(1884) Archives de neurologie [Tome 07, n° 19-21] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1884) Archives de neurologie [Tome 07, n° 19-21] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

EVIIEUX, UIPIIIMEIIIE DE CHARLES HÉRISSEY.

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

REVUE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

PUBLIEE SOUS LA DIRECTION DE

J.-bz. CHAUCOT

AVEC LA COLL1D011·TIOtt DU

MM. BALLET, DEIINARIJ, B1TOT (P.-A.), BLANCHARD, BONNAIlIE (E.)

BOUCHEIIEAU, HRIANU (M.), BR1SS 11117 (E.1,BROLIABDEL(P.),CHAIIPENTIElt, COTA RD

DANILLO, DEBOVE(M.), DELASIAUVE, DENY, DURET, DUVAL(MITI[8),

FEIItIE11, GÉRENTE, G051BA111T, GRASSET, HUCHAIID, JOFFIIOY (A.),

KELLEII, KÉItAV 4L (P.), KOJEVNIKOF, LAYUOUZ1', LEFLA1VE, LEGRANII UU SAULLE,

MAGNAN, MARIE, MAYGR1ER, 1lAYOli, MtEMLJEWSKY, MUSGRAVE-l'.LAY,

PAR1NAUD, P1ER11ET, PIGNOL, PITRES, POPOFF, RAYMOND, REGNARD (P.).

REGNARD (A.), RI( HER (P.). SÉGLAS. SEGUIN (E.-C.), S1KORSKY, TALAMON,

TEINTURIER (E.), THULIÉ (H.), TIt01SlElt (E.), VAILLARD, V1GOUROUX (R.j,

VOISIN (J.), WUILLAMIÉ.

Rédacteur en chef : nOURI\EVILLE

Secrétaire de la rédaction : CH. FÉRÉ

Dessinateur : LEUBA.

Tome VII. - 1884.

Avec 3 planches en couleur et H figures dans le texte.

PARIS

BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL

45, rue des Carmes.

1884

Vol. VII. Janvier 1884. NU 19.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

AT11OLOGIIaJ GÉNÉRALE '

LA FAMILLE NÉVKOPATH 1Q LIE :

Par Cn. FEUE. *

Les maladies du système nerveux, qu'elles se ma-

nifestent par des troubles psychiques, sensoriels ou

moteurs, offrent entre elles des affinités nombreuses,

des points de contact multiples; et bien que, dans ces

dernières années les études tant cliniques qu'auatomo-

pathologiques aient multiplié les espèces, on peut dire

qu'elles constituent une seule famille indissolublement

unie par les lois de l'hérédité. Cette grande famille

morbide n'est point complètement isolée des autres

groupes pathologiques; mais ses alliances avec les dé-

générescences et les maladies de la nutrition ne font

qu'accentuer la fatalité inexorable de son évolution.

C'est surtout leur gravité dans l'hérédité qui nous a

engagé à considérer les maladies du système nerveux

dans leur ensemble, et à rassembler les membres épars

de cette famille ; car chacun d'eux, s'il est encore fé-

cond, peut les reproduire tous, et il est indispensable

Archives, t. VU. 1

2 PATHOLOGIE GENERALE.

d'être en garde. P. Lucas', Morel2, M. Moreau (de

Tours) ont été les initiateurs dans cette voie, et leurs

travaux méritent d'être cités à la gloire de la médecine

française ; mais ils ont eu surtout en vue les états pa-

thologiques de l'esprit et n'ont considéré les autres

maladies nerveuses qu'accessoirement et d'une manière

générale. De nombreux travaux ont été accumulés

depuis, qui nous aideront à combler cette lacune.

Pour la commodité de l'étude et tout artificielle-

ment, nous diviserons la famille névropathique en deux

branches : une branche psychopathique, comprenant

les états psychiques morbides et les névroses qui leur

sont le plus intimement liées; et une branche névropa--

thique proprement dite, comprenant les maladies du

système nerveux qui affectent plus particulièrement

la sensibilité et le mouvement.

I.

Les affections du système nerveux qui ont les pre-

mières paru unies entre elles par un lien de parenté

que trahissait l'hérédité, sont les affections mentales.

L'hérédité de l'aliénation dans ses différentes formes

est aujourd'hui admise par tout le monde, et les tra-

vaux d'Esquirol, de Parchappe, de Guislain, de Brierre

de Boismont, de M. Baillarger, de M. Moreau (de

1 P. Lucas. -- Traité philosophique et physiologique de l'hérédité

naturelle, etc., 1850.

2 \iorel. Traité des dégénérescences, 1857.

3 J. Moreau (de Tours). - La psychologie morbide dans ses rapports

avec la philosophie de l'histoire, ou de l'influence des zzéuropatlcies sur le

dynamisme intellectuel, 1859.

LA FAMILLE NEVROPATHIQUE. 3

Tours), etc., ne font que révéler des degrés dans l'évi-

dence de cette cause, qui, comme l'a montré encore

Trélat', est véritablement une cause primordiale, la

cause des causes.

Le rôle de la prédisposition dans l'étiologie de la

vésanie est souvent masqué par l'existence de causes

apparentes dont l'importance frappe tout d'abord. Mais

ces causes, soit morales soit physiques, ne sont en

réalité que des causes déterminantes. Il n'est pas jus-

qu'aux délires toxiques qui ne se développent que sur

un terrain préparé. Que l'on parcourre les observa-

tions de folie puerpérale rapportées par Esquirol,

Weill, Helftt, Marcé 2, on verra que la grossesse, l'ac-

couchement et la lactation, ne font le plus souvent que

développer un germe transmis héréditairement. Esqui-

rol 3 a déjà fait remarquer que l'ivrognerie est quel-

quefois le résultat d'un entraînement maladif. On

pourrait en dire autant des excès vénériens, des excès

de travail intellectuel, etc.; de telle sorte que les habi-

tudes vicieuses qui paraissent les causes déterminantes

des psychoses ne sont en réalité que les premiers

symptômes d'un état névropathique. Les passions vio-

lentes sont des phénomènes du même ordre; c'est à

bon droit que l'on dit que la colère est une courte folie

et les sujets bien équilibrés ne se laissent guère aller

à ses excès. Ce n'est pas sans raison non plus que

J. Frank décrit l'amour effréné comme une maladie

Trélat. - Des causes de la folie. (Aitit. méd. psych., 3" série, t. Il,

1856, p. 7 et 17".)

'Marcé. - Traite des maladies des femmes enceintes, des nouvelles

accouchées et des nourrices, etc., 18ï8.

3 Esquirol. - Des maladies mentales, 183, t. II, p. 74.

4 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

nerveuse ' : on ne devient fou d'amour que quand on

avait un amour de fou.

Les émotions morales vives, la peur, la joie, etc.,

qui d'après les auteurs jouent un si grand rôle comme

causes déterminantes de l'aliénation mentale ou de

certaines névroses, comme l'épilepsie, la paralysie

agitante, etc. , sont aussi du domaine de la nervo-

sité excessive et il n'y a que les sujets préparés

qui en subissent les effets d'une manière aussi désas-

treuse.

Ces propositions sont appuyées par ce fait que les

intoxications provoquées ne déterminent de troubles

cérébraux que chez les sujets prédisposés : dans les

expériences de M. Moreau (de Tours) sur le haschich,

les troubles psychiques n'ont été observés que chez les

sujets « éminemment prédisposés » ; et on peut dire

avec raison que l'alcool est la pierre de touche de

l'équilibre des fonctions cérébrales. On peut faire les

mêmes réserves pour les traumatismes. Toutes ces

causes ne sont qu'accessoires, et elles n'ont acquis de

valeur qu'en raison de la difficulté de la recherche de

la prédisposition. -

La consanguinité, qui a été accusée de pouvoir déter-

miner à elle seule la production de névropathies, n'a-

git en réalité que par l'accumulation de l'hérédité; des

états névrosiques peu accentués chez ces deux produc-

teurs se trouvent multipliés et caractérisés chez le pro-

duit. En dehors de la consanguinité morbide qui est

particulièrement efficace, il est à remarquer que les

psychopathes semblent se rechercher; et cette sélec-

J. rranh. - Traité de pathologie interne (traduction 13a5·le), t. III,

p. 143.

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 5

tion pathologique contribue à activer la dégénéres-

cence.

Certains troubles psychiques passagers peuvent, lors-

qu'ils existent au moment de la conception, détermi-

ner chez le produit une prédisposition à l'aliénation

mentale; c'est ainsi que, d'après Flemming, les enfants

conçus pendant l'ivresse du père sont très exposés

aux psychoses; plusieurs mères d'épileptiques nous

ont révélé l'existence de cette cause qu'on a souvent

relevée aussi pour l'imbécilité et l'idiotie (Burdach,

Hufeland, Séguin, Bourneville, etc.). C'est une parti-

cularité qui d'ailleurs n'est point faite pour étonner.

Les expériences de Brown-Séquard ont montré que

des cobayes rendus artificiellement épileptiques don-

naient naissance à des petits épileptiques comme

leurs parents et cette transmission de l'épilepsie

traumatique n'est point spéciale aux animaux : nous

avons observé un homme qui, sans antécédents héré-

ditaires connus, était devenu épileptique et était resté

quatre ans épileptique à la suite d'un accident de

chemin de fer; pendant ce temps, avait eu une fille

qui, dès l'âge de cinq ans, était épileptique.

Du reste, l'influence de l'état psychique des parents

au moment de la conception sur celui de leurs

enfants avait frappé les esprits avant que les méde-

cins ne s'en fussent occupés ; Hésiode prescrivait de

s'abstenir du coït au retour des cérémonies funèbres,

de crainte d'engendrer des enfants mélancoliques ;

Erasme fait dire à sa Folie : « Je ne suis point le fruit

d'un ennuyeux devoir conjugal »; Tristram Shandy

attribue les fâcheuses particularités de son caractère

à une question faite par sa mère dans un moment très

6 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

inopportun. Un des enfants adultérins de Louis XIV,

conçu pendant une crise de larmes et de remords

de Mme de Montespan, que les cérémonies du jubilé

avaient émue, conserva' toute sa vie un caractère qui

le fit nommer « l'enfant du Jubilé' ».

Les intéressantes recherches de M. Dareste mon-

trent sous quelles influences légères le développement

des organes peut être troublé, surtout pendant les

premières périodes de la vie embryonnaire; on peut

donc comprendre que certains accidents de la gesta-

sion soient capables de déterminer des états anor-

maux non héréditaires, mais congénitaux. Les troubles

nerveux et mentaux, si fréquents chez les sujets dont

la naissance a été irrégulière, n'ont peut-être pas

d'autre origine.

Si tous les aliénistes s'entendent à reconnaître que

la folie en général est héréditaire, ils ne s'accordent

pas moins à admettre qu'il est relativement rare qu'elle

se transmette dans sa forme, bien que cela se puisse

voir 3. Le plus souvent, la maladie qui se transmet se

transforme*; c'est ainsi qu'on voit se succéder la

manie, la mélancolie, l'imbécillité, l'idiotie. Toutefois,

certaines formes semblent plus particulièrement se

transmettre en nature; au premier rang, il faut citer

la folie suicide.

Esquirol et Falret ont cité des exemples remar-

quables de cette transmission directe. Il arrive quel-

1 P. Lucas. - Loc. cit., t. II, p. 504.

2 C. Dareste. Recherches sur la production artificielle des mons-

truosités, etc. Paris, 1877.

3 Baillarger, Delasiauve. - Soc. méd. psych., 31 mai 1875.

' Legrand du Sanlle. - La folie héréditaire, 1873, p. 9.

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 7

quefois que tous les suicidés des mêmes familles choi-

sissent le même genre de mort et se détruisent au

même âge. Un cas des plus curieux de ce genre est celui

qui est rapporté par M. Hammond 1 : un individu,

âgé de trente-cinq ans, se coupe la gorge avec un ra-

soir dans un bain; il laisse trois enfants : deux fils qui

se tuent au même âge, de la même manière; une fille

qui, à trente-quatre ans, se détruit aussi en se cou-

pant la gorge dans un bain; cette dernière seule a un

fils qui, après deux tentatives infructueuses, se tue

à trente et un ans par un procédé identique. Il sem-

ble que, dans les centres d'idéation comme dans les

centres moteurs, les cellules cérébrales aient une

tendance à se spécialiser et à acquérir des proprié-

tés héréditaires. (Idées innées, Descartes; réminiscences

d'une vie antérieure, Platon.)

D'ailleurs, comme nous le verrons encore plus loin,

ce n'est pas d'emblée que l'hérédité nerveuse produit

l'aliénation mentale, il arrive souvent que deux ou

trois générations subissent des manifestations névro-

pathiques diverses. L'hérédité a besoin d'être accu-

mulée, capitalisée en quelque sorte avant de se mon-

trer sous une forme nettement caractérisée. On trouve

souvent parmi les ascendants des aliénés des sujets

atteints d'un état habituel de surexcitation, des

enthousiastes, des originaux, des inventeurs, des dis-

sipateurs, des individus affectés de tics intellectuels

ou moraux, des phrénalgiques (Guislain), des anor-

maux (Maudsley), ou encore des sujets atteints de

maladies du système nerveux, et surtout de névroses.

1 Hammond. A Treotise on insuaity, an its médical relations, 1883,

p. 179.

8 PATHOLOGIE .GÉNÉRALE.

Il faut noter d'ailleurs que, parmi les affections dites

mentales, il en existe une, la seule dont l'anatomie

pathologique soit quelque peu avancée, qui semble

constituer une forme mixte névro-psychopathique,

en ce sens que souvent les troubles moteurs et sen-

soriels, les phénomènes d'ordre somatique prédomi-

nent. La paralysie générale constitue en quelque sorte

une transition entre les affections mentales et les affec-

tions cérébro-spinales à lésion caractérisée. Or, cette

maladie offre une particularité, c'est qu'elle a pu être

regardée comme la moins héréditaire des maladies

mentales : et, d'après M. Doutrebente', quand, par

exception, elle reconnaîtrait pour cause une hérédité

vésanique, elle affecterait une marche chronique et

rémittente spéciale. Mais on reconnaît que les causes

principales sont : les excès de travail, les excès de bois-

son, les excès vénériens principalement. Or, ne doit-on

point considérer que ceux qui se livrent à des excès de

travail psychique, à des excès de boisson ne soient

des sujets prédisposés héréditairement; quant à

l'autre cause, la prédisposition n'est pas moins évi-

dente, ne fait pas d'excès vénériens qui veut, il faut

être doué d'une irritabilité spéciale. D'ailleurs, si la

paralysie générale n'a que des rapports de parenté peu

marqués avec les autres formes de folies, nous verrons

qu'elle est un lien à différentes maladies nerveuses.

MM. Bail et Régis ', se basant sur certains caractères

biologiques (longévité/natalité, vitalité, etc.), admettent

1 Doutrehente. - Note sur la marche de la paralysie générale citez 1rs

héréditaires. (Ann. méd.psych., 0e série, t.`I, 1879, p. 22G.)

1 Bail et Régis. - Les familles des aliénés au point de vue biologique,

etc. {L'Encéphale, 1833, p. 401, 405, 428.)

LA FAMILLE N1 : \'ROP.ITIIfIUr. 9

que la paralysie générale n'est point de la famille des

vésanies, qu'elle ne naît point, comme elles, de la folie,

et qu'elle n'engendre point la folie; elle naît des ma-

ladies pébrales et engendre des maladies cérébrales.

Nous verrons qu'elle a de fréquents rapports avec les

névroses et les affections spinales, sans compter l'ataxie

locomotrice, avec laquelle elle paraît souvent se con-

fondre.

Il y a deux névroses qui ont de fréquents points de

contact avec la folie : ce sont l'hystérie et l'épilepsie.

On les rencontre souvent dans les familles d'aliénés;

et d'ailleurs elles offrent parmi leurs manifestations

de nombreux troubles psychiques.

Les manifestations mentales de l'épilepsie sont trop

bien connues depuis les recherches de M. J. Falret,

pour que nous y insistions longuement. Elles se mon-

trent à l'état passager, après les attaques (petit et

grand mal intellectuel), ou quelquefois avant, sous

forme d'aura psychique. D'autres fois, les troubles

mentaux constituent à eux seuls toutes les maladies

(piln,ptic psyc1tical équivalent, Spitzka) : ce sont des

délires aigus se présentant tantôt sous la forme

expansive, tantôt sous la forme dépressive, tantôt

sous la forme m&niaque. Trop souvent enfin la répéti-

tion des accès épileptiques, quelle que soit leur forme,

amène la démence.

Outre les troubles mentaux qui font partie du mal

comitial et ceux qui en sont la conséquence, on peut

rencontrer chez les épileptiques d'autres phénomènes

psychiques qui coexistent sans se confondre avec les

manifestations de la névrose convulsive; M. Magnan a

bien montré, par exemple, que l'épilepsie, l'alcoolisme

10 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

et la vésanie peuvent se cotoyer chez le même indi-

vidu, bien qu'on puisse toujours faire la part de ce

qui est propre à chacune de ces affections '.

Quant aux coïncidences pathologiques de l'épilepsie,

on peut dire qu'elles comprennent le plus grand

nombre des affections du système nerveux; mais les

affections mentales occupent incontestablement le

premier rang. Nous ne ferons que citer quelques faits

qui, ainsi que ceux que nous le rapporterons plus

loin, ont été pour la plupart recueillis soit à la cli-

nique de la Salpêtrière, soit dans la pratique privée

de notre maître, M. le professeur Charcot.

Observation I. - T..., quatorze ans. Vertiges épileptiques

soi-disant consécutifs à une chute sur la tête d'un lieu élevé,

- Père aliéné.

Observation II. - M"° C..., huit ans et demi. Cyanose con-

génitale avec rétrécissement pulmonaire; épilepsie, crises psy-

chiques. - Soeur somnambule.

Observation III. MmoB... devient épileptique à cinquante-

quatre ans sans causes connues. Atrente-quatre ans, elle avait

été mélancolique pendant un an.

Observation IV. H..., épileptique. Mère, tic de la

bouche.

Observation V. - Mm° V... Épilepsie (Grandes crises et

vertiges) débutant sans cause connue à quarante-huit ans.

Frère paralytique général.

Observation VI. 1\ple B..., épileptique. - Mère gout-

teuse. Soeur, a eu une attaque de chorée et a.un tic facial.

Observation VII. - Mm0 Lev..., quarante-six ans. Chorée

à seize ans; accès d'épilepsie depuis six mois. - Grand'mère

épileptique. Neveu suicidé récemment.

1 Magnan. -De la coexistence de plusieurs délires chez le même aliéné.

(A ? -eh. de Neurologie, t. I, p. 49.)

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 11

L' hystérie peut, dans certains cas, présenter des

manifestations épileptiformes. Il existe une forme

particulière d'hystérie, la grande hystérie, l'hystéro-

épilepsie, qui doit son nom à ce caractère. Mais il

n'est pas rare que les deux névroses coexistent sur le

même sujet et se manifestent par des crises séparées

(Charcot) '.

Les manifestations psychiques de l'hystérie bien

étudiées par M. Legrand du Saulle méritent d'être

séparées en deux groupes bien distincts. Les unes, qui

ne sont qu'un épisode, une phase de l'attaque d'hys-

téro-épilepsie, telle que l'a décrite M. Charcot, et

qui se traduit par un délire variable suivant les sujets,

mais toujours identique, en ce sens qu'il a une place

chronologique fixe dans l'attaque, dont il ne peut être

séparé. Ce délire, qui fait partie de l'attaque, est le seul

auquel appartienne légitimement la qualification d'hys-

térique. Quant aux troubles psychiques qui se montrent

chez les hystériques en dehors des manifestations con-

vulsives propres à cette névrose, elles ne doivent pas

lui être attribuées. C'est seulement parce que chez

certains sujets atteints de manie ou de mélancolie on

retrouve les symptômes permanents de l'hystérie que

l'on qualifie d'hystériques ces divers troubles psy-

chiques ; mais la forme de la psychose n'a rien de spé-

cial et, considérée en elle-même , elle n'a rien de

caractéristique. En somme, l'hystérie et la vésanie ne

sont point subordonnées l'une à l'autre, ce sont deux

1 H. d'Olier. - De la coexistence de l'hystérie et de l'épilepsie avec ma-

nifestations des deux névroses, considérées dans les deux sexes et en parti-

culier chez l'homme. (Ann, méd. psych., 6e série, t. VI, p. 192.)

. Legrand du Saulle. - Les hystériques, etc., 1883.

12 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

affections combinées chez le même sujet, comme le

peuvent être l'épilepsie et l'hystérie se manifestant

par des attaques distinctes. L'état mental des hysté-

riques en dehors des attaques n'a non plus aucun lien

nécessaire avec la névrose convulsive; si on rencontre

souvent chez les hystériques un tempérament fou, une

véritable insanité morale, ces troubles mentaux ne

sont pas un apanage nécessaire de la névrose à la-

quelle ils survivent souvent; ils ne présentent aucune

particularité qui ne se puisse trouver ailleurs : ce n'est

qu'une combinaison de deux états morbides.

Observation VIII. - \I ? X..., de T..., dix-neuf ans, hys-

térique. - Père et mère migraineux.

Observation IX. Mlle E. 8..., treize ans. - Un frère

et une soeur ont eu des convulsions. - Oncle paternel, mort

fou ù Bicêtre.

Observation X. NI'ne J..., hystérique. - Père bizarre,

délire passager. Grand-père paternel pendu. Mère hys-

térique. Un frère est mort de convulsions. Une soeur et

deux autres frères ont eu des convulsions.

Observation XI. M"° D..., douze ans. Contracture hysté-

rique. Père original. - Mère hystérique. - Frère imbécile.

Observation XII. M"0 P..., dix-huit ans. Paraplégie hys-

térique. Mère rhumatisante, chorée.

Observation XIII. - M"0 F..., dix-neuf ans. Contracture

hystérique. Le père a été atteint plus tard de mélancolie

pendant six mois.

Observation XIV. ? V..., quinze ans, hystérique. -

Grand'more maternelle persécutée, morte à la Salpêtrière.

Mère hystérique (a deux frères mal équilibrés). - Père alcoo-

lique. - Quatre frères : l'ainé a été à Bicètre atteint de délire

de persécution; un autre a eu un accès de delirium tremens ;

un autre est très irascible et a quelques idées de persécutions.

- Trois soeurs nerveuses; une seule a eu des attaques.

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 1 : 1

Chez les hystériques mâles, l'hérédité névropa-

thique parait encore plus accentuée.

Observation XV. - M. X..., dix-huit ans, hystérique. -

Grand-père paternel, esprit faible. Oncle maniaque.

Observation XVI. - M. W..., neuf ans, hystérique.

Grand-père maternel mélancolique. Mère névralgique.

Père, crises nerveuses ( ? ) jusqu'à treize ans.

Observation XVIL- M. M..., dix-huit ans. Paraplégie hys-

térique avec signe de Bomberg et perte des réflexes patellaires ;

guéri en quinze jours par l'hydrothérapie. Sa mère, à la

suite d'une plaie légère à la fesse, a eu une contracture du

membre inférieur qui a duré plusieurs mois.

Observation XVIII. - M. de C..., douze ans, hystérique à

crises convulsives et psychiques. Hyperesthésie plantaire.

Père mélancolique, agoraphobe.

Ces névroses méritent donc d'être reliées aux affec-

tions meutales, non seulement par leur hérédité, mais

aussi par leurs combinaisons.

II.

Certaines formes d'aliénation, et, en particulier,

celles qu'on a désignées sous les noms de folie instinc-

tive, de folie morale, etc., offrent une analogie qui ne

pouvait manquer de frapper l'attention, avec d'autres

états psychiques anormaux, qui sont le propre des

vicieux et des criminels. La parenté du vice et du crime

avec la folie peut s'appuyer sur des faits nombreux'. 1.

L'hérédité du vice a été assez souvent constatée

1 Lombrosu. Vuomu délinquante. Turiuu, t878.

14 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

M. Despine' en rapporte plusieurs exemples remar-

quables, notamment celui de la famille Chrétien.

M. Maudsiey' fait remarquer avec juste raison que les

antisociaux, qui ne peuvent se soumettre aux règles de

la société, sont souvent voués à la folie; et on peut

dire que la plus grande partie des criminels sont mo-

ralement imbéciles3 (Moral idiocy 4). Beaucoup sont

sujets à des explosions de violence, à des terreurs

nocturnes, à des perversions de l'idéation, à des con-

ceptions délirantes 5. Un certain nombre sont ou de-

viennent épileptiques, d'autres aliénés.

La fréquence des troubles mentaux chez les crimi-

nels, déjà constatée par Coindet6, par Cazauvielh', par

Lélut 8, par rerrus9, etc., est surtout mise en évidence

par les recherches de Bruce Thompson 10; et il est bien

certain que les causes de la folie dite pénitentiaire

sont inhérentes au prisonnier et non à la prison ".

1 Despine. - Psychologie naturelle, t. II, p. 410.

1 Maudstey. Pathologie de l'esprit (trad. française), 18S3, p. 112.

3 Tamburini et Seppili. Studio di psicopatologia criminale, etc.

Reggio Emilia, 1883.

1 Forbes \Vinslow. Obscure Diseuses of the Brain and Dltnd, 3e éd.,

1863, p. 129.

"Nicholson. The morbid psychologof criminels (The journ. of

mental science, 1873, 1874, 1875.)

0 Coindet. Observation sur l'hygiène des condamnés détenus dans la

prison pénitentiaire de Genève. (Ann, d'llygiène, 1838, t. XIX, p 27J.)

7 J.-B. Cazauvielb. - Du suicide, de l'aliénation mentale et des crimes

contre les personnes comparés dans leurs rapports réciproques , etc., 1842.

8 Lélut. - De l'influence de l'emprisonnement cellulaire. (ans, mcd.

p.1ych., t, III, p. 392.)

1 errus. - Des prisonniers, de l'emp,'isonnement et des prisons, 1849.

1. J.-B. Thomson. On hereditary nature of crime. (The jozerzz. of

mental science, 1870.)

"Sauze. /iec/terc/iMSM;' la folie pénitentiaire. (Ann. med. psych.,

3' série, t. 111, 1857, p. 28.- Hurel. -Quelques obs. pour servir à l'his-

toirc de la folie pénitentiaire. (Ann. méd. psrlcla., 1875, 48 série, t. XIII,

p. 161,374.)

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 15

Le vice, le crime et la folie ne sont séparés que

par les préjugés sociaux ; ils sont réunis par leur

caractère commun de fatalité. Si on répugne à accepter

cette parenté intime, ce n'est pas faute de preuves

scientifiques, mais à cause des conséquences pratiques

qui se présentent tout de suite à l'esprit.

C'est en vain qu'on a cherché à établir une distinc-

tion entre ces états psychiques morbides. « Entre le

crime et l'insanité, dit Maudsley1, il existe une zone

neutre : sur un des bords, on n'observe qu'un peu de

folie et beaucoup de perversité; à la limite opposée,

la perversité est moindre et la folie domine. » Ce n'est

pas avec une déclaration aussi vague qu'on peut établir

une frontière, pas plus que ne l'ont fait les travaux de

Michéa 2, de Solbrig3, etc.

M. Despine4, après avoir parlé de la maladie mo-

rale qui produit le crime, dit que le criminel n'est point

un malade, qu'il ne faut pas l'assimiler à un aliéné, il

a conservé son intelligence, sa place n'est point dans

un asile; mais, en fin de compte, il arrive à conclure

qu'il faut le traiter dans un établissement péniten-

tiairee. « L'intelligence, dit-il, quelque grande qu'elle

soit, n'atténue point l'atteinte portée à la raison et à la

liberté chez le criminel, par l'insensibilité morale; elle

ne détourne point cet homme du mal, bien loin de

1 Maudsley. Le crime et la folie. Paris, te éd., 1880, p. 3 ! .

e Michéa, - Caractères qui permettent de distinguer la perversion

maladive de la perversité morale. (Ami. zrzéd, psych., 1852, p. 444.)

3 Solbrig. Verbrechern llnd Valmsinn, Munich, 1869.

4 Despine. Etude sur l'état psychologique des criminels. (Ann, )/te'6<.

psycrt., 1872, 5° série, t, VIII, p. 321.)

' Howard. The Somalie etiology of crime (The amer, Jourrt. of

rtcttrol. and psych., 1883, t. II, p. 235, 388.)

16 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

là. » Que faut-il de plus pour caractériser un sujet

atteint d'insanité morale, un alienus a se ? Le crime

et la folie se tiennent indissolublement, on ne peut

pas les dissocier, ni étudier l'un sans l'autre.

Les grandes commotions sociales, en fournissant une

occasion aux instincts criminels, peuvent, dans une

certaine mesure, mettre en lumière des monstruosités

psychiques héréditaires et montrer pour ainsi dire ex-

périmentalement la parenté du crime et de la folie.

MM. Laborde', Lunier et 11W ndy ont cité parmi

ceux qui ont pris une part active à l'insurrection de

1871, plusieurs sujets qui ont été traités coirme alié-

nés et qui avaient des aliénés dans leur famille. On

ne peut pas apprécier, même approximativement, le

rôle que l'alcoolisme a joué dans les mêmes circons-

tances.

Du reste, dans le cas de folie collective ou épidémique,

il ne faut pas se laisser égarer par l'importance du fait

qui semble avoir été la cause principale : en y regar-

dant de près, on constate que les individus prédisposés

ont seuls été atteints.

C'est à tort qu'on a essayé de rapprocher sans dis-

tinction les criminels de l'homme primitif4 : cette théo-

rie serait applicable tout au plus aux crimes qui ont

pour objet la satisfaction de besoins naturels; le plus

souvent, les criminels ne constituent pas un retour à

un état normal antérieur, ce sont des anormaux par

1 Labortle. - Les hommes et la actes de l'insurrection de Pans devant

la psychologie morbide, 1872.

« Lunier. Ann. méd.. psych., 1872, b' série, t. Vit, p. 257.

3 Mundy. laid.

l&Ca8Sâ1lC. - L'homme criminel compuré à l'homme primitif. Ltoly i|

1882. - Lombroso. null. Soc. arellzroy.r 1883, lr. ,. ,.

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 17

malformation ou par maladie. Les autopsies de Bene-

dickt, de Hanot, de Schwekendiek, de Giacomini', de

rlesch2, n'établissent nettement qu'un seul point,

c'est la complexité et l'irrégularité de la morphologie

des circonvolutions cérébrales. Nous avons dit ailleurs

que nous ne considérions point ce caractère comme

'spécial aux criminels avérés 3; mais on est pas plus en

droit, tant s'en faut, de l'attribuer à l'homme primi-

tif, pas plus que l'augmentation de poids du cer-

veau 4. L'association fréquente du vice et du crime

avec les névroses, et en particulier avec la folie et l'épi-

lepsie et avec les malformations physiques constitue

une forte présomption en faveur de la théorie patholo-

gique, contre la théorie atavique du crime. L'existence

quelquefois constatée de lésions cérébrales 5, est

encore à l'appui de l'opinion que nous défendons.

C'est en vain aussi que l'on voudrait rattacher à

l'atavisme l'idiotie des microcéphales 6 : ces sujets pré-

sentent le plus souvent en même temps que des ano-

malies réversives que l'on peut rapprocher des types

voisins, des malformations non seulement dans le cer-

1 Giacomini. - Variela délie circonvoluzioni cerebrali clell 1l0mo,

Turin, 1882.

1,'Iescli. Ueber Verbrecheu gehiruc, aus der Sitzit21gsbei,ichieit £ Ici.

1Vw zblll'gel'. Phgs.méd. Gesellshaft, 1881.

3 Ch. Féré. - Note sur un cas d'anomalie asymétrique du cerveau.

(Arch de 11'eur. 1883, p. 59.)

Broc,,t. Le cerveau de l'assassin Prévost. (Bull. Soc. Q ? [</o-o ? 1880,

p. 233.)

» Broca. Sur l'assassin Lemaire. (Bull. Soc. ant3zrop., 1867, p. 348.)

Chudzinski. Sur le cerveau de Menescloll (Huit, Soc. anthrop.,

1880, p. 578.)

" Aeby. - Ueber clans Verdhltniss der Microcephalis und atavismus.

Stuttgard, 1878. Spitzka. - Illsrl1tity, etc. New-York, 1883, p z

DuMtte. La 11licl'oephalie au point de vue de l'atavisme. (Thèse de

Paris, 1880.)

ARCHIVES, t. VII. 2

18 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

veau, mais aussi dans le reste du corps, bec-de-lièvre,

hernies diaphragmatiques, sexdigitisme, etc., qui ne

s'expliquent guère par l'atavisme, mais dont rendent

fort bien compte les troubles du développement dus à

des états morbides de l'embryon et que l'on peut repro-

duire artificiellement (Dareste). Si on admet que les

microcéphales et les idiots représentent, au point de

vue cérébral, un état normal de quelqu'un de nos an-

cêtres, dira-t-on aussi que l'infécondité commune chez

ces sujets est la réapparition d'un caractère ancestral ?

Il ne faut pas confondre l'atavisme avec la persistance

d'un état foetal.

III.

Dans un ordre d'idées tout à fait différent, le ta-

lent, le génie, le tempérament artistique, se trouvent

unis aux affections mentales par une parenté facile à

mettre en évidence, grâce aux combinaisons qu'on les

voit former soit chez les sujets eux-mêmes, soit dans

leur famille. Nullum magnum ingenium nisi mixtura

quadam stzcltitice, dit l'ancien adage ; nombreux en

effet sont les hommes illustres à différents titres qui

ont été atteints de névroses ou de psychoses : Socrate,

Pausanias, Charles-Quint, Mahomet, Tasse, Cellini,

Pascal, Luther, Pierre L'Hermite, Loyola, : Jeanne d'Arc,

Swedenborg, Swammerdam, Zimmermann, etc., etc.,

pour ne pas parler des contemporains'. Lélut, dans ses

études sur le Démon de Socrate, et sur l'Amulette de

1 Lombroso, Genio e l'allia, lie édit., 1882.

LA. FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 19

Pascal ' a bien montré la réalité de la coexistence de

troubles mentaux avec un grand développement intel-

lectuel ; les conclusions ont été généralisées depuis par

M. Moreau (de Tours) qui les a résumées dans la for-

mule le génie estime névrose. Si toutes les formes de la

' nervosité peuvent se rencontrer chez les hommes de

génie et de talent, c'est sans contredit, l'hypochondrie

qu'on observe le plus fréquemment.

Ce n'est pas seulement chez l'individu lui-même que

l'on peut retrouver l'association des psycho-névroses et

du développement intellectuel le plus élevé. L'histoire

pathologique des familles d'un grand nombre d'hommes

éminents étudiés par MM. Moreau (de Tours) et Ja-

cobaye, nous montre souvent la combinaison héréditaire

des vésanies, des névroses, du génie et des passions

excessives, du vice et du crime.

D'ailleurs, il existe un certain nombre de faits mon-

trant que l'hérédité d'une intelligence exceptionnelle

peut être tout aussi bien établie que l'hérédité des né-

vroses et que l'hérédité du crime. On cite des familles

de musiciens, de peintres, de poètes, de savants

illustres ; les philosophes se reproduisent peu et ne

figurent guère dans ces généalogies 3.

IV.

En résumé, on peut dire que la branche psycho-

, Lélut, - Du démon, de Socmte, spécimen d'une application de la

science psychologique à celle de l'histoire. Paris, 1836. - L'Amulette du

Pascal, pour servir à l'histoire des hallucinations, 18,6.

, P. Jacoby. Etude sur la sélection dans ses rapports avec l'hérédité

chez l'homme, 1881.

3 Ribot. - L'hérédité psychologique, p. 81.

20 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

pathique est constituée par trois groupes alliés, les

psychopathies proprement dites, avec les deux né-

vroses qui leur sont le plus intimement liées, les cri-

minels et les géniaux. Ces trois groupes offrent,

comme nous l'avons vu, de nombreux points de con-

tact ou plutôt de confusion. Il n'est point rare de voir

chez les aliénés des éclairs qui pourraient passer pour

du génie dans d'autres circonstances ou dans d'autres

temps.

D'autre part : le génie et le vice trahissent souvent

leur essence morbide par les anomalies intellectuelles

oumorales qui les accompagnent. Lesaliénés, les crimi-

nels et les hommes de génie apportent en naissant une

constitution très analogue; tous sont doués d'une exci-

tabilité telle qu'ils réagissent en dehors des règles

psychcologiques ordinaires. Ce sont quelquefois les

circonstances extérieures qui déterminent la spéciali-

sation. Il se peut que, si cette prédisposition diffuse,

cet état névropathique indécis n'est point mis en jeu

par une excitation suffisante, le sujet reste ou hyper-,

excitable ou phrénalgique, mais sans état mor-

bide caractérisé. La parenté de l'extrême vertu, du

vice et de la folie est surtout bien montrée par ce

qu'on a appelé les états, mixtes moraux ou intellec-

tuels. Certains individus, doués d'une intelligence

remarquable, qui offrent une perversité morale des

plus manifeste, ou inversement; d'autres ont des

aptitudes extraordinaires, mais limitées à une science,

à un art, aux mathématiques par exemple, ou à la mu-

sique, et, en dehors de là, ils sont inférieurs en tout;

ce sont là les génies partiels. Certains enfants, après

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 21 1

avoir donné de grandes preuves d'intelligence, s'arrê-

tent tout à coup dans leur développement, ou offrent

des déviations morbides diverses; les enfants prodiges,

chez lesquels l'hérédité névropathique est fréquente 1,

sont le plus souvent des candidats à l'imbécillité ou à

' la folie. C'est sans aucune preuve qu'on a avancé que

l'altération des facultés était dans ces cas la consé-

quence d'une inflammation des membranes du cer-

veau 2 provoquées par l'excès d'application.

Certains enthousiastes, capables du plus beau dé-

vouement, ne peuvent, dans certaines circonstances,

comprendre telle délicatesse de sentiment que leur sens

moral ne perçoit point; ils sont dans une situation

analogue à celle de ces sujets qui entendent le bruit,

mais n'entendent point les notes, ou aux daltonistes qui

ne peuvent reconnaître certaines couleurs; et ces dalto-

nistes moraux ou intellectuels sont tout aussi incura-

bles que les autres. L'éducation n'agit que tant qu'elle

est dirigée dans le sens des tendances naturelles; et,

dans ces conditions décidément morbides, elle n'a

tout au plus qu'une action suspensive.

Mais, nous dira-t-on, si la folie, le vice, le génie

et l'imbécillité sont des états anormaux de l'es-

prit correspondant à des troubles de sensibilité

psychique, quel est donc l'état normal ? Nous avons

déjà bien souvent insisté sur ce fait, qu'il n'existe

point deux cerveaux humains qui se ressemblent,

qu'il n'en existe point un seul qui soit symétrique,

1 G. Savage. Some relations of mental disease to inherance. (Guy's

hosp. reports, t. XXII, p. 59, 1877.)

2 Solly. The human brain, its structure, physiology and diseases.

LOI71011, 2' pd., 1867, p. 662.

22 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

qu'il n'y a point en un mot de cerveau qui corres-

ponde à la norme. Il en est de même au point de

vue physiologique qu'au poiut de vue anatomique, ce

n'est que théoriquement que l'on peut décrire l'état

de santé psychique. S'il y a entre le vice et la vertu,

le génie et l'imbécillité une situation mitoyenne, c'est

un point idéal où personne ne peut prendre place,

et les frontières de la santé et de la maladie de l'es-

prit ne peuvent être qu'arbitraires. ,

V.

Si les états psychiques anormaux, l'aliénation,

l'épilepsie, l'hystérie sont unis par des liens de

famille incontestables, il faut aussi reconnaître, et

nous l'avons montré déjà par les quelques généalo-

gies citées plus haut, que cette famille psychopathiquc

artificiellement isolée se trouve en connexions fré-

quentes avec les autres affections du système nerveux,

qu'il s'agit maintenant de rallier pour constituer la

branche névropathique proprement dite de notre grande

famille morbide.

M. Moreau (de Tours) reconnaît que la folie a des

rapports avec les convulsions, l'hystérie, l'idiotie,

l'épilepsie, le strabisme, la paralysie, les névralgies,

les fièvres cérébrales, l'apoplexie, l'excentricité, les

tics, le bégaiement, l'asthme, la surdité. Cette idée,

du reste, avait déjà été émise par Royer-Collard :

« Ce n'est pas seulement l'aliénation proprement

dite qui peut engendrer l'aliénation par hérédité. Les

lésions cérébrales de tout genre, les affections ner-

LA FAMILLE NÉVROPATHIQTJE. 23

veuses dont le siège et la nature sont mal connus,

certaines maladies congéniales des organes des sens

exercent parfois la même influence'. » Gintrac 2 dit

que les aliénés donnent naissance à des sujets qui

peuvent offrir des sujets de toute espèce. Griesinger3,

revenant sur ce même sujet, reste aussi dans les géné-

ralités. M. Doutrebente a a publié un certain nombre

de faits à l'appui de cette idée. Plus récemment,

M. Mübius 5 a étudié en détail plusieurs familles ner-

veuses où les combinaisons sont fréquentes; Bollinger" fui

signale aussi cette parenté. Mais il restait à rallier

individuellement les espèces morbides ; c'est ce que

nous allons essayer de faire.

On peut dire que toutes ces névroses et toutes les

affections dites spontanées du système nerveux sont

unies par un lien de parenté intime. D'ailleurs, un

certain nombre de névroses, outre l'épilepsie et l'hysté-

rie que nous avons déjà considérées, offrent dans

leurs cours des troubles mentaux qui ne sont point

considérés comme des épisodes exceptionnels, mais

que leur fréquence peut faire admettre comme

appartenant à la maladie à titre de symptôme habi-

1 Il. Royer-Collard. - Rapport à l'Académie de médecine sur un

mémoire de M. le D' Bail/m'gel', intitulé : « Recherches statistiques sur l'hé-

rédité de la folie». 1847, 1). 10.

Gintrac. Mémoire sur l'influence de l'hérédité. (Mém. de l'Icadé-

m ! 'e<'0 ? de méd., t. XL)

3 W. Griesinger. Des relations qui existent entre les maladies men-

tales et les autres maladies nerveuses. (Ann. méd. psych., 4e série, t. IX,

1867, p. 193.

4 G. Doutrebente. Etude généalogique sur les aliénés héréditaires.

(Ann. méd. psych.. 1869, t Il, p. 197, 369.)

1 Mobius. Ueber neruose familien (Séparât, aber. aus der Zeilschrift

f. Psychiatrie, Bd. XL).-Die Erblzchkeit der Nervositiit. (Melllomúilien,

XXVI, .Tallr ? 8 h., p. 459.)

o 0. l3ollmer. -lieGer Vel'e¡'Ú1tIl'i von Krunkheiten. Stuttarll, 1882.

24 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

tuel. Nous voyons que, dans la chorée', ces troubles

mentaux sont loin d'être rares.

Dans la paralysie agitante, Patrick, Lorain, Lasègue,

mais surtout M. Bail ont signalé des phénomènes de

dépression mentale, pouvant aller jusqu'à la stupeur.

D'autres fois, ces malades offrent une grande excitabi-

lité, des hallucinations, etc. M. Huggard'a a cité un

fait où la maladie de Parkinson coïncidait avec une

folie circulaire; celte observation nous confirme dans

l'opinion qu'il ne s'agit que d'une combinaison d'une

névrose et d'une psychose, non subordonnées l'une à

l'autre.

Il en est de même dans le goitre exophthalmique

avec lequel on voit souvent coïncider des troubles

mentaux signalés par Solbrig, Geigel, Van Deusen,

Andrews, Meynert, Robertson, Savage \ etc.

Mais, à défaut de manifestations psychiques coïnci-

dentes, ces maladies n'en seraient pas moins nette-

ment liées par l'hérédité aux maladies mentales, aux

névroses d'une part et, de l'autre, aux maladies

cérébro-spinales à lésion.

Pour ce qui est de la chorée, sa parenté avec les

autres affections nerveuses a été fréquemment signa-

lée5; elle affecte les rapports les plus étroits avec

1 Marcé. -De l'état mental dans la chorée (7eM : .t<e l'Acad. de nzéd"

1860, 1. XXIV, [J. 1.)

H. Ball.- On moral dérangement and insanify in cases of pamlysis

ayrlans (Izzterrz. med. Congress. London, 1881, t. III, p. G03.) - Itingrose

Atkins. - .JOIlJ'1 ! . of nzenlal Sc. ·158· t. XXVI ! ,]1. 534.

3 /7t<e;'H. med. Congl'ess; loc. cit., p. 607.

. lúid., p. 658.

" Maudsley. Crime et folie, trac] . 1'1 ? ]1. 41 PM/Ao/oy/ec/'exp) ?

trad. fr., 1883, p. 115.

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 25

l'épilepsie, l'hystérie ', l'aliénation mentale 2. (OBs. VI,

XII.)

Observation XIX. - L..., huit ans, est à son septième

accès de chorée, le premier à trois ans, à la suite de légères

douleurs articulaires qui ne se sont plus reproduites.

Grand'mère maternelle, tremblement des mains; sa mère a eu'

une hémiplégie hystérique ; tante maternelle, migraine et

sciatique.

Observation XX. M110 P..., dix-huit ans. Chorée de-

puis sept ans. - A un cousin qui danse depuis quatre ans.

Observation XXI. - 111"° A..., dix-sept ans. Folie du doute.

Soeur choréique.

Quant à la maladie de Parkinson, on a longtemps

admis que sa cause la plus fréquente était dans le

choc produit par une émotion morale vive. Or, la

biologie générale des maladies nerveuses nous montre

que ces sortes de causes n'agissent efficacement que

chez les sujets prédisposés, c'est ce qui existe en effet.

Le travail récent de M. Lhirondel 3 nous montre que

souvent la maladie de Parkinson est en rapport avec

d'autres affections nerveuses existant soit chez le sujet

lui-même, soit chez ses ascendants; qu'elle peut même

se transmettre sous sa forme; et que, d'autre part, elle

peut être liée à l'arthritisme qui, comme nous le ver-

rons, est un proche parent de la famille névropathique.

D'autres fois, la paralysie agitante se transforme elle-

même en d'autres affections nerveuses; en voici trois

exemples :

1 Vassitch. Etude sur leschorées des adultes. (Thèse, 1883.)

2 0. Sturges. - On claorea and other allied movement diso1'de,'s of

early life. London, 18RI,]J. 29, il6.

3 (. Lhirondel. Antécédents et causes dans la maladie de Parkinson-

(Thèse lu Pans, ISS3.)

2 ? PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

Observation XXII. - mye P... Paralysie agitante. Fille

aliénée (atteinte avant sa mère).

Observation XXIII. Dr X..., paralytique général.- Père

atteint de paralysie agitante.

Observation XXIV.-I..., quarante-sept ans. Paralysie

agitante. - Oncle maternel aliéné (manie aiguë).

Le tremblement sénile ' se développe quelquefois

sous l'influence d'une hérédité directe, d'autres fois,

c'est une maladie de famille, plus souvent, on le

trouve associé dans la même généalogie avec d'autres

affections nerveuses.

Quant à la maladie de Basedow, les recherches de

MM. Ballet : et Marie 3 montrent que non seulement

c'est une maladie de famille (Cheadle); mais que fré-

quemment elle est liée par l'hérédité aux maladies

nerveuses et en particulier aux maladies mentales qui

peuvent coexister chez le même sujet. Il en est de

même des phénomènes épileptiformes, de l'hystérie et

de la chorée (Gaguon, Jacobi).

Observation XXV. - Mme de P..., goitre ophthalmique à

dix-huit ans ; hystérie et somnambulisme. - Père excen-

trique. Mère mélancolique. Deux fils d'un oncle ma-

ternel aliénés.

Observation XXVI. - J... Tachycardie, tremblement des

mains. - Père alcoolique. - Mère épileptique. - Oncle ma-

ternel aliéné. Sa fille a des vertiges épileptiques.

1 Tliébeault. Etude clinique sur le tremblement sénile. (Thèse, 1S82.)

'- G. Ballet. De quelques troubles dépendant du système nerveux

central ob'e¡'vé, chez les malades atteints de goitre exoplzthalmique.

(Revue de médecine, 1883, p. 254.)

l'. Marie. Contribution iL l'étude et au diagnostic des formes frustes

de 11 maladie de B(isedow. (Thèse de Paris, ISS3.;

LA FAMILLE .\ÉVR01'ATHIQUE. 27

La migraine, dans certaines de ses formes, peut s'ac-

compagner de phénomènes épileptiformes ou marquer

la première période de la paralysie générale ou de

l'ataxie locomotrice (Charcot) '. Tous les auteurs s'en-

tendent pour la considérer comme une maladie de fa-

mille et très fréquemment héréditaire, et, d'autre part,

elle est souvent en rapport par l'hérédité avec l'épi-

lepsie, la folie, l'hystérie, etc. (OBS. VIII, XIX.)

Observation XXVII. - M. D... Migraine ophthalmique;

terreurs nocturnes dans l'enfance. - Mère hystérique.

Les névralgies aussi appartiennent à tu famille né-

vropathique par les mêmes liens. Elles sont fréquem-

ment associées aux affections nerveuses, à l'hystérie,

en particulier. Elles sont aussi les alliées consauguincs

de la folie. Brodie rapporte un cas dans lequel des

douleurs névralgiques de la colonne vertébrale alter-

naient avec une véritable folie. Burrows a vu un ecclé-

siastique très éloquent qui était toujours maniaque

quand il ne souffrait pas de la colonne vertébrale et

qui était lucide quand les douleurs revenaient.

L'asthme est lié au goître exophthalmique, à l'alié-

nation qui quelquefois alterne avec lui 2, comme l'épi-

lepsie 3. On peut quelquefois en dire autant de l'an-

gine de poitrine, que l'on peut voir aussi coïncider

chez le même sujet avec l'hystérie .

1 Ch. Féré. - Contribution a l'étude de la migraine ophthalmique.

[Revue de méri. 1881.) - .1. Haullet. - Etude sur la migraine opht ! wl-

mique. (Thèse de Paris, 1883.)

- Guislain. - Leçons orales sur les phrénopathies ou traité théorique

et pratique des maladies mentales, 2. éd. 1880, t. l, p. 428.

3 li.-II. Saltcr. - On astluna, 1800, p. 'ci.

1 Marie. Deux observations d'angine de poitrine dans l'Itttstcrie.

(Revue de médecine, 1882. p. : <3S.)

28 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

Les tics se rencontrent aussi fréquemment dans les

familles d'aliénés. Ils existent si souvent chez les imbé-

ciles et les idiots qu'on peut en quelque sorte les con-

sidérer comme des symptômes de l'idiotie et de l'im-

bécillité ; ils ne sont pas rares non plus dans les mala-

dies mentales, en particulier chez les mélancoliques.

On les rencontre aussi chez un certain nombre

d'hommes distingués (Trélat). Cette coïncidence des

tics avec des états cérébraux divers vont à l'appui de

l'origine centrale ' dont nous avons pu fournir un

exempter peut-être le premier. (Olis. IV, VI.)

Les tics douloureux sont, comme on sait, souvent

liés à l'épilepsie, en particulier ceux de la face.

Observation XXVIII. - M. X..., quarante-neuf ans, atteint,

il y a quinze ans, d'étourdissements considérés par M. Parrot

comme des vertiges gastriques. Il y a huit ans, il a commencé

à souffrir d'un tic douloureux de la face à droite, et les étour-

dissements ont cessé. Hémiplégie transitoire à gauche, il y a

six ans. Depuis quatre ans, le tic avait augmenté d'intensité;

la douleur a considérablement diminué depuis qu'est survenue

une attaque convulsive nocturne.

Les tics non douloureux peuvent être héréditaires; Pié-

dagnel en a vu un chez la mère et chez la fille, et Blache

en a observé un chez trois enfants de la même famille.

Observation XXIX. M. B... offre un tic non doulou-

reux de la face, du côté gauche, laissant dans l'intervalle des

crises une parésie des muscles affectés. -- Sa mère a du même

côté, de temps en temps, des contractions spasmodiques des

paupières.

1 Ch. Féré. Le tic de Salaam. Les salutations ztéazropathiques. (Pro-

grès médical, 1883, p. 970.)

°- Ch.. Féré. Tic non douloureux de la face consécutif à une lésion

probable de la région du pli courbe. (Bull, Soc. ltiol., 1876; arc. de

phys., 1876, p. 267.)

LA FAMILLE NÈVROPATHIQUE. 29

Brodie rapporte le cas d'une dame qui fut at-

teinte pendant une année d'une contraction spasmo-

dique continuelle du sterno-cléido-mastoïdien; les con-

tractures disparurent et la malade tomba mélancolique,

cet état dura une année. Elle recouvra ensuite ses fa-

cultés mentales; mais les crampes musculaires re-

vinrent et durèrent plusieurs années'.

Observation XXX. - Dr N... Tic facial indolore se mon-

trant quand il a lu longtemps. Grand-oncle paternel aliéné.

Mère hystérique.

On observe assez souvent les torticolis chez les

idiots et les imbéciles. On peut se demander si, dans

ces cas, la déformation du cou n'est point la consé-

quence de l'affection cérébrale, comme les phéno-

mènes hémiplégiques que l'on voit souvent dans les

mêmes conditions. Mais en ce qui concerne la rétrac-

tion du sterno-cléido-mastoïdien, la question est plus

complexe. D'après Bouvier, en effet2, le torticolis pour-

rait déterminer l'atrophie du côté correspondant de la

face, et Broca nous a souvent montré que le crâne lui-

même était moins développé de ce côté. Le torticolis

pourrait donc être une cause de trouble fonctionnel

du cerveau, et jouer un rôle dans la production de

l'imbécillité. Cependant Bouvier cite plusieurs hommes

remarquables atteints de celte difformité, dont était

affecté Alexandre le Grand 3.

1 llaudsley. -- Pathologie de l'esprit, p. 2\6.

2 Bouvier. -- Leçons cliniques sur les maladies chroniques de l'appareil

locomoteur, 1SS, p. 88.

3 A. Decliaml,re. - Caractères des figures d'Alerandre le Grand et de

Xénon le Stoïcien éclairés par la médecine. (Mémoire lu il l'Académie des

beaux-arts, le 22 mai 1 ? 2,)

30 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

M. Gallard a cité un sujet eczémateux atteint de la

crampe des écrivains, comme sa mère et sa soeur'.

Cet auteur fait remarquer, avec juste raison, que ce

ne sont pas nécessairement des individus qui écrivent

beaucoup qui sont atteints de ce spasme, qui ne se

développe qu'en conséquence d'une prédisposition

spéciale. Le fait suivant nous paraît bien montrer que

l'excitation périphérique ne joue qu'un rôle de cause

déterminante.

Observation XXXI. --Le Dr V..., trente-neuf ans. -Père

rhumatisant. Dans son enfance, plusieurs fois, tics ayant

prédominé dans le côté droit de la face. Vers dix-huit ans,

la suite de fatigues à écrire, crampes bornées au médius de

la main droite. Un an plus tard, retour de la même crampe

qui s'étend à l'index et au pouce, persistant, même alors qu'il

n'écrivait plus. Cet état dura quatre ans environ, cessa pen-

dant trois ans, pour se reproduire et persister depuis. Il y a

trois ans, à la suite de l'arrachement d'un polype muqueux

du nez, il fut affecté, en outre, d'un tic de la face qui n'oc-

cupait d'abord que les paupières de l'oeil droit, puis

s'est étendu à toute la moitié de la face et qui occupe mainte-

nant les muscles de la mâchoire et l'orbiculaire des lèvres

d'une manière prédominante.

On a noté la fréquence des convulsions chez les

enfants nés d'une mère éclamptique 2. Trousseau' cite

une famille intéressante au point de vue des transfor-

mations de la névropathie : un peintre de talent a un

fils nerveux et daltonien qui a sept enfants, dont

six eurent des convulsions, et l'un d'eux eut des

1 Gallard. Crampe des écrivains. (Progrès médical, 1577, p. 546.)

= Duelos. Eludes cliniques pour servira l'histoire des convulsions de

l'enfance, 1847, p. 75.

3 Trousseau. Clin. utéd, de l'llôtel-Dieu, 2e édit., 1873, t. II, p. 171.

LA FAMILLE NEVROPATHIQUE, ·11 1

attaques éclamptiques à l'occasion de toutes les ma-

ladies dont il fut affecté.

Observation XXXII. - M. H.... trente-quatre ans, paraly-

tique général. - Père original. -Le malade a eu des convul-

sions dans l'enfance, un léger bégaiement jusqu'à seize ans;

a été hypocondriaque, a eu une hémiplégie faciale.

Observation XXXIII. - Milo L..., dix-neuf ans, épileptique

(grandes crises et secousses) ? Oncles maternels originaux.-

Une soeur, morte de convulsions. Une autre soeur et deux frères

ont eu des convulsions. - Elle seule n'a pas eu de convul-

sions étant enfant, mais elle a été, dès l'âge de huit ou

neuf ans, sujette à de violentes migraines.

Il faut rapprocher des convulsions de l'enfance le

spasme de la glotte, l'asthme de Kopp, qui fréquemment

aussi est une maladie de famille, et la tétanie, qui

se rencontre surtout chez les enfants nés de parents

nerveux irritables atteints eux-mêmes de névroses ou

en ayant eu dans leur enfance ÿ.

Les auteurs anglais et allemands ont décrit sous le

nom de spasmus J1utans, de tic de Salaam, une variété

de convulsion du cou. On voit les jeunes enfants qui en

sont atteints abaisser et redresser la tête trente à qua-

rante fois par minute. Ces accès, qui se répètent sou-

vent plusieurs fois par heure et quelquefois s'accompa-

gent de pâleur de la face, rappellent les secousses de

l'épilepsie. La nature comitiale de la maladie est trahie

par plusieurs caractères importants'. Cette affection a

d'ailleurs des liens étroits avec la famille névropa-

thique ; dans le seul fait publié en France par notre ami,

1 Bouchut. - Traité pratique des maladies des nouveau-nés, 5e édit.,

1867, 1. 113.

t Cli. Féré. - Le tic de Salaam, etc. (Progrès médical, 1883, p. 970.

32 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

M. Gauliez', la mère de l'enfant avait eu des attaques

éclamptiques.

L'asphyxie locale des extrémités est une névrose du

grand sympathique qui offre de grandes analogies avec

la migraine et, en particulier, avec la forme dite

ophthalmique, et elle peut s'associer à d'autres né-

vroses, comme l'hystérie (Armingand). M. Ritti l'a

observée dans la période de dépression de la folie à

double forme=. On n'a guère de notions sur l'hérédité

de cette névrose vaso-motrice; cependant, il existe des

exemples de transmission de troubles vaso-moteurs :

Darwin cite l'hérédité de la production pathologique

de la rougeur sous l'influence des émotions ?

La sclérodermie peut aussi être rattachée à la famille

nerveuse :

Observation XXXIV. Une des sclérodermiques de la

Salpêtrière a une nièce qui a été atteinte d'une anorexie ner-

veuse très inquiétante et qui a nécessité son entrée à l'hô-

pital \

Observation XXX ? - IVIm° G..., soixante ans, était à la

fois atteinte de sclérodermie et d'épilcpsie.

M. Pautry accepte l'origine et la parenté nerveuse

de la morphea albo qui, pour les auteurs modernes,

n'est qu'une variété de sclérodermie.

L'ataxie locomotrice offre de nombreux rapports

1 Gautiez. Note sur un cas de tic de Salaam. (France médicale, 1883,

t. I, p. 199.) .

t lütti. - Aun. métl. psych., 1882, 6- sél ie, t. VIII, p. 36.

, Darwin. - L 'expression des émotions chez l'homme et les animaux,

la édit. 1877, p. 338.

' Fér6 et Levillain. Anorexie hystérique. (Progrès médical, 18S3,

p. 127.)

6 l'autry. - Essai sur la lIlu'']Jltoea alba. (Tluac, 1SS3.)

LA FAMILLE NÉVROPATIIIQUE. 33

avec les psychoses. MM. Baillarger, Vestphal, Foville,

Magnan, etc., etc., ont montré ses connexions fré-

quentes avec la paralysie générale avec laquelle elle

semble se confondre.

Mais, en dehors de sa combinaison avec la paralysie

générale, on a depuis longtemps signalé des troubles

mentaux coïncidant avec le tabes ataxique (Horn,

Romberg, Hasse, Steinthal, Hoffmann, Tùrck, Joffe,

Eisenmans, Leyden, Topinard, Eulenbourg, etc). Bene-

dikt avait noté des symptômes de dépression psychique

accompagnant l'ataxie; mais Tigges' surtout a insisté

sur l'état mélancolique qui peut s'unir au tabes, sans

présenter de caractères spéciaux, et ne se montrant

qu'à titre de combinaison. M. Rey parait être le pre-

mier auteur, qui, en France, se soit préoccupé de ces

faits ? dans lesquels il a aussi été frappé de l'état

mélancolique qui peut aller jusqu'à la mélancolie

anxieuse, et est accompagné de délire de persécution

fondé sur des hallucinations sensorielles diverses.

M. Rougierlo admet que la vésanie des tabétiques est

en rapport direct avec les lésions anatomiques : pour

lui, le délire du tabes est un délire de persécution

uni à un état lypémaniaque, apparaissant en général

avec les troubles céphaliques du tabes et disparaissant

avec eux, caractérisé par des sensations anormales

1 Tigges.- Ueber mit tabès doisalis conzplicz3·te pzsdchose. (.4 Ilgnz. Zeitsch.

f. psych., Bd. 3 3 H., 1871.)

9 Pli. Rey. - Consid. cliniques sur quelques cas d'ataxie locomotrice

dans l'aliénation mentale. (Ann. méd. psych., 187 ? lie série, t. XIV.)

3 Gruet. - Etudes cliniques sur les troubles intellectuels dans l'ataxie

locomotrice. (Thèse de Paris, ils,2.)

4 Hougier. - Essai sur la lypémanie et le délire de persécution chez les

tabétiques. (Thèse de Lyon, 1882.)

AI1CIIIVI\S, t. VII. 3

34 pathologie générale.

dont l'intermittence explique la discontinuité du délire.

La lecture de ces observations ne nous laisse pas con-

vaincu du rapport qui existe entre l'évolution anato-

mique et la vésanie; pour nous, les troubles sensoriels

n'influent que sur la forme du délire, ils ne le créent

point. Quant à l'autopsie d'un aliéné qui s'est plaint

d'avoir dans le ventre un ennemi qui le torturait, on

trouve un cancer d'estomac; on ne dit point qu'il

s'agit d'une folie cancéreuse, mais que le sujet est à

la fois cancéreux et vésanique. Les malades qui nous

occupent sont tabétiques et aliénés; ils sont atteints

de deux affections combinées, mais non subordonnées

l'une à l'autre; il n'y a point de lypémanie tabétique,

il y a des tabétiques qui sont lypémaniaques. L'héré-

dité vésanique constatée plusieurs fois par M. Rey ne

contredit point l'opinion que nous soutenons. D'ailleurs

ce qui montre bien que la mélancolie des ataxiques

ne peut pas être attribuée à l'évolution de leurs affec-

tions cérébro-spinales, c'est que, quelquefois, les

troubles psychiques se sont montrés avant les phéno-

mènes tabétiques. (OBS. XLI et LUI.)

Ce n'est pas seulement par ses combinaisons avec

les psychoses que l'ataxie trahit sa parenté avec les

névroses, on la trouve fréquemment alliée à elles par

l'hérédité. Trousseau', heureusement guidé par cette

idée fausse que l'ataxie était une névrose, avait déjà

remarqué que cette maladie se trouve souvent associée

dans la même famille avec l'idiotie, l'épilepsie, l'alié-

nation, le suicide, les accidents nerveux bizarres, etc.

M. Charcot professe depuis longtemps que l'hérédité

'Trousseau, Clinique nzécl. de t'lIJ ! el-Dtell de Paris, 4c édit., 1873,

l. 13G, GIO.

IA FAMILLE NLVROPATHIQLE. 35

nerveuse est la cause primordiale de l'ataxie locomo-

trice, que les autres causes, syphilis, excès -de tous

genres, traumatisme, etc., ne jouent que le rôle de

causes déterminantes; dans un mémoire encore inédit

sur les causes de l'ataxie locomotrice, MM. Ballet et

Landouzy confirment cette opinion par une importante

statistique.

Observation XXXVI. M. T..., trente-huit ans, Grec

d'origine; syphilis à dix-huit ans; migraine ophthalmique;

ataxie ayant débuté vers vingt-sept ans.-Père mélancolique.

Un oncle paternel a eu plusieurs accès maniaques ayant duré

cinq ou six mois. Un frère est mort de paralysie générale, un

autre a été hypocondriaque.

Observation 111'I(. - M. de L..., ataxique. Un oncle

maternel original. La fille d'une tante maternelle était épi-

leptique, et est morte en démence.

Observation XXXVIII. Trima S..., ataxique. - Frère mort

à trente-six ans de paralysie générale.

Observation XXXIX. M. X... de .\I...) paralytique

général. - Frère ataxique. '

Observation XL. 11 ? A..., ataxique; début à trente-

cinq ans. Mère épileptique.

Observation XLI. Dr P..., trente-neuf ans, ataxique

depuis douze ans; accès mélancolique un an auparavant. -

Un idiot, un aliéné, un suicidé parmi ses collatéraux de la

ligne maternelle.

OBSERVATION XLII. M. G ? ataxique original. - Soeur

imbécile.

Observation XLIII. M. A.... ataxique. Crises épilepti-

formes dans l'enfance ; puis, tic des paupières.

Observation XLIV. -- M. G..., ataxique. - Mère lypéma-

niaque. Oncle maternel gâteux ( ? ).

Observation XLV. M. M..., ataxique. Père encore

vivant à quatre-vingt-deux ans, a eu douze enfants. Une

36 pathologie générale.

soeur épileptique, deux soeurs hystériques, deux frères

- \ ataxiques.

Observation XL VI. - fil. C..., ataxique. - Mère méhlll.

colique, morte à la suite de refus d'aliments. Frère paraly-

tique général.

Observation XLVII. Mmo B.... ataxique depuis quatre ans.

Fille de vingt ans épileptique depuis deux ans.

Observation XLVIII. - il. D..., trente-neuf ans, ataxique.

Grand-père maternel suicidé (s'est précipité du haut d'un

glacier). - Oncle maternel suicidé. - Frère paralytique gé-

néral.

Observation XLIX. - M. M..., ataxique. Oncle et

soeur aliénés.

Observation L. - M. M..., peintre, ataxique. Père

atteint d'une affection de la moelle épinière ( ? ). - Oncle sui-

cidé.

Observation tI. M. B..., ataxique. Oncle paraly-

tique général.

Observation LU. M. G... de M..., ataxique. Mère et

soeur hystériques.

Observation LUI. - M. de L..., ataxique, avait eu, avant

le début de sa maladie, un accès de mélancolie.

Observation LIV. M. de M..., ataxique. Oncle aliéné.

Une soeur a eu un accès de mélancolie, suite de couches.

Observation LV. M. G..., ataxique. Oncle maternel

épileptique est mort dément.

Observation LVI. M. P..., cinquante-trois ans. Mère

lypémaniaque s'est suicidée.

Observation LVII. Miss C ? quarante-trois ans, ataxi-

que. - Deux frères paralytiques généraux.

Observation LVIII. - M. 117..., trente-deux ans Inconti-

nence d'urine nocturne et diurne jusqu'à quatorze ans; mi-

graine ophlhalmique depuis l'âge de dix-sept ans; premiers

phénomènes de l'ataxie (incontinence d'urine) à trente ans.

LA FAMILLE KËYROPATUIQUE. 37

Nous ne citerons que pour mémoire cette maladie

encore mal caractérisée que Friedreich a décrite sous

le nom d'ataxie héréditaire qui est une maladie de

famille au premier chef. '

La maladie de Thomsen peut être, par ses origines \

rapprochée de l'ataxie héréditaire de Friedreich, et

fréquemment on trouve des aliénés dans la famille de

ceux qui en sont atteints. Cette parenté avec les affec-

tions psychyques avait du reste déjà été notée par

Thomsen lui-même 3.

La paralysie atrophique de l'infance affecte aussi des

liens de parenté avec les autres affections du système

nerveux. Duchenne (de Boulogne) cite un sujet dont

le père fut atteint plus tard d'ataxie locomotrice 4.

L'atrophie musculaire progressive est quelquefois une

maladie de famille °, et elle pourrait s'associer à des

troubles mentaux 6.

Observation LIX. - M. D... Paralysie infantile à dix-huit

ans. Père aliéné. Grand-père maternel aliéné.

Observation LX. M. X... a deux fils atteints de para-

lysie infantile : l'un a été pris à dix-huit mois, l'autre à trois

ans et demi. Grand-père maternel paralytique général.

Gli. Izéré. -.4tacie héréditaire, maladie de Friedreich. Sclérose diffuse

de la moelle el du bulbe. (Progrès médical, 1882.)

s Seppili. liev. specim. di frezzialria, fasc. II et III, 1883. Archivio

ilaliano heur li malattic nervose, fasc. V. 1883.

3 Tliomsen. - Tonische Krampfe z ? z willkz6,lic/i beweglichen D(uslceln ma

Folge von ererbter psychischer disposition. (Arch. ? psych. und nero.,

1876, Bd. VI, p. 702.)

4 Duclenne (de Boulogne). - De l'électrisation localisée, etc., 3e édit.,

1872, p. 416.

5 F. Zimmerlin. Ueber hererlilcire (fanzilicire) progressive 3111skel(l-

troplaie (Zeit. f. [Clin, med., Bd. VII, II. 1, p. Ib.)

in .labdte. Lypélnflnie consecutive à une atrophie musculaire progrea-

sive. (Ann. nzéd. psych., 6" série, t. II, 1879, p. iS.)

38 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

Observation LX1. M. D... Paralysie spinale de l'adulte.

- Mère, plusieurs accès de folie puerpérale.

M. Grasset ' admet une parenté entre les myélites

diffuses chroniques et l'épilepsie, l'idiotie, l'aliénation,

et les autres affections de la moelle, comme l'ataxie.

- On peut en dire autant des affections aiguës.

Observation LXII. - Les deux enfants de M. F.... sont

atteints de paraplégie spasmodique : l'un a été pris à quatre

ans, l'autre à deux ans et demi.

Observation L111L-\I. M..., trente-huit ans, a été pris, il

y a trois ans, d'une myélite subaiguë, à laquelle il a fini par

succomber avec des escarres qui avaient nécessité une inter-

vention chirurgicale. - il Un oncle paternel, botaniste dis-

tingué, est mort aliéné. 1° La mère avait, étant enfant, des

absences qui avaient disparu à l'époque de son mariage ; à sa

troisième grossesse, elle eut des attaques d'éclampsie et elle

est restée épileptique depuis. - 3° Le frère du malade vient

d'être pris à trente-cinq ans d'une paraplégie subito.

La paralysie pseuclo-lael°ti°uphiue, dont l'hérédité a

été mal étudiée, est une maladie de famille; on a vu

souvent plusieurs frères et soeurs atteints de la même

manière (Meryon, Gowers2, etc.). Ces malades offrent

quelquefois, dans leur histoire morbide, d'autres phé-

nomènes nerveux : un malade cité- par Mahot" avait

eu plusieurs fois des attaques éclamptiques ; la mère

d'un malade observé par Ord'' avait été choréique, une

soeur avait eu des convulsions et un frère commençait

à être pris de paralysie pseudo-hypertrophique. Plus

Grasset. - Truite des maladies du système nerveux, 2- édit., p. 431. 1.

'Gowers. Pseudo-hyperlrophzc 1nuscutw' paralysies. London, 1879,

p. 21.

3 Mahot. - De la paralysie pseudo-hypertrophique. Thèse, 1877, p. 17.

1877, p. 2.

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE.. 39

souvent on a noté un affaiblissement intellectuel et

même l'imbécillité' chez les sujets atteints de paralysie

pseudo-hypertrophique ; c'est sur cette coïncidence,

relevée encore par Dunlop2, qu'est basée la théorie

cérébrale. Le père des trois malades de Dunlop est mort

aliéné. D'ailleurs l'hérédité nerveuse est peut-être moins

exceptionnelle qu'elle ne le paraît.

Observation LXIV. D..., vingt ans, paralysie pseudo-

hypertrophique. - Son grand-père et un oncle paternels

auraient été atteints de tremblements ( ? ). Oncle maternel

migraineux.

La paralysie labio-glosso-laryngée peut être aussi

rattachée à la famille.

Observation L1V. - 111. X..., atteint de paralysie labio-

gtosso-laryngée. Frère mélancolique. Nièce maniaque.

La sclérose en plaques peut être héréditaire3. D'autres

fois elle se présente comme une maladie de famille :

nous avons connu deux frères et une soeur atteints

de cette affection ; on n'avouait aucun antécédent ner-

veux. D'ailleurs la parenté de la sclérose multilocu-

laire avec les autres affections nerveuses ne saurait

être mise en doute.

Observation LXVI. - D..., vingt-neuf ans. Sclérose en

plaques. Mère migraineuse. Oncle maternel aliéné. Deux

soeurs migraineuses. Une cousine germaine a eu, à l'âge de

douze ans, une hémiplégie droite.

1 Kesteven et Langdon Down. - Tite jOlt1'n. of mental science, 1870.

. Tlwjolt1"ll. of mental science, 1SS2, t. XXVIII, p. 144.

3Chvostek. - lVeitac,' 13eilrng zur Itcl'dwcisen sclérose de,' central

71ei-veiisysteis. (.l11gm. Wiener medizinischc Zeilung, 1S3, p. 370.)

40 pathologie générale.

Observation LXVII. - mye X... Sclérose en plaques. -

Père et deux tantes maternelles aliénés. - Fils, tic de la face.

Observation LXVIII. - Mme B... Sclérose en plaques.

Fille aliénée.

Observation LXIX. - M"° C..., vingt-cinq ans. Sclérose

eu plaques; pas d'antécédents avoués. A eu, à quatre ou cinq

ans, une affection méningitique ( ? ).

Observation LXX. D..., vingt-neuf ans. Sclérose en

plaques. Oncle maternel, mort aliéné à la suite d'un coup.

Plusieurs migraineux dans la famille.

Observation LXXI. - Mme R..., quarante-sept ans. Para-

lysie infantile à un an. Début de la sclérose multiloculaire à

quarante-deux ans.

La sclérose en plaques s'accompagne souvent de

troubles psychiques que l'on peut grouper en trois

ordres différents par leurs manifestations et leur pa-

thogénie. Les uns sont des phénomènes de dépression

intellectuelle se rapprochant plus ou moins de l'im-

bécillité, qui peuvent s'expliquer par la présence de

foyers cérébraux de sclérose, non sans analogie

avec la sclérose tubéreuse observée dans l'idiotie par

MM. Bourneville et Brissaud. D'autres se rapprochent

des troubles mentaux de la paralysie [générale et

peuvent s'expliquer par ce fait que la sclérose en

plaques étant une lésion de nature inflammatoire peut,

'dans certains cas, s'étendre aux méninges et déter-

miner des altérations analogues à celles de la périen-

céphalite diffuse. D'autres enfin constituent des états

vésaniques, en tout analogues aux vésanies primitives;

ce ne sont que des coïncidences : la folie est associée

à la sclérose disséminée au même titre que l'hystérie

qui figure assez souvent ,dans ses antécédents; les

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 41 1

deux affections se sont développées sur le même sujet

en raison d'une double prédisposition native. Il s'agit

ici encore d'une névro-psyc1wse combinée analogue

à celles que nous avons déjà citées.

Citons enfin un sujet atteint de sclérose latérale

amyotrophique dont la famille est largement entachée

de nervosisme.

Observation LXXII. V... Sclérose latérale amyotrophique .

- Fille épileptique. Cousin germain épileptique.

Il n'est pas jusqu'aux affections réputées acciden-

telles qui ne puissent être rattachées à la grande fa-

mille névropathique. C'est ainsi que Rose accorde un

rôle à la prédisposition individuelle dans la produc-

tion du tétanos : il a trouvé chez neuf tétaniques le

cerveau d'un poids plus élevé que la moyenne. C'est

là un argument discutable.

C'est à dessein que nous avons omis de parler de

l'hémorrhagie cérébrale qui est aussi fréquemment

héréditaire, et du ramollissement que l'on rencontre

pourtant assez fréquemment dans l'hérédité des sujets

atteints de maladies nerveuses. Mais nous pensons que

ces affections ne peuvent être rattachées à la famille

névropathique qu'à titre de collatérales; elles résul-

tent en effet des lésions qui occupent primitivement

le système vasculaire et la lésion ne constitue en quel-

que sorte qu'un accident.

Si les liens de parenté qui existent entre les affections

nerveuses sont souvent difficiles à mettre en lumière,

c'est que la recherche des antécédents héréditaires est

elle-même entravée par des obstacles sans nombre.

Le sujet lui-même répond rarement d'une manière

42 ç PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

catégorique, soit par ignorance, soit par mauvaise vo-

lonté. Ces malades ont comme un sentiment de honte;

ils voudraient se laver de la tache originelle dont la

fatalité pèse sur eux; on sent qu'ils se discriminent.

On peut encore souvent être édifié sur les maladies

de la moelle, les paralysies, les convulsions de l'en-

fance, etc., un certain nombre d'affections que les

préjugés font considérer comme accidentelles, et que

l'on met sur le compte d'un traumatisme, d'un ébran-

lement moral. Dans l'ordre psychique, les difficultés

s'accumulent : s'il existe une notoriété dans la famille,

on en fait tout de suite parade, on avoue un inventeur

bizarre, un enthousiaste, un dissipateur; mais on accuse

moins volontiers l'existence d'un imbécile, d'un sui-

cidé, d'un être vicieux ou criminel. Si on interroge

séparément la père et la mère, on a plus de chance

d'obtenir la vérité, parce que chacun cherche à éviter

la responsabilité et accuse tout ce qui peut être accusé,

dans la famille de l'autre; c'est ainsi qu'on obtient

parfois les aveux les plus intimes sur les circonstances

de la conception. Du reste, le sujet porte quelquefois

la trace évidente d'une bizarrerie intellectuelle de ses

ascendants : une hystérique (française) qui s'appelle

Consuelo, un épileptique qui répond au nom de Bru-

tus, n'ont pas besoin d'avouer leur hérédité mentale,

leur prédisposition était officiellement constatée sur

les registres de l'état civil.

Le plus souvent, l'hérédité ne transmet qu'un état

d'imminence névropathique diffus, indécis. Mais qu'on

suppose que par un accident de la conception ou de la

gestation, le développement de telle ou telle partie du

système nerveux subisse un trouble quelconque, il y

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 43

aura alors un point faible, locus minons rcsistcnfioe, et

la prédisposition sera spécialisée. Nous le répétons,

ce qui est héréditaire, ce n'est pas la maladie, mais

la prédisposition; et il ne suffit pas d'un terrain pro-

pice, il faut encore une culture appropriée. Certains

sujets peuvent rester en équilibre plus ou moins ins-

table toute leur vie, si aucune secousse morale ou

physique ne vient mettre en jeu leur prédisposition.

L'épuisement nerveux ' produit par le surmenage

physique et intellectuel qui crée un état de faiblesse

irritable de tout le système est, avec certaines in-

toxications et, en particulier, l'alcoolisme, le satur-

alisme" etc., le générateur primordial des affections

nerveuses. L'influence de ces causes incessamment

renouvelées se combine avec l'hérédité progressive

pour propager sans cesse cette famille morbide.

(A suivre.) z

' lîouclmt. Du rzercosisnze aigu et chronique et des maladies ner-

veuses, 121> relit. 1877. 11L'IiII.LIJI ! l'. La maladie ! 'C ! 'LJII'0-CC(7'Clta2le.

l3r,ml.- The nature and diagnosis of 71eiii,asiheiii(z ("CI'VOltS exhaustion),

New-Yock, 1 Sî9. Lecen. - La maladie cérébro-gastrique, 1SS2, etc.

e 1 ? J.-13. Roque. Des dégénérescences héréditaires produites par l'in-

toxication saturnine lente. (Thèse, 1873.)

PATHOLOGIE NERVEUSE

ÉTUDE D'UN CAS DE FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE

COMBINÉE DE LA MOELLE (Scléroses systématiques ou péri-

tubulaires de la moelle et scléroses péri-vasculaires) ;

Par MM. les D" G. BALLET, ancien chef de clinique des maladies

du système nerveux à la Faculté de Paris, et L. MINOR, de Moscou.

fCi.tr,til du laboratoire de la clinique des maladies du système 11er' cm..)

I.

Une patiente et judicieuse application de la méthode

anatomo-clinique a permis, on le sait, d'isoler, dans

la moelle, divers systèmes, qui ont une triple caracté-

ristique : anatomique, physiologique et pathologique.

Parmi ces systèmes, il en est deux particulièrement

importants : l'un occupe la bandelette externe des

cordons postérieurs (cordon de Burdach), sert à la

conduite des impressions sensitives et a son affection

propre, qui cliniquemeiit s'appelle l'ataxie locomotrice

progressive; l'autre s'approprie une partie des cordons

latéraux, celle qu'on désigne aujourd'hui sous le nom

de- faisceau pyramidal; il met en relation la zone

motrice du cerveau et les cellules des cornes anté-

rieures de la moelle; il dégénère parfois, comme le

système postérieur, et sa lésion n'est autre que la

sclérose latérale amyotrophique.

Sclérose systématique des bandelettes externes des

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE L1 MOELLE. si 5

cordons postérieurs et sclérose latérale amyotrophique,

telles sont, en somme, les deux affections parfaitement

définies symptomatiquement et anatomiquement, qui,

en se localisant avec rigueur à l'un ou à l'autre des

systèmes que nous venons d'indiquer, en établissent

l'autonomie et permettent à la fois d'en déterminer les

limites.

Ces affections, dont l'une (l'ataxie locomotrice) est

très commune, tandis que l'autre (la sclérose latérale)

est plus rare, se développent et évoluent isolément

dans les conditions habituelles de la clinique. Mais

peuvent-elles se combiner et se trouver réunies chez

le même sujet ? telle est la question à laquelle des

observations récentes ont donné quelque actualité.

Divers auteurs, en effet (Prévost, Westphal, Kahler

etPick, Babesiu, Raymond, Damaschino, etc.), ont

constaté, chez plusieurs malades, le développement

simultané de la sclérose sur les cordons postérieurs et

sur les cordons latéraux. La lésion du cordon latéral

ne reproduisait pas, il est vrai, dans ces cas, l'altéra-

tion classique de la sclérose latérale amyotrophique,

en ce sens qu'elle n'était pas accompagnée, comme

cela a lieu dans cette dernière affection, de l'atrophie

des cellules antérieures. Aussi ne saurait-il être ques-

tion, dans l'acception rigoureuse du mot, de la com-

binaison des lésions du tabes avec celles de la sclérose

latérale amyotrophique proprement dite, mais de la

coïncidence des premières de ces altérations avec une

dégénérescence du seul cordon latéral, sans partici-

pation de la substance grise.

La réalité d'une pareille association morbide étant

bien établie, il reste à déterminer si, dans les faits où t

46 PATHOLOGIE NERVEUSE.

on l'observe, la sclérose postéro-latérale affecte véri-

tablement les caractères des scléroses dites systéma-

tiques, ou si elle ne relève pas plus légitimement du

groupe des scléroses diffuses, en dépit des apparences.

Le problème, on va le voir, vaut la peine qu'on s'y

arrête. Un cas récemment observé par nous dans le

service de la clinique des maladies du système nerveux,

et que nous avons pu étudier avec soin, grâce à la

bienveillante direction de notre maître, M. Charcot,

nous a semblé de nature à jeter quelque jour sur la

question.

II.

Observation. - Paralysie spasmodique des quatre membres. -

Douleurs au niveau du thorax et des membres inférieurs.

Atrophie grise des nerfs optiques. -Sclérose des cordons pos-

térieurs et latéraux. - Atrophie des tubes nerveux dans les

nerfs de la deuxième paire. Syphilis probable.

Sarrazin, âgée de quarante-deux ans, entrée à la Salpêtrière,

service de M. CHARCO'r, en 1882.

Antécédents. -Nous ne recueillons aucun renseignement de

quelque importance sur les antécédents héréditaires de la ma-

lade.

Quant aux antécédents personnels, nous avons noté ce qui

suit : Sarrazin s'est mariée en 1860. Avant son mariage, elle

jouissait d'une santé assez frêle. Elle aurait fait plusieurs ma-

ladies assez mal définies, et aurait souffert d'une maladie du

foie, probablement de nature calculeuse.

Lors du mariage de la malade, en 1860, le mari de cette

femme présentait des symptômes qu'elle nous décrit assez mal,

mais qui paraissent se rapporter à la syphilis. Au reste, Sar-

razin suspecte elle-même son mari d'avoir été atteint de celte

dernière affection, En ce qui la concerne personnellement, elle

ne peut dire exactement si elle a eu la vérole; mais, en 1S(>8,

elle aurait eu un « clou aux parties » qui aurait d'ailleurs duré

fausse sclérose systématique DE la moelle. 47

peu de temps. Depuis cette époque, à différentes reprises, la

malade a eu des boutons sur le corps et éprouvé des maux de

gorge. Aussi considérons-nous qu'elle a été atteinte très pro-

bablement do la syphilis.

Histoire de la maladie. - Il y a quatre ans, en 1878, grands

chagrins, apparition de l'amblyopie qui, au bout d'un an, a

abouti à l'amaurose complète. Au moment où s'est établie

l'amaurose, il y a eu de vives céphalalgies. La malade avait

comme un cercle de fer autour de la tète, qui était raide. Le

médecin disait qu'elle avait le collier cérébral. Pas de vomisse-

ments. Au commencement de 1881, trois ans après le début

des symptômes oculaires, apparition des douleurs aux membres

inférieurs. Ces douleurs semblent avoir eu le caractère des dou-

leurs fulgurantes. A leur suite se montrait de l'hyperesthésie

cutanée, qui rendait tout contact pénible.

Lorsqu'on interroge attentivement Sarrazin au sujet de

l'époque précise du début des douleurs en question, on finit par

apprendre qu'elles remontent beaucoup plus loin que la malade

ne le disait tout d'abord, et qu'en réalité les douleurs ont très

vraisemblablement précédé les symptômes oculaires, proba-

blement de deux ou trois ans.

Au mois de janvier 1881, la motilité a commencé à se trou-

bler. C'est le bras droit qui s'est pris le premier, et c'est seu-

lement trois mois après que les membres inférieurs ont été

affectés.

Etal actuel (22 février 1882). - La malade, par suite des

troubles de la vue et de l'impotence des membres est confinée

au lit ou réduite à être assise.

a) Symptômes céphaliques. - L'amaurose est complète, Sar-

razin ne distingue même pas la lumière de l'obscurité. L'examen

ophthalmoscopique, pratiqué par M. Parinaud, démontre l'exis-

tence d'une atrophie grise des papilles.

De temps en temps, la malade éprouverait des bourdonne-

ments d'oreilles avec vertiges, mais ces derniers symptômes

sont rares, fugaces et légers.

b) l11otitité, II existe une paralysie très avancée des membres

supérieurs et inférieurs. Aux membres inférieurs, elle est à

peu près complète. La malade ne peut ni marcher ni même se

tenir debout. Lorsqu'elle est au lit ou assise, elle ne peut exé-

cuter que de très légers mouvements, et encore avec une grande

difficulté. Les membres supérieurs sont un peu moins atteints.

48 8 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Cependant il n'est pas possible à la malade de se servir de ses

mains.

La paralysie des membres est une paralysie spasmodique.

La contracture n'est pas assez prononcée pour que les membres

soient immobilisés dans des attitudes fixes, mais ils sont rigides,

souvent le siège de crampes. 117 a une exagération très mamfeste

de tous les réflexes tendineux (genou, poignet, coude).

Les muscles sont amaigris ; mais il ne semble pas y avoir

à proprement parler d'atrophie musculaire.

Pas de troubles du côté des réservoirs. Cependant, il y a

quatre ou cinq jours, à la suite d'une syncope, il y a eu un

peu d'incontinence d'urine.

c) Sensibilité. - La malade se plaint d'éprouver de temps

en temps, dans les membres' inférieurs particulièrement, des

douleurs qui reviennent par périodes. Ces douleurs sont surtout

prononcées dans le membre pelvien droit, elles s'accompagnent

d'engourdissement du pied. Sarrazin les compare à des sensa-

tions de brûlure.

La sensibilité est relativement peu atteinte. Il existe cepen-

dant dans tous les membres un certain degré d'hyperesthésie

douloureuse. Le membre inférieur gauche est au contraire

anesthésié, mais incomplètement. t.

Les choses persistent en l'état, sans grande modification,

pendant la plus grande partie de l'année 1882. En novembre,

la malade se plaint à nous, à différentes reprises, de vives dou-

leurs au niveau de la région thoracique. Ces douleurs ont quel-

quefois le caractère de douleurs lancinantes; plus souvent, elles

se localisent en un point fixe dans l'un ou l'autre des espaces

intercostaux.

Durant l'année 1882, la malade a eu cinq attaques de syncope.

A partir du mois de juin, on a été obligé de l'asseoir à poste

fixe sur une chaise spéciale, à cause de la difficulté où elle s'est

trouvée dans les derniers temps de retenir les matières fécales

et les urines.

Vers le 20 janvier 1883, la malade est prise de fièvre. Le

thermomètre marque matin et soir de 39° à 39°,5. Après deux

ou trois jours de cet état, nous constatons une poussée d'herpès

aux lèvres, de l'oedème des membres inférieurs, un très grand

abattement, sans délire. La peau est jaune, couleur de citron.

Les conjonctives ont une teinte ictérique assez nette. Une es-

charre au sacrum apparaît. 1.

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 49

La malade succombe le 25 janvier. Au moment de la

mort, nous relevons la présence de taches ecchymotiques sur

le dos des mains. La bouche est remplie de mucus, l'ictère

encore plus prononcé que les jours précédents.

Autopsie. A. Protocole (d'après une note de M. Ch. Féré).

- « Le cadavre est très amaigri. Il existe sur la partie moyenne

du sacrum une escharre large comme la paume de la main,

n'atteignant pas le squelette. Sur la région trochantérienne

gauche, autre escharre de même étendue et peu profonde. 11 y

a une excoriation légère sur le trochanter droit, et une plaque

ecchymotique sur les deux malléoles internes.

«L'encéphale pèse 1,100 gr. ; aucune lésion superficielle

ou profonde, macroscopiquement appréciable. Pas d'anomalie.

Les deux nerfs optiques, le chiasma et les bandelettes sont

amincis et gris ; les corps genouillés externes offrent aussi une

teinte grisâtre.

« Sur les coupes à l'état frais de la moelle épinière, on cons-

tate ce qui suit : 1° à la région cervicale, il existe de chaque

côté un faisceau grisâtre comprenant la moitié postérieure des

cordons latéraux. Sur la partie moyenne, en arrière, un fais-

ceau gris qui parait dépasser en dehors les limites du faisceau de

Goll ; 2° sur une coupe faite à la partie moyenne de la région

dorsale, on ne voit plus à l'oeil nu que l'altération de la moitié

postérieure des cordons latéraux ; 3° il en est de mème sur une

coupe faite à sept centimètres au-dessus de l'insertion du filum

terminal.

« Les poumons sont sains. Il en est de même du coeur qui

pèse 220 gr. Le foie est volumineux (1,720 gr.), congestionné,

mais sans lésion appréciable à l'oeil nu. La rate, très grosse,

pèse 450 gr. Elle est résistante à la coupe, sans autre altéra-

tion. - Estomac, reins, utérus normaux. »

Avant d'aller plus loin, nous devons faire remarquer que les

lésions macroscopiques rencontrées à la nécropsie, ont été in-

suffisantes pour nous expliquer la mort et les accidents ultimes

qui l'ont précédée. Nous serions portés à penser que Sarrazin a

succombé à une maladie infectieuse mal définie, il est vrai ; la

poussée d'herpès, la teinte ictérique, la fièvre qu'a présentée

la malade durant les quatre ou cinq derniers jours de la vie au-

torisent cette hypothèse. L'examen microscopique du foie qui,

peut-être, à ce point de vue, eut révélé des particularités inté-

ressantes, celui du sang, n'ont pas été pratiqués.

Archives, t. VII. 4

50 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Au demeurant, c'est exclusivement sur les lésions du système

nerveux et spécialement sur celles de la moelle que nous dési-

rons appeler l'attention dans ce mémoire.

B. Examen microscopique de la moelle.

I. Topographie des lésions.- Un examen attentif des figures

représentées sur les Planches I et II et qui reproduisent très

exactement les coupes de la moelle pratiquées aux différentes

hauteurs, permettra de suivre aisément la description qui va

suivre.

Ce qui frappe tout d'abord, au premier coup d'oeil jeté sur ces

figures, c'est l'existence de lésions scléreuses dans toute la hau-

teur de la moelle épinière. Ces lésions sont surtout marquées

au niveau de la région dorsale et de la partie inférieure de la

région cervicale; elles s'atténuent ensuite soit au-dessus, soit

au-dessous des points précités. Onremarqued'autrepart qu'elles

ne sont pas limitées à un seul des systèmes de la moelle, mais

qu'elles affectent, à des degrés d'intensité divers, suivant les

régions, à la fois les cordons postérieurs et les cordons la-

téraux, où nous allons successivement les étudier.

a) Cordons postérieurs. - Ils sont indemnes dans la plus

grande partie de la région lombaire (PL. I, fig. 1, 2 et 3). Au

contraire, à l'extrémité supérieure de cette région (PL. I,

fig. 4), ils sont sclérosés dans presque toute leur épaisseur. On

remarque cependant en dedans eten avant des parties scléreuses

deux petites bandelettes intactes qui représentent, au moins

en partie, les faisceaux de Goll.

Sur la figure 5, qui correspond à l'extrémité inférieure de la

région dorsale, la topographie des altérations est la même que

sur la coupe précédente. Seulement les faisceaux de Goll, tou-

jours intacts, se dessinent plus nettement, immédiatement en

dedans des cordons sclérosés de Burdach.

Les figures 6, 7, 8 et 9 représentent des coupes pratiquées à

différentes hauteurs sur cette même région dorsale. On peut

constater que la teinte rosée, correspondant aux parties ma-

lades, s'étend ici aussi bien sur la bandelette interne que sur

l'externe. Toutefois les cordons de Goll sont moins altérés que

ceux de Burdach et même sur un point (fig. 8), ils paraissent

indemnes de toute lésion.

FAUSSE SCLÉROSE SYSTEMATIQUE DE LA MOELLE. 51

C'est au niveau de la partie la plus élevée de la région dor-

sale et de la partie inférieure de la région cervicale (PL. II,

fig. 9 et 10) que la sclérose est le plus accusée. Elle intéresse

en effet toute l'épaisseur des cordons postérieurs.

Plus baut(PL. II, fig. 11 et 12) les bandelettes externes sont

intactes, sauf dans la partie qui avoisine immédiatement la

pie-mère. Les faisceaux de Goll, au contraire, sont dégénérés.

Cette dégénérescence s'arrête au niveau de l'extrémité inférieure

du bulbe rachidien.

b) Cordons latéraux. Bien qu'il soit plus conforme aux

données de l'anatomie et de la physiologie de suivre les lé-

sions de ces cordons de haut en bas, nous décrirons cependant

ces lésions en procédant de la partie inférieure vers la partie

supérieure de la moelle, comme nous l'avons fait pour celles

des cordons postérieurs. La disposition des figures sur les

planches exige que nous procédions de la sorte.

La sclérose intéresse les cordons latéraux dans toute la

hauteur de la moelle. Nous la voyons apparaître au niveau du

cône médnllaire et s'arrête seulement à l'entrecroisement des

pyramides.

A la région lombaire (PL. I, fit. 1, 2 et 3), elle est disposée

sous forme de triangle adhérant par sa base à la pie-mère. Ce

triangle scléreux confine à la corne postérieure sur la fig. 1 qui

représente une coupe du cône médullaire ; il s'en éloigne un

peu plus haut.

La lésion devient plus étendue et plus massive à partir de

l'extrémité supérieure de la région lombaire. Depuis ce point

jusqu'à la réunion de la moelle et du bulbe, elle intéresse toute

l'épaisseur du cordon latéral (faisceau cérébelleux direct, et

faisceau pyramidal croisé). En dedans, elle est limitée par la

corne grise postérieure; en avant, elle s'étend jusqu'à la base

de la corne antérieure.

Telles sont les lésions qu'on constate en examinant les coupes

à un faible grossissement.

Relevons, pour être complet, l'intégrité absolue des fais-

ceaux de Turck et des cordons antérieurs dans toute la hau-

teur de la moelle. ,

c) Substance grise. L'étude des cornes antérieures et pos-

térieures à un grossissement fort (-8kt7- Ver.) ne nous a décelé

aucune altération des cellules de ces cornes. Toutefois il im-

porte de relever que sur les points où les lésions scléreuses

52 PATHOLOGIE NERVEUSE.

étaient le plus prononcées et le plus diffuses (partie supérieure

de la région dorsale et inférieure de la région cervicale), la

partie la plus reculée des cornes postérieures était comprise

dans le foyer d'inflammation chronique et que, par suite, ses

éléments constitutifs n'étaient plus reconnaissables, ayant été

remplacés par le tissu conjonctif de formation nouvelle.

Les groupes cellulaires de Clarke étaient fort peu développés

sur la moelle de notre malade. Sur les points où les cellules

de ces groupes étaient les plus évidentes, nous n'avons noté

aucune altération. Vu l'impossibilité de les retrouver là où

d'habitude on les observe aisément, nous serions peut-être en

droit de dire que sur certains points elles s'étaient atrophiées.

Mais nous devons garder, à cet égard, une certaine réserve.

D'après tout ce qui précède, nous pouvons résumer comme

il suit la topographie des lésions : Sclérose étendue à toute la

hauteur de la moelle, intéressant simultanément les cordons

postérieurs et les cordons latéraux. Cette sclérose est surtout

accusée au niveau de la partie dorsale supérieure et cervicale

inférieure. Sur ce point, elle forme une sorte de bande trans-

versale qui recouvre tout le segment postérieur de la moelle

(cordons latéraux, cornes et cordons postérieurs); au-dessus

elle se localise aux cordons de Goll et aux cordons latéraux,

au-dessous, à ces mêmes cordons latéraux et aux bandelettes

de Burdach.

II. Examen de la moelle à un fort grossissement. -Nous au-

rons plus d'une fois, dans la suite de ce mémoire, à revenir sur

certains des détails que nous allons exposer ici. Nous nous

bornerons tout d'abord à mentionner ces derniers, dont nous

ferons, dans un instant, ressortir la signification et la valeur.

a) Un premier fait à relever, c'est l'absence de corps granu-

leux et de globules graisseux sur les préparations de la moelle

fraîche faites par dissociation.

b) Sur chaque coupe la sclérose n'est pas prononcée au même

degré dans tous les points atteints. Ce fait qu'on apprécie faci-

lement déjà en examinant la moelle à un grossissement faible,

devient beaucoup plus net lorsqu'on se sert pour l'étude d'un

grossissement fort. On constate alors que le tissu scléreux est

d'autant plus condensé qu'on l'envisage à la périphérie de l'or-

gane, au voisinage immédiat de la pie-mère. Sur la figure 13

(PL. III), on peut s'assurer qu'àce niveau, les éléments normaux

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 53

de la moelle ont complètement disparu, remplacés qu'ils sont

par une épaisse gangue conjonctive.

Cette gangue est moins dense, en général, dans la partie

sclérosée qui correspond aux cordons postérieurs que dans celle

qui correspond aux cordons latéraux. On voit en effet (PL. III,

fig. 14) que en a, la teinte bleue est beaucoup moins prononcée

qu'en b, et l'on distingue encore au sein du tissu scléreux un

grand nombre de gaines de myéline avec leur cylindraxe au

centre, tandis qu'en b, au moins sur les limites de la figure

(partie périphérique des cordons latéraux), ces gaines et ces

cylindraxes font complètement défaut.

c) On constate à la périphérie de la moelle, dans les parties

dégénérées, un grand nombre de corps amyloïdes.

d) Les noyaux de névroglie y sont aussi fort abondants.

e) Sur les limites des tissus sains et malades, c'est-à-dire

dans les points où la sclérose n'est pas encore parachevée et

paraît être toujours envoie d'évolution on distingue des cellules

araignées nombreuses. Le corps de ces cellules est très dé-

veloppé et leurs noyaux des plus nets ; elles ont beaucoup de

prolongements, qu'elles envoient entre les éléments nerveux

non encore détruits. Ces cellules sont en plus grande abondance

dans les cordons latéraux que dans les postérieurs.

f) Ce qui frappe tout d'abord lorsqu'on examine les coupes

à un fort grossissement, c'est le nombre et le volume consi-

dérables des vaisseaux, soit dans l'épaisseur de la pie-mère, soit t

au sein du tissu scléreux de formation nouvelle. Le grand dé-

veloppement de ces vaisseaux est particulièrement bien appré-

ciable sur la figure 9 (PL. II). On voit d'autre part que la paroi

de certains d'entr'eux et leur gaine lymphatique sont infiltrés

de leucocytes (PL. III, fig. 13, a).

g) Sur les points où la sclérose n'a pas étouffé complètement t

les tubes nerveux, on remarque que certains de ces tubes ont

subi l'altération qu'on rencontre au cours de certaines myé-

lites aiguës ou subaiguës. La gaine du tube est distendue; le

cylindraxe, augmenté de volume par place, apparaît variqueux

sur des coupes longitudinales (PL. III, (tg, 15, fig. 16 B.)

Il) Les racines antérieures et postérieures sont normales. Ce-

pendant, là où la corne postérieure est envahie par la sclérose,

on constate une infiltration conjonctive des racines posté-

rieures correspondantes, avec multiplication des éléments du

5t PATHOLOGIE NERVEUSE.

tissu interstitiel. On ne relève aucune lésion des tubes ner-

veux eux-mêmes.

III. Examen microscopique des nerfs optiques. i) Les nerfs

optiques ont été très soigneusement examinés par les méthodes

les plus diverses. Nous ne les avons pas étudiés par dissocia-

tion, mais nous en avons pratiqué plusieurs coupes que nous

avons traitées par divers réactifs (carmin, métyl-violet, héma-

toxyline, brun de Bismark, etc. Sur toutes ces coupes nous avons

constaté la disparition complète des cylindraxes. M. le pro-

fesseur Ranvier, à qui nous avons soumis nos préparations, a

confirmé cette observation. Il est à noter que les nerfs ne pa-

raissaient point sclérosés; du moins, s'il y avait sclérose, celle-

ci était très minime.

III.

En se reportant à la topographie des lésions spi-

nales constatées dans le cas que nous venons de

relater, on pourrait être tenté de penser qu'il s'agit

là d'un exemple de double lésion systématique. La

sclérose, en effet, intéresse à la fois et dans la plus

grande partie de la moelle, le système des cordons

postérieurs et celui des cordons latéraux. Mais en y

regardant de plus près, on se convainc bien vite qu'il

ne peut être ici question d'une myélite systématisée

dans l'acception actuelle du mot. Négligeons pour

un instant les renseignements que nous fournira tout

à l'heure l'étude histologique minutieuse de la moelle,

et considérons exclusivement la localisation des

lésions. A n'envisager que celles des cordons posté-

rieurs, il serait bien difficile, il est vrai, de trouver

dans leur seule topographie un argument décisif con-

tre la systématisation. A première vue, on a bien

affaire ici à la même disposition. de la sclérose que

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 55

dans la maladie de Duchenne la plus légitime. Comme

dans cette dernière affection le faisceau de Burdach

est envahi dans les parties basses de la moelle, tan-

dis que le cordon de Goll est seul intéressé dans les

régions élevées. Relevons cependant la prédominance

remarquable des altérations à la région dorsale, et

l'intégrité des zones radiculaires au niveau des deux

tiers inférieurs, du renflement lombaire. Une sem-

blable prédilection de la sclérose pour la partie dorsale

de l'axe spinal n'est pas dans les habitudes du tabes

vulgaire qui affecte de préférence la région lom-

baire.

En ce qui concerne l'altération des cordons laté-

raux, il suffit d'un examen même sommaire pour se

convaincre qu'il ne s'agit pas là d'une sclérose systé-

matique. Si quelques auteurs, en rapportant des cas

analogues, en ont jugé autrement, cela tient, ce nous

semble, à un défaut de précision dans le langage, on

pourrait dire à un dangereux jeu de mot en vertu

duquel on a été amené à tenir pour synonymes les

deux expressions cordon latéral et faisceau pyramidal.

Or, rien n'est plus faux que cette synonymie. Elle eût

été admissible à la rigueur, il y a quelques années,

mais ne saurait plus l'être aujourd'hui, car les tra-

vaux de MM. Charcot, Bouchard, Flechsig nous ont

appris que le cordon latéral est un organe complexe

constitué par la juxtaposition de plusieurs systèmes.

Parmi ces derniers il en est au moins deux que nous

connaissons bien aujourd'hui, c'est le système centri-

pète ou du faisceau cérébelleux direct qui confine à la

périphérie de la moelle, et le système centrifuge ou du

faisceau pyramidal, situé en dedans du premier. Ces

56 PATHOLOGIE NERVEUSE.

deux systèmes, pour être très voisins l'un de l'autre,

n'en ont pas moins leurs limites, leur siège, leur au-

tonomie propre. Il en résulte que lorsqu'on a dit cor-

don latéral on n'a rien dit, du moins de suffisamment

précis. Il est indispensable dans une description d'in-

diquer avec netteté quelle est la partie ou le système

de ce cordon qui est altéré. Il est regrettable que

quelques auteurs aient manqué à cette exigence d'une

bonne nosographie, ce qui enlève beaucoup de valeur

à leurs observations.

Or, que voyons-nous dans notre cas ? La sclérose du

cordon latéral affecte-t-elle la même topographie que

celle reconnue aux faisceaux cérébelleux ou pyrami-

daux ? En aucune façon; celle-ci procède de la pie-

mère, comme on peut le constater nettement sur les

figures 2 et 3 (Pr.. I); elle s'avance vers le centre de

la moelle sous la forme d'un triangle à base péri-

phérique élargie, qui traverse le faisceau cérébelleux

et empiète sur le système pyramidal. On la voit ainsi,

sur les diverses coupes, se jouer des barrières physio-

logiques, et se diffuser d'une façon irrégulière avec

une indépendance d'allures qui rappelle un peu les

habitudes de la sclérose multiloculaire. De par la

topographie des lésions, nous sommes donc autorisés

à avancer que nous avons affaire ici, non à une sclé-

rose systématique, mais à une sclérose diffuse. On s'en

assurera en comparant à l'une de nos figures, à la

figure 7 (PL. II) par exemple, celle d'une coupe de

moelle atteinte de sclérose latérale amyotrophique ou

de dégénérescence secondaire de cause cérébrale.

D'ailleurs, nous devons le dire, étant données les

notions que nous possédons sur la structure de la

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 57

moelle, notions révélées par la pathologie, il nous

semble difficile de concevoir une sclérose systémati-

que du cordon latéral, c'est-à-dire du système pyra-

midal, qui respecterait absolument dans toutes les

parties de la moelle les faisceaux de Türck et les cor-

nes antérieures qui font partie intégrante du même

système. Pareille lésion a été décrite cependant. Dans

une thèse récente ', M. Jubineau rapporte trois obser-

vations de sclérose prétendue systématique et limitée

aux cordons latéraux sans participation des faisceaux

de Türck et de la substance grise; mais de ces trois

observations deux au moins sont récusables. La pre-

mière en effet, due à M. Stofella2, n'a pas été suivie

d'examen microscopique. Quant à la seconde, qui est

personnelle à l'auteur, elle est défectueuse à plus d'un

titre. M. Hervouet (de Nantes), dans le service duquel

le malade a succombé, a bien voulu nous montrer les

préparations sur lesquelles M. Jubineau a étayé sa

description, et nous sommes obligés de reconnaître

qu'il nous a été impossible de trouver sur les coupes

les lésions constitutives de la sclérose latérale systé-

matique. Reste une troisième observation due à

M. Morgan 3, avec examen microscopique de Dresch-

feld ; celle-là, à la vérité, semble plus décisive. Il

résulte, en effet, de la description histologique de

Dreschfeld que les lésions dans toute la hauteur de la

moelle paraissaient bien limitées à l'aire du faisceau

pyramidal. Toutefois, le début brusque de l'affection

1 F. Jubineau. Etude sur le tabès dorsal spasmodique (sclérose pri-

mitive des faisceaux latéraux). Thèse du Paris, 1SS3.

* Stofella. Wien. med. Wochenschri/jt, 1878.

3 Morgan. British med. journal, janv. 1881.

58 PATHOLOGIE NERVEUSE.

à la suite d'un refroidissement, l'existence d'un foyer

de ramollissement à la région dorsale, portent mal-

gré tout à songer à une myélite aiguë localisée, qui

aurait peut-être joué son rôle dans le développement

de la sclérose latérale. Quoi qu'il en soit, si l'on veut

admettre une sclérose systématique du faisceau pyra-

midal, sans participation du faisceau de Tùrck et des

cornes antérieures, on n'a pour étayer son opinion

d'autre fait que cette observation de Morgan. Si tant

est donc qu'une pareille sclérose soit possible, elle est

au moins rare. Il ne faut point l'oublier dans l'appré-

ciation que l'on pourrait avoir à faire de la nature

systématique ou non des lésions scléreuses intéressant

à la fois les cordons latéraux et les postérieurs.

Mais revenons à notre cas. L'étude attentive de la

disposition des altérations a suffi, nous l'avons vu,

pour nous faire repousser l'idée d'une double lésion

de système. Cependant, à la région cervicale supé-

rieure, la sclérose des cordons postérieurs est assez

nettement limitée aux faisceaux de Goll (PL. II,

fin. 11 et 12) pour que nous ne soyons pas éloigné

de penser qu'il s'agit ici, contrairement à ce qui est

pour les autres parties de la moelle, d'une véritable

dégénérescence ascendante secondaire. Nous revien-

drons dans un instant sur ce point, en agitant la

question de la coïncidence possible dans la moelle

de lésions de sclérose diffuse et de sclérose systéma-

tisée consécutive.

Une dernière particularité de notre cas mérite d'être

mise en relief, c'est l'existence de l'atrophie des nerfs

optiques. Cette atrophie s'observe communément, on

le sait, dans le tabes ataxique. Il n'est pas sans intérêt

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 59

de la voir coïncider ici avec des lésions des cordons

postérieurs, qui nous paraissent cependant s'être déve-

loppées (c'est une opinion que par la suite nous allons

avoir à étayer sur de nouveaux arguments) en vertu

d'un processus autre que celui qui préside habituel-

lement à la genèse des altérations de l'ataxie locomo-

trice. Pareille atrophie existait aussi chez le malade

dont M. Babesiu a rapporté l'observation. Dans le cas

de M. Babesiu, nous le verrons, les lésions spinales

étaient fort analogues à celles rencontrées chez Sar-

razin.

Avant d'aller plus loin, nous pouvons résumer les

enseignements qui résultent de l'examen macrosco-

pique ou de l'étude microscopique à faible grossisse-

ment des lésions chez notre malade. Nous avons eu

affaire à une sclérose diffuse simulant grossièrement

une double sclérose systématique des cordons posté-

rieurs et latéraux, en un mot à une fausse sclérose sys-

tématique combinée de la moelle, compliquée d'atrophie

des nerfs optiques.

Un certain nombre d'observations, plus ou moins

semblables à la nôtre, ont été, comme nous l'avons

dit, publiées par les auteurs. Examinons ces observa-

tions et cherchons l'interprétation dont elles nous

semblent susceptibles. Les principaux des faits dont

il s'agit, ont été relatés par Prévost (sclérose des cor-

dons postérieurs, compliquée d'une sclérose symé-

trique des cordons latéraux)', Westphal (dégénéres-

cences combinées et primitives de la moelle), Kahler

et Pick (dégénérescence combinée systématique de la

moelle), Babesiu (dégénérescence combinée primitive

des cordons latéraux et postérieurs) et quelques autres.

60 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Tous ces cas nous ont paru ne pas être absolument

de même ordre. Aussi décrirons-nous plusieurs types

de lésions combinées. On ne devra pas oublier que la

classification de ces types est affaire d'appréciation ou

plutôt d'interprétation personnelle; à ce titre elle est

essentiellement révisable, mais telle que nous la don-

nons elle nous semble correspondre à la réalité ana-

tomique.

Il ? type.- Il comprend les scléroses diffuses. Celles-

ci peuvent, comme nous l'avons montré, ressembler

de loin aux scléroses systématiques; mais elles en ont

simplement l'apparence. Ici les lésions se jouent des

barrières physiologiques, se disposent sans méthode,

ou du moins elles ne sont pas soumises dans leur dis-

tribution à la loi préétablie qui règle la topographie

des systèmes médullaires. A ce groupe appartient notre

cas, ainsi que celui de M. Babesiu'. La topographie

des lésions dans ce dernier fait, l'irrégularité remar-

quable de leur distribution, certains détails histolo-

giques sur lesquels nous reviendrons, légitiment la

place que nous lui assignons.

2e type. - Dans une seconde catégorie de cas on a

affaire à la lésion classique de l'ataxie locomotrice, à

la sclérose systématique de la bandelette externe. Mais

cette lésion ne se limite pas au cordon de Burdach,

elle intéresse en même temps et les faisceaux de Goll

(ce qui est fréquent) et les faisceaux cérébelleux di-

rects. Ces derniers faisceaux sont seuls lésés dans le

cordon latéral. Dans les faits de ce genre, qui ne pa-

raissent pas très communs, les altérations, on le voit,

1 Babesiu. - Ueber die selbststandige combinirte seiten und hunters-

trang-sclerose der liuckeiz2 ? 2ai,ks, en 1 ! % : rchows, Al'cll ! v., 187U.

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 61

affectent toutes les voies centripètes, qui semblent ici

touchées en vertu de leur rôle et du sens de leur con-

ductibilité physiologique. L'un de nous a, l'année der-

nière, communiqué à la Société anatomique l'observa-

tion d'une tabétique, morte en 1880, dans le service de

M. Charcot, à la Salpêtrière : les lésions de la moelle

chez cette malade correspondaient, suivant toute appa-

rence, à celles que nous venons d'indiquer. La sclé-

rose, notamment dans le cordon latéral, paraissait très

exactement limitée au faisceau cérébelleux de chaque

côté.

3° type. - Ici il s'agit de la combinaison d'une

sclérose primitivement systématique avec des lésions

de myélite diffuse. Sous l'influence des conditions géné-

ratrices du tabes, les bandelettes externes des cordons

postérieurs se prennent, voilà la lésion systématique.

Mais cette lésion engendre secondairement une lepto-

méningite ; le fait n'est pas rare. Or il est permis d'ad-

mettre (et plusieurs faits démontrent qu'il en peut être

ainsi) que cette lepto-méningite devient à son tour le

point de départ d'un processus d'inflammation chro-

nique qui envahit dans une étendue plus ou moins

grande les cordons latéraux : voilà la lésion diffuse.

Le cas de M. Prévost est un exemple de ce troisième

type D'une part, nous relevons dans l'observation de

M. Prévost les lésions suivantes de l'ataxie : « Altéra-

tion des nerfs optiques, des bandelettes optiques et des

corps genouillés interne et externe. Sclérose des cor-

dons postérieurs présentant son maximum d'intensité

1 Prévost. Ataxie locomotrice. Sclérose des cordons postérieurs, com-

pliquée d'une sclérose symétrique des cordons latéraux; in Arch. de

phys. nornz. et patlaol., 1877, p. 764.

62 PATHOLOGIE NERVEUSE.

dans la région dorsale et s'accompagnant à ce niveau

d'une atrophie des racines rachidiennes postérieures.

Cette sclérose postérieure va de là en diminuant, soit

en haut du côté de la région cervicale, pour s'éteindre

au niveau du bulbe, soit en bas du côté de la région

lombaire ». Mais, d'autre part, il y avait, en outre de la

lésion précédente, une sclérose de la partie la plus pé-

riphérique et la plus reculée des cordons latéraux. Or,

en examinant attentivement la topographie de cette

sclérose sur les figures du mémoire de M. Prévost, on

constate qu'elle ne se dispose pas avec la parfaite

symétrie et la régularité d'une dégénérescence du cor-

don cérébelleux, il s'agit bien d'une lésion diffuse.

Mais cette lésion diffuse ne résulte pas d'une simple

propagation par voisinage de la sclérose postérieure,

car, M. Prévost le fait remarquer, il existe dans

presque toute la hauteur de la moelle, entre la corne

postérieure et la zone scléreuse des cordons latéraux,

un espace plus ou moins étendu selon la hauteur, dans

laquelle la moelle est saine. C'est donc vraisembla-

blement par l'intermédiaire de la pie-mère enflammée

que le processus inflammatoire a gagné le cordon

latéral.

Nous aurions quelque tendance à rapprocher du fait

de M. Prévost, celui que M. Raymond' a publié récem-

ment, et qui, nous le verrons, a été particulièrement

intéressant au point de vue de la symptomatologie.

Nous nous demandons aussi si l'Observation III du

1 Haymond. Sclérose des cordons postérieurs et des cordons latéraux,

coexistant chez le même malade. - Prédominance ptcsque exclusive des

symptômes spéciaux à la sclérose des cordons latéraux, in Archiv. de phys.

norl1l. etpath., u° 7, ISS ? .

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 63

mémoire de Westphal, ne serait pas ici légitimement

placée. Dans ce cas, en effet, on voit se surajouter aux

lésions du tabes une sorte de sclérose corticale qui in-

téresse la périphérie des cordons latéraux et s'étend

plus ou moins loin en avant. Cette sclérose surajoutée

qui, sur certaines des coupes, simule une lésion du fais-

ceau cérébelleux, ne nous paraît pas cependant devoir

être envisagée comme une sclérose systématique de

ce faisceau; car sur quelques points, elle en dépasse

de beaucoup les limites, comme on peut le voir sur les

belles figures reproduites à la fin du travail de West-

phal.

4e type. - Contrairement au type précédent consti-

tué par la succession d'une sclérose diffuse à une sclé-

rose systématique, on peut admettre, d'après quelques

faits, la possibilité de l'évolution de lésions systéma-

tisées consécutivement au développement d'une myé-

lite interstitielle diffuse. Qu'un foyer de myélite diffuse

chronique envahisse une région de la moelle, la région

dorsale par exemple, on conçoit qu'il puisse jouer là

le rôle d'une vulgaire myélite transverse. Au-dessus

de ce foyer, on aura une dégénérescence des cordons

de Goll, associée ou non à celle des faisceaux cérébel-

leux ; au-dessous au contraire la lésion dégénérative

intéressera, suivant la règle les faisceaux pyramidaux.

Les choses nous semblent s'être passées ainsi dans

un cas publié par M. Julliard. Il s'agissait dans l'es-

pèce, d'une myélite syphilitique. Nous croyons devoir

reproduire ici une partie de cette intéressante obser-

vation :

1 Westphal. - Ueber conabinirte (pri ? ? 2Ci-e) erkrankung der ltucken-

markslrdnge, in Arch, sur Psychiatrie, Bd. VIII, u. IX.

6t PATHOLOGIE NERVEUSE.

« Les lésions, dit l'auteur, offrent leur maximum d'intensité

vers la partie supérieure de la région dorsale et dans le cordon

latéral. Ce qui frappe, au premier abord, c'est l'épaississement

très marqué de la gaine adventice des vaisseaux, en sorte que

ceux-ci se montrent sous l'aspect de cylindres, ordinairement

réguliers lorsqu'on les considère sur une coupe pratiquée per-

pendiculairement à leur axe. Mais ils paraissent moniliformes

quand, par hasard, la coupe les atteint suivant leur longueur.

On peut dire que leur diamètre total est plus que doublé par

cet épaississement ; et cette modification porte d'une façon

indubitable sur les dépendances de la gaine adventice, c'est-à-

dire sur la gaîne lymphatique des vaisseaux. De cette gaine

partent des tractus conjonctifs, qui constituent une véritable

sclérose interstitielle; en certains points, au niveau des vais-

seaux dont les parois n'ont subi que peu d'épaississement, on

trouve de véritables îlots de sclérose, confondus avec les dé-

pendances de la gaine lymphatique et qui forment comme un

petit lac au milieu duquel on aperçoit le vaisseau. D'un autre

côté, au niveau des points les plus malades, on voit que la pie-

mère adhère complètement au tissu scléreux, et offre un

épaississement considérable; mais dans le cas actuel, le pro-

cessus phlegmasique est déjà de date assez peu récente pour

qu'on ne trouve plus les traces d'inflammation subaigüe qu'on

trouve d'autres fois. La sclérose, en tous cas, intéresse fort peu

la substance grise.

« Si l'on cherche à établir la géographie des altérations, on

trouve qu'en général périphériques, elles offrent un maximum

entre la première et la troisième dorsales : ce fait est démontré

par l'existence d'une dégénérescence ascendante, manifeste

portant, à la région cervicale, sur la totalité du cordon de Goll.

En second lieu, de la première à la troisième dorsale, il existe

une lésion qui intéresse également les cordons latéraux, lésion

que prouve une dégénérescence latérale double complète et

symétrique, déjà manifeste au niveau d'une coupe pratiquée

vers la naissance de la troisième paire dorsale. Cette dégéné-

rescence secondaire symétrique se poursuit jusqu'à la partie

inférieure des régions dorsale et lombaire. Quant aux lésions

qui occupent les cordons latéraux et postérieurs, leur maxi-

mum est situé entre la troisième dorsale et la dernière cervi-

cale. »

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 65

Un fait publié par M. Pierret (Arch. de physiologie,

1876, p. 45) présente quelque analogie avec le pré-

cédent.

La quatrième observation de Westphal ' nous paraît

aussi pouvoir être rapprochée de celle de M. Julliard.

L'importance et l'intérêt de ce cas exigent que nous

nous y arrêtions quelques instants. Chez le malade de

Westphal, comme chez la nôtre, c'est au niveau de

la région dorsale supérieure et cervicale inférieure

que la sclérose des cordons postérieurs et latéraux

était le plus accusée. A ce niveau elle intéresse les fais-

ceaux de Goll dans toute leur épaisseur, et s'étend

un peu irrégulièrement de chaque côté, sur les fais-

ceaux de Burdach. Les cordons latéraux sont intéres-

sés dans une grande partie de leur étendue : la sclé-

rose commence à la périphérie de la moelle, recouvre

les faisceaux cérébelleux et une partie des voies pyra-

midales. Elle ne respecte donc pas ici la topographie

des systèmes, elle est irrégulièrement diffuse, tant en

arrière que latéralement. Au-dessus et au-dessous de

la région que nous venons de considérer, la lésion

affecte, au contraire, une disposition qui rappelle assez

bien celle des lésions systématiques consécutives d'un

foyer intra-médullaire. A la région cervicale, en effet,

' Nous Mgnalerons simplement en note les observations I, II et V du

mémoire de Westphal, qui sont d'une interprétation très difficile, et

auxquelles il ne nous a pas été possible d'assigner une place dans le

cours de notre travail. Ces vois observations présentent entre elles quelque

analogie, en ce sens qu'il s'agit, dans toutes, de la combinaison des lésions

classiques de avec une dégénérescence d'une partie plus ou moins

étendue des cordons antéro-latéraux, dégénérescence caractérisée, clans

l'espèce, par la présence d'un assez grand nombre de corps graisseux. Ce

qu'il importe de relever, c'est que ni dans les unes ni dans les autres de

ces observations, les lésions des faisceaux latéraux n'affectaient, dans

leur localisation, une régularité et une symétrie qui permît de les envisa-

ger comme systématiques.

Ancutvta, t. Vil. 5

66 PATHOLOGIE NERVEUSE.

elle est assez bien localisée aux cordons de Goll et

aux faisceaux cérébelleux, tandis qu'au niveau des

régions dorsale inférieure et lombaire, à la hauteur

desquelles l'altération des cordons postérieurs s'atté-

nue et n'est plus représentée que par quelques îlots

scléreux disposés sans méthode, les cordons laté-

raux sont dégénérés dans une partie qui correspond

assez exactement aux faisceaux pyramidaux.

Ce cas est susceptible de trois interprétations : l'on

peut admettre qu'il y a là exclusivement des lésions

systématiques et, dans cette hypothèse, on aurait

affaire à une double dégénérescence du système cen-

trifuge (faisceau pyramidal) et du système centripète

(cordons de Burdach, de Goll et cérébelleux); ou

bien qu'il s'agit d'une myélite diffuse simulant simple-

ment sur certains points une double myélite systéma-

tique ; ou bien enfin que les lésions de la partie

moyenne de la moelle étant celles d'une myélite dif-

fuse, les altérations des parties supérieures et infé-

rieures représentant des dégénérescences secondaires

consécutives à cette myélite. Westphal incline vers

la première de ces trois hypothèses. Cette manière

de voir soulève plusieurs objections. Relevons tout

d'abord l'intégrité des cordons de Tûrck et des cornes

antérieures qui nous semble difficilement compatible

avec une lésion systématique primitive du faisceau

pyramidal. Westphal observe, à la vérité, que l'ab-

sence d'altération du cordon de Tùrck peut s'expli-

quer par un entrecroisement complet des fibres cen-

trifuges. La remarque est fort juste, mais l'entrecroi-

sement complet est un fait bien exceptionnel. Du

reste, nous ne saurions insister plus qu'il ne con-

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 67

vient sur ce premier argument, car, nous l'avons vu,

quelques auteurs croient à la possibilité d'une sclé-

rose systématique limitée aux seules fibres centrifuges

du cordon latéral. Ce qui nous semble militer surtout

en faveur de la nature diffuse des lésions de la région

dorsale, dans le cas de Westphal, c'est l'irrégularité

réelle 'de la topographie de ces lésions, et aussi le

développement remarquable des vaisseaux dans les

parties sclérosées, particularité que relève l'auteur et

qui a pour nous une grande importance, comme nous

le dirons par la suite.

Quant à la sclérose des parties de la moelle sus et

sous-jacentes aux régions dorsale supérieure et cer-

vicale inférieure, elle se présente, nous l'avons dit,

avec des caractères qui la font ressembler étroitement

à la sclérose systématique. Voilà pourquoi nous ne

serions pas éloigné de penser que, dans l'espèce, les

altérations de la région moyenne de la moelle, ont

joué le rôle d'un foyer de myélite transverse et déter-

miné, au-dessus et au-dessous, les dégénérescences

systématiques qu'on observe d'habitude dans les cas

où l'on a affaire à cette lésion. Westphal, qui s'est

posé cette même question, observe, à cet égard, que

jamais on n'a relevé l'existence de dégénérescences

secondaires au-dessus et au-dessous d'une plaque

de sclérose multiloculaire. Le fait est vrai d'une façon

générale, bien qu'il ne soit peut-être pas inutile de

le vérifier à nouveau. Mais en le supposant même

constamment exact, il ne faut pas perdre de vue

cette particularité, relevée naguère par M. Charcot

dans l'histoire anatomique de la sclérose en plaques,

à savoir l'intégrité habituelle des cylindres-axes, ce

68 PATHOLOGIE NERVEUSE.

qui explique, dans une certaine mesure, l'absence de

lésions dégénératives secondaires dans cette affection.

Au contraire, dans le cas de Westphal, il est noté

qu'au niveau des parties que nous considérons comme

atteintes de myélite diffuse, un grand nombre des

tubes nerveux, sinon tous, étaient détruits.

5e type. - Il nous reste à parler d'un dernier

type. Celui-ci, dont nous allons avoir à discuter la

réalité, consisterait dans la combinaison de véritables

scléroses systématiques intéressant, d'une part, les cor-

dons postérieurs ; d'autre part, le faisceau pyramidal.

Parmi les observations que nous avons fait pres-

sentir, il s'en trouve une seule qui corresponde à

ce type, c'est celle de MM. Kahler et Pick'. Dans ce

cas, la dégénérescence occupait, d'une part, les cor-

dons de Burdach et de Goll, dans toute la hauteur de

la moelle, d'autre part, dans la même étendue, les

faisceaux cérébelleux et pyramidaux. De plus, fait

important, aux régions cervicale et dorsale le cordon

de Tùrck était lésé du côté droit. Corrélativement la

sclérose du faisceau pyramidal occupait une étendue

moins considérable à gauche que de l'autre côté.

Cette lésion du faisceau de Tùrck nous semble,

comme à MM. Kahler et Pick, militer puissamment en

faveur de la systématisation réelle de la dégénération

le long de l'appareil centrifuge. La seule objection

qu'on pourrait faire à cette manière de voir, c'est

que le faisceau cérébelleux était lésé au même titre

que le pyramidal. Les auteurs pensent qu'il s'agissait

là d'une lésion propagée.

1 Kahler et Pick. Ueber combinirtc systenaer krankungen der liuc-

kenmarlces, in Arch. sur Psychiatrie, Bd. VIII, Lef1 2.

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 69

M. Damaschino a bien voulu nous montrer de

très belles photographies des coupes microscopiques

d'une moelle atteinte de lésion scléreuse des cor-

dons postérieurs et latéraux. Sur ces derniers, l'alté-

ration, dans toute la hauteur de la moelle, semblait

assez nettement limitée au faisceau pyramidal de cha-

que côté. L'observation de ce cas, encore inédite,

sera publiée prochainement. M. Damaschino en a,

l'an dernier, communiqué une courte analyse à la

Société médicale des Hôpitaux (Compte-rendu, 1882).

En résumé, parmi les cas de sclérose combinée des

cordons postérieurs et latéraux qui figurent dans la

littérature médicale, nous n'en voyons guère que

deux qui puissent être, avec quelque vraisemblance,

considérés comme des exemples de scléroses combi-

nées systématiques : celui de M. Damaschino, et celui

de MM. Kahler et Pick. Encore le dernier est-il un

peu spécial, en ce sens qu'il s'agissait d'une jeune

fille de vingt ans, dont le corps était insuffisamment

développé, si bien que la lésion des cordons, d'après

les auteurs de l'observation, pourrait être envisagée

comme la conséquence d'un développement incom-

plet de la moelle chez la malade.

IV.

Les développements dans lesquels nous venons

d'entrer, qui ont trait, on l'a vu, exclusivement à la

topographie des lésions scléreuses dans notre cas et

dans quelques autres plus ou moins analogues, ont

70 PATHOLOGIE NERVEUSE.

suffisamment établi, croyons-nous, qu'on ne saurait

tenir les altérations relevées dans la moelle de notre

malade, pour véritablement systématiques. Et nous

prenons cette dernière épithète dans le sens qu'on lui

attribue couramment, c'est-à-dire comme impliquant

l'apparition de la sclérose au pourtour des tubes ner-

veux qui constituent un même système physiologique,

ces tubes (irrités ou dégénérés) étant le point de dé-

part de l'irritation transmise il la gangue conjonctive.

Mais les résultats de l'examen microscopique prati-

qué à l'aide d'un grossissement fort ( ? 1, Verick), nous

fournissent des arguments nouveaux à l'appui de l'opi-

nion que nous soutenons. Nous n'oublions pas que

nous ne sommes point assez avancés en histologie pa-

thologique de la moelle, comme le fait justement re-

marquer Westphal, pour discerner à coup sûr de par

les seuls caractères microscopiques, les scléroses d'ori-

gine parenchymateuse (sclérose péri-tubulaire) de

celles qui tiennent à une irritation d'une autre nature

de la gangue conjonctive (scléroses péri-vasculaires ou

autres). Cependant certaines particularités, observées

dans notre cas, nous ont paru assez significatives pour

nous permettre de repousser l'hypothèse d'une lésion

primitivement péri-tubulaire.

Un premier fait, qu'il est intéressant de mettre

en relief, c'est la différence assez nette qui existe dans

l'aspect des tubes nerveux sur une coupe transversale

de la moelle de notre malade et sur celle d'une moelle

atteinte de sclérose systématique type, par exemple de

dégénérescence secondaire. On jugera aisément de

cette différence en jetant les yeux sur la figure 16

(PL. III). En A est représentée la coupe d'un cordon

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 71 t

latéral dégénéré consécutivement à une lésion céré-

brale, en B celle du cordon latéral de la moelle de

Sarrazin, aux confins des parties malades et des parties

saines, c'est-à-dire là où la lésion n'avait pas encore

atteint son degré le plus avancé. En A, on ne distingue

plus qu'un très petit nombre de tubes nerveux, mais

ceux qui persistent au sein de la gangue scléreuse ont

conservé leurs caractères normaux. En B, nous retrou-

vons au contraire un grand nombre de ces tubes, mais

ceux-ci sont pour la plupart malades et présentent les

lésions qu'on observe dans les cas de myélite aiguë ou su-

baiguë : ils sont augmentés de volume, quelques-uns

considérablement; un certain nombre d'entre eux (b, b.)

ne présentent plus de cylindre axile dans leur intérieur;

au centre de quelques autres au contraire (a, a.) on voit

un cylindre-axe très volumineux, évidemment tuméfié,

et dont le volume est trois ou quatre fois plus grand

qu'à l'état normal. Cet aspect du cylindre-axe sur la

coupe transversale dénote que celui-ci a subi une sorte

de gonflement, dont on peut se rendre un compte en-

core plus exact en examinant sur une coupe longitu-

dinale un tube nerveux heureusement isolé (PL. III,

fig. 15). On voit que le cylindre axile est variqueux,

étranglé sur certains points, dilaté sur certains autres.

On conçoit que les étranglements, en s'accusant da-

vantage, puissent aboutir à la rupture complète, et il

est vraisemblable que les tubes vides observés sur les

coupes transversales sont précisément ceux qui ont

été attaqués par le rasoir au niveau de ces ruptures.

La lésion que nous venons de décrire n'a,pas été,

croyons-nous, constatée dans les cas de dégénéres-

cence systématique (secondaire ou autre). Elle paraît

72 PATHOLOGIE NERVEUSE.

être commune, au contraire, au dire de M. Charcot

qui l'a étudiée le premier, au moins en France, « aux

formes aiguës, subaiguës et chroniques primitives de

l'inflammation de. la moelle épinière '. » Nous avons

donc le droit de considérer cette altération comme

constituant une présomption, de plus contre la nature

systématique de la sclérose dans le cas de Sarrazin.

D'autre part, sur les points où l'épaississement de la

gangue conjonctive n'est pas encore arrivée à son de-

gré le plus avancé, on distingue un assez grand nombre

de cellules araignées, qu'il est facile de reconnaître à

leur forme irrégulière, à leurs prolongements nom-

breux, à leur noyau volumineux. Ces cellules, ouïe sait,

existent, à l'état normal, dans le tissu interstitiel de

la moelle, comme il résulte des travaux de Jastrowitz \

de Golgi 3, de Fr. Boll ', de Debove 5. Mais, dans le cas

d'irritation de ce tissu, elles deviennent plus volume-

neuses et plus nombreuses, ou du moins plus appa-

rentes. Or, c'est encore dans les myélites, dites primi-

tives, qu'on les voit affecter de tels caractères; il n'en

est pas ainsi dans les dégénérescences systématiques.

Nouvel argument en faveur de l'opinion que nous sou-

tenons. Rappelons en passant que, dans l'observation

de M. Babesiu, fort analogue à la nôtre, on l'a vu,

1 Charcot. Si»' la tuméfaction des cellules nerveuses motrices, et du

cylindre-axe des tubes nerveux, dans certains cas de myélite; in AI'ch.

de phys. norm. et pathol., 1871-72, p. 93, et Leç. sur les mal. du système

nerveux, t. II, p. 385.

, Jastrowitz. Studien ueber die encephalitis und nzyelilis der ersteiz

kindesatters ; in Arch. sur Psychiatrie, t. III, 1872.

a Golgi. - Rivista clinica tlz Bologna, nov. et déc. 1871.

4 Fr. Boll Histologie et lzislogénie du système nerveux central; in

Arch. sur Psychiatrie, 1873.

5 Debove, cité par Fr. Boll.

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 73

l'auteur note également le développement remar-

quable des cellules araignées, spécialement autour

des vaisseaux.

Il résulte pour nous de tout ce qui précède qu'il

faut chercher ailleurs que dans les tubes nerveux eux-

mêmes le point de départ de la sclérose interstitielle

diffuse observée chez Sarrazin.

Or, ce point de départ, nous le trouvons dans les

vaisseaux. On est frappé, en effet, lorsqu'on jette les

yeux sur nos diverses coupes de moelle, particulière-

ment sur la figure 10 (PL. II), du nombre très grand

des artérioles dilatées et comme variqueuses, aussi

bien dans les cordons latéraux que dans les posté-

rieurs.

D'autre part, si l'on examine l'un de ces vaisseaux

à un fort grossissement (PL. III, fig. 13, a), on voit

que ses parois et sa gaîne péri-vasculaire sont infiltrées

d'un grand nombre de noyaux et de leucocytes, ce qui

dénote un état d'irritation très prononcé de ce vaisseau.

Sans doute on pourrait objecter que cette irritation

intra et péri-vasculaire n'a pas été le fait primitif,

qu'au contraire elle a été consécutive au dévelop-

pement de la lésion interstitielle. Mais, dans la sclérose

systématique de la moelle, on ne rencontre pas, à beau-

coup près, un développement et une irritation ana-

logues des artérioles. Nous croyons donc pouvoir ad-

mettre que cette irritation a été première en date, et

qu'il s'est agi dans notre cas d'une sclérose péri-

vasculaire.

L'histoire des scléroses péri-vasculaires de la moelle

est encore presque toute à faire. On s'est en effet,

jusqu'à ce jour, accoutumé à considérer surtout les

il- 4 PATHOLOGIE NERVEUSE.

scléroses dites systématiques, c'est-à-dire celles qui

se développent au pourtour du tube nerveux groupés

en systèmes. Quant aux autres, on les a confondues

sous la dénomination générique de scléroses diffuses.

Il n'est pas jusqu'à la sclérose en plaques, si bien

étudiée pourtant dans ses caractères généraux, qui ne

soit fort mal connue quant à ses lésions primordiales.

' Or, la pathologie comparée des cirrhoses viscérales

nous enseigne que dans les divers organes, le foie

par exemple, tout processus scléreux a pour point de

départ l'un quelconque des systèmes de canaux ou

de vaisseaux qui cheminent à travers cet organe :

veine porte ou canaux biliaires par exemple, s'il

s'agit du foie. Eh bien ! il en est certainement de même

pour la moelle : les scléroses de cet organe ont, cela

n'est pas douteux, des origines multiples. Songer à en

établir d'ores et déjà la classification complète serait

peut-être prématuré; tout au moins nous croyons-

nous en droit d'isoler dès maintenant du groupe, d'une

part, les scléroses qui se développent au pourtour

d'un système de tubes nerveux (systématiques de

M. Vulpian); d'autre part, celles qui naissent autour

des vaisseaux artériels. On pourrait dès lors opposer

les premières aux secondes, en désignant les unes

sous le nom de scléroses péri-tubulaires, les autres

sous celui de péri-vasculaires. Nous n'ajoutons point à

ces expressions nouvelles plus d'importance qu'elles

n'en méritent. Si nous nous en servons ici, c'est

parce qu'elles nous paraissent propres à mettre en

relief l'origine spéciale à chacune des formes de sclé-

rose précitées. Or, ce qui spécifie une sclérose, c'est

précisément son point de départ; c'est assez dire que

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 7.')

si l'on veut caractériser le processus, il faut le saisir

à ses débuts, et non l'envisager à un moment où, par

suite des progrès de son évolution, il a secondairement

intéressé des éléments qui ne jouaient aucun rôle lors

de son développement premier. Toute sclérose péri-

vasculaire devient en effet fatalement et vite péri-

tubulaire. On pourrait alors lui appliquer l'expression

de sclérose mixte dont on s'est servi pour désigner

certaines cirrhoses hépatiques. Ce mot exprime peut-

être une réalité nosographique; mais il nous semble

très vicieux au point de vue de la nosologie.

Les scléroses péri-tubulaires et péri-vasculaires étant

admises comme espèces distinctes, il peut être dini-

cile, dans certains cas, de rattacher à l'une ou à

l'autre de ces espèces certaines scléroses données.

C'est ainsi que la lésion de l'ataxie locomotrice pro-

gressive, qui, depuis les travaux de MM. Charcot et

Pierret, est considérée comme une cirrhose péri-tubu-

laire, a été, il y a peu de temps, envisagée par

M. Adamkiewicz comme d'origine vasculaire'. Jusqu'à

plus ample informé, nous ne saurions admettre l'opi-

nion de cet auteur, en tant du moins qu'applicable aux

altérations de la plupart des cas de tabes. Qu'il y ait

des scléroses des cordons postérieurs, développées pri-

mitivement autour des artérioles, nous sommes d'au-

tant moins porté à le nier que le cas rapporté par

nous était précisément de cet ordre. Il est aussi fort

possible que le seul fait de tabès qu'ait étudié, au point

de vue de son origine, M. Adamkiewicz et sur lequel

il a fondé son opinion, appartînt à la même caté-

1 Adamkiewicz. Die Rllltge{risse de¡- lIlellschlichen U,ickellmw'/oes. -

S : l : ,uttgaLericltle der lIïCltel' Akadcmic de/' 11'issettscltateti, lSb3, p. 'iG9.

76 PATHOLOGIE NERVEUSE.

gorie. Mais il s'en faut que l'examen des cas en ques-

tion suffise à infirmer la doctrine si bien établie sur

des examens microscopiques minutieux par MM. Char-

cot et Pierret. Avec ces auteurs, avec Westphal, nous

restons donc convaincu de l'origine péri-radiculaire

des lésions du tabes, dans les cas types de maladie

de Duchenne. Au reste nous ne pouvons discuter com-

plètement ici cette question, à laquelle nous nous

contentons de toucher. Si c'était le lieu d'y insister,

nous pourrions montrer que la doctrine généralement

adoptée cadre mieux que celle de M. Adamkiewicz

avec les données étiologiques et pathogéniques. C'est

un point sur lequel nous allons brièvement revenir

dans un instant.

V.

Si nous avons suffisamment établi, par les détails qui

précèdent, l'origine vasculaire de la sclérose observée

dans notre cas, il reste une dernière question à élu-

cider. Quel a été, chez Sarrazin, l'agent déterminant

de l'irritation dont les effets ont porté sur la paroi des

artères d'abord, puis sur la gangue conjonctive diffuse

autour de ces dernières 1

Cet agent doit être naturellement cherché dans le

contenu intra-vasculaire, c'est-à-dire dans le sang. Or,

les produits nuisibles susceptibles de perturber la nu-

trition des éléments anatomiques de la paroi des vais-

seaux ou des tissus péri-vasculaires sont de deux

ordres : toxiques ou infectieux. Eh bien ! dans les an-

técédents de notre malade, nous retrouvons un en-

semble d'épisodes qui nous autorisent à considérer

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 77

cette femme comme atteinte d'une maladie infec-

tieuse, la syphilis. Au reste, il y a de très bonnes rai-

sons à invoquer, même en dehors de la considération

des antécédents pathologiques de Sarrazin, pour se

croire en droit de regarder les lésions médullaires

observées dans notre cas, comme des lésions syphili-

tiques. Ce qui caractérise en effet les altérations mé-

dullaires chez notre malade, c'est d'une part leur ori-

gaine péri-vasculaire, d'autre part leur diffusion. Or,

les travaux de Heubner, Cornil, d'autres encore ont

montré que les lésions syphilitiques procèdent en gé-

néral d'une artérite, et nous savons, d'autre part,

que ces lésions ont une remarquable tendance, par-

ticulièrement dans le système nerveux, à se répartir

sans ordre et sans méthode apparente sur une grande

étendue de ce système.

Savard, dans une thèse récente, résume comme

il suit l'ensemble des altérations observées dans les

cas de myélite syphilitique scléreuse' : « Lésions

des méninges avec prolifération du tissu conjonctif ;

cette prolifération se fait également sur les tractus fi-

breux qui relient les méninges à la moelle. Lésions de

la moelle produites par prolifération des éléments con-

jonctifs avec compression, puis disparition consécu-

tive des tubes nerveux ; formation de cellules à prolon-

gements ou cellules araignées; lésions des vaisseaux

et aussi des gaines péri-vasculaires par prolifération

d'éléments embryonnaires. » Ces altérations, on l'a

vu, sont précisément celles que nous avons retrouvées

dans notre cas. Au surplus nous avons relaté plus haut

1 Savard. - Etude sur les myélites syphilitiques. Thèse de Paris, 1882.

78 PATHOLOGIE NERVEUSE.

un exemple de myélite syphilitique avérée, qui pré-

sente avec le nôtre des analogies remarquables (cas de

M. Julliard 1),

En voilà plus qu'il n'en faut pour que nous nous

croyions autorisés à affirmer l'étiologie syphilitique

chez notre malade.

A ce propos, nous présenterons ici quelques brèves

considérations relatives à la doctrine de la spécificité

du tabes, telle qu'elle a été édifiée dans ces derniers

temps. La remarquable tendance qu'ont à se diffuser

les lésions syphilitiques nous paraît être un argument

très sérieux, quoiqu'on en ait dit, contre cette doc-

trine. Et en effet les observations nous enseignent que

dans les cas de myélite spécifique bien avérée, la ma-

ladie n'a jamais limité ses dégâts au système postérieur,

que toujours, au contraire, les lésions ont envahi une

partie plus ou moins étendue des systèmes voisins;

ce qu'explique d'ailleurs l'origine vasculaire des sclé-

roses spécifiques. A la vérité on pourrait objecter que,

pour être habituelle, cette diffusion des lésions peut

n'être pas fatale. Nous l'admettons volontiers, mais

c'est reculer la difficulté sans la résoudre. « Un très

grand nombre de lésions syphilitiques tertiaires, dit

M. le professeur Fournier', aboutissent à la sclérose;

pourquoi donc vouloir que, dans la moelle, la syphi-

lis prenne une forme différente de celle qu'elle revêt

fréquemment en d'autres sièges ? Pourquoi vouloir

qu'elle fasse, dans les cordons postérieurs médullaires,

autre chose que ce qu'elle a coutume de faire ailleurs ? »

j Julliard. Localisations spinales delà syphilis, Layon, 1879.

Il,. I''oumiui ? <a.rte syphilitique (.11/11. de dermatologie, 187G) et Du

Tabès spécifique, Paris, 1882.

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 79

Nous ne nions pas, tant s'en faut, la tendance de la

syphilis à faire de la sclérose. Mais quelle sclérose,

péri-vasculaire ou péri-tubulaire ? Péri-vasculaire évi-

demment, puisqu'il est dans les habitudes de la vérole

de procéder des vaisseaux aux tissus avoisinants. Il ne

reste plus dès lors aux partisans de la spécificité du

tabes qu'à se retrancher derrière l'opinion d'Adam-

kiewicz, et à soutenir que tous les cas de tabes sont

d'origine vasculaire. Or, nous avons dit plus haut que

celte opinion était loin de reposer sur une base solide

et qu'il y a bien des objections à élever contre elle.

Au reste on peut invoquer contre la doctrine de

l'ataxie syphilitique, telle qu'elle est admise par

M. Fournier notamment, des arguments d'un autre

ordre, empruntés à l'étudede l'étiologie. Ces arguments

ne seraient point à leur place ici. L'un de nous s'est

attaché à les présenter dans un autre travail fait en

collaboration avec M. Landouzy et qui paraîtra pro-

chainement '. Nous nous contenterons de renvoyer à

ce travail.

VI.

Considérations cliniques. SJnahtomalologie des lé-

sions combinées des cordons postérieurs et latéraux. -

Après avoir étudié les scléroses combinées au point

de vue de la topographie, des caractères microsco-

piques, de la nature probable et de la pathogénie des

lésions, il reste à nous demander quelle est la symp-

1 L. Landouzy et G. Ballet. - Recherches sur les causes de l'ataxie

locomotrice. Memoito couronné pat' l'Académie de médecine (pn\

Curieux, ils63.)

80 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tomatologie qui résulte de l'association d'une sclérose

des cordons latéraux à une sclérose des faisceaux

postérieurs.

On sait que les symptômes d'une lésion spinale

(comme ceux d'une lésion cérébrale) dépendent du

siège de la lésion, non de sa nature. Peu importe

que les cordons latéraux et postérieurs soient touchés

par tel ou tel processus, que leur destruction résulte

du développement d'une sclérose péri-vasculaire ou

péri-tubulaire; cela ne fait rien à la chose. Ils sont

touchés, cela suffit, et ils vont réagir suivant leurs

habitudes physiologiques. Dès lors, on peut prévoir

que, dans les cas de sclérose intéressant simultanément

les faisceaux postérieurs et les latéraux, on se trou-

vera en face de symptômes qui relèveront à la fois

de l'altération des premiers et de celle des seconds.

Or, les lésions isolées des cordons postérieurs se

traduisent par les douleurs (fulgurantes ou autres), et

les diverses variétés de troubles sensitifs (hyperes-

thésies et anesthésies); celles des cordons latéraux,

du moins du faisceau pyramidal, par de la paraplégie

avec contracture, accompagnée de l'exagération de la

réflectivité spinale. Mais, en y réfléchissant, on

s'apercevra bien vite qu'il y a incompatibilité entre

certains symptômes des scléroses postérieures et cer-

tains autres qui relèvent de la sclérose latérale. En

effet, l'exagération des réflexes tendineux et la contrac-

ture, qui sont le fait habituel de cette dernière altéra-

tion, ne sauraient coexister avec la flaccidité et l'aboli-

tion des réflexes qui sont, au contraire, les symptômes

accoutumés de l'ataxie. Le problème diagnostique se

pose donc dans ces termes : En cas de lésion intéres-

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 81

saut simultanément les cordons postérieurs et laté-

raux, quelles sont les manifestations cliniques prédo-

minantes, celles qui ressortissent aux premiers ou aux

derniers de ces cordons ? Les faits vont nous ré-

pondre.

Chez notre malade, nous avons relevé quelques

symptômes, placés évidemment sous la dépendance

de la sclérose des cordons de Burdach, nous faisons

allusion aux douleurs fulgurantes avec hyperesthésie

cutanée. Mais, pendant toute la durée de la maladie,

les phénomènes prédominants ont été ceux qui dé-

pendaient de la lésion du cordon latéral, à savoir :

la paralysie avec contracture des quatre membres, et

l'exagération des réflexes tendineux.

Il en était à peu près de même dans le cas de

M. Babesiu. En effet, chez le malade, dont il est ques-

tion dans l'observation de cet auteur, l'affection avait

débuté à l'âge de quarante-quatre ans, par de la fai-

blesse et de la lourdeur dans les jambes. Quelques

mois après, s'était montrée dans les muscles des

extrémités inférieures une certaine rigidité, qui allai

parfois jusqu'à la contracture complète. A peu près en

même temps, douleurs des membres inférieurs et des

organes génitaux. Deux ans après le début, le ma-

lade fut complètement confiné au lit. Vers la troi-

sième année commença à se manifester l'atrophie

des papilles; l'affection dura quatre ans; en der-

nier lieu l'état était le suivant : 1° anesthésie plan-

taire, diminution du sens musculaire, puis paralysie

de la vessie; 2° contracture en flexion des membres

inférieurs; 3° conservation des réflexes tendineux,

qui étaient un peu exagérés.

Abchivks, t. VII. 6

82 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Enfin, dans l'observation de M. Raymond, à laquelle

nous avons déjà fait allusion, il y avait aussi prédo-

minance presque exclusive des symptômes de la sclé-

rose des cordons latéraux, bien que les postérieurs

fussent lésés.

Ainsi on voit que dans ces trois cas, la sclérose laté-

rale a maintenu ses droits en dépit de la lésion coïnci-

dente des cordons postérieurs, et a pu faire prédominer

sa symptomatologie sur celle de sa congénère. On peut,

. ce nous semble, s'expliquer le fait en considérant la

topographie des lésions sur les dessins de M. Babesiu,

et particulièrement sur les nôtres. Sur ces derniers,

en effet, on constate, que tandis que la sclérose du

cordon latéral s'étend dans la plus grande partie de

la moelle, celle des faisceaux de Burdach fait défaut

sur certains points, notamment dans la plus grande

étendue de la région lombaire, et dans les deux tiers

supérieurs de la région cervicale, c'est-à-dire sur les

points qui, très vraisemblablement, livrent passage à

l'arc réflexe correspondant aux réflexes tendineux des

membres supérieur et inférieur.

La même interprétation est applicable au fait de

M. Prévost, dans lequel les symptômes tabétiques

(douleurs, etc.) coïncidaient avec une exagération de

la réflectivité et avec de la trépidation spinale, car,

dans ce cas encore, les lésions des bandelettes exter-

nes s'étaient en quelque sorte sommées à la région

dorsale et allaient de là, en s'atténuant au-dessus et

au-dessous, vers la région lombaire.

A l'inverse de ce que nous venons de voir, il est

des scléroses combinées, intéressant simultanément

les cordons latéraux et postérieurs, dans lesquels, la

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 83

lésion de ces derniers imprime à la symptomatologie

la note dominante. Il nous suffirait, pour l'établir, de

rappeler les nombreux cas de sclérose systématique

des faisceaux postérieurs avec propagation du pro-

cessus aux parties avoisinantes, cas dans lesquels, en

dépit de cette propagation, le tableau clinique est

resté celui de l'ataxie locomotrice la plus franche.

Mais, dans ces cas en général, la lésion propagée au

cordon latéral est, nous l'avons vu, toute périphé-

rique et de minime importance.

Il n'en est point de même de l'observation de

MM. Kahler et Pick; ici la sclérose est aussi prononcée

que possible sur les deux ordres de cordons (posté-

rieurs et latéraux), et, bien que la symptomatologie

soit dans ce cas restée obscure à quelques égards, on

peut dire cependant que, dans l'espèce, la prédomi-

nance d'action est restée à la lésion postérieure.

Relevons tout d'abord dans les détails fournis par

les auteurs, une particularité assez singulière, c'est

l'absence de douleurs et d'anesthésie, malgré l'exis-

tence d'une lésion très prononcée des bandelettes

externes. Kahler et Pick expliquent cette particula-

rité par certains cas de MM. Charcot et Pierret, dans

lesquels la sclérose du faisceau de Burdach avait

évolué sans son cortège de douleurs habituel; quant

à l'anesthésie, elle serait surtout sous la dépendance

de la lésion des cornes postérieures de la substance

grise. Or, comme ces cornes n'étaient pas lésées, il est

naturel qu'on n'ait pas constaté de perte de la sen-

sibilité.

Quoi qu'il en soit, ce que nous tenons à faire res-

sortir, c'est que dans le cas de Pick et Kahler, bien

84 PATHOLOGIE NERVEUSE.

qu'il existàt une dégénérescence scléreuse du cordon

latéral dans toute l'étendue de la moelle, il yavait aboli-

tion de la motilité des membres inférieurs sans contrac-

ture, sans rigidité des muscles, et absence de réflexes

rotuliens. Il est vraisemblable qu'il faut chercher la

raison d'être de cette symptomatologie anormale dans

le développement considérable de la sclérose posté-

rieure.

On voit, par ce qui précède, qu'on ne saurait éta-

blir de loi uniforme au sujet du tableau clinique que

présentent des scléroses diffusées aux deux cordons

de la moelle. L'antagonisme qui existe entre certains

des symtômes de la sclérose latérale et certains de

ceux de la sclérose postérieure, nous paraît se résou-

dre de la façon que voici : l'avantage est à la lésion

prédominante. Si la sclérose postérieure occupe toute

la hauteur de la moelle, l'abolition des réflexes est la

règle et les membres ordinairement flasques ou peu

contractures; si, au contraire, cette sclérose laisse

intacte une bonne partie des cordons postérieurs, la

sclérose latérale reconquiert tous ses droits. Cette

opinion est à peu près celle qu'a formulée Westphal.

« Lorsqu'il existe, dit cet auteur, une affection com-

binée des cordons postérieurs et latéraux, il ne sur-

vient ni rigidité musculaire ni contracture, si l'affec-

tion des cordons postérieurs s'étend jusqu'au renfle-

ment lombaire et si les zones radiculaires de ces

parties sont intéressées par la dégénération » u

1 La question à laquelle nous venons de toucher a été étudiée, assez

au long et à un point du vue un peu moins restreint que celui auquel

nous devions nous placer ici, par M. nebovo. (De l'hémiplégie des

ataxiques, in Progrès médical, 188t, iioi 52 et 53.) Nous renvoyons à cet

intéressant tiavail.

FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 85

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE 1

Fig. 1. Coupe de la moelle au niveau de la partie supérieure du

cône médullaire.

Fig. '-). - Coupe transversale à la partie inférieure de la région

lombaire.

a, Prolongement scléreux émané de la pie-mère

Fig. 3. - Coupe transversale à la partie moyenne de la région lombaire.

a, Prolongement scléreux émané de la pie-mère.

Fig. 4, 5, 6. - Coupes transversales de la région dorsale.

pLANcnJ : (1 1

Fig 7, 8. - Coupe de la région dorsale.

a, Sclérose latérale.

b, Sclérose du faisceau de Burdach.

Fig. 9. Coupe de la région dorsale. Nombreux vaisseaux coupés

trans\ersalemen.t.

Fig. 10. Coupe transversale de la région cervicale inférieure.

Fig. il, 12. - Coupes transversales de la moelle aux parties moyennes.

a, Sclérose latérale.

b, Sclérose du cordon de Goll.

PLANCHE 111 .

Fig. 13. Moitié droite d'une coupe de la moelle il la région cervi-

cale inférieure.

a, Artère. Nombreux noyaux dans la paroi de l'artère et dans la gaine

lymphatique.

Fig. l ? Coupe verticale de la région dorsale passant par le seg-

ment postérieur de la moelle.

a, Sclérose des cordons postérieurs.

G, Sclérose du cordon latéral.

c, Corne postérieurr.

Fig. 13. -Tube nerveux surune coupe IoniVulinale. Tulie variqueux.

Frr. 1G. - A, coupe d'un cordon latéral atteint de dégénérescence

secondaire.

Il, Coupe du cordon latéral dans notre cas.

a, Tube nerveux avec cylindre-axe; hypertrophie.

6,Tubenerveuxdi)ateet\'K)e.

RECUEIL DE FAITS

NOUVELLE OBSERVATION D'IIYSTL : RO-1 ? PILEPSIE CHEZ UN

JEUNE GARÇON; GUERISON PAR L'HYDROTHÉRAPIE; par

BOU1LNE'ILLE et BO ? NAIItE.

Depuis quelques années, l'hystérie chez l'homme a été l'objet

de plusieurs publications intéressantes et, de plus, les recueils

périodiques ont enregistré un certain nombre d'observations

curieuses à plus d'un titre. Personnellement, nous avons eu

l'occasion d'observer une dizaine de cas d'hystérie plus ou

moins graves chez des hommes ou chez de jeunes garçons.

Déjà trois d'entre eux, relatifs à des enfants, ont été pu-

bliés'. Celui qui va suivre, de même que les précédents,

confirme la ressemblance symptomatologique que nous avons

été l'un des premiers à établir, entre l'hystérie de la femme

et celle de l'homme.

Observation. - Père alcoolique. - Deux soeurs mortes de convul-

sions. Une soeur hystérique et syndactyle. - Teigne. - Syndactu-

lie. - Début de l'hystéro- épilepsie ci douze ans; cause. - Description

de l'aura et des attaques. - Vertiges hystériques et attaques syncopales.

Variétés, attitude du crucifiement. Contorsions. Translation.

- Arc de cercle, etc. - Compression testiculaire. Etat de la sensi-

bilité. - Zones hystérogènes. Action des aimants, des métaux. -

Hypnotisme. Somnambulisme. - Développement physique intellec-

tuel. Traitement par l'hydrothérapie; guél'Ùon, - Etat du malade

depuis sa sortie.

Bucli... (Jean), âgé de treize ans, est entré à l'hospice de Bicêtrc

(service de M. BouRNEVtLLE) le 9 octobre 1880.

1 P,'og,'ès médical, 1880, p. 949; Ibid., 1882, p. 6'.3; Ibid., 1883,

et Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et

l'idiotie, par Bourneville et d'Olier, 1880, p. 30; Ibid., par BOlll'1Je-

ville, Bonnaire et Winllamié, 1881, p. 51.

de L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 87

Antécédents. (Renseignements fournis par sa mére). (25 octobre 4 880).

Pére, cinquante-sept ans, briquetier. C'est ,un homme de taille

moyenne dont la santé a toujours été bonne. Excès de boisson envi-

ron deux fois par mois. [Père, mort à soixante-six ans, mère, morte

à soixante-sept ans, on ne sait de quoi. Deux frères bien portants ;

l'un a cinq enfants en bonne santé. Deux soeurs dont l'une a cinq

enfants et l'autre deux, sans affections nerveuses. Pas de névro-

pathes, de difformes, de suicides, etc., dans la famille.

Mère, cinquante-six ans, de taille moyenne et d'une intelligence

ordinaire. Elle ne présente ni troubles nerveux, ni affections cons-

titutionnelles ; elle est atteinte d'un prolapsus utérin qui date de la

naissance de notre malade. [Père, mort d'une fluxion de poitrine ;

mère morte d'une hydropisie ; un frère a trois enfants; une soeur en

a deux; tous sont bien portants. Pas d'affections nerveuses dans la

famille]. -Pas de consanguinité.

Six enfants : Il une fille, morte à douze ans de fièvre typhoïde :

elle était intelligente et n'avait pas eu d'accidents nerveux; -

2° une fille, mort-née par strangulation (circulaires du cordon) ; -

3° une fille, morte de convulsions à treize mois; 4° une fille, morte

de convulsions à un mois; 5° une fille, âgée de quinze ans, qui

paraît assez intelligente et qui n'a pas eu de convulsions infantiles;

la parole présente chez elle, comme caractère particulier, un zézaie-

ment très prononcé. Cette jeune fille est hystérique; elle a éprouvé

une première crise nerveuse, à de quatorze ans, et, pendant

l'année qui vient de s'écouler, elle a eu dix ou onze attaques; rémis-

sion depuis quatre ou cinq mois. Les crises survenaient à l'époque

des règles, dès le premier jour de l'écoulement ; la jeune fille n'a-

vait pas la sensation de boule, mais « elle sentait le sang lui mon-

ter à la tête»; elle avait le temps de prévenir ses amies de l'appro-

che de la crise, et, une fois celle-ci terminée, elle pleurait et souf-

frait de douleurs abdominales. Ouvrière en chaussures, elle travail-

lait chez une femme qui la maltraitait, en même temps que son

zézaiement l'exposait aux taquineries de ses camarades d'atelier.

Notre malade. - Grossesse bonne; accouchement à terme, sans dif-

ficulté, en cinq minutes. L'enfant fut élevé au biberon par sa mère,

marcha à dix mois et demi, fut propre avant un an et n'eut pas de

convulsions. De trois à quatre ans, teigne traitée à l'hôpital Saint-

Louis. Depuis, l3uch... a eu une éruption eczémateuse à la jambe, qui

a subi des variations d'intensité, mais a toujours persisté.

Le début de l'hystérie remonte, chez notre malade, à l'âge de douze

ans et demi et a eu pour cause prochaine une peur violente : Reve-

nant de son travail, la nuit, alois qu'il montait l'escalier de sa mai-

son, il fut accosté par un homme ivre qui le menaça de l'assassiner

s'ii tentait de rentrer chez lui. 11 s'enfuit, terrifié, en appelant sa

mère à son secours. Un mois après, sans avoir rien présenté d'extra-

88 RECUEIL DE FAITS.

ordinaire dans l'intervalle, il fut pris de sa première attaque pendant

son travail habituel, dans une verrerie; la seconde survint le len-

demain, puis deux autres dans la quinzaine qui suivit. Enfin, du-

rant le mois de mai 1880, il y eut une série de trois ou quatre crises

consécutives dans un laps de six heures. L'enfant abandonna à

ce moment sa profession de verrier pour embrasser celle de chau-

dronnier ; il ne put rester que deux ou trois jours dans son nouvel

atelier et en fut renvoyé à la suite d'une attaque. Du mois de mai

au mois d'août, les crises furent très fréquentes, presque quoti-

diennes et quelquefois multiples dans une même journée. En août,

il y eut une rémission de treize jours.

D'après les renseignements fourmsparla mère de B..., voici quels

auraient élé les principaux caractères des crises observées par elle

avant l'admission il l'hospice. Les attaques étaient toujours diur-

nes, survenaient sans aura, ni cri initial, elles se caractérisaient

par de la rigidité généralisée, sans secousses, sans stertor ni appa-

rition d'écume sanglante on non aux lèvres. Elles ne s'accompa-

gnaient jamais d'évacuations involontaires et n'étaient pas subies

de somnolence.

Le caractère de l'enfant est doux d'habitude : jamais il ne se met

en colère ni ne se livre à des actes de violence; il n'a non plus au-

cun mauvais penchant et se montre affectueux. La mémoire semble

avoir diminué depuis le début de l'affection ( ? ). Le sommeil est facile,

calme, et n'est pas interrompu par des terreurs nocturnes. Il en a

toujours été de même avant comme pendant le cours delà maladie.

L'en fantserait devenu peureux depuis son séjoui-àl'asile Sainte-aune.

1880. ? f> octobre. Examen physique. Dans son ensemble, le corps

est régulièrement conformé. La tête est assez développée, sans

prédominance de la région occipitale; le front est saillant, élevé,

avec des dépressions sus-sourcilières assez marquées ; les bosses

frontale droite et pariétale gauche sont plus accusées que leurs

homologues. La moitié gauche de la face parait moins développée

que la moitié droite; la bouche est de moyenne grandeur avec des

lèvres épaisses. Les arcades dentaires sont régulièrement rangées :

on remarque toutefois un développement en largeur exagéré des

incisives supérieures médianes. Le voile du palais et la voûte

palatine sont symétriques; cette dernière est ogivale et pro-

fonde. Les oreilles, très développées, présentent un bourrelet

épais et ont le lohule adhérent. Le ne ? est aquilin. Les membres

supérieurs sont régulièrement conformés. Le pied gauche présente

une mal-formation congénitale qui exisle également chez la soeur

de notre malade atteinte de la même névrose; on l'avait constatée

aussi chez une autre soeur, morte à treize mois; celte malformation

consiste en une syndactylie des 4° et .'i0 orteils gauches. Le doigt

unique, ainsi formé, est large de deux centimètres et se termine

par un seul ongle, offrant un sillon médian, indice de la réunion

DE 1.'HI'STERO-EPIL1PSIE. 8 ! )

anormale. On ne sent au palper de l'orteil qu'une seule première

phalange; on ne peut se rendre compte s'il en est de même pour

la phalangine et la phalangette.

La peau est blanche, fine, pigmentée de taches de rousseur au

visage et au cou. - Les cheveux et les sourcils sont roux et abon-

dants; le pénil est déjà recouvert de quelques poils qui n'existent

pas ailleurs.

Les fonctions digestives sont régulières et l'appétit est bon; tou-

tefois le malade présente une appétence prononcée par les ali-

ments épicés. - Les fonctions respiratoires et circulatoires sont nor-

males. -Les organes génitaux sont bien conformés; l'enfant avoue

des habitudes d'onanisme assez fréquentes.

La sensibilité cutanée est parfaite. Lessens spéciaux ne présentent

que quelques particularités peu importantes : l'ouïe serait plus

fine du côté droit tandis que l'olfaction semble plus développée de

la narine gauche. La vue est bonne; on note parfois un léger de-

gré de diplopie au moment des attaques. Pour ce qui est de ]'('tat

intellectuel, il est moyennement développé; l'enfant sait lire et

écrire couramment, etc. (Voir p. 9G, etc.)

Description des attaques. La grande variété que nous avons

observée dans les attaques de notre malade, dépendant de la durée

et de la violence des phénomènes nerveux, ou de la prédominance

de certains symptômes, ne nous permet pas de les décrire sous un

type uniforme, et nous ne pouvons que rapporter in extenso la des-

cription de quelques-unes des crises auxquelles nous avons assisté.

Au dire de l'infirmier chargé de la surveillance, l'enfant aurait eu,

au début de son séjour à 131cûLre, de très fréquents vertiges : « Il se

laissait, dit-il, aller tout à coup en arrière et on aurait dit

qu'il était mort » ; il revenait à lui au bout de quelques secondes,

sans a\oir de convulsions et continuait son travail, comme si rien

d'anormal n'était survenu.

1881. H janvier. - L'enfant étant à la classe assis et occupé

à écrire est pris subitement d'une attaque : il rejette brusquement

son cahier et agite les bras en tous sens en repoussant les objets

qu'il rencontre dans ses mouvements. Le tronc resle immobile, les

paupières sont ouvertes, les pupilles légèrement dilatées, le re-

gard fixe; le visage est pâle et ne présente pas de grimaces convul-

sives. Pendant environ une minute, l'attitude reste la même et les

mouvements de circumduction des bras continuent avec prédomi-

nance du côté gauche. Lorsque l'enfant revient à lui, il est d'abord

héritant et semble ne pas savoir où il se trouve, et, quand la con-

naissance est totalement rétablie, il ignore ce qui s'est passé : il

s'agit là d'une attaque avortée, comparable à un vertige.

14 janvier. - Nous sommes témoins, à la classe, d'une aulre

attaque : le malade pousse un cri, on l'enlève de son banc et on

l'étend sur le sol non sans quelques difficultés, par suite des cou-

90 RECUEIL DE FAITS.

vulsions dont il est agité : les membres s'étendent et se fléchissent

alternativement avec violence, tandis que le corps se tortille en

tous sens il terre; au bout d'un instant, survient une rigidité absolue :

la tête est fortement étendue en opisthotonos. les membres infé-

rieurs se maintiennent en extension, tandis que les bras prennent

l'attitude du crucifiement avec les poings fermés, les pouces en

dehors. Celte phase de tétanisme dure environ 13 secondes; au

bout de ce temps, l'enfant ouvre les yeux et prononce plusieurs

fois de suite les syllabes ce tata... tata... ». Il se relève ensuite,

ajuste ses vêtements et regarde les assistants d'un air surpris en

murmurant toujours « tata... tata... ». Un instant après, il a com-

plètement repris ses sens et se remet au travail. Cinq minutes

s'écoulent, au bout desquelles il est de nouveau interrompu dans

son occupation par un vertige analogue à celui que nous avons dé-

crit à la date du 1 janvier, accompagné de grands mouvements de

circumduction des bras et des jambes et qui se termine de même.

23 janvier. A cinq heures et demie du soir, au moment où

l'un de nous entrait à l'infirmerie, il voit l'enfant chanceler et

tomber lourdement, soutenu par d'autres malades, sans pousser

un cri : étendu à terre sur le dos, il est pris aussitôt de con-

vulsions cloniques : le coips se déplace en cercle autour d'un

pivot formé par les deux épaules fixées au sol. Cette locomo-

tion circulaire dure environ 13 secondes et cesse pour faire place

à des mouvements de projection du bassin sur place. Ceux-ci vont

en diminuant de violence et d'amplitude jusqu'à ce que le corps

tombe immobile et se fixe en contraction. Les bras se mettent en

croix; les jambes sont en extension; les pieds croisés. (Altitude du

crucifiement). Les mains se fléchissent fortement sur les avant-bras

et les poings se ferment, les pouces en dehors. Bientôt, à la cun-

tracture des membres, succède une trémitlation convulsive et, peu

d'instants après, l'enfant se relève de lui-même : il reste debout

quelques secondes, sans mot dire ni prêter attention au\ questions

qu'on lui adresse; puis il fait quelques pas, titubant et chancelant

de côté, pour venir s'appuyer au rebord d'une table ; il est pris, dans

cette position, d'une nouvelle crise.

Elle débute par de grands mouvements des bras et des jambes;

l'enfant tombe. Les convulsions reparaissent alors sous forme d'une

trépidation dont les oscillations vont en augmentant d'amplitude

jusqu'à dépasser en violence celle de la phase initiale. Le malade

embrasse fortement la jambe d'un assistant et s'en sert comme de

pivot pour projeter lourdement et dans tous les sens ses membres

inférieurs . En même temps que ces phénomènes, il présente de la

rougeur de la face et son visage prend un aspect grimaçant consis-

tant surtout en une sorte de moue due à la projection des lèvres.

Les pupilles sont modérément dilatées et ne se conUact.cnt pas à

l'approche d'une lumière.

DE L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 91 1

A cette phase clonique succède, comme tout à l'heure, la rigidité

tonique; le corps entre en extension forcée, de façon à ne reposer

que sur les talons et l'occiput et à former un arc de cercle qui dure

à peine une seconde. Le tronc retombe à plat, les bras se portent

aussitôt dans l'attitude du crucifiement, tandis que les membres in-

férieurs se mettent dans un étatd'extension telle qu'ils ne touchent

plus le sol et que les talons restent une ou deux secondes élevés à

environ 30 centimètres du sol. Comme complément de cette atti-

tude, nous notons l'inflexion de la tète sur l'épaule droite.

Période de délire. - L'atlaque dure depuis une minute environ,

lorsque se produit une véritable détente. L'enfaut se couche sur le

côté gauche, puis se relève aussitôt et reste debout, immobile,

pendant deux secondes; son visage revêt une expression de fureur

concentrée ; il s'avance vers un infirmier en disant d'une voix me-

naçante : « Ah ! tu veux toi... » et se jette sur lui en le frappant.

Bien que très robuste, cet homme a peine à maintenir l'enfant qui

se débat pendant quelques instants. L'attaque enfin cesse subi-

tement : le malade annonce que « c'est fini » et qu'il n'a qu'un

peu de céphalalgie.

Interrogé sur les sensations qu'il a éprouvées au début de la

crise, il raconte qu'elle s'est annoncée par une sorte de chatouille-

ment qui s'est manifesté au niveau de l'ombilic et qui est remonté

il travers la poitrine pour venir se transformer au cou en une sen-

sation d'étouffement : c'est à ce moment qu'il a perdu connais-

sance.

23 janvier. Autre attaque. L'enfant tombe sans pousser de

cri.Lesbrasse mettent en extension ets'élèventperpendiculairement

au tronc; on note cinq secousses tétaniformes rapides, suivies de

rougeur à la face et de quelques convulsions clomques. Après un

premier répit de courte durée, apparaissent de grands mou-

vements des membres et des tortillements du tronc.

Nouveau repos et, à la suite, réapparition des mouvements de

translation au cours desquels l'enfant se glisse sous un lit.

1 cr féerier. - Attaque épileptoide. Pendant qu'on pratique l'exa-

men physique du malade, assis sur son lit, on voit ses jeux se con-

vulser en haut et il cesse aussitôt de répondre au\' questions qu'on

lui pose; le corps devient riside, les paupières restent immobiles;

les pupilles se dilatent, la face rougit peu à peu, à mesure que la

respiration se suspend. Les bras s'étendent roides, un peu soulel és

au-dessus du lit; la main gauche est en griffe et la main droite se

ferme, le pouce eu dehors. Les membres inférieurs sont rigides,

en extension (phase tonique). Au bout de quelques secondes sur-

viennent des secousses tétaniformes. avec clignotement spasmodiqur

des paupières (phase tétaniforme) et, après quelques convulsions clo-

niques (phase clonique), apparaît la résolution musculaire, accom-

pagnée de stertor et de production d'écume buccale non sanguino-

92 recueil DE faits.

lente (phase de stertor). Cet ensemble de phénomènes constitue un

type de la période épileptoide de la grande attaque.

Pendant ce temps, on a pratiqué une compression modérée des

testicules, comme moyen abortif de l'attaque, mais on n'a pas

constaté de résultats appréciables. Après quelques minutes de

rémission, le tétanisme se reproduit et détermine une incurvation

du corps en arc de cercle, assez prononcé pour permettre de passer

deux poings superposés sous l'ensellure lombaire. Cet état, qui

constitue la seconde période de la grande attaque, dure une minute,

puis l'enfant s'assied, regarde les assistants d'un oeil étonné,

cherche il les écarter de la main et se recouche en se cachant dans

ses draps. Quelques instants après, reparaissent quelques convul-

sions épileptoldes et l'attaque se termine. - La troisième pé-

riode de la grande attaque, celle de délire, a donc fait défaut.

Le malade revient à lui et se plaint d'une sensation de boule

qui l'étreint à la gorge.

9 février. L'enfant est pris d'une attaque dans laquelle on

note, comme particularités : l'altitude du ci-zicifiemei2t; l'arc de

cercle très prononcé pendant environ une minute; quelques vagues

abdominales après la fin de la première période ; enfin, desmoff-

vements de projection du bassin, et une dyspnée intense. La com-

pression testiculaire ne produit aucun effet ; la pression sur les fosses

iliaques donne un résultat très douteux.

G avril. liucli... demande avec instance à prendre des

douches et, comme on lui oppose un refus à cause de l'évolution

du vaccin qu'on lui a inoculé récemment, il est aussitôt pris d'une

attaque; celle-ci est analogue à quelques-unes des précédentes;

e//e se réduit à la période épileptoide avec prédominance du téta-

nisme et prend fin, sans stertor, par des soupirs et par quelques

mouvements de- déglutition, suivis de sommeil.

f 1 juillet. - A l'occasion d'une contrariété insignifiante, le refus

de lui donner des douches, l'enfant tombe en attaque. On observe

la période épiieptoide avec rigidité Ionique, convulsions cloni-

ques et apparition d'écume salivaire aux lèvres. La compression dps

zones hystérogézzes (voir plus loin) ne donne aucun résultat. Après

une phase de résolution musculaire de quelques instants, le malade

se relève sur son séant, se frotte les yeux et se met à exécuter sur

place des mouvements de circumduction des membres inférieurs ;

sur l'ordre qu'on lui intime de se relever, il se dirige en se

traînant sur les mains et les fesses, suivant une longueur de trois

il quatre mètres, vers une porte dont il se sert comme de support

pour se mettre sur pied. Revenu à lui, il redemande à prendre des

douches et, sur un nouveau refus, retombe en attaque : la période

épileptoïde se déroule dans toutes ses phases jusqu'à celle de réso-

lution musculaire inclusivement; après deux ou trois minutes

d'immobilité, survient un accès de toux gutturale, accompagné de

de L'HYSTÉRO-ÉPII,EP8JE. 9 : ;

cyanose de la face, avec efforts de vomissements. Ce» phénomènes

durent peu, et, à la suite, le malade s'assied sur son séant et

recommence les mouvements de ci2-(;ziiiidtictioîz et de translation de

l'attaque précédente.

Examen de la sensibilité. - A aucune période de la maladie, en

dehors des attaques et de l'état d'hypnotisme, nous n'avons

observé de troubles de la sensibilité générale chez notre malade

et, de même qu'il n'y a jamais eu d'anesthésie, jamais nous n'avons

constaté de paralysie. Toutefois, à différentes reprises et pendant

toute la durée du séjour a l'hospice, nous nous sommes assurés de

l'existence d'un certain nombre de points, douloureux à la pression,

analogues aux zones hystérogènes qui existent chez les femmes

hystériques, avec cette différence que, dans le cas actuel, il aura

toujours été impossible en comprimant de provoquer ou d'arrêter

les attaques. Ces points hyperesthésiques ont été rencontrés

dans les régions suivantes :

1° Une surface de l'étendue d'une pièce de cinq francs, sise à

deux centimètres du vertex et empiétant à gauche de la ligne

médiane; la pression et le passage du peigne sont douloureux en

ce point (clou hystérique), mais ne déterminent pas d'irradiations.

Il paraît cependant, qu'à la suite d'un coup de règle appliqué par

un camarade et reçu sur le vertex, l'enfant serait tombé en atta-

que; 2° au niveau des gouttières des 4°, 5e et 6° vertèbres dor-

sales, avec prédominance à gauche (7ttchiÉilqie), la douleur est par-

fois spontanée dans cette région; toujours elle est déterminée par

la pression, mais il n'y a ni irradiation, ni troubles hyperesthé-

siques ou vaso-moteurs de la peau; 3° et 4° deux zones symé-

triques au niveau du deuxième espace intercostal, de chaque côté

du sternum ; - 51 un point sensible au-dessus du mamelon droit;

60 et 7° deux zones douloureuses symétriques, au niveau des

flancs, dont la pression s'accompagne d'anxiété respiratoire; -

8° et 9" deux régions situées à 3 centimètres de l'épine iliaque, en

deux points correspondant au siège de l'ovaire chez la femme ; à

cet endroit la pression du doigt est péniblement supportée et déter-

mine une sorte d'étouffement qui serait susceptible, au dire du

malade, d'aboutir à une attaque, si on la prolongeait.

Aura. Interrogé de nouveau sur ce point, l'enfant nous a

fourni des renseignements qui peuvent se résumer ainsi : dans

certains cas, les phénomènes prémonitoires de l'attaque consistent

en une sensation douloureuse, dirigée d'une zone iliaque à l'autre

et produisant, d'après le malade, l'effet « d'un chemin de fer qui

passe ». Le plus souvent, comme nous l'avons rapporté plus haut,

l'aura débute par une sensation de boule qui nait au-dessous de

l'omhilic « semblable à une grosse bille » et qui remonte à l'épi-

gastre. De là, tantôt elle se porte jusqu'au cou et y détermine un

J4 le recueil DE faits.

étoulfrment. En même temps le malade voit trouble; il entend

des «ding... ding... ding... » et éprouve des douleurs à la région

tempolale, le tout avec prédominance du côté gauche. L'attaque

suit immédiatement l'apparition de cet ensemble de phénomènes.

- D'autres fois. parvenue à l'épigastre, celte sensation de boule re-

descend vers le pubis, disparait, et, en ce cas, la crise avorte.

jU« ? f;<t6HMMM<') ? -fdtHoscopM. Nous nous sommes enquis, à

maintes reprises, le l'intégrité de la sensibilité chez notre malade,

et nous avons tenté de la modifier par différents moyens. C'est

ainsi que nous avons soumis l'enfant à l'action de deux forts

aimants que nous avons laissés en place, près de la peau et à la

hauteur du bassin, durant plus d'une heure; le malade nous a dit

avoir ressenti pendant ce temps comme des bouffées de vent

dirigées du tronc vers les extrémités inférieures, mais la sensibilité

ne s'est on rien modifiée. Bien qu'il ne fût pas anesthésié, nous

avons recherché si l'application de divers métaux sur les téguments

ne pourrait pas avoir quelque retentissement sur la sensibilité, et

il nous a semblé que, sous l'influence d'un bracelet de plaques de

cuivre, les sensations tactiles devenaient un peu émoussées. Le

malade percevait douloureusement la piqûre d'une épingle, mais

ne se rendait pas compte du frottement de la pointe sur les

téguments. Ce résultat, toutefois, nous a semblé assez peu net pour

que nous ne le rapportions que sous réserves.

Hypnotisme. Pour déterminer l'anesthésie, nousavonseu recours

d'autre part à l'hypnotisme et, par ce procédé, nous avons obtenu

les résultats les plus concluants. Dans de nombreuses expériences,

il nous a toujours été facile d'endormir notre malade soit au moyen

de la fixation des yeux par le regard, soit au ma) en de passes ma-

gnétiques, soit enfin en lui faisant regarder avec persistance un

objet brillant. Jamais, cependant, nous n'avons pu produire chez

lui l'état cataleptique, et c'est en vain que nous avons frappé ses

sens d'impressions vives et subites, tantôt en portant un coup brus-

que sur un gong placé près de son oreille à sou insu, tantôt en pro-

duisant inopinément devant ses yeux une flamme vive, celle que

détermine, par exemple, la poudre de lycopode projetée sur une

lampe à alcool. Non plus que l'état cataleptique d'emblée, nous

n'avons pu déterminer de véritable catalepsie au cours de l'hypno-

tisme, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par l'exposé qui suit de

quelques-unes de nos expérimentations.

Première expérience (21 avril 1881). - L'un de nous s'assied vis-à-

vis du malade et dirige fixement le regard sur ses yeux. Au u bout de

quelques minutes, on observe quelques battements des paupières

qui se ferment progressivement, en même temps que les yeux se

couvrent de larmes et se dirigent en haut. L'enfant est plongé dans

le sommeil hypnotique et, de ce moment, toute sensibilité dispuraît,

DE I,'HYSTÉH.O-ÉPILEPSOE. 95

La transfixion de la peau des avant-bras par une épingle et la pi-

qûre du visage n'amènent aucun mouvement réflexe. Il n'y a pas

d'hyperexcitabilité musculaire (tapotements des muscles et des

avant-bras, du biceps, du sterno-cléido-mastoïdien, etc.). On élève

le bras gauche et en même temps on entraîne la paupière du côté

correspondant, mais on n'obtient pas de catalepsie et le membre

retombe inerte. Après six minutes de sommeil hypnotique, le ma-

lade revient à lui sans conserver aucun souvenir de ce qui s'est dit

autour de lui et de ce qu'on lui a fait.

Deuxième expérience (23 avril). On endort le malade par la

fixation du regard, en·ix minutes. Les phénomènes qui annoncent

l'invasion et la cessation de l'hypnotisme sont les mêmes que précé-

demment. On incise une pustule d'acné pendant le sommeil anes-

tltésique, qui dure trois minutes. On recommence immédiatement

l'expérience et l'état hypnotique dure, cette fois, cinq minutes. La

sensibilité réparait immédiatement avec le réveil. Pendant l'expé-

rience, le pouls a battu 60 et les mouvements respiratoires ont été

de 20 à la minute.

Troisième expérience ( ? 9 avril). Le malade est endormi par le

regard en trois minutes; pendant le sommeil qui dure deux minu-

tes, on projette quelques gouttes d'eau sur la peau abdominale, et

ce contact détermine un mouvement spasmodique des muscles du

ventre; le réveil s'annonce par de profonds soupirs. A une seule

reprise, contact de l'eau froide sur bras y produit également des

spasmes musculaires.

Quatrième expérience (3 mai). - Le sommeil hypnotique est obtenu

en faisant fixer du recard une baguette de verre, pendant trois mi-

nutes. On ordonne à l'enfant de se lever et de marcher; bien que

ses jeux soient exactement clos, il suit avec précision et sans hési-

ter dans sa démarche l'expérimentateur qui l'a endormi, il évite ha-

bilement différents obstacles qu'on place devant ses pas. On fente,

d'autre part, de déterminer chez lui l'aphasie cataleptique, en lui

soulevant subitement l'une et l'autre paupières pendant qu'il compte

à haute voix. Cet essai demeure infructueux.

Cinquième expét icnce (i juillet). - L'enfant est mis en état d'hyp-

notisme au moyen de passes magnétiques; on parvient, par ce

procédé, à prolonger le sommeil pendant douze minutes, et on

constate les mêmes phénomènes que dans les expérimentations

précédentes. Les paupières étant fermées, on étend ou on élève les

bras, et ceux-ci conservent pendant un temps assez long la posi-

tion qu'on leur a imposée. L'enfant est assis sur le bord d'une

chaise, on soulève simultanément ses deux membres inférieurs, de

telle sorte que leur axe devienne presque perpendiculaire à celui

du tronc, et on les abandonne sans soutien dans cette position in-

supportable à l'état normal. Le malade reste néanmoins immobile,

96 recueil DE faits.

fixé dans cette position, et ce n'est qu'au bout de dix minutes que

les talons sontgraduellement descendus jusqu'h terre. On a élevé les

bras en même temps que les jambes, et on les a également main-

tenus en extension perpendiculaire à l'axe du tronc. Le réveil

s'annonce par quelques mouvements de déglutition, en même temps

que le visage se couvre de sueur. A la suite de celte expérience, plus

prolongée que de coutume, le malade reste quelques instants sans

revenir totalement à lui, et, au bout de deux minutes, il est pris

d'une attaque à forme épileptoïde.

18$. 1 juin. - On fait une dernière tentative d'hypnotisme. Le

malade est endormi par la fixation du regard avec un peu plus do

difficulté que par le passé et. pas plus qu'autrefois, on ne peut

obtenir de contracture artificielle. On fait marcher l'enfant, les

veux fermes, comme dans les expériences précédentes.

Le nombre des attaques, très considérable dans les premiers temps

du séjour à l'hospice, est allé en déclinant, surtout dans ! a der-

nière moitié de 1881, elle malade a pu sortir guéri en juin 1882.

Nous repiodliisoiis ci-contre, sous forme de tableau synoptique,'

l'ensemble des attaques qu'on a observées pendant le séjour à

l'hospice :

DE L'IIYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 97

La note du lor juillet 1881 dit : « L'écriture est nette et régulière;

sans faire de progrès sensible, l'enfant possède des notions d'arith-

métique assez étendues et fait exactement les problèmes d'ap-

plication ; il a de temps à autre des bizarreries de caractère ; son

instruction primaire est peut-être suffisante, mais la civilité fait

défaut ». En gymnastique, on constate, à la même date, beau-

coup de progrès.

13 décembre 1881. - Le malade est envoyé à l'atelier de serru-

rerie ; il s'y montre turbulent et difficile à maintenir au travail;

il ne pense qu'à jouer et « cherche à aller aux cabinets avec les

autres enfants ».

47 décembre.-« « Intelligence assez ouverte; caractère violent t

à la classe; il tient des propos inconvenants et obscènes et on a

peine à le maintenir. »

24 mai 1882. - « Lecture courante et assez expressive; l'enfant

comprend bien les problèmes; sa mémoire est bonne et il apprend

aisément l'histoire et la géographie; il se rend nettement compte

des démonstrations qu'on lui fait. En résumé, il se montre intelli-

gent, mais il est turbulent et d'un caractère difficile. »

Pendant son séjour à Bicètre, en dehors de la névrose qui l'y a

amené, l'enfant est généralement resté en bonne santé, à part

toutefois quelques accidents d'origine scrofuleuse : amygdalites,

impétigo du cuir chevelu et des oreilles, bronchites, eczéma des

jambes, etc. -

Le traitement général de l'hystéro-épilepsie que nous avons mis

en oeuvre a consisté en hydrothérapie (douches); en bromure d'ar-

senic administré, à diverses reprises, à la dose de deux à cinq cen-

tigrammes augmentant d'un centigramme tous les huit jours,

dirigé à la fois contre la névrose et les accidents cutanés; en sirop

d'iodure de fer, huile de foie de morue et vin de gentiane à cause

des manifestations scrofuleuses. Le malade s'est sérieusement dé-

veloppé sous le rapport physique, comme le démontrent les notes

suivantes :

98 RECUEIL DE FAITS.

en juillet et de deux dans le courant du mois d'août, toutes trois

très légères. Sa mère est contente de lui : « C'est un bon garçon,

dit-elle, il fait tout ce que je dis ». Il se montre très affectueux et

très complaisant et ne dispute pas ; enfin, s'il se met en colère, il

revient rapidement au calme. Son sommeil serait troublé par des

rêves fréquents, n'affectant pas le caractère de cauchemars, et

ayant trait à son travail : il cause parfois à haute voix pendant son

sommeil. Son occupation actuelle consiste à aider sa mère dans

les travaux du ménage. La sensibilité est parfaite, et les zones hysté-

ronènes ont disparu.-L'eczéma, en voie de guérison, est limité à

la jambe droite (licl. de Fowler; tisane de séné et pensée sauvage ;

bains d'amidon).

1883. 2 mai. B... n'a paseu d'attaques jusqu'au 6 de ce mois.

Ce jour-là, un ouvrier de son atelier, prétextant à tort que B...

avait battu son frère, s'est jeté sur lui à l'improvisle, et lui a donné

des coups sur la tête. Cette rixe a causé une vive émotion à B... ; sur

le moment, il n'a ni pleuré, ni tremblé; il s'est remis au travail,

mais au bout de dix minutes, durant lesquelles il assure n'avoir rien

éprouvé de particulier, il est tombé brusquement par terre, sans

connaissance, le corps tout roide. Presque aussitôt, il s'est relevé;

on lui a lotionné la figure avec de l'eau froide, et il a recommencé

à travailler. Depuis lors jusqu'à ce matin, il n'a pas eu de nou-

velles attaques. Son sommeil est tranquille. Deux ou trois fois par

mois, depuis la fin de 1882, il a des douleurs de tête, prédominant

au niveau du front ; la vue est brouillée. « Si, dit-il, je regarde le

soleil, je vois des boules de toutes les couleurs... Dès que j'ai vomi,

c'est passé. » Toutes les fonctions sont normales; il ne présente

aucun trouble de la sensibilité générale et spéciale.

Sa mère est toujours satisfaite de sa conduite. Il travaille bien

(cartonmer), gagne 3 fr. 85 par jour, rapporte tout son gain à la

maison. Il fait partie delà Société des clairons de Pantin.

29 octobre. B... a eu une attyzce le 21. La veille, il a eu une

peur occasionnée par la chute d'un monte-charge. La crise n'a duré

que deux minutes, et il s'est remis aussitôt à son travail. Les mi-

graines persistent et reviennent chaque mois.

I. Nous n'avons rien à relever dans les antécédents hérédi-

taires, à l'exception des excès alcooliques du père qui sont pro-

bablement plus fréquents qu'on ne nous l'a dit; il n'est pas

rare, en effet, que les mères de nos malades, ouvrières, femmes

d'ouvriers, déclarent que leurs maris « boivent comme tout le

monde», ou même sont sobres quandil ne leur arrive derentrer

ivres qu'assez rarement et alors ne se montrent pas violents

envers elles : il y a là une sorte d'indulgence singulière. A l'ap-

DE L'HYSTÉRO-ÉPIJ,EPS1E. 99

pui de notre hypothèse, nous rappellerons que deux soeurs du

malade sont mortes de convulsions; qu'une autre est atteinte

de zézaiement et d'hystérie; que le malade ainsi que deux de

ses soeurs offrent une malformation des orteils : la syndactylie.

Ajoutons encore que Buch... offre une asymétrie du crâne et

de la face et notons, en passant, que, s'il est hystérique, il

n'est pas épileptique.

IL 11 hystérie a débuté à douze ans et demi, à la suite d'une

vive frayeur; c'est la cause occasionnelle la plus ordinaire.

III. Les attaques, annoncées en général par une aura, revê-

taient des aspects divers. a) En premier lieu, la forme syncopale,

consignée si fréquemment chez les hystériques de nos jours,

chez les hystériques démoniaques ou extatiques d'autrefois. 1

b) La forme vertigineuse se présentait ici avec des caractères

ressemblant beaucoup à ceux des vertiges épileptiques. C'est

là une des manifestations les plus curieuses et les moins bien

étudiées de l'hystérie. L'un de nous en a donné de nombreuses

descriptions, mais il reste à faire un tableau d'ensemble. Cer-

taines hystériques, par exemple Geneviève 13...', ont, à cer-

taines époques, durant plusieurs semaines, de nombreux ver-

tiges. Tant que celle-ci était sous le coup de ses vertiges, son

intelligence semblait diminuée; la physionomie exprimait un

certain degré d'hébétude; les forces physiques paraissaient af-

faiblies et on notait un amaigrissement assez prononcé. Mais

dès que les vertiges cessaient, la malade revenait à son état

intellectuel antérieur. Si l'on en jugeait d'après les cas, encure

trop peu nombreux, que nous avons observés, il y aurait donc

une différence notable entre les accidents vertigineux des hys-

tériques et les vertiges épileptiques qui, comme on le sait,

ont une action si redoutable sur les facultés intellectuelles.

c) Quant aux grandes attaques, elles ont été souvent incom-

plètes ; mais, si l'on fait la synthèse des attaques observées à di-

verses époques, on y retrouve les périodes classiques : 1 la pé-

riode épileptoide le plus souvent était très courte; parfois elle s'est

offerte avec les phases ordinaires (tonique, tétaniforme, clo-

nique, stertor), par exemple le leu février 1881; - 20 la pé-

l'iode clonique se compliquait de mouvements de circumduc-

tion, de translation, de projection du bassin, et on notait des

1 Voir Bourneville et P. Regnnrd. Iconographie photographique de

la Salpétrière, t. 1, p. 49, et t. Il, p. 202.

100 RECUEIL DE FAITS. - DE L'HYSTÉRO-ÙPILEPSIE.

vagues abdominales, au moment des rémissions1; - 3° l'atti-

tude du c1'ucifiement2 qui était très commune, l'arc de cercle

qui était très accusé, constituent encore de nouvelles analogies

avec les attaques hystériques de la femme; 4° la période de

délire était tout à fait passagère et avait un caractère spécial

de violence. -

IV. Signalons encore les accès de toux gutturale, les zones hys-

térogènes à l'état rudimentaire; l'inefficacité de la compression

de ces zones ou de la compression des testicules sur la production

ou l'arrêt des attaques; l'absence de troubles de la sensibilité.

V. Les expériences instituées pour produire l'hypnotisme

ont montré que les effets obtenus, complets en ce qui concerne

la période de résolution musculaire, d'insensibilité absolue,

ainsi que le démontre l'incision d'une grosse pustule d'acné,

étaient incomplets en ce sens que nous n'avons jamais pu dé-

terminer de catalepsie, ni d'aphasie cataleptique. Le somnambu-

lisme nous a paru incontestable chez ce malade. Inutile de dire

que, dans ces expériences, toutes les précautions possibles ont

été prises pour déjouer toute supercherie de la part du malade.

VI. De même que dans les trois cas que nous avons publiés

autrefois, c'est à l'hydrothérapie que nous devons la disparition

des attaques de notre malade. 11 est sorti alors qu'il n'avait

plus de crises depuis quatre mois. Et, depuis cette époque, il

n'a eu que des accidents très légers, occasionnés par des émo-

tions vives et à des intervalles très éloignés. Il ne présente au-

cun signe permanent de l'hystérie; son développement phy-

sique s'est fait d'une façon régulière, son caractère est devenu

plus égal et ses facultés intellectuelles suivent leur évolution

normale.

1 Ces mouvements, qui transportaient violemment et avec rapidité les

malades, avec projections des membres de côté et d'autre, étaient fré-

quents chez les possédées d'autrefois et donnaient lieu à des scènes

tantôt comiques, tantôt scandaleuses. Un de nos jeunes malades, durant

la période clonique, exécute des mouvements de translation circulaire,

ayant la tête pour centre, et l'accompagnant de mouvements extrêmes

de flexion et d'extension des membres inférieurs qui frappent bruyam-

ment le parquet.

- Dans le Procès-verbal fait pour délivrer une fille possédée du malin

esprit il Louviers (1301), qui forme le second volume de la Bibliothèque

diabolique, il est dit que Françoise « estoit tombée à terre sur son doz

toute de son long, ayant les deux bras estendus en croix » (p. 25-30).

REVUE CRITIQUE

DU MÉRYCISME1;

Par BOURNEVILLE et SÉGLAS.

TV. DU MÉRYCISME CHEZ LES IDIOTS ET LES ALIÉNÉS. (Suite).

Les considérations qui précèdent nous montrent, en somme,

qu'on peut distinguer dans l'acte de la rumination deux pé-

riodes : dans la première, tous les phénomènes sont plus

accusés, contractions abdominales, éructations, mastication;

le nombre des régurgitations est plus grand, leur intervalle

très court. A ce moment, les aliments reviennent intacts. Dans

la seconde période, qui partirait du moment où les substances

qui remontent prennent l'aspect d'une pâte, les contractions,

les éructations sont à peine sensibles, les bouchées sont ava-

lées de suite presque sans mastication et ne reviennent plus

qu'à de longs intervalles.

L'espace de temps qui s'écoule entre le repas et la rumination,

la durée de celle-ci, le nombre des gorgées sont bien diffi-

ciles à déterminer d'une façon générale, car elles varient sui-

vant les sujets et même chez un seul sujet. L'apparition du

mérycisme qui se fait tantôt quelques minutes, tantôt une

heure après le repas, peut être retardée par la volonté, ou accé-

lérée par l'ingestion d'une grande quantité de liquides (ans. VI,

VII) ou même d'aliments solides flattant le goût du sujet. Cette

dernière cause peut influer aussi sur le nombre des gorgées, et

partant, sur ladurée de la rumination. (Obs. XXVIII et XXXII.)

Cette durée, qui est en moyenne de une heure ou deux, nous a

paru varier très peu suivant les repas, contrairement à ce que

Rossier avait observé chez son malade. (Ons. XXX.) En re-

'Voir le ne 16, p. 86, le no 17, p. 246, et le no 18, p. 376.

102 REVUE CRITIQUE.

vanche, elle peut être modifiée par la position que l'on donne

au sujet. La majorité des mérycoles ruminent debout ou assis;

si on les place dans le décubitus dorsal, on arrête momentané-

ment la rumination qui reprend plus tard, et l'on concoit que

la durée s'allonge en proportion. (OBs. XXII, XXVII, XXXIII.)

Il en est de même de l'influence de l'attention. Des causes

analogues peuvent produire un effet contraire. Ainsi chez

Juv ? les accès d'épilepsie abrégeaient toujours la durée de

la rumination qui cessait avec l'accès. Mais quelle que soit la du-

rée delà rumination, il est un fait constant, c'est l'absence de

dégoût et souvent même le plaisir qui l'accompagne. Ce point est

signalé dans toutes nos observations, sauf une seule. (Ons. XII.)

Il est encore une cause à laquelle Cambay attribuait une

grande influence sur la durée de la rumination, c'est la diges-

tiblhté des aliments. On est maintenant d'accord pour dire

qu'un aliment est plus digestihle qu'un autre, quand il cède ses

parties chymifiables plus promptement que cet autre, quel que

soit du reste le lieu où s'opère la dissolution, que ce soit

l'estomac ou l'intestin. Mais ce n'est pas absolument dans ce

sens que Cambay emploie le terme digestibilité, et il ne

l'apprécie que par le séjour plus ou moins long que l'aliment

fait dans l'estomac. Dès lors, les aliments dits lourds, ceux dont

le séjour dans l'estomac est plus long, seraient ruminés plus

souvent et plus longtemps que les aliments dits légers. Cela est,

en somme, très facile à comprendre et nous avons vu quelque

chose de semblable dans l'OBsERvATION Xll, où la majeure

partie des bouchées qui remontaient était formée de viande.

Les légumes étaient en très petite quantité. Quoi d'étonnant à

cela ? Nous savons, en effet, que si on donne à un animal, dans

un même repas, de la viande et des végétaux, l'estomac retient

la première et laisse passer les seconds dont il n'a que peu de

substances nutritives à extraire. Or, l'estomac étant le siège de

la rumination, on conçoit aisément que les matières, destinées

à subir plus longtemps la digestion stomacale, doivent chez un

mérycole revenir à la bouche plus longtemps et aussi plus

souvent. t.

Suivant Percy etLaurent, cette sélection des aliments s'expli-

querait par les mouvements péristaltiques de l'estomac, plus

sensibles sur certains points, et agissant sur les matières

qui correspondent à l'endroit où l'agitation est la plus marquée.

Cette explication nous parait une simple hypothèse et nous

DU MÉRYCISME. 103

préférons adopter la précédente, beaucoup plus physiologique.

C'est ainsi que nous pourrons nous expliquer comment les po-

tages liquides et les boissons sont toujours, chez nos malades,

ruminés dans un temps très court après l'ingestion et ne re-

viennent jamais après le repas. Ces substances, n'ayant besoin

que d'une digestion stomacale très courte, passent rapidement

dans l'intestin et, par suite, sont soustraites à l'action du mé-

rycisme.

Cependant, il est des cas très bizarres où ce sont ces subs-

tances seules qui sont ruminées. Nous avons vu souvent les

liquides en grande quantité favoriser la rumination, mais sans

être ruminés eux-mêmes ou ne l'être qu'après une ingestion

très copieuse. Nous avons signalé, d'un autre côté, des faits de

mérycisme partiel, par exemple, l'OBSERVATioN VII, où le vin, la

bière, le cidre, le jus des fruits, les médicaments ne remon-

taient jamais à la bouche. Nous allons maintenant rapporter

trois cas que nous avons observés à Bicètre ou le mérycisme ne

porte que sur les liquides sans qu'il soit besoin de les prendre en

grande quantité.

Observation XXXIII. - Idiotie, épilepsie. Tics, tournoiement,

mérycisme partiel (liquides). - Secousses : traitement par le curare.

- Obstruction du larynx par un morceau de viande : mort. -

Autopsie. - Vau... (Ernest-Joseph), né le 41 février 1872 à Paris,

est entré le 23 mai 1878 à Bicêtre (service de M. BouoNEmr.r.r).

Antécédents. Renseignements fournis par sa mère (16 août 1880).

Père : quarante-trois ans, petit, mais bien portant ; pas d'excès de

boisson, nerveux, impressionnable; pas de migraines, quelques

névralgies dentaires. [Père : pas d'excès alcooliques, ni d'affections

nerveuses. Mère : asthmatique, morte à soixante ans d'une

fièvre typhoïde; impressionnable, pas d'attaques de nerfs. - Un

frère est mort jeune, de convulsions. Pas d'aliénés, d'épilep-

tiques, de difformes].

Mère, quarante ans, petite, très nerveuse ; pas d'attaques de nerfs,

de migraines, de névralgies; pas de strabisme. Elle a eu pendant

deux mois, après sa quatrième couche, des idées tristes et de sui-

cide. Elle souffre de calculs biliaires. Intelligence ordinaire. -

[Père : mort phthisique à cinquante-trois ans, après avoir eu le

choléra; aucun excès. Mère : morte à soixante-deux ans d'un

cancer utérin. Un frère bien portant; un autre est mort tout

jeune de la cholérino et un troisième de la coqueluche; enfin une

soeur a succombé à une fièvre typhoïde. Pas d'accidents nerveux

dans la famille. Pas de mérycoles du côté du père ni de la

mère.] Pas de consanguinité.

104 REVUE CRITIQUE.

Six enfants : deux filles mortes de bronchite, l'une à sept mois

et demi, l'autre à dix-sept mois; pas de convulsions, bien con-

formées. Deux garçons jumeaux 1 : l'un est mort à trois jours de (,on-

vulsions, l'autre est notre malade. Un garçon, bien conformé.

mort à treize jours, sans convulsions, d'un « épanchement au

cerveau. » - Une fille de trois ans et demi, bien portante, intelli-

gente ; n'a pas eu de convulsions, est très peureuse.

Notre malade. Grossesse accidentée par une chute à cinq mois, et

une peur à sept mois et demi. - Accouchement à terme, facile.

Elevé au bibeion par sa mère jusqu'à trois ans. Dès la naissance,

on remarqua que « les yeux se tournaient » ; à deux mois, il a eu,

pendant vingt et un jours, des convulsions semblables à celles qu'il

a aujourd'hui et durant cinq à six heures par jour. A la suite, on

s'est aperçu qu'il avait une paralysie du côté gauche; on assure que

« les mouvements étaient pareils des deux côtés ». Le pouce gauche est

resté contracture dans la paume de la main, pendant six mois. Rien

de semblable à droite ; il ne s'est jamais servi du bras droit pendant

près d'un an. A partir de là, il a eu des crises quotidiennes,

la nuit et le jour. En 1876, il est resté six mois sans en avoir,

après avoir pris du bromure de potassium ; puis elles sont reve-

nues plus fortes.

V... a marché à quatre ans, tout d'un coup. Après ses accès, il

traînait la jambe gauche pendant une demi-heure. Il a parlé à

cinq ans, mais ne prononçait bien aucun mot; chantonnait les

airs qu'il entendait. Pas d'accidents scrofuleux, pas de maladies

antérieures.

Il ne portait attention à rien, n'a jamais rien appris, n'a jamais

su s'habiller, ni se déshabiller. Il avait de nombreux tics, faisait

continuellement des grimaces; très entêté, coléreux; pas gourmand

ni salace; ne suçait pas ses doigts, flairait toujours ce qu'on lui don-

nait et le rejetait si l'odeur ne lui plaisait pas; il affectionnait les

aliments solides. On prétend qu'il n'a jamais ruminé à la maison ( ? )

- Il n'a jamais été propre ; cependant il urinait seul dans une

terrine. Affectueux, reconnaît ses parents. Le nombre des accès

a été de vingt-neuf en 1879; trente-cinq en 1880; vingt-huit, en

1881 ; trois jusqu'en juillet 1882 ; jamais de vertiges. Rougeole en

janvier 1881 (V. Progrès médical, 1882, p. 720, et Bourneville et

l3onnaire, loc. cit., p. 105.)

Etat actuel (août 1882). - Tête régulière et symétrique, en forme

de pain de sucre : les bosses sont à peine marquées. L'occipitale

ne fait aucune saillie et, de ce côté, la tête parait plate et taillée

suivant un plan vertical.

Fiant bas, étroit, proéminent, sans saillies des bosses frontales;

1 Contrairement 1 ce qu'on observe en général, il n'y aurait pas eu, ici,

de jumeaux ni dans la famille du père, ni dans celle de la mère.

DU MÉRYCISME. 105

pas de dépressions latérales; arcades orbitaires peu marquées :

circonférence de la base 47 centimètres 9p` ? ; diamètre antéro-pos-

térieur (compas Budin) 15,` ? ; diamètre bi-pariétal, 14; diamètre

bi-temporal, 11 4y2.

Visage rond, peut-être un peu plus large en bas, symétrique.

Yeux caves; iris gris brun, pupilles contractiles, égales; pas de

strabisme, ni de conjonctivite. - Oreilles grandes, bien ourlées,

lobule semi-adhérent. Nez court, un peu large, très déprimé à

la racine.

Bouche moyenne, lèvres épaisses. Voûte palatine, très profonde,

assez étroite, symétrique. Voile du palais, amygdales, luette, piliers

réguliers et symétriques. Maxillaires inférieur et supérieur symé-

triques. Dents bien rangées, saines; la deuxième petite molaire

supérieure droite seule est cariée. La partie inférieure de la face

est très saillante.

Cou court, sans traces de scrofule; thorax régulier, colonne ver-

tébrale ractiligne.- Abdomen très développé et saillant.

Membres supérieurs grêles, mais bien conformés; mains petites,

doigts longs, ongles intacts malgré la succion.- Membres inférieurs

maigres; légère concavité des tibias dans les deux tiers inférieurs.

Orteils longs; voûte plantaire normale.

Organes génitaux : verge petite, prépuce très long; phimosis.

On ne sent pas les testicules dans le scrotum.

Peau : cheveux chatain-clair assez fournis; poils follets jusque

dans le milieu du dos; sourcils peu abondants. Pas de poils aux

aisselles, ni sur les membres, ni au pubis. Trois cicatrices de vac-

cin sur l'insertion inférieure du deltoïde droit, deux sur le deltoïde

gauche. - Un névus de la grosseur d'une lentille, avec quelques

poils, sur le tendon d'Achille gauche.

Rien au coeur, ni dans les poumons. Langue bonne, appétit

bon ; foie et rate normaux ; pas de dilatation stomacale; selles

régulières. - Sensibilité générale intacte. Sens spéciaux assez obtus,

même l'odorat.

V... est désobéissant, coléreux, parfois méchant, frappe et pousse

ses camarades. Suce ses doigts, ne bave pas, ne se balance pas;

gâtisme ; onanisme la nuit, jamais le jour. Il ne parle pas, mais

répète tout ce qu'il entend, paroles ou airs de musique; il cause et

chante continuellement, et cela sans aucune suite. On l'a surnom-

mé Coco, parce qu'il répète toujours a Coco à maman ». Il joue

avec des boutons et en a constamment dans les mains, même en

mangeant. Il ne reste jamais en repos; grimace continuellement,

fermant les yeux, agitant la main devant l'oeil gauche, remuant la

bouche, tournant la tête ; souvent il gonfle les joues, remue la

bouche comme s'il se gargarisait et souffle bruyamment. Lorsqu'il

est debout, il lui arrive souvent de tourner sur lui-même pendant

longtemps. '

106 REVUE CRITIQUE.

Il n'est pas gourmand, ni salace ; vole quelquefois le vin de ses

voisins, jamais la viande. Il conserve toujours la même place à

table et pleure si on le met ailleurs. Il mange assez proprement

seul, avec la cuiller : il flaire ses aliments et souffle toujours dessus

avant de les porter à sa bouche. Il mange très lentement, mastique

bien; tout en mangeant, il chante ou répète les mêmes phrases,

joue avec ses houtons, fait des grimaces. Il boit seul, en mettant

son gobelet du côté gauche de la bouche, regardant le contenu do

l'oeil droit. Il boit généralement d'un trait. ,

La rumination des liquides est loin d'être constante ; lorsqu'elle

se produit, la régurgitation se fait de suite après l'ingestion, sans

effort, avec une éructation; l'enfant tourne les liquides deux ou trois

fois dans la bouche et les ravale ensuite. Il y a quelquefois quatre

ou cinq régurgitations successives. Les potages liquides remontent

quelquefois et de la même façon. Les aliments solides ne sont ja-

mais ruminés.

Il se passe quelquefois un grand nombre de repas sans que la ru-

mination des liquides se produise. Souvent on est tenté de croire

que l'enfant rumine, car il fait le geste de se gargariser en gonflant

les joues ; mais alors c'est un de ses tics, car ces mouvements u'ont

pas été précédés d'éructation ni de régurgitations comme lorsque

les liquides reviennent, et ils ne sont pas suivis de mouvements de

déglutition. En outre, ils se produisent souvent longtemps après le

repas, une heure et plus, c'est-à-dire à un moment où les liquides

ne doivent plus être dans l'estomac : quelquefois même nous avons

observé ce tic, alors que l'enfant était à jeun.

Au mois de décembre 1882, on remarque chez l'enfant de nou-

veaux accidents : par moments, fout le corps est agité par une se-

cotisse, et alors V... incline fortement la tète sur l'épaule droite. -

On le soumet, pour ses secousses, au traitement par les injections

sous-cutanées de curare.

24 décembre. Dix gouttes de la solution à 2/100 (I centigr. de

curare.)

26 décembre. Onze gouttes (11 milligr.).

31 décembre. Douze gouttes (12 milligr.).

1883. - 8 janvier. Les secousses semblent avoir diminué d'inten-

sité et de fréquence.

6 février. Dix-neuf gouttes. Pas de modification appréciable. -

11 1 février. Vingt gouttes.

8 mars. Les secousses sont devenues plus rares; on injecte à ce

moment douze gouttes de la solution à 4/100.

6 avril. Dix-huit gouttes de la même solution. Les secousses sont

moins fréquentes et moins fortes.

1 : i mai. Huit gouttes d'une .solution plus forte. - 18 mai. Neuf

gouttes.

DU MÉRYCISME. 107

19 9 m'tt. Dix goutte^. Depuis le commencement du mois, le nombre

des accès augmente après l'injection. V... a eu, parait-il, un accès

après lequel il est resté bleu pendant longtemps.

20 mai. Dix gouttes. Accès d'une durée plus longue que les pré-

cédents.

-I mai. Onze gouttes. L'injection a été faite vers onze heures,

sans qu'on ait remarqué rien de particulier. L'enfant étant redes-

cendu au réfectoire, est pris, en mangeant, d'un accès à la suite

duquel il a paru s'assoupir. On s'est aperçu, dix minutes après,

qu'il devenait bleu, qu'il respirait difficilement, et on l'a monté

à l'infirmerie. La face est bleue, cyanosée, mais cette coloration

est fréquente dans ses accès : la respiration est faible, anxieuse ;

les mouvements respiratoires espacés, mais très réguliers. Pouls

petit, filiforme; écume abondante, pas de stertor. Lotions vinai-

grées, injection sous-cutanée d'éther, inhalations d'ammoniaque,

sinapismes. On pratique la respiration artificielle : en ouvrant la

bouche, on voit au fond de la cavité buccale, un gros morceau

de viande qui obstruait le larynx. On l'enlève, l'enfant fait quelques

mouvements respiratoires spontanés : ils cessent bientôt, et malgré

la respiration artificielle, l'électrisation du diaphragme, une nou-

velle injection d'éther, V... ne tarde pas à succomber,

En résumé, il semblerait : 4° que dans les derniers temps, la

période de stertor se compliquait d'accidents asphyxiques; 2° que

ces accidents se montraient surtout dans les accès qui suivaient de

près l'injection du curare. Dans l'asphyxie mortelle, trois causes

paraissent avoir agi : 1° l'asphyxie propre à l'accès; 2° peut-être

l'injection de curare; 3° et surtout l'obstruction des voies aériennes

par un corps étranger.

Autopsie le 22 mai. Crâne arrondi, peu épais, symétrique.

Liquide céphalo-rachidien en quantité ordinaire. Congestion vei-

neuse modérée de lapt'e-mf))'c. Encéphale : i,14 : i gr. Les artères

de la buse sont symétriques : la bandelette optique gauche est un peu

plus épaisse que la droite, le tubercule mamillaire gauche un peu

plus gros que le droit. Les pédoncules cérébaux paraissent égaux.

L'hémisphère droit pèse 110 gr. de moins que le gauche, et est en

arrière en retrait de 18 millimètres. Le cerveau est un peu mou,

tremblotant, d'aspect gélatiniforme. Pas de lésions à première

vue : pas d'atrophie de la corne d'Ammon. Les ventricules latéraux

et les masses centrales n'offrent rien de particulier à signaler.

Hémisphères cérébelleux égaux. Cervelet et isthme, 160 gr.

Cavité thoracique. La plèvre droite présente une adhérence

complète des feuillets : en un point de la cavité pleurale, on trouve

une petite masse crétacée de la grosseur d'un noyau de cerise. Pas

d'ecchymoses sous-pleurales. - Larynx normal, sans corps étran-

gers, rien dans la trachée ni dans les bronches. Ganglions péri-

108 REVUE CRITIQUE.

bronchiques volumineux et crétacés du côté droit. Le poumon gauche

pèse 220 gr. et le droit 235; ils sont d'ailleurs normaux et ne pré-

sentent pas de tubercules. - Coezir : 130 gr.; il n'offre rien de pa-

thologique. A l'orifice pulmonaire on trouve quatre valvules sig- ? noMes, dont deux sont un peu plus petites que les autres; les plus

grandes sont, du reste, moins développées que les valvules sig-

moïdes aortiques qui sont au nombre de trois. Péricarde normal.

Cavité abdominale. - Deux ou trois ulcérations très petites à la par-

tie inférieure de l'oesophage (il y en a aussi quelques-unes à la partie

supérieure). - L'estomac est absolument normal. - Les follicules

de l'extrémité terminale de l'intestin grêle sont volumineux, sail-

lants ; les ganglions mésentériques hypertrophiés ne paraissent pas

caséeux. Appendice iléo-coecal assez long : Va cent. Foie : 980 gr.

normal, pas de calculs. Reins : pèsent chacun 80 gr., normaux.

- Rate : 420 gr.; petite rate supplémentaire du volume d'un

petit pois. - Pancréas, péritoine, vessie, etc., rien à signaler.

DU MÉRYCISME. 109

Antécédents. - (Renseignements fournis par sa mère. 13 juillet

1882). - Père, trente-cinq ans, mécanicien, très bien constitué,

très sobre. Aucune maladie; pas de migraine, d'accidents nerveux,

de syphilis. [Aucun antécédent névropathique dans sa famille;

pas d'aliénés, d'épileptiques, de difformes, de suicidés, de crimi-

nels, etc.]

Mère, vingt-neuf ans, couturière,' bien portante. Pas de maladies

antérieures, de migraines, de céphalalgies ; elle est nerveuse et

impressionnable, pleurant souvent sans motifs; jamais d'attaques

de nerfs ni de syncopes. [Père et mère : n'ont présenté d'accidents

nerveux d'aucune sorte. Deux tantes du côté paternel n'ont

jamais marché; l'une est morte à six ans. - Une cousine germaine

du côté maternel, âgée de vingt-six ans, est épilcptique et à peu

près démente.]

Pas de consanguinité.

Un seul enfant : notre malade. Rien de particulier lors de la

conception. Dès le second mois de la grossesse, la mère a eu sans

cesse la préoccupation d'accoucher d'un enfant qui ne serait pas

bien portant : vers le troisième mois, elle s'imaginait à chaque

instant que le feu était dans le voisinage, et, la nuit, elle se relevait

pour s'en assurer. Ces imaginations ont persisté durant deux mois.

Accouchement à terme, natuiel, sans chloroforme. A la naissance,

la tête de l'enfant était très allongée : elle était restée au passage

pendant trois heures. Pas d'asphyxie. Il a été élevé au sein par

sa mère jusqu'à dix-sept mois. Vers le troisième mois, on s'est

aperçu qu'il ne tenait pas sa tête, qu'il la laissait tomber. C'est un

mois plus tard que « les nerfs l'ont pris » ; lui qui, auparavant, dor-

mait continuellement « comme une marmotte », et qu'il fallait

réveiller pour lui donner le sein, se réveillait alors et tressautait

au moindre bruit; il se tordait, mais ne criait pas, grinçait des

dents, ce qu'il a continué d'ailleurs de faire jusqu'à ce jour. A

partir de deux ans, habitudes d'onanisme très développées; il se

frottait continuellement la verge soit contre les tapis, soit contre

sa petite voiture ou avec ses mains et « au point de s'en mettre en

sueur »; depuis un mois, il n'aurait plus ces habitudes.

Il n'a jamais eu de convulsions, ni de vertiges. Pas de fièvres

éruptives, pas de.croup; pas de dartres ni de gourme, pas d'ophtlial-

mie; otorrhée de l'oreille gauche. 11 avait souvent, à peu pies une

dizaine de fois par an, des accès de fièvre qui duraient deux ou trois

jours. Ces accès ont disparu en avril 1881.

; La parole est nulle : V... ne reconnaît personne, ne peut rien

tenir dans sa main, est toujours gâteux. 11 ne se balance pas, bave

peu, tette continuellement son pouce et grince des dents : il ne fait

que commencer à se tenir sur ses jambes, mais ne marche pas en-

core.

Il J novembre. - Depuis quelques jours, on a temarqué chez l'en-

i iO REVUE CRITIQUE.

fant des troubles digestifs qui n'existaient pas à l'entrée; l'appétit

est vorace comme autrefois, la mastication nulle, mais après le

repas, il semble gêné et a souvent des vomituritions dans lesquelles

les aliments remontent sansle moindre effort ; pas de rumination.

Ce n'est qu'en avril 1883 qu'est apparu le mérycisme.

1883. 10 avril. État actuel. Depuis quelque temps, l'enfant a

beaucoup maigri; toutes les saillies osseuses se dessinent en relief :

la face a un aspect absolument simien. La bosse frontale droite est

plus saillante que la gauche, tandis que la moitié gauche de l'occi-

pitalestplus saillante et plus arrondie que la droite, qui est aplatie;

en un mot, la moitié droite du crâne avance en avant sur la moitié

gauche et est 'en retrait en arrière sur cette dernière moitié. La

région pariétale droite est arrondie, tandis que la gauche est

aplatie.

DU MÉRYCISME. I I I

Battements du creur un peu irréguliers : pouls petit, à 92. Sonorité

du thorax normale; en arrière, respiration un peu forte à gauche

et en bas. - Ventre souple, foie et rate normaux, pas de dilatation

de l'estomac. Appétit assez bon, l'enfant mange de tousles aliments,

soif vive; langue humide, légèrement saburrale; selles quoti-

diennes, molles et verdâtres. Delagr... ramène dans sa bouche les

aliments et surtout les liquides; au bout de quelques minutes, il en

rejette une partie et ravale l'autre; ]e mé1'ycisme est donc aujour-

d'hui complètement établi.

L'enfant mange et surtout boit avec avidité; la mastication est à

peu près nulle. La rumination débute d'ordinaire assez rapidement

après le repas, parfois même avant qu'il ne soittout à fait terminé;

ce cas se présente surtout si Delagr... n'a ingéré que des substances

liquides (potages), ou s'il y a eu simultanément ingestion d'une

certaine quantité de boissons. L'enfant pousse un petit cri, ouvre

largement la bouche, allonge la langue en forme de gouttière; en

même temps il contracte légèrement les parois abdominales dans

un effort correspondant à l'expiration. Des flots de liquides

remontent à ce moment, s'arrêtent quelquefois à l'isthme du gosier,

tantôt reviennent -jusqu'aux arcades dentaires, et en général sont

ravalés très vite. '

L'intervalle des renvois varie suivant la nature des substances

ingérées el suivant le moment de la rumination. Lorsque l'enfant

n'a fait que boire, les gorgées qui remontent se succèdent presque

sans interruption. Les substances solides ne sont pas ruminées; les

aliments semi-liquides, comme les soupes, le sont souvent; la partie

liquide, bouillon ou lait, revient la première; plus tard, surtout si

l'on fait boire l'enfant, on voit apparaître des bouchées de pain.

L'ingestion des liquides diminue d'ailleurs l'intervalle des renvois.

D'un autre côté, plus la rumination s'avance, plus les renvois

s'espacent. La durée de la rumination est en général assez courte,

elle peut quelquefois pourtant se prolonger pendant une heure ;

elle ne suit pas tous les repas.

7 mai. L'amaigrissement est de plus en plus prononcé. L'enfant

tousse beaucoup; sonorité normale en avant et en arrière. La

respiration est ronflante aux sommets, surtout à gauche. T. R. 40°.

- Soir : T. R. 40°.

8 mai. T. R. 40°,i.-Soir : 40°,4.

9 mai. L'enfant est mort ce matin à 7 heures. T. post mortem : 40°,6.

L'appétit avait beaucoup diminué les jours derniers; l'enfant ne

buvait plus que du lait, et ne ruminait plus.

112 REVUE CRITIQUE.

Autopsie le 10 mai. - Quelques ecchymoses wus-pleurales à

gauche : hyperémie des bronches ; atélectasie de la base des deux

poumons, plus prononcée à gauche. Les autres viscères ne pré-

sentent rien de particulier.

L'oesophage et les intestins sont normaux. La muqueuse de l'estomac

et celle de l'oesophage, ainsi que la presque totalité de la couche

sous-muqueuse, ontdisparu. La. couche musculaire (fibres circulaires

et longitudinales de l'oesophage) est bien développée; on n'y re-

marque aucune fibre musculaire striée au niveau du cardia; il en est

de mime pour l'estomac. La tunique fibreuse périphérique de

l'oesophage est bien et normalement développée.

L'encéphale pèse 840 gr. ; l'hémisphère droit pèse 10 gr. de

moins que le gauche. Le cerveau est mou, luisant, gélatiniforme,

d'une couleur rosée tirant sur le jaune. La pie-mère est mince,

difficile à arracher, mais sans adhérences. Pas de dilatation des

ventricules.

Hémisphère gauche. La première circonvolution frontale, assez

régulière, présente deux insertions, l'une au niveau du bord supé-

rieur, l'autre à trois centimètres au-dessous. La deuxième fron-

tale, très sinueuse, se confond en avant par un pli avec la troisième

et n'offre pas d'attache sur la frontale ascendante. - La troisième

frontale, également très sinueuse, offre en avant un prolongement

remontant jusqu'à la première frontale, de telle sorte que la

deuxième frontale est enclavée en forme de coin entre ce prolon-

gement et la frontale ascendante. La troisième frontale présente

une insertion sinueuse sur l'extrémité inférieure de la frontale as-

cendante. Celle-ci est très plissée et bien développée. Le sillon de

Rolando est profond. La pariétale ascendante, un peu irrégulière,

offre à sa partie moyenne une sorte de sillon transversal incom-

plet. Le lobule pariétal supérieur a la forme d'un quadrilatère

avec un sillon en forme d'x; le lobule pariétal inférieur est réduit

à un simple pli. Le pli courbe est rudimentaire, le lobe occipital,

composé de trois replis assez gros. La première circonvolution tem-

porale est très distincte, la deuxième et la troisième en partie con-

fondues. La circonvolution de l'hippocampe est très petite; la corne

d'Ammon ne présente rien de particulier.

La face orbitaire du lobe frontal est très plissée ; le lobule de l'in-

sula se compose de trois digitations non bifurquées.

Sur la face interne, les circonvolutions sont beaucoup plus rudi-

mentaires que sur la face convexe. La circonvolution du corps cal-

leux et la première frontale sont confondues : en avant cette confu-

sion leur donne, dans une hauteur de trois centimètres, l'aspect du

lobe quadrilatère, en ce sens qu'un sillon assez superficiel d'ailleurs

le sépare de la partie postérieure de ces deux circonvolutions. Il

n'y a pas de sillon eallosO-rnal'[fÏ1wl. Le lobe paracentral forme une

sorte de boucle dont les branches descendantes aboutissent au

DU MÉRYCISME. t 13

corps calleux et sont séparées par un sillon assez profond qui, lui

aussi, aboutit au corps calleux. - Le lobe quadrilatère, moitié plus

long que large, oifre un sillon supérieur transversal et un sillon

vertical qui aboutit au corps calleux. - Le coin a la forme d'une

enclume, dont la partie horizontale se confond en arrière avec le

lobe occipital. Les sillons sont assez profonds sur la face convexe,

et en général plus superficiels sur la face interne, surtout eu

avant. Les corps striés, la couche optique n'ont rien de particulier.

Hémisphère droit. - La première circonvolution frontale est cou-

fondue en grande partie avec la seconde : il n'y a qu'une attache

située au niveau du bord supérieur pour les deux circonvolutions.

La troisième frontale est tout à fait distincte, avec une attache à la

frontale ascendante dans sa partie inférieure. Ainsi, à gauche,

c'est la deuxième et la troisième frontales qui sont confondues ; à

droite, c'est la première et la deuxième. La frontale ascendante, à

25 millimètres au-dessus de son extrémité inférieure, se divise en

deux parties réunies par un pli de passage à un centimètre du Il

bord supérieur. - Le sillon de Rolando est profond. La pariétale

asemdante est régulière. Le lobule pariétal supérieur, l'inférieur, le

pli courbe, le lobe occipital sont rudimentaires; les circonvolutions

temporales sont sinueuses, petites, mieux distinctes que de l'autre

côte. - Le lobule de l'insula a trois digitations.

A la face interne, même confusion entre la circonvolution fron-

tale, celle du corps calleux et le lobule paracentml; absence du sillon

calloso-rrHl1'yinal. Même disposition qu'à gauche du lobe paracentrezl :

- cependant la partie antérieure de la boucle est moitié moins

épaisse que la postérieure. Le lobe quadrilatère, moitié moinslarge

que long, dilfère de celui du côté gauche; le coin et le lobe occi-

pital offrent la même disposition.

Les corps striés et la couche optique, le ventricule latéral, etc.,

n'ont rien de particulier. - Nulle part il n'y a trace de sclérose :

c'est, en somme, un cas d'idiotie complète type par arrêt de déve-

loppement.

Nous citerons encore un cas de mérycisme partiel du même

genre rapporté déjà par l'un de nous (Progrès médical, octobre

1882; Bourneville et Monnaire, loc. cil., p. 113). Nous en

extrayons le passage qui nous intéresse :

Observation IXaIV.- Idiotie : premiers indices de l'absence d'in-

telligence. Rumination des liquides. - Améliorations Ictère. -- z

Rougeole; Groacho-pneumonie; guérison.

« L'enfant Cli... est gourmand, vole les aliments de ses cama-

rades et mange avec ses mains. Souvent, après le repas, on note

des régurgitations (rumination pour les liquides) : il ramène dans

Ancmves, t. VI1. 8

I t le REVUE CRITIQUE.

sa bouche non seulement le liquide de la <0111)['. mais encore le

pain; puis ravale le tout. Il est idiot, g,teux, non salace. » Cet

enfant fut atteint en 1881 d'une rougeole compliquée de broncho-

pneumonie, pendant laquelle le mérycisme fut suspendu et ne repa-

rut plus ensuite.

Voilà donc des cas de mérycisme partiel ne portant que sur

les substances liquides, boissons, potages, sans qu'il soit besoin

de les prendre en grande quantité. Le mécanisme et les symp-

tômes de la rumination sont alors les mêmes. Les seuls faits

à noter sont les suivants : dans les cas particuliers, l'intervalle

qui sépare le renvoi des substances ruminées au moment de

l'ingestion est excessivement court; et par suite, si l'enfant a

ingéré les liquides au début du repas, il rumine et mange à la

fois. D'un autre côté, la durée de la rumination est très courte,

à moins qu'on ne veuille. la prolonger en faisant boire de nou-

veau le sujet.

Quant aux renseignements anatomo-pathologiques que nous

pouvons déduire de ces observations, ils nous apprennent

seulement que l'appareil digestif, l'estomac surtout, était sain,

bien conformé, tout à fait normal, et sans lésions d'aucune

espèce. Ces résultats, d'accord avec ceux des auteurs, nous con-

firment dans cette opinion : que c'est bien dans le système

nerveux qu'il faut chercher la cause première du mérycisme.

Diagnostic. Dans un des premiers chapitres de ce mé-

moire, nous avons dit en définissant le mérycisme, qu'il devait

être distingué du vomissement. En effet, si, à première vue, ces

deux phénomènes offrent quelque analogie, ils doivent, au

point de vue physiologique et clinique être absolument distin-

gués l'un de l'autre.

o Le vomissement, dit Longet, s'annonce par une sensation par-

ticulière qui est la nausée, sensation accompagnée de malaise et

d'anxiété générale. 11 y a de l'oppression, de la douleur à la région

épigastrique, la face devient pâle, le pouls petit et faible : la bourbe

se remplit de salive : survient ensuite une inspiration forte et par-

fois sonore, pendant laquelle l'air pénètre dans la poitrine pour y

rester emprisonne par le resserrement subit de la glotte. Le dia-

phragme, les muscles abdominaux, l'oesop/ta[Je, etc... entrent immé-

diatement et simultanément en contraction. Pendant ce temps, la

respiration est suspendue et la cavité du ventre est resserrée de

toutes parts, comme dans le phénomène de l'effort. Sous la 1'1'1'>-

sion brusque des puissances musculaires, les matières contenues

DU MÉRYCISME. 115

dans l'estomac sont lancées à travers le cardia; l'oesophage s'en

emplit; le cou se tend, le larynx est porté en avant, l'isthme du

gosier se dilate en même temps que le voile du palais tendu se re-

lève pour protéger les arrière-narines; enfin, la bouche s'ouvre

largement et laisse passer les matières qui s'échappent au dehors. »

Quelle différence entre ce tableau et celui du mérycole au

moment où il rumine ! Ici rien de convulsif, pas le moindre

symptôme d'effort, pas de nausées, d'anxiété; souventmême, au

contraire, la figure du malade exprime la béatitude; la colora-

tion de la face reste la même, la respiration n'est altérée ni

dans son rythme, ni dans sa fréquence; l'action des puissances

musculaires est souvent si peu sensible qu'elle échappe même

à l'oeil de l'observateur; enfin, les aliments loin de s'échapper

au dehors, sont gardés par le sujet, qui, à l'instant où la

gorgée remonte, s'empresse de fermer les lèvres et de les

contracter pour la retenir dans sa bouche.

Percy et Laurent avaient déjà fait cette distinction. « Nous

ne saurions trop, disent-ils, insister sur la différence qui existe

entre le vomissement et le mérycisme. Dans ce dernier, il n'y

a point de nausées; dans le premier, il y en a toujoursplus ou

moins. Dans l'un, les hypochondres s'évasent, le ventre s'apla-

tit, tout se roidit autour de l'estomac; la bouche est béante, le

cou tendu, la respiration suspendue ou inégale; rien de tout

cela ne se remarque dans l'autre. »

Le vomissement est, en somme, un acte éminemment con-

vulsif ; il est, à ce titre, involontaire. Ce fait et le trouble mar-

qué qui l'accompagne exige qu'on le considère comme un phé-

nomène anormal et pathologique, dont l'existence continue

est une gène et parfois un danger pour le malade. Ce ne sont

pas là les caractères du mérycisme qui, parfois volontaire, le

plus souvent agréable, se produit presque sans effort, n'intro-

duit aucun trouble dans les fonctions digestives, ni dans l'as-

similation,ne compromet en rien l'existence, et peut, en somme,

être regardé comme un phénomène, anormal , il est vrai,

mais on pourrait presque dire aussi, physiologique. Ces faits

ont d'ailleurs été signalés de longue date et Pipelet, rappor-

tant l'opinion de Peyer, dit dans sa thèse (p. Il et 14.) : « Ti-

menlum ne incautos illudat error, vomitum cum merycismo

confundens..... In recta' ruminatione cibus non modo in

os refunditur, sed etiam remensus iterum deglutitur, ut posteà

e veiitriculo per intestina trausiens, famem saturet ».

116 REVUE CRITIQUE.

Au point de vue physiologique, le mérycisme se distingue

aussi du vomissement. Nous avons vu, dans le chapitre précé-

dent, quel était le mécanisme de cette fonction ; or, il ne rap-

pelle que de loin celui du vomissement qui exige toujours un

effort énergique du diaphragme, et des parois abdominales,

qui sont les principaux agents de sa production et dans lequel

le rôle actif de l'estomac est très contesté. Or, les auteurs ont

surtout admis dans le mérycisme l'action de l'estomac : les uns

rejettent absolument l'action du diaphragme et des parois abdo-

minales ; les autres ne l'acceptent que pour le renvoi de la pre-

mière gorgée, et elle est quelquefois si faible qu'elle peut passer

inaperçue. Chez les malades que nous avons observés, nous

avons recherché souvent cette action des puissances muscu-

laires, mais très souvent nous n'avons rien remarqué et, dans le

cas où des contractions se sont produites, leur peu de durée 2t

d'intensité nepeutles faire assimiler aux contractions énergiques

qui provoquent le vomissement. Pour achever l'étude de ce

point, nous citerons enfin un autre élément de diagnostic qu'un

mérycole seul peut apprécier. « Ce qui me porte à admettre,

dit le Dr Cambay, que l'acte du mérycisme se passe surtout

dans la grande courbure de l'estomac, c'est la différence de

sensation que j'éprouve dans cet organe dans le mérycisme

et dans le vomissement. Dans le dernier phénomène, il semble

que les contractions partent d'un point plus éloigné de l'oeso-

phage, qu'elles ont une étendue bien plus considérable et

qu'enfin une partie de cet organe que je crois être la plus ac-

tive, c'est-à-dire l'extrémité pylorique, est tout à fait inerte

dans le mérycisme. Aussi le vomissement involontaire m'est-il

très pénible, tandis que le mérycisme m'est plutôt agréable. »

Il est un fait étrange observé chez certaines personnes qui

sont sujettes non à ruminer, mais à vomir après les repas et

chez lesquelles l'estomac ne rejette que certaines matières qu'il

ne veut ou ne peut pas digérer. On a quelquefois confondu avec

le mérycisme cette espèce de vomissement et c'est à lui que

s'appliquerait bien la définition que Racle a donnée du méry-

cisme. Cette confusion est une erreur ; en effet, nous ne re-

trouvons pas là les phénomènes du mérycisme, qui n'est pas un

vomissement comme nous venons de le voir, et dans lequel,

même lorsque le sujet semble pouvoir exercer une sorte de

sélection sur les substances qu'il veut ruminer, les aliments

ne sont pas rejetés au dehors, mais sont soumis à une nouvelle

DU MÉRYCISME. 117

digestion buccale ponrreprendreensuitele chemin de l'estomac.

Le phénomène, du moins, se passe ainsi dans les cas de mérycisme

avéré. Cependant, certains mérycoles peuvent, dans des circons-

tances exceptionnelles, présenter des symptômes qui amènent

cette confusion. Ainsi, au début du mérycisme à marche

graduelle, on peut quelquefois observer le rejet des aliments

(OBs. IX, XIII. XV); mais ce fait est transitoire et la rumina-

tion s'établit bientôt avec tous les symptômes que nous avons

décrits. Autre part (Ors. VII), nous avons vu que le thé et les

substances grasses étaient rejetés; mais ce n'était qu'après

avoir été ruminés à plusieurs reprises. Le sujet de l'OBSERVA-

TION XXII aurait pu donner lieu plutôt à une méprise, car il

rejetait de suite les substances grasses; toutefois, il faut remar-

quer qu'il ruminait complètement les autres aliments qui re-

montaient en même temps dans la bouche. On voit donc que,

même dans ces cas exceptionnels, le mérycisme ne doit pas

être confondu avec le vomissement facultatif de certaines subs-

tances, et l'on évitera l'erreur en se rappelant que « le méry-

cisme ne vide pas violemment l'estomac et qu'il n'en fait sortir

que peu à peu et sans effort une certaine quantité d'aliments

en général assez prompts à y rentrer. » (Dict. en 60 volumes.)

Un autre .phénomène qui présente beaucoup plus d'analogie

avec le mérycisme est celui de la régurgitation, que l'on observe

souvent chez les enfants à la mamelle ou chez les gros

mangeurs. Là, comme dans la rumination, les substances re-

prennent le chemin de l'estomac ; les agents musculaires in-

terviennent bien comme dansle vomissement, mais leur action

est bien moins énergique et il n'y a pas de phénomène d'ef-

fort. Souvent même la volonté intervient pour produire la ré-

gurgitation, en agissant sur l'estomac pir des pressions exté-

rieures, par des contractions des muscles abdominaux, en fai-

sant de grandes inspirations, ou en répétant,ces fausses éruc-

tations au moyen desquelles on cherche quelquefois à en

produire de véritables. Mais, dans ces cas,jamais les substances

solides ne sont soumises à une seconde mastication comme

dans le mérycisme qui, d'un autre côté, fait partie du modus

vivendi de l'individu, tandis que la régurgitation n'est qu'un

phénomène accidentel.

Marche, durée, pronostic. La plupart du temps, le mé-

rycisme, dès son apparition, se présente avec tous les symp-

tômes que nous avons passés en revue. Cependant, dans

118 R REVUE CRITIQUE.

quelques cas, le début est tout différent et ce n'est que d'une

façon graduelle que les individus arrivent à ruminer. Nous

avons déjà vu au passage plusieurs exemples de ce fait. Tantôt

les individus qui rumineront plus tard, commencent par rejeter

les aliments (Oss. IX, XIII, XV). D'autres fois (Ons. XVI) le

mérycisme n'arrive qu'après une période où le sujet n'a que de

simples régurgitations; quelquefois enfin il peut commencer

par être partiel et ne s'installer complètement que plus tard.

(ORS. XVII et XXVI). Mais, somme toute, ces cas sont rares

et le mérycisme survient d'ordinaire d'emblée avec tous ses

symptômes.

Une fois déclaré, il continue sa marche, la plupart du temps

toujours identique à lui-môme; pourtant, on a remarque par-

fois qu'il diminuait avec l'âge (uns. VIII et XVI), mais sans

disparaitre. Il est rare, en- effet, que sa durée ne se prolonge

pas toute la vie. Il est néanmoins certaines circonstances qui

peuvent interrompre un certain temps sa production. Ainsi,

les maladies intercurrentes en suspendent communément le

cours pendant leur durée : ce qui est une analogie de plus

avec la rumination des animaux qui ruminent moins bien ou

cessent même de ruminer lorsqu'ils sont malades. Quoi piefois

même il se peut que le mérycisme ne reparaisse pas après la

maladie comme dans l'observation de Cliq . , mais nous

ferons remarquer, à ce propos, que le mérycisme était partiel

et ne s'exerçait que sur les liquides.

Nous avons vu encore la rumination disparaitre sous l'in-

fluence d'une toute autre cause : le coït. (Ois.. XIII, XIV.)

Enfin, nous citerons l'observation suivante où le mérycisme

disparut spontanément.

Obskrvation XXXV. Imbécillité. Mérycisme héréditaire.

Disparition spon<H/ : A'. Louis C ? le lils, de trente-

cinq ans, homme lent, d'une intelligence faible, d'un tempérament

lymphatique, s'adonne à la boisson. A vingt-cinq ans, il eut un

accès d'epilepsie à la suite duquel il se mit à ruminer son dîner.

Jamais cette rumination n'a atteint le même degré que chez sun

père. C'est tout au plus s'il lui revenait après le repas quatre ou

cinq bouchées de matières solides. Après les avuir mâchées, il les

avalait de nouveau. Cet état dura quelques mois et disparut sans

traitement. -- A trente-deux ans, seconde attaque d'épilepsie il la

suite de laquelle le mérycisme n'a pas reparu.

DU MÉRYCISME. I IJ

On voit donc qu'à part certains cas exceptionnels, le me-

rycole vit et meurt avec son affection.

En meurt-il ? non. Le pronostic du mérycisme est, au con-

traire, très bénin. Livré à lui-même, il ne compromet en rien

la vie, et l'on a vu des individus qui en étaient affectés, arriver

à un âge très avancé. (Cas. VI, VIII, IX.)

Traitement. Lorsque le mérycisme est sous la dépendance

de la volonté, on peut essayer de le faire cesser en empê-

chant à chaque fois la première régurgitation de se produire

par la fixation de l'attention et par un effort de volonté.

Mais ce moyen ne réussit pas toujours : il peut occasionner

des douleurs (Ces. XX), et ne pas empêcher le retour des

aliments qui n'est, en définitive, que retardée (OBS. XVII,

XXVIII).

Quand le mérycisme est involontaire, on peut recommander

aux malades de manger lentement, de bien mâcher leurs

aliments avant de les avaler.

Tous ces moyens sont impraticables chez les idiots, on

pourra alors restreindre la quantité de nourriture; mais l'Ori-

SERVA'rioNXIl ne donne pas, à cet égard, des résultats encoura-

geants, et notre propre expérience nous a montré qu'on ne

faisait ainsi que retarder l'heure de la rumination.

La suppression de certains aliments qui semblent favoriser

la rumination, tels que les légumes (OBS. XXI), les liquides en

grande quantité (OBs. VII et XVII), est aussi indiquée dans

quelques cas particuliers, de même que l'interdiction de subs-

tances difficiles à digérer, telles que les graisses (Cas. III, XXII).

On pourra aussi essayer, mais sans grandes chances de

succès, de certains moyens empiriques qui parfois mettent un

obstacle à la rumination, par exemple le décubitus dorsal,

(Cas. XXVII et suivantes), le repos absolu (OBs. XXI), la

station debout (OBS. XXVI).

Quant aux médicaments prescrits contre le mérycisme, ils

sont en petit nombre, et d'une efficacité douteuse. Nous cite-

rons cependant l'aloès et les amers dont l'emploi a donné peu

de succès; les vomitifs ont échoué lorsqu'ils ont été employés

(OBS. XXI et XXVI); les toniques, les purgatifs ont donné de

bons résultats (OBS. XVII) ; la noix vomique, la belladone ont

produit aussi quelques effets favorables (Olls. XXVII). La pep-

sine, que nous avons essayée chez nos malades (Cas. XXX

120 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.

et XXXI), à la dose de 0,75 centigrammes avant chaque repas,

n'a pas eu d'action sensible sur le mérycisme.

Il nous reste maintenant à poser cette question : Faut-il

traiter le mérycisme et chercher à en arrêter le cours ? Nous

avons déjà insisté plus haut sur ce point, et nous croyons avoir

prouvé que le mérycisme n'était pas une maladie, mais un

acte presque physiologique bien qu'anormal ; nous avons

montré aussi qu'il ne compromettait nullement l'existence des

individus qui y étaient sujets; nous avons vu enfin que, par-

fois, si on cherchait à en interrompre le cours, la santé générale

pouvait en être gravement atteinte. (OBs. VIII, IX). Aussi, en

présence de tous ces faits, sans aller, avec Cambay, jusqu'à

comparer le mérycisme à un exutoire dont la suppression

peut entraîner de graves conséquences-, nous pensons qu'il

serait souvent bon de ne pas y mettre obstacle surtout lors-

qu'il existe depuis longtemps '.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

I. Recherches sur la structure comparée DE l'écorce cérébrale ; par

W. Bevan LFwts. (Communication faite par Ferrier, in Philo-

sophical Transactions of the royal Society, au nom de l'auteur.)

Bevan Lewis s'est attaché il étudier la structure des circonvo-

lutions chez le porc, le mouton et le chat. De ces études compa-

ratives, il résulte ce qui suit :

Chez tous les animaux, dont il a examiné le cerveau, l'auteur a

retrouvé les deux types à cinq et à six couches; chez tous, la struc-

ture fondamentale des couches s'est montrée la même. Les dilfé-

rences dans chaque type résident dans les caractères variés des

éléments anatomiques et leur distribution dans les différentes cou-

ches de l'écorce. Ces différences chez les animaux dont il s'agit,

i Depuis que ce travail est fait, il nous est parvenu d'autres documents

que nous consignerons ultérieurement dans un appendice cette Revue.

Tels sont, entre autres, un mémoire de Koerner, une note de M. Bou-

chaud, etc.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 121 1

comme chez l'homme, se remarquent surtout au voisinage de la

partie moyenne de l'écorce cérébrale. Les éléments anatomiques

constituent des groupes, et se disposent en couches. L'aire motrice

relève du type à cinq couches et se caractérise, en outre, par les

éléments qui forment ces couches. La première de celles-ci, chez le

porc, est plus épaisse que celle du cerveau des animaux placés plus

haut dans l'échelle, et renferme un grand nombre de cellules de

Deiters. Il y a une grande uniformité de volume entre les cellules

qui constituent, chez le même animal, la troisième couche de

l'écorce. Le type à six couches résulte de l'interposition d'un plan

de petites cellules à forme angalaire et pyramidale.

Il y a une remarquable ressemblance dans le contour et le grou-

pement des cellules corticales chez le porc et le mouton. Dans les

deux espèces la forme de ces cellules est presque invariablement

celle d'une pyramide allongée.

Chez le porc, le type à cinq couches se retrouve au niveau du

grand lobe limbique, du lobe frontal, de la première et deuxième

pariétales. La structure interne du cerveau est identique chez le porc

et le mouton. Le sillon crucial, à son origine, constitue la délimita-

tion entre les deux types à cinq et à six couches. Chez le chat, les cel-

lules de la troisième couche augmententde volume àmesurequ'elles

sont plus profondément situées. Les cellules pyramidales motrices

sont, chez ce dernier animal, très volumineuses et réunies en grand

nombre autour du sillon cervical. Cette agglomération des cellules

de Betz autour de ce dernier sillon se rencontre chez la plupart

des animaux carnivores.

Très variables dans leurs dimensions chez l'homme et chez le

singe, ces cellules ont, au contraire, un volume uniforme remar-

quable chez le porc et le mouton.

La différence d'aspect et d'épaisseur que présente la premiere

couche dans les diverses espèces animales démontre l'accroisse-

ment progressif du tissu connectif dans la substance nerveuse, à

mesure qu'on descend l'échelle zoologique.

Les cellules, caractérisées parleur contour arrondi et l'absence

de prolongements, telles qu'on les rencontre dans le cerveau des

idiots, se retrouvent dans l'écorce cérébrale du mouton et du porc.

. B.

II. DU TRAJET DES FIBRES QUI SERVENT A RÉTRÉCIR LA PUPILLE ET DE

LA LOCALISATION DU CE\1'REDE L'IRIS ET DE LA CONTRACTION DES MUSCLES

moteurs de L'OEIL; par l3ECDTEREFr·. (Messager de psychiatrie et de

neurologie, de Saint-Pétersbourg, 1883.) .

Après l'examen de ce qui a été dit avant lui, en s'appuyant soit sur

des faits observés par lui-même encore avant, soit sur des expé-

rences nouvelles, l'auteur présente les conclusions suivantes :

12 RI'svU>; D'.1 : ! \TO\II ET DU PHYSIOLOGIE.

1° On ne trouve pas de fibres qui servent aux mouvements ré-

flexes pour rétrécir la pupille, ni dans les bandelettes optiques,

ni dans leur extrémité centrale, dans les corps genouillés et les tu-

hercules quadrijumeaux chez des animaux supérieurs et les tu-

hercules jumeaux des oiseaux.

2° Ces fibres, prenant leur origine dans la rétine et passant dans

le nerf optique derrière le chiasma, pénètrent dans la substance

grise qui entoure la cavité du troisième ventricule et se diligent

vers les noyaux du moteur oculaire commun et de làavec le tronc

de ce nerf vers la périphérie.

3° Les fibres qui rétrécissent les pupilles restent, sur toute leur éten-

due, à l'intérieur de la substance grise centrale sans s'entrecroiser.

Il 11 existe pour chaque oeil un arc réflexe indépendant qui

passe par le nerf optique dans la moitié correspondante de la

substance centrale, dans le noyau et le tronc du nerf moteur ocu-

laire commun du même côté.

,'i0 Entre les arcs réflexes des deux côtés il existe un lien qui sert

à transmettre le réflexe d'un oeil avec la pupille de l'autre. Ce

lien réside, selon toute probabilité, dans les fibres commissurales

des deux noyaux du nerf moteur oculaire commun.

(Le 6 6 manque dans l'original).

il Les centres du réflexe servant à rétrécir la pupille ne se trouvent

pas dans le fond du troisième ventricule, comme le croyaient

llcnsen et "-olkers, ou en arrière des tubercules quadrijumeaux,

selon Adamuc, mais se localisent, selon toute vraisemblance, dans

les noyaux du nerf moteur oculaire.

8° Dans le plancher du troisième ventricule, il n'existe pas de

centres qui servent à contracter les muscles moteurs de l'oeil, dans

le sens de MM. Ilonsen et Wolkers.

9° Les changements dans la position de l'oeil apparaissant avec

les autres troubles moteurs (perte d'équilibration du corps et mou-

vements involontaires et forcés) à la suite de l'excitation ou de la

lésion du plancher du troisième ventricule, ont le même caractère

que les changements dans la position de l'oeil qui se montrent à la

suite de la destruction des canaux demi-circulaires et les olives du

bulbe. Ces changements démontrent que tous les organes cités

ont une influence sur la sphère motrice de l'oeil en général, sans

excepter les globes oculaires.

10° Les centres pour les mouvements volontaires du globe de

l'oeil doivent se trouver dans le domaine des noyaux des nerfs

oculaires moteurs, parce que la destruction de ces noyaux ou des

racines qui en sortent ont suivi des changements stationnaires

dans la position de l'oeil.

11" Jusqu'à présent, on n'a pas encore démontré l'existence du

centre de l'accommodation sur le plancher du quatrième ventri-

cule .séparément des noyaux du nerf moteur oculaire.

REVUE D'ANATOMIE HT n ? r : 5s : ot.o : m.. I : n

12° La dilatation de la pupillc, à la suite dc; excitations doulou-

reuses, ne se fait pas à l'aide des fibres du nerf sympathique, mais

agit d'une façon indépendante en déprimant le réflexe lumineux

de la pupille.

13° L'immobilité pupillaire réflexe dépend, selon toute probabilité,

tlesprocessuspatholoiques qui interrompent l'arc du réflexe lumi-

neux sur sa voie, il partir du chiasma et jusqu'au noyau du nerf

moteur oculaire. l3ouvor.r.

III. DE LA DIRECTION DES FIBRES OPTIQUES A PARTIR DES CORPS GENOUILLËS

JUSQU'AUX TUBERCULES QUADRIJUMEAUX; p : Lrl3ECILTERE1'P. (LOC. Cit.)

L'auteur arrive à la conclusion, que les lésions isolées du corps

genouillé externe, chez les chiens, ainsi que la section du brachiuni

antérieur par rapport à la vue produisent le même effet, no-

tamment :

Diminution du champ visuel des deux yeux du côté con-

traire à l'hémisphère lésé. - L'étendue de la lésion dans les deux

veutétaitta même qu'à la section du tractus npticiis correspondant.

La limite qui séparait la partie lésée de la partie saine du champ

visuel dans les deux veux, se présentait comme une ligne verticale

passant près de la macula lutea. fine s'observait aucun changement

dans les pupilles. - Les données, en appuyant les recherches ana-

tomiques de Gudden, ne laissent aucun doute que toutes les

fibres du tractus, qui constituent le nerf optique, passent par le

corps genouillé externe et ensuite, à l'aide du bmvchiunzantéoiem,

pénètrent dans les tubercules quadrijumeaux. 13uBlWl"F.

IV. Durée latente ET caractère PSEUDO-Rti : FLEXE DES PHENOMENES

tendineux; par A. EULENBURG. (Neurologisches Centra/bill/t, IS82.)

La phase latente du réflexe tendineux rotulien ne dépasse pas

chez l'adulte sain (homme) 2jGt de seconde. Les conclusions de

l'auteur sont que les phénomènes tendineux ne sauraient être rat-

tachés a des processus purement réflexes, qu'ils constituent des

manifestations complexes, affectant un rapport intime avec la toni-

cité musculaire. Leur production exige que le tonus musculaire

soit assez vigoureux, que l'incitation exercée à la périphérie et sa

propagation puissent se faire rapidement. Aussi disparaissent-ils

chez les tabétiques dont la conductibilité tactile est troublée et ra-

lentie et le tonus musculaire endommagé, de par la lésion des

fibres radiculaires postérieures. La phase latente du réflexe du ten-

don d'Achille égale 3/62 de seconde. Elle est donc plus grande que

celle du phénomène rotulien; de plus, le phénomène du pied est

plus rare que le phénomène du genou. La raison do ces différences

121. 4 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.

serait que la transmission de 1'incitation se heurte à de plus grandes

résistances périphériques quand elle part du pied. P. K.

V. Sur La voie QUE suivent les fibres gustatives de H corde DU

tympan pour se rendre A l'encéphale ; par W. ERB. (Neurol.

Centralbl., 1882.)

Le diagnostic porté pendant la vie du malade que ce fait con-

cerne fut : lésion de la base du crâne (étage moyen), occu-

pant la moitié antérieure, vers la fente orbitaire supérieure et

ayant atteint le trijumeau, les trois nerfs de l'oeil, finalement le

nerf optique. Dans ces conditions, le goût étant aboli sur les deux

tiers antérieurs de la langue (zone des fibres de la corde du tym-

pan), le nerf facial étant complètement intact, alors que le trijumeau

était plus ou moins affecté dans toute son étendue, l'auteur on con-

clut que les fibres en question occupent il la base le tronc du tl'iju-

menu, Confirmation nécroscopique : inflammation chronique com-

prenant le périoste, la dure-mère, la pie-mère, et englobant les

nerfs cités. Un second cas entraîne la conclusion que les fibres gus-

tatives sont contenues dans le maxillaire supérieur. P. K.

VI. Contribution A l'étude DU noyau externe DE l'acoustique ET DU

corps RI : STIFOR3LE; par Von Monakow. (Neurol. Centl albl. 1882.)

M. de Monakow sectionne chez un lapin, le jour de sa naissance, la

moitié gauche de la moelle épinière, immédiatement au-dessous de

l'entrecroisement des pyramides. Six mois plus tard les altérations

rencontrées montrent : 1° que le noyau externe de l'acoustique

(noyau de Deiters) dépend des fibres de la moelle et qu'il n'affecte

aucune espèce de rapports avec les racines de l'acoustique, ni avec

le segment interne du pédoncule cérébe]leux; - 20, que le cordon

cunéiforme passe en partie dans le corps restiforme; 3° que le

cordon latéral dans le cervelet se termine dans le vermis. P. K.

VII. Nouvelle communication concernant l'influence DE LI DE-,TRUC-

TION unilatérale du bulbe sur le développement des hémisphères

cérébraux; par Fûrstner. (Archiv f. Psych. u. Nervenk., XI ! , 3.)

Les recherches expérimentales entreprises sur ce point par

M. Flirstner l'ont conduit à cette conclusion que la résection d'un

côté du bulbe n'entraîne pas l'atrophie du centre visuel de Munk

du côté opposé; on y rencontre, par exemple, une diminution de

volume sur la zone de l'hémisphère qui est formée par la première

et la seconde circonvolution, il partir de l'extrémité du lobe

occipital jusqu'au lieu de passage de celle seconde circonvolution

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. t l5

(médiane) dans le lobule postfrontal. Chez quinze chiens soumis,

peu de jours après l'accouchement, à la destruction du tiers anté-

rieur du bulbe, mais ayant vécu ultérieurement de six à quatorze

mois, M. Furstner trouva l'atrophie du nerf optique ainsi qu'une

faible atrophie du faisceau croisé, le tubercule quadrijumeau qui

lui correspond n'ayant d'ailleurs subi qu'une petite diminution de

volume; jamais il n'obtint l'atrophie du centre visuel croisé, non

plus que l'hypertrophie compensatrice du lobe temporal annoncée

par Munk. Dix des sujets en expérience présentaient en revanche,

du côte opposé à la lésion, une diminution de volume de la région

cérébrale délimitée plus haut, surtout en son segment antérieur ;

l'arrêt de développement portait, en une observation, sur le même

côté que celui de la destruction; enfin quatre expériences ne témoi-

gnèrent d'aucune différence. Le microscope corrobora toujours

l'examen macroscopique. - En conséquence, M. licirstiier se range

à l'avis de Gulden ; cette méthode de procéder est demeurée,

jusqu'à ce jour, muette à l'égard des relations de la rétine avec

l'écorce du cerveau. Quant à l'influence de la résection du bulbe,

sur (les noyaux de l'oculo-moteur signalée dans l'espèce, il est

incontestable que M. Furstner l'a consignée du côté lésé, sans que

pour cela l'atrophie de la région corticale du côté susmentionné

ait été en rien entravée. P. K.

VIII. Nouvelles communications sur les arrêts de développement

produits sur LE CERVEAU du lapin par l'extirpation DE zones COR-

TICALES circonscrites; par C. von Monakow. (Arclc., ? Psych. u.

Neraenk., XII, 3.)

Nous avons déjà analysé les^ premières expériences de l'auteur

sur ce sujet ', ainsi que son mode de procéder, son système de rai-

sonnement. Nous nous bornerons par conséquent maintenant à

relever brièvement les résultats obtenus dans la nouvelle série

d'essais. On peut, en définitive, par la résection de telle ou telle

région corticale, pratiquée chez le lapin nouveau-né, s'opposer au

développement ultérieur des noyaux des ganglions infracorticaux,

c'est-à-dire des cinq noyaux ou tubercules (antérieur, moyen,

externe, postérieur et couche grillée) de la couche optique, ainsi

que des corps genouillés externes et internes. La zone qui tient

sous sa dépendance le corps genouillé externe correspond, à raison

de sa situation dans la région occipitale, au centre visuel de Munk;

sa résection détermine aussi l'arrêt de développement de portions

du tubercule externe et de la couche des fibres en grille, de la

bandelette optique, des tubercules quadrijumeaux antérieurs, ainsi

qu'un léger degré d'atrophic du nerf optique. La zone en relation

avec le corps genouillé interne, située sur les côtés de la précé-

dente, appartient au centre auditif de Munk. Ces deux premières

126 REVUE D'.\N.1TUIlE et de PHYSIOLOGIE.

régions de l'écorce sont en continuité avec le segment postérieur de

la capsule interne. - Celle qui préside au tubercule externe de

la couche optique se trouve en avant du centre visuel; celle

dont relève la couche grillée, tout à côté, commande en outre

à la nutrition des faisceaux latéraux du pédoncule cérébral.

Ceux-ci, à la suite de son ablation, s'atrophient jusque dans la

protubérance. La mutilation de ces deux segments de l'écorce

entraîne la dégénérescence des» troisième et cinquième de la

capsule interne. La zone à laquelle ressorlissent les tuber-

cules antérieur et moyen de la couche optique en avant

des deux précédentes et comprend la région motrice du lobe

frontal. De sa destruction résulte l'atrophie des fibres des

pyramides et du faisceau de Vicq d'Azyr en même temps qu'une

diminution de volume de certaines portions de l'étape supérieur des

pédoncules cérébraux ainsi que d'un faisceau d'association qui

rejoint le lobe frontal au lobe occipital ; le segment antérieur de

la capsule interne disparait également. , P. K.

LES premières questions DE la physiologie ; par Luigi LUCL1YI.

(Jahrbuch. f. Psych., III, 3.)

L'auteur traite de ces éternelles questions toujours insolubles

qui concernent l'essence de la matière, de la force, de la vie.

Nous sommes absolument incapables de séparer la matière de la

force qui en produit les manifestations; force, mouvement, mobile,

matière, sont autant de termes indiquant l'objectivité sans laquelle

il n'y a plus de perception. La vie, elle, doit être comprise comme

résultant de l'ensemble des mouvements fonctionnels des orga-

nismes et des phénomènes psychiques (conscience, incitations ner-

veuses). L'organe suppose la fonction; et inversement, celle-ci est

inséparable de Et, en somme, le matérialisme et le spiri-

tualisme constituent deux hypothèses, la science ne saurait retirer

aucune utilité de la recherche de l'essence même des choses. La

seule voie fructueuse qui reste ouverte est celle qui se propose de

tenir simplement compte des phénomènes mis en lumière par

l'expérience. Sur ce terrain, toutes les écoles se mettront d'ac-

cord. P. K.

X. Recherches expérimentales sur les tremblements dépendants DE

L'LCOUCE du cerveau ; par Pastehnatzky. (Jahi,b. f. Psych., 111, 3.)

L'auteur étudie l'action des auestlrésiques sur l'excitabilité

expérimentale des zones psychomotrices du chien au courant fara-

dique. Les inhalations de chloroforme diminuent graduellement

la capacité d'incitation ; sous leur influence, les mouvements pro-

voqués par le courant électrioue deviennent de plus en plus fai-

SOCIÉTÉS savantes. I · ? 7

blés; alors se montrent les tremblements. Or, la situation du

paralyse général réaliserait précisément la double condition d'une

diminution dans l'excitabilité des centres corticaux (disparition

d'une partie dos cellules) et d'incitations constantes de par les pro-

duits inflammatoires, aussi ceux des éléments gris, encore capables

de fonction, ne transmettent-ils que ce mouvement incomplet

connu sous le nom de tremblement. P. K.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ AiLDICO-PSYCHOI,OGIQUG

Séance du 2 ! ) octobre 1883. - Présidence de M. Motet.

Cas insolite de névrose convulsive. M. Legrand du SAULLE. Dans

la séance du 2. juin 18S3, j'ai eu l'honneur de vous entretenir un

instant d'une jeune fille paraissant au premier abord beaucoup

plus hystérique qu'épileptique, mais dont les crises m'avaient paru,

malgré l'absence d'élévation de température, tout à fait épilep-

tiques. J'ai dit que, dans l'espace de vingt jours, le personnel vigi-

lant qui ne l'avait pas quittée un seul instant, ni jour ni nuit, avait

enregistré huit mille attaques, qu'elle s'était tout à coup rétablie

après l'administration d'une potion renfermant quinze grammes

de bromure de potassium, etj'ai ajouté cette phrase caractéristique :

« .l'incline à penser que je me suis tout à coup trouvé en face d'un

cas absolument exceptionnel, insolite et peut-être sans précèdent ».

J'ai pu en effet recueillir quelques renseignements, assister depuis

ma communication à la Société à une nouvelle série de z1,700

attaques convulsives, dans l'espace de vingt-six jours, et faire voir

enfin la malade à un certain nombre de membres de notre com-

pagnie, parmi lesquels je citerai : )1)1. Luys, Delasiauve, A. Voisin,

Magnan, Charpentier, (;al'l11er, Féré, G. Ballet et Paul Moreau (de

Tours).

Rosa G..., dix-sept ans, fille naturelle, aurait présenté vers rage

de douze à treize ans, des attaques convulsives sur la nature des-

quelles il est impossible d'être renseigné. On nous a dit qu'elle

128 SOCIÉTÉS SAVANTES.

avait eu des vertiges, et même probablement des accès incomplets,

avec mâchonnement et mouvements de déglutition. Nous ne con-

naissons pas les antécédents héréditaires. La malade entre à la

Salpêtrière dans mon service le 24 juin 1881. Depuis cette époque,

jusqu'en janvier 1883, c'est-à-dire depuis dix-huit mois environ,

elle n'a eu aucune attaque. Nous constatons seulement que Rosa

G .. est vive, coléreuse, d'un caractère irritable et d'une grande

coquetterie. Le 2'2 j janvier 1883, commença la série de 8,0U0 attaques

dont j'ai parlé dans ma première communication. Ces accès res-

semblaient à ceux de l'épilepsie partielle avec prédominance des

convulsions du côté droit; mais la température restait toujours

normale, tandis que le pouls était à 120 et 130. Cette grande

série de 8,000 attaques terminée, la malade ne présenta qu'un

nombre limité de crises de mars à septembre 1883. Elle eut en

moyenne de quatre-vingts à cent attaques par mois, se montrant

toujours par séries de huit à dix dans l'espace d'une journée, avec

plusieurs jours intermédiaires sans crises. Elle prenait alors 7 gr. 50

de bromure par jour, et nous avons remarqué que, lorsqu'on bais-

sait la dose, les attaques reparaissaient. Nous avons examiné à

plusieurs reprises la malade au point de vue de la sensibilité, et

nous n'avons rien trouvé d'anormal, pas de points hystérogènes,

pas de boule hystérique.

Le 3 octobre J883 (il y avait quinze jours que la malade n'avait

pas eu d'attaques), elle est prise d'accès nombreux et répétés, se

succédant sans interruption. A ce moment, voici en général ce

que l'on observe : secousses a droite, clignotement des paupières

supérieures et quelques mouvements ondulatoires du ventre, puis

quelquefois un petit cri, sans caractère spécial. Eu même temps,

la tête se roidit et se tourne du côté droit; la face devient rouge

d'emblée, les globes oculaires se portent eu haut et divergent, la

pupille est légèrement dilatée, les paupières sont entr'ouverles.

Les muscles de la face se convulsent, surtout à droite, la bouche

est largement ouverte et la langue sort quelquefois de la bouche,

sans jamais être mordue. Le membre supérieur droit est étendu

dans l'adduction et la rotation au-dehors, le poignet est un peu

fléchi et le poing fermé. Le membre inférieur est dans l'extension,

et la jambe en pied-bot équin est tournée un peu en dehors.

Du côté gauche, le membre supérieur se roidit, mais bien après

la jambe droite et à un degré très faible, car le poing ne se ferme

pas. La jambe gauche ne se prend qu'un peu plus tard et d'une

fdçon très peu marquée.

Les convulsions cloniques se montrent presque immédiatement à

la face et dans les membres roidis du côté droit et se succèdent

avec la plus grande rapidité. 11 apparaît quelquefois un peu

d'écume à la bouche. A gauche, les membres restent un peu roides

et étendus, mais on n'observe jamais de mouvements cloniques

SOCIÉTÉS SAVANTES. 129

de ce côté. Les mouvements convulsifs s'arrêtent. A peine la ma-

lade a-t-elle le temps de tomber dans la résolution musculaire,

qu'une nouvelle attaque se produit. Cette convulsion, on le voit,

ressemble à l'épilepsie jacksonienne. Comme dans celle-ci, la con-

vulsion ne s'accompagne pas toujours de perte de connaissance.

Ce qui manque à cette épilepsie partielle, c'est la paralysie post-

épileptique et l'élévation de température.

On ne note ni morsures linguales, ni incontinence d'urine, et

l'on reste étonné du calme absolu qui se manifeste dans l'inter-

valle des crises. La compression ovarienne, d'autre part, ne fournit

aucun résultat et nul phénomène hystériforme ne se prononce.

Les crises sont donc seulement épileptoïdes. Après les attaques,

le membre droit est contracté et les poings sont fermés. A gauche,

le membre devient flasque. La sensibilité ne présente rien d'anor-

mal. Les urines ne renferment pas d'albumine.

Du 4 au 14 octobre, on observe des attaques analogues à celles

qui viennent d'être décrites. Le bromure de potassium a été élevé

de 7 gr. 50 à 15 gr. sans résultat appréciable. A partir du 14 octobre,

les attaques sont plus complètes et le côté gauche est envahi

à son tour. En effet, le membre supérieur gauche est tout à fait

dans l'extension, les doigts sont contractés et le pouce est fléchi

dans la main comme à droite. Le poignet gauche est fléchi à

angle droit sur l'avant-bras, la main et l'avant-bras sont com-

plètement contournés en rotation, la face palmaire étant tour-

née en haut. La jambe gauche est très raide. Les mouvements

cloniques se montrent alors pour la première fois dans le

membre supérieur gauche, mais toujours plus légèrement qu'à

droite. La jambe gauche ne présente pas toujours de convulsions

La tête est constamment tournée à droite, du côté le plus con-

vulsé. On note à ce moment de l'hémianesthésie au tact, à

la température et à la douleur du côté droit. L'examen opthtlial-

moscopique accuse de l'achromatopsie à droite. La continuation

du bromure de potassium à haute dose et l'application d'un

appareil compresseur des ovaires restent sans action aucune.

Le 19 octobre, à trois heures de l'après-midi, les crises changent

subitement de forme. A l'attaque épileptoide, qui a été décrite et

qui avait fini par se manifester des deux côtés, succèdent des con-

torsions variées et deshallucinations terrifiantes. Elles se produisent

soit à la suite d'une série d'attaques convulsives, soit d'emblée,

après une période de repos. Les yeux sont alors largement ouverts

et fixes. Rosa G..., en revenant à elle, rapporte alors qu'elle a vu

une grosse boule noire, un gros peloton noir, qui allait et venait,

et qui lui a fait grand'peur. Le surlendemain, elle voit « une bête

verte, sans pattes, qui a des yeux verts et qui rampe ». Elle

demande qu'on l'arrête. Ces phénomènes délirants et hallucina-

toires, aussi bien que la surélévation du bromure de potassium,

Archives, t. VII. ' 9

130 sociétés savantes.

dont la dose est actuellement de 18, de 20 et 22 gr. par jour, ne

modifièrent en rien le nombre des crises épileptoides, puisque du

3 octobre au 19, on a compté plus de 11,000 crises absolument

épileptoides, et que du 19 au 28, on a observé 10,000 crises environ

également épileptoides, mais accompagnées parfois de phénomènes

tout à fait hystéI i'1ues.

Le 28 octobre, c'est-à-dire le vingt-sixième jour de la maladie,

les accès, qui s'étaient élevés à 1,351 la veille, tombent à 3;i0; c'est

la lin de cette grande série. Nous voyons donc que, jusqu'au 19 oc-

tobre, alors qu'aucun phénomène hystérique n'était appréciable,

le diagnostic pouvait être incertain. Aussi, M. Charcot, qui observa

Rosa G... dès les premiers jours de la maladie, pensa-t-il avoir

affaire à un cas d'épilepsie symptomatique d'une lésion cérébrale

gauche ayant amené l'hémispasme de tout le côté droit. Mais le

nombre excessif des attaques, le calme de la malade dans les inter-

valles des accès, l'absence de paralysie post-épileptique et surtout t

l'absence d'élévation de la température, enfin l'apparition de l'hé-

mianesthésie droite, lui firent abandonner son premier diagnostic,

et le portèrent il penser qu'il s'agissait d'attaques d'hystéro-épi-

lepsie. Les phénomènes qui se sont montrés à partir du 19 octobre

(hallucinations terrifiantes, délire, contorsions) sont venus con-

firmer cette manière de voir. Tel est, Messieurs, le cas insolite de

névrose convulsive, qu'il nous a paru intéressant de vous commu-

niquer. Chez notre malade, en effet, l'hystérie est restée latente

pendant très longtemps, et,, ce n'est qu'après une série de crises

épileptoïdes fort longues que se sont montrés les phénomènes

franchement hystériques. Aujourd'hui, le diagnostic ne saurait être

douteux : nous avons affaire à un cas d'hysléro-épilepsie se distin-

guant des formes ordinaires par deux points très importants :

1° Par la forme des crises épileptoides qui est tout à fait ana-

logue à celle des attaques d'épilepsie jacksonienne;

2" Par le nombre considérable des accès qui dépasse tous

les chiffres observés jusqu'ici, puisqu'on en a compté 11,700 en

vingt-six jours '.

Rosa G... n'a plus d'attaques depuis hier; la grande série d'accès

à laquelle nous venons d'assister paraît terminée. Si quelque phé-

nomène nouveau vient à se produire chez notre malade, je m'em-

presserai d'en faire part à la Société.

M. Féré. Malgré quelques caractères exceptionnels offerts par le

cas très intéressant sur lequel M. Legrand du Saulle vient d'ap-

peler l'attention, on peut dire que l'hystérie s'y trahissait par un

certain nombre de particularités que vous voudrez bien me per-

mettre de relever. ,

1 Le total général des crises convulsives pour l'année 1883, dépasse

30,000. ,

SOCIÉTÉS savantes. 131

La première série de 8,000 attaques offrait un élément de diagnostic

de la plus grande valeur : l'absence d'élévation de température

et de paralysie excluait l'idée du mal comitial ou d'épilepsie

partielle. Si en effet l'hystérie a pu mériter, par la diversité de ses

manifestations, ladénomination de névrose protéiforme, l'épilepsie

est malheureusement soumise à des règles plus fixes : on ne voit

guère les attaques d'épilepsie se répéter plus de z100 fois par jour,

sans que la température s'élève, et ordinairement si l'état de mal

se prolonge plusieurs jours, la mort arrive. M. Charcot a relevé

depuis longtemps l'absence d'élévation de température dans l'état

de mal hystéro-épileptlque 1.

On a invoqué en faveur de l'épilepsie l'existence de secousses

des membres qui se produisaient quelquefois en dehors des

attaques ; mais les secousses, pas plus que les attaques syncopales,

les absences, les vertiges, ne sont inconnues dans l'hystéro-

épilepsie, nous en avons vu plusieurs fois et il est facile d'en trouver

des exemples dans les auteurs 2. Quant à l'affaissement intellectuel

qui existait dans l'intervalle des attaques, il pouvait facilemeut

s'expliquer par les doses considérables de bromure absorbées par

la malade. L'hypothèse de l'hystérie avait contre elle, disait-on,

l'absence des phénomènes permanents en dehors des attaques :

le caractère dit hystérique de la malade n'avait pas une grande

importance; mais il restait une réserve à faire : lasensibilité avait

été incomplètement explorée, les sens spéciaux et la vision en

particulier n'avaient point été examinés.

Les attaques étaient, il est vrai, épileptiformes et exclusivement

épileptiformes ; mais il n'est pas rare que les hystéro-épileptiques

aient des séries purement épileptoïdes : quelquefois cette forme

d'attaques existe seule pendant des mois 3. Cette anomalie dans les

formes des attaques étonnera moins si on veut bien considérer que

presque toutes les hystéro-épileptiques offrent, à un moment donné,

des attaques incomplètes, tantôt c'est la phase des contorsions,

tantôt c'est la phase du délire qui manque, tantôt c'est l'épileptoïde :

nous avons vu une malade chez laquelle la phase épileptoïde

n'était représentée que par un mouvement de la pupille'. Et

d'ailleurs, à tout bien considérer, ces attaques épileptiformes

1 Charcot. - Leçons sur les maladies du système nerveux, 4° édit., t. I,

p. 376.

' Bourneville et P. Regnard. - Iconog. photographique de la Salpd-

trière, t. III, p. 69.

3 Bourneville et P. Regnard. Iconoy. photographique de la Salpé-

trière, p. 51 : cas de Parmentier. C'est peut-être le premier observé avec

soin.

1 Cil. Feié. Notes pour servir à l'hsléro-épzlepsic. (Arch. de Neural.,

1882, t. III, p. 289.

132 SOCIÉTÉS SAVANTES.

présentaient des caractères bien propres à les rapprocher de

l'épileptoïde de l'hystéro-épilepsie : elles débutaient par des

secousses abdominales, des battements des paupières ; la bouche

était largement ouverte et la langue était quelquefois fortement

portée en dehors, comme dans l'attaque démoniaque, mais

jamais mordue; il n'y a jamais eu de miction involontaire. On

peut donc dire que s'il y avait des raisons très sérieuses pour

exclure l'épilepsie, il n'y en avait aucune qui fût péremptoire pour

éloigner l'hystérie. Il faut relever toutefois que ce cas est peut-

être sans précédent pour le nombre des attaques dans une même

journée. Georget cite une malade dont les attaques furent si

fréquentes et si fortes pendant six mois, qu'elle ne quitta plus ni

le lit ni la camisole pendant tout le temps'; mais il ne donne

aucun détail. Quant à la nialade de M. Charcot, elle n'avait guère

qu'une centaine d'attaques par jour.

M. Ballet. Si je demande la parole, c'est pour faire ressortir

l'intérêt et les enseignements qui résultent du rapprochement de

cette observation et de quelques autres, à certains égards ana-

logues. Ce que je veux retenir pour l'heure du cas de M. Legrand

du Saulle, c'est que les accidents hystériques ont, chez la malade

dont il s'agit, simulé d'une façon remarquable, à un moment

donné du moins, les symptômes de l'épilepsie partielle. Sans

doute le tableau clinique s'est ultérieurement modifié; on a vu

apparaître successivement tout un ensemble de phénomènes,

notamment ces battements de paupières, ces mouvements de pro-

pulsions de la paroi abdominale, sur lesquels vient d'insister

M. Féré, et qui, de jour en jour, ont fait pencher davantage le

diagnostic vers l'hystérie. Mais , ,durant la première période de la

crise qui vient de se terminer, la symptomatologie, je le répète,

ressemblait, à s'y méprendre, à celle de l'épilepsie jaclcsonnienne ;

et la preuve, c'est que des observateurs comme MM. Charcot et

Legrand du Saulle s'y sont mépris. C'était de l'épilepsie jackson-

nienne, moins cependant l'élévation de température, qui accom-

pagne d'ordinaire cette dernière. A l'époque à laquelle nous nous

reportons, le problème diagnostique se posait donc de la façon

suivante : ou bien il s'agissait d'une modalité anormale et jusque-

là inconnue d'attaques d'hystérie, d'attaques à forme d'épilepsie

partielle, ou bien d'une épilepsie partielle sans élévation de tem-

pérature concomittante. Dans les deux cas, on se trouvait en pré-

sence d'un type clinique nouveau. L'avenir a donné raison à ceux

qui inclinaient vers l'hystérie : le nombre considérable des

attaques, compatible avec la vie, l'absence de paralysie localisée,

à la suite de ces attaques, l'apparition de plusieurs des phénomènes

1 Georget. - Dict. en 30 vol., art. Hystérie, t. XVI, p. 168.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 133

cloniques de l'hystérie, qui au début faisaient défaut, ne laisse

plus, on l'a dit, aucun doute à cet égard.

Mais qu'on suppose un nombre d'attaques restreint, qu'on ad-

mette,-et le fait n'est pas invraisemblable,-due les accidents se

soient amendés au boutde quelques heures, que les hallucinations

et autres symptômes nettement hystériques ne se soient pas mon-

trés, et on concevra que le diagnostic serait resté singulièrement

hésitant entre les deux hypothèses que je rappelais plus haut, celle

d'une hystérie à forme non connue jusqu'à ce jour, ou d'une

épilepsie à forme partielle sans élévation de température.

Or, la supposition qui précède n'est pas purement théorique. Elle

est réalisée dans le cas d'une malade actuellement en cours d'ob-

servation dans le service de la clinique des maladies du système

nerveux, à la Salpêtrière. Il s'agit d'une jeune femmequi entrait,

il y a quelques mois, dans le service de M. Charcot.

Elle présentait les symptômes les plus nets delà grande hystérie :

anesthésie cutanée générale; rétrécissement considérable du champ

visuel à droite et à gauche. J'ajoute que, quelques jours après son

arrivée, la malade fut prise d'hémoptysie, que l'absence de toute

lésion pulmonaire ponstatable nous porta à considérer (et l'avenir

a montré que nous ne nous étions pas trompé) comme des hémop-

tysies d'origine nerveuse. Nous avions donc bien affaire à une

hystérique, le fait n'était point douteux.

Un jour, sous nos yeux, cette femme tomba en attaque : attaque

assez particulière, quant à ses traits symptomatiques, et qui ne

ressemblait, *en aucune façon, aux attaques d'hystérie connues.

Voici, en effet, comment ladite attaque se caractérisait : sans aura

sans cri initial, la malade inclinait le tête vers l'épaule gauche; le

bras du même côté puis la jambe étaient, peu après, pris de

raideur, et ce n'est qu'au bout d'un instant que les convul-

sions toniques se communiquaient au côté droit. On retrouve

là les principaux traits constitutifs d'une attaque d'épilepsie par-

tielle.

Jamais la malade n'a eu d'attaques d'hystérie franche; jamais

notamment, au cours de ses crises, elle n'a présenté l'ébauche de

la période des glands mouvements. Nous avons cependant été

témoins d'un grand nombre d'attaques, qui plusieurs fois se sont

succédées par séries, durant plusieurs jours.

En présence du tableau symptomatique singulier présenté par

cette femme, et en dépit des phénomènes hystériques permanents

constatés chez elle, le diagnostic était resté hésitant. S'agissait-il

réellement d'une forme anoriiiale d'attaques hystériques ou d'accès

d'épilepsie partielle (sans élévation de température) chez une

hystérique ? Telle est la question que M. Charcot s'est longtemps

poé.

Le cas de M. titi Saulle vient de nous fournir la clef de

1 : J1 Il ¡iIBL ! O(,HAPII11 ?

ce diagnostic délicat, en nous montrant que l'hystérie peut em-

prunter le masque de l'épilepsie jacksonienne. C'est là en effet un

point capital qui ressort, à mon sens, du rapprochement de la

malade de III. Legrand du Saulle et de la Ilûtl e. Je pourrais

d'ailleurs rapporter un troisième fait qui, à certains égards, se

rapproche des précédents.

Il s'agit aussi d'une hystérique du service de M. Charcot, qui est

prise de temps en temps de spasmes du membre inférieur gauche,

rappelant certaines formes de l'épilepsie partielle.

La conclusion à tirer des considérations qui précèdent, c'est

que l'hystérie s'approprie la plupart des formes symptomatiques

de l'épilepsie. Elle emprunte souvent le masque de la grande

attaque de mal; c'est là un fait vulgaire et très connu; elle em-

prunte aussi, je crois, dans quelques cas, celui du petit mal : j'ai

rapporté quelques exemples de cet ordre dans un mémoire ' 1

présenté l'an dernier à l'Académie de médecine; l'observation de

M. Legrand du Saulle et celle que je viens designaler à la Société

établissent enfin que les convulsions dans l'hystérie peuvent aussi

revêtir les caractères analogues à ceux qu'elles affectent dans

l'épilepsie par lésion cérébrale localisée ou épilepsie jackso-

nienne 2. M. B.

BIBLIOGRAPHIE

I. Sur la commotion du cerveau; par C.-B. Tilanus.

Thèse inaugurale d'Amsterdam, 1883.

Quoique la nature de la commotion cérébrale ait été déjà bien

souvent étudiée, il n'était pas superflu d'attirer encore une fois

l'attention sur ce sujet, d'autant plus que les auteurs les plus récents

ont émis les théories les plus diverses.

Koch et Filehne publiaient, il y a à peu près dix ans, leur Ucúer

commotio ceieb21, dont le plus grand mérite est d'exposer très net-

1 G. Ballet. - Des accidents épileptiformes dans l'hystérie. Mémoire

couronné par l'Académie. (Prix Civiieux, 1882. (Inédit; 1

Les observations auxquelles M. G. Ballet a fait allusion dans cette

discussion seront publiées prochainement dans un mémoire spécial.

BIBLIOGRAPHIE. 135

tement les symptômes de cette affection. Du reste, ils préconisaient

dans cette monographie l'idée que la commotion cérébrale sans

complications passe sans que la moindre lésion anatomique soit

appréciable dans l'encéphale, et ils pensent que les symptômes de

cette maladie devaient être expliqués par un ébranlement des dif-

férents centres nerveux.Duret, quelques années plus tard. s'efforça

de prouver dans ses Études expérimentales et cliniques sur les

traumatismes cérébraux, que les cas de commotion cérébrale

sont toujours accompagnés d'hémorrhagies dans le plancherduqua-

trième ventricule, l'aqueduc sylvien, etc. La nature de la com-

motion consisterait, d'après ses recherches, dans une lésion de la

moelleallongée effectuéepar ce qu'ilnomme le « choc céphalo-rachi-

dien », c'est-à-dire par l'intermédiaire du liquide céphalo-rachidien

transmettant l'action vulnérante d'un choc sur le crâne.

Cette lésion de la moelle allongée, ce « trouble bulbaire», expli-

querait les symptômes de la commotion, même jusqu'à l'arrêt des

fonctions de la vie intellectuelle et volontaire. Pour décider de la

question, il semblait en premier lieu nécessaire de chercher une

réponse à la question suivante : a) Est-ce que les hémorrhagies dans

l'aqueduc sylvien, le plancher du quatrième ventricule (ventricule

bulbaire), etc., que Duret décrit comme constantes dans lacommotion

cérébrale, sont vraiment toujours rencontrées ? Plusieurs obser-

vations et expériences rendaient probable que vraiment ces hémor-

rhagies se produisent très souvent dans ces circonstances, mais

prouvaient aussi qu'assurément elles manquent fréquemment, même

dans des cas de commotion foudroyante, quand l'animal tombait

raide mort, d'un seul coup. Faisait-on des injections selon la méthode

que Duret suivit pour imiter le choc céphalo-rachidien, on rencon-

trait, au contraire, constamment léshémorrhagies du plancher bul-

baire, etc. Comme cela ne prouvait pas encore que le mécanisme

du «choc cépbalo-racbidien serait sans influence sur la naissance

d'une commotion cérébrale, il était nécessaire de poser la question

suivante : b) Quels sont les symptômes causés par des chocs sur le

crâne, quand la tension du liquide cérébro-spinal dans l'aqueduc

sylvien et le ventricule bulbaire ne peut pas être élevée ? Pour ar-

river à une solution, chez quelques animaux la membrane atlanto-

occipitale fut ouverte, et la pie-mère, déchirée à l'endroit où elle

forme le lac cérébelleux inférieur, de sorte que le ventricule bul-

baire était ouvert et la plus grande quantité du liquide cérébro-

spinal pouvait s'écouler. A ces animaux qui, après cette opération,

ne présentaient rien d'anormal, on donnait un ou plusieurs coups

de marteau sur le front, jusqu'à ce qu'ils tombassent, ce qui n'offrait

aucune difficulté; on leur trouvait les symptômes ordinaires de

commotion cérébrale. Ainsi il était bien prouvé que la commotion

cérébrale n'est pas exclusivement l'effet du choc céphalo-rachidien.

Pourtant il était possible que la cause de cet état dût être cherchée

136 BIBLIOGRAPHIE.

dans une lésion de la moelle allongée, et, dans cette idée, M. Tilanus

se posa la question suivante : c) Est-il possible, par lésion directe de

la moelleallongée et surtout du plancher du ventricule bulbaire, de

provoquer la, commotion cérébrale ou des symptômes de cette affec-

tion ? ou comment le plancher du ventricule bulbaire et l'aqueduc

sylvien réagissent-ils à des lésions directes ? , "

Pour les résoudre, le plancher du ventricule bulbaire, et aussi

l'aqueduc sylvien furent mis sous l'influence de stimulations méca-

niques et chimiques, et l'aqueduc surtout fut mécaniquement dis-

tendu. Alors, on rencontrait vraiment de temps en temps desmodi-

fications,dans la fréquence du pouls et de la respiration, et surtout

chaque fois l'incapacité de l'animal d'expérience à se tenir debout;

mais toujours, ces animaux étaient évidemment] compos mentis et

cela même après. des lésions qui allaient jusqu'à l'extirpation du

centre 1 de la, respiration dansée charnus scriptorius..Toutes ces

expériences furent faites sur.ldes animaux à t sang chaud (lapins,

chiens) ;.mais, comme' Heubel,1 avait cru trouver que, chez les gre-

nouilles, l'attouchement du,plancher du. ventricule, bulbaire faisait

naître chez ces animaux un -assoupissement, il sembla nécessaire

d'étudier ces circonstances, aussi chez, ceux-ci..Le résultat de ces

recherches fut que les symptômes qui se présentent chez les gre-

nouilles, quand on touche, selon-la méthode d'Heubel, le plancher

du quatrième ventricule à sa partie antérieure sont, pour une

partie, la suite de la lésion des centres des mouvements des yeux, et

pour le reste, les symptômes de '1 shok».

Il a été toujours difficile de comprendre comment une lésion des

hémisphères, comme l'ébranlement dans la commotion cérébrale,

pourrait déterminer les symptômes de cette maladie, et cela parce

que les expériences avaient toujours appris que ces parties

étaient insensibles aux stimulations mécaniques. '

Ainsi on a déjà souvent essayé de trouver la cause de celte affec-

tion dans le bulbe rachidien.,C'était la raison qui; encore une fois,

a attiré d'attention sur cette.-partie, de l'encéphale dans les expé-

riences décrites. Or, comme nous avons vu, de temps en temps, les

lésions de la moellei allongée produisaient des symptômes de. la

commotion. Seulement le coma ne se rencontrait jamais, et juste-

ment ce coma, coma traumatique, semblait le symptôme essentiel

dans cette maladie. C'est pour cela que le, coma semblait décidé-

ment causé par une affection' directe de la. substance grise des

hémisphères;, et; si cela. semblait, invraisemblable selon les prin-

cipes mentionnés plus haut, on ne doit jamais oublier que, dans les

autres cas de lésion¡de cette partie de l'encéphale, on a à faire à

des lésions locales, de sorte que les' différentes parties de l'écorce

t Il ni . i * l, '. " . ¥ ? < . »

l dans d-rampfccn/rnnz des Frosches ûnd sein verhallen gegen gewis-

sen Arzneisloffe », dans/ÏMe) ? Arcliiv., band XI, p. 263. Bonn,, 1874.

VARIA. 137

pourraient suppléer l'une l'autre. Dans la commotion cérébrale,

au contraire, quand toutes les parties sont affectées à la fois,

c'est impossible. D'ailleurs, la moelle allongée estaffectée aussi, mais

elle est dans un état d'excitation, tandis que les hémisphères sont

mis hors d'étal de fonctionner, ce qui est prouvé par le ralentissement

du pouls et de la respiration, pendant que l'individu frappé est

dans le plus profond coma.

Cette différence dans la réaction de ces diverses parties de

l'encéphale sous l'influence du même traumatisme est probablement

causée, en partie, par la plus grande résistance de la moelle allon-

gée« l'ultimum moriens du système nerveux » ; mais aussi par,l'iu-

fluence indirecte du traumatisme sur cette partie.

Une paralysie immédiate du bulbe semble, d'après le résultat

de quelques expériences, pouvoir se présenter aussi de temps en

temps et cela, quand la force ébranlante est excessivement grande.

Ainsi, il' paraît le plus vraisemblable que l'influence directe du

traumatisme sur les centres de l'encéphale est, dans la commotion,

l'élément de la plus grande portée; mais qu'il n'est pas impos-

sible que les différences dans la tension du liquide cérébro-spinal

dans le crâne jouent aussi un certain rôle. Cn. F.

VARIA

Sur la nouvelle législation des asiles d'aliénés EN Amérique.

't z

Le « Philadelphia médical Times », dans son numéro du 10 mars

dernier, présente quelques considérations au sujet des amende-

ments à apporter à la législation des asiles d'aliénés, récemment

proposées au Congrès de Harisburg. Les réformes en question sont

des plus heureuses, bien qu'elles rencontrent leurs adversaires les

plus opiniâtres dans le corps tout entier des directeurs d'asiles. La

principale cause de cette hostilité tient à ce qu'on propose d'ouvrir

les hospices d'aliénés à l'intervention' des médecins du dehors,

mesure qui a pour but d'accroître la responsabilité des aliénistes.

Avec la loi actuellement en vigueur, une fois interné dans un

asile, l'aliéné est exposé à une détention indéfinie, à laquelle il

ne peut se soustraire que par l'intervention des tribunaux. Néan-

moins, le surintendant se trouve à couvert et ne sera pas inquiété,

même s'il a détenu arbitrairement pendant vingt ans un homme

sain d'esprit, dans son hospice. C'était là le point capital auquel il

¡ .1 S F.\ITS 1.J1\ ERS

fallait remédier, et les mesures qui doivent viser col état

de choses n'ont d'autre inconvénient pratique que d'lion-

nêtes directeurs à des poursuites et à des vexations non motivées.

Mais l'amendement proposé protège les aliénistes tout aussi bien

que le pourrait faire une loi spéciale. Il est bien spécifié, en effet,

que toute détention prolongée, appliquée à un convalescent, ne

tombera sous le coup de la pénalité que si « le juge, après plat-

doyers et procès, peut certifier que le médecin, prévenu, a agi par

grande négligence ou corruption et qu'il a détenu le malade sans

raisons plausibles ». Peut-être serait-il préférable de s'en tenir,

dans cet exposé, aux faits de corruption. Mais il est bien certain,

d'autre part, que jamais la justice, eu égard à sa haute responsa-

bilité, ne voudra se prononcer sans preuves solidement assises.

Ce ne peut donc être que. de la part des surintendants ayant

quelque motif de craindre pour eux-mêmes que doit venir l'oppo-

sition, à toute modification de la loi actuelle. N'est-il donc pas

juste, d'autre part, de voir ces administrateurs faire face aux

responsabilités qui sont inhérentes à leur office ?

Quant aux objections que soulèvent les aliénistes contre l'ou-

verture de leurs asiles aux médecins du dehors, elles sont encore

moins plausibles. C'est une erreur que de croire qu'un aliéniste

peut être à la fois versé dans la connaissance de sa spécialité et

dans celles des autres sciences médicales. Par le fait de sa réclu-

sion dans un hospice d'aliénés, il ne peut être à même d'étudier

toutes les affections pathologiques,, et on peut dire qu'un homme

qui connaît à la fois les,itialadies mentales et nerveuses est un

être exceptionnel. 11 n'est donc pas admissible qu'un aliéné atteint

de fièvre typhoïde, par, exemple, remette sa vie entre les mains

d'un médecin, aux lumières duquel un homme sain d'esprit ne

voudrait pas avoir recours en pareil cas.

Le « Médical Times » rappelle en terminant que s'il a toujours,

par le passé, soutenu les intérêts des aliénistes, il ne peut prendre

leur défense, lorsqu'il les voit, comme dans le cas actuel, en dehors

du sentiment vrai de leur profession, et il engage les médecins à

'éclairer sur ce point l'opinion de leurs mandataires législatifs.

1 G.l3uNwmr.

FAITS DIVERS

AcwLwe des sciences. Election de M. Charcot. Dans sa séance

du I novembre, l'Académie des sciences a procédé au remplace-

ment de \[..I. Cloyuet, décédé. La commission, par quatre voix

F.II1'o DIVERS. 13 ) 1

contre une, avait plat·.é 11. Clmrcut en première ligne. L'Académie

a ratifié le choix de la commission en donnant quarante-six voix

à M. Charcot, contre douze à M. Sappey.

ACIDÉMIE de vi : utecmr.. - Prix proposés pour l'année 1884 : prix

Bernard de Civrieux (1 ,OO fr.), De la sclérose et ! plaques dissémi-

nées; prix Falret ( 1 ,000 fr.), Des folies diuthésiques.

Société d'anthropologie DE Paris. Cette Société a procédé, dans

sa séance du 6 décembre, au renouvellement de son Bureau pour

l'année 1884. Ont été élus : Présidait, M. Hamy; Vice-présidents,

M11. Dureau et l.etourneau; - Secrétaire général, M. 'fouinard;

- Secrétaire général adjoint, M. Girard de Iliili4t ; Secrétaires

annuels, MM. Prat et Issaurut; Conservateur des collections,

M. Collineau; - Archiviste, M. Vinson; Trésorier, M. Leguay.

- La Commission de publication se compose de MM. Quatrefages,

M. Duval et Thulié.

Société d'anthropologie de Bordeaux. - Une Société d'anthro-

pologie est en voie de formation à Bordeaux, sous le patronage

de MM. zarii et Testut. Une première réunion a eu lieu le jeudi

12 décembre, et les premières bases de la Société ont été établies.

Nul doute que cette Société ne soit accueillie avec faveur par le

public scientifique de cette ville.

Asiles des aliénés de la Seine. - Concours de l'internat en phar-

macie. Le concours s'est ouvert le 10 courant à l'asile clinique

(Ste-Anne). Les membres du jury étaient : MM. Beaudrimont, direc-

teur de la pharmacie centrale, président ; Vialla, pharmacien do

Bicêlre; Buurduelot, pharmacien de la clinique d'accouchements;

Quesneville, pharmacien de Sainte-Anne; Le Fort, pharmacien de

la ville. Les candidats inscrits étaient au nombre de douze :

MM. Charmelau, Houchy, Barthélémy, Siret, l3oullé,'Bruliat;'Cuvlr-

rard, Descourot, Vautliier, Morin, Ollier, Cambi. La première

épreuve, de cinq minutes, a consisté dans la reconnaissance de vingt

substances simples. La seconde, de dix minutes, aporté sur la recon-

naissance de dix substances composées, avec dissertation sur l'une.

Le jury a exprimé le regret qu'un droguier, dont la création à la

pharmacie de Sainte-Anne avait été demandée à l'Administration

depuis trois ans par M. Méliu, président du jury, n'ait pas encore

été installé. L'Administration devrait d'autant plus tenir grand

compte de la demande des pharmaciens des hôpitaux, que ceux-ci,

en acceptant de faire partie du jury des examens des asiles, font

preuve de la plus grande obligeance. Or, nous croyons savoir que

le seul obstacle a la création de ce droguer, a été jusqu'à présent

l'exiguité de la pharmacie, où il aurait pu trouver sa place. Nous

n·p^rons que la troisième commission du Conseil général voudra

tenir compte ne ce nowel argument pour l'agrandissement des

140 ' FAITS DIVERS.

services généraux, et qu'elle saura briser la mauvaise volonté de

ceux qui mettent leurs commodités personnelles au-dessus de l'in-

térêt général.

A la suite de ce concours, ont été nommés : internes titulaires,

MM. Boullé, Descouras, Morin; internes provisoires, MM. Eunkard,

Camby, Charmeteau.

Concours pour l'internat en médecine. - Les épreuves ont t

commencé dans les premiers jours de décembre. Le jury se com-

posait de MM. Dagonet, président, Dujardin-Beaumetz, Marchand,

Bouchereau, Magnan et Bail. - Dix-sept candidats s'étaient fait

Inscrire ; quatorze ont pris part à la première épreuve.- La ques-

tion tirée au sort pour la composition écrite était la suivante : Cor-

dons postérieurs de la moelle (anatomie et physiologie). - Les

deux questions restées dans l'urne étaient ainsi conçues : Nerfs du

larynx (anatomie et physiologie) ; Nerfs de la langue (anatomie et

physiologie). - Les questions orales étaient ainsi conçues : Signes

et diagnostic' de la fièvre typhoïde; Eliologie, signes et diagnostic

du phlegmon diffus; - Signes et diagnostic du cancer de l'estomac;

Signes et diagnostic des anévrismes artériels du creux poplité.

Ce concours vient de se terminer parla nomination de MM. For-

tineau, Petit, Legrain, Pichon, Planés, Ladoucette, internes titu-

laires. MM. Dupain, Lallement, Grenier, Bettencourt, Moinères,

Errnougeon et Boiron ont été classés à la suite. Ils rempliront, si

besoin est, les fonctions d'internes provisoires.

Colonie annexe DE l'asile de V.4UCLUSE. - Le Conseil général

vient de voter la création d'une troisième place de médecin-ad-

joint à l'asile de Vaucluse : le titulaire sera chargé exclusivement

de la colonie d'enfants arriérés et idiots.

En raison du peu de succès que cette colonie a eu auprès des

familles aisées (cette colonie ne reçoit que très peu d'enfants

payants); en raison aussi d'une épidémie d'ophthalmies con-

tagieuses, l'administration préfectorale vient de nommer une

commission chargée d'étudier les réformes à introduire tant dans

l'organisation matérielle de la colonie que dans les méthodes

d'enseignement. Cette commission est composée de MAI. Bahut.

chef de division à la préfecture de la Seine ; Bigot, médecin-direc-

teur de l'asile de Vaucluse; Bouchereau, médecin de l'asile Sainte-

Anne; Bourneville, membre de la commission de surveillance des

asiles; Leclerc, chef de bureau de la préfecture de la Seine; Loi-

seau, membre du Conseil général; Maréchal, architecte des asiles;

Puteaux, membre de la commission de surveillance; Roux, sous-

directeur des affaires départementales; Vincent, inspecteur de

l'enseignement

Asile DE BnoN. - Le 6 décembre, s'est terminé à la Faculté de

médecine de Lyon le concours pour la nomination de trois

BIBLIOGRAPHIE. tel

internes à l'asile des aliénés de Bron. Ont été nommés : MM Le-

moine, Paret, Sarda.

Asile d'aliénés D'EVIIEUX. - Une place d'interne est vacante

dans cet asile. 800 fr. par an. Logement, chauffage, blanchissage,

éclairage. Adresser sa demande au directeur. - Il faut au moins

douze inscriptions.

Asile d'aliénés D'ORLEANS. Une place d'interne est disponible

dans cet établissement. Traitement : 300 fr. la première année et

400 la seconde. - S'adresser au directeur pour plus amples rensei-

gnements. , ,

Asile d'aliénés de Marseille. - Un concours pour la nomination

à deux places d'élèves internes en médecine dans l'asile d'aliénés

de Marseille s'ouvrira le I ? février 1881 : 'à deux heures de l'après-

midi. Les élèves en médecine qui désirent' concourir doivent être

pourvus de seize inscriptions de doctorat, et se faire inscrire avant

le 17 février prochain. Les candidats nommés entreront en fonc-

tions le 1 cr mars 1884; ils sont nommés pour trois ans, touchent

un traitement annuel de 800 francs et sont logés, nourris, chauffés

et éclairés. '

' 't, ' ,

Asile d'aliénés DE IEUIiTHE-ET-11OSCLLE. En exécution de l'ar-

rêté préfectoral du 5 juin 1882, approuvé ,par ,111. le ministre de

l'intérieur, un concours public s'ouvrira le 21 novembre 1884, à

trois heures du soir, à la Faculté de médecine de Nancy, pour la

nomination de' trois internes à l'asile de Maréville. '

Sont admis à concourir les étudiants en médecine français,

ayant au moins douze inscriptions de doctorat.

Les internes sont nommés pour trois ans; ils seront logés, chauf-

fés et éclairés et recevront un traitement annuel de 800 fr.

Les candidats devront se faire inscrire au secrétariat de la pré-

fecture dix jours au moins avantl'ouverture du concours. Ils auront

à produire leur acte de naissance, un certificat du maire de leur

domicile établissant leur qualité de Français, un certificat consta-

tant qu'ils ont au moins douze inscriptions pour le doctorat, et

enfin un certificat de bonnes vie et moeurs.

Nominations ET promotions. Ont été promus pour prendre

rang à partir du 1 Or juillet 1883 : 1

A la 1 re classe de leur grade (7,000 fr.), MM. les D" Reverchon,

directeur-médecin de l'asile de la Roche-Gandon (Mayenne) ; Bou-

teille, directeur-médecin de l'asile de Toulouse, et Camp-an, méde-

cin en chef de l'asile de Cadillac (Gironde) ;

A la 2e classe (0,000 fr.), MM. les D°° FABRE et UOUTREBENTE,

directeurs-médecins des asiles de Saint-Lizier (Ariège) et Blois.

A la 3e classe (5,000 fr.), M. le Dr 1\I.\It.\NDON DE lONTYEL, direc-

teur-médecin de l'asile de Dijon.

I 4' ? FAITS DIVERS.

A la 4° classe (3,000 fr.), hI\l. les D's Pages, BOUDlllE et Philippe

HEY, médecins-adjoints des asiles de la Roche-Gandon (Mayenne),

Vaucluse et Ville-Evrard (Seine).

M. le Dr Homery, directeur-médecin de l'asile de Saint-Dizier

(Haute-Marne), a été nommé directeur-médecin de l'asile de Quim-

per, en remplacement de M. le Dr Beaume, admis sur sa demande

à faire valoir ses droits à la retraite et nommé directeur-médecin

honoraire.

M. le Dr Dams, directeur-médecin de l'asile de Saint-Venant,

est nommé directeur-médecin de l'asile de Saint-Dizier et promu

à la ? ° classe de son grade (6,000 fr.).

M. le Dr Doursout, médecin-adjoint de l'asile de Quimper, est

nommé directeur-médecin de l'asile de Saint-Venant et placé dans

la 4° classe de son grade (4,000 fr.).

M. le D' Garnicr, médecin-adjoint de l'asile de Doie, est nommé

au même titre à l'asile de Dijon, en remplacement de M. lielle,

nommé précédemment à Bailleul.

M. le Dr GUILLEjjlN, ancien interne de l'asile de Dôle, est nommé

médecin-adjoint du même établissement et placé dans la 2° clause

de son grade (2,500 fr.)

Sont promus : pour prendre rang il partir du ("juillet 1883 :

A la i" classe de son grade (i,U00 fr.), M. le Dr Faucher, direc-

teur-médecin de l'asile de Limoges;

Pour prendre rang à partir du ,or juillet :

A la ire classe de son grade (7,000 fr.), M. le Dr Sizviiet, méde-

cin en chef de la section des femmes de l'asile de Maréville;

A la 1" classe de son grade (3,000 1'1'.),1\1. le Dr C uuser,· méde-

cin-adjoint de l'asile de Vaucluse (Seine).

Par arrêté de M. le ministre de l'intérieur, en date du 15 sep-

tembre 1883, M. Dumangin a été nommé directeur de la Maison

nationale de Charenton, en remplacement de M. Chamotte, mis à

la retraite.

Quartier d'aliénés de l'hospice DE N.\1'\l' lèS. C'est par erreur

que nous avons annoncé la nomination de M. le Dr Camuset audit

quartier d'aliénés, c'est M. le Dr Biaute, médecin-adjoint de l'asile

de Blois qui a été nommé.

Le \OL\'L1U projet de LOI sur les ALIÉNÉS. - La commission

chargée par le Sénat d'élaborer le nouveau projet de loi sur les

aliénés, avant de se séparer, à la fin de juin dernier, avait pris la

résolution de faire une enquête sur la législation qui régit cette

matière importante et délicate en Belgique, on Hollande, en An-

gleterre, en Ecosse et sur l'application, la mise en oeuvre et le

fonctionnement de ces lois dans ces diverses contrées.

En conséquence, dans sa séance du 29 septembre dernier, elle a

FAITS DIVERS. I i 3

délégué dans ce but son président, AL Dupié, son secrétaire,

M. Urugerol'e, et quatre autres de ses membres, AU ! . Uelsol, Théo-

l'hile Houssel, Tenadle-Saligny et Frézouls. M. le ministre de l'in-

térieur avait invité M. le Dr Foville, inspecteur général des ser-

vices administratifs, à se mettre à la disposition de la commission

et à l'accompagner dans son voyage.

Ce voyage vient de se terminer; les sénateurs sont rentrés à

Paris. Partout ils ont été accueillis non seulement avec le plus

grand empressement, mais avec une réelle distinction.

Les ambassadeurs de France auprès desquels ils étaient accré-

dités, les ministres des diverses puissances avec lesquelles ils ont

été mis en rapport, les aliénistes les plus éminents des pays par-

courus, ont facilité leur tâche avec la plus extrême courtoisie.

Les établissements digues de quelque intérêt général, spécial ou

liislu.icluc, on été visités; les portes de tous les asiles, celles des

prisons pour les aliénés criminels, leur ont été lacement ouvertes ;

dis conférences nombreuses et prolongées avec les administrateurs

les plus élevés du service n'ont laissé dans l'ombre aucun détail

important. t.

La délégation rapporte un nombre considérable de documents

précieux; sa tâche en sera facilitée, et tout permet d'espérer que

la session de 1884 ne se terminera pas sans que le projet de loi du

gouvernement soit discuté et voté avec certaines modifications

déjà pressenties, et dont l'étude et la réflexion préciseront la na-

ture et l'importance. (l2zn. met. Psych.)

LA LOI SUR LES ALIÉNÉS AU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA GIRONDE. Pre-

nant en considération un'vaeu par lequel le conseil d'arrondisse-

ment de Bordeaux demandait un accroissement de garanties pour

obtenir plus de sécurité dans la séquestration des aliénés, la com-

mission du conseil général de la Gironde avait conclu à l'adjonc-

tion de délégués du corps électif à la commission des médecins

chargés de prononcer sur les cas de séquestration. M. le Dr Mata-

dier a combattu et a fait rejeter ce voeu comme ne pouvant don-

ner aucune nouvelle garantie de sécurité et a fait voler un amen-

dement par lequel le conseil attend de la science spéciale toutes

les garanties qu'il recherche. (Aiiii. méd. Psych)

Dépenses d'entretien des aliénés indigents. Part 'iollll'ilJ1llivc

de la commune. Dans sa séance du 23 juin 1883, le Conseil d'Etat

a rejeté dans les termes suivants le recours de la ville de Marseille,

contre une délibération du conseil général des 13ouches-dii-Rhôue

du 20 août 1879 :

« Aucune disposition de la loi du 30 juin 1838 ne détermine la

proportion dans laquelle les communes doivent concourir aux

dépenses des aliénés indigents du département, et l'article iG,

19, de la loi du 10 août 1871, se borne à disposer que le conseil

144 le BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

général statue définitivement sur la part de la dépense des aliénés

qui sera mise à la charge des communes.

«En conséquence, une ville n'est pas fondée à demander la nul-

lité de la délibération du conseil général qui a fixé à 72 p. 100 la

proportion mise il sa charge dans la dépense des aliénés indigents

et soutenir que cette proportion ne devait pas excéder ; ! 0 p. 100. »

- Un aliéné, Louis D..., interné à l'asile Sainte-Anne, a

cherché à s'évader, il y a quelques semaines. Il avait réussi à esca-

lader le mur d'enceinte, d'où il est tombé et s'est fracturé la jambe

droite. Le malheureux a été transporté à l'inlirmerie de l'asile.

Médecins aliénistes. - Nous lisons dans la Wietzer Medizinische

Presse du 28 octobre, que M. Ehmer, médecin de l'asile de

Feldhof, a reçu, pendant sa visite, d'un aliéné agité, un coup d'es-

cabeau. M. Ehmer n'a eu que quelques contusions peu dangereuses.

Les Epileptiques. - La Lanterne du 1 a octobre publie un télé-

gramme disant que « le nommé Pages (Eugène), âgé de trente-

deux ans, voyageur de commerce, atteint d'épileptie, a frappé six

personnes de coups de couteau. C'est là un accident assez com-

mun et qui montre que les administrations départementales

devraient se montrer plus facile pour l'admission de ces malades

dans les asiles.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Dieulafoy (G.). a) ! ! <e/ de pathologie interne. 2 vol. in-18 cartonnés,

formant ensemble 1,310 pages. Prix : 1 ? fr. Paris, 1883. Librairie .Maison.

GowEns. - De l'épilepsie et autres maladies convulsives chroniques. '1'1',1-

duit de l'anglais par le D' CAxnOEn. Un volume grand in-8° de 4S7 pages.

Paris, 1883. Prix : 10 fr. Librairie Masson.

Leven (11.). -Esloznac et cerveau. Etude physiologique, clinique et

thérapeutique. Un volume in-8° de 257 pages. Prix : 3 Ir. 50. Paris, 1883.

Librairie Masson.

SPITZKA (E.-C). Insanity its classification, diaqnosis nllll tl'eatment;

amanual for students and pruclitioners of medicinr. New-York, 1883.

En vente à la librairie du Progrès médical, 14, rue des Cannes,

Procès-verbal fait pour délivrer une fille possédée par le malin esprit, à

Louviers (1591), publié d'après le manuscrit de la bibliothèque nationale,

par A. 11C\nT, archiviste paléographe, ancien élève de l'école des Chartes

et de l'école des hautes études; précédé d'une introduction par Il. de

Moiuy. Cetbitvi,zt,-e est le second du la Bibliothèque diabolique. Un beau

volume in-8", papier vélin, de 220 pages. Prix : 3 Il'. 50; pour nos abon-

nés, 2 fr. 75. Il a été tiré de cet ouvrage 500 exemplaires, beau papier,

numérotés à ltt presse. N° 1 à 350, papier parchemin. Prix : 4 Il-. 50;

pour nos abonnés, 3 tr. 50. N 351 à 500, papier Japon. Prix 6 fr. ; pour

nos abonnés : ; 1'1'.

, Le rédacteur-gérant, BOUIINEVILLE.

Emeus. Un. UI ! : III : SKYI IIUIJ. - 1&4.

Vol VII. Mars 1884. N- 20.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NEUVEUS1

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LOCALISATIONS Gl;lil : Rli : ll.I.S

("fil 1 lET l : 'i fRA-r.ÉRÉDR IL de r : nrrocr.osms);

Par le D' Il. RAYAI OND, agrégé de la Faculté, médecin de l'hospice

des Incurables, et G. ARTAUD, interne des hôpitaux.

Nous avons eu l'occasion d'observer, dans le cou-

rant de l'année, plusieurs cas de troubles de la parole,

par paralysie des muscles articulateurs, dépendant soit

d'une lésion cérébrale, soit d'une lésion protubéran-

tielle. L'étude comparative de ces faits nous a permis

d'essayer de déterminer l'origine corticale de l'hypo-

glosse et le trajet que parcourent les fibres de ce nerf

des circonvolutions au bulbe, à travers le centre ovale,

la capsule interne, le pédoncule et la protubérance ; elle

nous a montré de plus que le faisceau de l'hypoglosse

diffère, au point de vue de son origine corticale et de

son trajet intra-cérébral, du faisceau dit de l'aphasie.

Le présent travail se divise en quatre parties. Les

troubles de la parole par paralysie des muscles articu-

lateurs peuvent, en effet, être observés :

,. %IL. 10

146 PATHOLOGIE NERVEUSE.

1° A la suite de lésions corticales;

2° - de lésions du centre ovale';

3° de lésions de la capsule interne et du

- pédoncule;

4° de lésions de la protubérance.

1° Lésions corticales.

Dans ses recherches expérimentales sur le singe,

Ferrier a constaté que l'excitation électrique de l'ex-

trémité inférieure de la frontale ascendante, au niveau

de l'extrémité postérieure de la troisième circonvolu-

tion frontale, détermine l'ouverture de la bouche avec

extension au-dehors et rétraction de la langue. L'action

de ces centres oro-linguaux serait, d'après Ferrier,

plus ou' moins bilatérale; aussi, différant en cela des

lésions destructives des centres des membres, les lésions

des centres oro-linguaux ne provoqueraient pas une

paralysie complète, mais seulement une légère faiblesse

unilatérale, ou hémiparésie des mouvements oro-lin-

guaux '.

Chez l'homme, les lésions de ces mêmes parties du

lobe frontal peuvent donner lieu à deux variétés par-

faitement distinctes de troubles de la parole. Si la lésion

occupe le pied de la troisième circonvolution frontale

gauche, elle se traduit par l'aphasie, au sens strict du

mot, c'est-à-dire par l'incapacité d'exprimer les pensées

par le langage articulé ou de penser par des mots. Si,

au contraire, elle occupe le pied de la circonvolution

1 Ferrier. Fonctions du cerveau, p. 230. De la localisation des

maladies cérébrales, p.t33-134.

DES LOCALISATIONS CEREBRALES. 1 17

frontale ascendante, elle détermine de la glossoplégie,

c'est-à-dire une paralysie des muscles articulateurs.

La localisation anatomo-pathologique de l'aphasie

est aujourd'hui un fait trop connu pour que nous y in-

sistions ici. Tous les auteurs s'accordent à reconnaître

que, pour produire le symptôme, il faut une lésion du

tiers postérieur de la troisième circonvolution frontale

gauche. Seul, Meynert, considérant le groupe des cir-

convolutions de l'insula et la troisième circonvolution

frontale comme faisant partie du même système ana-

tomique, fut conduit par ces idées théoriques, et aussi,

il faut bien le dire, par l'observation de quelques faits

cliniques, à étendre à l'insula le territoire du langage.

Il a rapporté, en 1868, quinze observations d'aphasie

avec lésions de l'insula. Depuis, quelques faits analo-

gues ont été produits, un, entre autres, de Lépine

(Bulletin de la Société anatomique, 1874), très intéres-

sant au point de vue clinique. Mais le fait n'est pas en-

core hors de contestation, et, comme le dit Lépine

(Thèse d'agrégation, 1875), « dans l'état actuel de la

question, je crois qu'il ne serait pas inutile de publier

les observations démontrant la possibilité de l'aphasie

avec une lésion limitée de l'insula' ».

Si la littérature médicale est riche en faits concer-

nant l'aphasie, il n'en n'est pas de même pour les faits

de glossoplégie, d'origine corticale. Nous n'avons pu

1 existe d'ailleurs deux faits anatomiques qui tendent à prouver que

les lésions de l'insula ne peuvent pas, par elles-mêmes, donner lieu à de

l'aphasie. La dissection montre que la capsule externe, l'avant-mur et

l'insula n'ont pas de connexions avec les parties profondes ; on sait,

d'autre part, que l'insula est relié à la troisième frontale par d'abon

dantes libres comniissurales. Ue là, il est permis d'admettre que les

lésions de l'insula ne déterminent de l'aphasie que par retentissement

sur ces libres commissurales.

148 PATHOLOGIE 1'\ ? VEUSE. ,

réunir que six faits, nous ne dirons pas de glossoplé-

gie corticale, mais de troubles divers de motilité de

la langue par lésion des circonvolutions. Ces faits sont

les suivants :

1° Hitzig. (Arch. f. Psychiatrie, B. III, p. 231.)

Après un traumatisme, accès subit de convulsions

cloniques, principalement dans le domaine du facial

gauche; les mouvements spasmodiques sont surtout

marqués dans les muscles de la commissure labiale, de

l'aile du nez et de la paupière, ainsi que dans les

muscles de la langue, du côté gauche : abcès de la

couche corticale à droite, siégeant dans le 1/3 inférieur

de la circonvolution frontale ascendante, au niveau de la

troisième circonvolution frontale.

2° Charcot et Bail, d'après Rendu et Gombault (Revue

d'Hayem, 1876, p. 350), auraient observé un cas

analogue à celui d'Hitzig.

3° Verneuil (Revue d'Hayem, 1876, p. 350) a vu

un enfoncement des os du crâne donner lieu à des

spasmes de la langue et de la mâchoire; la contusion

occupait la scissure de Sylvius, depuis le lobe sphé-

noïdal jusqu'à la troisième circonvolution.

4° Dugout-Bally (Gazette médicale, 1878, p. 23). Lé-

sion traumatique étendue, par une balle de revolver;

paralysie faciale à gauche et difficulté pour sortir la

langue : lésion portant spécialement sur la partie infé-

rieure de la frontale ascendante à droite, à deux centi-

mètres au-dessus de la scissure de Sylvius '.

1 Nous avons rassemblé un grand nombre de cas de convulsions des

muscles delà face avec lésions de l'extrémité inférieure de la frontale

ascendante; mais, les muscles de la langue n'étant pas spécialement

désignés, nous n'avons pu nous eu servir.

DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 1 Il i)

5° Rosenthal (Beitrdye zur Kentniss der motorisclaen

nervencentren des Mensehenhirnes ( Wiener medic.

Presse, 1878, Observ. II), cité par Charcot et Pitres.

(Nouvelle contribution à l'étude des localisations motrices

dans l'écorce des hémisphères du cerveau. Revue men-

suelle de médecine et de chirurgie, novembre 1878 et

février 1879.)

Homme, soixante-neuf ans, atteint "d'emphysème

pulmonaire et d'hypertrophie du coeur; il est frappé,

après une attaque, de paralysie de la langue.

La langue avait conservé son aspect normal, mais

elle restait inerte sur le plancher de la bouche. En

même temps, la parole et la déglutition étaient très

gênées. Cependant, une bouchée d'aliments portée sur

le bout de la langue pouvait alors être déglutie facile-

ment. Aucune paralysie appréciable dans les membres.

L'action des muscles des mâchoires, du voile du pa-

lais, de la face était normale. Sensibilité intacte. Con-

tractilité électro-musculaire conservée partout. Le

malade pouvait, autant que ses forces et son oppres-

sion le lui permettaient, se promener dans sa chambre.

Il pouvait écrire très bien. Il mourut de marasme et

de bronchite.

, Autopsie. - Sur l'hémisphère droit, il y avait un

foyer de ramollissement occupant la partie inférieure

de la circonvolution frontale ascendante et l'extrémité

postérieure de la troisième frontale. A gauche, il y avait

un foyer occupant les mêmes points, et un autre plus

petit situé à la partie postérieure de la deuxième cir-

convolution frontale. En outre, on trouve de petits

foyers lacunaires, gros comme des pois, dans les parties

du corps strié voisines du ventricule. La moelle allon-

150 PATHOLOGIE NERVEUSE.

gée et la moelle épinière étaient saines. Pas d'altéra-

tion appréciable des racines nerveuses. A l'examen

microscopique , on trouve de la dégénérescence

graisseuse dans les fibres musculaires de la langue.

Les tubes nerveux dans le nerf hypoglosse étaient

sains.

6° Ferrier (Localisation des maladies cérébrales, p. 136,

137) rapporte le cas suivant publié par Barlow (Bri-

tish med. Journal, 1877) :

Un enfant de dix ans, atteint d'une maladie de

l'aorte qui l'enleva ultérieurement, fut pris d'hémiplé-

gie droite, brachio-faciale surtout, et d'aphasie. Ces

symptômes semblèrent avoir disparu au bout d'un mois.

Trois mois plus tard, monoplégie brachio-faciale

gauche. Il y avait alors aphasie et paralysie de tous les

mouvements volontaires de la bouche et de la langue.

La déglutition réflexe subsistait. Pas de troubles de la

sensibilité de la peau, ni de la muqueuse palatine; les

muscles réagissaient normalement à l'action du cou-

rant faradique. « Pour résumer l'état cérébral, dit le

1)' Barlow, il paraissait y avoir perte du mouvement

volontaire des muscles impliqués dans la déglutition et

l'articulation des sons. » Cet état dura tel quel jusqu'à

la mort; les bras regagnaient quelque peu de leur force.

État intellectuel satisfaisant, compréhension bonne. A

l'autopsie, l'on trouve une lésion dans chaque hémis-

phère, au même point. Le point lésé (ramollissement

jaune) était l'extrémité inférieure de la frontale ascen-

dante et l'extrémité postérieure des frontales moyenne et

inférieure.

Les quatre premiers faits sont des exemples très

nets de phénomènes convulsifs ou paralytiques surve-

DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 151

nant dans le domaine musculaire de l'hypoglosse, à la

suite de lésions diverses (abcès, encéphalite aiguë, etc.)

du pied de la circonvolution frontale ascendante, droite

ou gauche.

Les lésions ont intéressé indifféremment l'un ou

l'autre des hémisphères et les symptômes observés ont

toujours été croisés par rapport aux lésions. La troi-

sième frontale n'ayant pas été atteinte, l'aphasie a fait

défaut et il n'y a eu de paralysés que les muscles arti-

culateurs.

Dans l'observation de Rosenthal, la langue était

complètement paralysée, et restait inerte sur le plan-

cher de la bouche. Les lésions étaient bilatérales et

occupaient dans chaque hémisphère un point iden-

tique : la partie inférieure de la circonvolution fron-

tale ascendante et l'extrémité postérieure de la troi-

sième frontale.

L'observation de Barlow, rapportée par Ferrier,

est d'un très grand intérêt; c'est un fait unique jus-

qu'ici, croyons-nous, d'aphasie avec glossoplégie d'ori-

gine corticale. A l'autopsie, on trouve, à la surface de

chaque hémisphère, une lésion symétrique : une plaque

de ramollissement jaune à l'extrémité inférieure de la

frontale ascendante et à l'extrémité postérieure des

frontales moyenne et inférieure. Le centre cortical de

l'aphasie et celui de l'hypoglosse sont en même temps

intéressés.

Il semble donc résulter de l'exposé de ces faits que,

dans le pied de la circonvolution frontale ascendante,

se trouve le centre des mouvements des muscles de la

langue, et, par suite, l'origine corticale de l'hypoglosse.

Ce centre est bilatéral, différant en cela de celui de

152 PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'aphasie qui, comme on le sait, est unilatéral et loca-

lisé' à l'hémisphère gauche.

- Le centre cortical de l'hypoglosse n'est pas le seul qui

existe dans le- pied de la circonvolution frontale ascen-

dante. D'après l'expérimentation et l'observation cli-

nique, le tiers inférieur de cette circonvolution prési-

derait aux mouvements des muscles innervés par le

facial inférieur (Charcot et Pitres, « Mémoires sur les

localisations », Revue de Médecine, 1877-78-79-83).

D'autre part, récemment (Revue de Médecine, 1882,

p. 848), M. Lépine a rapporté des faits de trismus per-

manent avec lésions du pied de la frontale ascendante

ou des faisceaux blancs sous-jacents. Le tiers inférieur

de cette circonvolution parait donc commander aux

mouvements des muscles innervés par l'hypoglosse, le

facial inférieur et la branche motrice du trijumeau.

2° Lésions du centre ovale.

Ainsi que l'a démontré Pitres, le centre ovale est

décomposable en un certain nombre de faisceaux de

fibres blanches, destinées à relier à la périphérie les

centres contenus dans la substance grise des circonvo-

lutions. Si ces fibres viennent à être détruites, les voies

de communication entre l'écorce et la périphérie sont

interrompues; et, au point de vue symptomatique, la

section des conducteurs équivaut à la destruction du

centre.

Parmi les faisceaux blancs du centre ovale, deux

nous intéressent tout particulièrement : ce sont les

faisceaux sous-jacents à la troisième circonvolution

DES LOCALISATIONS CÉRÉMtALES. 1.-) : l

frontale et à la circonvolution frontale ascendante, re-

présentés dans les coupes pédiculo-frontale et frontale

de Pitres. Les lésions du premier donnent lieu à l'apha-

sie, tout comme les lésions du centre cortical corres-

pondant ; les lésions du second se traduisent par un

ensemble symptomatique rappelant celui de la para-

lysie labio-g lasso-laryngée.

Ces faits de paralysie labio-glosso-laryngée d'origine

cérébrale ont été signalés pour la première fois par

M. le professeur Lépine dans la Revue mensuelle de

Médecine et de Chirurgie (1877, p.909). M. Lépine rap-

porte trois cas avec autopsie : un de Magnus, extrait

des Archives de 3111ller de 1837, et deux d'Oulmont,

recueillis dans les services de MM. Charcot et Maurice

Rayuaud. Depuis le mémoire de M. Lépine, deux ob-

servations nouvelles ont paru : celle de Kirchoff, re-

cueillie à la clinique du professeur Quincke, à Berne,

et publiée dans le tomeXI des Archivfiir Psychiatrie, et

celle deM.Féré, recueillie dans le service de M. Charcot

et publiée dans la Revue de Médecine de 1882. A ce

groupe de faits nous pouvons ajouter le cas cité plus

haut de Barlow qui est un bel exemple de paralysie

glosso-labiée corticale, et un cas nouveau que nous

avons eu l'occasion d'observer à l'hospice des incu-

rables d'Ivry. Nous donnons ci-après le résumé de

tous ces faits :

Observation 1 (recueillie par M. Oulmont). - Paralysie

glosso-labiée. Lésion des deux noyaux lenticulaires et des

capsules externes. (Résumée.)

B... (Virginie), cinquante etun ans, brocheuse, entrée àl'hos-

pice de la Salpêtrière (service de M. le professeur CHARCOT).

1Ô4 PATHOLOGIE NERVEUSE.

En 1871, parésie momentanée du côté droit du corps,

avec difficulté de la parole.

En 1873, à la suite d'un accès de colère, embarras de la pa-

role, parésie du bras et de la jambe gauche, sans perle de con-

naissance. Depuis lors, salivation et difficulté de la déglutition.

Etal actuel, en janvier 1877. - Intelligence affaiblie. Un

peu d'affaiblissement de la motilité du côté gauche, sans

atrophie musculaire, ni troubles de la sensibilité.

Rien du côté des yeux. Ouïe et odorat un peu affaiblis à

gauche.

La langue peut être un peu tirée hors de la bouché, elle

n'est pas atrophiée ; elle est le siège de petits mouvements

fibrillaires incessants. La sensibilité au contact, à la piqûre,

est moindre sur le côté gauche. La sensibilité spéciale est

égale des deux côtés.

Les lèvres sont très peu mobiles. Le malade ne peut les

porter aisément en avant et de côté pour faire des grimaces.

Les lèvres sont saillantes en avant; les sillons péri-labiaux

sont conservés et égaux des deux côtés. La malade peut ouvrir

la bouche, mais avec quelque peine; et l'écartement des ar-

cades dentaires ne dépasse pas deux centimètres, dans les plus

grands efforts*. Les mouvements de totalité de la mâchoire

inférieure sont à peine sensibles.

Salivation incessante; pendant toute la journée, la malade

est occupée à essuyer une salive visqueuse et filante qui

s'écoule constamment des lèvres.

Elle peut souffler une bougie, mais avec peine, en s'y repre-

nant plusieurs fois. Elle peut gonfler ses joues en emprison-

nant de l'air dans sa bouche; mais elle ne peut faire aucun

effort pour se moucher, ni pour tousser.

La parole est lente, traînante, difficile, mal articulée. Les

lèvres se soulèvent à peine pour laisser passer les mots. Toutes .

les voyelles peuvent être prononcées, mais avec peu d'énergie;

les labiales mêmes peuvent être articulées assez distincte-

ment. La malade parle toujours sur le même ton monotone,

par phrases très courtes, qu'elle répète toujours deux ou trois

fois. Ce ton pleurard, joint à l'immobilité presque complète

de la moitié inférieure de la face, lui donne un aspect carac-

téristique.

La déglutition est très pénible. Pour boire, la malade est

obligée d'avaler très lentement et par petites gorgées, sous

DES LOCALISATIONS CEREBRALES. 155

peine de s'engouer. Pour manger, elle prend de très petits

morceaux de pain et d'aliments, et les conserve dans sa bouche

jusqu'à ce qu'imprégnés de salive, ils constituent une pâte

presque liquide; elle les avale alors, mais avec beaucoup de

peine. Chacun de ses repas dure plusieurs heures.

En mars, attaques épileptiformes. En juin 1877, nouvelles

attaques suivies de coma et de mort.

Autopsie. Méninges saines, se décortiquant facilement.

Athérome peu prononcé des artères de la base de l'encéphale.

Le bulbe parait entièrement sain à la surface et sur une

coupe transversale. La consistance est normale, ainsi que le

volume et la coloration des pyramides. De même rien dans la

protubérance. L'examen des pyramides fait à l'état frais dé-

couvre dans la pyramide droite quelques rares corps granuleux.

Cerveau. Hémisphère droit. Circonvolutions entière-

ment saines à la surface. Ventricule latéral un peu dilaté,

contenant une assez grande quantité de sang. Sur des coupes

pratiquées suivant la méthode de M. Pitres, on découvre un foyer

ocreux vertical de trois centimètres à trois centimètres cinq, sur

un demi-centimètre de largeur. Ce foyer est situé sur la limite

externe du noyau lenticulaire du corps strié, dont il occupe de

plus à peu près la totalité de la troisième portion.' Ce foyer,

en partie celluleux, s'étend en arrière jusqu'au delà de la coupe

pratiquée sur la pariétale ascendante ; en avant, il s'étend bien

au delà de la coupe pédiculo-frontale, jusqu'à la limite anté-

rieure du ventricule latéral; à cet endroit, il n'est séparé de

la cavité ventriculaire que par l'épendyme flétri, et même

légèrement dilacéré. En somme, il a disséqué dans toute son

étendue, en la séparant du noyau lenticulaire, la circonvolu-

ttbzz de l'insula, et de plus, en avant, dans une petite partie, le

pied de la troisième circonvolution frontale.

A côté de ce foyer existe un foyer ocreux beaucoup plus petit,

d'un centimètre et demi de hauteur, situé dans la deuxième

portion du noyau lenticulaire. La capsule interne n'est touchée

en aucun endroit.

Hémisphère gauche. - Circonvolutions entièrement saines.

Ventricule latéral rempli par du sang coagulé; ses parois sont

déchirées et tout entières. Sur des coupes pratiquées suivant

la même méthode, foyer ocreux celluleux, de deux centimètres

environ de hauteur, presque linéaire, à la limite externe du

noyau lenticulaire et s'étendant en avant jizsqu'à un centimètre

1.j(; PATHOLOGIE NERVEUSE.

environ au delà de la coupe /)e ? c<Jo-/ ? 'OH<a/e. Deuxième foyer

ocreux, transformant la deuxième portion du noyau lenticulaire

en une sorte de toile d'araignée. La capsule interne n'a pas

été touchée par ces deux foyers. De plus, foyer récent dans

l'intérieur de la couche optique, complètement dilacérée;

c'est lui qui a amené l'hémorrhagie lenticulaire et la mort.

Cour. - Epaississement du bord libre de la valvule mitrale.

Les valvules aortiques présentent quelques légers bourrelets

athéromateux. Aorte saine. - Foie, rate, sains.

Poumons. - Emphysème du lobe supérieur. Un peu de con-

gestion des bords postérieurs.

Observation II (recueillie par M'. Oulmont). - Paralysie

glosso-labiée. Foyers ocreux dans la queue des noyaux extra-

venlriculaÙ'es des corps striés. (Résumée.)

B... (Rosalie), âgée de cinquante-huit ans, journalière, entre

le 11 mai 1875 à l'hôpital Lariboisière, salle Sainte-Mathilde,

n" 19 (service de M. RAYNAUD). ,

Etat à son entrée. - La malade n'entend pas, elle ne peut

prononcer aucune parole, elle ne sait ni lire ni écrire; on est

obligé de procéder à son examen sans le secours d'aucun ren-

seignement. Ce qui frappe tout d'abord, c'est une paralysie

faciale, localisée à la moitié inférieure de la figure, et plus

prononcée à droite qu'à gauche. L'orhiculaire des lèvres est

paralysé; la malade ne peut fermer complètement la bouche;

les lèvres restent entr'ouvertes à droite ; à gauche, elles ar-

rivent au contact, mais c'est tout : la malade ne peut les serrer.

Si on lui fait signe de gonfler les joues en fermant les lèvres,

cette action lui est totalement impossible. L'orbiculaire des

yeux est tout à fait intact. Le visage a une expression d'hébé-

tude marquée.

La malade ouvre difficilement la bouche; elle l'entr'ouvre

seulement; on est obligé d'abaisser la mâchoire inférieure

pour l'ouvrir complètement. La bouche est remplie d'une salive

épaisse, qui se répand facilement à travers les lèvres entr'ou-

vertes. La langue, de volume normal, est appliquée sur le

plancher de la bouche, large, étalée; tout mouvement d'éléva-

tion ou de propulsion est perdu; la malade cherche à s'aider

de ses doigts pour tirer sa langue au dehors.

Le voile du palais a son aspect normal; mais on peut le

DES LC.1LI : A'l'l\b CÉUÉlïR.U.ES. 157

toucher ou même le saisir avec les doigts sans provoquer de

réflexe.

La déglutition est très difficile; ainsi la malade s'enfonce

à chaque instant les doigts dans la bouche pour extraire sa

salive, qu'elle ne peut avaler sans menaces de suffocation. Bien

plus difficile encore est la déglutition des liquides; celle des

solides l'est un peu moins; la plus grande partie des aliments

est rejetée par la bouche; de temps en temps une certaine

quantité repasse par le nez; une très faible quantité seulement

peut être déglutie. Aussi pense-t-on un moment à nourrir la

malade avec une sonde oesophagienne.

La parole est entièrement perdue; la malade, quand on

l'excite, essaye vainement de parler; elle ne prononce que

quelques sons affaiblis et inarticulés : « Ah, ah, ah ! i On peut

comparer ces sons à un gloussement très faible.

La partie inférieure de la face, comme nous l'avons dit, est

intacte. La vue est bonne; la pupille gauche est un peu dila-

tée. L'ouïe est abolie; cependant la malade entend un peu,

quand on crie très fort près de son oreille. Aucune paralysie

des membres, motrice ou sensitive. La malade se tient debout

et marche sans difficulté. Les fonctions se font bien ; l'appétit

est conservé. Le coeur parait sain. L'urine ne contient ni sucre

ni albumine. Ces symptômes ne font qu'augmenter jusqu'au

moment de la mort, qui survient le 29 août.

Autopsie le le' septembre. - Les seules particularités re-

marquables que présente l'examen du bulbe à l'oeil nu sont

les suivantes :

Le plancher du quatrième ventricule parait un peu aplati,

comme amaigri. Les saillies et dépressions y sont peut-être un

peu plus prononcées qu'à l'état normal. En dehors de l'émi-

nence ? ), à droite et à gauche, se trouve une zone d'une

coloration violacée assez foncée, circonscrite elle-même par

une zone comme gélatineuse.

La consistance du bulbe est normale.

Les circonvolutions, et, notamment, la circonvolution de

Broca, sont saines.

Des coupes multiples pratiquées dans la substance cérébrale

amènent à l'extrémité postérieure des deux noyaux extra-

ventriculaires des corps striés (extrémité de la queue du noyau

lenticulaire). On trouve, à droite et à gauche, des foyers

ocreux remarquables par leur disposition symétrique. Celui du

158 PATHOLOGIE NERVEUSE.

côté gauche présente à peu près la grosseur d'une aveline,

celui du côté droit est un peu plus volumineux; il a environ

la grosseur d'une noisette, et empiète un peu sur la substance

blanche; mais la couche optique est intacte.

Indépendamment de ces foyers, il en existe un autre, qui

paraît à peu près de la même date, dans la substance blanche

du lobe occipital, et dui afllue à la face profonde d'une des

circonvolutions les plus reculées de la corne postérieure.

Enfin, il existe un autre petit foyer, plus ancien, dans la

substance blanche de la partie antérieure du lobe frontal

gauche, près de la base. Ce petit foyer a, au plus, la grosseur

d'un petit pois, parfaitement arrondi, enkysté, et contient un

liquide lactescent.

Observation III (déjà citée). - Paralysie glosso-labiée corti-

cale et aphasie. (Barlow. B/'ilish med. Journal, 1877.)

Pendant la vie, aphasie, symptômes de paralysie glosso-

labiée, monoplégie brachio-faciale gauche.

A l'AUTOPSIE, foyer bilatéral et symétrique de ramollissement

à extrémité inférieure de la frontale ascendante et à l'extrémité

postérieure des frontales moyenne et inférieure.

Observation IV. - Paralysie glosso-labiée ; lésion superficielle

du lobe moyen de hémisphère droit. (Magnus, Milliers.

Archiv, 1817, p. 258.) Observation extraite du mémoire de

M. Lépine et résumée.

Femme de vingt-cinq ans. Début brusque. Symptômes de

paralysie glosso-labiée.

Autopsie. - (Froriep.) Dans l'hémisphère droit, au bord

externe, là où le lobe antérieur et le lobe moyen se confondent,

kyste hémorrhagique ayant détruit deux circonvolutions. La

cavité pouvait contenir une petite noix; la face interne était

tapissée par une membrane jaune.

Observation V ? Paralysie Inbi()-gloss()-phaJ',1/lIgée d'origine

cérébrale; foyer unilatéral. (Résumée.) Observation pu-

1 Observation rapportée par M. le professeur Lépine dans la Revue de

médecine, 1881. p. 69R.

DES LOCALISATIONS CEREBRALES. 159

bliée par M. Kirchhoff, dans les Archiv de Psychiatrie,

Bd. XL, et recueillie à la Clinique de Berne, dans le service

du professeur Quincke.

Homme de vingt-quatre ans. En 1877, à la suite d'un bain

de rivière, pris en état de sueur, vertiges, douleur aiguë dans

le côté droit du front, secousses convulsives dans les membres.

En même temps, le malade ne pouvait ni parler, ni avaler. Il

retourna à son domicile et y tomba de faiblesse, tout en con-

servant sa connaissance. Une déviation du visage à gauche était

apparente; la salive coulait sans cesse hors de la bouche. Au

lit, il éprouva un tremblement des extrémités qui, les jours

suivants, ne se reproduisait que quand il était ému. Le len-

demain de l'attaque, la parole et la déglutition étaient libres,

et le malade put retourner à son travail. Quatre jours plus

tard, il n'existait plus de déviation de la face.

Huit jours plus tard, nouveau vertige et chute; pendant

toute la nuit, il ne put avaler; la parole était traînante; mais

aucun mot ne lui faisait défaut; seulement, la langue lui parais-

sait lourde. La salive coulait sur sa lèvre inférieure tombante;

la marche n'était pas gênée.

A son entrée à l'hôpital, difficulté de parler. Pas de céphalée,

pas de vertiges ; vue, ouïe, goût et odorat normaux. Larmoie-

ment, surtout du côté droit; écoulement de la salive. Les deux

côtés du visage sont habituellement symétriques; mais, par

moments, la commissure labiale droite, puis la gauche, sont

tiraillées en haut. Le malade rit fréquemment, sans motif. Les

sillons naso-labiaux sont peu prononcés. Le malade ne peut

siffler, mais il peut facilement fermer la bouche et mastiquer.

Les mouvements volontaires d'une seule moitié de la bouche

sont peu intenses ; la langue peut à peine être projetée à un

centimètre hors de la bouche; les mouvements de cet organe

.pendant la mastication des aliments sont mal coordonnés; le

voile du palais a sa mobilité, de même les paupières; toutes

deux présentent quelques mouvements fibrillaires ; l'oeil gauche

s'ouvre moins facilement que le droit.

La parole est pénible; les consonnes labiales et les gut-

turales sont difficilement articulées; les linguales le sont

mieux; les lèvres sont peu mobiles pendant l'acte de la parole ;

l'occlusion de la glotte se fait lentement, la déglutition est

intacte. Cinq mois plus tard, déglutition très difficile, beaucoup

1 (in l'.11'liof.Ui \L;It'I : UJli.

de salivation. Hémiplégie flasque gauche, puis convulsions,

albuminurie et mort.

Autopsie (par le professeur Langhans).

La dure-mère est un peu tendue, non épaissie. Le liquide

céphalo-rachidien est abondant. La cavité du ventricule- latéral

gauche est élargie, le corps strié gauche un peu aplati.

Le corps strié droit est déprimé dans ses deux tiers postérieurs ;

sa coloration estjaunàtre; mais, au sein du tissu altéré se trou-

vent encore quelques points sains. La substance grise est

réduite à une mince couche qui est sous-jacente à l'épendyme

épaissi ; plus profondément, elle est ramollie. La partie corres-

pondante de la capsule interne est grise. Le tieis externe du

noyau lenticulaire, 1°avant-nncr, la capsule externe et l'insula

sont ramollis, mais non colorés; le ramollissement augmente

en arrière dans le noyau lenticulaire, où il est entouré d'une

membrane sclérosée et vasculaire, tandis qu'en dehors, le ra-

mollissement n'a pas de limite nette. Dans le quatrième ventri-

cule, les barbes du calamus sont mal formées à droite; mais

le calamus est symétrique; les deux noyaux de l'hypoglosse à

leur partie centrale présentent une légère coloration grisâtre.

L'orifice mitral est constitué par une fente résultant d'une

fusion anormale avec incrustation des valves.

L'examen microscopique des coupes de la protubérance et du

bulbe pratiquées avec le microtome de Schiefferdecker a

prouvé l'intégrité absolue de ces parties.

Observation VI. - Paralysie pseudo-bulbaire par lésion cÙé-

branle bilatérale (Résumée.) Publiée par Féré. (Revue de mé-

decine, 1882, p. 858.)

Femme de vingt-sept ans. Début de l'affection en 1817 :

perte de connaissance qui dure trois heures, puis paralysie du

côté gauche (jambe, bras et face). Pendant trois mois, elle ne

peut parler; elle dit, que sa bouche était fortement déviée à

droite. Difficulté de la déglutition, écoulement abondant de

salive, accès de toux, etc.

Etat actuel. - Mouvements de la jambe intacts. Affaiblisse

ment du bras droit et de la jambe gauche. Le bras gauche est-

rigidedans l'extension comme dans la flexion. Réflexes exagérés.

Immobilité de la face. Cou raide. Mouvements de latéralité

uL Lu.w.ts.vrm m : u.aett.t.s. 161 1

difficiles, muscles peauciers de la face paralysés. Abaissement

de la commissure labiale droite.

La malade ouvre difficilement la bouche. Elle ne peut souf-

fler ni siffler. Elle ne peut tirer la langue hors la bouche. La

langue est aplatie, mince, parcourue par des plis serpentins;

elle conserve l'empreinte des dents sur les bords.

La parole est traînante et mal articulée. On n'entend guère

qu'un bredouillement interrompu de temps en temps par un

bruit de déglutition. La malade n'articule pas plus difficilement

une consonne qu'une autre.

Déglutition très difficile.

A l'AUTOPSIE. Rien aux pédoncules, à la protubérance,

ni au bulbe.

Hémisphère gauche. Aucune lésion des circonvolutions.

Sur la coupe de Flechsig, foyer de ramollissement ancien

ayant détruit le segment externe du noyau lenticulaire.

Hémisphère droit. Ramollissement cortical intéressant les

deux tiers inférieurs de la pariétale ascendante, la moitié anté-

rieure du lobule du pli courbe el l'extrémité de la racine de la

troisième frontale.

En arrière, le foyer descend jusqu'à la scissure de Sylvius et

comprend la partie postéro-supérieure des trois plis postérieurs

de l'insula. Destruction delà première circonvolution temporo-

sphénoïdale.

Sur la coupe de Flechsig, la lésion atteint le segment extenw

du noyau lenticulaire, qui présente un aspect celluleux dans sa

moitié externe el sur toute sa longueur.

Observation VII. Paralysie glosso-labiée à forme pseudo-

bulbaire. - Lésions symétriques des deux noyaux lenticulaires

et des capsules externes.

A... (Pierre), âgé de soixante-sept ans, entré à l'infirmerie

de médecine, Hospice des Incurables, salle Saint-Jean-Baptiste,

lit n° 3, le 15 mai 1883.

Antécédents héréditaires. - Père, mort tuberculeux à vingt-

neuf ans.

Mère, morte à quarante-deux ans d'un érysipèle de la face.

Une soeur, morte folle. Pas d'autres maladies nerveuses dans

la famille.

Archives, t. VII. I I

162 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Antécédents personnels. - Pas d'affections sérieuses. Excès

alcooliques et vénériens; pas de syphilis.

Début de l'affection actuelle, il y a deux ans. Subitement,

sans perte de connaissance, sans hémiplégie, le malade fut

pris d'embarras de la parole. Il n'y eut pas trace d'aphasie ;

tous les mots étaient bien conservés, mais difficilement

énoncés par suite de l'état de la langue qui était lourde,

comme paralysée. Aussi, le malade était-il par instants incom-

préhensible pour les personnes qui l'entouraient. Cet em-

barras de la parole, ne faisant qu'augmenter, a nécessité

l'admission à l'hospice d'Ivry.

État actuel. - Ce qui frappe tout d'abord, c'est l'aspect du

malade. La moitié inférieure de la face semble privée de tout

mouvement, bien qu'il n'y ait aucune déviation des traits. Les

lèvres sont à peu près immobiles ; elles sont entr'ouvertes et

laissent la salive s'écouler par les commissures. C'est à peine

si le malade peut les rapprocher l'une de l'autre; il y a im-

possibilité absolue à siffler ou à souffler une bougie. Les lèvres

ne sont pas atrophiées et elles se contractent bien, ainsi que les

autres muscles de la face sous l'influence du courant faradique.

La langue, large et étalée, est comme fixée sur le plancher

de la bouche. Elle n'est pas paralysée complètement, car le

malade peut encore lui faire exécuter quelques légers mouve-

ments de latéralité. Mais il ne peut la sortir hors de la bouche,

et, à plus forte raison, l'appliquer contre le palais. Elle a con-

servé son volume normal; pas de contractions fibrillaires;

pas d'altérations de la sensibilité générale ni spéciale.

Le voile du palais est inerte ; on peut cependant le faire con-

tracter en le touchant avec le doigt. Sensibilité conservée. Pas

de déviation de la luette.. ¡, 1

Les mouvements d'élévation et d'abaissement de la mâchoire

inférieure sont normaux ainsi que les mouvelnents de diduc-

tion. . "M. ' il ull ' j ' ' I i

La voix est nasonnée et l'articulation des mots très défec-

tueuse ; par' moments le malade est absolument incompréhen-

sible et n'énonce que des sons. Mais on peut encore lui faire "ra-

conter son histoire, "très^difficilement, il' est vrai ; 'c'est' ainsi

qu'on s'aperçoit qu'il n'est pas en môme temps aphasique, car

il a à sa disposition toutes les expressions dont il a besoin. '1

La déglutition est très difficile : les aliments solides s'arrê-

tent au fond de la gorge' et y déterminent des aecès"de suffoca-

0 . 1..1 o.

DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 1G3

tion. Quant aux liquides, ils sont souvent rejetés par le nez.

Pas de paralysie faciale. Pas de troubles du côté des sens

spéciaux (vue, ouïe, goût, odorat). Pas de paralysie de l'orbicu-

laire des paupières ni des muscles moteurs de l'oeil.

Affaissement cérébral assez accentué. Intelligence très af-

faiblie ainsi que la mémoire.

Pas de troubles de la respiration. Pouls régulier, sans inter-

mittences, soixante-dix pulsations à la minute.

Du côté des membres, rien à noter, si ce n'est un affaiblisse-

ment général ; mais il n'y a pas de paralysie proprement dite,

et le malade peut faire tous les mouvements qu'on lui demande.

Pendant son séjour dans nos salles, nous n'avons constaté que

cette paralysie des lèvres, de la langue et du voile du palais.

Le 20 juin, mort par broncho-pneumonie. , 1

A l'AUTOPSIE, rien aux circonvolutions, rien àla protubérance.

Le bulbe parait normal.

Comme lésions, on trouve :

1° Dans l'hémisphère droit, un foyer hémorrhagique ancien,

de trois centimètres d'étendue dans le sens antéro-postéricur,

d'un demi centimètre de largeur, intéressant le segment ex-

Fig. 1 et 2. - FOjel's ocreux symétriques.

16 PATHOLOGIE KKKYEUM.

.terne du noyau lenticulaire et sectionnant le pied de la fruntaie

ascendante (Fig. 2, A. Coupe frontale de Pitres) ; 1

2o Dans l'hémisphère gauche, un foyer hémorrhanique, iden-

tique au précédent comme dimensions et comme situation,

ainsi qu'on peut s'en assurer par l'examen de la figure 1

(coupe frontale de Pitres). '' .' J ,f, . ,1. \'" f.'

Dans tous ces faits, nous relevons les principaux

symptômes de la paralysie buib'aire' progressive, a

savoir : la paralysie de la langue, des lèvres et du

voite du palais. Mais, outre que ces symptômes sont

en eénérat moins accentués que dans )a' maladie de

Duchenne, ils présentent, dans leur mode d'apparition

*' ? 1 ? : .1tf 1. l 11 ,ilnl. v i ( r

et dans leur évolution, certains caractères particuliers

qui permettent toujours d'établir le diâüostic'difé-

.. ? ) 1 J 1) l , t '(f.' 't' ? \ 7<m

reiitiel ? 1 ' , , . , ' , lmi , y S ? lv\i ')·tyw

Dans la paralysie glo5so.1abiée cérébrale, le début ? F5 ..nt ,.y v W n W ·1.\v . Iv ï1B r n ,1( lit

est c ? MMC; il1y1a le plus souvent ? c/M C¡1pôljle'ctiq : le

avec chute et perte de connaissance. Puis, l'ictus dis-

1 ft 'rt' f J ,,1 ? Jo' 1 . 1) ? 'f". fl ? "

paru, on s'aperçoit que le malade parle difficilemeiit,

Fi 44 Hbf..1t ,t ? ,«-T, , ,.t, ..1 .dt 1 d ¡,

qu'rI ne peut mouvoir la tangue, qu'il ne peut rap- ? f ? T,\' 1 y, -9 ? i.. 1,. 1 400"'}.

procher les lèvres; ces divers signes coïncident parfois

. 1f r ? ) ? 1 . fi.' t .)......, ,,f ? t '11'll.'S" ?

avec une Nara ? ac ? une hémiplégze des membres,

, "'1 f ..1 ? 1 If n, '" \t -0 1 h

avec des troubles etue tels que ceux que t on

, * 1 f, "t' 1 / 1 fl'...-t. / wt , i ,. 1 \ 1 '. a.. r 1

observe dans le ramollissement de l'encéphale (affai-

.... - , ne't'; r ° ' : " t'Jqt ,rI ? f] ! 1 ? HJ...,f1U ?

blissement de 1 intellience, perté de la'(lnie"m'oitr'é.,lfletc.)

ou des convulsions, des attaques épile¡jiijor'n'es : ' I\1ÿPa,

la' 't ? T;)t.' l"f')'11 fGIfI'd'T'1d' d'b'" .d' \ 1"1111 ? 'l' .

en un mot, dans te mode de début de ia paralysie

, ...1,¡ ? It ? I.t' tf P'. i· 111 f si dR'1"1111 e

glosso-lablee d origine cérébrale, tout un ensemble de

ri 1 vtll ' 6t -t t . r " 1,{i.. ? 1«2 ¿I ? Jlr"11' . e

symptomes cerebraux qui font défaut dans la maladie

... ¡ ,"t.' hl 1'1 i ? q" .T. n 1 t "'(tun'tI ? L ? 11nt

de Duchéune; de pltis, dans celle-cI, la paralysie est

t . % . 6 , %tè 0 t,. 1 1'T't ? {rv f".J"j

progressive et atteint successivement ! a tangue, les

'< « ? nf ? ? f.t'i ttt . 'n'<.)'<tt';j[)

lèvres 'l' '11'\1.1 <d p'a'iâis ? 1"'t' "I ' "Ilff'l'oi ? c l ;14/1

DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 1115

La paralysie glosso-labiée d'origine cérébrale,'une

fois constituée, trois particularités serviront à la dis-

tinguer de la paralysie bulbaire progressive : la con-

servation des réflexes, l'absence d'atrophie musculaire et la'

conservation de la contractilité électrique. Dans la ma-

ladie de Duchenne, en effet, les réflexes ont souvent

disparu, les muscles sont toujours plus ou moins

atrophiés, et la contractilité électrique est affaiblie;

dans un cas de paralysie bulbaire progressive, Erb a

même trouvé les signes de la réaction de dégénéres-

cence, tels qu'il les signale dans les affections où les

1 ,II '1..... * 1 .. l" ? t

muscles ont subi une alté ' tin d

muscles ont subi une altération dégénérative. z

ni ( il, e Cil l' .. i. «j m .1

Enfin, de même qu'il existe dans la paralysie glosso-

1 ... JI' 1 ? t 1 t ( t

labiée d'origine cérébrale tout un ensemble de syn ? p-

ii III" 1 Il 1 Ir. 1 ! t J, l'

tomes cérébraux qui font défaut dans la paralysie bul-

baire progressive, de même il existe dans celle-ci tout

i q.. 1 j ! .. 1 .

un ensemble de symptômes bulbaires qui font défaut dans

la première. Ce sont les troubles du côté du larynx (af-

faiblissement progressif de la voix), du poumon (accès

1 ik - .10 .,

d'étouffement), du coeur (syncope). La maladie de Du-

d 1 lu'y rr -1 - . 1

chenne se termine par une crise dyspnéique ou

.iii;ii J" t'd ci- »< - ' , t , J r , ?

syncopale,. tandis que, dans la paralysie glosso-labiée

am, '" l ,\, \. 1 - \ .

d'origine cérébrale, le malade est emporté soit par

1 .. ,1 1) 1 f'(.. t Il 1 \ \\ \ \ '

une nouvelle attaque d'hémon'haa'ie ou de ramollis-

Hi, i|l>ll«'-i m . . 1 . ""V,' 1 1

sèment, soit par une affection intercurrente du pou-

. 1 - 41.1,, j·)1/. >.e lU Il'1't i ' 1 j q 1 t ,

mon ou du rein. ,

1 ta 1 ? \ \" ? \'' *'\' » ? \' v Itr W"1 11 ·w 1 .'

Il semble étrange, au premier abord, qu'une lésion

I,f 1110" hl 'II Jl.. l, l 1"I.t · 111 1

cérébrale puisse donner lieu aux symptômes de la

ii-ni "]* Ot ' u . i'i J t * z

paralysie glosso-labiée ; mais, de' fait, ainsi que le

, \ 11...t si z" ' ' 1 . ' "\\\ a, -

fait remarquer M. le professeur Lépine, dans l'hémi-

- p,m , t-' le, 'et il 1. r 1 z

plégie vulgaire par lésion de la capsule interne, il

r< r11 ! 5111' 1,1 + 11t '' ·' ll-i' t

existe toujours, à un degré plus ou moins prononcé,

166 PATHOLOGIE NERVEUSE.

des signes de paralysie glosso-labiée. Qu'on suppose

une lésion de l'hémisphère droit du cerveau intéres-

sant la capsule interne, qu'aura-t-on au point de vue

symptomatique ? Une hémiplégie gauche, une para-

lysie de certains muscles du côté gauche de la langue,

une paralysie du facial inférieur, une difficulté plus

ou moins grande de la déglutition, c'est-à-dire une

réunion de symptômes atténués, il est vrai, mais ana-

logues à ceux que nous avons décrits plus haut.

Quelles sont les lésions du cerveau susceptibles de

donner lieu au syndrome de la paralysie glosso-

labiée ?

A ce point de vue, les faits que nous avons re-

cueillis peuvent se diviser en deux groupes : un pre-

mier, dans lequel les lésions sont exclusivement ou

surtout corticales; un second, dans lequel les lésions

intéressent les faisceaux blancs sous-jacents.

Au premier groupe appartiennent les cas de Barlow,

de Magnus et de Féré; au second, les cas d'Oulmont,

de Kirchhoff et le nôtre. "

Dans le cas de Barlow, que nous avons déjà rap-

porté à propos des lésions corticales, existait une

lésion symétrique de chaque hémisphère : une plaque

de ramollissement à l'extrémité inférieure de la fron-

tale ascendante et à l'extrémité postérieure des fron-

tales-moyenne et inférieure. Nous rapprocherons de ce

fait celui de Rosenthal également cité plus haut : pen-

dant la vie, paralysie de la langue, parole et dégluti-

tion très difficiles, etc.; à l'autopsie, foyer bilatéral et

symétrique de ramollissement, occupant la partie infé-

rieure de la frontale ascendante et l'extrémité posté-

rieure de la troisième frontale.

DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 167

- Quoique datant de 1837, le cas de Magnus peut

encore nous servir au point de vue de la localisation.

Or il est dit dans la relation de l'autopsie faite par Fro-

riep qu'il existait dans l'hémisphère droit, au bord

externe, là où le lobe antérieur et le lobe moyen se

confondent , un kyste hémorrhagique ayant détruit

deux circonvolutions. Les deux circonvolutions dé-

truites nous paraissent être, dans le langage actuel,

les frontale et pariétale ascendante ; la partie infé-

rieure était surtout atteinte, puisque le kyste occupait

le bord externe. Il est à remarquer que le cas de Ma-

gnus est le premier fait de paralysie glosso-labiée ccre-

, braIe produite par une lésion unilatérale. 1 il

Dans le- fait de Féré existent en même temps des

lésions de l'écorce des faisceaux blancs, sous-jacents :

à gauche, ramollissement du segment externe du noyau

lenticulaire, à droite ramollissement des deux tiers in-

férieurs de la pariétale ascendante et de l'extrémité de

la racine de la troisième frontale, s'étendant. en pro-

fondeur jusqu'au noyau lenticulaire dont la moitié ex-

, terne est détruite ? ( Il'' '1 .. , , ..1 .. u

, Des deux cas d;0ulmont, le premier seul est.tprécis

) au' point de vue des détails anatomiques ? ". ""

. lA droite, foyer de trois» centimètres de, hauteur sur

un demi-centimètre de, largeur à ,1a. limite. externe du

noyau lenticulaireldu' corps^ slriéj. dont il, occupe la

4Ttroisième portion (le foyer s'étend,) en^ arrière, jus-

il qu'au-delà de la coupe pratiquée sur la,, pariétale

1'1 ascendante, en avant, au-delà, de la;, 1 coupe.) pédiculo-' : 1 frontale) ? Deuxième foyer dans la, deuxième portion

,1 d noyau lenticulaire.' ? , , , 1 /' "\1

A gauche, premier foyer symétrique, de deux cen-

168 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

timètres de hauteur, à la limite externe du noyau len-

ticulaire et s'étendant en avant jusqu'à un centimètre

environ au-delà de la coupe pédicu)o-fronta)e.

Deuxième foyer ocreux dans la deuxième portion du

noyau lenticulaire.

Il est parlé dans le deuxième cas de « foyers ocreux

symétriques à l'extrémité postérieure des deux noyaux

extra-ventriculaires du corps strié ». La localisation

est, on le voit,, assez indéterminée.

Au point de'vue de l'uuilatéralité de la lésion, le

fait, de Kirchhoff rappelle celui de Magnus ; au lieu

d'être cortical,, le foyer intéresse la substance blanche

et occupe le segment externe du noyau lenticulaire de

l'avant-mur, de'la capsule externe et de l'insula.

Enfin, dans le fait- qui nous est personnel, nous

avons trouvé dans chaque hémisphère un foyer hémor-

rhagique, occupant symétriquement le segment externe

du noyau lenticulaire, la capsule externe, l'avant-mur

et sectionnant) en avant le pied de la frontale ascen-

dante. ^ITPJIil/ t , si .1 s-'l f,

Les cas.de Barlow, 'de Roseuthal, de Magnus ne font

que. confirmer- la, localisation corticale de l'hypoglosse

que nousavons donnée. -Mais, fait digne de remarque,

la.malade.de Magnus présentait des symptômes de pa-

ralysie glosso-labiée,aussi nets que -les malades de

.Barlow et de.Rosenthal;' et cependant la lésion trouvée

, .

,chez elle- était unilatérale : nous reviendrons sur ce

. point, dans .un'instante . ¡ .

1 , Dans leslfaitsÕqu ,deuxième groupe (Féré, Ou)mont,

Kirchhoff, obs. personnel le) les lésions sont identiques :

..il s'agit' constamment de foyers de ramollissement ou

d'hémorrhagie intéressant le segment du noyau lenticll-

DES LOCALISATIONS CEREBRALES. 169

laire du corps strié, capsule externe et séparant en avant

ces diverses parties des circonvolutions qui les re-

couvrent. Or, si l'on veut bien se reporter au schéma

de la coupe frontale de Pitres, c'est-à-dire passant par

la circonvolution frontale ascendante, et figurer sur ce

schéma une lésion analogue à celle que nous venons

de décrire, on verra que toujours la lésion intéresse le

faisceau frontal inférieur, c'est-à-dire le faisceau se

détachant du pied de la frontale ascendante.

Ainsi, de même que les lésions du faisceau pédiculo-

frontal inférieur (sous-jacent à la troisième frontale) se

traduisent par de l'aphasie, de même les lésions du

faisceau frontal inférieur (sous-jacent à la frontale

ascendante) se traduisent par le syndrome clinique de

la paralysie labio-glosso-laryngée.

Le faisceau frontal inférieur renferme donc les fibres

cérébrales de l'hypoglosse et du facial inférieur ; il

contient de plus les fibres cérébrales de la branche

motrice du trijumeau, car il est dit dans les observa-

tions .d'Oulmont, de Barlow et de Magnus « que le

malade avait de la peine à écarter les mâchoires ».

Les lésions de ce faisceau, qui donnent lieu au

tableau clinique de la paralysie glosso-labiée, sont le

plus souvent bilatérales. Deux fois seulement (cas de

Magnus et de Kirchhoff), la lésion était unilatérale et

occupait l'hémisphère droit. Pour expliquer la bilatéra-

lité des symptômes avec l'existence d'un seul foyer,

Kirchhoff a émis l'hypothèse que les deux moitiés du

corps sont représentées dans chaque hémisphère par

deux ordres de fibres, des fibres directes et des fibres

croisées. Les fibres croisées seraient habituellement

seules utilisées et l'un des hémisphères (comme cela

170 PATHOLOGIE NERVEUSE.

a ·lieu pour le langage), se trouverait seul chargé de la

fonction. Si cet hémisphère vient à être lésé, ses fonc-

tions sont abolies, et alors apparaissent les symptômes

de la paralysie glosso-labiée.

Ce mémoire était à l'impression lorsque nous avons

trouvé dans The Brain (juillet 1882), un travail de

Ross sur le même sujet. Le travail de Ross contient

quelques faits nouveaux de paralysie glosso-labiée céré-

brale, dont nous allons donner la traduction résumée :

. l'

1° Cas de Frédéric Jolly (Archiv. (ÜI' Psychiatrie, Band III,

1872, p. z Sclérose dissiminée ayant présenté pendant la

vie tous les symptômes d'une paralysie bulbaire progressive.

A l'autopsie, pas de lésions dans les noyaux bulbaires; mais

plaques de sclérose dans les corps calleux, sur les parois des

ventricules latéraux; une petite plaque de sclérose fut observée

dans chaque capsule, ainsi qu'une dégénérescence descendante

à travers le pont, la moelle allongée et les cordons pyramidaux

de la moelle. La localisation de la lésion capsulaire n'est mal-

heureusement pas indiquée.

2° Cas defJisenlobr. (Archiv. fïir Psychiatraé,l3andIX, 1878,

p. 43.) - Homme de soixante-treize ans. Pendant les trois der-

nières années delà vie, faiblesse croissante des membres infé-

rieurs, et articulation des mots de plus en plus difficile. Paralysie

faciale inférieure double, parole à peu près indistincte; mais

mouvements de la langue conservés et déglutition intacte. -

A l'autopsie, cavité kystique, dans la partie antérieure de

chaque corps strié (noyau'lenticulaire). Pas de lésions (à l'exa-

men macro et microscopique) de la protubérance, du bulbe et

de la moelle. ' "' l' ' "' ' ,

. 1 '<" 1 '11tHJ 1 -

3° Cas de Ross : · (Diseases ofuhe nervous System; vol. II,

p. 126.) Homme de quarante-neuf ans (service dur Leech;

infirmerie royale de Manchester) : . A son admission, plus d'ex-

pression faciale, faiblesse des lèvres, impossibilité de siffler,

de tirer la' langue, de l'appliquer contre le palais, de la creuser

en gouttière. Pourrait. prononcer les consonnes séparées, mais

DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 171 1

non les syllabes et les mots entiers. Ecoulement de la salive

hors la bouche, gène de la déglutition, diminution des réflexes.

Parésie générale. A l'AUTOPSIE, kyste dans chaque noyau len-

ticulaire Pas de lésions de la capsule interne. Pas d'examen

microscopique.

4° Cas de Ross (Mémoire cité du Brain.) Henri H..., qua-

rante ans. Attaque avec perte de connaissance incomplète, à

laquelle avait succédé une paralysie du membre supérieur

droit, et la perte de la parole. Trois semaines plus tard, le ma-

lade pouvait se servir de son bras droit et s'exprimer sans dif-

ficulté. Cependant, sa parole restait encore un peu embarrassée

et indistincte. - Etat actuel : Faiblesse plus grande de la main

droite et diminution des réflexes. Paralvsie faciale inférieure

droite. Pas de déviation de la langue. Pas d'aphasie, mais pa-

role difficile, épaisse et indistincte. Légère gêne de la dégluti-

tion, passage des liquides dans les voies aériennes. A quelque

temps de là, le malade revient avec une parésie croissante des

membres inférieurs, diminution de la sensibilité dans ses di-

vers modes, exagération du réflexe patellaire, trépidation spi-

nale.

A l'AUTOPSIE, deux noyaux kystiques dans la partie anté-

rieure du noyau lenticulaire gauche (2e et 3e segments), l'un

d'eux s'étendant jusqu'au genou de la capsule interne. Petite

cavité dans la partie antérieure du noyau lenticulaire droit,

n'empiétant pas sur la capsule. Ramollissement de la moelle,

à l'oeil nu, jusqu'à la région lombaire. A l'examen microsco-

pique, dégénération dans les pédoncules, le pont et le bulbe.

Dans le pont, les fibres dégénérées sont situées près du raphé

médian. Noyaux bulbaires sains. '1 i

5° Cas de Ross. (Mémoire cité du Brain.) - Homme de

trente-quatre ans. En juin 1881, le malade étant en train d'é-

crire, éprouve dans les doigts de la'main droite une crampe

qui remonte le long du membre .' Pas ' de perte de connais-

sance, mais trouble du langage, ne pouvant prononcer que des

fragments de phrases. En même temps, céphalée qui dure une

demi-heure, engourdissement dans la main droite et le bras

pendant six heures. Au bout de trois jours, le langage se réta-

blit complètement. Vers la fin d'octobre, troubles du côté de

la miction, l'urine s'écoulant goutte à goutte. Le 6 novembre,

affaiblissement des membres inférieurs qui va jusqu'à la para-

17 pathologie NERVEUSE.

plégie. Le 25 décembre, nouvelle attaque avec perte de con-

naissance suivie de troubles mentaux qui durent deux semaines.

Actuellement homme d'apparence robuste, paraplégie com-

plète, exagération des réflexes rotuliens, pas de trépidation du

pied, légère atrophie- des muscles du mollet et des péroniers,

diminution de la sensibilité sous toutes ses formes jusqu'à un

pouce de l'ombilic, incontinence d'urine et des matières, es-

chare au sacrum. Paralysie faciale inférieure droite (l'orbicu-

laire parait atteint). Pas de paralysie linguale. Le malade

prononce bien les syllabes séparément, mais prononce mal

un mot tant soit peu long. Affaiblissement des réflexes pha-

ryngiens.

A l'AUTOPSIE, petite cavité kystique dans le noyau lenticu-

laire gauche, entre le genou gauche de la capsule interne.

Pas de dégénérescence appréciable à l'oeil nu dans les pédon-

cules. Ramollissement marqué de la substance blanche de la

moelle, dans la région dorso-lombaire. A l'examen microsco-

pique, pas de lésions dans le bulbe ; myélite transverse dans

là régi'on 'dorà-Ion1baire\. 1 '' ' l '1' -" 1. l (

Il 11 >l'l a u1 b 1 U J 1 .1. I

Comme on le .voit, dans îles cas qui précèdent, à

l'exception du cas de Frédéric Jolly, la lésion trouvée

à l'autopsie siégeait toujours dans le noyau lenticulaire

du corps strié, . le plus souvent à la partie antérieure. Les

faits rapportés) par Rossqse, rapprochent donc beau-

coup des. nôtres, puisqu'ils ont.. lai' même localisation

anatomique. 1111'111 n, i et , ? (AsMwe.)

PATHOLOGIE GENERALE

11,1 1 LA FAMILLE ËVROPATHIQUE' :

)fil, 1,A FA111,1,E Ni'VIIOPATIIIQUE',

ixiip r.

, . 't Par Cii. 1FÉIIL. 1

i.ilii ./il z / . ? l' 1 ,

- )tIW '·J ) -i VII., - ..1 .1 , ,

flul '1 >q d i i in , '" 1 -

il Laye' famille névropathique, ainsi constituée en

groupe naturel, est loin d'être ' isolée ' des autres ? J.ad' l " , 1 J ¡ , f , If'l 1

groupes pathologiques. Elle a des rapports,. fréquents

avec les arrêts de dévéloppement, avec les malforma-

tions; `elleest en outre intimement liée, avec les dégé-

nérescences'et avec' les maladies de la nutrition-.

^Parmi les affections' congénitales' du 'Système ner-

veux que l'on'voit'se combiner/ -soit dans via famille,

soit ''chez1' les' sujets' eux-mêmes, avec les « affections

nerveuses 'que nous' 1 avons.lpasséesl en'revue, il' faut

citer la cécité congénitale, le daltonisme et'surtout la

surdi-mutité ".

Les malformations congénitales d'autres parties du

corps, le bec-de-lièvre, le pied-bot, le strabisme, etc.,

coïncident fréquemment avec certaines formes de

dégénérescence du système nerveux, notamment avec

l'idiotie, soit chez l'individu soit dans la famille. Mais

un fait moins connu, c'est que les névropathies

' Voir Archives de Neurologie, t. VII, p. 1.

' leur. - De la surdi-mutité. Thèse, 1881, p. 1- ? .

174 pathologie générale.

peuvent donner naissance à des anomalies de for-

mation. M. Ollivier rapporte l'exemple d'une fille

hémimèle, dont le père était épileptique et le grand-

père apoplectique ? On a noté l'hérédité combinée et

la coïncidence des psychoses et des hernies qui,

congénitales ou acquises, résultent toujours d'un vice

de développement que l'on pourrait considérer comme

un phénomène de réversion atavique', de même que

la descente tardive des testicules. Le phimosis congé-

nital* se rencontre fréquemment chez les sujets at-

teints de troubles mentaux ou hystériformes. Nous

avons noté plusieurs fois l'existence d'un double tour-

billon des cheveux, trace d'une anomalie de dévelop-

pement dé l'extrémité céphalique du canal vertébral *,

chez dés épileptiques et des aliénés. Il n'est pas rare

de voir, dans les deux sexes, les anomalies du sys-

tème pileux, par excès ou par défaut, coïncider avec

des troubles nerveux ou psychiques.

Ireland rapporte deux généalogies dans lesquelles

on voit l'albinisme cotover l'idiotie 6. Le même auteur

1 , , t 1 #1 hi I,i

signale le coloboma de l'iris' chez quelques idiots.

Relevons aussi la' coïncidence des vices d'implanta-

. l'If 1 > f ' , j i J j 1 ' .

tion et de la caducité des dents chez ces mêmes sujets

(B' 'Il')' \11111 ,JI' . " ,

(Bourneville).

ni ,1", 1 yn,4 mi J' · "1" 1 i

.' Ulîl;^ ? 1('1 "r ? î ' l ' -

1 A. Ollivier. - Su la pathogénie des vices de conformation, (Huit.

Soc. anthiop., 1878; p. t50.) 1 , , - Il . , , 9

'Iretand. 7'/te ! ou;' ? t. o/'(yaeatlecience,1881, t. XXVII, ,131.

J 11 i . ', i « . 1 1 1,. ' ' ' . ; ; i i '

3 Ch. Féré. - Etudes sur les orifices herniaires et les hernies, etc.

(Revue mensuelle rle`méd. et di{ chi2 ? 1879, pp : : i;3 à 557.) > W

. Fleury. Traité thérapeutique et clinique d'hydrothérapie, 4a 6dit.

1875, p. 1055. ..I n

5 Cil. Féi'é. Nouvelles recherches sur la topographie crtinio-oArébrale.I

Revue fl'anlhrop., 1881, p. 483.) ? , IJ"'I'" Il 1; -. , , 1 ,,

» Ireland. On idiocy and imbecility, 1877. Londres, p. 101.

LA FAMILLE \VltUY1'l'111yUli. 177

Le bégaiement consiste en une répétition ou une

suspension convulsive de certaines syllabes. Les

mouvements vicieux de la langue, des lèvres et des

muscles respiratoires s'accompagnent souvent de con-

vulsions des muscles étrangers à la prononciation, des

muscles de la face, des bras et même des jambes, et

coïncide fréquemment avec le strabisme, etc. Ces

associations convulsives qui s'exagèrent encore sous

l'influence de l'émotivité si commune chez les bègues,

montrent qu'il ne s'agit pas d'une anomalie de déve-

loppement localisée et accidentelle, mais d'un état

névropathique qui a des racines profondes dans la

constitution, et qui mériterait d'être classé parmi les

névroses. On le rencontre souvent à des degrés va-

riables chez les sujets atteints d'affections nerveuses

ou dans leurs familles... , 1 1 ,

VIII.

a ' "

Le groupe psychopathiqueen particulier a été depuis

longtemps relié aux affections scrofuleuses et tuber-

culeuses, au rachitis. « Aliénés, idiots, scrofuleux,

rachitiques, en vertu de leur commune origine, de

certains caractères physiques et moraux, doivent être

considérés comme les enfants d'une même famille, les

rameaux divers d'un même tronc», dit Moreau (de

Tours). La fréquence de la scrofule chez les idiots

et les imbéciles, chez les épileptiques, avait aussi été

relevée par Lugol.

Esquirol avait remarqué la fréquence de la phthisie

chez les aliénés. M. Dupouy, dans son intéressant tra-

176 rA'l'HOLOGIE GENERALE.

vail', a aussi surtout mis en relief la coïncidence de

la scrofule et de la phthisie; il ne cite que quelques

observations de cancer et d'arthritisme. M. Baillarger

avait cependant déjà reconnu la parenté du rhuma-

tisme avec les névroses en général.

L'arthritisme en effet coïncide fréquemment avec les

névropathies. On rencontre souvent chez les nerveux

et dans leur famille le rhumatisme, la dartre et plus

souvent la goutte.

Le rhumatisme en particulier est souvent lié à l'hys-

térie 2 : quelquefois il détermine la production des ma-

nifestations hystériques 3 et les deux maladies peuvent

marcher de pair sans s'influencer l'une l'autre \

C'est surtout avec la chorée que le rhumatisme

affecte des liens étroits (Bouteille, Sée). Toutefois

le rhumatisme ne saurait être considéré comme

cause primordiale de la chorée; il joue, en raison

de sa parenté pathologique avec la diathèse névropa-

thique, le rôle d'un excitant particulièrement actif de

la prédisposition. Ce que fait le rhumatisme, le trau-

matisme peut le faire dans certaines circonstances

(Bouchut).

Les encéphalopathies rhumatismales se manifestent,

on pourrait peut-être dire exclusivement, chez les su-

z Dupouy. Recherches sur les maladies constitutionnelles et diathe-

siqups dans leurs rapports avec les névroses et principalement avec la

folie. (AmI. méd. psych., 4e série, 1866, t. VIII, p. 21 et 201.)

2 Durand. - Contrib. à l'élude des relations entre l'hystérie et le 7-hu-

matisme. Thèse, 1808. ·

3 leude. Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu de Roveza, 187'" p. 123.

Repéré. Des manifestations hystériques simulant le rhumatisme céré-

bral. Thèse, 188a

4 Ch. Féré. - Notes pour servir à l'histoire de l'lzsléro-éhilepste. (Arch.

de Neurol., 1882, t. III, 1). 16 ! ).)

LA FAMILLE NÉVItOF.l1'131,\,UE. 177

jets atteints de névropathies ou au moins d'une prédis-

position héréditaire. Le rhumatisme réveille la dia-

thèse nerveuse qui se traduit par des manifestations

convulsives ou délirantes (folie rhumatismale de Bur-

rows, Griesinger, Mesnet), suivant la prédisposition

spéciale du sujet. On peut en dire autant des localisa-

tions médullaires.

M. Lancereaux en passant en revue les affections

névropathiques, névralgies, viscéralgies, etc., qui

accompagnent si fréquemment les manifestations de

Yherpétisme, tenant compte de la prédominance dans

les lièvres des'accidents névropathiques chez les her-

pétiques ; considérant'l'hérédité; la' symétrie "des lé-

sions cutanées, etc ? en arrive à cette conclusion, peut-

être prématurée, que' l'herpétisme"est le 'fait 'de

troubles de l'innervation sensitive, motrice, mentale,

vaso-motrice et que, partant, il constitue une névrose

complexe '. '' 1 '

, , . . i 1 ,

IX. ' ' ? ' "1 '

. , i ""1 u

Mais c'est surtout dans la goutte que les troubles'

nerveux sont fréquents;'et'its méritent de fixer plus

particulièrement notre attention ! ' Ils peuvent'se mani-

fester comme symptômes prémonitoires de l'accès de

goutte, ou rester tout à fait indépendants des accès, se

montrer comme des phénomènes de la goutte anormale,

abarticulaire; d'autres au contraire succèdent à l'accès

de goutte, et se développent de préférence lorsque

l'évolution de l'affection articulaire a été troublée, soit

.

1 La.ncHre.tux. Traité de l'herpe Usine, 1883, p. 27a.

.\.IIClIl\ L5, t. Vil. 11

178 PATH0LOU1E GENERALE.

accidentellement par un refroidissement subit, soit par

une intervention intempestive. Ces derniers font partie

du groupe si divers des accidents de la goutte rétro-

cédée. Ces métastases, d'autant plus fréquentes que la

goutte est plus ancienne ', sont les plus redoutables

par leur brusquerie et leur intensité ; la mort peut en

être la conséquence.

Ces troubles peuvent affecter le système nerveux

central et périphérique dans toutes ses fonctions : mo-

tilité, sensibilité générale spéciale, intelligence.

M. Charcot fait remarquer que toutes les formes du

rhumatisme cérébral, la céphalée, le délire aigu, la

folie enfin se trouvent à peu près exactement repro-

duites dans la goutte '.

Parmi les troubles prémonitoires, on rencontre fré-

quemment le vertige qui se présente à des degrés très

variables ; quelquefois il est assez intense pour offrir

le grand appareil du vertige labyrinthique comme

M. Bouchard en a observé des exemples. Lasègue pen-

sait qu'il faut rapporter au rhumatisme et à la goutte

tous les cas de vertige dit stomacal 3. M. Da Costa'

fait jouer au vertige un rôle prépondérant parmi les

symptômes nerveux dus à la lithémie.

A côté du vertige, il faut placer parmi les troubles

prémonitoires' : la gastralgie, l'irritabilité de la vessie;

la migraine que Bazin range parmi les phénomènes

1 E. Chauffard. Parallèle de la goutte et du rhumatisme, 1857, p. 23.

= Garrod. Traité de la goutte. Edition française, 1867, p. 386.

3 Belliard. Des manifestations cérébrales de la gorztte.'llzèse,1883, p.8.

* Da Costa. T'he nervous symptoms of lithoemia. (Arne,'ican jour, o/'

nzed. se, october 1881.)

5 Gastowtl. Des accidents prémonitoires de la goutte. Thèse de

Paris, 1878.

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 179

propres de l'arthritisme est surtout fréquente. L'asthme

se rencontre très fréquemment chez les goutteux' ;

il précède souvent les manifestations articulaires, ou

alterne avec elles (Trousseau, Vigla, Bazin, etc.).

Avec l'asthme, il faut citer les palpitations nerveuses,

survenant surtout la nuit, avec douleur rétrosternale,

et l'angine de poitrine.

Parmi les névroses qui se rattachent quelquefois à la

goutte, il faut compter l'épilepsie. Des cas de ce genre

ont été rapportés par Van Swieten, Lyncha Legrand

du Saulle 3. Spencer Vells toutefois professe que les

affections convulsives ne sont pas fréquentes dans la

goutte, et que si quelquefois elles simulent l'épilepsie,

il n'y a pas d'aura ; les attaques seraient seulement pré-

cédées pendant plus ou moins longtemps de tinte-

ments d'oreilles, de mouches volantes, etc. Dans

quelques cas la nature goutteuse de l'affection con-

vulsive est des mieux démontrée par sa disparition,

au moment où se manifestent les douleurs articulaires

(Lynch, Legrand du Saulle, etc.).

A côté de la coexistence de l'épilepsie et de la

goutte chez le même sujet, il faut citer la combinaison

des deux maladies dans les familles.

Observation L ? IIII. -NI.114..., agé de vingt ans, ade grandes

attaques nocturnes depuis l'âge de neuf ans. On ne trouve

1 G. Sée. - Asthme. (Nouv. Dict. de méd. et de chier. prat., t. III, 1865,

p. 645, 662, 664.) N. Guéneau de Mussy. - Clinique médicale, t. I,

p. 293. - J. Simon. - Gaz. hebd., 1869, p. 362, etc.

1 Lynch. Some 2-e ? iia-lis on metastasis to the brain in goût and other

rliseaxes. (Dublin quart, journ. of med. se, 1856, p. 276.)

3 Legrand du Saulle. Gaz. des hOp., 1868, 31 octobre.

* Spencer Wells. - l'racticulobs. on flout and tts complications. London,

1854, 1). 126.

180 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

aucun antécédent nerveux dans la famille, mais il y a un oncle

et un grand-oncle goutteux et une grand'mère atteinte de

gravelle et d'eczéma.

Observation LXXIV. - Mn'e A..., cinquante ans. - Mère

nerveuse sans crises. Elle a eu une chorée très forte vers douze

ans, deux attaques de rhumatisme articulaire aigu à quinze et

à trente ans. Depuis quatre ans, attaques comitiales nocturnes

revenant toutes les cinq ou six semaines; de temps en temps,

absences avec mâchonnement. Aurait eu un accès de goutte il

y a un an.

Observation LXXV. 111 ? V..., trente-trois ans. Mère

graveleuse ; deux oncles maternels atteints d'angine de poi-

trine. Elle a de temps en temps des douleurs dans les gros

orteils et rend souvent du sable dans les urines. Elle avait eu

quelques absences dans sa jeunesse. De trente à trente-deux

ans, elle a été sujette à des crises convulsives, surtout noc-

turnes, avec morsure de la langue. M. Charcot la traita par

le bromure, et les attaques ont disparu bien que, depuis un an,

elle n'ait plus pris de médicaments.

Observation LXXVI. - M. D..., cinquante et un ans. Con-

vulsions à la suite d'une rougeole à six ans. - Epileptique

depuis l'âge de trente-neuf ans. - Grand-père paternel et

père gout : eux ; tante maternelle folle, suicidée. Deux soeurs

rhumatisantes chroniques. Un frère faible d'intelligence aurait

eu une lièvre cérébrale ( ? ) à douze ans.

La diathèse urique, d'après M. Charcot', peut chez

les femmes se compliquer d'accidents hystériformes.

C'est sans doute à cet ordre de faits que Trousseau

fait allusion lorsqu'il dit que certains états vaporeux,

que l'on confond avec des accidents hypochondriaques

ou hystériques, sont quelquefois jugés par des attaques

de goutte articulaire$. M. Fouqué, dans sa thèse % rap-

1 Charcot. Leçons cliniques sur les maladies des vieillards, 2e édit.,

1874, p. 65. -

' Troûsseau. - Clinique de l'Hôtel-Dieu, t. III, p. 365.

3 FouqUH. Elude clinique sur quelques spasmes d'origine lujstè-

rique. Thèse de Paris, 1880.

L FAMILLE NÉVROPATHIQUE. <8)

porte un cas de coexistence de la goutte et de l'hys-

térie, et M. Mossé ' a rapporté l'histoire d'un enfant

de dix ans et demi, d'origine goutteuse et qui pré-

sentait des attaques hystériformes. D'après Laycock,

les phénomènes hystériques pourraient alterner avec

les accès de goutte. Des phénomènes hystériformes,

boule, clou, peuvent se rencontrer chez les goutteux

mâles.

Stoll, Barthez, Guilbert auraient observé des faits de

chorée dite goutteuse ; la perte de coordination du

mouvement des membres supérieurs et inférieurs avec

démarche ataxique signalée par Russell Reynolds ap-

partient peut-être à ce groupe défaits*.

Parmi les accidents de la goutte rétrocédée, Scuda-

more cite le spasme du diaphragme et des muscles

abdominaux.

M. Duckworths rapporte que M. Buzzard a vu chez

un goutteux une excitabilité électrique anormale du

médian avec spasme de la main et difficulté de l'écri-

ture ; un traitement anti-goutteux fut suivi de guérison.

Graves a signalé chez les goutteux ul,e espèce de tic

qui consiste en un grincement particulier et presque

continuel des dents qui finissent par être usées par le

frottement. Ce tic n'est pas spécial aux goutteux, on

le rencontre quelquefois dans la paralysie générale;

1 A. Mossé. - Contribution Il l'étude de l'hystérie chez l'homme. Mont-

pellier, 1883.

1 Laycock. Treatise ofthe nervous diseases of wonzerc., 1840, p. 163.

3 Russell Reynolds.- Brit. med. Journ., 1877, t. Il, p. 842.

. a Scudamore. - A tnratise on tle nature and cure of gout and gravel,

etc., 41 édit. London, tS23, p. 499. '

'Dyce Durkworth. -On 1tIICquivocal,qonty disease (Sainl-Bartkolomew's

hosp. Reports, t. XVI, p. 207).

182 pathologie générale.

il n'est pas rare pendant le sommeil chez les sujets

nerveux, principalement les enfants. Nous avons pu

voir à la Salpêtrière, une vieille femme qui était épi-

leptique seulement depuis dix ans et qui, depuis deux

ans, avait ce même grincement de dents qui se ma-

nifestait d'abord par accès, puis était devenu conti-

nuel, à tel point que la malade était obligée de se

mettre un chiffon entre les arcades dentaires pour

n'être point empêchée de dormir par le bruit qu'elle

faisait. M. Delasiauve' cite deux faits de grincement

de dents parmi les signes précurseurs de l'attaque

d'épilepsie.

Nous avons observé une fois la combinaison chez

le même individu de la goutte et de la paralysie agi-

tante.

Observation LXXVII. M. J. G..., quarante-six ans, héré-

dité névropathique (père sujet à de violentes colères ; mi-

graineux, atteint plusieurs fois de sciatique), a eu un

premier accès de goutte à l'âge de trente-trois ans. Les dou-

leurs articulaires ont débuté par l'articulation métatarse-

phalangienne du gros orteil droit.Il y a trois ans, il commença

à trembler de la main droite, puis de la jambe. Aujourd'hui il

a de la raideur du cou, de l'immobilité des traits, de la lenteur

delà parole. Son écriture est petite et tremblée. '

; M. Lhirondel a noté plusieurs fois la coexistence

de la goutte et de la paralysie agitante dans la même

famille.

Parmi les troubles dits métastatiques que l'on voit le

plus souvent se produire à la suite d'application de

froid sur les jointures affectées, d'un accès de colère,

1 Delasiauve. - Traité de l'épilepsie, 1854, p. 48.

la famille MÉVROPATHIQUE. 183

d'une impression subite quelconque ' d'excès de tra-

vail cérébral, on cite les congestions cérébrales fu-

gaces, avec céphalalgie, vertige, perte de connaissance.

Les observations d'apoplexie goutteuse rapportées

par Scudamore, Lynch, Gairdner2, Musgrave3, Guil-

bert\ etc., nous paraissent devoir être séparées des

manifestations nerveuses de la goutte, parce qu'elles

sont attribuables à des lésions vasculaires et non à des

troubles spontanés du cerveau. Il en est cependant d'in-

téressantes : Darnay5 raconte qu'il fut pris d'une attaque

apoplectiforme quelques jours avant l'apparition d'un

tophus auriculaire. Ce sont surtout ces accidents apo-

plectiformes ou congestifs que l'on voit se substituer

à la goutte articulaire, -disparaissant subitement soit

par application de froid, soit à la suite de médications

intempestives 6. Copland, Lynch citent des cas où l'état

apoplectiforme cessait quand les douleurs articulaires

réapparaissaient. Ces suppressions brusques semblent

indiquer que, dans un certain nombre de cas au moins,

ces phénomènes sont dus à de simples troubles dyna-

miques. L'hémiplégie accompagne quelquefois ou suit

ces accidents apoplectiformes qui peuvent se terminer

par la mort.

Gairdner7 rapporte un cas d'aphasie remplacée par

1 Turck. Traité de la goutte et des maladies goutteuses. Paris, 1837,

p. 24.

Gairdiier. - On gout, its history, ils cause and ils cure, 40 édit. Lon-

doit, 1856.

' Musgrave. De arlhritide anomala. Genève, 1736.

' Guilbert, De la goutte. Paris, 1820.

n Darnay. Contrib. à l'eturle de la goutte. Thèse, 1874.

o Potton. De la goutte et du danger des traitements empiriques,

etc., 1860.

1 G,virdner. - On gout, 41 édit. London, 1860, p. 70, 88.

18t pathologie générale.

un accès de goutte articulaire. Il fait remarquer que

les nerveux héréditaires sont plus sujets à ces sortes

d'accidents, et il dit que quand les troubles cérébraux

se manifestent, on trouve généralement que les sécré-

tions rénales et hépatiques sont totalement ou partiel-

lement supprimées. M. Charcot' a eu aussi l'occasion

plusieurs fois d'observer l'aphémie chez les goutteux ;

et, dans quelques cas, il a vu cet accident ne se mon-

trer qu'au moment des accès de goutte. Lynch rap-

porte deux faits analogues, dont l'un d'eux, le trouble

de la parole, s'accompagnait de convulsions momen-

tanées du côté droit de la face.

Garrod cite un cas de paralysie faciale ayant cessé

au moment où apparaissait un accès de goutte ré-

gulière.

La folie goutteuse a été signalée par Whytt, qui

rapporte plusieurs faits de manie arthritique. Lorry',

Lynch, Garrod rapportent des cas de folie s'étant ma-

nifestés à la suite d'un accès de goutte ayant cessé

tout à coup, ou qui avaient disparu par la réap-

parition des douleurs. Plusieurs auteurs font men-

tion d'attaques de goutte alternant avec des accès

d'aliénation mentale (Dagonct) 4. Berthier admettait

que toutes les formes de la folie peuvent se montrer

chez les goutteux 5, et Rayner arrive à peu près aux

1 Malherbe. Des affections viscémles dans la goutte et le rhumatisme

chroniques. Thèse de Paris, 1866, p. 45.

2 Garrod. - Traité de la goutte. Edit. Charcot-Ollivier, 1867, p. 582.

3 Lorry. De proecipuis 111OI'borum nautationibus el conuersimaiGus. Paris,

1784, p. 280.

4 Dagonet. - Traité élémentaire et pratique des maladies mentales,

1862, p. 210.

s Berthier. - Les névroses diathésiques, 1875.

LA FAMILLE NÉVROPATIUQUE. 1S3

mêmes conclusions'. La goutte rétrocédée donnerait

surtout lieu aux formes aiguës, surtout à la manie,

quelquefois à la paralysie générale (Rayner). Dans la

goutte chronique, on observerait des hallucinations

sensorielles et la mélancolie.

Les accès de manie qui se développent en consé-

quence de la cessation brusque des douleurs articulai-

res cessent aussi ordinairement d'un façon inopinée

quand les jointures sont prises de nouveau.

Le trouble mental le plus fréquent chez les goutteux

est sans contredit l'hypochondrie, qui peut aller jus-

qu'au penchant au suicide. Des faits de ce genre ont

été signalés par Lynch, par Peter lIood E, Guilbert,

etc. Nous avons connu un goutteux qui avait des

accès de dépression hypochondriaque précédant pen-

dant quinze jours les accès articulaires et cessant avec

ces derniers; il a un fils non goutteux, mais hal-

luciné. Au lieu d'hypochondrie, on voit souvent chez

les goutteux une sorte de torpeur intellectuelle, d'obtu-

siou habituelle des facultés qui peut se dissiper à un

moment donné, de telle sorte que la validité des actes

volontaires ne peut être contestée 3. Quelquefois cet

état de dépression générale s'accompagne de malaise

général, de peur de la mort, de la folie, de l'empoi-

sonnement, une nosophobie universelle.

La mélancolie proprement dite se rencontre aussi

quelquefois`. Son origine goutteuse semble démontrée

1 Rayner. Gouty insantty (TI'ans. of the 7 ? zed. congress. or

London, 1881, t. II(, p. G40).

Péter Hood. - A Treatise of gout, 1'hll/natism, and allied affections,

London, 1871. I .

3 Tardteu. - Etude médico-légale sur la folie, 2e édit., 1880, p. 39.

4 Andrew Clark. - Report on a case of gouty nzelazzcolia (7'Aeyou)'7t. ,

186 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

par l'effet critique de l'accès articulaire, erunzhenle

podagra, solvitur nelancolia (Lorry). Lord Chatham a

souffert pendant deux ans d'une mélancolie angois-

sante, dont il guérit par le ictour d'un accès de

goutte.

M. Charcot nous a montré un malade chez lequel la

goutte paraît avoir fait place à la paralysie générale.

Observation LXXVIII. - M. A..., cinquante-deux ans. -

Syndactylie de l'annulaire et du médius gauche (un frère a la

même difformité) -Goutteux depuis dix ans (tophus aux deux

oreilles, déformation des mains ). Etait sujet à des accès qui

se reproduisaient régulièrement à peu près tous les ans, au mois

de janvier. Il y a deux ans n'eut pas de goutte ; se croyait

guéri, quand il commença à éprouver des douleurs à la tète qui,

depuis un an, sont très intenses. Puis est survenu l'embarras

de la parole ; oubli d'un mot ou d'une syllabe, tremblement

des lèvres produisant un balbutiement continuel. Pris de trem-

blement de la langue, tremblement des mains, surtout delà

droite ; écriture tremblée caractéristique ; oublie des mots et

des lettres ; il oublie une lettre dans son nom, met un n au

lieu d'une m dans le nom de sa rue. Pupilles immobiles, la

droite plus étroite. A une atrophie pupillaire qualifiée de ta-

bétique par M. Fano. Faiblesse de la jambe droite dont le

réflexe rotulien est exagéré. Pas d'affaiblissement bien notable

de l'intelligence ; il répond correctement aux questions.

Parmi les affections médullaires développées chez

les goutteux, signalons un fait d'atrophie musculaire

progressive vu par M. Potain '. Dans trois cas où il

existait chez des lithémiques des troubles rappelant

ceux de la sclérose disséminée, on aurai); obtenu

deux fois la guérison et une fois l'amélioration par un

mental science, oct. 1880, p. 343). - Clouston. Clinical lectures on mental

diseases, London, 1883, p. 456.

1 Potain. - Gazette des hôpitaux, 1878, no 48, p. 377.

LA FAMILLE NÉVROPATIIIQUE. 187 Î

traitement dirigé contre la dialhèse'. Garrod n'avait

observé qu'une seule fois une hyperesthésie des jam-

bes avec douleurs à la partie supérieure de la colonne

lombaire; mais l'autopsie ne fut pas faite, pas plus

que dans des cas analogues de Begbie et de Todd.

Graves' semble être le premier qui ait signalé des

lésions de la moelle; il parle d'un ramollisement de

la moelle sans dépôts uratiques. Albers de Bonn

cite plusieurs exemples de troubles de la motilité

et de la sensibilité des membres inférieurs, mais il

s'agissait d'arthrites déformantes chez des sujets

âgés, et comme le fait remarquer M. Ollivier, les

dépôts trouvés entre la dure-mère et les parois du

canal rachidien étaient vraisemblablement de nature

calcaire et phosphatique. D'ailleurs la plupart du

temps les productions ostéiformes du canal rachidien

chez les vieillards n'ont rien à faire avec la goutte 3.

En somme, en fait de lésion médullaire, il n'y a guère

que le cas de M. Ollivier', où la goutte puisse à bon

droit être incriminée; il s'agissait d'un foyer hémor-

rhagique au voisinage duquel la dure-mère présen-

tait des granulations blanchâtres d'urate de soude.

Les névralgies sont très fréquentes chez les gout-

teux et en particulier la migraine. Presque tous les

nerfs peuvent être pris, trijumeau, plexus brachial,

nerfs intercostaux, sciatique ; Paget, Da Costa signa-

1 Mac Bride. - The american journal of Neurology and psychology,

1883, t. II, p. 144.

, Graves. Clinique médicale. Trad. Jaccoud, 1871, t I, p. 612.

3 Ch. Féré. - Exostoses séniles du corps des vertèbres. (Ball. Soc. anal.,

1877, p. 95.)

'A. Ollivier. Contrib. à l'histoire de la goutte spinale. (Arch. dephys.

1101'111. et patch., 2<' si*rie, t. V, 1878, p. 45.)

188 pathologie générale.

lent des névralgies de la langue, du palais, de la

mamelle.

Parmi les névralgies viscérales' il faut surtout citer

la gastralgie. On a décrit des coliques nerveuses,

coliques arthritiques, que l'on a comparées à celles

des peintres'. Paget" attribue à ces névralgies en

général ces caractères spéciaux : elles sont brusques

et capricieuses, et souvent en rapport avec des troubles

de la digestion ou des écarts de régime.

A côté de ces névralgies, il faut signaler les

crampes qui précèdent ou suivent l'attaque 4 et les

picotements dans les jambes, picotements qui pren-

nent quelquefois le caractère d'élancements et pour-

raient faire penser aux douleurs fulgurantes du tabes.

Ces crampes qui, quelquefois, précèdent ces attaques

pendant plusieurs nuits, jouent un rôle important dans

la production de l'iusomuie", qui est aussi quelquefois

déterminée par l'asthme, la dyspnée, etc.

La nature goutteuse des névralgies peut quelque-

fois être nettement démontrée par les heureux effets

du traitement : c'est ainsi que Begbie rapporte

, \V. Ebstein. - Die nalur und Behw/lllu71[j der Gicht. \ViesLaden,

188,p 124.

2 lIIol1neret. - La goutte et le rhumatisme. Thèse de concours, 1831,

p. 1T.

3 J. Paget. - Clinical lectures on the nxiaor signes of goût. (Bi-itish med.

Joura., 1875, p. 665, 701, 737.)

4 C.-H. Parry. - Collection from the unpublished médical writings-

London, 1825, t. 1, p. 2'il. - Russell Reynolds. - On some affections o/

the ne,'vous sgstenz dépendent of goût. (Brilish med. jOUI'1l., 1877, t. If,

p. 28.)

5 Dyce Duckwortli. On insom711a and other troubles connectée ! willc

sleep in persans ofgoztl ! l disposition. (Brain, t. IV, 1h8 ! , p. 145.)

6 Begbie. Illustrations on goût and go ut diathesis. (Edimburgh med.

and sw'.q.jOll ? 1854. 1 j;uuarY, p. 18.)

LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 18J

l'exemple d'une sciatique chez un goutteux guérie

par le colchique; et, comme plusieurs autres manifes-

tations nerveuses, on les a vues souvent cesser à l'ap-

parition d'une attaque de goutte articulaire.

Parmi les troubles sensoriels attribuables à la goutte,

on a cité des troubles de la vision. lllorgaui, Stoll,

Barthez, Guilbert, etc., parlent vaguement d'ophthal-

mies goutteuses. Scudamore rapporte un fait de perte to-

tale de la vision à la suite de la disparition subite de

la douleur articulaire; mais, en somme, la plupart des

affections dites goutteuses de l'oeil (conjonctivites avec

dépôts d'urate de soude de Robertson, leucome calcaire

de la cornée, glaucome irido-choroïdien) n'ont aucun

rapport avec les lésions du système nerveux. Pourtant,

M. Gauté 1 rattache à la goutte une rétinite spéciale

avec exsudations miliaires à contours bien limités

sur le trajet des vaisseaux. Hutchinson avait rattaché

à la goutte une rétinite hémorrhagique.

Rappelons que le diabète se rattache à la goutte par

une parenté aujourd'hui bien établie, et que les troubles

nerveux sont loin d'être rares chez les diabétiques et

offrent la plus grande analogie avec ceux qu'on ob-

serve chez les goutteux. Nous ne reviendrons pas sur

ce sujet que nous avons déjà traité dans les Archives

avec notre ami M. Bernard3. Nous dirons seulement

1 Ganté. De l'influence de la goutte sur les affections cl les opéra-

lrorzs de l'reil. 'fLèse, 1681.

'- J. Hiitcllinson. On rctuiitis hemorrhagica and its suggesled con-

ue.cious wille gout nncl ucztozcs tlcromGoszs (.Ilecl. 1'anzes aacl Ga ? IS78,

t. I, p. 401.)

, D. Bernard etCh. Féré. Des troubles nerveux observés chez les dia-

bétiques. (Arch. de Neurologie, 1S82. t. IV, p. 336. F. Dreyfous. Pa-

tkuycrzze et accidents nerveux du diabète. Thèse d'agrégation. Paris,

ISSJ.

190 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.

que tous ces troubles nerveux qui se combinent avec

la goutte ou le diabète, soit chez le même sujet soit

dans une même famille, s'ils ne prouvent pas, comme

le veut M. Duckworth, que la goutte est une affection

du système nerveux et aussi le diabète', montrent au

moins qu'il y a des rapports assez étroits entre la

famille arthritique et la famille névropathique.

Si nous supposons un peloton de soldats du même

âge, vêtus et alimentés de la même manière, laissés

l'arme au pied au milieu d'une plaine et soumis à la

même action d'un vent glacial, tel sera atteint d'une

pneumonie, tel autre d'une pleurésie, tel autre d'un

rhumatisme articulaire , tel autre d'une paralysie

faciale, tel autre d'une sciatique, etc., la même action

banale du froid aura mis en jeu leurs différentes

opportunités morbides. Les affections aiguës ou chro-

niques n'agissent pas autrement lorsqu'elles détermi-

nent des troubles nerveux psychiques, sensoriels ou mo-

teurs ; elles ne font que mettre en relief une prédispo-

sition individuelle héréditaire ou congénitale. On peut

dire que la plupart des maladies sont susceptibles de

s'accompagner de quelque trouble nerveux chez les

névropathes. L'arthritisme n'a-t-il qu'une puissance

excitatrice particulièrement active/ Ou bien l'arthri-

tisme et la diathèse névropathiques sont-ils deux états

congénères résultant d'un trouble de la nutrition diffé-

remment spécialisé ? C'est cette dernière interprétation

que j'accepte : c'est à titre d'états de dégénérescence que

1 Dyce DuclwcortL. - A plea for the iieu2-olic iheol' ! I uf ,goul (Brain,

t. III, p. 1, 1880). -- l'our lui, l'a1 ! eclIon siégerait dans la moelle allongée,

où, d'tiptcb les laits de il. liuziurd (drthl'opalllle" ataxiuues et crises gas-

triques) , on pourrait placer le centre tropliiue des jointures.

DE L'HSJIIATROPHIE DE LA LANGUE. 191

la névropathie, la scrofule, la tuberculose, l'arthri-

tisme, etc., se trouvent diversement combinés dans les

familles; et, dans certaines conditions, leurs manifes-

tations se transforme : ! t ou s'excitent réciproquement.

CLINIQUE NERVEUSE

DE L'11G111.1'l'ltOl'Illh : DE LA LANGUE DANS LE

TABES DORSAL ATAX1QUE;

Par le Der GILBERT BALLET, ancien chef de clinique de la Faculté.

L'atrophie de certains groupes musculaires n'est pas

un fait absolument rare au cours de l'ataxie locomo-

trice progressive. Duménil (de Rouen), Virchow,

Marrotte, Friedreich, Leyden, Foucard, Laborde,

Pierret eu ont rapporté des exemples, et depuis les

publications de ces auteurs ', il est bien peu de méde-

cins, habitués à la fréquentation des ataxiques, qui

n'en ait rencontré plusieurs cas. M. Charcot a insisté

naguère sur les amyotrophies des tabétiques, qui

avaient échappé au génie d'observation de Duchenne;

il a été l'un des premiers à mettre en relief leur fré-

quence relative et leurs caractères propres.

. L'atrophie musculaire des ataxiques « ne présente

pas, dit notre maître, le mode régulier d'envahissement

1 Pour les renseignements bibliographiques, voir : Charcot. Leçons

sur lre maladies du système nerveux, t Il, p. 233.

192 CLINIQUE NERVEUSE.

non plus que la marche pour ainsi dire fatalement

progressive, propres à l'amyotrophie progressive.

Parfois disséminées sur les parties du corps les plus

diverses, les lésions musculaires restent d'autres fois

limitées à des régions très circonscrites, au pied, par

exemple (Friedreich), à la jambe (Leyden), au dos

(Leyden, Friedreich), à la nuque (Leyden), où elles

peuvent n'occuper qu'un seul muscle ou même une

partie d'un muscle. Si les éminences thénar et hypo-

thénar sont quelquefois affectées (Foucart), elles

restent, dans un grand nombre de cas, parfaitement

normales. Souvent les muscles des membres inférieurs,

frappés d'incoordination motrice, sont seuls envahis

(Laborde, Duménil). Dans le cas recueilli dans mou

service par M. Pierret, ajoute M. Charcot, l'atrophie

portait à la fois sur toute l'étendue du membre supé-

rieur et du membre inférieur d'un même côté ».

Or, parmi ces amyotrophies, il en est une dont la

localisation est assez curieuse, et qu'il importe de

connaître si l'on veut éviter de faire fausse route en

présence de certains cas de tabes d'un diagnostic

difficile. Nous faisons allusion à l'anaJotoh7aie de la

langue, ou plutôt à l'hémialrophie.

M. Charcot a vu plusieurs fois l'ataxie locomotrice

s'accompagner de cette lésion, souvent dès la première

période de son évolution, si bien qu'il considère l'hé-

miatrophie linguale comme un syndrome révélateur,

qui, sans être, bien entendu, propre au tabes, doit faire

songer à cette affection chaque fois qu'on la rencontre.

Nous avons été à même d'observer à la Salpêtrière

plusieurs cas d'hémiatrophie de la langue chez des

ataxiques, et nous avons, sur les conseils de notre

DE L'III3)11.-11'ROL'HIE DE LA LANGUE. 193

maître, saisi l'occasion que ces faits nous offraient,

d'appeler l'attention sur une manifestation trop peu

connue du tabes dorsal.

. C'est qu'en effet l'hémiatrophie de la langue n'occupe

pas, dans les descriptions classiques de l'ataxie, la

place à laquelle elle nous semble avoir droit. La plupart

des auteurs ne la signalent même pas. Il faut cepen-

dant faire exception pour quelques-uns, notamment

pour M. Erb (Compendium de Ziemssen) qui l'indique

en passant ; pour 1\1. Grasset' et pour 31. Ross ' qui

la mentionnent. « Accidentellement, dit M. Ross,

l'a taxie locomotrice se complique aune période relati-

vement précoce de l'atrophie de certains muscles...,

notamment de ceux d'une moitié de la langue. »

En 1875, M. Cuffer a communiqué à la Société

de biologie un cas de cet ordre fort intéressant, et

dont nous rappellerons tout d'abord ici les principales

perticularités 3. II s'agissait d'un malade du service de

M. Alillard à l'hôpital Lariboisière, atteint de paralysie

bulbaire avec hémialrophie de la langue, dans le cours

d'une ataxie locomotrice. « La sclérose des cordons pos-

térieurs de la moelle paraît avoir débuté, il y a huit ans;

après une rémission de quatre années, les symptômes

se sont accentués, la maladie s'est parfaitement

caractérisée; incoordination des mouvements sans

paralysie ni contracture. A l'entrée du malade à

l'hôpital on constate tous les signes de l'ataxie et, de

plus, un commencement d'atrophie des muscles de l'é-

' Grasset ? 5·aite ywatigue des maladies du système nerveux. Paris, 1881.

, Ross. - The diseases of the ne,'vous syslems, t. H, p. 233.

1 Voir : Compte rendu de la Société de biologie. Séance du 12 juin 1875, il !

Pruqrès médical.

L. t. VII. 13

19 le CLINIQUE Nh¡t\ BUSB.

minence thénar de la main droite. Cette atrophie de la

main a débuté, au dire du malade, il y a dix-huit mois,

en même temps que se sont montrés des troubles de

la vision, de' la perversion des fonctions génitales.

Deux mois après, le malade a éprouvé de l'embarras

de la parole. En examinant la langue, on voit qu'elle

est manifestement atrophiée du côté droit. Ce côté

atrophié présente la forme de circonvolutions bien

décrite dans l'atrophie de la langue. On la voit aussi

agitée de contractions fibrillaires très accusées. Les

mouvements de la langue auxquels préside le grand

hypoglosse sont abolis. Enfin, les mouvements de la-

téralité de la mâchoire inférieure sont impossibles, ce

qui prouve que le noyau moteur du trijumeau est

atteint également. Les mouvements de la face sont

conservés. Pas de troubles de la sensibilité de la

langue ni de la face. Pas de troubles circulatoires ni

respiratoires. »

M. Cuffer considérait le cas précédent comme unique

dans la science, au moment où il le publiait. « On

ne trouve dans les auteurs, disait-il, aucun cas de ce

genre dans l'ataxie locomotrice. »

Par une coïncidence singulière, un mois après la

communication de 111. Cuffer, notre maître, M. E. Vidal,

médecin de l'hôpital Saint-Louis, présentait à la

Société de biologie un nouvel ataxique atteint d'hémia-

trophie de la langue. L'observation ne fut pas publiée;

mais M. Vidal, qui la conservait dans ses cartons, a

bien voulu nous la communiquer et c'est à son obli-

geance que nous devons de pouvoir la rapporter ici '.

1 Le malade a été présenté à la Société de biologie le 3 juillet 1875, et à

la Société médicale des hôpitaux, le 9 juillet 1875.

DE L'HEM1A'rlWPHII, : DE LA LANGUE. 195

Observation I. Atrophie musculaire de la moitié gauche de

la face el de la langue et de quelques-uns des muscles du

membre supérieur gauche. Arthropalhie du coude à

gauche. Anesthésie et parésie des membres du côté gaurlee.

- (Observation rédigée sur les notes recueillies par M. Plan-

teau, interne des hôpitaux.)

Le nommé Lucien Gér ? âgé de vingt-neuf ans, homme de

peine, entré le 23 juin 1875, à l'hôpital Saint-Louis, service

de M. E. VIDAL.

Pas d'antécédents syphilitiques ou héréditaires. Père mort

à trente-huit ans d'hémorrhagies multiples. /

Histoire de l'affection. - En 1863, un matin, le malade,

qui avait alors dix-sept ans et demi, ressentit dans le bras

gauche de l'engourdissement et des fourmillements, sans

aucun trouble de la motilité. Cet état a persisté pendant deux

mois et demi, sans changement notable. Puis, subitement, la

face a été paralysée à gauche, le sens de l'ouïe a été aboli du

même côté (paralysie de la septième paire). - En même

temps est survenue de la diplopie, avec strabisme interne de

l'oeil gauche, par paralysie du moteur oculaire externe. La

pointe de la langue s'est déviée à gauche. Le malade dit qu'il

éprouva, pendant assez longtemps, de la gène pour parler et

avaler ses aliments.

Du côté des membres, des troubles se montrèrent aussi à

gauche : perte presque complète de la sensibilité cutanée, et

affaiblissement de la motilité au niveau du membre supé-

rieur. Au membre inférieur la sensibilité était obtuse, mais

- sans être complètement supprimée. Tous les mouvements

étaient possibles, mais la jambe avait beaucoup perdu de sa

force. Quoique le malade pût se tenir debout, sa marche était

pénible, difficile; il n'aurait pu'suivre une ligne droite et avait

toujours de la tendance à se porter vers la gauche. - Lucien

Gér... se décida à entrer à l'hôpital Saint-Louis, dans le ser-

vice de M. Hillairet, où il resta environ quatre mois. Au mo-

ment de sa sortie, la face n'était plus déviée, le membre infé-

rieur gauche avait recouvré son activité. Mais au bras les s

troubles de la sensibilité et la parésie persistaient encore.

En 1a66, le malade éprouva des douleurs dans les membres.

Ces douleurs auraient occupé les jointures. Le coude gauche

devint raide et augmenta notablement de volume ; mais cotte

19 CLINIQUE NEUN EUl11. f ? ' ?

"'J ? h.1 -¡ ! dt.-...

tuméfaction ne fut point accompagnée de douleur, ce, que le

malade explique par l'insensibilité dont le membre était affecté

depuis trois ans. La jointure perdit ensuite une partie de ses

mouvements.

État actuel (juin 1875). a) Face. - Il n'y a pas d'anes-

thésie faciale, ni de déviation de la bouche, cependant le ma-

lade éprouve une certaine difficulté pour siffler. La moitié

gauche du voile du palais est paralysée, l'extrémité de la luette

est déjetée à droite, la courbe formée par les piliers gauches

est plus large que celle formée par les piliers droits.

Langue. La moitié gauche de la langue est atrophiée. Sur

la face dorsale de cet organe on voit des rides, des sillons de

la muqueuse, dénotant que les muscles sous-jacents ont dimi-

nué de volume. Lorsque le malade tire la langue, la pointe

est déviée à gauche. Lorsqu'on commande de replier le bout

de l'organe, comme pour montrer les veines ranines, on voit

que la moitié gauche ne peut point se replier, comme la moi-

tié droite. Enfin les bords de la langue peuvent se relever vers

la face dorsale, afin de former, ce qu'on appelle vulgairement

« le cul de poule », mais ce mouvement se fait' d'une façon

bien moins énergique à gauche qu'à droite. Diverses expé-

riences, faites dans le but d'explorer la sensibilité tactile et la

sensibilité gustative font constater l'intégrité de ces fonctions.

L'oeil gauche est atteint d'un léger strabisme interne. Il y a

encore un certain degré de parésie de la sixième paire. La

vision est intacte, mais par moments il semble qu'il y ait.un

peu de nystagmus.

Le nerf auditif du côté gauche est resté paralysé. Le malade

n'entend le bruit d'une montre ordinaire que lorsqu'elle est

appliquée sur le pavillon de l'oreille, tandis que du côté sain

il perçoit le son à une distance de trente centimètres. Si on

pose la montre sur le front ou sur toute autre partie de la

tète, elle n'est entendue que du côté sain.

b) Membre supérieur gauche. Sensibilité tactile un peu

affaiblie au niveau de l'épaule,, sensibilité à la douleur très

bien conservée. Le deltoïde est atrophié en grande partie; il

y a un applatisscment de l'épaule caractéristique. " ' '

Les sus-épinenx et sous-épineux sont complètement' atro-

phiés. Une dépression très marquée existe au-dessus et au-des-

sous de l'épine de l'omoplate. Le triceps est très amaigri. Il a

presque complètement disparu. Par suite de l'atrophie des

DE 1.'HFRI1TILOP111G de 1.1 langue. 197

muscles de l'épaule, le mouvement d'élévation du bras est im-

possible. Les masses musculaires de l'avant-bras ont peu souf-

fert. Au contraire, les muscles de la main, particulièrement

ceux de l'éminence thénar, sont diminués de volume.

L'exploration électrique donne les résultats suivants : le

courant avec une intensité assez considérable ne détermine .

pas de contractions dans le muscle deltoïde. Il en est de même

pour les sus et sous-épineux. Le trapèze se contracte très bien.

La contractilité est également intacte dans les muscles sui-

vants : grand pectoral, grand dorsal, grand rond et petit rond,

biceps. Avec un courant fort, on détermine quelques con-

tractions du triceps, particulièrement du vaste interne. -

Rien de spécial à signaler pour les muscles de l'avant-bras. -

Ceux de l'éminence thénar ne se contractent qu'avec le courant

maximum. La contractilité est affaiblie au niveau des interos-

seux.

c) Membre inférieur gauche. Pas d'atrophie musculaire;

mais diminution de la sensibilité de la peau à la douleur.

d) Lésions des jointures. A l'épaule on constate ce qui

suit : la tête de l'humérus est augmentée d'un tiers de son

volume, élargie. En lui imprimant des mouvements, on déter-

mine quelques frottements dans l'articulation, et si on la

porte en avant, on produit facilement une luxation sous-cora-

coïdienne incomplète.

Le coude est complètement déformé. Les mouvements de

flexion sont encore possibles, mais les mouvements d'exten-

sion sont réduits aux deux tiers de leur course, par l'augmen-

tation de volume des extrémités osseuses. Cette hyperostose

porte sur l'extrémité inférieure de l'humérus, sur l'olécràne,

sur l'extrémité supérieure du cubitus, et enfin sur le radius

dont la tête est grosse. Les extrémités inférieures des deux os

de l'avant-bras sont notablement augmentées de volume, et

cette hyperostose porte principalement sur le cubitus et son

apophyse styloïde.

La main est déformée; son axe ne correspond plus à l'axe

médian de l'avant-bras. Elle semble déjetée vers le radius,

tandis que les doigts sont, au contraire, inclinés latéralement

vers le bord cubital. Ces déformations rappellent exactement

celles de l'arthrite déformante.

198 rLI'\IQUE : OEI{\"lWSI ?

Si l'on songe que le fait qui précède a été observé

en 1875, c'est-à-dire à une époque où les formes

frustes du tabes étaient moins bien connues qu'au-

jourd'hui, on ne s'étonnera pas que le diagnostic ait

été un instant hésitant.

M. Vidal, en effet, lors delà présentation du malade,

n'osait pas se prononcer affirmativement sur la nature

de l'affection dont Lucien Gér... était atteint. M. Char-

cot, qui intervint dans la discussion, observa qu'il

s'agissait très certainement, dans l'espèce, d'un cas

d'ataxie à symptomatologie anormale. Les observations

nombreuses analogues à la précédente, recueillies de-

puis huit ans, ne laissent subsister aucun doute sur le

bien fondé de cette opinion.

Il est un point cependant sur lequel, en passant, il

est nécessaire que nous fassions une remarque. Les lé-

sions des extrémités articulaires des os du bras et

de l'avant-bras, et celles des jointures de la main, rela-

tées avec une grande exactitude dans le cas lIe .\1. Vidal, z

doivent-elles être considérées comme de nature tabé-

tique ? Nous n'oserions nous prononcer à cet égard.

L'accroissement de volume des extrémités des os ne se

voit pas d'ordinaire dans l'ataxie. Cette affection dé-

termine plutôt, on le sait, une atrophie qu'une hypertro-

phie des têtes osseuses, et nous ne' l'avons, pour notre

part, jamais vu s'accompagner de la déformation des

mains, habituelle dans le rhumatisme chronique. Nous

serions donc porté à nous demander si les lésions arti-

culaires observées chez le malade de M. Vidal n'étaient

pas simplement de nature rhumatismale. Dans cette

hypothèse, on aurait eu affaire aune pure coïncidence,

chez le même sujet, d'un rhumatisme chronique et d'une

DE 1,'H k,li ATROPHIE DE LA LANGUE. 199

ataxie. Des coïncidences analogues, qui avaient, du

vivant du malade, prêté à des erreurs de diagnostic, ont

été relevées. Je n'en veux pour preuve que le fait com-

muniqué par M. Bonnaire à la Société anatomique

en 18811. Chez le malade de M. Bonnaire, qui avait

fréquenté tour à tour les services de MM. Debove et

Bourneville, àBicêtre, on avait diagnostiqué une ataxie

locomotrice avec arthropathies rhumatismales des

grosses jointures des membres. L'autopsie démontra

que les lésions osseuses relevaient, en effet, du rhuma-

tisme chronique et non pas du tabes.

Il n'était pas inutile, ce nous semble, de présenter,

chemin faisant, ces quelques observations, bien qu'elles

n'aient pas trait directement à la question qui nousoc-

cupe.

Mais ce que nous tenons à retenir surtout du cas de

M. Vidal comme de celui de M. Cuffer, c'est l'existence

de l'hémiatrophie de la langue au cours d'un tabes à

forme fruste.

Il en sera très vraisemblablement de l'hémiatrophie

linguale comme de bien d'autres troubles, qu'on a cru

tout d'abord exceptionnels, à l'époque où l'on venait de

les découvrir et qu'on a ensuite fréquemment rencon-

trés, quand on a su les observer et quand l'attention a

été attirée de leur côté. Et déjà les faits de cet ordre,

relativement assez nombreux, que M. Charcot a relevés,

les quelques cas que, pour notre part, nous avons pu

observer sous la direction de notre maître, nous

autorisent à penser que l'atrophie de la langue, sans

1 Bulletin de la Société anatomique, février 1881 ; voir aussi : Bourne-

%ille et Bonnaire, Rech. clin, et thér. sur l'epilepsie, etc., compte rendu

il service on 4881, p. 67.

200 CLINIQUE NERVEUSE.

être une manifestation courante de l'ataxie, ne doit

plus être envisagée comme une pure curiosité clinique.

Les deux faits qui suivent présentent, avec ceux de

MM. Cuffer et Vidal, une remarquable analogie.

Le premier est relatif à une ataxique, dont M. Char-

cot a plusieurs fois entretenu ses auditeurs a la Salpê-

trière. Cette malade, la nommée Leisier, était atteinte

d'arthropathies tabétiques multiples. Son observation

a été publiée en détail dans la thèse de M. Blum1.

Aussi nous contenterons-nous de rappeler les particu-

larités du cas qui nous intéressent.

Observation II. - La malade, âgée de cinquante et un ans,

fut admise à la Salpêtrière le 3 août 1870. Née d'un père bu-

veur et d une mere morte a

cinquante et un ans d'une .tu-

meur du ventre, cette femme

n'avait jamais eu la syphilis et

ne présentait aucune trace de

scrofule. Vers l'âge de trente

et un ans apparurent, dans les

membres inférieurs, des dou-

leurs qu'on lui disait être de

nature rhumatismale. Un peu

plus tard, paralysie de la jambe

droite survenue brusquement.

Un traitement de trois mois à

la Charité améliora l'état de la

malade au point de lui per-

mettre de marcher avec un

bâton. Les choses restèrent

dans cet état pendant sept à huit ans. - Dès 1860, l'in-

coordination dans les membres inférieurs était déjà très

manifeste; la malade projetait ses jambes en avant et en de-

hors. En 1873 se développa une double arthropathie du genou

1 Blum. - Des arthropathies d'origine nerveuse. Thèse d'agrégation ;

Paris, 1875.

F ? 3. - IlémiatropUm Vc lu

langue.

DE L'H13\fIA1'ROPHIE DE LA LANGUE. 201 t

et de l'épaule droits. La même année on constatait un peu

d'atrophie des deux papilles plus prononcée à gauche, et une

paralysie des muscles droit interne et externe des deux côtés,

s'accompagnant d'une remarquable fixité du regard. Ces quel-

ques faits suffisent à établir que Leisier était bien une

ataxique; l'autopsie a, d'ailleurs, révélé chez elle l'existence

de la sclérose des cordons postérieurs.

Or, cette malade présentait, entre autres symptômes, une

remarquable hémialrophie de la langue du côté gauche, dont il

existe, dans la collection de la clinique, un beau dessin que

nous avons fait reproduire ici (Fig. 3) '.

Il n'y avait d'ailleurs aucune atrophie des muscles des

membres et du tronc.

Un second cas, que nous sommes en droit de rap-

procher de celui de Leisier, est relatif à un malade ac-

tuellement en cours d'observation.

Observation III. Ataxie locomotrice,- Antécédents nerveux

, héréditaires. Atrophies musculaires multiples. - Hémia-

atrophie de la langue.

M. Grossor..., trente-cinq ans, habitant Paris (Ménilmon-

tant), exerçant, depuis l'âge de vingt et un ans, la profession

de peintre sur éventails.

Antécédents héréditaires. Rien dans la lignée mater-

nelle. Mais dans la lignée paternelle on trouve : grand-père,

père et oncle buveurs et très alcooliques. L'oncle est mort

d'une cirrhose du foie. Une tante paternelle est morte d'une

« maladie noire » ; elle était mélancolique et ne voulait pas

manger dans la crainte de s'étrangler. - Une seconde tante

paternelle est originale et parait être sujette à des accès d'alié-

nation mentale; elle fuit de temps en temps de la maison,

sans motif. La grand'mère paternelle du malade tombait du

haut mal et est morte dans une de ses attaques. - Plusieurs

des membres de la famille de Grossor... ont des dispositions

1 Dans l'observation de Leisier, telle qu'elle est 1 apportée dans la

thèse de M. Illum, l'atrophie linguale n'est pas mentionnée. C'est qu'en

effet l'atrophie s'est montrée une époque postérieure à celle ou les

détails communiqués à M. Blum par M. Charcot avaient été recueillis.

202 2 . CLINIQUE NERVEUSE.

artistiques très développées; lui-même a beaucoup de goût

pour le dessin et il a quitté le métier qu'il exerçait primitive-

ment pour se faire peintre en éventail. Il réussit bien dans

cette dernière profession, pour laquelle il s'est éduqué lui-

même.

Antécédents personnels. - Etant enfant, le malade a été

mal nourri et a beaucoup souffert. A seize ans et demi, il

s'engagea dans la marine et contracta une plenro-pneumonie

grave. Il se livra à des excès de boisson. Pendant trois ans

de 1871 à 1874, comme il gagnait pas mal d'argent, il a fait

des excès de tous genres. Marié depuis 1869, il a eu douze en-

fants, dont il ne reste qu'un seul. Les autres sont morts à

différents âges, soit au moment même de la naissance, soit à

quinze, seize, dix-huit mois, tous de méningite, dit le ma-

lade. Il n'a jamais eu la syphilis. Le malade est très catégorique

à cet égard, et l'interrogatoire détaillé comme l'examen minu-

tieux du corps nous porte à admettre la réalité de son affirma-

tion. Pas de maladies infectieuses. Pas d'intoxications (satur-

nine ou autre).

Histoire DE l'affection. Les premiers symptômes se

sont manifestés, il y a huit ans. Le malade avait alors vingt-

sept ans. Ces symptômes consistaient en douleurs fulgurantes

dans les jambes et au niveau des bras, surtout dans la sphère

du nerf cubital et au pouce. A peu près à la même époque, le

malade aurait eu de la déviation de l'oeil gauche, et des dou-

leurs en ceinture. Un an ou dix-huit mois plus tard, il fut pris

de titubation dans la marche; quant aux autres symptômes

qui sont décrits plus loin, ils sont apparus depuiscetteépoque,

sans que le malade puisse fixer avec précision le moment où

ils se sont manifestés pour la première fois.

Etat actuel (19 juillet 1883). - aJ Symptômes habi-

tuels du tabès. Le malade présente la plupart des mani-

festations classiques du tabes; nous les indiquons sans les

décrire en détail : douleurs fulgurantes, engourdissement cu-

bital; plaque d'engourdissement sur la partie latérale droite

de la face et du crâne; anesthésie plantaire : le malade nous

dit qu'il ne sent pas ses pieds; il est forcé de regarder le sol

pour s'assurer que ses extrémités y reposent ; ataxie et

incoordination motrice très marquée; incontinence d'urine

par moments ; - toux laryngée; - suppression des réflexes

rotulif'ns : - symptômes oculaires : paralysie incomplète delà

DE LHL·'.\I1.\'l'IWPIIIC DE L\ I,.\\Gl'R.

203

troisième paire droite, intéressant surtout le muscle droit

interne ; pupilles légèrement inégales, celle de droite étant un

peu plus dilatée; absence de réflexes pour la lumière; atrophie

de la papule au début a droite,

s'accusant par des troubles

fonctionnels sans modification

appréciable du nerf optique;

dyschromatopsie pour le rouge.

b) Symptômes anormaux du

tabès. Ce qui attire tout d'a-

bord l'attention chez ce ma-

lade, c'est l'existence d'atro-

phies musculaires multiples.

1° Atrophie des muscles des

membres. L'atrophie est

surtout marquée au niveau des

membres supérieurs, et bien

plus prononcée du côté gauche

que du côté droit. A gauche, en

effet, le deltoïde n'est nullement

atrophié, tandis qu'à droite il

est un peu touché. Des deux cô-

tés, les muscles de la main sont

en dégénérescence. Les muscles

des éminences thénar et des

espaces interosseux ont beau-

coup diminué de volume. La

main droite, malgré que l'atrophie y soit très réelle,n'a pas de

tendance à se placer dans l'attitude dite de la main en griffe,

tandis qu'à gauche la griffe commence à se dessiner (Fig. ).

Lorsque le malade est debout, il rejette en arrière la partie

supérieure du tronc, et il se produit ainsi une ensellure très

marquée, comme chez les individus dont les muscles de la

masse sacro-lombaire sont atrophiés.

Les muscles des membres inférieurs (cuisse et jambe) sont

amaigris, mais il semble qu'il s'agisse là plutôt d'un simple

amaigrissement que d'une atrophie vraie.

2° Hémiatrophie de la langue ( ! %i. 5.) - Le symptôme le

plus intéressant à relever, c'est l'existence d'une hémiatrophie

de la langue. Lorsque le malade tire la langue, la pointe se

dévie vers la droite et la moitié droite atrophiée représente

Fig. z. Amyotrophie de la main

gauche.

20t CLINIQUE NERVEUSE.

une sorte de petit croissant, circonscrit par un croissant de

plus grande dimension qui correspond au côté gauche de l'or-

gane. Il existe sur toute l'étendue de la moitié droite de la

langue, de nombreuses rides et de profonds sillons. Lorsque

le malade tire la langue, la pointe est animée d'un léger trem-

blement qui existe des deux côtés droit et gauche, et que le

malade ne peut dominer.

Si la pointe tremble des deux côtés, il n'en est pas de même

du corps de la langue, au niveau duquel le tremblement porte

seulement sur la partie atrophiée. L'atrophie de la langue

semble gêner fort peu la mastication ou la déglutition. Elle

gène aussi très peu la parole. Le malade prétend qu'il aurait

eu quelques difficultés à prononcer certains mots, de loin en

loin. Mais cette difficulté est certainement peu accusée, car

nous ne la remarquons pas.

Fig. 5. - J]('ll11atrophie ,le la langue.

DE LHC11.1'l'ltUl'lllis DE LA LANGUE. 205

L'exploration de la sensibilité de la muqueuse linguale nous

donne les résultats suivants : l'acide acétique est aussi bien

senti à droite qu'à gauche; il en est de même du sucre; quant

au sulfate de quinine, il détermine une sensation évidemment

moins vive du côté droit que du côté gauche.

Troubles dans la sphère du trijumeau. - Le malade n'a

jamais eu de douleurs fulgurantes à la tête, mais il a éprouvé

des troubles sensitifs très marqués du côté droit. Ces troubles

occupaient la joue, la région temporale et le côté gauche

du crâne. Le malade compare les sensations qu'il éprouvait

alors à des frémissements ; il aurait aussi ressenti quelques

petits coups de lancette. Il ne peut préciser l'époque à la-

'quelle il aurait éprouvé les frémissements pour la première

fois. ' ' ? ^\

Actuellement, il n'y a pas de phénomènes objectifs du côté

de la sensibilité de la tête, pas plus à droite qu'à gauche. Le

contact et le froid sont bien sentis des deux côtés; mais il

existe à droite un engourdissement très manifeste, qui porte

le malade à se frotter, comme pour enlever un poids qu'il

aurait sur le côté droit de la tête.

Nous serions tenté de rapporter un troisième fait.

Mais vu l'incertitude du diagnostic, dans le cas eu ques-

tion, nous sommes tenu, à l'égard de ce dernier, à une

certaine réserve. Il s'agit d'un officier de la marine,

originaire de la Dordogne, qui se présenta à la Salpê-

trière en 1880. Ce malade était alors affectéd'une atro-

phie de la moitié droite de la langue et, quelques mois

auparavant, il avait présenté les symptômes d'une pa-

ralysie du moteur oculaire commun du côté gauche.

Ce complexus symptomatique devait faire songer tout

naturellement à la syphilis, et bien que le malade niât

tout antécédent suspect, un traitement spécifique (fric-

tions mercurielles et iodure de potassium) fut institué

et ne donna aucun résultat. L'atrophie de la langue,

loin de rétrocéder, continua à progresser. En l'absence

206 CLINIQUE NERVEUSE.

de toute trace de syphilis ancienne, de tout antécédent

avouéetde l'inefficacité de la médicationantisyphilitique,

le diagnostic resta en suspens. - Il y avait quelques

mois à peine que nous avions eu l'occasion de voir le

malade à la Salpêtrière, lorsque le frère de ce dernier

vint consulter M. Charcot pour une ataxie locomotrice

des mieux confirmées. Se rappelant alors le cas du

frère cadet, notre maître se demanda si l'hémiatrophie

de la langue observée chez ce dernier n'était pas tout

simplement le symptôme d'uu tabes à forme fruste.

Depuis cette époque, le malade a succombé, à la Maison

de santé. Malgré les investigations auxquelles nous nous

sommes livrés pour savoir les résultats de la nécropsie,

qui, croyons-nous, futfaite, nous n'avons pu obtenir de

renseignements précis. Aussi, en l'absence d'informa-

tions suffisantes, nous garderons-nous bien d'identifier

ce cas aux deux rapportés plus haut, et d'en faire,

sans plus ample informé, un cas d'atrophie linguale

tabétique.

Le diagnostic, on le voit, peut être hésitant et il ne

suffit pas, à coup sur, de la constatation d'une hémia-

trophie linguale pour affirmer l'ataxie. Mais les deux

faits que nous avons rapportés plus haut, ceux assez

nombreux qu'a observés M. Charcot, ou qu'ont relatés

MM. Cuffer et Vidal, constituent un total de cas large-

ment suffisant pour nous autoriser à considérer, avec

M. Erb et M. Ross, l'hémiatrophie linguale comme un

symptôme possible du tabès.

. Or, l'hémiatrophie linguale ne se voit pas très fré-

quemment en clinique, et les affections susceptibles

de la produire sont, à tout prendre, peu nombreuses.

Dans un traité, qui remonte à 1873, un auteur an-

DE I,Hh : \llrlfltUl'HI1'; DE LA LANGUE. 07

glais, W. Fairlie-Clarke' a fait un relevé assez complet

des affections en question, et voici les conclusions qui

ressortont de la lecture de son travail.

L'hémiatrophie de la langue peut s'observer à la

suite des affections cérébrales, des affections bulbaires

ou des lésions périphériques intéressant l'un des nerfs

.hypolosses. Elle serait fréquente chez les hémiplé-

giques, principalement quand l'hémiplégie est ancienne

et très prononcée. Mais, dans ces cas, l'atrophie ne

serait constatable qu'après la mort et par l'examen

anatomique, « car, dit Clarke, bien que la structure de

la fibre musculaire soit fort altérée, le volume de l'or-

gane ne subit pas une diminution appréciable ».

Quant aux lésions du bulbe, elles s'accompagnent

aussi quelquefois d'hémiatrophie de la langue, mais

(l'ataxie exceptée) le fait est rare. Clarke, en effet, re-

lève seulement deux cas de cet ordre, dans lesquels

cette hémiatrophie ait été observée, et encore s'agissait-

il de cas obscurs et complexes. Le premier est em-

prunté à Buzzard et se rapporte à un malade qui était

affecté à la fois d'hémiatrophie de la langue et de la

face et de phénomènes choréiques. Il semble que, dans

l'espèce, Buzzard ait eu affaire à une trophouévrose

faciale avec complication de chorée. Le second cas

a été publié par Jackson, et l'atrophie linguale dans

celui-ci paraît avoir été produite par une hémorrhagie

bulbaire. -

Quant aux lésions des hypoglosses, entre leur ori-

gine apparente et leur périphérie, elles semblent déter-

miner plus fréquemment que les autres l'atrophie

I \V. l.W ne-Clarke. - A treuluc on the cleseases of the longue London,

1873.

208 CLINIQUE ? LR%EUS1 ?

unilatérale de la langue, et Clarke rapporte à cet égard

plusieurs observations intéressantes, l'une personnelle,

les autres empruntées à divers auteurs (sir James

Paget, William Budd, Dupuytren), dans lesquelles un

traumatisme intéressant l'un des nerfs de la douzième

paire, un abcès développé à son pourtour dans le trou

condylien, un kyste hydatique logé dans son épaisseur,

avaient amené une hémiparalysie et consécutivement

une hémiatrophie linguale.

En somme, on le voit, cette hémiatrophie, j'entends

l'hémiatrophie cliniquement conslatable, est un fait

tout exceptionnel en dehors des lésions du nerf hypo-

glosse. Ce qu'on peut s'expliquer aisément si l'on se

rappelle que la plupart des affections bulbaires (para-

lysie glosso-Iabio-Iaryngée, chronique ou aiguë) re-

tentissent d'habitude sur l'un et l'autre côté de

l'organe et lèsent simultanément les deux noyaux

originels, droit et gauche, des nerfs de la douzième

paire. Comme, par contre, d'après ce que nous avons

dit, cette hémiatrophie paraît être assez commune chez

les tabétiques, elle devient un signe de présomption

en faveur de cette dernière affection, chaque fois qu'on

la constate.

Donc, nous pouvons dire, en manière de conclusion,

qu'en présence d'une hémiatrophie linguale, surtout

d'une hémiatrophie accompagnée d'autres symptômes

bulbaires, on doit tout d'abord songer à l'ataxie. C'est

du côté de cette affection qu'il faut en premier lieu

diriger son attention et ses recherches, et n'éliminer

celle-ci pour s'arrêter à un autre diagnostic qu'après

une sérieuse enquête.

DE LIiE1\IIA'l'LtUI'HlE DE LA LANGUE. -109

Le fait du développement possible d'une hémiatro-

phie de' la langue au cours du tabes nous semble

prêter à quelques considérations de physiologie palho-

logique 'sur 'lesquelles nous désirons nous arrêter un

instant : « >»

i-Uii trait' commun à la plupart des observations dans

lesquelles ce symptôme a été noté, c'est la coïncidence

avec"lav lésion1 des muscles linguaux de paralysies

oculaires. Dans le cas de M. Cuffer on voit signalés,

avec peu de précision, il est vrai, des troubles de la

vision;' dans celui' de M. Vidal, une paralysie de la

sixième paire.'1 Chez la malade Leisier, il y avait para-

lysie de plusieurs des muscles des deux yeux ; chez

Grossor ? nous avons relevé l'existence d'une para-

lysie incomplète de, la troisième paire du côté droit.

Ces' faits démontrent qu'au niveau du bulbe la lésion

intéresse à la fois le noyau originel de l'hypoglosse et

ceux des moteurs oculaires.

Au premier abord, on serait tenté d'invoquer l'appa-

rition de ces troubles, dans la sphère motrice, contre la

systématisation de la- lésion de l'ataxie à l'appareil

sensitif, telle qu'elle est aujourd'hui généralement ad-

mise. Et, en fait, les paralysies oculaires ont toujours

semblé d'une interprétation difficile dans l'hypothèse

de cette systématisation. M. Pierret' en a cependant

donné naguère une explication fort séduisante à la-

quelle on n'a peut-être pas fait autant d'attention

qu'elle en mérite.

Le meilleur moyen, ce nous semble, pour se rendre

compte de la pathogénie des phénomènes bulbaires du

1 Essai sur les symptômes céphaliques du tabès dorsalis. Thèse de

Pans, 1876.

.lucutvr.s, L. Vil. I i

: 10 CLINIQUE NERVEUSE.

tabes, c'est de les rapprocher des phénomènes médul-

laires analogues. Bulbe et moelle ne sont en réalité

qu'un seul et même organe, ou, si l'on préfère, deux

organes dans lesquelles les parties constitutives élé-

mentaires sont identiques, bien que disposées de façon

différente les unes par rapport aux autres. Et c'est

seulement du jour où cette vérité a été reconnue qu'on

a pu voir clair dans la structure en apparence si com-

pliquée du bulbe. Or, au point de vue de la physiologie

pathologique aussi bien qu'à celui de la physiologie

normale, le bulbe n'est autre chose que la'moelle pro-

longée ou allongée, comme on dit souvent. Aussi a-t-

il fallu pour qu'on comprît la paralysie glosso-labio-

laryngée, par exemple, qu'on la rapprochât de l'a-

trophie musculaire progressive et de la sclérose laté-

rale amyotrophique. De même, si l'on veut interpréter

sainement les phénomènes moteurs de l'ataxie bul-

baire, il est nécessaire de les mettre en parallèle avec

les phénomènes similaires de l'ataxie spinale.

Or, les troubles que détermine le tabes dans le jeu

normal des muscles desservis par les nerfs médullaires,

résultent l'incoordination motrice étant, bien en-

tendu, mise à part- soit de paralysies , soit d'atrophies.

Les paralysies sont plus communes dans l'ataxie

qu'on ne l'avait pensé, et déjà en 1876, M. Pierrot

les signalait comme relativement fréquentes. M. Char-

cot en a vu un certain nombre et nous-mêmes en

avons observé plusieurs cas. Ces paralysies sont très

variables quant à leur siège et à leur étendue. Elles

peuvent n'intéresser qu'un groupe musculaire isolé,

le sacro-lombaire (Carré), les adducteurs de la cuisse

(Friedreich) ; d'autrefois elles affectent une jambe,

DE L HEMIATKOPHIB DE LA LANGUE. : ! Il

comme dans le cas de Leisier cité plus haut, ou même

les deux membres inférieurs. M. Charcot dit dans ses

leçons avoir vu plusieurs fois une paraplégie survenir

subitement au début ou au cours du tabès '. Enfin

on peut avoir affaire à une véritable hémiplégie (De-

bove, Pierret, Vidal). Ces paralysies complètes ou

incomplètes, quant à leur degré, sont toujours transi-

toires et disparaissent après une durée de temps qui

est d'ailleurs fort variable suivant les cas. ' '

La pathogénie de ces accidents est encore très obs-

cure. M. Pierret pense qu'il s'agit là de paralysies

réflexes. « Les expériences de Harless Cyon, dit-il,

démontrent que si l'on coupe les racines postérieures,

les muscles innervés par la racine antérieure corres-

pondante perdent beaucoup de leur irritabilité. D'un

autre côté, l'existence des paralysies réflexes, si bien

indiquées par M. Brown-Sequard, fait voir qu'une irri-

tation centripète, laquelle peut siéger en dehors ou

sur le nerf sensible lui-mème, peut agir sur les élé-

ments moteurs de la moelle et déterminer une para-

lysie. » ' '

Qu'on admette ou non l'hypothèse pathogénique

formulée par M. Pierret, cela importe peu au point de

vue auquel nous nous plaçons ici. Ce que nous vou-

lons retenir en effet, c'est que, dans la sphère d'action

de la moelle, on peut observer au début ou au cours

du tabes des phénomènes paralytiques ; c'est que

ces phénomènes paralytiques, quelle que soit l'in-

terprétation qu'on en donne, n'impliquent en au-

cune façon que la lésion de la moelle ait dépassé

1 Leçons publies par 31. le docteur Rummu (de Naples), dans la

Iteueatre clmslca e <et'ap<M<tca.

212 CLINIQUE NERVEUSE.

les limites du système sensitif, pour empiéter sur le

système moteur. Cette dernière proposition trouve sa

démonstration dans l'étude clinique des malades

atteints de paralysie, et dans quelques faits anatomo-

pathologiques. Le caractère transitoire des troubles

moteurs, l'absence des phénomènes qui d'ordinaire

révèlent une lésion des faisceaux pyramidaux consti-

tuent déjà une présomption suffisante contre l'exis-

tence d'une semblable lésion dans les cas auxquels nous

faisons allusion. D'autre part, un certain nombre

d'autopsies établissent la limitation de la dégénéres- t-

cence scléreuse aux cordons postérieurs chez des indi-

vidus qui, durant leur vie, avaient été atteints de para-

lysies transitoires. Je n'en citerai qu'un seul exemple

emprunté aux leçons de M. Vulpian, sur les maladies

du système nerveux. De la note relative à la ma-

lade (Cas. VI, p. 423), nous détachons les détails sui-

vants : « A cinquante-neuf ans, la malade est prise

tout d'un coup, dans la rue, de faiblesse dans les

membres inférieurs; elle ne peut continuer de mar-

cher sans le secours d'un bras. Au bout de huit

jours, la faiblesse se dissipe. Un an après, cette fai-

blesse se reproduit et arrive peu à peu, en quinze

jours, à l'état où elle était la première fois... La feuille

d'admission à l'hospice de la Salpêtrière porte comme

diagnostic : Paralysie de la partie inférieure des jam-

bes... Au lit, tous les mouvements des membres infé-

rieurs sont conservés, mais un peu affaiblis. Lorsque

la malade est soutenue sous un bras, et qu'elle s'ap-

puie de l'autre main sur une canne, elle marche, mais

difficilement. La démarche est lente, parait difficile.

Il n'y a point d'ataxie des mouvements, » D'autre part,

DE L'H\ILaTR01'HIf : DE LA LANGUE. 213

la description minutieuse des lésions macroscopiques

et microscopiques trouvées à l'autopsie ne mentionne,

dans ce cas, aucune lésion des cordons antéro-Iatéraux

de la moelle, ni de la substance grise. Par contre, il y

avait une dégénérescence scléreuse très étendue des

cordons postérieurs, avec épaississement très pro-

noncé de l'arachnoïde à leur surface. Et ajoute

M. Vulpian : « Il convient de signaler un fait relatif à

la disposition de l'hypertrophie arachnoïdienne, c'est

qu'elle est sous forme de bande, ne s'étendant pas

beaucoup au delà des limites des cordons postérieurs;

l'arachnoïde s'amincit rapidement sur les parties laté-

rales de la moelle et a repris son épaisseur normale

avant d'avoir atteint le milieu des faces latérales de

cet organe » .

Ce fait auquel nous pourrions en joindre plusieurs

autres suffit, ce nous semble, à établir la possibilitédes

phénomènes paralytiques au cours de l'ataxie, sans

que cependant les lésions aient dépassé les limites du

système sensitif, je veux dire des cordons postérieurs.

Eh bien ! si les paralysies qui se produisent dans le

domaine de l'innervation médullaire sont compatibles

avec la parfaite systématisation des lésions du tabes,

il est tout naturel d'admettre, comme l'observait déjà

M. Pierret en 1876, qu'il en est de même pour les

paralysies bulbaires. Ces dernières peuvent intéresser

les organesl.es plus divers, ceux innervés par le facial,

comme ceux qui le sont par l'hypoglosse, par la partie

motrice du trijumeau, par les troisième, quatrième et

sixième paires; de là la paralysie possible de l'azygos

de la luette (Pierret, Vidal), des ptérygoïdiens, des

muscles de la langue (Trousseau), sans parler de celles

21 lé CLINIQUE NERVEUSE.

des muscles oculaires qui sont de notion vulgaire.

Toutes ces paralysies, comme celles des membres, sont,

par essence, légères et transitoires; les unes et les

autres surviennent dans des conditions analogues,

revêtent des caractères cliniques identiques; il est dès

lors naturel de penser que la pathogénie des premières

doit être la même que celle des secondes et que celles-

ci n'impliquent pas plus que celles-là une diffusion des

lésions hors du système sensitif. Dès lors, il ne nous

semble pas qu'on soit endroit de considérer ces para-

lysies passagères comme une présomption contre la

systématisation rigoureuse des lésions à l'appareil

sensitif.

En est-il autrementdesatrophies musculaires, qu'elles

intéressent les muscles des membres ou ceux innervés

par la langue, comme dans les cas d'hémiatrophie lin-

guale que nous avons rapportés ? Et d'abord, nous de-

vons dire que, jusqu'à plus ample informé, on nous

semble en droit de considérer les impoteni es fonction-

nelles des muscles permanentes et irrémédiables comme

placées sous la dépendance de cette atrophie. Le fait

est vrai pour les muscles des membres, il l'est pour la

langue, il est très vraisemblable qu'il l'est aussi pour

les muscles des yeux. Nous n'en voulons pour preuve

que les examens pratiqués par M. Pierret. Dans les

casde déviations paralytiques définitives des yeux, « il se

.produit, dit cet auteur, des altérations très graves des

muscles oculaires et souvent même une atrophie des

nerfs moteurs oculaires ».

Or, ces diverses atrophies musculaires qui amènent à

leur suite des troubles fonctionnels irrémédiables, doi-

vent, cela se conçoit, quelque soit le siège qu'elles

DE L'HÉJfIATROPHIE DE LA LANGUE. 215

occupent, muscles des membres, de la langue ou des

yeux, reconnaître une pathogénie univoque. On sait

que l'atrophie des muscles des membres résulte d'une

atrophie des cellules des cornes antérieures de la moelle,

et d'autre part, que le processus d'irritation chronique

paraît se propager du cordon de Burdach à ces cornes

par l'intermédiaire de certains filets commissuraux ap-

partenant au système de la zone radiculaire interne et

dont Gerlach et Kolliker ont décrit le trajet. Ce n'est

donc pas par pure fantaisie et en suivant des voies ar-

bitraires que la sclérose postérieure se diffuse. Elle

chemine, dans sa marche progressive à la moelle, le

long de voies préétablies et toujours les mêmes, l'en-

contre de certaines scléroses d'origine vasculaire qui

se diffusent sans respect des barrières qui séparent les

divers systèmes physiologiques'. 1.

Il est, dès lors, tout naturel d'admettre que la lésion

des noyaux bulbaires est secondaire, comme celle des

cornes antérieures de l'axe spinal, et consécutive au

développement de la sclérose dans les parties qui, au

bulbe, représentent le système postérieur de la moelle.

C'est qu'en effet les noyaux du bulbe (noyaux du facial,

moteur du trijumeau, des 3', 4° et 66 paires, ajoutons

de l'hypoglosse) constituent, comme l'a montré M. Pier-

ret, avec la portion sensitive du trijumeau un système

identique à celui que forment dans la moelle les zones

radiculaires postérieures et les cornes antérieures. Or,

il est très vraisemblable, pour ne pas dire certain, que

les mêmes relations anatomiques qui existent entre les

deux parties du système, dans l'axe spinal, existent aussi

1 G. Ballet et L. Minor. Scléroses péritubulaires et scléroses péri-

vasculaires, m Arch. de Neurologie, janvier 1884.

2 (G G CLINIQUE NERVEUSE.

au bulbe. Ainsi s'expliquent, à notre sens, etl'hémia-

trophie de la langue et les impotences fonctionnelles

permanentes des muscles des yeux. Les faits cliniques

d'ailleurs plaident ici dans le même sens que les notions

acquises sur la frappante ressemblance anatomique et

physiologique de la moelle et du bulbe. D'une part,

on relève dans plusieurs des observations d'hémiatro-

phie linguale que nous possédons, la coïncidence de

l'atrophie des muscles de la langue (Cas. personnelle;

OBs. de MM. Vidal et Cuffer) avec celle de certains

muscles des membres supérieurs..Ce qui semble indi-

quer que, dans ces cas, pour des raisons qu'il est à la

vérité impossible de déterminer; lailésion scléreuse a

eu une remarquable tendance à gagner le système des

cornes 'antérieures que nous voyons, intéressées sur

une grande étendue de l'axe bulbo-médullaire. D'autre

part, 'nous relatons chez de malade Grossor ? que nous

'avons examiné spécialement' à ce pointlde vue, l'exis-

tence de troubles, de la sensibilité. dont quelques-uns

persistent encore, dans la sphère du trijumeau. Ce qui

vientà l'appui de l'idée que nous émettions plus haut, à

savoir que la lésion du système antérieur (cornes anté-

rieures) suppose au bulbe comme à la- moelle une alté-

ration antécédente de la zone radiculaire, postérieure

ou de son analogue (racine du trijumeau). Nous devons,

à la vérité, reconnaître que,' dans un certain nombre de

faits relatifs à des cas d'ataxie bulbaire avec lésions de

la langue ou des muscles des yeux, on ne trouve relaté

aucun trouble de la sensibilité. Nous pensons que ces

troubles n'ont pas'été suffisamment recherchés. Et il

importe à l'avenir que, en présence de tous les cas de

tabes se traduisant par des troubles moteurs ou tro-

DE L'HG\IIaTROPIIIr nE LA LANGUE. 1217

phiques bulbaires (atrophie delà langue, paralysie des

muscles oculaires, etc.), on se livre à une minutieuse en-

quête pours'assurer de l'existence antérieure ou actuelle

des symptômes (douleurs, anesthésies ou hyperesthé-

sies), qui traduisent la lésion de la racine du trijumeau.

Cette lésion et, par suite, les manifestations qui la

révèlent, légères ou très prononcées peu importe,

doivent exister dans tous les cas. L'examen anatomique

a démontré qu'il en était ainsi de la lésion; l'explora-

tion clinique attentive établira, nous en avons la con-

viction, qu'il en est ainsi des symptômes par lesquels

la lésion se révèle.

On nous pardonnera d'être revenu aussi longuement,

à l'occasion d'un épisode accessoire de l'histoire de l'a-

taxie locomotrice, sur une théorie des phénomènes bul-

baires dutabes, qui, il y a déjà sept ans, nous le répétons,

a été presque complètement ébauchée par M. Pierret.

Il nous a semblé qu'il n'était pas inutile de le faire à un

moment où les spéculations de la pathologie générale

semblent obscurcir quelque peu les enseignements pré-

cis d'une nosographie méthodique et rigoureuse. Il n'y

a aucun inconvénient à ce que, jetant les yeuxau delà

de l'affection pour se préoccuper de la notion de mala-

die, on se demande comment, après tout, on peut envi-

sager en nosologie le tabes dorsal; s'il n'est pas, par

exemple, unesimple localisation sur un pointdu système

nerveux d'une tendance de l'économie à faire de la

sclérose. Ces vues générales ont même leur incontes-

table utilité en ce qu'elles ouvrent le champ àdes aper-

çus et à des recherches nouvelles. Mais elles ne seraient

pas sans danger si les préoccupations nosologiques fai-

saient perdre de vue les notions positives, solides que

218 RECUEIL DE FAITS.

l'anatomie pathologique nous a fournies. Et, parmi ces

notions, celle de la localisation à un système, le système

sensitif, de la maladie de Duchenne, nous paraît à la

fois l'une des données les mieux établies et l'une des

plus belles découvertes de ces quarante dernières an-

nées.

RECUEIL DE FAITS

NOTE SUR UN CAS DE CYSTICERQUES CELLULEUX

DE 1,'I,'NCI,PflALE;

Par D. BERNARD.

L'observation suivante de cysticerques celluleux de l'encé-

phale, que nous avons recueillie à la Salpêtrière dans le

service de M. le professeur Charcot, est intéressante à cause

du siège exceptionnel occupé par l'une des vésicules, le plancher

du quatrième ventricule. De cette vésicule et des lésions qu'elle

a provoquées en ce point ont dépendu les symptômes d'hydro-

céphalie observés durant la vie, tandis que deux autres

cysticerques, logés en d'autres régions du cerveau, n'ont joué

qu'un rôle très effacé, sinon tout à fait nul dans le processus

pathologique. En portant le diagnostic de tumeur cérébrale,

M. Charcot avait fait toutes réserves sur le siège et la nature

de la production morbide.

Fauv..., âgé de vingt-quatre ans, maçon, est entré le 1er mai

1883 àla Salpêtrière, salle Bouvier, 12.

Le père de Fauv..., âgé de cinquante-sept ans, est alcoolique;

sa mère sujette à la migraine, laquelle ne s'accompagne ni de ver-

tiges, ni de vomissements. Pas d'autres antécédents héréditaires.

CYSTICERQUES CELLULEUX DE L'ENCEPHALE. 219

A rttf ! e de si\ ;1118, Fauv... a eu une lièvre typhoïde bénigne. 1

n'd pas eu la "J phi Ils et n'a jamais rait de chute sur la tète. Au

retour de Tunisie où il avait fait la campagne avec les premières

troupes envoyées de France, deux mois après sa libération du ser-

vice militaire, le 1 : , mai 1882, débute l'affection actuelle. Ce

2 : : 10 RECUEIL DE FAITS.

jour-là Fauv... a éte pris, sans aucun prodrome, d'une violente

céphalalgie frontale et de vomissements abondants. Ces accidents

se calmèrent spontanément, mais depuis cette date, ont reparu

par accès, tous les quinze jours environ. Voilà trois semaines que

la céphalalgie est devenue constante. Elle subit par moments des

exarcerbations qui rappellent les accès précédents et durant les-

quelles apparaissent en outre des vertiges qui le mettent dans l'état

d'un homme ivre. Sa vue s'ohscurcit à ces moments. 11 est comme

perdu au milieu de brouillards. Malgré cela, l'appétit et le sommeil

étaient conservés, et Fauv... pouvait, en dehors des accès, se li-

vrer à sa profession de maçon.

Dans la nuit du mercredi 27 avril dernier, le camarade de

chambre de Fauv.. l'a entendu se plaindre à haute voix et l'a u n

agiter convulsivement les bras et les jambes. Les convulsions pas-

sées, Fauv.. s'est levé de son lit sans avoir conscience de ce qu'il il

faisait et l'on a dû le recoucher de force. C'est la seule attaque épi-

leptoïde observée dans le cours de l'affection.

Admis à la Salpêtrière le 1 cr mai 1883, Fauv.. a la démarche

chancelante et incertaine d'un homme ivre. Il n'est pas plus poussé

d'un côté que de l'autre. Cet état vertigineux redouble au moment

des accès de céphalée et l'empêche alors de quitter son lit. Ce n'est

qu'à ces moments qu'il accuse des bruits et des battements dans

ses oreilles. , , ,1 , .

La motilité est partout conservée., Le dynamomètre marque ni)

dans la main droite et 53 dans la main gauche. La résistance à

la flexion et à l'extension est égale de chaque côté aux membres

inférieurs. Les réflexes rotuliens sont normaux.

Fauv... accuse un engourdissement de la face du côté droit

allant jusqu'à la ligne 'médiane,' ét'de toute la moitié correspon-

dante de la langue. Là sensibilité générale et spéciale est pourtant

indemme partout. 1 e

A la jambe droite existe une plaie fongueuse, résultat d'une

brûlure faite par une boule bouillante qu'on lui appliqua dans la

nuit du 27 avril. Cette plaie, 'avec les soins appropriés, a guéri très

rapidement. » " ' ' ,

Depuis quelques jours, la vue baisse rapidement et l'examen des

yeux révèlent les particularités suivantes : le champ visuel, comme

on peut voir sur la figure ci-jointe (Fig. 6 et 7), est rétréci des deux

côtés, mais surtout du côté droit. Il a fallu renoncera l'examen cam-

pimétrique pour les diverses couleurs. Le malade n'a pu le sup-

porter. Il a bien distingué les nuances' des diverses raies du tableau,

à l'exception toutefois des raies grises. Quant à l'acuité visuelle,

voici les résultats obtenus :

0 G V =; à 0 D V = ?

Les pupilles sont dilatées et fort paresseuses, sous l'influence de

CYSTICERQUES CELLULEUX DE L'ENCEPHALE. L)21

la lumière et de l'accommodation. A l'ophthalmoscope, de chaque

côté on voit les signes objectifs classiques de la papille étranglée.

L'analyse des urines est négative; la température normale.

17 mai. - La céphalalgie continue à augmenter, au point que le

malade ne peut plus dormir depuis quatre jours. Le maximuu de*

la douleur occupe toujours le front, mais la douleur se généralise

iL toute la tête et par moment, à l'occiput, elle est aussi vive qu'au

front. Les vomissements surviennent constamment à l'époque des

exacerbations de la douleur. Ils consistent en matières bilieuses

et muqueuses.

Vésicatoire à la nuque.- 3 grammes de bromure de potassium.

22 mai. - Hier, vers deux heures de l'après midi, la céphalalgie

a redoublé d'intensité et le malade a dû gagner son lit. Cet accès

s'est accompagné de subdélirium. Jusqu'à trois heures du matin,

Fauv ? n'a cessé de proférer des paroles incohérentes. A ce mo-

ment, il s'est endormi et nous le retrouvons ce matin dans son état

habituel,' avec une température normale. La douleur frontale s'est

portée vers la droite. I " '' ,

1" l'6'juin'. -- Les vomissements ne se sont plus renouvelés, mais le

malade a'été plusieurs fois'en proie à un délire pareil à celui re-

laté'plus haut : De plus, durant son sommeil il a éprouvé fréquem-

ment des sensations vertigineuses. Il tombe dans un précipice. Du

'haut'du navire qui le porte, il est précipité dans la mer.

l ? \ 1. \ . d u· ! f, .0 1 .

. ' ! IC,' ,1uillet, - Fauv ? t,e ? complètement amaurotique. 11 ne quitte

plus le lit. Il est par moments en proie à une vive agitation et essaie

de se lever. On doit le maintenir violemment. Pas de nouveaux

vomissements. Malgré les retours du délire passager que nous avons

signalé, le malade comprend bien ce qu'on lui dit, exécute les

mouvements commandés. Il reconnaît les personnes qui viennent

le voir, leur témoigne gratitude et affection. Aucune paralysie. Au-

cune attaque épileptiforme ? 1 j. " ,

29 juillet. - Fauv... va sous lui. L'appétit est assez^bien con-

servé. Délire très fréquent. « Voyez ces gens qui viennent m'atta-

quer ; on me jette à, l'eau. Laissez-moi fuir,et me défendre... »

A aucun moment le malade n'a rendu de cucurbitains.

Les choses demeurent dans cet état jusqu'au 8 octobre, jour où

il succombe à une double pneumonie, dont il n'accusa aucun symp-

tôme.

L'appétit était perdu; Fauv... était plongé dans une dépression

profonde. On l'ausculta et on constata aux deux bases du souille et

des râles crépitants. Une escarre se forma au sacrum et il mou-

rait le lendemain du jour où cette complication avait été découverte.

A 1'.\UTol'sm, on ne trouve outre la double pneumonie (Ilépatisa-

tion grise), de lésions que dans l'encéphale. L'intestin, le foie, les

divers viscères ne contiennent aucun helminthe.

22-) RECUEIL DE FAITS.

La pie-mère est vivement congestionnée, notamment sur la face

externe de l'hémisphère gauche ut sur tout le cervelet. Une petite

vésicule se voit immédiatement en axant du chiasma sans affecter de

rapports directs avec lui. Une seconde déprime la substance grise

cOllicalesur le pied de la deuxième frontale.

Enfin une troisième est logée dans le quatrième ventricule, en-

globée en partie dans sa paroi, au niveau et en dehors de l'émi-

nentia teres gauche.

De la grosseur d'un gros pois, comme les deux autres, cette vé-

sicule est en partie cachée sous le dépôt de fibrine qui tapisse l'é-

pendyme rouge et épaissie. Des brides librineuses irrégulières cloi-

sonnent encore la calité du ventricule dans laquelle proéminc, au

milieu d'une sérosité trouble, un caillot fibrineux en forme de clou.

La tête du clou remonte un peu plus haut que la place du cysti-

cerque, tandis que son extrémité allongée s'engage dans le canal

de Magendie et saille dans l'espace sous-arachnoïdien.

L'inflammation de l'épendyme ventriculaire, la présence de ce

bouchon expliquent bien les troubles apportés dans la sécrétion et

la circulation du liquide céphdlo-rieliidien, l'hydrocéphalie, la pa-

pille étranglée. Le voisinage de la tumeur avec le noyau du facial,

son contact avec les racines supérieures de l'auditif expliqueraient

bien aussi l'engourdissement éprouvé par le malade dans le côté

droit de la face et l'état vertigineux qu'il offrait.

Il n'existait aucune dégénéralion secondaire au-dessous des points

occupés par les tumeurs. La décortication du cerveau sur la con-

vexité des hémisphères a oflbrt quelques difficultés à cause de la

congestion et de l'aedème de la pie-mère.

A l'ouverture du crâne, la quantité de liquide céphatu-rachidien

qui s'est écoulée a paru notablement plus considérable qu'à l'état

normal.

M. Mégnin a bien voulu examiner les deux poches que nous

avons {recueillies et nous eu transmettre une description et un

dessin (Fig. 8) :

« Dimensions du cysticerque intact, consené dansl'alcool :

CYS1'lCEltQUES CELLULEUX DE L'ENCEPHALE. 'l'l3

de petits crochets C, d'une longueur totale de Il 1 millimètres (lame

5 millim., mauche G millim.)

« Le scolex est rempli de corpuscules calcaires épars dans sa

trame, le rostellum qui donne implantation aux crochets est coloré

par de nombreuses granulations pigmentaires. »

Fig. 8. - Cysticerque celluleux. - A, Scolex avec ses quatre \en-

touses et son rostellum central. - B, Crochets de la rangée supérieure

du rostellum, mesurant 17 millimètres. - C, Crochets de la rangée

inférieure, mesurant Il millimètres.

REVUE CRITIQUE

DES TROUBLES URINAIRES DANS LES MALADIES DU SYS-

TÈME NERVEUX, ET EN PARTICULIER DANS L'ATAXIE

LOCOMOTRICE;

Par Cn. FÉRÉ.

Dans l'évolution des maladies du système nerveux, les or-

ganes urinaires sont assez fréquemment le siège de troubles

très divers par leur nature, leur siège et leur intensité, mais

présentant quelquefois un grand intérêt et une grande valeur

séméiologique, tant pour le diagnostic que pour le pronostic.

Mais s'il est une affection dans laquelle ils sont surtout com-

muns et variés, c'est, sans contredit, l'ataxie locomotrice;

aussi, après les avoir considérés dans les maladies du système

nerveux en général, étudierons-nous les troubles urinaires du

tabes dans un chapitre spécial.

I.

Ces troubles peuvent porter sur les fonctions de sécrétion

ou d'excrétion, sur la sensibilité, ou enfin ils consistent en

phénomènes de réaction inflammatoire plus ou moins intenses

et plus ou moins étendus.

A. Les Troubles DE sécrétion sont caractérisés par des modi-

fications dans la quantité de l'urine excrétée, dans les propor-

tions des éléments normaux qui les constituent, ou par l'appa-

rition des substances qui ne s'y rencontrent point à l'état phy-

siologique.

a. La diminution absolue de la quantité d'urine (Voligurie,

l'auuoie) s'observe dans un certain nombre de cas d'hystérie et

en particulier dans la forme désignée sous le nom de grande

hystérie. C'est quelquefois un phénomène transitoire qui peut

passer inaperçu. Dans d'autres cas, au contraire, l'ischurie est

plus ou moins permanente et peut persister des séries de jours;

DES TROUBLES URINAIRES. 225

alors, malgré le ralentissement général des échanges nutritifs,

l'urée doit chercher une autre voie d'élimination ; et, comme

l'a montré M. Charcot', on a trouvé dans les vomissements

une certaine quantité d'urée. Cette parurie est de la plus grande

importance au point de vue de la prétendue simulation. *

Il est assez rare qu'on observe une anurie passagère sous

l'influence d'émotions morales vives chez des névropathes.

Dans les cas de dépression psychique, où il y a un ralentis-

sement des échanges nutritifs, il existe souvent une diminution

de la quantité d'urine et un abaissement de l'urée et des chlo-

rures ? )Jsquirol avait noté que, chez les mélancoliques, l'urine

est rare mais colorée, dense, riche en urée et en urates. Il

s'agit là d'une simple concentration de l'urine, due à ce que ces

sujets, pour éviter le mouvement, n'urinent en général qu'à

la dernière extrémité.

Fabre (de Marseille) a observé, deux cas d'ataxie locomotrice

dans lesquels la quantité d'urine n'a pas dépassé 300 et 700

grammes pendant quelques jours. Il cite encore un cas de mal

de l'ott, avec compression médullaire, dans lequel les urines

étaient tombées à 300 grammes et augmentèrent progressive-

ment à mesure que la paraplégie diminuait. Enfin, M. Leduc a

observé un' cas de tétanos dans lequel les urines n'ont guère

dépassé300et800 grammes parjour, et ont même été au-dessous

de 100; mais il faut noter que la malade n'a pas cessé d'être

couverte de sueurs profusesa. 3.

b) L'augmentation de la quantité des urines se rencontre

beaucoup plus fréquemment, dans des circonstances très di-

verses et avec des caractères variables.

Souvent la polyurie est'en réalité constituée par une simple

augmentation de l'élément aqueux, c'est de l'ltydrurie. L'hy-

drurie est le plus souvent transitoire, on peut l'observer à la

suite d'excitations génitales exagérées, d'émotions morales

vives. On la voit quelquefois à la suite d'accès de névralgies ;

mais elle s'observe surtout à la suite dos attaques d'hystérie et

principalement dans la petite hystérie : les urines sont alors in-

colores et caractérisées par la diminution de tous les principes

' AI. Charcot. - Leçons sur les maladies du système nerveux, t. I,

'i° éd., p. 279.

' Rabow. llettrtt,ge zur Kenntniss der 13escha/Jethctt der Ilarns bei

Getsteslcrattltea. (Arch. f. psych, u. nerv. IS77, t. N'Il, p. 62.

1 Merklcn. Etude sur l'anurie. Thèse, 1881, p. 322.

Ancimus, t. VII. l-i

226 REVUE CRITIQUE.

solides uniformément. Quelquefois ces urines, au lieu d'être

pâles, sont plus ou moins colorées en jaune par un excès

d'uroxanthine. Dans ces cas le phénomène se réduit souvent

à une seule miction très abondante, quelquefois d'un litre ou

même plus, et plus ou moins impérieuse. Dans les attaques

convulsives de la grande hystérie, on observe toujours une trans-

piration plus ou moins abondante, aussi la polyurie transitoire

manque-t-elle en général; et il n'est pas rare que les malades

rendent une urine d'une densité supérieure à la normale.

A côté de la polyurie hystérique, on a signalé une polyurie

épileplique, dont l'existence demande de nouvelles preuves.

On observe quelquefois une polyurie passagère à la suite

des crises néphrétiques et vésicales chez les alaxiques, et même

de temps en temps, en dehors de tout phénomène douloureux.

Enfin, il faut remarquer que, dans un certain nombre d'affec-

tions, la quantité d'urine augmente par ce seul fait de la fré-

quence de la miction : nous avons pu, en effet, constater dans

des expériences faites sur nous-mêmes qu'à l'état normal la

quantité d'urine excrétée croit à mesure que la miction volon-

taire se répète plus souvent'.

La polyurie simple peut s'installera l'état plus ou moins per-

manent dans un certain nombre d'affections du mésocéphale.

M. Leudet l'a signalée dans un cas de méningite chronique de

la base de l'encéphale. On l'observe quelquefois à la suite de

traumatismes céphaliques '.

c) Dans un certain nombre de cas de lésions de l'encéphale

et en particulier dans les affections du mésocéphale (Schiff,

Brown-Séquard, Gubler), et non pas seulement à la suite

d'altérations du plancher du quatrième ventricule , on

voit s'ajouter à la polyurie l'albuminurie et la glycosurie qui

peuvent être plus ou moins permanentes. On rencontre encore

ces modifications de l'urine dans certains faits de lésions trau-

matiques de la partie supérieure du rachis par irritation du

bulbe. On voit aussi l'albumine apparaitre dans l'urine dans

quelques myélites aiguës, à début apoplectiforme.

La polyurie, l'albuminurie et la glycosurie se manifestent à

l'état plus ou moins transitoire dans la plupart des affections

1 Bary. - Vu diagnostic des lésion* des reins dans les affections des

voies urinaires. Thèse, 1880, p. 20,

- Maucotel. - De la polyurie consécutive aux traumatismes du crdne.

Thèse de Paris, 1883.

DES TROUVES URINAIRES. 27

cérébrales avec ictus apoplectique, dans l'hémorrhagie en par-

ticulier et quelquefois le ramollissement par thrombose,

quel que soit leur siège ; et ces modifications de la composition

de l'urine peuvent subir des oscillations en rapport avec des

ictus successifs. Ne sont-elles pas encore en rapport avec l'irri-

tation à distance du bulbe ?

La polyurie, l'albuminurie et la glycosurie se trouvent sou-

vent associées d'une manière permanente à la névrose du grand

sympathique désignée sous le nom de maladie de Basedow.

L'albuminurie se rencontrerait encore danscertaines névroses

convulsives; Kussmaul l'a signalée dans le tétanos. Mais c'est

surtout dans l'épilepsie qu'elle a été recherchée et discutée;

plusieurs auteurs français l'ont signalée; mais MM. Magnan et

Bouchereau n'ont pas pu trouver la preuve de sa- fréquence ni

de son importance. On ne saurait guère accepter la conclusion

de Huppert qui dit que tout accès épileptique complet ou avorté

serait suivi d'une albuminurie transitoire; les récentes re-

cherches de Karrer', de Otto', de Kleudgenl, de Fiori 6, de

Sandby6, montrent que ce symptôme n'a aucune valeur,

parce qu'il est inconstant, non seulement chez les divers ma-

lades, mais encore chez les mêmes malades à la suite d'accès

successifs ; etsurtout parce que, le plus souvent, on ne trouve

l'albuminurie qu'à l'état de traces. On peut expliquer cette albu-

minurie légère par des extravasations sanguines analogues aux

ecchymoses faciales, et qui se feraient sur la muqueuse vési-

cale au moment de l'accès; quant aux albuminuries plus con-

sidérables, ce sont, dans un grand nombre de cas, de simples

coïncidences qui reconnaissent pour causes d'autres états

pathologiques.

lA, Olivier. - De la congestion et de l'apoplexie rénales dans leurs

rapports avec Chémorrhagie cérébrale. (Arcli. gén. de nzccl. lévrier 1871#).

- Etude sur certaines modifications dans la sécrétion urinaire consécu-

fille it l'ltérnol'rltagie cérébrale. (Gazette hebdoi ? z., 1875, 11°' Il,12, 13.)

'' Kan'er ? u)'(tMMmt' ! U)'<e&et'ept<ept<'.(Be. Kt ? : . Woch., 1875.)

' Otto. - Zur albuminurie als symptolll des epileptischen anfalls.

(Rrrl. Klin ! Voclt" 1876, p. 609.)

* Kleudgen. -Albuminurie ein symptom desepileptischen an falls. (Arch.

f. psych and ïvei,veîthei-1k, 1881. Bd. XI, Il. 2, p. 478.)

6 Ilalia medica, 1881. Voir le résumé des recherches faites par \I. Bour-

neville (sei vice (le M. CmncoT) dans la thèse de .11. llovell : De quelques

accidents de l'épilep,,e et de Vhgslcro-epilepsie. Thèse de Paris, 1877.

" Saundhy,-On the nlGununurzaofeptlcpsy.(AIed.T'i»tesazedGu ? t883,)

228 REVUE CRITIQUE.

On peut observer une glycosurie névropathique transitoire

à la suite de fatigues physiques, d'excès vénériens , ou

de travaux intellectuels exagérés, d'émotions dépressives.

d) L'augmentation de l'urée et des urates peut se rencontrer

dans toutes les affections qui se caractérisent par une agitation

plus ou moins intense, ou des convulsions soit cloniques soit

toniques. On l'a signalée dans la manie, dans la chorée, dans

l'hystérie, dans le tétanos.

Les recherches de M. Ollivier' ont montré qu'après une

attaque à'hémorrhagie cérébrale, la quantité d'urée diminue

à mesure que la température s'abaisse; puis l'urée revient au

chiffre normal qu'elle dépasse souvent. Lorsque cette augmen-

tation est considérable, elle constitue en même temps que l'é-

lévation de température un signe fâcheux au point de vue du

pronostic. , ,

e) L'augmentation des phosphates a été signalée dans un cer-

tain nombre de maladies mentales. Mais MM. Bouchereau et

Magnan 2 ont examiné à l'asile Sainte-Anne les urines de 6,000

aliénés, présentant les diverses formes mentales, et, en dehors

de quelques cas très rares d'épilepsie. dans lesquels ils ont

trouvé des traces d'albumine, ils n'ont eu à relever aucune parti-

cularité du côté de la sécrétion urinaire. Ils n'ont jamais cons-

taté la phosphaturie; etl'albuminurie et la glycosurie ne se sont

présentées qu'à titre accidentel. La phosphaturie signalée dans

la maladie de Parkinson, notamment par Bence Jones, n'a pas

été constatée par P. Regnard, Lehmann, Vogel; cependant

Cheron et Laporteg ont insisté à nouveau sur ce symptôme.

B. Les TROUBLES DE l'excrétion sont sous la dépendance d'é-

tats pathologiques des fonctions des muscles de la vessie et de

l'urèthre. Certaines coliques néphrétiques observées chez les

hystériques ont paru reconnaître pour cause un spasme de l'u-

retère ; mais il est convenable de conserver encore une certaine

réserve à cet égard.

' 'A. 0))i\ier. De la polyurie et des variations de la quantité de l'it-

rée à la suite de <'/temor<'/<a ? e cérébrale. (arcs. de ph ! ls. et yath. ;

2' Série, t. III, p. 85, 1876.

' , Communication orale de M. Magnan.

2 Laporte. Contribution à l'élude de la Phosphaturie dans la maladie

tic l'arkinson. Thèse de Paris, 1R7.1.

DES TROUBLES URINAIRES. 229

Ces troubles peuvent se résumer en deux groupes, rétention

et incontinence, la première de beaucoup la plus fréquente.

a) La rétention d'urine d'origine nerveuse peut être détermi-

née soit par le spasme ou la contracture des sphincters, soit,

et le plus souvent, par la paralysie des fibres propres de la

vessie.

La rétention paralytique peut être complète ou incomplète.

Dans le premier cas, la vessie se laisse distendre, pour ainsi dire,

indéfiniment jusqu'à ce que le col, entr'ouvert mécaniquement,

par le fait même de la distension exagérée, laisse écouler

l'urine goutte à goutte, et qu'il se produise une incontinence

par regorgement. Dans le second, le malade peut encore uriner

volontairement, mais la vessie se contracte imparfaitement et

ne se vide que d'une manière incomplète; si on le sonde quand

il a terminé sa miction volontaire, on évacue encore une cer-

taine quantité d'urine. Quelquefois la paralysie de la vessie se

traduit par une grande difficulté à expulser les dernières

gouttes d'urine, sans qu'il y ait rétention véritable ; ou bien l'u-

rine ne sort que lentement et la miction nécessite un temps

exagéré, et les malades sont obligés de pousser; ou bien encore

la miction doit se faire en plusieurs temps, parce que la vessie

est incapable d'une contraction soutenue. Dans tous les cas,

lejet est sans vigueur, même quand il se fait par l'intermédiaire

d'une sonde.

La paralysie de la vessie s'accompagne fréquemment de la

perte de la sensibilité spéciale de l'organe. Il en résulte que

souvent la vessie se laisse distendre jusqu'à l'incontinence par

regorgement sans que le malade s'en aperçoive, ou bien, quand il

évacue artificiellement son urine, c'est l'heure et non la sen-

sation qui le guide. Un certain nombre de malades souffrent

de leur rétention; et cependant, les efforts les plus violents des

muscles abdominaux ne peuvent parvenir à provoquer l'expul-

sion.

La rétention paralytique s'observe dans le coma apoplec-

tique; mais elle n'est pas constante : un certain nombre de

sujets ont conservé la sensibilité réflexe de la vessie qui se

contracte spontanément, quand elle est arrivée au degré de dis-

tension qui nécessite la miction en temps ordinaire. Les

mêmes phénomènes se reproduisent, que le choc ait été pro-

duit par une hémorrhagie cérébrale, par un ramollissement

embolique, etc. ; et ils cessent graduellement avec l'état apo-

230 REVUE CRITIQUE.

plectique. Lorsque les troubles paralytiques se localisent,

lorsque le sujet devient hémiplégique, l'impuissance vésicale

disparaît : les troubles vésicaux sont exceptionnels, même

quand l'hémiplégie est double et ils ne paraissent pas être sous

la dépendance de la lésion cérébrale. A l'autopsie des anciens

hémiplégiques on ne trouve jamais les lésions vésicales et ré-

nales, suites nécessaires d'une rétention prolongée. C'est là un

fait intéressant parce qu'il montre que la dégénération des

faisceaux latéraux de la moelle n'entraîne pas de troubles des

fonctions urinaires ; il 'est d'ailleurs corroboré par cette cir-

constance que dans la sclérose latérale ainyol2-opltique, ces fonc-

tions sont aussi indemnes.

La rétention par paralysie se rencontre encore dans quelques

affections traumatiques de la moelle, quelquefois dans la com-

motion violente du rachis', dans certains cas de compression

par mal dePott, etc.

Dans l'hématomyélie, dans les myélites aiguës ou subaiguës

surtout de la partie inférieure, ce trouble est fréquent; il

est même prédominant dans certains cas où la vessie est

très atteinte bien que la paralysie des membres inférieurs

soit peu prononcée relativement. C'est ici le lieu de faire remar-

quer que si, dans les affections du système nerveux, les lésions

locales des voies urinaires, donnant lieu à l'alcalinité del'urine,

sont dues en grande partie à la cystite provoquée par la réten-

tion et l'introduction de sondes malpropres, il est des cas de

myélite aiguë dans lesquels les urines s'altèrent, deviennent

alcalines, purulentes, sanguinolentes, avec une telle rapidité,

qu'il n'est guère possible de ne pas admettre un trouble t1'O-

phique, d'autant plus qu'il se produit en même temps des

escarres rapides.

Cette rétention se rencontre encore dans l'ataxie locomotrice.

Ce n'est qu'à titre d'exception que l'on observe l'impuissance

de la vessie dans la paralysie diphthérilique ; et on ne la

signale guère dans le cours des paralysies toxiques.

La rétention par spasme des sphincters peut être aussi com-

plète ou incomplète. Elle ne s'accompagne pas généralement

d'anesthésie vésicale, sauf pourtant quelquefois chez les hysté-

riques ; aussi la sensation du besoin est-elle vivement sentie.

Lorsque la rétention est incomplète, le malade est obligé de

1 Erichsen. On concussion nf thespine, etc. l.mlon, 188Q, p. 6n. ,

DES TROUBLES URINAIRES. 231

pousser violemment, mais quand l'urine parvient à s'écouler;

c'est en jet d'une grande puissance; si la rétention est complète

et qu'on soit obligé de recourir au cathétérisme, ce jet présente

encore les mêmes caractères. Quelquefois l'écoulement s'in-

terrompt brusquement pour reprendre avec la môme vigueur

sous l'influence d'un nouvel effort. '

Cette forme de rétention s'observe dans certains cas de

méningite spinale, dans le tabès spasmodique, la myélite 11'Ons-

verse. Certaines formes anormales de la sclérose en plaques et

en particulier celles qui s'accompagnent de contracture des

membres peuvent offrir ce même trouble de la miction. C'est,

en général cette forme de rétention que l'on observe dans

l'hysté), ? "e. Il convient de remarquer que la rétention spasmo-

dique peut se rencontrer b l'état d'isolement chez des sujets

qui ont présenté d'autres phénomènes hystériques ou névro-

pathiques ; et le spasme de l'urèthre chez l'homme peut être

considéré comme une manifestation d'un état névropathique"

comme une sorte d'hystérie locale.

On a signalé la rétention d'urine pendant les crises du téta-

nos; mais, peut-être s'agit-il d'une diminution considérable de

la quantité d'urine en rapport avec les sueurs.

Quelle que soit sa cause, et quel que soit son mode de pro-

duction,la rétention d'urine.lorsqu'elle est durable, détermine,

au bout d'un temps variable, des troubles inflammatoires de

la vessie. Si l'on n'y porte remède par un sondage régulier, la

distention et l'inflammation se propagent aux uretères, aux

bassinets, aux calices; il se produit une pyélonéphrite qui évolue

comme les autres pyélonéphrites par rétro-dilatation. On peut

dire que le plus souvent c'est aux complications rénales que

succombent les sujets atteints de maladies du système nerveux

qui souffrent de rétention d'urine.

b) Il est une variété d'incontinence, l'incontinence par regor-

gement, qui ne se produit que lorsque, par suite de la distension

extrême de la vessie, les sphincters cèdent mécaniquement et

laissent écouler l'urine goutte à goutte. Elle est la conséquence

de la rétention, et se manifeste dans les mêmes conditions que

cette dernière.

Quant à l'incontinence proprement dite, elle est beaucoup

plus rare que la rétention. Elle peut être complète ou incom-

plète. L'incontinence absolue ne se rencontre guère qu'à la

suite de quelques myélites aiguës, à la suite de traumatismes

232 REVUE CRITIQUE.

de la moelle portant sur la partie inférieure du renflement

lombaire ou sur la queue de cheval, ou en conséquence des

compressions siégeant dans la même région. La miction se

fait à mesure que l'urine arrive dans la vessie, et à quelque

moment que l'on introduise uuesoude, on trouve la vessie vide.

Cet état est rare; plus souvent une petite quantité d'urine

s'accumule dans la vessie, puis elle est expulsée sans que le

malade s'en aperçoive, c'est la miction inconsciente.

La miction inconsciente est une sorte d'atténuation de l'in-

continence vraie, à laquelle elle succède dans les cas qui entrent

en voie d'amélioration. Elle se présente du reste avec des ca-

ractères assez divers. Chez les apoplectiques, chez les déments,

chez certains idiots et en général, dans les états de profonde

dépression psychique, où toutes les fonctions s'exercent en

l'absence du sujet pour ainsi dire, la miction est inconsciente ;

mais elle s'accomplit avec une certaine régularité et à peu près

dans les conditions physiologiques, c'est-à-dire que la vessie se

laisse distendre normalement,'et quatre ou cinq fois par jour,

un peu plus ou un peu moins, elle se vide d'unefoisetcomplète-

ment par une contraction réflexe' : c'est une miction incons-

ciente, mais régulière.' D'autres fois, la miction inconsciente,

au lieu dese faire à des intervalles à peu près physiologiques, se

répète au contraire fréquemment, comme si les sphincters ne

pouvaient résister qu'à une faible tension : cMe'7nicliou in-

consciente il fréquente constitue un état plus' rapproché de l'in-

continence vraie et s'observe dans les mêmes circonstances.

Enfin l'incontinence incomplète,la miction inconsciente,au lieu,

d'être continue et permanente, comme dans les circonstances

précédentes, peut être accidentelle et'ne se présenter qu'à des

intervalles variables bu dans' des circonstances déterminées,

c'est ce qu'on voit par exemple dans le tabès ataxique, dans

certains cas de'paralysie générale des aliénés, de tumeurs céré-

brales siégeant principalement dans le mésocéphale. On l'observe

encore au moment de l'attaque d'épilepsie, au début de la con-

vulsion tonique. '

Une forme moins grave encore de l'incontinence constitue

la miction involontaire, mais non plus inconsciente. Cette

miction involontaire offre elle-même deux degrés différents par

leur gravité. Tantôt le malade sent le besoin d'uriner, mais il

ne peut attendre, la miction se fait immédiatement malgré ses

efforts, la sensation du besoin est à la fois impérieuse et pé-

DES TROUBLES URINAIRES. 233

nible. Tantôt il y a une sensation vague de besoin, et l'urine

s'écoule sans que le malade ait même songé à résister. Cette

forme de miction involontaire qui, comme la précédente, se

rencontre dans les cas de lésions de la partie inférieure de la

moelle, dans sa totalité, dans l'ataxie locomotrice, dans la pa-

ralysie générale', etc., peut être à la fois diurne et -nocturne;

c'est ce qui arrive dans les cas relativement les plus graves, ou

bien elle est seulement nocturne. Chez certains malades enfin la

miction involontaire, au lieu d'être spontanée, ne se produit

que mécaniquement, sous l'influence d'un effort, de la toux ' par

exemple. Ces divers états constituent des atténuations gra-

duelles de l'incontinence.

Il est une forme d'incontinence qui mérite d'appeler particu-

lièrement l'attention, c'est l'incontinence nocturne proprement

dite, Y incontinence-névrose, sur laquelle Trousseau a insisté avec

tant de raison. Les sujets qui en sont atteints sont souvent des

enfants de cinq à huit ans; mais elle n'est pas très rare chez

lesadolescents, et on peut la voir jusqu'à dix-huit et vingt ans.

Ces malades urinent normalement dans la journée, mais pres-

que toutes les nuits, ils laissent échapper leurs urines. En de-

hors des faits où ce symptôme trahit des accès nocturnes d'épi-

lepsie plus ou moins difficile à découvrir, il en est où l'inconti-

nence nocturne est parfaitement indépendante de tout autre

trouble nerveux caractérisé contemporain ; mais fréquemmeut

les sujets qui ont été atteints de cette névrose deviennent enu-

rasthéniques, ataxiques, ou plus souvent épileptiques. Du reste,

il n'est pas rare de voir, parmi les ascendants ou les collatéraux

des sujets affectés d'incontinence nocturne, des personnes

faisant partie de la famillenévropathique à un titre quelconque,

et principalement des épileptiques. Il est plus rare que cette

affection se transmette directement par hérédité. Pour Trous-

seau, elle résulte d'une hyperexcitabilitédes fibres musculaires

de la vessie ; Leubuscher et Van Lair admettent au contraire un

relâchement du sphincter.

Enfin, dans certaines conditions et en particulier dans

l'ataxie locomotrice, dans la paralysie générale, dans quelques

1 M. Van Lair cite (Symptomatologie de Spring), d'après Bourguignon, un

individu chez qui les névralgies brachiales s'accompagnaient d'émissions

involontaires d'urine. Inversement certains individus en apparence sains

éprouvent, au cours de la miction, une douleur vers le cou ou sur le

trajet du nerf cubital, etc.

2H 'l REVUE CRITIQUE.

tumeurs du mésocéphale, etc., on observe des comhinaisons di-

verses de la rétention et de l'incontinence, d'oil il résulte une

incoordination vésicale qui ne se présente le plus souvent que

d'une façon passagère.

C. Les Troubles de la sensibilité varient de forme et de siège.

a) Existe-t-il une 17éphl'algie essentielle, analogue aux autres,

viscéralgies, la question est difficile à juger (Sandras, briquet,

Valleix); les quelques sujets qui paraissent en avoir été at-

teints étaient des hystériques.

Dans l'ataxie locomotrice, Maurice Raynaud a signalé des

crises néphrétiques, analogues aux antres viscéralgies tahétiques,

mais qui semblent beaucoup moins fréquentes.

b) Les troubles sensitifs des organes excréteurs sont plus

variés. A l'état normal, la vessie est fort peu sensible au con-

tact et il semble que le réflexe de la miction s'opère plutôt

par l'intermédiaire du sens musculaire que par celui de la sen-

sibilité tactile. Quant la muqueuse uréthrale, elle est, comme

la muqueuse vésicale, plus sensible aux impressions doulou-

reuses qu'aux impressions tactiles. La sensibilité de ces mem-

branes peut être diminuée ou pervertie; et les altérations se

manifestent souvent à la fois sur la vessie et sur l'urèthre,

a) L'anesthésie tactile de la vessie a été peu étudiée ; mais

l'anesthésie de l'urèthre est facile à constater dans maintes cir-

constances, dans l'hystérie, dans l'ataxie locomotrice, dans les

myélites par compression, etc.; le malade ne sent pas l'urine

s'écouler, et peut ne pas sentir la sonde qu'on introduit. Il est

intéressant de remarquer que, dans le cas d'hystérie, où on peut

admettre l'anesthésie tactile de la vessie, puisque l'anes-

thésie est généralisée, la miction se fait régulièrement, c'est

que le sens musculaire persiste dans la vessie, comme il persiste

dans les membres, malgré la perte absolue de la sensibilité

tégumentaire. Dans les myélites transverses, l'anesthésie s'ac-

compagne de paralysie de la vessie ou des sphincters, suivant

le siège de la compression, c'est-à-dire suivant que la sensi-

bilité réflexe, persiste ou non. Dans l'ataxie locomotrice, la

perte de la sensibilité vésicale et uréthrale qui peut faire partie

d'une plaque anesthésique s'étendant plus ou moins sur les

téguments des parties génitales externes et dans leurvoisinage,

s'accompagne fréquemment d'incoordination vésicale, ce qui

DES troubles urinaires. 235

semble indiquer que le sens musculaire est atteint plus que la

motilité.

La sensibilité réflexe de la vessie ou des sphincters ne peut

être abolie que lorsque les centres médullaires sont détruits ou

lorsque les filets nerveux sont altérés dans leur trajet périphé-

rique.

6) La dysesthésie, la perversion de la sensibilité, peut se tra-

duire de différentes façons : Il Tantôt il y a simple irritabilité

réflexe de la vessie, les besoins d'uriner sont fréquents, la

vessie n'a pas le temps d'arriver jusqu'à l'état de distension

moyenne, que déjà la contraction réflexe se produit; 2° tantôt

le besoin est non seulement fréquent, mais il s'accompagne

d'une sensation douloureuse ; et, quand il est satisfait, une con-

traction douloureuse est ressentie au niveau des sphincters :

il y a ténesme ou spasme douloureux. Ces différentes formes

de vessie irritable peuvent se rencontrer dans le nervosisme

aigu ou chronique, dans la neurasthénie, l'irritation spinale,

la méningite spinale, l'ataxie locomotrice .

3° Existe-t-il des névralgies de la vessie et de l'urèthre ?

M. Gergaud ' met en doute et, avec raison, la cystalgi'e idzopa-.

thique; certains goutteux offrent des crises de vessie quelque-

fois avec hématurie mais, en l'absence d'autopsie, il convient t

de rester sur la réserve Quant à la névralgie de l'urèthre, à

]' w'étll1'al,qie, dont on a signalé des formes continues et inter-

mittentes, son existence n'est pas non plus bien établie eu

tant que névralgie pure.

4" Il ne faut pas confondre avec la névralgie, la dysesthésie,

la sensibilité douloureuse de la vessie et de l'urèthre que l'on

observe quelquefois dans l'hystérie et dans l'ataxie locomotrice

en particulier, soit spontanément, soit pendant la miction.

Parmi les phénomènes douloureux observés du côté de la ves-

sie et de l'urèthre sous la dépendance de lésions du système

nerveux, il faut surtout citer les crises vésicales et uréthrales

de l'ataxie.

Notons, pour terminer, ce qui a trait aux troubles de l'ex-

crétion urinaire, les hémorrhagies vésicales qui sont peut-être

les plus rares des hémorrhagies qui peuvent se produire chez

les hystériques , et les mictions sanguinolentes qui s'ob-

1 ipl'1111 ? 1)e.c cclnlqie.s et de leur 1),aitee ? ieîit Th., 1882.

5 Ch. Fn'f'. - Du cancer de la vessie, 18. l, p. 119.

236 REVUE critique.

servent exceptionnellement à la suite des crises vésicales de

l'ataxie.

Nous avons passé en revue, chemin faisant, les différentes

affections dans lesquelles on observe les troubles de la miction.

Il convient de remarquer que ces troubles n'existent d'une ma-

nière continue dans aucune affection cérébrale; la paralysie

générale des aliénés, qui parait dans certains cas faire excep-

tion, est en réalité une affection cérébro-spinale. D'autre part,

il s'en faut de beaucoup que toutes les lésions spinales s'accom-

pagnent de phénomènes de cet ordre : il n'en existe point dans

les dégénérations descendantes des cordons latéraux, ni dans la

sclérose latérale amyotrophique, dans la paralysie infantile,

dans la paralysie spinale de l'adulte, dans l'atrophie musculaire

progressive, dans la paralysie générale spinale, et, en particulier,

dans la variété paralysie générale spinale antérieure subaiguë

de Duchenne, dans quelques myélites centrales.

Si les affections de la moelle épinière retentissent fréquem-

ment sur les fonctions urinaires ; il n'est Pas inutile de le faire

, ™, .. .. "II .d al t .. q. " > . ,

remarquer, les affections des voies urinaires ont aussi quel-

quefois sur, la moelle, une, influence, pathogénique uon dou-

teuse. On peut, avec M. Charcot ? distinguer deux groupes de

faits : a) La propagation de rinflammation peut se faire d'un

point des voies urinaires vers la moelle, par le mécanisme de la

névrite ascendante ,('l'roja, Léÿden, Tiesler); et il se produit

une véritable myélite dont les symptômes sont ceux' d'une myé-

lite transverse ordinaire, et dont le pronostic est généralement

r' Daris d'antres é2s,,répondant à la 0 élexe de

grave. b) Dans d'autres cas, répondant à la paralysie réflexe de.

Brown-Séquard, les symptômes sont beaucoup moins graves'; il

il s'agit plutôt d'un affaiblissement parétique que d'une para-

lysie proprement dite (Charcot,); n'y a ni troubles sensitifs,

ni troubles trophiques, et il se produit souvent une modifica-

tion rapide et parfois même une cessation complète des acci-

dents paralytiques, sous l'influence d'un amendement dans

l'affection des voies urinaires (Charcot). On a expliqué ces

paralysies réflexes par un phénomène d'arrêt dû à l'irritation

des nerfs périphériques. Quelle que soit la valeur de cette in-

terprétation, il est bon de 'remarquer que ces sortes de para-

plégies'se rencontrent assez souvent chez de jeunes sujets

1 Charcot. - Leçons sur les maladies du système nerveux, t. II, 3e éd.,

p. 295.

DES TROUBLES URINAIRES. 237

(Stephanini, Dieu, etc.) ou chez des sujets nerveux; il est per-

mis de comparer quelques-unes de ces paralysies aux paraly-

sies qui se développent chez les hystériques en conséquence

d'une irritation périphérique, d'un traumatisme, etc. Ce rap-

prochement est d'autant plus acceptable qu'on a pu voir dans

les mêmes circonstances (extraction d'un calcul) paraître une

hémianesthésie incomplète (Le Dentu).

Dans un autre groupe de faits, l'inflammation des organes

urinaires se propage directement aux nerfs du bassin; et il en

peut résulter une névrite descendante qui détermine une para-

lysie plus ou moins complète; dans ces cas, la moelle n'est pas

atteinte, il s'agit de fausses paraplégies.

'/il.

. \\""

¡. 1 .. fla ? \ " 1 .

A. Dans l'ATAXIE locomotrice, les troubles de la sécrétion

, ,'f l, t.tt" .JI ? ,..... l, ..., if.. ,

urinaire' sont rares et peu marqués. L ollgune, à laquelle nous

avons fait allusion plus haut',1 paraît tout à fait exceptionnelle.

Les crises 'd'urine ," encore peu connues, semblent plus fré-

quentes : elles peuvent se 'produire de deux manières :

tantôt c'est' à la suite dé ' crises douloureuses sur les voies

urinaires 5 t tantôt c'est è.114eh ? rs de .toute autre manifes-

tation. t1 la suite d'une crise vésicale,' et à la suite seulement

de quelques" accès ? certains' malades ' éprouvent un besoin

impérieux d'uriner, et ils rendent une grande quantité d'urine

claire. Dans les'àutres cas, le malade, qui n'avait'rien éprouvé

de particulier du côté 'des organes urinaires, est pris tout à coup

d'une envie urgente ? et à"dès intervalles très' courts, rend une

quantité plus ou moins considérable d'urine presque incolore;

un de nos malades nous a affirmé qu'il avait'rendu ainsi plus de

deux litres d'urine'en quelques heures ! puis tout était rentré

dans l'ordre. On'peut'comparer ces diarrhées urinaires aux

phénomènes d'hypersécrétion qui ont été signalés pour les

glandes de l'appareil digestif '. ' "" ' 1 ',iI ' ?

, l, ., 1'1 ` Il 1.1q - ,

Nous nous contenterons de rappeler que, chez les ataxiques

qui ont eu des troubles vésicaux prolongés, on voit à fin

de la vie se produire une polyurie d'abord limpide, puis pu-

1 C. Putnam. - Recherches sur les troubles fonctionnels des nerfs vaso-

moteurs dans le tabès sensitif. Thèse, 1882.

'23, . 1"E% UE CRITIQUE.

rulente; mais ce trouble de sécrétion n'est pas en rapport avec

l'affection primitive, il est sous la dépendance de la pyélo-né-

phrite secondaire (Guyon, Bazy).

B. Signalés par Duchenne (de Boulogne), M. Charcot a fait

figurer les troubles de l'excrétion urinaire à titre de symptômes

ordinaires dans le tableau du tabes vulgaire; et c'est sans exagé-

ration que M. Geffrier a pu dire que « presque tous les

ataxiques ont eu, à une époque quelconque de leur maladie, des

troubles de la miction ».

Ces troubles sont très variés, et ils ont été dans ces derniers

temps l'objet d'une étude détaillée de la part de M. Fournier ' et

de M. Geffrier qui, sous un titre beaucoup plus compréhensif,

n'étudie guère en réalité que l'ataxie locomotrice.

Les troubles de la motilité du tabes sont, en grande partie

du moins, suus la dépendance d'altérations de la sensibilité; il

en est de môme en ce qui concerne les organes d'expulsion de

l'urine; aussi étudierons-nous d'abord ces altérations.

a) Les troubles de la sensibilité de l'urèthre et de la vessie se

présentent sous trois formes : anesthésie, dysesthésie, et crises

douloureuses, qui, comme tous les autres troubles urinaires,

trouvent leurs analogues, non seulement au point de vue de

leur forme, mais encore au point de vue de leur évolution, dans

les phénomènes tabétiques qui se montrent sur les autres ap-

pareils.

1° La sensibilité tactile de la vessie est àpeu près nulle, etson

abolition ne peut se constater que très imparfaitement par l'ab-

sence delasensation du besoin d'uriner. L'anesthésie del'urèthre

peut, au contraire, se constater directement; et d'ailleurs, le ma-

lade déclare qu'il ne sent pas passer l'urine. L'anesthésie de la

vessieetcelle de l'urèthre semblent aller toujours de pair; mais

la dissociation n'est pas impossible, car ces anesthésies viscé-

rales constituent, à pioprement parler, des anesthésies en

plaques qui s'étendent plus ou. moins autour du méat ou des

organes génitaux externes. La perte de la sensation du besoin

d'uriner doit être attribuée tout autant à la perte du sens mus-

culaire qu'à la perte de la sensibilité de la muqueuse ; elle est

'Fournier. - De l'ataxie locomotrice d'origine syphilitique, 1882. ,

= Geffrier. - Elude sur les troubles de la miction dans les maladies du

système nerveux. Thèse, 1884.

DES TROUBLES URINAIRES. 239

rarement en partie compensée par une sensation vague de

tension abominale. Certains malades constatent eux-mêmes

cette abolition du besoin et ils y suppléent en urinant volon-

tairement à de certaines heures; sans cette précaution, leur

vessie qui a perdu l'excitabilité réflexe se laisserait distendre

jusqu'à l'incontinence par regorgement. D'autres fois, la sen-

sibilité réflexe persistant, la miction se fait d'une manière in-

consciente. Ajoutons que, comme les autres anesthésies en

plaques de l'ataxie, l'anesthésie vésicale peut se modifier, s'at-

ténuer d'un moment à l'autre, c'est ce qui explique la variabi-

lité de la sensation du besoin de la miction chez certains sujets.

Si nous considérons l'anesthésie des voies urinaires comme

une anesthésie en plaques, nous ne pouvons guère concevoir

que l'anesthésie de l'urèthre puisse exister quand la sensibilité

de la vessie reste intacte. C'est pourtant ce qu'a avancé M. Gef-

frier, se basant sur ce que certains malades conservent le be-

soin d'uriner, et ne sentent pas couler l'urine. Nuus explique-

rions volontiers ces faits en disant que c'est seulement la

sensibilité des muqueuses qui est abolie, tandis qu'il y a per-

sistance du sens musculaire qui joue le principal rôle dans le

besoin d'uriner. Quoi qu'il en soit l'anesthésie de l'urèthre en-

traine des inconvénients multiples : ne sentant pasl'écoulement,

les malades ont besoin de voir, de toucher ou d'entendre pour

diriger leurs efforts ; quelques-uns éprouvent par suite une

certaine difficulté à uriner la nuit, il leur arrive de croire qu'ils

ont fini d'uriner quand ils n'ont pas commencé, ou de ra-

juster leur vêtement quand l'urine s'écoule encore.

2° L'hyperesthésie ou plutôt la dysesthésie, la sensibilité

exagérée et anormale peut atteindre la vessie seule; c'est elle

qui donne cette sensation de pesanteur, de tension continuelle

dans le bas-ventre, ces besoins fréquents et irrésistibles de mic-

tion en dehors de toute complication inflammatoire. Quelque-

lois elle s'accompagne d'une sensation de chatouillement, de

cuisson, de brûlure dans l'urèthre, existanttantôt d'une manière

continue et toute spontanée, tantôt ne se manifestant qu'au

moment du passage de l'urine. L'endolorissement de la région

membraneuse peut rendre compte des spasmes douloureux de

cette région. Cette dysesthésie présente aussi les caractères des

dysesthésies cutanées en plaques, c'est-à-dire qu'elles sont

très variables comme intensité, et que même elles peuvent

disparaître d'un moment à l'autre.

2\0 REVUE CRITIQUE.

3° Chez un certain nombre de sujets, les phénomènes doulou-

reux observés du côté de la vessie ou de l'urèthre, aulieu d'être

plus ou moins continus et uniformes, se présentent sous formes

de crises', sur lesquels M. Charcot a tout d'abord insisté. Ces

crises offrent tous les caractères des douleurs dites fulgurantes

de l'ataxie; tantôt ce sont de simples picotements, tantôt ce

sont des douleurs lancinantes, térébrantes, quelquefois assez

douloureuses pour arracher des cris au patient. Ces crises qui

durent généralement douze heures, ou un ou même plu-

sieurs jours, sont constituées par des accès composés eux-

mêmes d'une série de chocs douloureux qui se répètent

plus ou moins rapidement pendant quelques secondes ou

quelques minutes. Ces accès sont séparés par des intervalles

variables de quelques minutes à un quart d'heure, quelquefois

plus.

Les crises douloureuses peuvent affecter la vessie et l'u-

rèthre isolément, ou les deux ensemble. Les crises vésicales

sont caractérisées par des douleurs d'intensité variable siégeant

dans la profondeur de la région hypogastriquo ou au-dessus

du pubis; elles s'accompagnent de besoins fréquents d'uriner,

d'épreintes vésicales, de ténesme extrêmement pénible. Quel-

quefois les douleurs s'irradient dans la direction des nerfs scia-

tiques, et lorsqu'elles offrent le caractère térébrant, elles ne

sont pas sans analogie avec les douleurs du cancer de la vessie.

Plus souvent elles s'irradient vers l'urèthre et constituent alors

les crises vésico-urélhrales. Quelquefois la douleur siège exclusi-

vement dans l'urèthre. Dans la crise u1'élll1'ale, la douleur

rappelle encore plus exactement la fulguration; elles ont gé-

néralement une direction excentrique, naissant à la racine de

la verge et s'étendant avec la rapidité de l'éclair vers le méat.

Les malades la comparent à une sensation de fer rouge, de

rasoir, d'une série rapide d'étincelles électriques. Plus rare-

ment la douleur siège exclusivement à l'extrémité de l'urèthre

et ressemble plus ou moins aux élancements d'un abcès. Ces

crises uréthrales s'accompagnent fréquemment d'uréthro-

spasmes très pénibles. Souvent les douleurs uréthrales et vé-

sicales s'accompagnent d'irradiations douloureuses vers l'anus

ou de véritables crises anales, et nous ne serions pas surpris

1 Queudot. - Des crises douloureuses qui peuvent se montrer sur les

voies urinaires et dans les organes génitaux au cours de l'ataxie locomo-

trice. Thèse, 1882.

DES TROUBLES URINAIRES. 'S4f 1

que la variété singulière de névralgie ano-vésicale décrite par

Velpeau' appartint à l'ataxie locomotrice.

Un phénomène intéressant qui accompagne quelquefois les

crises vésicales et uréthrales, c'est Yhémorrhagie. Nous avons

observé à la Salpêtrière une malade qui, à la suite de chaque

crise vésicale, rendait des urines sanguinolentes et qui restaient

teintes pendant une journée ou plus. M. Geffrier a eu la rela-

tion d'un fait analogue, mais il ne l'accepte qu'avec un point

de doute2. Cependant ces hémorrhagies sont faciles à expli-

quer : M. Straus a montré qu'à la suite des douleurs fulgurantes,

on voit souvent apparaître au point qui en a été le siège des

ecchymoses plus ou moins étendues; il a même rapproché de

ces ecchymoses les hémorrhagies qui accompagnent les crises

gastralgiques et rectalgiques3. Les hématuries, à la suite de

crises vésicales, comportent la même interprétation pathogé-

nique. Ajoutons que MM. Raymond et Oulmont4 ont publié

une observation dans laquelle le pissement du sang était consé-

cutif à des crises qui avaient surtout pour siège l'urèthre.

b) Les troubles sensitifs commandent souvent, nous l'avons

vu, les troubles moteurs qui sont variables comme eux; mais de

même qu'il'existe dans l'ataxie des phénomènes paralytiques,

notamment du côté de'l'oeil, qui sont indépendants de toute

modification de la sensibilité, de même il peut-'exister du côté

de la vessie des troubles paralytiques indépendants.

Quoi qu'il en soit, l' ataxie lo'coin otriée est certainement l'affec-

tion du système nerveux qui 'offre' les troubles les plus variés

de la miction. ' t 1 . 1

1° La rétention d'urine' se présente à des degrés très divers

suivant le degré de la paralysie vésicale elle-même fort va-

riable. Certains malades sont'obligés de pousser et doivent

mettre un temps plus' ou' moins long à obtenir les premières

gouttes d'urine, quelquefois ils'sont obligés d'y renoncer

momentanément. D'autres' n'obtiennent un résultat qu'en

prenant les positions les', plus variées : les uns ne peuvent

uriner que debout, les autres doivent rester dans le décubitus

t i . t

1 Velpean. - Art. Anus(Dictr. en trente vol., 9e rez., t. III, p. z8,2,. (

Loc. cit., p. 125,

' Straus. Des ecchymoses tabétiques à la suite des crises de douleurs

fulgurantes (A2-ch. de Neurologie, t. I, p. b63.) '" ° '1 l' 'l' 1',1 ,

1 Gaz. méd. de Paris, 1881, p. 9-43. ,

Archives, t. VII. 16 si

: H.2 REVUE CRITIQUE.

dorsal, d'autres sont obligés de se mettre à genoux, de s'ac-

croupir. Malgré tous ces efforts, le jet est sans vigueur et sou-

vent l'écoulement s'arrête avant que la vessie ne soit vide;

quand la miction est terminée, le cathétérisme peut encore

fournir une certaine quantité d'urine.

'3° L'incontinence se manifeste de manières très différentes.

Tantôt elle est consécutive à la rétention, c'est l'incontinence

par regorgement qui n'a, dans sa forme, rien qui soit spécial à

l'ataxie. Quelquefois l'incontinence se manifeste d'une façon

tout accidentelle, quand le besoin d'uriner a été longtemps

retenu, le matin au réveil, quand la vessie est distendue, il

s'écoule malgré la volonté du sujet quelques gouttes d'urine

qui ne sont, en somme, que des atténuations del'incontinence

par regorgement. D'autres fois, l'écoulement se fait à propos

d'un effort, d'un accès de toux, ou même sans cause déterminée,

et bien que la vessie ne soit pas distendue. La miction in-

consciente, se faisant en jet à intervalles réguliers, est assez

rare, au moins dans le jour; cette forme d'incontinence noc-

turne est au contraire assez fréquente. L'incontinence pure

dans laquelle la vessie s'écoulant goutte à goutte reste toujours

vide est tout à fait rare.

3° Signalons enfin un trouble urinaire, sorte de combinaison

de rétention etd'incontinence, qui semble résulter de la perte du

sens musculaire. M. Geffrier la désigne sous le nom d'ataxie

vésicale et en fait un signe pathognomonique; nous préférons

la dénomination plus vague d' incoordination vésicale, par ce

que ce trouble n'est point spécial à l'ataxie, mais peut se ren-

contrer dans la paralysie générale et dans certains cas de tu-

meurs du mésocéphale en particulier. Certains malades, après

avoir fait de longs efforts pour uriner.obtiennent enfin un j et plus

ou moins vigoureux, mais tout à coup la miction s'arrête pour

reprendre après de nouveaux efforts et ainsi de suite. La mic-

tion se fait en plusieurs actes, comme le dit M. Fournier. D'autres

fois le malade, à la suite d'efforts prolongés, renonce à la mic-

tion, mais au bout d'un instant l'urine s'écoule malgré lui dans

ses vêtements. D'autres fois encore, le malade, après avoir uriné

en quantité suffisante, croit avoir fini, mais à peine s'est-il ra-

justé, que quelques'gouttes d'urine oubliées s'écoulent de nou-

veau.

Il importe de remarquer que, dans la forme dite ataxie hé-

réditaire ou maladie de Z%riedreicla, cette maladie de famille qui

DES TROUBLES URINAIRES. 1 243

par ses symptômes céphaliques, se rapproche de la sclérose

en plaques, tandis que ses troubles spinaux ont pu permettre

de la confondre avec l'ataxie de Duchenne; les fonctions vési-

cales ne sont nullement affectées.

Les troubles des voies urinaires dans l'ataxie locomotrice

peuvent apparaître dès le début; un de nos malades' souffrit

de difficultés à uriner huit ans avant d'avoir ses premières dou-

leurs fulgurantes ; quelquefois ces troubles apparaissent avec

les douleurs fulgurantes; mais le plus souvent ils se font

attendre jusqu'à la période confirmée du tabès. -

Le plus ordinairementils s'installent graduellement, progres-

sivement ; mais ils peuvent apparaître brusquement : le ma-

lade peut se réveiller avec une rétention complète. Ce dernier

mode d'apparition n'est pas spécial à la paralysie vésicale, or

sait qu'il existe un certain nombre de faits de paraplégie à

début brusque développées au cours de l'ataxie.

Souvent dans les deux premières périodes, ces troubles sont t

transitoires au même degré que les paralysies oculaires, les

phénomènes laryngés, etc. Il peut arriver toutefois qu'un ma-

lade qui a été affecté tout d'abord de difficultés de la miction

en reste affecté d'une manière continue pendant des années et

même définitivement. Les troubles d'excrétion qui arrivent à

la troisième période sont plus ou moins permanents et si

nissent par déterminer des troubles inflammatoires de la vessie

et du rein qui constituent les causes de mort les plus fré-

quentes du tabcs.

La valeur pronostique des symptômes urinaires dans le

tabes estdonc très variable. Quelle est leur valeur diagnostique ?

A cette question : «Y a-t-il donc moyen dediagnostiquerl'ataxie

locomotrice alors que les symptômes urinaires sont les seuls

dont se plaigne le malade ? » M. Geffrier répond «le plus sou-

vent oui »; nous ne pouvons pas partager cet avis. M. Gef-

frier ne cite d'ailleurs aucune observation dans laquelle ce dia-

gnostic ait été fait en l'absence de tout autre phénomène tabé-

tique. Les preuves qu'il apporte à l'appui de son opinion se

résument dans les affirmations suivantes : L'expulsion involon-

taire et parfois inconsciente d'un filet d'urine, l'incoordination

vésicale, l'anesthésie vésicale et uréthrale,constituent autantde

Charcot et Féré. - Affections osseu.es et articulaires du pied chez

les tabetiques (Ai-eh. de Neurologie, t. VI, 1883, p. : 106).

244 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

signes pathognomoniques. Rien n'est moins exact, avec des lé-

sions des voies urinaires et ces divers symptômes peuvent se ren-

contrer dans différentes affections spinales ou cérébro-spinales.

M. Fournier avait donné une note plus juste en disant qu'en

l'absence de maladies des voies urinaires, ces signes doivent faire

soupçonner une affection du système nerveux et en particulier

l'ataxie, qui paraît une des plus fréquentes. Tout ce qu'on peut

dire c'est qu'il est des sujets qui présentent des troubles de la

miction dont les voies urinaires sont intactes, ce sont des « faux

urinaires », comme dit M. Guyon', et les troubles dont ils sont

affectés reconnaissent pour cause une affection du système

nerveux; mais il reste à chercher, en s'aidant de la connais-

sance des associations symptomatiques, de quelle affection spé-

ciale il s'agit. ,

Ce qu'il importerait surtout de faire, c'est un diagnostic, mé-

dical, ne nécessitant pas une exploration directe, qui dans les

mauvaises conditions trophiques où se trouvent les ataxiques,

peut leur être très préjudiciable.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. Grande hystérie chez l'homme; par PASTRRNATXKI. (Archives de

Psychiatrie et Neurologie russes, 1883, t. Il.)

M. Pasternatzky donne une description d'un cas de grande hys-

térie chez l'homme suivie d'un état léthargique et cataleptique; ce

cas est surtout intéressant au point de vue de la localisation de cet

état, seulement d'un côté du corps. Il s'agit d'un jeune officier de

vingt-quatre ans. Mère nerveuse. Étiologie bien vague ; à l'âge de

dix-neuf ans, il fut saisi d'effroi à la vue de son ami mort pen-

dant les manoeuvres. La maladie a commencé par une période

d'excitation de son état mental et des convulsions générales, dont

1 F. Guyon. - Leçons cliniques sur les maladies des voies urinaires, 1881,

p. 2f, 73, 205.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 245

il était attaqué de temps en temps sous l'influence de la moindre ex-

citation. Dans l'année 1882 (deux années après), il était pris d'une

paralysie des deux membres inférieurs, qui a disparu après l'ap-

plication de moxas au niveau des dernières vertèbres dorsales. Ischu-

rie ; spasmes laryngés. ,

Maintenant, je veux résumer, sans entrer dans les détails du trai-

tement, l'état dans lequel se présentait le malade à M. P... : sujet

très irrité et impressionnable; le moindre bruit ou contact pro-

voque une attaque qui se manifeste avec des convulsions toniques,

commençant par la face, le membre supérieur et ensuite l'infé-

rieur ou vice versa, seulement du côté gauche, et devenant ensuite

cloniques. L'attaque est régulière et suivie souvent de délire et

de perte de connaissance. Les périodes ne sont pas bien déterminées,

quoiqu'il ne manque pas l'urc. Forte hyperesthésie du côté gauche;

réflexes tendineux (à gauche) très exagérés. Les ligaments très sen-

sibles au contact. Points hystérogènes dans la partie iliaque gau-

che et entre les troisième et huitième vertèbres dorsales, dont la

compression peut arrêter la soi-disant attaque en faisant fixer les

yeux, ce qui le place dans un état léthargique, qui est suivi d'une

hyperezcitdbilité neuro-musculaire. On peut suggérer au malade

des hallucinations de la vision et de l'ouïe (idée de son camarade

tué et marche funèbre qui provoque de sa part une attaque hysté-

rique). En ouvrant l'oeil gauche, on fai tcessercetétat, eton lechange

en un état cataleptique (conservation des attitudes qu'on donne

aux membres). En étudiant ce cas intéressant, il est regret-

table que l'auteur ait omis l'examen de la vue (champ visuel,

achromatisme, sensibilité de la cornée, etc.) et des sens spéciaux

qui pourrait être très précieux pour le diagnostic, et, d'autre part, il

n'est pas faitmention, dans l'observation. de l'état de somnambulisme

provoqué. Quant aux hallucinations provoquées du malade dans

l'état léthargique, elles ne sont pas propres à cet état et l'auteur a eu

bien tort de le lui attribuer; probablement c'était justement de

l'état de somnambulisme provoqué qu'il s'agit. T. KAHN.

H. Note sur l'étiologie DE L'HERPÈS ZOSTER; par W. ERD.

(Neurolog. Centralbl., 1882.)

Il existe des zonas endémiques ou semi-épidémiques. M. Erb

apporte deux faits dans lesquels la maladie se déclare successivement

(lE cas) ou à peu près en même temps (2° cas) chez la fille et la

mère. Il tend dans l'espèce à croire à la nature infectieuse de

la maladie. Remarque clinique : la violence et la durée de la

névralgie concomitante s'accroissentavec l'âge des individus atteints.

P. K.

2tH REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

,111. Fièvre zoster ET exanthèmes zostériformes : par M. Landouzy.

, (La Semaine médicale, 20 septembre 1883.)

La distribution des lésions cutanées du zona avaient depuis

longtemps démontré qu'une neuropathie se cachait derrière l'af-

fection de la peau (l3aerensprunâ, Charcot, Parrot, Daniellsen,

Mitchell, etc.). Mais des particularités importantes de l'évolution du

zona avaient échappé à la plupart des auteurs. On avait à peine

remarqué qu'il ne récidive qu'exceptionnellement (Kaposi, Fabre,

Duhring, Hardy.) D'autre part, les manifestations fébriles qui accom-

pagnent l'éruption avaientpeu frappé (Grisolle, Trousseau, Hardy et

- Uéhier). M. Landouzy, se basantsur ces caractères, et aussi sur cette

.circonstance qu'un zona n'entre jamais seul à l'hôpital (Hardy), et

qu'un certain nombre de faits établissent quelques vraisemblances

de contagion (Trousseau, Erb), arrive à conclure que le zoster est

une « maladie générale, fébrile, spontanée, aiguë, presque cycli-

que, se terminant toujours par guérison, conférant l'immunité,

maladie générale à détermination cutanée circonscrite, laquelle

détermination cutanée est subordonnée ci une neuropathie spéci-

fique ». La fièvre zoster diffère de la fièvre herpétique qui récidive

très fréquemment.

a) Le zoster, maladie aiguë, presque cyclique, infectieuse, con-

férant l'immunité, est une maladie générale à détermination cir-

conscrite sur le système nerveux (c'est une neuropathie infectieuse),

et à expression cutanée dystrophique secondaire.

, b) Il y a le zoster maladie générale, comme il y a la scarlatine.

11 y a une fièvre-zoster, comme il y a une fièvre scarlatine et des

éruptions zostériformes (névrites traumatiques, ataxie locomotrice,

etc.), comme il y a des exanthèmes scarlatiniformes, comme il y a

une fièvre parotidienne et des parotidites.

C'est à la séméiotique qu'il appartiendra d'enseigner à ne pas

confondre la maladie zoster avec les pures expressions symp-

tomaliques zostériformes. Il en est de ce diagnostic différenciel

comme de savoir distinguer une scarlatine d'un exanthème scar-

latiniforme, les oreillons d'une parotidite, la coqueluche de la toux

coqueluchoïde, la fièvre rhumatismale du pseudo-rhumatisme.

c) Il y a entre le zoster et les éruptions zostériformes, toute la

distance qui sépare et toute la différence qui distingue une mala-

die d'un symptôme. CH. F.

IV. MÉNINGITE TUBERCULEUSE CHEZ UNE JEUNE FILLE DE DIX-NEUF ANS;

) par M. LraNDIEa. (France médicale, t. I, 1882.)

La maladie débuta par de la céphalalgie et de la diarrhée, ce

qui fit porter le diagnostic de fièvre typhoïde. Plus lard, la lenteur

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 247

du pouls, les cris poussés par la malade quand on lui touchait la

tête, l'agitation nocturne, la race méningitiqu", etc., permirent de

rectifier le diagnostic. A l'autopsie, on trouva dans les poumons

des tubercules à différents degrés d'évolution, dont l'existence

avait passé inaperçue pendant la vie, et dans le cerveau un semis

de granulations tuberculeuses limitées à la scissure de Sylvius

droite. G. D.

V. Un cas D'HYSTÉRIE chez l'homme; par ,1\1. LECOQ.

(France médicale, t. I, -188 ? .)

Il s'agit d'un homme de vingt et un ans, fils d'alcoolique, atteint

de contracture permanente des membres inférieurs avec pieds bots,

qui présenta des contractures passagères des autres membres, des

attaques convulsives au cours desquelles on put observer une

hyperexcitabililé musculaire remarquable et un érythème presque

généralisé. G. D.

VI. Tremblement hystérique d'origine traumatique DU MEMBRE INFÉ-

rieur droit; par M. Carafi. (France médicale, t. I, 88.)

Il s'agit, dans cette observation, d'une jeune fille de dix-huit ans,

qui, entre autres manifestations hystériques (crises nerveuses, apho-

nie, hémianesthésie droite, etc.) était atteinte d'un tremblement

convulsif du membre inférieur droit qui la condamnait à garder

le lit depuis plusieurs mois.

A la suite d'une élongation du nerf sciatique pratiquée par

111. boum, au-dessousdu bord inférieur du prandfessier, ce tremble-

ment disparut au bout de quelques jours.- La sensibilité reparut

un peu plus tard, mais ce n'est qu'au bout de cinq mois environ,

que la marche devint facile et régulière, sans aucune espèce de

boiterie. G. D.

VII. Paralysie saturnine DES EXTENSEURS DR la main par INTOXICA-

. TION locale ; par M. rRÉI(O`7T. (France médicale, t. I, 1882.)

Cette observation est intéressante en raison de la cause qui a

déterminé la paralysie. - Le malade ayant renversé, par mégarde,

un tonneau de céruse, se servit de la main et de l'avant-bras pour

la ramasser. - Les accidents restèrent localisés aux extenseurs

de cette région et on ne constata aucun signe d'intoxication géné-

rale. G. D.

248 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

VIII. Paralysie DIPHTHERITIQUR; par M. DAMASCHINO. (Journal de méde-

cine et de chirurgie pratiques, t. LUI, 1882.)

L'auteur rapporte quatre cas de paralysie diphthéritique : deux

d'entre elles restèrent limitées au voile du palais; les deux autres

s'étendirent aux membres supérieurs et inférieurs. L'ensemble

symptomatique, dans un de ces cas, ressemblait si bien à la para-

lysie générale, que le malade fut envoyé à l'hôpital comme atteint

de cette affection. G. D.

IX. Paraplégie hystérique ; par M. Moizard. (Journal de médecine et

de chirurgie pratiques, t. LUI, 1882.)

Il s'agit d'une jeune fille de douze ans, présentant les attributs

de l'hystérie qui, trois fois dans le cours de la même année, fut

atteinte d'une paralysie des membres inférieurs, qui survint et

disparut brusquement. G. D.

X. Paralysie PSEUDO-HYPERTROPHIQUE; par M. DAMASCHINO.

(Journ. de méd. et de chirurg. prat., t. LUI, 1882.)

L'auteur rapporte deux nouveaux exemples de cette maladie

qui peut se montrer sous quatre formes diverses : dans la pre-

mière, tous les muscles sont hypertrophiés ; dans la seconde

quelques muscles sont hypertrophiés en même temps que d'au-

tres sont atrophiés; dans une troisième, la maladie reste

limitée à quelques muscles; - dans une quatrième enfin, qui

paraît être beaucoup plus rare, ce qui domine dans l'altération

des muscles, c'est une tendance à la sclérose qui imprime aux

réactions un caractère d'élasticité tout particulier.

L'hérédité semble jouer un rôle important dans cette maladie.

car il n'est pas rare d'observer son développement chez plu-

sieurs enfants de la même famille. G. D.

XI. DE l'irritation cérébrale chez les enfants; par M. Jules Simon.

(Fiance médicale, t, I, 1882.)

Sous ce nom, l'auteur décrit un trouble permanent du système

nerveux, caractérisé par des désordres fonctionnels variables du

côté des sens, de la sensibilité, de la motilité sans lésion d'aucune

espèce, si ce n'est peut-être une circulation cérébrale trop active.

Les enfants qui sont atteints de cette affection, habituellement

d'origine héréditaire, peuvent, à l'âge de la seconde enfance, deve-

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 2t9

nir idiots ou épileptiques. Les soins hygiéniques et le bromure de

potassium constituent le meilleur mode de traitement. G. D.

XII. SYPHILIS cérébrale, guérison; par M. CHANTEMESSE.

(France médicale, t. I, 1882.)

Cette observation est intéressante, parce que les troubles intel-

lectuels (idiotie presque complète) étaient beaucoup plus consi-

dérables que les troubles somatiques (hémiplégie faciale incom-

plète et anesthésie du bras droit). Le traitement spécifique eut rai-

son de tous ces accidents. G. D.

XIII. BLESSURE DE la MOELLE cervicale par UNE ÉPINGLE A CHEVEUX;

par M. ViRY. (Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. LUI,

1882.)

Une jeune fille de seize ans, enlevant son chapeau, s'enfonça par

mégarde une épingle à cheveux très acérée dans le côté droit de la

nuque, entre la troisième et la quatrième vertèbres cervicales. A la

suite de cet accident on observa une perte de connaissance, et une

paralysie de la motilité et de la sensibilité de tout le côté gauche,

accompagnée de vomissements et de vertiges. Les troubles mo-

teurs ne durèrent que quelques heures, les troubles sensitifs, au

contraire, persistèrent une vingtaine de jours, au bout desquels la

malade fut définitivement guérie. G. D.

XIV. Contribution A la pathogénie du diabète INSIPIDE; par Flatten.

(Arch. f. Psych. u : Nervenk., XIII, 3.).

Homme de vingt-deux ans présentant successivement, à la suite

d'un coup violent sur le côté gauche du cou et de l'occiput, une

perte de connaissance d'une demi-heure, une céphalalgie violente,

des bourdonnements et de la surdité de l'oreille gauche, de la

diplopie, de la polydipsie, de la polyurie, de la sécheresse de la

gorge, une éruption furonculeuse. Un mois après le début des acci-

dents, paralysie de l'oculo-moteur externe gauche, parésie légère

de l'oculo-moteur externe droit; à ce moment, l'acuité auditive de

l'oreille gauche est normale mais le malade ne peut différencier

les sons que par transmission au contact des os du crâne ; il urine

de 10,000 à 14,000 cent. cubes : ni albumine, ni sucre. Améliora-

tion, grâce à K. I. et aux courants constants. M. Flatten croit qu'il s'est

formé un fo3 er célébrai circonscrit (hémorrhagie), immédiatement

au-dessous du noyau de l'oculo-moteur externe gauche, dépassant

un peu la ligne médiane du côté droit, et intéressant de ce fait,

outre les fibres des deux oculo-moteurs externes, le centre des

vaso-moteurs rénaux. P. K.

250 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XV. Sclérose latérale AY01[tOP)HQUH; par MM. lflEnzEEwss1 et

HLiTZKY. (Messager de Psychiatrie et de l'ev·opathologic de Saint-

Pétersbourg, 1883, p. G9-81.)

Les auteurs donnent la description détaillée d'un cas qui s'est trouvé

sous leur observation pendant ingt-trois mois. Il s'agit d'une

femme, âgée de trente-cinq ans, morte après trois ans de maladie.

Pendant la vie, elle présentait tous les symptômes classiques de la

sclérose latérale amyotropbique, atrophie des muscles avec con-

tractures dans les poignets et les pieds, exagération des réflexes

tendineux, diminution quantitative de la réaction électrique.

Pas de trouble de la sensibilité, nuls troubles aussi du côté de la

vessie ou du rectum. Atrophie de la langue avec parésie qui s'est

associée pendant les dernières périodes de la vie, ainsi que les

troubles de la parole qui ont notablement augmenté quelque temps

ataut la mort. Le diagnostic, fait par exclusion des autres entités

morbides, fut confirmé par l'autopsie. L'examen histologique fait

sur coupes (d'après la méthode d'I;rlitzhy), démontra les lésions

classiques des faisceaux latéraux sur toute l'étendue de la moelle,

sclérose des cornes antérieures très prononcée, surtout dans le ren-

flement cervical et atrophie des racines antérieures. Dans le bulbe,

l'étage supérieur (sensitif) de l'entrecroisement inférieur ne pré-

sente pas de lésions. Le noyau du nerf hypoglosse est seulement

altéré, les autres ne le sont pas. Ce dernier qui se compose d'après

Meynert, de deux noyaux, l'un (d'après M. Duval) classique,

l'autre accessoire plus éloigné du raphé, était altéré de la manière

suivante : Sclérose beaucoup plus prononcée dans le noyau médian

(classique) et beaucoup plus faible dans l'accessoire. Ce fait indique

que les considérations deDuval et Raymond sur l'existence de deux

centres séparés, pour la langue sont confirmés par les recherches

des auteurs. On peut conclure aussi qu'il est très probable que le

centre classique n'est pas non seulement moteur pour la parole,

mais trophique en même temps.

En donnant la description détaillée de ce cas de sclérose latérale,

analogue aux faits décrits par Debove et Combault, les auteurs

insistent beaucoup que leur cas confirme pleinement les idées

de M. Charcot, sur l'existence de la sclérose latérale amyotro-

phique comme entité nosologique à part. Idée, comme on le sait,

nui était combattue par Leyden. Les cas de cette maladie, disent

les auteurs, ne sont pas précisément très fréquents, mais leur exis-

tence est indéniable. Sept figures chromolitograpbiées illustrent

la description. S. D.\N1LLO,

XVI. De la mort subite ET du coma dans LE diabète; par l'h. Frerichs

· (Zeitschrift fùr Klinische àledicin, 1883, VI" vol., t Cr fasc.)

On sait combien l'étude du coma diabétique offre encore d'in-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 251 1

connues : il importe donc de signaler des travaux comme celui de

Th. Frerichs qui se recommande non seulement par l'énumération

des théories actuellement admises, mais surtout par l'exposé de

recherches expérimentales personnelles et de faits cliniques iné-

dits. Nous insisterons principalement sur ces derniers.

Frerichs divise en trois groupes les cas soumis à son observa-

tion. Le premier groupe comprend les diabétiques qui tout à

coup tombent abattus, épuisés, et qui succombent en quelques

heures, emportés par une faiblesse générale qui va progressive-

ment jusqu'à la somnolence et enfin la perte complète de con-

naissance. Souvent, ajoute l'auteur, c'est après un effort, un excès

de fatigue que survient cet accident ultime. Et les observations de

Frerichs confirment pleinement la remarque si judicieuse de

M. J. Cyr relativement au danger des marches forcées ou des

voyages. Dans l'observation, le sujet déjà fatigué marche néan-

moins : il tombe au milieu de la route. Le troisième cas cité par

Frerichs est celui d'un homme de quarante ans qui fait une route

de douze milles : arrivé au terme du voyage il tombe sans con-

naissance et meurt dans le collapsus en six heures. De même dans

la quatrième observation le coma se produit après un voyage

en Orient.

Le deuxième groupe de faits diffère du précédent par la pré-

sence de phénomènes précurseurs : en outre, le tableau clinique y

est moins uniforme. On y retrouve comme accident terminal la

faiblesse avec refroidissement des extrémités et petitesse du pouls.

Mais combien de symptômes viennent se surajouter. Douleurs

dans le thorax, l'abdomen, plus souvent douleur de tête; agitation,

délire, angoisse extrême, manie, dyspnée avec ou sans cyanose,

qui ne s'explique pas par l'examen direct des voies respiratoires,

odeur de chloroforme répandue par l'haleine et l'urine des

malades, troubles gastriques ou intestinaux : le tout aboutissant à

la somnolence et au coma.

La même variété se remarque aussi dans les circonstances qui

favorisent ou déterminent l'apparition de l'ictus. Une affection

locale sans importance, telle qu'une pharyngite, un abcès den-

taire, peut en être le point de départ, tout comme nous l'avons

établi ailleurs pour les traumatismes, si légers soient-ils. Il va s'en

dire qu'une bronchite, une broncho-pneumonie, un phlegmen

pourront avoir la même influence.

Troisième groupe. Au lieu d'être affaiblis comme les malades

des deux autres groupes, ceux du troisième ont conservé leurs

forces intactes ou peu s'en faut : ils n'éprouvent aucune anxiété

respiratoire, aucune dyspnée. La céphalalgie apparaît tout

d'abord; puis la démarche devient chancelante comme celle d'un

homme en état d'ivresse : enfin le sujet ressent un impérieux

252 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

besoin de dormir; la somnolence s'établit, puis un coma profond

d'où le diabétique ne sort plus. L'odeur caractéristique de

l'haleine, la réaction des urines qui deviennent rouges par

l'addition de perchlorure de fer, complètent l'ensemble patho-

logique. -

Après cet exposé clinique, l'auteur passe en revue les moyens

thérapeutiques usités : les excitants (injection d'éther), comme les

antizymotiques (acide carbonique, acide salicylique) furent égale-

ment inefficaces. Et c'est encore en vain que Frerichs s'efforça de

discerner les phénomènes qui ont accompagné et peut-être pro-

duit une amélioration passagère ou définitive.

Il parait aussi embarrassé dans le choix d'une théorie qui

puisse expliquer ces accidents. Après les avoir battues en brèche

pour la plupart (urémie, embolies graisseuses, etc.), il insiste plus

particulièrement sur l'acétonémie.

Depuis que Petters, en 1857, eut démontré dans l'urine d'un

malade plongé dans le coma diabétique la présence d'un corps

ayant toutes les propriétés de l'acétone, on ne fit aucune difficulté

de considérer l'acétonémie comme la cause de troubles nerveux.

On raisonnait par analogie en assimilant ces symptômes à ceux

de l'intoxication chloroformique. Frerichs ne nie pas qu'on puisse

extraire l'acétone de l'urine des diabétiques. Mais, dans ses

recherches réitérées, il n'a pu reproduire des phénomènes iden-

tiques ou ressemblant à ceux du coma. Il a pu faire ingérer à des

animaux et même à des hommes de fortes doses d'acétone sans

observer aucun trouble notable et n'a pas mieux réussi à extraire

l'acétone des urines. « Nous ne pouvons donc pas accepter, dit-il,

que l'acétonémie soit la cause des accidents; et le mot même

devrait être effacé de la pathologie. »

Gehrard (1865) ayant incriminé non l'acétone, mais l'acide

éth) IdiacétiqL : e, ses expériences furent reproduites par Salomon

et 13riegen sous la direction de Frerichs. Mêmes résultats

négatifs.

On ne peut pas mieux admettre la théorie d'Ebstein. Les reins,

d'après lui, auraient subi une sorte de nécrose qui amènerait un

trouble dans l'élimination des substances extractives et leur accu-

mulation dans l'économie. Mais la lésion épithéliale n'est pas

constante dans les cas de coma et on la trouve également chez

les diabétiques qui succombent à la phthisie sans aucun accident

nerveux.

Frerichs conclut que la cause de la mort en pareil cas n'est pas

unique. Pour le premier groupe (troubles circulatoires graves,

collapsus sans délire), il admet une paralysie du coeur dont la

fibre musculaire est dégénérée ou détruite.

Dans les deux autres groupes de faits, l'urine et l'haleine offrant

une réaction caractéristique, l'auteur pense qu'il s'opère dans le

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. po3

sang du diabétique une série de décompositions chimiques dont

nous ne connaissons que les produits terminaux (l'acétone et

l'acide acétique) et qui constitueraient une intoxication dia-

bétique.

Pourquoi Frerichs ne discute-t-il même pas la théorie du pro-

fesseur Bouchard ? Pourquoi n'insiste-t-il pas sur l'importance des

déperditions abondantes de liquides et sur l'état de sécheresse

particulière des centres nerveux qui parait jouer un rôle si

important dans la pathogénie du coma diabétique ? C'est là, dans

un mémoire qui paraît vouloir résumer l'état actuel de la science,

une lacune regrettable. Ferd. DIIEYFOUS.

XVII. Deux cas d'hystérie; par G.-L. Walton

(Arch. of medicine, \ew-1'orlc, august 1883.)

1° Le premier cas a trait à un homme chez lequel, il 'la suite d'un

traumatisme, on vit survenir une hémianesthésie hystérique.

il Dans le second cas, il s'agit d'une hémihypcresthésie cutanée coin-

cidant avec une diminution de la sensibilité spéciale de l'oeil et de

l'oreille. M. Walton trouve là une exception à la règle que nous

avons posée de la coïncidence de l'altération fonctionnelle des sens

spéciaux et de troubles de la sensibilité des téguments qui les re-

couvrent. C'est à tort, car hyperesthésie ne veut pas dire perfec-

tionnement, mais perversion de la sensibilité; le cas de M. Walton

vient donc à l'appui de la règle. Nous avons du reste à différentes

reprises signalé des faits du même genre " CH. F.

XVIII. GOITRR. Mort par paralysie des coudes vocales; par J. SElTZ.

(c'angenbcc/¡'s Archiv, t. XXIX, fasc. 1.)

Femme de vingt ans vient une première fois consulter Seitz pour

son goitre, n'avait alors aucun accident Revient trois mois plus

tard avec de la toux, une très légère oppression, la voix normale,

mais une toux d'un timbre creux et comme vacillante; le goitre

était plus gros et plus résistant. La malade meurt subitement cette

nuit même en quelques minutes avec des signes évidents d'obstruc-

tion laryngée.

A l'autopsie, la partie moyenne du goitre contient un kyste de

la grosseur d'une petite pomme ; aucune trace de ramollissement

de la trachée; le récurrent droit est absolument sain; le gauche,

un peu plus volumineux', est plus aplati surtout au niveau où il est

interposé entre le corps thyroïde et les voies aériennes.

Après avoir passé en revue les différents mécanismes de la mort

1 Ch. Féré. Notes pour servir à l'histoire de t'hysttiro-épilepsle. (AI-Ch.

de Neurologie, 1882, t. 111, p. 85.)

254 sociétés savantes.

dans le goitre, Seitz les rejette absolument, pour admettre qu'il

n'a pu y avoir qu'une paralysie des récurrents; bien qu'il n'y ait

pas eu d'examen laryngoscopique, il regarde le son de la toux

comme tout à fait caractéristique, et voici d'après lui par quel

mécanisme l'asphyxie serait survenue : Sous l'influence d'une

excitation quelconque les constricteurs de la glotte ont été pris de

crampes (ils étaient peu ou pas paralysés, ainsi qu'en témoignait le

son parfaitement normal de la voix), tandis que les dilatateurs de

la glotte beaucoup plus paralysés n'ont pu faire cesser à temps

l'obstacle apporté à l'entrée de l'air dans la trachée.

L'examen microscopique n'a révélé aucune lésion bien nette

soit des récurrents, soit des muscles du larynx, ce que l'auteur

attribue à la courte durée de la compression des récurrents.

Voir dans l'original la discussion très détaillée à laquelle se livre

Seitz pour établir que tel a bien été le mécanisme de la mort et le

relevé des observations analogues qu'il a pu trouver dans la litté-

rature médicale.

A la fin de ce travail se trouve une analyse d'un mémoire de

Johnson sur les symptômes laryngés produits par la compression

du pneumogastrique ou des branches de ce nerf. P. Marie.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 12 novembre 1883. Présidence DE M. Motet.

M. Faliset. Dans une séance de l'été dernier, notre président

vous a développé les dispositions du nouveau projet de loi sur les

aliénés relativement aux différents modes d'entrées dans les

asiles ; je viens à mon tour attirer votre attention sur les sorties,

en insistant sur trois points principaux :

1° Les sorties à titre d'essai ;

2° Les sorties définitives des aliénés dangereux dits criminels;

3" Les sorties des aliénés incurables et inolt'ensit's.

Les publicistes qui ont tant écrit contre la loi de 1838, se sont

surtout occupés de l'entrée des malades à l'asile, en s'élevant

SOCIÉTÉS SAVANTES. 255

contre l'arbitraire du médecin, dont un simple certificat suffit pour

faire interner un de ses concitoyens; mais ils ne se sont guère

préoccupé de la question des sorties, et cependant ce point de vue

me semble tout aussi intéressant que le premier pour la liberté

individuelle. D'ailleurs de graves accidents arrivés récemment

à la suite soit d'évasions, soit de sorties trop hâtives, donnent

de l'actualité à la question. Les sorties à titre d'essai sont surtout

appliquées en province où le médecin, plus au courant qu'à Paris

des habitudes du milieu dans lequel son malade est appelé à vivre

temporairement, se rend un compte plus exact du bénéfice à tirer

pour l'aliéné d'une sortie provisoire qui deviendra définitive

s'il s'est bien comporté pendant l'expérience. Tel aliéné qui

pourra vivre en liberté dans une petite ville de province ne pour-

rait le faire à Paris, où bien des choses de la vie sont si différentes,

et où il be trouverait exposé à trop de causes d'excitation et à trop

de dangers. Jusqu'en ces temps derniers, la préfecture de police

n'admettait pas, du reste, les sorties à titre d'essai. Depuis peu

cependant, le préfet de police les tolère', et nous y trouvons de

grands avantages, soit pour juger de l'état intellectuel de certains

sujets qui se montrent si différents d'eux-mêmes suivant qu'on les

observe à l'asile ou dans leur milieu, soit pour assurer certaines

guérisons en évitant un retour trop brusque aux anciennes habi-

tudes.

La nouvelle loi a prévu l'utilité de ces sorties maintenant assez

fréquentes surtout dans les maisons de santé privées, où le médecin

est en rapport plus direct avec les familles, et nous en trouvons

la mention dans le projet de M. Fallières. Sans doute elles peuvent

présenter des inconvénients, j'en invoque pour témoin l'histoire

d'un malade que Brière de Boismont avait laissé sortir provisoi-

rement et qui commit un meurtre peu de jours après son arrivée

dans sa famille ; mais c'est là fort heureusement un accident rare

qui doit rendre le médecin circonspect, mais non pas le priver

d'un excellent moyen de diagnostic et de traitement. On peut

aussi craindre que les familles n'abusent de leur malade, en lui

faisant donner des signatures préjudiciables à ses intérêts pécu-

niaires ; ce sont encore des cas délicats que le médecin devra

prévoir, mais qui ne constituera pas d'empêchements réels à la

continuation de cette pratique. '

Les sorties à titre d'essai admises, il reste à en fixer la durée

pour éviter tout abus. Je crois, pour ma part, qu'un mois serait

un laps de temps suffisant.

Le second point sur lequel je désire attirer votre attention n'est

1 Cette tolérance a été accordée à la suite des démarches faites par

M. l3ourneville auprès de la préfecture de police et de l'Administration

de l'assistance publique.

5(i 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pas moins important. Si nous avons longuement discuté l'entrée

à l'asile des aliénés dangereux dits criminels, nous n'avons que

peu parlé de leur sortie. Convient-il de l'entourer des mêmes

mesures administratives et judiciaires appliquées à l'entrée ?

Dans la loi de ')83S, tous les aliénés, quel que soit leur mode

d'admission, tombaient dans la loi commune, et le médecin deve-

nait le seul juge de l'opportunité de leur sortie. Certains chefs

de service, effrayés de la responsabilité qui leur incombe, avaient

demandé à voir cette responsabilité partagée par une commission

composée de médecins et de magistrats. En Angleterre, quand

un malade réclame sa sortie et que le médecin ne croit pas pouvoir

la lui accorder, sa demande est envoyée à une commission supé-

rieure dont la décision est souveraine.

Convient-il d'instituer en France une semblable commission

et, dans le cas où on l'instituerait, comment devra-t-elle être com-

posée ? Serait-elle formée uniquement de médecins ou mixte ? ' !

Ne vaut-il pas mieux, au contraire, laisser au chef de service seul

compétent, pour juger de l'état mental de ses pensionnaires, une

responsabilité à laquelle il ne doit pas chercher à se soustraire ?

La Société médico-psychologique a le droit de se prononcer.

Vous savez que, d'après la loi actuelle, personne ne peut s'op-

poser à la sortie d'un aliéné quand le médecin traitant a constaté

la guérison par un certificat, et cependant il y a en France un

aliéné séquestré administrativement depuis sept ans, malgré un cer-

tificat médical constatant qu'il peut être rendu à la liberté. Cet

aliéné avait commis un meurtre, et le préfet n'ose pas lui ouvrir

la porte de l'asile.

M. Legrand du Saulle et moi avons eu à Bicêtre un individu du

même genre qui nous a fort embarrassés; c'était Thouviot, un

épileptique homicide qui, depuis longtemps, ne présentait aucune

manifestation délirante; s'il ne s'était pendu, je ne sais encore

ce que nous aurions fait de lui. Il ne délirait plus et cependant,

le lendemain de sa sortie, il pouvait être pris d'un nouvel accès

d'épilepsie larvée et commettre de nouveaux meurtres. Certains

médecins, partageant l'opinion d'Aubanel, pensent que tout aliéné

qui a commis un meurtre doit être enfermé pendant toute sa vie.

Ce n'est pas mon avis, et pourtant je sais, comme tous les alié-

nistes, que certains individus qui, pendant un long séjour à l'asile,

n'ont présenté aucunes manifestations délirantes, retombent fatale-

ment dès qu'ils se trouvent dans les conditions ordinaires de la vie.

Ces questions si embarrassantes pour le médecin le deviendront

beaucoup plus pour la commission chargée de les élucider. Néan-

moins, c'est encore là un point à éclaircir, et dans le cas où une

commission devrait être instituée, il convient d'en délimiter les

pouvoirs. Sera-t-elle simplement consultative ou décidera-t-elle en

dernier ressort ?

SOCIÉTÉS SAVANTES. 257

À Paris on a atténué la responsabilité des chefs de service, en

nommant des inspecteurs de la préfecture de police, dont l'opinion

fait foi devant l'administration. Dans la plupart des cas, il y a

entente entre les deux médecins qui s'éclairent mutuellement.

En serait-il de même avec une commission mixte ? Et dans le cas

d'un conflit, quelle est l'opinion qui prévaudra, celle du chef de

service ou de la commission ? Nous nous sommes longuement

entretenus déjà sur les asiles spéciaux pour les aliénés dangereux,

sans insister sur leur législation ; il serait, je crois, bon de faire

revivre la discussion, car tels de nous qui repoussent la création

d'asiles spéciaux, demandent au contraire une législation spéciale

pour les aliénés dangereux.

Dans le projet de loi actuellement déposé aa Sénat, il est dit

que l'admission de l'aliéné sera provisoire, tant que la -chambre

du conseil n'aura pas statué dans les cinq jours qui suivront

l'internement du malade; le procureur de la République, accom-

pagné d'un médecin, devra le visiter et rédiger sur son état un

rapport, d'après lequel la chambre du conseil prendra une déci-

sion. Les mêmes formalités seront exigées pour la sortie des

aliénés criminels ? Croyez-vous, dans la pratique, qu'il soit possible

de suivre cette marche ? J'en arrive enfin à la sortie des malades

incurables et inoffensifs. Nos maîtres disaient qu'il n'y avait pas

d'aliénés réellement inoffensifs, car ils pensaient que tous pou-

vaient devenir dangereux à un moment donné; la clinique nous

montre que cette opinion est trop exclusive ; ne nous l'appren-

drait-elle pas, qu'administrativement parlant nous serions obli-

gés d'agir comme si nous l'avions appris, car le nombre des ma-

lades traités dans les asiles croit de jour en jour, et nous oblige

à faire des places pour ceux dont la vie en liberté est impossible.

Il n'y aurait pas grand danger à augmenter le nombre des

inoffensifs rendus ainsi à leur famille, mais, ici encore, nous re-

venons à une question dont il me faut encore dire quelques mots :

A qui convient-il de décider si un délirant chronique est inof-

fensif ou dangereux ? Au médecin traitant qui souvent l'aura

soigné pendant plusieurs années, ou à une commission composée

de médecins et de magistrats qui ne l'auront jamais vu ? A un

point de vue général, la sortie des malades pourrait encore être

facilitée par la création de Sociétés de patronage, comme il en

existe déjà à Paris; il serait bon d'attirer encore sur ce dernier

point l'attention de nos législateurs, qui pourraient en étendre

l'heureuse influence. Je serais heureux si ces réflexions pro-

voquaient l'opinion de mes collègues et leur faisaient appor-

ter le'tribut de leur expérience personnelle dans la prépara-

tion des éléments d'une législation future qui nous intéicsse

tous.

Nous pourrions de la sorte espérer que les modifications de la

Archives, t. Vil. 17 -1

258 SOCIÉTÉS SAVANTES.

loi de 1838 constitueraient non un pas en arrière, mais un véri-

table progrès.

M. LADITTE signale, par l'exemple suivant, une lacune dans la loi

de 4838. Un fils, dit-il, avait demandé l'interdiction de sa mère

placée chez moi pour un délire de persécution; la fille s'y oppo-

sant, il y eut procès. La fille perdit en première instance, mais

gagna en appel; le jugement, tout en reconnaissant la nécessité

de nommer un administrateur provisoire des biens de la mère,

repoussait la demande en interdiction. Quelques jours après, je

recevais de la famille, une réclamation de vingt mille francs de

dommages-intérêts pour avoir détenu arbitrairement la malade.

Ne comprenant rien à pareille exigence, je me rendis chez un

jurisconsulte de mes amis, M. Rouher, et j'appris qu'un aliéné,

quelque délirant qu'il soit, faisant l'objet d'une demande en inter-

diction, devait être immédiatement mis en liberté, si la cour d'ap-

pel jugeait qu'il n'y avait pas lieu de l'interdire.

M. \Iuxxex. En serait-il de même à la suite d'un jugement de

première instance ?

M. Labitte. Je ne crois pas; le médecin peut attendre la décision

de la cour d'appel.

M. FALRET. Le fait me parait bien étrange, car séquestration et

interdiction sont deux choses distinctes et nullement conséquentes

l'une de l'autre, puisque la plupart de nos aliénés ne sont pas

interdits. Il doit y avoir dans le fait rapporté par M. Labitte

une fausse interprétation de la loi.

M. LADlT1 E, Je ne savais à quoi me résoudre car je n'osais mettre

àlaporte une femme incapable de se conduire, et qui d'ailleurs ne

savait où aller coucher, sa fille ne voulant pas la reprendre et son

fils voyageant en Russie. Je me suis alors fait écrire par la malade,

devant le procureur de la République, une demande de séjour

libre pour une durée d'un mois, en attendant que quelque parent

voulût bien se charger d'elle.

M. Mottet. Ce fait est d'autant plus extraordinaire qu'il est très

facile d'éluder la loi en faisant un nouveau certificat d'entrée aus-

sitôt après la sortie de l'aliéné. D'ailleurs, le médecin pouvant

empêcher l'interdiction d'un aliéné en donnant au magistrat des

espérances de guérison ne manquera pas de s'opposer, par exem-

ple, à l'interdiction d'un maniaque en pleine divagation, mais

cependant curable en quelques semaines. Comment alors admettre

que ce même médecin puisse être poursuivi pour n'avoir pas mis

à la porte ce malade dans l'état où vous savez, précisément parce

qu'il ne l'aura pas laissé interdire.

M. (iHRIST1.1N. M. Mottet se place dans l'hypothèse où le magis-

trat demanderait des renseignements au médecin. Est-ce bien

SOCIÉTÉS SAVANTES. 259

ainsi que les choses se passent dans la pratique ? J'ai, pour ma

part, eu dans mon service bien des individus interdits, mais jamais

le juge ne s'est donné la peine de me demander mon avis.

M. MOTTENT. Tous les magistrats n'ont pas une même ligne de

conduite. En voici une nouvelle preuve : Un juge se présente un

jour à notre maison de santé et demande à voir un de nos malades

au sujet d'une demande en interdiction. M. Mesnet et moi lui

remettons bénévolement l'observation de l'individu auquel le juge

fait subir un curieux interrogatoire sur son nom, son âge, sa pro-

fession, sa demeure et la valeur de quelques pièces de monnaies.

Le malade répond avec précision et déclare naturellement ne pas

être fou. D'où fureur du magistrat (je vois encore son coup d'oeil

et son geste menaçants), qui quittait précipitamment la mai-

son pour courir déposer une plainte au parquet, nous accusant,

M. Mesnet et moi, de séquestration arbitraire. Le lendemain, le

procureur de la République interrogeait à son tour, mais d'une

autre façon, le même malade qui /prétendait alors être «un

lmmensitaire de premier ordre, le Grand Commandeur des Elé-

ments, le Cohabitant de la femme providentielle, etc.1». Inutile de

vous en dire plus long sur la forme de son délire, ni sur les con-

clusions du procureur de la République. Le magistrat en question

que je ne veux pas nommer, parce qu'il ne siège plus, est le fils

d'un autre magistrat fort remarquable, qui a laissé un grand nom

dans la législation criminelle.

Dans la commission qui a élaboré le projet de loi déposé au

Sénat, les médecins ont lutté autant qu'ils l'ont pu pour qu'on

touchât le moins possible aux dispositions si sages de la loi

de 1838. Vous n'avez pas idée des propositions qui nous ont été

faites pour compliquer l'admission des aliénés : beaucoup d'entre

eux auraient été guéris avant que le jugement qui devait ordonner

leur séquestration eût été rendu par la chambre du conseil, si la

moitié de ces propositions avaient été acceptées.

M. Lunier. Dans la pratique, les difficultés seront moindres

qu'elles ne paraissent, car le procureur de la République pourra

ordonner d'office les placements. C'est seulement pour les cas

difficiles qu'on saisira la chambre du conseil.

Du rôle de l'hérédité nerveuse dans la genèse de l'ataxie locomo-

trice progressive. M. Gilbert Ballet, au nom de M. L. Landouzy et

en son nom, fait la communication suivante :

Messieurs, dans un livre récent qui a eu un légitime retentisse

ment, M. le professeur Fournier, faisant allusion à l'étiologie du

tabes dorsal ataxique, écrivait ce qui suit : «Pour l'énorme majorité

des cas, l'ataxie locomotrice constitue une manifestation de pro-

venauce syphilitique. » Si cette proposition exprimait la vérité, la

260 SOCIÉTÉS SAVANTES.

communication que nous avons l'honneur de faire pourrait pa-

raître ici déplacée. Ni les maladies infectieuses, ni les affections

localisées à la moelle ne figurent en effet au nombre des sujets

qui font l'objet de vos préoccupations habituelles.

Mais, à notre avis, la cause dominante du tabes doit être cher-

chée ailleurs que dans l'infection syphilitique. Cette cause domi-

nante, qui prépare le terrain aux causes accidentelles et accessoires,

c'est la prédisposition nerveuse héréditaire. Nos recherches en effet

nous ont conduit à admettre que ce n'est pas seulement par la

nature de ses symptômes et le siège de ses lésions que la maladie

de Duchenne appartient à la grande famille des affections du sys-

tème nerveux, mais aussi par ses accointances, par sa parenté, par-

sa filiation. Fille, mère ou soeur, l'ataxie est proche parente des

vésanies, de l'hystérie, de la paralysie générale, du mal comitial;

à quelques égards, elle est donc bien chez elle à la Société médico-

psychologique.

Il y a peu de temps que l'attention des neuro-pathologistes s'est

concentrée sur la recherche des causes productrices du tabes. Certes

ce n'est pas que les auteurs, depuis vingt ans, aient dédaigné de

relever au passage les conditions vicieuses héréditaires, hygiéniques

ou pathologiques qui leur semblaient jouer un rôle prépondérant

ou effacé, dans la genèse de l'affection. Pour se convaincre du

contraire, il suffirait de parcourir les ouvrages de Duchenne, de

Schultze, de Leyden, de Rosenthal, de Jaccoud, de Vulpian, de

Erb et les autres, où l'étiologie de l'ataxie locomotrice trouve sa

place, mais une place quelque peu restreinte. C'est qu'en effet,

avant de chercher à préciser le comment et le pourquoi du tabes,

il était nécessaire d'en bien étudier les symptômes, les formes cli-

niques variées, habituelles ou anormales, d'en déterminer avec

exactitude les lésions, oeuvre longue et laborieuse, à laquelle sur-

tout ont été consacrés les travaux depuis vingt ans. Le problème

étiologique n'a été réellement mis à l'ordre du jour et n'a forte-

ment sollicité l'attention médicale que du moment où M. Fournier

revendiqua pour la vérole une place considérable, presque exclu-

sive, parmi les causes du tabes. L'opinion de l'éminent professeur

de l'hôpital Saint-Louis paraît avoir eu la bonne fortune de recruter

plus d'hadérents qu'elle n'a soulevé d'adversaires, et l'on n'a pas

oublié qu'au dernier congrès de Londres, M. Erb, se prononçait

nettement dans le sens de M. Fournier. Est-ce à dire que les pré-

tentions de la syphilis aient été reconnues et acceptées sans con-

teste ? Non sans doute, M. Charcot, notamment, a, dès le début,

résolument pris place parmi les opposants à la doctrine, et dans

son enseignement de la Salpêtrière, il s'est attaché à faire ressortir

le rôle prépondérant, à son sens, de l'hérédité. Mais, quelque im-

portant que soit le rôle, il restait à établir sur des arguments dé-

cisifs. L'hérédité avait à faire ses preuves, comme la syphilis pré-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 261

tendait avoir fait les siennes; elle avait, comme la sypliilis, à

appeler à son aide les chiffres et la statistique. Vous allez avoir à

juger, Messieurs, si cette lacune a été comblée.

I. Lorsqu'il y a un peu plus d'un an, l'Académie de médecine,

préoccupée du problème qui venait d'être soulevé, eut choisi pour

sujet du prix Civrieux les « Recherches sur les causes de l'ataxie

locomotrice », M. Landouzy et moi nous mîmes à l'oeuvre. Nous

nous attachâmes à recueillir le plus grand nombre possible d'obser-

vations de tabès, à fouiller ces observations sans parti pris et sans

aucune idée préconçue au point de vue spécial de l'étiologie. Con-

vaincus, avec MM. Fournier et, Gowers, qu'il n'y avait rien de bien

démonstratif à inférer des observations anciennes, nous avons

systématiquement laissé de côté les faits, nombreux pourtant que

nous eussions pu emprunter à la littérature médicale, et nous

avons résolu de ne produire au procès que des observations iné-

dites. Secondés par les circonstances, nous nous trouvions placés

dans des conditions telles qu'il nous a été possible de recueillir

un nombre imposant de cas nouveaux. Notre statistique actuelle, en

effet, ne compte pas moius de 138 faits. C'est assez dire qu'elle

peut être mise en parallèle avec celles moins nombreuses de

MM. Erbet Fournier. Sur les 138 malades que comprend cette statis-

tique, il n'en est pas plus de dix ou douze qui n'aient été observés

et interrogés directement par nous-mêmes. Tous ont été d'ailleurs

soigneusement examinés au point de vue des causes multiples

susceptibles de jouer un rôle dans l'étiologie du tabes (syphilis et

hérédité en premier lieu, froid, excès, maladies infectieuse*

dystrophies, etc.) Or, voici au point de vue de l'influence comparée

de l'hérédité et de la syphilis, les enseignements qui résultent de

la comparaison brutale des chiffres :

262 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 263

Mais si les renseignements fournis par les intéressés sont à cet

égard souvent fautifs, ceux qui concernent les antécédents hérédi-

taires le sont bien plus encore. Nous n'apprendrons rien à per-

sonne en citant, par exemple, le cas de telle malade, exempte absolu-

ment de toute parenté nerveuse, au dire de son mari et de son frère,

gens intelligents et instruits, et que les circonstances nous démon-

traient quelque temps après être cousine germaine d'une aliénée mé-

lancolique, et soeur aînée d'une hystéro-épileptique Nous n'avons

pas besoin, pensons-nous, ayant l'honneur de parler devant des

médecins aliénistes, d'insister davantage sur la difficulté presque

constante que l'on éprouve à obtenir des malades des renseigne-

ments quelque peu précis sur leurs antécédents de famille.

Si l'on réfléchit, d'autre part, qu'une syphilis antérieure laisse

quelquefois après elle des stigmates, que l'hérédité ne se peut, au

contraire dépister que par les seules observations qu'on nous livre,

on n'hésitera pas à admettre avec nous que si notre statistique

est en défaut, si elle pèche par omission en ce qui regarde la

vérole, elle doit pécher bien davantage en ce qui touche l'hérédité.

Toute vicieuse qu'elle puisse être, elle reste démonstrative et nous

pouvons résumer, en deux mots les enseignements qui en décou-

lent : En faisant la part belle à la syphilis, la part faible à l'héré-

dité, les cas d'ataxie héréditaire restent plus nombreux que ceux

d'ataxie syphilitique. Est-on en droit, après cela, de dire avec

M. le professeur Fournier, que l'hérédité constitue une simple

prédisposition de nature à favoriser la localisation de la syphilis

sur la moelle ? Nous vous laissons le soin de faire vous-mêmes la

réponse.

II. D'ailleurs, Messieurs, on peut invoquer, en faveur de

l'origine héréditaire des tabes, des arguments d'un autre ordre

que ceux fournis par la statistique. Il existe en effet, dans la litté-

rature médicale, des observations qui, par elles-mêmes, et prises

isolément, sont assez significatives pour démontrer l'influence de la

prédisposition nerveuse en matière d'ataxie locomotrice. Nous vous

rappellerons seulement quelques-unes de ces observations.

Trousseau, par exemple, a rapporté la suivante : Un grand-

père se suicide, le père est alaxique, les deux fils sont ataxi-

ques. M. Carré en a recueilli une qui est décrétoire entre

toutes; c'est celle d'une famille dans laquelle il n'y eut pas moins

de dix-huit ataxiques en trois générations : grand'mère ataxique,

mère ataxique, sept fils sur douze ataxiques, voilà pour la lignée

directe. Quant à la lignée collatérale, la grand'mère a huit pro-

ches parents, eux aussi, affectés de tabès ; de l'un de ces parents

naît un fils, lui aussi tabétique. Peut-on sérieusement prétendre

que, dans des cas de cet ordre, la cause de la lésion spinale doive

être cherchée ailleurs que dans l'hérédité.

26t SOCIÉTÉS SAVANTES. ! 11. - Enfin, Messieurs, nous croyons devoir signaler votre

attention certaines coïncidences pathologiques, qui ne sont pas,

tant s'en faut, exceptionnelles chez les ataxiques et viennent,

elles aussi, militer en faveur de la thèse que nous soutenons. Nous

faisons allusion à la combinaison possible, chez le même malade,

de l'ataxie locomotrice progressive et d'une autre affection ner-

veuse, hystérie, vésanie ou autre maladie mentale quelconque.

Nous pourrions rappeler tout d'abord la coincidence fréquente

des symptômes tabétiques et des troubles psychiques de la para-

lysie générale.

Toutefois, pour ue produire aux débuts que des arguments

irrécusables, nous laisserons de côté l'encéphalite interstitielle. Car,

d'une part, on pourrait soutenir que les lésions de la paralysie gé-

nérale, lorsqu'elles se manifestent en même temps que celles de

l'ataxie, sont le résultat de la diffusion de ces dernières à l'encéphale,

etque par conséquent paralysie générale et ataxie ne sont pas, dans

l'espèce, deux affections distinctes nées sous l'influence d'une cause

commune, mais qu'elles constituent une seule et même maladie.

D'autre part, il n'est pas certain que les lésions spinales, dans le

cas de cette nature, soient bien celles de la sclérose systématique

des cordons postérieurs. Ces lésions semblent en effet être plus

diffuses, moins nettement systhématisées que dans les cas ordi-

naires d'ataxie locomotrice progressive. Mais il est bon nombre de

troubles nerveux autres que ceux de la paralysie générale qui

viennent, dans certains cas, se surajouter à ceux du tabès. Trous-

seau avait déjà relevé dans les antécédents de plusieurs ataxiques,

des manifestations névropalhidues; les uns avaient eu des pertes

d'urine nocturnes, d'autres étaient franchement épileptiques.

Dans une thèse récente, M. Gruet a réuni un certain nombre

d'observations dans lesquelles, au cours de l'alaxie, s'est montrée

l'hypocondrie, la lypémanie, la manie, le délire des persécu-

tions.

Que prouvent ces coïncidences, sinon que le système nerveux

des ataxiques est frappé d'une tare qui le prédispose aux troubles

les plus variés ? C'est là un fait que M. Charcot a bien des fois mis

en relief dans ses leçons, et qui ne saurait être sérieusement

contesté.

On le voit donc, tous les éléments de démonstration s'accu-

mulent pour établir la prédisposition nerveuse, chez les tabétiques.

Cette prédisposition ressort évidente de nos statistiques, elle

apparait manifeste quand on dépouille le dossier de certaines

familles, elle se révèle avec éclat chez certain» malheureux pré-

destinés, chez qui elle réalise plusieurs de ses fâcheux effets. Nous

ne voulions, messieurs, qu'indiquer à grands traits, dans cette

communication, les arguments de diverses natures qui, selon

nous, mettent hors de doute l'influence de la prédisposition ner-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 265

veuse dans la genèse du tabès. Aussi bien nous attacherons-nous

prochainement à présenter ces arguments avec les développe-

ments qu'ils comportent. Les brèves considérations, dans les-

quelles nous sommes entrés, nous semblent déjà suffire à la dé-

monstration de notre thèse. Que le froid, les excès, la syphilis, bien

d'autres causes encore interviennent à titre d'éléments étiolo-

giques plus ou moins importants, dans la genèse de l'ataxie, nous

ne le nions pas, loin de là, mais toutes ces causes nous apparaissent

comme accessoires. D'après nous, la cause dominante, suffisante

et peut-être nécessaire de la maladie de Duchenne, c'est l'hérédité

nerveuse.

M. Falret. Morel avait déjà remarqué cette coïncidence de

l'ataxie avec l'hérédité mentale, il y fait allusion dans l'un de ses

écrits.

AI. lllorer. nI. de la Maëstreaia parole pour une communication,

sans préjudice, bien entendu, pour la discussion à laquelle ne man-

quera pas de donner lieu la note de M. Ballet.

Suite de la discussion sur les mesures à prendre pour la sortie des

aliénés des établissements publics et privés. M. de la IIhESTllE, Je

remercie d'abord nos deux savants collègues, MM. Dally et Falret,

d'avoir mis à l'ordre du jour de nos séances une question dont

l'importance est tout aussi grande que celle des entrées des aliénés

dans les asiles.

De la discussion qui s'est ouverte et de l'exposé des idées de

chacun de nous sur ce sujet sortira certainement quelque utile ex-

plication. Dans cette lecture qui ne sera qu'un rapide aperçu tra-

duisant le fruit d'une expérience déjà longue, je suivrai l'ordre

adopté par notre honorable collègue M. Falret.

il Sortie d'essai ou provisoire. - Je suis peu partisan de ces sor-

ties auxquelles je reconnais plus d'inconvénients que d'avantages.

Je ne les repousse pas d'une façon absolue : mais j'estime qu'elles

ne doivent être autorisées que dans des limites très restreintes.

En règle générale elles ne doivent pas être trop prématurées. Il

convient d'attendre, pour les permettre, que la résistance cérébrale

soit suffisamment établie. L'aliéné à qui l'on accorde une sortie

provisoire revient d'habitude dans le milieu où la maladie a pris

naissance, où elle a fait explosion sous l'influence d'événements

dont le souvenir, en seréveillant, ne peut affecter l'esprit que d'une

façon déplorable. Il n'est pas rare de voir des malades revenir plus

troublés qu'auparavant à la suite d'une sortie d'essai, ayant ainsi

perdu le bénéfice des premiers temps du traitement et se trouvant

dès lors dans des conditions plus fâcheuses, plus rebelles à l'action

des divers moyens physiques et moraux.

A Ville-Evrard j'ai rarement accordé des sorties provisoires chez

266 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les malade-; de l'asile. Il n'en a pas été de même au pensionnai où

les fainillesse montrent en général plus exigeantes; il faut dire aussi

qu'au pensionnat, les placements sont presque tous volontaires et

que, dans ces conditions, les sorties sont plus faciles et n'exigent

aucune formalité administrative, tandis que les aliénés placés

d'office dépendent plus directement de la préfecture de police, qui

ne s'est jamais montrée favorable à ce genre de sortie.

Généralement je n'autorise les sorties provisoires que sur les

sollicitations réitérées des familles. Je concède volontiers une sortie

de quelques heures dans les environs de l'asile, mais j'ai l'habitude

de me montrer plus difficile pour les sorties d'un à plusieurs jours

dans Paris. La plupart de celles que j'ai accordées ont été suivies

de résultats si fâcheux, qu'aujourd'hui j'ai pris pour règle de con-

duite de ne jamais les provoquer. Voici quelques faits à l'appui de

ma manière de voir à ce sujet.

En 1880, M. D ? alcoolique, avec affaiblissement du sens moral,

perversion des sentiments affectifs, fut conduit au pensionnat de

Ville-Evrard. Son père qui habite l'ile de la Réunion a toujours con-

servé l'espoir d'une guérison, aussi avait-il chargé son second fils,

qui occupe à Paris une position des plus honorable, de faire sortir

son frère de temps en temps. Aucune des sorties provisoires qui

ont eu lieu n'a eu d'utilité pour le malade, mais toutes ont

occasionné une série de désagréments très pénibles à son frère,

dont la position est très en vue. Une première fois, le malade qui

venait d'être habillé à neuf de pied en cap, quitte son frère, erre

dans le quartier, où il passe tout son temps chez le marchand de

vin, et rentre au ])on[ de troisou quatre jours couvert de guenilles.

Dans une deuxième sortie d'essai, il se met à vendre pièce par

pièce le mobilier de son frère. Une troisième fois, il lui vole

un billet de banque dans son secrétaire, toujours pour aller

boire. Aujourd'hui la famille s'est enfin décidée à renoncer à ces

sorties.

En juillet 1882, la femme d'un négociant fut placée au pen-

sionnat pour une manie hystérique. Son mari veut un jour essayer

d'une sortie. A peine arrivée chez elle, la malade qui est jeune et

jolie s'esquive, descend dans la rue, où elle se laisse courtiser par

un monsieur qui l'accoste, la fait monter dans une voiture et l'em-

mène promener au bois de Boulogne. Elle ne rentra que fort avant

dans la soirée chez elle où elle trouva son mari dans la plus vive

inquiétude, ce qui se comprend facilement; son inquiétude ne fit

que s'accroitre après le récit de l'emploi de sa journée que lui fit

sa femme. Le lendemain, il se hâta de la ramener à Ville-Evrard,

et il a renoncé pour toujours à des sorties d'essai.

Un jeune homme de vingt-deux ans atteint de débilité men-

tale avec des vertiges épileptiformes fut envoyé, il y a quatre

ans, au pensionnat de Ville-Evrard. Il m'était recommandé par

SOCIÉTÉS SAVANTES. 267

notre excellent collègue M. Constans, inspecteur général hono-

raire du service des aliénés.

Le malade avait été placé précédemment dans un asile de pro-

vince d'où sa mère, au bout de quelque temps voulut le faire sortir

à titre d'essai. Un jour, elle le surprit se livrant aux actes les plus

obscènes sur sa petite soeur âgée de huit ans. Elle-même, un peu

avant, avait été l'objet d'une tentative de viol. Le malade fut réin-

Légré dans l'asile d'où, quelque temps après, sa mère le fit sortir

de nouveau pour le placer chez un prêtre, ami de la famille, qui

voulut bien se charger de lui; mais bientôt devenu insubordonné,

menaçant, il quittait parfois la maison et restait absent pendant

plusieurs jours. Il fut enfin rendu à sa mère qui le plaçait en 1879

au pensionnat de Ville-Evrard.

Au commencement de cette année, cédant aux sollicitations réi-

térées de son fils et surtout à la pression de quelques membres de

la famille, sa mère voulut faire un nouvel essai. Elle me demanda

un congé de deux mois que je ne lui accordai qu'à regret. Elle se

garda bien de le reprendre chez elle, après ce qui s'était passé au-

trefois ; elle le mit à Poitiers dans une maison dirigée par des

religieux, où il jouissait d'une certaine liberté. Le congé n'étaitpas

expiré qu'elle m'écrivit désolée pour me prier d'envoyer le plus tôt

possible chercher son fils, dontla conduite donnait lieu à des scènes

de scandale dans le pays; le directeur delà maison ne voûtait plus

le garder.

Il fut ramené à Ville-Evrard et sa mère dut renoncer pour tou-

jours aux sorties provisoires.

Ainsi voilà plusieurs sorties d'essai faites chez trois malades qui

non seulement n'ont eu pour eux aucun avantage, mais qui, indé-

pendamment des perplexités et des tourments, auraient pu avoir

pour les familles les plus graves conséquences.

Les sorties provisoires ont d'autres inconvénients qui ont été

déjà signalés. mon tour, je dirai que les sorties d'essai sont

souvent demandées par les parents dans un tout autre but que

celui d'être utile il leurs malades. On les fait sortir pour obtenir

leur signature dans des affaires d'intérêt, ce qui peut avoir quel-

quefois des inconvénients graves pour les médecins. On objecte

que les signatures données dans ces conditions, ne seront jamais

valables, les malades qui les donnent étant encore en traitement.

Il n'en est pas moins vrai que, dans certains cas, lorsque surtout

sont en jeu de graves intérêts entre divers membres d'une famille,

un procès peut surgir, par le fait d'une signature donnée même

dans ces circonstances, car on peut dire que le malade, lorsqu'il a

donné sa signature, savait bien ce qu'il faisait, se trouvait dans un

moment lucide; et le médecin qui, dans le but d'être utile au ma-

lade, a autorisé la sortie provisoire, peut se trouver impliqué et

plus ou moins compromis dans des affaires litigieuses, parce que.

268 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de la sorte il a facilité au malade le moyen de donner sa signature.

En 1879, le frère d'un aliéné accompagné d'un homme d'affaires

se rendait à Ville-Evrard, et tous les deux, à l'insu des gardiens,

parvinrent à faire signer au malade une procuration pour pouvoir

toucher une somme assez importante auprès d'une grande compa-

gnie de chemins de fer.

La somme fut payée ; mais l'administrateur des biens des

aliénés non interdits ayant en connaissance de ce fait irrégulier,

un procès survint, procès qui dura deux ans et qui occasionna de

nombreux désagréments à l'administration.

Ces irrégularités se commettent bien plus facilement si l'on

prend l'habitude d'accorder aux aliénés des sorties provisoires ; et

le médecin qui aura autorisé ou conseillé la sortie se trouvera

bien plus directement inquiété que lorsque l'irrégularité que je

signale se sera produite dans l'asile. En accordant des sorties pro

visoires ou des congés, le médecin sera toujours dans l'inquiétude;

car, en définitive, il devient en quelque sorte responsable des actes

plus ou moins irréguliers que le malade peut commettre. Si chacun

de nous, dans les asiles de la Seine lâchait tous les jours cinq ou

six aliénés sur le pavé de Paris, où en serait-on ? Depuis quelque

temps, on ne voit que trop d'accidents ou d'événements tragiques,

occasionnés par des aliénés en liberté, pour que le médecin aille de

son plein gré, en faciliter ou en accroître le nombre. Je crois qu'en

pareille matière le libéralisme n'a rien à faire; il n'y a qu'une ques-

tion essentiellement médicale de la solution de laquelle dépend la sé-

curité publique. Autoriser sur une grande échelle les sorties provi-

soires et les congés, c'est ouvrir la porte à toute espèce d'accidents,

à une multitude d'actes criminels, à toutes sortes d'abus, sans

compter les soucis et les inquiétudes en permanence que le méde-

cin se crée et cela pour un résultat bien aléatoire au point de vue

des avantages que ce genre de sorties peut fournir aux malades.

Cette question des sorties provisoires ou d'essai n'est donc pas aussi

simple qu'on pourrait le penser tout d'abord. Elle exige de la part

du chef de service beaucoup de tact et de prudence à tous les

points de vue.

2° Des aliénés dfMfyerctM ? Cette deuxième partie de la question

me touche particulièrement, non pas tant à cause de l'agression

dont j'ai failli être victime que par le fait de l'évasion et de la

sortie de deux aliénés qui, plusieurs mois après avoir quitté l'asile

de Ville-Evrard, ont été ces jours derniers les tristes héros d'évé-

nements dramatiques.

Dans plusieurs de mes comptes rendus annuels, j'ai attiré l'atten-

tion de l'administration sur la catégorie d'aliénés dits criminels

et que j'appellerai plutôt aliénés dangereux. Sous ce terme géné-

rique, je comprends les aliénés qui sont dangereux à quelque titre

SOCIÉTÉS SAVANTES. 269

que ce soit : aliénés homicides, incendiaires, suicides, évadeurs

déterminés, et dans ces rapports annuels j'ai fait remarquer l'uti-

lité qu'il y aurait en attendant la création d'établissements spé-

ciaux, d'installer dans chaque asile un quartier où ces aliénés

seraient séquestrés et soumis à une surveillance incessante dejour

etde nuit. Car, pour les asiles de la Seine, l'évacuation des aliénés

dangereux sur Bicêtre qui possède un quartier de sûreté, n'est pas

toujours possible, faute de place, et cette mesure est absolument

impraticable quand il s'agit d'aliénés placés volontairement par

les familles, et des pensionnaires séquestrés d'office.

Pour cette catégorie d'aliénés, c'est-à-dire pour les aliénés dan-

gereux en général, je distinguerai les sorties régulières et les

sorties irrégulières.

Sortie régulière. - Après un séjour plus ou moins prolongé dans

l'asile, où le traitement a été suivi d'une certaine amélioration, la

question de sortie nous est quelquefois posée soit par les malades

eux-mêmes et leur famille, soit par l'autorité judiciaire. Quel parti

prendre dans ces cas qui sont toujours embarrassants et dans

lesquels se trouve mise en jeu la responsabilité du médecin ? Celui-

ci résiste le plus longtemps possible, mais il arrive un moment où,

poussé à bout, il doit prendre une décision définitive. Dans ces

cas, à Paris ou dans les asiles de la Seine, nous avons parfois re-

cours à l'intervention des médecins inspecteurs de la préfecture de

police qui nous éclairent de leur expérience et partagent avec nous

la responsabilité qui s'impose dans ces circonstances. La nouvelle

loi propose l'organisation d'une commission spéciale qui serait

appelée à délibérer et à prendre une détermination pour ces cas

particuliers. Je n'hésite pas à me déclarer partisan de cette mesure

qui donnera satisfaction à tout le monde, au chef de service, à la

famille, à l'autorité judiciaire, au public. Quant au malade, il

pourra quelquefois avoir gain de càuse auprès de cette commission ;

dans le cas contraire, il n'aura qu'à s'incliner devant cet arbitrage

souverain. Quelle devra être la composition de cette commission ?

J'estime que pour la Seine, le chef de service, un médecin inspec-

teur de la préfecture de police et un délégué du tribunal devront

en faire partie.

Puur plus de garantie dans les cas de mise en liberté, on pourrait

en même temps faire engager la famille par la signature d'une pièce

officielle qui serait conservée au dossier du malade. C'est ce qui a

lieu depuis quelque temps à Ville-Evrard, où des imprimés ad hoc

sont remplis par le membre de la famille qui demande la sortie

du malade, sous sa responsabilité et qui s'engage à veiller sur sa

conduite, à lui faire donner les soins qui peuvent être encore né-

cessaires.

Sorties irrégulières ou par évasion des aliénés dangereux. -

z70 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Quelles sont les mesures à prendre dans ce cas ? et d'abord

comment procède-t-on d'une façon générale aujourd'hui pour les

évasions ? - Quand l'évadé n'est point à craindre, quand une cer-

taine amélioration avait été constatée chez lui quelque temps

avant son évasion, nous disons dans notre certificat que le malade

pourrait vivre en liberté, surtout s'il a une famille qui se charge de

lui. Mais quandle malade a de mauvais antécédents, quand il a été

reconnu que le séjour à l'asile n'a point corrigé ses mauvais ins-

tincts ou ses tendances impulsives dangereuses, notre certificat au

moment de l'évasion conclut à la nécessité de la réintégration. Or,

dans ce dernier cas, il arrive souvent que les conclusions de ce

certificat ne sont pas prises en considération, et le malade est

laissé en liberté. D'où des conséquences très fâcheuses et très re-

grettables parfois. Je pourrais citer des exemples tout récents qui

ont eu un grand retentissement dans la presse. Ces malades signa-

lés dans le certificat d'évasion comme étant ou pouvant devenir

dangereux devraient être toujours recherchés et réintégrés le plus

tôt possible, afin d'éviter les accidents graves qui arrivent presque

inévitablement dans ces conditions.

3° Des mesures à prendre pour la sortie des aliénés inoffensifs. -

Y a-t-il d'abord des aliénés véritablement inoffensifs ? - Je crois

que l'on peut répondre par la négative. Pinel, notre maître à tous,

a dit avec raison que tout aliéné peut devenir dangereux.

Chacun de nous certainement pourrait citer des cas où le juge-

ment favorable que nous avions porté concernant des aliénés sup-

posés inoffensifs s'est trouvé en défaut.

La question du milieu joue toujours un très grand rôle dans les

sorties accordées aux aliénés en général, et les aliénés jugés inof-

fensifs ne peuvent pas plus que les autres se soustraire à cette

influence. Combien d'aliénés qui, parfaitement calmes et n'ayant

jamais commis aucun acte irrégulier pendant toute la durée de

leur séjour à l'asile, se sont livrés à des actes regrettables à un

moment donné, plus ou moins longtemps après leur mise en

liberté. Je citerai les alcooliques toujours en si grand nombre dans

les asiles, particulièrement dans les asiles de la Seine. Ces aliénés,

peu de temps après leur séquestration, deviennent en général

calmes et raisonnables. Tout porterait à les considérer comme

inoffensifs. Les parents, les représentants de l'autorité judiciaire

s'étonnent que l'on retienne ces malades dans les -asiles. Sur-.

gissent des plaintes, des réclamations devant lesquelles le médecin

est obligé de céder, quelquefois. Or, dans bien des cas, il arrive que

ces malades mis en liberté ne tardent pas à commettre les actes

les plus graves.

Les aliénés débiles ou faibles d'esprit constituent encore une

grande classe de malades qui sont le plus souvent inoffensifs dans

SOCIÉTÉS SAVANTES. z71

les asiles et qui rendus à la liberté, dépourvus de surveillance, de-

viennent un danger pour la morale et la sécurité publiques. A

propos de cette catégorie d'aliénés dits inoffensifs, il est une

observation qui a été certainement faite par plusieurs d'entre nous

dans les asiles de la Seine. Le dossier de ces malades tel qu'il nous

est soumis, est loin d'être complet et de relater toute la vie patlio-

logique du malade au point de vue mental.

Généralement le dossier des aliénés, dans les asiles de la Seine,

sont loin d'être aussi complets que ceux des asiles de province,

où indépendamment des certificats d'admission, figurent presque

toujours les procès-verbaux des commissaires de police, à défaut

de ceux-ci, les interrogatoires faits dans les mairies des communes.

Les dossiers des aliénés, dans les asiles de la Seine, ne contien-

nent, à l'arrivée des malades à Sainte-Anne que le certificat du

médecin de la préfecture de police. Ces certificats sont toujours

très bien établis certainement, mais dans le nombre de cas ils ne

font pas mention de faits importants, dont il serait très nécessaire

que fut instruit le médecin dans les asiles. Je me hâte d'ajouter

que cette lacune est presque toujours inévitable, attendu qu'au

moment de l'examen fait au dépôt, les médecins n'ont eux-mêmes

à leur disposition qu'un dossier incomplet 1.

Les notes ou pièces complémentaires ne parviennent que plus

tard dans les dossiers de la préfecture de police. Cette lacune dans

les dossiers de l'asile peut avoir des conséquences fâcheuses. D'abord

des aliénés qui auraient besoin d'une surveillance spéciale, à cause

de leurs mauvais antécédents, ne sont soumis qu'à la surveillance

générale, ordinaire ou commune parce que, d'après leur dossier, on

les regarde comme inotfensifs, d'où les conséquences graves que

peuvent avoir quelquefois les évasions de ces malades.

En second lieu, la lacune que je signale portant à regarder

comme non dangereux des aliénés qui sont loin d'être inoffensifs,

expose le médecin à demander leur mise en liberté, alors que au

contraire, ils devraient être soigneusement maintenus. Aussi

arrive-t-il assez souvent qu'à un certificat de sortie la préfecture de

police répond par une note dans laquelle sont relatés des faits plus

ou moins graves à la charge du malade, et dont le médecin était

absolument ignorant. En présence de ces renseignements inatten-

dus, le chef de service est obligé de rapporter et d'annuler son

certificat de sortie et d'en faire un autre pour demander le main-

tien du malade. Afin d'éviter les inconvénients que je signale,

il faudrait que dans ces cas qui tendent à devenir de plus en plus

i Le Conseil générai de la Semé a émis depuis plusior s années un

voeu invitant M. le Prétet de police à donner aux médecins les renseigne-

ments dont parle M. (le la Niaebtre. Ce voeu, jcomme tant d'autres, n'a pas

reçu satisfaction.

272 SOCIÉTÉS SAVANTES.

fréquents, l'administration de la préfecture de police envoyât

ultérieurement dans les asiles une note complémentaire, qui

éclairerait complètement le médecin ou le directeur sur les anté-

cédents du malade. Le chef de service ordonnerait alors une sur-

veillance plus attentive et, de la sorte, il pourrait éviter de faire

fausse route, quand il pense que le moment est venu de proposer la

mise en liberté.

J'ai parlé de l'utilité et des avantages qu'aura l'institution d'une

commission spéciale surtout dans les cas d'aliénés dangereux dont

la sortie est demandée. Si comme le porte, je crois, le nouveau

projet de loi (art. 23 de l'exposé des motifs), l'autorité doit donner

son avis sur toutes les entrées, ainsi que pour les sorties, les diffi-

cultés pratiques seront grandes. 1 n. z 1 1 '

Le fonctionnement de ces commissions sera facile dans les asiles

de province dont le mouvement de la population est peu considé-

rable ; mais il n'en sera pas de même dans les asiles' de la Seine,

où les entrées et les sorties se comptent annuellement par milliers,

ainsi que le prouve le relevé suivant : 1' , ? lr ,

. t t 1 .

Asile d'aliénés de la Seine. ' Exercice de 1882

j' 1 Il IH.' J I 1

SOCIÉTÉS SAVANTES. z73

soin de décider s'il y a lieu ou non de consulter la commission spé-

ciale. L'intervention de celle-ci pourrait n'être demandée que dans

les cas où il y a quelque doute ou quelque crainte pour le pronostic.

M. Lanier. Dans le projet de loi soumis au Sénat, il n'est

pas question des commissions auxquelles semble faire allu-

sion M. de la Maëstre. C'est la chambre du conseil, ainsi que l'a

proposé M. Foville qui statuera sur...

M. Fouille. Je proteste contre l'indiscrétion que vient de com-

mettre M. Lunier en m'attribuant la paternité de cette mesure.

M. 1,UNIER. Je croyais sans commettre d'indiscrétion pouvoir dire

une chose connue de tout le monde, puisqu'elle a été imprimée.

M. Fouille. Vous aviez toit de le croire... La proposition dont

vous entendiez parler a été émise par une commission dont vous

et moi faisions partie, et non par M. X. ou AI. Y., membres de cette

commission;je vous prie donc de ne pas prononcer mon nom.

M. Lunier. Je retire mes paroles. Il n'est pas moins \rai que la

communication de M. de la Maëstre tombe un peu à faux, puisque

la commission spéciale à laquelle il voudrait s'en rapporter dans

les cas difficiles ne sera pas créée.

M. Falret. Il est possible que, dans le projet de loi du minis-

tère, cette commission n'ait pas été prévue; peu imporle a Ai. de la

Maëstre, nous y avons fait assez souvent allusion ici pour qu'il it

puisse en reparler. N'avons-nous pas, en effet, longuement discuté

sur l'opportunité de créer en France de semblables commissions

comme il en existe déjà en Angleterre ?

M. CHRISTIAN. J'ai été grandement surpris de voir AI. Legrand

du Saulle s'élever à la dernière séance contre les sorties provisoires

et je ne le suis pas moins d'entendre aujourd'hui AI. de la Maëstre

proscrire les congés accordés à nos malades. A Charenton nous

donnons beaucoup de ces congés auxquels nous trouvons de grands

avantages à côté de petits inconvénients. Evidemment, tous nus

pensionnaires ne peuvent pas en jouir, mais les paralytiques gé-

néraux, les déments, les débiles iiiotï(311sirs en profitent dans une

large mesure, à la grande satisfaction de chaque famille qui trame

une consolation à faire une promenade de quelques heures avec

son malade. Il est préférable de ne pas interrompre complètement

les relations de famille, et en agissant de la sorte on transforme

l'asile en ce qu'il devrait être, un hospice et non une prison. Un

abus d'une telle pratique a des inconvénients : l'aliéné peut com-

mettre des excès; on peut lui extorquer des signatures; c'est au

médecin à prendre ses précautions, en ne confiant son malade

qu'aux proches parents. Ceux-ci auraient du reste la faculté de le

retirer, quand il s'agit de placements provisoires, et endossent par

cela même toute la responsabilité de ce qui pourrait arriver en

Archives, t. VU. 18

'71. SOCIÉTÉS SAVANTES.

dehors de l'asile. Je n'ai, pour ma part, jamais eu d'accidents à

signaler depuis que je suis cette coutume.

Le préfet de police a établi il y a quelques années une jurispru-

dence sur les congés. Je vais l'indiquer par un exemple : L'oncle

d'une pensionnaire de Charenton écrivit un jour au préfet pour lui

demander d'autoriser la sortie quotidienne de sa nièce, dans le but

de lui faire faire, accompagnée d'une domestique, une promenade

dans le bois de Vincennes. Le préfet lui répondit qu'une prome-

nade faisant partie du traitement suivi par les malades, c'était au

médecin seul d'en juger sur l'opportunité, et renvoya la demande

au médecin traitant. 4" , ,

' Voici maintenant un cas qui vous montrera comment l'admi-

nistration comprend les sorties à titre d'essai : J'avais dans mon

service un épileptique présentant quelques idées de persécution,

mais cependant assez calme. Comme la famille demandait avec

insistance de reprendrele malade, je résolus de le lui rendre à titre

d'essai, et je rédigeai un certificat en ce sens. Mais le préfet de

police me répondit que la séquestration) des'aliénés étant une me-

sure d'ordre public, il ne pouvait prendre là responsabilité de

sortie d'un aliéné non guéri, et que d'ailleurs cette pratique cons-

tituant un mode de traitement, il y avait lieu de laisser au méde-

cin le soin d'endosser cette responsabilité.

1\..\1" \ " '1'" 1 i

M. de L.1 Je ne suis peul,-être pas aussi ennemi des

congés que le pense M. Christian ; j'en accorde tous les jours,

mais je trouve un danger à laisser, trop longtemps les malades dans

le milieu où se sont développées leurs idées délirantes, et de plus,

je crains de faciliter l'accomplissement d'actes répréhensibles,

comme en ont 'ort souvent déjà commis-les. malades avant leur

séquestration sans même que nous en soyons informés. Vous savez

comme moi le peu de renseignements sur les antécédents fournis

par les dossiers de la préfecture,de police. i n , : 11. L1' : GR ND du Saulle. C'est'le' moment,'je crois, de parler des

évadés. Le nombre de ceux de Ville-Evrard, par exemple, s'élève à

une vingtaine par an ; beaucoup étant très améliorés au moment

de leur sortie, les commissaires de police, interrogés par la préfec-

ture sur les faits et gestes de ces individus, ont pris l'habitude de

faire une réponse dans le genre de celle-ci : « M. X... parait inof-

fensif, je le surveille et au moindre écart je le ferai conduire à

l'infirmerie du dépôt», et le malade finit par être oublié.

Or, il arrive malheureusement que quelques-uns ne tardent

pas à se signaler à l'attention publique par des actes de vio-

lence, aussi en revient-on maintenant à l'ancien système en

réintégrant immédiatement tous les évadés. C'était celui de M. La-

sègue, qui renvoyait à l'asile, sans même l'examiner, tout aliéné

qui lui était ramené au dépôt après une évasion. M. de la Mestre

BIBLIOGRAPHIE. 275 J

vient de faire allusion aux dossiers qui ne sont pas complets, je dois

lui répondre que ces dossiers ne se complètent à la préfecture de

police qu'après la séquestration du malade, et que d'ailleurs les

bureaux ne veulent pas s'en dessaisir. Quand nous voulons y avoir

recours, il nous faut aller les consulter sur place.

M. de la 111\STRR. Il serait alors à désirer que la préfecture nous

envoyât plus tard une copie de ces dossiers.

M. Falret. Il m'est arrivé souvent, apres avoir fait la sortie d'un

malade de mon service, de recevoir de la préfecture au sujet des

'actes qui avaient motivé sa séquestration des renseignements tel-

lement graves que je devais surseoir à cette sortie.

. MARCEL Briand.

BIBLIOGRAPHIE

Il. Exposé des principaux passages contenus dans le Si-Yuen-Lu

par E. MRT1N (G. Leroux, édit. 1884).

Le Si-Yuen-Lu est une sorte de compendium de la médecine

légale et de la jurisprudence médicale de la Chine; il n'en exis-

tait jusqu'à présent aucune traduction française. Parmi les inté-

ressantes notes de M. Martin, il en est une sur laquelle nous

appellerons particulièrement l'attention. Il fait remarquer que,

dans aucun endroit du Si-Yuen-Lu, il n'est question des exper-

' Uses auxquelles peuvent donner lieu l'aliénation mentale, soit dans

les rapports avec la criminalité, soit au sujet des faits ressortissant

à la jurisprudence civile, telles que successions, interdictions, etc.

' Cela tient, d'après l'auteur, à ce que la folie est très rare en

Chine et ne se rencontre guère qu'en conséquence de l'abus de

l'alcool et de l'opium; les névroses seraient aussi exceptionnelles.

« En présence d'un cas d'aliénation mentale, la justice n'intervient

pas; la responsabilité des conséquences auxquelles elle peut don-

ner lieu, reste toute entière à la famille. » Cn. F.

1 Cette opinion est en opposition avec celle de plusieurs autres auteurs,

notamment de M. Bordier (Géographie médicale, 1884, h. 493), qui dit

que chez les Chinois de la Nouvelle Galles du Sud. on trome un aliéné

sur 140 individus. Il faut remarquer en outre que certains arrêts de de-

' veloppement et en particulier le bec-de-lièvre seraient aussi très fréquents

chez les Chinois. Cri. F.

216 ô BIBLIOGRAPHIE.

III. De l'hémiplégie homonyme de la face et des membres dans les

lésions en foyer de la protubérance annulaire; par HONDOT. Paris,

1883.

Malgré l'affirmation de Larclicr qui soutenait que dans les lé-

sions protubérantielles la paralysie de la face siège du même côté

que la paralysie des membres, on admet généralement depuis le

savait de Gubler que la paralysie est alterne. M. Rondot a réuni à

un cas personnel un certain nombre de faits (Lépine, Féré, Olli-

vier d'Angers, Mailfert, Josias, llerruaun Weber, Greuzard, Roger,

Desnos) qui lui ont permis de faire une étude nouvelle de la question.

L'affection débute avec ou sans ictus par une impotence graduelle

et unilatérale. Tantôt, la paralysie d'emblée complète et unilaté-

rale a compris en même temps les membres et la face du même

côté ; fréquemment elle est plus marquée aux .membres qu'à la

ace. Rarement l'hémiplégie est graduelle (Lépine) ? ssez souvent

existe en même temps des 'troubles de la parole (lailfert, We-

ber). Il faut noter la contracture' primitive (Lai-cher).qui ne parait

pas constante. Une seule fois on a observé la contracture tardive en

rapport avec une dégénération descendante (Féré). Les troubles de

la sensibilité sont inconstants et variables. Résumons d'ailleurs

les conclusions de l'auteur : : ' t i . .1/.

Les lésions en foyer situées dans l'étage moyen, plus rarement

dans l'étage supérieur de la protubérance se limitent quelquefois à

la zone que parcourt le faisceau volontaire et déterminent alors du

côté opposé une hémiplégie des membres et de la face. - Celte

paralysie moins intense habituellement à la face qu'aux membres,

en raison de l'intégrité des fibres, d'une portion des fibres du, fais-

ceau géniculé qui se rendent au noyau du facial, se comporte

comme celles qui sont déterminées par une lésion cérébrale et

peuvent comme elles entraîner une dégénérescence descendante.

Les contractures et les convulsions épileptiformes n'accompa-

gnent que très exceptionnellement les altérations aiguës qui

frappent presque exclusivement le cordon moteur cérébro-spinal.

La terminaison fatale qui est de règle, ne parait pas due aux, com-

plications bulbaires qui surviennent quand la région postérieure ou

ganglionnaire est intéressée ; peut-être doit-on en chercher la

cause dans la destruction des amas de substance, grise interposés

entre les fibres motrices. 1 CH. F.

IV. Des paralysies chez les choréiques ; par G. OLLIVE.

Thèse de Paris, 1883.

Sous le titre : « Des paralysies chez les choréiques» (Charcot),

M. Ollive décrit une forme de paralysie assez rare qui a été dési-

gnée sous les noms de chorée paralytique (Southwarth, Gowers,

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 277 Î

etc.), de chorée molle (West). Il existe en effet, dans la chorée, des

troubles paralytiques plus ou moins complets ou étendus déjà

signalés par Bouteille, Todd, Trousseau, etc. Ces troubles parai} ti-

ques qu'il faut distinguer du simple affaiblissement musculaire,

peut-être constant dans la chorée, peuvent se montrer au début,

dans le cours, ou à la fin de la maladie. Quand ils se développent

au début, ils peuvent constituer toute la maladie, c'est bien alors

la chorée molle des auteurs anglais : on voit succéder aux trou-

bles psychiques, prodromes ordinaires de la chorée, une mala-

dresse qui n'est point due à l'incohérence des mouvements, mais

à l'affaiblissement musculaire; peu à peu la paralysie toujours

flasque se complète et peut se généraliser, accompagnée ordinai-

rement -de légers mouvements choréiformes. La paralysie qui se

développe dans' le cours' ou. la fin de la chorée est plus fré-

quente, elle peut affecter diverses formes, hémiplégiques, para-

plégiques, mais plus souvent monoplégiques, prédominant en géné-

rue dans les 'muscles qui étaient les plus agités par les convulsions.

Dans tous lés cas,'le pronostic est bénin; cette paralysie guérit tou-

jours. M. Ollive préconise le traitement arsenical et les toniques.

1 ' Cil, F.

i 1 , I .... ,

.. m. Il

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

1 1 '11 .

Le masque sclérodermique;' par OBIER. Thèse de Paris, 1883.

Note sur un cas de myélite chronique ci diagnostic douteux (sclé-

rose latérale amyotrophique ou sclérose en plaques); par L'HÉRI-

TIER de CnEzELLE. Thèse de Paris, 1883.

Des fractures chez les ataxiques; par L>;BOr. Thèse de Paris, 1883.

De la chorée rhumatismale considérée comme une variété de rhu-

1Ïwlisme cérébral et de la mort dans la chorée; par Il.\NNEQUIN. Thèse

de Paris. 1883. - 1

Paralysie glosso-labiée cérébrale; par PuicA. Thèse de Pa-

ris, 1883. ' 1 '

Contribution à l'élude du vertige oculaire ; par Fasquelle. Thèse

'de Paris, 1883. 1

Etude sur la pathogénie des névralgies; par QUERMONNE. Thèse

de Paris, 1884. 1

Sur une des formes frustes de la sclérose en plaques disséminées;

par BwB.wLD. Thèse de Paris, 1883.

Elude sur quelques formes rares d'éclampsie chez les femmes en-

ceintes; parJ. ROD/ ! \', Thèse de Paris. 1883.

Studio de ]1sicf)patologilt criminule sopra un caso di imbecihta mo-

rule con idée fisse impulsive (paricidio, fratricidio et tentato ma-

tricidio all'eta di 1G anni); parTAMBURiNi et SEPPILI. 1883,- Reggio-

Emilia.

27 S varia.

I progetti di lege sugli aliénât i in Italia ed in Fl,(l1leia; par

TAMBURINI. 1813, Beeriu-Gmilia.'r,

Contributo alla studio delle locatizzuzioni e dei gliomi cereL7·ali;

par Tamburini et MAHCIII. Heg¡ ! io-IlI11lia, 1883.

Sullapucsiu del dubbio con timurc (lrl contallo e sulli idée fisse ed

impulsive; par Tamburini. Heggio-Emilia, 1883.

Gheel et le patronage familial (lettres médicales) ; parJ ? 1. PFH : Tr : ns.

Bruxelles, 1883, Manceaux. éditeur.

Fortictic uxz7zual report of tlcc managers of the state lunatic asylum

at Utica for the year 1 882. Albany, 1883. 1

Contribution à l'étude de la statistique de la criminalité en France,

de 1826 à 1880; par J. SOCQUET. Thèse de Paris, 1883.

Estomac et cerveau (étude physiologique clinique et thérapeutique),

par Leven. (llasson, 1884.)

Fstudios clinieos de neuropatoloyia, par José AnwNCUd : y Tuset,

Barcelone 1884. (Contenant une monographie de la migraine

ophthalmique.)

Etude sur le goitre exophthalmique ; par Gros. Thèse, 1884.

De l'aphasie hystérique; par DA VID. Thèse, 1884.

De l'influence exercée sur l'état mental par l'approche de la mort :

par Salivas. Thèse de Bordeaux, 1883.

VARIA

Relation d'un VOY.\1; psychiatrique en Danemark,

E\ 5U1· : DF F : T E : 7 OI1R'Î : GF

Par le Dr CLAUS (de l'asile de Sachsenbergl.

Ce voyage, effectué pendant l'été dernier, a permis àAi. Claus de

visiter un certain nombre d'établissements d'aliénés dans les pays

en question. Les notes qu'il publie comblent, ainsi qu'il le dit lui-

même avec raison, une lacune, car les recueils, journaux ou

traités sont actuellement fort pauvres en documents de ce genre

sur les régions Scandinaves. Aussi, tout en condensant le plus

possible les matériaux étendus qui nous sont fournis, ne pouvons-

VARIA. 279

nous nous garder d'être un peu long et de scinder notre analyse

en deux parties, dont l'une envisagera le Danemark, et l'autre, la

Suède et la Norwège.

A. DANE11ARK.

11. Claus a visité les quatre grands établissements d'aliénés du

nanenlark, et Je quartier cellulaire de l'hôpital communal de

Copenhague. Ce sont : l'asile de ,t) ? ,(Ii2gboî,g, dans l'île Seeland,

destiné aux malades curables ou incurables des îles danoises, c'est-

à-dire à Seeland moins Copenhague, à Fionie, à Laalnd et à

Falster; l'asile à'Aarhuus. affecté au .lutlaud, qui est également un

.-L51le-liosr)ice ; celui de Vibory, qui reçoit les aliénés du Juttand et

des lies et joue'le rôle d'un hospice pur; enfin l'hopital Saint-Jean

(Saint-Hans) près Roeskilde qui constitue àla lois un établissement

de traitement actif, à la fois un asile de retraite pour les aliénés

aigus et chroniques de la commune de Copenhague.

,. '11' Ii

Les pensions, dans, ces asiles, comme à l'hôpital, sont de trois

classes, mais, les prix étant différents, nous les résumerons avec

les conditions correspondantes dans le tableau suivant :

l'ftlR DE L\ PEi'(SJOX D\NS LES ETABLISSEMENTS DE VORDINGBORG

ET D'AARHUUS 1

280

VARIA.

PRIX DE LA PENSION A L'IIOPITAL SAINT-JEAN, PRÈS ROESKILDE

VARIA. 281 1

collège de santé; c'est lui seul qui détermine si un malade remplit

les conditions qui nécessitent son entrée ou qui autorisentsa sortie.

La direction examine les garanties offertes pour le paiement de

la pension et décide de leur valeur. Il n'y a pas en Danemark de

loi sur les aliénés.

Les dépenses qui résultent des évasions sont supportées pour les

pensionnaires de première classe, par la bourse de ces derniers,

et par l'asile pour les pensionnaires des deux autres classes. Les

malades de la troisième classe doivent, au moment de leur récep-

tion, apporter un vêtement complet, ainsi que le linge de corps

nécessaire : on les renvoie également tout équipés, quand ils sont

guéris, l'établissement s'étant, pendant leur séjour, chargé de leur

entretien absolu.

Les repas des malades de la troisième classe comportent, quatre

à cinq fois par semaine, de la viande fraîche, deux fois de la viande

salée ou du lard, de la morue salée ou du poisson frais; l'alimen-

tation, est d'ailleurs copieuse et de bon aspect. - C'est le médecin

en chef qui choisit et renvoie le personnel des gardiens. Les

gardiennes n'ont pas d'uniformes; les gardiens portent une redingote

bleue à boutons brillants, marquée au collet du schéma de l'asile

en raccourci/ Les punitions sont : la privation de sortie, les

amendes,'le renvoi immédiat. '

Il i i d\, 1H 1 ¡ 'II ! i Il

Tous les établissements sont presque combles. 0 ne s'est pas encore

décidé, à construire de colonies. On parle simplement de l'édification

fort probable sur le Petit Belt, près de Middelfort, à Fionie, d'un

nouvel établissement dont les plans déjà arrêtés n'attendent que

l'approbation indubitable du corps législatif.

' , '1 .i .. , 111

1 f Il .. i, 'il

. I. 1. Asi{ de Vordingborg. Directeur : Dr Fuerst. Quand d'Oreho-

ved tlans l'ile, Falster ,, on se dirige sur le grand Belt vers

, Seeland, on a devant soi, à sa droite, une colline boisée dont la

, pente, douce , incline, vers la mer : une série de constructions de

belle, prestance, dont les murs clairs et les toitures rouges tran-

chent, agréablement sur le vert environnant, se détachent de ce

(, fond. C'e·t l'asile de Vordingborg, asile de l'Etat affecté aux îles

,, danoises (osliflernes sindssygeanstalt). D'abord ouvert pour

, 1 ? (1 malades curables (18.'iS), il se composait, en 18-il, de

430 places sans distinction du genre de malades; on y compte

actuellement 225 hommes et 213 femmes. De Vordingborg,

charmante petite ville, et station sur la ligne du chemin de fer

du Sud de Seeland qui, dépassant Roeskilde, conduit à Copen-

hague, on atteint l'établissement à pied en une petite demi-heure

sur une chaussée confurtable. - Le territoire de l'établissement

est formé par une petite péninsule; la superficie en est de

: 2R2 VARIA.

.)6 hectare,. I rS, dont les trois cinquièmes sont occupés par

les constructions, le terrain de labour, les jardins, deux cin-

quièmes étant affectés aux prairies et aux bois. Les bâtiments, en

briques, dépourvus d'ornementation extérieure, revêtus d'un

enduit blanc jaunâtre, couverts de tuiles rouges, représentent dans

leur ensemble un quadrilatère allongé, partout à un étage, excepté

aux angles et dans le milieu (deux étages). L'entrée occupe

celui des côtés étroits qui regarde à peu près le nord-ouest. On se

trouve, après l'avoir franchie, dans une cour un peu resserrée qui

vous offre : à gauche, en un seul édifice, la cuisine et la buanderie,

fonctionnant toutes deux par la vapeur et. plus en dehors, la sec-

tion des femmes : à droite, le bâtiment de l'administration et la

section des hommes. Le petit côté orienté au sud comprend un

' bâtiment destiné à l'habitation de la direction, au temple, il la

i salle des fêtes et renfermant, à droite et à gauche, des chambres

de pensionnaires, hommes et femmes, de première et deuxième

classe. Les corps de logis destinés aux malades sont disposés enter-

rasses, de sorte que, bien que les murs qui circonscrivent les cours et

jardins mesurent entre neuf et dix pieds de haut, la vue ne ise

trouve nulle part masquée. Les sections réservées aux tranquilles et

aux malades propres, aux demi-agités sans gâtisme, aux agités et

malpropres, sont marquées à l'aide de lettres. Il existe'une sec-

tion spéciale de cellules (vingt cellules pour chaque sexe). Les

chambres delà troisième classe sont très simples, mais très pro-

pres ; celles des pensionnaires des classes supérieures sont très élé-

gantes. Chaque division se compose de salles de jour, de réfec-

toires (daglokaler og spivestner) et de dortoirs (soverum) tant au

rez-de-chaussée qu'au premier étage. Tous les lits sont en bois, le

fond de ceux des gâteux est taillé en pente, et percé au 'éentre.

La couche se compose d'un matelas et d'un oreiller en' varech;

couvertures de laine (deux en été; trois à quatre en hiver). Un

pot de nuit en porcelaine sous chaque lit. Les épileptiques et les

infirmes ont des lits à caisse, dont les parois sont, pour beaucoup,

capitonnées. Une conduite d'eau apporte l'eau de plusieurs kilo-

mètres et la distribue pour tous les usages domestiques, sans

qu'on soit oblige de faire intervenir d'appareils spéciaux élévateurs.

Les cellules sont spacieuses, leurs parois cimentées , de colo-

ration bleue ou rouge sont percées d'une fenêtre , latérale supé-

rieure ou prennent la lumière directement par en haut; elles, ne

contiennent pas de lieux d'aisances Le chauffage s'effectue par

l'air chaud pour les cellules, ailleurs, par des poêles (tourbe et

houille). Les pissotières consistent en des entonnoirs métalliques,

émaillés, automatiquement rincés par la partie supérieure ; les

lieux d'aisances appartiennent au système des fosses mobiles.

L'éclairage s'exécute par le gaz, que l'on fait arriver de la ville.

Chaque service, des hommes ou des femmes, dispose de trois salles

VARIA. 283

de bains pourvues de trois à quatre baignoires. Les fenêtres, à bat-

tants sont grillées, ou maintenues fermées. La ventilation s'opère

par les portes et les fenêtres. Cubage des dortoirs de la troisième

classe : 300 pieds cubes par lit. La vaisselle est toute de porcelaine

blanche; ce n'est que par exception, et dans les cellules, que l'on

utilise de la vaisselle en métal. - On tient la main à ce que les

malades n'errent pas M'aventure dans les pièces d'habitation, sinon

on les enferme dans le quartier cellulaire. - La camisole de

force est en usage, de même que le manchon et la sonde oeso-

phagienne. On est frappé d'ailleurs du nombre de mélancoliques

fourni par ce peuple. On se sert du moins de médicaments pos-

sible, et, ces médicaments, on les fait venir de la ville.

Le personnel médical se compose d'un médecin en chef et d'un

médecin-adjoint. Des étudiants; bénévoles sont admis en outre à

faire le service. Le nombre en est fixé à deux par asile, du moins

pour Vordingborg, Aarhuus et l'hôpital Saint-Jean (de Roeskilde),

Viborg n'en ayant pas. Ils y font un internat de quatre à six mois.

L'un des candidats est, en ce qui concerne les asiles, pris dans

l'hôpital Friedrich de Copenhague; l'autre est choisi par la direc-

tion : pour l'hôpital Saint-Jean les deux élèves sont fournis par

l'hôpital communal. Ces jeunes gens ont des appointements, le

logement et la nourriture. Leur service parmi les aliénés n'est,

somme toute, point obligatoire, même pour ceux d'entre eux qui

se destineraient à des fonctions de l'Etat.

Le personnel administratif comporte un économe, un trésorier,

deux gardiens-chefs, deux gardiennes principales, un gardien par

dix malades sans parler'des gardiens attachés aux pensionnaires

dé première classe, qui touchent vingt-cinq à trente couronnes

(trente-cinq à quarante-deux francs) par mois. Un pasteur et un

organiste assurent le service religieux ; tous deux habitent la ville

et viennent le dimanche. L'asile a son cimetière particulier. Une

jolie salle des fêtes est de temps à autre le théâtre de petites

solennités. Enfin le voisinage de la mer a été mis à profit; on a

installé sur la plage un matériel de bains de nier qui rend d'excel-

lents services.

Soixante pour cent des malades travaillent chaque jour. Néan-

moins le directeur ne croit pas à l'opportunité d'une colonie

agricole; les terrains seraient chers, et cependan t un bon tiers est

affermé.

L'asile exige chaque année de l'Etat une dépense de Il : ! à

1'20,000 couronnes (157 à 168,000 francs). Il tire de la ville ses

subsistances.

2R 'l VARIA.

'i Jq nj Il RÉSUMÉ DU MOUVEMENT DE LA POPULATION 1

6 ' ' '' Depuis le 3 avril 1 858 jusqu'au 31 1 décembre 1880.

i ? lf

VARIA. OR5

y a continuité. La plupart des chambres à coucher sont, comme

les chambres de malades, situées au premier étage; mais on y

rencontre aussi quelques, chambres séparées pour malades de la

première classe ainsi que des salles de jour et de travail d'un

petit nombre de maladesl calmes de la dernière classe. Le second

étage des deux ailes latérales les plus externes contient une série

de chambres à coucher pour malades calmes de la classe ordinaire.

Les corridors sont orientés au nord, les lieux d'habitation au sud

ou au-sud-est. Les chambres à coucher et les cellules sont munies

de tolets; les portes s'ouvrent vers les corridors. Eclairage au gaz

fourni par la ville. Chauffage à l'aide de poêles et de courants de

vapeur' chaude; les cellules sont en particulier chauffées et ventilées

par ce dernier moyen. - Quinze cellules assurent l'isolement chez

les hommes et chez les femmes ? les parois, cimentées, limitent un

espace respectable,- et chacune droites est munie de ses latrines;

une d'entre elles est capitonnée ; ce quartier présente, un corridor

de)12 pieds de large sur 100 de. long qui peut servir'de salle'de

jour. Le système des lieux d'aisances est à fosses mobiles; la chambre

de, laj cuvette est contenue dans, un , pavillon .émergeant ( d'un

corridor dont il est séparé par une antichambre, c'est-à-dire par une

double porte. - Les bains sont répartis en trois, groupes. On en

,trouve dans l'étage des caves 2 seellOlls" ç0D1p,tallti¡c\9up, deux

''baignoires et les accessoires nécessaires pour, malades calmes de

1 première, di uxième et en partie de, troisième, classe; on en trouve

au rez-de-chaussée près du quartier, cellulaire .une section de cinq

.baignoires pour les autres catégories d'aliénés des deux "s"ex'es"" -

;Un môme édifice englobe la cuisineetlabuanderiequifunctionnentà t à

'.la vapeur. La vapeur est également utilisée à chauffer le réservoir

des deux grandes sections balnéaires, et à pourvoir l'établissement

entier d'eau chaude. La distribution d'eau froide se fait et'par une

machine à 'vapeur et par deux grands bassins alimentés par un

ruisseau qui passe sur, les confins de l'asile. -5oisaiité-treize'poür

-cent des aliénés travaillent. Les; autres détails sont . les mêmes

. qU';1 Vordingborg; ici aussi les , mélancoliques sont nombreux, ici

.aussi il existe une installation de bains de mer, ici aussi, les drogués

\iennent de la ville; elles sont transformées en médicaments par

'les. étudiants bénévoles déjà, nommés. L'asile a une bibliothèque

confiée au médecin-adjoint. On distrait les malades par des excur-

- sionset desdanses. ; : , Le personnel est le même qn'à .vordingborg.

% Nous relevons les traitements : , , , ,.Il "" I

111 ? tt, l Ir 1 1 ¡ lu ! Il'1 Il 1 .III· 1 1 j 1 1,

1 i Des gardiens : Pour la première année, ISO couronnes (252 fr.) :

^ , ,, ,, ,. ,. . ' (GO l'hiver^' 120 l'été). ·

Pour, la seconde année, 200 couronnes (280 fr.) : ¡

LI'if tt , , ,I .' ,. (70 l'hiver; 130 l'été).

Augmentation graduelle jusqu'à 4¡; c. (3')3 fr.) :

86 VARIA.

Des gardiennes : Pour la première année, 105 couronnes (l4 i fr.) :

(35 l'hiver; 70 l'été).

- Pour la seconde année, J ? 0 couronnes :

(40 l'hiver; 80 l'été).

Les malades renvoyés peuvent recevoir des fonds de secours

d'une institution qui n'a pas cependant pour objectif cette

.protection; les allocations peuvent atteindre 100 couronnes. -

L'établissement tire son pain et sa viande d'Aarhuus. Il coûte à

l'Etat près de 4-'r0,000 couronnes (196,000 francs).

III. Asile de Vibor. Directeur : Dr GAD. - C'est, nous l'avons déjà

dit, un établissement d'entretien d'aliénés incurables. Situé comme

le précédent dans le. Jütland, il a été ouvert en l'année 1877, par

transformation d'une vieille maison de correction, pour 300 pen-

sionnaires de troisième classe : le nombre des malades a, par

' arrêté ministériel du 21 janvier 1881, éte porté à 315. On arrive à

Viborg, petite ville riante et riche de 4,900 habitants, par ]echemin

de fer de l'Ouest du Jutland; elle est à 1 heure 1/4 de Langaa.

L'asile est dans la ville même, à 5 minutes de la station ; limité à

l'est par le lac de Viborg, il confine, à l'ouest et au sud, à une rue

animée. C'est également un asile de l'Etat. La désaffectation des

bâtiments se reconnaît à l'asymétrie des constructions sur le ter-

ritoire desquelles empiète l'usine à gaz de la ville, à la gros-

sièreté des parois extérieures, dépourvues de tout enduit, à l'éléva-

tion des bâtiments qui. pour la plupart comportent quatre étages, Il

à l'agglomération des édifices, à la solidité et à la disposition des

ouvertures, armées de grilles à toute épreuve; on se croirait dans

une prison. On a divisé les services pour le mieux, mettant les

hommes près de la rue, les femmes plus en dedans; on a formé

dans chaque service des sections, désignées par des lettres, pour

agités et gâteux, déments et gâteux, agités (ces trois sections ont

chacune deux chambres d'isolement), tranquilles et propres, in-

firmes ; enfin on a installé un quartier cellulaire de huit cellules

pour les hommes, de dix cellules pour les femmes. Dans les

étages supérieurs on a placé les dortoirs ; aux étages moyens

ainsi qu'au rez-de-chaussée on a réservé les salles, de jour : le rez-

de-chaussée renferme aussi les maladies somatiques et les ion-

firmes. Tous ces locaux sont très simples. Les lits sont en bois.

Certaines chambres contiennent jusqu'à vingt lits et davantage;

le cubage d'air pour chaque lit est de 4.'i3 à 653 pieds cubes. Les

cellules ne renferment pas de latrines. Quinze baignoires en

métal émaillé assurent le service hydrothérapique. Un puits

artésien et l'eau de mer alimentent l'établissement grâce à l'action

d'une machine élévatoire àvapeur, quisertébalementdlacuisine

et il la buanderie. ' Cinquante-quatre et demi pour cent des ' ¡

aliénés travaillent. Comme il s'agit d'affection» chroniques,

FAITS DIVERS. z87

le mouvement de la population est, en fait de renvois', très peu

accusé, néanmoins il en sort quelques-uns. - L'asile tire ses

subsistances de la ville. Il coûte fort cher à l'Etat.

Le scrvice médical est fait par le directeur assisté d'un médecin

qui habile la ville et vient une heure par jour à l'asile. Ce dernier

a pour traitement 2,300 couronnes (3,500 francs) ; il fait naturelle-

ment de la clientèle. Les médicaments sont fournis par la ville.

Le reste du personnel se compose d'un économe, d'un trésorier,

d'un gardien et d'uue gardienne en chef, d'une cuisinière en

chef, de 16 gardiens et de 20 gardiennes. Le temple est desservi

par un pasteur de la ville; d'ailleurs les quelques malades, qui en

sont capables, se rendent à l'église de la ville; les enterrements

se font au cimetière de Viborg. (.1 suivre.) '

FAITS DIVERS

Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres DE Cvsa. Prix

Le Sauvage. « Anatomie, histologie et homologie des différentes

parties du système nerveux des poissons. » Le prix est de deux

mille francs. Les mémoires devront être envoyés au plus tard le

31 décembre 1883. - Les manuscrits devront parvenir franco à

M. Armand Gasié. secrétaire de l'Académie, rue Elle-rle-l1eaumont, : i, ù Caen. Ils porteront une épigraphe ou devise, répétée dans un

billet cacheté qui contiendra le nom de l'auteur. L'académie ne

rend aucun des manuscrits qui ont été soumis à son examen ; mais

leb auteurs ont la liberté d'en faire prendre des copies. '

Asiles D'ALIÉNÉS DE la SEINE. - Nominations. - Nous apprenons

avec plaisir la nomination de notre ami et collaborateur M. le

Dr Kéraval, médecin-adjoint de l'asile de Saint-Yon, comme mé-

decin-adjoint (création nouvelle) de la colonie d'enfants arriérés,

annexée à l'asile deVaucluse.

Commission de surveillance. Par arrêté préfectoral en date du

30 décembre 1881, sont nommés membres de la commission de

surveillance des asiles publics d'aliénés du département de la Seine,

pour une durée de 5 années à dater du 1.' janvier 1881, MM. Pu-

teaux et le D du Mesnil.

Asile d'aliénés DE MONTPELLIER. - A la suite d'un cours ouvert à

l'hôpital général, le 14 janvier dernier, M. Combemalle a été

nommé interne de l'asile d'aliénés de Montpellier.

Hospice D'OflL1\9 : Quartier d'aliénés. -Par suite du décès du

1), Lepagc, la place de médecin du quartier des aliénés aux hos-

pices d'Orléans est disponible.

288 FAITS DIVERS.

Société d'anthropologie DE Bordeaux et du SUD-OUEST. - La

première séance de cette Société a eu lieu le samedi 19 janvier.

La plupart des membres fondateurs, dont le chiffre s'élève déjà

à 130, étaient présents à cette réunion. La séance a été ouverte

par une allocution dans laquelle le président souhaite la bien-

venue à ses collègues, et montre comme la ville de Bordeaux et sa

région étaient naturellement désignées pour être le siège d'une

Société d'anthropologie, par la station des Eyzies, les cavernes et

les abris sous roches des bords de la Vézère, les grottes d'Excideuil,

d'Aurensan, du Placard, de Marcamps, le plateau de l'Agenais, la

vallée de la'l'ardolre, etc., enfin par les travaux des savants tels

que Broca, Lartet, Reverdit, Pottier, Testut, Berchon, Lalanne et

tant d'autres.

Les élections complémentaire étant faites, le bureau se trouve

ainsi composé :

Président, M. le Dr Azam ; vice-présidents, MM. Bayssellance,

Daleau (de Bourg) ; secrétaire général, il/. le Dr Testut; sociétaires

des séances, MM. Lasserre, NicuJai; trésorier, M. Baillou; archiviste,

M. Emile Lalanne; conservateur de collection, M. Tissier; membres

du conseil, MM. Espinas, de Mensignac, Faure, Cabanes, Dr Guillaud.

Le bureau nommé, la Société commence la discussion de ses

statuts et entend une partie d'une communication de M. Espinas,

professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Bordeaux et

ayant pour titre : Hypothèses J1s ! Jeho-phifSiolo ! Jiques sur la nature et

les effets du sommeil provoqué chez les hystériques. Cette communi-

cation sera suivie d'un travail de M. le professeur Guillaud, sur un

Gisement de mammifères quaternaires a Bymet, et de M. Claverie,

sur l'Ethnographie des ilcs Marquises.

Les amis des sciences anthropologiques qui désirent faire partie

de la Société doivent adresser leurs demandes à M. le Dr Testut,

33, rue Bouffard, à Bordeaux, secrctaile général ; la Société étant

constituée, leur demande doit être appuyée par deux membres.

Revue philosophique, dirigée par Tu. Uibot, paraissant tous les mois.

Sommaire du us de février 1881" -L'Evolution de « briller» en sanscrit,

en grec et on latin, par Il. HL'gnaud. - Remarques sur les sensati ns et

les perceptions, par F. Bonatelli. - L'esthétique du vers moderne, par

Guyau. - Analyses et comptes rendus de : l'histoire de la philosophie

européenne, par A Weber; Emmanuele Kautn, par Cautoui; l'idée mo-

derne du droit, par Fouillée. - Revue bibliographique. Variétés. -

Revue des périodiques étrangers. Paris, anciennelibrairie Germer-Bail-

lière et C'c. 1LLIX ALCAN, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain.

Le z·éclacleter- ! lirazzt, IIOUIINEVILI ?

EH, 11\ 1 Il 1f111....K". unp. - 384.

Vol VII. Mai 1884. Nu 21

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE ' ; ,H ¡ 1 4f' ?

L^. -PERTE DE LA VISION MENTALE DANS' LA MÉLANCOLIE

ANXIEUSE-; , 41 . 1 '11 fI,l' 1

Ii 1 'l "'1 IItl tut

Par le Doctetir COTARD. ? 1

J'ai appelé l'attention, dans un précédent travail,'sur

un état psychique, propre aux anxieux chroniques, et

caractérisé principalement'par la négation de l'existence

des objets extérieurs ou de la personnalité, du malade

lui-même. ' ' 1 f >

Je me suis borné à un simple exposé des faits,' sans

autre but que de déterminer la valeur clinique du symp-

tôme et sa place en pathologie mentale. J'ai laissé vo-

lontairement de côté toute interprétation des phéno-

mènes, toute recherche de physiologie ou de psycholo-

gie pathologiques, de peur de me laisser aller à des

hypothèses ou trop hasardeuses ou trop banales.

Si je reprends la plume aujourd'hui sur le même su-

jet, si je me sens plus de hardiesse, c'est que je trouve

un point d'appui dans la remarquable observation due

à notre savant maître, M. le professeur Charcot, et

Archives, l. VU. I ! 1 foi

290 CLINIQUE mentale.

publiée par M. Bernard, dans le Progrès médical du

21 juillet dernier. Ce fait si curieux et si finement

analysé est connu de tous les lecteurs des Archives de

Neurologie. -

Il s'agit, on se le rappelle, d'un homme instruit et

intelligent qui, à la suite de préoccupations, d'insom-

nie et de perte d'appétit, s'aperçut d'un profond chan-

gement survenu dans ses facultés.

Il avait perdu la mémoire visuelle des objets; illui

était devenu impossible de se représenter mentalement

des villes, les monuments, les paysages, les objets qui

lui étaient le plus familiers; les visages môme ,de ses

parents et de ses amis ne pouvaient plus être rappelés

à son souvenir et ne se retraçaient plus dans son es-

prit. En un mot, il avait perdu le pouvoir, autrefois

très développé chez lui, de voir mentalement les objets

absents.

Tout récemment, un malade que nous observons,

M. Falret et moi, depuis une dizaine d'années, actuel-

lement pensionnaire de la maison de santé de V...,

nous confia qu'il éprouvait certains symptômes fort

voisins, à ce qu'il me semble, de ceux que je viens de

rappeler.

. Voici, brièvement résumée, l'histoire de ce malade.

M. P..., âgé de soixante-huit ans, diabétique, a été placé

une première fois, en décembre 1872 ; il était à cette époque

dans un état de mélancolie caractérisé par des craintes, des

frayeurs et une hésitation continuelle le conduisant à l'inac-

tion et au refus des aliments. Il se croyait ruiné, incapable et

voulait en finir avec la vie. Tantôt il restait debout dans

l'immobilité, tantôt il se promenait de long en large dans sa

chambre en répétant qu'il était le plus malheureux des

hommes, qu'il était perdu et qu'il ne guérirait jamais. M. P...

PERTE DE LA VISION MENTALE. 291

faisait les plus grandes difficultés pour manger, pour s'habil-

ler, pour se promener ; il fallait le menacer pour obtenir de

lui qu'il accomplit les actes les plus indispensables à la vie.

Vers le mois de février 1873, cet état s'améliora considérable-

ment, et M. P... put retourner dans sa famille.

Un nouvel accès nécessita un nouveau placement en 1881.

Les mêmes symptômes de mélancolie anxieuse, les mêmes con-

ceptions délirantes se reproduisirent, mais il s'y joignit bientôt

des idées hypocondriaques qui, surtout pendant un paroxysme

anxieux très intense, survenu en novembre 1882, devinrent

prédominantes. M. P... prétendait qu'il n'avait plus de sang,

que tout son corps était pourri, qu'il allait mourir, qu'il était

mort. Le même délire hypocondriaque persiste encore aujour-

d'hui, en même temps que les idées d'incapacité, d'indignité et

de perdition. M. P... s'accuse toujours lui-même, mais il s'en

prend aussi aux autres; il est extrêmement difficile à satisfaire,

se plaint du froid, du chaud, de la nourriture ; une fenêtre

ouverte quand elle devrait être fermée ou fermée quand elle

devrait être ouverte suffit à provoquer une crise de désespoir.

M. P... reconnaît qu'il n'est plus capable de rien, qu'il n'a plus

ni énergie ni intelligence, mais ce sont tous les mauvais pro-

cédés, toutes les contrariétés, toutes les misères dont il a été

abreuvé, qui l'ont réduit où il en est.

M. P... se plaint que, depuis quelques mois, il lui est devenu

impossible de se représenter mentalement les objets qui lui

étaient le plus familiers. M. P... a habité longtemps B...,

il connaissait parfaitement cette ville et, après l'avoir quittée,

il en avait gardé un souvenir si précis qu'il lui suffisait de

fermer les yeux et de faire un léger effort de réminiscence

pour qu'il lui semblât voir le port, les rues, les magasins et la

maison qu'il habitait. Aujourd'hui cette opération mentale est

devenue complètement impossible. M. P... ne réussit pas da-

vantage à se représenter la ville de V... ni la rue, ni la maison

qu'il y a habitée depuis qu'il a quitté B... Le visage de sa

femme lui apparaît encore par moments, mais très confusé-

ment. Tantôt M. P... nous dit qu'il en retrouve quelques traits,

tantôt il nous assure que l'image s'est totalement effacée.

Je puis citer encore un autre fait, j'ai été appelé, il

y a quelques semaines, auprès d'un homme d'une

292 -) ' CLINIQUE MENTALE.

quarantaine d'années, dont l'état mental donnait quel-

ques inquiétudes à son entourage. Ce malade se plai-

gnait d'une diminution de ses facultés intellectuelles,

il se disait perdu, incapable de remplir ses devoirs

professionnels et voulait en finir avec la vie. Un pre-

mier accès avec symptômes très analogues avait eu

lieu il y a quatre ans et avait, dit-on, parfaitement

guéri après un an de maladie. L'accès actuel remonte-

rait environ six mois. Le malade ne dort presque pas,

se promène la nuit dans sa chambre, en se lamentant.

Il prétend qu'il a la plus grande peine à se représenter

mentalement les objets. Etant allé dernièrement passer

quelques jours dans sa famille, en province, il nous

raconte qu'à son retour, à peine monté en wagon, il

lui fut impossible, malgré .tous ses efforts, de se repré-

senter les traits de ses enfants, de sa mère et de ses

soeurs qu'il venait de quitter. M. "` est à la tête d'un

bureau de contentieux. Son travail, qui exige beaucoup

d'attention, est actuellement au-dessus de ses forces.

M. "' attribue son incapacité à ce qu'il ne peut plus

se représenter mentalement et avoir présents à l'esprit

les documents relatifs à ses affaires.

Les deux malades dont je viens de résumer l'histoire

peuvent être regardés comme des types de mélancoli-

ques anxieux, le premier évoluant vers ce que j'ai ap-

pelé le délire des négations.

Il m'a paru intéressant de noter la coexistence avec

cette forme vésanique, de la perte de la vision men-

tale. On ne peut s'empêcher de supposer qu'il y a là,

en effet, autre chose qu'une coïncidence fortuite. Si la

perte de.la vision mentale était un fait ordinaire chez

PERTE DE LA VISION MENTALE. 293

les anxieux chroniques, on serait invinciblement en-

traîné à considérer la négation systématisée, comme

un délire greffé sur le trouble psycho-sensoriel, comme

une interprétation maladive du phénomène. Malheu-

reusement, les recherches cliniques propres à élucider

ce problème sont fort difficiles. Les anxieux chroni-

ques sont, pour la plupart, hors d'état de répondre à

des questions qui exigent certaines facultés d'analyse

psychologique.

On ne peut guère demander à des aliénés, s'ils se

représentent mentalement des objets qu'ils nient avoir

jamais existé; la plupart d'entre eux ne répondent

même pas aux questions qu'on leur adresse.

Il faudrait saisir le moment, probablement très fu-

gitif, sauf dans quelques cas exceptionnels comme ceux

que je viens de citer, où la perte de la vision mentale

étant accomplie, le délire corrélatif ne s'est pas encore

organisé.

Il faudrait encore étudier s'il n'y a pas quelque chose

d'analogue à la perte de la vision mentale, un dimi-

nutif de ce symptôme chez les mélancoliques simples

qui se plaignent de ne plus voir les objets que con-

fusément, de ne plus les reconnaître, et qui se

sentent séparés, comme par un voile, de la réalité ob-

jective.

Il ne serait pas moins intéressant de rapprocher de

la perte de la vision mentale l'altération des senti-

ments affectifs.

L'influence des images sur les sentiments et l'in-

telligence est suffisamment établie par l'usage qu'en

ont fait les principales religions, et par le secours

qu'y ont trouvé les mystiques. Parmi les philosophes,

294 CLINIQUE MENTALE.

Aug. Comte' a attaché la plus grande importance à

l'exercice de la vision intérieure, au culte des images

subjectives, comme moyen de perfectionnement mo-

ral. Un autre philosophe que j'ai grand plaisir à citer,

Pierre Prévost, grand-père de notre ami le D' Prévost

(de Genève), n'avait pas manqué d'indiquer ces rap-

ports entre les sentiments moraux et la réprésentation

mentale : « Ce que d'ordinaire on entend par sensibi-

lité, dit cet excellent psychologue, dépend en grande

partie de la faculté d'imaginer' ». Ces données empi-

riques et théoriques trouveraient peut-être une confir-

mation dans la pathologie.

Voici ce qu'écrivait le malade de M. Charcot : « Il

me semble qu'un changement complet s'est opéré dans

mon existence, et naturellement mon caractère s'est

modifié d'une façon notable. Avant, j'étais impression-

nable, enthousiaste et je possédais une fantaisie fé-

conde. Aujourd'hui, je suis calme, froid et la fantaisie ne

peut plus m'égarer... Je suis beaucoup moins accessible

à un chagrin et à une douleur morale. Je vous citerai

qu'ayant perdu dernièrement un de mes parents auquel

m'attachait une amitié sincère, j'ai éprouvé une dou-

leur beaucoup moins grande que si j'avais encore eu

le pouvoir de me représenter, par la vision intérieure, la

physionomie de ce parent, les phases de la maladie

qu'il a traversée et surtout si j'avais pu voir intérieure-

ment l'effet produit par cette mort prématurée sur les

membres de ma famille. »

1 Auguste Comte. Politique positive; Tms.sim. Voir la table analytique

¡J'Hel1l'i d'Olier.

' Pierre Prévost. - Essais de philosophie ou Etude de l'esprit humain.

Genève, an XII, t. ¡or, p. 298, 301.

PERTE DE LA VISION MENTALE. 295

Les mélancoliques avec conscience de leur état,

en même temps qu'ils se plaignent de ne plus voir

nettement la réalité objective, s'accusent de n'avoir

plus de sentiments affectifs, de ne plus rien aimer. S'ils

ne guérissent point ou si des accès ultérieurs plus graves

aboutissent à la chonicité, on remarque que leurs senti-

ments affectifs sont en effet gravement atteints et qu'ils

en arrivent à mériter les accusations qu'ils se prodi-

guaient naguère.

Quelques-uns deviennent accusateurs et persécu-

teurs et revêtent plusieurs des traits de la folie raison-

nante ; d'autres, dont le délire est plus caractérisé,

aboutissent aux négations et à l'indifférence la plus

absolue, quand ce n'est pas à la haine, pour tout ce qui

autrefois leur était le plus cher.

Cette altération des facultés affectives est-elle en

rapport avec l'effacement plus ou moins complet du

tableau des représentations subjectives ? Je me borne à

poser la question.

PATHOLOGIE NERVEUSE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES

(trajet INTRA-CÉnÉBn IL de L'II'POGLOSSE

Par le D, F. RAYMOND, agrégé de la Faculté, médecin de l'hospice

des Incurables, et G. ARTAUD, interne des hôpitaux.

- 3° Lésions de la capsule interne et du pédoncule.

Sur la coupe de Flechsig, la capsule interne est di-

visible en deux segments : le segment antérieur com-

pris entre le noyau caudé et le noyau lenticulaire du

corps strié et le segment postérieur compris entre le

noyau lenticulaire et la couche optique, tous deux ve-

nant se réunir par leur sommet en un point qui porte

le nom de genou de la capsule. L'étude des lésions de

la capsule (foyers d'hémorrhagie ou de ramollissement)

et des dégénérations secondaires dont elle était le

siège, a permis de subdiviser ces deux segments de la

façon suivante :

i° Le tiers postérieur du segment postérieur contient

le faisceau destiné à la transmission des impressions

sensibles; '

2° Les deux tiers antérieurs'idu segment postérieur

contiennent le faisceau destiné à l'innervation des

muscles des membres et du tronc ; .

1 Voiries Archives de Neurologie, t. VII, p. 14,.

DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 97

3' Le genou de la capsule contient le faisceau des-

tiné à donner le mouvement à toutes les parties de la

tête et du visage qui peuvent être actionnées par la

volonté.

4° Le segment antérieur de la capsule renferme un

faisceau dont les lésions se traduisent par des troubles

intellectuels;

A ces quatre faisceaux peuvent être imposées les

dénominations de : faisceau sensitif, faisceau pyra-

midal (faisceau moteur des membres), faisceau géniculé

(faisceau moteur de la face, de la langue, du voile du

palais), faisceau intellectuel.

De même, la région pédonculaire a été divisée en

quatre faisceaux qui sont :

1° Un faisceau postérieur faisant suite au faisceau

sensitif; '

2° Un faisceau moyen faisant suite au faisceau pyra-

midal ;

3° Un faisceau interne faisant suite au faisceau in-

tellectuel ;

4° Un faisceau intermédiaire au faisceau moyen et

au faisceau interne, correspondant au faisceau géni-

culé.

Ces deux derniers faisceaux, ainsi que l'a montré

l'étude des dégénérations secondaires, s'arrêtent au

bulbe(Charcot'; Brissaud2, Féré'). Ils renferment, en

même temps que les fibres intellectuelles, des fibres

1 Charcot. - Leçons sur la localisation dans les maladies du cerveau

et delà moelle ép11 ! ière, p. 221.

- 13rissaud. - Rrcla.jZnaf. et phys. sur la contracture permanente des

hémiplégiques, 1S80, p 3t.

3 Féré. Note pour servir el l'histoire des dégén. secondaires drc pérlon-

cule cérébral (Soc. Biologie. 1882, p. S ? 9.)

298 PATHOLOGIE NERVEUSE.

motrices destinées à l'innervation des muscles de la

face. Les fibres détachées du pied de la troisième

frontale (faisceau de l'aphasie) et les fibres détachées

de la frontale ascendante (faisceau de l'hypoglosse)

sont-elles contenues dans le même faisceau pédon-

culaire (faisceau géniculé ou faisceau intellectuel) ou

daus des faisceaux différents ? Telle est la question

' que nous allons examiner.

Brissaud, qui a bien étudié ces lésions dégénératives

de la capsule interne et du pédoncule, croit que les

dégénérations de la bandelette la plus interne du pé-

doncule (c'est-à-dire du faisceau intellectuel) coïn-

cident toujours avec des troubles purs et simples de

l'intelligence, sans aucune -manifestation paralytique

aux membres, au visage ou à la langue; tandis que

les dégénérations du faisceau intermédiaire (faisceau

géniculé) se rencontreraient dans les cas d'aphasie, de

paralysie des muscles de la langue, de la face, du voile du

palais. Pour Brissaud, comme on le voit, les fibres du

faisceau pédiculo-frontal inférieur et celles du faisceau

frontal inférieur~se réuniraient dans le même faisceau

pédonculaire, le faisceau géniculé.

Nous ne saurions être du même avis, et, bien que

n'ayant pas de preuves à fournir, nous pensons qu'il

existe dans le pédoncule un faisceau de fibres dis-

tinctes, intermédiaire au faisceau géniculé et au fais-

ceau intellectuel; la dégénération de ce faisceau, que

l'on pourrait nommer faisceau de l'aphasie se montre-

rait toutes les fois que la troisième circonvolution

frontale gauche ou le faisceau pédiculo-frontal infé-

rieur sous-jacent à cette circonvolution seraient seuls

intéressés.

DES LOCALISATION ? CEREBRALES. 299

Cette hypothèse s'appuie sur les considérations

suivantes :

1° En combinant les coupes de Pitres avec la coupe

de Flechsig, on voit que la coupe passant par le mi-

lieu de la frontale ascendante (coupe frontale de Pitres)

sectionne la capsule interne au niveau du genou,

tandis que la coupe passant par le pied de la troisième

frontale traverse la capsule interne dans son segment

antérieur à six à huit millimètres en avant du genou

de la capsule.

2° Dans l'hémiplégie vulgaire par lésion du faisceau

pyramidal, il y a toujours un certain degré de para-

lysie labio-glosso-laryuée, mais l'aphasie est rare.

D'autre part, l'aphasie peut exister et existe souvent

sans troubles paralytiques, mais accompagné de

troubles intellectuels. Dans le premier cas, le fais-

ceau géniculé est intéressé en même temps que le

faisceau pyramidal, en avant duquel il se trouve immé-

diatement ; dans le second cas, le faisceau pyramidal

et le faisceau géniculé sont respectés; seuls, le faisceau

de l'aphasie et le faisceau intellectuel ont été lésés.

Nous croyons donc que le faisceau pédiculo-frontal

inférieur {faisceau de l'aphasie) et le faisceau frontal

inférieur (faisceau de l'hypoglosse, du facial inférieur,

de la branche motrice du trijumeau) suivent dans la

capsule interne et le pédoncule un trajet, très voisin,

il est vrai, mais différent. Le faisceau frontal inférieur

ou faisceau de l'hypoglosse traverse la capsule interne

au niveau du genou {faisceau géniculé) et se place dans

le pédoncule à la face interne du faisceau pyramidal.

Le faisceau pédiculo-frontal inférieur ou faisceau de

l'aphasie traverse la capsule interne dans son seg-

300 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ment antérieur, en avant du faisceau géniculé, en arrière

du faisceau intellectuel, et se place dans le pédoncule

entre le faisceau géniculé et le faisceau intellectuel.

4° Lésions de la protubérance.

Les troubles de la parole auxquelles donnent habi-

tuellement lieu les lésions de la protubérance, sont

des troubles dans l'articulation des mots, par lésion

du faisceau de l'hypoglosse. Mais puisque le faisceau

de l'aphasie, de même que le faisceau de l'hypoglosse,

ne s'arrête qu'au bulbe, il doit exister une aphasie pro-

tubérantielle au même titre qu'il existe une aphasie

par lésion de l'écorce, des faisceaux blancs sous-jacents

ou de la capsule interne. Les faits de ce genre sont

très rares et nous n'avons à citer que l'observation

suivante de Hermann Weber et Altdaerfer empruntée

au British medical Journal (6 janvier 1877).

Observation I. Homme de trente-cinq ans. Perte de

connaissance et en même temps hémiplégie gauche. Sensibi-

lité obtuse. Luette déviée à gauche. Face paralysée incomplè-

tement. Pupilles sensibles. Paralysie complète du bras et de

la jambe. L'articulation des mots est très difficile et le malade

ne peut trouver le mot juste.

A l'AUTOPSIE, un petit foyer hémorrhagique avec ramollisse-

ment de la substance environnante, au milieu du côté droit de

la protubérance.

Les faits nous manquent donc pour poursuivre dans

la protubérance le trajet du faisceau de l'aphasie. En

ce qui concerne le trajet intra-protubérantiel du fais-

ceau de l'hypoglosse nous serons. plus favorisés car

nous avons pu recueillir trois cas de ramollissement

DES LOCALISATIONS CEREBRALES. 3u 1

de la protubérance avec glossoplégie. Ces cas sont les

suivants :

Observation II. Embarras de la parole, sans aphasie.

Foyer de ramollissement dans la protubérance.

N... (Paul), âgé de soixante-six ans, corroyeur, est entré

à l'infirmerie de médecine, le 26 novembre 188 : 2.

Antécédents héréditaires. Père et mère morts vers

soixante-quinze ans d'affections indéterminées. Frère goutteux.

Soeur actuellement bien portante. Pas de maladies nerveuses

dans la famille.

Antécédents personnels. -Bonne santé jusqu'en 1878. Excès

alcooliques. Pas de syphilis. Il y a cinq ans, étourdissements

passagers, accompagnés de maux de tête, d'affaiblissement de

la mémoire et des facultés intellectuelles; cet état dure quel-

ques mois, puis disparait.

En 1880, attaque avec perte de connaissance, embarras de

la parole, hémiplégie gauche; depuis lors, embarras de la

parole, fourmillements et douleurs dans les jambes, change-

ment de caractère.

Il y a trois mois, en novembre 1882, nouvelle attaque avec

perte de connaissance et accentuation de la paralysie à gauche.

Etat actuel. Malade très affaissé au point de vue cérébral.

La mémoire n'est pas encore complètement perdue et l'on

peut obtenir des réponses à peu près satisfaisantes.

La parole est lente, embarrassée, parfois incompréhensible.

La langue se meut difficilement et ne peut être tirée hors de

la bouche; elle est large, étalée, sans atrophie, ni déviation.

Il n'y a pas d'aphasie et le malade trouve parfaitement les

mots dont il a besoin pour s'exprimer.

Paralysie légère du voile du palais (rejet des aliments parles

fosses nasales et nasonnement). Pas de paralysie des lèvres, ni

de salivation. Gêne de la déglutition (toux au moment du pas-

sage des liquides). Réflexes conservés ainsi que la sensibilité.

Pas de troubles de la vue, de l'ouïe, ni de l'odorat. Pas de

paralysie des muscles de l'oeil. Rien du côté du facial supérieur.

Paralysie faciale inférieure gauche. Réflexes conservés,

ainsi que la contractilité électrique. Pas d'atrophie des muscles

atteints.

302 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Paralysie légère du bras gauche, qui peut encore faire

quelques mouvements (mouvements d'élévation de l'épaule,

mouvements d'extension et de flexion des doigts). Sensibilité

conservée dans tous ses modes ainsi que réflexes et contractilité

faradique. Pas de contractures ni de troubles trophiques.

Paralysie complète de la jambe gauche. - Pas de troubles

de la sensibilité. Exagération du réflexe patellaire. Pas de con-

tracture ni d'épilepsie spinale. Absence d'atrophie musculaire

et de troubles trophiques. Contractilité électrique plutôt

augmentée que diminuée.

En somme, hémiplégie gauche, intéressant le bras, la jambe

et le facial inférieur du Inème côté, et s'accompagnant d'un

embarras de la parole très accentué. Le malade, ne pouvant se

servir de sa jambe gauche, garde constamment le lit. Pas

d'escarres fessièrp, mais incontinence d'urines et de matières

fécales. Ni sucre, ni albumine dans l'urine.

Yers le 15 janvier, on remarque que la paralysie s'accentue

davantage à gauche. Le bras est devenu complètement

paralysé ainsi que la jambe. A la face, la déviation de la

commissure est plus accusée. La tète est inclinée à gauche ;

il existe en même temps un certain degré de rotation du

menton qui est porté à droite, par suite de la contracture des

muscles de la nuque, sans qu'il y ait rotation simultanée des

veux.

Le 27 janvier, le malade est paralysé à droite (membres

supérieurs et inférieurs; le facial inférieur droit étant peu

atteint). Cette paralysie est complète, flasque, sans convul-

sions, ni contractures. La piqûre de l'épingle n'est pas sentie

ni au bras, ni à la jambe. Peu à peu le coma s'établit, la

respiration devient sterloreuse (trente-quatre respirations à

la minute), sans Cheyne-Stokes, la température monte à 40°,5 5

et la mort survient dans la nuit du 28 au 29.

Autopsie. Cerveau gauche. Méninges un peu adhérentes.

Rien d'apparent à la surface, à part l'état effleuri des circon-

volutions. Sur des coupes verticales, très rapprochées l'une

de l'autre, on découvre, dans le noyau intra-ventriculaire du

corps strié, un petit foyer hémorrhagique récent de la grosseur

d'une noisette. La partie correspondante de la capsule interne

est intéressée sur une longueur d'un centimètre environ

(Coupe passant par la frontale ascendante).

Aucune lésion de l'insula ni de lu-troisième frontale gauche.

DES LOCALISATIONS CEREBRALES.

303

Cerceau droit. - Pas de lésion, soit à l'extérieur soit à

l'intérieur.

Protubérance. Sur des coupes transversales, à l'union du

tiers inférieur avec les deux tiers supérieurs de la protubérance,

foverde ramollissement dedeux millimètres de largeur et de cinq

millimètres de hauteur. Le foyer

est situé dans la pyramide motrice

droite, à cinq millimètres de la

ligne médiane et à huit millimètres

de la face inférieure du mésocé-

phale. (Fig. 9.)

L'examen histologique des pièces

durcies au bichromate d'ammo-

niaque ne fait que confirmer les

données précédentes. Sur de«

coupes transversales, ou vuit un

foyer composé de plusieurs petites

lacunes occupant les faisceaux les

plus postérieurs delà pyramide motrice, sans empiéter sur les

fibres transversales. L'examen du bulbe fait reconnaître l'inté-

grité des noyaux de l'hypoglosse. Pas de dégénérescence secon-

daire de la moelle.

Observation III. Embarras de la parole. Foyers de

ramollissement dans la protubérance.

P... (Louis), âgé de soixante-quinze ans, entre à l'inlirmeric

de médecine le 28 janvier 1883.

Il y a quatre mois, cet homme a été frappé d'hémiplégie

droite, ayant intéressé le bras, la jambe et la moitié inférieure

de la face. A ce moment-là, embarras passager de la parole,

sans aphasie. Puis, peu à peu, la parole est devenue très

difficile, par instants même incompréhensible. Le malade s'est

mis à bredouiller; il aurait perdu un grand nombre de mots,

et, dans les deux mois qui ont précédé sa mort, il n'aurait eu à

sa disposition que deux mots : oui et non ( ? ) Tels sont les

renseignements que nous avons pu recueillir de la famille,

car le malade nous a été apporté dans le coma.

A son entrée dans nos salles, l'état est le suivant :

Coma absolu. Respiration, régulière et bruyante, 2'a par

minute. Pouls petit, accélé, irrégulier, 104. - Température

Fiy. 9. - Coupe transverse

dp la protubérance. - Foyer

de ramollissement dans la py-

ramide motrice droite.

3Ui i

PATHOLOGIE <OERVI.;¡;S.E.

rectale, 38°,6. Paupières s'ouvrant et se fermant bien.

Pupilles égales, moyennement dilatées. Yeux convulsés en

haut et à gauche, sans déviation de la tête.

Paralysie faciale inférieure droite. Résolution des membres

du côté gauche qui retombent, inertes, dès qu'on les soulève;

réflexes cutanés et tendineux conservés ; sensibilité diminuée.

Du côté droit, contracture du bras en flexion et légère griffe

de la main; contracture en extension de la jambe et impossi-

bilité de provoquer le réflexe patellaire, en raison de la raideur

de l'articulation. Dans les urines, albumine; pas de sucre.

Mort le 29 janvier, au matin.

Autopsie. Cerveau gauche. Sur la face externe du cerveau,

au niveau des lobules pariétaux supérieur et inférieur, foyer

de ramollissement ancien du diamètre d'une pièce de 50 c.

environ.

Rien à la circonvolution de Brocha, ni aux ganglions.

Cerveau droit. Pas de lésions.

Bulbe et protubérance. Plancher du quatrième ventricule

paraît normal à l'oeil nu. Sur des coupes transversales de la

l'¡[J. 1 U. Loupe transmuer-

sale de la protubérance. -

Deux foyers de ramollissement

vers la ligne médiane.

protubérance, on trouve, à la par-

tie moyenne du mésocéphale, deux

foyers de ramollissement. Le foyer

gauche parait intéresser la partie

postérieure de la pyramide mo-

trice ; il est à un centimètre de la

face inférieure de la protubérance.

Le foyer droit, qui est à douze

millimètres de la face inférieure,

parait siéger dans les fibres trans-

versales. Les deux foyers sont très

rapprochés de la ligne médiane.

(1%rg. 10.)

A 1 examen histologique, après durcissement des pièces dans

le bichromate d'ammoniaque, on constate que, du côté gauche,

existe un foyer de ramollissement, très étendu, qui a détruit

tout les faisceaux constituant la moitié postérieure de la pyra-

mide motrice. Du côté droit, le ramollissement occupe à peu

près le quart postérieur de la pyramide motrice et empiète

légèrement sur les fibres transversales. Les deux foyers, en

arrière, se rejoignent; à ce niveau, leraphé et les fibres trans-

versales correspondantes n'existent plus. L'examen du bulbe

DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES.

305

fait reconnaître que les noyaux de l'hypoglosse ne sont pas

altérés.

Dans la moelle, dégénérescence secondaire du faisceau py-

ramidal croisé, à droite, et du cordon de Türck, à gauche.

Observation IV. Embarras de la parole par glossoplégie.

Paralysie incomplète du voile du palais. Foyer de ra-

mollissement dans la protubérance (résumée).

C. L..., âgé de soixante-dix ans, peintre, entré salle Saint-

Jean-Baptiste le fit mars 1833, mort le 17 juin.

Articulation des mots très difficile; parole par instants

incompréhensible. La langue se meut très difficilement

(surtout dans les mouvements

d'extension au dehors et d'éléva-

tion) ; pas d'atrophie ni de dévia-

tion. Les lèvres se rapprochent

avec peine et le malade ne peut

ni souffler une bougie ni siffler.

Paralysie incomplète du voile du

palais; nasonnement et rejet des

aliments liquides par les fosses

nasales. Gêne de la déglutition dé-

terminant des accès de suffoca-

tion. Immobilité de la moitié infé-

rieure de la face. Contractilité

Fig. 11. Coupe f1'ansv( ! I'-

sale de la protubérance. -

Foyer de ramollissement à

gauche.

iaraaique conservée; pas a atropme musculaire, tllen au cote

des organes des sens, du facial supérieur et des muscles des

yeux. Pas de paralysie des membres.

Mort par épanchement pleural.

A l'AUTOPSIE, pas de lésions cérébrales. Rien au bulbe.

Comme seules lésions, on trouve un petit foyer de ramollis-

sement siégeant à la partie postérieure et interne de la pyra-

mide motrice gauche de la protubérance. (7 ? 11.)

Dans ces trois observations se trouve signalée une

paralysie de la langue, avec troubles dans l'articulation

des mots; dans l'Observation II, cette glossoplégie

s'accompagne de gêne de la déglutition, de paralysie

incomplète du voile du palais et d'hémiplégie portant sur

Archives, t. Vil. 20

306 PATHOLOGIE NERVEUSE. LOCALISATIONS CÉRÉBRALES.

les membres et le facial inférieur du côté gauche, en-

semble clinique qui rappelle jusqu'à un certain point

celui de la paralysie glossolabiée. Les symptômes rele-

vés dans l'Observation III rappellent encore plus ceux

de cette dernière affection, puisqu'en même temps que

la glossoplégie et la paralysie du voile du palais, il est

dit que « les lèvres se rapprochaient avec peine et

que le malade ne pouvait ni souffler, ni siffler ».

Les lésions trouvées à l'autopsie ont été : dans

l'Observation II, un foyer de ramollissement situé à

la partie pastérieure et interne de la pyramide motrice

droite; -'dans l'Observation III, un foyer de ramollisse-

ment situé dans la moitié postérieure de la pyramide

motrice gauche, se rejoignant sur la ligne médiane à

un foyer récent occupant le quart postérieur de la py-

ramide motrice droite et empiétant légèrement sur les

fibres transversales de la protubérance; dans l'Ob-

bservation IV, un foyer de ramollissemeut siégeant à

la partie postéro-interzze de la pyramide motrice gauche.

Les lésions qui donnent lieu à la glossoplégie occupent

donc, dans la protubérance, la partie postérieure et

interne des pyramides motrices : nous sommes con-

duits, par là, à regarder ce point comme étant le lieu

de passage des fibres cérébrales de l'hypoglosse, et, par

suite, du faisceaugéniculé dont l'hypoglosse fait partie.

CONCLUSIONS.

A l'aide des faits précédemment exposés, le trajet

intra-cérébral de l'hypoglosse peut être déterminé

ainsi qu'il suit :

ENGORGEMENT DU SINUS FALCIFORME SUPÉRIEUR. 307

Nées du pied de la circonvolution frontale ascen-

dante, les fibres cérébrales de l'hypoglosse suivent

le faisceau frontal inférieur, traversent la capsule in-

terne au niveau du genou, se placent dans le pédon-

cule entre le faisceau pyramidal et le faisceau que

nous avons nommé faisceau de l'aphasie, occupent

dans la protubérance la partie postéro-interne des py-

ramides motrices, s'entrecroisent et de là gagnent le

plancher du quatrième ventricule pour se mettre en

rapport avec les noyaux bulbaires.

RECUEIL DE FAITS

CAS D'ENGORGEMENT PROGRESSIF DU SINUS FALCIFORME

SUPÉRIEUR;

Par le D' N. POPOFF, médecin à l'hôpital de Saint-Nicolas,

à PétersbourD 1.

L'oblitération des sinus de la dure-mère cérébrale est pro-

duite le plus souvent par une inflammation primitive des pa-

rois ou par la propagation d'un processus morbide de quelque

partie voisine (des os du crâne, par exemple). On observe plus

.rarement une thrombose essentielle des sinus; celle-ci peut

résulter d'un état de marasme des sujets très épuisés, ou bien

elle est le prolongement d'une thrombose des vaisseaux vei-

neux avoisinants; dans quelques cas, elle est consécutive à un

1 La pièce anatomique, décrite dans cet article, m'a été fournie par

mule Séguine, à laquelle je me fais un devoir d'exprimer à cette occasion

ma profonde reconnaissance.

308 RECUEIL DE FAITS.

traumatisme avec lésion des téguments et des os du crâne.

Mais, dans tous ces cas, elle se développe promptement.

Il est bien plus rare de voir l'oblitération de la lumière des

sinus s'opérer lentement. Les parois sont épaisses, résistantes,

et protégées en partie par les os du crâne, ce qui leur permet

de supporter facilement un effort extérieur considérable; aussi,

la lumière du sinus ne paul-elle guère être oblitérée que par

un obstacle tel qu'une tumeur qui, pénétrant 'dans la cavité,

continue à s'y développer '.

C'est très rarement, comme le prouve la lecture des auteurs,

qu'on a l'occasion d'observer des faits de ce genre.

Virchow, dans une de ses autopsies, a trouvé dans la portion

pierreuse du temporal gauche une tumeur perlée qui pénétrait

dans le repli du sinus latéral; au delà de la tumeur, celui-ci

était hermétiquement bouché par une coagulation organisée,

en partie décolorée adhérente aux parois et remplie en avant

jusqu'à la veine jugulaire d'une masse puriforme brunâtre 2.

Hutchinson a a signalé dans la cavité du sinus caverneux le

développement d'un anévrisme de l'artère carotide interne

gauche qui en avait complètement oblitéré la lumière et occa-

sionné la thrombose.

C'est tout ce que j'ai pu recueillir sur ce sujet il est vrai que

la littérature fait encore mention de néoplasies cérébrales

ayant déterminé l'occlusion de la lumière des sinus ; mais, dans

ces cas-là, on constata invariablement des formations malignes

qui constituaient des modifications pathologiques dans les pa-

rois mêmes des sinns, où, par conséquent, l'oblitération s'ef-

fectuait promptement et par une manifestation secondaire.

Voilà pourquoi j'ai cru devoir publier l'observation sui-

vante, malgré l'insuffisance du tableau clinique de la ma-

ladie et l'absence totale d'un minutieux examen histologique

du cerveau.

1 On peut se convaincre à quel point les parois du sinus cèdent dilli-

cilement à l'influence d'une pression extérieure et même immédiate "n

lisant la description d'un cas intéressant donné par Kurschmann (Dpittç-

che Archiv fü,' kltnische Medicin, 187.) où la tumeur s'est formée dans

le tiers antérieur de l'os temporal droit, il côté du hinus falciforme supé-

rieur, et a sensiblement dévié la direction du sinus, sans que la circula-

tion du sang; ait été visiblement troublée.

' Virchow's Archiv, t. VIII.

1 Lancet, 1875, ne 17.

ENGORGEMENT DU SINUS FALCIFORME SUPÉRIEUR. 309

Marthe lf..., villageoise, âgée de cinquante ans, entra à l'hôpital

militaire de Nicolas, à Saint-Pétersbourg, le 3 septembre 1882.

Jusqu'à l'âge de trente ans elle avait joui d'une excellente santé,

mais depuis lors et peu après son mariage, elle eut des crises con-

vulsives, suivies d'une perte entière de connaissance ; ces accès

d'ailleurs ne se répétaient que de deux à trois fois par an. En 1813,

elle fut placée, à la suite de troubles intellectuels dans une maison

de santé, d'où, au bout de trois mois; elle sortit en apparence com-

plètement rétablie. A la guérison de sa psychose ses crises convul-

sives disparurent, mais elles furent remplacées par des maux de

tête opiniâtres, qui prirent avec le temps un caractère de plus en

plus violent. Je dois encore ajouter qu'avant son entrée à l'hôpital,

la malade était sujette à de fréquentes syncopes et présentait un

affaiblissement graduel.

Je n'ai pu avoir que des renseignements très incomplets sur son

séjour à l'hôpital. Lors de son entrée, on constata chez elle, une

faiblesse musculaire, accusée surtout dans les extrémités inférieures

et une névrite optique double, ainsi qu'un visible aliaissement des

facultés mentales. A l'hôpital, la malade souffrait constamment de

maux de tête. Plusieurs fois, le jour comme la nuit, on observa

des absences accompagnées d'excitabilité et d'hallucinations de

l'ouïe et de la vue d'un caractère alarmant et aboutissant toujours

à un profond sommeil. La malade était quelquefois surexcitée,

mais plus souvent abattue. Une lièvre continue, avec exacerbations

vers le soir, se déclara, suivie d'une prostration des forces; et le

26 mars, la malade mourut dans un état de collapsus.

L' \UTOPSOE, ne se bornant qu'à l'analyse de la cavité du crâne,

montra ce qui suit : les os de la voûte du crâne ne présentent rien

d'anormal; la face externe de la dure-mère est luisante et polie;

ses sinus et ses veines regorgent de sang, surtout dans la partie

antérieure; la face interne de cette membrane est adhérente à

l'enveloppe sous-jacente en quelques endroits. Sur la face externe

de la paroi droite du sinus falciforme supérieur, correspondant au

point de jonction du lobe frontal et pariétal, on observe une tu-

meur ovale, de la grosseur d'un pois et d'une forte consistance. La

pie-mère, surtout dans sa portion antérieure, est hypérémiée,

trouble et oedémateuse et se sépare facilement de la substance

cérébrale ; dans l'espace sous-arachnoïdien, on trouve une quan-

tité notable de liquide séreux. Les artères de la base du cerveau

sont scléreuses ; on sent un thrombus dans l'artère sylvienne

droite. La substance du cerveau est flasque et oedémateuse; les

ventricules latéraux sont distendus par un liquide séreux; l'épcn-

dyme épaissi peut être détaché par minces membranes ; il en est

de même de l'épendyme du plancher du quatrième ventricule.

Je n'eus à ma disposition que le sinus falciforme supérieur avec

la tumeur.

310 RECUEIL DE FAITS.

On constata à la coupe que la tumeur pénétrait dans le sinus et

le bouchait presque entièrement sans adhérer pourtant à sa paroi

gauche et supérieure; sa partie intérieure est trois fois plus grande

que sa partie extérieure ; elle est d'une forme ovale avec une sur-

face légèrement rugueuse. La lumière du sinus 1 l'endroit de la

tumeur est considérablement élargie relativement au reste de son

étendue.

L'examen histologique de la tumeur 1 démontré qu'elle est

formée de gros faisceaux de fibres de tissu conjonctif s'entre-

croisant en diverses directions. On observe parmi eux de nom-

breuses formations rondes de différentes dimensions consistant en

couches concentriques, très faiblement colorées parle carmin. Des

solutions peu concentrées d'alcalis et d'acides ne produisent sur

eux aucun effet marqué, tandis que des solutions plus iutenses, les

éclaircissent après un traitement plus prolongé; ces couches con-

centriques se laissent dissocier et se distinguent par leur élasticité

et leur consistance.

Ainsi, par sa structure, la tumeur peut être classée au nom-

bre de celles qu'on désigne sous le nom de tumeurs perlées,

qui, bien qu'elles présentent généralement un cas assez rare

(Ranvier2), se rencontrent néanmoins assez souvent sur la dure-

mère. (Voy. Bizzozero et Bozzolo, Ueber die Pl'1'mitivgesclt-

wülste der Dura mater. Aesterr. med. Zez'tschr., 1874, et d'au-

tres auteurs.) Des néoplasies de ce genre se développent ordi-

nairement avec lenteur; elles n'atteignent pas de grandes di-

mensions et ne se manifestent durant la vie par aucun symp-

tôme particulier; leur présence n'est constatée qu'a l'autopsie.

Ces cas diffèrent complètement de ceux que nous décrivons

dans lequels la tumeur, par sa position topographique a dû

exercer une influence marquée sur la circulation du sang dans

le cerveau. Pour bien se rendre compte de cette influence il est

indispensable de rappeler les relations anatomiques du sinus

falciforme supérieur.

Le sinus falciforme supérieur commence au foramen coecum,

à la surface interne de la voûte du crâne qu'il longe en descen-

dant jusqu'à la protubérance occipitale interne, il débouche

dans le pressoir d'Hérophile, ou bien, plus souvent, il se con-

à La tumeur a été durcie dans une solution de bichromate de potasse

à la dose de 2 p. 100; les coupes, colorées par le carmiuate d'ammoniaque,

ont été placées soit dans la glycérine, soit dans le baume de Canada,

après avoir été préalablement soumises à l'action de l'alcool absolu.

2 Manuel d'histologie pathologique, 1865, p. 275.

ENGORGEMENT DU SINUS FALCIFORME SUPERIEUR. 311 t

tinue avec les sinus latéraux ; sa lumière s'élargit progressive-

ment d'avant en arrière, de 1,5 jusqu'à 11 millimètres.

Dans le foramen ceecum, le sinus reçoit le sang des veines

nasales (ordinairement chez les enfants seulement); plus loin,

il reçoit : il les veines cérébrales supérieures, de 10 à 12 de

chaque côté, qui portent le sang de la face externe et de la

partie antérieure de la face interne des hémisphères; 9° une

rangée de veinules de la portion supérieure de la faux du cer-

veau et des régions avoisinantes de la dure-mère; 3° les veines

diploïques, qui passent en partie dans les veines extérieures et

en partie versent leur sang dans le sinus. L'une d'elles, la veine

diploïque frontale, s'unit d'un côté à la veine faciale et de l'au-

tre au sinus falciforme supérieur,

En outre, pour faciliter la répartition régulière du sang, il

existe les veines émissaires pariétales, qui établissent une com-

munication entre les systèmes veineux intra et extra-crâniens.

Supposons maintenant, comme dans le cas actuel, qu'une

tumeur développée dans les parois du sinus à l'union des lobes

frontaux et pariétaux, vienne diminuer le calibre du canal, le

sang, rencontrant un obstacle et ne pouvant passer par les

trous pariétaux situés ordinairement à l'extrémité de la suture

sagitale, c'est-à-dire derrière latumeur, s'agglomérer d'une ma-

nière anormale dans les veines qui ont accès dans le sinus en

avant de la tumeur; en d'autres termes, on observera dans les

vaisseaux des enveloppes et dans la substance du cerveau, une

stagnation du sang. Ce phénomène se traduit anatomique-

ment par l'oedème et un désordre dénutrition des parties sous-

jacentes et, au point de vue clinique, par des maux de tête et

des troubles dans les fonctions des régions cérébrales corres-

pondantes, c'est-à-dire des troubles dans la motilité et dans

l'activité intellectuelle proprement dite. (Voy. Hitzig, Ferrier

et d'autres sur les localisations cérébrales.)

Voyons maintenant jusqu'à quel point ces conditions se

réalisent dans notre cas.

Bien que l'autopsie du cerveau de M... nous ait prouvé qu'en

outre de la tumeur, il existait encore d'autres altérations pa-

thologiques (sclérose des vaisseaux, etc.), la diminution du cali-

bre du sinus que nous y avons constatée ne pouvait rester ina-

perçue dans le tableau clinique de la maladie, ce qui estévident

parla distension des veines cérébrales antérieures etl'aedème des

régions correspondantes, et je ne puis supposer qu'une irrégu-

312 REVUE CRITIQUE.

larité aussi importante dans la nutrition des lobes frontaux et

de la dure-mère, se prolongeant pendant des années, pûtrester

sans aucune influence sur l'activité du cerveau. Me basant là-

dessus, je crois que les maux de tète, les accès convulsifs et les

altérations dahs la vie psychique de la malade peuvent être

expliqués par les troubles de la circulation du sang, provoquée

par la tumeur.

Il est vrai que Wernicke en parlant du thrombose du si-

nus falciforme supérieur, ne fait mention que d'un symptôme,

celui de l'engorgement des veines extérieures de la partie an-

térieure de la tête et ajoute que des phénomènes plus sérieux

font ordinairement défaut.

Le petit nombre de cas analogues ne permet pas, à mon avis,

d'avancer catégoriquement une telle affirmation, d'autant plus

que Wernicke lui-même cite un cas de IIeubner, comme unique

en son genre, où chez un phthisique, par suite de marasme, on

constata la formation d'une thrombose du sinus falciforme su-

périeur, accompagnée d'accès épiieptiques, de délire, de som-

nolence et d'un état d'inconscience complète.

REVUE CRITIQUE

APPENDICE A L'HISTOIRE DU MÉRYCISME1 ;

Par BOURNEVILLE et SÉGLAS.

Dans les précédents numéros des Archives, nous avons con-

sacré plusieurs articles à l'histoire du mérycisme. Depuis,

nous avons pu nous procurer quelques documents renfermant

1 Lehrbuch derGehirnkrankheilen, année 1883.

'Voir le il» 16, p. 86, le n" 17, p. 246, et le n" 18, p. 376.

DU DIERYCISJfE. 313

des faits intéressants qui viennent compléter ceux que nous

avons déjà rapportés et fournir quelques éclaircissements sur

des points douteux. C'est ainsi que, parlant de l'influence de

l'imitation, nous avions cru devoir rester sur la réserve. Or,

l'observation suivante vient lever tous les doutes. Elle est due

à M. Otto Koerner, auquel elle a été communiquée par le pro-

fesseur A. Freund.

Observation IV bis. Hystérie et rumination chez une gou-

ve1'nante : transmission ci un garçon de six ans et ci une fille

de trois ans. Renvoi de la gouvernante : guérison des enfants.

Dans la famille d'un collègue, on engagea une gouvernante

hystérique et ruminante. Les enfants, un garçon de six ans, une

fille de trois ans, apprirent d'elle en peu de temps à ruminer. La

mère vit d'abord que les enfants gardaient dans les bajoues les

aliments qu'ils n'aimaient pas, et les recrachaient quand ils n'é-

taient pas surveillés. On chassa cette propension par des punitions,

on ne vit plus rien d'anormal pendant longtemps, jusqu'au jour où

la mère les surprit au moment où, ne se croyant pas surveillés, ils

étaient debout, penchés en avant, exécutaient des mouvements

avec le ventre et faisaient remonter ainsi pour la recracher une

grande partie de leur repas. Alors, on les surveilla et on fit, après

chaque repas, un examen de leurs bajoues. On découvrit alors

que les deux enfants étaient capables, jusqu'à sept heures après le

repas, de faire remonter les aliments ingérés, pour les recracher

ou les ravaler à volonté. On renvoya la gouvernante ruminante

et la mère très énergique guérit les enfants bien vite par une sur-

veillance incessante.

Ce fait montre que, fort probablement, le mérycisme a joué

un certain rôle dans la production des vomissements extraor-

dinaires, bizarres, réputés miraculeux, dont il est parlé dans les

procès de diablerie. On y trouve, en effet, rapportée l'histoire

de nonnes hystériques qui vomissaient toutes sortes d'objets.

Nous ajouterons que l'un des enfants imbéciles de Bicètre,

Carter..., doué d'un grand talent d'imitation, se met quelque-

fois en observation devant l'enfant Gren..., dont nous avons

parlé et rumine comme lui.

Nous avons dit que, dans quelques cas, la rumination était

héréditaire et qu'elle succédait parfois à des troubles de la

digestion. L'observation suivante due à M. Otto Koerner en

fournit une nouvelle preuve.

3 r4 le REVUE CRITIQUE.

Observation XVII bis. Père ruminant. Développement tar-

dif de la marche et de la parole. Vomissements fréquents. -

Constipation habituelle. - Inflammation intestinale. Début du

mérycisme à dix-sept ans. Symptômes et marche de l'affection.

Rémissions. - Traitements divers. M. N..., étudiant en philoso-

phie. Il est âgé de vingt ans, fils d'un père ayant autrefois ruminé.

Il dit qu'on ne pourrait apprendre aujourd'hui grand'chose sur la

rumination paternelle, car elle guérit spontanément déjà avant

le mariage du père. Ce dernier se rappelle avoir souvent ruminé

des aliments qui lui plaisaient beaucoup. Cela lui était très

agréable, car il avait ainsi une double jouissance. Jamais de pyrosis

dans ces moments. A côté de cela, il se portait fort bien. Le fils n'a

appris tous ces faits qu'à un moment où lui-même ruminait déjà

aussi. - Mère un peu nerveuse, soeur autrefois anémique; elle

passe actuellement pour être bien portante.

Ce M. N... a été faible dans l'enfance ; il apprit tard à parler

et à marcher; souvent malade, il vomissait facilement (chaque fois

qu'il allait en chemin de fer, par exemple); il a souffert depuis sa

jeunesse jusqu'à ce jour d'une constipation opiniâtre. Il dit que

cela vient de la mauvaise habitude, prise dans l'enfance, de ne vou-

loir aller à la selle que dans le cas d'absolue nécessité. A l'âge de

douze ans, inflammation intestinale attribuée avec certitude parle

patient à un arrêt des matières. Avant que la rumination ne parût

le malade souffrait déjà souvent de gastrite, d'éructations et de

mauvaise odeur de l'haleine.

La rumination s'est développée à l'âge de dix-sept ans, en deux

mois. Le malade était allé pendant un mois dans les hautes

montagnes et avait pris, matin et soir, un demi-litre de lait len-

tement, par gorgées, souvent avec un petit pain trempé dedans.

Cette cure ayant été continuée à la maison (dans une grande ville),

a\ec un genre de vie sédentaire, il se développa une montée

involontaire de coagula de lait nageant dans un liquide très

acide, avec ou sans éructations. D'abord, ces phénomènes se

montraient très vite après l'ingestion du lait, plus tard, seulement

une heure après, et se renouvelaient alors deux ou trois fois en

une heure.

Bientôt, mêmes phénomènes après tous les repas, surtout après

le café au lait du premier repas du matin. Le patient s'habitua

peu à peu à mâcher à nouveau les aliments remontés, quand ils

n'étaient pas trop acides; il les ravalait ensuite, quelquefois sans

se donner la peine de mastiquer à nouveau. Souvent, il ruminait si

rapidement que la soupe était déjà ruminée avant que le boeuf ne

fût entamé.

Bientôt il ruminait presque chaque fois qu'il buvait de la bière ou

du \iu. Dans le cas seulement où les liquides n'étaient pris que long-

DU MERYCISME. 315

temps après le repas, le malade n'observait qu'un peu d'éructa-

tion acide sans rumination.

La rumination se présentait immédiatement après l'ingestion de

blanc d'oeuf, de crème de lait, de graisse, de salade verte (rarement

après la salade aux concombres). Jusqu'à ces derniers temps, les

gousses des fruits, même des cerises, ainsi que les noyaux des rai-

sins et des groseilles,, remontaient régulièrement et étaient cra-

chées.

Plus tard, la maladie se montra même après l'ingestion d'ali-

ments sucrés. Le chocolat remontant dans la bouche n'avait quel-

quefois, au dire du malade, aucune acidité au goût, malgré son

odeur acide, et le malade le ravalait avec plaisir. Quelquefois la

rumination est précédée d'un sentiment de poids dans la région

épigastrique qui dure quelquefois aussi longtemps que la rumina-

tion. Dans ces cas, on observe toujours en même temps des renvois.

Quelquefois les éructations étaient si violentes et si abondantes,

que les matières ne pouvaient être gardées dans la bouche. Jamais

de nausées dans ce cas. Comme les masses ruminées avaient en

général un goût acide, l'acte n'avait rien d'agréable.

Dès que la digestion élait entravée (estomac embarrassé ou re-

froidi, surtout aussi pendant la constipation), la maladie augmen-

tait de fréquence et d'intensité. Le patient ne rumine pas quand il

a une conversation animée, surtout quand en même temps il prend

un exercice modéré. Si, en suivant une diète sévère, il attache son

attention à l'observation des règles prescrites, la maladie augmente

de suite.

Le malade fut traité par l'acide chlorhydrique avant le repas,

puis, par suite d'insuccès, par le vin de pepsine avant et l'acide

chlorby drique après le repas. Alors, la rumination s'arrêta quelque

temps pour reparaître pendant que le malade suivait encore la

médication. L'abstinence simple de mets gras, acides et sucrés, n'a

jamais servi de rien à elle seule; en employant en même temps le

bismuth et le bicarbonate de soude, on obtint pendant quelque

temps un mieux sensible.

Peu à peu, la maladie décrut d'elle-même. Le patient croit que

la cause en est dans ce qu'il ne s'intéressait plus à son affection,-

n'observait plus de diète et ne prenait plus de médicaments. Tel était

l'état des choses quand M. Koerner fit la connaissance de M. N...

en été 13t5 ? « Lorsqu'il me raconta sa maladie, je lui dis qu'un

malade de AI. Pônsgen s'était guéri en arrêtant la rumination par

la volonté et en faisant des mouvements de déglutition. Il essaya

aussi de ce moyen, mais sans grand succès. Quelquefois, quand il

réussissait, il lui semblait, comme dans le cas de Pônsgen, que les

aliments à moitié chemin étaient repoussés dans l'estomac par les

mouvements de déglutition. En juillet, je le présentai au il' V.

316 6 REVUE CRITIQUE.

Jen Vilden, qui fut assez aimable pour examiner avec moi l'esto-

mac. Le malade, vif quoique vivant un peu à l'écart, s'occupe

beaucoup de travaux d'esprit très pénibles. Il est petit, malingre.

Thorax peu développé, musculature moyenne, pannicule graisseux

faible. Langue nette. Organes thoraciques et foie normaux. Pa-

rois abdominales minces, épigastre effacé (deux heures après le

principal repas). On entend de forts gargouillements dans l'esto-

mac, pas de mouvements visibles à l'oeil nu, même après friction

de l'épigastre. »

Le matin à jeun, on dilate l'estomac avec de l'acide carbonique

(deux grammes d'acide tartrique et de bicarbonate de soude); l'é-

pigastre, auparavant effacé, se bombe fortement. Toutes les vingt

secondes environ, contractions violentes visibles et tangibles de la

région épigastrique. En frottant la région, il se forme, dans la li-

mite où la percussion dénote la présence de l'estomac, une vague

péristaltique allant rapidement de gauche à droite en décrivant

une courbe. La percussion assigne comme limite inférieure à l'es-

tomac, une ligne légèrement courbe, allant de la partie inférieure

de l'arc costal gauche a travers l'ombilic vers l'arc costal droit; là

elle rencontre la matité du foie un peu en dedans de la ligne ma-

millaire. Le bord supérieur n'est pas perculable à cause de la

fuite rapide des gaz. L'acide carbonique sort sous forme de ren-

vois violents.

L'estomac était vide le matin. Un quart de litre d'eau fut avalé à

jeun. La sonde, introduite après, reliée à une bouteille dans laquelle

le vide avait été fait, ramena un liquide clair, neutre, sans mucus

ni albumine.

Pour observer mieux la rumination, on fit prendre au malade

le blanc de deux oeufs durs, coupés en petits cubes. Au bout de

vingt minutes, pas de rumination; nous donnons une cuillerée à

thé de graine de moutarde dans un peu d'eau; des petits corps

(raisins de Corinthe, etc.), favorisent en effet chez le malade la pro-

duction de la rumination. Bientôt légère sensation de poids dans

l'épigastre qui se soulère un peu. Quelques renvois donnent du

soulagement. Il n'y eut pas de rumination. Sans aucun doute, l'es-

tomac n'avait pas atteint le degré de réplétion (voir plus bas) né-

cessaire à la production du phénomène. Lorsque plus tard, le

malade prit un premier déjeuner composé de café et de petits-

pains, et alla ensuite aux cours, le sentiment de poids, désigné

par lui du mot d'envie de ruminer, se présenta, mais la rumination

fut arrêtée par l'effort de la volonté.

Peu après, le malade quitta Strasbourg. La suite de l'observation

est prise dans les nombreuses lettres qu'il m'a écrites.

On voulut d'abord combattre les phénomènes dyspeptiques indi-

quant sûrement un catarrhe gastrique chronique; on donna du sel

DUMERYCISME. 3)7 ï

de Carlsbad, une demi-heure avant le repas une cuillerée à thé

dans un demi-verre d'eau chaude. La cure fut prolongée trois

mois, jusqu'à la fin d'octobre. On arriva ainsi à enlever aux ali-

ments ruminés leur goût acide; l'odeur acide disparut aussi. La

rumination diminua un peu de fréquence et ne se présentait plus

d'ordinaire qu'après le premier déjeûner. Le sentiment de poids

dans l'épigastre fut conservé. Les selles ne furent pas influencées

par le peu de sel pris.

Le patient abandonna le traitement environ huit jours (vers le

commencement de novembre); alors il se développa une constipa-

lion très opiniâtre. M. N... recommença à ruminer plus souvent

avec renvois acides. Il vit cette fois encore la constipation augmen-

ter chez lui la rumination.

A ce moment (fin novembre) je lui proposai, me basant sur

une observation (Observation XXXVI) faite sur un autre ruminant,

d'agir directement contre la rumination par l'ingestion de petits

morceaux de glace. Le patient, dès que le poids épigastrique pré-

monitoire s'annonçait, avalait un morceau de glace. Il dit avoir

souvent arrêté ainsi la rumination et l'avoir vu diminuer, ce qui

ne me semble pas démontré.

Au milieu de décembre, palpitations de coeur violentes. Le mé-

decin prescrivit : teint. éthérée de digitale S grammes, eau de

laurier-cerise 10 grammes, deux fois par jour 1;; gouttes. Bien-

tôt, anorexie, mauvaise haleine et rumination acide. La cure à la

glace était devenue inefficace et cette aggravation ne disparut qu'a-

près abandon de la digitale.

Depuis ce temps, le besoin de ruminer est devenu très rare, tou-

jours combattu avec succès par les mouvements de déglutition. Les

renvois, l'odeur acide disparurent; mais chaque fois que le ma-

lade déjà constipé éprouvait quelque retard dans ses selles, le be-

soin de ruminer augmentait. Tout cela avait disparu, quand je

revis le patient le 17 avril 1883.

En résumé, dirons-nous avec M. Koerner, il s'agit là d'un

malade faible, souffrant d'un catarrhe chronique de l'estomac et

d'une constipation opiniâtre, ayant un estomac peu dilaté, dont

le père rumina jadis, qui a eu du pyrosis, puis des renvois de-

venant des régurgitations habituelles et qui enfin fut atteint de

rumination. Les accidents concomitants diminuaient et dispa-

raissaient quand le catarrhe allait mieux, pour revenir avec

l'aggravation du catarrhe. La constipation augmentait la rumi-

nation. Les médicaments n'ont pas eu d'effet durable. Au bout

de trois ans, la rumination devint plus rare et s'arrêta presque

: 11 REVUE CRITIQUE.

complètement, lorsque le catarrhe eut été amélioré par le sel

de Carlsbad.

Observation XXXVI. Catarrhe gastro-intestinal chronique dans

l'enfance. Dysenterie. Constipation. - Début de la rumination

à treize ans; ses caractères. Influence des mouvements et du tra-

vail intellectuel. Guérison spontanée. (Obs. de Otto KOl : a,OEa).

Un collègue, le Dr X..., ruminait il y a douze ans. Famille en bonne

santé. Etant enfant, il eut un catarrhe gnstro-duodénal de fort lon-

gue durée et eut, dans la dixième année, vingt-cinq accès de dysen-

térie suivis de constipation opiniâtre. Les selles ne se présentaient

d'abord que tous les trois ou quatre jours, le plus souvent après de

violentes douleurs colicoïdes; plus tard elles furent plus fréquen-

tes, mais il y eut constipation habituelle jusqu'à l'établissement de

la rumination. Elle fut combattue par l'abstention des mets riches

en cellulose et en amidon, par les lavements et la gymnastique de

chambre suédoise. A l'âge de treize ans, le malade eut tellement

à travailler à l'école, qu'il eut un genre de vie absolument séden-

taire (le corps penché en avant). Il avait l'habitude de prendre des

repas très abondants, composés surtout de viande avec des condi-

ments acides. A ce moment, la rumination se développa rapidement.

Elle ne se montrait jamais qu'après le dîner de midi, une demi-

heure après et durait une heure et demie. Bientôt, le quart du re-

pas fut en partie ruminé et avalé, en partie craché, à ce qu'estime

le patient. Il prétend avoir ruminé surtoutles aliments acides (con-

combres, salades de légumes et vertes), les petits radis et le pain

noir '. La glace à la vanille, que le malade prenait souvent de

suite après le repas en grande quantité, ne fut jamais ruminée

et empêchait la rumination des autres aliments. S'il la prenait

fondue, l'effet favorable manquait, elle revenait même dans la

bouche. Les mets ruminés conservèrent toujours leur goût naturel.

Le patient n'avait pas de sensation de malaise après la rumina-

tion, mais la maladie lui était désagréable au point de vue social.

Il ruminait en se promenant dans son jardin. Il reconnut bientôt

que le mouvement musculaire exagéré diminuait le mal, mais que

la vie sédentaire et le travail de tête le faisaient durer jusque vers

minuit. Après une durée d'un an environ, la rumination disparut

peu à peu dans un voyage dans les Alpes, très fatiguant, et n'esl

plus revenu. La percussion de l'estomac dilaté par l'acide car-

bonique, faite par nous avec le Dr von den Velden, donna des li-

mites normales. On ne put constater les mouvements stomacaux,

les parois abdominales étant trop fortes. Le patient ne vomit pas,

1 Il ne faut pas trop s'attacher aux dires des malades, qui se souvien-

nent mieux des substances très acides ou ayant un fort goût, mminées,

que des autres à goût moins marqué

DU MERYCISME. 319

malgré le développement des gaz; il n'eut pas de sensations désa-

gréables de l'estomac. On peut donc admettre un certain état de

faiblesse musculaire de l'organe.

Dans le cas suivant, la rumination, après avoir été internzit-

tente, devint constante.

Observation XXII bis. Abus des fruits verts et entérite durant

l'enfance. Début du mérycisme à seize ans. 1)'tiboi-(Iiiite2-nitteît,

il devient constant. Ses caractères. - Mastication incomplète. (Ar-

main,,aud, loc. cit., p. 11). M. C... est âgé de vingt-trois ans; il

fut allai té par sa mère, qui a toujours joui d'une excellente santé, ainsi

que son père, ses grands-pères etgrandes-mères. Sa santé ne laissa

rien à désirer jusqu'à l'âge de quatre ans environ; à partir de cette

époque, jusque vers l'âge de neuf ans, il se livra sans discrétion et

sans réserve à son goût prononcé pour les fruits, surtout pour les

fruits verts, et tous les ans, vers le mois de septembre, une entérite

le retenait au lit pendant plusieurs semaines. A l'âge de neuf ans

il entra au collège ; dès lors il ne lui fut plus possible de se livrer

librement à ses instincts frugivores, et l'entérite d'automne cessa

de se manifester. Jusque vers l'âge de seize ans, il ne trouve, dans

son existence matérielle, aucune particularité digne d'être notée.

Les digestions s'exécutaient normalement; mais un soir, une demi-

heure environ après son dîner, quelques amandes qu'il avait man-

gées à son repas, remontèrent dans sa bouche spontanément, sans

efforts ; leur saveur n'étant pas altérée, il les mâcha complètement

et les avala de nouveau ; ce fut chez lui la première manifestation

du mérycisme ; il ne se souvenait pas avoir fait, ce jour-là, un re-

pas plus copieux qu'à l'ordinaire. A partir de ce moment, la ru-

mination fut établie, mais d'une manière irrégulière, c'est-à-dire

que les aliments ne remontaient dans la bouche pour être remâ-

chées, qu'après certains repas et non après chaque repas; mais peu

à peu le mérycisme s'établit définitivement, et les repas après les-

quels les aliments ne remontaient pas à la bouche, devinrent de

plus en plus rares; il ne lui est jamais arrivé, même dans les pre-

miers jours, de rejeter les aliments qui revenaient ainsi de l'esto-

mac, par la raison que jamais leur saveur n'était altérée, quoique

la régurgitation eût quelquefois lieu plus de deux heures après le

repas ; toujours il les soumettait à une seconde mastication, sans

répugnance aucune, quelquefois même avec un certain sentiment

de jouissance, et ils descendaient de nouveau dans l'estomac. Ce

qu'il y a de remarquable, c'est que cette nomelle fonction luisem-

blait si naturelle qu'il n'en fit jamais part à aucun de ses cama-

rades ni à sa famille, et que personne ne s'aperçut jamais de ces

régurgitations qui s'opéraient chez lui.

320 REVUE CRITIQUE.

Il se rappelle aujourd'hui que, depuis plusieurs années au moins,

il ne fait subir aux aliments qu'il introduit pour la première fois

dans sa bouche, qu'une mastication incomplète ; mais comme il

ne saurait dire si cette habitude existait chez lui avant la première

manifestation du mérycisme, ou bien si elle n'a été contractée

que depuis cette époque, il est difficile de se prononcer sur la ques-

tion de savoir si la mastication incomplète a joué un rôle dans la

production du mérycisme, ou bien, si, au contraire, M. C... n'a

pris que peu à peu et insensiblement l'habitude de ne mâcher qu'à

moitié ses aliments, sachant qu'ils allaient se représenter de nou-

veau sous ses dents.

Ce que je viens de dire se rapporte aux souvenirs de M. C...; ce

que je vais dire se rapporte à l'époque actuelle, à ce quej'ai observé

moi-même directement.

M. C... a un tempérament lympathico-nerveux, une constitution

assez bonne. Nous prenions nos repas ensemble depuis plusieurs

mois sans que j'aie pu m'apercevoir des phénomènes insolites qui

se passaient chez lui ; mais un jour, une demi-heure après son di-

ner, le voyant mâcher pendant plusieurs minutes sans qu'il eût

rien introduit dans sa bouche, je lui demandai la raison de ces

mouvements de la mâchoire ; il m'apprit alors qu'il remâchait les

aliments qu'il avait avalés pendant son repas, et que la même chose

se produisait après chaque repas ; il fut même très étonné d'appren-

dre que ce phénomène n'était pas normal, car il avait toujours cru

que cette fonction lui était commune avec tous les autres hommes.

A partir de ce jour, mon attention fut vivement excitée, et je ne

passai pas un seul jour sans observer les faits suivants : M. C... ne

mange pas plus copieusement que ses commensaux, il est au con-

traire très sobre. Un quart d'heure environ après le repas, la ru-

mination commence; une petite partie des aliments ingérée re-

monte dans la bouche sans aucun effort, sans secousses, et presque

à l'insu du sujet, qui ne s'aperçoit, le plus habituellement, des

contractions qui font remonter les aliments que lorsque ces derniers

sont arrivés dans la cavité buccale; je dis, le plus habituellement,

parce qu'il arrive assez souvent que les aliments ne remontent pas

spontanément; mais alors il éprouve une sensation de gêne à l'é-

pigastre qui l'engage à provoquer l'ascension des matières, ce qu'il

fait en contractant légèrement les muscles abdominaux; l'estomac

ainsi comprimé, réagit, se contracte et expulse doucement une

partie de son contenu; niais la plupart du temps, il n'éprouve point

ce sentiment de plénitude et les aliments remontent spontanément.

Ils n'ont point changé de saveur, leur odeur n'est point désagréable; -

quand ils ont été remâchés et de nouveau insalivés, ils redescendent

dans l'estomac et une autre portion, suivant le même trajet, est

soumise aux mêmes actes, et ce va-et-vient se continue pendant

DU MERYCISME. 311

un temps variable, quelquefois une heure seulement après le re-

pas, d'autres fois deux heures, quelquefois même quatre heures.

La porlion d'aliments ainsi ruminée ne dépasse pas habituellement

le quart de la quantité ingérée pendant le repas; la plus grande

partie reste habituellement dans l'estomac, et pour cette portion

la digestion se.passe comme chez tout le monde. J'ai déjà dit que

la ration alimentaire de M. C... était loin de dépasser la moyenne,

mais je le repète, parce qu'on aurait pu supposer qu'il s'agit ici

d'une régurgitation par trop pleine, hypothèse à laquelle il fau-

drait du reste renoncer en présence des faits suivants : Ce sont

surtout les aliments de difficile digestion qui reviennent dans la

bouche, et même lorsqu'ils ont été introduits les premiers. Cesont

toujours eux qui reviennent les premiers. Hier encore, voici ce que

nous observions : M. C... avait mangé d'abord de la viande de porc,

puis ensuite du boeuf rôti, et enfin des fraises; quelques minutes

après le repas, nous le priâmes de rendre dans une assiette lapre-

mière portion alimentaire qui reviendrait à la bouche; l'ayant

examinée, nous reconnûmes que c'étaient des parcelles de porc.

sans aucun mélange. Du reste, cet examen n'était pas absolument

nécessaire, car le goût de ces parcelles était parfaitement conservé,

et il m'en avaitannoncé la nature avant de les avoir rendues dans

l'assiette.

Il faut ajouter que la rumination se prolonge d'autant plus après

le repas, que la première mastication a été plus incomplète; ceci

est la loi générale, mais il faut dire aussi que lamasticationlaplus

complète n'empêche jamais le mérycisme de se produire à un cer-

tain degré ; il est diminué, mais jamais il ne peut être complète-

ment évité. Quand M. C... fume ou quand il prend du café, toutes

choses égales d'ailleurs, la rumination est diminuée. Au contraire,

s'il se met au travail immédiatement après son repas, il ne cesse

de ruminer, et c'est dans ces conditions que le mérycisme se ma-

nifeste encore quatre heures et même cinq heures après le repas.

La volonté aidée d'une attention soutenue peut quelquefois sus-

pendre le mérycisme et l'empêcher de se produire, mais il n'ob-

tient cette suspension qu'au prix d'une douleur sourde, mais très

gênante dans la région épigastrique. M. C... n'éprouve jamais

d'éructations ; son haleine n'est nullement mauvaise; les résidus

de la digestion sont expulsés régulièrement sans diarrhée ni cons-

tipation, en un mot ses selles sont tout à fait normales.

Le cas suivant a été communiqué à M. Koerner parleDLucae

(de Francfort-sur-le-Mein).

Observation XXXVII. Début du mérycisme à trente ans. Ses

symptômes. Guérison en cinq mois. X..., philologue. La mala-

AncurvHa, t. VII. ' 21 I

322 REVUE CRITIQUE.

die s'était développée au commencement de son mariage, un peu

après l'âge de trente ans, et disparut après six mois environ. 11 ne

peut indiquer de cause; l'estomac est sain et les selles régulières. A

cette époque, régulièrement après le repas du midi, quelquefois

après celui du soir, des parties d'aliments ingérés remontaient sous

forme de boules solides de deux centimètres de diamètre environ.

Il les sentait remonter dans l'oesophage et pouvait quelquefois les

repousser en avalantdes liquides. Eructations rares. Lesboulesétaient

composées de la plupart des alimentspris auparavant, qui tous avaient

conservé leur goût naturel et n'étaient pas acides. Les boules étaient

assez solides, elles ne se brisaient pas d'elles-mêmes dans la bou-

che ou à l'air; elles furent tantôt recrachées, tantôt ravalées, dans

ce cas après qu'elles eurent été remâchées ou écrasées avec la lan-

gue. Le Dr Lucae avait ordonné de l'eau dequassia et de l'absinthe

légère.

On voit donc qu'à part certains cas exceptionnels, qui se

terminent spontanément par la guérison, le mérycole vit et

meurt avec son affection.

En meurt-il ? non. Le pronostic du mérycisme est, au con-

traire, très bénin. Livré à lui-même, il ne compromet en rien

la vie, et l'on a vu des individus qui en étaient affectés, arriver

à un âge très avancé. (Oas. VI, VIII, IX.)

Cependant, lorsque le mérycisme a été précédé on s'accom-

pagne de dyspepsie, le pronostic peut avoir une certaine

gravité. « Le ruminant simple, dit M'. Koerner, atteint un

grand âge avec sa rumination, le dyspeptique maigrit, dans le

cas où il enlève, en les crachant, les aliments destinés à l'or-

ganisme et revenant de l'estomac. Dans d'autres cas, ajoute-

t-il, le malade augmente sa dyspepsie en ravalant les aliments

sans les mâcher, ce qui assombrit le diagnostic. Il en était

ainsi dans le second cas de Pônsgen où la rumination se déve-

loppa chez une dame après une diarrhée de longue durée, avec

pyrosis et renvois rances. La malade rejetait tous les ali-

ments ou les ravalait sans les remâcher quand elle était en

société. Aussi observa-t-on bientôt des phénomènes de constipa-

tion avec amaigrissement. » r

Formes. M. 0. Koerner a essayé de distinguer deux

formes : l'une simple ou idiopathique ; l'autre symptomatique

et liée à des troubles dyspeptiques. Voici les caractères sur

lesquels il s'appuie :

DU MERYCISME. 323

Mérycisme simple.

Le mérycisme succède à une forte

réplétion de l'estomac.

Il commence une demi-heure

après l'ingestion.

Conservation du goût des ali-

ments qui remontent.

Redéglutition des bouchées ali-

mentaires.

Conservation de l'embonpoint.

Mérycisme dyspeptique.

Il se montre après l'ingestion de

petites quantités d'aliments.

Il commence presque aussitôt

après l'ingestion.

Goût acide, désagréable, des ali-

ments qui remontent.

Rejet des aliments de retour.

Amaigrissement.

Cette distinction n'est pas suffisamment justifiée, car les

caractères sur lesquels elle repose peuvent s'observer dans les

deux formes. Quelquefois dans le mérycisme simple, la rumi-

nation commence aussitôt après le rejet des aliments même

donnés en petite quantité; si, en général, dans le mérycisme

simple, les aliments ont conservé leur goût, d'autres fois, ils

sont acides, etc.

Fréquence. M. R. Blanchard évalue le nombre des cas

de mérycisme connus dans la science à trente-six seulement.

Ainsi qu'on peut le voir par les faits rassemblés par nous, ce

chiffre est beaucoup trop faible. M. Bouchaud (loc. cit., p. 609)

assure que sur les cinq cent soixante-onze malades de l'asile

de Lommelet, qu'il a examinés avec soin, quatorze sont rumi-

nants : onze d'entre eux sont idiots (il y a cent idiots ou imbé-

ciles à l'asile) et les trois autres sont atteints de l'une des

formes de l'aliénation mentale (sur quatre cent soixante-onze

aliénés. En ce qui concerne les aliénés, il a relevé trois cas,

sur quatre cent soixante-onze malades. En est-il de même dans

les autres asiles ? Cela est peu probable, car, dans les ouvrages

consacrés à l'aliénation mentale, nous ne voyons pas mention-

née la rumination. Relativement aux idiots, la proportion qu'il

a constatée est plus considérable que celle qui a été observée

par nous. En effet, sur une centaine d'enfants idiots présents à

Bicètre, nous n'avons noté que cinq cas. Le tableau ci-après

donne une idée des quarante-six cas réunis par nous, sans

compter les quatorze cas de M. Bouchaud (soit en tout soixante

cas) : .. .

324 REVUE CRITIQUE.

DU MERYCISME. 325

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Asile de Lommelet. Nombre des malades ]e 10r janvier 1883 : 571 (imbéciles et idiots, 100; autres aliénés, 471)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XIX. SUR quelques réflexes pendant l'enfance; par A. EULENBURG.

(Neurolog. Centralbl., 1882.)

Les recherches que l'auteur a entreprises sur la fréquence des

réflexes tendineux, osseux, tégumentaires, pupillaires chez les en-

fants sont consignées en un tableau dont voici l'expression abré-

gée : sur 124 enfants examinés, âgés d'un mois à cinq ans, M. Eu-

lenburg trouva 412 fois le phénomène du genou bilatéral, 3 fois le

phénomène du genou unilatéral, 23 fois le phénomène du pied,

10 fois le réflexe tibial des deux côtés, 6 fois le réflexe tibial d'un

seul côté, 124 fois les réflexes abdominaux, nasaux, cornéens et

pupillaires, 119 fois les réflexes auriculaires. P. K.

XX. SUR UNE SOURCE D'ERREUR ÉVENTUELLE dans la RECHERCHE du

phénomène du genou; par C. WESTPHAL. (Arch. f. Psych., u.

Nervenk., XII, 3.)

M. Westphal rapporte d'abord deux observations d'affection de

la moelle, caractérisées par une paralysie des quatre extrémités,

dans lesquelles le phénomène du genou, complètement absent,

semblait revenir à une période ultérieure de la maladie. Un

examen plus attentif ne tardait pas à déceler que la pression

exercée sur un pli de la peau au niveau du tendon patéllaire ou

ailleurs, déterminait une contraction isolée du triceps fémoral,

d'autres muscles entrant consécutivement en action, suivant la

force de l'incitation; on frappait en vain sur le muscle lui-même.

Or, dans la première observation, la sensibilité cutanée avait

totalement disparu; la seconde, en laquelle cette fonction était

demeurée intacte (poliomyélite), offrait les mêmes manifestations

du côté de la contractilité musculaire, mais à développement lent.

En un cas de paraplégie consécutive à une spondylite de la

dernière vertèbre dorsale, on pouvait à volonté provoquer le phéno-

mène du genou (heurt du tendon rotulien), ou la contraction

lente des muscles de la cuisse (pincement de la peau). Une inter-

prétation étant jusqu'à nouvel ordre prématurée, la conclusion

qui se dégage de ces faits, c'est qu'avant d'affirmer chez un

malade le retour du phénomène du genou préalablement absent,

328 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

il faut s'occuper des réflexes cutanés qui, ainsi qu'on le voit,

donnent aisément le change.

Une seconde partie du mémoire est consacrée à la pathogénie

des phénomènes tendineux. Résultent-ils d'une action réflexe, ou

doit-on les considérer comme issus d'une contraction produite par

l'ébranlement des tendons en état de tonus exagéré ? Les recher-

ches expérimentales entreprises, à l'instigation de M. Westphal,

par M. Munk sur des chiens, ne conduisirent à aucun résultat. Les

sections des cinquième, sixième et septième racines postérieures

(origines du crural) d'un côté, ayant entraîné la disparition du

phénomène du genou, on ne put réussir à le rappeler par l'admi-

nistration de petites doses de strychnine, bien que celle-ci provo-

quât l'hyperexcilabililé réflexe accoutumée. La seule expérience

dans laquelle l'injection hypodermique de quatre milligrammes

semblait en rapport avec le retour du phénomène en question

(percussion du tendon rotulien dénudé), ne méritait aucune

créance, l'autopsie de l'animal apprenant que l'on avait coupé

non les cinquième et sixième racines postérieures, mais seulement

quelques filets radiculaires des quatrième et cinquième. Il en

résulte toutefois qu'il suffit de faire porter l'interruption de la

conductibilité sur peu de fibres radiculaires postérieures du nerf

crural pour obtenir la disparition du phénomène du genou, et

qu'en ces conditions, l'intoxication strychnique le ramène. Mais on

ne saurait en tirer de conclusions formelles en aucun sens. Aussi,

est-ce à la critique des études de Waller, Eulenburg, Burckhardt,

Tschirjew, Gowers, Prévost que passe M. Westphal, pour termi-

ner son travail par l'exposé de son opinion personnelle sur

la genèse de ces manifestations. D'après lui, la condition fonda-

mentale des phénomènes tendineux réside dans la tonicité muscu-

laire, dans un certain degré de tension du muscle et de son

tendon. Les faits cliniques n'imposent aucunement l'hypothèse

d'un processus réflexe, ainsi que le démontre le non-parallélisme

des réflexes cutanés et des phénomènes tendineux. La section des

racines postérieures supprime le phénomène du genou, non par

interruption de l'arc réflexe, mais par anéantissement de la

tonicité musculaire. P. K.

XXI. Trois cas DE tumeurs tuberculeuses dans LE cerveau MOYEN ET

postérieur ; par HEUBNER (de Leipzig). (Arch. f. Psych. u. Nervenk.,

xn, 3.)

Observation. I. Un gros tubercule occupe la moitié gauche

de la moelle allongée d'un enfant de un an. Ce foyer est unique,

mais presque toute la section gauche de l'organe a été envahie, à

différentes hauteurs, sinon par le néoplasme, du moins par le

ramollissement, depuis le bord inférieur de la protubérance

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 329

jusqu'à la naissance de l'entrecroisement inférieur des pyra-

mides. Ma)grece)a, la paralysie se limita pendant la vie au domaine

du facial droit. D'où ce dilemne : Ou bien la moitié droite intacte

contenait à elle seule bon nombre de fibres ne subissant pas l'en-

trecroisement, ou bien la moitié presque entièrement détruite

fournissait encore le passage à un reste de fibres ininterrompues.

On constatait, en revanche, en tant que phénomènes irritatifs,

des convulsions affectant la forme de tensions musculaires passa-

gères, de rotations des yeux dans leurs orbites, nystagmus, mou-

vements forcés du système musculaire de la nuque. De ce que la

lésion est hémtlatérale, tandis que les symptômes observés se

montrent de deux côtés, M. Heubner infère qu'il s'aeit dans l'es-

pèce, non d'une simple excitation centrifuge émanée des parties

détruites, mais d'une excitation centrale réflexe; l'excitation aurait

été transmise au centre par les fibres de l'étage supérieur des

pédoncules cérébraux qui, pour Flechsig, seraient centripètes.

Observation II. Elle concerne plusieurs petits tubercules net-

tement délimités siégeant danslestubercules quadrijumeaux, la pro tu-

bérance, la moelle allongée, le cervelet. On rencontre, en outre, de la

méningite tuberculeuse le long de la scissure de Sylvius. Hydrocé-

phalie. Le sujet est un enfant de six mois ayant présenté pendant

la vie : du strabisme, des convulsions musculaires, un érythème

cutané circonscrit, de la raideur de la nuque, de la torsion de la

tête. Les questions de localisation anatomique dans leurs rapports

avec les déterminations symptomatiques sont complètement trai-

tées dans le mémoire.

Observation III. Un garçon de deux ans et demi présente suc-

cessivement des grincements de dents, des vomissements, des

douleurs dentaires dans le maxillaire supérieur droit, des convul-

sions, de l'irrégularité du pouls, de la fixité dans les deux yeux

sous forme de crises, de l'érythème facial passager, du strabisme

interne gauche, du délire : conservation constante de la motilité

des extrémités ainsi que de la réaction pupillaire. On trouve à l'au-

topsie dans le vermis supérieur du cervelet, au-dessous du tubercule

quadrijumeau postérieur, du côté droit, un tubercule solitaire.

Méningite tuberculeuse avec hydrocéphalie. P. K.

XXII. CONTRIBUTION A la pathologie DE la 310ELLE;parA.STRUEJIPELL.

(Archiv. f. Psych. u. Nervenk., XII, 3.)

Cette troisième portion du mémoire est consacrée à l'anatomie

pathologique du tabes dorsalis. La clinique nous apprend, dit l'au-

teur, que cette affections est toujours caractérisée par les mêmes

1 V. les Archive' ! de Neurologie, t. 1 ? p. 597, et II, p. 244.

330 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

symptômes, les variétés nosographiques résultant de modifications

dans l'intensité ou la succession des phénomènes. En tous cas, il est

certains éléments qu'on n'y note jamais, telles les manifestations

spasmodiques, les atrophies. L'étude anatomique de la maladie,

rapprochée du complexus symptomatique en question, permet

d'affirmer que le tabes est bien une maladie systématique. Voici

au surplus ce que démontre le microscope dans les dix observa-

tions analysées par M. Struempell.

La lésion occupe, au début, dans la moelle dorsale deux étroites

zones latérales symétriques, dans lesquelles pénètrent de préfé-

rence des fibres émanées des cornes postérieures. On trouve égale-

ment de très bonne heure, dans la moelle dorsale, une étroite

bande de sclérose médiane de chaque côté du sillon postérieur.

A un degré avancé de la maladie, les cordons postérieurs sont

affectés dans toute la hauteur de la moelle dorsale. A la

moelle lombaire, l'altération débute toujours dans l'aire moyenne

de la zone radiculaire postérieure ; il est facile d'en distinguer les

régions antérieures et postérieures indemn.'s à ce moment. Plus

tard, la plus grande portion du segment postérieur participe à la

dégénérescence; celle-ci épargne toutefois généralement une petite

surface qui apparaît comme un ovoïde ou un triangle circonscri-

vant le sillon médian postérieur. Quant à la zone antérieure des

cordons postérieurs, elle demeure presque toujours indemne, à

l'exception d'une étroite bande médiane qui se dirige de l'aire

moyenne sclérosée au sillon postérieur. La moelle cervicale est

d'assez bonne heure atteinte dans les cordons de Goll dont le seg-

ment postérieur se trouve constamment lésé avant le segment

antérieur. La zone radiculaire postérieure subit ensuite, en cette

région, l'impression anatomo-pathologique. Les cordons postérieurs

de la moelle cervicale présentent d'ailleurs invariablement deux

lacunes dans l'altération ; ainsi, à la périphérie postérieure et en

dehors des cordons de Goll (aire postéro-externe) la dégénéres-

cence ne se montre que dans les cas fort avancés, tandis qu'à la

limite antérieure et interne des cornes postérieures (aire antéro-

latérale) l'intégrité demeure toujours parfaite. Constance des

altérations dans la substance grise des cornes postérieures, ainsi que

de l'atrophie des racines postérieures (identité des fibres de ces

racines et de celles des cordons postérieurs).

Les cordons latéraux demeurent normaux dans tout leur par-

cours, quand on a affaire à un vrai tabes. Mais les cas dans lesquels

la fin de l'affection est marquée par de la paraplégie s'accompa-

gnent de lésions systématiques dans les faisceaux des pyramides.

La multiplicité des groupes de fibres qu'il est permis de distin-

guer dans les cordons postérieurs , rapprochée de ceux des

faisceaux cérébro-médullaires qui nous échappent en dépit des

phénomènes signalés du côté du nerf optique et de l'oculomotetfr,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 331 1

et de la sélection de la maladie pour tel ou tel ensemble de zones

(analogie avec les intoxications ergotiniques et saturnines),

entraine l'auteur à qualifier le tabès d'affection systématique combi-

née. Malgré cela, son autonomie est bien réelle, car du moment

où les lésions portent sur les cordons latéraux (pyramides, cer-

velet), ainsi que sur ceux des segments des eordons postérieurs

inattaqués dans le tabes, on observe un complexus symptomatique

absolument opposé, dans lequel les troubles spasmodiques et

paralytiques prédominent, alors qu'il n'existe plus de troubles de

la sensibilité.

Y a-t-il une ataxie locomotrice syphilitique ? Les récentes recher-

ches de M. Strümpell lui ont appris, du jour où il s'est occupé

davantage d'examiner les tabétiques dans celte direction, que

l'on rencontre la syphilis chez beaucoup de ces malades. Il signale

deux d'entre eux actuellement en traitement, ayant successive-

ment eu la syphilis, une ataxie évidente et, de plus, quelques symp-

tômes de syphilis cérébrale (amnésie, troubles' de la parole,

névrite optique spécifique). Mais il n'existe aucune différence

clinique ou anatomique entre le tabes ordinaire et le tabes du

syphilitique; l'homologie de toutes les observations prouverait, il

est vrai, simplement la sélection du poison pour les mêmes sys-

tèmes de fibres que tout autre élément pathogénétique, néanmoins

il y a lieu avant de résoudre cette question d'étiologie, de procéder

à de plus amples études. P. K.

XXIII. Dégénérescence SECOND \IRE DU pédoncule cérébelleux supé-

rieur; par E. MENDEL. (Neurolog. Cetxtralbl., 1882.)

Il s'agit d'une hémiplégie droite consécutive à un foyer hémor-

rhagique du pulvinar gauche, mais par suite de la pression qu'il

exeiçait sur la capsule interne. De là également la dégénérescence

secondaire en question, l'hémianesthésie et l'hémiopie passagères,

de là l'aphasie du debut. Atrophie du lobe frontal en rapport avec

la démence de l'individu, procédant non du foyer de la couche

optique, mars des altérations vasculaires pathogénétiques. Quoique

l'affection cérébrale soit unilatérale, les deux faisceaux pyrami-

daux sont dégénérés. La dégénérescence du pédoncule cérébelleux

supérieur -gauche qui émane de la dégénérescence secondaire

semblerait prouver qu'un trousseau de fibres d'ordre moteur joint

le pulvinar et la couche optique au cervelet. Peut-être le pulvinar

est-il en rapport avec la vision, et le cervelet avec l'équilibre, de

sorte que, dans ce cas, le faisceau en question serait la voie par

laquelle notre attitude et nos mouvements se régulariseraient

d'après les impressions que nous fournit le sens de la vue. 'l'elles

sont les particularités et les réflexions mises en relief par M. Men-

del. P. K.

332 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXIV. DE L'OEDÈME circonscrit COMME cause DE SYMPTOMES

D'UNE affection EN FOYER; par A. HOLLOENDER.. (Jah2b.

Psych., III, 3.)

Il est des cas dans lesquels, bien que l'examen clinique con-

clue à l'existence d'une lésion en foyer, l'autopsie ne révèle

rien de semblable. Telles les deux observations suivantes :

Observation I. Femme de cinquante-cinq ans, souffrant depuis

cinq années, de douleurs spinales sans que la démarche eût pré-

senté rien d'anormal, en proie, il y a deux ans, à une crise d'agita-

tion maniaque passagère avec désordre dans les idées. Depuis lors,

à part des absenses durant jusqu'à une demi-heure, le matin, l'état

mental était parfait quand les deux derniers mois furent marqués

par trois attaques apoplectiformes légères ne laissant pas de traces.

Bientôt une vive préoccupation la jette à la suite d'insomnies dans

un nouvel accès de manie avec délire des actes et mutisme. On cons-

tate à ce moment une obtusion psychique prononcée, la réceptivité

faisant défaut; en même temps hémiparésie droite y compris le fa-

cial inférieur, blépharoptose gauche, convulsions cloniques légères

dans le bras droit, absence de réflexes cutanés et tendineux. T. 39

Analgésie. Le lendemain, accidents pulmonaires. Mort. Le profes-

fesseur Meynert rencontre à l'autopsie des épaississements partiels

des méninges et de l'oedème cérébral consécutif à une hypérémie

qui cesse dans les masses ganglionnaires du côté gauche. La base

est occupée par une tumeur fibro-cartigalineuse de la grosseur d'un

pois, au niveau du tiers antérieur du dos de la selle turcique, sur

la partie moyenne de la protubérance. La région supérieure de la

moelle est fortement hyperémiée. Pneumonie hypostatique, ma-

rasme sénile, coeur gras.

Observation n. Il s'agit également ici d'une femme de même

âge présentant depuis trois ans des accès épileptiformes avec agita-

tion. En outre phénomènes douteux de démence paralytique. La

malade succombe à un état de mal ; entre les accès, on constate du

coma, de la parésie complète du côté droit, la suppression des ré-

flexes cutanés du même côté, l'absence de phénomène du genou

des deux côtés. On trouve à l'autopsie, outre la fragilité des mé-

ninges, un oedème ayant aplati les circonvolutions du côté gauche;

la région corticale de la corne d'Ammon (ergot de Morand) est, dé-

truite ou atrophiée par un ancien foyer de ramollissement du dia-

mètre d'une noisette, l'organe lui-même étant scléreux; adhérence

des méninges à la protubérance et à la moelle allongée; oedème

prononcé des pyramides. Pneumonie, entérite catarrhale chro-

nique.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 333

L'analyse critique de M. H... le mène à cette conclusion que

les symptômes observés doivent être rattachés à l'oedème

partiel. C'est lui qui serait le facteur des manifestations

d'ordre irritatif du paralytique dans les cas de ce genre, notam-

ment avant l'agonie. Leur intensité dépend du plus ou moins

d'infiltration de la région du cerveau. P. K.

XXV. Deux cas de la FORME DE paralysie combinée DU bras ET DE

l'épaule, DE EAB; par Oswald VIERORDT. (Neurolog. Centralbl.,

1882.)

Dans les deux observations, la discussion des symptômes conduit

l'auteur à diagnostiquer l'interruption dans la conductibilité des

racines du plexus brachial, et notamment des 50 et 61 racines

cervicales en dehors ou dans l'intérieur du canal vertébral.

' P. K.

XXVI. LES amyotrophies spinales PROTOPATHIQUES ou atrophies MUS-

CULAIRES PAR LÉSION PRIMITIVE DES CORNES ANTÉRIEURES DE LA MOELLE

ÉPIN1WE; par le Dl JORISSEN (Ann. de la Soc. méd. chir. de Liège,

1882.)

Les affections de la moelle dont les lésions sont localisées aux

cornes grises antérieures, la paralysie infantile, la paralysie spinale

de l'adulte, l'atrophie musculaire progressive, laparalysie-labio-glosso-

laryngée et peut-être aussi la paralysie générale spinale subaiguè de

Duchenne, constituent aujourd'hui un seul groupe nosologique,

celui des poliomyélites antérieures systématiques (Kussmaul, Charcot.)

M. Jorrissen passe en revue les arguments qui justifient ce rappro-

chement au point de vue anatamo-pathologique et au point de vue

clinique. Les divergences symptomatiques qui caractérisent les

poliomyélites sont dues à leur mode de début, aigu ou chronique,

à la répartition des lésions, ou bien résultent de conditions qui

échappent encore à nos investigations; elles ne sauraient toutefois

diminuer la valeur des résultats anatomo-pathologiques qui, par

leur constance, leur identité de nature et de siège, justifient large-

ment l'emploi d'une terminologie unique.

En somme, l'auteur n'apporte aucun fait nouveau à l'appui de

cette thèse. D.

XXVII. DU TRAITEMENT DE LA NÉVRALGIE SCIATIQUE; par M. GLATZ.

(Soc. méd. de la Suisse romande, 1882.)

« Notre traitement consiste dans l'application de la douche dite

« écossaise, combinée à l'électrisation par les courants de la pile, et,

331 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ce à notre avis, il est de la plus haute importance que la douche fasse

« immédiatement suite à la séance d'électrisation. n

C'est en ces termes que le Dr Glatz formule le mode de traite-

ment qu'il a institué à Champel. Il recommande d'appliquer la

douche aussi chaude que le malade peut la supporter (55° à 60°)

pendant cinq minutes de façon à annihiler, pour ainsi dire, l'exci-

tabilité du nerf. Le courant de la pile doit être peu intense, mais

très dense (18 à 24 éléments) : l'un des électrodes est placé au niveau

de la moelle ou du plexus sacré et l'autre plus petit sur les points

douloureux. Il ressort des données cliniques et des expériences

physiologiques que la direction du courant est indifférente. Si on

veut appliquer la théorie des roues polaires (Brenner), c'est l'anode

qu'il convient d'employer comme pôle différent, le cathode se place

sur un point quelconque du corps, le sternum par exemple. D.

XXVIII. DIATHÈSE NÉVROPATHIQUE ET PHÉNOMÈNE DU GENOU;

par E. BLOCH. {Arch. f. Psych. u. Nervenk, XII, 2.)

Pour savoir dans quelle mesure l'absence du réflexe tendi-

neux rotulien (phénomène du genou) dépendait de conditions

pathologiques, l'auteur a examiné de juin en novembre ceux

des enfants fréquentant les écoles publiques qui étaient âgés de

six à neuf ans. Sur six cent quatre-vingt-quatorze élèves ren-

trant dans cette catégorie (trois cent dix-neuf garçons; trois

cent soixante-quinze filles), il'Àrl'a trouvé l'absence de ce réflexe

que cinq fois. Il s'est alors enquis de la généalogie do ces cinq

individus au point de vue névropathique. Voici le résultat des

informations obtenues.

Trois garçons n'ont pas répondu à l'incitation produite par

la percussion du tendon rotulien.

I. Enfant de huit ans. Phénomène du genou variable; tantôt

il existe, tantôt il manque; ou bien l'un des deux résultats, positif

ou négatif, se borneà l'un des côtés. Famille d'épileptiques jusqu'au

bisaïeul. Paralysie spinale spasmodique chez le père.

II. Enfant de huit ans et demi. Absence complète et per-

manente du réflexe rotulien. Le réflexe existe chez les deux frères.

Mère bien portante mais rebelle au réflexe en question. Grand-père

maternel et deux oncles du même côté atteints d'épilepsie psychique.

On note dans la famille l'adhérence héréditaire des deuxième et

troisième orteil.

III. Enfant de huit ans et demi. Pas de phénomène du genou.

Père bien portant, mais ne manifestant pas non plus le réflexe. La

grand'mère est la soeur du bisaïeul de l'enfant de l'observation I.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 335

Deux descendants de frères de ce bisaïeul ont été atteints deparalysie

spinale spasmodique.

Les éléments recueillis pour dresser l'arbre généalogique et

l'histoire pathologique des deux fillettes qui complètent cette

série ne prêtent à aucune déduction.

L'auteur dégage de l'ensemble de ces renseignements la con-

clusion que l'absence du réflexe rotulien témoigne simplement

de la névropathie héréditaire. Se transmettant à l'égal des

malformations congénitales, elle indiquerait, non pas le stade

initial du tabes, mais peut-être une anomalie innée dans les

cordons postérieurs de la moelle. P. K.

XXIX. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE l'athétose ET des névroses VASO-

motrices DES extrémités; par Martin BER,-4111tDT. (Arch. f. Pych. u.

Ne1'venk., XII, 21).

La première observation a trait à une h,émiathétose du côté droit.

Les anamnestiques, diffus, relatent d'abord trois mois de maladie

caractérisée par de l'oedème et de la difficulté de la parole, puis

une crise grave indéterminée de plusieurs semaines ayant laissé

après elle de l'hémiplégie droite et de l'aphasie. L'examen médical

proprement dit constate, dès le premier jour, une chorée posthémi-

plégique du membre supérieur droit, de l'hémianopsie du même

côté et de l'aphasie. L'administration de K. I. à doses moyennes

améliore l'aphasie et l'agraphie , et transforme la chorée en

athétose, au bout de cinq semaines. Actuellement, après trois ans

de traitement, l'aphasie et l'agraphie ont presque totalement dis-

paru ; l'hémiathétose a persisté avec l'hémianopsie, mais sans que

les efforts de la main gauche entraînent de mouvements sympathi-

ques dans l'extrémité droite.

La seconde série de faits concerne l'asphyxie locale des extrémités.

L'une des observations est remarquable par l'unilatéralité des

phénomènes. L'absence de pouls radial, cubital, humerai, rappro-

chée de l'absence d'oedème et de gangrène, rapprochée de la per-

ception évidente des cordons artériels en question ainsi que de

l'intégrité papillaire et vasculo-rétiniennc, fit supposer à l'auteur

qu'il avait affaire à la rétraction convulsive des fibres musculaires

des artères examinées. Résultat nul des hautes doses de quinine.

Amélioration par l'électrisation galvanique; courant dirigé des

vertèbres cervicales aux extrémités supérieures atteintes. P. K.

1 Voyez : Société de Psychiatrie et maladies nerveuses de Berlin. (Ar-

chives de Neurologie, t. III, p. 230).

336 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXX. Cas INSOLITE DE MYÉLITE par compression ; par KNECHT.

(Arch. f. Psych. u. Nervenk., XII, 2.)

Chez un tuberculeux de quarante-huit ans, se manifestent

successivement des douleurs irradiant de la nuque aux épaules,

de la paraplégie progressive (pieds comme cloués au sol) avec

anesthésie, analgésie, disparition des réflexes dans les deux

jambes, sans ataxie ni signe deRomberg, de la paralysie vésico-

rectale, enfin des élancements avec convulsions des membres

supérieurs. On constate presque au début de la sensibilité à la

pression au niveau de la septième, vertèbre cervicale et de la

première dorsale. L'autopsie décèle de la carie de la première

dorsale avec adhérence et exsudat caséeux de la dure-mère,

mais aucun foyer méningitique, aucune compression de la moelle.

Le microscope révéle au niveau de la région malade un semis

de foyers de ramollissement myelitiques dans toute l'étendue

transverse de l'organe central, assez uniformément répartis

dans les substances blanche et grise : infiltration et tuméfaction

de la charpente connective par de nombreuses cellules ; inté-

grité des cellules multipolaires grises et des tubes nerveux en

dehors des foyers. Suprà : faible dégénérescence des cordons de

Goll ; infrà : foyer myélitiqne dans la partie postéro-médiane

des cordons latéraux, tuméfaction de la névroglie des cordons

postérieurs jusque dans la moelle lombaire inférieure. L'affec-

tion est, en outre, remarquable par son acuité (durée totale :

trois mois; paraplégie complète en quatorze jours y compris

les altérations du tronc), par la disparition des réflexes tendi-

neux, l'absence de rigidités ou contractures dans tout le cours

de la maladie, la complication prématurée des accidents du

décubitus. L'impossibilité d'établir un diagnostic s'explique

par le mode de propagation de l'inflammation de la vertèbre

malade à la moelle au moyen des méninges infiltrées de pus, sous

la forme de myélite disséminée. Les dégénérescences secondaires

des cordons postérieurs expliquent et l'absence de réflexes ten-

dineux et celle des raideurs et contractures malgré la lésion des

cordons latéraux. La double sensation d'une seule pointe cons-

tatée ici confirmerait l'opinion du refoulement de la substance

grise allégué comme cause de ce symptôme par Schiff.

P. K.

RRVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 337

XXXI. Contributions casuistiques A LA localisation DES fonctions

du cerveau; par INECHT. (Arch. f. Psych. u. Nervenk., XII, 2.)

Trois observations avec autopsie finement détaillées :

Observation I. Paralysie des extrémités du côté droit avec

convulsions des mêmes extrémités dans le cours de la méningite.

Foyer de ramollissement dans la frontale et la pariétale ascendantes

du côté gauche. C'est là, comme le dit M. Knecht, un type

d'hémiplégie corticale; il confirme la localisation des zones motrices

des extrémités dans le tiers supérieur des deux circonvolutions ascen-

dantes, mais l'atteinte simultanée des couches blanches nuit à la

détermination fonctionnelle exacte de l'écorce.

Observation II. Affaissement et démence graduelle. Plus tard,

hémiplégie gauche suivie de contracture des muscles du cou et de

la face du côté droit. Enfin, affaiblissement de la moitié droite du

corps. Accidents du décubitus. Vaste foyer de ramollissement dans

le lobe occipital droit. Petit foyer dans le noyau lenticulaire gauche

du corps strié. La lésion a porté profondément sans que les

ganglions centraux soient intéressés; en surface, elle a atteint le

coin, le gyrus descendens d'Ecker, le lobule extrême du même au-

teur et l'extrémité la plus postérieure des 1 , 2°, 3e circonvolutions

occipitales. Confirmation des idées de Charcot et Pitres sur le rôle

de l'écorce occipitale. Les troubles de la motilité du côté droit sont

en rapport avec le ramollissement du noyau lenticulaire.

Observation III. Céphalalgie. Vomissements. Convulsions

(emprostl1otonos). Puis, paralysie de l'oculo-moteur ex terne gauche et

de la moitié droite de la langue et du voile du palais. Gliôme dans

la pointe antérieure du lobe frontal gauche. Cette tumeur de la

grosseur d'un oeuf de pigeon a détruit l'ecorce, les couches supé-

rieures de substance blanche dans le domaine de la première

frontale et les limites de la seconde; elle parait enkystée vers les

régions saines de l'organe. P. K.

XXXII. SUR l'inflammation parenchymateuse DU SYSTÈME

NERVEUX CENTRAL ET SES RAPPORTS AVEC LE GLIOME ; par

Paul MEYER et Heinrich Bayer. (Archiv f. Psych. u. Ner-

venlc., XII, 2.)

Ce titre concerne deux observations :

Dans la première, qui a trait à une femme de trente-trois

ans, il s'agit de phénomènes évidemment en rapport avec la

plus grande partie du système nerveux central, survenant sous

furme d'accès à évolution brusque et rapide, dont l'élément

périodique demeure inexpliqué, à moins qu'on ne fasse inter-

venir la prédisposition névropathique. Outre des manifestations

Archives, t. VU. 22

338 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

générales telles que céphalalgie, vertiges, abattement, phéno-

mènes fébriles, douleurs, on relève dans les deux premiers

accès des attaques parétiques de toutes formes, des élancements

dans les quatre extrémités, des sueurs, de l'anesthésie par

régions; tous accidents d'origine médullaire (pas de perte de

connaissance) indiquant la participation de tous les systèmes

de l'organe, mais ne laissant après eux qu'une sorte d'hémiplé-

gie incomplète. Le troisième accès témoigne de foyers dans la

protubérance; le quatrième, sous l'apparence d'une nouvelle

attaque hémiplégique accompagnée de tremblements inten-

tionnels dans les membres supérieurs et de symptômes oscil-

lants et inégaux comme tous ceux notés jusqu'alors, détermine

cependant une paraplégie persistante absolue. Enfin, une

dernière poussée apoplectiforme entraine par le concours de

phénomènes bulbaires une mort rapide dans le coma. La durée

totale du processus (trois mois) élimine le diagnostic de la

sclérose multiloculaire et de la dégénérescence gliomateuse

disséminée Les foyers multiples que l'autopsie et l'étude histo-

logique décèlent dans le cervelet, dans la protubérance, dans

les régions supérieures de la moelle allongée, dans les régions

cervicales, dorsales et lombaires de la moelle, présentent à la

fois les caractères de la myélite parenchymateuse ordonnée

soit dans les cordons, soit sur toute la coupe transversale de

l'organe, (foyer dorsal), à la fois les éléments de nouvelle for-

mation (cellules rondes) qu'on est accoutumé de considérer

comme appartenant au sarcome dans une névroglie épaissie et

hyperplasiée. Pour les auteurs, c'est la fibre nerveuse et non le

tissu conjonctif qui aurait été le point de départ de ces néofor-

mations ; du moins, ils se fondent sur des coupes où l'on voit le

cylindraxe se transformer en organites brillants sans qu'on

puisse préciser davantage. En un mot, participation active des

éléments nerveux au processus ; néoplasie cellulaire se renfer-

mant cliniquement dans les limites de l'inflammation subaiguë

et ne constituant pas tumeur; tels sont les arguments en faveur

de l'opinion que c'est là une forme de transition clinique et ana-

tomique entre la myélite parenchymateuse vraie et les gliomes ou

neuro-gliomes du système nerveux central. L'échelonnement des

accès et le cachet des symptômes selon la période prouvent

l'ascension des lésions de la moelle à la moelle allongée par

l'intermédiaire de la protubérance. 0

Le second fait a trait à un homme da soixante et un ans

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 339

en état de déchéance organique, ramassé sur la voie publique

après un ictus apoplectiforme. Démence, gâtisme, impossibilité

de se tenir sur les jambes ; pas de paraplégie. Tendance à

tourner la tète à droite ; pas d'hémiplégie. Mort en trois jours

sous l'influence d'une infiltration des sommets compliquée des

accidents du décubitus. Les lésions portent sur le lobe frontal

droit du cerveau. L'aspect microscopique est celui d'une encé-

phalite simple, (dilatation vasculaire) avec prolifération des

gaines lymphatiques ayant abouti par places à la dégénéres-

cence caséeuse et vitreuse des vaisseaux (réticulums englobant

des cellules granuleuses, des leucocytes, des endothéliums, des

coagulums fibrineux). Les zones récemment atteintes sont le

siège d'une néoplasie de cellules ressemblant aux cellules ner-

veuses, issues, pour les auteurs, des fibres nerveuses. Ils con-

cluent à la dégénérescence sarcomateuse des parois artérielles

(angio-sarcome) sous forme purement inflammatoire.

Ces deux cas marquent la limite qui sépare le processus

inflammatoire de la genèse des néoplasmes. L'historique de la

question termine le travail. P. K.

XXXIII. UN cas DE tubercule occupant le TIERS moyen de la frontale

ascendante; par CUVOSTECK (Jcchr61ccla f. Psych., IV, 1.)

Symptomatologie : convulsions épileptiformes et phénomènes

parétiques consécutifs du bras droit et de la branche buccale du

facial du même côté. Déviation de la langue du côté droit, dila-

tation passagère de la pupille de ce côté. Puis, les convulsions se

généralisent, elles sont accompagnées ou suivies d'agitation, de

troubles de la connaissance, de délire, de pleurs ou de rires enfan-

tins. Mort par tuberculose généralisée. P. K.

XXXIV. LE traitement galvanique DU tabès dorsal ET la réaction

anormale des nerfs cutanés SENSITIrS au courant ; par W.-B. Neftel

(Arch. f. Psych. u. Nervenh. XII, 3).

Chaque séance se compose de l'électrisation galvanique du cer-

veau suivie de celle de la moelle. Nous connaissons déjà les erre-

ments du premier procédé'. Quant à la moelle, on la galvanise de

bas en haut, de la région lombaire inférieure à la nuque, en aug-

mentant peu à peu l'intensité du courant jusqu'à ce que le malade

accuse une sensation de brûlure modérée (<2, 15, 20 élém. siem.);

on en prolonge le passage durant trois minutes. En diminuant

1 V. Archives de Neurologie, t. II, p. 242.

3t0 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

alors un peu la force, on promène lentement, mais avec une forte

pression l'anode sur tous les points de la colonne vertébrale, tan-

dis que la cathode demeure en place à la nuque. Voilà toute la

méthode sans préjudice des régimes et médications indiqués par

l'élude clinique. Les quatre observations rapportées témoignent de

résultats heureux. Pour M. Neftel, dans la plupart des cas, même

lors des stades avancés de la maladie, ce traitement enraye, ou

même fait rétrocéder le processus pathologique; mais il faut quatre

six mois de persévérance continue, sans parler des reprises sub-

sidiaires, pour obtenir des effets satisfaisants. La réaction des nerfs

de la peau offre, du reste, un moyen de contrôler l'action bien-

faisante. Chez le tabétique, l'application prolongée d'un courant

assez intense produit une sensation de brûlure au pôle positif, ce

qui est tout à fait l'inverse de l'état normal (brûlure au pôle néga-

tif) ; cette anomalie, qui persistera des semaines ou des mois, chez

un même malade, fera place, pendant le traitement, à la réaction

normale, dès que l'amélioration se fera sentir : la suppression du

traitement fait reparaître l'anomahe, qui disparaît à son tour quand

on a repris les séances d'une façon continue. P. K.

XXXV. Observation d'atrophie musculaire, articulaire ET osseuse,

névropathique, ayant par son étendue entraîné DES difformités

remarquables; par M. Senger. (Archiv f. Psych. u. Nerven/i.,

XII, 2.)

11 s'agit d'un homme de cinquante ans, maigre, névropathe,

entaché d'hérédité, affaibli pendant son enfance et jusque dans la

puberté par dès lésions suppuratives chroniques des pieds et des

jambes, (renseignements incomplets sur ce point), évoluant sans

douleur ni trouble de la santé générale. On signale à l'âge de

vingt et un ans, de la raideur et des tremblements dans les jambes,

sans modifications du côté des articulations. Deux ou trois ans

après, rigidité indolente de la colonne vertébrale; c'est dès ce

moment que se sont graduellement développées les déformations

actuelles. Elles occupent surtout les extrémités supérieures et les

mains, et sont caractérisées par de l'atrophie des muscles, des

tendons, des os, les articulations se trouvant ici en diastase du

fait de la laxité des ligaments, tandis qu'à côté elles sont devenues

rigides, ankylosées, tordues de par les contractures musculaires.

Signalons l'atrophie avec rigidité des sternocleidomastoïdiens, des

trapèzes, en opposition avec l'atrophie sans exagération de la

tonicité des pectoraux : de là l'inflexion en avant des épaules,

ainsi qu'une sorte de subluxation de l'humérus en avant. L'extré-

mité radiocubitale inférieure forme moignon, les carpes étant à

peu près à un centimètre en arrière des apophyses styloides des

deux os de l'avant-bras : flexion a angle droit de la main sur le

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 3 il

bras avec déviation vers le bord radial. Le métacarpe cintré établit

un rapprochement entre les deux éminences thénar et hypothé-

nar ; les phalanges forment une foule de zigzags dont les jamba-

ges flottent en tous sens (torsion et mobilité fantastiques des

doigts '). Nulle symptomatologie en ce qui concerne la moelle, le

cerveau, la sensibilité spéciale ou générale (réactions électriques

normales). Depuis le mois de novembre 1878, l'état est demeure

stalionnaire, à part une légère attaque d'hémiparesie gauche

bientôt disparue, et des troubles (trophiques ? )

qui ont amené la perte de l'oeil gauche. Il y a vingt-huit ans que

les lésions ont commencé à se manifester : jamais de douleur au

reste, ni d'o,téophytes sur les extrémités osseuses atteintes. La

longue durée du processus compatible avec l'existence de l'indi-

vidu, l'amyotrophie et la contracture que l'on voit dans l'observa-

tion succéder aux altérations osseuses, articulaires, ligamen-

teuses, l'immobilité des phénomènes, l'absence de caractère» géné-

raux et de réactions morbides subjectives, la conservation de toutes

les propriétés de l'élément contractile, au plus fort des pertur-

bations anatomiques, éliminent du diagnostic l'atiopliie muscu-

laire progressive (poliomyélite antérieure), les myopies ou autres

manifestations paralytiques, soit centrales, soit périphériques.

Pour M. Senger, c'est là une trophonévrose à rapprocher de l'atro-

phie concentrique de Volkmann, semblable à l'atrophie générale

sénile, dont le début devrait peut-être être cherché dans les

cellules des épiphyses et des cartilages articulaires, et le méca-

nisme, dans l'action vaso-motrice (Rupprecht). Les lux, riions déri-

vent : les unes, des modifications morphologiques des extrémités

articulaires (résorption molécule à molécule); les autres, de la

paralysie et des contractions des muscles périartieutaires (action

des antagonistes, ramollissement ou rétraction de l'appareil fila-

menteux), que, d'ailleurs, les rétractions aient accompagné ou

suivi les lésions osseuses. La solution de ces problèmes dépen-

dant d'un examen anatomique, le malade serait prêt à sacri-

fier une phalange digitale pour assurer le diagnostic. P. K.

XXXVI. Contribution a l'étude des localisations spiniles (Autopsie

' d'une ancienne paralysie infantile avec atrophie très localisée) ; z

par Hermann S.mu. (Berne, Deutsches Arch. f. Kliii. Med., 1883.

p. 360.)

Femme de vingt-cinq ans. morte plithisique, avait, à la suite d'une

paralysie atrophique de l'enfance, une atrophie considérable des

muscles des éminences thénar et hypothénar et des muscles inter-

osseux de la main droite, avec paralysie de ces mêmes muscles

¡ '1'101' photolithogT1phirs représentent l'état du malade.

34 REVUE DE PATHOLOGE NERVEUSE.

et abolition de l'excitabilité électrique pour l'un et l'autre courant.

Il y avait aussi une diminution de volume en masse du bras droit,

mais l'auteur n'ayant constaté ni lésions des muscles ni anomalies

dans le résultat de l'examen électrique pense qu'il s'agit là d'un

défaut de développement par inaction du membre, la malade s'en

servait très peu en effet, puisque la main était paralysée. Voici les

résultats de l'autopsie :

1° Un petit foyer circonscrit dont la nature histologique est mal

définie à la hauteur du premier nerf cervical au centre de la corne

antérieure droite.

2° Un long foyer allant du quatrième au septième nerf cervical

dans la partie externe et postérieure de la corne antérieure droite

consistant en un feutrage de cellules araignées.

3° Dans le territoire du quatrième et du cinquième nerfs cer-

vicaux outre le foyer du côté droit, il en existe un plus petit mais

d'un siège analogue au côté gauche.

4° A la hauteur du huitième nerf dorsal on trouve dans la corne

antérieure gauche des lésions analogues.

Dans toutes ces régions il y a disparition des grandes cellules

multipolaires de la corne antérieure malade; celte disparition

porte suitout sur le groupe postérieur latéral et, d'une façon

moins prononcée, sur les groupes médian et latéral antérieur. Elle

est très accusée dans le grand foyer n° 2.

Dans les points où les cornes antérieures sont atteintes, on voit

une diminution des fibres nerveuses partant de ces cornes et se

dirigeant vers les racines antérieures.

Le réseau conjonctif situé entre la pointe externe de la corne

antérieure et le faisceau latéral est plus accentué du côté malade;

ses mailles sont plus serrées.

Les racines motrices extra-médullaires sont un peu plus minces

du côté malade que ducôté sain; mais on n'a trouvé de lésions ana-

tomiques (augmentation du tissu conjonctif aux dépens des fibres

nerveuses) que dans le cinquième et le sixième nerfs moteurs droits

cervicaux.

Les nerfs périphériques ne présentaient une dégénération atro-

plique (prolifération conjonctive) à l'exception du cubital,quedans

leurs derniers rameaux destinés aux muscles atrophiés.

L'auteur ajoute quelques considérations sur l'atrophie des os

correspondants aux muscles paralysés, et fait ressortir les diffé-

rences qui existent au point de vue de la localisation entre son

observation et celle de Prévost et David. (Arch. de physiol., 1874.)

P. Marie.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 343

XXXVII. Contribution .1. L'ÉTUDE DES réflexes cutanés ET TENDINEUX;

par A. ScuVARZ. (Arcle. f. Psych. u Nelroenh., XIII, 3.)

D'après ce mémoire basé sur l'étude et la discussion de quinze

observations, les divers centres réflexes spéciaux sont en rapport

avec différents centres encéphaliques, et, si chaque genre de réflexes

médullaires présente une allure variée, c'est que les centres céré-

braux localement dissociés auxquels ils correspondent ne sont pas

soumis aux mêmes modifications pathologiques. L'analyse de quel-

ques faits d'épilepsie corticale, rapprochée de celle d'un grand

nombre d'observations d'hémiplégie cérébrale, amène l'auteur à

conclure que tout processus qui, d'une manière quelconque, para-

lyse les départements moteurs ou sensoriels du cerveau, paralyse

eu même temps les centres médullaires eu connexion avec eux;

l'excitation des zones corticales entraîne au contraire après elle

une hyperexcitabilité des centres réflexes spéciaux. P. K.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 23 décembre 1883. Présidence DE M. Motet.

Elections : Après élections, le bureau est ainsi composé pour

l'année 1884 : Président : M. F6mLr. ; 171ce-Pi,ésideizt : M. Dagonet ;

Secrétaire général : M. RmTi ; Secrétaires annuels 1\Il\ ! . Charpentier

et Gxnmea ; Trésorier : M. A. Voisin ; Conseil de famille : MM. Motet

etUALLYSont adjoints aux membres du bureau pour former le

conseil de famille.

M. le Président annonce à la Société que deux de ses membres

MM. Ballet et Garnier, ont déposé à l'Académie des mémoires qui

viennent d'être couronnés.

Du rôle de la profession dans le développement de l'aliénation

mentale. M. Charpentier. On est surpris, en compulsant les

nombreux travaux sur les causes de la folie, de voir combien peu

344 SOCIÉTÉS SAVANTES.

la profession a été prise en considération. Les nombreuses statis-

tiques contenues dans le recueil si riche de faits des Annales mé-

dico-psychologiques, sont muettes ou vagues à ce sujet. Pinel

(1806), Trélat ( 15;i0), Marcé (-I 86 ? ), M. Dagonet (1882)et les auteurs

des différents articles d'aliénation mentale des deux dictionnaires

de médecine, ne fournissent aucun renseignement à cet égard. Le

professeur Bail, dans ses leçons, fait remarquer combien il serait

utile pour cette question d'avoir des statistiques exactes.

Dans le projet de statistique applicable à l'étude des maladies

mentales arrêté par le congrès aliéniste international, projet pu-

blié dans les Annales de 1868, figure un tableau des causes de la

folie et qui serait parfait sans une omission : seule, la profession

n'y est pas représentée. Cependant empressons-nous de dire que

pour les professions intellectuelles, c'est-à-dire scientifiques, litté-

raires, artistiques et religieuses de nombreuses dissertations onl

été produites. Constatons aussi qu'Esquirol (1838), Benaudin

(1842), Parchappe (1846) avaient pensé 11'influence possible de la

profession et qu'un petit nombre de professions où l'on manipu-

lait des substances toxiques a fixé l'attention de Morel, Delasiauve,

Bail, Régis et Paul Moreau (de Tours) et en outre des aliénistes,

Delpecb, Grisolle, Roque, Proust et Leudet.

Pourquoi l'influence professionnelle a-t-elle si peu fixé l'atten-

tion en aliénation mentale ? Ce défaut de recherches s'explique

par plusieurs raisons dont la première tient à l'évolution scienti-

fique elle-même en aliénation mentale. Sans remonter au temps

où la folie, considérée comme le résultat d'une intervention divine

ou démoniaque, fermait la porte à la recherche de toute autre

cause, il convient de faire remarquer combien depuis notre siècle.

les esprits scientifiques se sont laissés facilement séduire par l'in-

fluence de ces causes que faute d'une autre expression, ils ont dé-

signées sous le nom de causes morales.

Les émotions pénibles, les passions dépressives, les peines de

coeur, les illusions perdues, le débordement des passions, les en-

traînements de la jeunesse, les excès de l'orgueil, de l'avarice, de

la haine, les concentrations de l'égoisme, le remords, le trauma-

tisme moral, toutes ces expressions non moins descriptives qu'é-

mouvantes ont été invoquées pour expliquer l'aliénation mentale

qui déjà n'est que trop développée lors de l'apparition de ces pré-

tendues causes. Toutefois nous ne rejetons pas la valeur partielle

de ces causes morales; nous ne rejetons que l'emploi abusif que

l'on en a fait aux dépens de causes plus scientifiques et plus utiles

à apprécier.

A notre époque, et on peut dire que c'est là sa caractéristique

en médecine mentale, une autre cause prépondérante a été mise

en relief, à savoir l'hérédité affirmée par les travaux aussi bril-

lants que nombreux de Moreau (de Tours), Morel, Falret, Lasègue.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 315 5

Legrand du Saulle, Bail, humer, Marandon de Montyel et Régis.

Certes, son influence est incontestable, mais actuellement, c'est

encore une cause mystérieuse, fatale, supérieure à nos moyens

d'action et peu faite d'ailleurs pour tenter les efforts de la théra-

peutique. Etant donnée cette prépondérance de l'hérédité, on

comprend combien peu les esprits ont été portés à rechercher les

autres causes, milieux cosmiques ou professionnels, pourtant

moins difficiles à apprécier, plus faciles à éviter, et surtout plus

capables de contribuer à des recherches efficaces au point de vue

de l'hygiène et de l'art de guérir. D'ailleurs, si héréditaire que soit

la folie, et toutes les folies ne sont pas héréditaires, cette héré-

dité ne peut-être elle-même envisagée que comme le résultat de

causes extérieures physiques, chimiques ou mécaniques ayant agi

sur les ancêtres, et à ce point de vue, ce n'est que toute justice de

subordonner l'influence héréditaire, malgré sa prépondérance à

notre époque, à ses véritables causes, milieux cosmiques au nombre

desquels figure nécessairement l'influence professionnelle.

Les considérations qui précèdent permettenldecomprendreque

si les observations démontrant l'influence de la profession sur le

développement de la folie sont peu nombreuses, ce n'est pas

que les cas en soient rares mais c'est que, n'ayant pas sollicité

l'attention des travailleurs, ils n'ont pas été recherchés.

Comme cette question n'en estencore qu'à ses origines, on nous

pardonnera donc de n'avoir pas cherché à faire un traité sur ce su-

jet et de nous être bornés à en faire une esquisse qui, si légère

qu'elle soit, pourra peut-être guider pour les recherches en ce

sens.

Quelles solzt les professions capables de contribuer au développe-

ment de l'aliénation mentale ? Quel est leur rôle dans ce développe-

ment ? C'est après nous être posés ces questions et avoir exa-

miné les solutions qu'elles comportaient, que nous nous sommes

arrêtés à un groupement de profession que nous vous demandons

la permission de vous soumettre, groupement artificiel s'il en fui,

mais qui nous a paru le plus commode pour l'exposé de la ques-

tion. Nous avons classé les professions en quatre groupes princi-

paux.

Premier groupe. Nous avons d'abord réuni en un groupe

(et c'est le moins discutable) les professions qui peuvent produire la

folie par les matières toxiques avec lesquelles l'exercice de la pro-

fession oblige l'individu à être fréquemment en contact, que ces

matières soient manipulées ou soient les produits de dégage-

ment des manipulations. Ce sont des professions exposant a des

agents chimiques nuisibles à l'économie et portant leur action

fréquemment sur le cerveau. Ce groupe comprend donc les folies

toxiques professionnelles, ou sous un autre terme, les professions

3 tG SOCIÉTÉS SAVANTES.

produisant des folies toxiques. Ce sont celles où l'individu est ex-

posé à l'action du plomb, de l'arsenic, du mercure, du phosphore,

des alcools, du sulfure de carbone, de l'oxyde de carbone, de l'in-

digo, de l'aniline et de la nitro-benzine. Des faits nettement éta-

blis démontrent d'une façon péremptoire la production possible

de la folie par l'action de ces produits manipulés et dégagés.

L'action funeste du plomb était déjà connue d'Esquirol qui

écrivait (p. 22, 1808) : La vapeur de plomb produit en Ecosse une

espèce de manie dans laquelle les mineurs se déchirent à belles

dents et que les Ecossais appellent mealle breack.

Nous ne vous ferons pas l'histoire des troubles cérébraux dési-

gnés sous le nom d'encéphalopathie saturnine ou de pseudo-para-

lysie générale saturnine, bien décrits par Grisolle, Devouges, pro-

fesseur Bail et Régis. L'alcoolisme cérébral des ouvriers qui travail-

lent les alcools, les vins, des tonneliers, "des brasseurs, des ouvriers

des docks de Londres, des dégustateurs de Bercy si récemment en-

core observé par Lancereaux chez des marchands de vernis, est

nettement établi. Delpech (Mémoire, Académie de médecine, 1856),

Hugenin (thèse 1876) ont fait ressortir les troubles intellectuels dus

au dégagement du sulfure de carbone (travail du caoutchouc); l'a-

mélioration de ces troubles, après la cessation de la profession a

été notée comme pour le plomb.

L'aliénation mentale a été citée chez les calambristes d'Almaden

(Espagne) et chez les mineurs d'ldria (Autriche), qui extraient le

mercure et par suite sont exposés à l'intoxication hydrargyrique.

Le Dr Chapuis (Ann. méd. psyc/wlo{].) l'a constaté chez des mi-

neurs californiens. M. Delasiauve a relaté des troubles mentaux dans

une famille exposée aux vapeurs de mercure provenant d'un appa-

reil que le concierge de la maison avait construit dans sa cheminée

pour extraire l'or d'alliages qui le contenaient. Marcé rapporte un

fait analogue. Oppolzer a retrouvé le mercure dans les cerveaux.

L'arsenic expose à des troubles intellectuels comme l'ont observé

M. Lancereaux (paralysie toxique) et Kirchgasser (de Cologne). Ce

dernier a observé dans les centres manufacturiers de cette ville,

vingt et un cas d'intoxication arsenicale simulant les symptômes

cérébraux de l'alcoolisme (1868) ; d'ailleurs rien d'étonnant si l'on

songe que M. Armand Gautier a pu retirer de l'arsenic du cerveau,

après des intoxications arsenicales prolongées. (Arch. p)ysiol.,

(18ï5).

Binswanger(de Berlin), Blondet ont cité des cas de fièvre des fon-

deurs (Meesing füber) avec manie chez les fondeurs de laiton, ce qui

pourrait bien mettre le zinc en cause. Imbert Gourbeyre (de Cler-

mont-Ferrand), qui a observé de près le travail des écorces

d'oranges dans cette localité, a décrit des troubles intellectuels

qu'il attribue à l'essence d'amandes amères. M. P. Moreau (de

Tours) (l8î5), a rapporté quinze observations d'aliénation par in-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 347

toxication produite par l'oxyde de carbone et en a décrit les symp-

tômes sous le nom de folie des cuisiniers. M. Leudet (Arch. méd ?

déc. 1883) et M. Proust dans son Traité en rapportent chacun deux

cas. Des troubles analogues ont été observés dans des fabriques de

papier et ont été attribués au dégagement d'acide carbonique pen-

dant la fermentation de la colle.

M. Legrand du Saulle avait déjà, en 1857, fait ressortir l'insalubrité

des atmosphères des cafés, et leur influence sur les maladies céré-

brales ; mais, entraîné par le côté moraliste, il n'avait considéré

que le consommateur, détournant son attention des patrons et

employés c'est-à-dire de l'élément professionnel. « On prétend,

dit Esquirol, dans son traité que les teinturiers qui emploient l'in-

digo sont moroses et mélancoliques; » nous ne savons si le fait a

été vérifié, mais M. Jules Bergeron (1865) (Académie de médecine) a

bien décrit les troubles intellectuels chez les ouvriers qui fabriquent

ou emploient les couleurs d'aniline et a fait également ressortir

les phénomènes de stupeur dus à la nitro-henzine.

Deuxième groupe. Si nous avons pu établir ce premier groupe

sur des faits authentiques, nous avons le regret de devoir avertir

qu'il n'en est plus de même pour les trois groupes qui suivent,

pour la raison que nous avons donnée, à savoir qu'on ne s'en est

pas occupé.

Dans un deuxième groupe, nous avons réuni toutes les profes-

sions exposant à des troubles d'ordre physique : froid brusque ou

prolongé, général ou local; chaleur, que celle chaleur soit produite

par le voisinage d'un foyer incandescent ou par les irradiations

d'un soleil ardent ou encore changements brusques de tempé-

rature, etc., transition à l'humidité, décompressions atmosphé-

riques, privation de lumière trop prolongée. On ne peut dire

que, dans ce groupe, la profession n'a rien à voir comme cause,

car il est impossible, chez un fondeur par exemple ou un boulan-

ger ou un forgeron, de séparer l'élément haute température de la

profession qui exige cet élément physique. Ce groupe comprend

donc les folies par causes physiques dans le sens propre du mot, et

non au sens des aliénistes qui rangent sous cette même dénomi-

nation, la masturbation et les maladies du coeur, la fièvre typhoïde

et l'insolation, donnant ainsi à cette expression un sens trop étendu.

Ce groupe comprend un nombre de professions plus considérable

que le premier. Nous n'avons pas besoin de les énumérer; il est fa-

cile de se les repiésenter. La plupart des aliénistes mentionnent,

il est vrai, ces influences physiques comme causes occasionnelles

de la folie, mais au peu de détails qu'ils donnent, il est facile de

voir qu'ils ne leur accordent aucune importance. Ainsi Georget

(Dict. en 30 vol., art. Folie) nous dit : «Après la retraite de Russie,

l'asile de Wilna reçut un grand nombre de Français devenus aliénés,

3 18 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mais le froid ne peut être invoqué et il faut chercher la cause

dans le découragement. la fatigue et le défaut d'alimentation. »

Cependant, en 1862, Legrand du Saulle décrit de main de

maître les effets du froid sur le système nerveux périphérique et

central, sur la congestion cérébrale, fait entrevoir aussi la possibi-

lité de l'action du froid sur la production de la paralysie géné-

rale ; mais qu'elle réserve propos de la même influence sur les

autres folies ! Ellis rapporte une observation (Obs. 40) où l'aliéna-

tion mentale due au froid est bien démontrée; c'est, chose surpre-

nante, la seule nette que nous ayons pu trouver. Les troubles

cérébraux désignés sous le nom de The horror (Dietrich), ragle,

calenture doivent être rapportés àlabaute température ouà l'inso-

lation; les impulsions subites au suicide après insolation sont ad-

mises, et. pourtant nous ne trouvons presque rien sur l'aliénation

mentale partempérature excessive ; toutefois rappelons les troubles

cérébraux observés chez les ouvriers qui travaillent le zinc (fon-

dcurs) sui lesquels nous avons peu insisté parce que les observa-

teurs tendent à les attribuer de préférence aux températures

élevées. On voit donc que l'influence de ces causes physiques a été

peu recherchée, à plus forte raison l'influence des professions où

elles se rencontrent.

Et cependant, si les températures excessives (froid ou chaleur), si

les transitions brusques de température, si les variations brusques

et considérables de pressions atmosphériques ont pu déterminer

des congestions cérébrales, des inflammations, des hémorrhagies

cérébrales ou méningées (cela a été souvent constaté, de môme

qu'il est admis que ces lésions produisent fréquemment l'aliéna-

tion mentale), pourquoi donc ces mêmes lésions ne produiraient-

elles pas l'aliénation mentale quand elles sont causées par lefroid,

le chaud et autres conditions physiques inhérentes à un grand

nombre de professions ? Toujours la même réponse : c'est qu'on

n'a pas recherché l'aliénation mentale dans ces conditions.

Troisième groupe. Notre troisième groupe, alors même que

les deux premiers groupes eussent été mieux étudiés, ne pouvait

l'être que de nos jours; il ne pouvait fixer l'attention plus tôt.

Ce troisième groupe, plus vaste encore que le précédent, mais

où l'influence de la profession ne saute pas à l'oeil du premier

coup, où son influence paraît moins manifeste quoique bien évi-

dente, si l'esprit préparé y porte son attention, ce groupe com-

prend les professions qui, ne portant pas d'emblée leurs coups

funestes sur le cerveau, agissent en perturbant d'abord les autres

appareils de la vie de nutrition ou de relation ; ces appareils une

fois troublés retentissent à leur tour sur le cerveau et les fonctions

intellectuelles. Ici, l'action de la profession est très indirecte ;

entre elle et la folie se trouvent des maladies intermédiaires

qui masquent à première vue la relation avec la cause initiale :

SOCIÉTÉS «A VANTES. 3t0 J

profession et l'effet ultime : aliénation mentale. Toute prufcsii n

qui déterminera une maladie de l'appareil respiratoire, circula-

toire ou utérin, de la peau ou des organes des sens, sera capable à

la condition d'un retentissement de cette maladie sur le cerveau de

produire en définitive l'aliénation mentale.

Historiquement parlant, pour que ce groupe pût être constitué,

il fallait d'abord établir l'influence des professions sur les maladies

des appareils respiratoires, circulatoires, digestifs, utérins et des

sens et ceci est maintenant bien connu pour nombre de profes-

sions que nous n'énumérons pas; puis il fallait établir l'influence

des maladies de ces appareils sur la production de la folie; cette

influence est aujourd'hui connue et admise grâce aux travaux de

111LVosiu et Loiseau, sur les folies réflexes ou sympathiques, grâce

aux recherches sur les embolies cérébrales et leur origine car-

diaque, grâce aux observations nombreuses de folies liées à des

maladies de l'oreille ou consécutives à la perte de l'ouïe, ou d'un

autre sens.

Pour comprendre l'importance de ce groupe de professions

agissant par- le retentissement cérébral secondaire des maladies

d'appareils qu'elles ont primitivement développées, il faut être

bien pénétré de cette idée que la folie, maladie du cerveau, mal-

gré ses allures différentes et caractéristiques, est une maladie

comme les maladies des autres organes et que, par suite elle n'é-

chappe pas par un privilège mystérieux aux lois générales de la

pathologie, qui résultent de la solidarité organique et de l'étio-

logie. '

Quatrième groupe. - A côté de ce troisième groupe prend place

logiquement un quatrième groupe qui pourrait même n'en faire

qu'un avec le précédent.

Aujourd'hui, grâce aux travaux si bien conduits de Berthier,

Legrand du Saulle, Bail etLuys, sur les folies générales goutteuses,

rhumatismales, anémiques, ischémiques, et diabétiques, grâce

aux recherches de Morel sur l'impaludisme et les folies qui s'y

rattachent, grâce aux travaux de MM. Christian et Charcot sur les

folies consécutives aux maladies aiguës et à la fièvre typhoïde en

y joignant les recherches de Marcel Briand, il est reconnu et admis

,que l'anémie, le rhumatisme (dont la cause physique si fréquente

est l'humidité), les états pathologiques constitutionnels, les trou-

bles généraux engendrés par une nutrition languissanteouralentie

n'exercent que trop souvent une influence nuisible sur le cerveau,

pour développer les différentes folies que nous avons mentionnés;

mais bien souvent ces maladies reconnaissent comme cause la

profession ou des conditions inhérentes à la profession. Ici se

groupent les professions à retentissement indirect sur le cerveau

par des maladies générales provenant de l'encombrement, de

l'insalubrité de l'atelier ou du milieu de travail (humidité

350 SOCIÉTÉS SAVANTES.

marécage travail des mines), de l'air vicié, de la fatigue et du sur-

menage, le tout souvent greffé sur la misère ou bien encore sur

l'alcoolisme, alcoolisme tellement entré dans les moeurs de cer-

taines professions (pelits boutiquiers) qu'en abusant du sens du

mot, on pourrait l'appeler l'alcoolisme professionnel.

Nous serions incomplets si nous ne signalions d'autres modes

suivant lesquels les professions interviennent dans le développe-

ment de l'aliénation mentale, d'autant qu'en tenant compte de

ces différentes conditions on peut parfois prévenir leur funeste

influence.

Parmi les traumatismes et surtout les traumatismes cérébraux,

plaies de tête, commotion, etc., auxquelles certaines professions

exposent plus particulièrement, la folie traumatique déjà étudiée

par Eleis, mieux connue par les travaux de Lasègue, Azam, Val-

lon (1882) et surtout Sclilager (de Vienne), peut être considérée

comme une conséquence trop commune de certaines profes-

sions.

Les attitudes vicieuses ou trop longtemps prolongées détermi-

nant une inclinaison permanente et fixe de la tête comme chez

les écrivains, les bijoutiers, montrent encore un mécanisme pro-

fessionnel producteur de la folie.

Delasiauve a insisté sur cette influence comme cause de l'épi-

lepsie dans son traité où il a si bien décrit les manifestations

délirantes de la même affection.

Il en est de même de ces vertiges si fréquents dans certains

actes, tels que la flexion delà tête dans l'acte de se baisser, ou au

contraire l'élévation de la tête et des bras, attitude nécessitée par

les travaux des tapissiers, des ouvriers du bâtiment, des hommes

de peine ou des femmes de ménage dans les soins de la maison;

ces vertiges dont la relation avec les troubles cérébraux est aussi

bien démontrée font comprendre la possibilité de suspendre ou

de modifier ces conditions nécessitées par la profession, et dont

on peut méconnaître l'importance si l'on n'en est pas trop pré-

venu.

Songeons encore aux professions qui nécessitent un travail de

nuit ou un sommeil trop court.

Quand on pense à l'extrême fréquence et à la gravité des in-

somnies prémonitoires de l'aliénation mentale, opposée à l'in-

fluence bienfaitrice d'un heureux sommeil réparateur sur l'in-

tégrité des fonctions intellectuelles, on ne peut méconnaître les

dangers cérébraux que courent les individus qui, pour remplir

leur profession, veillent la nuit ou abrègent leur sommeil.

La question du sommeil nous conduit aux autres habitudes

troublées par certaines professions et aussi aux habitudes anciennes.

Dans le domaine de la pathologie cérébrale, pas un médecin

ne méconnaît l'influence des fonctions de la digestion sur l'encé-

SOCIETES SAVANTES. 351

phale ; les convulsions ducs à la présence de vers inteslinaw sont

aussi connues que l'étourdissement cérébral après un repas trop

copieux, que le caractère mélancolique des individus atteints de

maladies chroniques des voies digestives que le délire famélique

de l'inanition ou des maladies où la diète a été trop prolongée.

Souvent, à ce titre, l'influence de la profession se fait sentir

en nécessitant un trop long intervalle entre les repas, influence

encore aggravée, si, ce qui arrive trop souvent, l'alimentation du

matin est remplacée par la stimulation factice d'un breuvage al-

coolique.

Nous passons rapidement sur les professions sédentaires, si nui-

sibles aux individus que les maladies, par retentissement de nu-

trition (obésité, goutte, gravelle, diabète), menacent toujours au

point de vue cérébral. Enfin, les professions considérées dans leur

rapport avec l'âge méritent encore de fixer notre attention.

La prématuration dout nous entretenait notre collègue Dally,

est applicable aussi aux dangers cérébraux de la profession ; d'un

autre côté, si la folie a été constatée chez des travailleurs, fonc-

tionnaires, commerçants, militaires ayant quittétroptbt leurs oc-

cupations actives, les mêmes dangers sont à redouter pour les

professions prolongées à un âge trop avancé, alors que les troubles

organiques de la vieillesse rendent la profession plus pénible et

surexcitent davantage l'individu qui continue à croire que la

volonté et l'énergie suffisent pour diriger les fonctions d'organes

sénilisés. Nous n'abordons pas les professions intellectuelles, tout

a été dit et bien dit; nous n'abordons pas les professions militaires,

soucieux de décliner notre compétence dans cette question.

Messieurs, les considérations que nous venons de vous soumettre

et que nous avons appuyées soit sur des observations prises par

d'autres que par nous, soit sur des opinions reconnues vraies en

médecine, ne sont pas des considérations de pure contemplation.

Elles permettent de comprendre l'importance de l'appréciation

des fonctions cérébrales, dans le choix d'une profession, l'intérêt

qu'il ya de discerner les différents éléments toxiques, chimiques,

physiques, habituels ou morbides qui, dans les professions inter-

viennent pour agir de plus ou moins loin sur le cerveau; ces con-

sidérations viennent apporter leur concours aux autres causes

héréditaires et morales, en permettant d'éviter d'aggraver l'in-

fluence de ces causes; elles autorisent à étudier les moyens tous

les jours plus nombreux et plus sages, de diminuer les trauma-

tismes, l'encombrement, l'insalubrité des ateliers et usines, ainsi

que les troubles apportés au sommeil et au repas. ces auxiliaires

indispensables de toute dépense, c'est-à-dire de tout travail utile.

Elles permettent enfin d'apprécier le rôle moral de ces sociétés

qui se proposent d'atténuer les vices et la misère, ces compagnes

si fréquentes des professions pénibles.

352 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Telles sont, Messieurs, les impressions qui nous ont guidé pour

entreprendre cet exposé nécessairement incomplet, très heureux

que nous serions s'ils permettaient de fixer l'attention des esprits

scientifiques sur la valeur étiologique de la profession dans le

développement de l'aliénation mentale.

M. LE Président donne ensuite la parole à M. Taguet, membre

correspondant de la Société, pour la lecture de l'observation d'une

hystéro-épileptique présentant des phénomènes hypnotiques non

encore signalés.

Il s'agit d'une jeune hystérique de Bordeaux, qui voit à travers

un carton d'une certaine épaisseur, comme elle y verrait à travers

une lame de verre et distingue par réflexion sur ce même carton,

comme l'aide d'une glace, les objets qu'on lui présente. La ma-

lade est douée en outre d'une double vie, c'est-à-dire que pendant

le sommeil somnambulique, ses pensées et ses actes sont la suite

des pensées et des actes de la précédente période de sommeil ;

après le réveil, elle reprend de même la vie où elle l'avait laissée

avant de s'endormir. Enfin les membres de celte malade prennent,

quand elle est en catalepsie, des attitudes qu'on ne peut lui faire

perdre qu'en usant de la plus grande violence et encore retournent,

ils à leur position première dès que l'effort ce ,se.

M. BALLET critique le titre de la communication, qui expose

comme non encore signalés des phénomènes analogues à ceux

maintes fois décrits à la Salpêtrière. Si j'avais, dit-il, à publier cette

observation, je l'aurais intitulée : IlysLéro-épilepsie à crises COI1\ ul-

sives ; attaques de contracture; sommeil, hallucinations persistant

après le réveil. Sans insister, dit-il, je veux seulement faire res-

sortir qu'il est impossible d'accepter le terme de catalepsie appliqué

par M. Taguet à des phénomènes nullement cataleptiques. Voici

pourquoi : dans la catalepsie, il suffit du moindre effort pour

changer l'attitude des membres et ceux-ci restent alors dans la

nouvelle position, tandis que chez la malade de Bordeaux, pour

obtenir ce résultat, il faut user de violence. Ce n'est donc pas de la

catalepsie, mais de la contracture avec rigidité, c'est-à-dire un

phénomène courant. J'en arrive à la phase somnambulique et, à ce

propos, je demanderai un renseignement : L'expérience du miroir

a bien été faite à l'état de veille ?

M. TAGUET. Oui.

M. Ballet. Pour curieux qu'elle soit, des faits analogues abondent

en somnambulisme. Quand on relit Braid et tous les auteurs

modernes, on trouve rapportés un grand nombre de cas analogues

d'hyperesthésie des sens spéciaux et d'hallucinations persistant

après le réveil. Si je prends une feuille de papier, que je la dé-

chire en 450 petits morceaux et que, pendant le sommeil de cer-

taines hystériques, je leur suggère l'idée que mon portrait se

SOCIÉTÉS SAVANTES. 353

trouve sur l'un d'eux, j'aurai beau brouiller tous les morceaux, cer-

taines malades après le réveil, retrouveront le morceau qui leur

aura été présenté pendant le sommeil.

A l'état normal, une feuille de carton ne réfléchit que peu de

lumière, mais elle en réfléchit, il n'y a donc rien d'étonnant de

voir un sujet, affecté d'hyperesthésie de la vue, percevoir des rayons

réfléchis en très petit nombre et par conséquent l'image des objets.

Je veux aussi relever une expression de M. Taguet qui nous parle

de léthargie, car je ne crois pas qu'aucune des phases qu'il a dé-

crites puisse être ainsi dénommée. C'est somnambulisme qu'il au-

rait dû dire.

M. Lunier comprend très bien qu'une sensibilité extrême de la

vue permette aux uns de voir ce que les autres ne voient pas. Si

l'on fait, dit-il, sentir un objet à un chien et qu'on vienne à perdre

cet objet, il n'est pas rare que le chien, se mettant à la recherche',

finisse par le retrouver. Enfin tout le monde sait que les pigeons

voyageurs sont doués d'une très grande pénétration de la vue.

M. Voisin. Il y a à Paris, une femme qui fait retrouver aux per-

sonnes volées les objets qui leur ont été dérobés. Il y a deux ans,

ma belle-soeur, Madame Baillière, avait constaté la disparition d'un

couvert d'argent ; pressée par une amie, la femme d'un notaire, elle

consulta la somnambule en question ; celle-ci lui apprit que le

couvert avait été volé par la concierge de la maison.

Madame Baillière rentra chez elle, envoya sa concierge faire une

commission et trouva son couvert dans le tiroir d'une table placée

au fond de la loge à gauche... On me l'a raconté ! M. Taguet

devrait voir si sa malade pourrait aussi retrouver les objets volés.

M. TAGUET. Je ferai l'expérience ! .

M. LUNICn. J'ai moi-même eu sous la main une somnambule;

mais elle ne m'a jamais convaincu, car je vis dans l'intimité de

Robert Houdin qui m'a dévoilé beaucoup de trucs.

M. Motet. M. Taguet parait s'étonner de voir le somnambulisme

se développer entre deux crises et donner lieu à une double

vue. Dans les Archives de médecine de 1856 (vous voyez que c'est déjà

vieux) il trouvera l'histoire d'un malade qui chaque matin, à heure

fixe, tombait en somnambulisme à la suite d'attaques et continuait

aussitôt les actes commencés à la fin de sa précédente crise som-

nambulique. M. B.

Séance du 28 janvier 1884. - Présidence DE 11. Motet.

M. Motet. Lorsque, l'année dernière, je suis venu prendre place

ici, mes premières paroles vous ont exprimé ma reconnaissance

pour le grand honneur que vous m'aviez bien voulu faire. Choisi

par vous, je trouvais dans vos suffrages le témoignage de sym-

Archives, t. VII. 23 3

354 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pathies qui m'étaient précieuses, et dont j'avais le droit d'être

fier. Je devais tout à votre bienveillanee, je lui dois aujourd'hui

l'une des années de ma vie médicale, dont les souvenirs seront les

meilleurs. Aussi, messieurs, je vous adresse du fond du coeur mes

sincères remerciements. Je cède le fauteuil à M. Foville. Notre

excellent collègue n'accepterait pas que je fisse devant lui son

éloge; mais j'ai bien le droit de dire qu'il'a mérité la distinction

dont vous l'avez honoré. Qu'il trouve dans cette fonction, dont

vous avez, d'ailleurs, rendu les charges si légères, les devoirs si

faciles, la récompense de sa vie laborieuse, de sa carrière dans les

asiles publics d'aliénés, de sa participation si utile comme inspec-

teur général aux travaux de la commission du Sénat chargée de

la révision de la loi de 1838.

Cette année, messieurs, qui, pour moi, s'est enfuie si vite, a par

vous été bien remplie; les communications les plus intéressantes

se sont succédées, ont fourni matière à d'importantes discussions.

Je vous rappellerai le travail de M. Billod sur la conduite à tenir

quand on est consulté par un sujet qui se croit menacé de folie,

parce qu'il est issu de parents aliénés, question de déontologie que,

avec votre expérience, vous n'avez pas voulu trancher par une for-

mule absolue; la lecture de M. Féré sur les hypnotiques hysté-

riques considérées comme sujets d'expérience en médecine men-

tale ; les communications de M. Legrand du Saulle sur la question

de l'hérédité morbide devant les cours d'assises; sur l'état convul-

sif d'une jeune malade de son service; vous avez entendu l'éloge

de Parchappe par votre secrétaire général M. Ritti, et dans ces

derniers temps vous vous êtes plus particulièrement occupés de

la question des sorties des aliénés des asiles; sur ce point, M. Falret

vous a nettement exposé le titre du chapitre vous conviant, en

quelque sorte, a continuer une discussion qui reste ouverte, et enfin,

vous avez entendu M. Ballet, vous présenter sur l'étiologie de

l'ataxie locomotrice des considérations du plus haut intérêt scien-

tifique. Un'estque juste, messieurs, de se rappeler les rapports de

candidature qui vous ont été lus, et dont les auteurs, loin de se

borner à une sèche analyse, ont étudié avec le plus grand soin, ont

présenté avec des développements critiques de la plus haute im-

portance, les travaux des médecins qui sollicitaient l'honneur de

faire partie de votre compagnie.

Ace dernier titre, messieurs, la Société médico-psychologique ne

peut que se féliciter. Elle a reçu à bras ouverts des hommes jeunes,

laborieux, qui lui apportent, avec leur activité, leur ardent amour

du travail, une poussée de sève nouvelle, MM. Ballet, Feré,

Pierret, Vallon, sont aujourd'hui des nôtres, et le cordial accueil

qu'ils ont reçu de nous, leur aura prouvé en quelle estime nous

tenons leurs travaux, comme il leur aura fait pressentir que nous

comptions sur eux.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 355

A l'étranger, on tient aussi à honneur de recevoir le titre de

membre associé. Notre liste déjà longue, et sur laquelle sont

inscrits les savants les plus distingués, s'est complétée, cette an-

née, par la nomination de MM. de Castra (de Constantinople) :

Peeters (de Gheel) ; Obersteiner fils (de Vienne) ; Frigerio (de Ber-

game) ; Tesseira Brandao (de Rio-Janeiro); Milan Vassitch (de

Serbie). '

Si nous avons eu nos joies, messieurs, nous les avons payées par

un deuil eruel : nous avons perdu Lasègue, et le souvenir de

cet homme supérieur, dout vous connaissiez les rares qualités de

l'esprit et du coeur, reste vivant au milieu de nous. Disparu, nous

le cherchons toujours; il manque a notre sincère affection, comme

il manque à nus séances où il apportait, avec l'autorité de sa

parole, la lumière dans nos discussions. Vous voudrez qu'on

vous parle de lui dans un langage digne de lui; et ce sera justice

de permettre à votre secrétaire général de prononcer son éloge

dans l'une de vos séances solennelles.

L'un des fondateurs de notre Société, M. le Dr Carrière, a suc-

combé il y a quelques mois. Il s'était depuis bien longtemps

éloigné de nous, mais nous ne devons pas oublier qu'il a été

l'un des ouvriers de la première heure et non l'un des moins dé-

voués ; MM. Bonnefons(de Leyme) et M. Petit (de \antes), membres

correspondants nous ont été aussi enlevés celte année. C'étaient des

hommes de bien, des hommes de devoir; toute leur vie s'est passée

au milieu des aliénés, pour lesquels leur dévouement a été sans

bornes. Je leur adresse, en votre nom, l'expression de nos sincères

regrets. Et maintenant, messieurs, j'ai l'honneur d'appeler M.Fo-

ville à prendie place au fauteuil de la présidence.

Ce discours est suivi d'applaudissements unanimes et M. Foville

s'exprime à son tour en ces termes :

M. FO\ILLE. Messieurs et chers collègues, une excellente tradi-

tion veut que le premier acte d'un président de société, entrant

en fonction, consiste à proposer un vote de remerciements en

faveur du président sortant. C'est un devoir dont je m'acquitte

ici, avec d'autant plus de plaisir que mon honorable prédécesseur

et ami, M. le Dr Mottet a des titres tout particuliers à la recon-

naissance de la Société médico-psychologique de Paris.

La plupart d'entre vous savent, en effet, mais ceux-là même me

sauront gré de le leur rappeler que, pendant dix-sept ans de suite,

M. Motet, vient de faire partie du bureau de la Société et que son

rôle n'a jamais cessé d'y êlre fort actif.

En 1866, la Société eut à nommer deux secrétaires des séances

au lieu d'un seul. Elle confia l'un de ces postes à M. Motet; j'eus

l'honneur d'être nommé à l'autre. Pendant six années, nous nous

appliquâmes, côte à côte, à reproduire exactement l'esprit et la

356 SOCIÉTÉS SAVANTES.

lettre de vos travaux, et cette longue collaboration a laissé chez

moi, du moins, le plus agréable souvenir.

En 1873, M. Motet devint secrétaire général de la Société et il a

rempli, jusqu'à la fin de 1881, ce poste, le plus important du bu-

reau, avec le zèle et la distinction que vous savez. C'est à ce titre

qu'il a représenté officiellement la Sociélé médico-psychologique

au congrès de Londres, d'où il a rapporté l'intéressant mémoire

sur l'asile de Broadmoor, auquel le récent projet de révision delà

loi du 30 juin 1838 a donné tant d'actualité, et sur lequel le rap-

porteur de ce projet devant l'Académie de médecine, notre col-

lègue M. le Dr Blanche, s'est surtout appuyé pour recommander la

création, en France, d'un asile spécial pour les aliénés dits cri-

minels.

M. Motet n'avait plus qu'à remplir les fonctions du vice-président

et de président de la Société; il l'a fait de manière a réunir tous

les suffrages.

Nous lui devons, vous le voyez, messieurs, nos meilleurs remer-

ciements ; s'il quitte, aujourd'hui le bureau, personne ne doute

qu'il ne reste un des membres les plus assidus de nos séances et

qu'il ne continue à faire largement profiter la Société de sa grande

expérience de toutes les choses relatives à l'aliénation mentale,

et de sa compétence toute spéciale dans les questions médico-

légales.

Après avoir remercié mon prédécesseur, permettez-moi, mes-

sieurs et chers collègues, de faire appel à votre bienveillance pour

moi et pour M. Dagonet qui prend place à côté de moi, au bureau.

Nous ne négligerons rien pour maintenir à leur hauteur habituelle

les travaux de la Société médico-psychologique qui, après trente-

cinq ans d'existence, est assez heureuse pour voir réunis dans son

sein les maîtres vénérés qui nous ont donné l'exemple du travail,

les hommes du présent qui se sont efforcés de suivre la voie qui

leur avait été ainsi ouverte, et les jeunes confrères, garantie de

l'avenir, qui ne manqueront pas de maintenir et de relever encore

le rang élevé que la médecine aliéniste française n'a jamais

cessé d'occuper dans la connaissance et l'étude des maladies men-

tales.

De nombreux applaudissements accueillent les dernières paroles

de M. Foville et des remerciements sont votés par acclamation à

NI. Motet, président sortant.

F)'M;AM<tHe ! . Après discussion, il est décidé que la commission

du prix Aubanel serait élue au scrutin de liste et les noms sui-

vants sortent de l'urne : AI11. Legrand du Saulle, Magnan, Falret,

Cotard et Garuier.

M. RtrTt informe la Société qu'un groupe de médecins aliénistes

belges, désireux d'élever une statue à la mémoire de Guislain vient

SOCIÉTÉS SAVANTES. 357

d'adresser une liste de souscription à la Société médico-psycholo-

gique.

M. LEGRANO DU S 1ULLE. lais les Belges n'ont pas souscrit pour

Pinel !

Après échange d'observations, on décide que la France donnera

un nouvel exemple de générosité et la Société souscrira; mais, sur

'la proposition de M. Foville, on enverra en même temps en Bel-

gique une liste de la souscription Pinel.

M. Magnan lit deux rapports sur les candidatures de MM. Briand

etCarlier qui sont élus, le premier, membre titulaire et le second

membre correspondant.

Discussion sur les mesures proposées pour la surveillance et la

protection des aliénés soignés en dehors des établissements spéciaux.

- M. FALRET. Dans le projet de réforme de la loi de 1838 présenté

au Sénat, plusieurs points capitaux ont été négligés et en particu-

lier il n'a pas été parlé de la question soulevée à l'Académie de

médecine au sujet de la surveillance des aliénés traités à domi-

cile.

M. FOVILLE. Le point spécial, auquel fait allusion M. Falret a été

traité par le rapport de M. Blanche à l'Académie; nous pouvons

cependant remettre à l'ordre du jour de notre prochaine séance

« la surveillance des aliénés à domicile ».

M. CHR1ST1.\N demande si le nouveau projet de loi donne à l'Etat

un droit sur les aliénés traités dans leur famille.

M. LuNiER. Non, l'Etat s'occupe seulement de ceux soignés

moyennant finances chez des personnes autres que les ayant

droits, mais la commission du Sénat a l'intention d'étendre jus-

que dans les familles la surveillance de l'Etat.

M. Falret. Je ne vois vraiment pas comment l'autorité compé-

tente pourra savoir si elle a affaire à un malade ordinaire ou à

un aliéné, quand elle se trouvera en face d'une famille qui refu-

sera de la renseigner ; que) médecin se chargera d'éclairer l'auto-

rité et de violer le secret professionnel ?

M. LuNiER. Tout a été prévu : si, après trois mois de soins, une

famille ne prévient' pas l'autorité qu'un de ses membres a été

frappé de folie, son silence la rendra passible des peines appli-

cables aux auteurs d'une séquestration arbitraire. M. B.

Séance du 21 février. Présidence de M. FOVILLE.

M. Voisin. Dans le rapport lu par M. Magnan sur la candidature

de M. Briand, il a é'é dit que III. Briand avait constaté la présence de

microbes dans le sang d'aliénés atteintsdedélire aigu.Jenecroispas

358 SOCIÉTÉS SAVANTES.

que nous devions accepter cette assertion sans réserves, car, pour

ma part, j'ai eu dans mon service une femme paralytique générale

dont le sang montrait à l'autopsie des bactéries; mais cette ma-

lade avait des escharres ; on pouvait admettre une communica-

tion des escharres avec la circulation veineuse et, par suite la pré-

sence de bactéries dans le sang de la malade. A une précédente

séance et à propos de la communication de M. Taguet, un membre'

a nié la coexistence de la tuberculose dans l'hystérie ; j'ai pour ma

part, observé deux hystériques mortes dans mon service et dont

l'autopsie m'a démontré qu'une femme pouvait être à la fois hys-

térique et tuberculeuse.

M. Ballet. Il n'est jamais venu à l'esprit de personne de nier

qu'une hystérique puisse devenir tuberculeuse, tout le monde, en

effet, sait le contraire; je suis le membre de la Société auquel

M. Voisin fait allusion et j'avais simplement demandé à M. Ta-

guet si les symptômes de tuberculose constatés à un moment donné

chez sa malade, n'avaient pas été plutôt des manifestations de

fausse tuberculose, telles qu'on en trouve quelquefois chez les hys-

tériques ; j'étais porté à penser ainsi parce que dans la suite de

l'histoire de la malade rien n'autorisait à supposer qu'elle fût tuber-

culeuse.

1\I. BOUCHRREAU. Les organismes observés et décrits par M. Briand,

ne sont pas ceux que l'on rencontre dans le pus, ils sont plutôt

comparables à ceux observés dans certaines maladies infectieuses

comme par exemple la fièvre typhoïde. Puisque M. Voisin voulait

aborder ce sujet, il aurait dû avertir M. Briand de ses intentions

pour que celui-ci assiste à la séance et puisse répondre à M. Voi-

sin.

M. Voisin, à propos de l'intéressante communication lue par

M. Charpentier à la précédente séance, rapporte l'observation de

quelques ouvriers employés dans une fabrique de caoutchouc

soufflé qui furent pris d'accidents comparables à ceux de l'alcoo-

lisme aigu; leur délire était causé par l'inhalation du sulfure de

carbone.

Des mesures proposées pour la surveillance et la protection des

aliénés soignés en dehors des établissements spéciaux (suite de la

discussion). M. Falret. Est-il possible de faire une législation

ayant pour but de s'introduire dans les familles pour y violer le

secret qu'elles cachent avec tant de précautions, et donner à leurs

aliénés des soins obligatoires qu'elles demandentà leur médecin

et non pas à l'Etal ? Si cette question de principes peut être en

théorie résolue par l'affirmative, il faut avouer qu'au point de vue

pratique, il est bien difficile et presqu'impossible d'obliger une

famille à venir déclarer la folie dont est atteinte un de ses mem-

bres. Cependant, s'il y a eu des abus de commis avec la loi de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 359

1838, c'est seulement dans les familles qu'on doit aller chercher

les séquestrations arbitraires. Les parents, en effet, se faisant

toujours la plus grande illusion sur l'état mental de leur malade,

ignorent souvent la folie dont certains sont frappés; d'autres, plus

éclairés, cherchent et chercheront toujours à cacher pareil malheur

quand ils en auront été accablés. Voilà donc déjà deux grandes

causes qui rendront difficile, sinon impossible, la constatation de

l'état mental de tout individu soigné chez lui. Pour les aliénés

interdits la chose est simple, ceux-là on les connaît, mais pour les

autres il n'en est pas de même. Je sais bien que certaines lois

étrangères obligent, toute personne soignant un aliéné, à en faire

la déclaration à l'autorité. Sera-t-il bon d'introduire en France la

même mesure et enfin jusqu'à quel membre de la famille s'éten-

dra l'obligation de faire cette déclaration ? 2

M. CHRIST19N demande quel est le but de cette discussion ; avons-

nous, dit-il, mission pour élucider semblable question ?

M. LuNiER. Une société étant maîtresse de son ordre du jour peut

discuter sur les points qui l'intéressent.

M. Voisin. J'ai été une fois appelé pour juger de l'opportunité de

la séquestration d'un aliéné traité à domicile; j'ai trouvé le ma-

lade si parfaitement installé et soigné avec tant de sollicitude, que

j'ai simplement conclu à la nécessité d'une surveillance médicale ;

mais il aurait pu en être autrement.

M. Legrand du SAULLÉ. Une foule d'individus aliénés sont traités

dans les maisons de campagne aux environs de Paris, j'en ai vu

beaucoup; certains reçoivent des soins bien dévoués, mais j'ai sou-

vent regretté pour plusieurs que les pouvoirs publics n'eussent pas

d'accès près d'eux. MARCEL BRIAND.

CONGRÈS ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ DES MÉDECINS ALIÉNISTES

ALLEMANDS 1.

Session DE BERLiN. Séance du 16 mai 1883.

Le bureau se compose de MM. LOE ! in, Nasse, Westhal, ZINN.

Secrétaires : MM. TUCZEK et SCIIROETER.

M. le conseiller intime Nasse souhaite la bienvenue à l'assemblée.

Le lieu et l'époque de cette réunion sont motivés, celte année, par

' Archives de Neurologie, t. VI, p. 135.

360 . SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'exposition d'hygiène et la simultanéité des délibérations de la

Société d'hygiène publique. Comme président, il se fait l'interprète

de ses collègues pour adresser des remerciements à la direction

de l'hôpital de la Charité qui non seulement leur a prêté le local,

mais l'a préalablement décoré, comme pour un jour de fête.

M. LOElIR salue le Congrès de la part de la Société psychiatrique

de Berlin; il communique l'invitation de la municipalité à visiter

le Rieselfeld d'Osdorf et, en son nom, il convoque ses confrères à

l'inspection de l'établissement de Schweizerhof.

La mort a ravi pendant l'année qui vient de s'écouler : le profes-

seur de Rinecker (de Wurzbourg), MM. de Gellhorn (d'Uecker-

munde), Heuser (d'Eichberg), Jacobi (de Bunzlau), KOstl (de Prague),

Weyert (d'Owinsk) ; regrets unanimes de la Société, qui se lève en

leur honneur.

Invitation du curatorium à visiter, le 18 courant, l'asile de Dall-

dorf. La ville met à la disposition des congressistes des cartes pour

visiter ses établissements.

L'ordre du jour appelle le rapport du bureau sur la mise à

exécution des conclusions votées par la Société dans sa dernière

séance. En ce qui concerne l'introduction de la psychiatrie au

nombre des matières qui constituent les épreuves de l'examen d'Etal ' . 1.

une pétition a été envoyée au ministre de l'intérieur. Elle met en

relief que la psychiatrie n'est pas, à proprement parler, une spé-

cialité, qu'une certaine connaissance de sa teneur est indispen-

sable aux éléments d'une instruction médicale générale, que,

depuis quatre ans, il s'est ouvert trois nouvelles cliniques de mé-

decine mentale (Heidelberg, 1879; Bonn, Leipzig, 1882), que les

écoles supérieures de Fribourg et Koenigsberg ont institué des

leçons de clinique psychiatrique. Seules, les universités de Giessen,

Kiel, Rostock manquent d'enseignement clinique de cet ordre, et

il est probable qu'une décision favorable du ministre exercerait

une saine impulsion dans ce sens. Pour que les étudiants utilisent t

régulièrement et suffisamment les moyens d'instruction, il impor-

terait aussi qu'avec cette obligation des examens, ils fussent

astreints à fréquenter pendant six mois une clinique médico-psy-

chologique. En ce qui a trait au placement des personnes aliénées

ou suspectes d'aliénation mentale qui, pour cause de crime ou délit,

sont inculpées, accusées ou condamnées 2, les motions adoptées dans

la dernière séance ont été prises en considération et transmises a

qui de droit, conformément aux décisions de l'assemblée. Le bu-

reau a également souscrit au désir exprimé par la Société. Il a

étudié la question de l'amélioration et de l'extension des soins pré-

t Archives de Neurologie, t. VI, p. 136.

' Archives de Neurologie, t. VI, p. 139.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 361

ventifs à l'égard des épileptiques'. En l'absence de M. Pelman, rap-

porteur, empêché pour affaires de service, M. Kind est prié de

vouloir bien fournir les développements élaborés en commun avec

lui. Comme les principes relatifs aux mesures de prévoyance hospi-

talière à prendre pour les épileptiques considérés à un point de vue

psychiatrique, tel est le titre du travail, se trouvent entre les mains

de l'assemblée, M. Kind se borne il commenter par quelques

remarques la rédaction employée. Il appuie la distinction établie

entre les jeunes épileptiques et les épileptiques adultes; la puberté

forme la ligne de séparation. Les dénominations précises adoptées

dans le corps du mémoire valent mieux que l'expression plus géné-

rale de jeunes épileptiques aliénés, parce qu'une grande partie du

public auquel ces principes sont surtout destinés, ne considère pas

encore l'idiotie comme de la folie. Les jeunes épileptiques désignés

dans le groupe 1 a. (affaiblissement intellectuel, idiotie, aliénation

mentale) ne peuvent être placés que : 1° dans des asiles spéciaux

à fonder dans ce but; 2° dans des asiles d'idiots dont il relèvent,

ainsi que l'indique l'état mental de la plupart d'entre eux; 3° dans

des quartiers séparés de colonies. L'expression de jeunes épilep-

tiques sans affaiblissement intellectuel, sans idiotie, sans aliéna-

tion mentale (Ib.) pourrait tout aussi bien se fondre dans celle de

jeunes épileptiques chez lesquels le développement psychique n'a

pas encore souffert. La scolarité qu'on leur ferait subir reposerait

sur le même plan que celle des enfants arriérés, telle qu'elle existe

dans plusieurs grandes villes ; il faudrait construire pour eux des

établissements d'instruction ou plutôt d'éducation soit autonomes,

soit réunis à des asiles ou à des colonies d'idiots, toutes les fois

que les malades pourraient être préservés du contact de leurs con-

génères désignés dans le § I. a. II. Il s'agit ici des épileptiques

adultes. L'expression d'épileptiques adultes non aliénés n'est pas

appropriée, parce que l'assistance continue qui leur e<t indispen-

sable et l'incapacité où ils sont de jouir des avantages de la per-

sonnalité civile, émanent la plupart du temps de causes psychiques.

Il va du reste de soi que la teneur des propositions précédentes

peut supporter, dans chaque cas particulier, des modifications et,

que ce qui est nécessaire aujourd'hui ne l'est plus ou doit être

changé demain.

Discussion :

M. WILDERMUTII (de Stetten) affirme que, dans son établissement,

depuis seize ans, les jeunes épileptiques dont les facultés n'ont pas

pas subi d'atteinte considérable sont complètement séparés des

idiots, mais. sans habiter avec ces derniers, ils sont instruits en

commun avec eux. Les résultats sont bons; on ne constate aucun

1 Archives de Neurologie, t. VI, p. 138.

362 SOCIÉTÉS SAVANTES.

inconvénient. Il n'y a qu'un grand asile qui puisse se permettre

d'individualiser les classes. Au surplus, là différence entre l'affai-

blissement psychique peu accentué et l'épilepsie de la jeunesse est

sans grande importance, on peut même considérer le nombre des

malades absolument indemnes, au point de vue mental, comme

infiniment petit. Aussi peut-on recevoir dans les asiles d'idiots sans

inconvénients, des épileptiques jeunes si l'on prend les dispositions

que nous venons d'énoncer. Cet errement permet, mieux que la

fondation de colonies spéciales, la réception d'épileptiques psychi-

quement sains, car il est plus facile de fonder des services particu-

liers ou d'agrandir des quartiers déjà existants, dans les asiles

d'idiots.

Le Président insiste pour que l'on maintienne le § I. b. qui vise

de préférence les jeunes épileptiques des grandes villes; ceux-ci

en effet se voient exclus des écoles habituelles.

M. TIGGES. Chez lui, tous les services contiennent des épilep-

tiques ; on les répartit d'après leur état mental.

Le Président propose de ne pas voter sur les conclusions de la

commission, mais de les utiliser, de s'en servir comme d'une

boussole tandis qu'on tendra, par d'autres efforts, à une solution

définitive. C'est ainsi qu'on a agi jadis à propos de la question des

idiots.

La question des buveurs1. Le bureau a recu la communication

suivante. La Société allemande contre l'abus des boissons alcoo-

liques a été fondée, le 29 mars 1883, à Casses. Des membres de la

Société des aliénistes allemands ayant pris une part active à sa

fondation, n'y aurait-il pas heu, tout en constatant l'initiative de

notre part (Hambourg, 1876), de remettre la solution de la ques-

tion entre les mains de la nouvelle Société qui s'occupe de l'ivro-

gnerie ? Adopté.

Le surmenage des élèves dans les établissements d'instruction supé-

rieure. Cette question date de 1881. Session de Francfort2. Le bu-

reau était chargé de collecter les documents et d'y joindre le fruit

de ses observations personnelles. En conséquence, les travailleurs

ont été stimules. Or, le cercle de la question s'est agrandi. Loin

de vouloir prétendre que la statistique aille démontrer l'existence

d'un surmenage (au contraire les matériaux parvenus à notre

connaissance la mettraient plutôt en doute), l'intérêt qui s'y

attache a pris des proportions considérables. Diverses provinces

(Alsace, liesse) ont déjà recueilli des éléments ou se sont orga-

nisées pour en collecter; d'autres, telles que la Prusse, à la suite

1 Archives de Neurologie, t. V, p. 389 et t. VI, p. 136.

Archives de Neurologie, t. V, i. 391.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 363 3

des nombreuses pétitions envoyées par des Sociétés locales ou géné-

rales, pèsent l'indication de faire appel à des commissions médi-

cales. En un mot le problème se pose partout. L'attente est, par

conséquent, rationnelle. Le bureau demande simplement à ceux

des membres du congrès qui, suivant le mot d'ordre de Francfort,

ont rassemblé des notes particulières, de bien vouloir les commu-

niquer, en se conformant aux conclusions de la session de cette

époque.

Discussion :

M. WESTPHAL. La délégation scientifique, chargée des intérêts

de la médecine en Prusse, a été invitée par M. le ministre à

rédiger un rapport sur cette question, notamment en tenant

compte du rapport de l'Alsace-Lorraine. La délégation a reçu du

ministre tous les matériaux qu'il avait, mais l'insuffisance en était

telle qu'il n'y avait pas grand'chose à en tirer. La délégation a

encore reçu les résultats des opérations de révision militaire, les

statistiques des établissements d'instruction supérieure et élémen-

taire ; ces documents sont parvenus depuis peu. La délégation

travaille avant de produire son rapport.

M. ZINN propose de voter des remerciments à l'adresse du Prési-

dent qui a consacré son initiative, son talent et son infatigable

persévérance, à la création de la Société contre l'abus des boissons

spiritueuses. Adopté.

Présentation des comptes. Restant en caisse : 131 marcs 72 pfen-

nigs. Le contrôle ne laisse percevoir aucune erreur.

M. Pmrz retire sa communication, le comité de l'Exposition d'hy-

giène refusant de se dessaisir du plan en relief de l'établissement

exposé par lui.

M. Westphal prend la parole sur la paralysie progressive de la

totalité des muscles de l'oeil chez les aliénés avec présentation de ma-

lades. Cette affection encore peu connue mérite d'être étudiée

dans ses rapports avec l'aliénation mentale ; elle est en relation

avec l'atteinte de la moelle. L'auteur en met sous les yeux de ses

confrères trois cas. La paralysie progressive des muscles oculaires

s'effectua lentement et aboutit à l'immobilité absolue ou presque

absolue des deux yeux, accompagnée d'une légère blépharoptose

et de fixité de la pupille. D'autres nerfs crâniens se trouvent égale-

ment pris, comme le démontre la paralysie des muscles de la

bouche, de la langue, du voile du palais, l'atrophie commençante

du nerf optique, l'insensibilité ressortissant à la sphère de distri-

bution de la cinquième paire. Troubles de la parole se rappro-

chant de ceux de la paralysie bulbaire sans en présenter tous les

caractères. En même temps quelques signes d'altérations spinales;

absence ou diminution du réflexe tendineux rotulien, parésie

des jambes entraînant l'incapacité de- se tenir debout et de mar-

36t SOCIÉTÉS SAVANTES.

cher. Les troubles intellectuels étaient constitués par de l'affaiblis-

sement des facultés, sur lequel se greffaient des conceptions hypo-

chondriaques. Chez un quatrième malade non aliéné, actuellement

à la clinique, on notait, avec la parésie de tous les muscles des

yeux, de l'atrophie des nerfs optiques (cécité d'un côté), de la pa-

résie des extrémités inférieures, l'absence de réflexe rotulien des

deux côtés. Un cinquième qui, vers la fin de sa vie seulement, était

en proie à des troubles psychiques, perdait l'usage complet de

tous les muscles de l'oeil, des extrémités inférieures et en partie

des extrémités supérieures (parésie) ; l'autopsie de ce dernier pa-

tient révélait la dégénérescence des cordons postérieurs et laté-

raux, l'atrophie des nerfs oculo-moteurs externes, oculo-moteurs

communs, pathétiques des deux côtés. Sur trente-deux faits de

paralysie de tous les muscles de l'oeil, dont six observés par

M. Westphal lui-même, six se sont accompagnés de folie, c'est-à-

dire 19 p. 100., c'est il peu près la proportion de l'absence du phé-

nomène du genou chez les paralysés généraux de la clinique du

professeur allemand (20 p. 100). Sur ces trente-deux cas, douze

offraient des symptômes spinaux marqués, quatorze décelaient des

symptômes du côté de la parole, de la déglutition, de l'innerva-

tion du facial. Sur les six faits avec aliénation mentale, quatre se

faisaient remarquer parla présence de ces derniers symptômes.

Sur les trente-deux cas, la participation morbide du nerf optique

(cécité ou amblyopie, atrophie) apparaissait dix fois. M. Westphal

ne croit pas, vu le petit nombre de faits actuels, qu'on soit en me-

sure de décider si Il utchinson a eu raison d'attribuer le syndrome

de la paralysie oculaire progressive (ophthalmoplégie externe de

cet auteur) à la syphilis. Le gland de l'un de ses patients était af-

fecté de deux cicatrices superficielles, mais il niait obstinément avoir

jamais été infecté. Conclusions. La paralysie progressive de tous

les muscles de l'oeil, qui peut également s'allier à l'impotence des

muscles touchés par la paralysie bulbaire, est en rapport d'une

part avec une affection spinale, d'autre part avec une psychose ca-

ractérisée par les termes de démence progressive. L'anatomie pa-

thologique permet de lui attribuer l'atrophie des nerfs oculaires

correspondants (deux cas de Gowers et Blizzard) et celle des noyaux

de ces nerfs; la lésion spinale est une dégénérescence des cordons

postérieurs et latéraux de lamoelle. Le lien anatomo-pathologique

entre les lésions spinales, les lésions cérébro-bulbaires, les lésions

psychogénétiques inconnues est encore à trouver. Mais il est loi-

sible de supposer qu'il existe une certaine disposition du système

nerveux central à s'affecter en plusieurs segments à la fois, sousla

forme de disparition progressive des éléments nerveux (cellules

ganglionnaires et fibres nerveuses).

[Depuis cette communication , l'examen microscopique des

pièces du cinquième malade et l'autopsie de trois des autres, dont

SOCIETES SAVANTES. 3(;j

celui de la clinique, sont venus appuyer les propositions précé-

dentes. Il existait bien encore de nombreuses cellules nerveuses,

mais la plupart d'entre elles étaient plus petites qu'à l'état nor-

mal, elles avaient perdu une partie de leurs prolongements. Les

altérations microscopiques ressortissant aux trois autres observa-

tions se résument en : atrophie des nerf moteurs de l'oeil et de

leurs muscles (hyperplasie conjonctive, dégénérescence graisseuse),

dégénérescence grise des cordons postérieurs, dégénérescence vi-

treuse cérébro-spinale et mésocéphalique.]

Discussion :

M. Meynert, apporte un fait de son crû : Un homme de trente

ans, observé par lui plusieurs fois à sa clinique en -1$70-71, mou-

rait un an plus tard des suites d'une carie du maxillaire supérieur.

Jadis, il avait été atteint de mélancolie : tentatives de suicide ba-

roques. Pendant la durée de la dernière période d'observation, ma-

nie légère. Tous les muscles des yeux sont presque complètement

paralysés ; le patient nepeut plus lever que la paupière supérieure :

saillie assez marquée des globes oculaires.

M. TuczEK (de Marbourg) : Contribution à l'anatomie pathologique

de la démence paralytique avec démonstrations. Une première

série de préparations concerne la disparition des fibres nerveuses

à myéline dans l'écorce du cerveau des déments paralytiques,

traitée par la méthode d'Exner(acide osmique, puis ammoniaque).

L'auteur a actuellement neuf cas de paralysie générale examinés

par ce procédé dans lesquels, que la maladie fût récente ou an-

cienne, les fibres nerveuses myéliniques avaient disparu plus ou

moins complètement dans certains districts corticaux. Leur dispa-

rition est toujours des plus frappantes dans la couche laplusexterne

où, à l'état normal, on rencontre un grand nombre de fibres plus

ou moins volumineuses, tangentes et parallèles à la surface (fibres

d'association int1'( ! -Co1'tieales) *. Le lobe frontal, et surtout la troi-

sième frontale, l'insula, le gyrus rectus et les circonvolutions qui

entourent la scissure de Sylvius (frontale et pariétale ascendantes,

première temporale) constituent les régions qui recèlent ce genre

d'altérations. Malheureusement, la méthode d'Exner ne permet pas

de conserver les pièces au delà de deux mois, ce qui nuit à la pos-

sibilité de comparer ces pièces pathologiques avec des pièces

normales. En tout cas, cette destruction a été constatée à des

stades précoces de la paralysie générale, avant même que la né-

vroglie ait présenté une augmentation absolue, avant que les cel-

lules-araignées se soient multipliées, alors que le traitement au

carmin ou par d'autres systèmes montrait, sur d'autres coupes de

régions identiques du même organe, l'intégrité des autres élé-

1 Voy. les Archives de Neurologie (Revues analytiques).

366 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mentsde l'écorce et, en particulier, des cellules. Il est à regretter

que le procédé d'Exner détruise sur la même coupe les autres élé-

ment; ! corticaux ; celui de Weigert (traitement par une solution

alcoolique de potasse, coloration par la fuchsine acide) permet

bien l'examen des cellules, mais on ne saurait s'y fier complète-

ment. L'auteur tend à croire que la déchéance des fibres d'asso-

ciation est primitive, qu'on a attribué beaucoup trop d'importance

aux cellules ; il en appelle aux phénomènes cliniques qui, pour lui,

traduisent moins des lésions cellulaires que des tioubles dans la

conductibilité des réseaux intercellulaires. Le paralytique vrai,

dit-il, exécute des mouvements isolés, émet des syllabes, des mois

détachés, produit des conceptions élémentaires, mais il est inca-

pable de coordonner, de régulariser, de parfaire en arrêtant telle

manifestation ou en corrigeant telle autre, il lui est en un mot

impossible de faire acte de processus complexe ; les foyers physio-

logiques fonctionnent encore, mais isolément, sans qu'il existe

d'activité synergique. Du moins, M. Tuczek liasarde-t-il ces vues

sous toute réserve, puisqu'il ne peut placer encore sous les yeux

de l'assemblée les attaches des fibres nerveuses en question avec

les cellules envisagées. Ce n'est pas à dire non plus que le corps

du délit de la démence paralytique soit trouvé définitivement, que

la disparition des fibres myélli1jques de l'écorce constitue la lésion

pathognomonique exclusive de celte maladie; ses relations avec le

syndrome : démence progressive méritentsimplement d'être prises

en considération.

Une seconde série de préparations met en lumière la dispari-

tion des fibres myéliniques, dans la démence paralytique, sur la

lisière de la substance blanche. Les mêmes régions sont le terrain

de ces altérations. L'écorce est alors nettement séparée de la subs-

tance blanche par une zone de dégénérescence qui coiffe cette

dernière, zone transparente ne se colorant pas par l'acide chromi-

que. On n'y trouve, sur les coupes transverses, que peu de fibres;

son tissu est composé de névroglie épaissieavec nombreuses cellules-

araignées de grandes dimensions. Maintes places paraissent coni-

ques ; ici globules granuleux et disparition absolue des libres myéli-

niques. La couche la plus externe de l'écorce contient une grande

quantité de cellules-araignées ; la substance blanche présente les

mêmes caractères ; en un mot le cerveau est atteint d'encéphalite

interstitielle : cellules nerveuses partout normales. Le malade visé

dans l'espèce, était en même temps atteint de sclérose et d'atrophie

des cordons postérieurs excessivement accusées. Laissant de côté

les rapports qui existent entre les myélites et les encéphalites in-

terstitielles, M. Tuczek insiste sur ce point que des fibres nerveuses

avaient été détruites en grand nombre et que, parmi elles, celles

qui vont d'une circonvolution à l'autre, les fibres d'association de

Meynert, avaient disparu. Les altérations concomitantes sont bien

SOCIÉTÉS SAVANTES. 367 Î

connues. Les seules observations qui se rapprochent de celle-ci

émanent de Baillarger (Annales médico-psychologiques, 1835 et

1882. Archives cliniques, 1861) ; mais il s'agit d'un simple examen

macroscopique.

Sur la proposition du président, la discussion que soulève ce mé-

moire est remise à la séance du lendemain, afin de laisser le temps

aux micrographes de prendre connaissance des pièces. Mais il

n'existe, pour l'analyse du compte rendu, aucuneraison de séparer

les idées des divers argumentateurs du travail de Tuczek. Nous

grouperons même leurs réflexions suivant un ordre basé sur l'ana-

logie qui permette de mieux retenir les considérations présentées

par les chefs d'école.

M. MENDEL (de Berlin) rend hommage aux belles préparations

de M. Tuczek qui témoignent de progrès sensibles dans l'anatomie

pathologique, mais elles prouvent, selon lui, uniquement que la

disparition des fibres nerveuses à myéline s'observe dans l'encépha-

lile corticale diffuse en général. En admettant même que cette

constalation regarde la paralysie générale seule, voudrait-elle dire

que l'atrophie des fibres fût primitive et que l'encéphalite serait

secondaire ? Les propres observations de Tuczek prouveraient le

contraire de celte manière de voir, puisqu'il a toujours trouvé le-

cellules nerveuses normales. M. Mendel espère d'ailleurs montrer

prochainement à M. Tuczek, les lésions indubitables des cellules

nerveuses de cerveaux de paralytiques. Il l'engage, en attendant,

à user de la plus grande réserve en matière d'appréciations psycho-

logiques.

Cette réserve, répond M. TUCZEK, a été ma ligne de conduite,

dans l'espèce, puisque j'ai dit que l'union anatomique des fibres

tangentes à la surface avec les cellules nerveuses ganglionnaires

était encore à montrer, que la disparition de ces fibres ne saurait

jusqu'ici être tenue pour la lésion pathognomonique de la dé-

mence paralytique. Quant à l'encéphalite, elle manque dans les

cas récents de paralysie générale, tandis qu'elle existe de concert

avec les opalinilés, les épaississements, les adhérences méningées,

soi-disant caractéristiques de la démence paralytique, dans les

autres formes de la démence, dans les affections mentales séniles,

dans les démences terminales. Pourquoi les cellules ganglionnaires

demeurent elles intactes ? On nesait. On manque également jus-

qu'ici de notions vraies relatives à la nature des cellules, à leurs

conditions de nutrition, à la conductibilité centrifuge ou centri-

pète des fibres d'association. Mais est-il défendu de rattacher les

manifestations pathologiques élémentaires à l'état anatomique dé-

couvert par lui Est-il absurde de comprendre la vie psychique,

comme un édifice dont l'ensemble se compose d'une somme énorme

de morceaux (conceptions isolées) en connexion les uns avec les

368 SOCIÉTÉS SAVANTES.

autres; tout le monde professe qu'il existe dos voies par lesquelles

un nombre quelconque d'idées élémentaires se réunissent pour

former une idée plus élevée : aussi peut-on se croire autorisé à

chercher à ce processus physiologique une base anatomique.

M. Westphal nie, lui aussi, que l'encéphalite interstitielle soit

caractéristique de la paralysie générale. Elle peut faire défaut si

complètement, qu'on ne constate aucune altération pathologique

des cellules nerveuses. C'est évidemment aux préparations histologi-

ques qu'il appartient de trancher le différend. Mais les assertions

de Mendel sont exagérées ; ni les pièces présentées par lui à la

Société de médecine, ni ses publications, ne prouvent ce qu'il

avance. Des investigations multiples, méthodiquement et abondam-

ment dirigées sur toute la surface du cerveau, en des circonscrip-

tions comparables, symétriques, sont seules en mesure de résoudre

le problème. Or, les opinions avancées par les auteurs touchant la

structure du tissu conjonctif des centres nerveux, et les théories sur

l'inflammation de ce système, dans l'axe cérébro-spinal, ont suc-

cessivement enfanté un genre différent d'anatomie microscopique

de la paralysie générale (exsudat visqueux de Rokitansky;- hyper-

génese parles noyaux de Magnan hyperplasie et hypertrophie

des cellules-araignées de Boll).

M. MENDEL maintient son opinion. L'encéphalite interstitielle est

la lésion de la paralysie générale, ce qui ne veut pas dire que

d'autres processus anatomo-pathologiques ne puissent se traduire

par le tableau clinique de la paralysie générale, mais le rapport

est exact. Il en appelle à Magnan, Mierzejewski. Lubimoff. Il a

épuisé la série des coupes recommandées par Westphal, il a mul-

tiplié ses recherches et ses points de comparaison. Les préparations

produites à la Société de médecine avaient pour but d'élucider un

étal anatomo-pathologique d'une autre ordre.

M. Binswanger a agité la même question. Depuis bien des

années, il a examiné tous les cerveaux de paralysés généraux. Dans

la paralysie générale récente, il a toujours trouvé des foyers cir-

conscrits de petites cellules ; ces foyers ne font jamais défaut, sur-

tout à labase et ils se rencontrent aussi dans lelobule paracentral,

dans le lobe occipital, parfois même en plein milieu des tissus. On

a sous les yeux une figure semblable à celle qui caractérise les

foyers leucémiques et dothiénentériques du foie (dépôts miliaires).

Quant aux cellules-araignées, leur abondance devient caractéris-

tique, mais ces processus interstitiels peuvent exister dans les

psychoses séniles, dans la démence terminale. Toutes les méthodes

de coloration de noyaux excellent pour faire ressortir les petites

cellules; l'orateur a vu chez Flechsig de ces foyers, qu'il regarde

comme propres à la paralysie générale.

M. llITZIG (de Halle) ne partage pas ce sentiment, en ce qui con-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 369

cerne ces altérations qu'il a étudiées chez Flechsig. Elles n'ont pas

une telle physionomie qu'entre diverses préparations l'on puisse

dire; cette pièce provient d'une paralysie générale, celte autre

n'en provient pas. La seconde série des coupes de Tuczek, pro-

voque de sa part cette interrogation. Est-ce un ramollissement de

l'écorce ? Il n'en a vu d'exemples que chez des chiens, à la suite

d'extirpations du lobe frontal. La substance grise de toutes les

circonvolutions se détache avec la pie-mère, la substance blanche

crénelée demeurant sur l'organe. La réponse de M. Tuczek est né-

gative.

M. WESTPHAL. souscrit jusqu'à un certain point à la relation

établie par M. Binswanger entre les groupes de petites cellules et

les manifestations cliniques de la paralysie générale. Mais l'origine

de ces désordres doit être cherchée dans des troubles circulatoires

insignifiants. Comme le dit M. Binswanger, ils se produisent en

beaucoup d'autres circonstances, par exemple dans la leucémie et

la tuberculose.

M. Binswanger fait remarquer que son jugement repose non sur

les faits de Flechsig, mais sur ses propres examens. Il est, par lui

seul, arrivé à dégager la nature interstitielle du processus. Au reste,

pour la paralysie générale, de même que pour le mal de Bright, il

est extrêmement probable que plusieurs lésions anatomiques des

plus variées entrent en jeu pour produire, par une action con-

currente, les tableaux morbides et les états cadavériques poly-

morphes de la même maladie.

M. ARNDT (de Greisswald). S'il est vrai que dans la plupart des

cas de paralysie générale, on constate un processus inflammatoire

interstitiel, d'autres témoignent de lésions parenchymateuses vé-

ritables, exclusives (dégénérescence atrophique des cellules et des

fibres nerveuses). Il a notamment observé ces altérations chez des

femmes. Dans un fait, elles dérivaient des vaisseaux calcifiés sur

une étendue plus ou moins considérable. Le parenchyme nerveux

au voisinage des canaux avait subi la transformation amyloïde.

Il est aussi des exemples de ce genre dans lesquels des néoplasmes

angiopathiques (anévrysmes) avaient probablement été le point de

départ de la paralysie générale. L'inflammation doit être écartée

dans toutes les observations; ce sont des altérations d'un genre

particulier, qui ont déterminé l'atrophie de la substance nerveuse.

11 ne manque pas non plus de pièces où la substance nerveuse a

été atrophiée primitivement, d'emblée. Si à l'atrophie s'ajoute l'm-

flammation interstitielle, c'est tardivement ; sa découverte post

mortem ne prouve par conséquent rien en faveur de la théorie

inflammatoire de Ja paralysie générale. Sans doute la paralysie

progressive peut avoir une genèse multiple, mais ce ne peut être,

eu dernier ressort, que l'atrophie du parenchyme cérébral, qui

Archives, t. VU. 12 -i.

370 SOCIÉTÉS savantes.

engendre son complexus symptomatique, quelle que soit la patho-

génie de ce dernier.

M. SMIDT (de Berlin). La méthode de Weigert fournit d'excel-

lentes préparations des fibres tangentielles. En enlevant à un para-

lysé général son lobule paracentral deux heures après la mort, on

observe une excessive abondance de ces fibres dans la couche

externe. On en voit au contraire très peu dans la même région du

cerveau d'une manie puerpérale, douze heures après la mort. Le

temps qui s'est écoulé entre la mort et l'autopsie, et le séjour plus

ou moins prolongé de l'organe dans le liquide durcissant, exercent

une grande influence sur les résultats. Les meilleurs «ont obtenus

à l'aide d'une nécropsie précoce (deux ueures après la mort) et

l'immersion du cerveau pendant six à huit semaines dans la liqueur

de Mûller. On comparera naturellement des régions symétriques.

L'hypostase ou l'oedème pie-mérien cadavérique détruisent peut-

être rapidement les libres d'association.

M. TuczEK. C'est précisément de deux à dix heures après la fin

des malades qu'il a examiné les pièces préparées par la méthode

d'Exner. C'est précisément à une technique invariable qu'il les à

soumises, c'est encore à la comparaison de régions identiques

qu'il a eu recours, tant pour les cerveaux supposés malades, que

pour les cerveaux supposés normaux ou normaux réellement. Il

est fâcheux que les préparations ainsi exécutées se détruisent vite.

Il a jusqu'à présent, trouvé le lobule paracentral intact.

M. SMIDT insiste encore sur la fragilité des fibres qui explique

les différences énormes de coloration imputables aux moindres

conditions cadavériques, voire à la position du corps.

M. Meynert (de Vienne). On a peu constaté d'altérations des

cellules nerveuses dans la substance grise. Tout ce qui regarde la

décomposition , la fonte du protoplasma peut être attribué à

l'oedème qui se forme pendant l'agonie. Posséder une petite

quantité de connaissances certaines, vaut mieux que de savoir

beaucoup de faits vagues. La poliomyélite antérieure nous servira

de terme de comparaison. Elle présente deux stades. Dans le

premier, les cellules des cornes de la moelle sont milles. Dans le

second, elles sont plus dures, plus épaisses, moins transparentes.

Pendant le premier stade, le noyau, manifestement plus dur, tombe

par son propre poids dans la masse du protoplasma; il va s'attacher

à la paroi de l'élément anatomique dont il gagne toujours le même

bord. De même, dans la paralysie générale, certaines cellules gan-

glionnaires ont un protoplasma plus mou, tuméfié, dont le noyau

va adhérer à la paroi ; d'autres, au contraire, présentent les mêmes

caractères scléreux que ceux de la poliomyélite. Tandis que les

cellules normales de la moelle se colorent complètement, les cel-

lules malades ne se colorent qu'à moitié. Enfin, au lieu de paralysie

SOCIETES SAVANTES. 37 1

générale, il faut dire paralysie progressive, et savoirque le cerveau

du paralytique aura dans certains cas, son écorce indemne ; quand

l'écorce diminue de volume, s'atrophie, on doit penser a une

atrophie fondamentale des éléments corticaux. Tuczek a raison. La

paralysie générale résulte, au fond, d'une anomalie dans l'associa-

tion des idées. Mais c'est une grosse faute que de placer l'élément

de nos pensées, de l'image commémorative dans le concours pur

desphérules ganglionnaires. La moelle a aussi un rôle (irradiation

à travers la substance grise). Les associations existent pour les

plus simples idées. Chaque perception sollicite des sensations as-

sociées, sensations musculaires, sensations émanées de l'innervation

des muscles de l'oeil, etc.. De même, chaque image commémora-

tive simple, est un complexus d'associations (rôle de la substance

blanche du cerveau); mais sa différenciation d'avec les autres

impressions réside dans la teneur des sensations accessoires qui

sont dans l'espèce éveillées; cette teneur est elle-même le résultat

de rapports qui se sont effectués dans l'esprit au moment où l'objet

a, pour la première fois, pénétré dans la connaissance. Quant

aux troubles moteurs de la démence paralytique, les uns dérivent

de l'ataxie d'origine cérébrale. Les mouvements étant éduqués par

de nombreuses associations, il suffit queles organes coordinateurs

soient lésés, pour que l'ataxie paraisse. Les autres sont des pa-

ralysies; les altérations de la substance grise en sont responsables.

Ces modifications faites, l'auteur se rallie à .\1. Tuczek.

M. Binswanger. Contribution au traitement des névroses qui résul-

tent de l'épuisement de l'économie. Il s'agit d'une partie de ces

états pathologiques compris sous les noms de maladies nerveuses

fonctionnelles, névrosisme, neurasthénie. La dénomination de né-

vroses par épuisement stéréotype le caractère principal de l'affec-

tion, en expliquant l'mertie du cerveau et en particulier des couches

corlicales. L'observateur attentif arrivera toujours, au moins à la

période d'acmé de ces états pathologiques, qui se traduisent par

des symptômes spinaux et périphériques, à déterminer les mani-

festations psychiques sous leur dépendance. Or, c'est précisément

dans le complexus mental que l'on trouve des points de repère nets

capables de servir de base à une thérapeutique rationnelle d'une

efficacité durable. Cette thérapeutique relève du psychiatre, parce

qu'il est consulté en dernière ligne, au moment où, en désespoir de

cause, après avoir essayé en pure perte l'hydrothérapie, l'électrothé-

rapie, la métallotbérapie, toute espèce de médicaments, on est

effrayépar les symptômes psychiques surajoutés aux troubles sensi-

tifs, moteurs, etvaso-moteurs. A ce moment, le malade a lui-même,

conscience desoninaptitudeau travail intellectuel, de l'impuissance

de sa volonté, dont les efforts suscitent de la céphalalgie, la sensa-

tion de pression encéphalique, de vide intra-crânien, la production

de bruits de sonnerie et de tintements, de vertiges, d'anéantisse-

372 SOCIETES SAVANTES.

ment moral; les impressions ordinaires sont modifiées, effacées,

annihilées. 11 se montre un certain degré d'hyperexcitabillté spon-

tanée pouvant aller jusqu'à l'angoisse. Souvent des conceptions

irrésistibles viennent obséder le patient. Un stade plus avancé

est constitué par l'inconscience à l'égard des manifestations mor-

bides, et la présence de troubles psychiques vrais. L'épuisement

fonctionnel de l'activité du travail psychique est le facteur premier

des symptômes ; c'est donc sur les couches corticales des hémis-

phères, toute théorie physiologique mise de côté, qu'il faut agir,

sans solliciter la réaction volontaire des sujets, sans exiger de ces

derniers des efforts toujours douloureux. Deux classes de malades

se présentent à vous. Les uns, à la suite d'affections organiques de

longue durée (génitales, maremmatiques, etc.), ou d'accidenls aigus

(accouchements difficiles ou compliqués, dysenterie, etc.), ayant

entrainé une adynamie prompte, ont perdu leurs forces. Les autres

semblent florissants de santé etsouffreut simplement d'une pertur-

bation locale de la nutrition. Aux premiers, s'adresse particuliè-

rement un traitement général, puisque l'influence de la nutrition

des éléments anatomiques de l'écorce dérive manifestement de la

oystrophie générale. Aux seconds, devrait s'appliquer la galvanisa-

tion céphalique, puisque la dystrophie paraît localisée, mais, en

réalité, le cerveau échappe à toute méthode de traitement direct

immédiat. En conséquence, la régularisation ou le relèvement

de la nutrition générale est le seul objectif à viser pour tous les

cas. On l'atteint par la méthode de Mitchell (Amérique) et Playfair

(Angleterre). Voici le plan conçu par M. Binswanger qui, entre ses

mains, a donné les meilleurs résultats :

1° Comme Playfair, il discipline les malades en les tirant de

leur milieu, pour les séquestrer dans des asiles publics et privés. Un

gardien spécial, surveillant un régime déterminé, est de rigueur;

2 Alimentation. M. Binswanger ne croit pas nécessaire de com-

mencer toujours par la diète lactée, à moins d'émaciation extrême.

Mais il faut procéder à une espèce de gavage. Un menu journalier

très chargé déterminerait du dégoût et des troubles digestifs si l'on

n'alternait les repas entre lesquels on répartit habilement chacun

des éléments, tout en variant la nature et la préparation des mets.

Le type suivant de régime alimentaire est à méditer.

A 6 h. du matin. Demi-litre de lait avec un pain à café.

8 Grande tasse de cacao (au lait).

10 Petit pain blanc beurré avec jambon cru; viande

crue, ou rôti froid hachés menu; une tasse de

bouillon avec un oeuf.

Midi Déjeuner se composant d'une assiette de soupe

(bouillie d'avoine,deriz,d'orge,etc ); rôti chaud,

légumes frais, fruits, pâtisserie; un verre devin

rouge ou demi-litre de bière de Bavière.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 373

A 3 h. du soir. Une tasse de lait avec un petit pain blanc beurré.

5 Café au lart.

7 Diner : soupe aux légumes, rôti ou fromage, ou

préparation d'oeufs, un pain blanc beurré, demi-

' litre de bière de Bavière.

Telle est l'ébauche modifiable selon l'époque de l'année, selon les

individus, pourvu qu'on ne transgresse pas la règle d'augmenter

graduellement l'ingestion alimentaire et d'exiger qu'on fasse man-

ger l'individu toutes les deux heures Des carnets, tenus par le

gardien, dont le double sera remis à la cuisinière ou au maître

d'hôtel, assureront la progression quantitative graduelle. L'autorité

el les exhortations du médecin vaincront les résistances de la pre-

mière semaine. Le surmenage stomacal semontre-t-il, on compense

l'obligation de tempérer les doses par la prescription de graisses

et notamment d'huile de foie de morue. La constipation impose

l'administration de légers laxatifs. L'assuétude a lieu au bout de six

à huil jours. Il est au surplus incontestable que la digestion ne peut

s'effectuer que par la simultanéité des autres moyens généraux

subséquents;

3° Massage. Très difficile à bien pratiquer, peu acclimaté en

Allemagne, il doit être pratiqué par un manoeuvre habile qui

l'exécutera sur le corps entier, à la manière des Français;

4° Hydrothérapie et électrisation (faradisation générale).

Lasomme des excitations cutanées produite par ces modificateurs

hygiéniques sollicite la circulation générale, le Lravnil musula're,

et,par suite, tout en dégageant les centresnerveux (action dérivative),

assure à la fois les échanges moléculaires de la périphérie, a la

fois la nutrition des organes du corps entier.

La manière de vivre est réglementée comme il suit : les première

et seconde collations se prennent au lit. Entre neuf et onze heures

du matin, massage : durée minima,une heure; moyenne, une heur.;

et demie. Puis, sommeil d'une heure, à l'abri de toute excitation

extérieure, dans le calme le plus complet. Avant le déjeuner, lever

et promenade au grand air. quand il fait beau. Sieste de deux 11

quatre heures. Promenade entre quatre et cinq heures. Entre cinq

et sept heures, bain prolongé tous lés deux jours : la température

de l'eau marquera + 27 degrés au début, on l'abaissera graduelle-

ment à + 23 degrés). Frictions consécutives ou enveloppement

hydropathique avec friction. On complète par des séances d'hydro-

thérapie et de faradisation générale, lorsque l'amélioration n'est

pas suffisante. Coucher vers sept heures. Cet ordre du jour est de

rigueur pendant les premières semaines. A l'époque de la conva-

lescence, on abrège peu à peu les périodes de séjour au lit, et l'on

permet quelque travail intellectuel (petites lectures, conversations).

Le traitement psychique proprement dit, c'est de tranquilliser l'es-

371 / SOCIÉTÉS SAVAM'ES.

prit, de détruire les inquiétudes relatives aux effets des procédés

mis en oeuvre, aux symptômes ressentis, d'éviter toutes les impres-

sions sensorielles d'origine externe, tous les efforts de conception

ou de volition. Un des premiers signes de la réussite de la cure,

c'est un ennui profond, insurmontable qui, insensiblement se change

en un calme moral, agréable, dépourvu d'excitabilité. Les neuf

observations recueillies par l'auteur ne l'autorisent pas à se pro-

noncer définitivement sur la valeur décisive et constante de lamé-

thode. Qu'on l'essaie sur une plus grande échelle, on en obtiendra

toujours la réparation des forces et le relèvement de la nutrition.

Dans certains cas, le résultat dépasse toute attente. Ainsi en fut-il

pour une dame épuisée par des accouchements répétés et cachecti-

que (malaria), qui, en cinq semaine-», regagna 18 livres, supporta

de grandes promenades, reconquit le calme et la plénitude de ses

facultés, recouvra le sommeil (nuits complètes de huit à dix heures

à la file). La guérison s'est maintenue.

Discussion :

M. JANsEN (de Kiel) préconise le massage de la tête. Avis contraire

de M. Binswanger.

M. MENDEL distingue les cas où le massage est bon de ceux où il

augmente le nervosisme. Avis concordant de M. Binswanger.

Le Président n'a pas d'expérience sur ce sujet, mais il a eu l'oc-

casion à Amsterdam, de voir des faits dans lesquels les résultats du

massage avaient été désastreux. Il ne saurait le conseiller qu'en

la présence du médecin. - 1,"est pourquoi, réplique M. Binswanger,

il faut le pratiquer dans des établissements spéciaux.

Nomination de trois uouveaux membres du Bureau ; MM. Westphal

et Nasse sont réélus par acclamation. Election de M. von Gudden.

Clôture à une heure. Visiteen commun del'Exposition d'Hygiène.

Séance du 17 mai 1883.

Un télégramme de M. de Gudden annonce qu'il accepte le choix

du Congrès.

M. L.OEHR fait quelques communications relatives à la visite des

établissements de Dalldorf et Schweizerhoff.

Ici se place la discussion concernant les présentations de pièces

de M. Tuczek. Nous l'avons analysée à la suite de la communication

de cet auteur (séance du 16 mai).

AI. Meynert. Sur les irradiations de la capsule externe dans

l'article externe du noyau lenticulaire. De très nombreuses pré-

paralio : l que l'auteur place sous les yeux de l'assemblée lui pe-

mettent d'affirmer que la capsule externe passe directement dans

SOCIETES SAVANTES. 375

tout le noyau lenticulaire. 11 est vrai que les trousseaux de fibres

sont fins. Ils suivent une direction (elle que les coupes antérieures

de Wernicke et Meynert ne pouvaient les mettre en lumière. Il faut

d'ailleurs jouer de bonheur pour rencontrer des surfaces découpes

qui révèlent la continuité cherchée, parce que les fibres en ques-

tion présentent mille zig-zags dans leur trajet. Deux coupes sont

soumises à l'examen des membres du Congrès; l'une d'elles pro-

vient du chevreuil, l'autre de l'homme. Les sections transverses des

faisceaux sonttrès obscures, le^ sections longitudinales sont claires;

les fibres obliques offrent une nuance intermédiaire. On y voit des

faisceaux clairs s'infléchir dans la substance blanche de la capsule

externe et pénétrer dans l'article externe du noyau lenticulaire.

Quant à l'importance du noyau lenticulaire, M. Meynert tend à

croire qu'il commande plus à l'extrémité supérieure qu'à l'extré-

mité inférieure. Lagrosseurrespective des deux noyaux, lenticulaire

et caudé, ne suit du reste aucune loi dans l'échelle des êtres; c'est

ainsi que, chez les animaux qui utilisent surtout les extrémités su-

périeures pour la marche, le noyau lenticulaire est presque nul

par rapport au noyau caudé, tandis que les animaux qui se servent

des membres supérieurs pour d'autres fonctions (chauves-souris)

ont un noyau lenticulaire aussi volumineux que le noyau caudé.

Chez le singe et l'homme, le développement du noyau lenticulaire

pré lomine. Les destructions du noyau lenticulaire sont très fréquem-

ment liées à l'aphasie. M, Meynert pense que les hémiplégies consé-

cutives à la destruction du noyau len tll'U lai l'e sont caraclérisées pal'

une paralysie plus marquée du membre supérieur que du membre

inférieur; la paralysie du membre inférieur serait, dans l'espèce,

plutôt secondaire, et résulterait d'oedèmes et de troubles de la nu-

trition dans le pourtour du noyau lenticulaire.

M. Mendel. Contribution (t.4.(t<6m de l'encéphale avec prépara-

tions à l'appui. Il s'agit de préparations du Ruban de Reil chez

l'homme, le chien, le singe. Coupes horizontales, verticales et trans-

versales (frontales), antéro-postérieures (sagittales). Le feuillet su-

périeur viendrait de la substance grise du plancher du troisième

ventricule et, suivant de grandes probabilités, en même temps du

noyau lenticulaire; après avoir reçu les fibres issues du tubercule

quadrijumeau antérieur, il se rendrait vers la protubérance. Le

feuillet inférieur, originaire du tubercule quadrijumeau postérieur, l',

recevrait des fibres émanées de la racine descendante du trijumeau

et celles qui, rayonnant transversalement, proviennent de la ré-

gion du noyau de l'oculomoteur commun. Un noyau gris spécial

comprenant de grosses cellules nerveuses occupe le foyer de ces

irradiations. Les deux feuillets du ruban de lieil se termineraient

mi-partie dans la formation réticulée de l'étage supérieur des pé-

doncules cérébraux (champ moteur), mi-partie dans l'olive infé-

rieure. Cette texture explique l'atrophie secondaire de l'olive du cas

376 ô SOCIÉTÉS SAVANTES.

de Meyer. Mais elle ne donne pas la clef de l'importance physiolo-

gique du ruban de Reil; seuls les faits de dégénérescence secon-

daire (ascendante et descendante) montrent qu'il contient réunies

des fibres motrices et des fibres sensitives.

Discussion : - -

M. HrrziG disserte sur la dégénérescence parfaite de l'olive et de

la couche intermédiaire de cet organe, consécutive aux foyers qui

occupent le lieu d'émergence de l'oculo-moteur commun.

M. RoLLER (de Kaiserswerth) renvoie 1 son travail sur le ruban

de Reil '. Le paragraphe intitulé : foyer du ruban de Reil latéral,

montre que ce dernier est en connexion avec la substance grise :

ses réserves sur les rapports anatomiques avec les fibres out leur

cause dans la petitesse extrême des cellules qui ne permet pas de

suivre les conducteurs nerveux.

M. MENDEL voit dans le foyer du ruban de Reil de Ruller le

noyau de substance grise décrit par lui ; les cellules n'en sont pas

aussi petites que le pense Roller. Une partie des investigateurs nie

le rapport avec les olives.

Présentation de préparations sèches d'encéphales par Mendel. La

pie-mère enlevée, un plonge l'organe dans une solution de chlo-

rure d'étain (titre 10 à 15 p. 100) additionné d'un peu d'acide

chlorhydrique, jusqu'à durcissement. On le retire au bout de trois

à quatre semaines, on lave deux ou trois fois, tous les deux ou trois

jours ; on traite par la glycérine et l'on sèche à l'air.

MM. 111moa (de Moscou) et Riciiter (de Ualldorf) préconisent à

cette occasion, l'un, la méthode de Giacomini, l'autre, son procédé

au vinaigre de bois 2. La première utilise le chlorure de zinc et

l'alcool ; elle a l'avantage de permettre l'étude micrographique :

les cellules, assez claires et tuméfiées, se colorent très bien avec les

couleurs d'aniline.

M. ! \IOELI. Etals ophthalmoscopiqups chez les aliénés. M. Urneorr a

été dans l'espèce son collaborateur. Un grand nombre de malades

(toutes filles) ont été examinées pendant plusieurs mois consécutifs

(sept mois au plus). Sur soixante-six cas de manie, lypémanie, folie

systématique, y compris des désordres aigus avec hallucinations,

on a trouvé cinq fois des 'anomalies du fond de l'oeil Dans trois

de ces cas, il y avait en même temps des affections fébriles (péri-

cardites, phthisies). La quatrième malade présentait de l'incohé-

rence maniaque grave; l'existence d'une papille étranglée, de

concert avec des vomissements, fit supposer une lésion anatomique

vos. les Archives de Neurologie, t. VI, p. 94.

'Archives de Neurologie, t. IV, p. 249 et 250.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 377

grossière comme cause de la psychose. Un seul fait. caractérisé

par une hypérémie modérée du fond de l'oeil, ressortissait à la

folie systématique chronique. Les psychoses simples n'avaient en-

gendré aucun trouble intra-oculaire. Trente-cinq cas d'affaiblis-

sement intellectuel n'en décélaient pas non plus, abstraction faite

de la démence sénile qui, comme on sait, s'accompagne souvent

d'un état trouble de la rétine. Sur trente épileptiques, quatre fonds

de l'oeil pathologiques, depuis la névrite légère, jusqu'à la papille

étranglée ; mais alors des vomissements, de l'hémiparésie, des

convulsions hémilatérales s'opposaient à ce qu'on rattachât les

anomalies oculaires à d'autres causes qu'à une altération gros-

sière de l'encéphale, l'épilepsie étant elle-même symptomatique de

cette dernière. Sur cinquante-quatre alcooliques, quatre présen-

taient un état trouble de la rétine, quinze de la décoloration des

moitiés temporales des papilles. Sur cent paralysées générales,

dix-sept offraient un fond de l'oeil trouble qui prouvait une modi-

fication morbide de la constitution de la rétine, car il n'existait ni

anomalies de construction de l'organe, ni pigmentation anor-

male ; les pupilles conservaient leurs diamètres physiologiques, les

mdlades n'étaient pas âgés ; en outre, chez plusieurs d'entre elles,

les limites de la papille étaient effacées, mais sans tuméfaction

considérable ni lésion vasculaire. Ces constatations correspon-

daient, soit au début de la maladie, soit à un stade avancé, tandis

que souvent elles manquaient complètement, même à la phase

terminale de la méningo-périencéphalite. L'autopsie n'en révélait

point l'origine anatomo-pathotogique. Somme toute, l'état trouble

de la rétine se voit de beaucoup plus fréquemment dans la para-

lysie générale que dans toute autre psychose. Sa fréquence est

le double de celle que l'on note dans l'alcoolisme, qui vient im-

médiatement après elle sous ce rapport. Très peu de patientes

montraient une rougeur nette concomitante; elle diminua du

reste chez elles pendant le temps de l'observation. Chez 12 p. 100

des paralysées générales, atrophie blanche ; chez deux d'entre elles

il n'y avait qu'une légère pâleur de la papille. Cette atrophie est-

elle la phase ultérieure d'un processus parencfnmateux ? Un ne

put arrivera le déterminer. Dans vingt types d'affections cérébrales

non paralytiques, l'examen du fond de l'oeil décela des altérations

de diverses catégories indubitables. Le phénomène du genou re-

cherché chez cent paralysées générales, manquait vingt fois. Or. sur

les douze patientes atteintes d'atrophie papillaire, six ne tradui-

saient plus le réflexe rotulien, tandis que. chez celles qui se trou-

vaient indemnes de toute affection intra-oculaire, la proportion,

dans l'absence de ce réflexe tendineux, n'était que de lo p. 100.

L'auteur rappelle, en terminant, que la réaction de la pupille,

sous l'influence de la lumière, fait plus souvent défaut chez les

paralytiques généraux dépourvus de phénomène du genou, et,

378 SOCIÉTÉS SAVANTES.

qu'elle indique une lésion des cordons postérieurs'. Il pense qu'il

n'existe aucun rapport fixe entre l'état de l'oeil et la durée, la

marche de la paralysie générale; loin de là, souvent l'atrophie pa-

pillaire ou la disparition du phénomène du genou précède de

longtemps les manifestations psychiques graves. D'autres exemples

témoignent de l'apparition des symptômes somatiques dans les

stades avancés seulement. Dans l'épilepsie, au contraire, l'ophthal-

moscopie alliée à l'examen des fonctions de la vue, fournit en quel-

ques cas, des renseignements sur le substl atum anatomique des

accès. Elle peut être d'une grande valeur pour déterminer les ma-

nifestations pathologiques de l'alcoolisme. Sil'ophthahnoscope est

impuissant à lui seul à donner le diagnostic de la paralysie pro-

gressive, il nous apprend que l'état trouble de la rétine est parti-

culièrement fréquent dans cette entité morbide.

Discussion : .'

M. UTHHOFF complète les notions de M. Moeli. Dans l'oeil nor-

mal, dit-il, trois facteurs se partagent à l'état physiologique le

phénomène de la réflexion gris blanchâtre de la lumière projetée

sur la rétine. A. Celte membrane perd sa transparence de même due

les autres milieux de ]'oei] du fait de la vieillesse. B. Un organe

pigmenté (un iris brun = stroma choroïdien pigmenté; un iris

bleu = stroma choroidien peu pigmenté) renvoie plus forlement

la lumière. C. Les limites de la papille se voient moins bien quand

il existe des anomalies très prononcées de la réfraction (hypermé-

tropie, astigmatisme); la lumière, fortement réfléchie, prend une

teinte gris-blanchâtre. Mais l'état flou des bords papillaires se

limite exclusivement à la partie interne, supérieure el inférieure

du disque. C'est après avoir tenu compte de ces conditions qu'il est

en mesure d'affirmer que, sur cent individus normaux, l'ophtlial-

moscope lui a révélé trois ou quatre anomalies ophthalmosco-

piques. Et encore faut-il en éliminer deux, parce que l'un des sujets

était buveur (décoloration unilatérale légère de la moitié tempo-

rale de la rétine) et que l'autre avait survécu à un catarrhe des sinus

frontaux (hypérémie modérée et opalescence des papilles, douleu;s s

sus-orbitarres). L'étude des psychoses simples fournit une propor-

tion centésimale tout à fait semblable. Chez les paralytiques géné-

raux au contraire, le rapport est bien plus élevé. La dilatation par-

tielle avec aplatissement des vaisseaux à quelque distance de la pa-

pille, constatée par Klein chez ces derniers, n'a pas été relevée

par lui. Les quelques petites irrégularités vasculaires(calibre) avec

anomalie de réflexion des vaisseaux du fond de l'oeil, ne sont pas

pathologiques. L'alcoolique présente une proportion respectable

dans la décoloration anormale des moitiés temporales des papilles,

Archives de Neurologie (Revues analytiques), t. VI, p. 404.

SOCIETÉS SAVANTES. 379

sans qu'il ait existé de troubles delà vue. Toutefois, ceux-ci devront

être cherchés avec plus de précision, avant qu'on soit en droit d'en

déclarer l'absence.

M. \Vrr.ucnura insiste sur la décoloration du bord temporal de

la papille chez l'épileptique (contrôle de Schleich) ; dans l'espèce,

on remarqua souvent une dilatation fusiforme des vaisseaux.

Motions proposées par le Dr S.aNDER. Le bureau de la Société

des aliénistes allemands se chargerait seul ou en s'adjoignant une

commission choisie par lui :

I. D'étudier la question de savoir si, et dans quelles circons-

tances, un trouble psychique doit être considéré comme un motif de

divorce .

II. D'examiner dans quelle mesure les gens qui ont versé leurs

cotisations à une caisse quelconque de secours sont atteints dans

leurs droits, quand une maladie mentale vient, en les frappant,

leur faire perdre le bénéfice de leurs versements antérieurs. On

sait en effet que l'aliénation mentale, comme la syphilis ou toute

maladie imputable à une faute de l'individu, enlève au patient

tout droit à l'assistance. Quel serait le moyen à employer pour

leur venir en aide à l'occasion ?

A la suite des observations présentées par le président et

M. Zinn, la Société souscrit il ces motions en substituant laformule :

« Plaise au bureau de se charger de provoquer des recherches ».

Le temps étant trop avancé pour que l'on puisse espérer

épuiser l'ordre du jour, le président demande si l'on préfère la

présentation des pièces annoncées, ou la lecture inscrite du

travail de M. Kroepelin, touchant : « l'importance de la physio-

logie expérimentale à l'égard de la Psychiatrie ». La majorité se

décide en faveur des présentations.

M. FREUSBERG (de Sarreguemines) soumet au jugement de l'as-

semblée un nouveau genre de vaisselle pour les aliénés destructeurs.

Sans odeur, et d'un prix moins élevé que les ustensiles de caout-

chouc ou de cuir en usage jusqu'alors, il est fait de carton huilé,

comprimé, revêtu d'un verni cuit au four. Cette pâte émaillee,

légère, élastique, résiste, en dépit d'un long service, aux liquides et

à la chaleur. Toute espèce d'ustensiles de ménage (pots de nuit,

timbales, assiettes, crachoirs, récipients à laver, etc.) peut être fa-

briquée à l'aide de cette substance modelable et durable. M. Adt

(de Forbach) en est le manufacturier; il a comme représentant

pour l'Allemagne, M. Castor (de Sarreguemines).

M. Arndt. Préparations provenant d'un paralytique général tabé-

tique. Les coupes ont été exécutées sur l'ensemble du système

nerveux central d'un homme ayant succombé à la forme tabétique

de la paralysie générale progressive (voy. l'observation dans les

380 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Archiv von Virchow, t. LXX111, p. 196, 1878). On constatait à l'état

frais, depuis les circonvolutions ascendantes jusqu'à la queue de

cheval, une atrophie très avancée, compliquée d'oedème très mar-

qué, avec état criblé caractéristique. Quand les pièces eurent été

durcies, suivant la manière de procéder habituelle, d'abord dans

le bichromate de potasse, puis dans l'alcool, le tissu nerveux se

présenta sous l'aspect d'une éponge, tant il était criblé de porosités

caverneuses : chaque section constituait un morceau de filigrane.

M. Arndt pense que le liquide de l'oedème s'était collecté dans les

interstices du tissu; il les avait dilatés en refoulant la substance

nerveuse (fibres et cellules) atrophiée contre les vaisseaux aux-

quels ces éléments se trouvaient intimement soudés à raison des

processus inflammatoires. Les liquides durcissants, et principale-

ment l'alcool, en provoquant l'issue du liquide de l'oedème hors des

cloisons interstitielles dilatées, avaient déterminé ces lacunes, ces

cavités, dont les parois composaient le filigrane en question : leur

caractère distinctif est de suivre le trajet des vaisseaux sanguins.

M. Sakaki (du Japon). Cerveau d'un aliéné atteint de folie systé-

matique chronique. A l'instigation de 11. Mendel, l'auteur a soumis

à l'examen microscopique l'écorce des hémisphères d'un homme

atteint de folie systématique hallucinatoire, après l'avoir traitée

successivement par l'alcool et la liqueur de Muller. Toutes les cir-

convolutions ont été étudiées après coloration à la fuchsine acide.

L'altération pathologique réside, suivant le savant micrographe,

exclusivement dans les espaces péricellulaires et adventices du

sommet des circonvolutions. Elle consiste en la présence d'une

matière jaunâtre floconneuse, qui rappelle la substance décrite

jadis par Mendel, chez les paralytiques généraux. Ces masses

jaunes ne sont ni cristallines, ni amorphes; elles paraissent com-

posées de petits treillis fins ou de membranes bien minces; leur

coloration disparait avec le temps. En certains endroits, elles

affectent la disposition en couches concentriques, à peu près

comme pour les corpuscules amyloides. Les cellules nerveuses

ganglionnaires présentent les mêmes variétés de forme qu'à l'état

normal ; les unes sont notoirement indemnes; les autres un peu

recoquillées, plus ou moins pigmentées, munies d'un gros noyau

tuméfié et de rares prolongements, ne témoignent pas pour cela

d'altérations indéniables. Elles subissent en maints segments une

compression ou une imbibition manifeste de la part des flocons en

question. Naturellement les espaces péricellulaires sont dilatés et

les cellules se trouvent reportées en dehors du centre de leur en-

clos. Les vaisseaux tantôt vides, tantôt gorgés de sang, sont

entourés de masses jaunâtres semblables, répandues dans les

espaces adventices. Tout le reste des tissus est normal. Ces lésions

s'observent dans toutes les couches de l'écorce, mais leur maximum

de développement appartient aux couches qui renferment des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 381

cellules nerveuses ganglionnaires. La pointe du lobe temporal, l'm-

sula, le gyrus rectus représentent les zones d'élection des altéra-

tions les plus accentuées. Intégrité absolue des faces latérales et

médianes des lobes frontaux, pariétaux, occipitaux, dont la face

inférieure est également indemne; même remarque pour la cir-

convolution du corps calleux. M. Sakaki suppose qu'il s'agit d'un

trouble circulatoire (stase), -ayant amené une transsudation dans

les espaces dénommés, dilatés par l'exsudat. U se défend de pré-

tendre établir un rapport entre cet état microscopique et la

psychose. En tout cas il rejette l'hypothèse, qu'on aurait sous les

yeux une substance artificielle produite par la technique employée

parce que sa présence n'est pas généralisée et qu'elle existe de

préférence sur la coupole de la circonvolution, uniquement dans

les espaces cités.

M. le Président déclare la session close aune heure. On se rend

ensuite en corps aux invitations de la municipalité et des fonc-

tionnaires consignées au procès-verbal. (Allg. Zcitsch. f. Psych.,

XL, 4.) - P. IenavaL.

ACADÉMIE DE MEDECINE

Discussion DE la nouvelle LOI sur les aliénés.

Séances des 22 janvier, 12, 19 et 26 février, 4 et 18 mars.

On sait dans quelles conditions a pris naissance le nouveau

projet de loi concernant les aliénés. La loi de 1838 qui les régit

actuellement a été l'objet, depuis plusieurs années, de nombreuses

attaques, à la suite desquelles le gouvernement a cru devoir nom-

mer une Commission chargée de la réviser. Cette Commission,

composée de sénateurs, de députés, de jurisconsultes et de méde-

cins, a élaboré un projet de loi qu'elle a demandé à l'Académie de

médecine de mettre à son ordre du jour.

L'Académie, à son tour, a nommé une Commission composée de

MM. Baillarger, Brouardel, Lunier, Luys, Mesnet et Blanche, char-

gée de lui présenter un rapport sur cette question. Ajoutons

qu'une communication faile au mois de mai dernier par M. Billod

sur les aliénés criminels n'a pas été étrangère à la décision de

l'Académie. Nous nous bornerons dans ce travail à exposer, aussi

fidèlement que possible, les opinions des différents orateurs :

382 SOCIÉTÉS SAVANTES.

MM. Blanche, rapporteur de la commission, Billod, Luys, Mesnet,

LunieF et Ball, en suivant l'ordre dans lequel ils ont pris la parole.

Le rapport de M. Blanche établit d'abord la nécessité de l'inter-

vention de la justice dans les mesures qui concernent les aliénés et

constate que dans le nouveau projet, aussi bien que dans la loi

actuelle, le rôle prépondérant appartient avec raison aux médecins.

L'orateur proteste ensuite contre les attaques dont a été l'objet

la loi de 1838, qui a rendu les plus grands services aux aliénés, et

commence l'examen « des dispositions de la nouvelle loi qui dif-

fèrent de la loi actuelle ou qui en sont le complément».

Parmi ces dispositions une des plus importantes est celle qui as-

simile aux asiles, sous le rapport de la surveillance, toute maison

où un aliéné est traité même seul, à moins que le tuteur ou les pa-

rents de cet aliéné ne demeurent avec lui. (I. 3.)

Celte mesure a pour inconvénients de froisser des sentiments de

l'ordre le plus respectable et de donner de la publicité à une des

maladies que l'on cherche le plus à tenir cachées; d'autre part,

elle peut empêcher qu'un être privé de raison ne devienne l'objet

de coupables spéculations, M. Blanche s'y rallie donc en espérant

qu'elle sera appliquée avec réserve et discrétion.

Suivent ensuite deux nouvelles dispositions d'une importance

secondaire : la première confère au Ministre de l'Intérieur le droit

de réunir, pour les asiles, les fonctions de directeur avec celles

de médecin (I. 8); la seconde énumère tous les magistrats et

fonctionnaires chargés de l'inspection des asiles et de toute mai-

son où un aliéné est traité et fixe le nombre des visites auxquelles

ils seront astreints (I. 12).

M. Blanche approuve ces deux mesures en faisant remarquer,

toutefois, que les visites de l'autorité sont toujours une cause d'é-

motions préjudiciables aux malades et qu'elles font en outre échec

à l'autorité morale du médecin. Il est donc à désirer que le

nombre de ces visites soit plutôt diminué qu'accru.

Nous arrivons maintenant à l'innovation essentielle du projet de

loi : celle qui a trait au placement des malades dans les asiles. Il

parait que les membres de la Commission sénatoriale voulaient

que l'intervention de la justice s'exerçât non plus après, mais

avant le placement. Les médecins n'ont triomphé de cette préten-

tion qu'à certaines conditions : la première c'est que, pour les

placements volontaires, il soit nécessaire de présenter au directeur

de l'asile un certificat signé de deux médecins ou un seul certificat

revêtu de deux signatures (II. 14) ;

La seconde, c'est que tous les placements des aliénés dans les

asiles, qu'ils soient volontaires ou d'office, ne seront d'abord que

provisoires ; pour qu'ils deviennent définitifs, il sera nécessaire que

la justice intervienne; le procureur de la République, assisté d'un

SOCIÉTÉS SAVANTES. 383

médecin de son choix, viendra interroger la personne placée, fera

une enquête sur sa famille, ses antécédents, etc , et adressera en-

suite un rapport à la chambre du conseil, laquelle statuera sur le

maintien à titre définitif ou la sortie de cette personne (Il. 15). En

outre, jusqu'à ce que la chambre du conseil ait fait connaitre sa

décision, le malade devra être placé dans un quartier d'observa-

tion spécial séparé des autres parties de l'établissement.

Malgré les difficultés faciles à prévoir et les abus qui, dans la

pratique, pourront résulter de l'obligation de recourir à deux mé-

decins pour contresigner un certificat d'admission, M. Blanche se

rallie à cette innovation; il demande seulement que, dans les cas

urgents, on puisse interner un aliéné avec un seul certificat, et que

lorsqu'un malade vient de lui-même solliciter son admission, le

médecin ait le droit de le recevoir, sauf à faire ensuite constater

son état mental conformément aux prescriptions légales. La loi

garde le silence sur ces deux éventualités. ·

Quant à la seconde innovation, celle qui consiste à n'admettre

les aliénés qu'à titre provisoire, pendant un laps de temps qui

pourra durer 'un mois, M. Blanche en montre les nombreux incon-

vénients (surcroit de travail pour les procureurs et les médecins,

surcroît de dépenses pour les conseils généraux, impossibilité d'an-

nexer à tous les asiles de nouvelles divisions semblables à celles

qu'ils ont déjà, pour chaque catégorie d'aliénés, etc.) et n'y découvre

aucun bénéfice soit matériel, soit moral pour les malades. Il es-

père donc que si cet article est maintenu dans son principe, il y

sera apporté de notables modifications.

Voyons maintenant ce qui concerne plus spécialement les place-

ments d'office. Ici, suivant M. Blanche, nous trouvons quelques

modifications importantes et heureuses à l'état de choses actuel :

1° les arrêtés de placement devront lire exécutés dans les quinze

jours; 2, les malades, déposés dans les hôpitaux ordinaires, ne

devront pas y séjourner plus de deux semaines; -3°tout malade

dangereux pour sa propre sûreté, sera assimilé à celui qui est dan-

gereux pour la sûreté des autres.

Ces modifications, dictées par un intérêt d'humanité, n'ont pas

besoin d'être développées. M. Blanche demande en outre qu'un

aliéné indigent, même non dangereux, puisse être placé par arrêté

du Préfet et qu'il en soit de même pour ceux qui commettent des

actes contraires à la décence publique, sans qu'il soit nécessaire de

passer par les tribunaux.

Une autre question importante est celle des .condamnés devenus

aliénés et des aliénés dits criminels. D'après la nouvelle loi : 1° les

condamnés devenus aliénés pendant leur emprisonnement, seront

conduits dans des quartiers d'aliénés annexés aux établissements

pénitentiaires. Un quartier de ce genre est actuellement annexé à

la Maison centrale de Gaillon; 2° les aliénés dits criminels, c'est-

38'l- 1 SOCIÉTÉS SAVANTES.

à-dire les inculpés ou accusés de crimes ou de délits reconnus ir-

responsables, seront mis à la disposition de l'autorité administra-

tive qui, après les vérifications nécessaires, les fera placer, s'il y a

lieu, dans un asile (III. 33).

Ici, M. Blanche voudrait que l'intervention de la justice s'exerçât

d'une façon plus directe; le rapport des experts dont les conclusions

ont été adoptées conclut ou non à l'internement : dans le premier

cas, pourquoi le placement ne s'effectuerait-il pas sans le contrôle

de l'autorité administrative ? 2

D'autre part, il peut arriver que le jury acquitte, comme aliéné,

un accusé que le tribunal considérait comme sain d'esprit et sur

lequel il n'y a pas eu d'expertise.

En pareil cas, l'accusé doit être mis immédiatement en liberté,

ce qui peut avoir de funestes conséquences pour la sécurité pu-

blique. M. Blanche demande donc que le nouveau projet de\loi

comble cette lacune en conférant au président des assises le droit

d'ordonner une expertise médicale avant que l'accusé soit rendu à

la liberté.

Actuellement, les aliénés criminels sont placés dans les asiles

ordinaires. D'après la nouvelle loi, ils seront répartis dans des

asiles d'Etat. L'orateur se déclare partisan de cette mesure :

1° pour pouvoir exercei sur ces malades, une surveillance incom-

patible avec les méthodes actuelles de traitement dans les asiles

ordinaires; 2° pour garantir plus efficacement les autres ma-

lades contre des actes de violence.

M. Blanche demande en outre que, dans ces asiles, il soit réservé

un ou deux quartiers exclusivement destinés aux condamnés deve-

nus aliénés pendant le temps de leur emprisonnement, parce que

« de tous les aliénés, ce sont les plus indisciplinés et les plus dan-

gereux ».

L'orateur aborde ensuite la question de la sortie des aliénés : la

seule modification qu'apporte la nouvelle loi aux conditions de

sortie des aliénés ordinaires est que l'interdit pourra s'adresser au

tribunal pour réclamer sa sortie, sans l'intermédiaire de son tu-

teur. Pour les aliénés dangereux, M. Blanche demande que ce soit

la justice et non le médecin qui ptenne la responsabilité de leur

sortie. Quant aux aliénés dits criminels, ils ne pourront être mis

en liberté que sur une décision de la chambre du conseil, et pour

prévenir encore davantage les catastrophes si fréquentes, causées

par la sortie de ces aliénés, l'orateur désirerait que cette nouvelle

procédure soit renforcée par l'intervention de l'autorité admi-

nistrative, qui s'exercerait par l'intermédiaire des commissions

locales et d'un conseil de direction placé à la tête du service des

aliénés. Ces dispositions devraient être appliquées aux condamnés

devenus aliénés pendant leur détention.

Il ne nous reste plus maintenant a passer en revue que quelques

SOCIETES SAVANTES. 385

dispositions d'ordre administratif plutôt que médical. La première

propose d'autoriser et de régulariser les conges temporaires et les

sorties provisoires à titre d'essai. Sans repousser absolument ces

deux mesures, M. Blanche estime « qu'elles offrent plus de mauvais

que de bons côtés ».

En cas d'évasion, l'aliéné pourra pendantquinze jours seulement

être reintégré à l'asile sans nouvelles formalités ; passé ce délai,

ces formalités devront être remplies de nouveau (V, 44).

L'article 4b empêche que, désormais, l'administrateur des biens

d'un aliéné puisse vendre son mobilier sans l'avis du médecin. En-

fin, cet administrateur pourra être nommé immédiatement et non

pas au bout de deux ou trois semaines seulement comme avec la

loi actuelle (V, 46).

En terminant, M. Blanche fait observer que le service des aliénés

n'a pas une organisation en rapport avec son importance; il de-

mande que toutes les affaires concernant ce service soient centra-

lisées au ministère de l'intérieur et qu'en tête du service soit placé

un Conseil supérieur. La commission et les attributions de ce Con-

seil sont déterminées par l'orateur, niais comme ces questions s'é-

cartent un peu de l'objet de la discussion, nous ne faisons que les

signaler ici. Nous devons toutefois faire remarquer que M. Blanche

se déclare partisan du concours pour le recrutement de tout le

personnel médical des asiles. ,

M. Billod a pris ensuite la parole. Selon M. Billod, la loi de 1838

est une des meilleures qui aient été ptomulguées, « les services

qu'elle a rendus à la société et a la cause des aliènes sont incalcu-

lables ». La seule lacune qu'y constate l'orateur, est relative aux

aliénés dits criminels, mais pour la combler il est iuutile, selon

lui, de réviser la loi. Tel a été également l'avis du Congrès inter-

national de médecine mentale, dont les membres se sont ralliés à

la proposition de M. Barbier, d'apres laquelle, à l'avenir, ce serait

une commission mixte qui serait chargée de statuer sur la sortie

ou le maintien provisoire des aliénés dits criminels, considérés

comme guéris.

AI. Billod estime que, dans un intérêt de sûreté générale, on de-

vrait étendre cette mesure aux aliénés réputés dangereux. Dans le

même ordre d'idées, l'orateur désirerait voir inscrites dans la nou-

velle loi quelques mesures administratives qui auraient pour objet

l'organisation d une surveillance spéciale, après leur sortie, des

aliénés guéris. En province, les préfets; àParis, le préfet de police

avec le concours d'un médecin, seraient investis de cette mission.

Cette surveillance devrait être nécessairement plus active pour les

aliénés évadés.

Relativement à l'administration provisoire des biens des aliénés

non interdits, M. Billod applaudit avec M. Blanche à la clause d'a-

Archives, t. VU. 23

386 SOCIÉTES SAVANTES.

près laquelle l'administrateur ne pourra plus vendre les biens d'un

aliéné placé dans un asile public sans l'avis du médecin traitant :

dans des cas bien déterminés, pour acquitter par exemple les

dettes d'un aliéné ou subvenir à sa pension alimentaire, l'orateur

voudrait, lorsque l'interdiction n'a pas été prononcée, que le pré-

sident du tribunal ait la faculté d'autoriser la vente d'un immeuble,

vente qui excède, en vertu de la loi actuelle, les pouvoirs de l'ad-

ministrateur provisoire.

Une dernière question a été traitée par M. Billod avec un grand

développement : c'est l'obligation inscrite dans le nouveau projet

de loi d'un double certificat médical d'admission. L'orateur fait

remarquer que la plupart des attaques qui se sont fait jour contre

l'ensemble de la loi de 4838, ont eu principalement pour objectif

l'article qui « en basant sur le certificat d'un seul médecin l'ad-

mission des aliénés dans les établissements publics ou privés, fai-

sait de ce médecin, faillible lui-même, une sorte d'arbitre de la

raison humaine... »

M. Billod fait observerqu'à l'époque où ces attaques ont commencé

à se produire, elles avaient jusqu'à un certain point leur raison

d'être, parce qu'au moment de la promulgation de la loi actuelle,

la médecine mentale était, pour ainsi dire, « une branche morte

de la médecine générale ». 11 n'en est pas de même aujourd'hui;

pour le prouver, l'orateur passe en revue les diverses phases par

lesquelles a passé la science des maladies mentales depuis 1838

jusqu'à nos jours et constate que, grâce aux nombreuses réformes

qui ont été opérées depuis quelques années, de notables progrès

ont été réalisés dans la diffusion de cette branche de la médecine.

M. Billod part de là pour démontrer que l'étude de l'aliénation

mentale s'impose à tous les médecins et conclut au rejet de la

double signature pour les certificats d'admission dans les asiles.

Sous les réserves que nous avons signalées au commencement de

l'analyse de son discours, concernant les aliénés criminels ou dan-

gereux, l'administration des biens des aliénés, etc., l'orateur se

prononce pour le maintien de la loi de 1838.

A M. Billod a succédé M. Luys. Cet orateur examine d'abord les

conditions morales dans lesquelles a été engendrée l'oeuvre de la

commission extra-parlementaire : des attaques aussi injustes que

passionnées, dit M. Luys, des dénonciations apocryphes, des

légendes de séquestration arbitraire ont été accueillies favorable-

ment dans les sphères les plus élevées de la société et par l'au-

torité.

Une commission a été nommée, mais là, « où il fallait une ma-

jorité de médecins, on choisit une majorité de magistrats et d'ad-

ministrateurs ».

L'élément médical a été sacrifié à l'élément juridique, aussi

SOCIÉTÉS SAVANTES. 387

peut-on dire que le projet de loi élaboré par la commission est

une véritable oeuvre de suspicion à l'égard des médecins.

Ces réserves faites, M. Luys examine le terrain de conciliation

sur lequel pourraient s'entendre les deux autorités qui se disputent

la direction des aliénés. La première préoccupation de la loi doit

être, dit l'orateur, de sauvegarder la santé des malades en leur

facilitant par tous les moyens l'entrée des asiles. A ce titre, un se-

cond certificat pour opérer le placement est une superfétation inu-

tile, il nuit à la célérité de l'admission. D'ailleurs, on comprend

difficilement que la loi refuse à un médecin le droit de diriger sur

un asile un aliéné dangereux alors qu'elle l'autorise à pratiquer

seul les plus grandes opérations où la vie est en jeu.

Pour les mêmes raisons, M. Luys n'admet pas que ce soit « l'au-

torité judiciaire aidée d'un médecin de son choix, qui décide

d'emblée l'entrée des malades, et la chambre du conseil qui

arrête les admissions définitives ». Il rejette également la créa-

tion d'asiles provisoires destinés à maintenir les malades en ob-

servation pendantunmois, pour des raisons cliniques et financières

que nous allons voir développées un peu plus loin avec beaucoup

de soin par M. Mesnet.

En revanche, l'orateur fait appel à l'autorité judiciaire pour la

sortie des aliénés, mais il ne semble prévoir qu'un cas, celui où

la justice serait d'accord avec le médecin pour s'opposer à la sor-

tie d'un aliéné présentant les apparences de la guérison, mais si

le contraire se produisait, n'y aurait-il pas là une nouvelle source

de difficultés ? Quaut aux autres dispositions de la nouvelle loi,

c'est-à-dire à la surveillance administrative des aliénés .traités à

domicile, à la création d'asiles d'Etat pour les aliénés dits crimi-

nels, au recrutement du personnel médical des asiles par la voie

du concours, etc., M. Luys se borne à les signaler comme d'excel-

lentes innovations, donnant satisfaction à des besoins nouveaux.

M. IIlEsNET, ainsi que nous le faisions remarquer un peu plus

haut, s'est principalement attaché dans son discours à l'étude des

modifications proposées par la nouvelle loi aux entrées des malades

dans les asiles et à l'examen des garanties données aux sorties.

Avant d'aborder ce sujet, M. Mesnet constate avec peine que la si-

tuation faite aux médecins par la nouvelle loi est inférieure à celle

que lui avait accordée la loi de 1838 ; il en résulte que l'aliéné perd

du même coup une partie de ses droits de malade. Tous les alié-

nistes s'accordent cependant à rendre un public hommage à la loi

de 1838.

Sous ces réserves, M. Mesnet se déclare partisan de la création

d'asiles spéciaux pour les aliénés dits criminels et des mesures

administratives et judiciaires destinées à sauvegarder l'aliéné con-

tre ses propres entraînements et contre les captations, auxquelles

388 sociétés savantes.

l'expose sa débilité. Ces considérations amènent l'orateur à s'oc-

cuper de l'innovation principale du nouveau projet de loi, c'est-à-

dire des conditions d'entrée des malades dans les asiles.

L'orateur étudie le fonctionnement d'un asile sous le nouveau

régime (Il, l;i); ilmontle que, neuf fois sur dix, l'internement s'im-

pose ; il se demande comment, dans les cas exceptionnels où le

doute est permis, le magistrat pourra mieux que le médecin, tran-

cher la question. L'intervention de la justice n'aura donc aucune

influence; or, en pratique, pour répondre à un besoin dont l'utilité

est loin d'être démontrée, on se heuitera à des difficultés presque

insurmontables. Comment imposer à tous les asiles de France la

création de nouveaux quartiers d'observation appropriés à chaque

catégorie de malades ? Si on les oblige à construire seulement un

pavillon séparé pour les malades entrants, il est facile de compren-

dre que ce pavillon ne répondra jamais aux exigences de la clini-

que, puisqu'on devra concentrer, sur un petit espace, des malades

à délires multiples et dissemblables.

L'isolement des malades à leur entrée étant reconnu impossible,

l'orateur demande s'il ne serait pas plus convenable de les répartir

immédiatement dans l'asile, tout en admettant qu'ils n'y seront

placés que provisoirement. Quel inconvénient y aurait-il à procé-

der ainsi ? La possibilité d'une séquestration arbitraire ? Mais la

production du double certificat qui parait devoir être exigée dé-

sormais à l'entrée des malades n'est-ilpas une garantie suffisante ?

L'intervention de la justice s'exercera du reste aussi bien dans ce

cas que dans l'autre. Peut-être m'objectera-t-on, ajoute l'orateur,

que certains malades peuvent guérir avant leur admission définitive

dans le grand asile, et qu'en les maintenant quelque temps dans

un quartier spécial, on leur aura évité les inconvénients inhérents

à un séjour, si court soit-il, dans un asile d'aliénés proprement dit.

Or, les alcooliques seuls sont susceptibles de guérir aussi rapide-

ment, et ce sont peut-être les malades qui souffrent le moins du

contact des aliénés. Pour ces divers motifs, M. Mesnet repousse

absolument la création dans les asiles de nouveaux quartiers dits

d'observation.

Abordant ensuite la question des sorties, l'orateur montre par

des chiffres pris à différentes périodes dans un même asile que la

majorité des malades ne séjourne pas plus de six mois dans cet

asile. Il est permis de supposer que la proportion est la même

dans les autres. « Pourquoi donc les qualifier debastilles modernes,

dont les portes se ferment sur tout venant, sans se rouvrir jamais. »

Passant ensuite en revue les différents articles de la loi actuelle

concernant cette question des sorties, l'orateur démontre qu'on ne

saurait donner plus de garanties que la loi actuelle contre les sé-

questrations arbitraires. On sait, du reste, que la nouvelle loi n'ap-

porte sur ce point aucune modification sérieuse à la loi de 1838.

SOCIÉTÉS SAVANTES. us9

Quant aux sorties à titre d'essai, l'orateur estime qu'elles pour-

ront être utiles à quelques malades dans la période de convales-

cence, mais, dans les autres phases d'évolution des maladies men-

tales elles seront « ou indifférentes ou dangereuses pour le malade

lui-même, sa famille ou la société ».

M. Lunier n'intervient, dit-il, dans la discussion que parce que

M. Luys a reproché à la commission extra-parlementaire son in-

compétence, la majorité de ses membres étant étrangers à la mé-

decine. Or, sur vingt-cinq membres pris en dehors du Parlement,

l'orateur fait remarquer que onze étaient médecins, et parmi les

membres pris dans le Parlement, trois appartenaient également au

corps médical. Si l'on ajoute que tous ces médecins avaient une

autorité incontestable comme aliénistes, on comprendra que leur

nombre ne pouvait être plus grand sans élargir indéfiniment le

cadre de la commission.

Que le rôle du médecin doive être prépondérant, M. Lunier l'ac-

corde ; mais il considère cependant comme légitime d'appeler la

magistrature à coopérer à la révision de la loi, parce que l'aliéné

n'est pas un malade ordinaire, comme le prétend M. Luys, mais un

malade d'une nature exceptionnelle qui n'a pas conscience de son

mal, que l'on ne peut traiter sans le priver de sa liberté, mesure

grave qui, à quelque point de vue qu'on se place, doit être entourée

de garanties spéciales.

M. Lunier examine ensuite les raisons qui militent en faveur de

la révision de la loi de <S3S; il reconnaît que cette loi est une des

meilleures et que les attaques souverainement injustes dont elle a

été l'objet seraient sans doute restées lettre morte si le décret de

décentralisation de 1852, en amoindrissant la situation des méde-

cins, et plus tard les lois de 1866 et de 187t, en donnant aux con-

seils généraux un droit d'intervention légitime, mais dont quel-

ques-uns ont abusé, n'avaient profondément modifié le fonction-

nement de cette loi. D'autres motifs peuvent encore être invoqués :

l'augmentation du nombre des aliénés et des asiles privés, l'ab-

sence de dispositions relatives aux aliénés criminels et à la gestion

des biens des malades placés dans les asiles privés, etc.

Ces différents points établis, l'orateur s'attache plus particuliè-

rement à l'examen des deux articles (14 et 15) qui ont été l'objet

des critiques de MM. Luys et Mesnet.

M. Luys considère comme inutile la production de deux certifi-

cats, au lieu d'un seul, pour les placements volontaires. M. Lunier

est du même avis et la commission également, parait-il, mais à la

condition qu'on adopte le système des admissions provisoires. Cette

dernière disposition est fondamentale, dit M. Lunier, mais il faut

distinguer deux choses quand on l'envisage : son principe et son

mode d'exécution.

« Le principe des admissions provisoires a été voté à l'unanimité

390 SOCIÉTÉS SAVANTES.

par la commission, parce que nous ne pouvions nous entendre

sur la question de savoir si l'intervention judiciaire interviendrait

avant ou après le placement. C'est une disposition transactionnelle

qui a été adoptée avec satisfaction et sans discussion. »

Suivant M. Mesnet, ce principe ne peut qu'amoindrir le méde-

cin, le tribunal devenant juge suprême dans la question de savoir

si l'interné est ou n'est pas aliéné.

M. Lunier et la commission ne l'ont pas entendu ainsi; au con-

traire. Actuellement en effet, le procureur de la République peut

se présenter seul dans les asiles et provoquer la sortie d'un malade,

contre l'avis du médecin. Dans le système des admissions provi-

soires, le procureur sera obligatoirement accompagné d'un méde-

cin et n'interviendra plus directement.

Quant aux moyens d'application, M. Lunier demande, comme l'a

déjà proposé M. Mesnet, que les aliénés, à titre provisoire, soient

placés, non pas dans des quartiers d'observation isolés, mais ré-

partis dans les différentes sections de l'asile, suivant la forme de

leur délire. Il est également d'avis qu'on réduise d'un mois à

quinze jours le délai accordé à l'autorité judiciaire pour notifier

se décision, et qu'on donne au procureur de la République, assisté

d'un médecin, le droit de statuer d'urgence sur le maintien du ma-

lade à titre définitif sans être obligé d'en référer dans tous les cas

à la chambre du conseil. M. Lunier ajoute, en terminant, que si

ces modifications sont adoptées par le Parlement, les admissions

à titre provisoire ne présenteront aucun des inconvénients entrevus

par MM. Luys et Mesnet et qu'elles auront le grand avantage de

faire partager à l'autorité judiciaire la responsabilité de l'interne-

ment, ce qui lui semble de toute justice.

M. B.1LL, en prenant le dernier la parole, a seulement voulu atti-

rer l'attention de l'Académie sur la question du concours appliqué

au recrutement du personnel médical de tous les asiles de France.

Il a fait remarquer avec raison que, malgré les réclamations de

l'opinion publique, malgré les voeux formulés à cet égard par le

Conseil général, les nominations des médecins des asiles de la

Seine, sauf ceux des quartiers d'hospice de Bicêtre et de la Salpê-

trière, continuaient à se faire par voie administrative. Il espère que

nous serons bientôt dotés d'une institution aussi nécessaire aux

progrès de la médecine mentale qu'à la dignité et à l'indépendance

du médecin. Comme corollaire de cette réforme et pour augmen-

ter l'importance de l'enseignement des maladies mentales, M. Bail

demande que tous les élèves soient astreints à passer un examen

relatif à la psychiatrie et soient ainsi conduits à faire un stage de

quelques mois dans les services d'aliénés.

Quant à la double signature que l'on se propose d'exiger pour

les certificats d'admission, M. Bail considère son utilité comme

SOCIÉTÉS SAVANTES. 391

absolument illusoire, au point de vue scientifique. Il préférerait

que le droit de signer des certificats fût réservé à une catégorie

spéciale de médecins. En terminant, l'orateur demande qu'à l'a-

venir, le dossier des malades placés d'office soit communiqué par

l'autorité au médecin traitant.

Après le discours de M. Bail, M. Blanche est monté à la tribune

pour résumer la discussion, répondre aux objections qui lui

avaient été présentées par les différents orateurs et lire ses conclu-

sions « modifiées de manière que les critiques formulées dans le

rapport contre le projet de loi fussent mises plus en relief». Nous

donnons ces conclusions in exte.zso :

Il La loi du 30 juin 1838, inspirée par les sentiments les plus

élevés d'humanité et de respect de la liberté individuelle, a été

un bienfait pour les aliénés. Elle a assuré la [protection de leurs

personnes et de leurs biens, en même temps qu'elle leur a procuré

les soins médicaux dont ils étaient presque complètement privés

jusque-là. Elle ne mérite pas les accusations dont elle a été l'objet,

mais on doit reconnaître que, depuis l'époque où elle a été pro-

mulguée, grâce aux progrès de la science, certains besoins se sont

produits ou se sont développés auxquels elle ne donne pas com-

plètement satisfaction.

2° Parmi les dispositions du projet de loi destinées à remplir ces

nouvelles obligations, les unes constituent des améliorations posi-

tives à l'état de choses actuel, d'autres peuvent être critiquées,

certaines, enfin, nous paraissent devoir être, dans la pratique,

d'une application très difficile et quelquefois même impossible ;

nous devons, en outre, faire remarquer que plusieurs d'entre elles

auront pour effet d'augmenter les dépenses de l'État et des dé-

partements.

3° Le principe fondamental du nouveau projet de loi est l'inter-

vention de la justice dans toutes les mesures concernant les aliénés.

Ce principe est juste.

La folie entraîne presque toujours, pour celui qui en est atteint,

la privation plus ou moins complète de sa liberté, en même temps

que l'impossibilité de gérer ses affaires et de veiller à ses intérêts.

Or, d'après les règles générales de notre droit, c'est à l'autorité

judiciaire seule qu'il appartient de suspendre ou de supprimer la

liberté individuelle ; c'est elle qui, seule aussi, a la qualité de pro-

téger les incapables.

11 y a donc double motif pour que toutes les mesures relatives

aux aliénés soient prises par la justice ou soumises à son contrôle.

C'est toutefois au médecin qu'il appartient d'indiquer et de pres-

crire ces mesures, et lui seul doit en conserver l'initiative. En effet,

les aliénés étant des malades, le médecin seul est compétent pour

392 SOCIÉTÉS SAVANTES.

apprécier la nature du mal ainsi que les mesures de traitement et

de protection qui sont nécessaires.

4° C'est par application du même principe de l'intervention de

la justice que le projet de la loi assimile à un asile, sous le rapport

de la surveillance, toute maison dans laquelle un aliéné sera traité,

même seul, à moins que ce ne soit sous la surveillance immédiate

de son tuteur ou d'un proche parent, habitant la même maison.

Cette prescription légale, toute nouvelle en France, quoiqu'elle

existe déjà dans d'autres pays, est de nature à prévenir des abus

déplorables que l'on ne peut révoquer en doute et auxquels nous

espérons qu'elle mettra fin.

5° Une autre innovation consiste dans l'obligation de présenter,

à l'avenir, pour l'admission d'un aliéné dans l'asile, deux certificats

distincts, ou un certificat signé de deux médecins, et la loi pres-

crit que ces certificats soient très détaillés et fournissent tous les

renseignements de nature à prouver la nécessité de l'internement.

(Brouardel.)

Sans doute cette prescription de la double signature semblerait

devoir ajouter une garantie de plus au respect de la liberté indivi-

duelle, mais, sans y voir une atteinte portée à la dignité du méde-

cin ni un amoindrissement de sa légitime autorité, nous déclarons

qu'elle se heurtera le plus souvent à de très grandes difficultés

dans la pratique, et que, si elle n'est pas tempérée par les restric-

tions que nous avons indiquées, elle pourra même offrir de graves

dangers.

6° En vertu d'une disposition nouvelle, tout placement d'un

aliéné dans un asile, que ce placement soit volontaire ou d'of-

fice, ne sera d'abord que provisoire et ne deviendra définitif

qu'après la sanction de la justice; c'est là un corollaire de la pensée

principale qui a présidé à la préparation du projet de loi, mais

nous avons montré combien il serait à souhaiter que le magistrat,

lors de sa visite, fût investi du droit de déclarer immédiatement le

placement définitif, droit dont il userait dans le plus grand nombre

des cas, et nous pensons, en outre, qu'il serait indispensable que le

médecin de l'asile eût toute autorité pour placer, pendant la pé-

riode provisoire, le malade dans les conditions qu'il jugerait les

plus favorables à sa sécurité et à son traitement.

'7° Quant aux placements d'office et aux placements d'urgence,

nous nous félicitons pour la sécurité publique que le projet de loi les

rende plus prompts et plus faciles, et nous voudrions, en outre, que

l'autorité publique eût désormais le droit de prendre des mesures

préventives, en profitant de tous les moyens d'information, lors-

qu'un aliéné lui est signalé comme dangereux.

8° Pour ce qui concerne les condamnés devenus aliénés pendant

qu'ils subissaient leur peine, et les aliénés dits criminels ou ceux

BIBLIOGRAPHIE. 393

considérés comme exceptionnellement dangereux, nous sommes

absolument partisans de la création d'un ou de plusieurs asiles

d'Etat, et nous ne pouvons qu'approuver toutes les garanties d'exa-

men et de contrôle que l'on exigera dorénavant pour la mise en

liberté de ces aliénés, mise en liberté que la justice pourra seule

ordonner.

9° Nous donnons aussi notre approbation à de nouvelles mesures

proposées, soit pour permettre aux interdits de présenter directe-

ment à la justice leurs requêtes à fin de mise en liberté, soit

pour garantir d'une façon plus efficace la gestion des biens et des

intérêts des aliénés.

10° Enfin, nous demandons que toutes les affaires concernant le

service des aliénés soient centralisées au Ministère de l'Intérieur, et

qu'il y soit créé, soit une direction, soit une division, assistée d'un

conseil supérieur dont nous avons indiqué la composition et les

attributions et démontré la grande utilité.

Nous ne doutons pas que ce conseil, dans l'ordre de ses travaux,

ne mette au premier rang la question du concours et ne s'em-

presse de proposer qu'il soit institué pour la nomination du person-

nel médical des asiles des aliénés, ainsi que cela existe aujourd'hui à

Paris pour les médecins des quartiers d'hospices affectés aux alié-

nés et administrés par l'Assistance Publique. Celte institution du

concours serait d'ailleurs parfaitement légitime et réalisable main-

tenant que les Facultés de médecine sont pourvues d'un enseigne-

ment officiel de l'aliénation mentale, et que, de plus, des cours

particuliers fonctionnent régulièrement, au grand profit des

élèves. Nous émettons aussi le voeu que le conseil supérieur avise

au moyen d'assurer dans toute la France, aux aliénés sortant gué-

ris des asiles, la protection qui leur est si indispensable quand ils

rentrent dans les conditions de la vie ordinaire, alors qu'ils sont

accueillis tout au moins avec méfiance, et le plus souvent repous-

sés comme des êtres incapables ou dangereux.

Chacune de ces conclusions, mise aux voix par le président, a été

adoptée à l'unanimité. G. D.

BIBLIOGRAPHIE

V. Eludes médicales du professeur Ch. LASÈGUE , 2 vol. in-8°,

Asselin et Cio, édit., 1884.

Les élèves du professeur Lasègue, sous la direction de M. Blum,

viennent de réunir dans deux volumes la plupart des mémoires

394 4 BIBLIOGRAPHIE.

qu'il a publiés et dont la plus grande partie ont trait à l'étude

des maladies nerveuses ou mentales. Cette publication sera très

appréciée des médecins qui s'occupent de ces questions, car les s

travaux de Lasègue, dispersés dans les Recueils périodiques étaient

difficiles à trouver. Nous n'avons pas à rendre compte ici de ces

études déjà connues, nous nous contenterons de rappeler les

principales par leur titre : Le braidisme, l'appétit et la soif, la

soif de l'alcool, le sommeil, le délire des persécutions, les cérébraux,

questions de thérapeutique mentale, de la responsabilité légale des

aliénés, de= délires par accès, vol aux étalages, les exhibitionnistes,

la mélancolie perplexe, la folie adeux, le vertige mental, des vertiges,

le mal de tête, de la spermatorrlcée, leçons sur la paralysie générale,

de l'épilepsie par malformation du crâne, la pathogénie de l'épilepsie,

catalepsies partielles et passagères, hystéro-épilepsie, de la toux hysté-

rique, anesthésie et ataxie hystériques, de l'anorexie hystérique, hys-

téries périphériques, névroses syphilitiques, de la chorée, alcoolisme

chronique, alcoolisme aigu, de l'alcoolisme subaigu, le délire alcoo-

lique n'est pas un délire mais un rêiie, des manifestations cérébrales

de l'alcoolisme, dipsomanie et alcoolisme, des hémiplégies, troh7honé-

vrose de Romberg, considérations sur la sciatique, de la migraine,

de l'onanisme, accidents nerveux du diabète, ergotisme convulsif

épidémique, des accidents cérébraux qui surviennent dans le cours

de la nzaladie de Bright, crétinisme, de la gymnastique médicale,

l'hydrothérapie en France. Cu. F.

VI. A Treatiseon the diseases of the nervous system; par James Ross

(2° édit.), 2 vol. in-8°, London (Churchill, édit.), 1883.

Cette seconde édition du livre de M. Ross n'est pas seulement

une réimpression, elle contient un grand nombre d'additions qui

en font, sur beaucoup de points, un ouvrage nouveau. C'est un

traité complet des maladies du système nerveux comprenant les

affections du cerveau, de la moelle, des nerfs périphériques, les

névroses. Un grand nombre de figures et des planches facilitent

l'intelligence du texte. Un certain nombre d'observations per-

sonnelles intéressantes ajoutent une note originale à ce livre

qui constitue un compendium des plus complets sur la matière.

CH. F.

VII. Du réveil du délire alcoolique chez les buveurs; par GABRIEL.

Thèse de Paris, 1884.

M. Gabriel rapporte un certain nombre de faits dans lesquels le

délire alcoolique éclate chez des buveurs à l'occasion d'affections

médicales (choléra, pneumonie, érysipèle, vertige épileptique, etc.),

BIBLIOGRAPHIE. 395

ou chirurgicales (fractures, phlegmons, etc.), ou même à la suite

d'émotions morales vives. En cherchant bien, on aurait pu trou-

ver. dans les auteurs, un certain nombre de faits intéressants du

même ordre; la thèse de M. Szerlecki (1873), par exemple, en

contient plusieurs : saignée suivie de delirium tremens dans un cas

d'érysipèle chez un buveur (Rayer), deli1'ium tremens dans une

fièvre typhoïde (Duclos), à propos d'une fièvre septicémique chez

un phtliisique (Ebers), à la suite de l'inoculation du virusrabique

(Christian). Il y aurait eu avantage, croyons-nous, à établir deux

gi oupes de faits : a) un premier groupe comprenant des alcooliques

avérés ayant déjà eu des accidents cérébraux etchez lesquels il s'agit

véritablement de réveil du délire ; b) un second groupe comprenant

les sujets qui n'ont jamais eu d'accidents cérébraux attribuables à

l'alcoolisme et chez lesquels il y a, à proprement parler, éveil du

délire. Ce dernier groupe est le plus important au point de vue

clinique, car il comprend non seulement des alcooliques avérés,

mais encore des buveurs ignorés et qui s'ignorent eux-mêmes ou

dissimulent. C'est dans ces cas qu'il appartient au médecin de dé-

masquer les habitudes antérieures, en se basant sur les caractères

du délire. Ch. F.

VIII. De l'hérédité morbide et de ses manifestations vésaniques dans

la paralysie générale, par S lurON. Thèse de Paris, 1883.

Dans son récent mémoire tendant à établir la dualité de la pa-

ralysie générale, M. Baillarger1, s'efforce de montrer que les seuls

éléments symptomatiques nécessaires de la maladie sont la dé-

mence et la paralysie, et que le délire n'est qu'accessoire. Le dé-

lire, qui devance quelquefois les phénomènes pathognomoniques

de la maladie, constitue avec l'affaiblissement musculaire la se-

conde forme dite folie paralytique. M. Sauton se rattache à cette

manière de voir; mais il semble qu'il considère le délire non

comme la manifestation caractéristique d'une forme spéciale de

la maladie, maisseulementcomme un phénomène surajouté. Et, sui-

vant lui, ce phénomènesurajoutéaux symptômes capitaux de la dé-

mence paralytique, n'apparaîtrait qu'en conséquence d'une prédis-

position %ésaniqlie, prédisposition relevant d'antécédents hérédi-

taires ou personnels. Le délire qui peut précéder l'invasion de la

paralysie générale revêt les caractères de la vésanie pure, tant que

la démence ne vient point le troubler; il peut disparaître, et la pa-

ralysie générale, bien que continuant sa marche, offre une rémis-

sion apparente. Ca. F.

Baillarger. Sur la théorie de la paralysie générale, etc. (Ann. méd.

psych. 1883.)

396 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE.

IX. Procès-verbal fait pour délivrer une fille possédée par lemalin esprit

à Louviers, publié d'après un manuscrit original et inédit de la

Bibliothèque nationale, par A. BENFT, précédé d'une introduc-

tion par B. de MORAY (Bibliothèque diabolique, publiée par le Pro-

grès médical et Delabaye et Lecrosnier, édit., 1883.)

Ce procès-verbal est des plus intéressants au point de vue de

l'hystéro-épilepsie dans l'histoire. M. Benêt a fait une oeuvre utile

en nous présentant ce document qui contient la relation ingénue,

faite par un procureur, des accidents divers éprouvés par une hys-

térique qui, en 1591, était considérée comme possédée du diable.

On retrouve dans cette histoire tous les phénomènes décrits depuis

comme appartenant à la grande névrose, jusqu'à la guérison

sous l'influence d'une émotion morale vive. La relation de ce fait

est d'autant plus importante qu'elle nous montre à l'état d'isole-

ment les phénomènes qui devaient se reproduire cinquante ans

plus tard dans la même ville, sous forme épidémique. La possession

de Françoise Fontaine peut être considérée comme un phénomène

prodromique de la grande possession de Louviers; et à ce titre

encore, elle méritait d'attirer l'attention.

Si nous louons sans réserve l'éditeur de ce livre, nous ne sau-

rions en faire autant de l'auteur de la préface démesurée qui

l'accompagne. Le nom seul de la collection dont il fait partie

« Bibliothèque diabolique », dispensait de nous expliquer pendant

vingt pages que nous étions exposés à y trouver quelques passages

légers. M. de Moray tenait absolument à faire preuve d'érudition,

il n'a réussi qu'à se montrer tant soit peu pédant. Il est parlé

de tout, et de tout le monde dans cette préface. La réunion des

noms de Cicéron, Michelet, Chateaubriand, Balzac, Zola,

Th. Gauthier, M. Patin, M. de Jouvencel, Goethe, Boccace, Renan,

Gounod, Flaubert, G. Doré, Le Corrège, Michel-Ange, Thiers, etc.,

etc., cités dans ce pot-pourri, prévient le lecteur qu'il y trouvera

une grande variété de sujets d'instruction. Serait-il indiscret de

demander à M. de Moray quels motifs secrets l'ont poussé à nous

rappeler les noms de Galli-Marié et de Pierre Petit ? Mais, nous le

répétons, le Procès-verbal mérite au premier chef l'attention de

tous ceux qui s'occupent des maladies nerveuses. CB. F.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

Des hémiplégies dans le diabète sucré; par EscuDlÉ. Thèse de Pa-

ris, 1883.

Contribuzione alla patogenese della pseudo-ipertrofia musculaire ;

par Giuseppe GnnnEmso, Milan, 1883.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 1197

Etude clinique et expérimentale sur la vision mentale; par Gnoui-

GNEAU. Thèse de Paris, 1883.

Etude clinique et expérimentale sur l'acétonémie ; par DE GENRES,

Thèse de Paris, 1884.

Du rôle des anomalies congénitales des organes génitaux dans le

développement de la folie chez l'homme ; par RAFFEGEAU. Thèse de

Paris, 1884.

Essai sur la valeur séméiologique du rêve; par ARTIGUES. Thèse de

Paris, 1884.

Elude sur l'épilepsie pleurétique; par RorERT. Thèse de Pa-

ris, 1884.

Etude clinique sur une forme de contracture infantile intéressant

particulièrement les muscles adducteurs; par Simard. Thèse de Pa-

ris, 1884.

De l'hydrargyrie; par DUPRÉ. Thèse de Paris, 1884.

Elude sur la méningite tuberculeuse de l'adulte, les formes ano-

males en particulier; par CH.1NTEIESFE. Thèse de Paris, 1884.

De l'alcool, sa combustion, son action physiologique, son antidote,

(strychnine), par Jaillet. Thèse de Pans, 1884.

De la sciutique d'origine syphilitique et en particulier de la scia-

tique survenant dans le cours des accidents secondaires; par Dultois.

Thèse de Paris, 1884.

Contribution a l'élude de l'atrophie musculaire progressive (1) pc

Aran-Duchennej ; par Revercuon. Thèse de Paris, 1884.

Contribution à l'étude des spasmes du coM ; par Gautiez. Thèse de

Pans, 1884.

Contribution a l'étude des tumeurs du creux poplité et en particu-

lier des tumeurs du sciatique et des veines jumelles; par Olivier.

Thèse de Paris, 1884.

De la compression des nerfs du membre supérieur à la suite des

fractures; par l3o.m..\n.\N. Thèse de Paris, 1884.

De l'angine de poitrine rhumatismale (hypérémie du plexus car-

diaque) ; par Martinet. Thèse de Paris, 1884.

Contribution a l'élude des troubles nerveux périphériques dans les

entorses et en particulier des atrophies et des paralysies musculaires ;

par ANTELMY. Thèse de Paris, 1884.

Neglcct of eur-syanptoms in the diagatosis of diseuses of the ? : ert)0t<s

system; par G.-L. Walton. (Reiiiipr. du Joui n. of azervous and meiitcal

diseases, 188 : 3).

Possible cérébral origin of the symptoms usuully classed under

« tccilway-spiaze » ; par Walton. (Boston nzcd. and surg. Journ. 1 8b3.)

Spinal irritation ; probable cérébral origin of the symptoms some-

limes classed under this head; par WALLON. Ihid., 1883.

VARIA

Relation d'un voyage psychiatrique EN DANEllARK,

en Suède ET en 1VORWEGE (Suite) 1;

Par le Dr CLAUS (de l'asile de Sachsenberg).

IV. Hôpital Saint-Jean (Saint-Hans), près Roeskilde. Médecin en

chef, professeur STEENBERG. Cet hôpital est l'asile d'aliénés de

la commune de Copenhague; il a pour but le traitement et l'assis-

tance des aliénés curables ou non et provient de la réparation et

de l'expansion du domaine de Bistruppgaard, près Roeskilde.

Ouvert en 1816 comme hospice d'infirmes, comprenant des

aliénés, il ne renfermait au début que 64 malades de ce genre sur

175 habitants. Depuis, de nouvelle constructions en ont à ce point

étendu la capacité depuis 18h0, qu'actuellement il dispose de

800 places, dont 740 se trouvent occupées. C'est cet hôpital qui,

de concert avec le quartier cellulaire de l'hôpital général de la

capitale, suffit à tous les aliénés de Copenhague, dont la popu-

lation est de 235,000 habitants. Nous avons résumé plus haut les

prix de pensions. Disons ici que les indigents de Copenhague y

trouvent les mêmes conditions que dans tous les autres établis-

sements du Danemark, et qu'en 1881, le nombre de journées à

titre gratuit a, sur 267, i`31, été de 203.494. L'admission à la section

de thérapeutique proprement dite est refusée aux mêmes malades

qu'a Vordingborg et Aarhuus; on exclut encore les épileptiques à

moins que la névrose ne puisse être considérée comme une affec-

tion accessoire.

L'établissement est sous l'autorité du conseil municipal de

Copenhague. Le service médical est confié à un médecin en chef.

Un inspecteur est responsable du service administratif et écono-

mique. Ces deux fonctionnaires sont nommés par le conseil et

associent leurs efforts au mieux des intérêts de l'hôpital. Le

conseil nomme également les médecins-adjoints, les candidats à

l'internat dont nous avons parlé plus haut, le comptable, l'in-

tendant, le pasteur et l'organiste. Le médecin en chef à sous ses

ordres le personnel médical et les gardiens qu'il agrée ; l'inspecteur

1 V. les Archives de Neurologie, p. 278.

VARIA. 399

commande aux autres employés et serviteurs de l'établissement

qu'il choisit à peu d'exceptions près.

Les obligations du médecin en chef et celles de l'inspecteur sont

naturellement précisées avec le plus d'exactitude possible par des

instructions approfondies; cependant l'on accorde au médecin en

chef une certaine prépondérance. C'est ainsi qu'il peut, dans l'in-

térêt des malades, prendre des dispositions provisoires qui em-

piètent sur le service de l'inspecteur, à la condition de ne pas en-

freindre les ordonnances du conseil et de ne pas dépasser les

crédits communaux, sauf d'ailleurs à recourir à la sanction du

conseil. C'est ainsi que les instructions ébauchées par l'inspecteur

pour «on personnel doivent être revêtues de l'avis du médecin en

chef, avant d'être envoyées au conseil. C'est ainsi enfin que le mé-

decin en chef peut exiger de l'inspecteur, sous sa responsabilité,

le renvoi provisoire d'un employé placé sous ses ordres, en atten-

dant que le conseil en ait décidé. L'inspecteur peut il est vrai agir

de même à l'égard du médecin en chef, en ce qui concerne leper-

sonnel des gardiens, mais avec cette restriction que le médecin en

chef n'est pas obligé de souscrire àcette demande avant la décision

du conseil. De même que dans les autres établissements danois,

le médecin en chef seul reçoit et congédie les malades, tandis que

l'autorité municipale tranche les questions de solvabilité et de

réduction des pensions.

L'hôpital Saint-Jean est situé à vingt minutes à peu près de la

vieille ville de Roeskilde, qui, sur le golfe du même nom, constitue

le point de ralliement de l'ensemble des voies fei rées de Seeland

( : i,000 habitants). Les bâtiments de l'établissement, briques,

revêtus d'un enduit clair et couvert en ardoises, regardent pour la

plupart au nord et au sud.

Le quartier destiné au traitement des pychoses aiguës, ouvert

en 1860 pour 60 malades curables de chaque sexe, renferme au-

jourd'hui 60 hommes et 80 femmes; les bâtiments qui le cons-

tituent comportent un corps de logis médian cruciforme d'où

partent à angle droit deux grandes ailes latérales flanquées à leur

tour toujours sous un angle droit, de deux petites ailes latérales.

Le corps de logis médian renferme, dans la portion parallèle aux

deux grandes ailes, l'habitation du médecin en chef, le bureau de

l'inspecteur, la salle de visites : à droite et à gauche, le logement

des hommes (est), le logement des femmes (ouest); les chambres

et les cellules regardent autant que possible le sud, tandis que les

corridors sont orientés au nord. Les grandes ailes latérales dirigées

du nord au sud contiennent des chambres appliquées sur leurs

côtés extérieurs. Les deux ailes du bâtiment médian dirigées de

l'est l'ouest abritent les tranquilles de la première classe; viennent

ensuite, dans les deux grandes ailes latérales les tranquilles et les

convalescents des deuxième et troisième classes, les agités de

400 VARIA.

toutes classes ; enlin les deux petites ailes sont réservées la divi-

sion cellulaire. Dix cellules pour les hommes, autant pour les

femmes, jouissent de l'éclairage latéral : elles sont deux à deux

chauffées, du corridor, par un poêle connu sous le nom de poêle

suédois. Cinq d'entre elles, pourvues d'une grande fenêtre, sont

plus confortables que les autres. Chauffage général à la houille.

Les réfectoires et les salles de jour sont séparées, même pour les

malades de la troisième classe. Les chambres à coucher relues

dortoirs sont relégués à l'étage supérieur : chaque lit dispose de

904 pieds cubiques, chaque individu a dans les chambre : » d'habi-

tation 627 pieds cubes à son service. Ce quartier possède en outre

certains ateliers, sa salle des fêtes.

Non loin du quartier des agités, on rencontre une série d'édifices

quijouentle rôle d'autant d'hospices. L'un d'eux, construiten 1870,

aurait coûté 347,040 couronnes (c'est-à-dire 485,836 francs) pour

310 malades. 11 se compose de trois pavillons à deux étages,

formant par leur disposition respective un quadrilatère ouvert

suivant son long côté sud. De gauche a droite, cinq sections de

malades, toujours notées par des lettres. Ce sont celles : des idiots

et des gâteux complets, des semi-agités encore capables de travail,

des tranquilles, des epileptiques et des infirmes. Quelques chambres

d'isolement sulfisent aux besoins. Les aliénés de toutes classes y

sont représentés. On tient compte de l'éducation dans l'ameuble-

ment et la décoration des chambres des pensionnaires de troi-

sième classe. Chauffage à la vapeur auquel on reproche une répar-

tition inégale delà chaleur, la dessiccation de l'air, l'évaporation

odorante des matièles organiques que les aliénés ne manquent

pas d'introduire dans les bouches. L'une des ailes latérales est le

sejoli- du médecin-adjoint. Ces deux asiles-hospices renferment

puur le moment 345 femmes et 80 hommes.

Tout près de là existe la cuisine; un peu plus loin, c'est la buan-

derie : toutes deux agissent par la vapeur. A côté se trouve le châ-

teau : on y a installé une série d'ateliers pour les hommes, l'habi-

tation de l'inspecteur, de l'intendant, du comptable, différents

bureaux, l'écurie et les remises, enlin l'usine à gaz. A quelque

distance existe la glacière au voisinage de laquelle, près de la

baie, on touche au cimetière avec sa chapelle; à deux pas, la salle

d'autopsies. Un bain de plage est monté et utilisé.

A un quart d'heure de chemin environ du quartier despsychoses

aiguës, dans la direction de Roeskilde, est situé Bje7'amu.I'/¡en dont

la construction et l'installation revient pour 40. individus à

667,000 couronnes (933,800 fr.). Ouvert le 22 mars 1 6.81 , il renferme

aujourd'hui z175 malades. L'idée qui a servi de règle dans l'exécu-

tion des travaux, c'est qu'il fallait pour les aliénés incurables cons-

truire plus simplement et à meilleur marché, tout en pensant à

une transformation ultérieure possible de l'établissement en un

VARIA. 401

hôpital autonome complet. Deux pavillons séparés à deux étages,

dont le front regarde le nord, reçoivent les malades; entre eux

la cuisine et la buanderie à la vapeur, forment un troisième pavil-

lon. Le cubage de l'air atteint dans les chambres d'habitation de

202 à 214 pieds-cubes par tête, dans les dortoirs 475 pieds par lits;

deux des chambres assurent 602 à 610 pieds. Le chauffage a lieu

par les corridors (poèles simples au charbon de terre). Les dortoirs

occupent aussi les étages supérieurs. On mange dans le sous-sol.

Les aliments sont apportés de la cuisine sur un railway, dans des

wagons munis d'une double paroi à tuyaux remplis d'eau chaude.

Quatre gardiens mariés qui ont le droit d'avoir avec eux trois

enfants au plus fournissent le personnel féminin chargé du ménage

de ces pavillons et de la distribution des aliments. Chaque pavil-

lon dispose d'un certain nombre de cellules et de chambres d'iso-

lement. La moitié externe de chacun d'eux est affectée aux malades

calmes;' la moitié interne appartient aux agités et aux idiots. Des

promenades entourées d'un mur de neuf pieds de haut (agités)

ou d'une palissade à clairevoie (tranquilles), une vérandah (malades

faibles et impotents) complètent cet ensemble. Une machine à va-

peur située en avant de la cuisine, sert aux besoins journaliers et

élève l'eau d'un puits artésien. En arrière du pavillon (est) et un peu

en dehors se dressent la maison d'habitation du second médecin-

adjoint, du gardien en chef et la porterie. Bjergmarken qui cons-

titue en quelque sorte un établissement à part, et qui, étant admi-

nistré par les médecins-adjoints, possède presque son indépen-

dance médicale, est cependant relié au quartier des psychoses

aiguës, au médecin en chef par un téléphone.

Des lieux d'aisances du système des fosses mobiles - la distribu-

tion d'eau partout - des pissotièresà rinçage automatique - un

nombre convenable de baignoires (en bois ou en béton) dans les

diverses sections - la ventilation simple par les fenêtres ou par

un système artificiel d'ailleurs toujours imparfait des barres en

fer encadrées dans les fenêtres qui ferment en surplus à clef -la

fabrication du gaz dans l'hôpital à l'aide des résidus de pétrole et

de paraffine des lits en bois munis de leur pot en porcelaine z

des lits spéciàux pour les épileptiques et les gâteux : tels sont

les autres détails de l'aménagement de l'hôpital Saint-Jean.

Soixante-cinq pour cent des malades travaillent; un grand

nombre d'entre eux vont au jardin. La superficie totale de l'éta-

blissement est en effet de 36 hect. 4,056, dont 27 hect. 58 affectés

aux édifices, parc, jardins de malades et fonctionnaires, 7 h. 1,708

à la culture de fruits, pommes de terre, produits horticoles,

1 hect. 6,548 appartenant au cimetière. L'etablissement possède

six chevaux et deux équipages qui, l'été, sont une fois par semaine

à la disposition des aliénés.

Le personnel médical comprend un médecin en chef et trois

AIICUIVES, t. VII. 26

402 VARIA.

médecins-adjoints. Six élèves en médecine sont en outre annuelle-

ment admis à faire un service d'interne pendant quatre mois. La

visite du matin commence vers onze heures et dure jusqu'à une

heure et demie. Celle du soir a lieu à une heure indéterminée. On

ne prend d'observations régulières que dans le quartier des psy-

choses aiguës, notant à l'occasion les particularités marquantes

des chroniques. La thérapeutique ne présente d'ailleurs rien de

spécial : les médicaments sont fournis par la ville. C'est tou-

jours le grand nombre des mélancoliques que frappent le visiteur :

fréquentes tentatives de suicide, fréquente alimentatiou à la

sonde. On est même en train de construire un bâtiment spécial

destiné à surveiller les aliénés qui tendent à se détruire; on y

trouvera deux grandes chambres ayant chacune un gardien et cinq

malades, une petite pièce destinée à deux malades : au centre

existe une petite chambre qui, permettant d'embrasser tous les

lits d'un coup d'oeil, aura pour but la surveillance incessante de

nuit. Coût- : 22,000 courronues (30,800 fr.). La démence paraly-

tique est également très répandue.

L'usage des moyens de continuité est régi par le § 46 du règle-

mont intérieur; c'est au médecin en chef qu'en appartient la dis-

pensation et ils ne doiventêtre appliqués qu'en la présencedu gar-

dien ou de la gardienne en chef. D'autres mesures disciplinaires

telles que la privation de tabac, de promenade, de distraction,

peuvent être prises.

La nourriture est la même qu'à Vordingborg et Aarhuus : vais-

selle de porcelaine. Les pensionnaires de troisième classe portent

une veste et un pantalon bleus de toile.

Les gardiens agréés et congédiés par le médecin en chef sont

par rapport aux malades dans la proportion de 1 : 6 (quartier des

aiguës) et de 1 : 12 (chroniques). Ils ont pour uniforme une redin-

gote bleue à boutons brillants qui porte au collet les initiales

Saint H. IL La discipline est la même que dans les autres établis-

sements. Ils sont responsables des évasions des aliénés qui ont eu

lieu par leur faute; dans ce cas, une partie des dépenses de la

réintégration est payée par eux ; le reste est parfait par le pé-

cule de l'évadé ou par des ressources personnelles. Le pécule pro-

vient de l'évaluation pécuniaire des travaux taxés d'avance ; les

aliénés s'en servent pour adoucir leur sort par de menues faveurs

et, à leur départ, ils l'emportent ou la somme est remise à la

famille, selon l'avis du médecin en chef. Il n'existe pas de société

de secours des aliénés guéris; toutefois l'impôt, dit dj Rosenberg,

peut fournir chaque année 25 à 30 couronnes (35 à 42 fr.) à cinq

ou six malades qui partent.

Le temple est desservi par le pasteur de Roeskilde ; l'organiste

est également celui de la ville. La bibliothèque des malades est

contrôlée par le premier médecin-adjoint. De temps à autre des

VARIA. 403

distractions sont procurées aux aliénés : danses, navigation à

la voile, etc..

L'hôpital Saint-Jean coûte à la commune 315,365 couronnes

73 oeres (441,512 fr.).

V. Quartier cellulaire de l'hôpital municipal de Copenhague. Direc-

teur-professeur Goeiucke. Vingt-cinq cellules le constituent.

Il occupe le côté sud-ouest de l'hôpital et comporte avec le

rez-de-chaussée un étage. En entrant on a, à droite et à gauche

cinq cellules d'hommes; la disposition est la même au premier

étage (cellules de femmes). Le sous-sol en contient aussi cinq des-

tinées aux agités. Elles sont de dimensions suffisantes, prennent

la lumière par la partie supérieure d'un des côtés (fenêtre grillée)

et sont pourvues de leurs latrines. En avant des cellules existent des

corridors, mais il n'y a pas de salle de jours spéciales. C'est l'ad-

ministration centrale de l'hôpital qui veille à l'entretien de ces

pensionnaires. Eclairage au gaz. Les mêmes dispositions maté-

rielles régissant les aliénés qu'à l'hôpital Saint-Jean. Généralement

les malades ne demeurent que huit à quatorze jours : s'is ne sont

pas guéris dans ce laps de temps, on les dirige sur l'hôpital Saint-

Jean.

Le professeur Goericke a su utiliser les matériaux dont il dispose

pour un enseignement clinique. Les leçons ont lieu le dimanche.

Malheureusement on ne peut admettre que vingt à vingt-cinq

auditeurs. (<lllec. Zeitschr. f. Psych.; X. L.; I et 2.) P. KÉRAVAL.

Asiles DE la SEINE. Concours.

La question du concours pour les places de médecin des Asiles

a été souvent discutée par nous dans le Progrès médical et au Con-

seil général de la Seine. Nous n'avons pu obtenir que le rétablis-

sement du concours pour les places de médecins de Bicêtre et de la

Salpêtrière. Pour montrer que la question a été examinée avec

soin avant les discours prononcés à l'Académie de médecine, nous

reproduisons ici le passage d'un rapport que nous avons fait, en

avril 1882, comme membre de la commission administrative char-

gée d'étudier les réformes à introduire dans la loi sur les aliénés.

Après avoir conclu au recrutement des médecins adjoints par le

concours, nous avons résumé les débats relatifs aux médecins en

chef dans les pages suivantes :

Médecins chefs de service. Comment doit-on procéder à la

nomination des médecins chefs de service ? Faut-il la laisser au

ministre de l'intérieur, ou convient-il d'y procéder par un second

concours ? Telles sont les questions que le cinquième groupe s'est

posées. Deux opinions se sont produites.

4o4 VARIA.

La première a été émise par M. Herold. Dans sa pensée, les con-

ditions du concours du premier degré sont suffisantes pour que les

médecins adjoints qui auront satisfait à cette épreuve puissent,

après un certain nombre d'années de pratique dans un asile, deve-

nir médecins en chef des asiles publics de second ordre. Ce qu'il

préférerait, c'est un concours élevé, d'un degré réellement supé-

rieur, permettant de n'avoir dans les grands asiles et notamment

ceux de la Seine, que des médecins ayant donné des preuves d'une

capacité remarquable et en situation de relever par leur valeur

personnelle le niveau scientifique de la pathologie et de la théra-

peutique des maladies du système nerveux. La majorité n'a pas

été de cet avis et elle a voté pour que les médecins chefs de service

fussent nommés après un second concours. Il a été ensuite procédé

à la discussion du programme communiqué par M. A. Foville. Le

groupe a adopté à l'unanimité la première condition : Nul ne

pourra être nommé au grade de médecin en chef des asiles d'aliénés

s'il n'a subi avec succès les épreuves d'un concours ad hoc.

MM. Bail et Foville ont introduit un amendement ainsi conçu :

« A moins qu'il n'ait rempli pendant deux ans les fonctions de chef

de clinique des maladies mentales, nommé au concours dans une Fu-

culté de médecine, auquel cas, Usera dispensé de toute autre épreuve.»

Et, à l'appui, M. Bail soutient que les épreuves du concours du

clinicat équivalent à celles du concours pour lesplaces de médecin

des quartiers de Bicêtre et de la Salpêtrière.

Nous avons fait remarquer : In que l'adoption de cette proposi-

tion aurait pour conséquence de supprimer le concours pour les

places de médecins chefs de service parce que le nombre des chefs

de clinique est à peu près égal à celui des vacances qui se produi-

sent ; 2° que les chefs de clinique de médecine et de chirurgie,

bien qu'ayant subi des épreuves semblables à celles du chef de

clinique mentale, n'en sont pas moins obligés de subir de nou-

veaux concours, s'ils veulent être nommés médecins ou chirur-

giens des hôpitaux ; - 3° qu'il n'y a pas de comparaison possible

entre les épreuves du clinicat de la chaire des maladies mentales,

et celles du concours pour les places de médecin de Bicêtre et de

la Salpêtrière, car, pour ces dernières places, les épreuves ont été

établies, selon le désir de M. le préfet de la Seine, de manière à

être tout à fait équivalentes à celles du concours des hôpitaux aux-

quels sont assimilés les médecins des quartiers d'aliénés '.

1 Voici en quoi consistent les épreuves des trois concours dont il est

question :

CLINICAT DES MALADIES MENTALES.

1° Épreuve sur un cas de maladie ordinaire (10 minutes d'examen;

10 minutes d'exposition).

VARIA. 405

L'examen des épreuves exigées pour chacun de ces concours

justifie pleinement nos remarques. Le groupe a ensuite lixé les

autres conditions et s'est arrêté à la rédaction suivante :

Pourront être admis ci concourir : tous les docteurs en médecine

français, reçus depuis deux ans; tous les médecins adjoints des

asiles et tous les chefs de clinique des maladies mentales relevant

d'une Faculté de l'Etat. Ceux qui auront été nommés depuis deux

ans médecins adjoints des asiles d'aliénés recevront avant le com-

mencement des épreuves un nombre de points égal au dixième du

nombre maximum. - Pour ceux des candidats qui, en même temps

qu'ils auront rempli les fonctions de médecin-adjoint auront été chefs

de clinique, nommés au concours auprès d'une chaire de maladie

mentale dans une Faculté de l'Etat, l'avantage pourra être doublé.

Les travaux et publications scientifiques d'un candidat lui seront

comptés pour un nombre de points que le jury fera connaître avant

le commencement des épreuves et qui sera, au plus, égal au dixième

du maximum.

2° Consultation écrite sur un cas de médecine mentale (10 minutes

d'examen; le jury déterminera le temps accordé pour la rédaction).

3° Leçon clinique de 20 minutes sur deux malades aliénés (après 10 mi-

nutes d'examen pour chacun).

MÉDECINS DE BICLITRE ET DE LA SALPÊTRIÈRE.

1° Epreuve écrite (3 heures), 30 points.

2° Epreuve clinique sur un malade atteint d'une maladie ordinaire

(10 minutes d'examen; 20 minutes pour la leçon orale), 20 points.

3" Epreuve clinique sur les maladies mentales; un seul malade (20 mi-

nutes pour l'examen, 20 minutes pour la dissertation), 20 points.

4° Double épreuve écrite comprenant une consultation, après l'examen

d'un aliéné, et rapport sur un cas d'aliénation mentale (15 minutes pour

l'examen de chacun des malades; une heure et demie pour la rédaction

du rapport et de la consultation), 30 points.

50 Epreuve clinique sur deux malades aliénés (1S minutes pour cha-

cun d'eux; 30 minutes pour la dissertation), 30 points.

MÉDECINS DES HÔPITAUX.

1.0 Epreuve clinique sur un malade (10 minutes d'examen, 15 minutes

de dissertation), 20 points.

20 Epreuve orale théorique sur un sujet de pathologie (20 minutes de

réflexion; 20 minutes pour la leçon), 20 points.

30 Consultation écrite sur un malade (10 minutes d'examen; 3/4 d'heure

pour la rédaction), 20 points.

4° Composition écrite sur un sujet de pathologie (3 heures), 30 points.

5a Epreuve clinique sur deux malades (20 minutes pour l'examen des

deux malades; 30 minutes pour la dissertation), 30 points.

406 VARIA.

Un concours pour la nomination au grade de médecin en chef

des asiles sera ouvert par les soins du Ministère de l'intérieur

toutes les fois que les besoins du service le comporteront, et, chaque

fois, trois places au moins devront être mises au concours.

Les épreuves du concours seront à la fois théoriques et pratiques.

Les candidats classés les premiers par le jury en nombre égal à

celui des places mises au concours, seront nommés au grade de mé-

decin en chef des asiles d'aliénés et seront placés par ordre de pla-

cement au sur et à mesure des besoins du service.

A partir de leur nomination et même en attendant leur placement,

ils recevront le traitement appartenant à la dernière classe de leur

grade, et ils pourront être employés à faire des intérims. Ceux qui

seront médecins adjoints dans des asiles POU1'I'onl continuer à enrem-

plir les fonctions jusqu'à leur placement.

En admettant les médecins adjoints et les médecins chefs de ser-

vice à faire des remplacements, les membres du cinquième groupe

pensent mettre de la sorte l'Administration en mesure de pour-

voir aux besoins des asiles lorsque les médecins chefs de service

sont en congé ou empêchés par la maladie.

Il s'est agi, jusqu'ici, des médecins chefs de service des asiles

publics, mais, à côté d'eux, il y a : 1° les médecins des asiles pri-

vés faisant fonctions d'asiles publics et 2° les médecins des quartiers

d'hospices. Aujourd'hui, les premiers sont choisis par les proprié-

taires des asiles privés et doivent être simplement agréés par les

préfets, à moins de clauses contraires insérées dans les traités.

Les seconds sont nommés par les commissions administratives,

après ou sans concours, en vertu de la loi d'août 1851. Les

membres du cinquième groupe ont été unamimes à demander

que les médecins des deux catégories soient nommés par le même

concours que les médecins adjoints des asiles publics.

Médecins chefs de service des asiles de la Seine. - La question re-

lative au mode de recrutement du personnel médical des asiles de

la Seine a fait l'objet d'une discussion à part. Deux opinions se

sont trouvées en présence : 1° recrutement des médecins des asiles

de la Seine par un concours spécial; 2° recrutement de ces mé-

decins parmi les médecins chefs de service des asiles des dépar-

tements ayant subi le concours commun.

On sait que, actuellement, la population des asiles de ce dépar-

tement est évaluée au chiffre de 8,125; 4,125 sont traités dans

divers asiles d'autres départements, et 4,000 seulement dans les

asiles de Sainte-Anne, Vaucluse, Ville -Evrard et les deux quartiers

d'hospice de Bicêtre et de la Salpêtrière.

Le but poursuivi par le Conseil général de la Seine et par l'admi-

nistration est de restreindre de plus en plus l'envoi des aliénés de

VARIA. 407

la Seine en province. Cette oeuvre, pour être entièrement accomplie,

exige un temps et des dépenses considérables. Mais pour qu'il n'y

ait pas de doute sur ses intentions, le Conseil général a voté les

fonds nécessaires pour l'érection à Villejuif d'un nouvel asile,

devant contenir 1,200 aliénés.

De là ressort un point important : C'est que, de même que

par le nombre de ses hôpitaux et de ses hospices, par le chiffre de

ses malades et de ses infirmes, Paris a dû être pourvu d'un orga-

nisme spécial, Y Administration de l'Assistance publique, de même,

il a semblé à plusieurs membres du groupe que la population con-

sidérable des aliénés de la Seine, la multiplicité de ses asiles justi-

fiaient une organisation différente, au moins sur certains points,

de celle qui est acceptée pour la généralité des asiles de France.

Contre cette idée, on objecte la crainte de créer une oligarchie

médicale et aussi celle d'éloigner plutôt que d'attirer les jeunes

médecins vers la spécialité des maladies mentales. Ces craintes

sont-elles fondées ? Les partisans de la spécialisation du concours

ne le croient pas. En effet, cette oligarchie médicale existe dès

maintenant pour les médecins des hôpitaux de Paris, pour les mé-

decins des hôpitaux ou les professeurs des Facultés de médecine

de toutes les grandes villes. Cette suprématie d'ailleurs est juste,

puisqu'elle repose en général sur la valeur scientifique démontrée

par des concours répétés et par des publications souvent nom-

breuses.

Loin d'éloigner les candidats, le concours spécial en créerait.

Car, suivant eux, beaucoup d'anciens internes des hôpitaux qui se

font inscrire pour les concours de médecin et de chirurgien des

hôpitaux ou se feront inscrire pour celui d'accoucheur des hôpitaux

se dingerontversce concours s'ils sont assurés d'avoir des débouchés,

et cela parce qu'ils restent à Paris ou dans son voisinage, qu'ils

peuvent se tenir dans le courant scientifique, tandis que jamais,

fort probablement, ils ne prendront part à un concours qui aura

pour conséquence, s'il se termine en leur faveur, de les éloigner,

sinon définitivement, au moins pour un long temps, des asiles de

la Seine, et partant, de Paris.

Le but poursuivi par les partisans d'une spécialisation du con-

cours pour la Seine, c'est d'élever le niveau du corps médical des

asiles d'aliénés de ce département, de manière à permettre son

assimilation aussi complète que possible avec le corps des médecins

des hôpitaux de Paris.

Il convient aussi de rappeler que si, conformément à l'article 3

de la loi du 10 janvier 1 849, l'Administration de l'Assistance publi-

que avait conservé la tutelle des aliénés, elle aurait procédé pour

la nomination des médecins des asiles de Sainte-Anne, Ville-Evrard

et Vaucluse, comme elle l'a fait pour les médecins des quartiers de

Bicêtre et de la Salpêtrière, et que les chefs de service de ces asiles

408 VARIA.

seraient médecins des hôpitaux, comme l'étaient ou le sont

MM. Trélat, Archambault, Baillarger, Delasiauve, Moreau (de Tours),

J. Voisin, Bourneville, Charpentier et Deny.

L'une des objections principales formulée par M. Foville con-

siste à dire que ce système lèse les médecins adjoints et les mé-

decins chefs de service des asiles de province qui, plus préoccupés

de la pratique que des études théoriques se trouveront infériorisés

à de jeunes docteurs sortant de l'internat. Nous ne le croyons pas ;

voici pourquoi. D'abord, au sur et a mesure que les asiles de la

Seine se complèteront, il y aura un roulement assez fréquent et,

partant, des concours assez rapproches. Ils le seront encore plus

si, comme il en a été question, on diminue le nombre des malades

confiés à chaque médecin. Par conséquent, il s'écoulera un court

espace de temps entre les concours de la Seine et ceux auxquels

auront pris part les médecins des asiles de province pour être

nommés médecins adjoints ou médecins chefs de service.

Enfin, pour donner satisfaction à tous les intérêts, et surtout

pour rendre justice aux concurrents, il conviendrait d'ajouter aux

épreuves actuelles, théoriques et pratiques, des concours de Bi-

cêtre et de la Salpêtrière une épreuve nouvelle : l'examen des titres

scientifiques, en y joignant une appréciation des services rendus 1.

Grâce à cette innovation, il pourra être tenu compte, dans les

concours, d'un élément important, et on encouragera sérieuse-

ment les jeunes gens à se livrer aux recherches cliniques, aux tra-

vaux de laboratoire; en un mot,à faire acte d'initiative, au lieu de

donner le pas à ceux qui n'ont d'autres qualités que celles qu'on

acquiert par la fréquentation assidue des conlérences et qui, finis-

sant par arriver après des concours nombreux, ont perdu souvent

l'habitude des recherches et ne contribuent que médiocrement au

progrès de la science, si intimement lié au bien-être et au trai-

tement des malades.

L'assimilation que l'on a voulu établir entre les médecins des

asiles et le corps des officiers, celui des ingénieurs des ponts et

chaussées, est combattue par la minorité du groupe. En effet, pour

être logique, il faudrait l'étendre à tous les médecins des hôpi-

taux, à tous ceux qui occupent des fonctions. L'officier, l'ingénieur

vit de sa paye, il n'en est pas de même le plus souvent des méde-

cins qui reçoivent un traitement ou une indemnité plus ou moins

modiques, parce qu'on sait qu'ils ont à leur disposition la clien-

tèle, la consultation ou des travaux scientifiques. A ce compte, on

écarterait tous les médecins qui, peu fortunés, se sentent la force,

le talent nécessaires pour aspirer à des situations plus favorisées.

Adopter pour l'obtention des places de médecins chefs de

1 Voir sur ce point les rapports présentés par nous au Conseil général

de la Seine sur le service des aliénés pour 1878, 1879, 1880, 1881 et 1882.

VARIA. M9

services un système analogue à celui de l'Ecole polytechnique,

comme l'a proposé M. Ball, n'a pas été admis par le groupe. Il

serait tout au plus possible si l'on procédait d'un seul coup à la

nomination de tous les médecins, mais il a été convenu que l'on

ferait un concours chaque fois qu'il y aurait trois vacances. Se-

rait-ce le premier nommé de chaque concours qui pourrait obte-

nir les plus hautes fonctions ? Mais les concours sont très ditré-

rents. A un concours il y aura dix candidats, à tel autre, quatre,

six ou quinze. On voit qu'on ne peut pas accepter équitablement

un tel système.

Enfin, la minorité du 5° groupe, composée de M. Herold et du

rapporteur, a fait valoir la situation particulière de la Seine qui

possède, à Paris, la Faculté la plus fréquentée de France, où

existe l'émulation la plus grande, où se trouvent de nombreux

internes nommés au concours et pouvant fournir une riche pépi-

nière de candidats ; la nécessité d'avoir dans les asiles d'aliénés

de ce département des hommes dans la force de l'âge, capables

par leurs travaux scientifiques, par leur enseignement, d'aider à

un bon recrutement de tous les asiles de la France.

MM. Herold et Bourneville ont déclaré qu'ils ne verraient au-

cun inconvénient à ce qu'il fût procédé de la même façon pour

les asiles situés au chef-lieu des autres Facultés de médecine. Ces

arguments n'ont pas convaincu les membres du groupe qui, à la

majorité de trois (MM. Bail, Foville, Pilon) contre deux (11\l. He-

rold et Bourneville), ont déclaré qu'il n'y avait pas lieu d'instituer

un concours spécial pour les asiles du département de la Seine.

L'établissement du concours entraîne la suppression de la no-

mination des médecins par des préfets, conformément aux dispo-

sitions du décret du 23 mars 1852 sur la décentralisation adminis-

trative. Cette prérogative, d'ailleurs, était en réalité illusoire, car,

depuis la promulgation de ce décret, la nomination des médecins

a continué à se faire sur la présentation d'une liste dressée par

MM. les inspecteurs généraux. Hien n'a donc été changé que la

lettre; ce sont toujours les mêmes fonctionnaires qui présentent

les candidats au choix de l'autorité. Tous les médecins étant, à à

l'avenir, nommés à la suite d'un concours, il parait, en effet,

qu'au ministre seul puisse être dévolu le pouvoir de consacrer le

résultat du concours par la nomination. Enfin, le 5° groupe estime

que, dans le but de compléter les avantages du concours, il serait

bon d'établir un tableau d'avancement dressé par une commission

médico-administrative.

Depuis la publication de ce rapport, comme auparavant, le

Conseil générai n'a cessé, chaque année, de réclamer instamment

le concours spécial pour la Seine. Bourneville.

FAITS DIVERS

Asile DE BLOIS. M. le Dr Millet, médecin adjoint de l'asile de

Prémontré (Aisne), est nommé au même titre à l'asile de Blois et

maintenu dans la deuxième classe de son grade.

Asile DE Boozaar ? 111. le Dr Paul Gérente, nommé précédem-

ment par M. le gouverneur général de l'Algérie directeur-méde-

cin de l'asile de la Bouzaréa (Algérie), est assimilé aux directeurs-

médecins des asiles publics de la métropole pour prendre rang à

la suite des directeurs médecins de quatrième classe, en fonctions

au : ! 0 septembre 1883.

Asile DE LEYME. - L'établissement des aliénés de Leyme (arron-

dissement de Figeac) vient d'être le théâtre d'un drame épouvan-

table. Dans la soirée de endredi, 8 février l 884, une femme de ser-

vice commit l'imprudence de pénétrer dans la cellule d'une folle

dangereuse, sans se faire suivre de quelque gardien ou d'une autre

infirmière. Aussitôt la folle se précipite sur la porte, la ferme, et

prend la clef. Puis, elle tombe avec fureur sur la servante et lui

assène de si violents coups de poing sur la tête qu'elle finit par l'é-

tendre par terre sans connaissance et presque sans vie. Des gar-

diens et plusieurs autres personnes, accourus aux cris désespérés

de la victime, eurent la douleur d'assister à cette horrible scène,

derrière les barreaux d'une grille, sans pouvoir porter secours à la

malheureuse aussi promptement qu'ils l'auraient voulu. La porte

était en fer munie d'une grosse serrure, et la clef était enlevée.

Quand on put enfin forcer l'entrée de la loge. Il était trop tard.

L'infirmière respirait encore, mais deux heures après elle était

morte. (La Paix.)

Asile DE PRËMONTRË. M. le Dr BELLAT, ancien interne des asiles

de la Seine, est nommé médecin adjoint de l'asile de Prémontré

(deuxième classe). -

Incendie dans UN asile d'aliénés. - Dans son numéro du 29 dé-

cembre, The New-York med. Joum. nous apprend qu'un incendie

avait éclaté le jeudi précédent dans l'un des bâtiments du Lu-

natic asylllln on Ward's Island. Déjà les dégâts étaient considé-

rables lorsqu'on s'aperçut de l'accident. Grâce à l'habileté du super-

intendantde l'asile, le Dr Macdonald, les malades ont été préservés

de tout danger. La perte est évaluée à 20,000 dollars. L'asile

n'était pas assuré; l'eau a fait défaut.- Ce fait montre une fois de

FAITS DIVERS. 611 1

plus combien sont coupables les administrations hospitalières- et

l'Assistance publique de Paris n'échappe pas à ce reproche, qui

ne prennent pas, dans les asiles, Jeshùpltaux etles hospices, toutes

les précautions nécessaires contre l'incendie.

Femmes médecins dans les asiles d'aliénés. The med. Record

(de New-York) (22 décembre), nous apprend que 11 ? la doctoresse

Sarah Stockton a été nommée médecin de la division des femmes

de l'asile des aliénés de l'état d'Indiana.

L\ statue de BROC,\. - Dans une de ses dernières séances, le

conseil municipal de Paris, sur le rapport de M. Hattat, a accordé

à la Société d'anthropologie l'autorisation de faire élever la statue

de l3roca à l'angle du boulevard Saint-Germain et de la rue de

l'Ecole-de-Médecine, sur le terre-plein situé devant le pan coupé

de la nouvelle Ecole de médecine.

1 ? >srCTlON d'une statue au Dr GUISL11Y, Un Comité, qui compte

bon nombre d'illustrations médicales do la Belgique, vient de se

créer dans le but d'élever une statue au Or Guislaiu, à Gand, dans

sa ville natale. Il est inutile de rappeler la réputation universelle

de ce savant aliéniste, dont les écrits jouissent d'une autorité scien-

tifique incontestée et qui fut en Belgique un des promoteurs de la

réforme apportée au régime des aliénés. - Les personnes qui

seraient désireuses de souscrire peuvent s'adresser à M. le Dr Ingels,

médecin de l'hospice Guislatn, à Gand.

Une société neurologique A PnIL.IDBLPII1R. Le PhiladeltttC

Times annonce l'organisation d'une Société neurologique dans

cette ville. M. Kerlin est nommé président et le comité d'organi-

sation est composé de : MM. Mills, Sinkler, Chase, Eskridge et

Brubaker.

Prix concernant l'anthropologie criminelle D'tT.\LIE.-La Rivista

di discipline carcerarie, qui se publie sous le patronage de la di-

rection générale des prisons, a résolu de mettre au concours les

sujets suivants :

Première thèse. [Prix : 2,000 francs). - « Exposer les progrès

accomplis dans ce siècle (en Italie et ailleurs) dans les études

d'anthropologie criminelle, et les théories soutenues par les au-

teurs les plus autorisés; examiner les faits et les chiffres statistiques

qu'ils ont cités il l'appui de ces théories, et les soutenir ou les

combattre à l'aide d'autres faits et d'autres statistiques.»

Comme il est facile de le voir, l'importance de cette thèse ré-

side principalement dans la dernière partie, car les deux pre-

mières ne sont qu'une introduction historique. Il est donc naturel

de donner la préférence au mémoire qui contiendra la plus grande

quantité de recherches d'anthropologie criminelle.

412 FAITS DIVERS.

Nul en effet parmi ceux qui cultivent les sciences anthropolo-

giques, n'ignore que, de nos jours, une école de savants expéri-

mentalisles croit pouvoir trouver les causes déterminantes de

l'impulsion à commettre des délits dans le crétinisme, le goitre,

l'alcoolisme, la folie-des ascendants et les anomalies du corps et

spécialement du crâne; de même qu'elle croit pouvoir déterminer

quelques caractères particuliers dans la mesure du crâne et de la

face dans les erreurs de la parole et de l'écriture dans la

dynamomélrie, J'e<thésiométrie, l'algométrie, etc.

Deuxième thèse. (Pria; : 1,000 francs). - La deuxième thèse, à

laquelle est affecté un prix de 1,000 fr., consiste à exposer les règles

suivies par les anciennes législations pour définir et punir la ré-

cidive ; celles que l'on suit maintenant et à examiner surtout, en

se basant sur des faits, quelles sont les causes principales de la

récidive et les moyens pour la combattre.

Troisième thèse. (Prix : 1,000 francs). - La troisième thèse, à

laquelle est également affecté un prix de 1,000 fr., consiste à dé-

finir la volonté, à indiquer de quelle manière, à quelle époque

de la vie et sous quelles conditions internes et externes se déve-

loppe dans l'homme la faculté du vouloir, à indiquer quels sont les

moyens les plus efficaces pour augmenter l'énergie de la volonté

de manière à exercer une influence sur la formation du caractère

moral de l'homme et d'en faire un moyen de correction chez les

adultes.

Pour la première thèse, le concours est international, mais les

Mémoires ne pourront être écrits qu'en italien ou en français.

Pour les autres questions, le concours est réservé aux écrivains

italiens. Les Mémoires, originaux, inédits, anonymes, sur la pre-

mière thèse, devront être adressés franco à la direction de la Ri-

vista di discipline ea1'GCI'(l1'ic, au ministère de l'intérieur, avant

le 31 décembre 1884, et ceux sur les deux autres thèses, avant

le 30 septembre 1884. Chaque travail devra être accompagné d'une

devise répétée sur une enveloppe cachetée, dans laquelle devra se

trouver la signature de l'auteur. Les concurrents conserveront la

propriété de leurs écrits qui leur seront rendus aussitôt après que

la commission, chargée de les examiner, aura donné son avis.

Les auteurs des écrits récompensés devront les publier dans

l'espace de six mois, à dater du jour où ils auront été rendus, ou

bien les laisser publier dans la Riuislu di discipline carcerarie, si la

direction y consent. '

Dans le premier cas, l'auteur est obligé de donner cinquante

copies du mémoire publié, à la direction de la Revue; dans le

second cas, l'auteur recevra, en outre du prix fixé, cent .exem-

plaires. Le prix sera donné le jour de la publication du mémoire

récompensé. (Ann. méd. ]Jsyclwl.).

faits DIVERS. le 13

Conseil supérieur DE statistique. - Par arrêté ministériel en

date du 12 mars 1884, MM. les D13 Bertillon et Chervin sont nom-

més membres de la Commission chargée d'étudier les mesures à

prendre pour la création d'un conseil supérieur de statistique.

NÉCROLOGIE. - Le Centmlblatt sur Navenheilkunde, Psychiatrie,

etc., du 5 mars 1884, annonce la mort du Dl Frese, professeur de

psychiatrie, et directeur de l'hospice des aliénés de Saint-Péters-

bourg.

The american Journal of Neurology and Psychiatl'Y, annonce (nu-

méro 3), la mort, à 63 ans, du Dr B. WILBUII, super-inlendant de

l'asile des idiots de l'Etat de New-York, à Syracuse. Il aurait été

le premier qui se soit occupé de l'éducation des idiots aux Etats-

Unis, ayant établi la première école dans sa propre maison en

1848. Depuis 1854, il occupait la situation de médecin-directeur de

l'asile de Syracuse.

SÉQUESTRATION ILLÉGALE COMMISE PAR UN MAIRE. Nous, préfet du

Doubs, chevalier de la Légion d'honneur, vu les pièces d'enquête

desquelles il résulte :

1° Que M. Voisard, maire de la commune d'lndevillers, par lettre

en date du 30 juin 1883, a sollicité de notre prédécesseur l'inter-

nement à l'asile d'aliénés de Dôle de la femme Voisard, née

Brischoux, et a produit, à l'appui de sa requête, un certificat mé-

dical en date du 29 juin, attestant que cette femme était atteinte

de folie et qu'il était nécessaire, pour la sécurité publique, de la

placer dans un appartement spécial;

2° Qu'au vu de ces pièces, l'administration préfectorale a pris, à

la date du 10 juillet 1883, un arrêté autorisant l'admission provi-

soire de la femme Voisard à l'hospice de Bellevaux pour y être

placée en observation ;

3° Que dans la lettre susmentionnée, le maire d'indevillers a

trompé l'administration, en ne lui faisant pas connaître, d'une

part, que la femme Voisard n'habitait pas sa commune, quoiqu'en

étant originaire, mais qu'elle résidait depuis trente ans en Suisse,

avec son mari, et qu'elle ne se trouvait même pas à Iudevillers au

moment où son internement était demandé; et, d'autre part,

que le certificat médical avait été délivré par un praticien qui

n'avait pas vu cette femme, mais l'avait rédigé de confiance au vu

d'une attestation d'un médecin suisse ;

4° Qu'après être resté pendant plus de trois mois sans rien faire

usage de l'arrêté préfectoral précité, le maire d'indevillers a pro-

cédé, le 22 octobre dernier, avec l'aide de la gendarmerie requise

il cet effet et de deux autres personnes, à l'arrestation de la femme

Voisard, qui avait été attirée dans la commune à l'aide d'une lettre

mensongère à elle adressée; que cette arrestation a eu lieu entre

414 faits divers.

onze heures du soir et minuit; que le maire, pour pénétrer dans

la maison où la femme Voisard était descendue et devant le refus

d'ouvrir qui lui était opposé, a fait enfoncer les portes malgré les

cris et les protestations des habitants ; qu'il a obligé la malade à

s'habiller à la hâte, l'a fait emmener hors de la maison, l'a fait

monter sur une voiture et conduire à Besançon ;

Considérant que l'état mental de la femme Voisard ne présen-

tait à ce moment aucun danger pour la sûreté publique et la sécu-

rité des personnes; Considérant que, dans ces circonstances, le

maire d'Indevillers a gravement compromis la dignité de ses fonc-

tions en trompant l'administration; qu'il s'est associé à une ma-

noeuvre ayant pour but d'attirer la femme Voisard à lndevillers,

où elle ne résidait pas; qu'il a abusé de son autorité en requérant

illégalement la gendarmerie et en s'introduisant la nuit dans une

maison habitée;

Considérant que ces faits méritent une sévère répression ; vu la

loi du 30 juin 1838; vu la loi du 6 mai -183; sur la proposition de

M. le sous-préfet de 111onLbéliard,

Arrêtons : Art. le'. M. Voisard (Charles), maire de la com-

mune d'indevillers, est suspendu de ses fonctions. Art. 2.

M. le sous-préfet de Montbéliard est chargé de l'exécution du pré-

sent arrêté. Besançon, le 7 lévrier 1884. Le préfet du Doubs,

LEVAILLANT.

Les Epileptiques. Le Télégraphe, dans son n° du 7 février,

rapporte le fait suivant : « Au numéro 28 de la rue Mirrha habitait,

dans une chambre située au sixième étage, une jeune ouvrière,

nommée Alexandrine Brunet et à peine âgée de vingt-deux ans.

Cette jeune fille est atteinte d'une maladie terrible : elle a de fré-

quentes attaques d'épilepsie. En rentrant hier soir chez elle, elle fut

prise d'un nouvel accès ettomba sur le plancher. Elle entraîna dans

sa chute un petit poêle allumé, lequel communiqua le feu à ses

vêtements. Aux cris désespérés d'Alexandrine Brunet, les voisins

accoururent, enfoncèrent la porte et furent assez heureux pour

arracher la jeune fille à une mort épouvantable. Néanmoins, cette

malheureuse, outre ses brûlures sur tout le corps, a eu la jambe

droite carbonisée. Elle a été transportée à l'hôpital Lariboisière

dans un état désespéré. » Ce fait montre une fois de plus la

nécessité d'admettre largement dans les asiles les épileptiques,

surtout celles qui n'ont pas de famille ou qui n'ont pas d'aura

les avertissant assez à temps pour se prémunir contre les accidents.

Instabilité MENTALE.- Sous le titre de : L'escapade d'une gamine,

l'Union républicaine dcl'Eul'c raconte, dans son no du 10 février, le

fait suivant : « Samedi soir, une petite fille d'Ecardenville-sur-

Eure, nommée Marie C. B ? âgée de huit ans et demi, a quitté le

domicile de ses parents et est partie à l'aventure du côté de Pacy.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. H5 5

Elle est coutumière, parait-il, de ces escapades. A sa sortie d'Au-

theuil, elle demanda à un conducteur de voiture, qui passait, de

vouloir bien remmener avec lui. Celui-ci, voyant qu'il s'agissait

d'unegamine enfuie de chez ses parents, lui refusa une place pourla

décider à rentrer chez elle.

« Mais après avoir passé Chambra, quelle ne fut pas sa surprise

de voir que l'enfant s'était glissée dans sa voiture sans qu'il s'en

aperçut ! Il fut donc forcé de remmener à Pacy, où il la déposa à

onze heures du soir chez M. Bourgeot, à l'hôtel Saint-Lazare. L'en-

fant y passa la nuit et le lendemain matin, M. Bourgeot prévint

les autorités de ce qui s'était passé.

« Après quelques pas et démarches, les parents de l'enfant furent

informés de sa présence à Pacy et invités à venir l'y chercher.

Dans la journée, la gamine, restée en observation chez M. Bour-

geot, tenta de s'affranchir de cette surveillance par la fuite. Le

soir, arrivèrent les parents pour chercher cette luronne qui leur

avait fait passer une nuit et une journée d'inquiétude On pense,

dit la Vallée d'Eure, que cette petite fille n'aurait pas la tête bien

équilibrée pour être ainsi partie de chez elle à plusieurs reprises

et à propos de rien. »

Il s'agit là fort probablement d'un cas d'instabilité mentale,

comme on en voit un certain nombre à Bicêtre et à la Salpêtrière.

Ce sont des enfants qui ont besoin d'un traitement médical et

d'une éducation spéciale.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

PUBLICATIONS DU PROGRES MEDICAL

Bottnnsvmcn et BRICON. Manuel des injections soiss-cutanees. Un

\olume in-32 de 9 ! 0 pages. Prix : broché, 2 fr. 50 ; pour nos abonnés, 2fr.

Prix : cartonné 3 Ir.; pour nos abonnés, 2 fr. 50.

Bourneville et D'OLIER. Recherches cliniques et thêmpniliques sur

l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu du service des epileptiques

et des enfants idiots et arriérés, de Bicêtre, pendant l'année 1880. Brochure

in-80 de 7G pages. Prix : 3 fr.; pour nos abonnés, 2 fr.

Boukneville et REGNARD. Iconographie photographique de la Salpd-

trière. Cet ouvrage parait par livraisons de 8 à le pages de texte et 4

photo-lithographies. Douze livraisons forment un volume. Les trws prr-

rniers volumes sont en vente Prix du volume sous carton : 30 fr.; pour

nos abonnés, 20 fr. Les volumes se vendent séparément. Il ne nous reste

plus que quelques exemplaires du tome I. (Cet ouvrage a été couronné

416 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

par l'Académie des Sciences, dans sa séance du2 avril 1883). -Nous avons

fait relier quelques exemplaires dont le texte et les planches sont montés

.suronglets; demi-reliure, tranche rouge, non rognés. Prix delà reliure : 5 fr.

Gouguenueim (A.) Des névroses du larynx. Leçons professées à l'hôpital

de Lourcine en 1S82, recueillies par F. morion. Brochure in-8" de 29 pages.

Prix : 1 fr. ; pour nos abonnés, 70 c.

Marie. Contribution à l'étude et au diagnostic des formes frustes de la

maladie de Basedow. Volume in-8" de 86 pages. Prix : 2 fr. ; pour nos

abonnés 1 fr. 35.

PLUYAlID (P.-J.) - Étude des réflexes tendineux dans la fièvre typhoïde.

Un volume in 8° de 72 pages. Prix : 2 fr.; pour nos abonnés, 1 fr. 35.

LIBRAIRIE GERMER-BAILLIÈRE, 168, boulevard Saint-Gcrmain.

Bouchaudat (A.). - De la glycosurie ou diabète sucré; son traitement

hygiénique, avec notes et documents. Un volume in-8° de 397 et CCXIV

pages. Prix : 18 fr. Paris, 18818.

SULLY (T.). Les illusions des sens et de l'esprit. Un volume in-8"

cartonné de 264 pages. 42e volume de la Bibliothèque scientifique inter-

nationale. Prix : 6 fr.

VARiGsy (H.-C. de). Recherches expérimentales sur l'excitabilité

électrique des circonvolutions cérébrales et sur la période d'excitation

Intente du cerveau. In-8° de 139 pages. Prix : 2 fr. - Paris, 188t.

Librairie F. Alcan.

LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE, 19, rue Hautefeuille.

Bastings (A.) Réforme médicale sous le double rapport scientifique et

pratique. (Essai d'élever la médecine au niveau des sciences physiques

en déterminant la cause anatomique de chaque maladie et le moyen

rationnel de la combattre). Un volume in-8" de 95 pages. Prix : 2 Ir.

BUTTURA (A.) L'hiver à Cannes et au Cannet. Les bains de mer de la

Méditerranée. Un volume in-8° de 108 pages, avec une planche en cou-

leurs. Prix : 2 fr. 50.

Encyclopédie internationale de chirurgie publiée sous la direction du

docteur John Asrmunsr et illustrée de figures intercalées dans le texte.

Ouvrage précédé d'une introduction par L. GOSSELIN. L'ouvrage compren-

dra 6 grands volumes in 8° de 800 pages chacun à deux colonnes avec

2,000 figures. Chaque volume se composera de 5 fascicules de 160 pages

chacun. Prix de chaque fascicule : 3 fr. 50. Les deux premiers fascicules

sont en vente.

Kocuen (A.). De la criminalité chez les Arabes au point de vue de la

pratique nzéclico-judiciaire en Algérie. Brochure in-8° de 244 pages.

Prix : 7 fr. Paris, 1881. J.-B. Baillière.

KussMAuL (Ad.). -Les troubles de la parole. Traduit par le Dr A. RUEFF.

Précédé d'une introduction par B. BALL. In-8" de XV. 375 pages.

Prix 7 fr. Paris, 1884. J.-B. Baillière.

LEGRAND du SAULL. Les hystériques. État physique et état mental.

Actes insolites, délictueux et criminels. Un volume in-8» de 625 pages.

Prix : 8 fr.

LIBRAIRIE 0. DOIN, 8, place de l'Odéon.

Brousse (A.) De l'ataxie héréditaire (Maladie de Friédreich). Bro-

chure in-8" de 100 pages.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 417 i

Mabit. - De la manie chronique à forme rémittente. Brochure in-8" de

240 pages. Prix 4 fr.

Ritti (Ant.). Éloge de L.-V. Marcê. Lu à la séance publique annuelle

de la Société médico-psychologique du 24 avril 1882. Brochure in-so de

24 pages.

Ritti (Ant.). - Traité clinique de la folie à double forme. (Folie cir-

culaire, délire à formes alternes). Un volume in-8" de 393 pages. Prix :

8 fr.

LIBRAIRIE G. MASSON, 120, boulevard Saint-Germain.

BILLOD (E.). - Les aliénés en Italie. - Etablissements qui leur sont con-

sacrés. Organisation des maladies mentales et nerveuses. Un volume

in-8- de 355 pages. Paris, 1884. Librairie G. Masson.

GowEns. (W.-R.). De l'épilepsie et autres maladies convulsives chro-

niques. Traduit de l'anglais par le D A. Carrier. Un volume in-8° de

487 pages. Prix : 10 fr. Paris, 1884. G. Masson.

MAIRET (A.). De la démence mélancolique. (Contribution à l'étude de

la peri encéphalite chronique localisée et à l'étude des localisations céré-

brales d'ordre psychique). Un volume in-8^ de 318 pages, avecll planches

lithographiées.

C-4MPAN (L.). Asile public d'aliénés de Cadillac. Compte rendu médical

de l'exercice 1881. Brochure in-8^ de 91 pages. Bordeaux, 1882. Imprimerie

Grenouilhou.

DANA (C.-L.) The asylum superintendents on the needs of the insane,

with statistic on insanity in the united States. Extrait du Journal of

nervous and mental dzsense. Brochure in-8° de 17 pages. New-York, 1882.

Putnam's sons.

Grasset (T.). De l'aniblynpie croisée et de l'hémianopsie dans les

lésions cérébrales. (Nouveau schéma du trajet présumé des fibres optiques).

Brochure in-8" de 15 pages, avec une planche hors texte. Montpellier

médical, févtier 1883. Montpellier.

BIIItCKAAI1DT (L.). Ein fall von 1VOI'Uallbheit. (Extrait du Correspon-

denz-Blatt sur sclnveiz. Aerzte Jahrg. XII (1882). Brochure in-8" de 10

pages.

FRANZOUM (F.) et CRIAI' (G.) - Relazione finale sulla epidemia di istero

demonopatie tn Verzegnis. Brochure in-8" de 5 pages. nledic., 1883.

Morselli (L.) - Recherche sperinzentali, intorno alla azione ipczotiac

sedativa pnraldeide nette malattie mentali. Communicazione preventiva

(Dall'istituto psichiatrico di torino. Brochure in-So de 19 pages. Milano,

18S3. F. Vallardi, 15, via Disciplini.

LIBRAIRIE J.-A. CHURCHILL, New Burlington street, à London.

Page (W.) Injuries of the spine and spinal cord without apparent

mechanical lesion, and ne ? -vous schock in their surgical and medico-legal

aspects. Un volume in-8° cartonné de 374 pages.

LIE;AIRIE A. DELAHAYE et E. LECROSNIER,

place de l'École-de-Médecine.

CACHER (G.). - Etude sur la syphilis pulmonaire. Volume in-8- de

101 pages. Paris, librairie A. Delaliaye et E. Lecrosnier. Prix : 3 fr.

Archives, t. VU. 27

418 X BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

CATOIS (E.-H.). - Etude sur le sycosis. Volume in-8" de 130 pages,

Paris, librairie A. Delahaye et E. Lecrosmer. Prix : 3 fr. 50.

Hetvnor (H.). Notes de clinique médicale (huitième année). Brochure

in-8" de 28 pages, Paris, librairie A. Delahaye et E. Lecrosnier. Prix : 1 fr. 50.

QuttfQUAUD (E.) De la scrofule dans ses rapports avec la phthisie

pulmonaire. Un volume in-8" de 175 pages. Prix : 3 fr. 50.

RELIQUET. De la lithotritie rapide. Brochure in-8° de 79 pages avec

28 figures intercalées dans le texte. Paris, librairie A. Delahaye et E. Le-

crosnier. Prix : 1 fr. 60.

VEIL (F.). - Etude sur la pathogénie des ascites ck/lifornes. Brochure

grand in-S" de 75 pages, Paris, librairie A. Delahaye et E. Lecrosnier.

Prix : 2 fr. 50.

VIMONT (G.). Etude sur les souffles du rétrécissement et de l'i7tsuffi-

sance de l'artère pulmonaire. Volume in-so de 200 pages. Paris, librairie

A. Delahaye et E. Lecrosnier. Prix : 4 fr.

ANNUAL report of the trustées of the State hospital loi- the insane, War-

ren, 1883. Brochure in-8" de 50 pages. Warren, Penn'a, 1884. E. Cor-

van et C».

ARIIIANGUÉ (.1.). - Casi di epilessia pseudo-gaslrica. Brochure in-8" de

12 pages. Firenza, 1883. Topografie cooperativa.

CenrErtren (W.-M ). American neurologrcal association V, Ninlh annual

meeting. Brochure in-8^ de 88 pages. - New-York, 1884. Putnam's sons.

FRENELL. De l'hydrothérapie dans le traitement du goitre exophtal-

mique Brochure in-8» de 8 pages. Nancy, 1883. Berger-Levrault.

HUGIIE9 (C.-H.). Moral (affective) Insanilrl. Psycho-sensory Insanity.

Brochures in-8" de 18 pages. New-York, 1884. Aliemst and neurologist.

JACOHI (A.). Infant fceding and infant foods. (The anniversary ad-

dress, delivered before the New-York state médical Society). Brochure

in-8» de 24 pages. Plriladelphia, au journal l'he medical News.

Marie-Girod. - Les aliénés en Savoie. Un volume in-8» de 215 pages.

Chambéry, 1884. Imprimerie Châtelain.

Millet (.1.). Des vertiges chez les aliénés. Paris, 1884. Imprimerie

de l'Etoile, 1, rue Cassette. - Résumé du mémoire qui a obtenu le prix

Esquirol en 1883.

Stillmann (Ch.-F.). Contributions to orthopoedic Surgery. An aid

to the mechanical trealment of weah ankles and inverled feel. Brochure

in-8" de 12 pages avec 16 figures dans le texte. New-York, Crawford,

Printer 49, Park Place.

Contributions to orthopoedic Surgery. A new system of surgical me-

chantes. Brochure in-go de 14 pages avec 15 figures dans le texte, Phila-

delphia, Collins, Printer, 705, Jone Street.

WINTER1VITZ (W.). Zur frage der typhus-behandluny. Brochure in-8"

de 25 pages. Wien und Leipzig, 1884. Urban et Schwarzenberg.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

TABLE DES MATIÈRES

Académie de médecine, 381.

Acoustique (noyau externe de l'),

par Monakow. 124.

Aliénation mentale (du rôle de la

profession dans le développement

de 1'), par Charpentier, 343.

Aliéné (cerveau d'un - attemt de

folie systématique), 380.

Aliénés (projet de 101), 14, 143,381;

- (législation en Amérique), 137 ;

- (sorties des), 254. ? 63 ; -(pro

tection des - en dehors des éta-

blissements spéciaux), 357, 358;

- (inculpés), 3G(l.

Amyotropliies spinales protopathi-

ques, par dorisseu, 333.

Athétose, 3.15.

Ataxie (hémiatrophie de la langue

dans l'), 191; - (troubles uri-

naires dans l'), z24 ; - (hérédité

nerveuse dans la genèse de l'),

259.

Atrophie, musculaire. articulaire et

osseuse, névronathique, ayant,

par son étendue, entraîné des

difformités remarquables, par

Senger, 340.

Buveurs (du réveil du délire alcoo-

liqtic chez les), par Gabriel, 394.

Capsule externe (irradiations de la),

par Aleyiiei t, 374.

Cérébrale (irritation - chez les en-

fants), par J. Simon, 248; - (sy-

philos), 249.

Cérébrale (recherches sur la struc-

ture comparée de l'écorce), par

Bevan Lewis, 120.

Cérébrales (localisations), 145.

'Cérébraux (nouvelle communica-

tion concernant l'influence de la

destruction unilatérale du bulbe

sur le développement des hémis-

pbéres), par Furstner, 124.

Cerveau (nouvelles communications

sur les arrêts de développement

produits sur le - du lapin par

)'e\tirpation de zones corticales

circonscrites), ])ai- Nlonillov, 1 I-)5 ;

(sur la commotion du), par

Ttlmus. 135.

Choréiques(des paralysies chez les),

par Ollive, 276.

Colonie annexe de l'asile de Vau-

cluse, 140.

Congrès annuel de la Société des

médecins aliénistes allemands,

359.

Corde du tympan (de la voie que

suivent les fibres gustatives de la

- pour se rendre à l'encéphale),

par Erb, 124.

Démence paralytique (anatomie pa-

thologique de la), 365.

Diabète (pathogénie du- insipide),

par Flatten, 249; - (de la mort

subite et du coma dans le), par

Frerichs, 250.

Divorce, 379.

Encéphale (anatomie de 1'), par

Mendel, 375.

Examen (introduction de la psy-

chiàtrie dans les épreuves <l'),

360.

Famille névropathique (la), par Ch.

Féré, 1, 173.

Genou (sur une source d'erreur

éventuelle dans la recherche du

phénomène du), par Vestphal,

326 ; (phénomène du et dia-

thèse névropathique), par Bloch,

334.

Gliôme (inflammation parenchyma-

' teuse du système nerveux central

420

TABLE DES MATIÈRES.

et ses rapports avec le), par

Meyer et Bayer, 337.

Goitre (mort par paralysie des

cordes vocales), par Seitz, 253.

Hémiplégie homonyme de la face

et des membres dans les lésions

en foyer de la protubérance an-

nulaire, par Romlot, 276.

Hérédité morbide (de 1' ' et de ses

manifestations vésaniques dans

la paralysie générale), par Sau-

ton, 395.

Hérédité nerveuse (du rôle de l' -

dans la genèse de l'ataxie loco-

motrice progressive), par Ballet

et Landollzy, 259.

Herpès zoster (étiologie de l'), par

Erb, 245.

Hydrothérapie, 86.

Hypoglosse (trajet intra cérébral

de 1'), par Raymond et Artaud,

145, 296.

Hystérie chez l'homme, par Paster-

natzky, 245; par Lecoq, 247;

- par Walton, 253.

Hystérie (deux cas d'), par Wallon,

253.

Hystérique (tremblement - d'ori-

giue traumatique du membre in-

férieur droit), par Carafi, 247;-

(paraplégie -), 248.

Ilystéro-épilepsie chez un jeune

garçon; guérison par l'hydrothé-

rapie, par Bourneville et Bon-

naire, 86 ? 352.

Langue (de l'hémiatrophie de la-

dans le tabes dorsal ataxique),

par Ballet, 191 .

Législation des asiles d'aliénés en

Amérique, 137.

Localisations cérébrales, 145, 296,

337, 339.

Localisations spinales, 341.

Mélancolie anxieuse (perte de la vi-

sion mentale dans la), par Cotard,

289.

Méningite tuberculeuse chez une

jeune fille de dix-neuf ans, par

Liandier, 246.

Mérycisme (du), par Bourneville et

Ségalas, 101, 312.

Moelle (étude d'un cas de fausse

sclérose systématique combinée

1 de la), par Ballet et Minor, 44 ;

(blessure de la - cervicale par

une épingle à cheveux), par Viry,

249; (contribution à la patho-

logie de la), par Strumpell, H30.

Myélite (cas insolite de par com-

pression), par Knecht, 336.

Névropathique (la famille), par Ch.

Féré, 1, 173.

Névrose convulsive (cas insolite de),

par Legrand du Saulle, 127.

Névroses résultant de l'épuisement

de l'économie, 371.

Névroses vaso-motrices des extré-

mités, par Bernhardt, 335.

OEdème circonscrit comme cause

de symptôme d'une affection en

foyer, par Holloender, 332.

OEil (du trajet des fibres qui ser-

vent à rétrécir la pupille et de la

localisation du centre de l'iris et

de la contraction des muscles

moteurs de l'), par Bechtereff,

121.

OEil (paralysie progressive de la

totalité des muscles de 1' chez

les aliénés', 363.

Ophthalmoscopiques (états chez

les aliénés), 376.

Optiques (de la direction des fibres

- à partir des corps genouillés

jusqu'aux corps genouillés), par

Bechtereff, 123.

Paralysies chez les choréiques (des),

par Ollive, 276.

Paralysie combinée du bras et de

l'épaule, par Vierordt, 333.

Paralysie diphthéritique, par Da-

maschino, 248.

Paralysie générale (anatomie patlio-

logique), 379; (de l'hérédité

morbide et de ses manifestations

vésaniques dans la), 395.

Paraplégie hystérique, par Moizard,

248.

Paralysie pseudo-hypertrophique,

par Damaschino, 248.

Paralysie saturnine, 247.

Pédoncule cérébelleux supérieur

(dégénérescence secondaire du),

par mindel, 331.

Physiologie (les premières ques-

tions de la), par Luciani, 126.

Possédée (hrocns-verbal fait pour

délivrer une fille par le malin

esprit il Louvicrs), 396.

Psychiatrique (relation d'un voyage

en Danemark, en Suède et en

Norwège), par Claus, 278, 398.

TABLE DES MATIERES.

421

Réflexes (sur quelques - dans l'en-

fance), par Eulenburg, z

(cutanés et tendineux), par

Schwarz, 343.

Restiforme (corps), par Monakow,

124.

Saturnine (paralysie - des exten-

seurs de la main par intoxication

locale), par Frémont, 247.

Sciatique (traitement de la), par

Glatz, 333.

Sclérose latérale amyotrophique,

par J\Iicrzejewski et Erlitzky, 250.

Sinus falciforme supérieur (engor-

gement chronique du), par Po-

pofi, 307.

Si-Yucn-Lu (exposé des principaux

passages contenus dans le , par

Martin, 275.

Société médico-psychologique, 127,

254, 343.

Sorties des aliénés. 25t,, 265.

Surmenage dans les établissements

d'instruction, 363.

Syphilis cérébrale, par Chante-

messe, 249.

Système nerveux (des troubles uri-

naires dans les maladies du), par

Féré, 224 ; (maladies du), par

Ross, 394.

Tabes dorsal (le traitement galva-

nique du et la réaction anor-

male des nerfs cutanés sensitifs

au courant), par Neftel, 339.

Tendineux (durée latente et carac-

tère pseudo-réflexe des phéno-

mènes), par Eulenburg, 123.

Tremblements (recherches expéri-

mentales sur les - dépendants

de l'écorce du cerveau), par Pas-

ternatzky, Il-)6.

Tumeurs tuberbuleuses du cerveau,

par Heubner, 329.

Urinaires (des troubles dans les

maladies du système nerveux et

en particulier dans l'ataxie loco-

motrice), par Ch. Féré, 224.

Vision mentale (perte de la - dans

la mélancolie anxieuse), par Co-

tard, 289.

Zoster (herpès), 245; (fièvre

et exanthèmes zostériformes), par

Landouzy, 246.

TABLE

DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Arndt, 369, 379.

Artaud, 145, 296.

Ballet, 132, 191, 259, 352,

358.

Bayer, 337.

Bechtereff, 121, 123.

Bénet, 396.

Bernhardt, 335.

Binswanger, 368, 371.

131ooh, 334.

' Bonnaire, 86.

Bouchereau, 358.

Bourneville, 86, 101, 312.

Briand, 134, 275, 359.

Bubuoli, 123.

Carafi, 247.

Chantemesse, 249.

Charpentier, 343.

Christian, 28, 273, 357, 359.

Chvostek, 339.

Clans, 278, 398.

Cotard, 289.

Damaschino, 248.

Danillo, 260.

Deny, 247, 248, 249, 333, 334, 393.

Dreyfous, 253.

Erb, 124, 245, 333.

Erlitzky, 250.

Eulenburg, 123, 327.

Falret, 254,258, 265, 273, 275, 357,

358.

Féré (Ch.), 1, 130, 137, 173, 224,

246, 253, 275, 276, 177, 394, 395,

396.

Flatten, 249. '

Foville, 273, 355, 357

Frémont, 247.

Frensberg, 379.

Frerichs, 250.

Furstner.12').

Gabriel, 394.

Glatz, 333.

Heubner, 329,

Ilitzig, 376.

Holloender, 332.

Jansen, 374.

Jorissen, 333.

Kahn (T.), 245.

Kéraval, 124, 125, 126, 127, 245,

249, 327, 329, 330, 331, 333, 335,

336, 337, 339, 340, 341, 353, 381,

403.

Knecht, 336, 337,

Labitte, 258.

Landouzy, 246.

Lasègue, 393.

Lecoq, 247.

Legrand du Saulle, 127, 259, 274,

359.

Lewis (Bevan), 120.

Liandier, 246.

Loehr, 360.

Luciani, 126.

Lunier, 259,273, 353, 357.

Maestre (De la), 265, 274, 275.

Marie (P.), 154, 342.

Martin, 275.

Monde), 331, 367, 368, 374, 375,

376.

Meyer, 337.

Meynert, 365, 370, 374.

Mierzejewski, 250.

1111nor, 44, 376.

Moeli, 376.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. l'33

Dloizard, 28.

Monakow, 124, 125.

Moray (de), 396.

Mottet, 258, 2b9, 265, 353.

Neftel, 339.

Ollive, 276. ,

Pasternatzky, 126, 244.

Popoff, 307.

Raymond, 145, 296.

Ritti, 356.

Roller, 376.

Rondo ! , 276.

Ross, 394.

Sahli. 341.

Sakaki, 380.

Salifier, 379.

Sauton, 395.

Schwarz, 343.

Séglas, 101, 312.

Seltz, 253.

Senger, 340.

Simon, 248.

Sinidt, 370.

Strumpell, 330.

Taguet, 352.

Tilanus, 134.

Tuczek, 365, 367, 370.

Uthhoft, 378.

Vierordt, 333.

Viry, 249.

Voisin, 353, 357.

Walton, 253.

Westphal, 327, 363, 368, 369.

Wildermuth, 361, 379.

Archives de Neurologie T VII PL I

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE PREMIÈRE

Fig. 1. -.Coupe de la moelle au niveau de la partie supérieure du

cône médullaire.

Fig. 2. Coupe transversale à la partie inférieure de la région

lombaire..

a, Prolongement scléreux émané de la pie-mère.

Fig. 3. - Coupe transversale à la partie moyenne de la région lombaire.

a, Prolongement scléreux émané de la pie-mère.

Fig. 4, 5, 6. - Coupes transversales de la région dorsale.

426 EXPLICATION DES PL4NCHES.

PLANCHE Il

Fig. 7, 8. Coupe de la région dorsale.

a, Sclérose latérale.

b, Sclérose du faisceau de Burdach.

Fig. 9. Coupe de la région dorsale Nombreux vaisseaux coupés

transversalement.

Fig. 10. Coupe transversale de la région cervicale inférieure.

Fig. Il, 12. Coupes transversales de la moelle aux pai ties moyennes.

a, Sclérose latérale.

b, Sclérose du cordon de Goll.

Archives de Neurologie. T VII PL. II

Archives de Neurologie

T VII PL III

EXPLICATION DES PLANCHES. t27

PLANCHE lit

Fig. 13. Moitié droite d'une coupe de la moelle à la région cervi-

cale inférieure.

a, Artère. Nombreux noyaux dans la paroi de l'artère et dans la gaine

lymphatique.

Fig. 14. Coupe verticale de la région dorsale passant par le seg-

ment postérieur de la moelle.

a, Sclérose des cordons postérieurs.

b, Sclérose du cordon latéral.

c, Corne postérieure.

Fig. 15. Tube nerveux sur une coupe longitudinale. Tube variqueux.

Fig. 16. A, coupe d'un cordon latéral atteint de dégénérescence

secondaire.

B, Coupe du cordon latéral dans notre cas.

a, Tube nerveux avec cylindre-axe; hypertrophie.

L, Tube nerveux dilaté et vide.

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