréciation aux témoignages des hommes qui
ont fait de l'étude de la folie l'objet des travaux de toute leur vie. »
Inisdea, malgré de courageux efforts, fut condamné et fusillé.
La discipline militaire y aura-t-elle gagné beaucoup, et la mort
d'un malheureux aliéné aura-t-elle servi à réprimer les rebelles à
la discipline, ouïes aliénés comme lui ? Il est permis d'en douter...
Il y a quelques jours à peine, dans des conditions qui paraissent à
peu près analogues, un soldat italien a tué quatre de ses cama-
rades. Aussi partageons-nous les sentiments de tristesse que la
mort d'Inisdea inspire au médecin qui a vécu de si longues
années au milieu des aliénés, qui les connaît si bien, et qui n'a pu
réussir à arracher au piquet d'exécution un malheureux fou qu'il
considérait comme irresponsable.
Nous savons bien, messieurs, que lorsqu'il s'agit de juger à dis-
tance, il faut se garder de se laisser prendre par des sentiments
de compassion qui parfois peuvent égarer; mais, dans l'espèce,
nous avons devant nous un de nos collègues dontnous connaissons
la vie laborieuse; il est venu spontanément soumettre à nos ap-
préciations la conduite qu'il avait cru devoir tenir ; il semblaitnous
dire : Voilà ce que j'ai fait, voilà les données scientifiques sur les-
quelles j'ai essayé d'arracher à la mort un homme que je croyais
irresponsable. Jugez-moi à votre tour.
J'ai pensé, messieurs, que votre jugement adoucirait pour
M. Miraglia l'amertume d'une défaite après un combat généreux,
et je vous remercie en son nom, de m'avoir permis de mettre sous
vos yeux son intéressant travail.
M. DAGONET. M. Miraglia a eu raison de conclure à l'irresponsa-
bilité; j'ai eu moi-même dans mon service un aliéné du nom de
Bosquet, qui tua son capitaine dans des conditions à peu près
identiques; il passa en conseil de guerre, et Sédillot établit l'irres-
ponsabilité pour cause de folie. Malgré cela et pour l'exemple,
Bosquet fut condamné à mort; puis, en attendant le résultat d'un
recours en grâce, il fut interné à l'asile de Stephansfeld, où il
mourut bientôt de pneumonie caséeuse. De semblables rigueurs
n'empêcheront point les aliénés de devenir meurtriers.
M. MoREAU (de Tours) donne lecture de l'analyse d'un travail du
SOCIÉTÉS SAVANTES. 405
docteur Solivetti, sur un nouveau traitement des convulsions
hystériques.
M. Legrand du SAULLE communique huit observations d'enfants
devenus épileptiques après avoir vu le cadavre d'un de leurs pa-
rents. Il rappelle aussi l'histoire d'une malade de la Salpêtrière,
quia eu déjà plusieurs milliers d'attaques consécutives. Cette femme,
dont l'hystérie n'est aujourd'hui douteuse pour personne, vient
d'avoir en quelques semaines plus de dix mille attaques.
M. FALHET demande qu'on mette à l'ordre du jour la discussion
sur les signes physiques intellectuels et moraux des folies hérédi-
taires, cette question générale découle tout naturellement de la
dernière communication de M. Magnan. '
SI. Magnan. Je crois aussi qu'il faut étendre la discussion à tous
les signes de dégénérescences héréditaires, car les aberrations
sexuelles dont je vous ai donné des exemples n'embrassent qu'un
des côtés d'une grande question. Dans une discussion générale à
laquelle nous consacrerions plusieurs séances, chacun de nous
pourrait indiquer des faits et peut-être des signes nouveaux de
folie héréditaire.
En procédant ainsi par l'analyse, on pourrait plus tard synthé-
tiser la question et lui donner toute l'ampleur qu'elle comporte.
Marcel Bmartn.
XVIII- CONGRÈS DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DES ALIÉ-
NISTES DE LA BASSE-SAXE ET DE WESTPHALOE 1
SESSION DE HANOVRE
Séance du 1 er mai 188 1.
M. Snell est élu président. Secrétaire : M. TANNEN.
Communication de M. SNELL senior : Démence paralytique co) ! -
S(;c ! << ? M('t<' ! H<OOEtC([<tonM< ! it'n ! Mf. Si l'on a signalé fréquemment
des phénomènes paralytiques d'origine saturnine, il est rare qu'on
ait publié des observations dans lesquelles la démence paraly-
tique de pareille cause ait eu sa sanction anatomo-pathologique
Voir Archives de Neurologie, t. IX, p. 122.
.06 SOCIÉTÉS SAVANTES.
caractéristique. Signalons toutefois les cas de Jules Falret.
(Recherches sur la folie paralytique et les diverses paralysies géné-
)'(t<c4'. Paris, 1853); Devouges (Ue la paralysie générale d'origine
saturnine. Annales médico-psychologiques. Série 111, t. III, p. 54);
Boettger et de Gellliorn(Allg. Zeitscler. f. Psych. t. XXVI, p. 224);
deMonakow (Ai-eh. f. Psych. und Nervcnkkhln, t. X, cah.2) ; Bar-
tens (Geisteskzvozhheit nach Bleiver31fluzzg. Allg. Zeitsch. f. Psych.
T. XXXVII); Ullrich (Allg. Zeilsch. f. Psych. T. XXXIX)1. Mais, en
somme, il existe jusqu'à ce jour peu de faits indubitables de
paralysie générale à la suite de l'intoxication saturnine=. En voici
un, observé l'an dernier à l'asile de llildesheim. Il s'agit d'un
homme de trenle-cinq ans, indemne de prédisposition psychopa-
thique héréditaire, laborieux, marié depuis six ans, ayant trois
enfants sains et vivant dans des conditions sociales assez heu-
reuses. Appartenant depuis quatre ans et demi à une fabrique de
produits chimiques, il était, dans ces trois dernières années,
chargé des diverses préparations de plomb; il y a dix-huit mois
qu'il s'occupe du four à plomb et de dessécher la litharge. A la
suite de différents accidents saturnins, il prit quelques précautions
consistant notamment à porter de la ouate devant les olifices
buccal et nasal. Il était, depuis un an, en proie à des troubles
digestifs (plusieurs selles la nuit) ; incertitude de l'écriture devenue
illisible; parole hésitante avec achopement syllabique; disparition
complète des fonctions sexuelles ; tremblement des mains (im-
possibilité de tenir sa fourchette); démarche mal assurée, faible
réaction et fréquemment inégalité des pupilles; émoussement
très accusé de la sensibilité cutanée; vertiges fréquents; convul-
sions des muscles des bras etdesjambes survenant par accès diurnes
(2 heures au maximum) ou nocturnes (novembre); malaise très
prononcé ; sensation de piqûres dans le côté gauche et vomisse-
ment d'un sang épais foncé; rien dans la poitrine ni dans les
organes de l'abdomen ; liseré bleu-noir du bord gingival ; les
facultés mentales baissent de plus en plus ; la mémoire est telle-
ment obtuse qu'il ne se rappelle plus les noms de ses voisins, qu'il
est incapable de comprendre les rapports les plus simples et qu'à
la plupart des questions il répond par un sourire d'idiot (démence
progressive sans délire ni agitation). L'examen révèle de l'méga-
lité pupillaire (la pupille de gauche est la plus large), de l'absence
de réaction de l'iris à la lumière, un liseré gingival bleu-gris, du
tremblement de la langue, une grande incertitude dans les mou-
vements des mains et des pieds (projectionsbrusques à la manière
d'une fronde) ; une démence extrême (le malade est incapable
de dire d'où il vient, où il se trouve, etc.); une extinction presque
' Voir Archive;, de Neurologie, t. VI, p. H7.
Id., t. 111, p. 247, ' .
SOCIÉTÉS SAVANTES. 407
complète de la mémoire ; un certain degré d'agitation la nuit,
qui le pousse quelquefois à abandonner son lit et t se promener
en rond, sans idées délirantes ni hallucinations. Au milieu de
février, survient un accès vertigineux à la suite duquel, pendant
quelque temps le corps penche à droite ; grincements de dents,
accroissement progressif des phénomènes paralytiques (impossi-
bilité de se tenir debout, d'aller et venir, chutes). Un traumatisme
facial consécutif à une chute provoque un double érisypèle qui,
de concert avec une bronchite catarrhale, accélère la mort le
18 mai, après trois mois et demi de séjour à l'établissement.
Nécropsie. Pas d'altérations de la nutrition, à part quelques acci-
dents du décubitus; une cuillerée à soupe d'un liquide clair dans
le péricarde; myocarde brun-jaune, de consistance flasque et
molle ; un peu d'épaississement sur les bords de la mitrale;
sécrétion muco-purulente des bronches; 1>ronchio-pneumonie du
lobe inférieur droit; nombreuses ecchymoses pleurales (plèvre
viscérale); athéromasie modérée de l'aorte thoracique; surcharge
graisseuse du foie; légère dégénérescence graisseuse des reins;
épaississement et congestion des parois du crâne. L'encéphale
pèse 1,400 grammes. Epaississement des méninges molles qui
partout adhèrent à l'écorce de circonvolutions étroites; substance
grise pâle ; anémie de tout l'encéphale; forte dilatation des ven-
tricules latéraux dont l'épendyme estépaissi et granuleux, surtout
danslequatrième ventricule. En somme, altérations que l'on trouve
presque continuellement dans la démence paralytique à son état
de parfait développement et, cliniquement, paralysie générale,
sans mégalomanie, sans euphorie, sans présomption, caractérisée
par une graduelle démence.
hiscussion :
M. Ditthab. Dans les cas de ce genre, on devrait pratiquer
l'examen électro-diagnostique du malade. On trouverait les mo-
difications relevant de l'intoxication saturnine.
M. HESSE. Gheel et sa colonie d'aliénés. Gheel est constituée par
une petite ville située dans la province d'Anvers, entourée d'un
certain nombre de villages d'importance variable, dont l'en-
semble est connu sous le nom de la Campine. Elle occupe la partie
nord-est de la province en question et la partie nord-ouest de
celle de Limbourg. C'est un terrain stérile, sablonneux, alternant
de temps à autre avec des bois de sapins qui forment la ligne de
partage des eaux entre la Meuse et l'Escaut. A une heure au nord
de Gheel, on rencontre un canal qui unit la Meuse à l'Escaut; au
sud, coule la grande Nèthe qui, avec la petite Nèthe, appartient
au système fluvial de l'Escaut. La population de Gheel est, comme
celle du nord de la Belgique, d'origine flamande ; c'est le flamand
qu'elle parle, le français n'étant presque pas compris des classes
M8 SOCIÉTÉS SAVANTES.
inférieures. Gheel même compte 3,052 habitants; ses rues, larges
et belles, se composent de grandes maisons construites avec un
certain luxe et respirant le bien-être, la propreté, le confort.
Depuis deux ans, le chemin de fer y conduit : c'est celui qui, après
avoir passé à Aachen, Reydt, Voldrop, Heerenthals, se rend à
Anvers.
La zone entière dont Gheel est le pivot, le noyau, comprend
z10,000 habitants catholiques, trouvant dans l'agriculture des res-
sources peu lucratives. Aussi est-ce de tradition que l'on soigne
des aliénés dans les familles, ces soins formant en somme la res-
source du pays. Quant à remonter à l'origine réelle de la colonie,
cette tâche n'est guère possible. On se heurte d'emblée à une
fable légendaire, celle de la fille d'un roi d'triande qui, vers
l'an 600, y vint avec son bien-aimé pour fuir les persécutions
paternelles, y fut découverte et tuée avec ce dernier par son propre
père. Ce martyrologe lui valut la réputation de sainte ; on cons-
truisit en son honneur, au xiii, siècle, une église existant encore
aujourd'hui, où elle est honorée et priée; le peuple lui attribue
le pouvoir de guérir les aliénés ou, si l'on préfère, les possédés.
L'opinion vulgaire est encore que l'homicide ne fut commis par le
père que dans un accès de délire. Toujours est-il que depuis cette
époque des légions de malades ont été amenées en cette région
de tous les pays. Or, comme l'exorcisme exigeait souvent un
long temps, il fallait séjourner et se faire héberger par les habi-
tants. C'est ainsi que peu à peu se forma la colonie de Gheel.
Voilà pourquoi aussi, à l'origine, des prêtres seuls s'occupaient des
aliénés. Peu à peu, mais lentement, ce soin passa à l'Etat.
En 1850, fut promulguée la loi belge sur les aliénés; la colonie
bénéficia des dispositions d'ordre, d'observation scientifique,
d'examen médical, de traitement systématique, de réglemen-
tation, de répartition hygiénique contenues dans le texte en
question.
Au début du siècle, il y avait, à Gheel, 400 malades, actuelle-
ment il en existe 1,600. Au 4 el septembre 1882, le recensement
pour les malades atteignait au chiffre de 1,642 aliénés dans le
domaine entier, dont 806 hommes et 836 femmes. Le chef-lieu
seul, la ville de Gheel, hébergeait 800 malades, soit un malade par
quatre habitants. Depuis 1802, il existe une infirmerie de cons-
truction récente, élevée a la dignité d'asile central fermé, devant
recevoir au maximum 80 malades; le jour de la visite deM. liesse,
il y avait là 31 hommes et 24 femmes sous la surveillance de cinq
gardiennes (soeurs catholiques). C'est là qu'habitent le médecin en
chef de tout le domaine, ainsi qu'un secrétaire, placé sous les
ordres de celui-ci, et chargé de l'économie de l'établissement.
Cette infirmerie, un peu petite, mais ne laissant rien à désirer
(éclairage, aérage, dortoirs, jardins, sections destinées aux gâteux)
SOCIÉTÉS SAVANTES. 409
comme soins médicaux et hygiéniques, est réservée au seul mé-
decin en chef.
La colonie tout entière, y compris l'établissement central, est
placée sous l'autorité du ministre delà justice, ministre qui a éga-
lement sous ses ordres l'inspecteur général (administrateur et non
médecin) de tous les établissements belges. Cet inspecteur général
est le chef direct du médecin en chef. Il existe aussi une commis-
sion de surveillance composée du gouverneur de la province
d'Anvers, du procureur pies le tribunal de Turnlioul, du commis-
saire de l'arrondissement de Turnhout, d'un médecin nommé par
le gouvernement, du bourgmestre, du pasteur et d'un ou de deux
membres de la commune de Gheel. Cette commission nomme un
comité permanent de cinq membres qui, sous la présidence du
bourgmestre, choisit les nourriciers, surveille le paiement des pen-
sions et tous les comptes, préside à l'encaissement et au rembour-
sement des pensions; c'est à ce comité que le médecin en chef
propose les meilleurs nourriciers, mais le médecin en chef seul
choisit les malades à confier aux gens choisis par le comité. Jus-
qu'alors le maximum des nourriciers dans le domaine de Gheel a
été de 1,000 (désignés ou approuvés), chacun ne doit avoir que
deux malades, la colonie entière ne dépassant pas jusqu'ici
2,000 aliénés; chaque maison ne doit héberger que des aliénés
du même sexe.
La commune totale de Gheel est divisée en trois sections dont
le noyau est Gheel. Deux sections au nord sont séparées l'une de
l'autre par la roule départementale de Gheel à Turnhout. Une
section au sud enferme Winkeloomsheide; ce lieu est depuis
trente ans seulement affecté aux aliénés, tandis que l'endroit
voisin, Sleeleu, sert depuis six siècles au même but.
Superficie totale de toute la colonie = 10,S;i3 beclares; la plus
grande longueur, du nord au sud = 18,120 mètres; la plus
grande largeur, de l'est à l'ouest = l 3,612 mètres; la circonfé-
rence est de 6,300 mètres.
Quatre médecins, y compris le médecin chef, visitent et traitent
les patients; il existe quatre gardiens de sections ayant pour mis-
sion de parcourir leur section chaque jour et d'y veiller à l'obser-
vation, à l'exécution des ordonnances et prescriptions médicales,
de signaler au médecin en chef toute irrégularité parvenue à leur
connaissance, d'amener aux nounicieis les malades qu'on leur
destine, de collaborer à la réintégration des evadé. Tout le per-
sonne), médecins ou surveillants, habile a Gheel même. Le mé-
decin en chef est logé à l'infirmerie; il a un traitement de 4,500
francs et doit visiter deux fois par au tous les malades. Les médecins
de sections, subordonnés au médecin en chef, doivent visiter une
fois par mois au moins les malades de leur section; traitement :
410 SOCIÉTÉS SAVANTES.
2, .100 francs. Les nourriciers sont divisés en nourriciers proprement
dits (liostgevers) et hôtes (veerden) ; aux premiers incombent les
malades des classes sociales inférieures, aux derniers les malades
des classes sociales élevées (pensionnaires). L'Etat a les malheu-
reux à sa charge; sur les prix de pension des autres, il faut que
les hôtes versent à l'Etat Il p. 100 dont 10 p. 100 pour le traite-
ment médical, 1 p. 100 pour l'administration. Le taux du prix
de pension est abandonné à la conciliation des parties intéressées
(parents et hôtes). Les malades, ceux qui sont confiés à des nour-
riciers comme ceux qui sont traités à l'infirmerie, se décomposent
en trois divisions ou classes : aliénés propres, demi-gâteux,
gâteux. La première catégorie paie à l'Etat 82 centimes par
jour; la seconde, 92 centimes; la dernière, 4 fr. 10. Les nour-
riciers reçoivent, pour un malade propre, 220 francs par an;
pour un demi-gâteux, 270 francs; pour un gâteux complet,
315 francs.
Les malades à envoyer à la colonie sont choisis par les direc-
teurs des autres établissements fermés d'aliénés belges qui les
signalent et les adressent au médecin en chef. Cette colonie n'est
faite que pour des chroniques, à l'exception des maniaques et des
aliénés ayant de la tendance au suicide. Après examen et quand
il y a lieu, le médecin en chef exclut de la colonie ceux qui cons-
tituent une gêne, mais il leur faut pour cela entrer en relations
avec les directeurs des établissements fermés, jusqu'à ce que l'un
d'eux se déclare prêt à reprendre les malades en question. Tout
arrivant est reçu à l'infirmerie; il y est observé pendant cinq jours,
puis, il est, d'ordinaire le jeudi, adressé au nourricier choisi pour
lui. L'infirmerie garde encore ceux que l'on ne destine pas aux
soins domestiques et les malades atteints d'affections somatiques.
Le directeur peut aussi procéder à des admissions directes, et
même faire mettre en traitement dans les familles des cas aigus,
à son gré. On ne s'inquiète pas, pour l'évacuation dans les familles,
du lieu de séjour, on examine simplement le nourricier à qui on
confie l'aliéné; une exception cependant à l'égard du village
d'Elsum, situé à l'ouest de Gheel, où l'on envoie exclusivement
des idiots. Chaque nourricier possède un petit livre sur lequel
sont exactement consignés les prescriptions, le nom du médecin
visiteur, le jour et la date de sa visite ; on y ajoute un inven-
taire.
Répartition locale. Gheel même abrite 800 aliénés, soit 50
p. 100, dont 150 pensionnaires. L'église consacrée à la sainte est
flanquée d'un petit édifice renfermant trois ou quatre chambrettes
étroites, parcimonieusement éclairées, dans lesquelles étaient
enfermés les malades soumis à l'action de la sainte pendant neuf
ours; on ne leur ménageait pas les appareils de coercition. Ce
SOCIÉTÉS SAVANTES. 411 I
culte, ou plutôt la croyance populaire s'est perpétuée jusqu'à
nous. Confortable suffisant des habitations des nourriciers,
excepté pour les malades dont les prix sont peu élevés; il faut, il
est vrai, faire la part de la forme de la maladie (aliénés destruc-
teurs, par exemple), mais il n'y a pas d'excès de bien-être. Peu de
restraint. Entretien suffisant et en particulier alimentation conve-
nable. Occupation des aliénés, quand cela se peut (fuseau, tricot,
dentelle). Chambres à coucher peu parfaites, mais remplissant le
gros des exigences. Bon aspect des nourriciers; ils paraissent
intelligents; les femmes sont particulièrement actives; il semble
que ces gens soient nés gardiens etinfhmiers d'aliénés. Somme
toute, bonne impression.
. Quant à cette partie de la colonie qui n'a que trente ans d'exis-
tence, quant à Winlzeloomslieide, l'observateur en emporte une
impression pénible, fâcheuse. Les routes insuffisantes, à peine
frayées, mal entretenues, difficilement accessibles, même en
été, conduisent à des habitations disséminées, basses, à rez-
de-chaussée, couvertes de chaume; au centre brûle a feu ouvert uu
foyer empestant le logis. Les malades sont confinées dans des
chambres éclairées par une petite fenêtre grillée, dont le sol,
tout en briques, présente, sur un des côtés, une déclivité de pavés
où arrive l'eau destinée à laver parterre. Les lits sont des plus pri-
mitifs ; ce sont des caisses en bois ordinaire contenant une pail-
lasse, un drap, un oreiller en paille, deux couvertures de laine.
Les malades, pendant le jour, se tiennent auprès des nourriciers,
travaillent avec eux, ou s'assoient en commun dans les salles de
jour infestées; absence d'ordre, de propreté, de terrain de cul-
ture suffisant; nourriture trop peu abondante, consistant par
exemple en un pain de seigle et de son grossier. Deux maisons à
peine font exception à la règle.
Les autres régions situées plus à l'ouest, où l'on soigne des alié-
nés depuis des siècles, offrent des conditions beaucoup plus favo-
rables, quoique la disposition des habitations laisse encore bien à
désirer. La plus voisine de Winkeloomsheide, c'est le village de
Steelen. On y traite des malades depuis 600 ans. C'est la que les
soins dans les familles ont acquis le degré de développement et
d'organisation le plus favorable, c'est là que, comme à Gheel
même, les nourriciers paraissent avoir l'intuition innée de leurs
fonctions. Le malade fait corps avec son gardien ou inversement
d'où un traitement domestique parfaitement ordonné et des avan-
tagescotisidérables pour les aliénés, du moins pourles chroniques.
De conceit avec Gheel, cette station forme un grand asile-hos-
pice.
1 SOCIÉTÉS SAVANTES.
CHIFFRES EMPRUNTÉS AU RAPPORT DU MÉDECIN EN CHEF, LE D'' PEËTEKS.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 413
tiori en est-il ainsi dans les locaux défectueux de Gheel. Seul
l'établissement fermé permet de tenir la main à toutes les condi-
tions indispensables pour le traitement de semblables malades. 11
n'est pas de médecin qui n'ait vu des malades apportés du sein
des familles complètement gâteux, devenir complètement propres
par un traitement convenable, incessamment surveillé dans un
asile clos;
6° Choisir avec rigueur les malades à introduire dans les
familles; en exclure systématiquement les manies chroniques,
les sexuels, les aliéné ? dangereux pour la sécurité publique, les
paralysés généraux, les galeux;
7" Choisir mieux les nourriciers. Il faudrait qu'ils jouissent d'un
certain bien-être, d'une existence bien ordonnée, qu'ils n'atten-
dissent pas le paiement de la pension de leurs malades pour vivre.
A Gheel, malgré les règlements formels, on a confié des aliénés
à des familles trop besogneuses. Voyez plutôt Winkeloomsheide.
Delà le désordre, la saleté, le défaut d'attention. A midi, par
exemple, on trouvait encore des malades aulit; peu de lits étaient
faits, le ménage n'était pas soigné ;
8° Un nombre infiniment petit de lits remplissent les indica-
tions réglementaires;
9° Les règlements attribuent à la participation de l'aliéné aux
repas des nourriciers un minimum hebdomadaire de 3 kilog. 500
de pain de froment ou de grains mélangés, de 1 kilog. de viande.
La commission laisse aux nourriciers la fixation du minimum de
beurre et de légumes, se réservant une détermination spéciale
en certains cas. Malheureusement, généralement la mise en vigueur
de ce règlement est absolument insuffisante ; du reste, avec la
meilleure volonté du monde, les familles pauvres ne sauraient le
remplir complètement (voy. Winkeloomsheide) ;
Winkeloomsheide, Gheel notamment, comporte une opinion favo-
rable. De cette diversité provient la diversité dans les apprécia-
tions des visiteurs qui n'ont pas visité le territoire entier de la
colonie. Celui qui a tout vu sans parti pris pense que le soin des
aliénés dans les familles, tel qu'on le pratique à Gheel, a une
réelle importance, un grand avenir, à la condition expresse qu'on
exécute les réformes que nécessitent les temps modernes. Est-ce
à dire qu'il représente un mode de traitement partout justifié,
partout parfait, qu'il faille annexer à tous les établissements
d'Etat, qu'il soit appelé à remplacer les asiles ? Nullement. Il faut
le limiter à des cas particuliers bien déterminés et le pratiquer
lorsquelesconditionssontfavorables. Le choix desmalades et celui
des gardiens, priment toute considération. Comparé aux anciens
traitements des aliénés usités à l'époque où Gheel fonctionnait, ce
41 si SOCIÉTÉS SAVANTES.
genre d'assistance était merveilleux ; la Gheel d'aujourd'hui est
insuffisante : améliorez-la.
Rappelons parallèlement comment, depuis 1878, on a à Ilten
organisé à petites doses le traitement des aliénés dans les familles '.
Institué par Waiirendorff avec l'autorisation du suprême landes-
directorium2, il est tiii)exé à l'asile fermé à titre d'essai, pour les
hommes des classes sociales inférieures auxquelspareil traitement
convient (choix prudent et judicieux du médecin). Ilten, avec les
villages qui l'entourent, est tout indiquée pour cotte expérience.
Le caractère de la population est doux. l'espiif en est assezcultivé
(voisinage de la ville de Hanovre). plus cultivé que chez les agri-
culteurs ordinaires. l'Ille jouit en outre d'un certain bien-être; il
y existe à peine de pauvres. Provisoirement, on ne s'adresse qu'à
Ilten même ou aux illa;es du même arrondissement, tels que
Alilten, llaever, l31lm. en déployant toute la circonspection dési-
rable dans le choix des nourriciers et des malades. La progression
a été graduelle. Aujourd'hui, à llten, il va 22 malades; à Bilm, 16
àAhlleu, 8; à liavei-, 4 malades en traitement. On exige desnour-
liciers une bonne réputation de moralité, d'intelligence, des qua-
lités d'ordre et de propreté, ainsi que les preuves de ressources
suffisantes pour assurer au malade une nourriture bonne et copieuse.
On admet exclusivement ceux qui offrent toutes ces conditions
réunies : on s'assure également qu'ils prennent plaisir à soigner
les malades. On leur impose d'associer les malades à leur repas
commun, de les garder durant tout 'le jour dans leurs locaux
d'habitation, de les stimuler au travail sans coercition ni menace,
de leur donner une chambre spéciale hygiéniquement installée
pour la nuit, de veiller à la propreté, à J'entretien du vêtement,
etc... L'établissement fournit un lit pour chaque malade dans un
but d'uniformité; en échange, le nourricier verse annuellement
une certaine somme, somme distraite du prix de pension; trois
ans plus tard le lit lui appartient. Obligation par lui de signaler
au gardien en chef les modifications somatiques ou psychiques
de son pensionnaire. A l'entrée de celui-ci, le nourricier est mi
en possession d'un livre sur lequel sont inscrits les conditions sous
lesquelleslepensionnaire luiestcoutié et l'inventaire des objets du
malade ; des feuillets blancs sont destinés à la visite quotidienne
du médecin; des tableaux tout tracés attendent l'inscription du
poids du corps examiné tous les mois à l'asile même, à la suite
d'un grand bain.
Le choix du malade à installer dans la famille n'a lieu qu'après
une longue observation préalable permettant d'affirmer l'état
1 Voy. Archives de Neurologie, t. V, p. 125 et 266.
2 Nous appelons l'attention de l'administration française sur les idées
de progrès de l'adnziuistratiozz allemande (P. K.).
SOCIÉTÉS SAVANTES. 415
chronique (démence pure ou folie systématique). Les déments, on
n'hésite pas à les transférer dans les familles; quant aux fous
systématiques, on en étudie les idées délirantes, les hallucinations
sensorielles. Les paralytiques généraux sont également confiés aux
familles quand, appartenant à la forme démente, ils ne sont pas
encore en pleine paralysie. Exclusion absolue de tous les troubles
psychiques aigus, des psychopathies chroniques avec agitation ou
tendance au suicide, des fous systématiques à idées délirantes ou
hallucinations dangereuses pour la sécurité publique, de la folie
morale, des épileptiques quelconques, du moins temporairement,
c'est-à-dire tant que l'éducation des nourriciers ne sera pas par-
faite, de tous les gâteux, pour les mêmes motifs.
Jamais on ne laisse se relâcher le fil qui unit le malade à l'éta-
blissement. On s'inquiète notamment de l'état sanitaire de la
maison du nourricier; une seule affection s'y déclare-t-elle, on
réintègre le malade à l'asile momentanément.
Malgré le peu de temps consacré à ce système, malgré le petit
nombre de malades traités, on peut dire actuellement avec certi-
tude qu'aucun inconvénient sérieux ne contre-indique la méthode.
On a même déjà pu enregistrer des résultats qui, étant donné la
'forme et le degré de la- psychose des patients, sont surprenants.
Tel ce malade, qui, paraissant totalement dément, absolument
incapable de tout travail physique, ne manifestant aucune réaction
à l'égard du monde extérieur, s'améliora si bien dans la famille,
. qu'au bout de dix mois, non seulement son habitus extérieur était
complètement modifié, mais on constatait un réveil psychique se
traduisant par la participation intime et intéressée à tous les tra-
vaux du nourricier. D'autres effets moins éclatants permettent
d'affirmer que le traitement dans la famille exécuté avec circons-
pection à Ilteu et dans les environs, peut produire une action
bienfaisante certaine. Presque tous les malades, quand on les
interroge, disent qu'ils s'y sentent mieux et plus à l'aise qu'à
l'asile, très peu demandent leur réintégration à l'établissement.
Le premier effet du traitement est la reprise du travail, qui apporte
une déviation aux idées délirantes, et rappelle les conceptions
normales saines; tandis qu'à l'asile, les malades refusent toute es-
pèce d'occupation, ils se mettent graduellement à travailler dans
la famille, ils s'associent, s'amalgament avec le milieu d'activité,
de devoirs, debonne harmonie où ils sont plongés. Il n'est pas un
seul aliéné qui ait refusé de faire sa partie dans ce concert, quand ce
ne serait que de soigner et de garder les enfants de la maison ;
beaucoup s'identifient avec ces petits êtres, et s'y attachent au point
de pleurer et de rire avec eux; un malade, par exemple, refusa
de manger tant que l'enfant pour lequel il avait conçu une vive
affection demeura souffrant.
Tout cela signifie-t-il que, malgré la plus grande prudence, on
416 SOCIÉTÉS SAVANTES.
n'ait pas fait d'écoles ? Evidemment on a eu des mécomptes, des
difficultés, en ce qui concerne notamment la surveillance des pen-
sionnaires et leurs affections intercurrentes ou leurs modifications
psychiques. Mais semblables faits ne se produisent-ils pas dans les
asiles fermés ? On peut parer.
Conclusion. Le traitement dans les familles constitue un moyen
capable de retarder la déchéance psychique inévitablement prévue
et de faire rentrer ces malheureux parmi les membres actifs de la
société humaine.
Discussion :
M. ËNGELKEN ajoute à la communication précédente, quelques
mots sur VEtat actuel de la colonie d'aliénés de ville de Brème, au
village d'Elle77. Dans ce village, sont aujourd'hui en traitement,
dans les familles, 40G malades, dont 20 ne sont pas aliénés. Avant
d'y transférer les aliénés, on les.observe au moins pendant qua-
torze jours à l'asile de Brème. S'il est démontré que le traitement
domestique ne leur convient pas, on peut toujours, en tout temps,
les réintégrer à l'asile fermé. Sur ceux qui vivent dans les familles,
il y a deux tiers d'hommes, un tiers de femmes. Selon l'occupation
et l'aptitude au travail des malades, on paye, pour leur entretien
8 à 30 marks (10 à 37 fr. 50 c.) par mois.
Séance close à 7 heures. Prochaine réunion le 1"' mai 1885,
à Hanovre, dans le Kasten's Hôtel, à 4 heures. (Allg. Zeitsch. f.
Psych., t. XLI, 3.) P. KËRAVAL.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN
· Séance dzc ir juiz lS8r'
En ouvrant cette cinquantième séance, le présidcntLOEim consacre
quelques paroles à l'origine et au développement de la Société.
C'est en 1860 que la Société des aliénistes allemands tenait sa
première séance à Eisenach. Bientôt se faisait sentir le besoin de
former des sociétés psychiatriques locales qui, en groupant les
aliénistes des asiles voisins, ainsi que les amis de la médecine
mentale, préparassent des matériaux à la société principale et
construisissent les assises de la science, ainsi que le fonds de l'All-
gemelize Zeitschrlft Sfùr Psych. La société psychiatrique de Berlin
4 Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. iil.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 417
fut la première des sociétés locales de l'Allemagne. Elle fut
fondée à la suite de la réunion de la Société des aliénistes alle-
mands à Berlin en 1866; c'est sur la demande de plusieurs
membres de cette dernière, qu'elle fut constituée en tant que ra-
meau de l'arbre. Du premier coup, elle se composa des médecins
des asiles d'aliénés de Berlin (Blankenburg, Bonn,Bunziau,Carls-
feld,Goerlitz, Halle, Koenigslutler, Kowanowko,Eberswalde,Owinsk.
Poepelwitz, Rùgenwalde, Schweizerhof, Schwerin, Schwitz, Sorau).
On remarquait : à la première séance, MM. Arndt, Hauptmann,
ldeler, Kahbaum, Loelir, 0. Muller, Sponholz ainé, Ullrich,Wendt,
et, parmi les confrères défunts, Boettger, Kceppe, Weyert. Elle a
compté dans son sein 105 membres, dont 4 sont sorlis et 15 sont
morts. Toutes les séances ont été présidées, au moyen de réélec-
tions annuelles, par Loehr ; elles ont eu pour secrétaires successifs :
Ideler, Seliroeter, Noetel, Scliaefer, Doerrenberg, Bernhard, Gock.
Révision des statuts qui incombe, comme l'on sait, à la première
séance de l'année. Le président propose de modifier le paragraphe 3
ainsi qu'il suit : « On renouvellera désormais le bureau chaque
année, en le composant de trois membres chargés de conduire
alternativement chacune des trois séances annuelles, » de sup-
primer le paragraphe 5, relatif à la fixation des travaux de chaque
séance, qui n'est pas praticable. D'après les observations de
lllll. Jastrowitz et Ullrich, vu l'activité pendant cinquante ans d'un
même président, l'assemblée adopte que M. Loehr doit conserver
la conduite de la société. Elle supprime le paragraphes. Par con-
séquent, voici ce que deviennent les statuts :
1" But. Imprimer à la psychiatrie et aux sciences adjuvantes un mou-
vement de progrès. 2" Les membres seront des médecins, ils se
conformeront aux statuts, seront élus par les membres delà société;
on pourra également, dans les mêmes conditions, admettre des
membres non médecins. 3° Organisation. Le bureau se composera
d'un président et d'un secrétaire. Il préparera l'ordre du jour de la
séance, convoquera les membres quatorze jours avant sa tenue, rédi-
gera le procès- verbal, établira la liste des membres et provoquera les
éléments de travail. On admettra des étrangers. 4° Lieu et époque
des réunions. On les prévoiera pour chaque année. Elles auront lieu
trois fois par au, en mars, juin, décembre. Dans la séance de juin,
qui se tiendra toujours li Berlin, on dressera le bilan des travaux de
l'année écoulée, et l'on procédera à la nomination du bureau. Les
autres séances pourront, après décision spéciale, avoir lieu à un
autre endroit. 5° Organe de la société : VAllgemeine Zeitschrift sur
Psychiatrie. 6- Modifications aux statuts. Elles ne peuvent avoir
lieu que par l'assemblée générale, à la majorité des deux tiers des
membres présents. 7o Addition du 15 juin 1883. Le temps d'une
communication ne dépassera pas vingt minutes, ou, avec la permis-
sion du président, trente minutes. L'argumentation de chaque orateur
sera au plus de dix minutes.
Archives, t. IX. 27
418 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Renouvellement du bureau par acclamation. Président, M. Loehr;
secrétaire, M. Guttstadt. Adoption de la proposition de 111. Falli,
que désormais le bureau fixe le chiffre de la contribution person-
nelle et veille aux rentrées.
Adresse par télégramme à M. Hagen (d'Erlangen), qui fête le
16 juin son 70, anniversaire.
Manifestation en l'honneur de M. Meyer, medicmalratli et direc-
teur de l'asile de Brake (Lippe-Detmold).
M. Hirsch est chargé de représenter la société au congrès des
naturalistes de cette année, à Magdehourg (dans la section de
psychiatrie).
M. GUTTSD : 1T. Cornmztnicat*on sur l'assistance des idiots. Elle est
tirée d'un gros travail qui va bientôt paraitre sur les idiots et les éta-
blissements qui leur sont consacrés en Prusse. Historique : En 1840,
la Société des naturalistes suisses, réunie à Fribourg, invitait à la
construction d'asiles de ce genre. Travaux de Guggenbulil et Gor-
don (critiques); statistiques de Guggenbuhl et Erlenmeyer; seul
Gresinger est arrivé, comme président de la Société médico-psy-
chologique de Berlin, à établir le nombre des psychopathes du pays
tout entier, à l'occasion du recensement de la population. On a
vu par lui que :
SOCIÉTÉS SAVANTES. 419
60 p. 100 d'entre eux, âgés de moins ou de plus de vingt ans, sont idiots
de naissance.
37 p. 100 des imbéciles, âgés de moins de vingt ans, sont imbéciles de
naissance.
11 p. 100 des imbéciles, âgés de plus de vingt ans, sont imbéciles de
naissance.
Hérédité et prédisposition de famille. Elle existait :
420 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ouvert un dans cette ville, d 10, Brunuenstrasse. 11 n'y a pas de
surmenage.
M. Loehr cile, à ce propos, l'établissement de Chroeter (de
Dresde), qui a prodigué l'enseignement aux arriérés avec succès.
M. Solger. Les arriérés incombant à la ville ont à leur dispo-
sition un professeur supplémentaire. Cette prévision existe pour
les enfants épileptiques.
Le temps est trop avancé pour qu'on continue la discussion sur
ce sujet.
M. LOEHn. De l'interdiction dans les intervalles lucides. La
notion d'intervalle lucide est loin d'être claire. La pratique des
médecins et même des aliénistes est, en ce qui concerne l'inter-
diction, très différente. Telles sont les raisons pour lesquelles il
convient de traiter une question sur laquelle ont jeté un certain
jour les travaux publiés dans ces dernières années sur la folie cir-
culaire, la manie périodique, la folie morale cyclique, le cyclo-
thyma. On sait actuellement que ces noms désignent une forme
morbide qui, au point de vue clinique, constitue un groupe limité
parmi les psychoses, au même titre que la démence paralytique.
De Gellliorn, dont il a été parlé dans la séance précédente', a
laissé des mémoires posthumes, l'un sur l'hydrothérapie, commu-
niqué la fois dernière ; l'autre relatif à un cas dans lequel beau-
coup de médecins avaient, devant la justice, émis un avis diamé-
tralement opposé. J'y ajouterai deux cas de ma propre pratique :
dans le premier, l'intervalle lucide n'était qu'une large rémission,
aussi un spécialiste distingué hésita-t-il, au préjudice de la ma-
lade, à accorder l'interdiction; dans l'autre, on avait affaire à une
aliénée dont l'interdiction eut lieu pour folie circulaire en des
circonstances qui ne se répéteront pas souvent.
Premier cas. Celte observation, dans laquelle sont consignés des
rapports multiples, est caractérisée par ce fait que, depuis treize
ans, se produisent annuellement un ou deux accès d'agitation
présentant tous les éléments de la manie avec désordre extrême
dans les idées, obnubilation de la connaissance, actes impulsifs
(kleptomanie, destruction, agression). Entre les accès, dont le
déclin graduel se traduit par toutes sortes de conceptions baroques
et d'actes pervers, il existe des périodes de santé relative, des
mois durant, pendant lesquelles se montrent delà fatigue, de l'af-
faissement, de l'indifférence psychique, de l'émoussement de
l'intelligence, du sens moral, de l'affectivité. En un mot, manie
périodique. Par conséquent, le malade est une partie de l'année
absolument irresponsable de ses actes, et, le reste du temps,
1 Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 114.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 421
rebelle à toute activité mentale ; en pareille occurrence, mieux vaut
décréter l'irresponsabilité.
Deuxième cas. Comtesse de B..., quarante-huit ans, hérédité psy-
cbo-pathique, bizarrerie pendant l'enfance, ménage malheureux,
a eu trois enfants. En 1868, séjour de quatre mois à la maison de
santé de Schoeneberg (certificat de Griesinger,- tentative de sui-
cide) ; son mari la retire surses instances. Levinsteinla déclare incu-
rable. Elle prétend que l'empereur d'Autriche et tous ses officiers
ont brigué ses faveurs. Mort de son mari en 4872. Elle se dit
grosse du roi de Bavière. Une enquête démontre que le conseiller
juridique Fischer, de Breslau, la considère comme capable de
peser les conséquences de ses actes; un spécialiste distingué
déclare qu'elle est sur les confins de la folie, mais qu'il n'y a pas
lieu de la priver de sa liberté d'action (mai 1873). Elle s'en va
habiter Dresde. Là, nouvelles conceptions délirantes avec halluci-
nations sensorielles. Elle se plaint à la police que le propriétaire
d'une villasituée en face d'elle, pend, étrangle, guillotine, égorge,
fusille toutes les nuits un grand nombre d'hommes et que les
cadavres sont enlevés soit avec des remorqueurs à vapeur, soit à
l'aide de voitures; elle a compté jusqu'à six voitures pleines... etc.
Toutes ces menées aboutissent à un rapport médico-légal formu-
lant la perte complète delà raison. Même répétition avec quelques
variantes à Breslau; on la conduit à Schwreizerhof à la fin
de 1 874. Et cependant ses visiteurs, ses parents la tiennent, les
uns pour aliénée, les autres pour saine. Nécessité, dans un but de
protection civile, d'un examen médico-légal. Malgré la circons-
pection delà malade à l'égard de ses conceptions délirantes, elle
fut déclarée démente dans le sens de la loi.
Troisième cas. Baronne de A...,quarante-trois ans; tare hérédi-
taire ; mariée en 4860, met au monde trois enfants; perd,
en 1868, son mari beaucoup plus âgé qu'elle sans testament.
Dès 1868, idées mélancoliques. En 4869, elle se brûle dangereu-
sement. En 1870, affection utérine. En 1871, agitation maniaque,
puis union scandaleuse avec le précepteur de ses enfants, fuite
avec lui. On l'amène à Goerlitz en 1872, où elle séjourne jus-
qu'en 1878; périodes d'agitationduranttroisàquatremois, suivies
de phases de dépression de six à huit mois; transitionsd'intégrité
psychique relative. Extrêmement dangereuse pour les gardiennes
pendant le temps d'agitation, elle tombe dans la stupeur pendant
le temps de dépression, et, pendant la phase intermédiaire, elle
devient extraordiuairement aimable et perspicace. On la retrouve
à Dresde en 1878 ; à Noël, il faut la conduire à Endenicli. Enfin,
en 1880, elle demeure quatre mois à Pirna. En 1881, période
d'agitation à Vienne; relations avec des artistes qui l'exploitent.
En juin 1882, elle arrive à Blankenburg où elle se rend insuppor-
422 SOCIÉTÉS SAVANTES.
table; on la transporte en août à Schweizerliof, l'établissement
de Goerlitz l'ayant refusée. A ce moment, accès d'agitation de
quelques mois, suivi d'une période d'amabilité et de suractivité
intellectuelle doublée d'une grande force de caractère lui per-
mettant de réprimer les écarts de son affectivité. C'est pendant
cette période qu'a lieu l'instruction. M. Loehr, tout en exposant
magistralement le trouble mental de la baronne, lui conseille
dans son intérêt de demander elle-même l'interdiction. Mais
voilà que le président du tribunal fait ressortir à cette dame les
inconvénients légaux de cette mesure : impossibilité de disposer
de ses biens, impossibilité même de décider de son changement
de résidence actuel. Malgré cela, elle persiste. On la lui accorde.
La baronne de A..., malgré ses très nombreux accès, avait conservé,
par conséquent, le plein discernement de sa propre maladie ainsi
qu'une force de volonté assez grande pour se préserver des tristes
conséquences de sa psychose.
Ces trois faits montrent les grands dangers auxquels sont
exposés les malades dans les intervalles lucides, de par les
médecins eux-mêmes qui leur refusent les bénéfices de la protec-
tion légale.
Le temps est trop avancé pour qu'on puisse passer à la dis-
cussion.
Banquet. La prochaine séance aura lieu le 15 décembre 1884.
(Allg. Zeitsch. f. Psych., XLI, 3.) P. Kéraval.
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES
DE BERLIN
Séance du 10 décembre t883 '. Présidence de M. Westphal.
Communication annoncée de M. Westphal sur un cas de tumeur
du lobe temporal gauche avec pièce à l'appui. Elle sera publiée dans
la Bei-line7- klinische Wochenschri ft.
Discussion : .'
M. MENDEL. Le cas de Schoefer invoqué par M. Westphal lui rap-
pelle qu'il a pendant la vie du malade formulé le diagnostic d'un
1 Voy. Archives de Neurologie, t. VIII, p. 382.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 423
foyer à la pointe du lobe temporal droit. Tout petit qu'il fût, ce
foyer expliquait le symptôme; car, il faut tenir compte également
des troubles du pourtour du foyer qui rétrocédèrent; en ce qui
concerne le lobe temporal opposé, toute la pointe était dans un
état d'hypérémie extrême. Confirmation orale de M. ScBOEFER;
son malade n'était pas en proie à une démence avancée. Les troubles
moteurs rapportés disparurent dans le cours de la maladie.
Chez une démente épileptique, qui n'était pas atteinte de surdité
verbale, Mendel a rencontré une atrophie très accusée du lobe
temporal droit.
M. R ! CHTER'(de Dalldorf) a observé de la surdité verbale chez un
homme dont, à l'autopsie, lapremière temporale gauche se trouva
détruite. Opinion à l'appui de Langreuter.
M. HADDCB mentionne deux cas communiqués par Claus chez
des déments avancés. Dans le premier cas, il se produisit l'aphasie
sensorielle en question : destruction des première et deuxième
temporales gauches. Dans le second cas, il s'agissait d'un paraly-
tique général ; le lobe temporal gauche était atrophié.
M. WESTPHAL prétend que, dans le cas de Schoefer, le foyer, qui
n'avait que le volume d'une lentille, était distant de la pointe du
lobe temporal d'environ 5 centimètres ; ce petit foyer n'occupait
que les fibres conductrices et, d'après lui, s'était développé avant
et non pendant le temps de l'observation.
Présentation de malade par M. REMAK. Myoclonus multiple.
C'est un garçon de onze ans ayant eu la diphthérie neuf semaines
avant son admission (6 août) ; évolution de la maladie en qua-
torze jours ; puis, parole nasonnée, régurgitation des liquides
par le nez. Depuis trois semaines, incertitude des jambes, diplo-
pie, impossibilité de lever le bras droit, faiblesse de la main
droite. L'examen décèle une parésie bilatérale de l'oculo-moteur
externe, de la paralysie du voile du palais, de la parésie des nerfs
axillaire et cubital droits (conservation de l'excitabilité électrique),
de l'ataxie des extrémités inférieures avec légers troubles de la
sensibilité et absence du phénomène du genou. Tous ces accidents
s'améliorent par le traitement galvanique. Un plongeon inattendu
dans l'eau froide cause à l'enfant à ce moment une si violente
terreur qu'il faut le rapporter chez lui; la difficulté de la marche
augmente. Le 7 septembre, on constate de l'incertitude de la dé-
marche, surtout pour monter les escaliers; le phénomène du ge-
nou n'existe plus. Le 20 septembre, convulsions fibrillaires des
jambes augmentant à mesure que la démarche s'améliore. Le
5 octobre, légère diminution de l'excitabilité des nerfs péroniers
aux deux sortes de courants. Le 26 octobre, convulsions dans les
bras; des deux côtés, vestiges du phénomène du genou. Le 6 no-
vembre, voici ce que l'on constate :
424 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Dans le décubitus dorsal, divers muscles sont visités par des
convulsions cloniques, qui, sans se suivre d'une façon tout à fait
rhythmique, sont symétriques, mais non synchrones, des deux
côtés, varient d'intensité et de fréquence (on en compte jusqu'à
60 àla minute) et paraissent indépendantes de la respiration in-
demne. Elles occupent, dans les extrémités inférieures, principa-
lement les muscles de la cuisse (triceps et son muscle droit), sont
peu ou point accusées dans les muscles de la jambe; contractions
irrégulières du droit de l'abdomen. Dans le décubitus abdominal,
atteinte des fléchisseurs des cuisses, des fessiers, des carrés des
lombes ; intégrité des mollets. Pendant la station debout, les con-
vulsions des extrémités inférieures diminuent, mais on en cons-
tate dans l'épaule et le bras (sterno-cléido-mastoidien, trapèze,
pectoral, deltoïde, biceps, triceps) ainsi que dans le long supina-
teur de l'avant-bras. Il se produit parfois des contractions du
grand dentelé. Intégrité complète des muscles de la tête et de la
face. Disparition des convulsions pendant les mouvements inten-
tionnels ; le malade peut donc courir vite, sauter, écrire. Toute
émotion, toute excitation augmente les convulsions ; elles ne
cessent cependant pas absolument pendant le sommeil. Aucune
anomalie de la sensibilité, pas d'anomalie de l'excitabilité méca-
nique, exagération très nette de l'excitabilité réflexe de la peau
qui entraîne la réaction des muscles sous-jacents. On a beau
néanmoins presser sur le carré des lombes et le grand fessier, on
ne provoque pas de contraction répétée, le phénomène de la
hanche ne se produit pas. Exagération bilatérale du phénomène
du genou. Examen électrique : diminution faible de l'excitabilité
des nerfs péroniers des deux côtés, pas d'hyperexcitabilité ner-
veuse ou musculaire en général, ni dans les sphères affectées ; les
convulsions à l'ouverture de l'anode paraissent relativement pré-
coces, surtout sur le trajet des nerfs cruraux. Le retour de lamo-
tilité à la normale, l'absence de troubles de la sensibilité, l'ab-
sence de tremblement, permettent d'exclure l'idée d'une lésion
organique du système nerveux et de se rallier à l'opinion d'une
névrose en rapport avec la terreur éprouvée après la disparition
des accidents qui, eux, auraient pu être rattachés à la diphthérie
et à une affection centrale. L'auteur élimine l'idée de la chorée
électrique, parce que, dans cette maladie, les contractions ont la
spontanéité de l'éclair, les muscles de la face participent aux phé-
nomènes, et il n'existe pas d'hyperexcitabilité réflexe du côté de
la peau. Cette observation rentrerait, au contraire, parfaitement
dans les faits de paramyoclonus de Friedreich dont l'observation
concernait un homme de cinquante ans ayant été, à la suite de
frayeur, atteint de convulsions qui rétrocédèrent sous l'influence
1 Voy. Archives de Neurologie, t. III, p. 235.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 425
de l'électricité. Dans le cas de Loewenfeld intitulé : « Myoclonus
multiple », il s'agissait d'un 'garçon de dix ans chez lequel les
mêmes muscles étaient pris; il existait aussidel'hyperexcitabilité
cutanée, de la diminution des réflexes tendineux; la guérison eut
lieu par galvanisation de la colonne vertébrale du grand sympa-
thique. D'après Loewcnfeld, il convient d'en attribuer la pathogénie
à l'excitation des territoires spinaux moteurs qui commandent à un
ensemble fonctionnel démuselés. M. Remak ne serait pas éloigné
d'adopter cette genèse par la moelle, et de songer à l'existence,
dans l'espèce, d'un état d'excitation chronique des noyaux moteurs
des cornes antérieures grises.
Présentation de malade par M. BERNHARDT. Elle a traita un
homme en proie à une paralysie partielle de Irt sensibilité sur
l'extrémité supérieure droite, la moitié droite de la face, du cou,
de la nuque, du dos, du thorax. (Voy. in extenso dans Berliner
klin. Wochenschi-ift.)
Discussion :
M. SCEUETZ. A-t-on examiné le champ visuel et l'acuité auditive
de l'oreille droite ?
M. Bernhardt. Je n'ai rien trouvé.
MM. MENDEL et REMAK. lise pourrait qu'on ait affaire à un hys-
térique. L'absence de troubles moteurs et d'atrophie plaide contre
l'existence de lésions syringomyéliques.
M. Mendel. Comment expliquer la participation de la moitié
droite de la face au trouble de la sensibilité ?
M. BERNHARDT. 11 y a un an et demi que je connais le malade.
Toute idée d'hystérie doit être écartée. Du reste, on ne trouve
rien dans les organes sensoriels droits. Intégrité de la plus grande
partie du tronc et de toute l'extrémité inférieure droite quanta la
sensibilité. L'absence de troubles de la motilité et d'atrophie s'ex-
pliquerait de la façon suivante : des altérations capables, à l'oc-
casion, d'aboutir à la syringomyelie se développent, comme on
sait, d'abord dans les segments les plus postérieurs de la moelle ;
rien ne dit que, plus tard, il ne se produira pas de phénomènes de
cet ordre. Les manifestations sensitives de la moitié droite delà
face s'expliquent par une lésion de la racine ascendante droite du
trijumeau dans le segment le plus supérieur de la moelle cervicale
de ce côté (cas de Schultze, Fuerstner, Zacher ').
Séance du 14 janvier 1884. Présidence DE li. WESTPHAL.
Présentation, par M. Remak, du galvanomètre vertical absolu
de Hirschmann, à sensibilité graduable. Un couple aslatique d'ai-
Voy. Revues analytiques in Archives de Neurologie.
426 SOCIÉTÉS SAVANTES.
guilles magnétiques oscille autour d'un axe horizontal; supprime-
t-on l'influence du magnétisme terrestre, on obtient une égale
déviation dans les deux sens; interrompt-on le courant, la saine
équilibration des bras de levier détermine toujours un retour
exact à la situation verticale. Le coffre du galvanomètre qui con-
tient la masse de cuivre amortissante peut tourner avec l'échelle
et prendre toutes les positions intermédiaires à la verticale et à
l'horizontale; comme une vis permet de l'y fixer ad libitum, il est
aisé d'obtenir le point nul de l'échelle. A son maximum de sensi-
bilité, le galvanomètre donne pour chaque raie partielle des dix
fractions très larges un demi-milliampère. Une série de tampons
installés sur la plate-forme du bas permettent, en faisant jouer des
appareils de fermeture accessoires, de réduire vis-à-vis du courant
les oscillations galvanométriques et, par conséquent, la sensibilité
de moitié ou du quart. Il en résulte que chaque raie partielle de-
vient à volonté un demi, un, deux milliampères, ce qui fournit des
mensurations exactes de 0,5 de milliampères à 20 milliampères.
En intercalant dans la voie de conductibilité principale des résis-
tances convenables destinées à diminuer la sensibilité, on ne
change en rien la résistance totale du galvanomètre à l'égard de
toute sensibilité ; elle équivant à 500 unités Siemens.
Discussion :
M. BERNHARDT s'est convaincu également de l'excellence de cet
instrument. Il a cependant un inconvénient : c'est que l'amortisse-
ment des oscillations de l'aiguille magnétique n'est pas tout à fait
suffisant ; l'équilibre n'est donc obtenu qu'après un laps de temps
trop long. Il désire aussi qu'on explique mieux la valeur des raies
partielles de l'échelle. La légende de M. Hirschmann dit qu'au jeu
des tampons 1.1 chaque raie partielle, celle même qui n'est pas
directement désignée par un nombre vaut un demi-milliampère,
au jeu des tampons 2.2 , elle équivant à un milliampère et à deux
milliampères quand on s'adresse aux tampons 4.
M. EULENBURG est d'accord avec M. Bernhardt en ce qui concerne
les oscillations del'aiguille, mais il demande à conserver la division
de l'échelle.
Avant la présentation des pièces de M. SAKAKY, pièces relatives à
des préparations microscopiques de lésions des nerfs périphériques ' ,
M. WesTPHAL fait remarquer que, dès 1878,' il a cherché et trouvé
des altérations périphériques des nerfs sensitifs dans un cas de
tabès avec lésion centrale (atrophie dégénérative du nerf fémoro-
cutané postérieur. (Arch. f. Psychiât., t. VIII). Tout récemment,
Déjerine a, de concert avec les altérations centrales du tabes,
rencontré delà dégénéresence des nerfs sensibles périphériques;
' Voy. Revues analytiques.
sociétés savantes. 427
en même temps qu'il a révélé que les nerfs périphériques peuvent
être seuls lésés sans qu'il y ait de lésion tabétique centrale
(neuro-tabes périphérique). Avant Déjerine, Westphal avait examiné
au microscope les nerfs saphène et fémoro-cutané interne dans un
cas de tabes, il les avait trouvés atteints d'atrophie grise, surtout à
la périphérie.
M. Uhthoff. De l'atrophie des nerfs optiques. Le matériel d'observa-
tion a été puisé à la clinique de Schoeler; il se chiffre par 154 cas. Il
est proportionnellement rare qu'on puisse noter des facteurs étio-
logiques. Dans l'espèce, on en a enregistré en douze cas seulement.
Il faut aussi se montrer très prudent quant à l'appréciation des
causes. Les auteurs, tels que Galezowsky, vont trop loin quand ils
fout dépendre l'atrophie des nerfs optiques d'une bien plus grande
catégorie d'agents pathogénétiques. C'est l'atrophie d'origine
spinale qui est la plus fréquente de beaucoup. On doit de plus en
plus rayer de son agenda diagnostique l'atrophie simple, progres-
sive, non compliquée. Les allures du phénomène du genou et
de la réaction pupillaire dans l'atrophie spinale ont été soigneuse-
ment étudiées ; l'orateur en présente divers tracés. Les paralysies
des muscles de l'oeil sont proportionnellement rares dans l'espèce.
Après l'atrophie spinale, on fera venir, au point de vue statistique,
l'atrophie cérébrale. Un assez vif intérêt s'attache à l'atrophie des
nerfs optiques consécutive à une névrite primitive non compliquée,
en ce qui concerne l'étiologie, les troubles de la vue, les champs
visuels, etc. La démence paralytique est une cause d'atrophiepro-
portionnellement rare, cependant il importe de tenir compte des
cas qui se présentaient à l'observation; à cet égard, M. Uhthoff
pense que, parmi les malades atteints d'atrophie spinale, quelques-
unspourraientbien se transformer plus tard en paralytiques géné-
raux. Les excès d'alcool et de tabac entraînent quelquefois une
amblyopie très prononcée, et une décoloration atrophique totale
des papilles; mais jamais on n'observe de complète cécité. Lesautres
éléments pathogénétiques à signaler sont : les maladies de l'orbite,
l'embolie de l'artère centrale, l'intoxication saturnine, les hémor-
rhagies, les traumatismes, l'albuminurie, les déformations crâ-
niennes avec amaurose congénitale. La communication de
M. Uhthoff se termine par la présentation de préparations micros-
copiques d'atrophie du nerf optique dans la paralysie générale. Il
montre également un malade affecté d'hémianopsie temporale à
la suite d'une fracture traumatique de la base du crâne (lésion du
chiasma).
Séance du 10 mars 1884. Présidence de .11. Westphal.
Renouvellement dubureau pour l'année 1884 : président,M. West-
phal ; vice-président, M. Sander ; secrétaire, M. Bernhardt. Com-
428 SOCIETES SAVANTES.
mission de réception : MM. Liman, M. Monde), Meyer, Senator,
Westphal.
Présentation, par M. OPPENIIEIM, d'un malade éprouvant des
symptômes qui font supposer de la syringomyélie. L'homme dont
il s'agit, âgé de trentre-deux ans, n'est sous le coup d'aucune tare
hériditaire; il a joui d'une bonne santé jusqu'à il y a deux ans et
demi. Pas de syphilis; pas d'alcoolisme. En octobre 1881, il res-
sent soudain, en procédant à ses semailles, une sensation d'en-
gourdissement avec formications.sur toute la moitié droite du
corps; plus tard, elle se limite principalement au bras droit et à
la moitié droite du tronc. Graduellement se développe de l'insen-
sibilité à la douleur dans les deux extrémités supérieures. Même
phénomène sur la partie inférieure de la face à droite ; perte du sens
de la température. Six mois après le début des accidents, les petits
muscles de la main gauche s'atrophient; l'atrophie augmente
graduellement, si bien que la force de cette extrémité diminue.
De temps à autre, les deux phalanges terminales des deuxième et
troisième doigts du côté droit sont le siège de vésicules grosses
comme des noyaux de cerise, qui crèvent et laissent derrière elles
des ulcérations difficiles à guérir. Actuellement sensation de
«brûlure froide dans les deux extrémités supérieures, surtout dans
celle de droite; faiblesse dans la main gauche. La marche n'est
pas particulièrement pénible. La vessie fonctionne bien; constipa-
tion ; appétit exagéré. On trouve, à l'examen, de l'émoussemeiit de
la sensibilité dans tous ses modes sur les deux extrémités su-
périeures, le tronc, le cou, la région du maxillaire inférieur, les
oreilles, l'occiput, la région pariétale (trouble plus intense à
droite); une diminution prononcée des sens du tact, delà pression,
de la vigueur, du lieu; mais c'est la sensibilité douloureuse et le
sens de la température qui ont le plus souffert, car on peut tra-
verser la peau par une aiguille, la soumettre indéfiniment au circuit
électrique fermé àl'aidedu pinceau, sans produire aucuneréaction.
Intégrité du sens musculaire. Pas d'ataxie. Refroidissement et
décoloration rouge bleuâtre des deux mains, ainsi que de la por-
tion inférieure des avant-bras. Aplatissement accentué du premier
espace interosseux, moins prononcé des autres espaces ainsi que des
éminences thénar et hypothénar. Réaction dégénérative des muscles
atrophiés. La situation des doigts est en rapport avec la paralysie
atrophique des interosseux. Les phalanges des deuxième et troi-
sième doigts de la main droite présentent des cicatrices arrondies
(ulcérations guéries) : vue, goût, odorat, ouie normaux. Intégrité
psychique, à part un certain degré d'euphorie. Bon état général.
Absence de phénomènes paralytiques, si ce n'est ceux qui relèvent
des interosseux de la main gauche. Rien du côté de la motilité
ni de la sensibilité des extrémités inférieures. Exagération des ré-
flexes tendineux ; constipation. Rien à la vessie.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 429
Conclusion : Il s'agit d'une lésion à évolution chronique oc-
cupant la moelle cervicale et la moelle dorsale dont elle intéresse
lestractus sensitifs, trophiques, vaso-moteurs; il est probable que
la substance grise et, en particulier, ses segments postérieurs
sont atteints; à gauche, l'altération a dû empiéter sur les cornes
antérieures. Rien aux cordons antéro-latéraux. Le complexus
clinique rappelle les faits de syringomyélie.
Présentation, par M. RicHTER (de Dalldorf), de quelques hémis-
phères cérébraux représentant des types anormaux de circonvolu-
tions, sous la forme de plis de passage insolites. Tel cet hémisphère
gauche d'un paralytique général sur lequel on trouvait des ponts de
communication profonds à la partie inférieure, tel le même
organe d'un individu sain d'esprit chez lequel la même anomalie
se remarquait en haut à la partie supérieure. Sur l'hémisphère
droit d'un paralytique général, la portion inférieure du sillon de
Rolando communiquait avec le sillon frontal supérieur; sur
l'hémisphère droit d'une idiote, c'étaitla partie supérieure du sillon
de Rolando qui s'ouvrait dans le sillon frontal supérieur. Le cer-
veau d'un criminel offrait des deux côtés une bifurcation avec
prolongements anormaux en avant du sillon de Rolando. L'hé-
misphère gauche d'un homme affecté de démence sénile, était
doté de trois circonvolutions ascendantes séparées par deux
sillons de Rolando. L'orateur n'a jamais vu de communication
réelle entre le sillon de Rolando et la scissure de Sylvius.
M. OPPENHEJM. Communication annoncée sur l'étiologie du tabes.
Quatre-vingt-six cas ont élé rassemblés par lui à la clinique des
maladies nerveuses de la Charité de Berlin (56 h., 30 f.). Dans
51 cas la syphilis est niée; aucun signe, aucun commémoratif en
permettent d'en établir le diagnostic rétrospectif. Chez 9 indi-
vidus, un chancre mou avait existé plus ou moins longtemps
avant le tabès. Chez 6 patients l'infection syphilitique était niée,
mais on notait l'existence d'avortements, de fausses couches,' et
la mort précoce d'enfants. Dans neuf observations, l'infection
primitive se traduisit par des accidents secondaires presque
toujours très légers; une de ces syphilitiques souffrait de dou-
leurs lancinantes, dans les extrémités inférieures, deux ans avant
que l'infection eût parcouru son cycle. Chez un seul malade, on
constate encore actuellement des signes de syphilis constitution-
nelle (plaques muqueuses buccales). Cette statistique n'est pas
en faveur des excès sexuels comme agents pathogénétiques.
Dans 50 cas, on put avoir des renseignements généalogiques;
cinq fois seulement on trouve de l'hérédité dans le sens le plus
large du mot. Rôle important des refroidissements et surtout de
l'action prolongée du froid, de l'humidité, des intempéries de
l'hiver. Très souvent il ya enmêmetemps des fatigues corporelles
4.M SOCIÉTÉS SAVANTES.
excessives, de sorte que bien des fois ce sont elles que l'on accuse
seules comme causes. Dans un exemple de traumatisme pathogé-
nétique, la lésion du système nerveux se manifesta essentielle-
ment sous la forme de tabes dorsal, mais l'autopsie révéla qu'il ne
s'agissait nullement d'une dégénérescence grise pure des cordons
postérieurs. Un exemple d'affection tabétique semblant consécu-
tive à un empoisonnement par le gaz d'éclairage ; des crises gas-
triques avaient immédiatement succédé à l'accident et plus tard
on nota le complet tableau du tabes. Ou observe aussi fréquem-
ment chez les tabétiques non syphilitiques que chez les tabétiques
syphilitiques des affections des nerfs de l'oeil (surtout des nerfs
qui commandent aux muscles), des vertiges, des lipothymies,
des attaques apoplectiformes, etc... Dans les deux groupes, ces
manifestations peuvent exister ou manquer, n'être qu'indiquées
ou être très prononcées. En rapprochant ces résultats des statis-
tiques de divers auteurs, on arrive à conclure que le tabes dorsal
résulte d'une série des causes différentes (refroidissement, fatigues
physiques exagérées, syphilis) sans compter d'autres facteurs
inconnus, et que le complexus clinique est incapable de nous
indiquer quelle est la lacune qui a provoqué le tabes observé.
Discussion :
M. Bernhardt. Depuis sa dernière publication (fin septem-
bre, 1883), il a observé 12 nouveaux cas de tabes, î dans sa clien-
tèle, 5 à la policlinique. Les premiers malades avaient eu la
syphilis. Parmi les ! i autres, 3 en accusaient l'existence. Sa convic-
tion demeure la même; un très grand nombre de tabétiques ont
eu la syphilis un peu avant. (Voy. Cetatral6latt. sur Nervenheil-
kunde, 1883'.)
M. LEWIN souscrit à l'opinion de la simultanéité chez les ma-
lades d'accidents syphilitiques et de refroidissements. Le traite-
ment antisyphilitique ne lui a jamais donné de résultats. Dans un
cas, il y aurait eu en même temps intoxication arsenicale (par
une tapisserie); on éloigna l'agent toxique et les symptômes tabé-
tiques rétrocédèrent.
M. Westphal. De tous les documents actuels, faut déduire
qu'aucun des éléments nocifs indiqués n'est la cause des tabes. Il
est probable que généralement les paralysies des muscles de
l'oeil d'ordre syphilitique proviennent de gommes occupant les
nerfs correspondants; au regard du grand nombre des autopsies
tabétiques, on ne trouve qu'une proportion infiniment faible de
lésions syphilitiques du foie, des reins, du cerveau. Le traitement
antisyphilitique réussit très peu dans le tabes. Il n'est pas admis-
sible que les avortements de femmes prouvent, sans plus ample
1 Voy. Archives de Neurologie. Revues analytiques.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 431
informé, l'existence d'une infection syphilitique de la personne
ou du conjoint.
M. Remak. Erb a communiqué à Londres que sur 8 autopsies de
tabétiques, il a constaté trois fois la syphilis. Il partage la ma-
nière de voir de Westphal au sujet des femmes et de leurs avorte-
ments. D'après l'orateur, sur 3,400 cas de syphilis on trouverait
290 névropathes dont 40 tabétiques, soit 14, 4 p. 100. Il insistera
dans la prochaine séance sur sa statistique personnelle.
M. LEWI,4. Sur 800 femmes syphilitiques observées par lui,
5 allèrent plus tard se faire traiter dans le service des maladies
nerveuses de la Charité des Berlin, mais aucune n'avait de tabes.
L'heure avancée nécessite l'ajournement de la discussion.
Séance du 12 mai 1884. -- Présidence de M. Westphal.
Continuation de la discussion sui- l'étiologie du tabes.
M. Oppenheim. Sur 100 tabétiques, il avaient eu un chancre
mou; 43, un chancre induré (soi-disant sans conséquences
ultérieures); Il étaient franchement syphilitiques; 6 étaient
probablement infectés. Total : 17 syphilitiques. Parmi les malades
actuellement présents dans le service des syphilitiques, un seul
est tabétique.
M. REMAK. Le 21 janvier 1880, à la séance de la Société de mé-
decine de Berlin, l'orateur présentait une statistique portant sur
52 tabétiques; par une élimination raisonnée, il arrivait à la pro-
portion de 25 p. 100 de syphilitiques. Depuis cette époque, il a
rassemblé 64 cas de tabes (15 f., 49 h.). Laissons, pour les motifs
sus indiqués, les femmes de côté; d'ailleurs aucune d'elles n'était
syphilitique, partout il s'agissait d'individus (hommes ou femmes)
mariés, 4 femmes avaient eu des enfants sains, 4 n'en avaient
pas, 3 avaient avorté; en revanche, 5 femmes avaient été sou-
mises à des refroidissements, 1 avait été atteinte de tabes après
traumatisme (fracture de cuisse), 2 à la suite d'une terreur
(saisie- gagerie, perte de fortune, vol). Sur ces 15 femmes, 7 avaient
éprouvé des symptômes de paralysie des muscles de l'oeil (l'auteur
n'a pas tenu compte de l'immobilité rigide de la pupille), 2
présentaient de l'atrophie du nerf optique. Les hommes tabé-
tiques se répartiraient en trois tableaux. Dans la première série,
à antécédents syphilitiques certains (14 cas), caractérisés par un
chancre induré, des accidents secondaires, des avortements mul-
tiples s'effectuant souvent presque immédiatement après l'infec-
tion ; il faut noter que le temps écoulé entre l'accident primitif
et les premiers phénomènes tabétiques, fut d'un an à 23 ans
(moyenne =8 8 ans); en outre, 6 individus accusaient en même
432 SOCIÉTÉS SAVANTES.
temps un refroidissement probable; 4 avaient eu des symp-
tômes de paralysie des muscles de l'oeil, 3 présentaient de l'atro-
phie du nerf optique; de sorte qu'en somme, la proportion serait
de 43 p. 100 de refroidissements concurrents, de 28 p. 100 d'af-
fection des muscles oculaires, de 22 p. 100 d'atrophie du nerf
optique. La seconde catégorie est celle des malades ayant eu une
ulcération quelque part, mais sans accident secondaire (14 cas);
6 d'entre eux avaient, peu de temps après l'infection, procréé
des enfants sains; un était probablement syphilitique, car des
frictions à l'onguent napolitain avaient eu raison d'un mal per-
forant; le temps écoulé entre l'ulcération et les premiers symp-
tômes tabétiques, fut de 4 à 30 ans et demi (moyenne : = 4 2 ans);
sept avaient été exposés à un refroidissement généralement pro-
fessionnel; un avait subi un traumatisme (fracture de l'iléon) :
tous avaient présenté de la paralysie des muscles de l'oeil; aucun
n'était atteint d'atrophie du nerf optique, de sorte qu'en réalité
ce groupe se décompose en 50 p. 100 de refroidissements, 7 p. 100
de traumatismes, 21 p. 100 de paralysie des muscles de l'aeil. Le
troisième cadre embrasse les exemples dans lesquels il n'existe
aucun soupçon d'infection syphilitique (21 faits); parmi eux 7
malades, appartenant à la clientèle privée, fournissaient des
anamnestiques certains, 10 avaient eu plusieurs enfants sains,
sans aucun avortement, 3 pouvaient être soupçonnés de syphilis
(avortements répétés, exostose du tibia chez un cocher, surdité
nerveuse subite chez une soeur de neuf ans), 9 avaient probable-
ment subi un refroidissement, 8 avaient été affectés de para-
lysie des muscles de l'eeil, 1 était atteint d'atrophie du nerf
optique; soit, au total, 44 p. 100 de refroidissements, 35 p. 100 de
symptômes en rapport avec les muscles de l'oeil, 5 p. 100 d'atrophie
du nerf optique. Si maintenant on adopte la théorie unitaire de
la syphilis, on doit calculer que, sur les 49 cas précédents, 31,
c'est-à-dire 63,5 p. 100 étaient syphilitiques; si l'on est partisan
de la théorie dualistique, on relève la proportion de 28,5 et tout
au plus 36,7 p. 100 de syphilis, c'est-à-dire une;proportion moyenne
de 33 p. 100.
AI. Bernhardt. Jusqu'au 21 janvier 1880, l'orateur a fait le réco-
lement de 125 cas de tabes soigneusement observés quant aux
facteurs étiologiques. Le 21 janvier 1880, il donnait des dé-
tails de même ordre sur 67 tabétiques (58 h., 9 f.) et formulait
la proportion de 40 p. 100 ayant eu la syphilis auparavant; en
en défalquant les chancres mous, il restait encore 21 p. 400. Le
8 novembre 1881, il publia une analyse pathogénétique de 20 ta-
bétiques examinés d'après le même plan; 60 p. 100 d'entre eux
avaient été jadis infectés : la défalcation des chancres mous laisse
une moyenne de 45 p. 100. 26 cas sont étudiés à ce point de vue,
en septembre 1883, il arrive à la proportion de 57,6 syphilitiques
SOCIÉTÉS SAVANTES. 433
théorie unitaire) et de 38,4 (théorie dualistique). Les 12 derniers
cas envisagés par lui dans la dernière séance se résument en
83 p. 100 de syphilitiques. Si l'on comprend dans la statistique
les chancres roous,ilfautformuler le chiffre de 60 p. 100 tabétiques
syphilitiques; si on élimine leschancres mous, on arrive simplement
à 48 p. 100. L'inspection comparative de 100 hommes affectés de
tuberculose pulmonaire et certainement indemnes de tabes se
traduit par 62 p. 100 n'ayant assurément pas eu la syphilis; 26
p. 100, ou, si l'on exclut le chancre mou, 8 p. 100 avaient été in-
fectés. 5 : 5 autres tout récemment examinés se répartiraient en :
61,8 p. 100 non tabétiques, dont un indubitablement indemne de
syphilis et 23,6 p. 100, ou, si l'on ajoute les chancres mous, 38
p. 100 syphilitiques. D'où le résultat total que voici : sur 125 ta-
bétiques, 46,8 p. 100 avaient sûrement eu la syphilis ; sur 155 non
tabétiques, 15,8 p. 100 avaient à coup sûr eu la syphilis ; com-
prend-on dans la répartition les chancres mous, on obtient pour
la première classe, 60 p. 100 syphilitiques, pour la seconde 32 p. 100
syphilitiques.
M. REMAK. En aucun cas de tabes il n'a vu de phénomènes érup-
tifs (syphilis cutanée, etc.), tandis que chez les hémiplégiques ou
observe souvent ces accidents. Il n'a pas parlé à dessein de ses
faits anciens, car ils n'ont pas été recueillis dans le but qui nous
occupe.
M. Lswrssxr. Quel était l'âge des tuberculeux ?
M. Bernhardt. De vingt à quarante ans. Chez une femme tabétique
n'étant, en dehors de l'infection syphilitique, sous le coup d'aucun
autre agent pathogénétique, il a observé une périostite bilatérale
très douloureuse des tibias, qui disparut promptement après l'ad-
ministration de K. I.
M. Westphal combat les assertions de Moebius relatives au
tabes chez la femme (Centralllatt f. Neruenheilh. du 1"mars 81';
aux cas positifs de cet auteur, il peut opposer un bien plus grand
nombre de faits négatifs, c'est-à-dire de femmes tabétiques non
syphilitiques. Il serait intéressant de poursuivre l'étude de l'étio-
logie de la sclérose multiloculaire, car ses observations lui ont
laissé l'impression, que, dans cette maladie, la syphilis joue peut-
être un rôle.
M. MENDEL. Communication annoncée sur la démence paralytique
chez les chiens. On saitque, lorsqu'on examine les cerveaux de para-
lytiques généraux morts aux divers stades de cette affection, on cons-
tate trois espèces d'étalsanatomo-patliologiques. Dans les cas où la
maladie a suivi une évolution aiguë, c'est une hyperémie corticale
très prononcée; le tissu interstitiel est rempli de noyaux qui, pour
1 Voy. Archives de Neurologie Revues analytiques.
Archives, t. IX. 28
434 SOCIÉTÉS SAVANTES.
la plus grande part, émanent d'hématies extravasées, et les espaces
adventices sont bourrés de leucocytes. La grande majorité des
faits concernent une marche d'ordinaire lente, les malades sont
tués en trois ou quatre ans; les altérations principales résident
dans le tissu interstitiel (prolifération de cellules-araignées, dont les
prolongements multipliés, sont en relation avec les vaisseaux
néoplasie vasculaire hypergenèse de noyaux). Une troisième
série comprend les cas rares à marche traînante : ici il y a sclé-
rose étendue de l'écorce grise, étiolement, atrophie des cellules
nerveuses ganglionnaires. Cette étude anatomo-pathologique fait
entrevoir que le point de départ de la paralysie générale réside
dans l'hyperémie organique de l'écorce. Mais il n'y a que très peu
de gens, parmi les individus exposés à de fréquentes hyperémies
corticales, qui deviennent paralytiques généraux. Aussi doit-on
admettre qu'il existe une prédisposition préparatoire, soit, par
exemple, une lésion des parois vasculaires, permettant le passage
à travers elles des parties constitutives du sang. Delà l'idée d'ins-
tituer des expériences capables de produire une hyperémie assez
puissante pour que le sang surmonte la résistance des parois vas-
culaires normales. Or, Salathé a déjà montré que si l'on fixe un
animal sur une table, en lui assujettissant la tête sur le bord de
cette table et que si l'on fait tourner le tout, au bout d'un certain
temps, l'animal meurt. La force centrifuge a provoqué de l'liype-
rémie cérébrale. Inversement, si l'on place la tête au milieu de la
table, la rotation détermine de l'anémie encéphalique. M. Mendel
a répété ces expériences dans le laboratoire de Munk; il a obtenu
les mêmes résultats. L'un des chiens dont les organos sont mis
sous les yeux de la société a été traité par la force centrifuge ; il
est mort au bout de 17 minutes; on constate sur le crâne, les
méninges, le cerveau, les muscles de la tête et du cou, un état
d'hyperémie très prononcé, avec hémorrhagies capillaires ; les
organes occupant le centre de la table sont anémiés. Un second
chien soumis le même jour à la force centripète mourait en 3 mi-
nutes ; les centres encéphaliques sont anémiés, tandis que les
organes situés au bord de la table sont hyperémies. M. Mendel a
été plus loin. 11 a provoqué une hyperémie centrifuge modérée,
à petites doses non mortelles, quelques minutes chaque jour, en
plusieurs séances successives. Immédiatement après la rotation, on
observe du nystagmus, de légers tiraillements dans le domaine du
facial supérieur, de l'hébétude, de l'oscillation avec titubation du
côté vers lequel a eu lieu la rotation. Au bout de deux semaines
de ce traitement, voici les symptômes permanents que l'on note :
Indifférence de l'animal qui demeure au repos dans sa niche,
troubles de la motilité des membres postérieurs, perte de la no-
tion de position de ces extrémités, puis phénomènes identiques
du côté des extrémités antérieures, parésies sur les groupes mus-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 435
culaires du tronc et du facial, modifications dans l'aboiement,
troubles de la sécrétion urinaire. Rien du côté de l'appareil digestif
jusqu'à la mort, mais difficultés de la déglutition dans les derniers
temps. La mort a lieu au milieu d'un complexus symptoma-
tique constitué par un amaigrissement très prononcé, des acci-
dents du décubitus, des phénomènes de paralysie généralisée.
On cesse d'exécuter les séances de rotation dès que ces phénomè-
nes ont commencé leur apparition. Deux chiens sont soumis à
l'examen des membres de la Société. L'un d'eux est arrivé à un
degré modéré de démence (affaiblissement intellectuel), accom-
pagné de parésie des extrémités postérieures et perte du sens de
position. L'autre, qui, depuis trois mois, n'a pas subi de rotation,
présente un état prononcé de démence, avec parésie des quatre
extrémités, du tronc, des muscles innervés par le facial. Le pre-
mier était jadis un animal très éveillé, fringant, d'un tempéra-
ment sanguin, l'autre était extrêmement méchant; tel est leur
atfaiblissementpsychique que, depuis une heure, ils attendent dans
une antichambre sans s'inquiéter des gens qui entrent. Dans
toutes les autopsies de ces animaux, le tableau anatomo-pathologi-
ques est uniforme, c'est-à-dire que, macroscopiquement, il s'agit
d'adhérences parfaites delà dure-mère à la pie-mère et à l'écorce.
En voici une préparation. Les adhérences sont des plus nettes au
pourtour du sillon cruciforme; on voit, en outre, une araclinite dif-
fuse, d'une intensité modérée, avec plaques laiteuses le long des
vaisseaux. Au microscope, on relève tous les signes d'une encépha-
lite corticale interstitielle; (cellules araignées nombreuses et
très développées, prolifération des noyaux, hyperplasie vascu-
laire) ; en un mot, il y a concordance complète avec l'état habituel
de l'écorce des aliénés paralytiques généraux.
Pourquoi maintenant l'écorce est elle seule ? lésée Pourquoi la
substance blanche demeure-t-elle indemne dans tous les stades
qui ne constituent pas les phases ultimes, ainsi que cela a lieu
chez l'homme ? Ceci résulte de la différence de distribution des
vaisseaux dans les deux substances. La substance grise renferme
un système de canaux multiples très ramifiés, pourvus d'anas-
tomoses transverses nombreuses, qui, cela se conçoit de reste,
opposent de plus grands obstacles à la circulation du sang que
le réseau vasculaire parcimonieux fourni par les extrémités
artérielles de la substance blanche.
Pourquoi, dans la pluralité des cas, les premières perturbations
affectent-elles les extrémités postérieures ? Pourquoi est-ce le pour-
tour du sillon cruciforme et de la scissure de Sylvius qui est de
préférence exposé à la lésion ? Il s'agit ici de rapports topographi-
quesdes vaisseaux. M.Mendel y reviendra probablement plus tard.
436 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du 9 juin 1884. Présidence DE M. Westphal.
M. JASTROWITZ. Communication annoncée sur un cas de conceptions
io7·ésistibles en nzédecine léyale, auec quelques re7na7·yues relatives
aux conceptions irrésistibles. L'observation est destinée à la Deuts-
che medicinische Woche7zsclarift. Un homme de trente-un ans était
hanté par l'obsession qu'il lui fallait s'approprier des objets de
femme. Aussi dans un tramway extrayait-il de la poche d'une dame
sonporte-monnaie.Le diagnosticétait très difficile parce qu'il sem-
blait qu'il y eût simulation. Les débats seuls et les faits ultérieurs
mirent en lumière l'explication des symptômes les plus remarqua-
bles de l'inculpé. Il s'agissait d'un accordeur de pianos ayant sur-
mené son nerracouslique par desaccordscontinus,d'oùimpression-
nabilité extrême du cerveau. Ajoutez à cela des excitations laten-
tes du système génital (rêves, pollutions), ayant dirigé les pensées
pathologiques du patient sur un autre sexe. L'orateur détaille
les conditions nécessaires à la genèse des conceptions irrésisti-
bles. Il rappelle la discussion ayant eu lieu sur ce sujet dans le
sein de la Société en 1877. D'après son expérience, c'est toujours
une sorte d'asthénie cérébrale, quelles qu'en soient les causes les
plus multiples, qui préside forcément à la t'enèse de cette affection.
Jamais elle n'apparaît sur un terrain indemne d'hérédité, psychi-
quement normal, non surmené, c'est-à-dire en pleine santé men-
tale. Cas de Passow, Zippe, Charcot et Magnan. Ce n'est cependant
ni une psychose dégénérative, comme le veut de Kralft-Ebing, ni
une forme de folie systématique, comme le pense Schuele.
Discussion : .'
M. Westphal. Il a en son temps édifié la notion de conception
irrésistible, comme indépendante de tout autre trouble psychique ;
elle se produit isolément chez un individu autrement bien por-
tant. L'impressionnabilité cérébrale constitue un élément vague.
Il est certain que les conceptions irrésistibles apparaissent sans
affaiblissement préalable; en bien des cas, une émotion de l'âme
les a précédées, mais souvent ces états sont consécutifs. Les expres-
sions d'imprégnation, de tare héréditaire, sont incertaines, dé-
pourvues de clarté. Il n'est pas non plus constant qu'il n'y ait
qu'un côté de l'activité psychique d'atteint; c'est tout au plus si
l'on serait en droit de parler de prédominance temporaiie. Il
faudrait traiter des conceptions irrésistibles pures (théoriques),
à côté de celles où l'impulsion correspond à des conceptions.
Comment se fait-il que, dans certains cas, aux conceptions irrésis-
tibles s'associent des excitations sexuelles ? On ne sait. Ainsi l'ora-
teur connaît un jeune homme qui a des pollutions au moment où
se produit la conception irrésistible, l'obsession qu'il est enchaîné
SOCIÉTÉS SAVANTES. 437
ou qu'il lui faut se lier les mains. Un autre éprouve des excitations
sexuelles alors qu'il retrousse les manches de sa chemise.
M. JASTRONITZ. D'après ses observations, il y aurait lieu d'établir
que, chez un homme complètement sain, pur de toute tare
héréditaire, de toute prédisposition, les conceptions irrésistibles
n'apparaissent pas comme au milieu d'un ciel serein. Il serait à
souhaiter que des exemples de ce genre fissent l'objet de com-
munications détaillées. Le surmenage psychique et la dégénéres-
cence mentale jouent un rôle, mais il est difficile de tracer les
limites de ce que traduit le mot de dégénérescence; les psychoses
dégénératives ne peuvent avoir de bornes tracées qu'en des cas
concrets déterminés, et non en général.
M. OTTO. Communication avec pièces à l'appui sur un cas de
porencéphalie. Un jeune garçon de quatre ans présente un faible
développement physique (petit crâne de 41 centimètres de circon-
férence) ; c'est un idiot dans toute la force du terme. Depuis la
naissance, il existe de la rigidité de presque tous les muscles. La
raideur accompagne tous les mouvements actifs ou passifs, tous
les changements de position; dès qu'il s'agit de se remuer, les
muscles forment des bourrelets saillants très nets, si bien que
souvent l'enfant présente la rigidité d'un bâton. Cette raideur
disparaît pendant le sommeil et au repos. Sensibilité tout à fait
normale; il en est de même des réflexes, des organes des sens,
de la réaction électrique. Autopsie. Poids de l'encéphale, 470
grammes; hémisphère droit, 130; hémisphère gauche, 180. Deux
grandes lacunes porencéphaliques communiquent avec les ven-
tricules ; elles sont symétriquement placées dans le territoire de
l'artère cérébrale postérieure, à peu près à la limite qui sépare le
lobe temporal du lobe pariétal, et celui-ci du lobe occipital. Une
troisième perte de substance cicatricielle constitue une fente
petite mais profonde à la convexité du côté gauche, au point où
s'abordent la troisième frontale et la frontale ascendante; dispo-
sition radiaire des circonvolutions ambiantes. Intégrité des insu-
las ; absence bilatérale de l'opercule; brièveté des sillons de
Rolando. Aucune anomalie microscopique des nerfs, de la moelle
épinière, des muscles. Il s'agit, dans l'espèce, d'un processus de
destruction foetal par nécrose anémique du manteau; d'où les
trous et l'étiolement général de l'encéphale. Peut-être faut-il
accuser l'anémie maternelle pendant la grossesse. Pour expliquer
les phénomènes moteurs, il faut avoir recours à l'entrave apportée
au fonctionnement des circonvolutions ascendantes et de la région
pariétale. Ressemblance des troubles de la motilité avec la mala-
die de Thomsen (rigidité, saillie des bourrelets musculaires). Ce
cas sera publié en détail '.
1 Nous l'analyserons alors plus amplement, s'il y a lieu.
438 BIBLIOGRAPHIE.
Discussion :
M. VESTPHAL. Il n'y a pas de raison d'établir une comparaison
avec la maladie de Thomsen 1.
M. REMA&. La raideur congénitale spasmodique des membres
décrite par Rupprecht chez les enfants idiots dont l'encéphale
est lésé devrait être rapprochée de ce fait. Un malade autopsié
par Ross présentait précisément de la porencéphalie.
M. Bernhardt. Il y a plusieurs années, Scliultze a insisté sur la
grande analogie qu'il y a entre les phénomènes spasmodiques
des hydrocéphales et la paralysie spinale spasmodique des en-
fants. Rappelons aussi les travaux de Ross sur l'hémiplégie et la
paraplégie spasmodique, des enfants qui sont atteints d'une
lésion pathologique du cerveau, ainsi que les expériences toutes
récentes d'Adamkiewicz, sur la production de spasmes passagers
chez des lapins dont on excite momentanément par compression
la surface du cerveau. (Arch. f. Psych. u. No,venk ? XV, 3.)
P. KÉRAVAL.
BIBLIOGRAPHIE
X. La Gymnastique (notions physiologiques et pédagogiques,
application hygiéniques et médicales); par A. Collineau.
Cet important ouvrage est divisé en cinq parties : la première
est consacrée à l'Histoire de la gymnastique depuis les temps les
plus reculés jusqu'à nos jours. La deuxième est un exposé judi-
cieux des notions d'anatomie et de physiologie qu'il est indispen-
sable de connaître pour se rendre compte du mode d'action des
différentes pratiques gymnastiques. La troisième contient une
étude analytique.et critique de presque tous les exercices^corporels
et en particulier de la marche, de la course, du saut, de la danse,
de l'équitation, de la natation, etc. La quatrième est réservée à
l'étude des exercices qui s'exécutent à l'aide d'engins appropriés
au développement d'une région, d'une fonction ou d'un système
organique; c'est en un mot l'étude de la gymnastique dite avec
appareils.
1 Voir les Archives de Neurologie, t. VIII, p. 273; IV, Y46.
BIBLIOGRAPHIE. 439
Cette partie, une des plus importantes de l'ouvrage, est divisée
en plusieurs chapitres relatifs à la construction et à l'aménagement
des gymnases, à l'installation hydrothérapique qui en est le com-
plément nécessaire, etc... ; on y trouve, en outre, une description
méthodique des différents exercices gymnastiques et de tous les
engins et appareils avec lesquels ils s'exécutent : de nombreuses
figures aident à la clarté de cette description. Cette quatrième
partie se termine par un exposé critique de trois grandes;méthodes
modernes de gymnastique : 4 la Gymnastique suédoise fondée par
Hing; 2° la Gymnastique de chambre ou de l'opposant, préconisée
par Sclireiber en Allemagne et Pichery en France; 3° la Gymzzas-
tique militaire ou de l'Entrainement qui a reçu son plus grand dé-
veloppement en Angleterre. Les médications thérapeutiques de
la gymnastique forment l'objet de la cinquième partie.
En raison de la nature de ce recueil, nous nous bornerons à ré-
sumer ici les procédés gymnastiques applicables au traitement
des maladies nerveuses telles que l'idiotie et l'imbécillité, la chorée,
l'hystérie, l'épilepsie, l'hypocondrie et enfin un certain nombre
d'atrophies et de paralysies fonctionnelles.
L'utilité des exercices gymnastiques chez les idiots a été dé-
montrée depuis longtemps, les résultats qui ont été, obtenus à
Bicêtre et à la Salpêtrière, surtout depuis l'adoption par M. le
Dr Bourneville de la gymnastique Pichery, sont' à cet égard des
plus instructifs. Aussi croyons-nous devoir indiquer en quelques
mots le principe de cette méthode. M. Pichery a remplacé l'anta-
goniste que nécessite la gymnastique suédoise par un système
d'engins qu'il désigne simplement sous le nom d'opposant : ces
engins consistent en échelles de cordes jumelles et en [chaînes
élastiques constituées par des ressorts à boudin qui permettent
de mettre enjeu successivement et sans danger tous les muscles
du corps des enfants idiots, gâteux et semi-paralytiques.
On sait combien il est difficile de fixer l'attention delà plupart
de ces enfants, et combien ils sont inhabiles à se servir de leurs
mains; grâce à ces engins, on parvient assez aisément à dévelop-
per et à perfectionner la faculté de préhension et on habitue peu
à peu leur corps se prêter aux diverses attitudes de la station,
de la marche, du saut, etc. Une fois ces premier-, résultats acquis
ces enfants passent au grand gymnase, où on complète l'assou-
plissement de leurs membres par des mouvements d'ensemble
cadencés et rhythmés jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de se
livrer aux différents exercices de la gymnastique proprement dite
ou d'application avec les instruments (haltères, barres à sphères,
niels, etc.), les agrès (échelles, cordes à noeuds, perche fixe ou
mobile) et les appareils (barres parallèles, trapèze, etc.)
Dans la chorée, cette folie musculaire, le choix des procédés
gymnastiques n'est pas moins important. On peut diviser à ce
440 BIBLIOGRAPHIE.
point de vue les choréiques en deux catégories : dans la période où
la volonté n'a aucune prise sur les puissances musculaires, la
gymnastique doit être passive et consister en massages à pleines
mains sur toute la surface du corps et en frictions continuées
pendant une heure. Dès qu'il se produit un amendement on passe
sans abandonner le massage aux mouvements de flexion et d'ex-
tension, successifs, lents, très réguliers et rhythmés. Enfin quand
la volonté commence à reprendre son empire, la gymnastique de-
vient active : aux marches, aux mouvements d'assouplissement
succèdent le maniement des haltères, des barres à sphères, puis
les manoeuvres aux agrès, etc.
Dans l'hystérie, les exercices qui se pratiquent au gymnase cou-
viendrontdans la majorité des cas en tenant compte, bien entendu,
de l'âge, du sexe, des aptitudes physiques et intellectuelles, etc.,
des sujets. L'hydrothérapie doit être le complément obligé de la
gymnastique.
Dans I'/M/sMro-p6pSt'e et l'épilepsie, les accès, sans contre-indi-
quer positivement la gymnastique, exigent cependant qu'elle ne
soit pratiquée qu'avec certaines réserves : M. Delasiauve a formulé
cet égard des préceptes qui peuvent encore aujourd'hui servir
de règle de conduite et l'expérience de tous les jours, démontré
que, sous l'influence des jeux et de la gymnastique, les accès
diminuent de fréquence.
Lorsqu'il s'agit d'un état habituel 3')aypocoztdrie, il faut suivre
le goût du malade et lui faire faire sans rigorisme de méthode
ses exercices de prédilection : le tout est de l'amener à déployer
chaque jour une certaine activité musculaire.
Les paralysies qui ne sont pas symptomatiques d'une lésion or-
ganique sont également justiciables de la gymnastique : M. Heiser
en a décrit les règles principales et a fait construire un appareil
spécial destiné aux hémiplégiques.
Enfin dans l'atrophie musculaire progressive, tant que la con-
tractilité musculaire subsiste, il est indiqué de la solliciter de
toutes les manières : la gymnastique pourra donc rendre encore
ici quelques services; malheureusement on sait combien est
sombre le pronostic de cette affection.
Il existe encore un grand nombre de maladies, pour la plupart
rebelles au traitement médical proprement dit, dans la thérapeu-
tique rationelle desquelles la gymnastique mérite de prendre place
au premier rang. D'un autre côté, on ne saurait nier la salutaire
influence des exercices gymnastiques pour le développement des
facultés physiques et intellectuelles. La place de jour en jour plus
grande qu'on leur accorde dans les nouveaux systèmes d'éducation
le prouve suffisamment. A ce double titre, le livre du Dr Collineau
nous parait appelé à un légitime succès. DENY.
BIBLIOGRAPHIE. 441
XI. Contribution à L'étude des troubles trophiques dans la paralysie
générale; par J. RAMADtER (Thèse 1884).
Les paralytiques généraux, offrent souvent des troubles de la
nutrition générale, amaigrissement ou engraissement qu'il n'est
pas toujours facile de mettre en rapport avec les autres troubles
psychiques ou somatiques. Certains appareils et certains tis-
sus paraissent pouvoir être atteints de préférence : on a signalé
des éruptions cutanées peniphigoïdes, maculeuses, anthracoïdes,
etc., le zona; mais l'étude de ces manifestations n'est pas encore
assez complète pour permettre d'établir définitivement leurs rap-
ports avec la maladie de Bayle. La paralysie générale offre avec
l'ataxie locomotrice des rapports étroits par l'étiologie l'évolution
symptomatique, l'anatomie pathologique; aussi n'est-il pas sur-
prenant de voir signalés dans le cours de la première maladie
des troubles qui ont été observés dans la seconde, nous voulons
parler du mal perforant plantaire (Christian), de l'atrophie mus-
culaire (Voisin et Hanot), d'une altération atrophique des os qui
favorise les fractures. -Parmi les troubles de nutrition, il faut
citer encore les escarres qui se produisent fréquemment sousl'in-
fluence des pressions prolongées, et en particulier les escarres
au sacrum, sur lesquels M. l3alllarer a particulièrement insisté.
Ces escarres sacrées, qui se rencontrent dans un grand nombre
d'affections nécessitant un décubitus prolongé, déterminent sou-
vent, lorsque le canal rachidien a été ouvert, la production d'une
méningite ascendante remontant jusqu'à la base du cerveau,
qui prend dans cette région une coloration ardoisée spéciale.
Cette coloration ne se rencontre, comme l'a montré M. Baillarger,
qu'en conséquence de l'escarre sacrée, et de la méningite consé-
cutive ; ce qui le prouve c'est que cette coloration se retrouve dans
certains cas d'otite interne ou de cancer de l'oeil ayant déterminé
la destruction de l'orbite; elle occupe alors des régions corres-
pondantes à la destruction osseuse et à la lésion inflamma-
toire. Ces escarres sacrées déterminent encore une autre compli-
cation non signalée par M. Ramadier, c'est l'infection purulente,
avec abcès de la rate, etc. Cn. F.
XII. Raison et Folie; par Auguste Tebaldi, professeur de psychiatrie
à l'université de Padoue. In-42 de 220 pages, Ulrico Hoepli,
éditeur. Milan 1884.
Ce livre, dit l'auteur dans sa préface, s'est trouvé écrit presque
sans y penser, au jour le jour, au hasard de l'inspiration et des
impressions quotidiennes, dans un langage dépourvu de cette ter-
minologie technique, de cet appareil doctrinal, de ce luxe de
4t2 BIBLIOGRAPHIE.
chiffres, qui rendent souvent si difficile et si pénible la lecture
des ouvrages de psychiatrie. Et de fait, rien n'y sent l'effort ; ce
n'est pas un traité solennel, mais une suite de conférences sans
prétention, une causerie pleine d'intérêt et de charme.
Les livres de ce genre s'accommodent mal d'une analyse métho-
dique, toujours en désaccord avec leurs allures primesaulières.
Nousciterons rapidement quelques-uns des principaux chapitres.
Tout d'abord, l'auteur rappelle quelles ont été les vicissitudes de
l'assistance publique des aliénés, et donne une description de
quelques asiles en France (Salpêtrière), en Angleterre, en Belgique
(Gheel), en Allemagne, en Italie.
Puis, entrant dans le coeur de son sujet (Raison et Folie), il se
livre à d'ingénieux aperçus sur l'idéation chez les fous, sur les
manifestations artistiques et poétiques, imaginatives et affectives
sans la folie.
Signalons aussi les pages consacrées au délire politique et au
délire religieux où l'on trouve d'intéressants exemples de ces
divers délires.
Sortant alors de l'asile, l'auteur nous fait faire une excursion
dans la vie ordinaire en nous présentant tous les demi-fous, tous
les cérébraux, tous les bizarres, tous les excentriques, qui pullulent
autour de nous et parmi nous, et nous indique en même temps
quelques-uns des desiderata de la médecine légale.
Suit une étude très fine sur les fous dans la littérature : Roland
furieux, Don Quichotte, le Fou de Parachos, Macbeth, le Roi Lear,
Iiainlet.
Et pour finir, quelques conseils sur l'hygiène de l'intelligence.
Un index bibliographique assez étendu termine ce volume.
P. Marie.
XIII. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie
et l'idiotie; par BOURnC'1LLE, ]3oUTIEIt, ]3oN-i ? inr, S1GL.1S. Compte
rendu du service de Bicêtre pour l'année 1883. Paris, bureaux
du Progrès médical.
Ce volume est le quatrième de la série et comme les précédents
est divisé en deux parties. La première est consacrée à l'histoire
du service pendant l'année 1883 au point de vue de l'administra-
tion, de la statistique médicale, etc.; la seconde est exclusivement
constituée par des documents cliniques.
Dans la première partie, M. Bourneville et ses collaborateurs
donnent un compte rendu minutieux du fonctionnement du ser-
vice au point de vue des écoles et des occupations diverses pro-
curées aux petits malades, en insistant spécialement sur l'ensei-
gnement professionnel qui, grâce à une persévérance digne
d'éloges, a pu enfin être constitué et semble donner déjà d'excel-
INDEX bibliographique. 443
lents résultats. Nous n'avons pas à insister ici sur l'importance d'un
pareil progrès; mais nous devons constater qu'elle est considé-
rable et que c'est le point de départ d'une modification complète
dans le système d'assistance appliqué aux idiots et aux aliénés.
La deuxième partie comprend d'abord une étude très complète
du mérycisme par MM. Bourneville et Séglas; cette étude ayant
déjà paru dans les Archives de Neurologie, nous nous bornons à la
signaler. Vient ensuite une observation d'h3,stéro-épilepsie, chez
un jeune garçon de treize ans. Puis trois observations d'idiotie,
l'une avec méningo-encéphalite chronique, l'autre avec hydrocé-
phalie, la troisième avec atrophie simple des circonvolutions cé-
rébrales. Dès maintenant les quatre Comptes rendus du service
de Bicêtre renferment des documents intéressants et dignes d'être
consultés sur l'épilepsie, l'hystérie chez l'homme et l'idiotie. P. M.
INDEX bibliographique
Contribution à l'étude des névralgies du membre supérieur; par
TURBERT. (Thèse de Paris, 1884.)
Notes sur la rage, et particulièrement sur l'incubation, sur les
formes larvées et le pronostic; par WALLET. (Thèse de Paris, 1884.)
Etude sur quelques cas d'atrophie musculaire généralisée, consécu-
Mue à des tumeurs malignes de la colonne vertébrale; par Séné.
(Thèse de Paris, 1884.)
De la lypémani ? etplus particulièrement de la lypémanie anxieuse;
par METZGER. (Thèse de Paris, 1884.)
L'hystérie chez les jeunes garçons; par de CASAUBON. (Thèse de
Paris, 1884.)
De l'aliénation mentale chez les vieillards ; par 601DAL. (Thèse de
Paris, 1884.)
Contribution à l'étude de l'atrophie musculaire survenant dans le
cours de la sclérose en plaques disséminées ; par Daima. (Thèse de
Paris, 1884.)
D'une forme de névralgie maxillaire (névralgie des eftenMs) consi-
dérée surtout au point de vue de la pathogénie et du traitement; par
M. HELIE. (Thèse de Paris, t884.)
Essai sur la modification ci apporter ci la loi de 1838 à l'égard des
aliénés criminels; par Lemonnier. (Thèse de Paris, 1884.)
Contribution ci l'élude du non-restraint; par TAGLE Y ALFONSO.
(Thèse de Paris, 1884.)
Du traitement méthodique du tétanos par la fève deCalabar et son-
principe actif l'ésérine; par PISSOT. (Thèse de Paris, 1885.)
De l'aphasie au début de la paralysie générale; par Duhamel.
(Thèse de Paris, 1885.)
1,41 4 FAITS DIVERS.
Crises viscérales de l'ataxie locomotrice progressive ; par VEIL-
LEAU. (Thèse de Paris, 4885.)
De l'épilepsie syphilitique et de son diagnostic différentiel avec
l'épilepsie vulgaire ; par J. Barbier. (Thèse de Paris, 1885.)
FAITS DIVERS
Société française de TEllPliR9NCE.- Cette Société a tenu sa séance
solennelle le 29 mars, sous la présidence de M. A. DUVE11GEII, pro-
fesseur à l'Ecole de Droit. Après avoir entendu une allocution
chaleureuse de M. le professeur A. Duverger, le rapport sur la si-
tuation morale et financière de l'oeuvre par M. le DT Limier, se-
crétaire général, les rapports de MAI. Decaisne. Froc et Ch.Tierry-
Mieg et celui de M. Guignard sur les récompenses, la Société
a décerné une médaille de vermeil à M. le Dr Kümmer et au pas-
teur A1.-L.-L. Rochat, des médailles d'argent à MM. les Ds 1 . Jac-
quemart et A.-J. Devoisins, des médailles de bronze à M110 Conte
et M. Marambat; 750 fr. répartis entre MM. les D's Devoisins, Jac-
quemart, Legendre et John Lemoine, 244 diplômes de membre
associé honoraire, 29 médailles d'argent, 265 médailles de bronze,
14 diplômes de membre titulaire et 421 diplômes de témoignage
de satisfaction, 49 livrets de caisse d'épar2ne postale (550 fr.),
12 comptes rendus du congrès international de 4878, 420 manuels
Pécard, 12 manuels populaires du Dr Auguste Sanden, 89 exem-
plaires de la conférence Homais, 484 volumes de ses bulletins et
1,148 exemplaires des années 1880 à 1884 du Bon Conseiller, publié
sous son patronage.
Société médico-psychologique. (Prix à décerner en 1886). - Prix
Aubanel. Question proposée : « De la coexistence, chez un
même malade, de délires d'origine différente (alcoolique, épilep-
tique, paralytique, vésanique, etc.), au point de vue du diagnostic,
du pronostic, du traitement et de la médecine légale. » Ce prix
est de la valeur de 2,400 fr. -Prix Belhomme. Ce prix, de la
valeur de 1,300 fr., sera décerné au meilleur travail manuscrit
relatif à l'idiotie et de préférence aux lésions anatomiques des
centres nerveux dans l'idiotie. Prix Esquirol. Ce prix de la
valeur de 200 fr., les oeuvres d'Esquirol, sera décerné au meilleur
mémoire manuscrit sur un point de pathologie mentale.-Prix
Moreau (de Tours).-Ce prix, de la valeur de 200 fr., sera décerné
au meilleur mémoire manuscrit ou imprimé, ou bien à la meil-
FAITS DIVERS. 445
leure des dissertations inaugurales soutenues dans les facultés de
médecine de France, sur une question de pathologie mentale et
nerveuse. Les mémoires imprimés et les thèses devront avoir été
publiés en 1885. Nota. Les mémoires manuscrits ou impri-
més, ainsi que les thèses, devront être déposés, le 31 décembre
1885, chez M. le Dr Ant. Ritti, médecin de la Maison nationale de
Charenton, secrétaire général de la Société. Les mémoires manus-
crits seront accompagnés d'un pli cacheté avec devise, indiquant
les noms et adresse des auteurs.
' Société de psychologie physiologique de PARIS. - Nous signa-
lons à nos lecteurs la fondation toute récente d'une Société de
psychologie physiologique, dont les statuts, qui ne peuvent être
reproduits ici, sont en grande partie modelés sur ceux de la So-
ciété de biologie. La nouvelle Société a pour but l'élude des phé-
nomènes psychiques, à l'état normal et à l'état pathologique,
d'après la méthode d'observation et d'expérimentation. Elle se
compose : 1° de 30 membres titulaires résidants à Paris; 2° de
membres correspondants dans les départements.
Le bureau sera ainsi composé : : Président, M. Charcot ; vice-
présidents, MM. P. JAYET et Th. RIBOT; secrétaire général,
AI. Ch. RICUEr; secrétaires, MM. Ch. Féré et E. GLEY ; trésorier,
M. FERRARI. Pour les membres correspondants, la cotisation
annuelle est fixée provisoirement à 12 fr. par an. Les personnes
qui désirent s'associer devront s'adresser à M. Ch. Richet, bureau
de la Revue scientifique, ou au bureau de la Revue philosophique.
- Dans l'un de nos prochains numéros, nous publierons les pre-
mières communications faites à la Société. (Revue philosophique.)
Nominations ET promotions. M. le Dr DuBuissoN est nommé
médecin adjoint de l'asile Sainte-Anne, en remplacement de
M. le Dr BRIGAND (2e classe, 2,500 fr.). M. le Dr Brusque est nommé
médecin adjoint de l'asile de Vaucluse (Seine), en remplacement
de M. le Dr BOUDRIE (Ire classe, 3,000 fr.).
Ont été nommés chevaliers de la Légion d'honneur, pour
services exceptionnels rendus pendant la dernière épidémie cho-
lérique : M. le Dr BENOIT, médecin de l'asile d'aliénés de Privas
(Ardèche) ; M. le Dr Campagne, médecin en chef de l'asile d'alié-
nés de Montdevergues (Vaucluse).
Les récompenses suivantes ont été en outre accordées par
décret en date du 30 mars, sur la proposition des ministres de
l'intérieur et du commerce :
Méd(tilles d'o ? ,de 1 le classe : ,AI. CARTOUX, directeur de l'asile Saint-
Pierre à Aiarseille; le Dr D ? ui3y, directeur-médecin de l'asile d'Aix;
le Dr Bouteille, directeur-médecin de l'asile de Toulouse; le
Df Goujon, sénateur, maire du 12° arrondissement de Paris.
446 FAITS DIVERS.
Médailles d'or de 2° classe : M. le D Rouc, médecin de l'asile
d'aliénés de Limoux; le Dl ABRAM, médecin adjoint à l'asile d'a-
liénés de Marseille; le Dr médecin adjoint à l'asile d'a-
liénés d'Aix; le Dr Motet, vice-président de la commission d'hy-
giène du 11, arrondissement de Paris.
Médailles d'or : M. le Dr FEi3vR, médecin adjoint de l'asile de
Montdevergues (Vaucluse); Alm°R.1YNAUD (en religion soeur Sainte-
Opportune), supérieure des soeurs de l'asile de Montdevergues.
Médailles d'argent de Ire classe : AI. le Dr CAILLAU, médecin
adjoint de l'asile de Toulouse ; M-11 Salé (en religion soeur Marie-
Rédemption), attachée à l'asile de Toulouse, et Cassenas (en reli-
gion soeur Irenée), attachée à l'asile d'aliénés de Limoux.
Médailles d'argent de 2e classe : M. Bonnet (Marius), infirmier à
l'asile de Marseille ; Meiluan et 111.1NON, internes à l'asile de Tou-
louse ; SOULA (Raymond), surveillant en chef à l'asile de Toulouse;
MUe Rouan (Marie), infirmière à l'asile de Toulouse.
Médailles d'argent : M11. Autan et FOURIEL, internes à l'asile de
Montdevergues (Vaucluse).
Médailles de bronze : MM. Cr.ucmcn (André), G.annlcor'a (François) :
Germain (Philippe), surveillants et VOLLF (Antoine), conducteur
des travaux à l'asile deMontdevergues (Vaucluse).
Lettres de félicitations : MM. BKLTRUDE, interne à l'asile de Mar-
seille ; Jean (Adrien), JEAUNEAU (Auguste) et Barger (Antoine),
infirmiers; 11L ? sAuLnEnT (en religion soeur Saint-Vincent), FAu-
CONIT (élicie), Girault (Eugénie) et Bladon (Marie), infirmières
au même établissement.
Mentions honorables : GRATADOUR et Roques, internes suppléants
à l'asile de Toulouse.
Nécrologie. Le D''Prosper Lucas, vient de mourir à J'âge de
soixante-dix-sept ans, Aleunecy (Seine-et-Oise), où il s'était retiré
depuis sa mise à la retraite. Plusieurs journaux, parmi lesquels le
Temps, la Justice, publient sur notre regretté collègue la note
suivante :
« Successivement médecin des aliénés de Bicêtre et de l'asile
Sainte-Anne, le DT Prosper Lucas est surtout connu par son
Traité philosophique et physiologique de l'hérédité naturelle dans
les états de santé et de maladie du système nerveux (2 vol. in-8°,
Paris, 1847-1850). Cet ouvrage, qui dénote une érudition et des
connaissances scientifiques peu communes, est la marque d'un
esprit profond et original ; il a été, on peut le dire, l'inspirateur
de tous les travaux qui ont été publiés depuis sur l'importante
question de l'hérédité physiologique ou morbide, tels que ceux
de Moreau (de Tours), de Morel, de M. Th. Ribot, etc., pour ne
citer que des écrivains français. Darwin a beaucoup contribué à
faire connaître à l'étranger le livre de notre savant compatriote.
FAITS DIVERS. 447
Le Dr Lucas avait recueilli dans ses services d'aliénés, de nombreux
documents qu'il se proposait d'utiliser pour un volume complé-
mentaire à son grand traité, et dans lequel il devait étudier les lois
qui président à l'hérédité des maladies mentales.
« Le Dr Prosper Lucas était le frère de M. Charles Lucas, membre
de l'Académie des sciences morales et politiques, bien connu par
ses travaux sur les questions pénitentiaires et l'abolition de la
peine de mort. »
Né en 1808 à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord), le Dr Prosper Lucas
avait pris une part active aux événements de 1848, et s'était pré-
senté à deux reprises aux élections. Dans sa profession de foi
républicaine du 19 avril 1849, nous citerons les passages sui-
vants :
« Deux partis du passé, dans leur aveugle et brutal égoïsme, n'ou-
blient que la patrie, la patrie épuisée de tant de convulsions qui
demande à ses enfants de la stabilité, de l'ordre et du repos ! 1
Tous deux sourds à sa voix, ou prenant celle du fanatisme et de
la passion pour elle, sans mémoire du passé, sans conscience du
présent, sans pressentiment d'un avenir qui nous touche, tendent t
avec une pensée différente, par des voies opposées, à un seul et
même dénouement, à une série sans fin de nouvelles catastrophes,
dût leur triomphe s'acheter de toute la fortune et de tout le sang
de la France; dussent-ils se disputer et s'arracher ensuite, sur
les ruines du pays, un règne sans lendemain.
« Contre les maux dont ces deux partis menacent la France, dans
notre foi profonde, il n'y a qu'un refuge : il est dans ce qu'ils at-
taquent ; il est dans le maintien et l'organisation paisible et
régulière de la République, etc.; toute révolution nouvelle,
qu'elle soit amenée par une insurrection ou par un coup d'Etat,
c'est le triple fléau, cette fois inévitable, de la banqueroute, de la
misère publique et d'un malheur cent fois pire que la guerre
civile, d'une jacquerie sociale qui suivra la misère. »
Outre son important Traité sur l'hérédité, qui obtint de l'Ins-
titut (Académie des sciences) un prix de 2,000 fr., M. le D Prosper
Lucas a publié avant son doctorat, 1831, 1 vol. in-8", couronné
par les sociétés des méthodes de l'enseignement élémentaire, sur
la liberté d'enseignement, une dissertation in-4°, intitulée : De l'inti-
tatioiz contagieuse, ou de la propagation sympathique des névroses
et des monomanies, et plusieurs mémoires scientifiques. La médecine
aliéniste perd en M. le Dr Prosper Lucas, un de ses membres les
plus éminents, un esprit distingué et érudit. (Ann. méd. psych.)
Le 3 mars dernier, est décédé le Dr Hurel (Pierre-Alexandre),
médecin à Gaillon et de la maison centrale de cette ville. Ce con-
frère distingué n'avait pas quarante-quatre ans. Depuis quinze ans
qu'il habitait Gaillon, il avait su s'attirer les sympathies générales
par son dévouement et sa charité.
448 FAITS DIVERS.
LeD'Hurel était officier d'académie, membre correspondant
de la Société de médecine légale de France et de la Société mé-
dico-psychologique de Paris. Nommé en 1869, médecin de la
maison centrale de Gaillon, et frappé du nombre de criminels
devenant aliénés, il n'eut pas de cesse qu'il n'obtînt de l'adminis-
tration l'annexion à la prison d'un quartier pour ces malades. Il
fut assez heureux, aidé en cela par les inspecteurs généraux,
de voir ses voeux réalisés en 1876.
Parmi les travaux publiés par notre regretté confrère, nous
citerons spécialement les suivants : Quelques observations pour servir
ci l'histoire de la folie pénitentiaire, in Ann. inéd.-I)sych. ne' de
mars et de mai 1875. Le quartier des condamnés aliénés annexé à
la maison centrale de Cation, in Azzn. méd.-psych., n° de mars-1877.
Etude statistique du quartier des condamnés aliénés annexé à la
maison centrale de Gaillon; in Compte rendu du Congrès interna-
tional de médecine mentale. Paris 1880. tÀ2111. t nzéd.-psych.)
Inauguration DE la statue de PINEL. La Société médico-psycho-
logique inaugurera le 13 juillet prochain la statue de Pinel, érigée
place de la Salpêtrière et olferte, comme l'on sait, à la ville de
Paris par la Société.
L'ordre du jour de la séance d'inauguration vient d'être ainsi
fixé : NI. Dagonet, président, ouvrira la séance par une allocution.
M. Legrand du Saulle, secrétaire du comité d'érection, fera remise
de la statue à la ville de Paris, représentée par 111. le Préfet de la
Seine. NI. Ritti, secrétaire général, lira un éloge de Pinel.
Nous croyons savoir également que plusieurs autres discours
seront encore prononcés par les représentants officiels de l'Aca-
démie de Médecine, de l'Académie des Sciences, de la Faculté de
Médecine et autres compagnies dont l'illustre Pinel était membre.
La fête se terminera par un banquet offert par la Société
médico-psychologique.
VIVISECTION. - Le ministre des cultes de Prusse, NI. de Gossler,
a toujours reconnu que la vivisection était nécessaire à l'avance-
ment de la science médicale, il a toujours résisté aux protesta-
tions et pétitions des anti-vivisectionnistes. 11 a cependant fait
faire une enquête sur l'extension des pratiques vivisectives dans
les Universités, ce qui lui a permis de constater que partout des
principes humains et recommandables présidaient aux expériences
sur des animaux. Pour obvier à des abus possibles, le ministre a
jugé utile d'assurer une consécration aux règles en usage jusqu'à
ce jour. Voici l'ordonnance :
1° Des expériences sur des animaux vivants ne doivent être
faites que dans le but de recherches sérieuses ou dans un but
d'enseignement sérieux. 20 Dans les cours, on ne fera de vivisec-
tions qu'au cas où elles sont nécessaires pour faire comprendre
FAITS DIVERS 449
clairement la pensée du professeur. 3° Les préparatifs de l'opéra-
tion seront dans la règle faits avant le commencement de la dé-
monstration elle-même et en l'absence des auditeurs. 4° Les vivi-
sections ne seront faites que parles professeurs ou Privât docents
ou sous leur responsabilité. 6° Dans tous les cas où l'anesthésie
n'est pas incompatible avec le but à atteindre par la vivisection,
les animaux serontendormis complètement et pendant un certain
laps de temps. '
Congrès psychiatrique d'Anvers. Le secrétaire de la Société
de médecine mentale de Belgique, notre distingué confrère le
Dr Ingels, vient d'adresser aux médecins aliénistes une lettre dont
nous extrayons les principaux passages :
« Dans sa dernière réunion (31 janvier 1885), la Société de mé-
decine mentale a décidé, conformément aux usages anciens, de
tenir une séance au lieu de domicile de son Président, c'est-à-
dire à Anvers, pendant l'année 1885.
« Cette séance aura lieu dans le courant de l'été à une époque
qui sera déterminée d'une manière plus précise ultérieurement;
elle coïncidera avec l'Exposition universelle qui s'ouvrira dans la
même ville au mois de mai prochain. La Société, désirant rendre
cette réunion plus solennelle, a résolu d'y convier nos confrères
de l'étranger. Ellia manifesté la volonté d'organiser à cette occa-
sion une sorte de Congrès psychiatrique, qui durera de deux à
quatre jours. Elle a désigné dans son sein une commission char-
gée de régler toutes les particularités de cette réunion scienti-
fique et confraternelle. La commission se compose du bureau de
la Société, MM. Desguin, Lentz et Ingels, auxquels on a adjoint
11111. Oudart, inspecteur général des établissements d'aliénés;
Lefebvre, professeur à l'Université de Louvain; Heger, professeur
à l'Université de Bruxelles; R. Boddaert, professeur à l'Université
de Gand; Semai, médecin-directeur de l'asile de Alons. Elle se
réunira une première fois le samedi 14 février 1885.
« Je viens vous prier, monsieur et honoré confrère, de bien vou-
loir nous adresser votre avis sur la marche à suivre dans l'organi-
sation du Congrès et nous indiquer les questions d'ordre scienti-
fique ou administratif que vous désireriez entendre discuter à
cette occasion. Vous voudrez bien aussi nous informer si vous
vous proposez de faire une communication orale ou écrite lors de
la réunion du Congrès. Vous rendriez la besogne de la commis-
sion plus facile en nous honorant à ce sujet d'un mot de réponse
dans le plus bref délai, avant la fin de la semaine prochaine si
c'est possible. Vous nous obligerez en adressant toutes vos com-
munications au secrétaire, le Dr B.-C. Ingels, médecin de l'hos-
pice Guislain, à Gand. »
Archives, t. IX. 29
450 FAITS DIVERS.
Nécrologie. Le Dr Daniel Noble est mort à Manchester le
12 janvier dernier, à l'âge de soixante-quinze ans. On lui doit,
d'après The Journal of mental science, les travaux suivants : Ele-
znents of rsychological Medicine; The Braizz and its Physiology ;
Mesmerism Truc and Mesmerism False; The Humazz 31111d in its Rela-
tions ivith the Brain aizd Nervous System; Influence of Manufacture
upon Healh tiiid Life.
Le même journal nous annonce la mort du D' W.-A.-F.
BMWNE (de Dumfries). Il était âgé de quatre-vingts ans. On lui
doit, entre autres travaux : What Asyluan werc, arc. alzrl oziglb to
be; On Gztiteau; illad Pocts, etc. Il a été superintendant de Mon-
trose Asylum, de Dumfries Royal Institution; commissaire pour
l'aliénation en Ecosse, etc.
- Nous avons le regret d'annoncer la mort de 11m° Emilie Bovell-
STURGE, docteur en médecine de la Faculté de Paris, décédée à
Nice, le 2 avril 1885. Emilie Bovell avait fait sa thèse à la Salpê-
trière : De quelques accidents de l'épilepsie et de <*/tte)'o-ëp ! 76ps : c
(Paris, 1877). Elle prenait une part active aux Congrès d'hygiène,
et s'intéressait à toutes les questions médico-sociales. Elle avait
épousé le Dr Allen Sturge, connu par ses intéressants travaux sur
les maladies nerveuses. L'an dernier, elle a publié un opuscule
sur l'Education des enfants abandonnés en Angleterre.
Tentative d'assassinat D'UN aliéné sur UN médecin. Le 23 no-
vembre dernier, le Dr Altirray Lindsay, médecin en chef de l'asile
d'aliénés du comté de Derbyshire à Mickleover, a été grièvement
blessé par un aliéné, avec un ciseau. L'accident eutlieu dansl'ate-
lier des charpentiers. AI. Alurray Lindsay fut blessé au nez, à l'ab-
domen, à la poitrine au voisinage du coeur. L'aliéné exprima le
regret que sa tentative n'eût pas réussi. Il était employé depuis
plusieurs années aux ateliers, et considéré comme un homme
inoffensif. Nous sommes heureux d'apprendre du Americtzn Journal
of Insunity, et nous nous associons de tout coeur à notre con-
frère - que les blessures du Dr Lindsay sont en bonne voie de
guérison, et que sa convalescence suit une marche favorable.
Asiles d'aliénés DE la Seine. Ai. le Préfet de la Seine a invité
la commission de surveillance des asiles à rechercher une localité
convenable pour la construction d'un nouvel asile d'aliénés. Le
7 juin dernier, la commission a visité le vaste domaine qui entoure
l'asile de Ville-Evrard, et a choisi sur ce domaine J'emplacement
du futur.
Incendie A l'asile d'aliénés de VILLEJuir. Lundi 10 février, à
8 heures et demie, un incendie a éclaté sans cause connue à l'asile
d'aliénés de Villejuif dans un baraquement en planches servant de
bulletin bibliographique. 451 t
cuisine, de buanderie, de lingerie, de bains pour des gens de ser-
vice. Ce baraquement est situé à dix mètres du bâtiment du 1 Il et
2e quartier, occupés par quatre-vingts aliénées. Les secours ont été
organisés avec le plus grand zèle. Les malades ont été évacuées sur
les autres quartiers sous la direction de M. Barroux, directeur, de
11. le Dr Briand, médecin en chef et des internes. Les surveillants
et les infirmières laïques ont opéré le transport des malades avec
un sang-froid et un dévouement dignes des plus grands éloges.
Les pompiers sont accourus de toutes les communes environnantes.
illalbeureusement, l'eau manquait complètement à l'asile; on n'a pu
en trouver, après beaucoup de difficultés, qu'à 800 mètres de
l'asile. Deux sous-employés, le cuisinier et le garde-magasin en
voulant sauver du linge se sont laissés prendre par les flammes,
et, en saillant du 1" étage, se sont fait des contusions, légères
heureusement. Les dégâts sont évalués à 125,000 francs environ.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
BOTTE% (F.). Le Magnétisme animal, étude critique et expérimentale
sur l'hypnotisme ou sommeil nerveux, provoqué chez les sujets sains
, léthargie, catalepsie, somnambulisme, suggestions, etc.). Volume m-18
de 982 pages, avec 3 planches. Prix : 3 fr. b0. - Paris, 1884. Librairie
Pion et C'e.
DuvAL(E.) Des avantages de l'hydrothérapie hivernale. Brochure
n-S" de 30 pages. Paris, 1885. Chez l'auteur, 3, rue du Dôme.
MAUDSf.EY (H.). Le crime et la folie. (Bibliothèque scientifique infer-
nationale.) Un volume in-8" cartonné, de 297 pages. Prix : 6 fr. - Paris,
1876. Librairie Alcan.
MAKTEGAZZA (P.). La physionomie et les sentiments. (Bibliothèque
scientifique internationale). Un volume in 8- cartonné, de 261# pages, avec
8 planches et 7 figures. Prix : 6 fr. Paris, 1855. Librairie Alcan.
Obersteiner (H.) The cérébral blood-vessels in lteallh and disease.
Extrait du tome VU du Brain. Brochure in-S" de 21 pages. London, 1S8 ? 1.
z and C°.
Ueber Pruritus )tiemalis. Z aus Dr tt')«<'A6/e) ?
" ? jVcd. Wochenschrift ? Wien, 188').
Der feinere Bail der Kleinhimzinde bei Mcnschen untl Thicren.
Separatabdruck aus dun « Iliologischen Ccntralblatt o. Ërtaugen, 1880
Die Beziehztîigeib der syphilis zur Dcmentia paralytica. Separatab-
druck ans Di,. lvzitelshôfers. Brochure 111-8- de 10 pages.
Régis (E.). Manuel pratique de Médecine mentale. Un volume in-ts,
cattonné, de 610 + xxiv pages. Prix : 7 Ir. 50. - Paris, 1884. Librairie
A.can.
452 bulletin bibliographique.
Secum z Illustrations of the ano21alozis course of posterior
spinal sclerosis. Brochure iii-8- de 11 pages. New-York, 1884.
Archives of nzedicine.
anzerican nielliod of giviug potassium iodide in very large doses
for the la ter lésions of syphilis; more especiali'ty syphilis of the nervous
System. Brochure iii-8o de 18 pages. New-York, 1884. Archives of
medicine.
Westnial. Ueber einen Fall von Zerstdrung des lz'7tlcen Schlàfelappens
durch Geschwulstbildarzg oline aphasische Sûtrungen. Lirzhshcirzdigkeit
Brochure in-8" de 12 pages. Extrait du Be)'H7tO' /t7tMC/te Wochenschrift.
1884.
Ueber einen Fall vott spinale)' Ekrankung mit 7 ? ;'& ? M' : ? ung
allgmeiner Paralyse. F7,zilizeitiqe Diagnose durch Nachweis der Frhlens des
hniephtEuomena. Brochure in-80 de 18 pages et une planche. Extrait des
Archva für Psychiatrie, 1884, t. XV, cahier 3.
Le redacleur-gcranl, Bourmsville.
TABLE DES MATIÈRES
Acétal (action de 1'), par Stoltenholï,
82.
Aconit (effet de la teinture d'), par
Neuendorif, 86.
Affaire Isnidea, 398.
Aliénés (refus d'aliments chez les),
par Siemens,208.
Aliénés criminels, par Sommer, 77 ;
- par lallc, 113.
Aliénés en tibettc (actes criminels
commis par les). par Motet, 88.
Aphasie, par Lichtheim, 92.
Assistance des aliénés dans la pro-
vince de Brandebourg, 119.
Ataxie dans l'enfance, par Schultz,
252.
Athétose, 323, 33,-).
Batterie à courants constants (sim-
plificatiou de la), par Keebner, 82.
Bromure de zinc et bromure de po-
tassium, par Testa, 84.
Catotonie, par Neuendorff, 265.
Circonvolutions (anomalies), 429.
Conceptions irrésistibles en méde-
cine légale, 436.
Coeur(ataxie paralytique du d'ori-
gine bulbaire), par Semmola, 433.
Conscience (de la dans les états
connus sous le nom d'état d'in-
conscience), par Pick, 261.
Congrès des membres de la Société
des aliénistes de basse Saxe et
de Wesphalie, 122.
Congrès des neurologues et alié-
nistes de l'Allemagne du sud-
ouest, 92.
Coprolalie, 19,158.
Curare (du dans le traitement
de l'épilepsie), par Bourneville
et Bricon, 43, 201, 319
Cysticerques de l'encéphale, 111.
(Un cas de ce genre a été omis
dans la table du t. VII, 1). 218.)
Dégénérescence, crime et névropa-
thie, par Knecht, 267.
Dégénérescence grise cérébro-spi-
nale (affection analogue à la),
par Westphal, 258.
Démence paralytique (saturine), 405;
(chez les chiens), 433.
EctolaUc, 49, 15S.
Electricité statique (sur une action
remarquable de l'), par Stein, 83.
Electricité (traitement des psycho-
ses par 1'), par Tigges, 85.
Ellen (colonie), 416.
Elongation des nerfs dans le tabès
dorsal, par Rosenstein, 85;
(élongation du nerf sciatique et
altération de la moelle consécu-
tivesl, par Tarnowsky, 289.
Encéphale (contribution à la patho-
logie de l'), par lVitl : owsl : y, 59.
Enfants (ataxie chez les), 252;
(troubles de coordination chez
les), 254.
Epilepsie spinale et fréquence de
la respiration, 66.
Epileptiques (assistance des), par
\'ildertntttU, 78;- (Obnubilation
psychique durable chez les), 117.
Epilepsie (traitement par le curare,
43, 201, 319; -(Recherches expé-
rimentales et chimiques sur 1'),
par Unverricht ? 9 ? (causée
par peur de cadavres), 405 ; -
(rémissions dans l'), 3 ? 5, 334;
symptomatique , pseudo-kyste,
par Bourneville et Bricon, 320.
Epilepsie, hystérie et idiotie (re-
cherches cliniques et thérapeu-
tiques sur), par Bourneville,
Boutier, Bonnaire et Séglas; 442.
Eteruuments hystériques, 53.
Excitabilité électrique des muscles
et des nerfs chez l'homme (iu-
454 1 TABLE DES MATIÈRES.
fluence du travail nervo-muscu-
laire et de la pratique sur 1'), par
Orchansky, 137.
Faciale (un cas d'atrophie uni-
latérale), par Bernhardt, 65.
Familles nerveuses, par Moebius
78.
Galvanomètre vertical absolu, 425-
Gliose de l'écorce du cerveau, 99-
Génital (inversion du sens), par
Tarnowsky, 272.
Genou (phénomène dit - chez les
enfants), par Pehtzoeus, 58; -
(disparition du phénomène du
chez les vieinards),parA10Bbius,
251.
Gheel (sa colonie), 407.
Graphique (représentation - de la
marche des maladies mentales),
par ltégis, 87.
Gymnastique(la), IrarColhneau,4 : i8.
Hallucinations de Jeanne d'Arc,
par Ireland, 72.
Hiver (stations d'), pour les ma-
ladies nerveuses), 115.
Hydrothérapie chez les aliénés,
114.
Hypnotisme (nutrition sous l'in-
fluence cle l'), par Guertler, G4.
Hystérie (éternuments dans 1'), par
SOU2a-Leite, 53 ; - (dans sesre-
lations avec quelques maladies
localisées), par Castels, 61 ;
Hystérie convulsive, pat, Gitrieiio,
129 ; - (viscérale), par F abre,
139.
diots (assistance des), 418,
nurmierestuiquesdeSamt-Anne
- (discours de AI. Daonet 1 la
distribution des prix de l'école
des), 284.
Infirmiers (éducation spéciale des
d'asile), par Clarh, 69.
Jntervaiieshjcides (interdiction dans
les), 418, 420.
Istiidea (allaii,c) (V. lisdea).
Ivrognerie et idiotie, par Kind,
266.
Lipome du plexus choroïde, par
Obersteiner, 81.
.'obe temporal (destruction com-
lrlète du), 327, 33 ? .
Maladies mentales ( difficulté de
diagnostic), 73; consécutives
à une élévation de température
extérieure), par Victor, 76.
Manie (pathologie de la), par Wi-
glesworth, 67.
Marche a reculons delà grenouille,
98.
Mémoire (perte aigué de la), par
Sa, f7
mis(l (affaire), 398.
.Moelle épinière (commotion de la),
par Diiméiiil et Ptel, 1, 145, 289,
307 ; (altérations delàcausées
par l'élongation du nerf sciatique) ,
par Tarnowsky. 289.
Moelle épinière (formation de ca-
cités dans la), 60; (compres-
sion de la par carie ; des ver-
tèbres), par Rallier, 61) - -tiio-
malie du développement, 110.
Motrice (incoordination avec
écholalie et coprolalie), par Gilles
de la Tourette, 19. 158.
Motrice (arrêt de développement
dans la spUî·w - du cerveau),
par Gensen, 258.
Muscles (pseudo-hypertrophie des),
par Berger, 255.
Myélite traumatique, par Sclultze,
110.
Myoelonns multiple, 423.
Nerfs périphériques (maladies des
et du sympathique), par
Seelimnller,135;-(lésions des\
1126.
Neurasthénie dyspeptique , par
Scltuele, 95.
Névrite multiple, par 111uller, 255 ;
par Vierorcit, 236.
Nutrition (dans l'hypnotisme et la
paralysie agitantel, G4 ; - choz
les aliénés pendant l'abstinence),
106.
Nutrition du système nerveux à
l'état normal et n l'état pathologi-
que, par llairet, 231, 360.
Z commun (paralysie
périodique de z yar laebius,105.
(anomalies ciel ),dans les mala-
dies nerveuses et mentales.
Ophthalmologique (contribution au
diagnostic des maladies du cer-
' veau), par 1'illraml, 136.
Optiques (atrophie des nerfs), par
Ulittioti, 427.
Paralysie agitante (nutrition dans
la), 64; traitement symptoma-
tique de la), par Erlenmeyer, 83.
TABLE DES MATIERES. 455
Paralysie générale (pathologie et
anatomie pathologique), par Za-
cher, 20; ; - (Lroubles tropliilues
dans la), par Ramadier, 441.
Paralysie partielle de la sensibi-
lité, 425.
Paralysie spinale spasmodique avec
autopsie, par Westphal, 259.
Peau (sur la seiisibilitétle la - à
l'égard des excitants électriques),
par llrbius, G4.
Porencéphalie, 437.
Prix Belhomme, 39S ;-Prix lioreau
de Tours, 398.
Programme d'enseignement dans
les collèges, 86.
Prostitution (dans ses rapports avec
l'alcolisme, le crime et la folie),
par La(lanie, 134.
Psychoses (consécutives aux mala-
dies fébriles), par Kirn, 71; -
(traitement dans la famille et par
l'opium, 125.
Psyctioses(etcarcitioiiie),pat,Netiei)-
dorlf, 2fi3; - (et traumatismes
cralniens), par Hartmann, 70.
Pupille chez les vieillards, par lllm-
bius, 252.
liaison et folie. par Tebaldi, 441.
Réflexes rotuliens et trépidation
épileptoide, par de Fleury, 62.
Réflexes tendineux (recherches ex-
périmentales sur les), par Monnn-
seii, 108.
Respiration (fréquence de la - et et
épilepsie spinale), par illiliotti,
66.
Responsabilité des imbéciles pour-
vus d'éducation, par Slmttle-
wortli, 90 ? .
Sclérose cérébelleuse, par Sommer
261. l .
Sénilité précoce et rapide (des
troubles mentaux dans la), par
Charpentier. 275, 395.
Sensations pathologiques dans les
psychoses, 123.
Sensibilité tactile (physiologique et
pathologique), 103.
Société médico-psychologique, 86,
275.
Société psychiatrique de Berlin, 1 11 1 .
Somnambule extra-lucide, par
Lambl, 269.
Stéréognostiques (recherches), par
Hoffmann, 134.
Syphilis cérébro-spinale, par AI-
tbaus, G4. 64.
Syriti,oiilyélie, 428.
Système nerveux central, par Kah-
ler (An. Kéruval), 13.
Tabes (coutiibutiou à la sympto-
mutOloyO du), pai' l3erger, G2 ; 1*
(c)ei ! lesfemmes),pnr.Moebius,
253 avec trouble mental, 263;
du), 429.
Température (importance au point
de vue du pronostic d'un abais-
sement extrême de la tempéra-
ture dans le cours des maladies
mentales), par Popoft, 355.
Tendineux (phénomènes), par Ro-
senheim, 258.
Trijumeau (anection du), par Sena-
tor, 63.
Troubles trophiques, 332.
Vision (trois autopsies pour servir
à la localisation .cérébrale des
troubles de la), par Ch. Féré, 22.
Visuelle (sphère), par Moiiakow,
256.
TABLE
DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Althatis, 64.
Bajenoff, 275, 392.
Berger, 62, 255.
Bernard, G2, 440.
Beriihai,dt, 65, 425.
Binet, 392.
Bonnaire, 442.
Bouchereau, 87, 397.
Bourdin, 87.
Bourneville, 43, 20t, 319, 442.
Boutier, 442.
Briand, 92, 397, 405.
Bricon, 43, 201, 1t9.
Castels, 61.
Charpentier, 275, 396.
Christian, 87. /
Clark (Cainpl)ell), 69.
Collineau, 448.
Da'onet, 284, 404.
Daily, 86.
Deny, 440.
Duménil, 1, 145, 307.
Erb, 92.
Engelken, 124, 416.
Erlenmcyer, 83, 253.
Eyselein, 122.
Fabre, t39.
Falk, 113.
Falret, 87.
Féré, 222, 392, 441. L.
Fleury (de), 62.
Foville, 88, 395.
ruei : çtner, G0, 97, 99, 107.
Gautiez, 135, 139.
Gensen, 258,
Gilles île la Tourette, 19, 158.
Gimeno, 129
Goldstein, 263.
Guertler, 64.
Guttstat, 418.
Hartmann, 270.
Hasse, 124, 129.
Hesse, 124, 407.
Hirsch, 114.
Hitzig, 99, 101, 107.
Hoffmann, 134.
lreland, 72.
Jastrowitz, 111, 112, 419, 436, 437.
Jolly, 97.
Kahler, 61, 132.
Kahn, 138. -
Kéraval, 59, 60, 61, 64, 65, 66, 71,
77, 78, 79, 81, 82, 83, 84, 85, 86,
110, 115, 122, 129, 134, 252, 253,
254,255,956,257,238,259,361
262, 263, 266, 268, 269, 270, 272,
416, 422, 438.
Kind, 266.
Kirn,7t.
Kiieclit, 117, 267.
Koebner, 82.
Kroepelin, 101. 1.
Kussmaul, 95, 97.
Ladame, 134.
Lambl, 269.
Langreutur, 113.
Lerand du Saulle, 395, : ;9G, 405.
Leite (Souza), 53.
Lichtheim, 92, 95.
Lahr, t11, 113, 114, 420.
Limier, 87, 395.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 57
Magnan. 397.
111airet, 231, 3G0.
Manz, 101.
Marie, 61, 62, 67, 84, 85, 134, 136,
254, 442, 443.
Mendel, 433.
Nliliotti, 66.
loinmseii, 108.
Monakow, 256.
Motet, 88, 396, 398
]Moebius,6t,78,i05,23t,2o2,2 : )3.
llluller (0.), 115.
Millier, 255.
Musgrave-Clay (de) 69, 71, 73, 7S,
î 6, 263.
Meuendorff, 8G, 263.
Obersteiner, 81.
Oppenheim, 4 ? 8, 4 ? 9.
Oischanskv, 137.
Otto, 111, 437.
Parinaud, 137.
Pétel, 1, 145, 307,
Pelitzceus, 58.
Petit-Vanilol, 131.
Pick. 261.
Popoff, 365.
Ramadier, 441.
Régis, 87.
Rehin, 113.
Ilemak, 423, 425.
Richtur(de))aUdorf),429.
Rosenbach, 391.
Rosenheim, 258.
Rosenstein, 85.
Ruinpf, 103, 105.
Sakaky,426.
Savane, 74.
ScIW Ic, 95, 97.
Scbultze, 109, 110.
Sclmlz, 252.
Seeliâmuller, 135.
Ségalas, 442.
Semmola, 138.
Senator, 63.
Suell, 123, 124, 125, 405.
Shuttlevvorth, 262.
Siemens, 268.
Sommer, 77, 261.
Stein, 83.
Steiner, 98, 99.
Stoltenholf, 82.
Tarnowsky, 272, 289.
Tebakli, 441. '
Testa, 84.
TigôeS, 85.
Ttiezeli, loi, 107.
Ubthotf, 497.
Unverricbt, 79,
Victor, 72.
Vierordt, 256.
Westphal, 258, 259, 434, 43G.
Wigleswoith, 67.
Wilks, 73.
Wililermuth, 78.
Wilbrand, 136.
Witkowski, 59.
Zaclier, 60, 264.
Ziiin, 113, 119.
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE PREMIÈRE
FiG. 1. Coupe transversale de la moelle (région dorsale). Schéma
indiquant la région envahie par la sclérose qui occupe le faisceau
pyramidal croisé, A, des deux côtés.
(Contrairement a l'apparence que donne le dessin dans la région sclé-
rosée les travées conjonctives principales sont plus larges, moins délicates
que dans les autres parties de la substance blanche ; la vascularisation
y est plus grande et se traduit par la présence de nombreux orifices
vasculaires résultant de la section transversale ou oblique des vaisseaux.)
FiG. 2. - Un point de la région sclérosée vu avec un grossissement
de 300 diamètres environ (ocul. 2, Nacliet. Obj. 3, Verick).
a, a, Tubes nerveux d'inégales grosseurs, dont le cylindre-axe est tantôt
petit, tantôt comme tuméfié. ,
d, Tubes nerveux vides.
b, Cellule de la névroglie, sans noyau, à prolongements multiples.
c, Substance vaguement fibrillaire et pointillés, interposée entre les
tubes nerveux (sclérose au début) qui se trouvent ainsi plus éloignés les
uns des autres.
FiG. 3. - Cellules de la névroglie dessinées isolément (gross. obj. 7,
Verick. Ocul. 2 Nachet).
La plupart de ces cellules sont sans noyau; elles sont nombreuses,
disséminées; situées au point de jonction de deux ou trois faisceaux de tissu
conjonctif, elles présentent des prolongements multiples, déliées leur
présence constitue un des caractères les plus évidents de la lésion du
faisceau pyramidal croisé.
FtG. 4.- Cellules nerveuses des cornes antérieures de la substance grise
en voie de dégénération granulo-graisseuse. Le protoplasma de quelques
cellules est jaune, granuleux. Leurs prolongements ont disparu dans
quelques points, il ne reste à la place de la cellule qu'un amas de granu-
lations jaunâtres. -
EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE II
ancien FOYER (pseudo-layste) ayant BhTHUtT TOUT LE lobe Tli11P011AL, etc.
Hémisphère droit. (Fig. 1,2, 3); dessins demi-schématiques, grandeur
naturelle après macération dans l'alcool.
FIG. 4. - Coupe pi-aliqitée siii, l'exi ? ,éiïiiié i ? féî,ieiti,e de la pciî,iétale
ascendante, le tiers inférieur du sillon de Rolando, etc.
F,, première circonvolution frontale. F A, frontale ascendante.
PA, pariétale ascendante. C C, cops calleux. V,vrntricu)elaté-
ral. C 0, couche optique. N l', noyau intra-ventriculaire du corps
strié. CI, capsule interne. NE, noyau extra-ventriculaire du corps
strié. L7, lobule de l'insula. T A, TA, tissu aréolaire. - P Al, pie-
mère épaissie, limitant le pseudo-kyste, PK.
2. - Coupe pratiquée sur le lobe quadrilatère, les lobules parié-
taux supérieur et inférieur.
P,, coupe du lobule pariétal supérieur. P,, lobule pariétal inférieur.
- L Q, coupe du lube carré. 17L, ventricule latéral. C S, corne
sphénoïdale. TA, TA, tissu aréolaire. PM, coupe de la pie-mère
épaissie.
FiG. 3. Coupe pratiquée sur le lobe occipital et vers l'extrémité du
pseudo-kllsle.
L 0, lobe occipital. - L C, coin. Ç 0, corne occipitale. TA, TA,
tissu aréolaire.
Hémisphère gauche. (Fig. 4, 5 et 6; dessins demi-schématiques, gran-
deur naturelle.) Les coupes ont été pratiquées aussi symétriquement
que possible celles de l'hémisphère malade. - La face convexe (le l'hé-
misphère a été aplatie par un défaut de conservation.
FIG. 4. C C C, circonvolution du corps calleux. - C C, corps calleux.
V L, ventricule latéral. -N V, noyau intra-ventriculaire du corps strié.
- C 0, couche optique. NE, noyau extra ventriculaire du corps strié.
CI, capsule interne. I, coupe du lobule de l'insula. CS, coupe
delà corne sphénoïdale du ventricule latéral. F, , première circonvo-
lution frontale. FA, frontale ascendante. CE, capsule externe (le
trait s'arrête un peu trop en avant). P A, pariétale ascendante. - T,
première circonvolution temporale.
FiG. 5. L Q, lobe quadrilatère. F L, ventricule latéral. C S,
corps strié. P,, lobule pariétal supérieur. . l'" lobule pariétal in-
férieur. T l', circonvolutions temporales.
Fie. 6. 0, lobe occipital. C 0, corne occipitale.
F.rrm. ( : h. imp. - 585.