ARCHIVES
DE E
NEUROLOGIE
EVIIEUX, UIPIIIMEIIIE DE CHARLES HÉRISSEY.
ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
REVUE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
PUBLIEE SOUS LA DIRECTION DE
J.-bz. CHAUCOT
AVEC LA COLL1D011·TIOtt DU
MM. BALLET, DEIINARIJ, B1TOT (P.-A.), BLANCHARD, BONNAIlIE (E.)
BOUCHEIIEAU, HRIANU (M.), BR1SS 11117 (E.1,BROLIABDEL(P.),CHAIIPENTIElt, COTA RD
DANILLO, DEBOVE(M.), DELASIAUVE, DENY, DURET, DUVAL(MITI[8),
FEIItIE11, GÉRENTE, G051BA111T, GRASSET, HUCHAIID, JOFFIIOY (A.),
KELLEII, KÉItAV 4L (P.), KOJEVNIKOF, LAYUOUZ1', LEFLA1VE, LEGRANII UU SAULLE,
MAGNAN, MARIE, MAYGR1ER, 1lAYOli, MtEMLJEWSKY, MUSGRAVE-l'.LAY,
PAR1NAUD, P1ER11ET, PIGNOL, PITRES, POPOFF, RAYMOND, REGNARD (P.).
REGNARD (A.), RI( HER (P.). SÉGLAS. SEGUIN (E.-C.), S1KORSKY, TALAMON,
TEINTURIER (E.), THULIÉ (H.), TIt01SlElt (E.), VAILLARD, V1GOUROUX (R.j,
VOISIN (J.), WUILLAMIÉ.
Rédacteur en chef : nOURI\EVILLE
Secrétaire de la rédaction : CH. FÉRÉ
Dessinateur : LEUBA.
Tome VII. - 1884.
Avec 3 planches en couleur et H figures dans le texte.
PARIS
BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL
45, rue des Carmes.
1884
Vol. VII. Janvier 1884. NU 19.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
AT11OLOGIIaJ GÉNÉRALE '
LA FAMILLE NÉVKOPATH 1Q LIE :
Par Cn. FEUE. *
Les maladies du système nerveux, qu'elles se ma-
nifestent par des troubles psychiques, sensoriels ou
moteurs, offrent entre elles des affinités nombreuses,
des points de contact multiples; et bien que, dans ces
dernières années les études tant cliniques qu'auatomo-
pathologiques aient multiplié les espèces, on peut dire
qu'elles constituent une seule famille indissolublement
unie par les lois de l'hérédité. Cette grande famille
morbide n'est point complètement isolée des autres
groupes pathologiques; mais ses alliances avec les dé-
générescences et les maladies de la nutrition ne font
qu'accentuer la fatalité inexorable de son évolution.
C'est surtout leur gravité dans l'hérédité qui nous a
engagé à considérer les maladies du système nerveux
dans leur ensemble, et à rassembler les membres épars
de cette famille ; car chacun d'eux, s'il est encore fé-
cond, peut les reproduire tous, et il est indispensable
Archives, t. VU. 1
2 PATHOLOGIE GENERALE.
d'être en garde. P. Lucas', Morel2, M. Moreau (de
Tours) ont été les initiateurs dans cette voie, et leurs
travaux méritent d'être cités à la gloire de la médecine
française ; mais ils ont eu surtout en vue les états pa-
thologiques de l'esprit et n'ont considéré les autres
maladies nerveuses qu'accessoirement et d'une manière
générale. De nombreux travaux ont été accumulés
depuis, qui nous aideront à combler cette lacune.
Pour la commodité de l'étude et tout artificielle-
ment, nous diviserons la famille névropathique en deux
branches : une branche psychopathique, comprenant
les états psychiques morbides et les névroses qui leur
sont le plus intimement liées; et une branche névropa--
thique proprement dite, comprenant les maladies du
système nerveux qui affectent plus particulièrement
la sensibilité et le mouvement.
I.
Les affections du système nerveux qui ont les pre-
mières paru unies entre elles par un lien de parenté
que trahissait l'hérédité, sont les affections mentales.
L'hérédité de l'aliénation dans ses différentes formes
est aujourd'hui admise par tout le monde, et les tra-
vaux d'Esquirol, de Parchappe, de Guislain, de Brierre
de Boismont, de M. Baillarger, de M. Moreau (de
1 P. Lucas. -- Traité philosophique et physiologique de l'hérédité
naturelle, etc., 1850.
2 \iorel. Traité des dégénérescences, 1857.
3 J. Moreau (de Tours). - La psychologie morbide dans ses rapports
avec la philosophie de l'histoire, ou de l'influence des zzéuropatlcies sur le
dynamisme intellectuel, 1859.
LA FAMILLE NEVROPATHIQUE. 3
Tours), etc., ne font que révéler des degrés dans l'évi-
dence de cette cause, qui, comme l'a montré encore
Trélat', est véritablement une cause primordiale, la
cause des causes.
Le rôle de la prédisposition dans l'étiologie de la
vésanie est souvent masqué par l'existence de causes
apparentes dont l'importance frappe tout d'abord. Mais
ces causes, soit morales soit physiques, ne sont en
réalité que des causes déterminantes. Il n'est pas jus-
qu'aux délires toxiques qui ne se développent que sur
un terrain préparé. Que l'on parcourre les observa-
tions de folie puerpérale rapportées par Esquirol,
Weill, Helftt, Marcé 2, on verra que la grossesse, l'ac-
couchement et la lactation, ne font le plus souvent que
développer un germe transmis héréditairement. Esqui-
rol 3 a déjà fait remarquer que l'ivrognerie est quel-
quefois le résultat d'un entraînement maladif. On
pourrait en dire autant des excès vénériens, des excès
de travail intellectuel, etc.; de telle sorte que les habi-
tudes vicieuses qui paraissent les causes déterminantes
des psychoses ne sont en réalité que les premiers
symptômes d'un état névropathique. Les passions vio-
lentes sont des phénomènes du même ordre; c'est à
bon droit que l'on dit que la colère est une courte folie
et les sujets bien équilibrés ne se laissent guère aller
à ses excès. Ce n'est pas sans raison non plus que
J. Frank décrit l'amour effréné comme une maladie
Trélat. - Des causes de la folie. (Aitit. méd. psych., 3" série, t. Il,
1856, p. 7 et 17".)
'Marcé. - Traite des maladies des femmes enceintes, des nouvelles
accouchées et des nourrices, etc., 18ï8.
3 Esquirol. - Des maladies mentales, 183, t. II, p. 74.
4 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
nerveuse ' : on ne devient fou d'amour que quand on
avait un amour de fou.
Les émotions morales vives, la peur, la joie, etc.,
qui d'après les auteurs jouent un si grand rôle comme
causes déterminantes de l'aliénation mentale ou de
certaines névroses, comme l'épilepsie, la paralysie
agitante, etc. , sont aussi du domaine de la nervo-
sité excessive et il n'y a que les sujets préparés
qui en subissent les effets d'une manière aussi désas-
treuse.
Ces propositions sont appuyées par ce fait que les
intoxications provoquées ne déterminent de troubles
cérébraux que chez les sujets prédisposés : dans les
expériences de M. Moreau (de Tours) sur le haschich,
les troubles psychiques n'ont été observés que chez les
sujets « éminemment prédisposés » ; et on peut dire
avec raison que l'alcool est la pierre de touche de
l'équilibre des fonctions cérébrales. On peut faire les
mêmes réserves pour les traumatismes. Toutes ces
causes ne sont qu'accessoires, et elles n'ont acquis de
valeur qu'en raison de la difficulté de la recherche de
la prédisposition. -
La consanguinité, qui a été accusée de pouvoir déter-
miner à elle seule la production de névropathies, n'a-
git en réalité que par l'accumulation de l'hérédité; des
états névrosiques peu accentués chez ces deux produc-
teurs se trouvent multipliés et caractérisés chez le pro-
duit. En dehors de la consanguinité morbide qui est
particulièrement efficace, il est à remarquer que les
psychopathes semblent se rechercher; et cette sélec-
J. rranh. - Traité de pathologie interne (traduction 13a5·le), t. III,
p. 143.
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 5
tion pathologique contribue à activer la dégénéres-
cence.
Certains troubles psychiques passagers peuvent, lors-
qu'ils existent au moment de la conception, détermi-
ner chez le produit une prédisposition à l'aliénation
mentale; c'est ainsi que, d'après Flemming, les enfants
conçus pendant l'ivresse du père sont très exposés
aux psychoses; plusieurs mères d'épileptiques nous
ont révélé l'existence de cette cause qu'on a souvent
relevée aussi pour l'imbécilité et l'idiotie (Burdach,
Hufeland, Séguin, Bourneville, etc.). C'est une parti-
cularité qui d'ailleurs n'est point faite pour étonner.
Les expériences de Brown-Séquard ont montré que
des cobayes rendus artificiellement épileptiques don-
naient naissance à des petits épileptiques comme
leurs parents et cette transmission de l'épilepsie
traumatique n'est point spéciale aux animaux : nous
avons observé un homme qui, sans antécédents héré-
ditaires connus, était devenu épileptique et était resté
quatre ans épileptique à la suite d'un accident de
chemin de fer; pendant ce temps, avait eu une fille
qui, dès l'âge de cinq ans, était épileptique.
Du reste, l'influence de l'état psychique des parents
au moment de la conception sur celui de leurs
enfants avait frappé les esprits avant que les méde-
cins ne s'en fussent occupés ; Hésiode prescrivait de
s'abstenir du coït au retour des cérémonies funèbres,
de crainte d'engendrer des enfants mélancoliques ;
Erasme fait dire à sa Folie : « Je ne suis point le fruit
d'un ennuyeux devoir conjugal »; Tristram Shandy
attribue les fâcheuses particularités de son caractère
à une question faite par sa mère dans un moment très
6 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
inopportun. Un des enfants adultérins de Louis XIV,
conçu pendant une crise de larmes et de remords
de Mme de Montespan, que les cérémonies du jubilé
avaient émue, conserva' toute sa vie un caractère qui
le fit nommer « l'enfant du Jubilé' ».
Les intéressantes recherches de M. Dareste mon-
trent sous quelles influences légères le développement
des organes peut être troublé, surtout pendant les
premières périodes de la vie embryonnaire; on peut
donc comprendre que certains accidents de la gesta-
sion soient capables de déterminer des états anor-
maux non héréditaires, mais congénitaux. Les troubles
nerveux et mentaux, si fréquents chez les sujets dont
la naissance a été irrégulière, n'ont peut-être pas
d'autre origine.
Si tous les aliénistes s'entendent à reconnaître que
la folie en général est héréditaire, ils ne s'accordent
pas moins à admettre qu'il est relativement rare qu'elle
se transmette dans sa forme, bien que cela se puisse
voir 3. Le plus souvent, la maladie qui se transmet se
transforme*; c'est ainsi qu'on voit se succéder la
manie, la mélancolie, l'imbécillité, l'idiotie. Toutefois,
certaines formes semblent plus particulièrement se
transmettre en nature; au premier rang, il faut citer
la folie suicide.
Esquirol et Falret ont cité des exemples remar-
quables de cette transmission directe. Il arrive quel-
1 P. Lucas. - Loc. cit., t. II, p. 504.
2 C. Dareste. Recherches sur la production artificielle des mons-
truosités, etc. Paris, 1877.
3 Baillarger, Delasiauve. - Soc. méd. psych., 31 mai 1875.
' Legrand du Sanlle. - La folie héréditaire, 1873, p. 9.
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 7
quefois que tous les suicidés des mêmes familles choi-
sissent le même genre de mort et se détruisent au
même âge. Un cas des plus curieux de ce genre est celui
qui est rapporté par M. Hammond 1 : un individu,
âgé de trente-cinq ans, se coupe la gorge avec un ra-
soir dans un bain; il laisse trois enfants : deux fils qui
se tuent au même âge, de la même manière; une fille
qui, à trente-quatre ans, se détruit aussi en se cou-
pant la gorge dans un bain; cette dernière seule a un
fils qui, après deux tentatives infructueuses, se tue
à trente et un ans par un procédé identique. Il sem-
ble que, dans les centres d'idéation comme dans les
centres moteurs, les cellules cérébrales aient une
tendance à se spécialiser et à acquérir des proprié-
tés héréditaires. (Idées innées, Descartes; réminiscences
d'une vie antérieure, Platon.)
D'ailleurs, comme nous le verrons encore plus loin,
ce n'est pas d'emblée que l'hérédité nerveuse produit
l'aliénation mentale, il arrive souvent que deux ou
trois générations subissent des manifestations névro-
pathiques diverses. L'hérédité a besoin d'être accu-
mulée, capitalisée en quelque sorte avant de se mon-
trer sous une forme nettement caractérisée. On trouve
souvent parmi les ascendants des aliénés des sujets
atteints d'un état habituel de surexcitation, des
enthousiastes, des originaux, des inventeurs, des dis-
sipateurs, des individus affectés de tics intellectuels
ou moraux, des phrénalgiques (Guislain), des anor-
maux (Maudsley), ou encore des sujets atteints de
maladies du système nerveux, et surtout de névroses.
1 Hammond. A Treotise on insuaity, an its médical relations, 1883,
p. 179.
8 PATHOLOGIE .GÉNÉRALE.
Il faut noter d'ailleurs que, parmi les affections dites
mentales, il en existe une, la seule dont l'anatomie
pathologique soit quelque peu avancée, qui semble
constituer une forme mixte névro-psychopathique,
en ce sens que souvent les troubles moteurs et sen-
soriels, les phénomènes d'ordre somatique prédomi-
nent. La paralysie générale constitue en quelque sorte
une transition entre les affections mentales et les affec-
tions cérébro-spinales à lésion caractérisée. Or, cette
maladie offre une particularité, c'est qu'elle a pu être
regardée comme la moins héréditaire des maladies
mentales : et, d'après M. Doutrebente', quand, par
exception, elle reconnaîtrait pour cause une hérédité
vésanique, elle affecterait une marche chronique et
rémittente spéciale. Mais on reconnaît que les causes
principales sont : les excès de travail, les excès de bois-
son, les excès vénériens principalement. Or, ne doit-on
point considérer que ceux qui se livrent à des excès de
travail psychique, à des excès de boisson ne soient
des sujets prédisposés héréditairement; quant à
l'autre cause, la prédisposition n'est pas moins évi-
dente, ne fait pas d'excès vénériens qui veut, il faut
être doué d'une irritabilité spéciale. D'ailleurs, si la
paralysie générale n'a que des rapports de parenté peu
marqués avec les autres formes de folies, nous verrons
qu'elle est un lien à différentes maladies nerveuses.
MM. Bail et Régis ', se basant sur certains caractères
biologiques (longévité/natalité, vitalité, etc.), admettent
1 Doutrehente. - Note sur la marche de la paralysie générale citez 1rs
héréditaires. (Ann. méd.psych., 0e série, t.`I, 1879, p. 22G.)
1 Bail et Régis. - Les familles des aliénés au point de vue biologique,
etc. {L'Encéphale, 1833, p. 401, 405, 428.)
LA FAMILLE N1 : \'ROP.ITIIfIUr. 9
que la paralysie générale n'est point de la famille des
vésanies, qu'elle ne naît point, comme elles, de la folie,
et qu'elle n'engendre point la folie; elle naît des ma-
ladies pébrales et engendre des maladies cérébrales.
Nous verrons qu'elle a de fréquents rapports avec les
névroses et les affections spinales, sans compter l'ataxie
locomotrice, avec laquelle elle paraît souvent se con-
fondre.
Il y a deux névroses qui ont de fréquents points de
contact avec la folie : ce sont l'hystérie et l'épilepsie.
On les rencontre souvent dans les familles d'aliénés;
et d'ailleurs elles offrent parmi leurs manifestations
de nombreux troubles psychiques.
Les manifestations mentales de l'épilepsie sont trop
bien connues depuis les recherches de M. J. Falret,
pour que nous y insistions longuement. Elles se mon-
trent à l'état passager, après les attaques (petit et
grand mal intellectuel), ou quelquefois avant, sous
forme d'aura psychique. D'autres fois, les troubles
mentaux constituent à eux seuls toutes les maladies
(piln,ptic psyc1tical équivalent, Spitzka) : ce sont des
délires aigus se présentant tantôt sous la forme
expansive, tantôt sous la forme dépressive, tantôt
sous la forme m&niaque. Trop souvent enfin la répéti-
tion des accès épileptiques, quelle que soit leur forme,
amène la démence.
Outre les troubles mentaux qui font partie du mal
comitial et ceux qui en sont la conséquence, on peut
rencontrer chez les épileptiques d'autres phénomènes
psychiques qui coexistent sans se confondre avec les
manifestations de la névrose convulsive; M. Magnan a
bien montré, par exemple, que l'épilepsie, l'alcoolisme
10 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
et la vésanie peuvent se cotoyer chez le même indi-
vidu, bien qu'on puisse toujours faire la part de ce
qui est propre à chacune de ces affections '.
Quant aux coïncidences pathologiques de l'épilepsie,
on peut dire qu'elles comprennent le plus grand
nombre des affections du système nerveux; mais les
affections mentales occupent incontestablement le
premier rang. Nous ne ferons que citer quelques faits
qui, ainsi que ceux que nous le rapporterons plus
loin, ont été pour la plupart recueillis soit à la cli-
nique de la Salpêtrière, soit dans la pratique privée
de notre maître, M. le professeur Charcot.
Observation I. - T..., quatorze ans. Vertiges épileptiques
soi-disant consécutifs à une chute sur la tête d'un lieu élevé,
- Père aliéné.
Observation II. - M"° C..., huit ans et demi. Cyanose con-
génitale avec rétrécissement pulmonaire; épilepsie, crises psy-
chiques. - Soeur somnambule.
Observation III. MmoB... devient épileptique à cinquante-
quatre ans sans causes connues. Atrente-quatre ans, elle avait
été mélancolique pendant un an.
Observation IV. H..., épileptique. Mère, tic de la
bouche.
Observation V. - Mm° V... Épilepsie (Grandes crises et
vertiges) débutant sans cause connue à quarante-huit ans.
Frère paralytique général.
Observation VI. 1\ple B..., épileptique. - Mère gout-
teuse. Soeur, a eu une attaque de chorée et a.un tic facial.
Observation VII. - Mm0 Lev..., quarante-six ans. Chorée
à seize ans; accès d'épilepsie depuis six mois. - Grand'mère
épileptique. Neveu suicidé récemment.
1 Magnan. -De la coexistence de plusieurs délires chez le même aliéné.
(A ? -eh. de Neurologie, t. I, p. 49.)
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 11
L' hystérie peut, dans certains cas, présenter des
manifestations épileptiformes. Il existe une forme
particulière d'hystérie, la grande hystérie, l'hystéro-
épilepsie, qui doit son nom à ce caractère. Mais il
n'est pas rare que les deux névroses coexistent sur le
même sujet et se manifestent par des crises séparées
(Charcot) '.
Les manifestations psychiques de l'hystérie bien
étudiées par M. Legrand du Saulle méritent d'être
séparées en deux groupes bien distincts. Les unes, qui
ne sont qu'un épisode, une phase de l'attaque d'hys-
téro-épilepsie, telle que l'a décrite M. Charcot, et
qui se traduit par un délire variable suivant les sujets,
mais toujours identique, en ce sens qu'il a une place
chronologique fixe dans l'attaque, dont il ne peut être
séparé. Ce délire, qui fait partie de l'attaque, est le seul
auquel appartienne légitimement la qualification d'hys-
térique. Quant aux troubles psychiques qui se montrent
chez les hystériques en dehors des manifestations con-
vulsives propres à cette névrose, elles ne doivent pas
lui être attribuées. C'est seulement parce que chez
certains sujets atteints de manie ou de mélancolie on
retrouve les symptômes permanents de l'hystérie que
l'on qualifie d'hystériques ces divers troubles psy-
chiques ; mais la forme de la psychose n'a rien de spé-
cial et, considérée en elle-même , elle n'a rien de
caractéristique. En somme, l'hystérie et la vésanie ne
sont point subordonnées l'une à l'autre, ce sont deux
1 H. d'Olier. - De la coexistence de l'hystérie et de l'épilepsie avec ma-
nifestations des deux névroses, considérées dans les deux sexes et en parti-
culier chez l'homme. (Ann, méd. psych., 6e série, t. VI, p. 192.)
. Legrand du Saulle. - Les hystériques, etc., 1883.
12 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
affections combinées chez le même sujet, comme le
peuvent être l'épilepsie et l'hystérie se manifestant
par des attaques distinctes. L'état mental des hysté-
riques en dehors des attaques n'a non plus aucun lien
nécessaire avec la névrose convulsive; si on rencontre
souvent chez les hystériques un tempérament fou, une
véritable insanité morale, ces troubles mentaux ne
sont pas un apanage nécessaire de la névrose à la-
quelle ils survivent souvent; ils ne présentent aucune
particularité qui ne se puisse trouver ailleurs : ce n'est
qu'une combinaison de deux états morbides.
Observation VIII. - \I ? X..., de T..., dix-neuf ans, hys-
térique. - Père et mère migraineux.
Observation IX. Mlle E. 8..., treize ans. - Un frère
et une soeur ont eu des convulsions. - Oncle paternel, mort
fou ù Bicêtre.
Observation X. NI'ne J..., hystérique. - Père bizarre,
délire passager. Grand-père paternel pendu. Mère hys-
térique. Un frère est mort de convulsions. Une soeur et
deux autres frères ont eu des convulsions.
Observation XI. M"° D..., douze ans. Contracture hysté-
rique. Père original. - Mère hystérique. - Frère imbécile.
Observation XII. M"0 P..., dix-huit ans. Paraplégie hys-
térique. Mère rhumatisante, chorée.
Observation XIII. - M"0 F..., dix-neuf ans. Contracture
hystérique. Le père a été atteint plus tard de mélancolie
pendant six mois.
Observation XIV. ? V..., quinze ans, hystérique. -
Grand'more maternelle persécutée, morte à la Salpêtrière.
Mère hystérique (a deux frères mal équilibrés). - Père alcoo-
lique. - Quatre frères : l'ainé a été à Bicètre atteint de délire
de persécution; un autre a eu un accès de delirium tremens ;
un autre est très irascible et a quelques idées de persécutions.
- Trois soeurs nerveuses; une seule a eu des attaques.
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 1 : 1
Chez les hystériques mâles, l'hérédité névropa-
thique parait encore plus accentuée.
Observation XV. - M. X..., dix-huit ans, hystérique. -
Grand-père paternel, esprit faible. Oncle maniaque.
Observation XVI. - M. W..., neuf ans, hystérique.
Grand-père maternel mélancolique. Mère névralgique.
Père, crises nerveuses ( ? ) jusqu'à treize ans.
Observation XVIL- M. M..., dix-huit ans. Paraplégie hys-
térique avec signe de Bomberg et perte des réflexes patellaires ;
guéri en quinze jours par l'hydrothérapie. Sa mère, à la
suite d'une plaie légère à la fesse, a eu une contracture du
membre inférieur qui a duré plusieurs mois.
Observation XVIII. - M. de C..., douze ans, hystérique à
crises convulsives et psychiques. Hyperesthésie plantaire.
Père mélancolique, agoraphobe.
Ces névroses méritent donc d'être reliées aux affec-
tions meutales, non seulement par leur hérédité, mais
aussi par leurs combinaisons.
II.
Certaines formes d'aliénation, et, en particulier,
celles qu'on a désignées sous les noms de folie instinc-
tive, de folie morale, etc., offrent une analogie qui ne
pouvait manquer de frapper l'attention, avec d'autres
états psychiques anormaux, qui sont le propre des
vicieux et des criminels. La parenté du vice et du crime
avec la folie peut s'appuyer sur des faits nombreux'. 1.
L'hérédité du vice a été assez souvent constatée
1 Lombrosu. Vuomu délinquante. Turiuu, t878.
14 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
M. Despine' en rapporte plusieurs exemples remar-
quables, notamment celui de la famille Chrétien.
M. Maudsiey' fait remarquer avec juste raison que les
antisociaux, qui ne peuvent se soumettre aux règles de
la société, sont souvent voués à la folie; et on peut
dire que la plus grande partie des criminels sont mo-
ralement imbéciles3 (Moral idiocy 4). Beaucoup sont
sujets à des explosions de violence, à des terreurs
nocturnes, à des perversions de l'idéation, à des con-
ceptions délirantes 5. Un certain nombre sont ou de-
viennent épileptiques, d'autres aliénés.
La fréquence des troubles mentaux chez les crimi-
nels, déjà constatée par Coindet6, par Cazauvielh', par
Lélut 8, par rerrus9, etc., est surtout mise en évidence
par les recherches de Bruce Thompson 10; et il est bien
certain que les causes de la folie dite pénitentiaire
sont inhérentes au prisonnier et non à la prison ".
1 Despine. - Psychologie naturelle, t. II, p. 410.
1 Maudstey. Pathologie de l'esprit (trad. française), 18S3, p. 112.
3 Tamburini et Seppili. Studio di psicopatologia criminale, etc.
Reggio Emilia, 1883.
1 Forbes \Vinslow. Obscure Diseuses of the Brain and Dltnd, 3e éd.,
1863, p. 129.
"Nicholson. The morbid psychologof criminels (The journ. of
mental science, 1873, 1874, 1875.)
0 Coindet. Observation sur l'hygiène des condamnés détenus dans la
prison pénitentiaire de Genève. (Ann, d'llygiène, 1838, t. XIX, p 27J.)
7 J.-B. Cazauvielb. - Du suicide, de l'aliénation mentale et des crimes
contre les personnes comparés dans leurs rapports réciproques , etc., 1842.
8 Lélut. - De l'influence de l'emprisonnement cellulaire. (ans, mcd.
p.1ych., t, III, p. 392.)
1 errus. - Des prisonniers, de l'emp,'isonnement et des prisons, 1849.
1. J.-B. Thomson. On hereditary nature of crime. (The jozerzz. of
mental science, 1870.)
"Sauze. /iec/terc/iMSM;' la folie pénitentiaire. (Ann. med. psych.,
3' série, t. 111, 1857, p. 28.- Hurel. -Quelques obs. pour servir à l'his-
toirc de la folie pénitentiaire. (Ann. méd. psrlcla., 1875, 48 série, t. XIII,
p. 161,374.)
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 15
Le vice, le crime et la folie ne sont séparés que
par les préjugés sociaux ; ils sont réunis par leur
caractère commun de fatalité. Si on répugne à accepter
cette parenté intime, ce n'est pas faute de preuves
scientifiques, mais à cause des conséquences pratiques
qui se présentent tout de suite à l'esprit.
C'est en vain qu'on a cherché à établir une distinc-
tion entre ces états psychiques morbides. « Entre le
crime et l'insanité, dit Maudsley1, il existe une zone
neutre : sur un des bords, on n'observe qu'un peu de
folie et beaucoup de perversité; à la limite opposée,
la perversité est moindre et la folie domine. » Ce n'est
pas avec une déclaration aussi vague qu'on peut établir
une frontière, pas plus que ne l'ont fait les travaux de
Michéa 2, de Solbrig3, etc.
M. Despine4, après avoir parlé de la maladie mo-
rale qui produit le crime, dit que le criminel n'est point
un malade, qu'il ne faut pas l'assimiler à un aliéné, il
a conservé son intelligence, sa place n'est point dans
un asile; mais, en fin de compte, il arrive à conclure
qu'il faut le traiter dans un établissement péniten-
tiairee. « L'intelligence, dit-il, quelque grande qu'elle
soit, n'atténue point l'atteinte portée à la raison et à la
liberté chez le criminel, par l'insensibilité morale; elle
ne détourne point cet homme du mal, bien loin de
1 Maudsley. Le crime et la folie. Paris, te éd., 1880, p. 3 ! .
e Michéa, - Caractères qui permettent de distinguer la perversion
maladive de la perversité morale. (Ami. zrzéd, psych., 1852, p. 444.)
3 Solbrig. Verbrechern llnd Valmsinn, Munich, 1869.
4 Despine. Etude sur l'état psychologique des criminels. (Ann, )/te'6<.
psycrt., 1872, 5° série, t, VIII, p. 321.)
' Howard. The Somalie etiology of crime (The amer, Jourrt. of
rtcttrol. and psych., 1883, t. II, p. 235, 388.)
16 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
là. » Que faut-il de plus pour caractériser un sujet
atteint d'insanité morale, un alienus a se ? Le crime
et la folie se tiennent indissolublement, on ne peut
pas les dissocier, ni étudier l'un sans l'autre.
Les grandes commotions sociales, en fournissant une
occasion aux instincts criminels, peuvent, dans une
certaine mesure, mettre en lumière des monstruosités
psychiques héréditaires et montrer pour ainsi dire ex-
périmentalement la parenté du crime et de la folie.
MM. Laborde', Lunier et 11W ndy ont cité parmi
ceux qui ont pris une part active à l'insurrection de
1871, plusieurs sujets qui ont été traités coirme alié-
nés et qui avaient des aliénés dans leur famille. On
ne peut pas apprécier, même approximativement, le
rôle que l'alcoolisme a joué dans les mêmes circons-
tances.
Du reste, dans le cas de folie collective ou épidémique,
il ne faut pas se laisser égarer par l'importance du fait
qui semble avoir été la cause principale : en y regar-
dant de près, on constate que les individus prédisposés
ont seuls été atteints.
C'est à tort qu'on a essayé de rapprocher sans dis-
tinction les criminels de l'homme primitif4 : cette théo-
rie serait applicable tout au plus aux crimes qui ont
pour objet la satisfaction de besoins naturels; le plus
souvent, les criminels ne constituent pas un retour à
un état normal antérieur, ce sont des anormaux par
1 Labortle. - Les hommes et la actes de l'insurrection de Pans devant
la psychologie morbide, 1872.
« Lunier. Ann. méd.. psych., 1872, b' série, t. Vit, p. 257.
3 Mundy. laid.
l&Ca8Sâ1lC. - L'homme criminel compuré à l'homme primitif. Ltoly i|
1882. - Lombroso. null. Soc. arellzroy.r 1883, lr. ,. ,.
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 17
malformation ou par maladie. Les autopsies de Bene-
dickt, de Hanot, de Schwekendiek, de Giacomini', de
rlesch2, n'établissent nettement qu'un seul point,
c'est la complexité et l'irrégularité de la morphologie
des circonvolutions cérébrales. Nous avons dit ailleurs
que nous ne considérions point ce caractère comme
'spécial aux criminels avérés 3; mais on est pas plus en
droit, tant s'en faut, de l'attribuer à l'homme primi-
tif, pas plus que l'augmentation de poids du cer-
veau 4. L'association fréquente du vice et du crime
avec les névroses, et en particulier avec la folie et l'épi-
lepsie et avec les malformations physiques constitue
une forte présomption en faveur de la théorie patholo-
gique, contre la théorie atavique du crime. L'existence
quelquefois constatée de lésions cérébrales 5, est
encore à l'appui de l'opinion que nous défendons.
C'est en vain aussi que l'on voudrait rattacher à
l'atavisme l'idiotie des microcéphales 6 : ces sujets pré-
sentent le plus souvent en même temps que des ano-
malies réversives que l'on peut rapprocher des types
voisins, des malformations non seulement dans le cer-
1 Giacomini. - Variela délie circonvoluzioni cerebrali clell 1l0mo,
Turin, 1882.
1,'Iescli. Ueber Verbrecheu gehiruc, aus der Sitzit21gsbei,ichieit £ Ici.
1Vw zblll'gel'. Phgs.méd. Gesellshaft, 1881.
3 Ch. Féré. - Note sur un cas d'anomalie asymétrique du cerveau.
(Arch de 11'eur. 1883, p. 59.)
Broc,,t. Le cerveau de l'assassin Prévost. (Bull. Soc. Q ? [</o-o ? 1880,
p. 233.)
» Broca. Sur l'assassin Lemaire. (Bull. Soc. ant3zrop., 1867, p. 348.)
Chudzinski. Sur le cerveau de Menescloll (Huit, Soc. anthrop.,
1880, p. 578.)
" Aeby. - Ueber clans Verdhltniss der Microcephalis und atavismus.
Stuttgard, 1878. Spitzka. - Illsrl1tity, etc. New-York, 1883, p z
DuMtte. La 11licl'oephalie au point de vue de l'atavisme. (Thèse de
Paris, 1880.)
ARCHIVES, t. VII. 2
18 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
veau, mais aussi dans le reste du corps, bec-de-lièvre,
hernies diaphragmatiques, sexdigitisme, etc., qui ne
s'expliquent guère par l'atavisme, mais dont rendent
fort bien compte les troubles du développement dus à
des états morbides de l'embryon et que l'on peut repro-
duire artificiellement (Dareste). Si on admet que les
microcéphales et les idiots représentent, au point de
vue cérébral, un état normal de quelqu'un de nos an-
cêtres, dira-t-on aussi que l'infécondité commune chez
ces sujets est la réapparition d'un caractère ancestral ?
Il ne faut pas confondre l'atavisme avec la persistance
d'un état foetal.
III.
Dans un ordre d'idées tout à fait différent, le ta-
lent, le génie, le tempérament artistique, se trouvent
unis aux affections mentales par une parenté facile à
mettre en évidence, grâce aux combinaisons qu'on les
voit former soit chez les sujets eux-mêmes, soit dans
leur famille. Nullum magnum ingenium nisi mixtura
quadam stzcltitice, dit l'ancien adage ; nombreux en
effet sont les hommes illustres à différents titres qui
ont été atteints de névroses ou de psychoses : Socrate,
Pausanias, Charles-Quint, Mahomet, Tasse, Cellini,
Pascal, Luther, Pierre L'Hermite, Loyola, : Jeanne d'Arc,
Swedenborg, Swammerdam, Zimmermann, etc., etc.,
pour ne pas parler des contemporains'. Lélut, dans ses
études sur le Démon de Socrate, et sur l'Amulette de
1 Lombroso, Genio e l'allia, lie édit., 1882.
LA. FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 19
Pascal ' a bien montré la réalité de la coexistence de
troubles mentaux avec un grand développement intel-
lectuel ; les conclusions ont été généralisées depuis par
M. Moreau (de Tours) qui les a résumées dans la for-
mule le génie estime névrose. Si toutes les formes de la
' nervosité peuvent se rencontrer chez les hommes de
génie et de talent, c'est sans contredit, l'hypochondrie
qu'on observe le plus fréquemment.
Ce n'est pas seulement chez l'individu lui-même que
l'on peut retrouver l'association des psycho-névroses et
du développement intellectuel le plus élevé. L'histoire
pathologique des familles d'un grand nombre d'hommes
éminents étudiés par MM. Moreau (de Tours) et Ja-
cobaye, nous montre souvent la combinaison héréditaire
des vésanies, des névroses, du génie et des passions
excessives, du vice et du crime.
D'ailleurs, il existe un certain nombre de faits mon-
trant que l'hérédité d'une intelligence exceptionnelle
peut être tout aussi bien établie que l'hérédité des né-
vroses et que l'hérédité du crime. On cite des familles
de musiciens, de peintres, de poètes, de savants
illustres ; les philosophes se reproduisent peu et ne
figurent guère dans ces généalogies 3.
IV.
En résumé, on peut dire que la branche psycho-
, Lélut, - Du démon, de Socmte, spécimen d'une application de la
science psychologique à celle de l'histoire. Paris, 1836. - L'Amulette du
Pascal, pour servir à l'histoire des hallucinations, 18,6.
, P. Jacoby. Etude sur la sélection dans ses rapports avec l'hérédité
chez l'homme, 1881.
3 Ribot. - L'hérédité psychologique, p. 81.
20 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
pathique est constituée par trois groupes alliés, les
psychopathies proprement dites, avec les deux né-
vroses qui leur sont le plus intimement liées, les cri-
minels et les géniaux. Ces trois groupes offrent,
comme nous l'avons vu, de nombreux points de con-
tact ou plutôt de confusion. Il n'est point rare de voir
chez les aliénés des éclairs qui pourraient passer pour
du génie dans d'autres circonstances ou dans d'autres
temps.
D'autre part : le génie et le vice trahissent souvent
leur essence morbide par les anomalies intellectuelles
oumorales qui les accompagnent. Lesaliénés, les crimi-
nels et les hommes de génie apportent en naissant une
constitution très analogue; tous sont doués d'une exci-
tabilité telle qu'ils réagissent en dehors des règles
psychcologiques ordinaires. Ce sont quelquefois les
circonstances extérieures qui déterminent la spéciali-
sation. Il se peut que, si cette prédisposition diffuse,
cet état névropathique indécis n'est point mis en jeu
par une excitation suffisante, le sujet reste ou hyper-,
excitable ou phrénalgique, mais sans état mor-
bide caractérisé. La parenté de l'extrême vertu, du
vice et de la folie est surtout bien montrée par ce
qu'on a appelé les états, mixtes moraux ou intellec-
tuels. Certains individus, doués d'une intelligence
remarquable, qui offrent une perversité morale des
plus manifeste, ou inversement; d'autres ont des
aptitudes extraordinaires, mais limitées à une science,
à un art, aux mathématiques par exemple, ou à la mu-
sique, et, en dehors de là, ils sont inférieurs en tout;
ce sont là les génies partiels. Certains enfants, après
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 21 1
avoir donné de grandes preuves d'intelligence, s'arrê-
tent tout à coup dans leur développement, ou offrent
des déviations morbides diverses; les enfants prodiges,
chez lesquels l'hérédité névropathique est fréquente 1,
sont le plus souvent des candidats à l'imbécillité ou à
' la folie. C'est sans aucune preuve qu'on a avancé que
l'altération des facultés était dans ces cas la consé-
quence d'une inflammation des membranes du cer-
veau 2 provoquées par l'excès d'application.
Certains enthousiastes, capables du plus beau dé-
vouement, ne peuvent, dans certaines circonstances,
comprendre telle délicatesse de sentiment que leur sens
moral ne perçoit point; ils sont dans une situation
analogue à celle de ces sujets qui entendent le bruit,
mais n'entendent point les notes, ou aux daltonistes qui
ne peuvent reconnaître certaines couleurs; et ces dalto-
nistes moraux ou intellectuels sont tout aussi incura-
bles que les autres. L'éducation n'agit que tant qu'elle
est dirigée dans le sens des tendances naturelles; et,
dans ces conditions décidément morbides, elle n'a
tout au plus qu'une action suspensive.
Mais, nous dira-t-on, si la folie, le vice, le génie
et l'imbécillité sont des états anormaux de l'es-
prit correspondant à des troubles de sensibilité
psychique, quel est donc l'état normal ? Nous avons
déjà bien souvent insisté sur ce fait, qu'il n'existe
point deux cerveaux humains qui se ressemblent,
qu'il n'en existe point un seul qui soit symétrique,
1 G. Savage. Some relations of mental disease to inherance. (Guy's
hosp. reports, t. XXII, p. 59, 1877.)
2 Solly. The human brain, its structure, physiology and diseases.
LOI71011, 2' pd., 1867, p. 662.
22 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
qu'il n'y a point en un mot de cerveau qui corres-
ponde à la norme. Il en est de même au point de
vue physiologique qu'au poiut de vue anatomique, ce
n'est que théoriquement que l'on peut décrire l'état
de santé psychique. S'il y a entre le vice et la vertu,
le génie et l'imbécillité une situation mitoyenne, c'est
un point idéal où personne ne peut prendre place,
et les frontières de la santé et de la maladie de l'es-
prit ne peuvent être qu'arbitraires. ,
V.
Si les états psychiques anormaux, l'aliénation,
l'épilepsie, l'hystérie sont unis par des liens de
famille incontestables, il faut aussi reconnaître, et
nous l'avons montré déjà par les quelques généalo-
gies citées plus haut, que cette famille psychopathiquc
artificiellement isolée se trouve en connexions fré-
quentes avec les autres affections du système nerveux,
qu'il s'agit maintenant de rallier pour constituer la
branche névropathique proprement dite de notre grande
famille morbide.
M. Moreau (de Tours) reconnaît que la folie a des
rapports avec les convulsions, l'hystérie, l'idiotie,
l'épilepsie, le strabisme, la paralysie, les névralgies,
les fièvres cérébrales, l'apoplexie, l'excentricité, les
tics, le bégaiement, l'asthme, la surdité. Cette idée,
du reste, avait déjà été émise par Royer-Collard :
« Ce n'est pas seulement l'aliénation proprement
dite qui peut engendrer l'aliénation par hérédité. Les
lésions cérébrales de tout genre, les affections ner-
LA FAMILLE NÉVROPATHIQTJE. 23
veuses dont le siège et la nature sont mal connus,
certaines maladies congéniales des organes des sens
exercent parfois la même influence'. » Gintrac 2 dit
que les aliénés donnent naissance à des sujets qui
peuvent offrir des sujets de toute espèce. Griesinger3,
revenant sur ce même sujet, reste aussi dans les géné-
ralités. M. Doutrebente a a publié un certain nombre
de faits à l'appui de cette idée. Plus récemment,
M. Mübius 5 a étudié en détail plusieurs familles ner-
veuses où les combinaisons sont fréquentes; Bollinger" fui
signale aussi cette parenté. Mais il restait à rallier
individuellement les espèces morbides ; c'est ce que
nous allons essayer de faire.
On peut dire que toutes ces névroses et toutes les
affections dites spontanées du système nerveux sont
unies par un lien de parenté intime. D'ailleurs, un
certain nombre de névroses, outre l'épilepsie et l'hysté-
rie que nous avons déjà considérées, offrent dans
leurs cours des troubles mentaux qui ne sont point
considérés comme des épisodes exceptionnels, mais
que leur fréquence peut faire admettre comme
appartenant à la maladie à titre de symptôme habi-
1 Il. Royer-Collard. - Rapport à l'Académie de médecine sur un
mémoire de M. le D' Bail/m'gel', intitulé : « Recherches statistiques sur l'hé-
rédité de la folie». 1847, 1). 10.
Gintrac. Mémoire sur l'influence de l'hérédité. (Mém. de l'Icadé-
m ! 'e<'0 ? de méd., t. XL)
3 W. Griesinger. Des relations qui existent entre les maladies men-
tales et les autres maladies nerveuses. (Ann. méd. psych., 4e série, t. IX,
1867, p. 193.
4 G. Doutrebente. Etude généalogique sur les aliénés héréditaires.
(Ann. méd. psych.. 1869, t Il, p. 197, 369.)
1 Mobius. Ueber neruose familien (Séparât, aber. aus der Zeilschrift
f. Psychiatrie, Bd. XL).-Die Erblzchkeit der Nervositiit. (Melllomúilien,
XXVI, .Tallr ? 8 h., p. 459.)
o 0. l3ollmer. -lieGer Vel'e¡'Ú1tIl'i von Krunkheiten. Stuttarll, 1882.
24 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
tuel. Nous voyons que, dans la chorée', ces troubles
mentaux sont loin d'être rares.
Dans la paralysie agitante, Patrick, Lorain, Lasègue,
mais surtout M. Bail ont signalé des phénomènes de
dépression mentale, pouvant aller jusqu'à la stupeur.
D'autres fois, ces malades offrent une grande excitabi-
lité, des hallucinations, etc. M. Huggard'a a cité un
fait où la maladie de Parkinson coïncidait avec une
folie circulaire; celte observation nous confirme dans
l'opinion qu'il ne s'agit que d'une combinaison d'une
névrose et d'une psychose, non subordonnées l'une à
l'autre.
Il en est de même dans le goitre exophthalmique
avec lequel on voit souvent coïncider des troubles
mentaux signalés par Solbrig, Geigel, Van Deusen,
Andrews, Meynert, Robertson, Savage \ etc.
Mais, à défaut de manifestations psychiques coïnci-
dentes, ces maladies n'en seraient pas moins nette-
ment liées par l'hérédité aux maladies mentales, aux
névroses d'une part et, de l'autre, aux maladies
cérébro-spinales à lésion.
Pour ce qui est de la chorée, sa parenté avec les
autres affections nerveuses a été fréquemment signa-
lée5; elle affecte les rapports les plus étroits avec
1 Marcé. -De l'état mental dans la chorée (7eM : .t<e l'Acad. de nzéd"
1860, 1. XXIV, [J. 1.)
H. Ball.- On moral dérangement and insanify in cases of pamlysis
ayrlans (Izzterrz. med. Congress. London, 1881, t. III, p. G03.) - Itingrose
Atkins. - .JOIlJ'1 ! . of nzenlal Sc. ·158· t. XXVI ! ,]1. 534.
3 /7t<e;'H. med. Congl'ess; loc. cit., p. 607.
. lúid., p. 658.
" Maudsley. Crime et folie, trac] . 1'1 ? ]1. 41 PM/Ao/oy/ec/'exp) ?
trad. fr., 1883, p. 115.
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 25
l'épilepsie, l'hystérie ', l'aliénation mentale 2. (OBs. VI,
XII.)
Observation XIX. - L..., huit ans, est à son septième
accès de chorée, le premier à trois ans, à la suite de légères
douleurs articulaires qui ne se sont plus reproduites.
Grand'mère maternelle, tremblement des mains; sa mère a eu'
une hémiplégie hystérique ; tante maternelle, migraine et
sciatique.
Observation XX. M110 P..., dix-huit ans. Chorée de-
puis sept ans. - A un cousin qui danse depuis quatre ans.
Observation XXI. - 111"° A..., dix-sept ans. Folie du doute.
Soeur choréique.
Quant à la maladie de Parkinson, on a longtemps
admis que sa cause la plus fréquente était dans le
choc produit par une émotion morale vive. Or, la
biologie générale des maladies nerveuses nous montre
que ces sortes de causes n'agissent efficacement que
chez les sujets prédisposés, c'est ce qui existe en effet.
Le travail récent de M. Lhirondel 3 nous montre que
souvent la maladie de Parkinson est en rapport avec
d'autres affections nerveuses existant soit chez le sujet
lui-même, soit chez ses ascendants; qu'elle peut même
se transmettre sous sa forme; et que, d'autre part, elle
peut être liée à l'arthritisme qui, comme nous le ver-
rons, est un proche parent de la famille névropathique.
D'autres fois, la paralysie agitante se transforme elle-
même en d'autres affections nerveuses; en voici trois
exemples :
1 Vassitch. Etude sur leschorées des adultes. (Thèse, 1883.)
2 0. Sturges. - On claorea and other allied movement diso1'de,'s of
early life. London, 18RI,]J. 29, il6.
3 (. Lhirondel. Antécédents et causes dans la maladie de Parkinson-
(Thèse lu Pans, ISS3.)
2 ? PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
Observation XXII. - mye P... Paralysie agitante. Fille
aliénée (atteinte avant sa mère).
Observation XXIII. Dr X..., paralytique général.- Père
atteint de paralysie agitante.
Observation XXIV.-I..., quarante-sept ans. Paralysie
agitante. - Oncle maternel aliéné (manie aiguë).
Le tremblement sénile ' se développe quelquefois
sous l'influence d'une hérédité directe, d'autres fois,
c'est une maladie de famille, plus souvent, on le
trouve associé dans la même généalogie avec d'autres
affections nerveuses.
Quant à la maladie de Basedow, les recherches de
MM. Ballet : et Marie 3 montrent que non seulement
c'est une maladie de famille (Cheadle); mais que fré-
quemment elle est liée par l'hérédité aux maladies
nerveuses et en particulier aux maladies mentales qui
peuvent coexister chez le même sujet. Il en est de
même des phénomènes épileptiformes, de l'hystérie et
de la chorée (Gaguon, Jacobi).
Observation XXV. - Mme de P..., goitre ophthalmique à
dix-huit ans ; hystérie et somnambulisme. - Père excen-
trique. Mère mélancolique. Deux fils d'un oncle ma-
ternel aliénés.
Observation XXVI. - J... Tachycardie, tremblement des
mains. - Père alcoolique. - Mère épileptique. - Oncle ma-
ternel aliéné. Sa fille a des vertiges épileptiques.
1 Tliébeault. Etude clinique sur le tremblement sénile. (Thèse, 1S82.)
'- G. Ballet. De quelques troubles dépendant du système nerveux
central ob'e¡'vé, chez les malades atteints de goitre exoplzthalmique.
(Revue de médecine, 1883, p. 254.)
l'. Marie. Contribution iL l'étude et au diagnostic des formes frustes
de 11 maladie de B(isedow. (Thèse de Paris, ISS3.;
LA FAMILLE .\ÉVR01'ATHIQUE. 27
La migraine, dans certaines de ses formes, peut s'ac-
compagner de phénomènes épileptiformes ou marquer
la première période de la paralysie générale ou de
l'ataxie locomotrice (Charcot) '. Tous les auteurs s'en-
tendent pour la considérer comme une maladie de fa-
mille et très fréquemment héréditaire, et, d'autre part,
elle est souvent en rapport par l'hérédité avec l'épi-
lepsie, la folie, l'hystérie, etc. (OBS. VIII, XIX.)
Observation XXVII. - M. D... Migraine ophthalmique;
terreurs nocturnes dans l'enfance. - Mère hystérique.
Les névralgies aussi appartiennent à tu famille né-
vropathique par les mêmes liens. Elles sont fréquem-
ment associées aux affections nerveuses, à l'hystérie,
en particulier. Elles sont aussi les alliées consauguincs
de la folie. Brodie rapporte un cas dans lequel des
douleurs névralgiques de la colonne vertébrale alter-
naient avec une véritable folie. Burrows a vu un ecclé-
siastique très éloquent qui était toujours maniaque
quand il ne souffrait pas de la colonne vertébrale et
qui était lucide quand les douleurs revenaient.
L'asthme est lié au goître exophthalmique, à l'alié-
nation qui quelquefois alterne avec lui 2, comme l'épi-
lepsie 3. On peut quelquefois en dire autant de l'an-
gine de poitrine, que l'on peut voir aussi coïncider
chez le même sujet avec l'hystérie .
1 Ch. Féré. - Contribution a l'étude de la migraine ophthalmique.
[Revue de méri. 1881.) - .1. Haullet. - Etude sur la migraine opht ! wl-
mique. (Thèse de Paris, 1883.)
- Guislain. - Leçons orales sur les phrénopathies ou traité théorique
et pratique des maladies mentales, 2. éd. 1880, t. l, p. 428.
3 li.-II. Saltcr. - On astluna, 1800, p. 'ci.
1 Marie. Deux observations d'angine de poitrine dans l'Itttstcrie.
(Revue de médecine, 1882. p. : <3S.)
28 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
Les tics se rencontrent aussi fréquemment dans les
familles d'aliénés. Ils existent si souvent chez les imbé-
ciles et les idiots qu'on peut en quelque sorte les con-
sidérer comme des symptômes de l'idiotie et de l'im-
bécillité ; ils ne sont pas rares non plus dans les mala-
dies mentales, en particulier chez les mélancoliques.
On les rencontre aussi chez un certain nombre
d'hommes distingués (Trélat). Cette coïncidence des
tics avec des états cérébraux divers vont à l'appui de
l'origine centrale ' dont nous avons pu fournir un
exempter peut-être le premier. (Olis. IV, VI.)
Les tics douloureux sont, comme on sait, souvent
liés à l'épilepsie, en particulier ceux de la face.
Observation XXVIII. - M. X..., quarante-neuf ans, atteint,
il y a quinze ans, d'étourdissements considérés par M. Parrot
comme des vertiges gastriques. Il y a huit ans, il a commencé
à souffrir d'un tic douloureux de la face à droite, et les étour-
dissements ont cessé. Hémiplégie transitoire à gauche, il y a
six ans. Depuis quatre ans, le tic avait augmenté d'intensité;
la douleur a considérablement diminué depuis qu'est survenue
une attaque convulsive nocturne.
Les tics non douloureux peuvent être héréditaires; Pié-
dagnel en a vu un chez la mère et chez la fille, et Blache
en a observé un chez trois enfants de la même famille.
Observation XXIX. M. B... offre un tic non doulou-
reux de la face, du côté gauche, laissant dans l'intervalle des
crises une parésie des muscles affectés. -- Sa mère a du même
côté, de temps en temps, des contractions spasmodiques des
paupières.
1 Ch. Féré. Le tic de Salaam. Les salutations ztéazropathiques. (Pro-
grès médical, 1883, p. 970.)
°- Ch.. Féré. Tic non douloureux de la face consécutif à une lésion
probable de la région du pli courbe. (Bull, Soc. ltiol., 1876; arc. de
phys., 1876, p. 267.)
LA FAMILLE NÈVROPATHIQUE. 29
Brodie rapporte le cas d'une dame qui fut at-
teinte pendant une année d'une contraction spasmo-
dique continuelle du sterno-cléido-mastoïdien; les con-
tractures disparurent et la malade tomba mélancolique,
cet état dura une année. Elle recouvra ensuite ses fa-
cultés mentales; mais les crampes musculaires re-
vinrent et durèrent plusieurs années'.
Observation XXX. - Dr N... Tic facial indolore se mon-
trant quand il a lu longtemps. Grand-oncle paternel aliéné.
Mère hystérique.
On observe assez souvent les torticolis chez les
idiots et les imbéciles. On peut se demander si, dans
ces cas, la déformation du cou n'est point la consé-
quence de l'affection cérébrale, comme les phéno-
mènes hémiplégiques que l'on voit souvent dans les
mêmes conditions. Mais en ce qui concerne la rétrac-
tion du sterno-cléido-mastoïdien, la question est plus
complexe. D'après Bouvier, en effet2, le torticolis pour-
rait déterminer l'atrophie du côté correspondant de la
face, et Broca nous a souvent montré que le crâne lui-
même était moins développé de ce côté. Le torticolis
pourrait donc être une cause de trouble fonctionnel
du cerveau, et jouer un rôle dans la production de
l'imbécillité. Cependant Bouvier cite plusieurs hommes
remarquables atteints de celte difformité, dont était
affecté Alexandre le Grand 3.
1 llaudsley. -- Pathologie de l'esprit, p. 2\6.
2 Bouvier. -- Leçons cliniques sur les maladies chroniques de l'appareil
locomoteur, 1SS, p. 88.
3 A. Decliaml,re. - Caractères des figures d'Alerandre le Grand et de
Xénon le Stoïcien éclairés par la médecine. (Mémoire lu il l'Académie des
beaux-arts, le 22 mai 1 ? 2,)
30 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
M. Gallard a cité un sujet eczémateux atteint de la
crampe des écrivains, comme sa mère et sa soeur'.
Cet auteur fait remarquer, avec juste raison, que ce
ne sont pas nécessairement des individus qui écrivent
beaucoup qui sont atteints de ce spasme, qui ne se
développe qu'en conséquence d'une prédisposition
spéciale. Le fait suivant nous paraît bien montrer que
l'excitation périphérique ne joue qu'un rôle de cause
déterminante.
Observation XXXI. --Le Dr V..., trente-neuf ans. -Père
rhumatisant. Dans son enfance, plusieurs fois, tics ayant
prédominé dans le côté droit de la face. Vers dix-huit ans,
la suite de fatigues à écrire, crampes bornées au médius de
la main droite. Un an plus tard, retour de la même crampe
qui s'étend à l'index et au pouce, persistant, même alors qu'il
n'écrivait plus. Cet état dura quatre ans environ, cessa pen-
dant trois ans, pour se reproduire et persister depuis. Il y a
trois ans, à la suite de l'arrachement d'un polype muqueux
du nez, il fut affecté, en outre, d'un tic de la face qui n'oc-
cupait d'abord que les paupières de l'oeil droit, puis
s'est étendu à toute la moitié de la face et qui occupe mainte-
nant les muscles de la mâchoire et l'orbiculaire des lèvres
d'une manière prédominante.
On a noté la fréquence des convulsions chez les
enfants nés d'une mère éclamptique 2. Trousseau' cite
une famille intéressante au point de vue des transfor-
mations de la névropathie : un peintre de talent a un
fils nerveux et daltonien qui a sept enfants, dont
six eurent des convulsions, et l'un d'eux eut des
1 Gallard. Crampe des écrivains. (Progrès médical, 1577, p. 546.)
= Duelos. Eludes cliniques pour servira l'histoire des convulsions de
l'enfance, 1847, p. 75.
3 Trousseau. Clin. utéd, de l'llôtel-Dieu, 2e édit., 1873, t. II, p. 171.
LA FAMILLE NEVROPATHIQUE, ·11 1
attaques éclamptiques à l'occasion de toutes les ma-
ladies dont il fut affecté.
Observation XXXII. - M. H.... trente-quatre ans, paraly-
tique général. - Père original. -Le malade a eu des convul-
sions dans l'enfance, un léger bégaiement jusqu'à seize ans;
a été hypocondriaque, a eu une hémiplégie faciale.
Observation XXXIII. - Milo L..., dix-neuf ans, épileptique
(grandes crises et secousses) ? Oncles maternels originaux.-
Une soeur, morte de convulsions. Une autre soeur et deux frères
ont eu des convulsions. - Elle seule n'a pas eu de convul-
sions étant enfant, mais elle a été, dès l'âge de huit ou
neuf ans, sujette à de violentes migraines.
Il faut rapprocher des convulsions de l'enfance le
spasme de la glotte, l'asthme de Kopp, qui fréquemment
aussi est une maladie de famille, et la tétanie, qui
se rencontre surtout chez les enfants nés de parents
nerveux irritables atteints eux-mêmes de névroses ou
en ayant eu dans leur enfance ÿ.
Les auteurs anglais et allemands ont décrit sous le
nom de spasmus J1utans, de tic de Salaam, une variété
de convulsion du cou. On voit les jeunes enfants qui en
sont atteints abaisser et redresser la tête trente à qua-
rante fois par minute. Ces accès, qui se répètent sou-
vent plusieurs fois par heure et quelquefois s'accompa-
gent de pâleur de la face, rappellent les secousses de
l'épilepsie. La nature comitiale de la maladie est trahie
par plusieurs caractères importants'. Cette affection a
d'ailleurs des liens étroits avec la famille névropa-
thique ; dans le seul fait publié en France par notre ami,
1 Bouchut. - Traité pratique des maladies des nouveau-nés, 5e édit.,
1867, 1. 113.
t Cli. Féré. - Le tic de Salaam, etc. (Progrès médical, 1883, p. 970.
32 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
M. Gauliez', la mère de l'enfant avait eu des attaques
éclamptiques.
L'asphyxie locale des extrémités est une névrose du
grand sympathique qui offre de grandes analogies avec
la migraine et, en particulier, avec la forme dite
ophthalmique, et elle peut s'associer à d'autres né-
vroses, comme l'hystérie (Armingand). M. Ritti l'a
observée dans la période de dépression de la folie à
double forme=. On n'a guère de notions sur l'hérédité
de cette névrose vaso-motrice; cependant, il existe des
exemples de transmission de troubles vaso-moteurs :
Darwin cite l'hérédité de la production pathologique
de la rougeur sous l'influence des émotions ?
La sclérodermie peut aussi être rattachée à la famille
nerveuse :
Observation XXXIV. Une des sclérodermiques de la
Salpêtrière a une nièce qui a été atteinte d'une anorexie ner-
veuse très inquiétante et qui a nécessité son entrée à l'hô-
pital \
Observation XXX ? - IVIm° G..., soixante ans, était à la
fois atteinte de sclérodermie et d'épilcpsie.
M. Pautry accepte l'origine et la parenté nerveuse
de la morphea albo qui, pour les auteurs modernes,
n'est qu'une variété de sclérodermie.
L'ataxie locomotrice offre de nombreux rapports
1 Gautiez. Note sur un cas de tic de Salaam. (France médicale, 1883,
t. I, p. 199.) .
t lütti. - Aun. métl. psych., 1882, 6- sél ie, t. VIII, p. 36.
, Darwin. - L 'expression des émotions chez l'homme et les animaux,
la édit. 1877, p. 338.
' Fér6 et Levillain. Anorexie hystérique. (Progrès médical, 18S3,
p. 127.)
6 l'autry. - Essai sur la lIlu'']Jltoea alba. (Tluac, 1SS3.)
LA FAMILLE NÉVROPATIIIQUE. 33
avec les psychoses. MM. Baillarger, Vestphal, Foville,
Magnan, etc., etc., ont montré ses connexions fré-
quentes avec la paralysie générale avec laquelle elle
semble se confondre.
Mais, en dehors de sa combinaison avec la paralysie
générale, on a depuis longtemps signalé des troubles
mentaux coïncidant avec le tabes ataxique (Horn,
Romberg, Hasse, Steinthal, Hoffmann, Tùrck, Joffe,
Eisenmans, Leyden, Topinard, Eulenbourg, etc). Bene-
dikt avait noté des symptômes de dépression psychique
accompagnant l'ataxie; mais Tigges' surtout a insisté
sur l'état mélancolique qui peut s'unir au tabes, sans
présenter de caractères spéciaux, et ne se montrant
qu'à titre de combinaison. M. Rey parait être le pre-
mier auteur, qui, en France, se soit préoccupé de ces
faits ? dans lesquels il a aussi été frappé de l'état
mélancolique qui peut aller jusqu'à la mélancolie
anxieuse, et est accompagné de délire de persécution
fondé sur des hallucinations sensorielles diverses.
M. Rougierlo admet que la vésanie des tabétiques est
en rapport direct avec les lésions anatomiques : pour
lui, le délire du tabes est un délire de persécution
uni à un état lypémaniaque, apparaissant en général
avec les troubles céphaliques du tabes et disparaissant
avec eux, caractérisé par des sensations anormales
1 Tigges.- Ueber mit tabès doisalis conzplicz3·te pzsdchose. (.4 Ilgnz. Zeitsch.
f. psych., Bd. 3 3 H., 1871.)
9 Pli. Rey. - Consid. cliniques sur quelques cas d'ataxie locomotrice
dans l'aliénation mentale. (Ann. méd. psych., 187 ? lie série, t. XIV.)
3 Gruet. - Etudes cliniques sur les troubles intellectuels dans l'ataxie
locomotrice. (Thèse de Paris, ils,2.)
4 Hougier. - Essai sur la lypémanie et le délire de persécution chez les
tabétiques. (Thèse de Lyon, 1882.)
AI1CIIIVI\S, t. VII. 3
34 pathologie générale.
dont l'intermittence explique la discontinuité du délire.
La lecture de ces observations ne nous laisse pas con-
vaincu du rapport qui existe entre l'évolution anato-
mique et la vésanie; pour nous, les troubles sensoriels
n'influent que sur la forme du délire, ils ne le créent
point. Quant à l'autopsie d'un aliéné qui s'est plaint
d'avoir dans le ventre un ennemi qui le torturait, on
trouve un cancer d'estomac; on ne dit point qu'il
s'agit d'une folie cancéreuse, mais que le sujet est à
la fois cancéreux et vésanique. Les malades qui nous
occupent sont tabétiques et aliénés; ils sont atteints
de deux affections combinées, mais non subordonnées
l'une à l'autre; il n'y a point de lypémanie tabétique,
il y a des tabétiques qui sont lypémaniaques. L'héré-
dité vésanique constatée plusieurs fois par M. Rey ne
contredit point l'opinion que nous soutenons. D'ailleurs
ce qui montre bien que la mélancolie des ataxiques
ne peut pas être attribuée à l'évolution de leurs affec-
tions cérébro-spinales, c'est que, quelquefois, les
troubles psychiques se sont montrés avant les phéno-
mènes tabétiques. (OBS. XLI et LUI.)
Ce n'est pas seulement par ses combinaisons avec
les psychoses que l'ataxie trahit sa parenté avec les
névroses, on la trouve fréquemment alliée à elles par
l'hérédité. Trousseau', heureusement guidé par cette
idée fausse que l'ataxie était une névrose, avait déjà
remarqué que cette maladie se trouve souvent associée
dans la même famille avec l'idiotie, l'épilepsie, l'alié-
nation, le suicide, les accidents nerveux bizarres, etc.
M. Charcot professe depuis longtemps que l'hérédité
'Trousseau, Clinique nzécl. de t'lIJ ! el-Dtell de Paris, 4c édit., 1873,
l. 13G, GIO.
IA FAMILLE NLVROPATHIQLE. 35
nerveuse est la cause primordiale de l'ataxie locomo-
trice, que les autres causes, syphilis, excès -de tous
genres, traumatisme, etc., ne jouent que le rôle de
causes déterminantes; dans un mémoire encore inédit
sur les causes de l'ataxie locomotrice, MM. Ballet et
Landouzy confirment cette opinion par une importante
statistique.
Observation XXXVI. M. T..., trente-huit ans, Grec
d'origine; syphilis à dix-huit ans; migraine ophthalmique;
ataxie ayant débuté vers vingt-sept ans.-Père mélancolique.
Un oncle paternel a eu plusieurs accès maniaques ayant duré
cinq ou six mois. Un frère est mort de paralysie générale, un
autre a été hypocondriaque.
Observation 111'I(. - M. de L..., ataxique. Un oncle
maternel original. La fille d'une tante maternelle était épi-
leptique, et est morte en démence.
Observation XXXVIII. Trima S..., ataxique. - Frère mort
à trente-six ans de paralysie générale.
Observation XXXIX. M. X... de .\I...) paralytique
général. - Frère ataxique. '
Observation XL. 11 ? A..., ataxique; début à trente-
cinq ans. Mère épileptique.
Observation XLI. Dr P..., trente-neuf ans, ataxique
depuis douze ans; accès mélancolique un an auparavant. -
Un idiot, un aliéné, un suicidé parmi ses collatéraux de la
ligne maternelle.
OBSERVATION XLII. M. G ? ataxique original. - Soeur
imbécile.
Observation XLIII. M. A.... ataxique. Crises épilepti-
formes dans l'enfance ; puis, tic des paupières.
Observation XLIV. -- M. G..., ataxique. - Mère lypéma-
niaque. Oncle maternel gâteux ( ? ).
Observation XLV. M. M..., ataxique. Père encore
vivant à quatre-vingt-deux ans, a eu douze enfants. Une
36 pathologie générale.
soeur épileptique, deux soeurs hystériques, deux frères
- \ ataxiques.
Observation XL VI. - fil. C..., ataxique. - Mère méhlll.
colique, morte à la suite de refus d'aliments. Frère paraly-
tique général.
Observation XLVII. Mmo B.... ataxique depuis quatre ans.
Fille de vingt ans épileptique depuis deux ans.
Observation XLVIII. - il. D..., trente-neuf ans, ataxique.
Grand-père maternel suicidé (s'est précipité du haut d'un
glacier). - Oncle maternel suicidé. - Frère paralytique gé-
néral.
Observation XLIX. - M. M..., ataxique. Oncle et
soeur aliénés.
Observation L. - M. M..., peintre, ataxique. Père
atteint d'une affection de la moelle épinière ( ? ). - Oncle sui-
cidé.
Observation tI. M. B..., ataxique. Oncle paraly-
tique général.
Observation LU. M. G... de M..., ataxique. Mère et
soeur hystériques.
Observation LUI. - M. de L..., ataxique, avait eu, avant
le début de sa maladie, un accès de mélancolie.
Observation LIV. M. de M..., ataxique. Oncle aliéné.
Une soeur a eu un accès de mélancolie, suite de couches.
Observation LV. M. G..., ataxique. Oncle maternel
épileptique est mort dément.
Observation LVI. M. P..., cinquante-trois ans. Mère
lypémaniaque s'est suicidée.
Observation LVII. Miss C ? quarante-trois ans, ataxi-
que. - Deux frères paralytiques généraux.
Observation LVIII. - M. 117..., trente-deux ans Inconti-
nence d'urine nocturne et diurne jusqu'à quatorze ans; mi-
graine ophlhalmique depuis l'âge de dix-sept ans; premiers
phénomènes de l'ataxie (incontinence d'urine) à trente ans.
LA FAMILLE KËYROPATUIQUE. 37
Nous ne citerons que pour mémoire cette maladie
encore mal caractérisée que Friedreich a décrite sous
le nom d'ataxie héréditaire qui est une maladie de
famille au premier chef. '
La maladie de Thomsen peut être, par ses origines \
rapprochée de l'ataxie héréditaire de Friedreich, et
fréquemment on trouve des aliénés dans la famille de
ceux qui en sont atteints. Cette parenté avec les affec-
tions psychyques avait du reste déjà été notée par
Thomsen lui-même 3.
La paralysie atrophique de l'infance affecte aussi des
liens de parenté avec les autres affections du système
nerveux. Duchenne (de Boulogne) cite un sujet dont
le père fut atteint plus tard d'ataxie locomotrice 4.
L'atrophie musculaire progressive est quelquefois une
maladie de famille °, et elle pourrait s'associer à des
troubles mentaux 6.
Observation LIX. - M. D... Paralysie infantile à dix-huit
ans. Père aliéné. Grand-père maternel aliéné.
Observation LX. M. X... a deux fils atteints de para-
lysie infantile : l'un a été pris à dix-huit mois, l'autre à trois
ans et demi. Grand-père maternel paralytique général.
Gli. Izéré. -.4tacie héréditaire, maladie de Friedreich. Sclérose diffuse
de la moelle el du bulbe. (Progrès médical, 1882.)
s Seppili. liev. specim. di frezzialria, fasc. II et III, 1883. Archivio
ilaliano heur li malattic nervose, fasc. V. 1883.
3 Tliomsen. - Tonische Krampfe z ? z willkz6,lic/i beweglichen D(uslceln ma
Folge von ererbter psychischer disposition. (Arch. ? psych. und nero.,
1876, Bd. VI, p. 702.)
4 Duclenne (de Boulogne). - De l'électrisation localisée, etc., 3e édit.,
1872, p. 416.
5 F. Zimmerlin. Ueber hererlilcire (fanzilicire) progressive 3111skel(l-
troplaie (Zeit. f. [Clin, med., Bd. VII, II. 1, p. Ib.)
in .labdte. Lypélnflnie consecutive à une atrophie musculaire progrea-
sive. (Ann. nzéd. psych., 6" série, t. II, 1879, p. iS.)
38 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
Observation LX1. M. D... Paralysie spinale de l'adulte.
- Mère, plusieurs accès de folie puerpérale.
M. Grasset ' admet une parenté entre les myélites
diffuses chroniques et l'épilepsie, l'idiotie, l'aliénation,
et les autres affections de la moelle, comme l'ataxie.
- On peut en dire autant des affections aiguës.
Observation LXII. - Les deux enfants de M. F.... sont
atteints de paraplégie spasmodique : l'un a été pris à quatre
ans, l'autre à deux ans et demi.
Observation L111L-\I. M..., trente-huit ans, a été pris, il
y a trois ans, d'une myélite subaiguë, à laquelle il a fini par
succomber avec des escarres qui avaient nécessité une inter-
vention chirurgicale. - il Un oncle paternel, botaniste dis-
tingué, est mort aliéné. 1° La mère avait, étant enfant, des
absences qui avaient disparu à l'époque de son mariage ; à sa
troisième grossesse, elle eut des attaques d'éclampsie et elle
est restée épileptique depuis. - 3° Le frère du malade vient
d'être pris à trente-cinq ans d'une paraplégie subito.
La paralysie pseuclo-lael°ti°uphiue, dont l'hérédité a
été mal étudiée, est une maladie de famille; on a vu
souvent plusieurs frères et soeurs atteints de la même
manière (Meryon, Gowers2, etc.). Ces malades offrent
quelquefois, dans leur histoire morbide, d'autres phé-
nomènes nerveux : un malade cité- par Mahot" avait
eu plusieurs fois des attaques éclamptiques ; la mère
d'un malade observé par Ord'' avait été choréique, une
soeur avait eu des convulsions et un frère commençait
à être pris de paralysie pseudo-hypertrophique. Plus
Grasset. - Truite des maladies du système nerveux, 2- édit., p. 431. 1.
'Gowers. Pseudo-hyperlrophzc 1nuscutw' paralysies. London, 1879,
p. 21.
3 Mahot. - De la paralysie pseudo-hypertrophique. Thèse, 1877, p. 17.
1877, p. 2.
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE.. 39
souvent on a noté un affaiblissement intellectuel et
même l'imbécillité' chez les sujets atteints de paralysie
pseudo-hypertrophique ; c'est sur cette coïncidence,
relevée encore par Dunlop2, qu'est basée la théorie
cérébrale. Le père des trois malades de Dunlop est mort
aliéné. D'ailleurs l'hérédité nerveuse est peut-être moins
exceptionnelle qu'elle ne le paraît.
Observation LXIV. D..., vingt ans, paralysie pseudo-
hypertrophique. - Son grand-père et un oncle paternels
auraient été atteints de tremblements ( ? ). Oncle maternel
migraineux.
La paralysie labio-glosso-laryngée peut être aussi
rattachée à la famille.
Observation L1V. - 111. X..., atteint de paralysie labio-
gtosso-laryngée. Frère mélancolique. Nièce maniaque.
La sclérose en plaques peut être héréditaire3. D'autres
fois elle se présente comme une maladie de famille :
nous avons connu deux frères et une soeur atteints
de cette affection ; on n'avouait aucun antécédent ner-
veux. D'ailleurs la parenté de la sclérose multilocu-
laire avec les autres affections nerveuses ne saurait
être mise en doute.
Observation LXVI. - D..., vingt-neuf ans. Sclérose en
plaques. Mère migraineuse. Oncle maternel aliéné. Deux
soeurs migraineuses. Une cousine germaine a eu, à l'âge de
douze ans, une hémiplégie droite.
1 Kesteven et Langdon Down. - Tite jOlt1'n. of mental science, 1870.
. Tlwjolt1"ll. of mental science, 1SS2, t. XXVIII, p. 144.
3Chvostek. - lVeitac,' 13eilrng zur Itcl'dwcisen sclérose de,' central
71ei-veiisysteis. (.l11gm. Wiener medizinischc Zeilung, 1S3, p. 370.)
40 pathologie générale.
Observation LXVII. - mye X... Sclérose en plaques. -
Père et deux tantes maternelles aliénés. - Fils, tic de la face.
Observation LXVIII. - Mme B... Sclérose en plaques.
Fille aliénée.
Observation LXIX. - M"° C..., vingt-cinq ans. Sclérose
eu plaques; pas d'antécédents avoués. A eu, à quatre ou cinq
ans, une affection méningitique ( ? ).
Observation LXX. D..., vingt-neuf ans. Sclérose en
plaques. Oncle maternel, mort aliéné à la suite d'un coup.
Plusieurs migraineux dans la famille.
Observation LXXI. - Mme R..., quarante-sept ans. Para-
lysie infantile à un an. Début de la sclérose multiloculaire à
quarante-deux ans.
La sclérose en plaques s'accompagne souvent de
troubles psychiques que l'on peut grouper en trois
ordres différents par leurs manifestations et leur pa-
thogénie. Les uns sont des phénomènes de dépression
intellectuelle se rapprochant plus ou moins de l'im-
bécillité, qui peuvent s'expliquer par la présence de
foyers cérébraux de sclérose, non sans analogie
avec la sclérose tubéreuse observée dans l'idiotie par
MM. Bourneville et Brissaud. D'autres se rapprochent
des troubles mentaux de la paralysie [générale et
peuvent s'expliquer par ce fait que la sclérose en
plaques étant une lésion de nature inflammatoire peut,
'dans certains cas, s'étendre aux méninges et déter-
miner des altérations analogues à celles de la périen-
céphalite diffuse. D'autres enfin constituent des états
vésaniques, en tout analogues aux vésanies primitives;
ce ne sont que des coïncidences : la folie est associée
à la sclérose disséminée au même titre que l'hystérie
qui figure assez souvent ,dans ses antécédents; les
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 41 1
deux affections se sont développées sur le même sujet
en raison d'une double prédisposition native. Il s'agit
ici encore d'une névro-psyc1wse combinée analogue
à celles que nous avons déjà citées.
Citons enfin un sujet atteint de sclérose latérale
amyotrophique dont la famille est largement entachée
de nervosisme.
Observation LXXII. V... Sclérose latérale amyotrophique .
- Fille épileptique. Cousin germain épileptique.
Il n'est pas jusqu'aux affections réputées acciden-
telles qui ne puissent être rattachées à la grande fa-
mille névropathique. C'est ainsi que Rose accorde un
rôle à la prédisposition individuelle dans la produc-
tion du tétanos : il a trouvé chez neuf tétaniques le
cerveau d'un poids plus élevé que la moyenne. C'est
là un argument discutable.
C'est à dessein que nous avons omis de parler de
l'hémorrhagie cérébrale qui est aussi fréquemment
héréditaire, et du ramollissement que l'on rencontre
pourtant assez fréquemment dans l'hérédité des sujets
atteints de maladies nerveuses. Mais nous pensons que
ces affections ne peuvent être rattachées à la famille
névropathique qu'à titre de collatérales; elles résul-
tent en effet des lésions qui occupent primitivement
le système vasculaire et la lésion ne constitue en quel-
que sorte qu'un accident.
Si les liens de parenté qui existent entre les affections
nerveuses sont souvent difficiles à mettre en lumière,
c'est que la recherche des antécédents héréditaires est
elle-même entravée par des obstacles sans nombre.
Le sujet lui-même répond rarement d'une manière
42 ç PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
catégorique, soit par ignorance, soit par mauvaise vo-
lonté. Ces malades ont comme un sentiment de honte;
ils voudraient se laver de la tache originelle dont la
fatalité pèse sur eux; on sent qu'ils se discriminent.
On peut encore souvent être édifié sur les maladies
de la moelle, les paralysies, les convulsions de l'en-
fance, etc., un certain nombre d'affections que les
préjugés font considérer comme accidentelles, et que
l'on met sur le compte d'un traumatisme, d'un ébran-
lement moral. Dans l'ordre psychique, les difficultés
s'accumulent : s'il existe une notoriété dans la famille,
on en fait tout de suite parade, on avoue un inventeur
bizarre, un enthousiaste, un dissipateur; mais on accuse
moins volontiers l'existence d'un imbécile, d'un sui-
cidé, d'un être vicieux ou criminel. Si on interroge
séparément la père et la mère, on a plus de chance
d'obtenir la vérité, parce que chacun cherche à éviter
la responsabilité et accuse tout ce qui peut être accusé,
dans la famille de l'autre; c'est ainsi qu'on obtient
parfois les aveux les plus intimes sur les circonstances
de la conception. Du reste, le sujet porte quelquefois
la trace évidente d'une bizarrerie intellectuelle de ses
ascendants : une hystérique (française) qui s'appelle
Consuelo, un épileptique qui répond au nom de Bru-
tus, n'ont pas besoin d'avouer leur hérédité mentale,
leur prédisposition était officiellement constatée sur
les registres de l'état civil.
Le plus souvent, l'hérédité ne transmet qu'un état
d'imminence névropathique diffus, indécis. Mais qu'on
suppose que par un accident de la conception ou de la
gestation, le développement de telle ou telle partie du
système nerveux subisse un trouble quelconque, il y
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 43
aura alors un point faible, locus minons rcsistcnfioe, et
la prédisposition sera spécialisée. Nous le répétons,
ce qui est héréditaire, ce n'est pas la maladie, mais
la prédisposition; et il ne suffit pas d'un terrain pro-
pice, il faut encore une culture appropriée. Certains
sujets peuvent rester en équilibre plus ou moins ins-
table toute leur vie, si aucune secousse morale ou
physique ne vient mettre en jeu leur prédisposition.
L'épuisement nerveux ' produit par le surmenage
physique et intellectuel qui crée un état de faiblesse
irritable de tout le système est, avec certaines in-
toxications et, en particulier, l'alcoolisme, le satur-
alisme" etc., le générateur primordial des affections
nerveuses. L'influence de ces causes incessamment
renouvelées se combine avec l'hérédité progressive
pour propager sans cesse cette famille morbide.
(A suivre.) z
' lîouclmt. Du rzercosisnze aigu et chronique et des maladies ner-
veuses, 121> relit. 1877. 11L'IiII.LIJI ! l'. La maladie ! 'C ! 'LJII'0-CC(7'Clta2le.
l3r,ml.- The nature and diagnosis of 71eiii,asiheiii(z ("CI'VOltS exhaustion),
New-Yock, 1 Sî9. Lecen. - La maladie cérébro-gastrique, 1SS2, etc.
e 1 ? J.-13. Roque. Des dégénérescences héréditaires produites par l'in-
toxication saturnine lente. (Thèse, 1873.)
PATHOLOGIE NERVEUSE
ÉTUDE D'UN CAS DE FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE
COMBINÉE DE LA MOELLE (Scléroses systématiques ou péri-
tubulaires de la moelle et scléroses péri-vasculaires) ;
Par MM. les D" G. BALLET, ancien chef de clinique des maladies
du système nerveux à la Faculté de Paris, et L. MINOR, de Moscou.
fCi.tr,til du laboratoire de la clinique des maladies du système 11er' cm..)
I.
Une patiente et judicieuse application de la méthode
anatomo-clinique a permis, on le sait, d'isoler, dans
la moelle, divers systèmes, qui ont une triple caracté-
ristique : anatomique, physiologique et pathologique.
Parmi ces systèmes, il en est deux particulièrement
importants : l'un occupe la bandelette externe des
cordons postérieurs (cordon de Burdach), sert à la
conduite des impressions sensitives et a son affection
propre, qui cliniquemeiit s'appelle l'ataxie locomotrice
progressive; l'autre s'approprie une partie des cordons
latéraux, celle qu'on désigne aujourd'hui sous le nom
de- faisceau pyramidal; il met en relation la zone
motrice du cerveau et les cellules des cornes anté-
rieures de la moelle; il dégénère parfois, comme le
système postérieur, et sa lésion n'est autre que la
sclérose latérale amyotrophique.
Sclérose systématique des bandelettes externes des
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE L1 MOELLE. si 5
cordons postérieurs et sclérose latérale amyotrophique,
telles sont, en somme, les deux affections parfaitement
définies symptomatiquement et anatomiquement, qui,
en se localisant avec rigueur à l'un ou à l'autre des
systèmes que nous venons d'indiquer, en établissent
l'autonomie et permettent à la fois d'en déterminer les
limites.
Ces affections, dont l'une (l'ataxie locomotrice) est
très commune, tandis que l'autre (la sclérose latérale)
est plus rare, se développent et évoluent isolément
dans les conditions habituelles de la clinique. Mais
peuvent-elles se combiner et se trouver réunies chez
le même sujet ? telle est la question à laquelle des
observations récentes ont donné quelque actualité.
Divers auteurs, en effet (Prévost, Westphal, Kahler
etPick, Babesiu, Raymond, Damaschino, etc.), ont
constaté, chez plusieurs malades, le développement
simultané de la sclérose sur les cordons postérieurs et
sur les cordons latéraux. La lésion du cordon latéral
ne reproduisait pas, il est vrai, dans ces cas, l'altéra-
tion classique de la sclérose latérale amyotrophique,
en ce sens qu'elle n'était pas accompagnée, comme
cela a lieu dans cette dernière affection, de l'atrophie
des cellules antérieures. Aussi ne saurait-il être ques-
tion, dans l'acception rigoureuse du mot, de la com-
binaison des lésions du tabes avec celles de la sclérose
latérale amyotrophique proprement dite, mais de la
coïncidence des premières de ces altérations avec une
dégénérescence du seul cordon latéral, sans partici-
pation de la substance grise.
La réalité d'une pareille association morbide étant
bien établie, il reste à déterminer si, dans les faits où t
46 PATHOLOGIE NERVEUSE.
on l'observe, la sclérose postéro-latérale affecte véri-
tablement les caractères des scléroses dites systéma-
tiques, ou si elle ne relève pas plus légitimement du
groupe des scléroses diffuses, en dépit des apparences.
Le problème, on va le voir, vaut la peine qu'on s'y
arrête. Un cas récemment observé par nous dans le
service de la clinique des maladies du système nerveux,
et que nous avons pu étudier avec soin, grâce à la
bienveillante direction de notre maître, M. Charcot,
nous a semblé de nature à jeter quelque jour sur la
question.
II.
Observation. - Paralysie spasmodique des quatre membres. -
Douleurs au niveau du thorax et des membres inférieurs.
Atrophie grise des nerfs optiques. -Sclérose des cordons pos-
térieurs et latéraux. - Atrophie des tubes nerveux dans les
nerfs de la deuxième paire. Syphilis probable.
Sarrazin, âgée de quarante-deux ans, entrée à la Salpêtrière,
service de M. CHARCO'r, en 1882.
Antécédents. -Nous ne recueillons aucun renseignement de
quelque importance sur les antécédents héréditaires de la ma-
lade.
Quant aux antécédents personnels, nous avons noté ce qui
suit : Sarrazin s'est mariée en 1860. Avant son mariage, elle
jouissait d'une santé assez frêle. Elle aurait fait plusieurs ma-
ladies assez mal définies, et aurait souffert d'une maladie du
foie, probablement de nature calculeuse.
Lors du mariage de la malade, en 1860, le mari de cette
femme présentait des symptômes qu'elle nous décrit assez mal,
mais qui paraissent se rapporter à la syphilis. Au reste, Sar-
razin suspecte elle-même son mari d'avoir été atteint de celte
dernière affection, En ce qui la concerne personnellement, elle
ne peut dire exactement si elle a eu la vérole; mais, en 1S(>8,
elle aurait eu un « clou aux parties » qui aurait d'ailleurs duré
fausse sclérose systématique DE la moelle. 47
peu de temps. Depuis cette époque, à différentes reprises, la
malade a eu des boutons sur le corps et éprouvé des maux de
gorge. Aussi considérons-nous qu'elle a été atteinte très pro-
bablement do la syphilis.
Histoire de la maladie. - Il y a quatre ans, en 1878, grands
chagrins, apparition de l'amblyopie qui, au bout d'un an, a
abouti à l'amaurose complète. Au moment où s'est établie
l'amaurose, il y a eu de vives céphalalgies. La malade avait
comme un cercle de fer autour de la tète, qui était raide. Le
médecin disait qu'elle avait le collier cérébral. Pas de vomisse-
ments. Au commencement de 1881, trois ans après le début
des symptômes oculaires, apparition des douleurs aux membres
inférieurs. Ces douleurs semblent avoir eu le caractère des dou-
leurs fulgurantes. A leur suite se montrait de l'hyperesthésie
cutanée, qui rendait tout contact pénible.
Lorsqu'on interroge attentivement Sarrazin au sujet de
l'époque précise du début des douleurs en question, on finit par
apprendre qu'elles remontent beaucoup plus loin que la malade
ne le disait tout d'abord, et qu'en réalité les douleurs ont très
vraisemblablement précédé les symptômes oculaires, proba-
blement de deux ou trois ans.
Au mois de janvier 1881, la motilité a commencé à se trou-
bler. C'est le bras droit qui s'est pris le premier, et c'est seu-
lement trois mois après que les membres inférieurs ont été
affectés.
Etal actuel (22 février 1882). - La malade, par suite des
troubles de la vue et de l'impotence des membres est confinée
au lit ou réduite à être assise.
a) Symptômes céphaliques. - L'amaurose est complète, Sar-
razin ne distingue même pas la lumière de l'obscurité. L'examen
ophthalmoscopique, pratiqué par M. Parinaud, démontre l'exis-
tence d'une atrophie grise des papilles.
De temps en temps, la malade éprouverait des bourdonne-
ments d'oreilles avec vertiges, mais ces derniers symptômes
sont rares, fugaces et légers.
b) l11otitité, II existe une paralysie très avancée des membres
supérieurs et inférieurs. Aux membres inférieurs, elle est à
peu près complète. La malade ne peut ni marcher ni même se
tenir debout. Lorsqu'elle est au lit ou assise, elle ne peut exé-
cuter que de très légers mouvements, et encore avec une grande
difficulté. Les membres supérieurs sont un peu moins atteints.
48 8 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Cependant il n'est pas possible à la malade de se servir de ses
mains.
La paralysie des membres est une paralysie spasmodique.
La contracture n'est pas assez prononcée pour que les membres
soient immobilisés dans des attitudes fixes, mais ils sont rigides,
souvent le siège de crampes. 117 a une exagération très mamfeste
de tous les réflexes tendineux (genou, poignet, coude).
Les muscles sont amaigris ; mais il ne semble pas y avoir
à proprement parler d'atrophie musculaire.
Pas de troubles du côté des réservoirs. Cependant, il y a
quatre ou cinq jours, à la suite d'une syncope, il y a eu un
peu d'incontinence d'urine.
c) Sensibilité. - La malade se plaint d'éprouver de temps
en temps, dans les membres' inférieurs particulièrement, des
douleurs qui reviennent par périodes. Ces douleurs sont surtout
prononcées dans le membre pelvien droit, elles s'accompagnent
d'engourdissement du pied. Sarrazin les compare à des sensa-
tions de brûlure.
La sensibilité est relativement peu atteinte. Il existe cepen-
dant dans tous les membres un certain degré d'hyperesthésie
douloureuse. Le membre inférieur gauche est au contraire
anesthésié, mais incomplètement. t.
Les choses persistent en l'état, sans grande modification,
pendant la plus grande partie de l'année 1882. En novembre,
la malade se plaint à nous, à différentes reprises, de vives dou-
leurs au niveau de la région thoracique. Ces douleurs ont quel-
quefois le caractère de douleurs lancinantes; plus souvent, elles
se localisent en un point fixe dans l'un ou l'autre des espaces
intercostaux.
Durant l'année 1882, la malade a eu cinq attaques de syncope.
A partir du mois de juin, on a été obligé de l'asseoir à poste
fixe sur une chaise spéciale, à cause de la difficulté où elle s'est
trouvée dans les derniers temps de retenir les matières fécales
et les urines.
Vers le 20 janvier 1883, la malade est prise de fièvre. Le
thermomètre marque matin et soir de 39° à 39°,5. Après deux
ou trois jours de cet état, nous constatons une poussée d'herpès
aux lèvres, de l'oedème des membres inférieurs, un très grand
abattement, sans délire. La peau est jaune, couleur de citron.
Les conjonctives ont une teinte ictérique assez nette. Une es-
charre au sacrum apparaît. 1.
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 49
La malade succombe le 25 janvier. Au moment de la
mort, nous relevons la présence de taches ecchymotiques sur
le dos des mains. La bouche est remplie de mucus, l'ictère
encore plus prononcé que les jours précédents.
Autopsie. A. Protocole (d'après une note de M. Ch. Féré).
- « Le cadavre est très amaigri. Il existe sur la partie moyenne
du sacrum une escharre large comme la paume de la main,
n'atteignant pas le squelette. Sur la région trochantérienne
gauche, autre escharre de même étendue et peu profonde. 11 y
a une excoriation légère sur le trochanter droit, et une plaque
ecchymotique sur les deux malléoles internes.
«L'encéphale pèse 1,100 gr. ; aucune lésion superficielle
ou profonde, macroscopiquement appréciable. Pas d'anomalie.
Les deux nerfs optiques, le chiasma et les bandelettes sont
amincis et gris ; les corps genouillés externes offrent aussi une
teinte grisâtre.
« Sur les coupes à l'état frais de la moelle épinière, on cons-
tate ce qui suit : 1° à la région cervicale, il existe de chaque
côté un faisceau grisâtre comprenant la moitié postérieure des
cordons latéraux. Sur la partie moyenne, en arrière, un fais-
ceau gris qui parait dépasser en dehors les limites du faisceau de
Goll ; 2° sur une coupe faite à la partie moyenne de la région
dorsale, on ne voit plus à l'oeil nu que l'altération de la moitié
postérieure des cordons latéraux ; 3° il en est de mème sur une
coupe faite à sept centimètres au-dessus de l'insertion du filum
terminal.
« Les poumons sont sains. Il en est de même du coeur qui
pèse 220 gr. Le foie est volumineux (1,720 gr.), congestionné,
mais sans lésion appréciable à l'oeil nu. La rate, très grosse,
pèse 450 gr. Elle est résistante à la coupe, sans autre altéra-
tion. - Estomac, reins, utérus normaux. »
Avant d'aller plus loin, nous devons faire remarquer que les
lésions macroscopiques rencontrées à la nécropsie, ont été in-
suffisantes pour nous expliquer la mort et les accidents ultimes
qui l'ont précédée. Nous serions portés à penser que Sarrazin a
succombé à une maladie infectieuse mal définie, il est vrai ; la
poussée d'herpès, la teinte ictérique, la fièvre qu'a présentée
la malade durant les quatre ou cinq derniers jours de la vie au-
torisent cette hypothèse. L'examen microscopique du foie qui,
peut-être, à ce point de vue, eut révélé des particularités inté-
ressantes, celui du sang, n'ont pas été pratiqués.
Archives, t. VII. 4
50 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Au demeurant, c'est exclusivement sur les lésions du système
nerveux et spécialement sur celles de la moelle que nous dési-
rons appeler l'attention dans ce mémoire.
B. Examen microscopique de la moelle.
I. Topographie des lésions.- Un examen attentif des figures
représentées sur les Planches I et II et qui reproduisent très
exactement les coupes de la moelle pratiquées aux différentes
hauteurs, permettra de suivre aisément la description qui va
suivre.
Ce qui frappe tout d'abord, au premier coup d'oeil jeté sur ces
figures, c'est l'existence de lésions scléreuses dans toute la hau-
teur de la moelle épinière. Ces lésions sont surtout marquées
au niveau de la région dorsale et de la partie inférieure de la
région cervicale; elles s'atténuent ensuite soit au-dessus, soit
au-dessous des points précités. Onremarqued'autrepart qu'elles
ne sont pas limitées à un seul des systèmes de la moelle, mais
qu'elles affectent, à des degrés d'intensité divers, suivant les
régions, à la fois les cordons postérieurs et les cordons la-
téraux, où nous allons successivement les étudier.
a) Cordons postérieurs. - Ils sont indemnes dans la plus
grande partie de la région lombaire (PL. I, fig. 1, 2 et 3). Au
contraire, à l'extrémité supérieure de cette région (PL. I,
fig. 4), ils sont sclérosés dans presque toute leur épaisseur. On
remarque cependant en dedans eten avant des parties scléreuses
deux petites bandelettes intactes qui représentent, au moins
en partie, les faisceaux de Goll.
Sur la figure 5, qui correspond à l'extrémité inférieure de la
région dorsale, la topographie des altérations est la même que
sur la coupe précédente. Seulement les faisceaux de Goll, tou-
jours intacts, se dessinent plus nettement, immédiatement en
dedans des cordons sclérosés de Burdach.
Les figures 6, 7, 8 et 9 représentent des coupes pratiquées à
différentes hauteurs sur cette même région dorsale. On peut
constater que la teinte rosée, correspondant aux parties ma-
lades, s'étend ici aussi bien sur la bandelette interne que sur
l'externe. Toutefois les cordons de Goll sont moins altérés que
ceux de Burdach et même sur un point (fig. 8), ils paraissent
indemnes de toute lésion.
FAUSSE SCLÉROSE SYSTEMATIQUE DE LA MOELLE. 51
C'est au niveau de la partie la plus élevée de la région dor-
sale et de la partie inférieure de la région cervicale (PL. II,
fig. 9 et 10) que la sclérose est le plus accusée. Elle intéresse
en effet toute l'épaisseur des cordons postérieurs.
Plus baut(PL. II, fig. 11 et 12) les bandelettes externes sont
intactes, sauf dans la partie qui avoisine immédiatement la
pie-mère. Les faisceaux de Goll, au contraire, sont dégénérés.
Cette dégénérescence s'arrête au niveau de l'extrémité inférieure
du bulbe rachidien.
b) Cordons latéraux. Bien qu'il soit plus conforme aux
données de l'anatomie et de la physiologie de suivre les lé-
sions de ces cordons de haut en bas, nous décrirons cependant
ces lésions en procédant de la partie inférieure vers la partie
supérieure de la moelle, comme nous l'avons fait pour celles
des cordons postérieurs. La disposition des figures sur les
planches exige que nous procédions de la sorte.
La sclérose intéresse les cordons latéraux dans toute la
hauteur de la moelle. Nous la voyons apparaître au niveau du
cône médnllaire et s'arrête seulement à l'entrecroisement des
pyramides.
A la région lombaire (PL. I, fit. 1, 2 et 3), elle est disposée
sous forme de triangle adhérant par sa base à la pie-mère. Ce
triangle scléreux confine à la corne postérieure sur la fig. 1 qui
représente une coupe du cône médullaire ; il s'en éloigne un
peu plus haut.
La lésion devient plus étendue et plus massive à partir de
l'extrémité supérieure de la région lombaire. Depuis ce point
jusqu'à la réunion de la moelle et du bulbe, elle intéresse toute
l'épaisseur du cordon latéral (faisceau cérébelleux direct, et
faisceau pyramidal croisé). En dedans, elle est limitée par la
corne grise postérieure; en avant, elle s'étend jusqu'à la base
de la corne antérieure.
Telles sont les lésions qu'on constate en examinant les coupes
à un faible grossissement.
Relevons, pour être complet, l'intégrité absolue des fais-
ceaux de Turck et des cordons antérieurs dans toute la hau-
teur de la moelle. ,
c) Substance grise. L'étude des cornes antérieures et pos-
térieures à un grossissement fort (-8kt7- Ver.) ne nous a décelé
aucune altération des cellules de ces cornes. Toutefois il im-
porte de relever que sur les points où les lésions scléreuses
52 PATHOLOGIE NERVEUSE.
étaient le plus prononcées et le plus diffuses (partie supérieure
de la région dorsale et inférieure de la région cervicale), la
partie la plus reculée des cornes postérieures était comprise
dans le foyer d'inflammation chronique et que, par suite, ses
éléments constitutifs n'étaient plus reconnaissables, ayant été
remplacés par le tissu conjonctif de formation nouvelle.
Les groupes cellulaires de Clarke étaient fort peu développés
sur la moelle de notre malade. Sur les points où les cellules
de ces groupes étaient les plus évidentes, nous n'avons noté
aucune altération. Vu l'impossibilité de les retrouver là où
d'habitude on les observe aisément, nous serions peut-être en
droit de dire que sur certains points elles s'étaient atrophiées.
Mais nous devons garder, à cet égard, une certaine réserve.
D'après tout ce qui précède, nous pouvons résumer comme
il suit la topographie des lésions : Sclérose étendue à toute la
hauteur de la moelle, intéressant simultanément les cordons
postérieurs et les cordons latéraux. Cette sclérose est surtout
accusée au niveau de la partie dorsale supérieure et cervicale
inférieure. Sur ce point, elle forme une sorte de bande trans-
versale qui recouvre tout le segment postérieur de la moelle
(cordons latéraux, cornes et cordons postérieurs); au-dessus
elle se localise aux cordons de Goll et aux cordons latéraux,
au-dessous, à ces mêmes cordons latéraux et aux bandelettes
de Burdach.
II. Examen de la moelle à un fort grossissement. -Nous au-
rons plus d'une fois, dans la suite de ce mémoire, à revenir sur
certains des détails que nous allons exposer ici. Nous nous
bornerons tout d'abord à mentionner ces derniers, dont nous
ferons, dans un instant, ressortir la signification et la valeur.
a) Un premier fait à relever, c'est l'absence de corps granu-
leux et de globules graisseux sur les préparations de la moelle
fraîche faites par dissociation.
b) Sur chaque coupe la sclérose n'est pas prononcée au même
degré dans tous les points atteints. Ce fait qu'on apprécie faci-
lement déjà en examinant la moelle à un grossissement faible,
devient beaucoup plus net lorsqu'on se sert pour l'étude d'un
grossissement fort. On constate alors que le tissu scléreux est
d'autant plus condensé qu'on l'envisage à la périphérie de l'or-
gane, au voisinage immédiat de la pie-mère. Sur la figure 13
(PL. III), on peut s'assurer qu'àce niveau, les éléments normaux
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 53
de la moelle ont complètement disparu, remplacés qu'ils sont
par une épaisse gangue conjonctive.
Cette gangue est moins dense, en général, dans la partie
sclérosée qui correspond aux cordons postérieurs que dans celle
qui correspond aux cordons latéraux. On voit en effet (PL. III,
fig. 14) que en a, la teinte bleue est beaucoup moins prononcée
qu'en b, et l'on distingue encore au sein du tissu scléreux un
grand nombre de gaines de myéline avec leur cylindraxe au
centre, tandis qu'en b, au moins sur les limites de la figure
(partie périphérique des cordons latéraux), ces gaines et ces
cylindraxes font complètement défaut.
c) On constate à la périphérie de la moelle, dans les parties
dégénérées, un grand nombre de corps amyloïdes.
d) Les noyaux de névroglie y sont aussi fort abondants.
e) Sur les limites des tissus sains et malades, c'est-à-dire
dans les points où la sclérose n'est pas encore parachevée et
paraît être toujours envoie d'évolution on distingue des cellules
araignées nombreuses. Le corps de ces cellules est très dé-
veloppé et leurs noyaux des plus nets ; elles ont beaucoup de
prolongements, qu'elles envoient entre les éléments nerveux
non encore détruits. Ces cellules sont en plus grande abondance
dans les cordons latéraux que dans les postérieurs.
f) Ce qui frappe tout d'abord lorsqu'on examine les coupes
à un fort grossissement, c'est le nombre et le volume consi-
dérables des vaisseaux, soit dans l'épaisseur de la pie-mère, soit t
au sein du tissu scléreux de formation nouvelle. Le grand dé-
veloppement de ces vaisseaux est particulièrement bien appré-
ciable sur la figure 9 (PL. II). On voit d'autre part que la paroi
de certains d'entr'eux et leur gaine lymphatique sont infiltrés
de leucocytes (PL. III, fig. 13, a).
g) Sur les points où la sclérose n'a pas étouffé complètement t
les tubes nerveux, on remarque que certains de ces tubes ont
subi l'altération qu'on rencontre au cours de certaines myé-
lites aiguës ou subaiguës. La gaine du tube est distendue; le
cylindraxe, augmenté de volume par place, apparaît variqueux
sur des coupes longitudinales (PL. III, (tg, 15, fig. 16 B.)
Il) Les racines antérieures et postérieures sont normales. Ce-
pendant, là où la corne postérieure est envahie par la sclérose,
on constate une infiltration conjonctive des racines posté-
rieures correspondantes, avec multiplication des éléments du
5t PATHOLOGIE NERVEUSE.
tissu interstitiel. On ne relève aucune lésion des tubes ner-
veux eux-mêmes.
III. Examen microscopique des nerfs optiques. i) Les nerfs
optiques ont été très soigneusement examinés par les méthodes
les plus diverses. Nous ne les avons pas étudiés par dissocia-
tion, mais nous en avons pratiqué plusieurs coupes que nous
avons traitées par divers réactifs (carmin, métyl-violet, héma-
toxyline, brun de Bismark, etc. Sur toutes ces coupes nous avons
constaté la disparition complète des cylindraxes. M. le pro-
fesseur Ranvier, à qui nous avons soumis nos préparations, a
confirmé cette observation. Il est à noter que les nerfs ne pa-
raissaient point sclérosés; du moins, s'il y avait sclérose, celle-
ci était très minime.
III.
En se reportant à la topographie des lésions spi-
nales constatées dans le cas que nous venons de
relater, on pourrait être tenté de penser qu'il s'agit
là d'un exemple de double lésion systématique. La
sclérose, en effet, intéresse à la fois et dans la plus
grande partie de la moelle, le système des cordons
postérieurs et celui des cordons latéraux. Mais en y
regardant de plus près, on se convainc bien vite qu'il
ne peut être ici question d'une myélite systématisée
dans l'acception actuelle du mot. Négligeons pour
un instant les renseignements que nous fournira tout
à l'heure l'étude histologique minutieuse de la moelle,
et considérons exclusivement la localisation des
lésions. A n'envisager que celles des cordons posté-
rieurs, il serait bien difficile, il est vrai, de trouver
dans leur seule topographie un argument décisif con-
tre la systématisation. A première vue, on a bien
affaire ici à la même disposition. de la sclérose que
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 55
dans la maladie de Duchenne la plus légitime. Comme
dans cette dernière affection le faisceau de Burdach
est envahi dans les parties basses de la moelle, tan-
dis que le cordon de Goll est seul intéressé dans les
régions élevées. Relevons cependant la prédominance
remarquable des altérations à la région dorsale, et
l'intégrité des zones radiculaires au niveau des deux
tiers inférieurs, du renflement lombaire. Une sem-
blable prédilection de la sclérose pour la partie dorsale
de l'axe spinal n'est pas dans les habitudes du tabes
vulgaire qui affecte de préférence la région lom-
baire.
En ce qui concerne l'altération des cordons laté-
raux, il suffit d'un examen même sommaire pour se
convaincre qu'il ne s'agit pas là d'une sclérose systé-
matique. Si quelques auteurs, en rapportant des cas
analogues, en ont jugé autrement, cela tient, ce nous
semble, à un défaut de précision dans le langage, on
pourrait dire à un dangereux jeu de mot en vertu
duquel on a été amené à tenir pour synonymes les
deux expressions cordon latéral et faisceau pyramidal.
Or, rien n'est plus faux que cette synonymie. Elle eût
été admissible à la rigueur, il y a quelques années,
mais ne saurait plus l'être aujourd'hui, car les tra-
vaux de MM. Charcot, Bouchard, Flechsig nous ont
appris que le cordon latéral est un organe complexe
constitué par la juxtaposition de plusieurs systèmes.
Parmi ces derniers il en est au moins deux que nous
connaissons bien aujourd'hui, c'est le système centri-
pète ou du faisceau cérébelleux direct qui confine à la
périphérie de la moelle, et le système centrifuge ou du
faisceau pyramidal, situé en dedans du premier. Ces
56 PATHOLOGIE NERVEUSE.
deux systèmes, pour être très voisins l'un de l'autre,
n'en ont pas moins leurs limites, leur siège, leur au-
tonomie propre. Il en résulte que lorsqu'on a dit cor-
don latéral on n'a rien dit, du moins de suffisamment
précis. Il est indispensable dans une description d'in-
diquer avec netteté quelle est la partie ou le système
de ce cordon qui est altéré. Il est regrettable que
quelques auteurs aient manqué à cette exigence d'une
bonne nosographie, ce qui enlève beaucoup de valeur
à leurs observations.
Or, que voyons-nous dans notre cas ? La sclérose du
cordon latéral affecte-t-elle la même topographie que
celle reconnue aux faisceaux cérébelleux ou pyrami-
daux ? En aucune façon; celle-ci procède de la pie-
mère, comme on peut le constater nettement sur les
figures 2 et 3 (Pr.. I); elle s'avance vers le centre de
la moelle sous la forme d'un triangle à base péri-
phérique élargie, qui traverse le faisceau cérébelleux
et empiète sur le système pyramidal. On la voit ainsi,
sur les diverses coupes, se jouer des barrières physio-
logiques, et se diffuser d'une façon irrégulière avec
une indépendance d'allures qui rappelle un peu les
habitudes de la sclérose multiloculaire. De par la
topographie des lésions, nous sommes donc autorisés
à avancer que nous avons affaire ici, non à une sclé-
rose systématique, mais à une sclérose diffuse. On s'en
assurera en comparant à l'une de nos figures, à la
figure 7 (PL. II) par exemple, celle d'une coupe de
moelle atteinte de sclérose latérale amyotrophique ou
de dégénérescence secondaire de cause cérébrale.
D'ailleurs, nous devons le dire, étant données les
notions que nous possédons sur la structure de la
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 57
moelle, notions révélées par la pathologie, il nous
semble difficile de concevoir une sclérose systémati-
que du cordon latéral, c'est-à-dire du système pyra-
midal, qui respecterait absolument dans toutes les
parties de la moelle les faisceaux de Türck et les cor-
nes antérieures qui font partie intégrante du même
système. Pareille lésion a été décrite cependant. Dans
une thèse récente ', M. Jubineau rapporte trois obser-
vations de sclérose prétendue systématique et limitée
aux cordons latéraux sans participation des faisceaux
de Türck et de la substance grise; mais de ces trois
observations deux au moins sont récusables. La pre-
mière en effet, due à M. Stofella2, n'a pas été suivie
d'examen microscopique. Quant à la seconde, qui est
personnelle à l'auteur, elle est défectueuse à plus d'un
titre. M. Hervouet (de Nantes), dans le service duquel
le malade a succombé, a bien voulu nous montrer les
préparations sur lesquelles M. Jubineau a étayé sa
description, et nous sommes obligés de reconnaître
qu'il nous a été impossible de trouver sur les coupes
les lésions constitutives de la sclérose latérale systé-
matique. Reste une troisième observation due à
M. Morgan 3, avec examen microscopique de Dresch-
feld ; celle-là, à la vérité, semble plus décisive. Il
résulte, en effet, de la description histologique de
Dreschfeld que les lésions dans toute la hauteur de la
moelle paraissaient bien limitées à l'aire du faisceau
pyramidal. Toutefois, le début brusque de l'affection
1 F. Jubineau. Etude sur le tabès dorsal spasmodique (sclérose pri-
mitive des faisceaux latéraux). Thèse du Paris, 1SS3.
* Stofella. Wien. med. Wochenschri/jt, 1878.
3 Morgan. British med. journal, janv. 1881.
58 PATHOLOGIE NERVEUSE.
à la suite d'un refroidissement, l'existence d'un foyer
de ramollissement à la région dorsale, portent mal-
gré tout à songer à une myélite aiguë localisée, qui
aurait peut-être joué son rôle dans le développement
de la sclérose latérale. Quoi qu'il en soit, si l'on veut
admettre une sclérose systématique du faisceau pyra-
midal, sans participation du faisceau de Tùrck et des
cornes antérieures, on n'a pour étayer son opinion
d'autre fait que cette observation de Morgan. Si tant
est donc qu'une pareille sclérose soit possible, elle est
au moins rare. Il ne faut point l'oublier dans l'appré-
ciation que l'on pourrait avoir à faire de la nature
systématique ou non des lésions scléreuses intéressant
à la fois les cordons latéraux et les postérieurs.
Mais revenons à notre cas. L'étude attentive de la
disposition des altérations a suffi, nous l'avons vu,
pour nous faire repousser l'idée d'une double lésion
de système. Cependant, à la région cervicale supé-
rieure, la sclérose des cordons postérieurs est assez
nettement limitée aux faisceaux de Goll (PL. II,
fin. 11 et 12) pour que nous ne soyons pas éloigné
de penser qu'il s'agit ici, contrairement à ce qui est
pour les autres parties de la moelle, d'une véritable
dégénérescence ascendante secondaire. Nous revien-
drons dans un instant sur ce point, en agitant la
question de la coïncidence possible dans la moelle
de lésions de sclérose diffuse et de sclérose systéma-
tisée consécutive.
Une dernière particularité de notre cas mérite d'être
mise en relief, c'est l'existence de l'atrophie des nerfs
optiques. Cette atrophie s'observe communément, on
le sait, dans le tabes ataxique. Il n'est pas sans intérêt
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 59
de la voir coïncider ici avec des lésions des cordons
postérieurs, qui nous paraissent cependant s'être déve-
loppées (c'est une opinion que par la suite nous allons
avoir à étayer sur de nouveaux arguments) en vertu
d'un processus autre que celui qui préside habituel-
lement à la genèse des altérations de l'ataxie locomo-
trice. Pareille atrophie existait aussi chez le malade
dont M. Babesiu a rapporté l'observation. Dans le cas
de M. Babesiu, nous le verrons, les lésions spinales
étaient fort analogues à celles rencontrées chez Sar-
razin.
Avant d'aller plus loin, nous pouvons résumer les
enseignements qui résultent de l'examen macrosco-
pique ou de l'étude microscopique à faible grossisse-
ment des lésions chez notre malade. Nous avons eu
affaire à une sclérose diffuse simulant grossièrement
une double sclérose systématique des cordons posté-
rieurs et latéraux, en un mot à une fausse sclérose sys-
tématique combinée de la moelle, compliquée d'atrophie
des nerfs optiques.
Un certain nombre d'observations, plus ou moins
semblables à la nôtre, ont été, comme nous l'avons
dit, publiées par les auteurs. Examinons ces observa-
tions et cherchons l'interprétation dont elles nous
semblent susceptibles. Les principaux des faits dont
il s'agit, ont été relatés par Prévost (sclérose des cor-
dons postérieurs, compliquée d'une sclérose symé-
trique des cordons latéraux)', Westphal (dégénéres-
cences combinées et primitives de la moelle), Kahler
et Pick (dégénérescence combinée systématique de la
moelle), Babesiu (dégénérescence combinée primitive
des cordons latéraux et postérieurs) et quelques autres.
60 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Tous ces cas nous ont paru ne pas être absolument
de même ordre. Aussi décrirons-nous plusieurs types
de lésions combinées. On ne devra pas oublier que la
classification de ces types est affaire d'appréciation ou
plutôt d'interprétation personnelle; à ce titre elle est
essentiellement révisable, mais telle que nous la don-
nons elle nous semble correspondre à la réalité ana-
tomique.
Il ? type.- Il comprend les scléroses diffuses. Celles-
ci peuvent, comme nous l'avons montré, ressembler
de loin aux scléroses systématiques; mais elles en ont
simplement l'apparence. Ici les lésions se jouent des
barrières physiologiques, se disposent sans méthode,
ou du moins elles ne sont pas soumises dans leur dis-
tribution à la loi préétablie qui règle la topographie
des systèmes médullaires. A ce groupe appartient notre
cas, ainsi que celui de M. Babesiu'. La topographie
des lésions dans ce dernier fait, l'irrégularité remar-
quable de leur distribution, certains détails histolo-
giques sur lesquels nous reviendrons, légitiment la
place que nous lui assignons.
2e type. - Dans une seconde catégorie de cas on a
affaire à la lésion classique de l'ataxie locomotrice, à
la sclérose systématique de la bandelette externe. Mais
cette lésion ne se limite pas au cordon de Burdach,
elle intéresse en même temps et les faisceaux de Goll
(ce qui est fréquent) et les faisceaux cérébelleux di-
rects. Ces derniers faisceaux sont seuls lésés dans le
cordon latéral. Dans les faits de ce genre, qui ne pa-
raissent pas très communs, les altérations, on le voit,
1 Babesiu. - Ueber die selbststandige combinirte seiten und hunters-
trang-sclerose der liuckeiz2 ? 2ai,ks, en 1 ! % : rchows, Al'cll ! v., 187U.
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 61
affectent toutes les voies centripètes, qui semblent ici
touchées en vertu de leur rôle et du sens de leur con-
ductibilité physiologique. L'un de nous a, l'année der-
nière, communiqué à la Société anatomique l'observa-
tion d'une tabétique, morte en 1880, dans le service de
M. Charcot, à la Salpêtrière : les lésions de la moelle
chez cette malade correspondaient, suivant toute appa-
rence, à celles que nous venons d'indiquer. La sclé-
rose, notamment dans le cordon latéral, paraissait très
exactement limitée au faisceau cérébelleux de chaque
côté.
3° type. - Ici il s'agit de la combinaison d'une
sclérose primitivement systématique avec des lésions
de myélite diffuse. Sous l'influence des conditions géné-
ratrices du tabes, les bandelettes externes des cordons
postérieurs se prennent, voilà la lésion systématique.
Mais cette lésion engendre secondairement une lepto-
méningite ; le fait n'est pas rare. Or il est permis d'ad-
mettre (et plusieurs faits démontrent qu'il en peut être
ainsi) que cette lepto-méningite devient à son tour le
point de départ d'un processus d'inflammation chro-
nique qui envahit dans une étendue plus ou moins
grande les cordons latéraux : voilà la lésion diffuse.
Le cas de M. Prévost est un exemple de ce troisième
type D'une part, nous relevons dans l'observation de
M. Prévost les lésions suivantes de l'ataxie : « Altéra-
tion des nerfs optiques, des bandelettes optiques et des
corps genouillés interne et externe. Sclérose des cor-
dons postérieurs présentant son maximum d'intensité
1 Prévost. Ataxie locomotrice. Sclérose des cordons postérieurs, com-
pliquée d'une sclérose symétrique des cordons latéraux; in Arch. de
phys. nornz. et patlaol., 1877, p. 764.
62 PATHOLOGIE NERVEUSE.
dans la région dorsale et s'accompagnant à ce niveau
d'une atrophie des racines rachidiennes postérieures.
Cette sclérose postérieure va de là en diminuant, soit
en haut du côté de la région cervicale, pour s'éteindre
au niveau du bulbe, soit en bas du côté de la région
lombaire ». Mais, d'autre part, il y avait, en outre de la
lésion précédente, une sclérose de la partie la plus pé-
riphérique et la plus reculée des cordons latéraux. Or,
en examinant attentivement la topographie de cette
sclérose sur les figures du mémoire de M. Prévost, on
constate qu'elle ne se dispose pas avec la parfaite
symétrie et la régularité d'une dégénérescence du cor-
don cérébelleux, il s'agit bien d'une lésion diffuse.
Mais cette lésion diffuse ne résulte pas d'une simple
propagation par voisinage de la sclérose postérieure,
car, M. Prévost le fait remarquer, il existe dans
presque toute la hauteur de la moelle, entre la corne
postérieure et la zone scléreuse des cordons latéraux,
un espace plus ou moins étendu selon la hauteur, dans
laquelle la moelle est saine. C'est donc vraisembla-
blement par l'intermédiaire de la pie-mère enflammée
que le processus inflammatoire a gagné le cordon
latéral.
Nous aurions quelque tendance à rapprocher du fait
de M. Prévost, celui que M. Raymond' a publié récem-
ment, et qui, nous le verrons, a été particulièrement
intéressant au point de vue de la symptomatologie.
Nous nous demandons aussi si l'Observation III du
1 Haymond. Sclérose des cordons postérieurs et des cordons latéraux,
coexistant chez le même malade. - Prédominance ptcsque exclusive des
symptômes spéciaux à la sclérose des cordons latéraux, in Archiv. de phys.
norl1l. etpath., u° 7, ISS ? .
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 63
mémoire de Westphal, ne serait pas ici légitimement
placée. Dans ce cas, en effet, on voit se surajouter aux
lésions du tabes une sorte de sclérose corticale qui in-
téresse la périphérie des cordons latéraux et s'étend
plus ou moins loin en avant. Cette sclérose surajoutée
qui, sur certaines des coupes, simule une lésion du fais-
ceau cérébelleux, ne nous paraît pas cependant devoir
être envisagée comme une sclérose systématique de
ce faisceau; car sur quelques points, elle en dépasse
de beaucoup les limites, comme on peut le voir sur les
belles figures reproduites à la fin du travail de West-
phal.
4e type. - Contrairement au type précédent consti-
tué par la succession d'une sclérose diffuse à une sclé-
rose systématique, on peut admettre, d'après quelques
faits, la possibilité de l'évolution de lésions systéma-
tisées consécutivement au développement d'une myé-
lite interstitielle diffuse. Qu'un foyer de myélite diffuse
chronique envahisse une région de la moelle, la région
dorsale par exemple, on conçoit qu'il puisse jouer là
le rôle d'une vulgaire myélite transverse. Au-dessus
de ce foyer, on aura une dégénérescence des cordons
de Goll, associée ou non à celle des faisceaux cérébel-
leux ; au-dessous au contraire la lésion dégénérative
intéressera, suivant la règle les faisceaux pyramidaux.
Les choses nous semblent s'être passées ainsi dans
un cas publié par M. Julliard. Il s'agissait dans l'es-
pèce, d'une myélite syphilitique. Nous croyons devoir
reproduire ici une partie de cette intéressante obser-
vation :
1 Westphal. - Ueber conabinirte (pri ? ? 2Ci-e) erkrankung der ltucken-
markslrdnge, in Arch, sur Psychiatrie, Bd. VIII, u. IX.
6t PATHOLOGIE NERVEUSE.
« Les lésions, dit l'auteur, offrent leur maximum d'intensité
vers la partie supérieure de la région dorsale et dans le cordon
latéral. Ce qui frappe, au premier abord, c'est l'épaississement
très marqué de la gaine adventice des vaisseaux, en sorte que
ceux-ci se montrent sous l'aspect de cylindres, ordinairement
réguliers lorsqu'on les considère sur une coupe pratiquée per-
pendiculairement à leur axe. Mais ils paraissent moniliformes
quand, par hasard, la coupe les atteint suivant leur longueur.
On peut dire que leur diamètre total est plus que doublé par
cet épaississement ; et cette modification porte d'une façon
indubitable sur les dépendances de la gaine adventice, c'est-à-
dire sur la gaîne lymphatique des vaisseaux. De cette gaine
partent des tractus conjonctifs, qui constituent une véritable
sclérose interstitielle; en certains points, au niveau des vais-
seaux dont les parois n'ont subi que peu d'épaississement, on
trouve de véritables îlots de sclérose, confondus avec les dé-
pendances de la gaine lymphatique et qui forment comme un
petit lac au milieu duquel on aperçoit le vaisseau. D'un autre
côté, au niveau des points les plus malades, on voit que la pie-
mère adhère complètement au tissu scléreux, et offre un
épaississement considérable; mais dans le cas actuel, le pro-
cessus phlegmasique est déjà de date assez peu récente pour
qu'on ne trouve plus les traces d'inflammation subaigüe qu'on
trouve d'autres fois. La sclérose, en tous cas, intéresse fort peu
la substance grise.
« Si l'on cherche à établir la géographie des altérations, on
trouve qu'en général périphériques, elles offrent un maximum
entre la première et la troisième dorsales : ce fait est démontré
par l'existence d'une dégénérescence ascendante, manifeste
portant, à la région cervicale, sur la totalité du cordon de Goll.
En second lieu, de la première à la troisième dorsale, il existe
une lésion qui intéresse également les cordons latéraux, lésion
que prouve une dégénérescence latérale double complète et
symétrique, déjà manifeste au niveau d'une coupe pratiquée
vers la naissance de la troisième paire dorsale. Cette dégéné-
rescence secondaire symétrique se poursuit jusqu'à la partie
inférieure des régions dorsale et lombaire. Quant aux lésions
qui occupent les cordons latéraux et postérieurs, leur maxi-
mum est situé entre la troisième dorsale et la dernière cervi-
cale. »
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 65
Un fait publié par M. Pierret (Arch. de physiologie,
1876, p. 45) présente quelque analogie avec le pré-
cédent.
La quatrième observation de Westphal ' nous paraît
aussi pouvoir être rapprochée de celle de M. Julliard.
L'importance et l'intérêt de ce cas exigent que nous
nous y arrêtions quelques instants. Chez le malade de
Westphal, comme chez la nôtre, c'est au niveau de
la région dorsale supérieure et cervicale inférieure
que la sclérose des cordons postérieurs et latéraux
était le plus accusée. A ce niveau elle intéresse les fais-
ceaux de Goll dans toute leur épaisseur, et s'étend
un peu irrégulièrement de chaque côté, sur les fais-
ceaux de Burdach. Les cordons latéraux sont intéres-
sés dans une grande partie de leur étendue : la sclé-
rose commence à la périphérie de la moelle, recouvre
les faisceaux cérébelleux et une partie des voies pyra-
midales. Elle ne respecte donc pas ici la topographie
des systèmes, elle est irrégulièrement diffuse, tant en
arrière que latéralement. Au-dessus et au-dessous de
la région que nous venons de considérer, la lésion
affecte, au contraire, une disposition qui rappelle assez
bien celle des lésions systématiques consécutives d'un
foyer intra-médullaire. A la région cervicale, en effet,
' Nous Mgnalerons simplement en note les observations I, II et V du
mémoire de Westphal, qui sont d'une interprétation très difficile, et
auxquelles il ne nous a pas été possible d'assigner une place dans le
cours de notre travail. Ces vois observations présentent entre elles quelque
analogie, en ce sens qu'il s'agit, dans toutes, de la combinaison des lésions
classiques de avec une dégénérescence d'une partie plus ou moins
étendue des cordons antéro-latéraux, dégénérescence caractérisée, clans
l'espèce, par la présence d'un assez grand nombre de corps graisseux. Ce
qu'il importe de relever, c'est que ni dans les unes ni dans les autres de
ces observations, les lésions des faisceaux latéraux n'affectaient, dans
leur localisation, une régularité et une symétrie qui permît de les envisa-
ger comme systématiques.
Ancutvta, t. Vil. 5
66 PATHOLOGIE NERVEUSE.
elle est assez bien localisée aux cordons de Goll et
aux faisceaux cérébelleux, tandis qu'au niveau des
régions dorsale inférieure et lombaire, à la hauteur
desquelles l'altération des cordons postérieurs s'atté-
nue et n'est plus représentée que par quelques îlots
scléreux disposés sans méthode, les cordons laté-
raux sont dégénérés dans une partie qui correspond
assez exactement aux faisceaux pyramidaux.
Ce cas est susceptible de trois interprétations : l'on
peut admettre qu'il y a là exclusivement des lésions
systématiques et, dans cette hypothèse, on aurait
affaire à une double dégénérescence du système cen-
trifuge (faisceau pyramidal) et du système centripète
(cordons de Burdach, de Goll et cérébelleux); ou
bien qu'il s'agit d'une myélite diffuse simulant simple-
ment sur certains points une double myélite systéma-
tique ; ou bien enfin que les lésions de la partie
moyenne de la moelle étant celles d'une myélite dif-
fuse, les altérations des parties supérieures et infé-
rieures représentant des dégénérescences secondaires
consécutives à cette myélite. Westphal incline vers
la première de ces trois hypothèses. Cette manière
de voir soulève plusieurs objections. Relevons tout
d'abord l'intégrité des cordons de Tûrck et des cornes
antérieures qui nous semble difficilement compatible
avec une lésion systématique primitive du faisceau
pyramidal. Westphal observe, à la vérité, que l'ab-
sence d'altération du cordon de Tùrck peut s'expli-
quer par un entrecroisement complet des fibres cen-
trifuges. La remarque est fort juste, mais l'entrecroi-
sement complet est un fait bien exceptionnel. Du
reste, nous ne saurions insister plus qu'il ne con-
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 67
vient sur ce premier argument, car, nous l'avons vu,
quelques auteurs croient à la possibilité d'une sclé-
rose systématique limitée aux seules fibres centrifuges
du cordon latéral. Ce qui nous semble militer surtout
en faveur de la nature diffuse des lésions de la région
dorsale, dans le cas de Westphal, c'est l'irrégularité
réelle 'de la topographie de ces lésions, et aussi le
développement remarquable des vaisseaux dans les
parties sclérosées, particularité que relève l'auteur et
qui a pour nous une grande importance, comme nous
le dirons par la suite.
Quant à la sclérose des parties de la moelle sus et
sous-jacentes aux régions dorsale supérieure et cer-
vicale inférieure, elle se présente, nous l'avons dit,
avec des caractères qui la font ressembler étroitement
à la sclérose systématique. Voilà pourquoi nous ne
serions pas éloigné de penser que, dans l'espèce, les
altérations de la région moyenne de la moelle, ont
joué le rôle d'un foyer de myélite transverse et déter-
miné, au-dessus et au-dessous, les dégénérescences
systématiques qu'on observe d'habitude dans les cas
où l'on a affaire à cette lésion. Westphal, qui s'est
posé cette même question, observe, à cet égard, que
jamais on n'a relevé l'existence de dégénérescences
secondaires au-dessus et au-dessous d'une plaque
de sclérose multiloculaire. Le fait est vrai d'une façon
générale, bien qu'il ne soit peut-être pas inutile de
le vérifier à nouveau. Mais en le supposant même
constamment exact, il ne faut pas perdre de vue
cette particularité, relevée naguère par M. Charcot
dans l'histoire anatomique de la sclérose en plaques,
à savoir l'intégrité habituelle des cylindres-axes, ce
68 PATHOLOGIE NERVEUSE.
qui explique, dans une certaine mesure, l'absence de
lésions dégénératives secondaires dans cette affection.
Au contraire, dans le cas de Westphal, il est noté
qu'au niveau des parties que nous considérons comme
atteintes de myélite diffuse, un grand nombre des
tubes nerveux, sinon tous, étaient détruits.
5e type. - Il nous reste à parler d'un dernier
type. Celui-ci, dont nous allons avoir à discuter la
réalité, consisterait dans la combinaison de véritables
scléroses systématiques intéressant, d'une part, les cor-
dons postérieurs ; d'autre part, le faisceau pyramidal.
Parmi les observations que nous avons fait pres-
sentir, il s'en trouve une seule qui corresponde à
ce type, c'est celle de MM. Kahler et Pick'. Dans ce
cas, la dégénérescence occupait, d'une part, les cor-
dons de Burdach et de Goll, dans toute la hauteur de
la moelle, d'autre part, dans la même étendue, les
faisceaux cérébelleux et pyramidaux. De plus, fait
important, aux régions cervicale et dorsale le cordon
de Tùrck était lésé du côté droit. Corrélativement la
sclérose du faisceau pyramidal occupait une étendue
moins considérable à gauche que de l'autre côté.
Cette lésion du faisceau de Tùrck nous semble,
comme à MM. Kahler et Pick, militer puissamment en
faveur de la systématisation réelle de la dégénération
le long de l'appareil centrifuge. La seule objection
qu'on pourrait faire à cette manière de voir, c'est
que le faisceau cérébelleux était lésé au même titre
que le pyramidal. Les auteurs pensent qu'il s'agissait
là d'une lésion propagée.
1 Kahler et Pick. Ueber combinirtc systenaer krankungen der liuc-
kenmarlces, in Arch. sur Psychiatrie, Bd. VIII, Lef1 2.
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 69
M. Damaschino a bien voulu nous montrer de
très belles photographies des coupes microscopiques
d'une moelle atteinte de lésion scléreuse des cor-
dons postérieurs et latéraux. Sur ces derniers, l'alté-
ration, dans toute la hauteur de la moelle, semblait
assez nettement limitée au faisceau pyramidal de cha-
que côté. L'observation de ce cas, encore inédite,
sera publiée prochainement. M. Damaschino en a,
l'an dernier, communiqué une courte analyse à la
Société médicale des Hôpitaux (Compte-rendu, 1882).
En résumé, parmi les cas de sclérose combinée des
cordons postérieurs et latéraux qui figurent dans la
littérature médicale, nous n'en voyons guère que
deux qui puissent être, avec quelque vraisemblance,
considérés comme des exemples de scléroses combi-
nées systématiques : celui de M. Damaschino, et celui
de MM. Kahler et Pick. Encore le dernier est-il un
peu spécial, en ce sens qu'il s'agissait d'une jeune
fille de vingt ans, dont le corps était insuffisamment
développé, si bien que la lésion des cordons, d'après
les auteurs de l'observation, pourrait être envisagée
comme la conséquence d'un développement incom-
plet de la moelle chez la malade.
IV.
Les développements dans lesquels nous venons
d'entrer, qui ont trait, on l'a vu, exclusivement à la
topographie des lésions scléreuses dans notre cas et
dans quelques autres plus ou moins analogues, ont
70 PATHOLOGIE NERVEUSE.
suffisamment établi, croyons-nous, qu'on ne saurait
tenir les altérations relevées dans la moelle de notre
malade, pour véritablement systématiques. Et nous
prenons cette dernière épithète dans le sens qu'on lui
attribue couramment, c'est-à-dire comme impliquant
l'apparition de la sclérose au pourtour des tubes ner-
veux qui constituent un même système physiologique,
ces tubes (irrités ou dégénérés) étant le point de dé-
part de l'irritation transmise il la gangue conjonctive.
Mais les résultats de l'examen microscopique prati-
qué à l'aide d'un grossissement fort ( ? 1, Verick), nous
fournissent des arguments nouveaux à l'appui de l'opi-
nion que nous soutenons. Nous n'oublions pas que
nous ne sommes point assez avancés en histologie pa-
thologique de la moelle, comme le fait justement re-
marquer Westphal, pour discerner à coup sûr de par
les seuls caractères microscopiques, les scléroses d'ori-
gine parenchymateuse (sclérose péri-tubulaire) de
celles qui tiennent à une irritation d'une autre nature
de la gangue conjonctive (scléroses péri-vasculaires ou
autres). Cependant certaines particularités, observées
dans notre cas, nous ont paru assez significatives pour
nous permettre de repousser l'hypothèse d'une lésion
primitivement péri-tubulaire.
Un premier fait, qu'il est intéressant de mettre
en relief, c'est la différence assez nette qui existe dans
l'aspect des tubes nerveux sur une coupe transversale
de la moelle de notre malade et sur celle d'une moelle
atteinte de sclérose systématique type, par exemple de
dégénérescence secondaire. On jugera aisément de
cette différence en jetant les yeux sur la figure 16
(PL. III). En A est représentée la coupe d'un cordon
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 71 t
latéral dégénéré consécutivement à une lésion céré-
brale, en B celle du cordon latéral de la moelle de
Sarrazin, aux confins des parties malades et des parties
saines, c'est-à-dire là où la lésion n'avait pas encore
atteint son degré le plus avancé. En A, on ne distingue
plus qu'un très petit nombre de tubes nerveux, mais
ceux qui persistent au sein de la gangue scléreuse ont
conservé leurs caractères normaux. En B, nous retrou-
vons au contraire un grand nombre de ces tubes, mais
ceux-ci sont pour la plupart malades et présentent les
lésions qu'on observe dans les cas de myélite aiguë ou su-
baiguë : ils sont augmentés de volume, quelques-uns
considérablement; un certain nombre d'entre eux (b, b.)
ne présentent plus de cylindre axile dans leur intérieur;
au centre de quelques autres au contraire (a, a.) on voit
un cylindre-axe très volumineux, évidemment tuméfié,
et dont le volume est trois ou quatre fois plus grand
qu'à l'état normal. Cet aspect du cylindre-axe sur la
coupe transversale dénote que celui-ci a subi une sorte
de gonflement, dont on peut se rendre un compte en-
core plus exact en examinant sur une coupe longitu-
dinale un tube nerveux heureusement isolé (PL. III,
fig. 15). On voit que le cylindre axile est variqueux,
étranglé sur certains points, dilaté sur certains autres.
On conçoit que les étranglements, en s'accusant da-
vantage, puissent aboutir à la rupture complète, et il
est vraisemblable que les tubes vides observés sur les
coupes transversales sont précisément ceux qui ont
été attaqués par le rasoir au niveau de ces ruptures.
La lésion que nous venons de décrire n'a,pas été,
croyons-nous, constatée dans les cas de dégénéres-
cence systématique (secondaire ou autre). Elle paraît
72 PATHOLOGIE NERVEUSE.
être commune, au contraire, au dire de M. Charcot
qui l'a étudiée le premier, au moins en France, « aux
formes aiguës, subaiguës et chroniques primitives de
l'inflammation de. la moelle épinière '. » Nous avons
donc le droit de considérer cette altération comme
constituant une présomption, de plus contre la nature
systématique de la sclérose dans le cas de Sarrazin.
D'autre part, sur les points où l'épaississement de la
gangue conjonctive n'est pas encore arrivée à son de-
gré le plus avancé, on distingue un assez grand nombre
de cellules araignées, qu'il est facile de reconnaître à
leur forme irrégulière, à leurs prolongements nom-
breux, à leur noyau volumineux. Ces cellules, ouïe sait,
existent, à l'état normal, dans le tissu interstitiel de
la moelle, comme il résulte des travaux de Jastrowitz \
de Golgi 3, de Fr. Boll ', de Debove 5. Mais, dans le cas
d'irritation de ce tissu, elles deviennent plus volume-
neuses et plus nombreuses, ou du moins plus appa-
rentes. Or, c'est encore dans les myélites, dites primi-
tives, qu'on les voit affecter de tels caractères; il n'en
est pas ainsi dans les dégénérescences systématiques.
Nouvel argument en faveur de l'opinion que nous sou-
tenons. Rappelons en passant que, dans l'observation
de M. Babesiu, fort analogue à la nôtre, on l'a vu,
1 Charcot. Si»' la tuméfaction des cellules nerveuses motrices, et du
cylindre-axe des tubes nerveux, dans certains cas de myélite; in AI'ch.
de phys. norm. et pathol., 1871-72, p. 93, et Leç. sur les mal. du système
nerveux, t. II, p. 385.
, Jastrowitz. Studien ueber die encephalitis und nzyelilis der ersteiz
kindesatters ; in Arch. sur Psychiatrie, t. III, 1872.
a Golgi. - Rivista clinica tlz Bologna, nov. et déc. 1871.
4 Fr. Boll Histologie et lzislogénie du système nerveux central; in
Arch. sur Psychiatrie, 1873.
5 Debove, cité par Fr. Boll.
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 73
l'auteur note également le développement remar-
quable des cellules araignées, spécialement autour
des vaisseaux.
Il résulte pour nous de tout ce qui précède qu'il
faut chercher ailleurs que dans les tubes nerveux eux-
mêmes le point de départ de la sclérose interstitielle
diffuse observée chez Sarrazin.
Or, ce point de départ, nous le trouvons dans les
vaisseaux. On est frappé, en effet, lorsqu'on jette les
yeux sur nos diverses coupes de moelle, particulière-
ment sur la figure 10 (PL. II), du nombre très grand
des artérioles dilatées et comme variqueuses, aussi
bien dans les cordons latéraux que dans les posté-
rieurs.
D'autre part, si l'on examine l'un de ces vaisseaux
à un fort grossissement (PL. III, fig. 13, a), on voit
que ses parois et sa gaîne péri-vasculaire sont infiltrées
d'un grand nombre de noyaux et de leucocytes, ce qui
dénote un état d'irritation très prononcé de ce vaisseau.
Sans doute on pourrait objecter que cette irritation
intra et péri-vasculaire n'a pas été le fait primitif,
qu'au contraire elle a été consécutive au dévelop-
pement de la lésion interstitielle. Mais, dans la sclérose
systématique de la moelle, on ne rencontre pas, à beau-
coup près, un développement et une irritation ana-
logues des artérioles. Nous croyons donc pouvoir ad-
mettre que cette irritation a été première en date, et
qu'il s'est agi dans notre cas d'une sclérose péri-
vasculaire.
L'histoire des scléroses péri-vasculaires de la moelle
est encore presque toute à faire. On s'est en effet,
jusqu'à ce jour, accoutumé à considérer surtout les
il- 4 PATHOLOGIE NERVEUSE.
scléroses dites systématiques, c'est-à-dire celles qui
se développent au pourtour du tube nerveux groupés
en systèmes. Quant aux autres, on les a confondues
sous la dénomination générique de scléroses diffuses.
Il n'est pas jusqu'à la sclérose en plaques, si bien
étudiée pourtant dans ses caractères généraux, qui ne
soit fort mal connue quant à ses lésions primordiales.
' Or, la pathologie comparée des cirrhoses viscérales
nous enseigne que dans les divers organes, le foie
par exemple, tout processus scléreux a pour point de
départ l'un quelconque des systèmes de canaux ou
de vaisseaux qui cheminent à travers cet organe :
veine porte ou canaux biliaires par exemple, s'il
s'agit du foie. Eh bien ! il en est certainement de même
pour la moelle : les scléroses de cet organe ont, cela
n'est pas douteux, des origines multiples. Songer à en
établir d'ores et déjà la classification complète serait
peut-être prématuré; tout au moins nous croyons-
nous en droit d'isoler dès maintenant du groupe, d'une
part, les scléroses qui se développent au pourtour
d'un système de tubes nerveux (systématiques de
M. Vulpian); d'autre part, celles qui naissent autour
des vaisseaux artériels. On pourrait dès lors opposer
les premières aux secondes, en désignant les unes
sous le nom de scléroses péri-tubulaires, les autres
sous celui de péri-vasculaires. Nous n'ajoutons point à
ces expressions nouvelles plus d'importance qu'elles
n'en méritent. Si nous nous en servons ici, c'est
parce qu'elles nous paraissent propres à mettre en
relief l'origine spéciale à chacune des formes de sclé-
rose précitées. Or, ce qui spécifie une sclérose, c'est
précisément son point de départ; c'est assez dire que
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 7.')
si l'on veut caractériser le processus, il faut le saisir
à ses débuts, et non l'envisager à un moment où, par
suite des progrès de son évolution, il a secondairement
intéressé des éléments qui ne jouaient aucun rôle lors
de son développement premier. Toute sclérose péri-
vasculaire devient en effet fatalement et vite péri-
tubulaire. On pourrait alors lui appliquer l'expression
de sclérose mixte dont on s'est servi pour désigner
certaines cirrhoses hépatiques. Ce mot exprime peut-
être une réalité nosographique; mais il nous semble
très vicieux au point de vue de la nosologie.
Les scléroses péri-tubulaires et péri-vasculaires étant
admises comme espèces distinctes, il peut être dini-
cile, dans certains cas, de rattacher à l'une ou à
l'autre de ces espèces certaines scléroses données.
C'est ainsi que la lésion de l'ataxie locomotrice pro-
gressive, qui, depuis les travaux de MM. Charcot et
Pierret, est considérée comme une cirrhose péri-tubu-
laire, a été, il y a peu de temps, envisagée par
M. Adamkiewicz comme d'origine vasculaire'. Jusqu'à
plus ample informé, nous ne saurions admettre l'opi-
nion de cet auteur, en tant du moins qu'applicable aux
altérations de la plupart des cas de tabes. Qu'il y ait
des scléroses des cordons postérieurs, développées pri-
mitivement autour des artérioles, nous sommes d'au-
tant moins porté à le nier que le cas rapporté par
nous était précisément de cet ordre. Il est aussi fort
possible que le seul fait de tabès qu'ait étudié, au point
de vue de son origine, M. Adamkiewicz et sur lequel
il a fondé son opinion, appartînt à la même caté-
1 Adamkiewicz. Die Rllltge{risse de¡- lIlellschlichen U,ickellmw'/oes. -
S : l : ,uttgaLericltle der lIïCltel' Akadcmic de/' 11'issettscltateti, lSb3, p. 'iG9.
76 PATHOLOGIE NERVEUSE.
gorie. Mais il s'en faut que l'examen des cas en ques-
tion suffise à infirmer la doctrine si bien établie sur
des examens microscopiques minutieux par MM. Char-
cot et Pierret. Avec ces auteurs, avec Westphal, nous
restons donc convaincu de l'origine péri-radiculaire
des lésions du tabes, dans les cas types de maladie
de Duchenne. Au reste nous ne pouvons discuter com-
plètement ici cette question, à laquelle nous nous
contentons de toucher. Si c'était le lieu d'y insister,
nous pourrions montrer que la doctrine généralement
adoptée cadre mieux que celle de M. Adamkiewicz
avec les données étiologiques et pathogéniques. C'est
un point sur lequel nous allons brièvement revenir
dans un instant.
V.
Si nous avons suffisamment établi, par les détails qui
précèdent, l'origine vasculaire de la sclérose observée
dans notre cas, il reste une dernière question à élu-
cider. Quel a été, chez Sarrazin, l'agent déterminant
de l'irritation dont les effets ont porté sur la paroi des
artères d'abord, puis sur la gangue conjonctive diffuse
autour de ces dernières 1
Cet agent doit être naturellement cherché dans le
contenu intra-vasculaire, c'est-à-dire dans le sang. Or,
les produits nuisibles susceptibles de perturber la nu-
trition des éléments anatomiques de la paroi des vais-
seaux ou des tissus péri-vasculaires sont de deux
ordres : toxiques ou infectieux. Eh bien ! dans les an-
técédents de notre malade, nous retrouvons un en-
semble d'épisodes qui nous autorisent à considérer
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 77
cette femme comme atteinte d'une maladie infec-
tieuse, la syphilis. Au reste, il y a de très bonnes rai-
sons à invoquer, même en dehors de la considération
des antécédents pathologiques de Sarrazin, pour se
croire en droit de regarder les lésions médullaires
observées dans notre cas, comme des lésions syphili-
tiques. Ce qui caractérise en effet les altérations mé-
dullaires chez notre malade, c'est d'une part leur ori-
gaine péri-vasculaire, d'autre part leur diffusion. Or,
les travaux de Heubner, Cornil, d'autres encore ont
montré que les lésions syphilitiques procèdent en gé-
néral d'une artérite, et nous savons, d'autre part,
que ces lésions ont une remarquable tendance, par-
ticulièrement dans le système nerveux, à se répartir
sans ordre et sans méthode apparente sur une grande
étendue de ce système.
Savard, dans une thèse récente, résume comme
il suit l'ensemble des altérations observées dans les
cas de myélite syphilitique scléreuse' : « Lésions
des méninges avec prolifération du tissu conjonctif ;
cette prolifération se fait également sur les tractus fi-
breux qui relient les méninges à la moelle. Lésions de
la moelle produites par prolifération des éléments con-
jonctifs avec compression, puis disparition consécu-
tive des tubes nerveux ; formation de cellules à prolon-
gements ou cellules araignées; lésions des vaisseaux
et aussi des gaines péri-vasculaires par prolifération
d'éléments embryonnaires. » Ces altérations, on l'a
vu, sont précisément celles que nous avons retrouvées
dans notre cas. Au surplus nous avons relaté plus haut
1 Savard. - Etude sur les myélites syphilitiques. Thèse de Paris, 1882.
78 PATHOLOGIE NERVEUSE.
un exemple de myélite syphilitique avérée, qui pré-
sente avec le nôtre des analogies remarquables (cas de
M. Julliard 1),
En voilà plus qu'il n'en faut pour que nous nous
croyions autorisés à affirmer l'étiologie syphilitique
chez notre malade.
A ce propos, nous présenterons ici quelques brèves
considérations relatives à la doctrine de la spécificité
du tabes, telle qu'elle a été édifiée dans ces derniers
temps. La remarquable tendance qu'ont à se diffuser
les lésions syphilitiques nous paraît être un argument
très sérieux, quoiqu'on en ait dit, contre cette doc-
trine. Et en effet les observations nous enseignent que
dans les cas de myélite spécifique bien avérée, la ma-
ladie n'a jamais limité ses dégâts au système postérieur,
que toujours, au contraire, les lésions ont envahi une
partie plus ou moins étendue des systèmes voisins;
ce qu'explique d'ailleurs l'origine vasculaire des sclé-
roses spécifiques. A la vérité on pourrait objecter que,
pour être habituelle, cette diffusion des lésions peut
n'être pas fatale. Nous l'admettons volontiers, mais
c'est reculer la difficulté sans la résoudre. « Un très
grand nombre de lésions syphilitiques tertiaires, dit
M. le professeur Fournier', aboutissent à la sclérose;
pourquoi donc vouloir que, dans la moelle, la syphi-
lis prenne une forme différente de celle qu'elle revêt
fréquemment en d'autres sièges ? Pourquoi vouloir
qu'elle fasse, dans les cordons postérieurs médullaires,
autre chose que ce qu'elle a coutume de faire ailleurs ? »
j Julliard. Localisations spinales delà syphilis, Layon, 1879.
Il,. I''oumiui ? <a.rte syphilitique (.11/11. de dermatologie, 187G) et Du
Tabès spécifique, Paris, 1882.
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 79
Nous ne nions pas, tant s'en faut, la tendance de la
syphilis à faire de la sclérose. Mais quelle sclérose,
péri-vasculaire ou péri-tubulaire ? Péri-vasculaire évi-
demment, puisqu'il est dans les habitudes de la vérole
de procéder des vaisseaux aux tissus avoisinants. Il ne
reste plus dès lors aux partisans de la spécificité du
tabes qu'à se retrancher derrière l'opinion d'Adam-
kiewicz, et à soutenir que tous les cas de tabes sont
d'origine vasculaire. Or, nous avons dit plus haut que
celte opinion était loin de reposer sur une base solide
et qu'il y a bien des objections à élever contre elle.
Au reste on peut invoquer contre la doctrine de
l'ataxie syphilitique, telle qu'elle est admise par
M. Fournier notamment, des arguments d'un autre
ordre, empruntés à l'étudede l'étiologie. Ces arguments
ne seraient point à leur place ici. L'un de nous s'est
attaché à les présenter dans un autre travail fait en
collaboration avec M. Landouzy et qui paraîtra pro-
chainement '. Nous nous contenterons de renvoyer à
ce travail.
VI.
Considérations cliniques. SJnahtomalologie des lé-
sions combinées des cordons postérieurs et latéraux. -
Après avoir étudié les scléroses combinées au point
de vue de la topographie, des caractères microsco-
piques, de la nature probable et de la pathogénie des
lésions, il reste à nous demander quelle est la symp-
1 L. Landouzy et G. Ballet. - Recherches sur les causes de l'ataxie
locomotrice. Memoito couronné pat' l'Académie de médecine (pn\
Curieux, ils63.)
80 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tomatologie qui résulte de l'association d'une sclérose
des cordons latéraux à une sclérose des faisceaux
postérieurs.
On sait que les symptômes d'une lésion spinale
(comme ceux d'une lésion cérébrale) dépendent du
siège de la lésion, non de sa nature. Peu importe
que les cordons latéraux et postérieurs soient touchés
par tel ou tel processus, que leur destruction résulte
du développement d'une sclérose péri-vasculaire ou
péri-tubulaire; cela ne fait rien à la chose. Ils sont
touchés, cela suffit, et ils vont réagir suivant leurs
habitudes physiologiques. Dès lors, on peut prévoir
que, dans les cas de sclérose intéressant simultanément
les faisceaux postérieurs et les latéraux, on se trou-
vera en face de symptômes qui relèveront à la fois
de l'altération des premiers et de celle des seconds.
Or, les lésions isolées des cordons postérieurs se
traduisent par les douleurs (fulgurantes ou autres), et
les diverses variétés de troubles sensitifs (hyperes-
thésies et anesthésies); celles des cordons latéraux,
du moins du faisceau pyramidal, par de la paraplégie
avec contracture, accompagnée de l'exagération de la
réflectivité spinale. Mais, en y réfléchissant, on
s'apercevra bien vite qu'il y a incompatibilité entre
certains symptômes des scléroses postérieures et cer-
tains autres qui relèvent de la sclérose latérale. En
effet, l'exagération des réflexes tendineux et la contrac-
ture, qui sont le fait habituel de cette dernière altéra-
tion, ne sauraient coexister avec la flaccidité et l'aboli-
tion des réflexes qui sont, au contraire, les symptômes
accoutumés de l'ataxie. Le problème diagnostique se
pose donc dans ces termes : En cas de lésion intéres-
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 81
saut simultanément les cordons postérieurs et laté-
raux, quelles sont les manifestations cliniques prédo-
minantes, celles qui ressortissent aux premiers ou aux
derniers de ces cordons ? Les faits vont nous ré-
pondre.
Chez notre malade, nous avons relevé quelques
symptômes, placés évidemment sous la dépendance
de la sclérose des cordons de Burdach, nous faisons
allusion aux douleurs fulgurantes avec hyperesthésie
cutanée. Mais, pendant toute la durée de la maladie,
les phénomènes prédominants ont été ceux qui dé-
pendaient de la lésion du cordon latéral, à savoir :
la paralysie avec contracture des quatre membres, et
l'exagération des réflexes tendineux.
Il en était à peu près de même dans le cas de
M. Babesiu. En effet, chez le malade, dont il est ques-
tion dans l'observation de cet auteur, l'affection avait
débuté à l'âge de quarante-quatre ans, par de la fai-
blesse et de la lourdeur dans les jambes. Quelques
mois après, s'était montrée dans les muscles des
extrémités inférieures une certaine rigidité, qui allai
parfois jusqu'à la contracture complète. A peu près en
même temps, douleurs des membres inférieurs et des
organes génitaux. Deux ans après le début, le ma-
lade fut complètement confiné au lit. Vers la troi-
sième année commença à se manifester l'atrophie
des papilles; l'affection dura quatre ans; en der-
nier lieu l'état était le suivant : 1° anesthésie plan-
taire, diminution du sens musculaire, puis paralysie
de la vessie; 2° contracture en flexion des membres
inférieurs; 3° conservation des réflexes tendineux,
qui étaient un peu exagérés.
Abchivks, t. VII. 6
82 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Enfin, dans l'observation de M. Raymond, à laquelle
nous avons déjà fait allusion, il y avait aussi prédo-
minance presque exclusive des symptômes de la sclé-
rose des cordons latéraux, bien que les postérieurs
fussent lésés.
Ainsi on voit que dans ces trois cas, la sclérose laté-
rale a maintenu ses droits en dépit de la lésion coïnci-
dente des cordons postérieurs, et a pu faire prédominer
sa symptomatologie sur celle de sa congénère. On peut,
. ce nous semble, s'expliquer le fait en considérant la
topographie des lésions sur les dessins de M. Babesiu,
et particulièrement sur les nôtres. Sur ces derniers,
en effet, on constate, que tandis que la sclérose du
cordon latéral s'étend dans la plus grande partie de
la moelle, celle des faisceaux de Burdach fait défaut
sur certains points, notamment dans la plus grande
étendue de la région lombaire, et dans les deux tiers
supérieurs de la région cervicale, c'est-à-dire sur les
points qui, très vraisemblablement, livrent passage à
l'arc réflexe correspondant aux réflexes tendineux des
membres supérieur et inférieur.
La même interprétation est applicable au fait de
M. Prévost, dans lequel les symptômes tabétiques
(douleurs, etc.) coïncidaient avec une exagération de
la réflectivité et avec de la trépidation spinale, car,
dans ce cas encore, les lésions des bandelettes exter-
nes s'étaient en quelque sorte sommées à la région
dorsale et allaient de là, en s'atténuant au-dessus et
au-dessous, vers la région lombaire.
A l'inverse de ce que nous venons de voir, il est
des scléroses combinées, intéressant simultanément
les cordons latéraux et postérieurs, dans lesquels, la
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 83
lésion de ces derniers imprime à la symptomatologie
la note dominante. Il nous suffirait, pour l'établir, de
rappeler les nombreux cas de sclérose systématique
des faisceaux postérieurs avec propagation du pro-
cessus aux parties avoisinantes, cas dans lesquels, en
dépit de cette propagation, le tableau clinique est
resté celui de l'ataxie locomotrice la plus franche.
Mais, dans ces cas en général, la lésion propagée au
cordon latéral est, nous l'avons vu, toute périphé-
rique et de minime importance.
Il n'en est point de même de l'observation de
MM. Kahler et Pick; ici la sclérose est aussi prononcée
que possible sur les deux ordres de cordons (posté-
rieurs et latéraux), et, bien que la symptomatologie
soit dans ce cas restée obscure à quelques égards, on
peut dire cependant que, dans l'espèce, la prédomi-
nance d'action est restée à la lésion postérieure.
Relevons tout d'abord dans les détails fournis par
les auteurs, une particularité assez singulière, c'est
l'absence de douleurs et d'anesthésie, malgré l'exis-
tence d'une lésion très prononcée des bandelettes
externes. Kahler et Pick expliquent cette particula-
rité par certains cas de MM. Charcot et Pierret, dans
lesquels la sclérose du faisceau de Burdach avait
évolué sans son cortège de douleurs habituel; quant
à l'anesthésie, elle serait surtout sous la dépendance
de la lésion des cornes postérieures de la substance
grise. Or, comme ces cornes n'étaient pas lésées, il est
naturel qu'on n'ait pas constaté de perte de la sen-
sibilité.
Quoi qu'il en soit, ce que nous tenons à faire res-
sortir, c'est que dans le cas de Pick et Kahler, bien
84 PATHOLOGIE NERVEUSE.
qu'il existàt une dégénérescence scléreuse du cordon
latéral dans toute l'étendue de la moelle, il yavait aboli-
tion de la motilité des membres inférieurs sans contrac-
ture, sans rigidité des muscles, et absence de réflexes
rotuliens. Il est vraisemblable qu'il faut chercher la
raison d'être de cette symptomatologie anormale dans
le développement considérable de la sclérose posté-
rieure.
On voit, par ce qui précède, qu'on ne saurait éta-
blir de loi uniforme au sujet du tableau clinique que
présentent des scléroses diffusées aux deux cordons
de la moelle. L'antagonisme qui existe entre certains
des symtômes de la sclérose latérale et certains de
ceux de la sclérose postérieure, nous paraît se résou-
dre de la façon que voici : l'avantage est à la lésion
prédominante. Si la sclérose postérieure occupe toute
la hauteur de la moelle, l'abolition des réflexes est la
règle et les membres ordinairement flasques ou peu
contractures; si, au contraire, cette sclérose laisse
intacte une bonne partie des cordons postérieurs, la
sclérose latérale reconquiert tous ses droits. Cette
opinion est à peu près celle qu'a formulée Westphal.
« Lorsqu'il existe, dit cet auteur, une affection com-
binée des cordons postérieurs et latéraux, il ne sur-
vient ni rigidité musculaire ni contracture, si l'affec-
tion des cordons postérieurs s'étend jusqu'au renfle-
ment lombaire et si les zones radiculaires de ces
parties sont intéressées par la dégénération » u
1 La question à laquelle nous venons de toucher a été étudiée, assez
au long et à un point du vue un peu moins restreint que celui auquel
nous devions nous placer ici, par M. nebovo. (De l'hémiplégie des
ataxiques, in Progrès médical, 188t, iioi 52 et 53.) Nous renvoyons à cet
intéressant tiavail.
FAUSSE SCLÉROSE SYSTÉMATIQUE DE LA MOELLE. 85
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE 1
Fig. 1. Coupe de la moelle au niveau de la partie supérieure du
cône médullaire.
Fig. '-). - Coupe transversale à la partie inférieure de la région
lombaire.
a, Prolongement scléreux émané de la pie-mère
Fig. 3. - Coupe transversale à la partie moyenne de la région lombaire.
a, Prolongement scléreux émané de la pie-mère.
Fig. 4, 5, 6. - Coupes transversales de la région dorsale.
pLANcnJ : (1 1
Fig 7, 8. - Coupe de la région dorsale.
a, Sclérose latérale.
b, Sclérose du faisceau de Burdach.
Fig. 9. Coupe de la région dorsale. Nombreux vaisseaux coupés
trans\ersalemen.t.
Fig. 10. Coupe transversale de la région cervicale inférieure.
Fig. il, 12. - Coupes transversales de la moelle aux parties moyennes.
a, Sclérose latérale.
b, Sclérose du cordon de Goll.
PLANCHE 111 .
Fig. 13. Moitié droite d'une coupe de la moelle il la région cervi-
cale inférieure.
a, Artère. Nombreux noyaux dans la paroi de l'artère et dans la gaine
lymphatique.
Fig. l ? Coupe verticale de la région dorsale passant par le seg-
ment postérieur de la moelle.
a, Sclérose des cordons postérieurs.
G, Sclérose du cordon latéral.
c, Corne postérieurr.
Fig. 13. -Tube nerveux surune coupe IoniVulinale. Tulie variqueux.
Frr. 1G. - A, coupe d'un cordon latéral atteint de dégénérescence
secondaire.
Il, Coupe du cordon latéral dans notre cas.
a, Tube nerveux avec cylindre-axe; hypertrophie.
6,Tubenerveuxdi)ateet\'K)e.
RECUEIL DE FAITS
NOUVELLE OBSERVATION D'IIYSTL : RO-1 ? PILEPSIE CHEZ UN
JEUNE GARÇON; GUERISON PAR L'HYDROTHÉRAPIE; par
BOU1LNE'ILLE et BO ? NAIItE.
Depuis quelques années, l'hystérie chez l'homme a été l'objet
de plusieurs publications intéressantes et, de plus, les recueils
périodiques ont enregistré un certain nombre d'observations
curieuses à plus d'un titre. Personnellement, nous avons eu
l'occasion d'observer une dizaine de cas d'hystérie plus ou
moins graves chez des hommes ou chez de jeunes garçons.
Déjà trois d'entre eux, relatifs à des enfants, ont été pu-
bliés'. Celui qui va suivre, de même que les précédents,
confirme la ressemblance symptomatologique que nous avons
été l'un des premiers à établir, entre l'hystérie de la femme
et celle de l'homme.
Observation. - Père alcoolique. - Deux soeurs mortes de convul-
sions. Une soeur hystérique et syndactyle. - Teigne. - Syndactu-
lie. - Début de l'hystéro- épilepsie ci douze ans; cause. - Description
de l'aura et des attaques. - Vertiges hystériques et attaques syncopales.
Variétés, attitude du crucifiement. Contorsions. Translation.
- Arc de cercle, etc. - Compression testiculaire. Etat de la sensi-
bilité. - Zones hystérogènes. Action des aimants, des métaux. -
Hypnotisme. Somnambulisme. - Développement physique intellec-
tuel. Traitement par l'hydrothérapie; guél'Ùon, - Etat du malade
depuis sa sortie.
Bucli... (Jean), âgé de treize ans, est entré à l'hospice de Bicêtrc
(service de M. BouRNEVtLLE) le 9 octobre 1880.
1 P,'og,'ès médical, 1880, p. 949; Ibid., 1882, p. 6'.3; Ibid., 1883,
et Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et
l'idiotie, par Bourneville et d'Olier, 1880, p. 30; Ibid., par BOlll'1Je-
ville, Bonnaire et Winllamié, 1881, p. 51.
de L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 87
Antécédents. (Renseignements fournis par sa mére). (25 octobre 4 880).
Pére, cinquante-sept ans, briquetier. C'est ,un homme de taille
moyenne dont la santé a toujours été bonne. Excès de boisson envi-
ron deux fois par mois. [Père, mort à soixante-six ans, mère, morte
à soixante-sept ans, on ne sait de quoi. Deux frères bien portants ;
l'un a cinq enfants en bonne santé. Deux soeurs dont l'une a cinq
enfants et l'autre deux, sans affections nerveuses. Pas de névro-
pathes, de difformes, de suicides, etc., dans la famille.
Mère, cinquante-six ans, de taille moyenne et d'une intelligence
ordinaire. Elle ne présente ni troubles nerveux, ni affections cons-
titutionnelles ; elle est atteinte d'un prolapsus utérin qui date de la
naissance de notre malade. [Père, mort d'une fluxion de poitrine ;
mère morte d'une hydropisie ; un frère a trois enfants; une soeur en
a deux; tous sont bien portants. Pas d'affections nerveuses dans la
famille]. -Pas de consanguinité.
Six enfants : Il une fille, morte à douze ans de fièvre typhoïde :
elle était intelligente et n'avait pas eu d'accidents nerveux; -
2° une fille, mort-née par strangulation (circulaires du cordon) ; -
3° une fille, morte de convulsions à treize mois; 4° une fille, morte
de convulsions à un mois; 5° une fille, âgée de quinze ans, qui
paraît assez intelligente et qui n'a pas eu de convulsions infantiles;
la parole présente chez elle, comme caractère particulier, un zézaie-
ment très prononcé. Cette jeune fille est hystérique; elle a éprouvé
une première crise nerveuse, à de quatorze ans, et, pendant
l'année qui vient de s'écouler, elle a eu dix ou onze attaques; rémis-
sion depuis quatre ou cinq mois. Les crises survenaient à l'époque
des règles, dès le premier jour de l'écoulement ; la jeune fille n'a-
vait pas la sensation de boule, mais « elle sentait le sang lui mon-
ter à la tête»; elle avait le temps de prévenir ses amies de l'appro-
che de la crise, et, une fois celle-ci terminée, elle pleurait et souf-
frait de douleurs abdominales. Ouvrière en chaussures, elle travail-
lait chez une femme qui la maltraitait, en même temps que son
zézaiement l'exposait aux taquineries de ses camarades d'atelier.
Notre malade. - Grossesse bonne; accouchement à terme, sans dif-
ficulté, en cinq minutes. L'enfant fut élevé au biberon par sa mère,
marcha à dix mois et demi, fut propre avant un an et n'eut pas de
convulsions. De trois à quatre ans, teigne traitée à l'hôpital Saint-
Louis. Depuis, l3uch... a eu une éruption eczémateuse à la jambe, qui
a subi des variations d'intensité, mais a toujours persisté.
Le début de l'hystérie remonte, chez notre malade, à l'âge de douze
ans et demi et a eu pour cause prochaine une peur violente : Reve-
nant de son travail, la nuit, alois qu'il montait l'escalier de sa mai-
son, il fut accosté par un homme ivre qui le menaça de l'assassiner
s'ii tentait de rentrer chez lui. 11 s'enfuit, terrifié, en appelant sa
mère à son secours. Un mois après, sans avoir rien présenté d'extra-
88 RECUEIL DE FAITS.
ordinaire dans l'intervalle, il fut pris de sa première attaque pendant
son travail habituel, dans une verrerie; la seconde survint le len-
demain, puis deux autres dans la quinzaine qui suivit. Enfin, du-
rant le mois de mai 1880, il y eut une série de trois ou quatre crises
consécutives dans un laps de six heures. L'enfant abandonna à
ce moment sa profession de verrier pour embrasser celle de chau-
dronnier ; il ne put rester que deux ou trois jours dans son nouvel
atelier et en fut renvoyé à la suite d'une attaque. Du mois de mai
au mois d'août, les crises furent très fréquentes, presque quoti-
diennes et quelquefois multiples dans une même journée. En août,
il y eut une rémission de treize jours.
D'après les renseignements fourmsparla mère de B..., voici quels
auraient élé les principaux caractères des crises observées par elle
avant l'admission il l'hospice. Les attaques étaient toujours diur-
nes, survenaient sans aura, ni cri initial, elles se caractérisaient
par de la rigidité généralisée, sans secousses, sans stertor ni appa-
rition d'écume sanglante on non aux lèvres. Elles ne s'accompa-
gnaient jamais d'évacuations involontaires et n'étaient pas subies
de somnolence.
Le caractère de l'enfant est doux d'habitude : jamais il ne se met
en colère ni ne se livre à des actes de violence; il n'a non plus au-
cun mauvais penchant et se montre affectueux. La mémoire semble
avoir diminué depuis le début de l'affection ( ? ). Le sommeil est facile,
calme, et n'est pas interrompu par des terreurs nocturnes. Il en a
toujours été de même avant comme pendant le cours delà maladie.
L'en fantserait devenu peureux depuis son séjoui-àl'asile Sainte-aune.
1880. ? f> octobre. Examen physique. Dans son ensemble, le corps
est régulièrement conformé. La tête est assez développée, sans
prédominance de la région occipitale; le front est saillant, élevé,
avec des dépressions sus-sourcilières assez marquées ; les bosses
frontale droite et pariétale gauche sont plus accusées que leurs
homologues. La moitié gauche de la face parait moins développée
que la moitié droite; la bouche est de moyenne grandeur avec des
lèvres épaisses. Les arcades dentaires sont régulièrement rangées :
on remarque toutefois un développement en largeur exagéré des
incisives supérieures médianes. Le voile du palais et la voûte
palatine sont symétriques; cette dernière est ogivale et pro-
fonde. Les oreilles, très développées, présentent un bourrelet
épais et ont le lohule adhérent. Le ne ? est aquilin. Les membres
supérieurs sont régulièrement conformés. Le pied gauche présente
une mal-formation congénitale qui exisle également chez la soeur
de notre malade atteinte de la même névrose; on l'avait constatée
aussi chez une autre soeur, morte à treize mois; celte malformation
consiste en une syndactylie des 4° et .'i0 orteils gauches. Le doigt
unique, ainsi formé, est large de deux centimètres et se termine
par un seul ongle, offrant un sillon médian, indice de la réunion
DE 1.'HI'STERO-EPIL1PSIE. 8 ! )
anormale. On ne sent au palper de l'orteil qu'une seule première
phalange; on ne peut se rendre compte s'il en est de même pour
la phalangine et la phalangette.
La peau est blanche, fine, pigmentée de taches de rousseur au
visage et au cou. - Les cheveux et les sourcils sont roux et abon-
dants; le pénil est déjà recouvert de quelques poils qui n'existent
pas ailleurs.
Les fonctions digestives sont régulières et l'appétit est bon; tou-
tefois le malade présente une appétence prononcée par les ali-
ments épicés. - Les fonctions respiratoires et circulatoires sont nor-
males. -Les organes génitaux sont bien conformés; l'enfant avoue
des habitudes d'onanisme assez fréquentes.
La sensibilité cutanée est parfaite. Lessens spéciaux ne présentent
que quelques particularités peu importantes : l'ouïe serait plus
fine du côté droit tandis que l'olfaction semble plus développée de
la narine gauche. La vue est bonne; on note parfois un léger de-
gré de diplopie au moment des attaques. Pour ce qui est de ]'('tat
intellectuel, il est moyennement développé; l'enfant sait lire et
écrire couramment, etc. (Voir p. 9G, etc.)
Description des attaques. La grande variété que nous avons
observée dans les attaques de notre malade, dépendant de la durée
et de la violence des phénomènes nerveux, ou de la prédominance
de certains symptômes, ne nous permet pas de les décrire sous un
type uniforme, et nous ne pouvons que rapporter in extenso la des-
cription de quelques-unes des crises auxquelles nous avons assisté.
Au dire de l'infirmier chargé de la surveillance, l'enfant aurait eu,
au début de son séjour à 131cûLre, de très fréquents vertiges : « Il se
laissait, dit-il, aller tout à coup en arrière et on aurait dit
qu'il était mort » ; il revenait à lui au bout de quelques secondes,
sans a\oir de convulsions et continuait son travail, comme si rien
d'anormal n'était survenu.
1881. H janvier. - L'enfant étant à la classe assis et occupé
à écrire est pris subitement d'une attaque : il rejette brusquement
son cahier et agite les bras en tous sens en repoussant les objets
qu'il rencontre dans ses mouvements. Le tronc resle immobile, les
paupières sont ouvertes, les pupilles légèrement dilatées, le re-
gard fixe; le visage est pâle et ne présente pas de grimaces convul-
sives. Pendant environ une minute, l'attitude reste la même et les
mouvements de circumduction des bras continuent avec prédomi-
nance du côté gauche. Lorsque l'enfant revient à lui, il est d'abord
héritant et semble ne pas savoir où il se trouve, et, quand la con-
naissance est totalement rétablie, il ignore ce qui s'est passé : il
s'agit là d'une attaque avortée, comparable à un vertige.
14 janvier. - Nous sommes témoins, à la classe, d'une aulre
attaque : le malade pousse un cri, on l'enlève de son banc et on
l'étend sur le sol non sans quelques difficultés, par suite des cou-
90 RECUEIL DE FAITS.
vulsions dont il est agité : les membres s'étendent et se fléchissent
alternativement avec violence, tandis que le corps se tortille en
tous sens il terre; au bout d'un instant, survient une rigidité absolue :
la tête est fortement étendue en opisthotonos. les membres infé-
rieurs se maintiennent en extension, tandis que les bras prennent
l'attitude du crucifiement avec les poings fermés, les pouces en
dehors. Celte phase de tétanisme dure environ 13 secondes; au
bout de ce temps, l'enfant ouvre les yeux et prononce plusieurs
fois de suite les syllabes ce tata... tata... ». Il se relève ensuite,
ajuste ses vêtements et regarde les assistants d'un air surpris en
murmurant toujours « tata... tata... ». Un instant après, il a com-
plètement repris ses sens et se remet au travail. Cinq minutes
s'écoulent, au bout desquelles il est de nouveau interrompu dans
son occupation par un vertige analogue à celui que nous avons dé-
crit à la date du 1 janvier, accompagné de grands mouvements de
circumduction des bras et des jambes et qui se termine de même.
23 janvier. A cinq heures et demie du soir, au moment où
l'un de nous entrait à l'infirmerie, il voit l'enfant chanceler et
tomber lourdement, soutenu par d'autres malades, sans pousser
un cri : étendu à terre sur le dos, il est pris aussitôt de con-
vulsions cloniques : le coips se déplace en cercle autour d'un
pivot formé par les deux épaules fixées au sol. Cette locomo-
tion circulaire dure environ 13 secondes et cesse pour faire place
à des mouvements de projection du bassin sur place. Ceux-ci vont
en diminuant de violence et d'amplitude jusqu'à ce que le corps
tombe immobile et se fixe en contraction. Les bras se mettent en
croix; les jambes sont en extension; les pieds croisés. (Altitude du
crucifiement). Les mains se fléchissent fortement sur les avant-bras
et les poings se ferment, les pouces en dehors. Bientôt, à la cun-
tracture des membres, succède une trémitlation convulsive et, peu
d'instants après, l'enfant se relève de lui-même : il reste debout
quelques secondes, sans mot dire ni prêter attention au\ questions
qu'on lui adresse; puis il fait quelques pas, titubant et chancelant
de côté, pour venir s'appuyer au rebord d'une table ; il est pris, dans
cette position, d'une nouvelle crise.
Elle débute par de grands mouvements des bras et des jambes;
l'enfant tombe. Les convulsions reparaissent alors sous forme d'une
trépidation dont les oscillations vont en augmentant d'amplitude
jusqu'à dépasser en violence celle de la phase initiale. Le malade
embrasse fortement la jambe d'un assistant et s'en sert comme de
pivot pour projeter lourdement et dans tous les sens ses membres
inférieurs . En même temps que ces phénomènes, il présente de la
rougeur de la face et son visage prend un aspect grimaçant consis-
tant surtout en une sorte de moue due à la projection des lèvres.
Les pupilles sont modérément dilatées et ne se conUact.cnt pas à
l'approche d'une lumière.
DE L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 91 1
A cette phase clonique succède, comme tout à l'heure, la rigidité
tonique; le corps entre en extension forcée, de façon à ne reposer
que sur les talons et l'occiput et à former un arc de cercle qui dure
à peine une seconde. Le tronc retombe à plat, les bras se portent
aussitôt dans l'attitude du crucifiement, tandis que les membres in-
férieurs se mettent dans un étatd'extension telle qu'ils ne touchent
plus le sol et que les talons restent une ou deux secondes élevés à
environ 30 centimètres du sol. Comme complément de cette atti-
tude, nous notons l'inflexion de la tète sur l'épaule droite.
Période de délire. - L'atlaque dure depuis une minute environ,
lorsque se produit une véritable détente. L'enfaut se couche sur le
côté gauche, puis se relève aussitôt et reste debout, immobile,
pendant deux secondes; son visage revêt une expression de fureur
concentrée ; il s'avance vers un infirmier en disant d'une voix me-
naçante : « Ah ! tu veux toi... » et se jette sur lui en le frappant.
Bien que très robuste, cet homme a peine à maintenir l'enfant qui
se débat pendant quelques instants. L'attaque enfin cesse subi-
tement : le malade annonce que « c'est fini » et qu'il n'a qu'un
peu de céphalalgie.
Interrogé sur les sensations qu'il a éprouvées au début de la
crise, il raconte qu'elle s'est annoncée par une sorte de chatouille-
ment qui s'est manifesté au niveau de l'ombilic et qui est remonté
il travers la poitrine pour venir se transformer au cou en une sen-
sation d'étouffement : c'est à ce moment qu'il a perdu connais-
sance.
23 janvier. Autre attaque. L'enfant tombe sans pousser de
cri.Lesbrasse mettent en extension ets'élèventperpendiculairement
au tronc; on note cinq secousses tétaniformes rapides, suivies de
rougeur à la face et de quelques convulsions clomques. Après un
premier répit de courte durée, apparaissent de grands mou-
vements des membres et des tortillements du tronc.
Nouveau repos et, à la suite, réapparition des mouvements de
translation au cours desquels l'enfant se glisse sous un lit.
1 cr féerier. - Attaque épileptoide. Pendant qu'on pratique l'exa-
men physique du malade, assis sur son lit, on voit ses jeux se con-
vulser en haut et il cesse aussitôt de répondre au\' questions qu'on
lui pose; le corps devient riside, les paupières restent immobiles;
les pupilles se dilatent, la face rougit peu à peu, à mesure que la
respiration se suspend. Les bras s'étendent roides, un peu soulel és
au-dessus du lit; la main gauche est en griffe et la main droite se
ferme, le pouce eu dehors. Les membres inférieurs sont rigides,
en extension (phase tonique). Au bout de quelques secondes sur-
viennent des secousses tétaniformes. avec clignotement spasmodiqur
des paupières (phase tétaniforme) et, après quelques convulsions clo-
niques (phase clonique), apparaît la résolution musculaire, accom-
pagnée de stertor et de production d'écume buccale non sanguino-
92 recueil DE faits.
lente (phase de stertor). Cet ensemble de phénomènes constitue un
type de la période épileptoide de la grande attaque.
Pendant ce temps, on a pratiqué une compression modérée des
testicules, comme moyen abortif de l'attaque, mais on n'a pas
constaté de résultats appréciables. Après quelques minutes de
rémission, le tétanisme se reproduit et détermine une incurvation
du corps en arc de cercle, assez prononcé pour permettre de passer
deux poings superposés sous l'ensellure lombaire. Cet état, qui
constitue la seconde période de la grande attaque, dure une minute,
puis l'enfant s'assied, regarde les assistants d'un oeil étonné,
cherche il les écarter de la main et se recouche en se cachant dans
ses draps. Quelques instants après, reparaissent quelques convul-
sions épileptoldes et l'attaque se termine. - La troisième pé-
riode de la grande attaque, celle de délire, a donc fait défaut.
Le malade revient à lui et se plaint d'une sensation de boule
qui l'étreint à la gorge.
9 février. L'enfant est pris d'une attaque dans laquelle on
note, comme particularités : l'altitude du ci-zicifiemei2t; l'arc de
cercle très prononcé pendant environ une minute; quelques vagues
abdominales après la fin de la première période ; enfin, desmoff-
vements de projection du bassin, et une dyspnée intense. La com-
pression testiculaire ne produit aucun effet ; la pression sur les fosses
iliaques donne un résultat très douteux.
G avril. liucli... demande avec instance à prendre des
douches et, comme on lui oppose un refus à cause de l'évolution
du vaccin qu'on lui a inoculé récemment, il est aussitôt pris d'une
attaque; celle-ci est analogue à quelques-unes des précédentes;
e//e se réduit à la période épileptoide avec prédominance du téta-
nisme et prend fin, sans stertor, par des soupirs et par quelques
mouvements de- déglutition, suivis de sommeil.
f 1 juillet. - A l'occasion d'une contrariété insignifiante, le refus
de lui donner des douches, l'enfant tombe en attaque. On observe
la période épiieptoide avec rigidité Ionique, convulsions cloni-
ques et apparition d'écume salivaire aux lèvres. La compression dps
zones hystérogézzes (voir plus loin) ne donne aucun résultat. Après
une phase de résolution musculaire de quelques instants, le malade
se relève sur son séant, se frotte les yeux et se met à exécuter sur
place des mouvements de circumduction des membres inférieurs ;
sur l'ordre qu'on lui intime de se relever, il se dirige en se
traînant sur les mains et les fesses, suivant une longueur de trois
il quatre mètres, vers une porte dont il se sert comme de support
pour se mettre sur pied. Revenu à lui, il redemande à prendre des
douches et, sur un nouveau refus, retombe en attaque : la période
épileptoïde se déroule dans toutes ses phases jusqu'à celle de réso-
lution musculaire inclusivement; après deux ou trois minutes
d'immobilité, survient un accès de toux gutturale, accompagné de
de L'HYSTÉRO-ÉPII,EP8JE. 9 : ;
cyanose de la face, avec efforts de vomissements. Ce» phénomènes
durent peu, et, à la suite, le malade s'assied sur son séant et
recommence les mouvements de ci2-(;ziiiidtictioîz et de translation de
l'attaque précédente.
Examen de la sensibilité. - A aucune période de la maladie, en
dehors des attaques et de l'état d'hypnotisme, nous n'avons
observé de troubles de la sensibilité générale chez notre malade
et, de même qu'il n'y a jamais eu d'anesthésie, jamais nous n'avons
constaté de paralysie. Toutefois, à différentes reprises et pendant
toute la durée du séjour a l'hospice, nous nous sommes assurés de
l'existence d'un certain nombre de points, douloureux à la pression,
analogues aux zones hystérogènes qui existent chez les femmes
hystériques, avec cette différence que, dans le cas actuel, il aura
toujours été impossible en comprimant de provoquer ou d'arrêter
les attaques. Ces points hyperesthésiques ont été rencontrés
dans les régions suivantes :
1° Une surface de l'étendue d'une pièce de cinq francs, sise à
deux centimètres du vertex et empiétant à gauche de la ligne
médiane; la pression et le passage du peigne sont douloureux en
ce point (clou hystérique), mais ne déterminent pas d'irradiations.
Il paraît cependant, qu'à la suite d'un coup de règle appliqué par
un camarade et reçu sur le vertex, l'enfant serait tombé en atta-
que; 2° au niveau des gouttières des 4°, 5e et 6° vertèbres dor-
sales, avec prédominance à gauche (7ttchiÉilqie), la douleur est par-
fois spontanée dans cette région; toujours elle est déterminée par
la pression, mais il n'y a ni irradiation, ni troubles hyperesthé-
siques ou vaso-moteurs de la peau; 3° et 4° deux zones symé-
triques au niveau du deuxième espace intercostal, de chaque côté
du sternum ; - 51 un point sensible au-dessus du mamelon droit;
60 et 7° deux zones douloureuses symétriques, au niveau des
flancs, dont la pression s'accompagne d'anxiété respiratoire; -
8° et 9" deux régions situées à 3 centimètres de l'épine iliaque, en
deux points correspondant au siège de l'ovaire chez la femme ; à
cet endroit la pression du doigt est péniblement supportée et déter-
mine une sorte d'étouffement qui serait susceptible, au dire du
malade, d'aboutir à une attaque, si on la prolongeait.
Aura. Interrogé de nouveau sur ce point, l'enfant nous a
fourni des renseignements qui peuvent se résumer ainsi : dans
certains cas, les phénomènes prémonitoires de l'attaque consistent
en une sensation douloureuse, dirigée d'une zone iliaque à l'autre
et produisant, d'après le malade, l'effet « d'un chemin de fer qui
passe ». Le plus souvent, comme nous l'avons rapporté plus haut,
l'aura débute par une sensation de boule qui nait au-dessous de
l'omhilic « semblable à une grosse bille » et qui remonte à l'épi-
gastre. De là, tantôt elle se porte jusqu'au cou et y détermine un
J4 le recueil DE faits.
étoulfrment. En même temps le malade voit trouble; il entend
des «ding... ding... ding... » et éprouve des douleurs à la région
tempolale, le tout avec prédominance du côté gauche. L'attaque
suit immédiatement l'apparition de cet ensemble de phénomènes.
- D'autres fois. parvenue à l'épigastre, celte sensation de boule re-
descend vers le pubis, disparait, et, en ce cas, la crise avorte.
jU« ? f;<t6HMMM<') ? -fdtHoscopM. Nous nous sommes enquis, à
maintes reprises, le l'intégrité de la sensibilité chez notre malade,
et nous avons tenté de la modifier par différents moyens. C'est
ainsi que nous avons soumis l'enfant à l'action de deux forts
aimants que nous avons laissés en place, près de la peau et à la
hauteur du bassin, durant plus d'une heure; le malade nous a dit
avoir ressenti pendant ce temps comme des bouffées de vent
dirigées du tronc vers les extrémités inférieures, mais la sensibilité
ne s'est on rien modifiée. Bien qu'il ne fût pas anesthésié, nous
avons recherché si l'application de divers métaux sur les téguments
ne pourrait pas avoir quelque retentissement sur la sensibilité, et
il nous a semblé que, sous l'influence d'un bracelet de plaques de
cuivre, les sensations tactiles devenaient un peu émoussées. Le
malade percevait douloureusement la piqûre d'une épingle, mais
ne se rendait pas compte du frottement de la pointe sur les
téguments. Ce résultat, toutefois, nous a semblé assez peu net pour
que nous ne le rapportions que sous réserves.
Hypnotisme. Pour déterminer l'anesthésie, nousavonseu recours
d'autre part à l'hypnotisme et, par ce procédé, nous avons obtenu
les résultats les plus concluants. Dans de nombreuses expériences,
il nous a toujours été facile d'endormir notre malade soit au moyen
de la fixation des yeux par le regard, soit au ma) en de passes ma-
gnétiques, soit enfin en lui faisant regarder avec persistance un
objet brillant. Jamais, cependant, nous n'avons pu produire chez
lui l'état cataleptique, et c'est en vain que nous avons frappé ses
sens d'impressions vives et subites, tantôt en portant un coup brus-
que sur un gong placé près de son oreille à sou insu, tantôt en pro-
duisant inopinément devant ses yeux une flamme vive, celle que
détermine, par exemple, la poudre de lycopode projetée sur une
lampe à alcool. Non plus que l'état cataleptique d'emblée, nous
n'avons pu déterminer de véritable catalepsie au cours de l'hypno-
tisme, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par l'exposé qui suit de
quelques-unes de nos expérimentations.
Première expérience (21 avril 1881). - L'un de nous s'assied vis-à-
vis du malade et dirige fixement le regard sur ses yeux. Au u bout de
quelques minutes, on observe quelques battements des paupières
qui se ferment progressivement, en même temps que les yeux se
couvrent de larmes et se dirigent en haut. L'enfant est plongé dans
le sommeil hypnotique et, de ce moment, toute sensibilité dispuraît,
DE I,'HYSTÉH.O-ÉPILEPSOE. 95
La transfixion de la peau des avant-bras par une épingle et la pi-
qûre du visage n'amènent aucun mouvement réflexe. Il n'y a pas
d'hyperexcitabilité musculaire (tapotements des muscles et des
avant-bras, du biceps, du sterno-cléido-mastoïdien, etc.). On élève
le bras gauche et en même temps on entraîne la paupière du côté
correspondant, mais on n'obtient pas de catalepsie et le membre
retombe inerte. Après six minutes de sommeil hypnotique, le ma-
lade revient à lui sans conserver aucun souvenir de ce qui s'est dit
autour de lui et de ce qu'on lui a fait.
Deuxième expérience (23 avril). On endort le malade par la
fixation du regard, en·ix minutes. Les phénomènes qui annoncent
l'invasion et la cessation de l'hypnotisme sont les mêmes que précé-
demment. On incise une pustule d'acné pendant le sommeil anes-
tltésique, qui dure trois minutes. On recommence immédiatement
l'expérience et l'état hypnotique dure, cette fois, cinq minutes. La
sensibilité réparait immédiatement avec le réveil. Pendant l'expé-
rience, le pouls a battu 60 et les mouvements respiratoires ont été
de 20 à la minute.
Troisième expérience ( ? 9 avril). Le malade est endormi par le
regard en trois minutes; pendant le sommeil qui dure deux minu-
tes, on projette quelques gouttes d'eau sur la peau abdominale, et
ce contact détermine un mouvement spasmodique des muscles du
ventre; le réveil s'annonce par de profonds soupirs. A une seule
reprise, contact de l'eau froide sur bras y produit également des
spasmes musculaires.
Quatrième expérience (3 mai). - Le sommeil hypnotique est obtenu
en faisant fixer du recard une baguette de verre, pendant trois mi-
nutes. On ordonne à l'enfant de se lever et de marcher; bien que
ses jeux soient exactement clos, il suit avec précision et sans hési-
ter dans sa démarche l'expérimentateur qui l'a endormi, il évite ha-
bilement différents obstacles qu'on place devant ses pas. On fente,
d'autre part, de déterminer chez lui l'aphasie cataleptique, en lui
soulevant subitement l'une et l'autre paupières pendant qu'il compte
à haute voix. Cet essai demeure infructueux.
Cinquième expét icnce (i juillet). - L'enfant est mis en état d'hyp-
notisme au moyen de passes magnétiques; on parvient, par ce
procédé, à prolonger le sommeil pendant douze minutes, et on
constate les mêmes phénomènes que dans les expérimentations
précédentes. Les paupières étant fermées, on étend ou on élève les
bras, et ceux-ci conservent pendant un temps assez long la posi-
tion qu'on leur a imposée. L'enfant est assis sur le bord d'une
chaise, on soulève simultanément ses deux membres inférieurs, de
telle sorte que leur axe devienne presque perpendiculaire à celui
du tronc, et on les abandonne sans soutien dans cette position in-
supportable à l'état normal. Le malade reste néanmoins immobile,
96 recueil DE faits.
fixé dans cette position, et ce n'est qu'au bout de dix minutes que
les talons sontgraduellement descendus jusqu'h terre. On a élevé les
bras en même temps que les jambes, et on les a également main-
tenus en extension perpendiculaire à l'axe du tronc. Le réveil
s'annonce par quelques mouvements de déglutition, en même temps
que le visage se couvre de sueur. A la suite de celte expérience, plus
prolongée que de coutume, le malade reste quelques instants sans
revenir totalement à lui, et, au bout de deux minutes, il est pris
d'une attaque à forme épileptoïde.
18$. 1 juin. - On fait une dernière tentative d'hypnotisme. Le
malade est endormi par la fixation du regard avec un peu plus do
difficulté que par le passé et. pas plus qu'autrefois, on ne peut
obtenir de contracture artificielle. On fait marcher l'enfant, les
veux fermes, comme dans les expériences précédentes.
Le nombre des attaques, très considérable dans les premiers temps
du séjour à l'hospice, est allé en déclinant, surtout dans ! a der-
nière moitié de 1881, elle malade a pu sortir guéri en juin 1882.
Nous repiodliisoiis ci-contre, sous forme de tableau synoptique,'
l'ensemble des attaques qu'on a observées pendant le séjour à
l'hospice :
DE L'IIYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 97
La note du lor juillet 1881 dit : « L'écriture est nette et régulière;
sans faire de progrès sensible, l'enfant possède des notions d'arith-
métique assez étendues et fait exactement les problèmes d'ap-
plication ; il a de temps à autre des bizarreries de caractère ; son
instruction primaire est peut-être suffisante, mais la civilité fait
défaut ». En gymnastique, on constate, à la même date, beau-
coup de progrès.
13 décembre 1881. - Le malade est envoyé à l'atelier de serru-
rerie ; il s'y montre turbulent et difficile à maintenir au travail;
il ne pense qu'à jouer et « cherche à aller aux cabinets avec les
autres enfants ».
47 décembre.-« « Intelligence assez ouverte; caractère violent t
à la classe; il tient des propos inconvenants et obscènes et on a
peine à le maintenir. »
24 mai 1882. - « Lecture courante et assez expressive; l'enfant
comprend bien les problèmes; sa mémoire est bonne et il apprend
aisément l'histoire et la géographie; il se rend nettement compte
des démonstrations qu'on lui fait. En résumé, il se montre intelli-
gent, mais il est turbulent et d'un caractère difficile. »
Pendant son séjour à Bicètre, en dehors de la névrose qui l'y a
amené, l'enfant est généralement resté en bonne santé, à part
toutefois quelques accidents d'origine scrofuleuse : amygdalites,
impétigo du cuir chevelu et des oreilles, bronchites, eczéma des
jambes, etc. -
Le traitement général de l'hystéro-épilepsie que nous avons mis
en oeuvre a consisté en hydrothérapie (douches); en bromure d'ar-
senic administré, à diverses reprises, à la dose de deux à cinq cen-
tigrammes augmentant d'un centigramme tous les huit jours,
dirigé à la fois contre la névrose et les accidents cutanés; en sirop
d'iodure de fer, huile de foie de morue et vin de gentiane à cause
des manifestations scrofuleuses. Le malade s'est sérieusement dé-
veloppé sous le rapport physique, comme le démontrent les notes
suivantes :
98 RECUEIL DE FAITS.
en juillet et de deux dans le courant du mois d'août, toutes trois
très légères. Sa mère est contente de lui : « C'est un bon garçon,
dit-elle, il fait tout ce que je dis ». Il se montre très affectueux et
très complaisant et ne dispute pas ; enfin, s'il se met en colère, il
revient rapidement au calme. Son sommeil serait troublé par des
rêves fréquents, n'affectant pas le caractère de cauchemars, et
ayant trait à son travail : il cause parfois à haute voix pendant son
sommeil. Son occupation actuelle consiste à aider sa mère dans
les travaux du ménage. La sensibilité est parfaite, et les zones hysté-
ronènes ont disparu.-L'eczéma, en voie de guérison, est limité à
la jambe droite (licl. de Fowler; tisane de séné et pensée sauvage ;
bains d'amidon).
1883. 2 mai. B... n'a paseu d'attaques jusqu'au 6 de ce mois.
Ce jour-là, un ouvrier de son atelier, prétextant à tort que B...
avait battu son frère, s'est jeté sur lui à l'improvisle, et lui a donné
des coups sur la tête. Cette rixe a causé une vive émotion à B... ; sur
le moment, il n'a ni pleuré, ni tremblé; il s'est remis au travail,
mais au bout de dix minutes, durant lesquelles il assure n'avoir rien
éprouvé de particulier, il est tombé brusquement par terre, sans
connaissance, le corps tout roide. Presque aussitôt, il s'est relevé;
on lui a lotionné la figure avec de l'eau froide, et il a recommencé
à travailler. Depuis lors jusqu'à ce matin, il n'a pas eu de nou-
velles attaques. Son sommeil est tranquille. Deux ou trois fois par
mois, depuis la fin de 1882, il a des douleurs de tête, prédominant
au niveau du front ; la vue est brouillée. « Si, dit-il, je regarde le
soleil, je vois des boules de toutes les couleurs... Dès que j'ai vomi,
c'est passé. » Toutes les fonctions sont normales; il ne présente
aucun trouble de la sensibilité générale et spéciale.
Sa mère est toujours satisfaite de sa conduite. Il travaille bien
(cartonmer), gagne 3 fr. 85 par jour, rapporte tout son gain à la
maison. Il fait partie delà Société des clairons de Pantin.
29 octobre. B... a eu une attyzce le 21. La veille, il a eu une
peur occasionnée par la chute d'un monte-charge. La crise n'a duré
que deux minutes, et il s'est remis aussitôt à son travail. Les mi-
graines persistent et reviennent chaque mois.
I. Nous n'avons rien à relever dans les antécédents hérédi-
taires, à l'exception des excès alcooliques du père qui sont pro-
bablement plus fréquents qu'on ne nous l'a dit; il n'est pas
rare, en effet, que les mères de nos malades, ouvrières, femmes
d'ouvriers, déclarent que leurs maris « boivent comme tout le
monde», ou même sont sobres quandil ne leur arrive derentrer
ivres qu'assez rarement et alors ne se montrent pas violents
envers elles : il y a là une sorte d'indulgence singulière. A l'ap-
DE L'HYSTÉRO-ÉPIJ,EPS1E. 99
pui de notre hypothèse, nous rappellerons que deux soeurs du
malade sont mortes de convulsions; qu'une autre est atteinte
de zézaiement et d'hystérie; que le malade ainsi que deux de
ses soeurs offrent une malformation des orteils : la syndactylie.
Ajoutons encore que Buch... offre une asymétrie du crâne et
de la face et notons, en passant, que, s'il est hystérique, il
n'est pas épileptique.
IL 11 hystérie a débuté à douze ans et demi, à la suite d'une
vive frayeur; c'est la cause occasionnelle la plus ordinaire.
III. Les attaques, annoncées en général par une aura, revê-
taient des aspects divers. a) En premier lieu, la forme syncopale,
consignée si fréquemment chez les hystériques de nos jours,
chez les hystériques démoniaques ou extatiques d'autrefois. 1
b) La forme vertigineuse se présentait ici avec des caractères
ressemblant beaucoup à ceux des vertiges épileptiques. C'est
là une des manifestations les plus curieuses et les moins bien
étudiées de l'hystérie. L'un de nous en a donné de nombreuses
descriptions, mais il reste à faire un tableau d'ensemble. Cer-
taines hystériques, par exemple Geneviève 13...', ont, à cer-
taines époques, durant plusieurs semaines, de nombreux ver-
tiges. Tant que celle-ci était sous le coup de ses vertiges, son
intelligence semblait diminuée; la physionomie exprimait un
certain degré d'hébétude; les forces physiques paraissaient af-
faiblies et on notait un amaigrissement assez prononcé. Mais
dès que les vertiges cessaient, la malade revenait à son état
intellectuel antérieur. Si l'on en jugeait d'après les cas, encure
trop peu nombreux, que nous avons observés, il y aurait donc
une différence notable entre les accidents vertigineux des hys-
tériques et les vertiges épileptiques qui, comme on le sait,
ont une action si redoutable sur les facultés intellectuelles.
c) Quant aux grandes attaques, elles ont été souvent incom-
plètes ; mais, si l'on fait la synthèse des attaques observées à di-
verses époques, on y retrouve les périodes classiques : 1 la pé-
riode épileptoide le plus souvent était très courte; parfois elle s'est
offerte avec les phases ordinaires (tonique, tétaniforme, clo-
nique, stertor), par exemple le leu février 1881; - 20 la pé-
l'iode clonique se compliquait de mouvements de circumduc-
tion, de translation, de projection du bassin, et on notait des
1 Voir Bourneville et P. Regnnrd. Iconographie photographique de
la Salpétrière, t. 1, p. 49, et t. Il, p. 202.
100 RECUEIL DE FAITS. - DE L'HYSTÉRO-ÙPILEPSIE.
vagues abdominales, au moment des rémissions1; - 3° l'atti-
tude du c1'ucifiement2 qui était très commune, l'arc de cercle
qui était très accusé, constituent encore de nouvelles analogies
avec les attaques hystériques de la femme; 4° la période de
délire était tout à fait passagère et avait un caractère spécial
de violence. -
IV. Signalons encore les accès de toux gutturale, les zones hys-
térogènes à l'état rudimentaire; l'inefficacité de la compression
de ces zones ou de la compression des testicules sur la production
ou l'arrêt des attaques; l'absence de troubles de la sensibilité.
V. Les expériences instituées pour produire l'hypnotisme
ont montré que les effets obtenus, complets en ce qui concerne
la période de résolution musculaire, d'insensibilité absolue,
ainsi que le démontre l'incision d'une grosse pustule d'acné,
étaient incomplets en ce sens que nous n'avons jamais pu dé-
terminer de catalepsie, ni d'aphasie cataleptique. Le somnambu-
lisme nous a paru incontestable chez ce malade. Inutile de dire
que, dans ces expériences, toutes les précautions possibles ont
été prises pour déjouer toute supercherie de la part du malade.
VI. De même que dans les trois cas que nous avons publiés
autrefois, c'est à l'hydrothérapie que nous devons la disparition
des attaques de notre malade. 11 est sorti alors qu'il n'avait
plus de crises depuis quatre mois. Et, depuis cette époque, il
n'a eu que des accidents très légers, occasionnés par des émo-
tions vives et à des intervalles très éloignés. Il ne présente au-
cun signe permanent de l'hystérie; son développement phy-
sique s'est fait d'une façon régulière, son caractère est devenu
plus égal et ses facultés intellectuelles suivent leur évolution
normale.
1 Ces mouvements, qui transportaient violemment et avec rapidité les
malades, avec projections des membres de côté et d'autre, étaient fré-
quents chez les possédées d'autrefois et donnaient lieu à des scènes
tantôt comiques, tantôt scandaleuses. Un de nos jeunes malades, durant
la période clonique, exécute des mouvements de translation circulaire,
ayant la tête pour centre, et l'accompagnant de mouvements extrêmes
de flexion et d'extension des membres inférieurs qui frappent bruyam-
ment le parquet.
- Dans le Procès-verbal fait pour délivrer une fille possédée du malin
esprit il Louviers (1301), qui forme le second volume de la Bibliothèque
diabolique, il est dit que Françoise « estoit tombée à terre sur son doz
toute de son long, ayant les deux bras estendus en croix » (p. 25-30).
REVUE CRITIQUE
DU MÉRYCISME1;
Par BOURNEVILLE et SÉGLAS.
TV. DU MÉRYCISME CHEZ LES IDIOTS ET LES ALIÉNÉS. (Suite).
Les considérations qui précèdent nous montrent, en somme,
qu'on peut distinguer dans l'acte de la rumination deux pé-
riodes : dans la première, tous les phénomènes sont plus
accusés, contractions abdominales, éructations, mastication;
le nombre des régurgitations est plus grand, leur intervalle
très court. A ce moment, les aliments reviennent intacts. Dans
la seconde période, qui partirait du moment où les substances
qui remontent prennent l'aspect d'une pâte, les contractions,
les éructations sont à peine sensibles, les bouchées sont ava-
lées de suite presque sans mastication et ne reviennent plus
qu'à de longs intervalles.
L'espace de temps qui s'écoule entre le repas et la rumination,
la durée de celle-ci, le nombre des gorgées sont bien diffi-
ciles à déterminer d'une façon générale, car elles varient sui-
vant les sujets et même chez un seul sujet. L'apparition du
mérycisme qui se fait tantôt quelques minutes, tantôt une
heure après le repas, peut être retardée par la volonté, ou accé-
lérée par l'ingestion d'une grande quantité de liquides (ans. VI,
VII) ou même d'aliments solides flattant le goût du sujet. Cette
dernière cause peut influer aussi sur le nombre des gorgées, et
partant, sur ladurée de la rumination. (Obs. XXVIII et XXXII.)
Cette durée, qui est en moyenne de une heure ou deux, nous a
paru varier très peu suivant les repas, contrairement à ce que
Rossier avait observé chez son malade. (Ons. XXX.) En re-
'Voir le ne 16, p. 86, le no 17, p. 246, et le no 18, p. 376.
102 REVUE CRITIQUE.
vanche, elle peut être modifiée par la position que l'on donne
au sujet. La majorité des mérycoles ruminent debout ou assis;
si on les place dans le décubitus dorsal, on arrête momentané-
ment la rumination qui reprend plus tard, et l'on concoit que
la durée s'allonge en proportion. (OBs. XXII, XXVII, XXXIII.)
Il en est de même de l'influence de l'attention. Des causes
analogues peuvent produire un effet contraire. Ainsi chez
Juv ? les accès d'épilepsie abrégeaient toujours la durée de
la rumination qui cessait avec l'accès. Mais quelle que soit la du-
rée delà rumination, il est un fait constant, c'est l'absence de
dégoût et souvent même le plaisir qui l'accompagne. Ce point est
signalé dans toutes nos observations, sauf une seule. (Ons. XII.)
Il est encore une cause à laquelle Cambay attribuait une
grande influence sur la durée de la rumination, c'est la diges-
tiblhté des aliments. On est maintenant d'accord pour dire
qu'un aliment est plus digestihle qu'un autre, quand il cède ses
parties chymifiables plus promptement que cet autre, quel que
soit du reste le lieu où s'opère la dissolution, que ce soit
l'estomac ou l'intestin. Mais ce n'est pas absolument dans ce
sens que Cambay emploie le terme digestibilité, et il ne
l'apprécie que par le séjour plus ou moins long que l'aliment
fait dans l'estomac. Dès lors, les aliments dits lourds, ceux dont
le séjour dans l'estomac est plus long, seraient ruminés plus
souvent et plus longtemps que les aliments dits légers. Cela est,
en somme, très facile à comprendre et nous avons vu quelque
chose de semblable dans l'OBsERvATION Xll, où la majeure
partie des bouchées qui remontaient était formée de viande.
Les légumes étaient en très petite quantité. Quoi d'étonnant à
cela ? Nous savons, en effet, que si on donne à un animal, dans
un même repas, de la viande et des végétaux, l'estomac retient
la première et laisse passer les seconds dont il n'a que peu de
substances nutritives à extraire. Or, l'estomac étant le siège de
la rumination, on conçoit aisément que les matières, destinées
à subir plus longtemps la digestion stomacale, doivent chez un
mérycole revenir à la bouche plus longtemps et aussi plus
souvent. t.
Suivant Percy etLaurent, cette sélection des aliments s'expli-
querait par les mouvements péristaltiques de l'estomac, plus
sensibles sur certains points, et agissant sur les matières
qui correspondent à l'endroit où l'agitation est la plus marquée.
Cette explication nous parait une simple hypothèse et nous
DU MÉRYCISME. 103
préférons adopter la précédente, beaucoup plus physiologique.
C'est ainsi que nous pourrons nous expliquer comment les po-
tages liquides et les boissons sont toujours, chez nos malades,
ruminés dans un temps très court après l'ingestion et ne re-
viennent jamais après le repas. Ces substances, n'ayant besoin
que d'une digestion stomacale très courte, passent rapidement
dans l'intestin et, par suite, sont soustraites à l'action du mé-
rycisme.
Cependant, il est des cas très bizarres où ce sont ces subs-
tances seules qui sont ruminées. Nous avons vu souvent les
liquides en grande quantité favoriser la rumination, mais sans
être ruminés eux-mêmes ou ne l'être qu'après une ingestion
très copieuse. Nous avons signalé, d'un autre côté, des faits de
mérycisme partiel, par exemple, l'OBSERVATioN VII, où le vin, la
bière, le cidre, le jus des fruits, les médicaments ne remon-
taient jamais à la bouche. Nous allons maintenant rapporter
trois cas que nous avons observés à Bicètre ou le mérycisme ne
porte que sur les liquides sans qu'il soit besoin de les prendre en
grande quantité.
Observation XXXIII. - Idiotie, épilepsie. Tics, tournoiement,
mérycisme partiel (liquides). - Secousses : traitement par le curare.
- Obstruction du larynx par un morceau de viande : mort. -
Autopsie. - Vau... (Ernest-Joseph), né le 41 février 1872 à Paris,
est entré le 23 mai 1878 à Bicêtre (service de M. BouoNEmr.r.r).
Antécédents. Renseignements fournis par sa mère (16 août 1880).
Père : quarante-trois ans, petit, mais bien portant ; pas d'excès de
boisson, nerveux, impressionnable; pas de migraines, quelques
névralgies dentaires. [Père : pas d'excès alcooliques, ni d'affections
nerveuses. Mère : asthmatique, morte à soixante ans d'une
fièvre typhoïde; impressionnable, pas d'attaques de nerfs. - Un
frère est mort jeune, de convulsions. Pas d'aliénés, d'épilep-
tiques, de difformes].
Mère, quarante ans, petite, très nerveuse ; pas d'attaques de nerfs,
de migraines, de névralgies; pas de strabisme. Elle a eu pendant
deux mois, après sa quatrième couche, des idées tristes et de sui-
cide. Elle souffre de calculs biliaires. Intelligence ordinaire. -
[Père : mort phthisique à cinquante-trois ans, après avoir eu le
choléra; aucun excès. Mère : morte à soixante-deux ans d'un
cancer utérin. Un frère bien portant; un autre est mort tout
jeune de la cholérino et un troisième de la coqueluche; enfin une
soeur a succombé à une fièvre typhoïde. Pas d'accidents nerveux
dans la famille. Pas de mérycoles du côté du père ni de la
mère.] Pas de consanguinité.
104 REVUE CRITIQUE.
Six enfants : deux filles mortes de bronchite, l'une à sept mois
et demi, l'autre à dix-sept mois; pas de convulsions, bien con-
formées. Deux garçons jumeaux 1 : l'un est mort à trois jours de (,on-
vulsions, l'autre est notre malade. Un garçon, bien conformé.
mort à treize jours, sans convulsions, d'un « épanchement au
cerveau. » - Une fille de trois ans et demi, bien portante, intelli-
gente ; n'a pas eu de convulsions, est très peureuse.
Notre malade. Grossesse accidentée par une chute à cinq mois, et
une peur à sept mois et demi. - Accouchement à terme, facile.
Elevé au bibeion par sa mère jusqu'à trois ans. Dès la naissance,
on remarqua que « les yeux se tournaient » ; à deux mois, il a eu,
pendant vingt et un jours, des convulsions semblables à celles qu'il
a aujourd'hui et durant cinq à six heures par jour. A la suite, on
s'est aperçu qu'il avait une paralysie du côté gauche; on assure que
« les mouvements étaient pareils des deux côtés ». Le pouce gauche est
resté contracture dans la paume de la main, pendant six mois. Rien
de semblable à droite ; il ne s'est jamais servi du bras droit pendant
près d'un an. A partir de là, il a eu des crises quotidiennes,
la nuit et le jour. En 1876, il est resté six mois sans en avoir,
après avoir pris du bromure de potassium ; puis elles sont reve-
nues plus fortes.
V... a marché à quatre ans, tout d'un coup. Après ses accès, il
traînait la jambe gauche pendant une demi-heure. Il a parlé à
cinq ans, mais ne prononçait bien aucun mot; chantonnait les
airs qu'il entendait. Pas d'accidents scrofuleux, pas de maladies
antérieures.
Il ne portait attention à rien, n'a jamais rien appris, n'a jamais
su s'habiller, ni se déshabiller. Il avait de nombreux tics, faisait
continuellement des grimaces; très entêté, coléreux; pas gourmand
ni salace; ne suçait pas ses doigts, flairait toujours ce qu'on lui don-
nait et le rejetait si l'odeur ne lui plaisait pas; il affectionnait les
aliments solides. On prétend qu'il n'a jamais ruminé à la maison ( ? )
- Il n'a jamais été propre ; cependant il urinait seul dans une
terrine. Affectueux, reconnaît ses parents. Le nombre des accès
a été de vingt-neuf en 1879; trente-cinq en 1880; vingt-huit, en
1881 ; trois jusqu'en juillet 1882 ; jamais de vertiges. Rougeole en
janvier 1881 (V. Progrès médical, 1882, p. 720, et Bourneville et
l3onnaire, loc. cit., p. 105.)
Etat actuel (août 1882). - Tête régulière et symétrique, en forme
de pain de sucre : les bosses sont à peine marquées. L'occipitale
ne fait aucune saillie et, de ce côté, la tête parait plate et taillée
suivant un plan vertical.
Fiant bas, étroit, proéminent, sans saillies des bosses frontales;
1 Contrairement 1 ce qu'on observe en général, il n'y aurait pas eu, ici,
de jumeaux ni dans la famille du père, ni dans celle de la mère.
DU MÉRYCISME. 105
pas de dépressions latérales; arcades orbitaires peu marquées :
circonférence de la base 47 centimètres 9p` ? ; diamètre antéro-pos-
térieur (compas Budin) 15,` ? ; diamètre bi-pariétal, 14; diamètre
bi-temporal, 11 4y2.
Visage rond, peut-être un peu plus large en bas, symétrique.
Yeux caves; iris gris brun, pupilles contractiles, égales; pas de
strabisme, ni de conjonctivite. - Oreilles grandes, bien ourlées,
lobule semi-adhérent. Nez court, un peu large, très déprimé à
la racine.
Bouche moyenne, lèvres épaisses. Voûte palatine, très profonde,
assez étroite, symétrique. Voile du palais, amygdales, luette, piliers
réguliers et symétriques. Maxillaires inférieur et supérieur symé-
triques. Dents bien rangées, saines; la deuxième petite molaire
supérieure droite seule est cariée. La partie inférieure de la face
est très saillante.
Cou court, sans traces de scrofule; thorax régulier, colonne ver-
tébrale ractiligne.- Abdomen très développé et saillant.
Membres supérieurs grêles, mais bien conformés; mains petites,
doigts longs, ongles intacts malgré la succion.- Membres inférieurs
maigres; légère concavité des tibias dans les deux tiers inférieurs.
Orteils longs; voûte plantaire normale.
Organes génitaux : verge petite, prépuce très long; phimosis.
On ne sent pas les testicules dans le scrotum.
Peau : cheveux chatain-clair assez fournis; poils follets jusque
dans le milieu du dos; sourcils peu abondants. Pas de poils aux
aisselles, ni sur les membres, ni au pubis. Trois cicatrices de vac-
cin sur l'insertion inférieure du deltoïde droit, deux sur le deltoïde
gauche. - Un névus de la grosseur d'une lentille, avec quelques
poils, sur le tendon d'Achille gauche.
Rien au coeur, ni dans les poumons. Langue bonne, appétit
bon ; foie et rate normaux ; pas de dilatation stomacale; selles
régulières. - Sensibilité générale intacte. Sens spéciaux assez obtus,
même l'odorat.
V... est désobéissant, coléreux, parfois méchant, frappe et pousse
ses camarades. Suce ses doigts, ne bave pas, ne se balance pas;
gâtisme ; onanisme la nuit, jamais le jour. Il ne parle pas, mais
répète tout ce qu'il entend, paroles ou airs de musique; il cause et
chante continuellement, et cela sans aucune suite. On l'a surnom-
mé Coco, parce qu'il répète toujours a Coco à maman ». Il joue
avec des boutons et en a constamment dans les mains, même en
mangeant. Il ne reste jamais en repos; grimace continuellement,
fermant les yeux, agitant la main devant l'oeil gauche, remuant la
bouche, tournant la tête ; souvent il gonfle les joues, remue la
bouche comme s'il se gargarisait et souffle bruyamment. Lorsqu'il
est debout, il lui arrive souvent de tourner sur lui-même pendant
longtemps. '
106 REVUE CRITIQUE.
Il n'est pas gourmand, ni salace ; vole quelquefois le vin de ses
voisins, jamais la viande. Il conserve toujours la même place à
table et pleure si on le met ailleurs. Il mange assez proprement
seul, avec la cuiller : il flaire ses aliments et souffle toujours dessus
avant de les porter à sa bouche. Il mange très lentement, mastique
bien; tout en mangeant, il chante ou répète les mêmes phrases,
joue avec ses houtons, fait des grimaces. Il boit seul, en mettant
son gobelet du côté gauche de la bouche, regardant le contenu do
l'oeil droit. Il boit généralement d'un trait. ,
La rumination des liquides est loin d'être constante ; lorsqu'elle
se produit, la régurgitation se fait de suite après l'ingestion, sans
effort, avec une éructation; l'enfant tourne les liquides deux ou trois
fois dans la bouche et les ravale ensuite. Il y a quelquefois quatre
ou cinq régurgitations successives. Les potages liquides remontent
quelquefois et de la même façon. Les aliments solides ne sont ja-
mais ruminés.
Il se passe quelquefois un grand nombre de repas sans que la ru-
mination des liquides se produise. Souvent on est tenté de croire
que l'enfant rumine, car il fait le geste de se gargariser en gonflant
les joues ; mais alors c'est un de ses tics, car ces mouvements u'ont
pas été précédés d'éructation ni de régurgitations comme lorsque
les liquides reviennent, et ils ne sont pas suivis de mouvements de
déglutition. En outre, ils se produisent souvent longtemps après le
repas, une heure et plus, c'est-à-dire à un moment où les liquides
ne doivent plus être dans l'estomac : quelquefois même nous avons
observé ce tic, alors que l'enfant était à jeun.
Au mois de décembre 1882, on remarque chez l'enfant de nou-
veaux accidents : par moments, fout le corps est agité par une se-
cotisse, et alors V... incline fortement la tète sur l'épaule droite. -
On le soumet, pour ses secousses, au traitement par les injections
sous-cutanées de curare.
24 décembre. Dix gouttes de la solution à 2/100 (I centigr. de
curare.)
26 décembre. Onze gouttes (11 milligr.).
31 décembre. Douze gouttes (12 milligr.).
1883. - 8 janvier. Les secousses semblent avoir diminué d'inten-
sité et de fréquence.
6 février. Dix-neuf gouttes. Pas de modification appréciable. -
11 1 février. Vingt gouttes.
8 mars. Les secousses sont devenues plus rares; on injecte à ce
moment douze gouttes de la solution à 4/100.
6 avril. Dix-huit gouttes de la même solution. Les secousses sont
moins fréquentes et moins fortes.
1 : i mai. Huit gouttes d'une .solution plus forte. - 18 mai. Neuf
gouttes.
DU MÉRYCISME. 107
19 9 m'tt. Dix goutte^. Depuis le commencement du mois, le nombre
des accès augmente après l'injection. V... a eu, parait-il, un accès
après lequel il est resté bleu pendant longtemps.
20 mai. Dix gouttes. Accès d'une durée plus longue que les pré-
cédents.
-I mai. Onze gouttes. L'injection a été faite vers onze heures,
sans qu'on ait remarqué rien de particulier. L'enfant étant redes-
cendu au réfectoire, est pris, en mangeant, d'un accès à la suite
duquel il a paru s'assoupir. On s'est aperçu, dix minutes après,
qu'il devenait bleu, qu'il respirait difficilement, et on l'a monté
à l'infirmerie. La face est bleue, cyanosée, mais cette coloration
est fréquente dans ses accès : la respiration est faible, anxieuse ;
les mouvements respiratoires espacés, mais très réguliers. Pouls
petit, filiforme; écume abondante, pas de stertor. Lotions vinai-
grées, injection sous-cutanée d'éther, inhalations d'ammoniaque,
sinapismes. On pratique la respiration artificielle : en ouvrant la
bouche, on voit au fond de la cavité buccale, un gros morceau
de viande qui obstruait le larynx. On l'enlève, l'enfant fait quelques
mouvements respiratoires spontanés : ils cessent bientôt, et malgré
la respiration artificielle, l'électrisation du diaphragme, une nou-
velle injection d'éther, V... ne tarde pas à succomber,
En résumé, il semblerait : 4° que dans les derniers temps, la
période de stertor se compliquait d'accidents asphyxiques; 2° que
ces accidents se montraient surtout dans les accès qui suivaient de
près l'injection du curare. Dans l'asphyxie mortelle, trois causes
paraissent avoir agi : 1° l'asphyxie propre à l'accès; 2° peut-être
l'injection de curare; 3° et surtout l'obstruction des voies aériennes
par un corps étranger.
Autopsie le 22 mai. Crâne arrondi, peu épais, symétrique.
Liquide céphalo-rachidien en quantité ordinaire. Congestion vei-
neuse modérée de lapt'e-mf))'c. Encéphale : i,14 : i gr. Les artères
de la buse sont symétriques : la bandelette optique gauche est un peu
plus épaisse que la droite, le tubercule mamillaire gauche un peu
plus gros que le droit. Les pédoncules cérébaux paraissent égaux.
L'hémisphère droit pèse 110 gr. de moins que le gauche, et est en
arrière en retrait de 18 millimètres. Le cerveau est un peu mou,
tremblotant, d'aspect gélatiniforme. Pas de lésions à première
vue : pas d'atrophie de la corne d'Ammon. Les ventricules latéraux
et les masses centrales n'offrent rien de particulier à signaler.
Hémisphères cérébelleux égaux. Cervelet et isthme, 160 gr.
Cavité thoracique. La plèvre droite présente une adhérence
complète des feuillets : en un point de la cavité pleurale, on trouve
une petite masse crétacée de la grosseur d'un noyau de cerise. Pas
d'ecchymoses sous-pleurales. - Larynx normal, sans corps étran-
gers, rien dans la trachée ni dans les bronches. Ganglions péri-
108 REVUE CRITIQUE.
bronchiques volumineux et crétacés du côté droit. Le poumon gauche
pèse 220 gr. et le droit 235; ils sont d'ailleurs normaux et ne pré-
sentent pas de tubercules. - Coezir : 130 gr.; il n'offre rien de pa-
thologique. A l'orifice pulmonaire on trouve quatre valvules sig- ? noMes, dont deux sont un peu plus petites que les autres; les plus
grandes sont, du reste, moins développées que les valvules sig-
moïdes aortiques qui sont au nombre de trois. Péricarde normal.
Cavité abdominale. - Deux ou trois ulcérations très petites à la par-
tie inférieure de l'oesophage (il y en a aussi quelques-unes à la partie
supérieure). - L'estomac est absolument normal. - Les follicules
de l'extrémité terminale de l'intestin grêle sont volumineux, sail-
lants ; les ganglions mésentériques hypertrophiés ne paraissent pas
caséeux. Appendice iléo-coecal assez long : Va cent. Foie : 980 gr.
normal, pas de calculs. Reins : pèsent chacun 80 gr., normaux.
- Rate : 420 gr.; petite rate supplémentaire du volume d'un
petit pois. - Pancréas, péritoine, vessie, etc., rien à signaler.
DU MÉRYCISME. 109
Antécédents. - (Renseignements fournis par sa mère. 13 juillet
1882). - Père, trente-cinq ans, mécanicien, très bien constitué,
très sobre. Aucune maladie; pas de migraine, d'accidents nerveux,
de syphilis. [Aucun antécédent névropathique dans sa famille;
pas d'aliénés, d'épileptiques, de difformes, de suicidés, de crimi-
nels, etc.]
Mère, vingt-neuf ans, couturière,' bien portante. Pas de maladies
antérieures, de migraines, de céphalalgies ; elle est nerveuse et
impressionnable, pleurant souvent sans motifs; jamais d'attaques
de nerfs ni de syncopes. [Père et mère : n'ont présenté d'accidents
nerveux d'aucune sorte. Deux tantes du côté paternel n'ont
jamais marché; l'une est morte à six ans. - Une cousine germaine
du côté maternel, âgée de vingt-six ans, est épilcptique et à peu
près démente.]
Pas de consanguinité.
Un seul enfant : notre malade. Rien de particulier lors de la
conception. Dès le second mois de la grossesse, la mère a eu sans
cesse la préoccupation d'accoucher d'un enfant qui ne serait pas
bien portant : vers le troisième mois, elle s'imaginait à chaque
instant que le feu était dans le voisinage, et, la nuit, elle se relevait
pour s'en assurer. Ces imaginations ont persisté durant deux mois.
Accouchement à terme, natuiel, sans chloroforme. A la naissance,
la tête de l'enfant était très allongée : elle était restée au passage
pendant trois heures. Pas d'asphyxie. Il a été élevé au sein par
sa mère jusqu'à dix-sept mois. Vers le troisième mois, on s'est
aperçu qu'il ne tenait pas sa tête, qu'il la laissait tomber. C'est un
mois plus tard que « les nerfs l'ont pris » ; lui qui, auparavant, dor-
mait continuellement « comme une marmotte », et qu'il fallait
réveiller pour lui donner le sein, se réveillait alors et tressautait
au moindre bruit; il se tordait, mais ne criait pas, grinçait des
dents, ce qu'il a continué d'ailleurs de faire jusqu'à ce jour. A
partir de deux ans, habitudes d'onanisme très développées; il se
frottait continuellement la verge soit contre les tapis, soit contre
sa petite voiture ou avec ses mains et « au point de s'en mettre en
sueur »; depuis un mois, il n'aurait plus ces habitudes.
Il n'a jamais eu de convulsions, ni de vertiges. Pas de fièvres
éruptives, pas de.croup; pas de dartres ni de gourme, pas d'ophtlial-
mie; otorrhée de l'oreille gauche. 11 avait souvent, à peu pies une
dizaine de fois par an, des accès de fièvre qui duraient deux ou trois
jours. Ces accès ont disparu en avril 1881.
; La parole est nulle : V... ne reconnaît personne, ne peut rien
tenir dans sa main, est toujours gâteux. 11 ne se balance pas, bave
peu, tette continuellement son pouce et grince des dents : il ne fait
que commencer à se tenir sur ses jambes, mais ne marche pas en-
core.
Il J novembre. - Depuis quelques jours, on a temarqué chez l'en-
i iO REVUE CRITIQUE.
fant des troubles digestifs qui n'existaient pas à l'entrée; l'appétit
est vorace comme autrefois, la mastication nulle, mais après le
repas, il semble gêné et a souvent des vomituritions dans lesquelles
les aliments remontent sansle moindre effort ; pas de rumination.
Ce n'est qu'en avril 1883 qu'est apparu le mérycisme.
1883. 10 avril. État actuel. Depuis quelque temps, l'enfant a
beaucoup maigri; toutes les saillies osseuses se dessinent en relief :
la face a un aspect absolument simien. La bosse frontale droite est
plus saillante que la gauche, tandis que la moitié gauche de l'occi-
pitalestplus saillante et plus arrondie que la droite, qui est aplatie;
en un mot, la moitié droite du crâne avance en avant sur la moitié
gauche et est 'en retrait en arrière sur cette dernière moitié. La
région pariétale droite est arrondie, tandis que la gauche est
aplatie.
DU MÉRYCISME. I I I
Battements du creur un peu irréguliers : pouls petit, à 92. Sonorité
du thorax normale; en arrière, respiration un peu forte à gauche
et en bas. - Ventre souple, foie et rate normaux, pas de dilatation
de l'estomac. Appétit assez bon, l'enfant mange de tousles aliments,
soif vive; langue humide, légèrement saburrale; selles quoti-
diennes, molles et verdâtres. Delagr... ramène dans sa bouche les
aliments et surtout les liquides; au bout de quelques minutes, il en
rejette une partie et ravale l'autre; ]e mé1'ycisme est donc aujour-
d'hui complètement établi.
L'enfant mange et surtout boit avec avidité; la mastication est à
peu près nulle. La rumination débute d'ordinaire assez rapidement
après le repas, parfois même avant qu'il ne soittout à fait terminé;
ce cas se présente surtout si Delagr... n'a ingéré que des substances
liquides (potages), ou s'il y a eu simultanément ingestion d'une
certaine quantité de boissons. L'enfant pousse un petit cri, ouvre
largement la bouche, allonge la langue en forme de gouttière; en
même temps il contracte légèrement les parois abdominales dans
un effort correspondant à l'expiration. Des flots de liquides
remontent à ce moment, s'arrêtent quelquefois à l'isthme du gosier,
tantôt reviennent -jusqu'aux arcades dentaires, et en général sont
ravalés très vite. '
L'intervalle des renvois varie suivant la nature des substances
ingérées el suivant le moment de la rumination. Lorsque l'enfant
n'a fait que boire, les gorgées qui remontent se succèdent presque
sans interruption. Les substances solides ne sont pas ruminées; les
aliments semi-liquides, comme les soupes, le sont souvent; la partie
liquide, bouillon ou lait, revient la première; plus tard, surtout si
l'on fait boire l'enfant, on voit apparaître des bouchées de pain.
L'ingestion des liquides diminue d'ailleurs l'intervalle des renvois.
D'un autre côté, plus la rumination s'avance, plus les renvois
s'espacent. La durée de la rumination est en général assez courte,
elle peut quelquefois pourtant se prolonger pendant une heure ;
elle ne suit pas tous les repas.
7 mai. L'amaigrissement est de plus en plus prononcé. L'enfant
tousse beaucoup; sonorité normale en avant et en arrière. La
respiration est ronflante aux sommets, surtout à gauche. T. R. 40°.
- Soir : T. R. 40°.
8 mai. T. R. 40°,i.-Soir : 40°,4.
9 mai. L'enfant est mort ce matin à 7 heures. T. post mortem : 40°,6.
L'appétit avait beaucoup diminué les jours derniers; l'enfant ne
buvait plus que du lait, et ne ruminait plus.
112 REVUE CRITIQUE.
Autopsie le 10 mai. - Quelques ecchymoses wus-pleurales à
gauche : hyperémie des bronches ; atélectasie de la base des deux
poumons, plus prononcée à gauche. Les autres viscères ne pré-
sentent rien de particulier.
L'oesophage et les intestins sont normaux. La muqueuse de l'estomac
et celle de l'oesophage, ainsi que la presque totalité de la couche
sous-muqueuse, ontdisparu. La. couche musculaire (fibres circulaires
et longitudinales de l'oesophage) est bien développée; on n'y re-
marque aucune fibre musculaire striée au niveau du cardia; il en est
de mime pour l'estomac. La tunique fibreuse périphérique de
l'oesophage est bien et normalement développée.
L'encéphale pèse 840 gr. ; l'hémisphère droit pèse 10 gr. de
moins que le gauche. Le cerveau est mou, luisant, gélatiniforme,
d'une couleur rosée tirant sur le jaune. La pie-mère est mince,
difficile à arracher, mais sans adhérences. Pas de dilatation des
ventricules.
Hémisphère gauche. La première circonvolution frontale, assez
régulière, présente deux insertions, l'une au niveau du bord supé-
rieur, l'autre à trois centimètres au-dessous. La deuxième fron-
tale, très sinueuse, se confond en avant par un pli avec la troisième
et n'offre pas d'attache sur la frontale ascendante. - La troisième
frontale, également très sinueuse, offre en avant un prolongement
remontant jusqu'à la première frontale, de telle sorte que la
deuxième frontale est enclavée en forme de coin entre ce prolon-
gement et la frontale ascendante. La troisième frontale présente
une insertion sinueuse sur l'extrémité inférieure de la frontale as-
cendante. Celle-ci est très plissée et bien développée. Le sillon de
Rolando est profond. La pariétale ascendante, un peu irrégulière,
offre à sa partie moyenne une sorte de sillon transversal incom-
plet. Le lobule pariétal supérieur a la forme d'un quadrilatère
avec un sillon en forme d'x; le lobule pariétal inférieur est réduit
à un simple pli. Le pli courbe est rudimentaire, le lobe occipital,
composé de trois replis assez gros. La première circonvolution tem-
porale est très distincte, la deuxième et la troisième en partie con-
fondues. La circonvolution de l'hippocampe est très petite; la corne
d'Ammon ne présente rien de particulier.
La face orbitaire du lobe frontal est très plissée ; le lobule de l'in-
sula se compose de trois digitations non bifurquées.
Sur la face interne, les circonvolutions sont beaucoup plus rudi-
mentaires que sur la face convexe. La circonvolution du corps cal-
leux et la première frontale sont confondues : en avant cette confu-
sion leur donne, dans une hauteur de trois centimètres, l'aspect du
lobe quadrilatère, en ce sens qu'un sillon assez superficiel d'ailleurs
le sépare de la partie postérieure de ces deux circonvolutions. Il
n'y a pas de sillon eallosO-rnal'[fÏ1wl. Le lobe paracentral forme une
sorte de boucle dont les branches descendantes aboutissent au
DU MÉRYCISME. t 13
corps calleux et sont séparées par un sillon assez profond qui, lui
aussi, aboutit au corps calleux. - Le lobe quadrilatère, moitié plus
long que large, oifre un sillon supérieur transversal et un sillon
vertical qui aboutit au corps calleux. - Le coin a la forme d'une
enclume, dont la partie horizontale se confond en arrière avec le
lobe occipital. Les sillons sont assez profonds sur la face convexe,
et en général plus superficiels sur la face interne, surtout eu
avant. Les corps striés, la couche optique n'ont rien de particulier.
Hémisphère droit. - La première circonvolution frontale est cou-
fondue en grande partie avec la seconde : il n'y a qu'une attache
située au niveau du bord supérieur pour les deux circonvolutions.
La troisième frontale est tout à fait distincte, avec une attache à la
frontale ascendante dans sa partie inférieure. Ainsi, à gauche,
c'est la deuxième et la troisième frontales qui sont confondues ; à
droite, c'est la première et la deuxième. La frontale ascendante, à
25 millimètres au-dessus de son extrémité inférieure, se divise en
deux parties réunies par un pli de passage à un centimètre du Il
bord supérieur. - Le sillon de Rolando est profond. La pariétale
asemdante est régulière. Le lobule pariétal supérieur, l'inférieur, le
pli courbe, le lobe occipital sont rudimentaires; les circonvolutions
temporales sont sinueuses, petites, mieux distinctes que de l'autre
côte. - Le lobule de l'insula a trois digitations.
A la face interne, même confusion entre la circonvolution fron-
tale, celle du corps calleux et le lobule paracentml; absence du sillon
calloso-rrHl1'yinal. Même disposition qu'à gauche du lobe paracentrezl :
- cependant la partie antérieure de la boucle est moitié moins
épaisse que la postérieure. Le lobe quadrilatère, moitié moinslarge
que long, dilfère de celui du côté gauche; le coin et le lobe occi-
pital offrent la même disposition.
Les corps striés et la couche optique, le ventricule latéral, etc.,
n'ont rien de particulier. - Nulle part il n'y a trace de sclérose :
c'est, en somme, un cas d'idiotie complète type par arrêt de déve-
loppement.
Nous citerons encore un cas de mérycisme partiel du même
genre rapporté déjà par l'un de nous (Progrès médical, octobre
1882; Bourneville et Monnaire, loc. cil., p. 113). Nous en
extrayons le passage qui nous intéresse :
Observation IXaIV.- Idiotie : premiers indices de l'absence d'in-
telligence. Rumination des liquides. - Améliorations Ictère. -- z
Rougeole; Groacho-pneumonie; guérison.
« L'enfant Cli... est gourmand, vole les aliments de ses cama-
rades et mange avec ses mains. Souvent, après le repas, on note
des régurgitations (rumination pour les liquides) : il ramène dans
Ancmves, t. VI1. 8
I t le REVUE CRITIQUE.
sa bouche non seulement le liquide de la <0111)['. mais encore le
pain; puis ravale le tout. Il est idiot, g,teux, non salace. » Cet
enfant fut atteint en 1881 d'une rougeole compliquée de broncho-
pneumonie, pendant laquelle le mérycisme fut suspendu et ne repa-
rut plus ensuite.
Voilà donc des cas de mérycisme partiel ne portant que sur
les substances liquides, boissons, potages, sans qu'il soit besoin
de les prendre en grande quantité. Le mécanisme et les symp-
tômes de la rumination sont alors les mêmes. Les seuls faits
à noter sont les suivants : dans les cas particuliers, l'intervalle
qui sépare le renvoi des substances ruminées au moment de
l'ingestion est excessivement court; et par suite, si l'enfant a
ingéré les liquides au début du repas, il rumine et mange à la
fois. D'un autre côté, la durée de la rumination est très courte,
à moins qu'on ne veuille. la prolonger en faisant boire de nou-
veau le sujet.
Quant aux renseignements anatomo-pathologiques que nous
pouvons déduire de ces observations, ils nous apprennent
seulement que l'appareil digestif, l'estomac surtout, était sain,
bien conformé, tout à fait normal, et sans lésions d'aucune
espèce. Ces résultats, d'accord avec ceux des auteurs, nous con-
firment dans cette opinion : que c'est bien dans le système
nerveux qu'il faut chercher la cause première du mérycisme.
Diagnostic. Dans un des premiers chapitres de ce mé-
moire, nous avons dit en définissant le mérycisme, qu'il devait
être distingué du vomissement. En effet, si, à première vue, ces
deux phénomènes offrent quelque analogie, ils doivent, au
point de vue physiologique et clinique être absolument distin-
gués l'un de l'autre.
o Le vomissement, dit Longet, s'annonce par une sensation par-
ticulière qui est la nausée, sensation accompagnée de malaise et
d'anxiété générale. 11 y a de l'oppression, de la douleur à la région
épigastrique, la face devient pâle, le pouls petit et faible : la bourbe
se remplit de salive : survient ensuite une inspiration forte et par-
fois sonore, pendant laquelle l'air pénètre dans la poitrine pour y
rester emprisonne par le resserrement subit de la glotte. Le dia-
phragme, les muscles abdominaux, l'oesop/ta[Je, etc... entrent immé-
diatement et simultanément en contraction. Pendant ce temps, la
respiration est suspendue et la cavité du ventre est resserrée de
toutes parts, comme dans le phénomène de l'effort. Sous la 1'1'1'>-
sion brusque des puissances musculaires, les matières contenues
DU MÉRYCISME. 115
dans l'estomac sont lancées à travers le cardia; l'oesophage s'en
emplit; le cou se tend, le larynx est porté en avant, l'isthme du
gosier se dilate en même temps que le voile du palais tendu se re-
lève pour protéger les arrière-narines; enfin, la bouche s'ouvre
largement et laisse passer les matières qui s'échappent au dehors. »
Quelle différence entre ce tableau et celui du mérycole au
moment où il rumine ! Ici rien de convulsif, pas le moindre
symptôme d'effort, pas de nausées, d'anxiété; souventmême, au
contraire, la figure du malade exprime la béatitude; la colora-
tion de la face reste la même, la respiration n'est altérée ni
dans son rythme, ni dans sa fréquence; l'action des puissances
musculaires est souvent si peu sensible qu'elle échappe même
à l'oeil de l'observateur; enfin, les aliments loin de s'échapper
au dehors, sont gardés par le sujet, qui, à l'instant où la
gorgée remonte, s'empresse de fermer les lèvres et de les
contracter pour la retenir dans sa bouche.
Percy et Laurent avaient déjà fait cette distinction. « Nous
ne saurions trop, disent-ils, insister sur la différence qui existe
entre le vomissement et le mérycisme. Dans ce dernier, il n'y
a point de nausées; dans le premier, il y en a toujoursplus ou
moins. Dans l'un, les hypochondres s'évasent, le ventre s'apla-
tit, tout se roidit autour de l'estomac; la bouche est béante, le
cou tendu, la respiration suspendue ou inégale; rien de tout
cela ne se remarque dans l'autre. »
Le vomissement est, en somme, un acte éminemment con-
vulsif ; il est, à ce titre, involontaire. Ce fait et le trouble mar-
qué qui l'accompagne exige qu'on le considère comme un phé-
nomène anormal et pathologique, dont l'existence continue
est une gène et parfois un danger pour le malade. Ce ne sont
pas là les caractères du mérycisme qui, parfois volontaire, le
plus souvent agréable, se produit presque sans effort, n'intro-
duit aucun trouble dans les fonctions digestives, ni dans l'as-
similation,ne compromet en rien l'existence, et peut, en somme,
être regardé comme un phénomène, anormal , il est vrai,
mais on pourrait presque dire aussi, physiologique. Ces faits
ont d'ailleurs été signalés de longue date et Pipelet, rappor-
tant l'opinion de Peyer, dit dans sa thèse (p. Il et 14.) : « Ti-
menlum ne incautos illudat error, vomitum cum merycismo
confundens..... In recta' ruminatione cibus non modo in
os refunditur, sed etiam remensus iterum deglutitur, ut posteà
e veiitriculo per intestina trausiens, famem saturet ».
116 REVUE CRITIQUE.
Au point de vue physiologique, le mérycisme se distingue
aussi du vomissement. Nous avons vu, dans le chapitre précé-
dent, quel était le mécanisme de cette fonction ; or, il ne rap-
pelle que de loin celui du vomissement qui exige toujours un
effort énergique du diaphragme, et des parois abdominales,
qui sont les principaux agents de sa production et dans lequel
le rôle actif de l'estomac est très contesté. Or, les auteurs ont
surtout admis dans le mérycisme l'action de l'estomac : les uns
rejettent absolument l'action du diaphragme et des parois abdo-
minales ; les autres ne l'acceptent que pour le renvoi de la pre-
mière gorgée, et elle est quelquefois si faible qu'elle peut passer
inaperçue. Chez les malades que nous avons observés, nous
avons recherché souvent cette action des puissances muscu-
laires, mais très souvent nous n'avons rien remarqué et, dans le
cas où des contractions se sont produites, leur peu de durée 2t
d'intensité nepeutles faire assimiler aux contractions énergiques
qui provoquent le vomissement. Pour achever l'étude de ce
point, nous citerons enfin un autre élément de diagnostic qu'un
mérycole seul peut apprécier. « Ce qui me porte à admettre,
dit le Dr Cambay, que l'acte du mérycisme se passe surtout
dans la grande courbure de l'estomac, c'est la différence de
sensation que j'éprouve dans cet organe dans le mérycisme
et dans le vomissement. Dans le dernier phénomène, il semble
que les contractions partent d'un point plus éloigné de l'oeso-
phage, qu'elles ont une étendue bien plus considérable et
qu'enfin une partie de cet organe que je crois être la plus ac-
tive, c'est-à-dire l'extrémité pylorique, est tout à fait inerte
dans le mérycisme. Aussi le vomissement involontaire m'est-il
très pénible, tandis que le mérycisme m'est plutôt agréable. »
Il est un fait étrange observé chez certaines personnes qui
sont sujettes non à ruminer, mais à vomir après les repas et
chez lesquelles l'estomac ne rejette que certaines matières qu'il
ne veut ou ne peut pas digérer. On a quelquefois confondu avec
le mérycisme cette espèce de vomissement et c'est à lui que
s'appliquerait bien la définition que Racle a donnée du méry-
cisme. Cette confusion est une erreur ; en effet, nous ne re-
trouvons pas là les phénomènes du mérycisme, qui n'est pas un
vomissement comme nous venons de le voir, et dans lequel,
même lorsque le sujet semble pouvoir exercer une sorte de
sélection sur les substances qu'il veut ruminer, les aliments
ne sont pas rejetés au dehors, mais sont soumis à une nouvelle
DU MÉRYCISME. 117
digestion buccale ponrreprendreensuitele chemin de l'estomac.
Le phénomène, du moins, se passe ainsi dans les cas de mérycisme
avéré. Cependant, certains mérycoles peuvent, dans des circons-
tances exceptionnelles, présenter des symptômes qui amènent
cette confusion. Ainsi, au début du mérycisme à marche
graduelle, on peut quelquefois observer le rejet des aliments
(OBs. IX, XIII. XV); mais ce fait est transitoire et la rumina-
tion s'établit bientôt avec tous les symptômes que nous avons
décrits. Autre part (Ors. VII), nous avons vu que le thé et les
substances grasses étaient rejetés; mais ce n'était qu'après
avoir été ruminés à plusieurs reprises. Le sujet de l'OBSERVA-
TION XXII aurait pu donner lieu plutôt à une méprise, car il
rejetait de suite les substances grasses; toutefois, il faut remar-
quer qu'il ruminait complètement les autres aliments qui re-
montaient en même temps dans la bouche. On voit donc que,
même dans ces cas exceptionnels, le mérycisme ne doit pas
être confondu avec le vomissement facultatif de certaines subs-
tances, et l'on évitera l'erreur en se rappelant que « le méry-
cisme ne vide pas violemment l'estomac et qu'il n'en fait sortir
que peu à peu et sans effort une certaine quantité d'aliments
en général assez prompts à y rentrer. » (Dict. en 60 volumes.)
Un autre .phénomène qui présente beaucoup plus d'analogie
avec le mérycisme est celui de la régurgitation, que l'on observe
souvent chez les enfants à la mamelle ou chez les gros
mangeurs. Là, comme dans la rumination, les substances re-
prennent le chemin de l'estomac ; les agents musculaires in-
terviennent bien comme dansle vomissement, mais leur action
est bien moins énergique et il n'y a pas de phénomène d'ef-
fort. Souvent même la volonté intervient pour produire la ré-
gurgitation, en agissant sur l'estomac pir des pressions exté-
rieures, par des contractions des muscles abdominaux, en fai-
sant de grandes inspirations, ou en répétant,ces fausses éruc-
tations au moyen desquelles on cherche quelquefois à en
produire de véritables. Mais, dans ces cas,jamais les substances
solides ne sont soumises à une seconde mastication comme
dans le mérycisme qui, d'un autre côté, fait partie du modus
vivendi de l'individu, tandis que la régurgitation n'est qu'un
phénomène accidentel.
Marche, durée, pronostic. La plupart du temps, le mé-
rycisme, dès son apparition, se présente avec tous les symp-
tômes que nous avons passés en revue. Cependant, dans
118 R REVUE CRITIQUE.
quelques cas, le début est tout différent et ce n'est que d'une
façon graduelle que les individus arrivent à ruminer. Nous
avons déjà vu au passage plusieurs exemples de ce fait. Tantôt
les individus qui rumineront plus tard, commencent par rejeter
les aliments (Oss. IX, XIII, XV). D'autres fois (Ons. XVI) le
mérycisme n'arrive qu'après une période où le sujet n'a que de
simples régurgitations; quelquefois enfin il peut commencer
par être partiel et ne s'installer complètement que plus tard.
(ORS. XVII et XXVI). Mais, somme toute, ces cas sont rares
et le mérycisme survient d'ordinaire d'emblée avec tous ses
symptômes.
Une fois déclaré, il continue sa marche, la plupart du temps
toujours identique à lui-môme; pourtant, on a remarque par-
fois qu'il diminuait avec l'âge (uns. VIII et XVI), mais sans
disparaitre. Il est rare, en- effet, que sa durée ne se prolonge
pas toute la vie. Il est néanmoins certaines circonstances qui
peuvent interrompre un certain temps sa production. Ainsi,
les maladies intercurrentes en suspendent communément le
cours pendant leur durée : ce qui est une analogie de plus
avec la rumination des animaux qui ruminent moins bien ou
cessent même de ruminer lorsqu'ils sont malades. Quoi piefois
même il se peut que le mérycisme ne reparaisse pas après la
maladie comme dans l'observation de Cliq . , mais nous
ferons remarquer, à ce propos, que le mérycisme était partiel
et ne s'exerçait que sur les liquides.
Nous avons vu encore la rumination disparaitre sous l'in-
fluence d'une toute autre cause : le coït. (Ois.. XIII, XIV.)
Enfin, nous citerons l'observation suivante où le mérycisme
disparut spontanément.
Obskrvation XXXV. Imbécillité. Mérycisme héréditaire.
Disparition spon<H/ : A'. Louis C ? le lils, de trente-
cinq ans, homme lent, d'une intelligence faible, d'un tempérament
lymphatique, s'adonne à la boisson. A vingt-cinq ans, il eut un
accès d'epilepsie à la suite duquel il se mit à ruminer son dîner.
Jamais cette rumination n'a atteint le même degré que chez sun
père. C'est tout au plus s'il lui revenait après le repas quatre ou
cinq bouchées de matières solides. Après les avuir mâchées, il les
avalait de nouveau. Cet état dura quelques mois et disparut sans
traitement. -- A trente-deux ans, seconde attaque d'épilepsie il la
suite de laquelle le mérycisme n'a pas reparu.
DU MÉRYCISME. I IJ
On voit donc qu'à part certains cas exceptionnels, le me-
rycole vit et meurt avec son affection.
En meurt-il ? non. Le pronostic du mérycisme est, au con-
traire, très bénin. Livré à lui-même, il ne compromet en rien
la vie, et l'on a vu des individus qui en étaient affectés, arriver
à un âge très avancé. (Cas. VI, VIII, IX.)
Traitement. Lorsque le mérycisme est sous la dépendance
de la volonté, on peut essayer de le faire cesser en empê-
chant à chaque fois la première régurgitation de se produire
par la fixation de l'attention et par un effort de volonté.
Mais ce moyen ne réussit pas toujours : il peut occasionner
des douleurs (Ces. XX), et ne pas empêcher le retour des
aliments qui n'est, en définitive, que retardée (OBS. XVII,
XXVIII).
Quand le mérycisme est involontaire, on peut recommander
aux malades de manger lentement, de bien mâcher leurs
aliments avant de les avaler.
Tous ces moyens sont impraticables chez les idiots, on
pourra alors restreindre la quantité de nourriture; mais l'Ori-
SERVA'rioNXIl ne donne pas, à cet égard, des résultats encoura-
geants, et notre propre expérience nous a montré qu'on ne
faisait ainsi que retarder l'heure de la rumination.
La suppression de certains aliments qui semblent favoriser
la rumination, tels que les légumes (OBS. XXI), les liquides en
grande quantité (OBs. VII et XVII), est aussi indiquée dans
quelques cas particuliers, de même que l'interdiction de subs-
tances difficiles à digérer, telles que les graisses (Cas. III, XXII).
On pourra aussi essayer, mais sans grandes chances de
succès, de certains moyens empiriques qui parfois mettent un
obstacle à la rumination, par exemple le décubitus dorsal,
(Cas. XXVII et suivantes), le repos absolu (OBs. XXI), la
station debout (OBS. XXVI).
Quant aux médicaments prescrits contre le mérycisme, ils
sont en petit nombre, et d'une efficacité douteuse. Nous cite-
rons cependant l'aloès et les amers dont l'emploi a donné peu
de succès; les vomitifs ont échoué lorsqu'ils ont été employés
(OBS. XXI et XXVI); les toniques, les purgatifs ont donné de
bons résultats (OBS. XVII) ; la noix vomique, la belladone ont
produit aussi quelques effets favorables (Olls. XXVII). La pep-
sine, que nous avons essayée chez nos malades (Cas. XXX
120 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.
et XXXI), à la dose de 0,75 centigrammes avant chaque repas,
n'a pas eu d'action sensible sur le mérycisme.
Il nous reste maintenant à poser cette question : Faut-il
traiter le mérycisme et chercher à en arrêter le cours ? Nous
avons déjà insisté plus haut sur ce point, et nous croyons avoir
prouvé que le mérycisme n'était pas une maladie, mais un
acte presque physiologique bien qu'anormal ; nous avons
montré aussi qu'il ne compromettait nullement l'existence des
individus qui y étaient sujets; nous avons vu enfin que, par-
fois, si on cherchait à en interrompre le cours, la santé générale
pouvait en être gravement atteinte. (OBs. VIII, IX). Aussi, en
présence de tous ces faits, sans aller, avec Cambay, jusqu'à
comparer le mérycisme à un exutoire dont la suppression
peut entraîner de graves conséquences-, nous pensons qu'il
serait souvent bon de ne pas y mettre obstacle surtout lors-
qu'il existe depuis longtemps '.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
I. Recherches sur la structure comparée DE l'écorce cérébrale ; par
W. Bevan LFwts. (Communication faite par Ferrier, in Philo-
sophical Transactions of the royal Society, au nom de l'auteur.)
Bevan Lewis s'est attaché il étudier la structure des circonvo-
lutions chez le porc, le mouton et le chat. De ces études compa-
ratives, il résulte ce qui suit :
Chez tous les animaux, dont il a examiné le cerveau, l'auteur a
retrouvé les deux types à cinq et à six couches; chez tous, la struc-
ture fondamentale des couches s'est montrée la même. Les dilfé-
rences dans chaque type résident dans les caractères variés des
éléments anatomiques et leur distribution dans les différentes cou-
ches de l'écorce. Ces différences chez les animaux dont il s'agit,
i Depuis que ce travail est fait, il nous est parvenu d'autres documents
que nous consignerons ultérieurement dans un appendice cette Revue.
Tels sont, entre autres, un mémoire de Koerner, une note de M. Bou-
chaud, etc.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 121 1
comme chez l'homme, se remarquent surtout au voisinage de la
partie moyenne de l'écorce cérébrale. Les éléments anatomiques
constituent des groupes, et se disposent en couches. L'aire motrice
relève du type à cinq couches et se caractérise, en outre, par les
éléments qui forment ces couches. La première de celles-ci, chez le
porc, est plus épaisse que celle du cerveau des animaux placés plus
haut dans l'échelle, et renferme un grand nombre de cellules de
Deiters. Il y a une grande uniformité de volume entre les cellules
qui constituent, chez le même animal, la troisième couche de
l'écorce. Le type à six couches résulte de l'interposition d'un plan
de petites cellules à forme angalaire et pyramidale.
Il y a une remarquable ressemblance dans le contour et le grou-
pement des cellules corticales chez le porc et le mouton. Dans les
deux espèces la forme de ces cellules est presque invariablement
celle d'une pyramide allongée.
Chez le porc, le type à cinq couches se retrouve au niveau du
grand lobe limbique, du lobe frontal, de la première et deuxième
pariétales. La structure interne du cerveau est identique chez le porc
et le mouton. Le sillon crucial, à son origine, constitue la délimita-
tion entre les deux types à cinq et à six couches. Chez le chat, les cel-
lules de la troisième couche augmententde volume àmesurequ'elles
sont plus profondément situées. Les cellules pyramidales motrices
sont, chez ce dernier animal, très volumineuses et réunies en grand
nombre autour du sillon cervical. Cette agglomération des cellules
de Betz autour de ce dernier sillon se rencontre chez la plupart
des animaux carnivores.
Très variables dans leurs dimensions chez l'homme et chez le
singe, ces cellules ont, au contraire, un volume uniforme remar-
quable chez le porc et le mouton.
La différence d'aspect et d'épaisseur que présente la premiere
couche dans les diverses espèces animales démontre l'accroisse-
ment progressif du tissu connectif dans la substance nerveuse, à
mesure qu'on descend l'échelle zoologique.
Les cellules, caractérisées parleur contour arrondi et l'absence
de prolongements, telles qu'on les rencontre dans le cerveau des
idiots, se retrouvent dans l'écorce cérébrale du mouton et du porc.
. B.
II. DU TRAJET DES FIBRES QUI SERVENT A RÉTRÉCIR LA PUPILLE ET DE
LA LOCALISATION DU CE\1'REDE L'IRIS ET DE LA CONTRACTION DES MUSCLES
moteurs de L'OEIL; par l3ECDTEREFr·. (Messager de psychiatrie et de
neurologie, de Saint-Pétersbourg, 1883.) .
Après l'examen de ce qui a été dit avant lui, en s'appuyant soit sur
des faits observés par lui-même encore avant, soit sur des expé-
rences nouvelles, l'auteur présente les conclusions suivantes :
12 RI'svU>; D'.1 : ! \TO\II ET DU PHYSIOLOGIE.
1° On ne trouve pas de fibres qui servent aux mouvements ré-
flexes pour rétrécir la pupille, ni dans les bandelettes optiques,
ni dans leur extrémité centrale, dans les corps genouillés et les tu-
hercules quadrijumeaux chez des animaux supérieurs et les tu-
hercules jumeaux des oiseaux.
2° Ces fibres, prenant leur origine dans la rétine et passant dans
le nerf optique derrière le chiasma, pénètrent dans la substance
grise qui entoure la cavité du troisième ventricule et se diligent
vers les noyaux du moteur oculaire commun et de làavec le tronc
de ce nerf vers la périphérie.
3° Les fibres qui rétrécissent les pupilles restent, sur toute leur éten-
due, à l'intérieur de la substance grise centrale sans s'entrecroiser.
Il 11 existe pour chaque oeil un arc réflexe indépendant qui
passe par le nerf optique dans la moitié correspondante de la
substance centrale, dans le noyau et le tronc du nerf moteur ocu-
laire commun du même côté.
,'i0 Entre les arcs réflexes des deux côtés il existe un lien qui sert
à transmettre le réflexe d'un oeil avec la pupille de l'autre. Ce
lien réside, selon toute probabilité, dans les fibres commissurales
des deux noyaux du nerf moteur oculaire commun.
(Le 6 6 manque dans l'original).
il Les centres du réflexe servant à rétrécir la pupille ne se trouvent
pas dans le fond du troisième ventricule, comme le croyaient
llcnsen et "-olkers, ou en arrière des tubercules quadrijumeaux,
selon Adamuc, mais se localisent, selon toute vraisemblance, dans
les noyaux du nerf moteur oculaire.
8° Dans le plancher du troisième ventricule, il n'existe pas de
centres qui servent à contracter les muscles moteurs de l'oeil, dans
le sens de MM. Ilonsen et Wolkers.
9° Les changements dans la position de l'oeil apparaissant avec
les autres troubles moteurs (perte d'équilibration du corps et mou-
vements involontaires et forcés) à la suite de l'excitation ou de la
lésion du plancher du troisième ventricule, ont le même caractère
que les changements dans la position de l'oeil qui se montrent à la
suite de la destruction des canaux demi-circulaires et les olives du
bulbe. Ces changements démontrent que tous les organes cités
ont une influence sur la sphère motrice de l'oeil en général, sans
excepter les globes oculaires.
10° Les centres pour les mouvements volontaires du globe de
l'oeil doivent se trouver dans le domaine des noyaux des nerfs
oculaires moteurs, parce que la destruction de ces noyaux ou des
racines qui en sortent ont suivi des changements stationnaires
dans la position de l'oeil.
11" Jusqu'à présent, on n'a pas encore démontré l'existence du
centre de l'accommodation sur le plancher du quatrième ventri-
cule .séparément des noyaux du nerf moteur oculaire.
REVUE D'ANATOMIE HT n ? r : 5s : ot.o : m.. I : n
12° La dilatation de la pupillc, à la suite dc; excitations doulou-
reuses, ne se fait pas à l'aide des fibres du nerf sympathique, mais
agit d'une façon indépendante en déprimant le réflexe lumineux
de la pupille.
13° L'immobilité pupillaire réflexe dépend, selon toute probabilité,
tlesprocessuspatholoiques qui interrompent l'arc du réflexe lumi-
neux sur sa voie, il partir du chiasma et jusqu'au noyau du nerf
moteur oculaire. l3ouvor.r.
III. DE LA DIRECTION DES FIBRES OPTIQUES A PARTIR DES CORPS GENOUILLËS
JUSQU'AUX TUBERCULES QUADRIJUMEAUX; p : Lrl3ECILTERE1'P. (LOC. Cit.)
L'auteur arrive à la conclusion, que les lésions isolées du corps
genouillé externe, chez les chiens, ainsi que la section du brachiuni
antérieur par rapport à la vue produisent le même effet, no-
tamment :
Diminution du champ visuel des deux yeux du côté con-
traire à l'hémisphère lésé. - L'étendue de la lésion dans les deux
veutétaitta même qu'à la section du tractus npticiis correspondant.
La limite qui séparait la partie lésée de la partie saine du champ
visuel dans les deux veux, se présentait comme une ligne verticale
passant près de la macula lutea. fine s'observait aucun changement
dans les pupilles. - Les données, en appuyant les recherches ana-
tomiques de Gudden, ne laissent aucun doute que toutes les
fibres du tractus, qui constituent le nerf optique, passent par le
corps genouillé externe et ensuite, à l'aide du bmvchiunzantéoiem,
pénètrent dans les tubercules quadrijumeaux. 13uBlWl"F.
IV. Durée latente ET caractère PSEUDO-Rti : FLEXE DES PHENOMENES
tendineux; par A. EULENBURG. (Neurologisches Centra/bill/t, IS82.)
La phase latente du réflexe tendineux rotulien ne dépasse pas
chez l'adulte sain (homme) 2jGt de seconde. Les conclusions de
l'auteur sont que les phénomènes tendineux ne sauraient être rat-
tachés a des processus purement réflexes, qu'ils constituent des
manifestations complexes, affectant un rapport intime avec la toni-
cité musculaire. Leur production exige que le tonus musculaire
soit assez vigoureux, que l'incitation exercée à la périphérie et sa
propagation puissent se faire rapidement. Aussi disparaissent-ils
chez les tabétiques dont la conductibilité tactile est troublée et ra-
lentie et le tonus musculaire endommagé, de par la lésion des
fibres radiculaires postérieures. La phase latente du réflexe du ten-
don d'Achille égale 3/62 de seconde. Elle est donc plus grande que
celle du phénomène rotulien; de plus, le phénomène du pied est
plus rare que le phénomène du genou. La raison do ces différences
121. 4 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.
serait que la transmission de 1'incitation se heurte à de plus grandes
résistances périphériques quand elle part du pied. P. K.
V. Sur La voie QUE suivent les fibres gustatives de H corde DU
tympan pour se rendre A l'encéphale ; par W. ERB. (Neurol.
Centralbl., 1882.)
Le diagnostic porté pendant la vie du malade que ce fait con-
cerne fut : lésion de la base du crâne (étage moyen), occu-
pant la moitié antérieure, vers la fente orbitaire supérieure et
ayant atteint le trijumeau, les trois nerfs de l'oeil, finalement le
nerf optique. Dans ces conditions, le goût étant aboli sur les deux
tiers antérieurs de la langue (zone des fibres de la corde du tym-
pan), le nerf facial étant complètement intact, alors que le trijumeau
était plus ou moins affecté dans toute son étendue, l'auteur on con-
clut que les fibres en question occupent il la base le tronc du tl'iju-
menu, Confirmation nécroscopique : inflammation chronique com-
prenant le périoste, la dure-mère, la pie-mère, et englobant les
nerfs cités. Un second cas entraîne la conclusion que les fibres gus-
tatives sont contenues dans le maxillaire supérieur. P. K.
VI. Contribution A l'étude DU noyau externe DE l'acoustique ET DU
corps RI : STIFOR3LE; par Von Monakow. (Neurol. Centl albl. 1882.)
M. de Monakow sectionne chez un lapin, le jour de sa naissance, la
moitié gauche de la moelle épinière, immédiatement au-dessous de
l'entrecroisement des pyramides. Six mois plus tard les altérations
rencontrées montrent : 1° que le noyau externe de l'acoustique
(noyau de Deiters) dépend des fibres de la moelle et qu'il n'affecte
aucune espèce de rapports avec les racines de l'acoustique, ni avec
le segment interne du pédoncule cérébe]leux; - 20, que le cordon
cunéiforme passe en partie dans le corps restiforme; 3° que le
cordon latéral dans le cervelet se termine dans le vermis. P. K.
VII. Nouvelle communication concernant l'influence DE LI DE-,TRUC-
TION unilatérale du bulbe sur le développement des hémisphères
cérébraux; par Fûrstner. (Archiv f. Psych. u. Nervenk., XI ! , 3.)
Les recherches expérimentales entreprises sur ce point par
M. Flirstner l'ont conduit à cette conclusion que la résection d'un
côté du bulbe n'entraîne pas l'atrophie du centre visuel de Munk
du côté opposé; on y rencontre, par exemple, une diminution de
volume sur la zone de l'hémisphère qui est formée par la première
et la seconde circonvolution, il partir de l'extrémité du lobe
occipital jusqu'au lieu de passage de celle seconde circonvolution
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. t l5
(médiane) dans le lobule postfrontal. Chez quinze chiens soumis,
peu de jours après l'accouchement, à la destruction du tiers anté-
rieur du bulbe, mais ayant vécu ultérieurement de six à quatorze
mois, M. Furstner trouva l'atrophie du nerf optique ainsi qu'une
faible atrophie du faisceau croisé, le tubercule quadrijumeau qui
lui correspond n'ayant d'ailleurs subi qu'une petite diminution de
volume; jamais il n'obtint l'atrophie du centre visuel croisé, non
plus que l'hypertrophie compensatrice du lobe temporal annoncée
par Munk. Dix des sujets en expérience présentaient en revanche,
du côte opposé à la lésion, une diminution de volume de la région
cérébrale délimitée plus haut, surtout en son segment antérieur ;
l'arrêt de développement portait, en une observation, sur le même
côté que celui de la destruction; enfin quatre expériences ne témoi-
gnèrent d'aucune différence. Le microscope corrobora toujours
l'examen macroscopique. - En conséquence, M. licirstiier se range
à l'avis de Gulden ; cette méthode de procéder est demeurée,
jusqu'à ce jour, muette à l'égard des relations de la rétine avec
l'écorce du cerveau. Quant à l'influence de la résection du bulbe,
sur (les noyaux de l'oculo-moteur signalée dans l'espèce, il est
incontestable que M. Furstner l'a consignée du côté lésé, sans que
pour cela l'atrophie de la région corticale du côté susmentionné
ait été en rien entravée. P. K.
VIII. Nouvelles communications sur les arrêts de développement
produits sur LE CERVEAU du lapin par l'extirpation DE zones COR-
TICALES circonscrites; par C. von Monakow. (Arclc., ? Psych. u.
Neraenk., XII, 3.)
Nous avons déjà analysé les^ premières expériences de l'auteur
sur ce sujet ', ainsi que son mode de procéder, son système de rai-
sonnement. Nous nous bornerons par conséquent maintenant à
relever brièvement les résultats obtenus dans la nouvelle série
d'essais. On peut, en définitive, par la résection de telle ou telle
région corticale, pratiquée chez le lapin nouveau-né, s'opposer au
développement ultérieur des noyaux des ganglions infracorticaux,
c'est-à-dire des cinq noyaux ou tubercules (antérieur, moyen,
externe, postérieur et couche grillée) de la couche optique, ainsi
que des corps genouillés externes et internes. La zone qui tient
sous sa dépendance le corps genouillé externe correspond, à raison
de sa situation dans la région occipitale, au centre visuel de Munk;
sa résection détermine aussi l'arrêt de développement de portions
du tubercule externe et de la couche des fibres en grille, de la
bandelette optique, des tubercules quadrijumeaux antérieurs, ainsi
qu'un léger degré d'atrophic du nerf optique. La zone en relation
avec le corps genouillé interne, située sur les côtés de la précé-
dente, appartient au centre auditif de Munk. Ces deux premières
126 REVUE D'.\N.1TUIlE et de PHYSIOLOGIE.
régions de l'écorce sont en continuité avec le segment postérieur de
la capsule interne. - Celle qui préside au tubercule externe de
la couche optique se trouve en avant du centre visuel; celle
dont relève la couche grillée, tout à côté, commande en outre
à la nutrition des faisceaux latéraux du pédoncule cérébral.
Ceux-ci, à la suite de son ablation, s'atrophient jusque dans la
protubérance. La mutilation de ces deux segments de l'écorce
entraîne la dégénérescence des» troisième et cinquième de la
capsule interne. La zone à laquelle ressorlissent les tuber-
cules antérieur et moyen de la couche optique en avant
des deux précédentes et comprend la région motrice du lobe
frontal. De sa destruction résulte l'atrophie des fibres des
pyramides et du faisceau de Vicq d'Azyr en même temps qu'une
diminution de volume de certaines portions de l'étape supérieur des
pédoncules cérébraux ainsi que d'un faisceau d'association qui
rejoint le lobe frontal au lobe occipital ; le segment antérieur de
la capsule interne disparait également. , P. K.
LES premières questions DE la physiologie ; par Luigi LUCL1YI.
(Jahrbuch. f. Psych., III, 3.)
L'auteur traite de ces éternelles questions toujours insolubles
qui concernent l'essence de la matière, de la force, de la vie.
Nous sommes absolument incapables de séparer la matière de la
force qui en produit les manifestations; force, mouvement, mobile,
matière, sont autant de termes indiquant l'objectivité sans laquelle
il n'y a plus de perception. La vie, elle, doit être comprise comme
résultant de l'ensemble des mouvements fonctionnels des orga-
nismes et des phénomènes psychiques (conscience, incitations ner-
veuses). L'organe suppose la fonction; et inversement, celle-ci est
inséparable de Et, en somme, le matérialisme et le spiri-
tualisme constituent deux hypothèses, la science ne saurait retirer
aucune utilité de la recherche de l'essence même des choses. La
seule voie fructueuse qui reste ouverte est celle qui se propose de
tenir simplement compte des phénomènes mis en lumière par
l'expérience. Sur ce terrain, toutes les écoles se mettront d'ac-
cord. P. K.
X. Recherches expérimentales sur les tremblements dépendants DE
L'LCOUCE du cerveau ; par Pastehnatzky. (Jahi,b. f. Psych., 111, 3.)
L'auteur étudie l'action des auestlrésiques sur l'excitabilité
expérimentale des zones psychomotrices du chien au courant fara-
dique. Les inhalations de chloroforme diminuent graduellement
la capacité d'incitation ; sous leur influence, les mouvements pro-
voqués par le courant électrioue deviennent de plus en plus fai-
SOCIÉTÉS savantes. I · ? 7
blés; alors se montrent les tremblements. Or, la situation du
paralyse général réaliserait précisément la double condition d'une
diminution dans l'excitabilité des centres corticaux (disparition
d'une partie dos cellules) et d'incitations constantes de par les pro-
duits inflammatoires, aussi ceux des éléments gris, encore capables
de fonction, ne transmettent-ils que ce mouvement incomplet
connu sous le nom de tremblement. P. K.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ AiLDICO-PSYCHOI,OGIQUG
Séance du 2 ! ) octobre 1883. - Présidence de M. Motet.
Cas insolite de névrose convulsive. M. Legrand du SAULLE. Dans
la séance du 2. juin 18S3, j'ai eu l'honneur de vous entretenir un
instant d'une jeune fille paraissant au premier abord beaucoup
plus hystérique qu'épileptique, mais dont les crises m'avaient paru,
malgré l'absence d'élévation de température, tout à fait épilep-
tiques. J'ai dit que, dans l'espace de vingt jours, le personnel vigi-
lant qui ne l'avait pas quittée un seul instant, ni jour ni nuit, avait
enregistré huit mille attaques, qu'elle s'était tout à coup rétablie
après l'administration d'une potion renfermant quinze grammes
de bromure de potassium, etj'ai ajouté cette phrase caractéristique :
« .l'incline à penser que je me suis tout à coup trouvé en face d'un
cas absolument exceptionnel, insolite et peut-être sans précèdent ».
J'ai pu en effet recueillir quelques renseignements, assister depuis
ma communication à la Société à une nouvelle série de z1,700
attaques convulsives, dans l'espace de vingt-six jours, et faire voir
enfin la malade à un certain nombre de membres de notre com-
pagnie, parmi lesquels je citerai : )1)1. Luys, Delasiauve, A. Voisin,
Magnan, Charpentier, (;al'l11er, Féré, G. Ballet et Paul Moreau (de
Tours).
Rosa G..., dix-sept ans, fille naturelle, aurait présenté vers rage
de douze à treize ans, des attaques convulsives sur la nature des-
quelles il est impossible d'être renseigné. On nous a dit qu'elle
128 SOCIÉTÉS SAVANTES.
avait eu des vertiges, et même probablement des accès incomplets,
avec mâchonnement et mouvements de déglutition. Nous ne con-
naissons pas les antécédents héréditaires. La malade entre à la
Salpêtrière dans mon service le 24 juin 1881. Depuis cette époque,
jusqu'en janvier 1883, c'est-à-dire depuis dix-huit mois environ,
elle n'a eu aucune attaque. Nous constatons seulement que Rosa
G .. est vive, coléreuse, d'un caractère irritable et d'une grande
coquetterie. Le 2'2 j janvier 1883, commença la série de 8,0U0 attaques
dont j'ai parlé dans ma première communication. Ces accès res-
semblaient à ceux de l'épilepsie partielle avec prédominance des
convulsions du côté droit; mais la température restait toujours
normale, tandis que le pouls était à 120 et 130. Cette grande
série de 8,000 attaques terminée, la malade ne présenta qu'un
nombre limité de crises de mars à septembre 1883. Elle eut en
moyenne de quatre-vingts à cent attaques par mois, se montrant
toujours par séries de huit à dix dans l'espace d'une journée, avec
plusieurs jours intermédiaires sans crises. Elle prenait alors 7 gr. 50
de bromure par jour, et nous avons remarqué que, lorsqu'on bais-
sait la dose, les attaques reparaissaient. Nous avons examiné à
plusieurs reprises la malade au point de vue de la sensibilité, et
nous n'avons rien trouvé d'anormal, pas de points hystérogènes,
pas de boule hystérique.
Le 3 octobre J883 (il y avait quinze jours que la malade n'avait
pas eu d'attaques), elle est prise d'accès nombreux et répétés, se
succédant sans interruption. A ce moment, voici en général ce
que l'on observe : secousses a droite, clignotement des paupières
supérieures et quelques mouvements ondulatoires du ventre, puis
quelquefois un petit cri, sans caractère spécial. Eu même temps,
la tête se roidit et se tourne du côté droit; la face devient rouge
d'emblée, les globes oculaires se portent eu haut et divergent, la
pupille est légèrement dilatée, les paupières sont entr'ouverles.
Les muscles de la face se convulsent, surtout à droite, la bouche
est largement ouverte et la langue sort quelquefois de la bouche,
sans jamais être mordue. Le membre supérieur droit est étendu
dans l'adduction et la rotation au-dehors, le poignet est un peu
fléchi et le poing fermé. Le membre inférieur est dans l'extension,
et la jambe en pied-bot équin est tournée un peu en dehors.
Du côté gauche, le membre supérieur se roidit, mais bien après
la jambe droite et à un degré très faible, car le poing ne se ferme
pas. La jambe gauche ne se prend qu'un peu plus tard et d'une
fdçon très peu marquée.
Les convulsions cloniques se montrent presque immédiatement à
la face et dans les membres roidis du côté droit et se succèdent
avec la plus grande rapidité. 11 apparaît quelquefois un peu
d'écume à la bouche. A gauche, les membres restent un peu roides
et étendus, mais on n'observe jamais de mouvements cloniques
SOCIÉTÉS SAVANTES. 129
de ce côté. Les mouvements convulsifs s'arrêtent. A peine la ma-
lade a-t-elle le temps de tomber dans la résolution musculaire,
qu'une nouvelle attaque se produit. Cette convulsion, on le voit,
ressemble à l'épilepsie jacksonienne. Comme dans celle-ci, la con-
vulsion ne s'accompagne pas toujours de perte de connaissance.
Ce qui manque à cette épilepsie partielle, c'est la paralysie post-
épileptique et l'élévation de température.
On ne note ni morsures linguales, ni incontinence d'urine, et
l'on reste étonné du calme absolu qui se manifeste dans l'inter-
valle des crises. La compression ovarienne, d'autre part, ne fournit
aucun résultat et nul phénomène hystériforme ne se prononce.
Les crises sont donc seulement épileptoïdes. Après les attaques,
le membre droit est contracté et les poings sont fermés. A gauche,
le membre devient flasque. La sensibilité ne présente rien d'anor-
mal. Les urines ne renferment pas d'albumine.
Du 4 au 14 octobre, on observe des attaques analogues à celles
qui viennent d'être décrites. Le bromure de potassium a été élevé
de 7 gr. 50 à 15 gr. sans résultat appréciable. A partir du 14 octobre,
les attaques sont plus complètes et le côté gauche est envahi
à son tour. En effet, le membre supérieur gauche est tout à fait
dans l'extension, les doigts sont contractés et le pouce est fléchi
dans la main comme à droite. Le poignet gauche est fléchi à
angle droit sur l'avant-bras, la main et l'avant-bras sont com-
plètement contournés en rotation, la face palmaire étant tour-
née en haut. La jambe gauche est très raide. Les mouvements
cloniques se montrent alors pour la première fois dans le
membre supérieur gauche, mais toujours plus légèrement qu'à
droite. La jambe gauche ne présente pas toujours de convulsions
La tête est constamment tournée à droite, du côté le plus con-
vulsé. On note à ce moment de l'hémianesthésie au tact, à
la température et à la douleur du côté droit. L'examen opthtlial-
moscopique accuse de l'achromatopsie à droite. La continuation
du bromure de potassium à haute dose et l'application d'un
appareil compresseur des ovaires restent sans action aucune.
Le 19 octobre, à trois heures de l'après-midi, les crises changent
subitement de forme. A l'attaque épileptoide, qui a été décrite et
qui avait fini par se manifester des deux côtés, succèdent des con-
torsions variées et deshallucinations terrifiantes. Elles se produisent
soit à la suite d'une série d'attaques convulsives, soit d'emblée,
après une période de repos. Les yeux sont alors largement ouverts
et fixes. Rosa G..., en revenant à elle, rapporte alors qu'elle a vu
une grosse boule noire, un gros peloton noir, qui allait et venait,
et qui lui a fait grand'peur. Le surlendemain, elle voit « une bête
verte, sans pattes, qui a des yeux verts et qui rampe ». Elle
demande qu'on l'arrête. Ces phénomènes délirants et hallucina-
toires, aussi bien que la surélévation du bromure de potassium,
Archives, t. VII. ' 9
130 sociétés savantes.
dont la dose est actuellement de 18, de 20 et 22 gr. par jour, ne
modifièrent en rien le nombre des crises épileptoides, puisque du
3 octobre au 19, on a compté plus de 11,000 crises absolument
épileptoides, et que du 19 au 28, on a observé 10,000 crises environ
également épileptoides, mais accompagnées parfois de phénomènes
tout à fait hystéI i'1ues.
Le 28 octobre, c'est-à-dire le vingt-sixième jour de la maladie,
les accès, qui s'étaient élevés à 1,351 la veille, tombent à 3;i0; c'est
la lin de cette grande série. Nous voyons donc que, jusqu'au 19 oc-
tobre, alors qu'aucun phénomène hystérique n'était appréciable,
le diagnostic pouvait être incertain. Aussi, M. Charcot, qui observa
Rosa G... dès les premiers jours de la maladie, pensa-t-il avoir
affaire à un cas d'épilepsie symptomatique d'une lésion cérébrale
gauche ayant amené l'hémispasme de tout le côté droit. Mais le
nombre excessif des attaques, le calme de la malade dans les inter-
valles des accès, l'absence de paralysie post-épileptique et surtout t
l'absence d'élévation de la température, enfin l'apparition de l'hé-
mianesthésie droite, lui firent abandonner son premier diagnostic,
et le portèrent il penser qu'il s'agissait d'attaques d'hystéro-épi-
lepsie. Les phénomènes qui se sont montrés à partir du 19 octobre
(hallucinations terrifiantes, délire, contorsions) sont venus con-
firmer cette manière de voir. Tel est, Messieurs, le cas insolite de
névrose convulsive, qu'il nous a paru intéressant de vous commu-
niquer. Chez notre malade, en effet, l'hystérie est restée latente
pendant très longtemps, et,, ce n'est qu'après une série de crises
épileptoïdes fort longues que se sont montrés les phénomènes
franchement hystériques. Aujourd'hui, le diagnostic ne saurait être
douteux : nous avons affaire à un cas d'hysléro-épilepsie se distin-
guant des formes ordinaires par deux points très importants :
1° Par la forme des crises épileptoides qui est tout à fait ana-
logue à celle des attaques d'épilepsie jacksonienne;
2" Par le nombre considérable des accès qui dépasse tous
les chiffres observés jusqu'ici, puisqu'on en a compté 11,700 en
vingt-six jours '.
Rosa G... n'a plus d'attaques depuis hier; la grande série d'accès
à laquelle nous venons d'assister paraît terminée. Si quelque phé-
nomène nouveau vient à se produire chez notre malade, je m'em-
presserai d'en faire part à la Société.
M. Féré. Malgré quelques caractères exceptionnels offerts par le
cas très intéressant sur lequel M. Legrand du Saulle vient d'ap-
peler l'attention, on peut dire que l'hystérie s'y trahissait par un
certain nombre de particularités que vous voudrez bien me per-
mettre de relever. ,
1 Le total général des crises convulsives pour l'année 1883, dépasse
30,000. ,
SOCIÉTÉS savantes. 131
La première série de 8,000 attaques offrait un élément de diagnostic
de la plus grande valeur : l'absence d'élévation de température
et de paralysie excluait l'idée du mal comitial ou d'épilepsie
partielle. Si en effet l'hystérie a pu mériter, par la diversité de ses
manifestations, ladénomination de névrose protéiforme, l'épilepsie
est malheureusement soumise à des règles plus fixes : on ne voit
guère les attaques d'épilepsie se répéter plus de z100 fois par jour,
sans que la température s'élève, et ordinairement si l'état de mal
se prolonge plusieurs jours, la mort arrive. M. Charcot a relevé
depuis longtemps l'absence d'élévation de température dans l'état
de mal hystéro-épileptlque 1.
On a invoqué en faveur de l'épilepsie l'existence de secousses
des membres qui se produisaient quelquefois en dehors des
attaques ; mais les secousses, pas plus que les attaques syncopales,
les absences, les vertiges, ne sont inconnues dans l'hystéro-
épilepsie, nous en avons vu plusieurs fois et il est facile d'en trouver
des exemples dans les auteurs 2. Quant à l'affaissement intellectuel
qui existait dans l'intervalle des attaques, il pouvait facilemeut
s'expliquer par les doses considérables de bromure absorbées par
la malade. L'hypothèse de l'hystérie avait contre elle, disait-on,
l'absence des phénomènes permanents en dehors des attaques :
le caractère dit hystérique de la malade n'avait pas une grande
importance; mais il restait une réserve à faire : lasensibilité avait
été incomplètement explorée, les sens spéciaux et la vision en
particulier n'avaient point été examinés.
Les attaques étaient, il est vrai, épileptiformes et exclusivement
épileptiformes ; mais il n'est pas rare que les hystéro-épileptiques
aient des séries purement épileptoïdes : quelquefois cette forme
d'attaques existe seule pendant des mois 3. Cette anomalie dans les
formes des attaques étonnera moins si on veut bien considérer que
presque toutes les hystéro-épileptiques offrent, à un moment donné,
des attaques incomplètes, tantôt c'est la phase des contorsions,
tantôt c'est la phase du délire qui manque, tantôt c'est l'épileptoïde :
nous avons vu une malade chez laquelle la phase épileptoïde
n'était représentée que par un mouvement de la pupille'. Et
d'ailleurs, à tout bien considérer, ces attaques épileptiformes
1 Charcot. - Leçons sur les maladies du système nerveux, 4° édit., t. I,
p. 376.
' Bourneville et P. Regnard. - Iconog. photographique de la Salpd-
trière, t. III, p. 69.
3 Bourneville et P. Regnard. Iconoy. photographique de la Salpé-
trière, p. 51 : cas de Parmentier. C'est peut-être le premier observé avec
soin.
1 Cil. Feié. Notes pour servir à l'hsléro-épzlepsic. (Arch. de Neural.,
1882, t. III, p. 289.
132 SOCIÉTÉS SAVANTES.
présentaient des caractères bien propres à les rapprocher de
l'épileptoïde de l'hystéro-épilepsie : elles débutaient par des
secousses abdominales, des battements des paupières ; la bouche
était largement ouverte et la langue était quelquefois fortement
portée en dehors, comme dans l'attaque démoniaque, mais
jamais mordue; il n'y a jamais eu de miction involontaire. On
peut donc dire que s'il y avait des raisons très sérieuses pour
exclure l'épilepsie, il n'y en avait aucune qui fût péremptoire pour
éloigner l'hystérie. Il faut relever toutefois que ce cas est peut-
être sans précédent pour le nombre des attaques dans une même
journée. Georget cite une malade dont les attaques furent si
fréquentes et si fortes pendant six mois, qu'elle ne quitta plus ni
le lit ni la camisole pendant tout le temps'; mais il ne donne
aucun détail. Quant à la nialade de M. Charcot, elle n'avait guère
qu'une centaine d'attaques par jour.
M. Ballet. Si je demande la parole, c'est pour faire ressortir
l'intérêt et les enseignements qui résultent du rapprochement de
cette observation et de quelques autres, à certains égards ana-
logues. Ce que je veux retenir pour l'heure du cas de M. Legrand
du Saulle, c'est que les accidents hystériques ont, chez la malade
dont il s'agit, simulé d'une façon remarquable, à un moment
donné du moins, les symptômes de l'épilepsie partielle. Sans
doute le tableau clinique s'est ultérieurement modifié; on a vu
apparaître successivement tout un ensemble de phénomènes,
notamment ces battements de paupières, ces mouvements de pro-
pulsions de la paroi abdominale, sur lesquels vient d'insister
M. Féré, et qui, de jour en jour, ont fait pencher davantage le
diagnostic vers l'hystérie. Mais , ,durant la première période de la
crise qui vient de se terminer, la symptomatologie, je le répète,
ressemblait, à s'y méprendre, à celle de l'épilepsie jaclcsonnienne ;
et la preuve, c'est que des observateurs comme MM. Charcot et
Legrand du Saulle s'y sont mépris. C'était de l'épilepsie jackson-
nienne, moins cependant l'élévation de température, qui accom-
pagne d'ordinaire cette dernière. A l'époque à laquelle nous nous
reportons, le problème diagnostique se posait donc de la façon
suivante : ou bien il s'agissait d'une modalité anormale et jusque-
là inconnue d'attaques d'hystérie, d'attaques à forme d'épilepsie
partielle, ou bien d'une épilepsie partielle sans élévation de tem-
pérature concomittante. Dans les deux cas, on se trouvait en pré-
sence d'un type clinique nouveau. L'avenir a donné raison à ceux
qui inclinaient vers l'hystérie : le nombre considérable des
attaques, compatible avec la vie, l'absence de paralysie localisée,
à la suite de ces attaques, l'apparition de plusieurs des phénomènes
1 Georget. - Dict. en 30 vol., art. Hystérie, t. XVI, p. 168.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 133
cloniques de l'hystérie, qui au début faisaient défaut, ne laisse
plus, on l'a dit, aucun doute à cet égard.
Mais qu'on suppose un nombre d'attaques restreint, qu'on ad-
mette,-et le fait n'est pas invraisemblable,-due les accidents se
soient amendés au boutde quelques heures, que les hallucinations
et autres symptômes nettement hystériques ne se soient pas mon-
trés, et on concevra que le diagnostic serait resté singulièrement
hésitant entre les deux hypothèses que je rappelais plus haut, celle
d'une hystérie à forme non connue jusqu'à ce jour, ou d'une
épilepsie à forme partielle sans élévation de température.
Or, la supposition qui précède n'est pas purement théorique. Elle
est réalisée dans le cas d'une malade actuellement en cours d'ob-
servation dans le service de la clinique des maladies du système
nerveux, à la Salpêtrière. Il s'agit d'une jeune femmequi entrait,
il y a quelques mois, dans le service de M. Charcot.
Elle présentait les symptômes les plus nets delà grande hystérie :
anesthésie cutanée générale; rétrécissement considérable du champ
visuel à droite et à gauche. J'ajoute que, quelques jours après son
arrivée, la malade fut prise d'hémoptysie, que l'absence de toute
lésion pulmonaire ponstatable nous porta à considérer (et l'avenir
a montré que nous ne nous étions pas trompé) comme des hémop-
tysies d'origine nerveuse. Nous avions donc bien affaire à une
hystérique, le fait n'était point douteux.
Un jour, sous nos yeux, cette femme tomba en attaque : attaque
assez particulière, quant à ses traits symptomatiques, et qui ne
ressemblait, *en aucune façon, aux attaques d'hystérie connues.
Voici, en effet, comment ladite attaque se caractérisait : sans aura
sans cri initial, la malade inclinait le tête vers l'épaule gauche; le
bras du même côté puis la jambe étaient, peu après, pris de
raideur, et ce n'est qu'au bout d'un instant que les convul-
sions toniques se communiquaient au côté droit. On retrouve
là les principaux traits constitutifs d'une attaque d'épilepsie par-
tielle.
Jamais la malade n'a eu d'attaques d'hystérie franche; jamais
notamment, au cours de ses crises, elle n'a présenté l'ébauche de
la période des glands mouvements. Nous avons cependant été
témoins d'un grand nombre d'attaques, qui plusieurs fois se sont
succédées par séries, durant plusieurs jours.
En présence du tableau symptomatique singulier présenté par
cette femme, et en dépit des phénomènes hystériques permanents
constatés chez elle, le diagnostic était resté hésitant. S'agissait-il
réellement d'une forme anoriiiale d'attaques hystériques ou d'accès
d'épilepsie partielle (sans élévation de température) chez une
hystérique ? Telle est la question que M. Charcot s'est longtemps
poé.
Le cas de M. titi Saulle vient de nous fournir la clef de
1 : J1 Il ¡iIBL ! O(,HAPII11 ?
ce diagnostic délicat, en nous montrant que l'hystérie peut em-
prunter le masque de l'épilepsie jacksonienne. C'est là en effet un
point capital qui ressort, à mon sens, du rapprochement de la
malade de III. Legrand du Saulle et de la Ilûtl e. Je pourrais
d'ailleurs rapporter un troisième fait qui, à certains égards, se
rapproche des précédents.
Il s'agit aussi d'une hystérique du service de M. Charcot, qui est
prise de temps en temps de spasmes du membre inférieur gauche,
rappelant certaines formes de l'épilepsie partielle.
La conclusion à tirer des considérations qui précèdent, c'est
que l'hystérie s'approprie la plupart des formes symptomatiques
de l'épilepsie. Elle emprunte souvent le masque de la grande
attaque de mal; c'est là un fait vulgaire et très connu; elle em-
prunte aussi, je crois, dans quelques cas, celui du petit mal : j'ai
rapporté quelques exemples de cet ordre dans un mémoire ' 1
présenté l'an dernier à l'Académie de médecine; l'observation de
M. Legrand du Saulle et celle que je viens designaler à la Société
établissent enfin que les convulsions dans l'hystérie peuvent aussi
revêtir les caractères analogues à ceux qu'elles affectent dans
l'épilepsie par lésion cérébrale localisée ou épilepsie jackso-
nienne 2. M. B.
BIBLIOGRAPHIE
I. Sur la commotion du cerveau; par C.-B. Tilanus.
Thèse inaugurale d'Amsterdam, 1883.
Quoique la nature de la commotion cérébrale ait été déjà bien
souvent étudiée, il n'était pas superflu d'attirer encore une fois
l'attention sur ce sujet, d'autant plus que les auteurs les plus récents
ont émis les théories les plus diverses.
Koch et Filehne publiaient, il y a à peu près dix ans, leur Ucúer
commotio ceieb21, dont le plus grand mérite est d'exposer très net-
1 G. Ballet. - Des accidents épileptiformes dans l'hystérie. Mémoire
couronné par l'Académie. (Prix Civiieux, 1882. (Inédit; 1
Les observations auxquelles M. G. Ballet a fait allusion dans cette
discussion seront publiées prochainement dans un mémoire spécial.
BIBLIOGRAPHIE. 135
tement les symptômes de cette affection. Du reste, ils préconisaient
dans cette monographie l'idée que la commotion cérébrale sans
complications passe sans que la moindre lésion anatomique soit
appréciable dans l'encéphale, et ils pensent que les symptômes de
cette maladie devaient être expliqués par un ébranlement des dif-
férents centres nerveux.Duret, quelques années plus tard. s'efforça
de prouver dans ses Études expérimentales et cliniques sur les
traumatismes cérébraux, que les cas de commotion cérébrale
sont toujours accompagnés d'hémorrhagies dans le plancherduqua-
trième ventricule, l'aqueduc sylvien, etc. La nature de la com-
motion consisterait, d'après ses recherches, dans une lésion de la
moelleallongée effectuéepar ce qu'ilnomme le « choc céphalo-rachi-
dien », c'est-à-dire par l'intermédiaire du liquide céphalo-rachidien
transmettant l'action vulnérante d'un choc sur le crâne.
Cette lésion de la moelle allongée, ce « trouble bulbaire», expli-
querait les symptômes de la commotion, même jusqu'à l'arrêt des
fonctions de la vie intellectuelle et volontaire. Pour décider de la
question, il semblait en premier lieu nécessaire de chercher une
réponse à la question suivante : a) Est-ce que les hémorrhagies dans
l'aqueduc sylvien, le plancher du quatrième ventricule (ventricule
bulbaire), etc., que Duret décrit comme constantes dans lacommotion
cérébrale, sont vraiment toujours rencontrées ? Plusieurs obser-
vations et expériences rendaient probable que vraiment ces hémor-
rhagies se produisent très souvent dans ces circonstances, mais
prouvaient aussi qu'assurément elles manquent fréquemment, même
dans des cas de commotion foudroyante, quand l'animal tombait
raide mort, d'un seul coup. Faisait-on des injections selon la méthode
que Duret suivit pour imiter le choc céphalo-rachidien, on rencon-
trait, au contraire, constamment léshémorrhagies du plancher bul-
baire, etc. Comme cela ne prouvait pas encore que le mécanisme
du «choc cépbalo-racbidien serait sans influence sur la naissance
d'une commotion cérébrale, il était nécessaire de poser la question
suivante : b) Quels sont les symptômes causés par des chocs sur le
crâne, quand la tension du liquide cérébro-spinal dans l'aqueduc
sylvien et le ventricule bulbaire ne peut pas être élevée ? Pour ar-
river à une solution, chez quelques animaux la membrane atlanto-
occipitale fut ouverte, et la pie-mère, déchirée à l'endroit où elle
forme le lac cérébelleux inférieur, de sorte que le ventricule bul-
baire était ouvert et la plus grande quantité du liquide cérébro-
spinal pouvait s'écouler. A ces animaux qui, après cette opération,
ne présentaient rien d'anormal, on donnait un ou plusieurs coups
de marteau sur le front, jusqu'à ce qu'ils tombassent, ce qui n'offrait
aucune difficulté; on leur trouvait les symptômes ordinaires de
commotion cérébrale. Ainsi il était bien prouvé que la commotion
cérébrale n'est pas exclusivement l'effet du choc céphalo-rachidien.
Pourtant il était possible que la cause de cet état dût être cherchée
136 BIBLIOGRAPHIE.
dans une lésion de la moelle allongée, et, dans cette idée, M. Tilanus
se posa la question suivante : c) Est-il possible, par lésion directe de
la moelleallongée et surtout du plancher du ventricule bulbaire, de
provoquer la, commotion cérébrale ou des symptômes de cette affec-
tion ? ou comment le plancher du ventricule bulbaire et l'aqueduc
sylvien réagissent-ils à des lésions directes ? , "
Pour les résoudre, le plancher du ventricule bulbaire, et aussi
l'aqueduc sylvien furent mis sous l'influence de stimulations méca-
niques et chimiques, et l'aqueduc surtout fut mécaniquement dis-
tendu. Alors, on rencontrait vraiment de temps en temps desmodi-
fications,dans la fréquence du pouls et de la respiration, et surtout
chaque fois l'incapacité de l'animal d'expérience à se tenir debout;
mais toujours, ces animaux étaient évidemment] compos mentis et
cela même après. des lésions qui allaient jusqu'à l'extirpation du
centre 1 de la, respiration dansée charnus scriptorius..Toutes ces
expériences furent faites sur.ldes animaux à t sang chaud (lapins,
chiens) ;.mais, comme' Heubel,1 avait cru trouver que, chez les gre-
nouilles, l'attouchement du,plancher du. ventricule, bulbaire faisait
naître chez ces animaux un -assoupissement, il sembla nécessaire
d'étudier ces circonstances, aussi chez, ceux-ci..Le résultat de ces
recherches fut que les symptômes qui se présentent chez les gre-
nouilles, quand on touche, selon-la méthode d'Heubel, le plancher
du quatrième ventricule à sa partie antérieure sont, pour une
partie, la suite de la lésion des centres des mouvements des yeux, et
pour le reste, les symptômes de '1 shok».
Il a été toujours difficile de comprendre comment une lésion des
hémisphères, comme l'ébranlement dans la commotion cérébrale,
pourrait déterminer les symptômes de cette maladie, et cela parce
que les expériences avaient toujours appris que ces parties
étaient insensibles aux stimulations mécaniques. '
Ainsi on a déjà souvent essayé de trouver la cause de celte affec-
tion dans le bulbe rachidien.,C'était la raison qui; encore une fois,
a attiré d'attention sur cette.-partie, de l'encéphale dans les expé-
riences décrites. Or, comme nous avons vu, de temps en temps, les
lésions de la moellei allongée produisaient des symptômes de. la
commotion. Seulement le coma ne se rencontrait jamais, et juste-
ment ce coma, coma traumatique, semblait le symptôme essentiel
dans cette maladie. C'est pour cela que le, coma semblait décidé-
ment causé par une affection' directe de la. substance grise des
hémisphères;, et; si cela. semblait, invraisemblable selon les prin-
cipes mentionnés plus haut, on ne doit jamais oublier que, dans les
autres cas de lésion¡de cette partie de l'encéphale, on a à faire à
des lésions locales, de sorte que les' différentes parties de l'écorce
t Il ni . i * l, '. " . ¥ ? < . »
l dans d-rampfccn/rnnz des Frosches ûnd sein verhallen gegen gewis-
sen Arzneisloffe », dans/ÏMe) ? Arcliiv., band XI, p. 263. Bonn,, 1874.
VARIA. 137
pourraient suppléer l'une l'autre. Dans la commotion cérébrale,
au contraire, quand toutes les parties sont affectées à la fois,
c'est impossible. D'ailleurs, la moelle allongée estaffectée aussi, mais
elle est dans un état d'excitation, tandis que les hémisphères sont
mis hors d'étal de fonctionner, ce qui est prouvé par le ralentissement
du pouls et de la respiration, pendant que l'individu frappé est
dans le plus profond coma.
Cette différence dans la réaction de ces diverses parties de
l'encéphale sous l'influence du même traumatisme est probablement
causée, en partie, par la plus grande résistance de la moelle allon-
gée« l'ultimum moriens du système nerveux » ; mais aussi par,l'iu-
fluence indirecte du traumatisme sur cette partie.
Une paralysie immédiate du bulbe semble, d'après le résultat
de quelques expériences, pouvoir se présenter aussi de temps en
temps et cela, quand la force ébranlante est excessivement grande.
Ainsi, il' paraît le plus vraisemblable que l'influence directe du
traumatisme sur les centres de l'encéphale est, dans la commotion,
l'élément de la plus grande portée; mais qu'il n'est pas impos-
sible que les différences dans la tension du liquide cérébro-spinal
dans le crâne jouent aussi un certain rôle. Cn. F.
VARIA
Sur la nouvelle législation des asiles d'aliénés EN Amérique.
't z
Le « Philadelphia médical Times », dans son numéro du 10 mars
dernier, présente quelques considérations au sujet des amende-
ments à apporter à la législation des asiles d'aliénés, récemment
proposées au Congrès de Harisburg. Les réformes en question sont
des plus heureuses, bien qu'elles rencontrent leurs adversaires les
plus opiniâtres dans le corps tout entier des directeurs d'asiles. La
principale cause de cette hostilité tient à ce qu'on propose d'ouvrir
les hospices d'aliénés à l'intervention' des médecins du dehors,
mesure qui a pour but d'accroître la responsabilité des aliénistes.
Avec la loi actuellement en vigueur, une fois interné dans un
asile, l'aliéné est exposé à une détention indéfinie, à laquelle il
ne peut se soustraire que par l'intervention des tribunaux. Néan-
moins, le surintendant se trouve à couvert et ne sera pas inquiété,
même s'il a détenu arbitrairement pendant vingt ans un homme
sain d'esprit, dans son hospice. C'était là le point capital auquel il
¡ .1 S F.\ITS 1.J1\ ERS
fallait remédier, et les mesures qui doivent viser col état
de choses n'ont d'autre inconvénient pratique que d'lion-
nêtes directeurs à des poursuites et à des vexations non motivées.
Mais l'amendement proposé protège les aliénistes tout aussi bien
que le pourrait faire une loi spéciale. Il est bien spécifié, en effet,
que toute détention prolongée, appliquée à un convalescent, ne
tombera sous le coup de la pénalité que si « le juge, après plat-
doyers et procès, peut certifier que le médecin, prévenu, a agi par
grande négligence ou corruption et qu'il a détenu le malade sans
raisons plausibles ». Peut-être serait-il préférable de s'en tenir,
dans cet exposé, aux faits de corruption. Mais il est bien certain,
d'autre part, que jamais la justice, eu égard à sa haute responsa-
bilité, ne voudra se prononcer sans preuves solidement assises.
Ce ne peut donc être que. de la part des surintendants ayant
quelque motif de craindre pour eux-mêmes que doit venir l'oppo-
sition, à toute modification de la loi actuelle. N'est-il donc pas
juste, d'autre part, de voir ces administrateurs faire face aux
responsabilités qui sont inhérentes à leur office ?
Quant aux objections que soulèvent les aliénistes contre l'ou-
verture de leurs asiles aux médecins du dehors, elles sont encore
moins plausibles. C'est une erreur que de croire qu'un aliéniste
peut être à la fois versé dans la connaissance de sa spécialité et
dans celles des autres sciences médicales. Par le fait de sa réclu-
sion dans un hospice d'aliénés, il ne peut être à même d'étudier
toutes les affections pathologiques,, et on peut dire qu'un homme
qui connaît à la fois les,itialadies mentales et nerveuses est un
être exceptionnel. 11 n'est donc pas admissible qu'un aliéné atteint
de fièvre typhoïde, par, exemple, remette sa vie entre les mains
d'un médecin, aux lumières duquel un homme sain d'esprit ne
voudrait pas avoir recours en pareil cas.
Le « Médical Times » rappelle en terminant que s'il a toujours,
par le passé, soutenu les intérêts des aliénistes, il ne peut prendre
leur défense, lorsqu'il les voit, comme dans le cas actuel, en dehors
du sentiment vrai de leur profession, et il engage les médecins à
'éclairer sur ce point l'opinion de leurs mandataires législatifs.
1 G.l3uNwmr.
FAITS DIVERS
AcwLwe des sciences. Election de M. Charcot. Dans sa séance
du I novembre, l'Académie des sciences a procédé au remplace-
ment de \[..I. Cloyuet, décédé. La commission, par quatre voix
F.II1'o DIVERS. 13 ) 1
contre une, avait plat·.é 11. Clmrcut en première ligne. L'Académie
a ratifié le choix de la commission en donnant quarante-six voix
à M. Charcot, contre douze à M. Sappey.
ACIDÉMIE de vi : utecmr.. - Prix proposés pour l'année 1884 : prix
Bernard de Civrieux (1 ,OO fr.), De la sclérose et ! plaques dissémi-
nées; prix Falret ( 1 ,000 fr.), Des folies diuthésiques.
Société d'anthropologie DE Paris. Cette Société a procédé, dans
sa séance du 6 décembre, au renouvellement de son Bureau pour
l'année 1884. Ont été élus : Présidait, M. Hamy; Vice-présidents,
M11. Dureau et l.etourneau; - Secrétaire général, M. 'fouinard;
- Secrétaire général adjoint, M. Girard de Iliili4t ; Secrétaires
annuels, MM. Prat et Issaurut; Conservateur des collections,
M. Collineau; - Archiviste, M. Vinson; Trésorier, M. Leguay.
- La Commission de publication se compose de MM. Quatrefages,
M. Duval et Thulié.
Société d'anthropologie de Bordeaux. - Une Société d'anthro-
pologie est en voie de formation à Bordeaux, sous le patronage
de MM. zarii et Testut. Une première réunion a eu lieu le jeudi
12 décembre, et les premières bases de la Société ont été établies.
Nul doute que cette Société ne soit accueillie avec faveur par le
public scientifique de cette ville.
Asiles des aliénés de la Seine. - Concours de l'internat en phar-
macie. Le concours s'est ouvert le 10 courant à l'asile clinique
(Ste-Anne). Les membres du jury étaient : MM. Beaudrimont, direc-
teur de la pharmacie centrale, président ; Vialla, pharmacien do
Bicêlre; Buurduelot, pharmacien de la clinique d'accouchements;
Quesneville, pharmacien de Sainte-Anne; Le Fort, pharmacien de
la ville. Les candidats inscrits étaient au nombre de douze :
MM. Charmelau, Houchy, Barthélémy, Siret, l3oullé,'Bruliat;'Cuvlr-
rard, Descourot, Vautliier, Morin, Ollier, Cambi. La première
épreuve, de cinq minutes, a consisté dans la reconnaissance de vingt
substances simples. La seconde, de dix minutes, aporté sur la recon-
naissance de dix substances composées, avec dissertation sur l'une.
Le jury a exprimé le regret qu'un droguier, dont la création à la
pharmacie de Sainte-Anne avait été demandée à l'Administration
depuis trois ans par M. Méliu, président du jury, n'ait pas encore
été installé. L'Administration devrait d'autant plus tenir grand
compte de la demande des pharmaciens des hôpitaux, que ceux-ci,
en acceptant de faire partie du jury des examens des asiles, font
preuve de la plus grande obligeance. Or, nous croyons savoir que
le seul obstacle a la création de ce droguer, a été jusqu'à présent
l'exiguité de la pharmacie, où il aurait pu trouver sa place. Nous
n·p^rons que la troisième commission du Conseil général voudra
tenir compte ne ce nowel argument pour l'agrandissement des
140 ' FAITS DIVERS.
services généraux, et qu'elle saura briser la mauvaise volonté de
ceux qui mettent leurs commodités personnelles au-dessus de l'in-
térêt général.
A la suite de ce concours, ont été nommés : internes titulaires,
MM. Boullé, Descouras, Morin; internes provisoires, MM. Eunkard,
Camby, Charmeteau.
Concours pour l'internat en médecine. - Les épreuves ont t
commencé dans les premiers jours de décembre. Le jury se com-
posait de MM. Dagonet, président, Dujardin-Beaumetz, Marchand,
Bouchereau, Magnan et Bail. - Dix-sept candidats s'étaient fait
Inscrire ; quatorze ont pris part à la première épreuve.- La ques-
tion tirée au sort pour la composition écrite était la suivante : Cor-
dons postérieurs de la moelle (anatomie et physiologie). - Les
deux questions restées dans l'urne étaient ainsi conçues : Nerfs du
larynx (anatomie et physiologie) ; Nerfs de la langue (anatomie et
physiologie). - Les questions orales étaient ainsi conçues : Signes
et diagnostic' de la fièvre typhoïde; Eliologie, signes et diagnostic
du phlegmon diffus; - Signes et diagnostic du cancer de l'estomac;
Signes et diagnostic des anévrismes artériels du creux poplité.
Ce concours vient de se terminer parla nomination de MM. For-
tineau, Petit, Legrain, Pichon, Planés, Ladoucette, internes titu-
laires. MM. Dupain, Lallement, Grenier, Bettencourt, Moinères,
Errnougeon et Boiron ont été classés à la suite. Ils rempliront, si
besoin est, les fonctions d'internes provisoires.
Colonie annexe DE l'asile de V.4UCLUSE. - Le Conseil général
vient de voter la création d'une troisième place de médecin-ad-
joint à l'asile de Vaucluse : le titulaire sera chargé exclusivement
de la colonie d'enfants arriérés et idiots.
En raison du peu de succès que cette colonie a eu auprès des
familles aisées (cette colonie ne reçoit que très peu d'enfants
payants); en raison aussi d'une épidémie d'ophthalmies con-
tagieuses, l'administration préfectorale vient de nommer une
commission chargée d'étudier les réformes à introduire tant dans
l'organisation matérielle de la colonie que dans les méthodes
d'enseignement. Cette commission est composée de MAI. Bahut.
chef de division à la préfecture de la Seine ; Bigot, médecin-direc-
teur de l'asile de Vaucluse; Bouchereau, médecin de l'asile Sainte-
Anne; Bourneville, membre de la commission de surveillance des
asiles; Leclerc, chef de bureau de la préfecture de la Seine; Loi-
seau, membre du Conseil général; Maréchal, architecte des asiles;
Puteaux, membre de la commission de surveillance; Roux, sous-
directeur des affaires départementales; Vincent, inspecteur de
l'enseignement
Asile DE BnoN. - Le 6 décembre, s'est terminé à la Faculté de
médecine de Lyon le concours pour la nomination de trois
BIBLIOGRAPHIE. tel
internes à l'asile des aliénés de Bron. Ont été nommés : MM Le-
moine, Paret, Sarda.
Asile d'aliénés D'EVIIEUX. - Une place d'interne est vacante
dans cet asile. 800 fr. par an. Logement, chauffage, blanchissage,
éclairage. Adresser sa demande au directeur. - Il faut au moins
douze inscriptions.
Asile d'aliénés D'ORLEANS. Une place d'interne est disponible
dans cet établissement. Traitement : 300 fr. la première année et
400 la seconde. - S'adresser au directeur pour plus amples rensei-
gnements. , ,
Asile d'aliénés de Marseille. - Un concours pour la nomination
à deux places d'élèves internes en médecine dans l'asile d'aliénés
de Marseille s'ouvrira le I ? février 1881 : 'à deux heures de l'après-
midi. Les élèves en médecine qui désirent' concourir doivent être
pourvus de seize inscriptions de doctorat, et se faire inscrire avant
le 17 février prochain. Les candidats nommés entreront en fonc-
tions le 1 cr mars 1884; ils sont nommés pour trois ans, touchent
un traitement annuel de 800 francs et sont logés, nourris, chauffés
et éclairés. '
' 't, ' ,
Asile d'aliénés DE IEUIiTHE-ET-11OSCLLE. En exécution de l'ar-
rêté préfectoral du 5 juin 1882, approuvé ,par ,111. le ministre de
l'intérieur, un concours public s'ouvrira le 21 novembre 1884, à
trois heures du soir, à la Faculté de médecine de Nancy, pour la
nomination de' trois internes à l'asile de Maréville. '
Sont admis à concourir les étudiants en médecine français,
ayant au moins douze inscriptions de doctorat.
Les internes sont nommés pour trois ans; ils seront logés, chauf-
fés et éclairés et recevront un traitement annuel de 800 fr.
Les candidats devront se faire inscrire au secrétariat de la pré-
fecture dix jours au moins avantl'ouverture du concours. Ils auront
à produire leur acte de naissance, un certificat du maire de leur
domicile établissant leur qualité de Français, un certificat consta-
tant qu'ils ont au moins douze inscriptions pour le doctorat, et
enfin un certificat de bonnes vie et moeurs.
Nominations ET promotions. Ont été promus pour prendre
rang à partir du 1 Or juillet 1883 : 1
A la 1 re classe de leur grade (7,000 fr.), MM. les D" Reverchon,
directeur-médecin de l'asile de la Roche-Gandon (Mayenne) ; Bou-
teille, directeur-médecin de l'asile de Toulouse, et Camp-an, méde-
cin en chef de l'asile de Cadillac (Gironde) ;
A la 2e classe (0,000 fr.), MM. les D°° FABRE et UOUTREBENTE,
directeurs-médecins des asiles de Saint-Lizier (Ariège) et Blois.
A la 3e classe (5,000 fr.), M. le Dr 1\I.\It.\NDON DE lONTYEL, direc-
teur-médecin de l'asile de Dijon.
I 4' ? FAITS DIVERS.
A la 4° classe (3,000 fr.), hI\l. les D's Pages, BOUDlllE et Philippe
HEY, médecins-adjoints des asiles de la Roche-Gandon (Mayenne),
Vaucluse et Ville-Evrard (Seine).
M. le Dr Homery, directeur-médecin de l'asile de Saint-Dizier
(Haute-Marne), a été nommé directeur-médecin de l'asile de Quim-
per, en remplacement de M. le Dr Beaume, admis sur sa demande
à faire valoir ses droits à la retraite et nommé directeur-médecin
honoraire.
M. le Dr Dams, directeur-médecin de l'asile de Saint-Venant,
est nommé directeur-médecin de l'asile de Saint-Dizier et promu
à la ? ° classe de son grade (6,000 fr.).
M. le Dr Doursout, médecin-adjoint de l'asile de Quimper, est
nommé directeur-médecin de l'asile de Saint-Venant et placé dans
la 4° classe de son grade (4,000 fr.).
M. le D' Garnicr, médecin-adjoint de l'asile de Doie, est nommé
au même titre à l'asile de Dijon, en remplacement de M. lielle,
nommé précédemment à Bailleul.
M. le Dr GUILLEjjlN, ancien interne de l'asile de Dôle, est nommé
médecin-adjoint du même établissement et placé dans la 2° clause
de son grade (2,500 fr.)
Sont promus : pour prendre rang il partir du ("juillet 1883 :
A la i" classe de son grade (i,U00 fr.), M. le Dr Faucher, direc-
teur-médecin de l'asile de Limoges;
Pour prendre rang à partir du ,or juillet :
A la ire classe de son grade (7,000 fr.), M. le Dr Sizviiet, méde-
cin en chef de la section des femmes de l'asile de Maréville;
A la 1" classe de son grade (3,000 1'1'.),1\1. le Dr C uuser,· méde-
cin-adjoint de l'asile de Vaucluse (Seine).
Par arrêté de M. le ministre de l'intérieur, en date du 15 sep-
tembre 1883, M. Dumangin a été nommé directeur de la Maison
nationale de Charenton, en remplacement de M. Chamotte, mis à
la retraite.
Quartier d'aliénés de l'hospice DE N.\1'\l' lèS. C'est par erreur
que nous avons annoncé la nomination de M. le Dr Camuset audit
quartier d'aliénés, c'est M. le Dr Biaute, médecin-adjoint de l'asile
de Blois qui a été nommé.
Le \OL\'L1U projet de LOI sur les ALIÉNÉS. - La commission
chargée par le Sénat d'élaborer le nouveau projet de loi sur les
aliénés, avant de se séparer, à la fin de juin dernier, avait pris la
résolution de faire une enquête sur la législation qui régit cette
matière importante et délicate en Belgique, on Hollande, en An-
gleterre, en Ecosse et sur l'application, la mise en oeuvre et le
fonctionnement de ces lois dans ces diverses contrées.
En conséquence, dans sa séance du 29 septembre dernier, elle a
FAITS DIVERS. I i 3
délégué dans ce but son président, AL Dupié, son secrétaire,
M. Urugerol'e, et quatre autres de ses membres, AU ! . Uelsol, Théo-
l'hile Houssel, Tenadle-Saligny et Frézouls. M. le ministre de l'in-
térieur avait invité M. le Dr Foville, inspecteur général des ser-
vices administratifs, à se mettre à la disposition de la commission
et à l'accompagner dans son voyage.
Ce voyage vient de se terminer; les sénateurs sont rentrés à
Paris. Partout ils ont été accueillis non seulement avec le plus
grand empressement, mais avec une réelle distinction.
Les ambassadeurs de France auprès desquels ils étaient accré-
dités, les ministres des diverses puissances avec lesquelles ils ont
été mis en rapport, les aliénistes les plus éminents des pays par-
courus, ont facilité leur tâche avec la plus extrême courtoisie.
Les établissements digues de quelque intérêt général, spécial ou
liislu.icluc, on été visités; les portes de tous les asiles, celles des
prisons pour les aliénés criminels, leur ont été lacement ouvertes ;
dis conférences nombreuses et prolongées avec les administrateurs
les plus élevés du service n'ont laissé dans l'ombre aucun détail
important. t.
La délégation rapporte un nombre considérable de documents
précieux; sa tâche en sera facilitée, et tout permet d'espérer que
la session de 1884 ne se terminera pas sans que le projet de loi du
gouvernement soit discuté et voté avec certaines modifications
déjà pressenties, et dont l'étude et la réflexion préciseront la na-
ture et l'importance. (l2zn. met. Psych.)
LA LOI SUR LES ALIÉNÉS AU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA GIRONDE. Pre-
nant en considération un'vaeu par lequel le conseil d'arrondisse-
ment de Bordeaux demandait un accroissement de garanties pour
obtenir plus de sécurité dans la séquestration des aliénés, la com-
mission du conseil général de la Gironde avait conclu à l'adjonc-
tion de délégués du corps électif à la commission des médecins
chargés de prononcer sur les cas de séquestration. M. le Dr Mata-
dier a combattu et a fait rejeter ce voeu comme ne pouvant don-
ner aucune nouvelle garantie de sécurité et a fait voler un amen-
dement par lequel le conseil attend de la science spéciale toutes
les garanties qu'il recherche. (Aiiii. méd. Psych)
Dépenses d'entretien des aliénés indigents. Part 'iollll'ilJ1llivc
de la commune. Dans sa séance du 23 juin 1883, le Conseil d'Etat
a rejeté dans les termes suivants le recours de la ville de Marseille,
contre une délibération du conseil général des 13ouches-dii-Rhôue
du 20 août 1879 :
« Aucune disposition de la loi du 30 juin 1838 ne détermine la
proportion dans laquelle les communes doivent concourir aux
dépenses des aliénés indigents du département, et l'article iG,
19, de la loi du 10 août 1871, se borne à disposer que le conseil
144 le BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
général statue définitivement sur la part de la dépense des aliénés
qui sera mise à la charge des communes.
«En conséquence, une ville n'est pas fondée à demander la nul-
lité de la délibération du conseil général qui a fixé à 72 p. 100 la
proportion mise il sa charge dans la dépense des aliénés indigents
et soutenir que cette proportion ne devait pas excéder ; ! 0 p. 100. »
- Un aliéné, Louis D..., interné à l'asile Sainte-Anne, a
cherché à s'évader, il y a quelques semaines. Il avait réussi à esca-
lader le mur d'enceinte, d'où il est tombé et s'est fracturé la jambe
droite. Le malheureux a été transporté à l'inlirmerie de l'asile.
Médecins aliénistes. - Nous lisons dans la Wietzer Medizinische
Presse du 28 octobre, que M. Ehmer, médecin de l'asile de
Feldhof, a reçu, pendant sa visite, d'un aliéné agité, un coup d'es-
cabeau. M. Ehmer n'a eu que quelques contusions peu dangereuses.
Les Epileptiques. - La Lanterne du 1 a octobre publie un télé-
gramme disant que « le nommé Pages (Eugène), âgé de trente-
deux ans, voyageur de commerce, atteint d'épileptie, a frappé six
personnes de coups de couteau. C'est là un accident assez com-
mun et qui montre que les administrations départementales
devraient se montrer plus facile pour l'admission de ces malades
dans les asiles.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Dieulafoy (G.). a) ! ! <e/ de pathologie interne. 2 vol. in-18 cartonnés,
formant ensemble 1,310 pages. Prix : 1 ? fr. Paris, 1883. Librairie .Maison.
GowEns. - De l'épilepsie et autres maladies convulsives chroniques. '1'1',1-
duit de l'anglais par le D' CAxnOEn. Un volume grand in-8° de 4S7 pages.
Paris, 1883. Prix : 10 fr. Librairie Masson.
Leven (11.). -Esloznac et cerveau. Etude physiologique, clinique et
thérapeutique. Un volume in-8° de 257 pages. Prix : 3 Ir. 50. Paris, 1883.
Librairie Masson.
SPITZKA (E.-C). Insanity its classification, diaqnosis nllll tl'eatment;
amanual for students and pruclitioners of medicinr. New-York, 1883.
En vente à la librairie du Progrès médical, 14, rue des Cannes,
Procès-verbal fait pour délivrer une fille possédée par le malin esprit, à
Louviers (1591), publié d'après le manuscrit de la bibliothèque nationale,
par A. 11C\nT, archiviste paléographe, ancien élève de l'école des Chartes
et de l'école des hautes études; précédé d'une introduction par Il. de
Moiuy. Cetbitvi,zt,-e est le second du la Bibliothèque diabolique. Un beau
volume in-8", papier vélin, de 220 pages. Prix : 3 Il'. 50; pour nos abon-
nés, 2 fr. 75. Il a été tiré de cet ouvrage 500 exemplaires, beau papier,
numérotés à ltt presse. N° 1 à 350, papier parchemin. Prix : 4 Il-. 50;
pour nos abonnés, 3 tr. 50. N 351 à 500, papier Japon. Prix 6 fr. ; pour
nos abonnés : ; 1'1'.
, Le rédacteur-gérant, BOUIINEVILLE.
Emeus. Un. UI ! : III : SKYI IIUIJ. - 1&4.
Vol VII. Mars 1884. N- 20.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE NEUVEUS1
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LOCALISATIONS Gl;lil : Rli : ll.I.S
("fil 1 lET l : 'i fRA-r.ÉRÉDR IL de r : nrrocr.osms);
Par le D' Il. RAYAI OND, agrégé de la Faculté, médecin de l'hospice
des Incurables, et G. ARTAUD, interne des hôpitaux.
Nous avons eu l'occasion d'observer, dans le cou-
rant de l'année, plusieurs cas de troubles de la parole,
par paralysie des muscles articulateurs, dépendant soit
d'une lésion cérébrale, soit d'une lésion protubéran-
tielle. L'étude comparative de ces faits nous a permis
d'essayer de déterminer l'origine corticale de l'hypo-
glosse et le trajet que parcourent les fibres de ce nerf
des circonvolutions au bulbe, à travers le centre ovale,
la capsule interne, le pédoncule et la protubérance ; elle
nous a montré de plus que le faisceau de l'hypoglosse
diffère, au point de vue de son origine corticale et de
son trajet intra-cérébral, du faisceau dit de l'aphasie.
Le présent travail se divise en quatre parties. Les
troubles de la parole par paralysie des muscles articu-
lateurs peuvent, en effet, être observés :
,. %IL. 10
146 PATHOLOGIE NERVEUSE.
1° A la suite de lésions corticales;
2° - de lésions du centre ovale';
3° de lésions de la capsule interne et du
- pédoncule;
4° de lésions de la protubérance.
1° Lésions corticales.
Dans ses recherches expérimentales sur le singe,
Ferrier a constaté que l'excitation électrique de l'ex-
trémité inférieure de la frontale ascendante, au niveau
de l'extrémité postérieure de la troisième circonvolu-
tion frontale, détermine l'ouverture de la bouche avec
extension au-dehors et rétraction de la langue. L'action
de ces centres oro-linguaux serait, d'après Ferrier,
plus ou' moins bilatérale; aussi, différant en cela des
lésions destructives des centres des membres, les lésions
des centres oro-linguaux ne provoqueraient pas une
paralysie complète, mais seulement une légère faiblesse
unilatérale, ou hémiparésie des mouvements oro-lin-
guaux '.
Chez l'homme, les lésions de ces mêmes parties du
lobe frontal peuvent donner lieu à deux variétés par-
faitement distinctes de troubles de la parole. Si la lésion
occupe le pied de la troisième circonvolution frontale
gauche, elle se traduit par l'aphasie, au sens strict du
mot, c'est-à-dire par l'incapacité d'exprimer les pensées
par le langage articulé ou de penser par des mots. Si,
au contraire, elle occupe le pied de la circonvolution
1 Ferrier. Fonctions du cerveau, p. 230. De la localisation des
maladies cérébrales, p.t33-134.
DES LOCALISATIONS CEREBRALES. 1 17
frontale ascendante, elle détermine de la glossoplégie,
c'est-à-dire une paralysie des muscles articulateurs.
La localisation anatomo-pathologique de l'aphasie
est aujourd'hui un fait trop connu pour que nous y in-
sistions ici. Tous les auteurs s'accordent à reconnaître
que, pour produire le symptôme, il faut une lésion du
tiers postérieur de la troisième circonvolution frontale
gauche. Seul, Meynert, considérant le groupe des cir-
convolutions de l'insula et la troisième circonvolution
frontale comme faisant partie du même système ana-
tomique, fut conduit par ces idées théoriques, et aussi,
il faut bien le dire, par l'observation de quelques faits
cliniques, à étendre à l'insula le territoire du langage.
Il a rapporté, en 1868, quinze observations d'aphasie
avec lésions de l'insula. Depuis, quelques faits analo-
gues ont été produits, un, entre autres, de Lépine
(Bulletin de la Société anatomique, 1874), très intéres-
sant au point de vue clinique. Mais le fait n'est pas en-
core hors de contestation, et, comme le dit Lépine
(Thèse d'agrégation, 1875), « dans l'état actuel de la
question, je crois qu'il ne serait pas inutile de publier
les observations démontrant la possibilité de l'aphasie
avec une lésion limitée de l'insula' ».
Si la littérature médicale est riche en faits concer-
nant l'aphasie, il n'en n'est pas de même pour les faits
de glossoplégie, d'origine corticale. Nous n'avons pu
1 existe d'ailleurs deux faits anatomiques qui tendent à prouver que
les lésions de l'insula ne peuvent pas, par elles-mêmes, donner lieu à de
l'aphasie. La dissection montre que la capsule externe, l'avant-mur et
l'insula n'ont pas de connexions avec les parties profondes ; on sait,
d'autre part, que l'insula est relié à la troisième frontale par d'abon
dantes libres comniissurales. Ue là, il est permis d'admettre que les
lésions de l'insula ne déterminent de l'aphasie que par retentissement
sur ces libres commissurales.
148 PATHOLOGIE 1'\ ? VEUSE. ,
réunir que six faits, nous ne dirons pas de glossoplé-
gie corticale, mais de troubles divers de motilité de
la langue par lésion des circonvolutions. Ces faits sont
les suivants :
1° Hitzig. (Arch. f. Psychiatrie, B. III, p. 231.)
Après un traumatisme, accès subit de convulsions
cloniques, principalement dans le domaine du facial
gauche; les mouvements spasmodiques sont surtout
marqués dans les muscles de la commissure labiale, de
l'aile du nez et de la paupière, ainsi que dans les
muscles de la langue, du côté gauche : abcès de la
couche corticale à droite, siégeant dans le 1/3 inférieur
de la circonvolution frontale ascendante, au niveau de la
troisième circonvolution frontale.
2° Charcot et Bail, d'après Rendu et Gombault (Revue
d'Hayem, 1876, p. 350), auraient observé un cas
analogue à celui d'Hitzig.
3° Verneuil (Revue d'Hayem, 1876, p. 350) a vu
un enfoncement des os du crâne donner lieu à des
spasmes de la langue et de la mâchoire; la contusion
occupait la scissure de Sylvius, depuis le lobe sphé-
noïdal jusqu'à la troisième circonvolution.
4° Dugout-Bally (Gazette médicale, 1878, p. 23). Lé-
sion traumatique étendue, par une balle de revolver;
paralysie faciale à gauche et difficulté pour sortir la
langue : lésion portant spécialement sur la partie infé-
rieure de la frontale ascendante à droite, à deux centi-
mètres au-dessus de la scissure de Sylvius '.
1 Nous avons rassemblé un grand nombre de cas de convulsions des
muscles delà face avec lésions de l'extrémité inférieure de la frontale
ascendante; mais, les muscles de la langue n'étant pas spécialement
désignés, nous n'avons pu nous eu servir.
DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 1 Il i)
5° Rosenthal (Beitrdye zur Kentniss der motorisclaen
nervencentren des Mensehenhirnes ( Wiener medic.
Presse, 1878, Observ. II), cité par Charcot et Pitres.
(Nouvelle contribution à l'étude des localisations motrices
dans l'écorce des hémisphères du cerveau. Revue men-
suelle de médecine et de chirurgie, novembre 1878 et
février 1879.)
Homme, soixante-neuf ans, atteint "d'emphysème
pulmonaire et d'hypertrophie du coeur; il est frappé,
après une attaque, de paralysie de la langue.
La langue avait conservé son aspect normal, mais
elle restait inerte sur le plancher de la bouche. En
même temps, la parole et la déglutition étaient très
gênées. Cependant, une bouchée d'aliments portée sur
le bout de la langue pouvait alors être déglutie facile-
ment. Aucune paralysie appréciable dans les membres.
L'action des muscles des mâchoires, du voile du pa-
lais, de la face était normale. Sensibilité intacte. Con-
tractilité électro-musculaire conservée partout. Le
malade pouvait, autant que ses forces et son oppres-
sion le lui permettaient, se promener dans sa chambre.
Il pouvait écrire très bien. Il mourut de marasme et
de bronchite.
, Autopsie. - Sur l'hémisphère droit, il y avait un
foyer de ramollissement occupant la partie inférieure
de la circonvolution frontale ascendante et l'extrémité
postérieure de la troisième frontale. A gauche, il y avait
un foyer occupant les mêmes points, et un autre plus
petit situé à la partie postérieure de la deuxième cir-
convolution frontale. En outre, on trouve de petits
foyers lacunaires, gros comme des pois, dans les parties
du corps strié voisines du ventricule. La moelle allon-
150 PATHOLOGIE NERVEUSE.
gée et la moelle épinière étaient saines. Pas d'altéra-
tion appréciable des racines nerveuses. A l'examen
microscopique , on trouve de la dégénérescence
graisseuse dans les fibres musculaires de la langue.
Les tubes nerveux dans le nerf hypoglosse étaient
sains.
6° Ferrier (Localisation des maladies cérébrales, p. 136,
137) rapporte le cas suivant publié par Barlow (Bri-
tish med. Journal, 1877) :
Un enfant de dix ans, atteint d'une maladie de
l'aorte qui l'enleva ultérieurement, fut pris d'hémiplé-
gie droite, brachio-faciale surtout, et d'aphasie. Ces
symptômes semblèrent avoir disparu au bout d'un mois.
Trois mois plus tard, monoplégie brachio-faciale
gauche. Il y avait alors aphasie et paralysie de tous les
mouvements volontaires de la bouche et de la langue.
La déglutition réflexe subsistait. Pas de troubles de la
sensibilité de la peau, ni de la muqueuse palatine; les
muscles réagissaient normalement à l'action du cou-
rant faradique. « Pour résumer l'état cérébral, dit le
1)' Barlow, il paraissait y avoir perte du mouvement
volontaire des muscles impliqués dans la déglutition et
l'articulation des sons. » Cet état dura tel quel jusqu'à
la mort; les bras regagnaient quelque peu de leur force.
État intellectuel satisfaisant, compréhension bonne. A
l'autopsie, l'on trouve une lésion dans chaque hémis-
phère, au même point. Le point lésé (ramollissement
jaune) était l'extrémité inférieure de la frontale ascen-
dante et l'extrémité postérieure des frontales moyenne et
inférieure.
Les quatre premiers faits sont des exemples très
nets de phénomènes convulsifs ou paralytiques surve-
DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 151
nant dans le domaine musculaire de l'hypoglosse, à la
suite de lésions diverses (abcès, encéphalite aiguë, etc.)
du pied de la circonvolution frontale ascendante, droite
ou gauche.
Les lésions ont intéressé indifféremment l'un ou
l'autre des hémisphères et les symptômes observés ont
toujours été croisés par rapport aux lésions. La troi-
sième frontale n'ayant pas été atteinte, l'aphasie a fait
défaut et il n'y a eu de paralysés que les muscles arti-
culateurs.
Dans l'observation de Rosenthal, la langue était
complètement paralysée, et restait inerte sur le plan-
cher de la bouche. Les lésions étaient bilatérales et
occupaient dans chaque hémisphère un point iden-
tique : la partie inférieure de la circonvolution fron-
tale ascendante et l'extrémité postérieure de la troi-
sième frontale.
L'observation de Barlow, rapportée par Ferrier,
est d'un très grand intérêt; c'est un fait unique jus-
qu'ici, croyons-nous, d'aphasie avec glossoplégie d'ori-
gine corticale. A l'autopsie, on trouve, à la surface de
chaque hémisphère, une lésion symétrique : une plaque
de ramollissement jaune à l'extrémité inférieure de la
frontale ascendante et à l'extrémité postérieure des
frontales moyenne et inférieure. Le centre cortical de
l'aphasie et celui de l'hypoglosse sont en même temps
intéressés.
Il semble donc résulter de l'exposé de ces faits que,
dans le pied de la circonvolution frontale ascendante,
se trouve le centre des mouvements des muscles de la
langue, et, par suite, l'origine corticale de l'hypoglosse.
Ce centre est bilatéral, différant en cela de celui de
152 PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'aphasie qui, comme on le sait, est unilatéral et loca-
lisé' à l'hémisphère gauche.
- Le centre cortical de l'hypoglosse n'est pas le seul qui
existe dans le- pied de la circonvolution frontale ascen-
dante. D'après l'expérimentation et l'observation cli-
nique, le tiers inférieur de cette circonvolution prési-
derait aux mouvements des muscles innervés par le
facial inférieur (Charcot et Pitres, « Mémoires sur les
localisations », Revue de Médecine, 1877-78-79-83).
D'autre part, récemment (Revue de Médecine, 1882,
p. 848), M. Lépine a rapporté des faits de trismus per-
manent avec lésions du pied de la frontale ascendante
ou des faisceaux blancs sous-jacents. Le tiers inférieur
de cette circonvolution parait donc commander aux
mouvements des muscles innervés par l'hypoglosse, le
facial inférieur et la branche motrice du trijumeau.
2° Lésions du centre ovale.
Ainsi que l'a démontré Pitres, le centre ovale est
décomposable en un certain nombre de faisceaux de
fibres blanches, destinées à relier à la périphérie les
centres contenus dans la substance grise des circonvo-
lutions. Si ces fibres viennent à être détruites, les voies
de communication entre l'écorce et la périphérie sont
interrompues; et, au point de vue symptomatique, la
section des conducteurs équivaut à la destruction du
centre.
Parmi les faisceaux blancs du centre ovale, deux
nous intéressent tout particulièrement : ce sont les
faisceaux sous-jacents à la troisième circonvolution
DES LOCALISATIONS CÉRÉMtALES. 1.-) : l
frontale et à la circonvolution frontale ascendante, re-
présentés dans les coupes pédiculo-frontale et frontale
de Pitres. Les lésions du premier donnent lieu à l'apha-
sie, tout comme les lésions du centre cortical corres-
pondant ; les lésions du second se traduisent par un
ensemble symptomatique rappelant celui de la para-
lysie labio-g lasso-laryngée.
Ces faits de paralysie labio-glosso-laryngée d'origine
cérébrale ont été signalés pour la première fois par
M. le professeur Lépine dans la Revue mensuelle de
Médecine et de Chirurgie (1877, p.909). M. Lépine rap-
porte trois cas avec autopsie : un de Magnus, extrait
des Archives de 3111ller de 1837, et deux d'Oulmont,
recueillis dans les services de MM. Charcot et Maurice
Rayuaud. Depuis le mémoire de M. Lépine, deux ob-
servations nouvelles ont paru : celle de Kirchoff, re-
cueillie à la clinique du professeur Quincke, à Berne,
et publiée dans le tomeXI des Archivfiir Psychiatrie, et
celle deM.Féré, recueillie dans le service de M. Charcot
et publiée dans la Revue de Médecine de 1882. A ce
groupe de faits nous pouvons ajouter le cas cité plus
haut de Barlow qui est un bel exemple de paralysie
glosso-labiée corticale, et un cas nouveau que nous
avons eu l'occasion d'observer à l'hospice des incu-
rables d'Ivry. Nous donnons ci-après le résumé de
tous ces faits :
Observation 1 (recueillie par M. Oulmont). - Paralysie
glosso-labiée. Lésion des deux noyaux lenticulaires et des
capsules externes. (Résumée.)
B... (Virginie), cinquante etun ans, brocheuse, entrée àl'hos-
pice de la Salpêtrière (service de M. le professeur CHARCOT).
1Ô4 PATHOLOGIE NERVEUSE.
En 1871, parésie momentanée du côté droit du corps,
avec difficulté de la parole.
En 1873, à la suite d'un accès de colère, embarras de la pa-
role, parésie du bras et de la jambe gauche, sans perle de con-
naissance. Depuis lors, salivation et difficulté de la déglutition.
Etal actuel, en janvier 1877. - Intelligence affaiblie. Un
peu d'affaiblissement de la motilité du côté gauche, sans
atrophie musculaire, ni troubles de la sensibilité.
Rien du côté des yeux. Ouïe et odorat un peu affaiblis à
gauche.
La langue peut être un peu tirée hors de la bouché, elle
n'est pas atrophiée ; elle est le siège de petits mouvements
fibrillaires incessants. La sensibilité au contact, à la piqûre,
est moindre sur le côté gauche. La sensibilité spéciale est
égale des deux côtés.
Les lèvres sont très peu mobiles. Le malade ne peut les
porter aisément en avant et de côté pour faire des grimaces.
Les lèvres sont saillantes en avant; les sillons péri-labiaux
sont conservés et égaux des deux côtés. La malade peut ouvrir
la bouche, mais avec quelque peine; et l'écartement des ar-
cades dentaires ne dépasse pas deux centimètres, dans les plus
grands efforts*. Les mouvements de totalité de la mâchoire
inférieure sont à peine sensibles.
Salivation incessante; pendant toute la journée, la malade
est occupée à essuyer une salive visqueuse et filante qui
s'écoule constamment des lèvres.
Elle peut souffler une bougie, mais avec peine, en s'y repre-
nant plusieurs fois. Elle peut gonfler ses joues en emprison-
nant de l'air dans sa bouche; mais elle ne peut faire aucun
effort pour se moucher, ni pour tousser.
La parole est lente, traînante, difficile, mal articulée. Les
lèvres se soulèvent à peine pour laisser passer les mots. Toutes .
les voyelles peuvent être prononcées, mais avec peu d'énergie;
les labiales mêmes peuvent être articulées assez distincte-
ment. La malade parle toujours sur le même ton monotone,
par phrases très courtes, qu'elle répète toujours deux ou trois
fois. Ce ton pleurard, joint à l'immobilité presque complète
de la moitié inférieure de la face, lui donne un aspect carac-
téristique.
La déglutition est très pénible. Pour boire, la malade est
obligée d'avaler très lentement et par petites gorgées, sous
DES LOCALISATIONS CEREBRALES. 155
peine de s'engouer. Pour manger, elle prend de très petits
morceaux de pain et d'aliments, et les conserve dans sa bouche
jusqu'à ce qu'imprégnés de salive, ils constituent une pâte
presque liquide; elle les avale alors, mais avec beaucoup de
peine. Chacun de ses repas dure plusieurs heures.
En mars, attaques épileptiformes. En juin 1877, nouvelles
attaques suivies de coma et de mort.
Autopsie. Méninges saines, se décortiquant facilement.
Athérome peu prononcé des artères de la base de l'encéphale.
Le bulbe parait entièrement sain à la surface et sur une
coupe transversale. La consistance est normale, ainsi que le
volume et la coloration des pyramides. De même rien dans la
protubérance. L'examen des pyramides fait à l'état frais dé-
couvre dans la pyramide droite quelques rares corps granuleux.
Cerveau. Hémisphère droit. Circonvolutions entière-
ment saines à la surface. Ventricule latéral un peu dilaté,
contenant une assez grande quantité de sang. Sur des coupes
pratiquées suivant la méthode de M. Pitres, on découvre un foyer
ocreux vertical de trois centimètres à trois centimètres cinq, sur
un demi-centimètre de largeur. Ce foyer est situé sur la limite
externe du noyau lenticulaire du corps strié, dont il occupe de
plus à peu près la totalité de la troisième portion.' Ce foyer,
en partie celluleux, s'étend en arrière jusqu'au delà de la coupe
pratiquée sur la pariétale ascendante ; en avant, il s'étend bien
au delà de la coupe pédiculo-frontale, jusqu'à la limite anté-
rieure du ventricule latéral; à cet endroit, il n'est séparé de
la cavité ventriculaire que par l'épendyme flétri, et même
légèrement dilacéré. En somme, il a disséqué dans toute son
étendue, en la séparant du noyau lenticulaire, la circonvolu-
ttbzz de l'insula, et de plus, en avant, dans une petite partie, le
pied de la troisième circonvolution frontale.
A côté de ce foyer existe un foyer ocreux beaucoup plus petit,
d'un centimètre et demi de hauteur, situé dans la deuxième
portion du noyau lenticulaire. La capsule interne n'est touchée
en aucun endroit.
Hémisphère gauche. - Circonvolutions entièrement saines.
Ventricule latéral rempli par du sang coagulé; ses parois sont
déchirées et tout entières. Sur des coupes pratiquées suivant
la même méthode, foyer ocreux celluleux, de deux centimètres
environ de hauteur, presque linéaire, à la limite externe du
noyau lenticulaire et s'étendant en avant jizsqu'à un centimètre
1.j(; PATHOLOGIE NERVEUSE.
environ au delà de la coupe /)e ? c<Jo-/ ? 'OH<a/e. Deuxième foyer
ocreux, transformant la deuxième portion du noyau lenticulaire
en une sorte de toile d'araignée. La capsule interne n'a pas
été touchée par ces deux foyers. De plus, foyer récent dans
l'intérieur de la couche optique, complètement dilacérée;
c'est lui qui a amené l'hémorrhagie lenticulaire et la mort.
Cour. - Epaississement du bord libre de la valvule mitrale.
Les valvules aortiques présentent quelques légers bourrelets
athéromateux. Aorte saine. - Foie, rate, sains.
Poumons. - Emphysème du lobe supérieur. Un peu de con-
gestion des bords postérieurs.
Observation II (recueillie par M'. Oulmont). - Paralysie
glosso-labiée. Foyers ocreux dans la queue des noyaux extra-
venlriculaÙ'es des corps striés. (Résumée.)
B... (Rosalie), âgée de cinquante-huit ans, journalière, entre
le 11 mai 1875 à l'hôpital Lariboisière, salle Sainte-Mathilde,
n" 19 (service de M. RAYNAUD). ,
Etat à son entrée. - La malade n'entend pas, elle ne peut
prononcer aucune parole, elle ne sait ni lire ni écrire; on est
obligé de procéder à son examen sans le secours d'aucun ren-
seignement. Ce qui frappe tout d'abord, c'est une paralysie
faciale, localisée à la moitié inférieure de la figure, et plus
prononcée à droite qu'à gauche. L'orhiculaire des lèvres est
paralysé; la malade ne peut fermer complètement la bouche;
les lèvres restent entr'ouvertes à droite ; à gauche, elles ar-
rivent au contact, mais c'est tout : la malade ne peut les serrer.
Si on lui fait signe de gonfler les joues en fermant les lèvres,
cette action lui est totalement impossible. L'orbiculaire des
yeux est tout à fait intact. Le visage a une expression d'hébé-
tude marquée.
La malade ouvre difficilement la bouche; elle l'entr'ouvre
seulement; on est obligé d'abaisser la mâchoire inférieure
pour l'ouvrir complètement. La bouche est remplie d'une salive
épaisse, qui se répand facilement à travers les lèvres entr'ou-
vertes. La langue, de volume normal, est appliquée sur le
plancher de la bouche, large, étalée; tout mouvement d'éléva-
tion ou de propulsion est perdu; la malade cherche à s'aider
de ses doigts pour tirer sa langue au dehors.
Le voile du palais a son aspect normal; mais on peut le
DES LC.1LI : A'l'l\b CÉUÉlïR.U.ES. 157
toucher ou même le saisir avec les doigts sans provoquer de
réflexe.
La déglutition est très difficile; ainsi la malade s'enfonce
à chaque instant les doigts dans la bouche pour extraire sa
salive, qu'elle ne peut avaler sans menaces de suffocation. Bien
plus difficile encore est la déglutition des liquides; celle des
solides l'est un peu moins; la plus grande partie des aliments
est rejetée par la bouche; de temps en temps une certaine
quantité repasse par le nez; une très faible quantité seulement
peut être déglutie. Aussi pense-t-on un moment à nourrir la
malade avec une sonde oesophagienne.
La parole est entièrement perdue; la malade, quand on
l'excite, essaye vainement de parler; elle ne prononce que
quelques sons affaiblis et inarticulés : « Ah, ah, ah ! i On peut
comparer ces sons à un gloussement très faible.
La partie inférieure de la face, comme nous l'avons dit, est
intacte. La vue est bonne; la pupille gauche est un peu dila-
tée. L'ouïe est abolie; cependant la malade entend un peu,
quand on crie très fort près de son oreille. Aucune paralysie
des membres, motrice ou sensitive. La malade se tient debout
et marche sans difficulté. Les fonctions se font bien ; l'appétit
est conservé. Le coeur parait sain. L'urine ne contient ni sucre
ni albumine. Ces symptômes ne font qu'augmenter jusqu'au
moment de la mort, qui survient le 29 août.
Autopsie le le' septembre. - Les seules particularités re-
marquables que présente l'examen du bulbe à l'oeil nu sont
les suivantes :
Le plancher du quatrième ventricule parait un peu aplati,
comme amaigri. Les saillies et dépressions y sont peut-être un
peu plus prononcées qu'à l'état normal. En dehors de l'émi-
nence ? ), à droite et à gauche, se trouve une zone d'une
coloration violacée assez foncée, circonscrite elle-même par
une zone comme gélatineuse.
La consistance du bulbe est normale.
Les circonvolutions, et, notamment, la circonvolution de
Broca, sont saines.
Des coupes multiples pratiquées dans la substance cérébrale
amènent à l'extrémité postérieure des deux noyaux extra-
ventriculaires des corps striés (extrémité de la queue du noyau
lenticulaire). On trouve, à droite et à gauche, des foyers
ocreux remarquables par leur disposition symétrique. Celui du
158 PATHOLOGIE NERVEUSE.
côté gauche présente à peu près la grosseur d'une aveline,
celui du côté droit est un peu plus volumineux; il a environ
la grosseur d'une noisette, et empiète un peu sur la substance
blanche; mais la couche optique est intacte.
Indépendamment de ces foyers, il en existe un autre, qui
paraît à peu près de la même date, dans la substance blanche
du lobe occipital, et dui afllue à la face profonde d'une des
circonvolutions les plus reculées de la corne postérieure.
Enfin, il existe un autre petit foyer, plus ancien, dans la
substance blanche de la partie antérieure du lobe frontal
gauche, près de la base. Ce petit foyer a, au plus, la grosseur
d'un petit pois, parfaitement arrondi, enkysté, et contient un
liquide lactescent.
Observation III (déjà citée). - Paralysie glosso-labiée corti-
cale et aphasie. (Barlow. B/'ilish med. Journal, 1877.)
Pendant la vie, aphasie, symptômes de paralysie glosso-
labiée, monoplégie brachio-faciale gauche.
A l'AUTOPSIE, foyer bilatéral et symétrique de ramollissement
à extrémité inférieure de la frontale ascendante et à l'extrémité
postérieure des frontales moyenne et inférieure.
Observation IV. - Paralysie glosso-labiée ; lésion superficielle
du lobe moyen de hémisphère droit. (Magnus, Milliers.
Archiv, 1817, p. 258.) Observation extraite du mémoire de
M. Lépine et résumée.
Femme de vingt-cinq ans. Début brusque. Symptômes de
paralysie glosso-labiée.
Autopsie. - (Froriep.) Dans l'hémisphère droit, au bord
externe, là où le lobe antérieur et le lobe moyen se confondent,
kyste hémorrhagique ayant détruit deux circonvolutions. La
cavité pouvait contenir une petite noix; la face interne était
tapissée par une membrane jaune.
Observation V ? Paralysie Inbi()-gloss()-phaJ',1/lIgée d'origine
cérébrale; foyer unilatéral. (Résumée.) Observation pu-
1 Observation rapportée par M. le professeur Lépine dans la Revue de
médecine, 1881. p. 69R.
DES LOCALISATIONS CEREBRALES. 159
bliée par M. Kirchhoff, dans les Archiv de Psychiatrie,
Bd. XL, et recueillie à la Clinique de Berne, dans le service
du professeur Quincke.
Homme de vingt-quatre ans. En 1877, à la suite d'un bain
de rivière, pris en état de sueur, vertiges, douleur aiguë dans
le côté droit du front, secousses convulsives dans les membres.
En même temps, le malade ne pouvait ni parler, ni avaler. Il
retourna à son domicile et y tomba de faiblesse, tout en con-
servant sa connaissance. Une déviation du visage à gauche était
apparente; la salive coulait sans cesse hors de la bouche. Au
lit, il éprouva un tremblement des extrémités qui, les jours
suivants, ne se reproduisait que quand il était ému. Le len-
demain de l'attaque, la parole et la déglutition étaient libres,
et le malade put retourner à son travail. Quatre jours plus
tard, il n'existait plus de déviation de la face.
Huit jours plus tard, nouveau vertige et chute; pendant
toute la nuit, il ne put avaler; la parole était traînante; mais
aucun mot ne lui faisait défaut; seulement, la langue lui parais-
sait lourde. La salive coulait sur sa lèvre inférieure tombante;
la marche n'était pas gênée.
A son entrée à l'hôpital, difficulté de parler. Pas de céphalée,
pas de vertiges ; vue, ouïe, goût et odorat normaux. Larmoie-
ment, surtout du côté droit; écoulement de la salive. Les deux
côtés du visage sont habituellement symétriques; mais, par
moments, la commissure labiale droite, puis la gauche, sont
tiraillées en haut. Le malade rit fréquemment, sans motif. Les
sillons naso-labiaux sont peu prononcés. Le malade ne peut
siffler, mais il peut facilement fermer la bouche et mastiquer.
Les mouvements volontaires d'une seule moitié de la bouche
sont peu intenses ; la langue peut à peine être projetée à un
centimètre hors de la bouche; les mouvements de cet organe
.pendant la mastication des aliments sont mal coordonnés; le
voile du palais a sa mobilité, de même les paupières; toutes
deux présentent quelques mouvements fibrillaires ; l'oeil gauche
s'ouvre moins facilement que le droit.
La parole est pénible; les consonnes labiales et les gut-
turales sont difficilement articulées; les linguales le sont
mieux; les lèvres sont peu mobiles pendant l'acte de la parole ;
l'occlusion de la glotte se fait lentement, la déglutition est
intacte. Cinq mois plus tard, déglutition très difficile, beaucoup
1 (in l'.11'liof.Ui \L;It'I : UJli.
de salivation. Hémiplégie flasque gauche, puis convulsions,
albuminurie et mort.
Autopsie (par le professeur Langhans).
La dure-mère est un peu tendue, non épaissie. Le liquide
céphalo-rachidien est abondant. La cavité du ventricule- latéral
gauche est élargie, le corps strié gauche un peu aplati.
Le corps strié droit est déprimé dans ses deux tiers postérieurs ;
sa coloration estjaunàtre; mais, au sein du tissu altéré se trou-
vent encore quelques points sains. La substance grise est
réduite à une mince couche qui est sous-jacente à l'épendyme
épaissi ; plus profondément, elle est ramollie. La partie corres-
pondante de la capsule interne est grise. Le tieis externe du
noyau lenticulaire, 1°avant-nncr, la capsule externe et l'insula
sont ramollis, mais non colorés; le ramollissement augmente
en arrière dans le noyau lenticulaire, où il est entouré d'une
membrane sclérosée et vasculaire, tandis qu'en dehors, le ra-
mollissement n'a pas de limite nette. Dans le quatrième ventri-
cule, les barbes du calamus sont mal formées à droite; mais
le calamus est symétrique; les deux noyaux de l'hypoglosse à
leur partie centrale présentent une légère coloration grisâtre.
L'orifice mitral est constitué par une fente résultant d'une
fusion anormale avec incrustation des valves.
L'examen microscopique des coupes de la protubérance et du
bulbe pratiquées avec le microtome de Schiefferdecker a
prouvé l'intégrité absolue de ces parties.
Observation VI. - Paralysie pseudo-bulbaire par lésion cÙé-
branle bilatérale (Résumée.) Publiée par Féré. (Revue de mé-
decine, 1882, p. 858.)
Femme de vingt-sept ans. Début de l'affection en 1817 :
perte de connaissance qui dure trois heures, puis paralysie du
côté gauche (jambe, bras et face). Pendant trois mois, elle ne
peut parler; elle dit, que sa bouche était fortement déviée à
droite. Difficulté de la déglutition, écoulement abondant de
salive, accès de toux, etc.
Etat actuel. - Mouvements de la jambe intacts. Affaiblisse
ment du bras droit et de la jambe gauche. Le bras gauche est-
rigidedans l'extension comme dans la flexion. Réflexes exagérés.
Immobilité de la face. Cou raide. Mouvements de latéralité
uL Lu.w.ts.vrm m : u.aett.t.s. 161 1
difficiles, muscles peauciers de la face paralysés. Abaissement
de la commissure labiale droite.
La malade ouvre difficilement la bouche. Elle ne peut souf-
fler ni siffler. Elle ne peut tirer la langue hors la bouche. La
langue est aplatie, mince, parcourue par des plis serpentins;
elle conserve l'empreinte des dents sur les bords.
La parole est traînante et mal articulée. On n'entend guère
qu'un bredouillement interrompu de temps en temps par un
bruit de déglutition. La malade n'articule pas plus difficilement
une consonne qu'une autre.
Déglutition très difficile.
A l'AUTOPSIE. Rien aux pédoncules, à la protubérance,
ni au bulbe.
Hémisphère gauche. Aucune lésion des circonvolutions.
Sur la coupe de Flechsig, foyer de ramollissement ancien
ayant détruit le segment externe du noyau lenticulaire.
Hémisphère droit. Ramollissement cortical intéressant les
deux tiers inférieurs de la pariétale ascendante, la moitié anté-
rieure du lobule du pli courbe el l'extrémité de la racine de la
troisième frontale.
En arrière, le foyer descend jusqu'à la scissure de Sylvius et
comprend la partie postéro-supérieure des trois plis postérieurs
de l'insula. Destruction delà première circonvolution temporo-
sphénoïdale.
Sur la coupe de Flechsig, la lésion atteint le segment extenw
du noyau lenticulaire, qui présente un aspect celluleux dans sa
moitié externe el sur toute sa longueur.
Observation VII. Paralysie glosso-labiée à forme pseudo-
bulbaire. - Lésions symétriques des deux noyaux lenticulaires
et des capsules externes.
A... (Pierre), âgé de soixante-sept ans, entré à l'infirmerie
de médecine, Hospice des Incurables, salle Saint-Jean-Baptiste,
lit n° 3, le 15 mai 1883.
Antécédents héréditaires. - Père, mort tuberculeux à vingt-
neuf ans.
Mère, morte à quarante-deux ans d'un érysipèle de la face.
Une soeur, morte folle. Pas d'autres maladies nerveuses dans
la famille.
Archives, t. VII. I I
162 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Antécédents personnels. - Pas d'affections sérieuses. Excès
alcooliques et vénériens; pas de syphilis.
Début de l'affection actuelle, il y a deux ans. Subitement,
sans perte de connaissance, sans hémiplégie, le malade fut
pris d'embarras de la parole. Il n'y eut pas trace d'aphasie ;
tous les mots étaient bien conservés, mais difficilement
énoncés par suite de l'état de la langue qui était lourde,
comme paralysée. Aussi, le malade était-il par instants incom-
préhensible pour les personnes qui l'entouraient. Cet em-
barras de la parole, ne faisant qu'augmenter, a nécessité
l'admission à l'hospice d'Ivry.
État actuel. - Ce qui frappe tout d'abord, c'est l'aspect du
malade. La moitié inférieure de la face semble privée de tout
mouvement, bien qu'il n'y ait aucune déviation des traits. Les
lèvres sont à peu près immobiles ; elles sont entr'ouvertes et
laissent la salive s'écouler par les commissures. C'est à peine
si le malade peut les rapprocher l'une de l'autre; il y a im-
possibilité absolue à siffler ou à souffler une bougie. Les lèvres
ne sont pas atrophiées et elles se contractent bien, ainsi que les
autres muscles de la face sous l'influence du courant faradique.
La langue, large et étalée, est comme fixée sur le plancher
de la bouche. Elle n'est pas paralysée complètement, car le
malade peut encore lui faire exécuter quelques légers mouve-
ments de latéralité. Mais il ne peut la sortir hors de la bouche,
et, à plus forte raison, l'appliquer contre le palais. Elle a con-
servé son volume normal; pas de contractions fibrillaires;
pas d'altérations de la sensibilité générale ni spéciale.
Le voile du palais est inerte ; on peut cependant le faire con-
tracter en le touchant avec le doigt. Sensibilité conservée. Pas
de déviation de la luette.. ¡, 1
Les mouvements d'élévation et d'abaissement de la mâchoire
inférieure sont normaux ainsi que les mouvelnents de diduc-
tion. . "M. ' il ull ' j ' ' I i
La voix est nasonnée et l'articulation des mots très défec-
tueuse ; par' moments le malade est absolument incompréhen-
sible et n'énonce que des sons. Mais on peut encore lui faire "ra-
conter son histoire, "très^difficilement, il' est vrai ; 'c'est' ainsi
qu'on s'aperçoit qu'il n'est pas en môme temps aphasique, car
il a à sa disposition toutes les expressions dont il a besoin. '1
La déglutition est très difficile : les aliments solides s'arrê-
tent au fond de la gorge' et y déterminent des aecès"de suffoca-
0 . 1..1 o.
DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 1G3
tion. Quant aux liquides, ils sont souvent rejetés par le nez.
Pas de paralysie faciale. Pas de troubles du côté des sens
spéciaux (vue, ouïe, goût, odorat). Pas de paralysie de l'orbicu-
laire des paupières ni des muscles moteurs de l'oeil.
Affaissement cérébral assez accentué. Intelligence très af-
faiblie ainsi que la mémoire.
Pas de troubles de la respiration. Pouls régulier, sans inter-
mittences, soixante-dix pulsations à la minute.
Du côté des membres, rien à noter, si ce n'est un affaiblisse-
ment général ; mais il n'y a pas de paralysie proprement dite,
et le malade peut faire tous les mouvements qu'on lui demande.
Pendant son séjour dans nos salles, nous n'avons constaté que
cette paralysie des lèvres, de la langue et du voile du palais.
Le 20 juin, mort par broncho-pneumonie. , 1
A l'AUTOPSIE, rien aux circonvolutions, rien àla protubérance.
Le bulbe parait normal.
Comme lésions, on trouve :
1° Dans l'hémisphère droit, un foyer hémorrhagique ancien,
de trois centimètres d'étendue dans le sens antéro-postéricur,
d'un demi centimètre de largeur, intéressant le segment ex-
Fig. 1 et 2. - FOjel's ocreux symétriques.
16 PATHOLOGIE KKKYEUM.
.terne du noyau lenticulaire et sectionnant le pied de la fruntaie
ascendante (Fig. 2, A. Coupe frontale de Pitres) ; 1
2o Dans l'hémisphère gauche, un foyer hémorrhanique, iden-
tique au précédent comme dimensions et comme situation,
ainsi qu'on peut s'en assurer par l'examen de la figure 1
(coupe frontale de Pitres). '' .' J ,f, . ,1. \'" f.'
Dans tous ces faits, nous relevons les principaux
symptômes de la paralysie buib'aire' progressive, a
savoir : la paralysie de la langue, des lèvres et du
voite du palais. Mais, outre que ces symptômes sont
en eénérat moins accentués que dans )a' maladie de
Duchenne, ils présentent, dans leur mode d'apparition
*' ? 1 ? : .1tf 1. l 11 ,ilnl. v i ( r
et dans leur évolution, certains caractères particuliers
qui permettent toujours d'établir le diâüostic'difé-
.. ? ) 1 J 1) l , t '(f.' 't' ? \ 7<m
reiitiel ? 1 ' , , . , ' , lmi , y S ? lv\i ')·tyw
Dans la paralysie glo5so.1abiée cérébrale, le début ? F5 ..nt ,.y v W n W ·1.\v . Iv ï1B r n ,1( lit
est c ? MMC; il1y1a le plus souvent ? c/M C¡1pôljle'ctiq : le
avec chute et perte de connaissance. Puis, l'ictus dis-
1 ft 'rt' f J ,,1 ? Jo' 1 . 1) ? 'f". fl ? "
paru, on s'aperçoit que le malade parle difficilemeiit,
Fi 44 Hbf..1t ,t ? ,«-T, , ,.t, ..1 .dt 1 d ¡,
qu'rI ne peut mouvoir la tangue, qu'il ne peut rap- ? f ? T,\' 1 y, -9 ? i.. 1,. 1 400"'}.
procher les lèvres; ces divers signes coïncident parfois
. 1f r ? ) ? 1 . fi.' t .)......, ,,f ? t '11'll.'S" ?
avec une Nara ? ac ? une hémiplégze des membres,
, "'1 f ..1 ? 1 If n, '" \t -0 1 h
avec des troubles etue tels que ceux que t on
, * 1 f, "t' 1 / 1 fl'...-t. / wt , i ,. 1 \ 1 '. a.. r 1
observe dans le ramollissement de l'encéphale (affai-
.... - , ne't'; r ° ' : " t'Jqt ,rI ? f] ! 1 ? HJ...,f1U ?
blissement de 1 intellience, perté de la'(lnie"m'oitr'é.,lfletc.)
ou des convulsions, des attaques épile¡jiijor'n'es : ' I\1ÿPa,
la' 't ? T;)t.' l"f')'11 fGIfI'd'T'1d' d'b'" .d' \ 1"1111 ? 'l' .
en un mot, dans te mode de début de ia paralysie
, ...1,¡ ? It ? I.t' tf P'. i· 111 f si dR'1"1111 e
glosso-lablee d origine cérébrale, tout un ensemble de
ri 1 vtll ' 6t -t t . r " 1,{i.. ? 1«2 ¿I ? Jlr"11' . e
symptomes cerebraux qui font défaut dans la maladie
... ¡ ,"t.' hl 1'1 i ? q" .T. n 1 t "'(tun'tI ? L ? 11nt
de Duchéune; de pltis, dans celle-cI, la paralysie est
t . % . 6 , %tè 0 t,. 1 1'T't ? {rv f".J"j
progressive et atteint successivement ! a tangue, les
'< « ? nf ? ? f.t'i ttt . 'n'<.)'<tt';j[)
lèvres 'l' '11'\1.1 <d p'a'iâis ? 1"'t' "I ' "Ilff'l'oi ? c l ;14/1
DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 1115
La paralysie glosso-labiée d'origine cérébrale,'une
fois constituée, trois particularités serviront à la dis-
tinguer de la paralysie bulbaire progressive : la con-
servation des réflexes, l'absence d'atrophie musculaire et la'
conservation de la contractilité électrique. Dans la ma-
ladie de Duchenne, en effet, les réflexes ont souvent
disparu, les muscles sont toujours plus ou moins
atrophiés, et la contractilité électrique est affaiblie;
dans un cas de paralysie bulbaire progressive, Erb a
même trouvé les signes de la réaction de dégénéres-
cence, tels qu'il les signale dans les affections où les
1 ,II '1..... * 1 .. l" ? t
muscles ont subi une alté ' tin d
muscles ont subi une altération dégénérative. z
ni ( il, e Cil l' .. i. «j m .1
Enfin, de même qu'il existe dans la paralysie glosso-
1 ... JI' 1 ? t 1 t ( t
labiée d'origine cérébrale tout un ensemble de syn ? p-
ii III" 1 Il 1 Ir. 1 ! t J, l'
tomes cérébraux qui font défaut dans la paralysie bul-
baire progressive, de même il existe dans celle-ci tout
i q.. 1 j ! .. 1 .
un ensemble de symptômes bulbaires qui font défaut dans
la première. Ce sont les troubles du côté du larynx (af-
faiblissement progressif de la voix), du poumon (accès
1 ik - .10 .,
d'étouffement), du coeur (syncope). La maladie de Du-
d 1 lu'y rr -1 - . 1
chenne se termine par une crise dyspnéique ou
.iii;ii J" t'd ci- »< - ' , t , J r , ?
syncopale,. tandis que, dans la paralysie glosso-labiée
am, '" l ,\, \. 1 - \ .
d'origine cérébrale, le malade est emporté soit par
1 .. ,1 1) 1 f'(.. t Il 1 \ \\ \ \ '
une nouvelle attaque d'hémon'haa'ie ou de ramollis-
Hi, i|l>ll«'-i m . . 1 . ""V,' 1 1
sèment, soit par une affection intercurrente du pou-
. 1 - 41.1,, j·)1/. >.e lU Il'1't i ' 1 j q 1 t ,
mon ou du rein. ,
1 ta 1 ? \ \" ? \'' *'\' » ? \' v Itr W"1 11 ·w 1 .'
Il semble étrange, au premier abord, qu'une lésion
I,f 1110" hl 'II Jl.. l, l 1"I.t · 111 1
cérébrale puisse donner lieu aux symptômes de la
ii-ni "]* Ot ' u . i'i J t * z
paralysie glosso-labiée ; mais, de' fait, ainsi que le
, \ 11...t si z" ' ' 1 . ' "\\\ a, -
fait remarquer M. le professeur Lépine, dans l'hémi-
- p,m , t-' le, 'et il 1. r 1 z
plégie vulgaire par lésion de la capsule interne, il
r< r11 ! 5111' 1,1 + 11t '' ·' ll-i' t
existe toujours, à un degré plus ou moins prononcé,
166 PATHOLOGIE NERVEUSE.
des signes de paralysie glosso-labiée. Qu'on suppose
une lésion de l'hémisphère droit du cerveau intéres-
sant la capsule interne, qu'aura-t-on au point de vue
symptomatique ? Une hémiplégie gauche, une para-
lysie de certains muscles du côté gauche de la langue,
une paralysie du facial inférieur, une difficulté plus
ou moins grande de la déglutition, c'est-à-dire une
réunion de symptômes atténués, il est vrai, mais ana-
logues à ceux que nous avons décrits plus haut.
Quelles sont les lésions du cerveau susceptibles de
donner lieu au syndrome de la paralysie glosso-
labiée ?
A ce point de vue, les faits que nous avons re-
cueillis peuvent se diviser en deux groupes : un pre-
mier, dans lequel les lésions sont exclusivement ou
surtout corticales; un second, dans lequel les lésions
intéressent les faisceaux blancs sous-jacents.
Au premier groupe appartiennent les cas de Barlow,
de Magnus et de Féré; au second, les cas d'Oulmont,
de Kirchhoff et le nôtre. "
Dans le cas de Barlow, que nous avons déjà rap-
porté à propos des lésions corticales, existait une
lésion symétrique de chaque hémisphère : une plaque
de ramollissement à l'extrémité inférieure de la fron-
tale ascendante et à l'extrémité postérieure des fron-
tales-moyenne et inférieure. Nous rapprocherons de ce
fait celui de Rosenthal également cité plus haut : pen-
dant la vie, paralysie de la langue, parole et dégluti-
tion très difficiles, etc.; à l'autopsie, foyer bilatéral et
symétrique de ramollissement, occupant la partie infé-
rieure de la frontale ascendante et l'extrémité posté-
rieure de la troisième frontale.
DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 167
- Quoique datant de 1837, le cas de Magnus peut
encore nous servir au point de vue de la localisation.
Or il est dit dans la relation de l'autopsie faite par Fro-
riep qu'il existait dans l'hémisphère droit, au bord
externe, là où le lobe antérieur et le lobe moyen se
confondent , un kyste hémorrhagique ayant détruit
deux circonvolutions. Les deux circonvolutions dé-
truites nous paraissent être, dans le langage actuel,
les frontale et pariétale ascendante ; la partie infé-
rieure était surtout atteinte, puisque le kyste occupait
le bord externe. Il est à remarquer que le cas de Ma-
gnus est le premier fait de paralysie glosso-labiée ccre-
, braIe produite par une lésion unilatérale. 1 il
Dans le- fait de Féré existent en même temps des
lésions de l'écorce des faisceaux blancs, sous-jacents :
à gauche, ramollissement du segment externe du noyau
lenticulaire, à droite ramollissement des deux tiers in-
férieurs de la pariétale ascendante et de l'extrémité de
la racine de la troisième frontale, s'étendant. en pro-
fondeur jusqu'au noyau lenticulaire dont la moitié ex-
, terne est détruite ? ( Il'' '1 .. , , ..1 .. u
, Des deux cas d;0ulmont, le premier seul est.tprécis
) au' point de vue des détails anatomiques ? ". ""
. lA droite, foyer de trois» centimètres de, hauteur sur
un demi-centimètre de, largeur à ,1a. limite. externe du
noyau lenticulaireldu' corps^ slriéj. dont il, occupe la
4Ttroisième portion (le foyer s'étend,) en^ arrière, jus-
il qu'au-delà de la coupe pratiquée sur la,, pariétale
1'1 ascendante, en avant, au-delà, de la;, 1 coupe.) pédiculo-' : 1 frontale) ? Deuxième foyer dans la, deuxième portion
,1 d noyau lenticulaire.' ? , , , 1 /' "\1
A gauche, premier foyer symétrique, de deux cen-
168 . PATHOLOGIE NERVEUSE.
timètres de hauteur, à la limite externe du noyau len-
ticulaire et s'étendant en avant jusqu'à un centimètre
environ au-delà de la coupe pédicu)o-fronta)e.
Deuxième foyer ocreux dans la deuxième portion du
noyau lenticulaire.
Il est parlé dans le deuxième cas de « foyers ocreux
symétriques à l'extrémité postérieure des deux noyaux
extra-ventriculaires du corps strié ». La localisation
est, on le voit,, assez indéterminée.
Au point de'vue de l'uuilatéralité de la lésion, le
fait, de Kirchhoff rappelle celui de Magnus ; au lieu
d'être cortical,, le foyer intéresse la substance blanche
et occupe le segment externe du noyau lenticulaire de
l'avant-mur, de'la capsule externe et de l'insula.
Enfin, dans le fait- qui nous est personnel, nous
avons trouvé dans chaque hémisphère un foyer hémor-
rhagique, occupant symétriquement le segment externe
du noyau lenticulaire, la capsule externe, l'avant-mur
et sectionnant) en avant le pied de la frontale ascen-
dante. ^ITPJIil/ t , si .1 s-'l f,
Les cas.de Barlow, 'de Roseuthal, de Magnus ne font
que. confirmer- la, localisation corticale de l'hypoglosse
que nousavons donnée. -Mais, fait digne de remarque,
la.malade.de Magnus présentait des symptômes de pa-
ralysie glosso-labiée,aussi nets que -les malades de
.Barlow et de.Rosenthal;' et cependant la lésion trouvée
, .
,chez elle- était unilatérale : nous reviendrons sur ce
. point, dans .un'instante . ¡ .
1 , Dans leslfaitsÕqu ,deuxième groupe (Féré, Ou)mont,
Kirchhoff, obs. personnel le) les lésions sont identiques :
..il s'agit' constamment de foyers de ramollissement ou
d'hémorrhagie intéressant le segment du noyau lenticll-
DES LOCALISATIONS CEREBRALES. 169
laire du corps strié, capsule externe et séparant en avant
ces diverses parties des circonvolutions qui les re-
couvrent. Or, si l'on veut bien se reporter au schéma
de la coupe frontale de Pitres, c'est-à-dire passant par
la circonvolution frontale ascendante, et figurer sur ce
schéma une lésion analogue à celle que nous venons
de décrire, on verra que toujours la lésion intéresse le
faisceau frontal inférieur, c'est-à-dire le faisceau se
détachant du pied de la frontale ascendante.
Ainsi, de même que les lésions du faisceau pédiculo-
frontal inférieur (sous-jacent à la troisième frontale) se
traduisent par de l'aphasie, de même les lésions du
faisceau frontal inférieur (sous-jacent à la frontale
ascendante) se traduisent par le syndrome clinique de
la paralysie labio-glosso-laryngée.
Le faisceau frontal inférieur renferme donc les fibres
cérébrales de l'hypoglosse et du facial inférieur ; il
contient de plus les fibres cérébrales de la branche
motrice du trijumeau, car il est dit dans les observa-
tions .d'Oulmont, de Barlow et de Magnus « que le
malade avait de la peine à écarter les mâchoires ».
Les lésions de ce faisceau, qui donnent lieu au
tableau clinique de la paralysie glosso-labiée, sont le
plus souvent bilatérales. Deux fois seulement (cas de
Magnus et de Kirchhoff), la lésion était unilatérale et
occupait l'hémisphère droit. Pour expliquer la bilatéra-
lité des symptômes avec l'existence d'un seul foyer,
Kirchhoff a émis l'hypothèse que les deux moitiés du
corps sont représentées dans chaque hémisphère par
deux ordres de fibres, des fibres directes et des fibres
croisées. Les fibres croisées seraient habituellement
seules utilisées et l'un des hémisphères (comme cela
170 PATHOLOGIE NERVEUSE.
a ·lieu pour le langage), se trouverait seul chargé de la
fonction. Si cet hémisphère vient à être lésé, ses fonc-
tions sont abolies, et alors apparaissent les symptômes
de la paralysie glosso-labiée.
Ce mémoire était à l'impression lorsque nous avons
trouvé dans The Brain (juillet 1882), un travail de
Ross sur le même sujet. Le travail de Ross contient
quelques faits nouveaux de paralysie glosso-labiée céré-
brale, dont nous allons donner la traduction résumée :
. l'
1° Cas de Frédéric Jolly (Archiv. (ÜI' Psychiatrie, Band III,
1872, p. z Sclérose dissiminée ayant présenté pendant la
vie tous les symptômes d'une paralysie bulbaire progressive.
A l'autopsie, pas de lésions dans les noyaux bulbaires; mais
plaques de sclérose dans les corps calleux, sur les parois des
ventricules latéraux; une petite plaque de sclérose fut observée
dans chaque capsule, ainsi qu'une dégénérescence descendante
à travers le pont, la moelle allongée et les cordons pyramidaux
de la moelle. La localisation de la lésion capsulaire n'est mal-
heureusement pas indiquée.
2° Cas defJisenlobr. (Archiv. fïir Psychiatraé,l3andIX, 1878,
p. 43.) - Homme de soixante-treize ans. Pendant les trois der-
nières années delà vie, faiblesse croissante des membres infé-
rieurs, et articulation des mots de plus en plus difficile. Paralysie
faciale inférieure double, parole à peu près indistincte; mais
mouvements de la langue conservés et déglutition intacte. -
A l'autopsie, cavité kystique, dans la partie antérieure de
chaque corps strié (noyau'lenticulaire). Pas de lésions (à l'exa-
men macro et microscopique) de la protubérance, du bulbe et
de la moelle. ' "' l' ' "' ' ,
. 1 '<" 1 '11tHJ 1 -
3° Cas de Ross : · (Diseases ofuhe nervous System; vol. II,
p. 126.) Homme de quarante-neuf ans (service dur Leech;
infirmerie royale de Manchester) : . A son admission, plus d'ex-
pression faciale, faiblesse des lèvres, impossibilité de siffler,
de tirer la' langue, de l'appliquer contre le palais, de la creuser
en gouttière. Pourrait. prononcer les consonnes séparées, mais
DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 171 1
non les syllabes et les mots entiers. Ecoulement de la salive
hors la bouche, gène de la déglutition, diminution des réflexes.
Parésie générale. A l'AUTOPSIE, kyste dans chaque noyau len-
ticulaire Pas de lésions de la capsule interne. Pas d'examen
microscopique.
4° Cas de Ross (Mémoire cité du Brain.) Henri H..., qua-
rante ans. Attaque avec perte de connaissance incomplète, à
laquelle avait succédé une paralysie du membre supérieur
droit, et la perte de la parole. Trois semaines plus tard, le ma-
lade pouvait se servir de son bras droit et s'exprimer sans dif-
ficulté. Cependant, sa parole restait encore un peu embarrassée
et indistincte. - Etat actuel : Faiblesse plus grande de la main
droite et diminution des réflexes. Paralvsie faciale inférieure
droite. Pas de déviation de la langue. Pas d'aphasie, mais pa-
role difficile, épaisse et indistincte. Légère gêne de la dégluti-
tion, passage des liquides dans les voies aériennes. A quelque
temps de là, le malade revient avec une parésie croissante des
membres inférieurs, diminution de la sensibilité dans ses di-
vers modes, exagération du réflexe patellaire, trépidation spi-
nale.
A l'AUTOPSIE, deux noyaux kystiques dans la partie anté-
rieure du noyau lenticulaire gauche (2e et 3e segments), l'un
d'eux s'étendant jusqu'au genou de la capsule interne. Petite
cavité dans la partie antérieure du noyau lenticulaire droit,
n'empiétant pas sur la capsule. Ramollissement de la moelle,
à l'oeil nu, jusqu'à la région lombaire. A l'examen microsco-
pique, dégénération dans les pédoncules, le pont et le bulbe.
Dans le pont, les fibres dégénérées sont situées près du raphé
médian. Noyaux bulbaires sains. '1 i
5° Cas de Ross. (Mémoire cité du Brain.) - Homme de
trente-quatre ans. En juin 1881, le malade étant en train d'é-
crire, éprouve dans les doigts de la'main droite une crampe
qui remonte le long du membre .' Pas ' de perte de connais-
sance, mais trouble du langage, ne pouvant prononcer que des
fragments de phrases. En même temps, céphalée qui dure une
demi-heure, engourdissement dans la main droite et le bras
pendant six heures. Au bout de trois jours, le langage se réta-
blit complètement. Vers la fin d'octobre, troubles du côté de
la miction, l'urine s'écoulant goutte à goutte. Le 6 novembre,
affaiblissement des membres inférieurs qui va jusqu'à la para-
17 pathologie NERVEUSE.
plégie. Le 25 décembre, nouvelle attaque avec perte de con-
naissance suivie de troubles mentaux qui durent deux semaines.
Actuellement homme d'apparence robuste, paraplégie com-
plète, exagération des réflexes rotuliens, pas de trépidation du
pied, légère atrophie- des muscles du mollet et des péroniers,
diminution de la sensibilité sous toutes ses formes jusqu'à un
pouce de l'ombilic, incontinence d'urine et des matières, es-
chare au sacrum. Paralysie faciale inférieure droite (l'orbicu-
laire parait atteint). Pas de paralysie linguale. Le malade
prononce bien les syllabes séparément, mais prononce mal
un mot tant soit peu long. Affaiblissement des réflexes pha-
ryngiens.
A l'AUTOPSIE, petite cavité kystique dans le noyau lenticu-
laire gauche, entre le genou gauche de la capsule interne.
Pas de dégénérescence appréciable à l'oeil nu dans les pédon-
cules. Ramollissement marqué de la substance blanche de la
moelle, dans la région dorso-lombaire. A l'examen microsco-
pique, pas de lésions dans le bulbe ; myélite transverse dans
là régi'on 'dorà-Ion1baire\. 1 '' ' l '1' -" 1. l (
Il 11 >l'l a u1 b 1 U J 1 .1. I
Comme on le .voit, dans îles cas qui précèdent, à
l'exception du cas de Frédéric Jolly, la lésion trouvée
à l'autopsie siégeait toujours dans le noyau lenticulaire
du corps strié, . le plus souvent à la partie antérieure. Les
faits rapportés) par Rossqse, rapprochent donc beau-
coup des. nôtres, puisqu'ils ont.. lai' même localisation
anatomique. 1111'111 n, i et , ? (AsMwe.)
PATHOLOGIE GENERALE
11,1 1 LA FAMILLE ËVROPATHIQUE' :
)fil, 1,A FA111,1,E Ni'VIIOPATIIIQUE',
ixiip r.
, . 't Par Cii. 1FÉIIL. 1
i.ilii ./il z / . ? l' 1 ,
- )tIW '·J ) -i VII., - ..1 .1 , ,
flul '1 >q d i i in , '" 1 -
il Laye' famille névropathique, ainsi constituée en
groupe naturel, est loin d'être ' isolée ' des autres ? J.ad' l " , 1 J ¡ , f , If'l 1
groupes pathologiques. Elle a des rapports,. fréquents
avec les arrêts de dévéloppement, avec les malforma-
tions; `elleest en outre intimement liée, avec les dégé-
nérescences'et avec' les maladies de la nutrition-.
^Parmi les affections' congénitales' du 'Système ner-
veux que l'on'voit'se combiner/ -soit dans via famille,
soit ''chez1' les' sujets' eux-mêmes, avec les « affections
nerveuses 'que nous' 1 avons.lpasséesl en'revue, il' faut
citer la cécité congénitale, le daltonisme et'surtout la
surdi-mutité ".
Les malformations congénitales d'autres parties du
corps, le bec-de-lièvre, le pied-bot, le strabisme, etc.,
coïncident fréquemment avec certaines formes de
dégénérescence du système nerveux, notamment avec
l'idiotie, soit chez l'individu soit dans la famille. Mais
un fait moins connu, c'est que les névropathies
' Voir Archives de Neurologie, t. VII, p. 1.
' leur. - De la surdi-mutité. Thèse, 1881, p. 1- ? .
174 pathologie générale.
peuvent donner naissance à des anomalies de for-
mation. M. Ollivier rapporte l'exemple d'une fille
hémimèle, dont le père était épileptique et le grand-
père apoplectique ? On a noté l'hérédité combinée et
la coïncidence des psychoses et des hernies qui,
congénitales ou acquises, résultent toujours d'un vice
de développement que l'on pourrait considérer comme
un phénomène de réversion atavique', de même que
la descente tardive des testicules. Le phimosis congé-
nital* se rencontre fréquemment chez les sujets at-
teints de troubles mentaux ou hystériformes. Nous
avons noté plusieurs fois l'existence d'un double tour-
billon des cheveux, trace d'une anomalie de dévelop-
pement dé l'extrémité céphalique du canal vertébral *,
chez dés épileptiques et des aliénés. Il n'est pas rare
de voir, dans les deux sexes, les anomalies du sys-
tème pileux, par excès ou par défaut, coïncider avec
des troubles nerveux ou psychiques.
Ireland rapporte deux généalogies dans lesquelles
on voit l'albinisme cotover l'idiotie 6. Le même auteur
1 , , t 1 #1 hi I,i
signale le coloboma de l'iris' chez quelques idiots.
Relevons aussi la' coïncidence des vices d'implanta-
. l'If 1 > f ' , j i J j 1 ' .
tion et de la caducité des dents chez ces mêmes sujets
(B' 'Il')' \11111 ,JI' . " ,
(Bourneville).
ni ,1", 1 yn,4 mi J' · "1" 1 i
.' Ulîl;^ ? 1('1 "r ? î ' l ' -
1 A. Ollivier. - Su la pathogénie des vices de conformation, (Huit.
Soc. anthiop., 1878; p. t50.) 1 , , - Il . , , 9
'Iretand. 7'/te ! ou;' ? t. o/'(yaeatlecience,1881, t. XXVII, ,131.
J 11 i . ', i « . 1 1 1,. ' ' ' . ; ; i i '
3 Ch. Féré. - Etudes sur les orifices herniaires et les hernies, etc.
(Revue mensuelle rle`méd. et di{ chi2 ? 1879, pp : : i;3 à 557.) > W
. Fleury. Traité thérapeutique et clinique d'hydrothérapie, 4a 6dit.
1875, p. 1055. ..I n
5 Cil. Féi'é. Nouvelles recherches sur la topographie crtinio-oArébrale.I
Revue fl'anlhrop., 1881, p. 483.) ? , IJ"'I'" Il 1; -. , , 1 ,,
» Ireland. On idiocy and imbecility, 1877. Londres, p. 101.
LA FAMILLE \VltUY1'l'111yUli. 177
Le bégaiement consiste en une répétition ou une
suspension convulsive de certaines syllabes. Les
mouvements vicieux de la langue, des lèvres et des
muscles respiratoires s'accompagnent souvent de con-
vulsions des muscles étrangers à la prononciation, des
muscles de la face, des bras et même des jambes, et
coïncide fréquemment avec le strabisme, etc. Ces
associations convulsives qui s'exagèrent encore sous
l'influence de l'émotivité si commune chez les bègues,
montrent qu'il ne s'agit pas d'une anomalie de déve-
loppement localisée et accidentelle, mais d'un état
névropathique qui a des racines profondes dans la
constitution, et qui mériterait d'être classé parmi les
névroses. On le rencontre souvent à des degrés va-
riables chez les sujets atteints d'affections nerveuses
ou dans leurs familles... , 1 1 ,
VIII.
a ' "
Le groupe psychopathiqueen particulier a été depuis
longtemps relié aux affections scrofuleuses et tuber-
culeuses, au rachitis. « Aliénés, idiots, scrofuleux,
rachitiques, en vertu de leur commune origine, de
certains caractères physiques et moraux, doivent être
considérés comme les enfants d'une même famille, les
rameaux divers d'un même tronc», dit Moreau (de
Tours). La fréquence de la scrofule chez les idiots
et les imbéciles, chez les épileptiques, avait aussi été
relevée par Lugol.
Esquirol avait remarqué la fréquence de la phthisie
chez les aliénés. M. Dupouy, dans son intéressant tra-
176 rA'l'HOLOGIE GENERALE.
vail', a aussi surtout mis en relief la coïncidence de
la scrofule et de la phthisie; il ne cite que quelques
observations de cancer et d'arthritisme. M. Baillarger
avait cependant déjà reconnu la parenté du rhuma-
tisme avec les névroses en général.
L'arthritisme en effet coïncide fréquemment avec les
névropathies. On rencontre souvent chez les nerveux
et dans leur famille le rhumatisme, la dartre et plus
souvent la goutte.
Le rhumatisme en particulier est souvent lié à l'hys-
térie 2 : quelquefois il détermine la production des ma-
nifestations hystériques 3 et les deux maladies peuvent
marcher de pair sans s'influencer l'une l'autre \
C'est surtout avec la chorée que le rhumatisme
affecte des liens étroits (Bouteille, Sée). Toutefois
le rhumatisme ne saurait être considéré comme
cause primordiale de la chorée; il joue, en raison
de sa parenté pathologique avec la diathèse névropa-
thique, le rôle d'un excitant particulièrement actif de
la prédisposition. Ce que fait le rhumatisme, le trau-
matisme peut le faire dans certaines circonstances
(Bouchut).
Les encéphalopathies rhumatismales se manifestent,
on pourrait peut-être dire exclusivement, chez les su-
z Dupouy. Recherches sur les maladies constitutionnelles et diathe-
siqups dans leurs rapports avec les névroses et principalement avec la
folie. (AmI. méd. psych., 4e série, 1866, t. VIII, p. 21 et 201.)
2 Durand. - Contrib. à l'élude des relations entre l'hystérie et le 7-hu-
matisme. Thèse, 1808. ·
3 leude. Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu de Roveza, 187'" p. 123.
Repéré. Des manifestations hystériques simulant le rhumatisme céré-
bral. Thèse, 188a
4 Ch. Féré. - Notes pour servir à l'histoire de l'lzsléro-éhilepste. (Arch.
de Neurol., 1882, t. III, 1). 16 ! ).)
LA FAMILLE NÉVItOF.l1'131,\,UE. 177
jets atteints de névropathies ou au moins d'une prédis-
position héréditaire. Le rhumatisme réveille la dia-
thèse nerveuse qui se traduit par des manifestations
convulsives ou délirantes (folie rhumatismale de Bur-
rows, Griesinger, Mesnet), suivant la prédisposition
spéciale du sujet. On peut en dire autant des localisa-
tions médullaires.
M. Lancereaux en passant en revue les affections
névropathiques, névralgies, viscéralgies, etc., qui
accompagnent si fréquemment les manifestations de
Yherpétisme, tenant compte de la prédominance dans
les lièvres des'accidents névropathiques chez les her-
pétiques ; considérant'l'hérédité; la' symétrie "des lé-
sions cutanées, etc ? en arrive à cette conclusion, peut-
être prématurée, que' l'herpétisme"est le 'fait 'de
troubles de l'innervation sensitive, motrice, mentale,
vaso-motrice et que, partant, il constitue une névrose
complexe '. '' 1 '
, , . . i 1 ,
IX. ' ' ? ' "1 '
. , i ""1 u
Mais c'est surtout dans la goutte que les troubles'
nerveux sont fréquents;'et'its méritent de fixer plus
particulièrement notre attention ! ' Ils peuvent'se mani-
fester comme symptômes prémonitoires de l'accès de
goutte, ou rester tout à fait indépendants des accès, se
montrer comme des phénomènes de la goutte anormale,
abarticulaire; d'autres au contraire succèdent à l'accès
de goutte, et se développent de préférence lorsque
l'évolution de l'affection articulaire a été troublée, soit
.
1 La.ncHre.tux. Traité de l'herpe Usine, 1883, p. 27a.
.\.IIClIl\ L5, t. Vil. 11
178 PATH0LOU1E GENERALE.
accidentellement par un refroidissement subit, soit par
une intervention intempestive. Ces derniers font partie
du groupe si divers des accidents de la goutte rétro-
cédée. Ces métastases, d'autant plus fréquentes que la
goutte est plus ancienne ', sont les plus redoutables
par leur brusquerie et leur intensité ; la mort peut en
être la conséquence.
Ces troubles peuvent affecter le système nerveux
central et périphérique dans toutes ses fonctions : mo-
tilité, sensibilité générale spéciale, intelligence.
M. Charcot fait remarquer que toutes les formes du
rhumatisme cérébral, la céphalée, le délire aigu, la
folie enfin se trouvent à peu près exactement repro-
duites dans la goutte '.
Parmi les troubles prémonitoires, on rencontre fré-
quemment le vertige qui se présente à des degrés très
variables ; quelquefois il est assez intense pour offrir
le grand appareil du vertige labyrinthique comme
M. Bouchard en a observé des exemples. Lasègue pen-
sait qu'il faut rapporter au rhumatisme et à la goutte
tous les cas de vertige dit stomacal 3. M. Da Costa'
fait jouer au vertige un rôle prépondérant parmi les
symptômes nerveux dus à la lithémie.
A côté du vertige, il faut placer parmi les troubles
prémonitoires' : la gastralgie, l'irritabilité de la vessie;
la migraine que Bazin range parmi les phénomènes
1 E. Chauffard. Parallèle de la goutte et du rhumatisme, 1857, p. 23.
= Garrod. Traité de la goutte. Edition française, 1867, p. 386.
3 Belliard. Des manifestations cérébrales de la gorztte.'llzèse,1883, p.8.
* Da Costa. T'he nervous symptoms of lithoemia. (Arne,'ican jour, o/'
nzed. se, october 1881.)
5 Gastowtl. Des accidents prémonitoires de la goutte. Thèse de
Paris, 1878.
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 179
propres de l'arthritisme est surtout fréquente. L'asthme
se rencontre très fréquemment chez les goutteux' ;
il précède souvent les manifestations articulaires, ou
alterne avec elles (Trousseau, Vigla, Bazin, etc.).
Avec l'asthme, il faut citer les palpitations nerveuses,
survenant surtout la nuit, avec douleur rétrosternale,
et l'angine de poitrine.
Parmi les névroses qui se rattachent quelquefois à la
goutte, il faut compter l'épilepsie. Des cas de ce genre
ont été rapportés par Van Swieten, Lyncha Legrand
du Saulle 3. Spencer Vells toutefois professe que les
affections convulsives ne sont pas fréquentes dans la
goutte, et que si quelquefois elles simulent l'épilepsie,
il n'y a pas d'aura ; les attaques seraient seulement pré-
cédées pendant plus ou moins longtemps de tinte-
ments d'oreilles, de mouches volantes, etc. Dans
quelques cas la nature goutteuse de l'affection con-
vulsive est des mieux démontrée par sa disparition,
au moment où se manifestent les douleurs articulaires
(Lynch, Legrand du Saulle, etc.).
A côté de la coexistence de l'épilepsie et de la
goutte chez le même sujet, il faut citer la combinaison
des deux maladies dans les familles.
Observation L ? IIII. -NI.114..., agé de vingt ans, ade grandes
attaques nocturnes depuis l'âge de neuf ans. On ne trouve
1 G. Sée. - Asthme. (Nouv. Dict. de méd. et de chier. prat., t. III, 1865,
p. 645, 662, 664.) N. Guéneau de Mussy. - Clinique médicale, t. I,
p. 293. - J. Simon. - Gaz. hebd., 1869, p. 362, etc.
1 Lynch. Some 2-e ? iia-lis on metastasis to the brain in goût and other
rliseaxes. (Dublin quart, journ. of med. se, 1856, p. 276.)
3 Legrand du Saulle. Gaz. des hOp., 1868, 31 octobre.
* Spencer Wells. - l'racticulobs. on flout and tts complications. London,
1854, 1). 126.
180 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
aucun antécédent nerveux dans la famille, mais il y a un oncle
et un grand-oncle goutteux et une grand'mère atteinte de
gravelle et d'eczéma.
Observation LXXIV. - Mn'e A..., cinquante ans. - Mère
nerveuse sans crises. Elle a eu une chorée très forte vers douze
ans, deux attaques de rhumatisme articulaire aigu à quinze et
à trente ans. Depuis quatre ans, attaques comitiales nocturnes
revenant toutes les cinq ou six semaines; de temps en temps,
absences avec mâchonnement. Aurait eu un accès de goutte il
y a un an.
Observation LXXV. 111 ? V..., trente-trois ans. Mère
graveleuse ; deux oncles maternels atteints d'angine de poi-
trine. Elle a de temps en temps des douleurs dans les gros
orteils et rend souvent du sable dans les urines. Elle avait eu
quelques absences dans sa jeunesse. De trente à trente-deux
ans, elle a été sujette à des crises convulsives, surtout noc-
turnes, avec morsure de la langue. M. Charcot la traita par
le bromure, et les attaques ont disparu bien que, depuis un an,
elle n'ait plus pris de médicaments.
Observation LXXVI. - M. D..., cinquante et un ans. Con-
vulsions à la suite d'une rougeole à six ans. - Epileptique
depuis l'âge de trente-neuf ans. - Grand-père paternel et
père gout : eux ; tante maternelle folle, suicidée. Deux soeurs
rhumatisantes chroniques. Un frère faible d'intelligence aurait
eu une lièvre cérébrale ( ? ) à douze ans.
La diathèse urique, d'après M. Charcot', peut chez
les femmes se compliquer d'accidents hystériformes.
C'est sans doute à cet ordre de faits que Trousseau
fait allusion lorsqu'il dit que certains états vaporeux,
que l'on confond avec des accidents hypochondriaques
ou hystériques, sont quelquefois jugés par des attaques
de goutte articulaire$. M. Fouqué, dans sa thèse % rap-
1 Charcot. Leçons cliniques sur les maladies des vieillards, 2e édit.,
1874, p. 65. -
' Troûsseau. - Clinique de l'Hôtel-Dieu, t. III, p. 365.
3 FouqUH. Elude clinique sur quelques spasmes d'origine lujstè-
rique. Thèse de Paris, 1880.
L FAMILLE NÉVROPATHIQUE. <8)
porte un cas de coexistence de la goutte et de l'hys-
térie, et M. Mossé ' a rapporté l'histoire d'un enfant
de dix ans et demi, d'origine goutteuse et qui pré-
sentait des attaques hystériformes. D'après Laycock,
les phénomènes hystériques pourraient alterner avec
les accès de goutte. Des phénomènes hystériformes,
boule, clou, peuvent se rencontrer chez les goutteux
mâles.
Stoll, Barthez, Guilbert auraient observé des faits de
chorée dite goutteuse ; la perte de coordination du
mouvement des membres supérieurs et inférieurs avec
démarche ataxique signalée par Russell Reynolds ap-
partient peut-être à ce groupe défaits*.
Parmi les accidents de la goutte rétrocédée, Scuda-
more cite le spasme du diaphragme et des muscles
abdominaux.
M. Duckworths rapporte que M. Buzzard a vu chez
un goutteux une excitabilité électrique anormale du
médian avec spasme de la main et difficulté de l'écri-
ture ; un traitement anti-goutteux fut suivi de guérison.
Graves a signalé chez les goutteux ul,e espèce de tic
qui consiste en un grincement particulier et presque
continuel des dents qui finissent par être usées par le
frottement. Ce tic n'est pas spécial aux goutteux, on
le rencontre quelquefois dans la paralysie générale;
1 A. Mossé. - Contribution Il l'étude de l'hystérie chez l'homme. Mont-
pellier, 1883.
1 Laycock. Treatise ofthe nervous diseases of wonzerc., 1840, p. 163.
3 Russell Reynolds.- Brit. med. Journ., 1877, t. Il, p. 842.
. a Scudamore. - A tnratise on tle nature and cure of gout and gravel,
etc., 41 édit. London, tS23, p. 499. '
'Dyce Durkworth. -On 1tIICquivocal,qonty disease (Sainl-Bartkolomew's
hosp. Reports, t. XVI, p. 207).
182 pathologie générale.
il n'est pas rare pendant le sommeil chez les sujets
nerveux, principalement les enfants. Nous avons pu
voir à la Salpêtrière, une vieille femme qui était épi-
leptique seulement depuis dix ans et qui, depuis deux
ans, avait ce même grincement de dents qui se ma-
nifestait d'abord par accès, puis était devenu conti-
nuel, à tel point que la malade était obligée de se
mettre un chiffon entre les arcades dentaires pour
n'être point empêchée de dormir par le bruit qu'elle
faisait. M. Delasiauve' cite deux faits de grincement
de dents parmi les signes précurseurs de l'attaque
d'épilepsie.
Nous avons observé une fois la combinaison chez
le même individu de la goutte et de la paralysie agi-
tante.
Observation LXXVII. M. J. G..., quarante-six ans, héré-
dité névropathique (père sujet à de violentes colères ; mi-
graineux, atteint plusieurs fois de sciatique), a eu un
premier accès de goutte à l'âge de trente-trois ans. Les dou-
leurs articulaires ont débuté par l'articulation métatarse-
phalangienne du gros orteil droit.Il y a trois ans, il commença
à trembler de la main droite, puis de la jambe. Aujourd'hui il
a de la raideur du cou, de l'immobilité des traits, de la lenteur
delà parole. Son écriture est petite et tremblée. '
; M. Lhirondel a noté plusieurs fois la coexistence
de la goutte et de la paralysie agitante dans la même
famille.
Parmi les troubles dits métastatiques que l'on voit le
plus souvent se produire à la suite d'application de
froid sur les jointures affectées, d'un accès de colère,
1 Delasiauve. - Traité de l'épilepsie, 1854, p. 48.
la famille MÉVROPATHIQUE. 183
d'une impression subite quelconque ' d'excès de tra-
vail cérébral, on cite les congestions cérébrales fu-
gaces, avec céphalalgie, vertige, perte de connaissance.
Les observations d'apoplexie goutteuse rapportées
par Scudamore, Lynch, Gairdner2, Musgrave3, Guil-
bert\ etc., nous paraissent devoir être séparées des
manifestations nerveuses de la goutte, parce qu'elles
sont attribuables à des lésions vasculaires et non à des
troubles spontanés du cerveau. Il en est cependant d'in-
téressantes : Darnay5 raconte qu'il fut pris d'une attaque
apoplectiforme quelques jours avant l'apparition d'un
tophus auriculaire. Ce sont surtout ces accidents apo-
plectiformes ou congestifs que l'on voit se substituer
à la goutte articulaire, -disparaissant subitement soit
par application de froid, soit à la suite de médications
intempestives 6. Copland, Lynch citent des cas où l'état
apoplectiforme cessait quand les douleurs articulaires
réapparaissaient. Ces suppressions brusques semblent
indiquer que, dans un certain nombre de cas au moins,
ces phénomènes sont dus à de simples troubles dyna-
miques. L'hémiplégie accompagne quelquefois ou suit
ces accidents apoplectiformes qui peuvent se terminer
par la mort.
Gairdner7 rapporte un cas d'aphasie remplacée par
1 Turck. Traité de la goutte et des maladies goutteuses. Paris, 1837,
p. 24.
Gairdiier. - On gout, its history, ils cause and ils cure, 40 édit. Lon-
doit, 1856.
' Musgrave. De arlhritide anomala. Genève, 1736.
' Guilbert, De la goutte. Paris, 1820.
n Darnay. Contrib. à l'eturle de la goutte. Thèse, 1874.
o Potton. De la goutte et du danger des traitements empiriques,
etc., 1860.
1 G,virdner. - On gout, 41 édit. London, 1860, p. 70, 88.
18t pathologie générale.
un accès de goutte articulaire. Il fait remarquer que
les nerveux héréditaires sont plus sujets à ces sortes
d'accidents, et il dit que quand les troubles cérébraux
se manifestent, on trouve généralement que les sécré-
tions rénales et hépatiques sont totalement ou partiel-
lement supprimées. M. Charcot' a eu aussi l'occasion
plusieurs fois d'observer l'aphémie chez les goutteux ;
et, dans quelques cas, il a vu cet accident ne se mon-
trer qu'au moment des accès de goutte. Lynch rap-
porte deux faits analogues, dont l'un d'eux, le trouble
de la parole, s'accompagnait de convulsions momen-
tanées du côté droit de la face.
Garrod cite un cas de paralysie faciale ayant cessé
au moment où apparaissait un accès de goutte ré-
gulière.
La folie goutteuse a été signalée par Whytt, qui
rapporte plusieurs faits de manie arthritique. Lorry',
Lynch, Garrod rapportent des cas de folie s'étant ma-
nifestés à la suite d'un accès de goutte ayant cessé
tout à coup, ou qui avaient disparu par la réap-
parition des douleurs. Plusieurs auteurs font men-
tion d'attaques de goutte alternant avec des accès
d'aliénation mentale (Dagonct) 4. Berthier admettait
que toutes les formes de la folie peuvent se montrer
chez les goutteux 5, et Rayner arrive à peu près aux
1 Malherbe. Des affections viscémles dans la goutte et le rhumatisme
chroniques. Thèse de Paris, 1866, p. 45.
2 Garrod. - Traité de la goutte. Edit. Charcot-Ollivier, 1867, p. 582.
3 Lorry. De proecipuis 111OI'borum nautationibus el conuersimaiGus. Paris,
1784, p. 280.
4 Dagonet. - Traité élémentaire et pratique des maladies mentales,
1862, p. 210.
s Berthier. - Les névroses diathésiques, 1875.
LA FAMILLE NÉVROPATIUQUE. 1S3
mêmes conclusions'. La goutte rétrocédée donnerait
surtout lieu aux formes aiguës, surtout à la manie,
quelquefois à la paralysie générale (Rayner). Dans la
goutte chronique, on observerait des hallucinations
sensorielles et la mélancolie.
Les accès de manie qui se développent en consé-
quence de la cessation brusque des douleurs articulai-
res cessent aussi ordinairement d'un façon inopinée
quand les jointures sont prises de nouveau.
Le trouble mental le plus fréquent chez les goutteux
est sans contredit l'hypochondrie, qui peut aller jus-
qu'au penchant au suicide. Des faits de ce genre ont
été signalés par Lynch, par Peter lIood E, Guilbert,
etc. Nous avons connu un goutteux qui avait des
accès de dépression hypochondriaque précédant pen-
dant quinze jours les accès articulaires et cessant avec
ces derniers; il a un fils non goutteux, mais hal-
luciné. Au lieu d'hypochondrie, on voit souvent chez
les goutteux une sorte de torpeur intellectuelle, d'obtu-
siou habituelle des facultés qui peut se dissiper à un
moment donné, de telle sorte que la validité des actes
volontaires ne peut être contestée 3. Quelquefois cet
état de dépression générale s'accompagne de malaise
général, de peur de la mort, de la folie, de l'empoi-
sonnement, une nosophobie universelle.
La mélancolie proprement dite se rencontre aussi
quelquefois`. Son origine goutteuse semble démontrée
1 Rayner. Gouty insantty (TI'ans. of the 7 ? zed. congress. or
London, 1881, t. II(, p. G40).
Péter Hood. - A Treatise of gout, 1'hll/natism, and allied affections,
London, 1871. I .
3 Tardteu. - Etude médico-légale sur la folie, 2e édit., 1880, p. 39.
4 Andrew Clark. - Report on a case of gouty nzelazzcolia (7'Aeyou)'7t. ,
186 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
par l'effet critique de l'accès articulaire, erunzhenle
podagra, solvitur nelancolia (Lorry). Lord Chatham a
souffert pendant deux ans d'une mélancolie angois-
sante, dont il guérit par le ictour d'un accès de
goutte.
M. Charcot nous a montré un malade chez lequel la
goutte paraît avoir fait place à la paralysie générale.
Observation LXXVIII. - M. A..., cinquante-deux ans. -
Syndactylie de l'annulaire et du médius gauche (un frère a la
même difformité) -Goutteux depuis dix ans (tophus aux deux
oreilles, déformation des mains ). Etait sujet à des accès qui
se reproduisaient régulièrement à peu près tous les ans, au mois
de janvier. Il y a deux ans n'eut pas de goutte ; se croyait
guéri, quand il commença à éprouver des douleurs à la tète qui,
depuis un an, sont très intenses. Puis est survenu l'embarras
de la parole ; oubli d'un mot ou d'une syllabe, tremblement
des lèvres produisant un balbutiement continuel. Pris de trem-
blement de la langue, tremblement des mains, surtout delà
droite ; écriture tremblée caractéristique ; oublie des mots et
des lettres ; il oublie une lettre dans son nom, met un n au
lieu d'une m dans le nom de sa rue. Pupilles immobiles, la
droite plus étroite. A une atrophie pupillaire qualifiée de ta-
bétique par M. Fano. Faiblesse de la jambe droite dont le
réflexe rotulien est exagéré. Pas d'affaiblissement bien notable
de l'intelligence ; il répond correctement aux questions.
Parmi les affections médullaires développées chez
les goutteux, signalons un fait d'atrophie musculaire
progressive vu par M. Potain '. Dans trois cas où il
existait chez des lithémiques des troubles rappelant
ceux de la sclérose disséminée, on aurai); obtenu
deux fois la guérison et une fois l'amélioration par un
mental science, oct. 1880, p. 343). - Clouston. Clinical lectures on mental
diseases, London, 1883, p. 456.
1 Potain. - Gazette des hôpitaux, 1878, no 48, p. 377.
LA FAMILLE NÉVROPATIIIQUE. 187 Î
traitement dirigé contre la dialhèse'. Garrod n'avait
observé qu'une seule fois une hyperesthésie des jam-
bes avec douleurs à la partie supérieure de la colonne
lombaire; mais l'autopsie ne fut pas faite, pas plus
que dans des cas analogues de Begbie et de Todd.
Graves' semble être le premier qui ait signalé des
lésions de la moelle; il parle d'un ramollisement de
la moelle sans dépôts uratiques. Albers de Bonn
cite plusieurs exemples de troubles de la motilité
et de la sensibilité des membres inférieurs, mais il
s'agissait d'arthrites déformantes chez des sujets
âgés, et comme le fait remarquer M. Ollivier, les
dépôts trouvés entre la dure-mère et les parois du
canal rachidien étaient vraisemblablement de nature
calcaire et phosphatique. D'ailleurs la plupart du
temps les productions ostéiformes du canal rachidien
chez les vieillards n'ont rien à faire avec la goutte 3.
En somme, en fait de lésion médullaire, il n'y a guère
que le cas de M. Ollivier', où la goutte puisse à bon
droit être incriminée; il s'agissait d'un foyer hémor-
rhagique au voisinage duquel la dure-mère présen-
tait des granulations blanchâtres d'urate de soude.
Les névralgies sont très fréquentes chez les gout-
teux et en particulier la migraine. Presque tous les
nerfs peuvent être pris, trijumeau, plexus brachial,
nerfs intercostaux, sciatique ; Paget, Da Costa signa-
1 Mac Bride. - The american journal of Neurology and psychology,
1883, t. II, p. 144.
, Graves. Clinique médicale. Trad. Jaccoud, 1871, t I, p. 612.
3 Ch. Féré. - Exostoses séniles du corps des vertèbres. (Ball. Soc. anal.,
1877, p. 95.)
'A. Ollivier. Contrib. à l'histoire de la goutte spinale. (Arch. dephys.
1101'111. et patch., 2<' si*rie, t. V, 1878, p. 45.)
188 pathologie générale.
lent des névralgies de la langue, du palais, de la
mamelle.
Parmi les névralgies viscérales' il faut surtout citer
la gastralgie. On a décrit des coliques nerveuses,
coliques arthritiques, que l'on a comparées à celles
des peintres'. Paget" attribue à ces névralgies en
général ces caractères spéciaux : elles sont brusques
et capricieuses, et souvent en rapport avec des troubles
de la digestion ou des écarts de régime.
A côté de ces névralgies, il faut signaler les
crampes qui précèdent ou suivent l'attaque 4 et les
picotements dans les jambes, picotements qui pren-
nent quelquefois le caractère d'élancements et pour-
raient faire penser aux douleurs fulgurantes du tabes.
Ces crampes qui, quelquefois, précèdent ces attaques
pendant plusieurs nuits, jouent un rôle important dans
la production de l'iusomuie", qui est aussi quelquefois
déterminée par l'asthme, la dyspnée, etc.
La nature goutteuse des névralgies peut quelque-
fois être nettement démontrée par les heureux effets
du traitement : c'est ainsi que Begbie rapporte
, \V. Ebstein. - Die nalur und Behw/lllu71[j der Gicht. \ViesLaden,
188,p 124.
2 lIIol1neret. - La goutte et le rhumatisme. Thèse de concours, 1831,
p. 1T.
3 J. Paget. - Clinical lectures on the nxiaor signes of goût. (Bi-itish med.
Joura., 1875, p. 665, 701, 737.)
4 C.-H. Parry. - Collection from the unpublished médical writings-
London, 1825, t. 1, p. 2'il. - Russell Reynolds. - On some affections o/
the ne,'vous sgstenz dépendent of goût. (Brilish med. jOUI'1l., 1877, t. If,
p. 28.)
5 Dyce Duckwortli. On insom711a and other troubles connectée ! willc
sleep in persans ofgoztl ! l disposition. (Brain, t. IV, 1h8 ! , p. 145.)
6 Begbie. Illustrations on goût and go ut diathesis. (Edimburgh med.
and sw'.q.jOll ? 1854. 1 j;uuarY, p. 18.)
LA FAMILLE NÉVROPATHIQUE. 18J
l'exemple d'une sciatique chez un goutteux guérie
par le colchique; et, comme plusieurs autres manifes-
tations nerveuses, on les a vues souvent cesser à l'ap-
parition d'une attaque de goutte articulaire.
Parmi les troubles sensoriels attribuables à la goutte,
on a cité des troubles de la vision. lllorgaui, Stoll,
Barthez, Guilbert, etc., parlent vaguement d'ophthal-
mies goutteuses. Scudamore rapporte un fait de perte to-
tale de la vision à la suite de la disparition subite de
la douleur articulaire; mais, en somme, la plupart des
affections dites goutteuses de l'oeil (conjonctivites avec
dépôts d'urate de soude de Robertson, leucome calcaire
de la cornée, glaucome irido-choroïdien) n'ont aucun
rapport avec les lésions du système nerveux. Pourtant,
M. Gauté 1 rattache à la goutte une rétinite spéciale
avec exsudations miliaires à contours bien limités
sur le trajet des vaisseaux. Hutchinson avait rattaché
à la goutte une rétinite hémorrhagique.
Rappelons que le diabète se rattache à la goutte par
une parenté aujourd'hui bien établie, et que les troubles
nerveux sont loin d'être rares chez les diabétiques et
offrent la plus grande analogie avec ceux qu'on ob-
serve chez les goutteux. Nous ne reviendrons pas sur
ce sujet que nous avons déjà traité dans les Archives
avec notre ami M. Bernard3. Nous dirons seulement
1 Ganté. De l'influence de la goutte sur les affections cl les opéra-
lrorzs de l'reil. 'fLèse, 1681.
'- J. Hiitcllinson. On rctuiitis hemorrhagica and its suggesled con-
ue.cious wille gout nncl ucztozcs tlcromGoszs (.Ilecl. 1'anzes aacl Ga ? IS78,
t. I, p. 401.)
, D. Bernard etCh. Féré. Des troubles nerveux observés chez les dia-
bétiques. (Arch. de Neurologie, 1S82. t. IV, p. 336. F. Dreyfous. Pa-
tkuycrzze et accidents nerveux du diabète. Thèse d'agrégation. Paris,
ISSJ.
190 PATHOLOGIE GÉNÉRALE.
que tous ces troubles nerveux qui se combinent avec
la goutte ou le diabète, soit chez le même sujet soit
dans une même famille, s'ils ne prouvent pas, comme
le veut M. Duckworth, que la goutte est une affection
du système nerveux et aussi le diabète', montrent au
moins qu'il y a des rapports assez étroits entre la
famille arthritique et la famille névropathique.
Si nous supposons un peloton de soldats du même
âge, vêtus et alimentés de la même manière, laissés
l'arme au pied au milieu d'une plaine et soumis à la
même action d'un vent glacial, tel sera atteint d'une
pneumonie, tel autre d'une pleurésie, tel autre d'un
rhumatisme articulaire , tel autre d'une paralysie
faciale, tel autre d'une sciatique, etc., la même action
banale du froid aura mis en jeu leurs différentes
opportunités morbides. Les affections aiguës ou chro-
niques n'agissent pas autrement lorsqu'elles détermi-
nent des troubles nerveux psychiques, sensoriels ou mo-
teurs ; elles ne font que mettre en relief une prédispo-
sition individuelle héréditaire ou congénitale. On peut
dire que la plupart des maladies sont susceptibles de
s'accompagner de quelque trouble nerveux chez les
névropathes. L'arthritisme n'a-t-il qu'une puissance
excitatrice particulièrement active/ Ou bien l'arthri-
tisme et la diathèse névropathiques sont-ils deux états
congénères résultant d'un trouble de la nutrition diffé-
remment spécialisé ? C'est cette dernière interprétation
que j'accepte : c'est à titre d'états de dégénérescence que
1 Dyce DuclwcortL. - A plea for the iieu2-olic iheol' ! I uf ,goul (Brain,
t. III, p. 1, 1880). -- l'our lui, l'a1 ! eclIon siégerait dans la moelle allongée,
où, d'tiptcb les laits de il. liuziurd (drthl'opalllle" ataxiuues et crises gas-
triques) , on pourrait placer le centre tropliiue des jointures.
DE L'HSJIIATROPHIE DE LA LANGUE. 191
la névropathie, la scrofule, la tuberculose, l'arthri-
tisme, etc., se trouvent diversement combinés dans les
familles; et, dans certaines conditions, leurs manifes-
tations se transforme : ! t ou s'excitent réciproquement.
CLINIQUE NERVEUSE
DE L'11G111.1'l'ltOl'Illh : DE LA LANGUE DANS LE
TABES DORSAL ATAX1QUE;
Par le Der GILBERT BALLET, ancien chef de clinique de la Faculté.
L'atrophie de certains groupes musculaires n'est pas
un fait absolument rare au cours de l'ataxie locomo-
trice progressive. Duménil (de Rouen), Virchow,
Marrotte, Friedreich, Leyden, Foucard, Laborde,
Pierret eu ont rapporté des exemples, et depuis les
publications de ces auteurs ', il est bien peu de méde-
cins, habitués à la fréquentation des ataxiques, qui
n'en ait rencontré plusieurs cas. M. Charcot a insisté
naguère sur les amyotrophies des tabétiques, qui
avaient échappé au génie d'observation de Duchenne;
il a été l'un des premiers à mettre en relief leur fré-
quence relative et leurs caractères propres.
. L'atrophie musculaire des ataxiques « ne présente
pas, dit notre maître, le mode régulier d'envahissement
1 Pour les renseignements bibliographiques, voir : Charcot. Leçons
sur lre maladies du système nerveux, t Il, p. 233.
192 CLINIQUE NERVEUSE.
non plus que la marche pour ainsi dire fatalement
progressive, propres à l'amyotrophie progressive.
Parfois disséminées sur les parties du corps les plus
diverses, les lésions musculaires restent d'autres fois
limitées à des régions très circonscrites, au pied, par
exemple (Friedreich), à la jambe (Leyden), au dos
(Leyden, Friedreich), à la nuque (Leyden), où elles
peuvent n'occuper qu'un seul muscle ou même une
partie d'un muscle. Si les éminences thénar et hypo-
thénar sont quelquefois affectées (Foucart), elles
restent, dans un grand nombre de cas, parfaitement
normales. Souvent les muscles des membres inférieurs,
frappés d'incoordination motrice, sont seuls envahis
(Laborde, Duménil). Dans le cas recueilli dans mou
service par M. Pierret, ajoute M. Charcot, l'atrophie
portait à la fois sur toute l'étendue du membre supé-
rieur et du membre inférieur d'un même côté ».
Or, parmi ces amyotrophies, il en est une dont la
localisation est assez curieuse, et qu'il importe de
connaître si l'on veut éviter de faire fausse route en
présence de certains cas de tabes d'un diagnostic
difficile. Nous faisons allusion à l'anaJotoh7aie de la
langue, ou plutôt à l'hémialrophie.
M. Charcot a vu plusieurs fois l'ataxie locomotrice
s'accompagner de cette lésion, souvent dès la première
période de son évolution, si bien qu'il considère l'hé-
miatrophie linguale comme un syndrome révélateur,
qui, sans être, bien entendu, propre au tabes, doit faire
songer à cette affection chaque fois qu'on la rencontre.
Nous avons été à même d'observer à la Salpêtrière
plusieurs cas d'hémiatrophie de la langue chez des
ataxiques, et nous avons, sur les conseils de notre
DE L'III3)11.-11'ROL'HIE DE LA LANGUE. 193
maître, saisi l'occasion que ces faits nous offraient,
d'appeler l'attention sur une manifestation trop peu
connue du tabes dorsal.
. C'est qu'en effet l'hémiatrophie de la langue n'occupe
pas, dans les descriptions classiques de l'ataxie, la
place à laquelle elle nous semble avoir droit. La plupart
des auteurs ne la signalent même pas. Il faut cepen-
dant faire exception pour quelques-uns, notamment
pour M. Erb (Compendium de Ziemssen) qui l'indique
en passant ; pour 1\1. Grasset' et pour 31. Ross ' qui
la mentionnent. « Accidentellement, dit M. Ross,
l'a taxie locomotrice se complique aune période relati-
vement précoce de l'atrophie de certains muscles...,
notamment de ceux d'une moitié de la langue. »
En 1875, M. Cuffer a communiqué à la Société
de biologie un cas de cet ordre fort intéressant, et
dont nous rappellerons tout d'abord ici les principales
perticularités 3. II s'agissait d'un malade du service de
M. Alillard à l'hôpital Lariboisière, atteint de paralysie
bulbaire avec hémialrophie de la langue, dans le cours
d'une ataxie locomotrice. « La sclérose des cordons pos-
térieurs de la moelle paraît avoir débuté, il y a huit ans;
après une rémission de quatre années, les symptômes
se sont accentués, la maladie s'est parfaitement
caractérisée; incoordination des mouvements sans
paralysie ni contracture. A l'entrée du malade à
l'hôpital on constate tous les signes de l'ataxie et, de
plus, un commencement d'atrophie des muscles de l'é-
' Grasset ? 5·aite ywatigue des maladies du système nerveux. Paris, 1881.
, Ross. - The diseases of the ne,'vous syslems, t. H, p. 233.
1 Voir : Compte rendu de la Société de biologie. Séance du 12 juin 1875, il !
Pruqrès médical.
L. t. VII. 13
19 le CLINIQUE Nh¡t\ BUSB.
minence thénar de la main droite. Cette atrophie de la
main a débuté, au dire du malade, il y a dix-huit mois,
en même temps que se sont montrés des troubles de
la vision, de' la perversion des fonctions génitales.
Deux mois après, le malade a éprouvé de l'embarras
de la parole. En examinant la langue, on voit qu'elle
est manifestement atrophiée du côté droit. Ce côté
atrophié présente la forme de circonvolutions bien
décrite dans l'atrophie de la langue. On la voit aussi
agitée de contractions fibrillaires très accusées. Les
mouvements de la langue auxquels préside le grand
hypoglosse sont abolis. Enfin, les mouvements de la-
téralité de la mâchoire inférieure sont impossibles, ce
qui prouve que le noyau moteur du trijumeau est
atteint également. Les mouvements de la face sont
conservés. Pas de troubles de la sensibilité de la
langue ni de la face. Pas de troubles circulatoires ni
respiratoires. »
M. Cuffer considérait le cas précédent comme unique
dans la science, au moment où il le publiait. « On
ne trouve dans les auteurs, disait-il, aucun cas de ce
genre dans l'ataxie locomotrice. »
Par une coïncidence singulière, un mois après la
communication de 111. Cuffer, notre maître, M. E. Vidal,
médecin de l'hôpital Saint-Louis, présentait à la
Société de biologie un nouvel ataxique atteint d'hémia-
trophie de la langue. L'observation ne fut pas publiée;
mais M. Vidal, qui la conservait dans ses cartons, a
bien voulu nous la communiquer et c'est à son obli-
geance que nous devons de pouvoir la rapporter ici '.
1 Le malade a été présenté à la Société de biologie le 3 juillet 1875, et à
la Société médicale des hôpitaux, le 9 juillet 1875.
DE L'HEM1A'rlWPHII, : DE LA LANGUE. 195
Observation I. Atrophie musculaire de la moitié gauche de
la face el de la langue et de quelques-uns des muscles du
membre supérieur gauche. Arthropalhie du coude à
gauche. Anesthésie et parésie des membres du côté gaurlee.
- (Observation rédigée sur les notes recueillies par M. Plan-
teau, interne des hôpitaux.)
Le nommé Lucien Gér ? âgé de vingt-neuf ans, homme de
peine, entré le 23 juin 1875, à l'hôpital Saint-Louis, service
de M. E. VIDAL.
Pas d'antécédents syphilitiques ou héréditaires. Père mort
à trente-huit ans d'hémorrhagies multiples. /
Histoire de l'affection. - En 1863, un matin, le malade,
qui avait alors dix-sept ans et demi, ressentit dans le bras
gauche de l'engourdissement et des fourmillements, sans
aucun trouble de la motilité. Cet état a persisté pendant deux
mois et demi, sans changement notable. Puis, subitement, la
face a été paralysée à gauche, le sens de l'ouïe a été aboli du
même côté (paralysie de la septième paire). - En même
temps est survenue de la diplopie, avec strabisme interne de
l'oeil gauche, par paralysie du moteur oculaire externe. La
pointe de la langue s'est déviée à gauche. Le malade dit qu'il
éprouva, pendant assez longtemps, de la gène pour parler et
avaler ses aliments.
Du côté des membres, des troubles se montrèrent aussi à
gauche : perte presque complète de la sensibilité cutanée, et
affaiblissement de la motilité au niveau du membre supé-
rieur. Au membre inférieur la sensibilité était obtuse, mais
- sans être complètement supprimée. Tous les mouvements
étaient possibles, mais la jambe avait beaucoup perdu de sa
force. Quoique le malade pût se tenir debout, sa marche était
pénible, difficile; il n'aurait pu'suivre une ligne droite et avait
toujours de la tendance à se porter vers la gauche. - Lucien
Gér... se décida à entrer à l'hôpital Saint-Louis, dans le ser-
vice de M. Hillairet, où il resta environ quatre mois. Au mo-
ment de sa sortie, la face n'était plus déviée, le membre infé-
rieur gauche avait recouvré son activité. Mais au bras les s
troubles de la sensibilité et la parésie persistaient encore.
En 1a66, le malade éprouva des douleurs dans les membres.
Ces douleurs auraient occupé les jointures. Le coude gauche
devint raide et augmenta notablement de volume ; mais cotte
19 CLINIQUE NEUN EUl11. f ? ' ?
"'J ? h.1 -¡ ! dt.-...
tuméfaction ne fut point accompagnée de douleur, ce, que le
malade explique par l'insensibilité dont le membre était affecté
depuis trois ans. La jointure perdit ensuite une partie de ses
mouvements.
État actuel (juin 1875). a) Face. - Il n'y a pas d'anes-
thésie faciale, ni de déviation de la bouche, cependant le ma-
lade éprouve une certaine difficulté pour siffler. La moitié
gauche du voile du palais est paralysée, l'extrémité de la luette
est déjetée à droite, la courbe formée par les piliers gauches
est plus large que celle formée par les piliers droits.
Langue. La moitié gauche de la langue est atrophiée. Sur
la face dorsale de cet organe on voit des rides, des sillons de
la muqueuse, dénotant que les muscles sous-jacents ont dimi-
nué de volume. Lorsque le malade tire la langue, la pointe
est déviée à gauche. Lorsqu'on commande de replier le bout
de l'organe, comme pour montrer les veines ranines, on voit
que la moitié gauche ne peut point se replier, comme la moi-
tié droite. Enfin les bords de la langue peuvent se relever vers
la face dorsale, afin de former, ce qu'on appelle vulgairement
« le cul de poule », mais ce mouvement se fait' d'une façon
bien moins énergique à gauche qu'à droite. Diverses expé-
riences, faites dans le but d'explorer la sensibilité tactile et la
sensibilité gustative font constater l'intégrité de ces fonctions.
L'oeil gauche est atteint d'un léger strabisme interne. Il y a
encore un certain degré de parésie de la sixième paire. La
vision est intacte, mais par moments il semble qu'il y ait.un
peu de nystagmus.
Le nerf auditif du côté gauche est resté paralysé. Le malade
n'entend le bruit d'une montre ordinaire que lorsqu'elle est
appliquée sur le pavillon de l'oreille, tandis que du côté sain
il perçoit le son à une distance de trente centimètres. Si on
pose la montre sur le front ou sur toute autre partie de la
tète, elle n'est entendue que du côté sain.
b) Membre supérieur gauche. Sensibilité tactile un peu
affaiblie au niveau de l'épaule,, sensibilité à la douleur très
bien conservée. Le deltoïde est atrophié en grande partie; il
y a un applatisscment de l'épaule caractéristique. " ' '
Les sus-épinenx et sous-épineux sont complètement' atro-
phiés. Une dépression très marquée existe au-dessus et au-des-
sous de l'épine de l'omoplate. Le triceps est très amaigri. Il a
presque complètement disparu. Par suite de l'atrophie des
DE 1.'HFRI1TILOP111G de 1.1 langue. 197
muscles de l'épaule, le mouvement d'élévation du bras est im-
possible. Les masses musculaires de l'avant-bras ont peu souf-
fert. Au contraire, les muscles de la main, particulièrement
ceux de l'éminence thénar, sont diminués de volume.
L'exploration électrique donne les résultats suivants : le
courant avec une intensité assez considérable ne détermine .
pas de contractions dans le muscle deltoïde. Il en est de même
pour les sus et sous-épineux. Le trapèze se contracte très bien.
La contractilité est également intacte dans les muscles sui-
vants : grand pectoral, grand dorsal, grand rond et petit rond,
biceps. Avec un courant fort, on détermine quelques con-
tractions du triceps, particulièrement du vaste interne. -
Rien de spécial à signaler pour les muscles de l'avant-bras. -
Ceux de l'éminence thénar ne se contractent qu'avec le courant
maximum. La contractilité est affaiblie au niveau des interos-
seux.
c) Membre inférieur gauche. Pas d'atrophie musculaire;
mais diminution de la sensibilité de la peau à la douleur.
d) Lésions des jointures. A l'épaule on constate ce qui
suit : la tête de l'humérus est augmentée d'un tiers de son
volume, élargie. En lui imprimant des mouvements, on déter-
mine quelques frottements dans l'articulation, et si on la
porte en avant, on produit facilement une luxation sous-cora-
coïdienne incomplète.
Le coude est complètement déformé. Les mouvements de
flexion sont encore possibles, mais les mouvements d'exten-
sion sont réduits aux deux tiers de leur course, par l'augmen-
tation de volume des extrémités osseuses. Cette hyperostose
porte sur l'extrémité inférieure de l'humérus, sur l'olécràne,
sur l'extrémité supérieure du cubitus, et enfin sur le radius
dont la tête est grosse. Les extrémités inférieures des deux os
de l'avant-bras sont notablement augmentées de volume, et
cette hyperostose porte principalement sur le cubitus et son
apophyse styloïde.
La main est déformée; son axe ne correspond plus à l'axe
médian de l'avant-bras. Elle semble déjetée vers le radius,
tandis que les doigts sont, au contraire, inclinés latéralement
vers le bord cubital. Ces déformations rappellent exactement
celles de l'arthrite déformante.
198 rLI'\IQUE : OEI{\"lWSI ?
Si l'on songe que le fait qui précède a été observé
en 1875, c'est-à-dire à une époque où les formes
frustes du tabes étaient moins bien connues qu'au-
jourd'hui, on ne s'étonnera pas que le diagnostic ait
été un instant hésitant.
M. Vidal, en effet, lors delà présentation du malade,
n'osait pas se prononcer affirmativement sur la nature
de l'affection dont Lucien Gér... était atteint. M. Char-
cot, qui intervint dans la discussion, observa qu'il
s'agissait très certainement, dans l'espèce, d'un cas
d'ataxie à symptomatologie anormale. Les observations
nombreuses analogues à la précédente, recueillies de-
puis huit ans, ne laissent subsister aucun doute sur le
bien fondé de cette opinion.
Il est un point cependant sur lequel, en passant, il
est nécessaire que nous fassions une remarque. Les lé-
sions des extrémités articulaires des os du bras et
de l'avant-bras, et celles des jointures de la main, rela-
tées avec une grande exactitude dans le cas lIe .\1. Vidal, z
doivent-elles être considérées comme de nature tabé-
tique ? Nous n'oserions nous prononcer à cet égard.
L'accroissement de volume des extrémités des os ne se
voit pas d'ordinaire dans l'ataxie. Cette affection dé-
termine plutôt, on le sait, une atrophie qu'une hypertro-
phie des têtes osseuses, et nous ne' l'avons, pour notre
part, jamais vu s'accompagner de la déformation des
mains, habituelle dans le rhumatisme chronique. Nous
serions donc porté à nous demander si les lésions arti-
culaires observées chez le malade de M. Vidal n'étaient
pas simplement de nature rhumatismale. Dans cette
hypothèse, on aurait eu affaire aune pure coïncidence,
chez le même sujet, d'un rhumatisme chronique et d'une
DE 1,'H k,li ATROPHIE DE LA LANGUE. 199
ataxie. Des coïncidences analogues, qui avaient, du
vivant du malade, prêté à des erreurs de diagnostic, ont
été relevées. Je n'en veux pour preuve que le fait com-
muniqué par M. Bonnaire à la Société anatomique
en 18811. Chez le malade de M. Bonnaire, qui avait
fréquenté tour à tour les services de MM. Debove et
Bourneville, àBicêtre, on avait diagnostiqué une ataxie
locomotrice avec arthropathies rhumatismales des
grosses jointures des membres. L'autopsie démontra
que les lésions osseuses relevaient, en effet, du rhuma-
tisme chronique et non pas du tabes.
Il n'était pas inutile, ce nous semble, de présenter,
chemin faisant, ces quelques observations, bien qu'elles
n'aient pas trait directement à la question qui nousoc-
cupe.
Mais ce que nous tenons à retenir surtout du cas de
M. Vidal comme de celui de M. Cuffer, c'est l'existence
de l'hémiatrophie de la langue au cours d'un tabes à
forme fruste.
Il en sera très vraisemblablement de l'hémiatrophie
linguale comme de bien d'autres troubles, qu'on a cru
tout d'abord exceptionnels, à l'époque où l'on venait de
les découvrir et qu'on a ensuite fréquemment rencon-
trés, quand on a su les observer et quand l'attention a
été attirée de leur côté. Et déjà les faits de cet ordre,
relativement assez nombreux, que M. Charcot a relevés,
les quelques cas que, pour notre part, nous avons pu
observer sous la direction de notre maître, nous
autorisent à penser que l'atrophie de la langue, sans
1 Bulletin de la Société anatomique, février 1881 ; voir aussi : Bourne-
%ille et Bonnaire, Rech. clin, et thér. sur l'epilepsie, etc., compte rendu
il service on 4881, p. 67.
200 CLINIQUE NERVEUSE.
être une manifestation courante de l'ataxie, ne doit
plus être envisagée comme une pure curiosité clinique.
Les deux faits qui suivent présentent, avec ceux de
MM. Cuffer et Vidal, une remarquable analogie.
Le premier est relatif à une ataxique, dont M. Char-
cot a plusieurs fois entretenu ses auditeurs a la Salpê-
trière. Cette malade, la nommée Leisier, était atteinte
d'arthropathies tabétiques multiples. Son observation
a été publiée en détail dans la thèse de M. Blum1.
Aussi nous contenterons-nous de rappeler les particu-
larités du cas qui nous intéressent.
Observation II. - La malade, âgée de cinquante et un ans,
fut admise à la Salpêtrière le 3 août 1870. Née d'un père bu-
veur et d une mere morte a
cinquante et un ans d'une .tu-
meur du ventre, cette femme
n'avait jamais eu la syphilis et
ne présentait aucune trace de
scrofule. Vers l'âge de trente
et un ans apparurent, dans les
membres inférieurs, des dou-
leurs qu'on lui disait être de
nature rhumatismale. Un peu
plus tard, paralysie de la jambe
droite survenue brusquement.
Un traitement de trois mois à
la Charité améliora l'état de la
malade au point de lui per-
mettre de marcher avec un
bâton. Les choses restèrent
dans cet état pendant sept à huit ans. - Dès 1860, l'in-
coordination dans les membres inférieurs était déjà très
manifeste; la malade projetait ses jambes en avant et en de-
hors. En 1873 se développa une double arthropathie du genou
1 Blum. - Des arthropathies d'origine nerveuse. Thèse d'agrégation ;
Paris, 1875.
F ? 3. - IlémiatropUm Vc lu
langue.
DE L'H13\fIA1'ROPHIE DE LA LANGUE. 201 t
et de l'épaule droits. La même année on constatait un peu
d'atrophie des deux papilles plus prononcée à gauche, et une
paralysie des muscles droit interne et externe des deux côtés,
s'accompagnant d'une remarquable fixité du regard. Ces quel-
ques faits suffisent à établir que Leisier était bien une
ataxique; l'autopsie a, d'ailleurs, révélé chez elle l'existence
de la sclérose des cordons postérieurs.
Or, cette malade présentait, entre autres symptômes, une
remarquable hémialrophie de la langue du côté gauche, dont il
existe, dans la collection de la clinique, un beau dessin que
nous avons fait reproduire ici (Fig. 3) '.
Il n'y avait d'ailleurs aucune atrophie des muscles des
membres et du tronc.
Un second cas, que nous sommes en droit de rap-
procher de celui de Leisier, est relatif à un malade ac-
tuellement en cours d'observation.
Observation III. Ataxie locomotrice,- Antécédents nerveux
, héréditaires. Atrophies musculaires multiples. - Hémia-
atrophie de la langue.
M. Grossor..., trente-cinq ans, habitant Paris (Ménilmon-
tant), exerçant, depuis l'âge de vingt et un ans, la profession
de peintre sur éventails.
Antécédents héréditaires. Rien dans la lignée mater-
nelle. Mais dans la lignée paternelle on trouve : grand-père,
père et oncle buveurs et très alcooliques. L'oncle est mort
d'une cirrhose du foie. Une tante paternelle est morte d'une
« maladie noire » ; elle était mélancolique et ne voulait pas
manger dans la crainte de s'étrangler. - Une seconde tante
paternelle est originale et parait être sujette à des accès d'alié-
nation mentale; elle fuit de temps en temps de la maison,
sans motif. La grand'mère paternelle du malade tombait du
haut mal et est morte dans une de ses attaques. - Plusieurs
des membres de la famille de Grossor... ont des dispositions
1 Dans l'observation de Leisier, telle qu'elle est 1 apportée dans la
thèse de M. Illum, l'atrophie linguale n'est pas mentionnée. C'est qu'en
effet l'atrophie s'est montrée une époque postérieure à celle ou les
détails communiqués à M. Blum par M. Charcot avaient été recueillis.
202 2 . CLINIQUE NERVEUSE.
artistiques très développées; lui-même a beaucoup de goût
pour le dessin et il a quitté le métier qu'il exerçait primitive-
ment pour se faire peintre en éventail. Il réussit bien dans
cette dernière profession, pour laquelle il s'est éduqué lui-
même.
Antécédents personnels. - Etant enfant, le malade a été
mal nourri et a beaucoup souffert. A seize ans et demi, il
s'engagea dans la marine et contracta une plenro-pneumonie
grave. Il se livra à des excès de boisson. Pendant trois ans
de 1871 à 1874, comme il gagnait pas mal d'argent, il a fait
des excès de tous genres. Marié depuis 1869, il a eu douze en-
fants, dont il ne reste qu'un seul. Les autres sont morts à
différents âges, soit au moment même de la naissance, soit à
quinze, seize, dix-huit mois, tous de méningite, dit le ma-
lade. Il n'a jamais eu la syphilis. Le malade est très catégorique
à cet égard, et l'interrogatoire détaillé comme l'examen minu-
tieux du corps nous porte à admettre la réalité de son affirma-
tion. Pas de maladies infectieuses. Pas d'intoxications (satur-
nine ou autre).
Histoire DE l'affection. Les premiers symptômes se
sont manifestés, il y a huit ans. Le malade avait alors vingt-
sept ans. Ces symptômes consistaient en douleurs fulgurantes
dans les jambes et au niveau des bras, surtout dans la sphère
du nerf cubital et au pouce. A peu près à la même époque, le
malade aurait eu de la déviation de l'oeil gauche, et des dou-
leurs en ceinture. Un an ou dix-huit mois plus tard, il fut pris
de titubation dans la marche; quant aux autres symptômes
qui sont décrits plus loin, ils sont apparus depuiscetteépoque,
sans que le malade puisse fixer avec précision le moment où
ils se sont manifestés pour la première fois.
Etat actuel (19 juillet 1883). - aJ Symptômes habi-
tuels du tabès. Le malade présente la plupart des mani-
festations classiques du tabes; nous les indiquons sans les
décrire en détail : douleurs fulgurantes, engourdissement cu-
bital; plaque d'engourdissement sur la partie latérale droite
de la face et du crâne; anesthésie plantaire : le malade nous
dit qu'il ne sent pas ses pieds; il est forcé de regarder le sol
pour s'assurer que ses extrémités y reposent ; ataxie et
incoordination motrice très marquée; incontinence d'urine
par moments ; - toux laryngée; - suppression des réflexes
rotulif'ns : - symptômes oculaires : paralysie incomplète delà
DE LHL·'.\I1.\'l'IWPIIIC DE L\ I,.\\Gl'R.
203
troisième paire droite, intéressant surtout le muscle droit
interne ; pupilles légèrement inégales, celle de droite étant un
peu plus dilatée; absence de réflexes pour la lumière; atrophie
de la papule au début a droite,
s'accusant par des troubles
fonctionnels sans modification
appréciable du nerf optique;
dyschromatopsie pour le rouge.
b) Symptômes anormaux du
tabès. Ce qui attire tout d'a-
bord l'attention chez ce ma-
lade, c'est l'existence d'atro-
phies musculaires multiples.
1° Atrophie des muscles des
membres. L'atrophie est
surtout marquée au niveau des
membres supérieurs, et bien
plus prononcée du côté gauche
que du côté droit. A gauche, en
effet, le deltoïde n'est nullement
atrophié, tandis qu'à droite il
est un peu touché. Des deux cô-
tés, les muscles de la main sont
en dégénérescence. Les muscles
des éminences thénar et des
espaces interosseux ont beau-
coup diminué de volume. La
main droite, malgré que l'atrophie y soit très réelle,n'a pas de
tendance à se placer dans l'attitude dite de la main en griffe,
tandis qu'à gauche la griffe commence à se dessiner (Fig. ).
Lorsque le malade est debout, il rejette en arrière la partie
supérieure du tronc, et il se produit ainsi une ensellure très
marquée, comme chez les individus dont les muscles de la
masse sacro-lombaire sont atrophiés.
Les muscles des membres inférieurs (cuisse et jambe) sont
amaigris, mais il semble qu'il s'agisse là plutôt d'un simple
amaigrissement que d'une atrophie vraie.
2° Hémiatrophie de la langue ( ! %i. 5.) - Le symptôme le
plus intéressant à relever, c'est l'existence d'une hémiatrophie
de la langue. Lorsque le malade tire la langue, la pointe se
dévie vers la droite et la moitié droite atrophiée représente
Fig. z. Amyotrophie de la main
gauche.
20t CLINIQUE NERVEUSE.
une sorte de petit croissant, circonscrit par un croissant de
plus grande dimension qui correspond au côté gauche de l'or-
gane. Il existe sur toute l'étendue de la moitié droite de la
langue, de nombreuses rides et de profonds sillons. Lorsque
le malade tire la langue, la pointe est animée d'un léger trem-
blement qui existe des deux côtés droit et gauche, et que le
malade ne peut dominer.
Si la pointe tremble des deux côtés, il n'en est pas de même
du corps de la langue, au niveau duquel le tremblement porte
seulement sur la partie atrophiée. L'atrophie de la langue
semble gêner fort peu la mastication ou la déglutition. Elle
gène aussi très peu la parole. Le malade prétend qu'il aurait
eu quelques difficultés à prononcer certains mots, de loin en
loin. Mais cette difficulté est certainement peu accusée, car
nous ne la remarquons pas.
Fig. 5. - J]('ll11atrophie ,le la langue.
DE LHC11.1'l'ltUl'lllis DE LA LANGUE. 205
L'exploration de la sensibilité de la muqueuse linguale nous
donne les résultats suivants : l'acide acétique est aussi bien
senti à droite qu'à gauche; il en est de même du sucre; quant
au sulfate de quinine, il détermine une sensation évidemment
moins vive du côté droit que du côté gauche.
Troubles dans la sphère du trijumeau. - Le malade n'a
jamais eu de douleurs fulgurantes à la tête, mais il a éprouvé
des troubles sensitifs très marqués du côté droit. Ces troubles
occupaient la joue, la région temporale et le côté gauche
du crâne. Le malade compare les sensations qu'il éprouvait
alors à des frémissements ; il aurait aussi ressenti quelques
petits coups de lancette. Il ne peut préciser l'époque à la-
'quelle il aurait éprouvé les frémissements pour la première
fois. ' ' ? ^\
Actuellement, il n'y a pas de phénomènes objectifs du côté
de la sensibilité de la tête, pas plus à droite qu'à gauche. Le
contact et le froid sont bien sentis des deux côtés; mais il
existe à droite un engourdissement très manifeste, qui porte
le malade à se frotter, comme pour enlever un poids qu'il
aurait sur le côté droit de la tête.
Nous serions tenté de rapporter un troisième fait.
Mais vu l'incertitude du diagnostic, dans le cas eu ques-
tion, nous sommes tenu, à l'égard de ce dernier, à une
certaine réserve. Il s'agit d'un officier de la marine,
originaire de la Dordogne, qui se présenta à la Salpê-
trière en 1880. Ce malade était alors affectéd'une atro-
phie de la moitié droite de la langue et, quelques mois
auparavant, il avait présenté les symptômes d'une pa-
ralysie du moteur oculaire commun du côté gauche.
Ce complexus symptomatique devait faire songer tout
naturellement à la syphilis, et bien que le malade niât
tout antécédent suspect, un traitement spécifique (fric-
tions mercurielles et iodure de potassium) fut institué
et ne donna aucun résultat. L'atrophie de la langue,
loin de rétrocéder, continua à progresser. En l'absence
206 CLINIQUE NERVEUSE.
de toute trace de syphilis ancienne, de tout antécédent
avouéetde l'inefficacité de la médicationantisyphilitique,
le diagnostic resta en suspens. - Il y avait quelques
mois à peine que nous avions eu l'occasion de voir le
malade à la Salpêtrière, lorsque le frère de ce dernier
vint consulter M. Charcot pour une ataxie locomotrice
des mieux confirmées. Se rappelant alors le cas du
frère cadet, notre maître se demanda si l'hémiatrophie
de la langue observée chez ce dernier n'était pas tout
simplement le symptôme d'uu tabes à forme fruste.
Depuis cette époque, le malade a succombé, à la Maison
de santé. Malgré les investigations auxquelles nous nous
sommes livrés pour savoir les résultats de la nécropsie,
qui, croyons-nous, futfaite, nous n'avons pu obtenir de
renseignements précis. Aussi, en l'absence d'informa-
tions suffisantes, nous garderons-nous bien d'identifier
ce cas aux deux rapportés plus haut, et d'en faire,
sans plus ample informé, un cas d'atrophie linguale
tabétique.
Le diagnostic, on le voit, peut être hésitant et il ne
suffit pas, à coup sur, de la constatation d'une hémia-
trophie linguale pour affirmer l'ataxie. Mais les deux
faits que nous avons rapportés plus haut, ceux assez
nombreux qu'a observés M. Charcot, ou qu'ont relatés
MM. Cuffer et Vidal, constituent un total de cas large-
ment suffisant pour nous autoriser à considérer, avec
M. Erb et M. Ross, l'hémiatrophie linguale comme un
symptôme possible du tabès.
. Or, l'hémiatrophie linguale ne se voit pas très fré-
quemment en clinique, et les affections susceptibles
de la produire sont, à tout prendre, peu nombreuses.
Dans un traité, qui remonte à 1873, un auteur an-
DE I,Hh : \llrlfltUl'HI1'; DE LA LANGUE. 07
glais, W. Fairlie-Clarke' a fait un relevé assez complet
des affections en question, et voici les conclusions qui
ressortont de la lecture de son travail.
L'hémiatrophie de la langue peut s'observer à la
suite des affections cérébrales, des affections bulbaires
ou des lésions périphériques intéressant l'un des nerfs
.hypolosses. Elle serait fréquente chez les hémiplé-
giques, principalement quand l'hémiplégie est ancienne
et très prononcée. Mais, dans ces cas, l'atrophie ne
serait constatable qu'après la mort et par l'examen
anatomique, « car, dit Clarke, bien que la structure de
la fibre musculaire soit fort altérée, le volume de l'or-
gane ne subit pas une diminution appréciable ».
Quant aux lésions du bulbe, elles s'accompagnent
aussi quelquefois d'hémiatrophie de la langue, mais
(l'ataxie exceptée) le fait est rare. Clarke, en effet, re-
lève seulement deux cas de cet ordre, dans lesquels
cette hémiatrophie ait été observée, et encore s'agissait-
il de cas obscurs et complexes. Le premier est em-
prunté à Buzzard et se rapporte à un malade qui était
affecté à la fois d'hémiatrophie de la langue et de la
face et de phénomènes choréiques. Il semble que, dans
l'espèce, Buzzard ait eu affaire à une trophouévrose
faciale avec complication de chorée. Le second cas
a été publié par Jackson, et l'atrophie linguale dans
celui-ci paraît avoir été produite par une hémorrhagie
bulbaire. -
Quant aux lésions des hypoglosses, entre leur ori-
gine apparente et leur périphérie, elles semblent déter-
miner plus fréquemment que les autres l'atrophie
I \V. l.W ne-Clarke. - A treuluc on the cleseases of the longue London,
1873.
208 CLINIQUE ? LR%EUS1 ?
unilatérale de la langue, et Clarke rapporte à cet égard
plusieurs observations intéressantes, l'une personnelle,
les autres empruntées à divers auteurs (sir James
Paget, William Budd, Dupuytren), dans lesquelles un
traumatisme intéressant l'un des nerfs de la douzième
paire, un abcès développé à son pourtour dans le trou
condylien, un kyste hydatique logé dans son épaisseur,
avaient amené une hémiparalysie et consécutivement
une hémiatrophie linguale.
En somme, on le voit, cette hémiatrophie, j'entends
l'hémiatrophie cliniquement conslatable, est un fait
tout exceptionnel en dehors des lésions du nerf hypo-
glosse. Ce qu'on peut s'expliquer aisément si l'on se
rappelle que la plupart des affections bulbaires (para-
lysie glosso-Iabio-Iaryngée, chronique ou aiguë) re-
tentissent d'habitude sur l'un et l'autre côté de
l'organe et lèsent simultanément les deux noyaux
originels, droit et gauche, des nerfs de la douzième
paire. Comme, par contre, d'après ce que nous avons
dit, cette hémiatrophie paraît être assez commune chez
les tabétiques, elle devient un signe de présomption
en faveur de cette dernière affection, chaque fois qu'on
la constate.
Donc, nous pouvons dire, en manière de conclusion,
qu'en présence d'une hémiatrophie linguale, surtout
d'une hémiatrophie accompagnée d'autres symptômes
bulbaires, on doit tout d'abord songer à l'ataxie. C'est
du côté de cette affection qu'il faut en premier lieu
diriger son attention et ses recherches, et n'éliminer
celle-ci pour s'arrêter à un autre diagnostic qu'après
une sérieuse enquête.
DE LIiE1\IIA'l'LtUI'HlE DE LA LANGUE. -109
Le fait du développement possible d'une hémiatro-
phie de' la langue au cours du tabes nous semble
prêter à quelques considérations de physiologie palho-
logique 'sur 'lesquelles nous désirons nous arrêter un
instant : « >»
i-Uii trait' commun à la plupart des observations dans
lesquelles ce symptôme a été noté, c'est la coïncidence
avec"lav lésion1 des muscles linguaux de paralysies
oculaires. Dans le cas de M. Cuffer on voit signalés,
avec peu de précision, il est vrai, des troubles de la
vision;' dans celui' de M. Vidal, une paralysie de la
sixième paire.'1 Chez la malade Leisier, il y avait para-
lysie de plusieurs des muscles des deux yeux ; chez
Grossor ? nous avons relevé l'existence d'une para-
lysie incomplète de, la troisième paire du côté droit.
Ces' faits démontrent qu'au niveau du bulbe la lésion
intéresse à la fois le noyau originel de l'hypoglosse et
ceux des moteurs oculaires.
Au premier abord, on serait tenté d'invoquer l'appa-
rition de ces troubles, dans la sphère motrice, contre la
systématisation de la- lésion de l'ataxie à l'appareil
sensitif, telle qu'elle est aujourd'hui généralement ad-
mise. Et, en fait, les paralysies oculaires ont toujours
semblé d'une interprétation difficile dans l'hypothèse
de cette systématisation. M. Pierret' en a cependant
donné naguère une explication fort séduisante à la-
quelle on n'a peut-être pas fait autant d'attention
qu'elle en mérite.
Le meilleur moyen, ce nous semble, pour se rendre
compte de la pathogénie des phénomènes bulbaires du
1 Essai sur les symptômes céphaliques du tabès dorsalis. Thèse de
Pans, 1876.
.lucutvr.s, L. Vil. I i
: 10 CLINIQUE NERVEUSE.
tabes, c'est de les rapprocher des phénomènes médul-
laires analogues. Bulbe et moelle ne sont en réalité
qu'un seul et même organe, ou, si l'on préfère, deux
organes dans lesquelles les parties constitutives élé-
mentaires sont identiques, bien que disposées de façon
différente les unes par rapport aux autres. Et c'est
seulement du jour où cette vérité a été reconnue qu'on
a pu voir clair dans la structure en apparence si com-
pliquée du bulbe. Or, au point de vue de la physiologie
pathologique aussi bien qu'à celui de la physiologie
normale, le bulbe n'est autre chose que la'moelle pro-
longée ou allongée, comme on dit souvent. Aussi a-t-
il fallu pour qu'on comprît la paralysie glosso-labio-
laryngée, par exemple, qu'on la rapprochât de l'a-
trophie musculaire progressive et de la sclérose laté-
rale amyotrophique. De même, si l'on veut interpréter
sainement les phénomènes moteurs de l'ataxie bul-
baire, il est nécessaire de les mettre en parallèle avec
les phénomènes similaires de l'ataxie spinale.
Or, les troubles que détermine le tabes dans le jeu
normal des muscles desservis par les nerfs médullaires,
résultent l'incoordination motrice étant, bien en-
tendu, mise à part- soit de paralysies , soit d'atrophies.
Les paralysies sont plus communes dans l'ataxie
qu'on ne l'avait pensé, et déjà en 1876, M. Pierrot
les signalait comme relativement fréquentes. M. Char-
cot en a vu un certain nombre et nous-mêmes en
avons observé plusieurs cas. Ces paralysies sont très
variables quant à leur siège et à leur étendue. Elles
peuvent n'intéresser qu'un groupe musculaire isolé,
le sacro-lombaire (Carré), les adducteurs de la cuisse
(Friedreich) ; d'autrefois elles affectent une jambe,
DE L HEMIATKOPHIB DE LA LANGUE. : ! Il
comme dans le cas de Leisier cité plus haut, ou même
les deux membres inférieurs. M. Charcot dit dans ses
leçons avoir vu plusieurs fois une paraplégie survenir
subitement au début ou au cours du tabès '. Enfin
on peut avoir affaire à une véritable hémiplégie (De-
bove, Pierret, Vidal). Ces paralysies complètes ou
incomplètes, quant à leur degré, sont toujours transi-
toires et disparaissent après une durée de temps qui
est d'ailleurs fort variable suivant les cas. ' '
La pathogénie de ces accidents est encore très obs-
cure. M. Pierret pense qu'il s'agit là de paralysies
réflexes. « Les expériences de Harless Cyon, dit-il,
démontrent que si l'on coupe les racines postérieures,
les muscles innervés par la racine antérieure corres-
pondante perdent beaucoup de leur irritabilité. D'un
autre côté, l'existence des paralysies réflexes, si bien
indiquées par M. Brown-Sequard, fait voir qu'une irri-
tation centripète, laquelle peut siéger en dehors ou
sur le nerf sensible lui-mème, peut agir sur les élé-
ments moteurs de la moelle et déterminer une para-
lysie. » ' '
Qu'on admette ou non l'hypothèse pathogénique
formulée par M. Pierret, cela importe peu au point de
vue auquel nous nous plaçons ici. Ce que nous vou-
lons retenir en effet, c'est que, dans la sphère d'action
de la moelle, on peut observer au début ou au cours
du tabes des phénomènes paralytiques ; c'est que
ces phénomènes paralytiques, quelle que soit l'in-
terprétation qu'on en donne, n'impliquent en au-
cune façon que la lésion de la moelle ait dépassé
1 Leçons publies par 31. le docteur Rummu (de Naples), dans la
Iteueatre clmslca e <et'ap<M<tca.
212 CLINIQUE NERVEUSE.
les limites du système sensitif, pour empiéter sur le
système moteur. Cette dernière proposition trouve sa
démonstration dans l'étude clinique des malades
atteints de paralysie, et dans quelques faits anatomo-
pathologiques. Le caractère transitoire des troubles
moteurs, l'absence des phénomènes qui d'ordinaire
révèlent une lésion des faisceaux pyramidaux consti-
tuent déjà une présomption suffisante contre l'exis-
tence d'une semblable lésion dans les cas auxquels nous
faisons allusion. D'autre part, un certain nombre
d'autopsies établissent la limitation de la dégénéres- t-
cence scléreuse aux cordons postérieurs chez des indi-
vidus qui, durant leur vie, avaient été atteints de para-
lysies transitoires. Je n'en citerai qu'un seul exemple
emprunté aux leçons de M. Vulpian, sur les maladies
du système nerveux. De la note relative à la ma-
lade (Cas. VI, p. 423), nous détachons les détails sui-
vants : « A cinquante-neuf ans, la malade est prise
tout d'un coup, dans la rue, de faiblesse dans les
membres inférieurs; elle ne peut continuer de mar-
cher sans le secours d'un bras. Au bout de huit
jours, la faiblesse se dissipe. Un an après, cette fai-
blesse se reproduit et arrive peu à peu, en quinze
jours, à l'état où elle était la première fois... La feuille
d'admission à l'hospice de la Salpêtrière porte comme
diagnostic : Paralysie de la partie inférieure des jam-
bes... Au lit, tous les mouvements des membres infé-
rieurs sont conservés, mais un peu affaiblis. Lorsque
la malade est soutenue sous un bras, et qu'elle s'ap-
puie de l'autre main sur une canne, elle marche, mais
difficilement. La démarche est lente, parait difficile.
Il n'y a point d'ataxie des mouvements, » D'autre part,
DE L'H\ILaTR01'HIf : DE LA LANGUE. 213
la description minutieuse des lésions macroscopiques
et microscopiques trouvées à l'autopsie ne mentionne,
dans ce cas, aucune lésion des cordons antéro-Iatéraux
de la moelle, ni de la substance grise. Par contre, il y
avait une dégénérescence scléreuse très étendue des
cordons postérieurs, avec épaississement très pro-
noncé de l'arachnoïde à leur surface. Et ajoute
M. Vulpian : « Il convient de signaler un fait relatif à
la disposition de l'hypertrophie arachnoïdienne, c'est
qu'elle est sous forme de bande, ne s'étendant pas
beaucoup au delà des limites des cordons postérieurs;
l'arachnoïde s'amincit rapidement sur les parties laté-
rales de la moelle et a repris son épaisseur normale
avant d'avoir atteint le milieu des faces latérales de
cet organe » .
Ce fait auquel nous pourrions en joindre plusieurs
autres suffit, ce nous semble, à établir la possibilitédes
phénomènes paralytiques au cours de l'ataxie, sans
que cependant les lésions aient dépassé les limites du
système sensitif, je veux dire des cordons postérieurs.
Eh bien ! si les paralysies qui se produisent dans le
domaine de l'innervation médullaire sont compatibles
avec la parfaite systématisation des lésions du tabes,
il est tout naturel d'admettre, comme l'observait déjà
M. Pierret en 1876, qu'il en est de même pour les
paralysies bulbaires. Ces dernières peuvent intéresser
les organesl.es plus divers, ceux innervés par le facial,
comme ceux qui le sont par l'hypoglosse, par la partie
motrice du trijumeau, par les troisième, quatrième et
sixième paires; de là la paralysie possible de l'azygos
de la luette (Pierret, Vidal), des ptérygoïdiens, des
muscles de la langue (Trousseau), sans parler de celles
21 lé CLINIQUE NERVEUSE.
des muscles oculaires qui sont de notion vulgaire.
Toutes ces paralysies, comme celles des membres, sont,
par essence, légères et transitoires; les unes et les
autres surviennent dans des conditions analogues,
revêtent des caractères cliniques identiques; il est dès
lors naturel de penser que la pathogénie des premières
doit être la même que celle des secondes et que celles-
ci n'impliquent pas plus que celles-là une diffusion des
lésions hors du système sensitif. Dès lors, il ne nous
semble pas qu'on soit endroit de considérer ces para-
lysies passagères comme une présomption contre la
systématisation rigoureuse des lésions à l'appareil
sensitif.
En est-il autrementdesatrophies musculaires, qu'elles
intéressent les muscles des membres ou ceux innervés
par la langue, comme dans les cas d'hémiatrophie lin-
guale que nous avons rapportés ? Et d'abord, nous de-
vons dire que, jusqu'à plus ample informé, on nous
semble en droit de considérer les impoteni es fonction-
nelles des muscles permanentes et irrémédiables comme
placées sous la dépendance de cette atrophie. Le fait
est vrai pour les muscles des membres, il l'est pour la
langue, il est très vraisemblable qu'il l'est aussi pour
les muscles des yeux. Nous n'en voulons pour preuve
que les examens pratiqués par M. Pierret. Dans les
casde déviations paralytiques définitives des yeux, « il se
.produit, dit cet auteur, des altérations très graves des
muscles oculaires et souvent même une atrophie des
nerfs moteurs oculaires ».
Or, ces diverses atrophies musculaires qui amènent à
leur suite des troubles fonctionnels irrémédiables, doi-
vent, cela se conçoit, quelque soit le siège qu'elles
DE L'HÉJfIATROPHIE DE LA LANGUE. 215
occupent, muscles des membres, de la langue ou des
yeux, reconnaître une pathogénie univoque. On sait
que l'atrophie des muscles des membres résulte d'une
atrophie des cellules des cornes antérieures de la moelle,
et d'autre part, que le processus d'irritation chronique
paraît se propager du cordon de Burdach à ces cornes
par l'intermédiaire de certains filets commissuraux ap-
partenant au système de la zone radiculaire interne et
dont Gerlach et Kolliker ont décrit le trajet. Ce n'est
donc pas par pure fantaisie et en suivant des voies ar-
bitraires que la sclérose postérieure se diffuse. Elle
chemine, dans sa marche progressive à la moelle, le
long de voies préétablies et toujours les mêmes, l'en-
contre de certaines scléroses d'origine vasculaire qui
se diffusent sans respect des barrières qui séparent les
divers systèmes physiologiques'. 1.
Il est, dès lors, tout naturel d'admettre que la lésion
des noyaux bulbaires est secondaire, comme celle des
cornes antérieures de l'axe spinal, et consécutive au
développement de la sclérose dans les parties qui, au
bulbe, représentent le système postérieur de la moelle.
C'est qu'en effet les noyaux du bulbe (noyaux du facial,
moteur du trijumeau, des 3', 4° et 66 paires, ajoutons
de l'hypoglosse) constituent, comme l'a montré M. Pier-
ret, avec la portion sensitive du trijumeau un système
identique à celui que forment dans la moelle les zones
radiculaires postérieures et les cornes antérieures. Or,
il est très vraisemblable, pour ne pas dire certain, que
les mêmes relations anatomiques qui existent entre les
deux parties du système, dans l'axe spinal, existent aussi
1 G. Ballet et L. Minor. Scléroses péritubulaires et scléroses péri-
vasculaires, m Arch. de Neurologie, janvier 1884.
2 (G G CLINIQUE NERVEUSE.
au bulbe. Ainsi s'expliquent, à notre sens, etl'hémia-
trophie de la langue et les impotences fonctionnelles
permanentes des muscles des yeux. Les faits cliniques
d'ailleurs plaident ici dans le même sens que les notions
acquises sur la frappante ressemblance anatomique et
physiologique de la moelle et du bulbe. D'une part,
on relève dans plusieurs des observations d'hémiatro-
phie linguale que nous possédons, la coïncidence de
l'atrophie des muscles de la langue (Cas. personnelle;
OBs. de MM. Vidal et Cuffer) avec celle de certains
muscles des membres supérieurs..Ce qui semble indi-
quer que, dans ces cas, pour des raisons qu'il est à la
vérité impossible de déterminer; lailésion scléreuse a
eu une remarquable tendance à gagner le système des
cornes 'antérieures que nous voyons, intéressées sur
une grande étendue de l'axe bulbo-médullaire. D'autre
part, 'nous relatons chez de malade Grossor ? que nous
'avons examiné spécialement' à ce pointlde vue, l'exis-
tence de troubles, de la sensibilité. dont quelques-uns
persistent encore, dans la sphère du trijumeau. Ce qui
vientà l'appui de l'idée que nous émettions plus haut, à
savoir que la lésion du système antérieur (cornes anté-
rieures) suppose au bulbe comme à la- moelle une alté-
ration antécédente de la zone radiculaire, postérieure
ou de son analogue (racine du trijumeau). Nous devons,
à la vérité, reconnaître que,' dans un certain nombre de
faits relatifs à des cas d'ataxie bulbaire avec lésions de
la langue ou des muscles des yeux, on ne trouve relaté
aucun trouble de la sensibilité. Nous pensons que ces
troubles n'ont pas'été suffisamment recherchés. Et il
importe à l'avenir que, en présence de tous les cas de
tabes se traduisant par des troubles moteurs ou tro-
DE L'HG\IIaTROPIIIr nE LA LANGUE. 1217
phiques bulbaires (atrophie delà langue, paralysie des
muscles oculaires, etc.), on se livre à une minutieuse en-
quête pours'assurer de l'existence antérieure ou actuelle
des symptômes (douleurs, anesthésies ou hyperesthé-
sies), qui traduisent la lésion de la racine du trijumeau.
Cette lésion et, par suite, les manifestations qui la
révèlent, légères ou très prononcées peu importe,
doivent exister dans tous les cas. L'examen anatomique
a démontré qu'il en était ainsi de la lésion; l'explora-
tion clinique attentive établira, nous en avons la con-
viction, qu'il en est ainsi des symptômes par lesquels
la lésion se révèle.
On nous pardonnera d'être revenu aussi longuement,
à l'occasion d'un épisode accessoire de l'histoire de l'a-
taxie locomotrice, sur une théorie des phénomènes bul-
baires dutabes, qui, il y a déjà sept ans, nous le répétons,
a été presque complètement ébauchée par M. Pierret.
Il nous a semblé qu'il n'était pas inutile de le faire à un
moment où les spéculations de la pathologie générale
semblent obscurcir quelque peu les enseignements pré-
cis d'une nosographie méthodique et rigoureuse. Il n'y
a aucun inconvénient à ce que, jetant les yeuxau delà
de l'affection pour se préoccuper de la notion de mala-
die, on se demande comment, après tout, on peut envi-
sager en nosologie le tabes dorsal; s'il n'est pas, par
exemple, unesimple localisation sur un pointdu système
nerveux d'une tendance de l'économie à faire de la
sclérose. Ces vues générales ont même leur incontes-
table utilité en ce qu'elles ouvrent le champ àdes aper-
çus et à des recherches nouvelles. Mais elles ne seraient
pas sans danger si les préoccupations nosologiques fai-
saient perdre de vue les notions positives, solides que
218 RECUEIL DE FAITS.
l'anatomie pathologique nous a fournies. Et, parmi ces
notions, celle de la localisation à un système, le système
sensitif, de la maladie de Duchenne, nous paraît à la
fois l'une des données les mieux établies et l'une des
plus belles découvertes de ces quarante dernières an-
nées.
RECUEIL DE FAITS
NOTE SUR UN CAS DE CYSTICERQUES CELLULEUX
DE 1,'I,'NCI,PflALE;
Par D. BERNARD.
L'observation suivante de cysticerques celluleux de l'encé-
phale, que nous avons recueillie à la Salpêtrière dans le
service de M. le professeur Charcot, est intéressante à cause
du siège exceptionnel occupé par l'une des vésicules, le plancher
du quatrième ventricule. De cette vésicule et des lésions qu'elle
a provoquées en ce point ont dépendu les symptômes d'hydro-
céphalie observés durant la vie, tandis que deux autres
cysticerques, logés en d'autres régions du cerveau, n'ont joué
qu'un rôle très effacé, sinon tout à fait nul dans le processus
pathologique. En portant le diagnostic de tumeur cérébrale,
M. Charcot avait fait toutes réserves sur le siège et la nature
de la production morbide.
Fauv..., âgé de vingt-quatre ans, maçon, est entré le 1er mai
1883 àla Salpêtrière, salle Bouvier, 12.
Le père de Fauv..., âgé de cinquante-sept ans, est alcoolique;
sa mère sujette à la migraine, laquelle ne s'accompagne ni de ver-
tiges, ni de vomissements. Pas d'autres antécédents héréditaires.
CYSTICERQUES CELLULEUX DE L'ENCEPHALE. 219
A rttf ! e de si\ ;1118, Fauv... a eu une lièvre typhoïde bénigne. 1
n'd pas eu la "J phi Ils et n'a jamais rait de chute sur la tète. Au
retour de Tunisie où il avait fait la campagne avec les premières
troupes envoyées de France, deux mois après sa libération du ser-
vice militaire, le 1 : , mai 1882, débute l'affection actuelle. Ce
2 : : 10 RECUEIL DE FAITS.
jour-là Fauv... a éte pris, sans aucun prodrome, d'une violente
céphalalgie frontale et de vomissements abondants. Ces accidents
se calmèrent spontanément, mais depuis cette date, ont reparu
par accès, tous les quinze jours environ. Voilà trois semaines que
la céphalalgie est devenue constante. Elle subit par moments des
exarcerbations qui rappellent les accès précédents et durant les-
quelles apparaissent en outre des vertiges qui le mettent dans l'état
d'un homme ivre. Sa vue s'ohscurcit à ces moments. 11 est comme
perdu au milieu de brouillards. Malgré cela, l'appétit et le sommeil
étaient conservés, et Fauv... pouvait, en dehors des accès, se li-
vrer à sa profession de maçon.
Dans la nuit du mercredi 27 avril dernier, le camarade de
chambre de Fauv.. l'a entendu se plaindre à haute voix et l'a u n
agiter convulsivement les bras et les jambes. Les convulsions pas-
sées, Fauv.. s'est levé de son lit sans avoir conscience de ce qu'il il
faisait et l'on a dû le recoucher de force. C'est la seule attaque épi-
leptoïde observée dans le cours de l'affection.
Admis à la Salpêtrière le 1 cr mai 1883, Fauv.. a la démarche
chancelante et incertaine d'un homme ivre. Il n'est pas plus poussé
d'un côté que de l'autre. Cet état vertigineux redouble au moment
des accès de céphalée et l'empêche alors de quitter son lit. Ce n'est
qu'à ces moments qu'il accuse des bruits et des battements dans
ses oreilles. , , ,1 , .
La motilité est partout conservée., Le dynamomètre marque ni)
dans la main droite et 53 dans la main gauche. La résistance à
la flexion et à l'extension est égale de chaque côté aux membres
inférieurs. Les réflexes rotuliens sont normaux.
Fauv... accuse un engourdissement de la face du côté droit
allant jusqu'à la ligne 'médiane,' ét'de toute la moitié correspon-
dante de la langue. Là sensibilité générale et spéciale est pourtant
indemme partout. 1 e
A la jambe droite existe une plaie fongueuse, résultat d'une
brûlure faite par une boule bouillante qu'on lui appliqua dans la
nuit du 27 avril. Cette plaie, 'avec les soins appropriés, a guéri très
rapidement. » " ' ' ,
Depuis quelques jours, la vue baisse rapidement et l'examen des
yeux révèlent les particularités suivantes : le champ visuel, comme
on peut voir sur la figure ci-jointe (Fig. 6 et 7), est rétréci des deux
côtés, mais surtout du côté droit. Il a fallu renoncera l'examen cam-
pimétrique pour les diverses couleurs. Le malade n'a pu le sup-
porter. Il a bien distingué les nuances' des diverses raies du tableau,
à l'exception toutefois des raies grises. Quant à l'acuité visuelle,
voici les résultats obtenus :
0 G V =; à 0 D V = ?
Les pupilles sont dilatées et fort paresseuses, sous l'influence de
CYSTICERQUES CELLULEUX DE L'ENCEPHALE. L)21
la lumière et de l'accommodation. A l'ophthalmoscope, de chaque
côté on voit les signes objectifs classiques de la papille étranglée.
L'analyse des urines est négative; la température normale.
17 mai. - La céphalalgie continue à augmenter, au point que le
malade ne peut plus dormir depuis quatre jours. Le maximuu de*
la douleur occupe toujours le front, mais la douleur se généralise
iL toute la tête et par moment, à l'occiput, elle est aussi vive qu'au
front. Les vomissements surviennent constamment à l'époque des
exacerbations de la douleur. Ils consistent en matières bilieuses
et muqueuses.
Vésicatoire à la nuque.- 3 grammes de bromure de potassium.
22 mai. - Hier, vers deux heures de l'après midi, la céphalalgie
a redoublé d'intensité et le malade a dû gagner son lit. Cet accès
s'est accompagné de subdélirium. Jusqu'à trois heures du matin,
Fauv ? n'a cessé de proférer des paroles incohérentes. A ce mo-
ment, il s'est endormi et nous le retrouvons ce matin dans son état
habituel,' avec une température normale. La douleur frontale s'est
portée vers la droite. I " '' ,
1" l'6'juin'. -- Les vomissements ne se sont plus renouvelés, mais le
malade a'été plusieurs fois'en proie à un délire pareil à celui re-
laté'plus haut : De plus, durant son sommeil il a éprouvé fréquem-
ment des sensations vertigineuses. Il tombe dans un précipice. Du
'haut'du navire qui le porte, il est précipité dans la mer.
l ? \ 1. \ . d u· ! f, .0 1 .
. ' ! IC,' ,1uillet, - Fauv ? t,e ? complètement amaurotique. 11 ne quitte
plus le lit. Il est par moments en proie à une vive agitation et essaie
de se lever. On doit le maintenir violemment. Pas de nouveaux
vomissements. Malgré les retours du délire passager que nous avons
signalé, le malade comprend bien ce qu'on lui dit, exécute les
mouvements commandés. Il reconnaît les personnes qui viennent
le voir, leur témoigne gratitude et affection. Aucune paralysie. Au-
cune attaque épileptiforme ? 1 j. " ,
29 juillet. - Fauv... va sous lui. L'appétit est assez^bien con-
servé. Délire très fréquent. « Voyez ces gens qui viennent m'atta-
quer ; on me jette à, l'eau. Laissez-moi fuir,et me défendre... »
A aucun moment le malade n'a rendu de cucurbitains.
Les choses demeurent dans cet état jusqu'au 8 octobre, jour où
il succombe à une double pneumonie, dont il n'accusa aucun symp-
tôme.
L'appétit était perdu; Fauv... était plongé dans une dépression
profonde. On l'ausculta et on constata aux deux bases du souille et
des râles crépitants. Une escarre se forma au sacrum et il mou-
rait le lendemain du jour où cette complication avait été découverte.
A 1'.\UTol'sm, on ne trouve outre la double pneumonie (Ilépatisa-
tion grise), de lésions que dans l'encéphale. L'intestin, le foie, les
divers viscères ne contiennent aucun helminthe.
22-) RECUEIL DE FAITS.
La pie-mère est vivement congestionnée, notamment sur la face
externe de l'hémisphère gauche ut sur tout le cervelet. Une petite
vésicule se voit immédiatement en axant du chiasma sans affecter de
rapports directs avec lui. Une seconde déprime la substance grise
cOllicalesur le pied de la deuxième frontale.
Enfin une troisième est logée dans le quatrième ventricule, en-
globée en partie dans sa paroi, au niveau et en dehors de l'émi-
nentia teres gauche.
De la grosseur d'un gros pois, comme les deux autres, cette vé-
sicule est en partie cachée sous le dépôt de fibrine qui tapisse l'é-
pendyme rouge et épaissie. Des brides librineuses irrégulières cloi-
sonnent encore la calité du ventricule dans laquelle proéminc, au
milieu d'une sérosité trouble, un caillot fibrineux en forme de clou.
La tête du clou remonte un peu plus haut que la place du cysti-
cerque, tandis que son extrémité allongée s'engage dans le canal
de Magendie et saille dans l'espace sous-arachnoïdien.
L'inflammation de l'épendyme ventriculaire, la présence de ce
bouchon expliquent bien les troubles apportés dans la sécrétion et
la circulation du liquide céphdlo-rieliidien, l'hydrocéphalie, la pa-
pille étranglée. Le voisinage de la tumeur avec le noyau du facial,
son contact avec les racines supérieures de l'auditif expliqueraient
bien aussi l'engourdissement éprouvé par le malade dans le côté
droit de la face et l'état vertigineux qu'il offrait.
Il n'existait aucune dégénéralion secondaire au-dessous des points
occupés par les tumeurs. La décortication du cerveau sur la con-
vexité des hémisphères a oflbrt quelques difficultés à cause de la
congestion et de l'aedème de la pie-mère.
A l'ouverture du crâne, la quantité de liquide céphatu-rachidien
qui s'est écoulée a paru notablement plus considérable qu'à l'état
normal.
M. Mégnin a bien voulu examiner les deux poches que nous
avons {recueillies et nous eu transmettre une description et un
dessin (Fig. 8) :
« Dimensions du cysticerque intact, consené dansl'alcool :
CYS1'lCEltQUES CELLULEUX DE L'ENCEPHALE. 'l'l3
de petits crochets C, d'une longueur totale de Il 1 millimètres (lame
5 millim., mauche G millim.)
« Le scolex est rempli de corpuscules calcaires épars dans sa
trame, le rostellum qui donne implantation aux crochets est coloré
par de nombreuses granulations pigmentaires. »
Fig. 8. - Cysticerque celluleux. - A, Scolex avec ses quatre \en-
touses et son rostellum central. - B, Crochets de la rangée supérieure
du rostellum, mesurant 17 millimètres. - C, Crochets de la rangée
inférieure, mesurant Il millimètres.
REVUE CRITIQUE
DES TROUBLES URINAIRES DANS LES MALADIES DU SYS-
TÈME NERVEUX, ET EN PARTICULIER DANS L'ATAXIE
LOCOMOTRICE;
Par Cn. FÉRÉ.
Dans l'évolution des maladies du système nerveux, les or-
ganes urinaires sont assez fréquemment le siège de troubles
très divers par leur nature, leur siège et leur intensité, mais
présentant quelquefois un grand intérêt et une grande valeur
séméiologique, tant pour le diagnostic que pour le pronostic.
Mais s'il est une affection dans laquelle ils sont surtout com-
muns et variés, c'est, sans contredit, l'ataxie locomotrice;
aussi, après les avoir considérés dans les maladies du système
nerveux en général, étudierons-nous les troubles urinaires du
tabes dans un chapitre spécial.
I.
Ces troubles peuvent porter sur les fonctions de sécrétion
ou d'excrétion, sur la sensibilité, ou enfin ils consistent en
phénomènes de réaction inflammatoire plus ou moins intenses
et plus ou moins étendus.
A. Les Troubles DE sécrétion sont caractérisés par des modi-
fications dans la quantité de l'urine excrétée, dans les propor-
tions des éléments normaux qui les constituent, ou par l'appa-
rition des substances qui ne s'y rencontrent point à l'état phy-
siologique.
a. La diminution absolue de la quantité d'urine (Voligurie,
l'auuoie) s'observe dans un certain nombre de cas d'hystérie et
en particulier dans la forme désignée sous le nom de grande
hystérie. C'est quelquefois un phénomène transitoire qui peut
passer inaperçu. Dans d'autres cas, au contraire, l'ischurie est
plus ou moins permanente et peut persister des séries de jours;
DES TROUBLES URINAIRES. 225
alors, malgré le ralentissement général des échanges nutritifs,
l'urée doit chercher une autre voie d'élimination ; et, comme
l'a montré M. Charcot', on a trouvé dans les vomissements
une certaine quantité d'urée. Cette parurie est de la plus grande
importance au point de vue de la prétendue simulation. *
Il est assez rare qu'on observe une anurie passagère sous
l'influence d'émotions morales vives chez des névropathes.
Dans les cas de dépression psychique, où il y a un ralentis-
sement des échanges nutritifs, il existe souvent une diminution
de la quantité d'urine et un abaissement de l'urée et des chlo-
rures ? )Jsquirol avait noté que, chez les mélancoliques, l'urine
est rare mais colorée, dense, riche en urée et en urates. Il
s'agit là d'une simple concentration de l'urine, due à ce que ces
sujets, pour éviter le mouvement, n'urinent en général qu'à
la dernière extrémité.
Fabre (de Marseille) a observé, deux cas d'ataxie locomotrice
dans lesquels la quantité d'urine n'a pas dépassé 300 et 700
grammes pendant quelques jours. Il cite encore un cas de mal
de l'ott, avec compression médullaire, dans lequel les urines
étaient tombées à 300 grammes et augmentèrent progressive-
ment à mesure que la paraplégie diminuait. Enfin, M. Leduc a
observé un' cas de tétanos dans lequel les urines n'ont guère
dépassé300et800 grammes parjour, et ont même été au-dessous
de 100; mais il faut noter que la malade n'a pas cessé d'être
couverte de sueurs profusesa. 3.
b) L'augmentation de la quantité des urines se rencontre
beaucoup plus fréquemment, dans des circonstances très di-
verses et avec des caractères variables.
Souvent la polyurie est'en réalité constituée par une simple
augmentation de l'élément aqueux, c'est de l'ltydrurie. L'hy-
drurie est le plus souvent transitoire, on peut l'observer à la
suite d'excitations génitales exagérées, d'émotions morales
vives. On la voit quelquefois à la suite d'accès de névralgies ;
mais elle s'observe surtout à la suite dos attaques d'hystérie et
principalement dans la petite hystérie : les urines sont alors in-
colores et caractérisées par la diminution de tous les principes
' AI. Charcot. - Leçons sur les maladies du système nerveux, t. I,
'i° éd., p. 279.
' Rabow. llettrtt,ge zur Kenntniss der 13escha/Jethctt der Ilarns bei
Getsteslcrattltea. (Arch. f. psych, u. nerv. IS77, t. N'Il, p. 62.
1 Merklcn. Etude sur l'anurie. Thèse, 1881, p. 322.
Ancimus, t. VII. l-i
226 REVUE CRITIQUE.
solides uniformément. Quelquefois ces urines, au lieu d'être
pâles, sont plus ou moins colorées en jaune par un excès
d'uroxanthine. Dans ces cas le phénomène se réduit souvent
à une seule miction très abondante, quelquefois d'un litre ou
même plus, et plus ou moins impérieuse. Dans les attaques
convulsives de la grande hystérie, on observe toujours une trans-
piration plus ou moins abondante, aussi la polyurie transitoire
manque-t-elle en général; et il n'est pas rare que les malades
rendent une urine d'une densité supérieure à la normale.
A côté de la polyurie hystérique, on a signalé une polyurie
épileplique, dont l'existence demande de nouvelles preuves.
On observe quelquefois une polyurie passagère à la suite
des crises néphrétiques et vésicales chez les alaxiques, et même
de temps en temps, en dehors de tout phénomène douloureux.
Enfin, il faut remarquer que, dans un certain nombre d'affec-
tions, la quantité d'urine augmente par ce seul fait de la fré-
quence de la miction : nous avons pu, en effet, constater dans
des expériences faites sur nous-mêmes qu'à l'état normal la
quantité d'urine excrétée croit à mesure que la miction volon-
taire se répète plus souvent'.
La polyurie simple peut s'installera l'état plus ou moins per-
manent dans un certain nombre d'affections du mésocéphale.
M. Leudet l'a signalée dans un cas de méningite chronique de
la base de l'encéphale. On l'observe quelquefois à la suite de
traumatismes céphaliques '.
c) Dans un certain nombre de cas de lésions de l'encéphale
et en particulier dans les affections du mésocéphale (Schiff,
Brown-Séquard, Gubler), et non pas seulement à la suite
d'altérations du plancher du quatrième ventricule , on
voit s'ajouter à la polyurie l'albuminurie et la glycosurie qui
peuvent être plus ou moins permanentes. On rencontre encore
ces modifications de l'urine dans certains faits de lésions trau-
matiques de la partie supérieure du rachis par irritation du
bulbe. On voit aussi l'albumine apparaitre dans l'urine dans
quelques myélites aiguës, à début apoplectiforme.
La polyurie, l'albuminurie et la glycosurie se manifestent à
l'état plus ou moins transitoire dans la plupart des affections
1 Bary. - Vu diagnostic des lésion* des reins dans les affections des
voies urinaires. Thèse, 1880, p. 20,
- Maucotel. - De la polyurie consécutive aux traumatismes du crdne.
Thèse de Paris, 1883.
DES TROUVES URINAIRES. 27
cérébrales avec ictus apoplectique, dans l'hémorrhagie en par-
ticulier et quelquefois le ramollissement par thrombose,
quel que soit leur siège ; et ces modifications de la composition
de l'urine peuvent subir des oscillations en rapport avec des
ictus successifs. Ne sont-elles pas encore en rapport avec l'irri-
tation à distance du bulbe ?
La polyurie, l'albuminurie et la glycosurie se trouvent sou-
vent associées d'une manière permanente à la névrose du grand
sympathique désignée sous le nom de maladie de Basedow.
L'albuminurie se rencontrerait encore danscertaines névroses
convulsives; Kussmaul l'a signalée dans le tétanos. Mais c'est
surtout dans l'épilepsie qu'elle a été recherchée et discutée;
plusieurs auteurs français l'ont signalée; mais MM. Magnan et
Bouchereau n'ont pas pu trouver la preuve de sa- fréquence ni
de son importance. On ne saurait guère accepter la conclusion
de Huppert qui dit que tout accès épileptique complet ou avorté
serait suivi d'une albuminurie transitoire; les récentes re-
cherches de Karrer', de Otto', de Kleudgenl, de Fiori 6, de
Sandby6, montrent que ce symptôme n'a aucune valeur,
parce qu'il est inconstant, non seulement chez les divers ma-
lades, mais encore chez les mêmes malades à la suite d'accès
successifs ; etsurtout parce que, le plus souvent, on ne trouve
l'albuminurie qu'à l'état de traces. On peut expliquer cette albu-
minurie légère par des extravasations sanguines analogues aux
ecchymoses faciales, et qui se feraient sur la muqueuse vési-
cale au moment de l'accès; quant aux albuminuries plus con-
sidérables, ce sont, dans un grand nombre de cas, de simples
coïncidences qui reconnaissent pour causes d'autres états
pathologiques.
lA, Olivier. - De la congestion et de l'apoplexie rénales dans leurs
rapports avec Chémorrhagie cérébrale. (Arcli. gén. de nzccl. lévrier 1871#).
- Etude sur certaines modifications dans la sécrétion urinaire consécu-
fille it l'ltérnol'rltagie cérébrale. (Gazette hebdoi ? z., 1875, 11°' Il,12, 13.)
'' Kan'er ? u)'(tMMmt' ! U)'<e&et'ept<ept<'.(Be. Kt ? : . Woch., 1875.)
' Otto. - Zur albuminurie als symptolll des epileptischen anfalls.
(Rrrl. Klin ! Voclt" 1876, p. 609.)
* Kleudgen. -Albuminurie ein symptom desepileptischen an falls. (Arch.
f. psych and ïvei,veîthei-1k, 1881. Bd. XI, Il. 2, p. 478.)
6 Ilalia medica, 1881. Voir le résumé des recherches faites par \I. Bour-
neville (sei vice (le M. CmncoT) dans la thèse de .11. llovell : De quelques
accidents de l'épilep,,e et de Vhgslcro-epilepsie. Thèse de Paris, 1877.
" Saundhy,-On the nlGununurzaofeptlcpsy.(AIed.T'i»tesazedGu ? t883,)
228 REVUE CRITIQUE.
On peut observer une glycosurie névropathique transitoire
à la suite de fatigues physiques, d'excès vénériens , ou
de travaux intellectuels exagérés, d'émotions dépressives.
d) L'augmentation de l'urée et des urates peut se rencontrer
dans toutes les affections qui se caractérisent par une agitation
plus ou moins intense, ou des convulsions soit cloniques soit
toniques. On l'a signalée dans la manie, dans la chorée, dans
l'hystérie, dans le tétanos.
Les recherches de M. Ollivier' ont montré qu'après une
attaque à'hémorrhagie cérébrale, la quantité d'urée diminue
à mesure que la température s'abaisse; puis l'urée revient au
chiffre normal qu'elle dépasse souvent. Lorsque cette augmen-
tation est considérable, elle constitue en même temps que l'é-
lévation de température un signe fâcheux au point de vue du
pronostic. , ,
e) L'augmentation des phosphates a été signalée dans un cer-
tain nombre de maladies mentales. Mais MM. Bouchereau et
Magnan 2 ont examiné à l'asile Sainte-Anne les urines de 6,000
aliénés, présentant les diverses formes mentales, et, en dehors
de quelques cas très rares d'épilepsie. dans lesquels ils ont
trouvé des traces d'albumine, ils n'ont eu à relever aucune parti-
cularité du côté de la sécrétion urinaire. Ils n'ont jamais cons-
taté la phosphaturie; etl'albuminurie et la glycosurie ne se sont
présentées qu'à titre accidentel. La phosphaturie signalée dans
la maladie de Parkinson, notamment par Bence Jones, n'a pas
été constatée par P. Regnard, Lehmann, Vogel; cependant
Cheron et Laporteg ont insisté à nouveau sur ce symptôme.
B. Les TROUBLES DE l'excrétion sont sous la dépendance d'é-
tats pathologiques des fonctions des muscles de la vessie et de
l'urèthre. Certaines coliques néphrétiques observées chez les
hystériques ont paru reconnaître pour cause un spasme de l'u-
retère ; mais il est convenable de conserver encore une certaine
réserve à cet égard.
' 'A. 0))i\ier. De la polyurie et des variations de la quantité de l'it-
rée à la suite de <'/temor<'/<a ? e cérébrale. (arcs. de ph ! ls. et yath. ;
2' Série, t. III, p. 85, 1876.
' , Communication orale de M. Magnan.
2 Laporte. Contribution à l'élude de la Phosphaturie dans la maladie
tic l'arkinson. Thèse de Paris, 1R7.1.
DES TROUBLES URINAIRES. 229
Ces troubles peuvent se résumer en deux groupes, rétention
et incontinence, la première de beaucoup la plus fréquente.
a) La rétention d'urine d'origine nerveuse peut être détermi-
née soit par le spasme ou la contracture des sphincters, soit,
et le plus souvent, par la paralysie des fibres propres de la
vessie.
La rétention paralytique peut être complète ou incomplète.
Dans le premier cas, la vessie se laisse distendre, pour ainsi dire,
indéfiniment jusqu'à ce que le col, entr'ouvert mécaniquement,
par le fait même de la distension exagérée, laisse écouler
l'urine goutte à goutte, et qu'il se produise une incontinence
par regorgement. Dans le second, le malade peut encore uriner
volontairement, mais la vessie se contracte imparfaitement et
ne se vide que d'une manière incomplète; si on le sonde quand
il a terminé sa miction volontaire, on évacue encore une cer-
taine quantité d'urine. Quelquefois la paralysie de la vessie se
traduit par une grande difficulté à expulser les dernières
gouttes d'urine, sans qu'il y ait rétention véritable ; ou bien l'u-
rine ne sort que lentement et la miction nécessite un temps
exagéré, et les malades sont obligés de pousser; ou bien encore
la miction doit se faire en plusieurs temps, parce que la vessie
est incapable d'une contraction soutenue. Dans tous les cas,
lejet est sans vigueur, même quand il se fait par l'intermédiaire
d'une sonde.
La paralysie de la vessie s'accompagne fréquemment de la
perte de la sensibilité spéciale de l'organe. Il en résulte que
souvent la vessie se laisse distendre jusqu'à l'incontinence par
regorgement sans que le malade s'en aperçoive, ou bien, quand il
évacue artificiellement son urine, c'est l'heure et non la sen-
sation qui le guide. Un certain nombre de malades souffrent
de leur rétention; et cependant, les efforts les plus violents des
muscles abdominaux ne peuvent parvenir à provoquer l'expul-
sion.
La rétention paralytique s'observe dans le coma apoplec-
tique; mais elle n'est pas constante : un certain nombre de
sujets ont conservé la sensibilité réflexe de la vessie qui se
contracte spontanément, quand elle est arrivée au degré de dis-
tension qui nécessite la miction en temps ordinaire. Les
mêmes phénomènes se reproduisent, que le choc ait été pro-
duit par une hémorrhagie cérébrale, par un ramollissement
embolique, etc. ; et ils cessent graduellement avec l'état apo-
230 REVUE CRITIQUE.
plectique. Lorsque les troubles paralytiques se localisent,
lorsque le sujet devient hémiplégique, l'impuissance vésicale
disparaît : les troubles vésicaux sont exceptionnels, même
quand l'hémiplégie est double et ils ne paraissent pas être sous
la dépendance de la lésion cérébrale. A l'autopsie des anciens
hémiplégiques on ne trouve jamais les lésions vésicales et ré-
nales, suites nécessaires d'une rétention prolongée. C'est là un
fait intéressant parce qu'il montre que la dégénération des
faisceaux latéraux de la moelle n'entraîne pas de troubles des
fonctions urinaires ; il 'est d'ailleurs corroboré par cette cir-
constance que dans la sclérose latérale ainyol2-opltique, ces fonc-
tions sont aussi indemnes.
La rétention par paralysie se rencontre encore dans quelques
affections traumatiques de la moelle, quelquefois dans la com-
motion violente du rachis', dans certains cas de compression
par mal dePott, etc.
Dans l'hématomyélie, dans les myélites aiguës ou subaiguës
surtout de la partie inférieure, ce trouble est fréquent; il
est même prédominant dans certains cas où la vessie est
très atteinte bien que la paralysie des membres inférieurs
soit peu prononcée relativement. C'est ici le lieu de faire remar-
quer que si, dans les affections du système nerveux, les lésions
locales des voies urinaires, donnant lieu à l'alcalinité del'urine,
sont dues en grande partie à la cystite provoquée par la réten-
tion et l'introduction de sondes malpropres, il est des cas de
myélite aiguë dans lesquels les urines s'altèrent, deviennent
alcalines, purulentes, sanguinolentes, avec une telle rapidité,
qu'il n'est guère possible de ne pas admettre un trouble t1'O-
phique, d'autant plus qu'il se produit en même temps des
escarres rapides.
Cette rétention se rencontre encore dans l'ataxie locomotrice.
Ce n'est qu'à titre d'exception que l'on observe l'impuissance
de la vessie dans la paralysie diphthérilique ; et on ne la
signale guère dans le cours des paralysies toxiques.
La rétention par spasme des sphincters peut être aussi com-
plète ou incomplète. Elle ne s'accompagne pas généralement
d'anesthésie vésicale, sauf pourtant quelquefois chez les hysté-
riques ; aussi la sensation du besoin est-elle vivement sentie.
Lorsque la rétention est incomplète, le malade est obligé de
1 Erichsen. On concussion nf thespine, etc. l.mlon, 188Q, p. 6n. ,
DES TROUBLES URINAIRES. 231
pousser violemment, mais quand l'urine parvient à s'écouler;
c'est en jet d'une grande puissance; si la rétention est complète
et qu'on soit obligé de recourir au cathétérisme, ce jet présente
encore les mêmes caractères. Quelquefois l'écoulement s'in-
terrompt brusquement pour reprendre avec la môme vigueur
sous l'influence d'un nouvel effort. '
Cette forme de rétention s'observe dans certains cas de
méningite spinale, dans le tabès spasmodique, la myélite 11'Ons-
verse. Certaines formes anormales de la sclérose en plaques et
en particulier celles qui s'accompagnent de contracture des
membres peuvent offrir ce même trouble de la miction. C'est,
en général cette forme de rétention que l'on observe dans
l'hysté), ? "e. Il convient de remarquer que la rétention spasmo-
dique peut se rencontrer b l'état d'isolement chez des sujets
qui ont présenté d'autres phénomènes hystériques ou névro-
pathiques ; et le spasme de l'urèthre chez l'homme peut être
considéré comme une manifestation d'un état névropathique"
comme une sorte d'hystérie locale.
On a signalé la rétention d'urine pendant les crises du téta-
nos; mais, peut-être s'agit-il d'une diminution considérable de
la quantité d'urine en rapport avec les sueurs.
Quelle que soit sa cause, et quel que soit son mode de pro-
duction,la rétention d'urine.lorsqu'elle est durable, détermine,
au bout d'un temps variable, des troubles inflammatoires de
la vessie. Si l'on n'y porte remède par un sondage régulier, la
distention et l'inflammation se propagent aux uretères, aux
bassinets, aux calices; il se produit une pyélonéphrite qui évolue
comme les autres pyélonéphrites par rétro-dilatation. On peut
dire que le plus souvent c'est aux complications rénales que
succombent les sujets atteints de maladies du système nerveux
qui souffrent de rétention d'urine.
b) Il est une variété d'incontinence, l'incontinence par regor-
gement, qui ne se produit que lorsque, par suite de la distension
extrême de la vessie, les sphincters cèdent mécaniquement et
laissent écouler l'urine goutte à goutte. Elle est la conséquence
de la rétention, et se manifeste dans les mêmes conditions que
cette dernière.
Quant à l'incontinence proprement dite, elle est beaucoup
plus rare que la rétention. Elle peut être complète ou incom-
plète. L'incontinence absolue ne se rencontre guère qu'à la
suite de quelques myélites aiguës, à la suite de traumatismes
232 REVUE CRITIQUE.
de la moelle portant sur la partie inférieure du renflement
lombaire ou sur la queue de cheval, ou en conséquence des
compressions siégeant dans la même région. La miction se
fait à mesure que l'urine arrive dans la vessie, et à quelque
moment que l'on introduise uuesoude, on trouve la vessie vide.
Cet état est rare; plus souvent une petite quantité d'urine
s'accumule dans la vessie, puis elle est expulsée sans que le
malade s'en aperçoive, c'est la miction inconsciente.
La miction inconsciente est une sorte d'atténuation de l'in-
continence vraie, à laquelle elle succède dans les cas qui entrent
en voie d'amélioration. Elle se présente du reste avec des ca-
ractères assez divers. Chez les apoplectiques, chez les déments,
chez certains idiots et en général, dans les états de profonde
dépression psychique, où toutes les fonctions s'exercent en
l'absence du sujet pour ainsi dire, la miction est inconsciente ;
mais elle s'accomplit avec une certaine régularité et à peu près
dans les conditions physiologiques, c'est-à-dire que la vessie se
laisse distendre normalement,'et quatre ou cinq fois par jour,
un peu plus ou un peu moins, elle se vide d'unefoisetcomplète-
ment par une contraction réflexe' : c'est une miction incons-
ciente, mais régulière.' D'autres fois, la miction inconsciente,
au lieu dese faire à des intervalles à peu près physiologiques, se
répète au contraire fréquemment, comme si les sphincters ne
pouvaient résister qu'à une faible tension : cMe'7nicliou in-
consciente il fréquente constitue un état plus' rapproché de l'in-
continence vraie et s'observe dans les mêmes circonstances.
Enfin l'incontinence incomplète,la miction inconsciente,au lieu,
d'être continue et permanente, comme dans les circonstances
précédentes, peut être accidentelle et'ne se présenter qu'à des
intervalles variables bu dans' des circonstances déterminées,
c'est ce qu'on voit par exemple dans le tabès ataxique, dans
certains cas de'paralysie générale des aliénés, de tumeurs céré-
brales siégeant principalement dans le mésocéphale. On l'observe
encore au moment de l'attaque d'épilepsie, au début de la con-
vulsion tonique. '
Une forme moins grave encore de l'incontinence constitue
la miction involontaire, mais non plus inconsciente. Cette
miction involontaire offre elle-même deux degrés différents par
leur gravité. Tantôt le malade sent le besoin d'uriner, mais il
ne peut attendre, la miction se fait immédiatement malgré ses
efforts, la sensation du besoin est à la fois impérieuse et pé-
DES TROUBLES URINAIRES. 233
nible. Tantôt il y a une sensation vague de besoin, et l'urine
s'écoule sans que le malade ait même songé à résister. Cette
forme de miction involontaire qui, comme la précédente, se
rencontre dans les cas de lésions de la partie inférieure de la
moelle, dans sa totalité, dans l'ataxie locomotrice, dans la pa-
ralysie générale', etc., peut être à la fois diurne et -nocturne;
c'est ce qui arrive dans les cas relativement les plus graves, ou
bien elle est seulement nocturne. Chez certains malades enfin la
miction involontaire, au lieu d'être spontanée, ne se produit
que mécaniquement, sous l'influence d'un effort, de la toux ' par
exemple. Ces divers états constituent des atténuations gra-
duelles de l'incontinence.
Il est une forme d'incontinence qui mérite d'appeler particu-
lièrement l'attention, c'est l'incontinence nocturne proprement
dite, Y incontinence-névrose, sur laquelle Trousseau a insisté avec
tant de raison. Les sujets qui en sont atteints sont souvent des
enfants de cinq à huit ans; mais elle n'est pas très rare chez
lesadolescents, et on peut la voir jusqu'à dix-huit et vingt ans.
Ces malades urinent normalement dans la journée, mais pres-
que toutes les nuits, ils laissent échapper leurs urines. En de-
hors des faits où ce symptôme trahit des accès nocturnes d'épi-
lepsie plus ou moins difficile à découvrir, il en est où l'inconti-
nence nocturne est parfaitement indépendante de tout autre
trouble nerveux caractérisé contemporain ; mais fréquemmeut
les sujets qui ont été atteints de cette névrose deviennent enu-
rasthéniques, ataxiques, ou plus souvent épileptiques. Du reste,
il n'est pas rare de voir, parmi les ascendants ou les collatéraux
des sujets affectés d'incontinence nocturne, des personnes
faisant partie de la famillenévropathique à un titre quelconque,
et principalement des épileptiques. Il est plus rare que cette
affection se transmette directement par hérédité. Pour Trous-
seau, elle résulte d'une hyperexcitabilitédes fibres musculaires
de la vessie ; Leubuscher et Van Lair admettent au contraire un
relâchement du sphincter.
Enfin, dans certaines conditions et en particulier dans
l'ataxie locomotrice, dans la paralysie générale, dans quelques
1 M. Van Lair cite (Symptomatologie de Spring), d'après Bourguignon, un
individu chez qui les névralgies brachiales s'accompagnaient d'émissions
involontaires d'urine. Inversement certains individus en apparence sains
éprouvent, au cours de la miction, une douleur vers le cou ou sur le
trajet du nerf cubital, etc.
2H 'l REVUE CRITIQUE.
tumeurs du mésocéphale, etc., on observe des comhinaisons di-
verses de la rétention et de l'incontinence, d'oil il résulte une
incoordination vésicale qui ne se présente le plus souvent que
d'une façon passagère.
C. Les Troubles de la sensibilité varient de forme et de siège.
a) Existe-t-il une 17éphl'algie essentielle, analogue aux autres,
viscéralgies, la question est difficile à juger (Sandras, briquet,
Valleix); les quelques sujets qui paraissent en avoir été at-
teints étaient des hystériques.
Dans l'ataxie locomotrice, Maurice Raynaud a signalé des
crises néphrétiques, analogues aux antres viscéralgies tahétiques,
mais qui semblent beaucoup moins fréquentes.
b) Les troubles sensitifs des organes excréteurs sont plus
variés. A l'état normal, la vessie est fort peu sensible au con-
tact et il semble que le réflexe de la miction s'opère plutôt
par l'intermédiaire du sens musculaire que par celui de la sen-
sibilité tactile. Quant la muqueuse uréthrale, elle est, comme
la muqueuse vésicale, plus sensible aux impressions doulou-
reuses qu'aux impressions tactiles. La sensibilité de ces mem-
branes peut être diminuée ou pervertie; et les altérations se
manifestent souvent à la fois sur la vessie et sur l'urèthre,
a) L'anesthésie tactile de la vessie a été peu étudiée ; mais
l'anesthésie de l'urèthre est facile à constater dans maintes cir-
constances, dans l'hystérie, dans l'ataxie locomotrice, dans les
myélites par compression, etc.; le malade ne sent pas l'urine
s'écouler, et peut ne pas sentir la sonde qu'on introduit. Il est
intéressant de remarquer que, dans le cas d'hystérie, où on peut
admettre l'anesthésie tactile de la vessie, puisque l'anes-
thésie est généralisée, la miction se fait régulièrement, c'est
que le sens musculaire persiste dans la vessie, comme il persiste
dans les membres, malgré la perte absolue de la sensibilité
tégumentaire. Dans les myélites transverses, l'anesthésie s'ac-
compagne de paralysie de la vessie ou des sphincters, suivant
le siège de la compression, c'est-à-dire suivant que la sensi-
bilité réflexe, persiste ou non. Dans l'ataxie locomotrice, la
perte de la sensibilité vésicale et uréthrale qui peut faire partie
d'une plaque anesthésique s'étendant plus ou moins sur les
téguments des parties génitales externes et dans leurvoisinage,
s'accompagne fréquemment d'incoordination vésicale, ce qui
DES troubles urinaires. 235
semble indiquer que le sens musculaire est atteint plus que la
motilité.
La sensibilité réflexe de la vessie ou des sphincters ne peut
être abolie que lorsque les centres médullaires sont détruits ou
lorsque les filets nerveux sont altérés dans leur trajet périphé-
rique.
6) La dysesthésie, la perversion de la sensibilité, peut se tra-
duire de différentes façons : Il Tantôt il y a simple irritabilité
réflexe de la vessie, les besoins d'uriner sont fréquents, la
vessie n'a pas le temps d'arriver jusqu'à l'état de distension
moyenne, que déjà la contraction réflexe se produit; 2° tantôt
le besoin est non seulement fréquent, mais il s'accompagne
d'une sensation douloureuse ; et, quand il est satisfait, une con-
traction douloureuse est ressentie au niveau des sphincters :
il y a ténesme ou spasme douloureux. Ces différentes formes
de vessie irritable peuvent se rencontrer dans le nervosisme
aigu ou chronique, dans la neurasthénie, l'irritation spinale,
la méningite spinale, l'ataxie locomotrice .
3° Existe-t-il des névralgies de la vessie et de l'urèthre ?
M. Gergaud ' met en doute et, avec raison, la cystalgi'e idzopa-.
thique; certains goutteux offrent des crises de vessie quelque-
fois avec hématurie mais, en l'absence d'autopsie, il convient t
de rester sur la réserve Quant à la névralgie de l'urèthre, à
]' w'étll1'al,qie, dont on a signalé des formes continues et inter-
mittentes, son existence n'est pas non plus bien établie eu
tant que névralgie pure.
4" Il ne faut pas confondre avec la névralgie, la dysesthésie,
la sensibilité douloureuse de la vessie et de l'urèthre que l'on
observe quelquefois dans l'hystérie et dans l'ataxie locomotrice
en particulier, soit spontanément, soit pendant la miction.
Parmi les phénomènes douloureux observés du côté de la ves-
sie et de l'urèthre sous la dépendance de lésions du système
nerveux, il faut surtout citer les crises vésicales et uréthrales
de l'ataxie.
Notons, pour terminer, ce qui a trait aux troubles de l'ex-
crétion urinaire, les hémorrhagies vésicales qui sont peut-être
les plus rares des hémorrhagies qui peuvent se produire chez
les hystériques , et les mictions sanguinolentes qui s'ob-
1 ipl'1111 ? 1)e.c cclnlqie.s et de leur 1),aitee ? ieîit Th., 1882.
5 Ch. Fn'f'. - Du cancer de la vessie, 18. l, p. 119.
236 REVUE critique.
servent exceptionnellement à la suite des crises vésicales de
l'ataxie.
Nous avons passé en revue, chemin faisant, les différentes
affections dans lesquelles on observe les troubles de la miction.
Il convient de remarquer que ces troubles n'existent d'une ma-
nière continue dans aucune affection cérébrale; la paralysie
générale des aliénés, qui parait dans certains cas faire excep-
tion, est en réalité une affection cérébro-spinale. D'autre part,
il s'en faut de beaucoup que toutes les lésions spinales s'accom-
pagnent de phénomènes de cet ordre : il n'en existe point dans
les dégénérations descendantes des cordons latéraux, ni dans la
sclérose latérale amyotrophique, dans la paralysie infantile,
dans la paralysie spinale de l'adulte, dans l'atrophie musculaire
progressive, dans la paralysie générale spinale, et, en particulier,
dans la variété paralysie générale spinale antérieure subaiguë
de Duchenne, dans quelques myélites centrales.
Si les affections de la moelle épinière retentissent fréquem-
ment sur les fonctions urinaires ; il n'est Pas inutile de le faire
, ™, .. .. "II .d al t .. q. " > . ,
remarquer, les affections des voies urinaires ont aussi quel-
quefois sur, la moelle, une, influence, pathogénique uon dou-
teuse. On peut, avec M. Charcot ? distinguer deux groupes de
faits : a) La propagation de rinflammation peut se faire d'un
point des voies urinaires vers la moelle, par le mécanisme de la
névrite ascendante ,('l'roja, Léÿden, Tiesler); et il se produit
une véritable myélite dont les symptômes sont ceux' d'une myé-
lite transverse ordinaire, et dont le pronostic est généralement
r' Daris d'antres é2s,,répondant à la 0 élexe de
grave. b) Dans d'autres cas, répondant à la paralysie réflexe de.
Brown-Séquard, les symptômes sont beaucoup moins graves'; il
il s'agit plutôt d'un affaiblissement parétique que d'une para-
lysie proprement dite (Charcot,); n'y a ni troubles sensitifs,
ni troubles trophiques, et il se produit souvent une modifica-
tion rapide et parfois même une cessation complète des acci-
dents paralytiques, sous l'influence d'un amendement dans
l'affection des voies urinaires (Charcot). On a expliqué ces
paralysies réflexes par un phénomène d'arrêt dû à l'irritation
des nerfs périphériques. Quelle que soit la valeur de cette in-
terprétation, il est bon de 'remarquer que ces sortes de para-
plégies'se rencontrent assez souvent chez de jeunes sujets
1 Charcot. - Leçons sur les maladies du système nerveux, t. II, 3e éd.,
p. 295.
DES TROUBLES URINAIRES. 237
(Stephanini, Dieu, etc.) ou chez des sujets nerveux; il est per-
mis de comparer quelques-unes de ces paralysies aux paraly-
sies qui se développent chez les hystériques en conséquence
d'une irritation périphérique, d'un traumatisme, etc. Ce rap-
prochement est d'autant plus acceptable qu'on a pu voir dans
les mêmes circonstances (extraction d'un calcul) paraître une
hémianesthésie incomplète (Le Dentu).
Dans un autre groupe de faits, l'inflammation des organes
urinaires se propage directement aux nerfs du bassin; et il en
peut résulter une névrite descendante qui détermine une para-
lysie plus ou moins complète; dans ces cas, la moelle n'est pas
atteinte, il s'agit de fausses paraplégies.
'/il.
. \\""
¡. 1 .. fla ? \ " 1 .
A. Dans l'ATAXIE locomotrice, les troubles de la sécrétion
, ,'f l, t.tt" .JI ? ,..... l, ..., if.. ,
urinaire' sont rares et peu marqués. L ollgune, à laquelle nous
avons fait allusion plus haut',1 paraît tout à fait exceptionnelle.
Les crises 'd'urine ," encore peu connues, semblent plus fré-
quentes : elles peuvent se 'produire de deux manières :
tantôt c'est' à la suite dé ' crises douloureuses sur les voies
urinaires 5 t tantôt c'est è.114eh ? rs de .toute autre manifes-
tation. t1 la suite d'une crise vésicale,' et à la suite seulement
de quelques" accès ? certains' malades ' éprouvent un besoin
impérieux d'uriner, et ils rendent une grande quantité d'urine
claire. Dans les'àutres cas, le malade, qui n'avait'rien éprouvé
de particulier du côté 'des organes urinaires, est pris tout à coup
d'une envie urgente ? et à"dès intervalles très' courts, rend une
quantité plus ou moins considérable d'urine presque incolore;
un de nos malades nous a affirmé qu'il avait'rendu ainsi plus de
deux litres d'urine'en quelques heures ! puis tout était rentré
dans l'ordre. On'peut'comparer ces diarrhées urinaires aux
phénomènes d'hypersécrétion qui ont été signalés pour les
glandes de l'appareil digestif '. ' "" ' 1 ',iI ' ?
, l, ., 1'1 ` Il 1.1q - ,
Nous nous contenterons de rappeler que, chez les ataxiques
qui ont eu des troubles vésicaux prolongés, on voit à fin
de la vie se produire une polyurie d'abord limpide, puis pu-
1 C. Putnam. - Recherches sur les troubles fonctionnels des nerfs vaso-
moteurs dans le tabès sensitif. Thèse, 1882.
'23, . 1"E% UE CRITIQUE.
rulente; mais ce trouble de sécrétion n'est pas en rapport avec
l'affection primitive, il est sous la dépendance de la pyélo-né-
phrite secondaire (Guyon, Bazy).
B. Signalés par Duchenne (de Boulogne), M. Charcot a fait
figurer les troubles de l'excrétion urinaire à titre de symptômes
ordinaires dans le tableau du tabes vulgaire; et c'est sans exagé-
ration que M. Geffrier a pu dire que « presque tous les
ataxiques ont eu, à une époque quelconque de leur maladie, des
troubles de la miction ».
Ces troubles sont très variés, et ils ont été dans ces derniers
temps l'objet d'une étude détaillée de la part de M. Fournier ' et
de M. Geffrier qui, sous un titre beaucoup plus compréhensif,
n'étudie guère en réalité que l'ataxie locomotrice.
Les troubles de la motilité du tabes sont, en grande partie
du moins, suus la dépendance d'altérations de la sensibilité; il
en est de môme en ce qui concerne les organes d'expulsion de
l'urine; aussi étudierons-nous d'abord ces altérations.
a) Les troubles de la sensibilité de l'urèthre et de la vessie se
présentent sous trois formes : anesthésie, dysesthésie, et crises
douloureuses, qui, comme tous les autres troubles urinaires,
trouvent leurs analogues, non seulement au point de vue de
leur forme, mais encore au point de vue de leur évolution, dans
les phénomènes tabétiques qui se montrent sur les autres ap-
pareils.
1° La sensibilité tactile de la vessie est àpeu près nulle, etson
abolition ne peut se constater que très imparfaitement par l'ab-
sence delasensation du besoin d'uriner. L'anesthésie del'urèthre
peut, au contraire, se constater directement; et d'ailleurs, le ma-
lade déclare qu'il ne sent pas passer l'urine. L'anesthésie de la
vessieetcelle de l'urèthre semblent aller toujours de pair; mais
la dissociation n'est pas impossible, car ces anesthésies viscé-
rales constituent, à pioprement parler, des anesthésies en
plaques qui s'étendent plus ou. moins autour du méat ou des
organes génitaux externes. La perte de la sensation du besoin
d'uriner doit être attribuée tout autant à la perte du sens mus-
culaire qu'à la perte de la sensibilité de la muqueuse ; elle est
'Fournier. - De l'ataxie locomotrice d'origine syphilitique, 1882. ,
= Geffrier. - Elude sur les troubles de la miction dans les maladies du
système nerveux. Thèse, 1884.
DES TROUBLES URINAIRES. 239
rarement en partie compensée par une sensation vague de
tension abominale. Certains malades constatent eux-mêmes
cette abolition du besoin et ils y suppléent en urinant volon-
tairement à de certaines heures; sans cette précaution, leur
vessie qui a perdu l'excitabilité réflexe se laisserait distendre
jusqu'à l'incontinence par regorgement. D'autres fois, la sen-
sibilité réflexe persistant, la miction se fait d'une manière in-
consciente. Ajoutons que, comme les autres anesthésies en
plaques de l'ataxie, l'anesthésie vésicale peut se modifier, s'at-
ténuer d'un moment à l'autre, c'est ce qui explique la variabi-
lité de la sensation du besoin de la miction chez certains sujets.
Si nous considérons l'anesthésie des voies urinaires comme
une anesthésie en plaques, nous ne pouvons guère concevoir
que l'anesthésie de l'urèthre puisse exister quand la sensibilité
de la vessie reste intacte. C'est pourtant ce qu'a avancé M. Gef-
frier, se basant sur ce que certains malades conservent le be-
soin d'uriner, et ne sentent pas couler l'urine. Nuus explique-
rions volontiers ces faits en disant que c'est seulement la
sensibilité des muqueuses qui est abolie, tandis qu'il y a per-
sistance du sens musculaire qui joue le principal rôle dans le
besoin d'uriner. Quoi qu'il en soit l'anesthésie de l'urèthre en-
traine des inconvénients multiples : ne sentant pasl'écoulement,
les malades ont besoin de voir, de toucher ou d'entendre pour
diriger leurs efforts ; quelques-uns éprouvent par suite une
certaine difficulté à uriner la nuit, il leur arrive de croire qu'ils
ont fini d'uriner quand ils n'ont pas commencé, ou de ra-
juster leur vêtement quand l'urine s'écoule encore.
2° L'hyperesthésie ou plutôt la dysesthésie, la sensibilité
exagérée et anormale peut atteindre la vessie seule; c'est elle
qui donne cette sensation de pesanteur, de tension continuelle
dans le bas-ventre, ces besoins fréquents et irrésistibles de mic-
tion en dehors de toute complication inflammatoire. Quelque-
lois elle s'accompagne d'une sensation de chatouillement, de
cuisson, de brûlure dans l'urèthre, existanttantôt d'une manière
continue et toute spontanée, tantôt ne se manifestant qu'au
moment du passage de l'urine. L'endolorissement de la région
membraneuse peut rendre compte des spasmes douloureux de
cette région. Cette dysesthésie présente aussi les caractères des
dysesthésies cutanées en plaques, c'est-à-dire qu'elles sont
très variables comme intensité, et que même elles peuvent
disparaître d'un moment à l'autre.
2\0 REVUE CRITIQUE.
3° Chez un certain nombre de sujets, les phénomènes doulou-
reux observés du côté de la vessie ou de l'urèthre, aulieu d'être
plus ou moins continus et uniformes, se présentent sous formes
de crises', sur lesquels M. Charcot a tout d'abord insisté. Ces
crises offrent tous les caractères des douleurs dites fulgurantes
de l'ataxie; tantôt ce sont de simples picotements, tantôt ce
sont des douleurs lancinantes, térébrantes, quelquefois assez
douloureuses pour arracher des cris au patient. Ces crises qui
durent généralement douze heures, ou un ou même plu-
sieurs jours, sont constituées par des accès composés eux-
mêmes d'une série de chocs douloureux qui se répètent
plus ou moins rapidement pendant quelques secondes ou
quelques minutes. Ces accès sont séparés par des intervalles
variables de quelques minutes à un quart d'heure, quelquefois
plus.
Les crises douloureuses peuvent affecter la vessie et l'u-
rèthre isolément, ou les deux ensemble. Les crises vésicales
sont caractérisées par des douleurs d'intensité variable siégeant
dans la profondeur de la région hypogastriquo ou au-dessus
du pubis; elles s'accompagnent de besoins fréquents d'uriner,
d'épreintes vésicales, de ténesme extrêmement pénible. Quel-
quefois les douleurs s'irradient dans la direction des nerfs scia-
tiques, et lorsqu'elles offrent le caractère térébrant, elles ne
sont pas sans analogie avec les douleurs du cancer de la vessie.
Plus souvent elles s'irradient vers l'urèthre et constituent alors
les crises vésico-urélhrales. Quelquefois la douleur siège exclusi-
vement dans l'urèthre. Dans la crise u1'élll1'ale, la douleur
rappelle encore plus exactement la fulguration; elles ont gé-
néralement une direction excentrique, naissant à la racine de
la verge et s'étendant avec la rapidité de l'éclair vers le méat.
Les malades la comparent à une sensation de fer rouge, de
rasoir, d'une série rapide d'étincelles électriques. Plus rare-
ment la douleur siège exclusivement à l'extrémité de l'urèthre
et ressemble plus ou moins aux élancements d'un abcès. Ces
crises uréthrales s'accompagnent fréquemment d'uréthro-
spasmes très pénibles. Souvent les douleurs uréthrales et vé-
sicales s'accompagnent d'irradiations douloureuses vers l'anus
ou de véritables crises anales, et nous ne serions pas surpris
1 Queudot. - Des crises douloureuses qui peuvent se montrer sur les
voies urinaires et dans les organes génitaux au cours de l'ataxie locomo-
trice. Thèse, 1882.
DES TROUBLES URINAIRES. 'S4f 1
que la variété singulière de névralgie ano-vésicale décrite par
Velpeau' appartint à l'ataxie locomotrice.
Un phénomène intéressant qui accompagne quelquefois les
crises vésicales et uréthrales, c'est Yhémorrhagie. Nous avons
observé à la Salpêtrière une malade qui, à la suite de chaque
crise vésicale, rendait des urines sanguinolentes et qui restaient
teintes pendant une journée ou plus. M. Geffrier a eu la rela-
tion d'un fait analogue, mais il ne l'accepte qu'avec un point
de doute2. Cependant ces hémorrhagies sont faciles à expli-
quer : M. Straus a montré qu'à la suite des douleurs fulgurantes,
on voit souvent apparaître au point qui en a été le siège des
ecchymoses plus ou moins étendues; il a même rapproché de
ces ecchymoses les hémorrhagies qui accompagnent les crises
gastralgiques et rectalgiques3. Les hématuries, à la suite de
crises vésicales, comportent la même interprétation pathogé-
nique. Ajoutons que MM. Raymond et Oulmont4 ont publié
une observation dans laquelle le pissement du sang était consé-
cutif à des crises qui avaient surtout pour siège l'urèthre.
b) Les troubles sensitifs commandent souvent, nous l'avons
vu, les troubles moteurs qui sont variables comme eux; mais de
même qu'il'existe dans l'ataxie des phénomènes paralytiques,
notamment du côté de'l'oeil, qui sont indépendants de toute
modification de la sensibilité, de même il peut-'exister du côté
de la vessie des troubles paralytiques indépendants.
Quoi qu'il en soit, l' ataxie lo'coin otriée est certainement l'affec-
tion du système nerveux qui 'offre' les troubles les plus variés
de la miction. ' t 1 . 1
1° La rétention d'urine' se présente à des degrés très divers
suivant le degré de la paralysie vésicale elle-même fort va-
riable. Certains malades sont'obligés de pousser et doivent
mettre un temps plus' ou' moins long à obtenir les premières
gouttes d'urine, quelquefois ils'sont obligés d'y renoncer
momentanément. D'autres' n'obtiennent un résultat qu'en
prenant les positions les', plus variées : les uns ne peuvent
uriner que debout, les autres doivent rester dans le décubitus
t i . t
1 Velpean. - Art. Anus(Dictr. en trente vol., 9e rez., t. III, p. z8,2,. (
Loc. cit., p. 125,
' Straus. Des ecchymoses tabétiques à la suite des crises de douleurs
fulgurantes (A2-ch. de Neurologie, t. I, p. b63.) '" ° '1 l' 'l' 1',1 ,
1 Gaz. méd. de Paris, 1881, p. 9-43. ,
Archives, t. VII. 16 si
: H.2 REVUE CRITIQUE.
dorsal, d'autres sont obligés de se mettre à genoux, de s'ac-
croupir. Malgré tous ces efforts, le jet est sans vigueur et sou-
vent l'écoulement s'arrête avant que la vessie ne soit vide;
quand la miction est terminée, le cathétérisme peut encore
fournir une certaine quantité d'urine.
'3° L'incontinence se manifeste de manières très différentes.
Tantôt elle est consécutive à la rétention, c'est l'incontinence
par regorgement qui n'a, dans sa forme, rien qui soit spécial à
l'ataxie. Quelquefois l'incontinence se manifeste d'une façon
tout accidentelle, quand le besoin d'uriner a été longtemps
retenu, le matin au réveil, quand la vessie est distendue, il
s'écoule malgré la volonté du sujet quelques gouttes d'urine
qui ne sont, en somme, que des atténuations del'incontinence
par regorgement. D'autres fois, l'écoulement se fait à propos
d'un effort, d'un accès de toux, ou même sans cause déterminée,
et bien que la vessie ne soit pas distendue. La miction in-
consciente, se faisant en jet à intervalles réguliers, est assez
rare, au moins dans le jour; cette forme d'incontinence noc-
turne est au contraire assez fréquente. L'incontinence pure
dans laquelle la vessie s'écoulant goutte à goutte reste toujours
vide est tout à fait rare.
3° Signalons enfin un trouble urinaire, sorte de combinaison
de rétention etd'incontinence, qui semble résulter de la perte du
sens musculaire. M. Geffrier la désigne sous le nom d'ataxie
vésicale et en fait un signe pathognomonique; nous préférons
la dénomination plus vague d' incoordination vésicale, par ce
que ce trouble n'est point spécial à l'ataxie, mais peut se ren-
contrer dans la paralysie générale et dans certains cas de tu-
meurs du mésocéphale en particulier. Certains malades, après
avoir fait de longs efforts pour uriner.obtiennent enfin un j et plus
ou moins vigoureux, mais tout à coup la miction s'arrête pour
reprendre après de nouveaux efforts et ainsi de suite. La mic-
tion se fait en plusieurs actes, comme le dit M. Fournier. D'autres
fois le malade, à la suite d'efforts prolongés, renonce à la mic-
tion, mais au bout d'un instant l'urine s'écoule malgré lui dans
ses vêtements. D'autres fois encore, le malade, après avoir uriné
en quantité suffisante, croit avoir fini, mais à peine s'est-il ra-
justé, que quelques'gouttes d'urine oubliées s'écoulent de nou-
veau.
Il importe de remarquer que, dans la forme dite ataxie hé-
réditaire ou maladie de Z%riedreicla, cette maladie de famille qui
DES TROUBLES URINAIRES. 1 243
par ses symptômes céphaliques, se rapproche de la sclérose
en plaques, tandis que ses troubles spinaux ont pu permettre
de la confondre avec l'ataxie de Duchenne; les fonctions vési-
cales ne sont nullement affectées.
Les troubles des voies urinaires dans l'ataxie locomotrice
peuvent apparaître dès le début; un de nos malades' souffrit
de difficultés à uriner huit ans avant d'avoir ses premières dou-
leurs fulgurantes ; quelquefois ces troubles apparaissent avec
les douleurs fulgurantes; mais le plus souvent ils se font
attendre jusqu'à la période confirmée du tabès. -
Le plus ordinairementils s'installent graduellement, progres-
sivement ; mais ils peuvent apparaître brusquement : le ma-
lade peut se réveiller avec une rétention complète. Ce dernier
mode d'apparition n'est pas spécial à la paralysie vésicale, or
sait qu'il existe un certain nombre de faits de paraplégie à
début brusque développées au cours de l'ataxie.
Souvent dans les deux premières périodes, ces troubles sont t
transitoires au même degré que les paralysies oculaires, les
phénomènes laryngés, etc. Il peut arriver toutefois qu'un ma-
lade qui a été affecté tout d'abord de difficultés de la miction
en reste affecté d'une manière continue pendant des années et
même définitivement. Les troubles d'excrétion qui arrivent à
la troisième période sont plus ou moins permanents et si
nissent par déterminer des troubles inflammatoires de la vessie
et du rein qui constituent les causes de mort les plus fré-
quentes du tabcs.
La valeur pronostique des symptômes urinaires dans le
tabes estdonc très variable. Quelle est leur valeur diagnostique ?
A cette question : «Y a-t-il donc moyen dediagnostiquerl'ataxie
locomotrice alors que les symptômes urinaires sont les seuls
dont se plaigne le malade ? » M. Geffrier répond «le plus sou-
vent oui »; nous ne pouvons pas partager cet avis. M. Gef-
frier ne cite d'ailleurs aucune observation dans laquelle ce dia-
gnostic ait été fait en l'absence de tout autre phénomène tabé-
tique. Les preuves qu'il apporte à l'appui de son opinion se
résument dans les affirmations suivantes : L'expulsion involon-
taire et parfois inconsciente d'un filet d'urine, l'incoordination
vésicale, l'anesthésie vésicale et uréthrale,constituent autantde
Charcot et Féré. - Affections osseu.es et articulaires du pied chez
les tabetiques (Ai-eh. de Neurologie, t. VI, 1883, p. : 106).
244 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
signes pathognomoniques. Rien n'est moins exact, avec des lé-
sions des voies urinaires et ces divers symptômes peuvent se ren-
contrer dans différentes affections spinales ou cérébro-spinales.
M. Fournier avait donné une note plus juste en disant qu'en
l'absence de maladies des voies urinaires, ces signes doivent faire
soupçonner une affection du système nerveux et en particulier
l'ataxie, qui paraît une des plus fréquentes. Tout ce qu'on peut
dire c'est qu'il est des sujets qui présentent des troubles de la
miction dont les voies urinaires sont intactes, ce sont des « faux
urinaires », comme dit M. Guyon', et les troubles dont ils sont
affectés reconnaissent pour cause une affection du système
nerveux; mais il reste à chercher, en s'aidant de la connais-
sance des associations symptomatiques, de quelle affection spé-
ciale il s'agit. ,
Ce qu'il importerait surtout de faire, c'est un diagnostic, mé-
dical, ne nécessitant pas une exploration directe, qui dans les
mauvaises conditions trophiques où se trouvent les ataxiques,
peut leur être très préjudiciable.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
I. Grande hystérie chez l'homme; par PASTRRNATXKI. (Archives de
Psychiatrie et Neurologie russes, 1883, t. Il.)
M. Pasternatzky donne une description d'un cas de grande hys-
térie chez l'homme suivie d'un état léthargique et cataleptique; ce
cas est surtout intéressant au point de vue de la localisation de cet
état, seulement d'un côté du corps. Il s'agit d'un jeune officier de
vingt-quatre ans. Mère nerveuse. Étiologie bien vague ; à l'âge de
dix-neuf ans, il fut saisi d'effroi à la vue de son ami mort pen-
dant les manoeuvres. La maladie a commencé par une période
d'excitation de son état mental et des convulsions générales, dont
1 F. Guyon. - Leçons cliniques sur les maladies des voies urinaires, 1881,
p. 2f, 73, 205.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 245
il était attaqué de temps en temps sous l'influence de la moindre ex-
citation. Dans l'année 1882 (deux années après), il était pris d'une
paralysie des deux membres inférieurs, qui a disparu après l'ap-
plication de moxas au niveau des dernières vertèbres dorsales. Ischu-
rie ; spasmes laryngés. ,
Maintenant, je veux résumer, sans entrer dans les détails du trai-
tement, l'état dans lequel se présentait le malade à M. P... : sujet
très irrité et impressionnable; le moindre bruit ou contact pro-
voque une attaque qui se manifeste avec des convulsions toniques,
commençant par la face, le membre supérieur et ensuite l'infé-
rieur ou vice versa, seulement du côté gauche, et devenant ensuite
cloniques. L'attaque est régulière et suivie souvent de délire et
de perte de connaissance. Les périodes ne sont pas bien déterminées,
quoiqu'il ne manque pas l'urc. Forte hyperesthésie du côté gauche;
réflexes tendineux (à gauche) très exagérés. Les ligaments très sen-
sibles au contact. Points hystérogènes dans la partie iliaque gau-
che et entre les troisième et huitième vertèbres dorsales, dont la
compression peut arrêter la soi-disant attaque en faisant fixer les
yeux, ce qui le place dans un état léthargique, qui est suivi d'une
hyperezcitdbilité neuro-musculaire. On peut suggérer au malade
des hallucinations de la vision et de l'ouïe (idée de son camarade
tué et marche funèbre qui provoque de sa part une attaque hysté-
rique). En ouvrant l'oeil gauche, on fai tcessercetétat, eton lechange
en un état cataleptique (conservation des attitudes qu'on donne
aux membres). En étudiant ce cas intéressant, il est regret-
table que l'auteur ait omis l'examen de la vue (champ visuel,
achromatisme, sensibilité de la cornée, etc.) et des sens spéciaux
qui pourrait être très précieux pour le diagnostic, et, d'autre part, il
n'est pas faitmention, dans l'observation. de l'état de somnambulisme
provoqué. Quant aux hallucinations provoquées du malade dans
l'état léthargique, elles ne sont pas propres à cet état et l'auteur a eu
bien tort de le lui attribuer; probablement c'était justement de
l'état de somnambulisme provoqué qu'il s'agit. T. KAHN.
H. Note sur l'étiologie DE L'HERPÈS ZOSTER; par W. ERD.
(Neurolog. Centralbl., 1882.)
Il existe des zonas endémiques ou semi-épidémiques. M. Erb
apporte deux faits dans lesquels la maladie se déclare successivement
(lE cas) ou à peu près en même temps (2° cas) chez la fille et la
mère. Il tend dans l'espèce à croire à la nature infectieuse de
la maladie. Remarque clinique : la violence et la durée de la
névralgie concomitante s'accroissentavec l'âge des individus atteints.
P. K.
2tH REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
,111. Fièvre zoster ET exanthèmes zostériformes : par M. Landouzy.
, (La Semaine médicale, 20 septembre 1883.)
La distribution des lésions cutanées du zona avaient depuis
longtemps démontré qu'une neuropathie se cachait derrière l'af-
fection de la peau (l3aerensprunâ, Charcot, Parrot, Daniellsen,
Mitchell, etc.). Mais des particularités importantes de l'évolution du
zona avaient échappé à la plupart des auteurs. On avait à peine
remarqué qu'il ne récidive qu'exceptionnellement (Kaposi, Fabre,
Duhring, Hardy.) D'autre part, les manifestations fébriles qui accom-
pagnent l'éruption avaientpeu frappé (Grisolle, Trousseau, Hardy et
- Uéhier). M. Landouzy, se basantsur ces caractères, et aussi sur cette
.circonstance qu'un zona n'entre jamais seul à l'hôpital (Hardy), et
qu'un certain nombre de faits établissent quelques vraisemblances
de contagion (Trousseau, Erb), arrive à conclure que le zoster est
une « maladie générale, fébrile, spontanée, aiguë, presque cycli-
que, se terminant toujours par guérison, conférant l'immunité,
maladie générale à détermination cutanée circonscrite, laquelle
détermination cutanée est subordonnée ci une neuropathie spéci-
fique ». La fièvre zoster diffère de la fièvre herpétique qui récidive
très fréquemment.
a) Le zoster, maladie aiguë, presque cyclique, infectieuse, con-
férant l'immunité, est une maladie générale à détermination cir-
conscrite sur le système nerveux (c'est une neuropathie infectieuse),
et à expression cutanée dystrophique secondaire.
, b) Il y a le zoster maladie générale, comme il y a la scarlatine.
11 y a une fièvre-zoster, comme il y a une fièvre scarlatine et des
éruptions zostériformes (névrites traumatiques, ataxie locomotrice,
etc.), comme il y a des exanthèmes scarlatiniformes, comme il y a
une fièvre parotidienne et des parotidites.
C'est à la séméiotique qu'il appartiendra d'enseigner à ne pas
confondre la maladie zoster avec les pures expressions symp-
tomaliques zostériformes. Il en est de ce diagnostic différenciel
comme de savoir distinguer une scarlatine d'un exanthème scar-
latiniforme, les oreillons d'une parotidite, la coqueluche de la toux
coqueluchoïde, la fièvre rhumatismale du pseudo-rhumatisme.
c) Il y a entre le zoster et les éruptions zostériformes, toute la
distance qui sépare et toute la différence qui distingue une mala-
die d'un symptôme. CH. F.
IV. MÉNINGITE TUBERCULEUSE CHEZ UNE JEUNE FILLE DE DIX-NEUF ANS;
) par M. LraNDIEa. (France médicale, t. I, 1882.)
La maladie débuta par de la céphalalgie et de la diarrhée, ce
qui fit porter le diagnostic de fièvre typhoïde. Plus lard, la lenteur
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 247
du pouls, les cris poussés par la malade quand on lui touchait la
tête, l'agitation nocturne, la race méningitiqu", etc., permirent de
rectifier le diagnostic. A l'autopsie, on trouva dans les poumons
des tubercules à différents degrés d'évolution, dont l'existence
avait passé inaperçue pendant la vie, et dans le cerveau un semis
de granulations tuberculeuses limitées à la scissure de Sylvius
droite. G. D.
V. Un cas D'HYSTÉRIE chez l'homme; par ,1\1. LECOQ.
(France médicale, t. I, -188 ? .)
Il s'agit d'un homme de vingt et un ans, fils d'alcoolique, atteint
de contracture permanente des membres inférieurs avec pieds bots,
qui présenta des contractures passagères des autres membres, des
attaques convulsives au cours desquelles on put observer une
hyperexcitabililé musculaire remarquable et un érythème presque
généralisé. G. D.
VI. Tremblement hystérique d'origine traumatique DU MEMBRE INFÉ-
rieur droit; par M. Carafi. (France médicale, t. I, 88.)
Il s'agit, dans cette observation, d'une jeune fille de dix-huit ans,
qui, entre autres manifestations hystériques (crises nerveuses, apho-
nie, hémianesthésie droite, etc.) était atteinte d'un tremblement
convulsif du membre inférieur droit qui la condamnait à garder
le lit depuis plusieurs mois.
A la suite d'une élongation du nerf sciatique pratiquée par
111. boum, au-dessousdu bord inférieur du prandfessier, ce tremble-
ment disparut au bout de quelques jours.- La sensibilité reparut
un peu plus tard, mais ce n'est qu'au bout de cinq mois environ,
que la marche devint facile et régulière, sans aucune espèce de
boiterie. G. D.
VII. Paralysie saturnine DES EXTENSEURS DR la main par INTOXICA-
. TION locale ; par M. rRÉI(O`7T. (France médicale, t. I, 1882.)
Cette observation est intéressante en raison de la cause qui a
déterminé la paralysie. - Le malade ayant renversé, par mégarde,
un tonneau de céruse, se servit de la main et de l'avant-bras pour
la ramasser. - Les accidents restèrent localisés aux extenseurs
de cette région et on ne constata aucun signe d'intoxication géné-
rale. G. D.
248 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
VIII. Paralysie DIPHTHERITIQUR; par M. DAMASCHINO. (Journal de méde-
cine et de chirurgie pratiques, t. LUI, 1882.)
L'auteur rapporte quatre cas de paralysie diphthéritique : deux
d'entre elles restèrent limitées au voile du palais; les deux autres
s'étendirent aux membres supérieurs et inférieurs. L'ensemble
symptomatique, dans un de ces cas, ressemblait si bien à la para-
lysie générale, que le malade fut envoyé à l'hôpital comme atteint
de cette affection. G. D.
IX. Paraplégie hystérique ; par M. Moizard. (Journal de médecine et
de chirurgie pratiques, t. LUI, 1882.)
Il s'agit d'une jeune fille de douze ans, présentant les attributs
de l'hystérie qui, trois fois dans le cours de la même année, fut
atteinte d'une paralysie des membres inférieurs, qui survint et
disparut brusquement. G. D.
X. Paralysie PSEUDO-HYPERTROPHIQUE; par M. DAMASCHINO.
(Journ. de méd. et de chirurg. prat., t. LUI, 1882.)
L'auteur rapporte deux nouveaux exemples de cette maladie
qui peut se montrer sous quatre formes diverses : dans la pre-
mière, tous les muscles sont hypertrophiés ; dans la seconde
quelques muscles sont hypertrophiés en même temps que d'au-
tres sont atrophiés; dans une troisième, la maladie reste
limitée à quelques muscles; - dans une quatrième enfin, qui
paraît être beaucoup plus rare, ce qui domine dans l'altération
des muscles, c'est une tendance à la sclérose qui imprime aux
réactions un caractère d'élasticité tout particulier.
L'hérédité semble jouer un rôle important dans cette maladie.
car il n'est pas rare d'observer son développement chez plu-
sieurs enfants de la même famille. G. D.
XI. DE l'irritation cérébrale chez les enfants; par M. Jules Simon.
(Fiance médicale, t, I, 1882.)
Sous ce nom, l'auteur décrit un trouble permanent du système
nerveux, caractérisé par des désordres fonctionnels variables du
côté des sens, de la sensibilité, de la motilité sans lésion d'aucune
espèce, si ce n'est peut-être une circulation cérébrale trop active.
Les enfants qui sont atteints de cette affection, habituellement
d'origine héréditaire, peuvent, à l'âge de la seconde enfance, deve-
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 2t9
nir idiots ou épileptiques. Les soins hygiéniques et le bromure de
potassium constituent le meilleur mode de traitement. G. D.
XII. SYPHILIS cérébrale, guérison; par M. CHANTEMESSE.
(France médicale, t. I, 1882.)
Cette observation est intéressante, parce que les troubles intel-
lectuels (idiotie presque complète) étaient beaucoup plus consi-
dérables que les troubles somatiques (hémiplégie faciale incom-
plète et anesthésie du bras droit). Le traitement spécifique eut rai-
son de tous ces accidents. G. D.
XIII. BLESSURE DE la MOELLE cervicale par UNE ÉPINGLE A CHEVEUX;
par M. ViRY. (Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. LUI,
1882.)
Une jeune fille de seize ans, enlevant son chapeau, s'enfonça par
mégarde une épingle à cheveux très acérée dans le côté droit de la
nuque, entre la troisième et la quatrième vertèbres cervicales. A la
suite de cet accident on observa une perte de connaissance, et une
paralysie de la motilité et de la sensibilité de tout le côté gauche,
accompagnée de vomissements et de vertiges. Les troubles mo-
teurs ne durèrent que quelques heures, les troubles sensitifs, au
contraire, persistèrent une vingtaine de jours, au bout desquels la
malade fut définitivement guérie. G. D.
XIV. Contribution A la pathogénie du diabète INSIPIDE; par Flatten.
(Arch. f. Psych. u : Nervenk., XIII, 3.).
Homme de vingt-deux ans présentant successivement, à la suite
d'un coup violent sur le côté gauche du cou et de l'occiput, une
perte de connaissance d'une demi-heure, une céphalalgie violente,
des bourdonnements et de la surdité de l'oreille gauche, de la
diplopie, de la polydipsie, de la polyurie, de la sécheresse de la
gorge, une éruption furonculeuse. Un mois après le début des acci-
dents, paralysie de l'oculo-moteur externe gauche, parésie légère
de l'oculo-moteur externe droit; à ce moment, l'acuité auditive de
l'oreille gauche est normale mais le malade ne peut différencier
les sons que par transmission au contact des os du crâne ; il urine
de 10,000 à 14,000 cent. cubes : ni albumine, ni sucre. Améliora-
tion, grâce à K. I. et aux courants constants. M. Flatten croit qu'il s'est
formé un fo3 er célébrai circonscrit (hémorrhagie), immédiatement
au-dessous du noyau de l'oculo-moteur externe gauche, dépassant
un peu la ligne médiane du côté droit, et intéressant de ce fait,
outre les fibres des deux oculo-moteurs externes, le centre des
vaso-moteurs rénaux. P. K.
250 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XV. Sclérose latérale AY01[tOP)HQUH; par MM. lflEnzEEwss1 et
HLiTZKY. (Messager de Psychiatrie et de l'ev·opathologic de Saint-
Pétersbourg, 1883, p. G9-81.)
Les auteurs donnent la description détaillée d'un cas qui s'est trouvé
sous leur observation pendant ingt-trois mois. Il s'agit d'une
femme, âgée de trente-cinq ans, morte après trois ans de maladie.
Pendant la vie, elle présentait tous les symptômes classiques de la
sclérose latérale amyotropbique, atrophie des muscles avec con-
tractures dans les poignets et les pieds, exagération des réflexes
tendineux, diminution quantitative de la réaction électrique.
Pas de trouble de la sensibilité, nuls troubles aussi du côté de la
vessie ou du rectum. Atrophie de la langue avec parésie qui s'est
associée pendant les dernières périodes de la vie, ainsi que les
troubles de la parole qui ont notablement augmenté quelque temps
ataut la mort. Le diagnostic, fait par exclusion des autres entités
morbides, fut confirmé par l'autopsie. L'examen histologique fait
sur coupes (d'après la méthode d'I;rlitzhy), démontra les lésions
classiques des faisceaux latéraux sur toute l'étendue de la moelle,
sclérose des cornes antérieures très prononcée, surtout dans le ren-
flement cervical et atrophie des racines antérieures. Dans le bulbe,
l'étage supérieur (sensitif) de l'entrecroisement inférieur ne pré-
sente pas de lésions. Le noyau du nerf hypoglosse est seulement
altéré, les autres ne le sont pas. Ce dernier qui se compose d'après
Meynert, de deux noyaux, l'un (d'après M. Duval) classique,
l'autre accessoire plus éloigné du raphé, était altéré de la manière
suivante : Sclérose beaucoup plus prononcée dans le noyau médian
(classique) et beaucoup plus faible dans l'accessoire. Ce fait indique
que les considérations deDuval et Raymond sur l'existence de deux
centres séparés, pour la langue sont confirmés par les recherches
des auteurs. On peut conclure aussi qu'il est très probable que le
centre classique n'est pas non seulement moteur pour la parole,
mais trophique en même temps.
En donnant la description détaillée de ce cas de sclérose latérale,
analogue aux faits décrits par Debove et Combault, les auteurs
insistent beaucoup que leur cas confirme pleinement les idées
de M. Charcot, sur l'existence de la sclérose latérale amyotro-
phique comme entité nosologique à part. Idée, comme on le sait,
nui était combattue par Leyden. Les cas de cette maladie, disent
les auteurs, ne sont pas précisément très fréquents, mais leur exis-
tence est indéniable. Sept figures chromolitograpbiées illustrent
la description. S. D.\N1LLO,
XVI. De la mort subite ET du coma dans LE diabète; par l'h. Frerichs
· (Zeitschrift fùr Klinische àledicin, 1883, VI" vol., t Cr fasc.)
On sait combien l'étude du coma diabétique offre encore d'in-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 251 1
connues : il importe donc de signaler des travaux comme celui de
Th. Frerichs qui se recommande non seulement par l'énumération
des théories actuellement admises, mais surtout par l'exposé de
recherches expérimentales personnelles et de faits cliniques iné-
dits. Nous insisterons principalement sur ces derniers.
Frerichs divise en trois groupes les cas soumis à son observa-
tion. Le premier groupe comprend les diabétiques qui tout à
coup tombent abattus, épuisés, et qui succombent en quelques
heures, emportés par une faiblesse générale qui va progressive-
ment jusqu'à la somnolence et enfin la perte complète de con-
naissance. Souvent, ajoute l'auteur, c'est après un effort, un excès
de fatigue que survient cet accident ultime. Et les observations de
Frerichs confirment pleinement la remarque si judicieuse de
M. J. Cyr relativement au danger des marches forcées ou des
voyages. Dans l'observation, le sujet déjà fatigué marche néan-
moins : il tombe au milieu de la route. Le troisième cas cité par
Frerichs est celui d'un homme de quarante ans qui fait une route
de douze milles : arrivé au terme du voyage il tombe sans con-
naissance et meurt dans le collapsus en six heures. De même dans
la quatrième observation le coma se produit après un voyage
en Orient.
Le deuxième groupe de faits diffère du précédent par la pré-
sence de phénomènes précurseurs : en outre, le tableau clinique y
est moins uniforme. On y retrouve comme accident terminal la
faiblesse avec refroidissement des extrémités et petitesse du pouls.
Mais combien de symptômes viennent se surajouter. Douleurs
dans le thorax, l'abdomen, plus souvent douleur de tête; agitation,
délire, angoisse extrême, manie, dyspnée avec ou sans cyanose,
qui ne s'explique pas par l'examen direct des voies respiratoires,
odeur de chloroforme répandue par l'haleine et l'urine des
malades, troubles gastriques ou intestinaux : le tout aboutissant à
la somnolence et au coma.
La même variété se remarque aussi dans les circonstances qui
favorisent ou déterminent l'apparition de l'ictus. Une affection
locale sans importance, telle qu'une pharyngite, un abcès den-
taire, peut en être le point de départ, tout comme nous l'avons
établi ailleurs pour les traumatismes, si légers soient-ils. Il va s'en
dire qu'une bronchite, une broncho-pneumonie, un phlegmen
pourront avoir la même influence.
Troisième groupe. Au lieu d'être affaiblis comme les malades
des deux autres groupes, ceux du troisième ont conservé leurs
forces intactes ou peu s'en faut : ils n'éprouvent aucune anxiété
respiratoire, aucune dyspnée. La céphalalgie apparaît tout
d'abord; puis la démarche devient chancelante comme celle d'un
homme en état d'ivresse : enfin le sujet ressent un impérieux
252 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
besoin de dormir; la somnolence s'établit, puis un coma profond
d'où le diabétique ne sort plus. L'odeur caractéristique de
l'haleine, la réaction des urines qui deviennent rouges par
l'addition de perchlorure de fer, complètent l'ensemble patho-
logique. -
Après cet exposé clinique, l'auteur passe en revue les moyens
thérapeutiques usités : les excitants (injection d'éther), comme les
antizymotiques (acide carbonique, acide salicylique) furent égale-
ment inefficaces. Et c'est encore en vain que Frerichs s'efforça de
discerner les phénomènes qui ont accompagné et peut-être pro-
duit une amélioration passagère ou définitive.
Il parait aussi embarrassé dans le choix d'une théorie qui
puisse expliquer ces accidents. Après les avoir battues en brèche
pour la plupart (urémie, embolies graisseuses, etc.), il insiste plus
particulièrement sur l'acétonémie.
Depuis que Petters, en 1857, eut démontré dans l'urine d'un
malade plongé dans le coma diabétique la présence d'un corps
ayant toutes les propriétés de l'acétone, on ne fit aucune difficulté
de considérer l'acétonémie comme la cause de troubles nerveux.
On raisonnait par analogie en assimilant ces symptômes à ceux
de l'intoxication chloroformique. Frerichs ne nie pas qu'on puisse
extraire l'acétone de l'urine des diabétiques. Mais, dans ses
recherches réitérées, il n'a pu reproduire des phénomènes iden-
tiques ou ressemblant à ceux du coma. Il a pu faire ingérer à des
animaux et même à des hommes de fortes doses d'acétone sans
observer aucun trouble notable et n'a pas mieux réussi à extraire
l'acétone des urines. « Nous ne pouvons donc pas accepter, dit-il,
que l'acétonémie soit la cause des accidents; et le mot même
devrait être effacé de la pathologie. »
Gehrard (1865) ayant incriminé non l'acétone, mais l'acide
éth) IdiacétiqL : e, ses expériences furent reproduites par Salomon
et 13riegen sous la direction de Frerichs. Mêmes résultats
négatifs.
On ne peut pas mieux admettre la théorie d'Ebstein. Les reins,
d'après lui, auraient subi une sorte de nécrose qui amènerait un
trouble dans l'élimination des substances extractives et leur accu-
mulation dans l'économie. Mais la lésion épithéliale n'est pas
constante dans les cas de coma et on la trouve également chez
les diabétiques qui succombent à la phthisie sans aucun accident
nerveux.
Frerichs conclut que la cause de la mort en pareil cas n'est pas
unique. Pour le premier groupe (troubles circulatoires graves,
collapsus sans délire), il admet une paralysie du coeur dont la
fibre musculaire est dégénérée ou détruite.
Dans les deux autres groupes de faits, l'urine et l'haleine offrant
une réaction caractéristique, l'auteur pense qu'il s'opère dans le
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. po3
sang du diabétique une série de décompositions chimiques dont
nous ne connaissons que les produits terminaux (l'acétone et
l'acide acétique) et qui constitueraient une intoxication dia-
bétique.
Pourquoi Frerichs ne discute-t-il même pas la théorie du pro-
fesseur Bouchard ? Pourquoi n'insiste-t-il pas sur l'importance des
déperditions abondantes de liquides et sur l'état de sécheresse
particulière des centres nerveux qui parait jouer un rôle si
important dans la pathogénie du coma diabétique ? C'est là, dans
un mémoire qui paraît vouloir résumer l'état actuel de la science,
une lacune regrettable. Ferd. DIIEYFOUS.
XVII. Deux cas d'hystérie; par G.-L. Walton
(Arch. of medicine, \ew-1'orlc, august 1883.)
1° Le premier cas a trait à un homme chez lequel, il 'la suite d'un
traumatisme, on vit survenir une hémianesthésie hystérique.
il Dans le second cas, il s'agit d'une hémihypcresthésie cutanée coin-
cidant avec une diminution de la sensibilité spéciale de l'oeil et de
l'oreille. M. Walton trouve là une exception à la règle que nous
avons posée de la coïncidence de l'altération fonctionnelle des sens
spéciaux et de troubles de la sensibilité des téguments qui les re-
couvrent. C'est à tort, car hyperesthésie ne veut pas dire perfec-
tionnement, mais perversion de la sensibilité; le cas de M. Walton
vient donc à l'appui de la règle. Nous avons du reste à différentes
reprises signalé des faits du même genre " CH. F.
XVIII. GOITRR. Mort par paralysie des coudes vocales; par J. SElTZ.
(c'angenbcc/¡'s Archiv, t. XXIX, fasc. 1.)
Femme de vingt ans vient une première fois consulter Seitz pour
son goitre, n'avait alors aucun accident Revient trois mois plus
tard avec de la toux, une très légère oppression, la voix normale,
mais une toux d'un timbre creux et comme vacillante; le goitre
était plus gros et plus résistant. La malade meurt subitement cette
nuit même en quelques minutes avec des signes évidents d'obstruc-
tion laryngée.
A l'autopsie, la partie moyenne du goitre contient un kyste de
la grosseur d'une petite pomme ; aucune trace de ramollissement
de la trachée; le récurrent droit est absolument sain; le gauche,
un peu plus volumineux', est plus aplati surtout au niveau où il est
interposé entre le corps thyroïde et les voies aériennes.
Après avoir passé en revue les différents mécanismes de la mort
1 Ch. Féré. Notes pour servir à l'histoire de t'hysttiro-épilepsle. (AI-Ch.
de Neurologie, 1882, t. 111, p. 85.)
254 sociétés savantes.
dans le goitre, Seitz les rejette absolument, pour admettre qu'il
n'a pu y avoir qu'une paralysie des récurrents; bien qu'il n'y ait
pas eu d'examen laryngoscopique, il regarde le son de la toux
comme tout à fait caractéristique, et voici d'après lui par quel
mécanisme l'asphyxie serait survenue : Sous l'influence d'une
excitation quelconque les constricteurs de la glotte ont été pris de
crampes (ils étaient peu ou pas paralysés, ainsi qu'en témoignait le
son parfaitement normal de la voix), tandis que les dilatateurs de
la glotte beaucoup plus paralysés n'ont pu faire cesser à temps
l'obstacle apporté à l'entrée de l'air dans la trachée.
L'examen microscopique n'a révélé aucune lésion bien nette
soit des récurrents, soit des muscles du larynx, ce que l'auteur
attribue à la courte durée de la compression des récurrents.
Voir dans l'original la discussion très détaillée à laquelle se livre
Seitz pour établir que tel a bien été le mécanisme de la mort et le
relevé des observations analogues qu'il a pu trouver dans la litté-
rature médicale.
A la fin de ce travail se trouve une analyse d'un mémoire de
Johnson sur les symptômes laryngés produits par la compression
du pneumogastrique ou des branches de ce nerf. P. Marie.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 12 novembre 1883. Présidence DE M. Motet.
M. Faliset. Dans une séance de l'été dernier, notre président
vous a développé les dispositions du nouveau projet de loi sur les
aliénés relativement aux différents modes d'entrées dans les
asiles ; je viens à mon tour attirer votre attention sur les sorties,
en insistant sur trois points principaux :
1° Les sorties à titre d'essai ;
2° Les sorties définitives des aliénés dangereux dits criminels;
3" Les sorties des aliénés incurables et inolt'ensit's.
Les publicistes qui ont tant écrit contre la loi de 1838, se sont
surtout occupés de l'entrée des malades à l'asile, en s'élevant
SOCIÉTÉS SAVANTES. 255
contre l'arbitraire du médecin, dont un simple certificat suffit pour
faire interner un de ses concitoyens; mais ils ne se sont guère
préoccupé de la question des sorties, et cependant ce point de vue
me semble tout aussi intéressant que le premier pour la liberté
individuelle. D'ailleurs de graves accidents arrivés récemment
à la suite soit d'évasions, soit de sorties trop hâtives, donnent
de l'actualité à la question. Les sorties à titre d'essai sont surtout
appliquées en province où le médecin, plus au courant qu'à Paris
des habitudes du milieu dans lequel son malade est appelé à vivre
temporairement, se rend un compte plus exact du bénéfice à tirer
pour l'aliéné d'une sortie provisoire qui deviendra définitive
s'il s'est bien comporté pendant l'expérience. Tel aliéné qui
pourra vivre en liberté dans une petite ville de province ne pour-
rait le faire à Paris, où bien des choses de la vie sont si différentes,
et où il be trouverait exposé à trop de causes d'excitation et à trop
de dangers. Jusqu'en ces temps derniers, la préfecture de police
n'admettait pas, du reste, les sorties à titre d'essai. Depuis peu
cependant, le préfet de police les tolère', et nous y trouvons de
grands avantages, soit pour juger de l'état intellectuel de certains
sujets qui se montrent si différents d'eux-mêmes suivant qu'on les
observe à l'asile ou dans leur milieu, soit pour assurer certaines
guérisons en évitant un retour trop brusque aux anciennes habi-
tudes.
La nouvelle loi a prévu l'utilité de ces sorties maintenant assez
fréquentes surtout dans les maisons de santé privées, où le médecin
est en rapport plus direct avec les familles, et nous en trouvons
la mention dans le projet de M. Fallières. Sans doute elles peuvent
présenter des inconvénients, j'en invoque pour témoin l'histoire
d'un malade que Brière de Boismont avait laissé sortir provisoi-
rement et qui commit un meurtre peu de jours après son arrivée
dans sa famille ; mais c'est là fort heureusement un accident rare
qui doit rendre le médecin circonspect, mais non pas le priver
d'un excellent moyen de diagnostic et de traitement. On peut
aussi craindre que les familles n'abusent de leur malade, en lui
faisant donner des signatures préjudiciables à ses intérêts pécu-
niaires ; ce sont encore des cas délicats que le médecin devra
prévoir, mais qui ne constituera pas d'empêchements réels à la
continuation de cette pratique. '
Les sorties à titre d'essai admises, il reste à en fixer la durée
pour éviter tout abus. Je crois, pour ma part, qu'un mois serait
un laps de temps suffisant.
Le second point sur lequel je désire attirer votre attention n'est
1 Cette tolérance a été accordée à la suite des démarches faites par
M. l3ourneville auprès de la préfecture de police et de l'Administration
de l'assistance publique.
5(i 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pas moins important. Si nous avons longuement discuté l'entrée
à l'asile des aliénés dangereux dits criminels, nous n'avons que
peu parlé de leur sortie. Convient-il de l'entourer des mêmes
mesures administratives et judiciaires appliquées à l'entrée ?
Dans la loi de ')83S, tous les aliénés, quel que soit leur mode
d'admission, tombaient dans la loi commune, et le médecin deve-
nait le seul juge de l'opportunité de leur sortie. Certains chefs
de service, effrayés de la responsabilité qui leur incombe, avaient
demandé à voir cette responsabilité partagée par une commission
composée de médecins et de magistrats. En Angleterre, quand
un malade réclame sa sortie et que le médecin ne croit pas pouvoir
la lui accorder, sa demande est envoyée à une commission supé-
rieure dont la décision est souveraine.
Convient-il d'instituer en France une semblable commission
et, dans le cas où on l'instituerait, comment devra-t-elle être com-
posée ? Serait-elle formée uniquement de médecins ou mixte ? ' !
Ne vaut-il pas mieux, au contraire, laisser au chef de service seul
compétent, pour juger de l'état mental de ses pensionnaires, une
responsabilité à laquelle il ne doit pas chercher à se soustraire ?
La Société médico-psychologique a le droit de se prononcer.
Vous savez que, d'après la loi actuelle, personne ne peut s'op-
poser à la sortie d'un aliéné quand le médecin traitant a constaté
la guérison par un certificat, et cependant il y a en France un
aliéné séquestré administrativement depuis sept ans, malgré un cer-
tificat médical constatant qu'il peut être rendu à la liberté. Cet
aliéné avait commis un meurtre, et le préfet n'ose pas lui ouvrir
la porte de l'asile.
M. Legrand du Saulle et moi avons eu à Bicêtre un individu du
même genre qui nous a fort embarrassés; c'était Thouviot, un
épileptique homicide qui, depuis longtemps, ne présentait aucune
manifestation délirante; s'il ne s'était pendu, je ne sais encore
ce que nous aurions fait de lui. Il ne délirait plus et cependant,
le lendemain de sa sortie, il pouvait être pris d'un nouvel accès
d'épilepsie larvée et commettre de nouveaux meurtres. Certains
médecins, partageant l'opinion d'Aubanel, pensent que tout aliéné
qui a commis un meurtre doit être enfermé pendant toute sa vie.
Ce n'est pas mon avis, et pourtant je sais, comme tous les alié-
nistes, que certains individus qui, pendant un long séjour à l'asile,
n'ont présenté aucunes manifestations délirantes, retombent fatale-
ment dès qu'ils se trouvent dans les conditions ordinaires de la vie.
Ces questions si embarrassantes pour le médecin le deviendront
beaucoup plus pour la commission chargée de les élucider. Néan-
moins, c'est encore là un point à éclaircir, et dans le cas où une
commission devrait être instituée, il convient d'en délimiter les
pouvoirs. Sera-t-elle simplement consultative ou décidera-t-elle en
dernier ressort ?
SOCIÉTÉS SAVANTES. 257
À Paris on a atténué la responsabilité des chefs de service, en
nommant des inspecteurs de la préfecture de police, dont l'opinion
fait foi devant l'administration. Dans la plupart des cas, il y a
entente entre les deux médecins qui s'éclairent mutuellement.
En serait-il de même avec une commission mixte ? Et dans le cas
d'un conflit, quelle est l'opinion qui prévaudra, celle du chef de
service ou de la commission ? Nous nous sommes longuement
entretenus déjà sur les asiles spéciaux pour les aliénés dangereux,
sans insister sur leur législation ; il serait, je crois, bon de faire
revivre la discussion, car tels de nous qui repoussent la création
d'asiles spéciaux, demandent au contraire une législation spéciale
pour les aliénés dangereux.
Dans le projet de loi actuellement déposé aa Sénat, il est dit
que l'admission de l'aliéné sera provisoire, tant que la -chambre
du conseil n'aura pas statué dans les cinq jours qui suivront
l'internement du malade; le procureur de la République, accom-
pagné d'un médecin, devra le visiter et rédiger sur son état un
rapport, d'après lequel la chambre du conseil prendra une déci-
sion. Les mêmes formalités seront exigées pour la sortie des
aliénés criminels ? Croyez-vous, dans la pratique, qu'il soit possible
de suivre cette marche ? J'en arrive enfin à la sortie des malades
incurables et inoffensifs. Nos maîtres disaient qu'il n'y avait pas
d'aliénés réellement inoffensifs, car ils pensaient que tous pou-
vaient devenir dangereux à un moment donné; la clinique nous
montre que cette opinion est trop exclusive ; ne nous l'appren-
drait-elle pas, qu'administrativement parlant nous serions obli-
gés d'agir comme si nous l'avions appris, car le nombre des ma-
lades traités dans les asiles croit de jour en jour, et nous oblige
à faire des places pour ceux dont la vie en liberté est impossible.
Il n'y aurait pas grand danger à augmenter le nombre des
inoffensifs rendus ainsi à leur famille, mais, ici encore, nous re-
venons à une question dont il me faut encore dire quelques mots :
A qui convient-il de décider si un délirant chronique est inof-
fensif ou dangereux ? Au médecin traitant qui souvent l'aura
soigné pendant plusieurs années, ou à une commission composée
de médecins et de magistrats qui ne l'auront jamais vu ? A un
point de vue général, la sortie des malades pourrait encore être
facilitée par la création de Sociétés de patronage, comme il en
existe déjà à Paris; il serait bon d'attirer encore sur ce dernier
point l'attention de nos législateurs, qui pourraient en étendre
l'heureuse influence. Je serais heureux si ces réflexions pro-
voquaient l'opinion de mes collègues et leur faisaient appor-
ter le'tribut de leur expérience personnelle dans la prépara-
tion des éléments d'une législation future qui nous intéicsse
tous.
Nous pourrions de la sorte espérer que les modifications de la
Archives, t. Vil. 17 -1
258 SOCIÉTÉS SAVANTES.
loi de 1838 constitueraient non un pas en arrière, mais un véri-
table progrès.
M. LADITTE signale, par l'exemple suivant, une lacune dans la loi
de 4838. Un fils, dit-il, avait demandé l'interdiction de sa mère
placée chez moi pour un délire de persécution; la fille s'y oppo-
sant, il y eut procès. La fille perdit en première instance, mais
gagna en appel; le jugement, tout en reconnaissant la nécessité
de nommer un administrateur provisoire des biens de la mère,
repoussait la demande en interdiction. Quelques jours après, je
recevais de la famille, une réclamation de vingt mille francs de
dommages-intérêts pour avoir détenu arbitrairement la malade.
Ne comprenant rien à pareille exigence, je me rendis chez un
jurisconsulte de mes amis, M. Rouher, et j'appris qu'un aliéné,
quelque délirant qu'il soit, faisant l'objet d'une demande en inter-
diction, devait être immédiatement mis en liberté, si la cour d'ap-
pel jugeait qu'il n'y avait pas lieu de l'interdire.
M. \Iuxxex. En serait-il de même à la suite d'un jugement de
première instance ?
M. Labitte. Je ne crois pas; le médecin peut attendre la décision
de la cour d'appel.
M. FALRET. Le fait me parait bien étrange, car séquestration et
interdiction sont deux choses distinctes et nullement conséquentes
l'une de l'autre, puisque la plupart de nos aliénés ne sont pas
interdits. Il doit y avoir dans le fait rapporté par M. Labitte
une fausse interprétation de la loi.
M. LADlT1 E, Je ne savais à quoi me résoudre car je n'osais mettre
àlaporte une femme incapable de se conduire, et qui d'ailleurs ne
savait où aller coucher, sa fille ne voulant pas la reprendre et son
fils voyageant en Russie. Je me suis alors fait écrire par la malade,
devant le procureur de la République, une demande de séjour
libre pour une durée d'un mois, en attendant que quelque parent
voulût bien se charger d'elle.
M. Mottet. Ce fait est d'autant plus extraordinaire qu'il est très
facile d'éluder la loi en faisant un nouveau certificat d'entrée aus-
sitôt après la sortie de l'aliéné. D'ailleurs, le médecin pouvant
empêcher l'interdiction d'un aliéné en donnant au magistrat des
espérances de guérison ne manquera pas de s'opposer, par exem-
ple, à l'interdiction d'un maniaque en pleine divagation, mais
cependant curable en quelques semaines. Comment alors admettre
que ce même médecin puisse être poursuivi pour n'avoir pas mis
à la porte ce malade dans l'état où vous savez, précisément parce
qu'il ne l'aura pas laissé interdire.
M. (iHRIST1.1N. M. Mottet se place dans l'hypothèse où le magis-
trat demanderait des renseignements au médecin. Est-ce bien
SOCIÉTÉS SAVANTES. 259
ainsi que les choses se passent dans la pratique ? J'ai, pour ma
part, eu dans mon service bien des individus interdits, mais jamais
le juge ne s'est donné la peine de me demander mon avis.
M. MOTTENT. Tous les magistrats n'ont pas une même ligne de
conduite. En voici une nouvelle preuve : Un juge se présente un
jour à notre maison de santé et demande à voir un de nos malades
au sujet d'une demande en interdiction. M. Mesnet et moi lui
remettons bénévolement l'observation de l'individu auquel le juge
fait subir un curieux interrogatoire sur son nom, son âge, sa pro-
fession, sa demeure et la valeur de quelques pièces de monnaies.
Le malade répond avec précision et déclare naturellement ne pas
être fou. D'où fureur du magistrat (je vois encore son coup d'oeil
et son geste menaçants), qui quittait précipitamment la mai-
son pour courir déposer une plainte au parquet, nous accusant,
M. Mesnet et moi, de séquestration arbitraire. Le lendemain, le
procureur de la République interrogeait à son tour, mais d'une
autre façon, le même malade qui /prétendait alors être «un
lmmensitaire de premier ordre, le Grand Commandeur des Elé-
ments, le Cohabitant de la femme providentielle, etc.1». Inutile de
vous en dire plus long sur la forme de son délire, ni sur les con-
clusions du procureur de la République. Le magistrat en question
que je ne veux pas nommer, parce qu'il ne siège plus, est le fils
d'un autre magistrat fort remarquable, qui a laissé un grand nom
dans la législation criminelle.
Dans la commission qui a élaboré le projet de loi déposé au
Sénat, les médecins ont lutté autant qu'ils l'ont pu pour qu'on
touchât le moins possible aux dispositions si sages de la loi
de 1838. Vous n'avez pas idée des propositions qui nous ont été
faites pour compliquer l'admission des aliénés : beaucoup d'entre
eux auraient été guéris avant que le jugement qui devait ordonner
leur séquestration eût été rendu par la chambre du conseil, si la
moitié de ces propositions avaient été acceptées.
M. Lunier. Dans la pratique, les difficultés seront moindres
qu'elles ne paraissent, car le procureur de la République pourra
ordonner d'office les placements. C'est seulement pour les cas
difficiles qu'on saisira la chambre du conseil.
Du rôle de l'hérédité nerveuse dans la genèse de l'ataxie locomo-
trice progressive. M. Gilbert Ballet, au nom de M. L. Landouzy et
en son nom, fait la communication suivante :
Messieurs, dans un livre récent qui a eu un légitime retentisse
ment, M. le professeur Fournier, faisant allusion à l'étiologie du
tabes dorsal ataxique, écrivait ce qui suit : «Pour l'énorme majorité
des cas, l'ataxie locomotrice constitue une manifestation de pro-
venauce syphilitique. » Si cette proposition exprimait la vérité, la
260 SOCIÉTÉS SAVANTES.
communication que nous avons l'honneur de faire pourrait pa-
raître ici déplacée. Ni les maladies infectieuses, ni les affections
localisées à la moelle ne figurent en effet au nombre des sujets
qui font l'objet de vos préoccupations habituelles.
Mais, à notre avis, la cause dominante du tabes doit être cher-
chée ailleurs que dans l'infection syphilitique. Cette cause domi-
nante, qui prépare le terrain aux causes accidentelles et accessoires,
c'est la prédisposition nerveuse héréditaire. Nos recherches en effet
nous ont conduit à admettre que ce n'est pas seulement par la
nature de ses symptômes et le siège de ses lésions que la maladie
de Duchenne appartient à la grande famille des affections du sys-
tème nerveux, mais aussi par ses accointances, par sa parenté, par-
sa filiation. Fille, mère ou soeur, l'ataxie est proche parente des
vésanies, de l'hystérie, de la paralysie générale, du mal comitial;
à quelques égards, elle est donc bien chez elle à la Société médico-
psychologique.
Il y a peu de temps que l'attention des neuro-pathologistes s'est
concentrée sur la recherche des causes productrices du tabes. Certes
ce n'est pas que les auteurs, depuis vingt ans, aient dédaigné de
relever au passage les conditions vicieuses héréditaires, hygiéniques
ou pathologiques qui leur semblaient jouer un rôle prépondérant
ou effacé, dans la genèse de l'affection. Pour se convaincre du
contraire, il suffirait de parcourir les ouvrages de Duchenne, de
Schultze, de Leyden, de Rosenthal, de Jaccoud, de Vulpian, de
Erb et les autres, où l'étiologie de l'ataxie locomotrice trouve sa
place, mais une place quelque peu restreinte. C'est qu'en effet,
avant de chercher à préciser le comment et le pourquoi du tabes,
il était nécessaire d'en bien étudier les symptômes, les formes cli-
niques variées, habituelles ou anormales, d'en déterminer avec
exactitude les lésions, oeuvre longue et laborieuse, à laquelle sur-
tout ont été consacrés les travaux depuis vingt ans. Le problème
étiologique n'a été réellement mis à l'ordre du jour et n'a forte-
ment sollicité l'attention médicale que du moment où M. Fournier
revendiqua pour la vérole une place considérable, presque exclu-
sive, parmi les causes du tabes. L'opinion de l'éminent professeur
de l'hôpital Saint-Louis paraît avoir eu la bonne fortune de recruter
plus d'hadérents qu'elle n'a soulevé d'adversaires, et l'on n'a pas
oublié qu'au dernier congrès de Londres, M. Erb, se prononçait
nettement dans le sens de M. Fournier. Est-ce à dire que les pré-
tentions de la syphilis aient été reconnues et acceptées sans con-
teste ? Non sans doute, M. Charcot, notamment, a, dès le début,
résolument pris place parmi les opposants à la doctrine, et dans
son enseignement de la Salpêtrière, il s'est attaché à faire ressortir
le rôle prépondérant, à son sens, de l'hérédité. Mais, quelque im-
portant que soit le rôle, il restait à établir sur des arguments dé-
cisifs. L'hérédité avait à faire ses preuves, comme la syphilis pré-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 261
tendait avoir fait les siennes; elle avait, comme la sypliilis, à
appeler à son aide les chiffres et la statistique. Vous allez avoir à
juger, Messieurs, si cette lacune a été comblée.
I. Lorsqu'il y a un peu plus d'un an, l'Académie de médecine,
préoccupée du problème qui venait d'être soulevé, eut choisi pour
sujet du prix Civrieux les « Recherches sur les causes de l'ataxie
locomotrice », M. Landouzy et moi nous mîmes à l'oeuvre. Nous
nous attachâmes à recueillir le plus grand nombre possible d'obser-
vations de tabès, à fouiller ces observations sans parti pris et sans
aucune idée préconçue au point de vue spécial de l'étiologie. Con-
vaincus, avec MM. Fournier et, Gowers, qu'il n'y avait rien de bien
démonstratif à inférer des observations anciennes, nous avons
systématiquement laissé de côté les faits, nombreux pourtant que
nous eussions pu emprunter à la littérature médicale, et nous
avons résolu de ne produire au procès que des observations iné-
dites. Secondés par les circonstances, nous nous trouvions placés
dans des conditions telles qu'il nous a été possible de recueillir
un nombre imposant de cas nouveaux. Notre statistique actuelle, en
effet, ne compte pas moius de 138 faits. C'est assez dire qu'elle
peut être mise en parallèle avec celles moins nombreuses de
MM. Erbet Fournier. Sur les 138 malades que comprend cette statis-
tique, il n'en est pas plus de dix ou douze qui n'aient été observés
et interrogés directement par nous-mêmes. Tous ont été d'ailleurs
soigneusement examinés au point de vue des causes multiples
susceptibles de jouer un rôle dans l'étiologie du tabes (syphilis et
hérédité en premier lieu, froid, excès, maladies infectieuse*
dystrophies, etc.) Or, voici au point de vue de l'influence comparée
de l'hérédité et de la syphilis, les enseignements qui résultent de
la comparaison brutale des chiffres :
262 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 263
Mais si les renseignements fournis par les intéressés sont à cet
égard souvent fautifs, ceux qui concernent les antécédents hérédi-
taires le sont bien plus encore. Nous n'apprendrons rien à per-
sonne en citant, par exemple, le cas de telle malade, exempte absolu-
ment de toute parenté nerveuse, au dire de son mari et de son frère,
gens intelligents et instruits, et que les circonstances nous démon-
traient quelque temps après être cousine germaine d'une aliénée mé-
lancolique, et soeur aînée d'une hystéro-épileptique Nous n'avons
pas besoin, pensons-nous, ayant l'honneur de parler devant des
médecins aliénistes, d'insister davantage sur la difficulté presque
constante que l'on éprouve à obtenir des malades des renseigne-
ments quelque peu précis sur leurs antécédents de famille.
Si l'on réfléchit, d'autre part, qu'une syphilis antérieure laisse
quelquefois après elle des stigmates, que l'hérédité ne se peut, au
contraire dépister que par les seules observations qu'on nous livre,
on n'hésitera pas à admettre avec nous que si notre statistique
est en défaut, si elle pèche par omission en ce qui regarde la
vérole, elle doit pécher bien davantage en ce qui touche l'hérédité.
Toute vicieuse qu'elle puisse être, elle reste démonstrative et nous
pouvons résumer, en deux mots les enseignements qui en décou-
lent : En faisant la part belle à la syphilis, la part faible à l'héré-
dité, les cas d'ataxie héréditaire restent plus nombreux que ceux
d'ataxie syphilitique. Est-on en droit, après cela, de dire avec
M. le professeur Fournier, que l'hérédité constitue une simple
prédisposition de nature à favoriser la localisation de la syphilis
sur la moelle ? Nous vous laissons le soin de faire vous-mêmes la
réponse.
II. D'ailleurs, Messieurs, on peut invoquer, en faveur de
l'origine héréditaire des tabes, des arguments d'un autre ordre
que ceux fournis par la statistique. Il existe en effet, dans la litté-
rature médicale, des observations qui, par elles-mêmes, et prises
isolément, sont assez significatives pour démontrer l'influence de la
prédisposition nerveuse en matière d'ataxie locomotrice. Nous vous
rappellerons seulement quelques-unes de ces observations.
Trousseau, par exemple, a rapporté la suivante : Un grand-
père se suicide, le père est alaxique, les deux fils sont ataxi-
ques. M. Carré en a recueilli une qui est décrétoire entre
toutes; c'est celle d'une famille dans laquelle il n'y eut pas moins
de dix-huit ataxiques en trois générations : grand'mère ataxique,
mère ataxique, sept fils sur douze ataxiques, voilà pour la lignée
directe. Quant à la lignée collatérale, la grand'mère a huit pro-
ches parents, eux aussi, affectés de tabès ; de l'un de ces parents
naît un fils, lui aussi tabétique. Peut-on sérieusement prétendre
que, dans des cas de cet ordre, la cause de la lésion spinale doive
être cherchée ailleurs que dans l'hérédité.
26t SOCIÉTÉS SAVANTES. ! 11. - Enfin, Messieurs, nous croyons devoir signaler votre
attention certaines coïncidences pathologiques, qui ne sont pas,
tant s'en faut, exceptionnelles chez les ataxiques et viennent,
elles aussi, militer en faveur de la thèse que nous soutenons. Nous
faisons allusion à la combinaison possible, chez le même malade,
de l'ataxie locomotrice progressive et d'une autre affection ner-
veuse, hystérie, vésanie ou autre maladie mentale quelconque.
Nous pourrions rappeler tout d'abord la coincidence fréquente
des symptômes tabétiques et des troubles psychiques de la para-
lysie générale.
Toutefois, pour ue produire aux débuts que des arguments
irrécusables, nous laisserons de côté l'encéphalite interstitielle. Car,
d'une part, on pourrait soutenir que les lésions de la paralysie gé-
nérale, lorsqu'elles se manifestent en même temps que celles de
l'ataxie, sont le résultat de la diffusion de ces dernières à l'encéphale,
etque par conséquent paralysie générale et ataxie ne sont pas, dans
l'espèce, deux affections distinctes nées sous l'influence d'une cause
commune, mais qu'elles constituent une seule et même maladie.
D'autre part, il n'est pas certain que les lésions spinales, dans le
cas de cette nature, soient bien celles de la sclérose systématique
des cordons postérieurs. Ces lésions semblent en effet être plus
diffuses, moins nettement systhématisées que dans les cas ordi-
naires d'ataxie locomotrice progressive. Mais il est bon nombre de
troubles nerveux autres que ceux de la paralysie générale qui
viennent, dans certains cas, se surajouter à ceux du tabès. Trous-
seau avait déjà relevé dans les antécédents de plusieurs ataxiques,
des manifestations névropalhidues; les uns avaient eu des pertes
d'urine nocturnes, d'autres étaient franchement épileptiques.
Dans une thèse récente, M. Gruet a réuni un certain nombre
d'observations dans lesquelles, au cours de l'alaxie, s'est montrée
l'hypocondrie, la lypémanie, la manie, le délire des persécu-
tions.
Que prouvent ces coïncidences, sinon que le système nerveux
des ataxiques est frappé d'une tare qui le prédispose aux troubles
les plus variés ? C'est là un fait que M. Charcot a bien des fois mis
en relief dans ses leçons, et qui ne saurait être sérieusement
contesté.
On le voit donc, tous les éléments de démonstration s'accu-
mulent pour établir la prédisposition nerveuse, chez les tabétiques.
Cette prédisposition ressort évidente de nos statistiques, elle
apparait manifeste quand on dépouille le dossier de certaines
familles, elle se révèle avec éclat chez certain» malheureux pré-
destinés, chez qui elle réalise plusieurs de ses fâcheux effets. Nous
ne voulions, messieurs, qu'indiquer à grands traits, dans cette
communication, les arguments de diverses natures qui, selon
nous, mettent hors de doute l'influence de la prédisposition ner-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 265
veuse dans la genèse du tabès. Aussi bien nous attacherons-nous
prochainement à présenter ces arguments avec les développe-
ments qu'ils comportent. Les brèves considérations, dans les-
quelles nous sommes entrés, nous semblent déjà suffire à la dé-
monstration de notre thèse. Que le froid, les excès, la syphilis, bien
d'autres causes encore interviennent à titre d'éléments étiolo-
giques plus ou moins importants, dans la genèse de l'ataxie, nous
ne le nions pas, loin de là, mais toutes ces causes nous apparaissent
comme accessoires. D'après nous, la cause dominante, suffisante
et peut-être nécessaire de la maladie de Duchenne, c'est l'hérédité
nerveuse.
M. Falret. Morel avait déjà remarqué cette coïncidence de
l'ataxie avec l'hérédité mentale, il y fait allusion dans l'un de ses
écrits.
AI. lllorer. nI. de la Maëstreaia parole pour une communication,
sans préjudice, bien entendu, pour la discussion à laquelle ne man-
quera pas de donner lieu la note de M. Ballet.
Suite de la discussion sur les mesures à prendre pour la sortie des
aliénés des établissements publics et privés. M. de la IIhESTllE, Je
remercie d'abord nos deux savants collègues, MM. Dally et Falret,
d'avoir mis à l'ordre du jour de nos séances une question dont
l'importance est tout aussi grande que celle des entrées des aliénés
dans les asiles.
De la discussion qui s'est ouverte et de l'exposé des idées de
chacun de nous sur ce sujet sortira certainement quelque utile ex-
plication. Dans cette lecture qui ne sera qu'un rapide aperçu tra-
duisant le fruit d'une expérience déjà longue, je suivrai l'ordre
adopté par notre honorable collègue M. Falret.
il Sortie d'essai ou provisoire. - Je suis peu partisan de ces sor-
ties auxquelles je reconnais plus d'inconvénients que d'avantages.
Je ne les repousse pas d'une façon absolue : mais j'estime qu'elles
ne doivent être autorisées que dans des limites très restreintes.
En règle générale elles ne doivent pas être trop prématurées. Il
convient d'attendre, pour les permettre, que la résistance cérébrale
soit suffisamment établie. L'aliéné à qui l'on accorde une sortie
provisoire revient d'habitude dans le milieu où la maladie a pris
naissance, où elle a fait explosion sous l'influence d'événements
dont le souvenir, en seréveillant, ne peut affecter l'esprit que d'une
façon déplorable. Il n'est pas rare de voir des malades revenir plus
troublés qu'auparavant à la suite d'une sortie d'essai, ayant ainsi
perdu le bénéfice des premiers temps du traitement et se trouvant
dès lors dans des conditions plus fâcheuses, plus rebelles à l'action
des divers moyens physiques et moraux.
A Ville-Evrard j'ai rarement accordé des sorties provisoires chez
266 SOCIÉTÉS SAVANTES.
les malade-; de l'asile. Il n'en a pas été de même au pensionnai où
les fainillesse montrent en général plus exigeantes; il faut dire aussi
qu'au pensionnat, les placements sont presque tous volontaires et
que, dans ces conditions, les sorties sont plus faciles et n'exigent
aucune formalité administrative, tandis que les aliénés placés
d'office dépendent plus directement de la préfecture de police, qui
ne s'est jamais montrée favorable à ce genre de sortie.
Généralement je n'autorise les sorties provisoires que sur les
sollicitations réitérées des familles. Je concède volontiers une sortie
de quelques heures dans les environs de l'asile, mais j'ai l'habitude
de me montrer plus difficile pour les sorties d'un à plusieurs jours
dans Paris. La plupart de celles que j'ai accordées ont été suivies
de résultats si fâcheux, qu'aujourd'hui j'ai pris pour règle de con-
duite de ne jamais les provoquer. Voici quelques faits à l'appui de
ma manière de voir à ce sujet.
En 1880, M. D ? alcoolique, avec affaiblissement du sens moral,
perversion des sentiments affectifs, fut conduit au pensionnat de
Ville-Evrard. Son père qui habite l'ile de la Réunion a toujours con-
servé l'espoir d'une guérison, aussi avait-il chargé son second fils,
qui occupe à Paris une position des plus honorable, de faire sortir
son frère de temps en temps. Aucune des sorties provisoires qui
ont eu lieu n'a eu d'utilité pour le malade, mais toutes ont
occasionné une série de désagréments très pénibles à son frère,
dont la position est très en vue. Une première fois, le malade qui
venait d'être habillé à neuf de pied en cap, quitte son frère, erre
dans le quartier, où il passe tout son temps chez le marchand de
vin, et rentre au ])on[ de troisou quatre jours couvert de guenilles.
Dans une deuxième sortie d'essai, il se met à vendre pièce par
pièce le mobilier de son frère. Une troisième fois, il lui vole
un billet de banque dans son secrétaire, toujours pour aller
boire. Aujourd'hui la famille s'est enfin décidée à renoncer à ces
sorties.
En juillet 1882, la femme d'un négociant fut placée au pen-
sionnat pour une manie hystérique. Son mari veut un jour essayer
d'une sortie. A peine arrivée chez elle, la malade qui est jeune et
jolie s'esquive, descend dans la rue, où elle se laisse courtiser par
un monsieur qui l'accoste, la fait monter dans une voiture et l'em-
mène promener au bois de Boulogne. Elle ne rentra que fort avant
dans la soirée chez elle où elle trouva son mari dans la plus vive
inquiétude, ce qui se comprend facilement; son inquiétude ne fit
que s'accroitre après le récit de l'emploi de sa journée que lui fit
sa femme. Le lendemain, il se hâta de la ramener à Ville-Evrard,
et il a renoncé pour toujours à des sorties d'essai.
Un jeune homme de vingt-deux ans atteint de débilité men-
tale avec des vertiges épileptiformes fut envoyé, il y a quatre
ans, au pensionnat de Ville-Evrard. Il m'était recommandé par
SOCIÉTÉS SAVANTES. 267
notre excellent collègue M. Constans, inspecteur général hono-
raire du service des aliénés.
Le malade avait été placé précédemment dans un asile de pro-
vince d'où sa mère, au bout de quelque temps voulut le faire sortir
à titre d'essai. Un jour, elle le surprit se livrant aux actes les plus
obscènes sur sa petite soeur âgée de huit ans. Elle-même, un peu
avant, avait été l'objet d'une tentative de viol. Le malade fut réin-
Légré dans l'asile d'où, quelque temps après, sa mère le fit sortir
de nouveau pour le placer chez un prêtre, ami de la famille, qui
voulut bien se charger de lui; mais bientôt devenu insubordonné,
menaçant, il quittait parfois la maison et restait absent pendant
plusieurs jours. Il fut enfin rendu à sa mère qui le plaçait en 1879
au pensionnat de Ville-Evrard.
Au commencement de cette année, cédant aux sollicitations réi-
térées de son fils et surtout à la pression de quelques membres de
la famille, sa mère voulut faire un nouvel essai. Elle me demanda
un congé de deux mois que je ne lui accordai qu'à regret. Elle se
garda bien de le reprendre chez elle, après ce qui s'était passé au-
trefois ; elle le mit à Poitiers dans une maison dirigée par des
religieux, où il jouissait d'une certaine liberté. Le congé n'étaitpas
expiré qu'elle m'écrivit désolée pour me prier d'envoyer le plus tôt
possible chercher son fils, dontla conduite donnait lieu à des scènes
de scandale dans le pays; le directeur delà maison ne voûtait plus
le garder.
Il fut ramené à Ville-Evrard et sa mère dut renoncer pour tou-
jours aux sorties provisoires.
Ainsi voilà plusieurs sorties d'essai faites chez trois malades qui
non seulement n'ont eu pour eux aucun avantage, mais qui, indé-
pendamment des perplexités et des tourments, auraient pu avoir
pour les familles les plus graves conséquences.
Les sorties provisoires ont d'autres inconvénients qui ont été
déjà signalés. mon tour, je dirai que les sorties d'essai sont
souvent demandées par les parents dans un tout autre but que
celui d'être utile il leurs malades. On les fait sortir pour obtenir
leur signature dans des affaires d'intérêt, ce qui peut avoir quel-
quefois des inconvénients graves pour les médecins. On objecte
que les signatures données dans ces conditions, ne seront jamais
valables, les malades qui les donnent étant encore en traitement.
Il n'en est pas moins vrai que, dans certains cas, lorsque surtout
sont en jeu de graves intérêts entre divers membres d'une famille,
un procès peut surgir, par le fait d'une signature donnée même
dans ces circonstances, car on peut dire que le malade, lorsqu'il a
donné sa signature, savait bien ce qu'il faisait, se trouvait dans un
moment lucide; et le médecin qui, dans le but d'être utile au ma-
lade, a autorisé la sortie provisoire, peut se trouver impliqué et
plus ou moins compromis dans des affaires litigieuses, parce que.
268 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de la sorte il a facilité au malade le moyen de donner sa signature.
En 1879, le frère d'un aliéné accompagné d'un homme d'affaires
se rendait à Ville-Evrard, et tous les deux, à l'insu des gardiens,
parvinrent à faire signer au malade une procuration pour pouvoir
toucher une somme assez importante auprès d'une grande compa-
gnie de chemins de fer.
La somme fut payée ; mais l'administrateur des biens des
aliénés non interdits ayant en connaissance de ce fait irrégulier,
un procès survint, procès qui dura deux ans et qui occasionna de
nombreux désagréments à l'administration.
Ces irrégularités se commettent bien plus facilement si l'on
prend l'habitude d'accorder aux aliénés des sorties provisoires ; et
le médecin qui aura autorisé ou conseillé la sortie se trouvera
bien plus directement inquiété que lorsque l'irrégularité que je
signale se sera produite dans l'asile. En accordant des sorties pro
visoires ou des congés, le médecin sera toujours dans l'inquiétude;
car, en définitive, il devient en quelque sorte responsable des actes
plus ou moins irréguliers que le malade peut commettre. Si chacun
de nous, dans les asiles de la Seine lâchait tous les jours cinq ou
six aliénés sur le pavé de Paris, où en serait-on ? Depuis quelque
temps, on ne voit que trop d'accidents ou d'événements tragiques,
occasionnés par des aliénés en liberté, pour que le médecin aille de
son plein gré, en faciliter ou en accroître le nombre. Je crois qu'en
pareille matière le libéralisme n'a rien à faire; il n'y a qu'une ques-
tion essentiellement médicale de la solution de laquelle dépend la sé-
curité publique. Autoriser sur une grande échelle les sorties provi-
soires et les congés, c'est ouvrir la porte à toute espèce d'accidents,
à une multitude d'actes criminels, à toutes sortes d'abus, sans
compter les soucis et les inquiétudes en permanence que le méde-
cin se crée et cela pour un résultat bien aléatoire au point de vue
des avantages que ce genre de sorties peut fournir aux malades.
Cette question des sorties provisoires ou d'essai n'est donc pas aussi
simple qu'on pourrait le penser tout d'abord. Elle exige de la part
du chef de service beaucoup de tact et de prudence à tous les
points de vue.
2° Des aliénés dfMfyerctM ? Cette deuxième partie de la question
me touche particulièrement, non pas tant à cause de l'agression
dont j'ai failli être victime que par le fait de l'évasion et de la
sortie de deux aliénés qui, plusieurs mois après avoir quitté l'asile
de Ville-Evrard, ont été ces jours derniers les tristes héros d'évé-
nements dramatiques.
Dans plusieurs de mes comptes rendus annuels, j'ai attiré l'atten-
tion de l'administration sur la catégorie d'aliénés dits criminels
et que j'appellerai plutôt aliénés dangereux. Sous ce terme géné-
rique, je comprends les aliénés qui sont dangereux à quelque titre
SOCIÉTÉS SAVANTES. 269
que ce soit : aliénés homicides, incendiaires, suicides, évadeurs
déterminés, et dans ces rapports annuels j'ai fait remarquer l'uti-
lité qu'il y aurait en attendant la création d'établissements spé-
ciaux, d'installer dans chaque asile un quartier où ces aliénés
seraient séquestrés et soumis à une surveillance incessante dejour
etde nuit. Car, pour les asiles de la Seine, l'évacuation des aliénés
dangereux sur Bicêtre qui possède un quartier de sûreté, n'est pas
toujours possible, faute de place, et cette mesure est absolument
impraticable quand il s'agit d'aliénés placés volontairement par
les familles, et des pensionnaires séquestrés d'office.
Pour cette catégorie d'aliénés, c'est-à-dire pour les aliénés dan-
gereux en général, je distinguerai les sorties régulières et les
sorties irrégulières.
Sortie régulière. - Après un séjour plus ou moins prolongé dans
l'asile, où le traitement a été suivi d'une certaine amélioration, la
question de sortie nous est quelquefois posée soit par les malades
eux-mêmes et leur famille, soit par l'autorité judiciaire. Quel parti
prendre dans ces cas qui sont toujours embarrassants et dans
lesquels se trouve mise en jeu la responsabilité du médecin ? Celui-
ci résiste le plus longtemps possible, mais il arrive un moment où,
poussé à bout, il doit prendre une décision définitive. Dans ces
cas, à Paris ou dans les asiles de la Seine, nous avons parfois re-
cours à l'intervention des médecins inspecteurs de la préfecture de
police qui nous éclairent de leur expérience et partagent avec nous
la responsabilité qui s'impose dans ces circonstances. La nouvelle
loi propose l'organisation d'une commission spéciale qui serait
appelée à délibérer et à prendre une détermination pour ces cas
particuliers. Je n'hésite pas à me déclarer partisan de cette mesure
qui donnera satisfaction à tout le monde, au chef de service, à la
famille, à l'autorité judiciaire, au public. Quant au malade, il
pourra quelquefois avoir gain de càuse auprès de cette commission ;
dans le cas contraire, il n'aura qu'à s'incliner devant cet arbitrage
souverain. Quelle devra être la composition de cette commission ?
J'estime que pour la Seine, le chef de service, un médecin inspec-
teur de la préfecture de police et un délégué du tribunal devront
en faire partie.
Puur plus de garantie dans les cas de mise en liberté, on pourrait
en même temps faire engager la famille par la signature d'une pièce
officielle qui serait conservée au dossier du malade. C'est ce qui a
lieu depuis quelque temps à Ville-Evrard, où des imprimés ad hoc
sont remplis par le membre de la famille qui demande la sortie
du malade, sous sa responsabilité et qui s'engage à veiller sur sa
conduite, à lui faire donner les soins qui peuvent être encore né-
cessaires.
Sorties irrégulières ou par évasion des aliénés dangereux. -
z70 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Quelles sont les mesures à prendre dans ce cas ? et d'abord
comment procède-t-on d'une façon générale aujourd'hui pour les
évasions ? - Quand l'évadé n'est point à craindre, quand une cer-
taine amélioration avait été constatée chez lui quelque temps
avant son évasion, nous disons dans notre certificat que le malade
pourrait vivre en liberté, surtout s'il a une famille qui se charge de
lui. Mais quandle malade a de mauvais antécédents, quand il a été
reconnu que le séjour à l'asile n'a point corrigé ses mauvais ins-
tincts ou ses tendances impulsives dangereuses, notre certificat au
moment de l'évasion conclut à la nécessité de la réintégration. Or,
dans ce dernier cas, il arrive souvent que les conclusions de ce
certificat ne sont pas prises en considération, et le malade est
laissé en liberté. D'où des conséquences très fâcheuses et très re-
grettables parfois. Je pourrais citer des exemples tout récents qui
ont eu un grand retentissement dans la presse. Ces malades signa-
lés dans le certificat d'évasion comme étant ou pouvant devenir
dangereux devraient être toujours recherchés et réintégrés le plus
tôt possible, afin d'éviter les accidents graves qui arrivent presque
inévitablement dans ces conditions.
3° Des mesures à prendre pour la sortie des aliénés inoffensifs. -
Y a-t-il d'abord des aliénés véritablement inoffensifs ? - Je crois
que l'on peut répondre par la négative. Pinel, notre maître à tous,
a dit avec raison que tout aliéné peut devenir dangereux.
Chacun de nous certainement pourrait citer des cas où le juge-
ment favorable que nous avions porté concernant des aliénés sup-
posés inoffensifs s'est trouvé en défaut.
La question du milieu joue toujours un très grand rôle dans les
sorties accordées aux aliénés en général, et les aliénés jugés inof-
fensifs ne peuvent pas plus que les autres se soustraire à cette
influence. Combien d'aliénés qui, parfaitement calmes et n'ayant
jamais commis aucun acte irrégulier pendant toute la durée de
leur séjour à l'asile, se sont livrés à des actes regrettables à un
moment donné, plus ou moins longtemps après leur mise en
liberté. Je citerai les alcooliques toujours en si grand nombre dans
les asiles, particulièrement dans les asiles de la Seine. Ces aliénés,
peu de temps après leur séquestration, deviennent en général
calmes et raisonnables. Tout porterait à les considérer comme
inoffensifs. Les parents, les représentants de l'autorité judiciaire
s'étonnent que l'on retienne ces malades dans les -asiles. Sur-.
gissent des plaintes, des réclamations devant lesquelles le médecin
est obligé de céder, quelquefois. Or, dans bien des cas, il arrive que
ces malades mis en liberté ne tardent pas à commettre les actes
les plus graves.
Les aliénés débiles ou faibles d'esprit constituent encore une
grande classe de malades qui sont le plus souvent inoffensifs dans
SOCIÉTÉS SAVANTES. z71
les asiles et qui rendus à la liberté, dépourvus de surveillance, de-
viennent un danger pour la morale et la sécurité publiques. A
propos de cette catégorie d'aliénés dits inoffensifs, il est une
observation qui a été certainement faite par plusieurs d'entre nous
dans les asiles de la Seine. Le dossier de ces malades tel qu'il nous
est soumis, est loin d'être complet et de relater toute la vie patlio-
logique du malade au point de vue mental.
Généralement le dossier des aliénés, dans les asiles de la Seine,
sont loin d'être aussi complets que ceux des asiles de province,
où indépendamment des certificats d'admission, figurent presque
toujours les procès-verbaux des commissaires de police, à défaut
de ceux-ci, les interrogatoires faits dans les mairies des communes.
Les dossiers des aliénés, dans les asiles de la Seine, ne contien-
nent, à l'arrivée des malades à Sainte-Anne que le certificat du
médecin de la préfecture de police. Ces certificats sont toujours
très bien établis certainement, mais dans le nombre de cas ils ne
font pas mention de faits importants, dont il serait très nécessaire
que fut instruit le médecin dans les asiles. Je me hâte d'ajouter
que cette lacune est presque toujours inévitable, attendu qu'au
moment de l'examen fait au dépôt, les médecins n'ont eux-mêmes
à leur disposition qu'un dossier incomplet 1.
Les notes ou pièces complémentaires ne parviennent que plus
tard dans les dossiers de la préfecture de police. Cette lacune dans
les dossiers de l'asile peut avoir des conséquences fâcheuses. D'abord
des aliénés qui auraient besoin d'une surveillance spéciale, à cause
de leurs mauvais antécédents, ne sont soumis qu'à la surveillance
générale, ordinaire ou commune parce que, d'après leur dossier, on
les regarde comme inotfensifs, d'où les conséquences graves que
peuvent avoir quelquefois les évasions de ces malades.
En second lieu, la lacune que je signale portant à regarder
comme non dangereux des aliénés qui sont loin d'être inoffensifs,
expose le médecin à demander leur mise en liberté, alors que au
contraire, ils devraient être soigneusement maintenus. Aussi
arrive-t-il assez souvent qu'à un certificat de sortie la préfecture de
police répond par une note dans laquelle sont relatés des faits plus
ou moins graves à la charge du malade, et dont le médecin était
absolument ignorant. En présence de ces renseignements inatten-
dus, le chef de service est obligé de rapporter et d'annuler son
certificat de sortie et d'en faire un autre pour demander le main-
tien du malade. Afin d'éviter les inconvénients que je signale,
il faudrait que dans ces cas qui tendent à devenir de plus en plus
i Le Conseil générai de la Semé a émis depuis plusior s années un
voeu invitant M. le Prétet de police à donner aux médecins les renseigne-
ments dont parle M. (le la Niaebtre. Ce voeu, jcomme tant d'autres, n'a pas
reçu satisfaction.
272 SOCIÉTÉS SAVANTES.
fréquents, l'administration de la préfecture de police envoyât
ultérieurement dans les asiles une note complémentaire, qui
éclairerait complètement le médecin ou le directeur sur les anté-
cédents du malade. Le chef de service ordonnerait alors une sur-
veillance plus attentive et, de la sorte, il pourrait éviter de faire
fausse route, quand il pense que le moment est venu de proposer la
mise en liberté.
J'ai parlé de l'utilité et des avantages qu'aura l'institution d'une
commission spéciale surtout dans les cas d'aliénés dangereux dont
la sortie est demandée. Si comme le porte, je crois, le nouveau
projet de loi (art. 23 de l'exposé des motifs), l'autorité doit donner
son avis sur toutes les entrées, ainsi que pour les sorties, les diffi-
cultés pratiques seront grandes. 1 n. z 1 1 '
Le fonctionnement de ces commissions sera facile dans les asiles
de province dont le mouvement de la population est peu considé-
rable ; mais il n'en sera pas de même dans les asiles' de la Seine,
où les entrées et les sorties se comptent annuellement par milliers,
ainsi que le prouve le relevé suivant : 1' , ? lr ,
. t t 1 .
Asile d'aliénés de la Seine. ' Exercice de 1882
j' 1 Il IH.' J I 1
SOCIÉTÉS SAVANTES. z73
soin de décider s'il y a lieu ou non de consulter la commission spé-
ciale. L'intervention de celle-ci pourrait n'être demandée que dans
les cas où il y a quelque doute ou quelque crainte pour le pronostic.
M. Lanier. Dans le projet de loi soumis au Sénat, il n'est
pas question des commissions auxquelles semble faire allu-
sion M. de la Maëstre. C'est la chambre du conseil, ainsi que l'a
proposé M. Foville qui statuera sur...
M. Fouille. Je proteste contre l'indiscrétion que vient de com-
mettre M. Lunier en m'attribuant la paternité de cette mesure.
M. 1,UNIER. Je croyais sans commettre d'indiscrétion pouvoir dire
une chose connue de tout le monde, puisqu'elle a été imprimée.
M. Fouille. Vous aviez toit de le croire... La proposition dont
vous entendiez parler a été émise par une commission dont vous
et moi faisions partie, et non par M. X. ou AI. Y., membres de cette
commission;je vous prie donc de ne pas prononcer mon nom.
M. Lunier. Je retire mes paroles. Il n'est pas moins \rai que la
communication de M. de la Maëstre tombe un peu à faux, puisque
la commission spéciale à laquelle il voudrait s'en rapporter dans
les cas difficiles ne sera pas créée.
M. Falret. Il est possible que, dans le projet de loi du minis-
tère, cette commission n'ait pas été prévue; peu imporle a Ai. de la
Maëstre, nous y avons fait assez souvent allusion ici pour qu'il it
puisse en reparler. N'avons-nous pas, en effet, longuement discuté
sur l'opportunité de créer en France de semblables commissions
comme il en existe déjà en Angleterre ?
M. CHRISTIAN. J'ai été grandement surpris de voir AI. Legrand
du Saulle s'élever à la dernière séance contre les sorties provisoires
et je ne le suis pas moins d'entendre aujourd'hui AI. de la Maëstre
proscrire les congés accordés à nos malades. A Charenton nous
donnons beaucoup de ces congés auxquels nous trouvons de grands
avantages à côté de petits inconvénients. Evidemment, tous nus
pensionnaires ne peuvent pas en jouir, mais les paralytiques gé-
néraux, les déments, les débiles iiiotï(311sirs en profitent dans une
large mesure, à la grande satisfaction de chaque famille qui trame
une consolation à faire une promenade de quelques heures avec
son malade. Il est préférable de ne pas interrompre complètement
les relations de famille, et en agissant de la sorte on transforme
l'asile en ce qu'il devrait être, un hospice et non une prison. Un
abus d'une telle pratique a des inconvénients : l'aliéné peut com-
mettre des excès; on peut lui extorquer des signatures; c'est au
médecin à prendre ses précautions, en ne confiant son malade
qu'aux proches parents. Ceux-ci auraient du reste la faculté de le
retirer, quand il s'agit de placements provisoires, et endossent par
cela même toute la responsabilité de ce qui pourrait arriver en
Archives, t. VU. 18
'71. SOCIÉTÉS SAVANTES.
dehors de l'asile. Je n'ai, pour ma part, jamais eu d'accidents à
signaler depuis que je suis cette coutume.
Le préfet de police a établi il y a quelques années une jurispru-
dence sur les congés. Je vais l'indiquer par un exemple : L'oncle
d'une pensionnaire de Charenton écrivit un jour au préfet pour lui
demander d'autoriser la sortie quotidienne de sa nièce, dans le but
de lui faire faire, accompagnée d'une domestique, une promenade
dans le bois de Vincennes. Le préfet lui répondit qu'une prome-
nade faisant partie du traitement suivi par les malades, c'était au
médecin seul d'en juger sur l'opportunité, et renvoya la demande
au médecin traitant. 4" , ,
' Voici maintenant un cas qui vous montrera comment l'admi-
nistration comprend les sorties à titre d'essai : J'avais dans mon
service un épileptique présentant quelques idées de persécution,
mais cependant assez calme. Comme la famille demandait avec
insistance de reprendrele malade, je résolus de le lui rendre à titre
d'essai, et je rédigeai un certificat en ce sens. Mais le préfet de
police me répondit que la séquestration) des'aliénés étant une me-
sure d'ordre public, il ne pouvait prendre là responsabilité de
sortie d'un aliéné non guéri, et que d'ailleurs cette pratique cons-
tituant un mode de traitement, il y avait lieu de laisser au méde-
cin le soin d'endosser cette responsabilité.
1\..\1" \ " '1'" 1 i
M. de L.1 Je ne suis peul,-être pas aussi ennemi des
congés que le pense M. Christian ; j'en accorde tous les jours,
mais je trouve un danger à laisser, trop longtemps les malades dans
le milieu où se sont développées leurs idées délirantes, et de plus,
je crains de faciliter l'accomplissement d'actes répréhensibles,
comme en ont 'ort souvent déjà commis-les. malades avant leur
séquestration sans même que nous en soyons informés. Vous savez
comme moi le peu de renseignements sur les antécédents fournis
par les dossiers de la préfecture,de police. i n , : 11. L1' : GR ND du Saulle. C'est'le' moment,'je crois, de parler des
évadés. Le nombre de ceux de Ville-Evrard, par exemple, s'élève à
une vingtaine par an ; beaucoup étant très améliorés au moment
de leur sortie, les commissaires de police, interrogés par la préfec-
ture sur les faits et gestes de ces individus, ont pris l'habitude de
faire une réponse dans le genre de celle-ci : « M. X... parait inof-
fensif, je le surveille et au moindre écart je le ferai conduire à
l'infirmerie du dépôt», et le malade finit par être oublié.
Or, il arrive malheureusement que quelques-uns ne tardent
pas à se signaler à l'attention publique par des actes de vio-
lence, aussi en revient-on maintenant à l'ancien système en
réintégrant immédiatement tous les évadés. C'était celui de M. La-
sègue, qui renvoyait à l'asile, sans même l'examiner, tout aliéné
qui lui était ramené au dépôt après une évasion. M. de la Mestre
BIBLIOGRAPHIE. 275 J
vient de faire allusion aux dossiers qui ne sont pas complets, je dois
lui répondre que ces dossiers ne se complètent à la préfecture de
police qu'après la séquestration du malade, et que d'ailleurs les
bureaux ne veulent pas s'en dessaisir. Quand nous voulons y avoir
recours, il nous faut aller les consulter sur place.
M. de la 111\STRR. Il serait alors à désirer que la préfecture nous
envoyât plus tard une copie de ces dossiers.
M. Falret. Il m'est arrivé souvent, apres avoir fait la sortie d'un
malade de mon service, de recevoir de la préfecture au sujet des
'actes qui avaient motivé sa séquestration des renseignements tel-
lement graves que je devais surseoir à cette sortie.
. MARCEL Briand.
BIBLIOGRAPHIE
Il. Exposé des principaux passages contenus dans le Si-Yuen-Lu
par E. MRT1N (G. Leroux, édit. 1884).
Le Si-Yuen-Lu est une sorte de compendium de la médecine
légale et de la jurisprudence médicale de la Chine; il n'en exis-
tait jusqu'à présent aucune traduction française. Parmi les inté-
ressantes notes de M. Martin, il en est une sur laquelle nous
appellerons particulièrement l'attention. Il fait remarquer que,
dans aucun endroit du Si-Yuen-Lu, il n'est question des exper-
' Uses auxquelles peuvent donner lieu l'aliénation mentale, soit dans
les rapports avec la criminalité, soit au sujet des faits ressortissant
à la jurisprudence civile, telles que successions, interdictions, etc.
' Cela tient, d'après l'auteur, à ce que la folie est très rare en
Chine et ne se rencontre guère qu'en conséquence de l'abus de
l'alcool et de l'opium; les névroses seraient aussi exceptionnelles.
« En présence d'un cas d'aliénation mentale, la justice n'intervient
pas; la responsabilité des conséquences auxquelles elle peut don-
ner lieu, reste toute entière à la famille. » Cn. F.
1 Cette opinion est en opposition avec celle de plusieurs autres auteurs,
notamment de M. Bordier (Géographie médicale, 1884, h. 493), qui dit
que chez les Chinois de la Nouvelle Galles du Sud. on trome un aliéné
sur 140 individus. Il faut remarquer en outre que certains arrêts de de-
' veloppement et en particulier le bec-de-lièvre seraient aussi très fréquents
chez les Chinois. Cri. F.
216 ô BIBLIOGRAPHIE.
III. De l'hémiplégie homonyme de la face et des membres dans les
lésions en foyer de la protubérance annulaire; par HONDOT. Paris,
1883.
Malgré l'affirmation de Larclicr qui soutenait que dans les lé-
sions protubérantielles la paralysie de la face siège du même côté
que la paralysie des membres, on admet généralement depuis le
savait de Gubler que la paralysie est alterne. M. Rondot a réuni à
un cas personnel un certain nombre de faits (Lépine, Féré, Olli-
vier d'Angers, Mailfert, Josias, llerruaun Weber, Greuzard, Roger,
Desnos) qui lui ont permis de faire une étude nouvelle de la question.
L'affection débute avec ou sans ictus par une impotence graduelle
et unilatérale. Tantôt, la paralysie d'emblée complète et unilaté-
rale a compris en même temps les membres et la face du même
côté ; fréquemment elle est plus marquée aux .membres qu'à la
ace. Rarement l'hémiplégie est graduelle (Lépine) ? ssez souvent
existe en même temps des 'troubles de la parole (lailfert, We-
ber). Il faut noter la contracture' primitive (Lai-cher).qui ne parait
pas constante. Une seule fois on a observé la contracture tardive en
rapport avec une dégénération descendante (Féré). Les troubles de
la sensibilité sont inconstants et variables. Résumons d'ailleurs
les conclusions de l'auteur : : ' t i . .1/.
Les lésions en foyer situées dans l'étage moyen, plus rarement
dans l'étage supérieur de la protubérance se limitent quelquefois à
la zone que parcourt le faisceau volontaire et déterminent alors du
côté opposé une hémiplégie des membres et de la face. - Celte
paralysie moins intense habituellement à la face qu'aux membres,
en raison de l'intégrité des fibres, d'une portion des fibres du, fais-
ceau géniculé qui se rendent au noyau du facial, se comporte
comme celles qui sont déterminées par une lésion cérébrale et
peuvent comme elles entraîner une dégénérescence descendante.
Les contractures et les convulsions épileptiformes n'accompa-
gnent que très exceptionnellement les altérations aiguës qui
frappent presque exclusivement le cordon moteur cérébro-spinal.
La terminaison fatale qui est de règle, ne parait pas due aux, com-
plications bulbaires qui surviennent quand la région postérieure ou
ganglionnaire est intéressée ; peut-être doit-on en chercher la
cause dans la destruction des amas de substance, grise interposés
entre les fibres motrices. 1 CH. F.
IV. Des paralysies chez les choréiques ; par G. OLLIVE.
Thèse de Paris, 1883.
Sous le titre : « Des paralysies chez les choréiques» (Charcot),
M. Ollive décrit une forme de paralysie assez rare qui a été dési-
gnée sous les noms de chorée paralytique (Southwarth, Gowers,
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 277 Î
etc.), de chorée molle (West). Il existe en effet, dans la chorée, des
troubles paralytiques plus ou moins complets ou étendus déjà
signalés par Bouteille, Todd, Trousseau, etc. Ces troubles parai} ti-
ques qu'il faut distinguer du simple affaiblissement musculaire,
peut-être constant dans la chorée, peuvent se montrer au début,
dans le cours, ou à la fin de la maladie. Quand ils se développent
au début, ils peuvent constituer toute la maladie, c'est bien alors
la chorée molle des auteurs anglais : on voit succéder aux trou-
bles psychiques, prodromes ordinaires de la chorée, une mala-
dresse qui n'est point due à l'incohérence des mouvements, mais
à l'affaiblissement musculaire; peu à peu la paralysie toujours
flasque se complète et peut se généraliser, accompagnée ordinai-
rement -de légers mouvements choréiformes. La paralysie qui se
développe dans' le cours' ou. la fin de la chorée est plus fré-
quente, elle peut affecter diverses formes, hémiplégiques, para-
plégiques, mais plus souvent monoplégiques, prédominant en géné-
rue dans les 'muscles qui étaient les plus agités par les convulsions.
Dans tous lés cas,'le pronostic est bénin; cette paralysie guérit tou-
jours. M. Ollive préconise le traitement arsenical et les toniques.
1 ' Cil, F.
i 1 , I .... ,
.. m. Il
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
1 1 '11 .
Le masque sclérodermique;' par OBIER. Thèse de Paris, 1883.
Note sur un cas de myélite chronique ci diagnostic douteux (sclé-
rose latérale amyotrophique ou sclérose en plaques); par L'HÉRI-
TIER de CnEzELLE. Thèse de Paris, 1883.
Des fractures chez les ataxiques; par L>;BOr. Thèse de Paris, 1883.
De la chorée rhumatismale considérée comme une variété de rhu-
1Ïwlisme cérébral et de la mort dans la chorée; par Il.\NNEQUIN. Thèse
de Paris. 1883. - 1
Paralysie glosso-labiée cérébrale; par PuicA. Thèse de Pa-
ris, 1883. ' 1 '
Contribution à l'élude du vertige oculaire ; par Fasquelle. Thèse
'de Paris, 1883. 1
Etude sur la pathogénie des névralgies; par QUERMONNE. Thèse
de Paris, 1884. 1
Sur une des formes frustes de la sclérose en plaques disséminées;
par BwB.wLD. Thèse de Paris, 1883.
Elude sur quelques formes rares d'éclampsie chez les femmes en-
ceintes; parJ. ROD/ ! \', Thèse de Paris. 1883.
Studio de ]1sicf)patologilt criminule sopra un caso di imbecihta mo-
rule con idée fisse impulsive (paricidio, fratricidio et tentato ma-
tricidio all'eta di 1G anni); parTAMBURiNi et SEPPILI. 1883,- Reggio-
Emilia.
27 S varia.
I progetti di lege sugli aliénât i in Italia ed in Fl,(l1leia; par
TAMBURINI. 1813, Beeriu-Gmilia.'r,
Contributo alla studio delle locatizzuzioni e dei gliomi cereL7·ali;
par Tamburini et MAHCIII. Heg¡ ! io-IlI11lia, 1883.
Sullapucsiu del dubbio con timurc (lrl contallo e sulli idée fisse ed
impulsive; par Tamburini. Heggio-Emilia, 1883.
Gheel et le patronage familial (lettres médicales) ; parJ ? 1. PFH : Tr : ns.
Bruxelles, 1883, Manceaux. éditeur.
Fortictic uxz7zual report of tlcc managers of the state lunatic asylum
at Utica for the year 1 882. Albany, 1883. 1
Contribution à l'étude de la statistique de la criminalité en France,
de 1826 à 1880; par J. SOCQUET. Thèse de Paris, 1883.
Estomac et cerveau (étude physiologique clinique et thérapeutique),
par Leven. (llasson, 1884.)
Fstudios clinieos de neuropatoloyia, par José AnwNCUd : y Tuset,
Barcelone 1884. (Contenant une monographie de la migraine
ophthalmique.)
Etude sur le goitre exophthalmique ; par Gros. Thèse, 1884.
De l'aphasie hystérique; par DA VID. Thèse, 1884.
De l'influence exercée sur l'état mental par l'approche de la mort :
par Salivas. Thèse de Bordeaux, 1883.
VARIA
Relation d'un VOY.\1; psychiatrique en Danemark,
E\ 5U1· : DF F : T E : 7 OI1R'Î : GF
Par le Dr CLAUS (de l'asile de Sachsenbergl.
Ce voyage, effectué pendant l'été dernier, a permis àAi. Claus de
visiter un certain nombre d'établissements d'aliénés dans les pays
en question. Les notes qu'il publie comblent, ainsi qu'il le dit lui-
même avec raison, une lacune, car les recueils, journaux ou
traités sont actuellement fort pauvres en documents de ce genre
sur les régions Scandinaves. Aussi, tout en condensant le plus
possible les matériaux étendus qui nous sont fournis, ne pouvons-
VARIA. 279
nous nous garder d'être un peu long et de scinder notre analyse
en deux parties, dont l'une envisagera le Danemark, et l'autre, la
Suède et la Norwège.
A. DANE11ARK.
11. Claus a visité les quatre grands établissements d'aliénés du
nanenlark, et Je quartier cellulaire de l'hôpital communal de
Copenhague. Ce sont : l'asile de ,t) ? ,(Ii2gboî,g, dans l'île Seeland,
destiné aux malades curables ou incurables des îles danoises, c'est-
à-dire à Seeland moins Copenhague, à Fionie, à Laalnd et à
Falster; l'asile à'Aarhuus. affecté au .lutlaud, qui est également un
.-L51le-liosr)ice ; celui de Vibory, qui reçoit les aliénés du Juttand et
des lies et joue'le rôle d'un hospice pur; enfin l'hopital Saint-Jean
(Saint-Hans) près Roeskilde qui constitue àla lois un établissement
de traitement actif, à la fois un asile de retraite pour les aliénés
aigus et chroniques de la commune de Copenhague.
,. '11' Ii
Les pensions, dans, ces asiles, comme à l'hôpital, sont de trois
classes, mais, les prix étant différents, nous les résumerons avec
les conditions correspondantes dans le tableau suivant :
l'ftlR DE L\ PEi'(SJOX D\NS LES ETABLISSEMENTS DE VORDINGBORG
ET D'AARHUUS 1
280
VARIA.
PRIX DE LA PENSION A L'IIOPITAL SAINT-JEAN, PRÈS ROESKILDE
VARIA. 281 1
collège de santé; c'est lui seul qui détermine si un malade remplit
les conditions qui nécessitent son entrée ou qui autorisentsa sortie.
La direction examine les garanties offertes pour le paiement de
la pension et décide de leur valeur. Il n'y a pas en Danemark de
loi sur les aliénés.
Les dépenses qui résultent des évasions sont supportées pour les
pensionnaires de première classe, par la bourse de ces derniers,
et par l'asile pour les pensionnaires des deux autres classes. Les
malades de la troisième classe doivent, au moment de leur récep-
tion, apporter un vêtement complet, ainsi que le linge de corps
nécessaire : on les renvoie également tout équipés, quand ils sont
guéris, l'établissement s'étant, pendant leur séjour, chargé de leur
entretien absolu.
Les repas des malades de la troisième classe comportent, quatre
à cinq fois par semaine, de la viande fraîche, deux fois de la viande
salée ou du lard, de la morue salée ou du poisson frais; l'alimen-
tation, est d'ailleurs copieuse et de bon aspect. - C'est le médecin
en chef qui choisit et renvoie le personnel des gardiens. Les
gardiennes n'ont pas d'uniformes; les gardiens portent une redingote
bleue à boutons brillants, marquée au collet du schéma de l'asile
en raccourci/ Les punitions sont : la privation de sortie, les
amendes,'le renvoi immédiat. '
Il i i d\, 1H 1 ¡ 'II ! i Il
Tous les établissements sont presque combles. 0 ne s'est pas encore
décidé, à construire de colonies. On parle simplement de l'édification
fort probable sur le Petit Belt, près de Middelfort, à Fionie, d'un
nouvel établissement dont les plans déjà arrêtés n'attendent que
l'approbation indubitable du corps législatif.
' , '1 .i .. , 111
1 f Il .. i, 'il
. I. 1. Asi{ de Vordingborg. Directeur : Dr Fuerst. Quand d'Oreho-
ved tlans l'ile, Falster ,, on se dirige sur le grand Belt vers
, Seeland, on a devant soi, à sa droite, une colline boisée dont la
, pente, douce , incline, vers la mer : une série de constructions de
belle, prestance, dont les murs clairs et les toitures rouges tran-
chent, agréablement sur le vert environnant, se détachent de ce
(, fond. C'e·t l'asile de Vordingborg, asile de l'Etat affecté aux îles
,, danoises (osliflernes sindssygeanstalt). D'abord ouvert pour
, 1 ? (1 malades curables (18.'iS), il se composait, en 18-il, de
430 places sans distinction du genre de malades; on y compte
actuellement 225 hommes et 213 femmes. De Vordingborg,
charmante petite ville, et station sur la ligne du chemin de fer
du Sud de Seeland qui, dépassant Roeskilde, conduit à Copen-
hague, on atteint l'établissement à pied en une petite demi-heure
sur une chaussée confurtable. - Le territoire de l'établissement
est formé par une petite péninsule; la superficie en est de
: 2R2 VARIA.
.)6 hectare,. I rS, dont les trois cinquièmes sont occupés par
les constructions, le terrain de labour, les jardins, deux cin-
quièmes étant affectés aux prairies et aux bois. Les bâtiments, en
briques, dépourvus d'ornementation extérieure, revêtus d'un
enduit blanc jaunâtre, couverts de tuiles rouges, représentent dans
leur ensemble un quadrilatère allongé, partout à un étage, excepté
aux angles et dans le milieu (deux étages). L'entrée occupe
celui des côtés étroits qui regarde à peu près le nord-ouest. On se
trouve, après l'avoir franchie, dans une cour un peu resserrée qui
vous offre : à gauche, en un seul édifice, la cuisine et la buanderie,
fonctionnant toutes deux par la vapeur et. plus en dehors, la sec-
tion des femmes : à droite, le bâtiment de l'administration et la
section des hommes. Le petit côté orienté au sud comprend un
' bâtiment destiné à l'habitation de la direction, au temple, il la
i salle des fêtes et renfermant, à droite et à gauche, des chambres
de pensionnaires, hommes et femmes, de première et deuxième
classe. Les corps de logis destinés aux malades sont disposés enter-
rasses, de sorte que, bien que les murs qui circonscrivent les cours et
jardins mesurent entre neuf et dix pieds de haut, la vue ne ise
trouve nulle part masquée. Les sections réservées aux tranquilles et
aux malades propres, aux demi-agités sans gâtisme, aux agités et
malpropres, sont marquées à l'aide de lettres. Il existe'une sec-
tion spéciale de cellules (vingt cellules pour chaque sexe). Les
chambres delà troisième classe sont très simples, mais très pro-
pres ; celles des pensionnaires des classes supérieures sont très élé-
gantes. Chaque division se compose de salles de jour, de réfec-
toires (daglokaler og spivestner) et de dortoirs (soverum) tant au
rez-de-chaussée qu'au premier étage. Tous les lits sont en bois, le
fond de ceux des gâteux est taillé en pente, et percé au 'éentre.
La couche se compose d'un matelas et d'un oreiller en' varech;
couvertures de laine (deux en été; trois à quatre en hiver). Un
pot de nuit en porcelaine sous chaque lit. Les épileptiques et les
infirmes ont des lits à caisse, dont les parois sont, pour beaucoup,
capitonnées. Une conduite d'eau apporte l'eau de plusieurs kilo-
mètres et la distribue pour tous les usages domestiques, sans
qu'on soit oblige de faire intervenir d'appareils spéciaux élévateurs.
Les cellules sont spacieuses, leurs parois cimentées , de colo-
ration bleue ou rouge sont percées d'une fenêtre , latérale supé-
rieure ou prennent la lumière directement par en haut; elles, ne
contiennent pas de lieux d'aisances Le chauffage s'effectue par
l'air chaud pour les cellules, ailleurs, par des poêles (tourbe et
houille). Les pissotières consistent en des entonnoirs métalliques,
émaillés, automatiquement rincés par la partie supérieure ; les
lieux d'aisances appartiennent au système des fosses mobiles.
L'éclairage s'exécute par le gaz, que l'on fait arriver de la ville.
Chaque service, des hommes ou des femmes, dispose de trois salles
VARIA. 283
de bains pourvues de trois à quatre baignoires. Les fenêtres, à bat-
tants sont grillées, ou maintenues fermées. La ventilation s'opère
par les portes et les fenêtres. Cubage des dortoirs de la troisième
classe : 300 pieds cubes par lit. La vaisselle est toute de porcelaine
blanche; ce n'est que par exception, et dans les cellules, que l'on
utilise de la vaisselle en métal. - On tient la main à ce que les
malades n'errent pas M'aventure dans les pièces d'habitation, sinon
on les enferme dans le quartier cellulaire. - La camisole de
force est en usage, de même que le manchon et la sonde oeso-
phagienne. On est frappé d'ailleurs du nombre de mélancoliques
fourni par ce peuple. On se sert du moins de médicaments pos-
sible, et, ces médicaments, on les fait venir de la ville.
Le personnel médical se compose d'un médecin en chef et d'un
médecin-adjoint. Des étudiants; bénévoles sont admis en outre à
faire le service. Le nombre en est fixé à deux par asile, du moins
pour Vordingborg, Aarhuus et l'hôpital Saint-Jean (de Roeskilde),
Viborg n'en ayant pas. Ils y font un internat de quatre à six mois.
L'un des candidats est, en ce qui concerne les asiles, pris dans
l'hôpital Friedrich de Copenhague; l'autre est choisi par la direc-
tion : pour l'hôpital Saint-Jean les deux élèves sont fournis par
l'hôpital communal. Ces jeunes gens ont des appointements, le
logement et la nourriture. Leur service parmi les aliénés n'est,
somme toute, point obligatoire, même pour ceux d'entre eux qui
se destineraient à des fonctions de l'Etat.
Le personnel administratif comporte un économe, un trésorier,
deux gardiens-chefs, deux gardiennes principales, un gardien par
dix malades sans parler'des gardiens attachés aux pensionnaires
dé première classe, qui touchent vingt-cinq à trente couronnes
(trente-cinq à quarante-deux francs) par mois. Un pasteur et un
organiste assurent le service religieux ; tous deux habitent la ville
et viennent le dimanche. L'asile a son cimetière particulier. Une
jolie salle des fêtes est de temps à autre le théâtre de petites
solennités. Enfin le voisinage de la mer a été mis à profit; on a
installé sur la plage un matériel de bains de nier qui rend d'excel-
lents services.
Soixante pour cent des malades travaillent chaque jour. Néan-
moins le directeur ne croit pas à l'opportunité d'une colonie
agricole; les terrains seraient chers, et cependan t un bon tiers est
affermé.
L'asile exige chaque année de l'Etat une dépense de Il : ! à
1'20,000 couronnes (157 à 168,000 francs). Il tire de la ville ses
subsistances.
2R 'l VARIA.
'i Jq nj Il RÉSUMÉ DU MOUVEMENT DE LA POPULATION 1
6 ' ' '' Depuis le 3 avril 1 858 jusqu'au 31 1 décembre 1880.
i ? lf
VARIA. OR5
y a continuité. La plupart des chambres à coucher sont, comme
les chambres de malades, situées au premier étage; mais on y
rencontre aussi quelques, chambres séparées pour malades de la
première classe ainsi que des salles de jour et de travail d'un
petit nombre de maladesl calmes de la dernière classe. Le second
étage des deux ailes latérales les plus externes contient une série
de chambres à coucher pour malades calmes de la classe ordinaire.
Les corridors sont orientés au nord, les lieux d'habitation au sud
ou au-sud-est. Les chambres à coucher et les cellules sont munies
de tolets; les portes s'ouvrent vers les corridors. Eclairage au gaz
fourni par la ville. Chauffage à l'aide de poêles et de courants de
vapeur' chaude; les cellules sont en particulier chauffées et ventilées
par ce dernier moyen. - Quinze cellules assurent l'isolement chez
les hommes et chez les femmes ? les parois, cimentées, limitent un
espace respectable,- et chacune droites est munie de ses latrines;
une d'entre elles est capitonnée ; ce quartier présente, un corridor
de)12 pieds de large sur 100 de. long qui peut servir'de salle'de
jour. Le système des lieux d'aisances est à fosses mobiles; la chambre
de, laj cuvette est contenue dans, un , pavillon .émergeant ( d'un
corridor dont il est séparé par une antichambre, c'est-à-dire par une
double porte. - Les bains sont répartis en trois, groupes. On en
,trouve dans l'étage des caves 2 seellOlls" ç0D1p,tallti¡c\9up, deux
''baignoires et les accessoires nécessaires pour, malades calmes de
1 première, di uxième et en partie de, troisième, classe; on en trouve
au rez-de-chaussée près du quartier, cellulaire .une section de cinq
.baignoires pour les autres catégories d'aliénés des deux "s"ex'es"" -
;Un môme édifice englobe la cuisineetlabuanderiequifunctionnentà t à
'.la vapeur. La vapeur est également utilisée à chauffer le réservoir
des deux grandes sections balnéaires, et à pourvoir l'établissement
entier d'eau chaude. La distribution d'eau froide se fait et'par une
machine à 'vapeur et par deux grands bassins alimentés par un
ruisseau qui passe sur, les confins de l'asile. -5oisaiité-treize'poür
-cent des aliénés travaillent. Les; autres détails sont . les mêmes
. qU';1 Vordingborg; ici aussi les , mélancoliques sont nombreux, ici
.aussi il existe une installation de bains de mer, ici aussi, les drogués
\iennent de la ville; elles sont transformées en médicaments par
'les. étudiants bénévoles déjà, nommés. L'asile a une bibliothèque
confiée au médecin-adjoint. On distrait les malades par des excur-
- sionset desdanses. ; : , Le personnel est le même qn'à .vordingborg.
% Nous relevons les traitements : , , , ,.Il "" I
111 ? tt, l Ir 1 1 ¡ lu ! Il'1 Il 1 .III· 1 1 j 1 1,
1 i Des gardiens : Pour la première année, ISO couronnes (252 fr.) :
^ , ,, ,, ,. ,. . ' (GO l'hiver^' 120 l'été). ·
Pour, la seconde année, 200 couronnes (280 fr.) : ¡
LI'if tt , , ,I .' ,. (70 l'hiver; 130 l'été).
Augmentation graduelle jusqu'à 4¡; c. (3')3 fr.) :
86 VARIA.
Des gardiennes : Pour la première année, 105 couronnes (l4 i fr.) :
(35 l'hiver; 70 l'été).
- Pour la seconde année, J ? 0 couronnes :
(40 l'hiver; 80 l'été).
Les malades renvoyés peuvent recevoir des fonds de secours
d'une institution qui n'a pas cependant pour objectif cette
.protection; les allocations peuvent atteindre 100 couronnes. -
L'établissement tire son pain et sa viande d'Aarhuus. Il coûte à
l'Etat près de 4-'r0,000 couronnes (196,000 francs).
III. Asile de Vibor. Directeur : Dr GAD. - C'est, nous l'avons déjà
dit, un établissement d'entretien d'aliénés incurables. Situé comme
le précédent dans le. Jütland, il a été ouvert en l'année 1877, par
transformation d'une vieille maison de correction, pour 300 pen-
sionnaires de troisième classe : le nombre des malades a, par
' arrêté ministériel du 21 janvier 1881, éte porté à 315. On arrive à
Viborg, petite ville riante et riche de 4,900 habitants, par ]echemin
de fer de l'Ouest du Jutland; elle est à 1 heure 1/4 de Langaa.
L'asile est dans la ville même, à 5 minutes de la station ; limité à
l'est par le lac de Viborg, il confine, à l'ouest et au sud, à une rue
animée. C'est également un asile de l'Etat. La désaffectation des
bâtiments se reconnaît à l'asymétrie des constructions sur le ter-
ritoire desquelles empiète l'usine à gaz de la ville, à la gros-
sièreté des parois extérieures, dépourvues de tout enduit, à l'éléva-
tion des bâtiments qui. pour la plupart comportent quatre étages, Il
à l'agglomération des édifices, à la solidité et à la disposition des
ouvertures, armées de grilles à toute épreuve; on se croirait dans
une prison. On a divisé les services pour le mieux, mettant les
hommes près de la rue, les femmes plus en dedans; on a formé
dans chaque service des sections, désignées par des lettres, pour
agités et gâteux, déments et gâteux, agités (ces trois sections ont
chacune deux chambres d'isolement), tranquilles et propres, in-
firmes ; enfin on a installé un quartier cellulaire de huit cellules
pour les hommes, de dix cellules pour les femmes. Dans les
étages supérieurs on a placé les dortoirs ; aux étages moyens
ainsi qu'au rez-de-chaussée on a réservé les salles, de jour : le rez-
de-chaussée renferme aussi les maladies somatiques et les ion-
firmes. Tous ces locaux sont très simples. Les lits sont en bois.
Certaines chambres contiennent jusqu'à vingt lits et davantage;
le cubage d'air pour chaque lit est de 4.'i3 à 653 pieds cubes. Les
cellules ne renferment pas de latrines. Quinze baignoires en
métal émaillé assurent le service hydrothérapique. Un puits
artésien et l'eau de mer alimentent l'établissement grâce à l'action
d'une machine élévatoire àvapeur, quisertébalementdlacuisine
et il la buanderie. ' Cinquante-quatre et demi pour cent des ' ¡
aliénés travaillent. Comme il s'agit d'affection» chroniques,
FAITS DIVERS. z87
le mouvement de la population est, en fait de renvois', très peu
accusé, néanmoins il en sort quelques-uns. - L'asile tire ses
subsistances de la ville. Il coûte fort cher à l'Etat.
Le scrvice médical est fait par le directeur assisté d'un médecin
qui habile la ville et vient une heure par jour à l'asile. Ce dernier
a pour traitement 2,300 couronnes (3,500 francs) ; il fait naturelle-
ment de la clientèle. Les médicaments sont fournis par la ville.
Le reste du personnel se compose d'un économe, d'un trésorier,
d'un gardien et d'uue gardienne en chef, d'une cuisinière en
chef, de 16 gardiens et de 20 gardiennes. Le temple est desservi
par un pasteur de la ville; d'ailleurs les quelques malades, qui en
sont capables, se rendent à l'église de la ville; les enterrements
se font au cimetière de Viborg. (.1 suivre.) '
FAITS DIVERS
Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres DE Cvsa. Prix
Le Sauvage. « Anatomie, histologie et homologie des différentes
parties du système nerveux des poissons. » Le prix est de deux
mille francs. Les mémoires devront être envoyés au plus tard le
31 décembre 1883. - Les manuscrits devront parvenir franco à
M. Armand Gasié. secrétaire de l'Académie, rue Elle-rle-l1eaumont, : i, ù Caen. Ils porteront une épigraphe ou devise, répétée dans un
billet cacheté qui contiendra le nom de l'auteur. L'académie ne
rend aucun des manuscrits qui ont été soumis à son examen ; mais
leb auteurs ont la liberté d'en faire prendre des copies. '
Asiles D'ALIÉNÉS DE la SEINE. - Nominations. - Nous apprenons
avec plaisir la nomination de notre ami et collaborateur M. le
Dr Kéraval, médecin-adjoint de l'asile de Saint-Yon, comme mé-
decin-adjoint (création nouvelle) de la colonie d'enfants arriérés,
annexée à l'asile deVaucluse.
Commission de surveillance. Par arrêté préfectoral en date du
30 décembre 1881, sont nommés membres de la commission de
surveillance des asiles publics d'aliénés du département de la Seine,
pour une durée de 5 années à dater du 1.' janvier 1881, MM. Pu-
teaux et le D du Mesnil.
Asile d'aliénés DE MONTPELLIER. - A la suite d'un cours ouvert à
l'hôpital général, le 14 janvier dernier, M. Combemalle a été
nommé interne de l'asile d'aliénés de Montpellier.
Hospice D'OflL1\9 : Quartier d'aliénés. -Par suite du décès du
1), Lepagc, la place de médecin du quartier des aliénés aux hos-
pices d'Orléans est disponible.
288 FAITS DIVERS.
Société d'anthropologie DE Bordeaux et du SUD-OUEST. - La
première séance de cette Société a eu lieu le samedi 19 janvier.
La plupart des membres fondateurs, dont le chiffre s'élève déjà
à 130, étaient présents à cette réunion. La séance a été ouverte
par une allocution dans laquelle le président souhaite la bien-
venue à ses collègues, et montre comme la ville de Bordeaux et sa
région étaient naturellement désignées pour être le siège d'une
Société d'anthropologie, par la station des Eyzies, les cavernes et
les abris sous roches des bords de la Vézère, les grottes d'Excideuil,
d'Aurensan, du Placard, de Marcamps, le plateau de l'Agenais, la
vallée de la'l'ardolre, etc., enfin par les travaux des savants tels
que Broca, Lartet, Reverdit, Pottier, Testut, Berchon, Lalanne et
tant d'autres.
Les élections complémentaire étant faites, le bureau se trouve
ainsi composé :
Président, M. le Dr Azam ; vice-présidents, MM. Bayssellance,
Daleau (de Bourg) ; secrétaire général, il/. le Dr Testut; sociétaires
des séances, MM. Lasserre, NicuJai; trésorier, M. Baillou; archiviste,
M. Emile Lalanne; conservateur de collection, M. Tissier; membres
du conseil, MM. Espinas, de Mensignac, Faure, Cabanes, Dr Guillaud.
Le bureau nommé, la Société commence la discussion de ses
statuts et entend une partie d'une communication de M. Espinas,
professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Bordeaux et
ayant pour titre : Hypothèses J1s ! Jeho-phifSiolo ! Jiques sur la nature et
les effets du sommeil provoqué chez les hystériques. Cette communi-
cation sera suivie d'un travail de M. le professeur Guillaud, sur un
Gisement de mammifères quaternaires a Bymet, et de M. Claverie,
sur l'Ethnographie des ilcs Marquises.
Les amis des sciences anthropologiques qui désirent faire partie
de la Société doivent adresser leurs demandes à M. le Dr Testut,
33, rue Bouffard, à Bordeaux, secrctaile général ; la Société étant
constituée, leur demande doit être appuyée par deux membres.
Revue philosophique, dirigée par Tu. Uibot, paraissant tous les mois.
Sommaire du us de février 1881" -L'Evolution de « briller» en sanscrit,
en grec et on latin, par Il. HL'gnaud. - Remarques sur les sensati ns et
les perceptions, par F. Bonatelli. - L'esthétique du vers moderne, par
Guyau. - Analyses et comptes rendus de : l'histoire de la philosophie
européenne, par A Weber; Emmanuele Kautn, par Cautoui; l'idée mo-
derne du droit, par Fouillée. - Revue bibliographique. Variétés. -
Revue des périodiques étrangers. Paris, anciennelibrairie Germer-Bail-
lière et C'c. 1LLIX ALCAN, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain.
Le z·éclacleter- ! lirazzt, IIOUIINEVILI ?
EH, 11\ 1 Il 1f111....K". unp. - 384.
Vol VII. Mai 1884. Nu 21
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE ' ; ,H ¡ 1 4f' ?
L^. -PERTE DE LA VISION MENTALE DANS' LA MÉLANCOLIE
ANXIEUSE-; , 41 . 1 '11 fI,l' 1
Ii 1 'l "'1 IItl tut
Par le Doctetir COTARD. ? 1
J'ai appelé l'attention, dans un précédent travail,'sur
un état psychique, propre aux anxieux chroniques, et
caractérisé principalement'par la négation de l'existence
des objets extérieurs ou de la personnalité, du malade
lui-même. ' ' 1 f >
Je me suis borné à un simple exposé des faits,' sans
autre but que de déterminer la valeur clinique du symp-
tôme et sa place en pathologie mentale. J'ai laissé vo-
lontairement de côté toute interprétation des phéno-
mènes, toute recherche de physiologie ou de psycholo-
gie pathologiques, de peur de me laisser aller à des
hypothèses ou trop hasardeuses ou trop banales.
Si je reprends la plume aujourd'hui sur le même su-
jet, si je me sens plus de hardiesse, c'est que je trouve
un point d'appui dans la remarquable observation due
à notre savant maître, M. le professeur Charcot, et
Archives, l. VU. I ! 1 foi
290 CLINIQUE mentale.
publiée par M. Bernard, dans le Progrès médical du
21 juillet dernier. Ce fait si curieux et si finement
analysé est connu de tous les lecteurs des Archives de
Neurologie. -
Il s'agit, on se le rappelle, d'un homme instruit et
intelligent qui, à la suite de préoccupations, d'insom-
nie et de perte d'appétit, s'aperçut d'un profond chan-
gement survenu dans ses facultés.
Il avait perdu la mémoire visuelle des objets; illui
était devenu impossible de se représenter mentalement
des villes, les monuments, les paysages, les objets qui
lui étaient le plus familiers; les visages môme ,de ses
parents et de ses amis ne pouvaient plus être rappelés
à son souvenir et ne se retraçaient plus dans son es-
prit. En un mot, il avait perdu le pouvoir, autrefois
très développé chez lui, de voir mentalement les objets
absents.
Tout récemment, un malade que nous observons,
M. Falret et moi, depuis une dizaine d'années, actuel-
lement pensionnaire de la maison de santé de V...,
nous confia qu'il éprouvait certains symptômes fort
voisins, à ce qu'il me semble, de ceux que je viens de
rappeler.
. Voici, brièvement résumée, l'histoire de ce malade.
M. P..., âgé de soixante-huit ans, diabétique, a été placé
une première fois, en décembre 1872 ; il était à cette époque
dans un état de mélancolie caractérisé par des craintes, des
frayeurs et une hésitation continuelle le conduisant à l'inac-
tion et au refus des aliments. Il se croyait ruiné, incapable et
voulait en finir avec la vie. Tantôt il restait debout dans
l'immobilité, tantôt il se promenait de long en large dans sa
chambre en répétant qu'il était le plus malheureux des
hommes, qu'il était perdu et qu'il ne guérirait jamais. M. P...
PERTE DE LA VISION MENTALE. 291
faisait les plus grandes difficultés pour manger, pour s'habil-
ler, pour se promener ; il fallait le menacer pour obtenir de
lui qu'il accomplit les actes les plus indispensables à la vie.
Vers le mois de février 1873, cet état s'améliora considérable-
ment, et M. P... put retourner dans sa famille.
Un nouvel accès nécessita un nouveau placement en 1881.
Les mêmes symptômes de mélancolie anxieuse, les mêmes con-
ceptions délirantes se reproduisirent, mais il s'y joignit bientôt
des idées hypocondriaques qui, surtout pendant un paroxysme
anxieux très intense, survenu en novembre 1882, devinrent
prédominantes. M. P... prétendait qu'il n'avait plus de sang,
que tout son corps était pourri, qu'il allait mourir, qu'il était
mort. Le même délire hypocondriaque persiste encore aujour-
d'hui, en même temps que les idées d'incapacité, d'indignité et
de perdition. M. P... s'accuse toujours lui-même, mais il s'en
prend aussi aux autres; il est extrêmement difficile à satisfaire,
se plaint du froid, du chaud, de la nourriture ; une fenêtre
ouverte quand elle devrait être fermée ou fermée quand elle
devrait être ouverte suffit à provoquer une crise de désespoir.
M. P... reconnaît qu'il n'est plus capable de rien, qu'il n'a plus
ni énergie ni intelligence, mais ce sont tous les mauvais pro-
cédés, toutes les contrariétés, toutes les misères dont il a été
abreuvé, qui l'ont réduit où il en est.
M. P... se plaint que, depuis quelques mois, il lui est devenu
impossible de se représenter mentalement les objets qui lui
étaient le plus familiers. M. P... a habité longtemps B...,
il connaissait parfaitement cette ville et, après l'avoir quittée,
il en avait gardé un souvenir si précis qu'il lui suffisait de
fermer les yeux et de faire un léger effort de réminiscence
pour qu'il lui semblât voir le port, les rues, les magasins et la
maison qu'il habitait. Aujourd'hui cette opération mentale est
devenue complètement impossible. M. P... ne réussit pas da-
vantage à se représenter la ville de V... ni la rue, ni la maison
qu'il y a habitée depuis qu'il a quitté B... Le visage de sa
femme lui apparaît encore par moments, mais très confusé-
ment. Tantôt M. P... nous dit qu'il en retrouve quelques traits,
tantôt il nous assure que l'image s'est totalement effacée.
Je puis citer encore un autre fait, j'ai été appelé, il
y a quelques semaines, auprès d'un homme d'une
292 -) ' CLINIQUE MENTALE.
quarantaine d'années, dont l'état mental donnait quel-
ques inquiétudes à son entourage. Ce malade se plai-
gnait d'une diminution de ses facultés intellectuelles,
il se disait perdu, incapable de remplir ses devoirs
professionnels et voulait en finir avec la vie. Un pre-
mier accès avec symptômes très analogues avait eu
lieu il y a quatre ans et avait, dit-on, parfaitement
guéri après un an de maladie. L'accès actuel remonte-
rait environ six mois. Le malade ne dort presque pas,
se promène la nuit dans sa chambre, en se lamentant.
Il prétend qu'il a la plus grande peine à se représenter
mentalement les objets. Etant allé dernièrement passer
quelques jours dans sa famille, en province, il nous
raconte qu'à son retour, à peine monté en wagon, il
lui fut impossible, malgré .tous ses efforts, de se repré-
senter les traits de ses enfants, de sa mère et de ses
soeurs qu'il venait de quitter. M. "` est à la tête d'un
bureau de contentieux. Son travail, qui exige beaucoup
d'attention, est actuellement au-dessus de ses forces.
M. "' attribue son incapacité à ce qu'il ne peut plus
se représenter mentalement et avoir présents à l'esprit
les documents relatifs à ses affaires.
Les deux malades dont je viens de résumer l'histoire
peuvent être regardés comme des types de mélancoli-
ques anxieux, le premier évoluant vers ce que j'ai ap-
pelé le délire des négations.
Il m'a paru intéressant de noter la coexistence avec
cette forme vésanique, de la perte de la vision men-
tale. On ne peut s'empêcher de supposer qu'il y a là,
en effet, autre chose qu'une coïncidence fortuite. Si la
perte de.la vision mentale était un fait ordinaire chez
PERTE DE LA VISION MENTALE. 293
les anxieux chroniques, on serait invinciblement en-
traîné à considérer la négation systématisée, comme
un délire greffé sur le trouble psycho-sensoriel, comme
une interprétation maladive du phénomène. Malheu-
reusement, les recherches cliniques propres à élucider
ce problème sont fort difficiles. Les anxieux chroni-
ques sont, pour la plupart, hors d'état de répondre à
des questions qui exigent certaines facultés d'analyse
psychologique.
On ne peut guère demander à des aliénés, s'ils se
représentent mentalement des objets qu'ils nient avoir
jamais existé; la plupart d'entre eux ne répondent
même pas aux questions qu'on leur adresse.
Il faudrait saisir le moment, probablement très fu-
gitif, sauf dans quelques cas exceptionnels comme ceux
que je viens de citer, où la perte de la vision mentale
étant accomplie, le délire corrélatif ne s'est pas encore
organisé.
Il faudrait encore étudier s'il n'y a pas quelque chose
d'analogue à la perte de la vision mentale, un dimi-
nutif de ce symptôme chez les mélancoliques simples
qui se plaignent de ne plus voir les objets que con-
fusément, de ne plus les reconnaître, et qui se
sentent séparés, comme par un voile, de la réalité ob-
jective.
Il ne serait pas moins intéressant de rapprocher de
la perte de la vision mentale l'altération des senti-
ments affectifs.
L'influence des images sur les sentiments et l'in-
telligence est suffisamment établie par l'usage qu'en
ont fait les principales religions, et par le secours
qu'y ont trouvé les mystiques. Parmi les philosophes,
294 CLINIQUE MENTALE.
Aug. Comte' a attaché la plus grande importance à
l'exercice de la vision intérieure, au culte des images
subjectives, comme moyen de perfectionnement mo-
ral. Un autre philosophe que j'ai grand plaisir à citer,
Pierre Prévost, grand-père de notre ami le D' Prévost
(de Genève), n'avait pas manqué d'indiquer ces rap-
ports entre les sentiments moraux et la réprésentation
mentale : « Ce que d'ordinaire on entend par sensibi-
lité, dit cet excellent psychologue, dépend en grande
partie de la faculté d'imaginer' ». Ces données empi-
riques et théoriques trouveraient peut-être une confir-
mation dans la pathologie.
Voici ce qu'écrivait le malade de M. Charcot : « Il
me semble qu'un changement complet s'est opéré dans
mon existence, et naturellement mon caractère s'est
modifié d'une façon notable. Avant, j'étais impression-
nable, enthousiaste et je possédais une fantaisie fé-
conde. Aujourd'hui, je suis calme, froid et la fantaisie ne
peut plus m'égarer... Je suis beaucoup moins accessible
à un chagrin et à une douleur morale. Je vous citerai
qu'ayant perdu dernièrement un de mes parents auquel
m'attachait une amitié sincère, j'ai éprouvé une dou-
leur beaucoup moins grande que si j'avais encore eu
le pouvoir de me représenter, par la vision intérieure, la
physionomie de ce parent, les phases de la maladie
qu'il a traversée et surtout si j'avais pu voir intérieure-
ment l'effet produit par cette mort prématurée sur les
membres de ma famille. »
1 Auguste Comte. Politique positive; Tms.sim. Voir la table analytique
¡J'Hel1l'i d'Olier.
' Pierre Prévost. - Essais de philosophie ou Etude de l'esprit humain.
Genève, an XII, t. ¡or, p. 298, 301.
PERTE DE LA VISION MENTALE. 295
Les mélancoliques avec conscience de leur état,
en même temps qu'ils se plaignent de ne plus voir
nettement la réalité objective, s'accusent de n'avoir
plus de sentiments affectifs, de ne plus rien aimer. S'ils
ne guérissent point ou si des accès ultérieurs plus graves
aboutissent à la chonicité, on remarque que leurs senti-
ments affectifs sont en effet gravement atteints et qu'ils
en arrivent à mériter les accusations qu'ils se prodi-
guaient naguère.
Quelques-uns deviennent accusateurs et persécu-
teurs et revêtent plusieurs des traits de la folie raison-
nante ; d'autres, dont le délire est plus caractérisé,
aboutissent aux négations et à l'indifférence la plus
absolue, quand ce n'est pas à la haine, pour tout ce qui
autrefois leur était le plus cher.
Cette altération des facultés affectives est-elle en
rapport avec l'effacement plus ou moins complet du
tableau des représentations subjectives ? Je me borne à
poser la question.
PATHOLOGIE NERVEUSE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES
(trajet INTRA-CÉnÉBn IL de L'II'POGLOSSE
Par le D, F. RAYMOND, agrégé de la Faculté, médecin de l'hospice
des Incurables, et G. ARTAUD, interne des hôpitaux.
- 3° Lésions de la capsule interne et du pédoncule.
Sur la coupe de Flechsig, la capsule interne est di-
visible en deux segments : le segment antérieur com-
pris entre le noyau caudé et le noyau lenticulaire du
corps strié et le segment postérieur compris entre le
noyau lenticulaire et la couche optique, tous deux ve-
nant se réunir par leur sommet en un point qui porte
le nom de genou de la capsule. L'étude des lésions de
la capsule (foyers d'hémorrhagie ou de ramollissement)
et des dégénérations secondaires dont elle était le
siège, a permis de subdiviser ces deux segments de la
façon suivante :
i° Le tiers postérieur du segment postérieur contient
le faisceau destiné à la transmission des impressions
sensibles; '
2° Les deux tiers antérieurs'idu segment postérieur
contiennent le faisceau destiné à l'innervation des
muscles des membres et du tronc ; .
1 Voiries Archives de Neurologie, t. VII, p. 14,.
DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 97
3' Le genou de la capsule contient le faisceau des-
tiné à donner le mouvement à toutes les parties de la
tête et du visage qui peuvent être actionnées par la
volonté.
4° Le segment antérieur de la capsule renferme un
faisceau dont les lésions se traduisent par des troubles
intellectuels;
A ces quatre faisceaux peuvent être imposées les
dénominations de : faisceau sensitif, faisceau pyra-
midal (faisceau moteur des membres), faisceau géniculé
(faisceau moteur de la face, de la langue, du voile du
palais), faisceau intellectuel.
De même, la région pédonculaire a été divisée en
quatre faisceaux qui sont :
1° Un faisceau postérieur faisant suite au faisceau
sensitif; '
2° Un faisceau moyen faisant suite au faisceau pyra-
midal ;
3° Un faisceau interne faisant suite au faisceau in-
tellectuel ;
4° Un faisceau intermédiaire au faisceau moyen et
au faisceau interne, correspondant au faisceau géni-
culé.
Ces deux derniers faisceaux, ainsi que l'a montré
l'étude des dégénérations secondaires, s'arrêtent au
bulbe(Charcot'; Brissaud2, Féré'). Ils renferment, en
même temps que les fibres intellectuelles, des fibres
1 Charcot. - Leçons sur la localisation dans les maladies du cerveau
et delà moelle ép11 ! ière, p. 221.
- 13rissaud. - Rrcla.jZnaf. et phys. sur la contracture permanente des
hémiplégiques, 1S80, p 3t.
3 Féré. Note pour servir el l'histoire des dégén. secondaires drc pérlon-
cule cérébral (Soc. Biologie. 1882, p. S ? 9.)
298 PATHOLOGIE NERVEUSE.
motrices destinées à l'innervation des muscles de la
face. Les fibres détachées du pied de la troisième
frontale (faisceau de l'aphasie) et les fibres détachées
de la frontale ascendante (faisceau de l'hypoglosse)
sont-elles contenues dans le même faisceau pédon-
culaire (faisceau géniculé ou faisceau intellectuel) ou
daus des faisceaux différents ? Telle est la question
' que nous allons examiner.
Brissaud, qui a bien étudié ces lésions dégénératives
de la capsule interne et du pédoncule, croit que les
dégénérations de la bandelette la plus interne du pé-
doncule (c'est-à-dire du faisceau intellectuel) coïn-
cident toujours avec des troubles purs et simples de
l'intelligence, sans aucune -manifestation paralytique
aux membres, au visage ou à la langue; tandis que
les dégénérations du faisceau intermédiaire (faisceau
géniculé) se rencontreraient dans les cas d'aphasie, de
paralysie des muscles de la langue, de la face, du voile du
palais. Pour Brissaud, comme on le voit, les fibres du
faisceau pédiculo-frontal inférieur et celles du faisceau
frontal inférieur~se réuniraient dans le même faisceau
pédonculaire, le faisceau géniculé.
Nous ne saurions être du même avis, et, bien que
n'ayant pas de preuves à fournir, nous pensons qu'il
existe dans le pédoncule un faisceau de fibres dis-
tinctes, intermédiaire au faisceau géniculé et au fais-
ceau intellectuel; la dégénération de ce faisceau, que
l'on pourrait nommer faisceau de l'aphasie se montre-
rait toutes les fois que la troisième circonvolution
frontale gauche ou le faisceau pédiculo-frontal infé-
rieur sous-jacent à cette circonvolution seraient seuls
intéressés.
DES LOCALISATION ? CEREBRALES. 299
Cette hypothèse s'appuie sur les considérations
suivantes :
1° En combinant les coupes de Pitres avec la coupe
de Flechsig, on voit que la coupe passant par le mi-
lieu de la frontale ascendante (coupe frontale de Pitres)
sectionne la capsule interne au niveau du genou,
tandis que la coupe passant par le pied de la troisième
frontale traverse la capsule interne dans son segment
antérieur à six à huit millimètres en avant du genou
de la capsule.
2° Dans l'hémiplégie vulgaire par lésion du faisceau
pyramidal, il y a toujours un certain degré de para-
lysie labio-glosso-laryuée, mais l'aphasie est rare.
D'autre part, l'aphasie peut exister et existe souvent
sans troubles paralytiques, mais accompagné de
troubles intellectuels. Dans le premier cas, le fais-
ceau géniculé est intéressé en même temps que le
faisceau pyramidal, en avant duquel il se trouve immé-
diatement ; dans le second cas, le faisceau pyramidal
et le faisceau géniculé sont respectés; seuls, le faisceau
de l'aphasie et le faisceau intellectuel ont été lésés.
Nous croyons donc que le faisceau pédiculo-frontal
inférieur {faisceau de l'aphasie) et le faisceau frontal
inférieur (faisceau de l'hypoglosse, du facial inférieur,
de la branche motrice du trijumeau) suivent dans la
capsule interne et le pédoncule un trajet, très voisin,
il est vrai, mais différent. Le faisceau frontal inférieur
ou faisceau de l'hypoglosse traverse la capsule interne
au niveau du genou {faisceau géniculé) et se place dans
le pédoncule à la face interne du faisceau pyramidal.
Le faisceau pédiculo-frontal inférieur ou faisceau de
l'aphasie traverse la capsule interne dans son seg-
300 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ment antérieur, en avant du faisceau géniculé, en arrière
du faisceau intellectuel, et se place dans le pédoncule
entre le faisceau géniculé et le faisceau intellectuel.
4° Lésions de la protubérance.
Les troubles de la parole auxquelles donnent habi-
tuellement lieu les lésions de la protubérance, sont
des troubles dans l'articulation des mots, par lésion
du faisceau de l'hypoglosse. Mais puisque le faisceau
de l'aphasie, de même que le faisceau de l'hypoglosse,
ne s'arrête qu'au bulbe, il doit exister une aphasie pro-
tubérantielle au même titre qu'il existe une aphasie
par lésion de l'écorce, des faisceaux blancs sous-jacents
ou de la capsule interne. Les faits de ce genre sont
très rares et nous n'avons à citer que l'observation
suivante de Hermann Weber et Altdaerfer empruntée
au British medical Journal (6 janvier 1877).
Observation I. Homme de trente-cinq ans. Perte de
connaissance et en même temps hémiplégie gauche. Sensibi-
lité obtuse. Luette déviée à gauche. Face paralysée incomplè-
tement. Pupilles sensibles. Paralysie complète du bras et de
la jambe. L'articulation des mots est très difficile et le malade
ne peut trouver le mot juste.
A l'AUTOPSIE, un petit foyer hémorrhagique avec ramollisse-
ment de la substance environnante, au milieu du côté droit de
la protubérance.
Les faits nous manquent donc pour poursuivre dans
la protubérance le trajet du faisceau de l'aphasie. En
ce qui concerne le trajet intra-protubérantiel du fais-
ceau de l'hypoglosse nous serons. plus favorisés car
nous avons pu recueillir trois cas de ramollissement
DES LOCALISATIONS CEREBRALES. 3u 1
de la protubérance avec glossoplégie. Ces cas sont les
suivants :
Observation II. Embarras de la parole, sans aphasie.
Foyer de ramollissement dans la protubérance.
N... (Paul), âgé de soixante-six ans, corroyeur, est entré
à l'infirmerie de médecine, le 26 novembre 188 : 2.
Antécédents héréditaires. Père et mère morts vers
soixante-quinze ans d'affections indéterminées. Frère goutteux.
Soeur actuellement bien portante. Pas de maladies nerveuses
dans la famille.
Antécédents personnels. -Bonne santé jusqu'en 1878. Excès
alcooliques. Pas de syphilis. Il y a cinq ans, étourdissements
passagers, accompagnés de maux de tête, d'affaiblissement de
la mémoire et des facultés intellectuelles; cet état dure quel-
ques mois, puis disparait.
En 1880, attaque avec perte de connaissance, embarras de
la parole, hémiplégie gauche; depuis lors, embarras de la
parole, fourmillements et douleurs dans les jambes, change-
ment de caractère.
Il y a trois mois, en novembre 1882, nouvelle attaque avec
perte de connaissance et accentuation de la paralysie à gauche.
Etat actuel. Malade très affaissé au point de vue cérébral.
La mémoire n'est pas encore complètement perdue et l'on
peut obtenir des réponses à peu près satisfaisantes.
La parole est lente, embarrassée, parfois incompréhensible.
La langue se meut difficilement et ne peut être tirée hors de
la bouche; elle est large, étalée, sans atrophie, ni déviation.
Il n'y a pas d'aphasie et le malade trouve parfaitement les
mots dont il a besoin pour s'exprimer.
Paralysie légère du voile du palais (rejet des aliments parles
fosses nasales et nasonnement). Pas de paralysie des lèvres, ni
de salivation. Gêne de la déglutition (toux au moment du pas-
sage des liquides). Réflexes conservés ainsi que la sensibilité.
Pas de troubles de la vue, de l'ouïe, ni de l'odorat. Pas de
paralysie des muscles de l'oeil. Rien du côté du facial supérieur.
Paralysie faciale inférieure gauche. Réflexes conservés,
ainsi que la contractilité électrique. Pas d'atrophie des muscles
atteints.
302 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Paralysie légère du bras gauche, qui peut encore faire
quelques mouvements (mouvements d'élévation de l'épaule,
mouvements d'extension et de flexion des doigts). Sensibilité
conservée dans tous ses modes ainsi que réflexes et contractilité
faradique. Pas de contractures ni de troubles trophiques.
Paralysie complète de la jambe gauche. - Pas de troubles
de la sensibilité. Exagération du réflexe patellaire. Pas de con-
tracture ni d'épilepsie spinale. Absence d'atrophie musculaire
et de troubles trophiques. Contractilité électrique plutôt
augmentée que diminuée.
En somme, hémiplégie gauche, intéressant le bras, la jambe
et le facial inférieur du Inème côté, et s'accompagnant d'un
embarras de la parole très accentué. Le malade, ne pouvant se
servir de sa jambe gauche, garde constamment le lit. Pas
d'escarres fessièrp, mais incontinence d'urines et de matières
fécales. Ni sucre, ni albumine dans l'urine.
Yers le 15 janvier, on remarque que la paralysie s'accentue
davantage à gauche. Le bras est devenu complètement
paralysé ainsi que la jambe. A la face, la déviation de la
commissure est plus accusée. La tète est inclinée à gauche ;
il existe en même temps un certain degré de rotation du
menton qui est porté à droite, par suite de la contracture des
muscles de la nuque, sans qu'il y ait rotation simultanée des
veux.
Le 27 janvier, le malade est paralysé à droite (membres
supérieurs et inférieurs; le facial inférieur droit étant peu
atteint). Cette paralysie est complète, flasque, sans convul-
sions, ni contractures. La piqûre de l'épingle n'est pas sentie
ni au bras, ni à la jambe. Peu à peu le coma s'établit, la
respiration devient sterloreuse (trente-quatre respirations à
la minute), sans Cheyne-Stokes, la température monte à 40°,5 5
et la mort survient dans la nuit du 28 au 29.
Autopsie. Cerveau gauche. Méninges un peu adhérentes.
Rien d'apparent à la surface, à part l'état effleuri des circon-
volutions. Sur des coupes verticales, très rapprochées l'une
de l'autre, on découvre, dans le noyau intra-ventriculaire du
corps strié, un petit foyer hémorrhagique récent de la grosseur
d'une noisette. La partie correspondante de la capsule interne
est intéressée sur une longueur d'un centimètre environ
(Coupe passant par la frontale ascendante).
Aucune lésion de l'insula ni de lu-troisième frontale gauche.
DES LOCALISATIONS CEREBRALES.
303
Cerceau droit. - Pas de lésion, soit à l'extérieur soit à
l'intérieur.
Protubérance. Sur des coupes transversales, à l'union du
tiers inférieur avec les deux tiers supérieurs de la protubérance,
foverde ramollissement dedeux millimètres de largeur et de cinq
millimètres de hauteur. Le foyer
est situé dans la pyramide motrice
droite, à cinq millimètres de la
ligne médiane et à huit millimètres
de la face inférieure du mésocé-
phale. (Fig. 9.)
L'examen histologique des pièces
durcies au bichromate d'ammo-
niaque ne fait que confirmer les
données précédentes. Sur de«
coupes transversales, ou vuit un
foyer composé de plusieurs petites
lacunes occupant les faisceaux les
plus postérieurs delà pyramide motrice, sans empiéter sur les
fibres transversales. L'examen du bulbe fait reconnaître l'inté-
grité des noyaux de l'hypoglosse. Pas de dégénérescence secon-
daire de la moelle.
Observation III. Embarras de la parole. Foyers de
ramollissement dans la protubérance.
P... (Louis), âgé de soixante-quinze ans, entre à l'inlirmeric
de médecine le 28 janvier 1883.
Il y a quatre mois, cet homme a été frappé d'hémiplégie
droite, ayant intéressé le bras, la jambe et la moitié inférieure
de la face. A ce moment-là, embarras passager de la parole,
sans aphasie. Puis, peu à peu, la parole est devenue très
difficile, par instants même incompréhensible. Le malade s'est
mis à bredouiller; il aurait perdu un grand nombre de mots,
et, dans les deux mois qui ont précédé sa mort, il n'aurait eu à
sa disposition que deux mots : oui et non ( ? ) Tels sont les
renseignements que nous avons pu recueillir de la famille,
car le malade nous a été apporté dans le coma.
A son entrée dans nos salles, l'état est le suivant :
Coma absolu. Respiration, régulière et bruyante, 2'a par
minute. Pouls petit, accélé, irrégulier, 104. - Température
Fiy. 9. - Coupe transverse
dp la protubérance. - Foyer
de ramollissement dans la py-
ramide motrice droite.
3Ui i
PATHOLOGIE <OERVI.;¡;S.E.
rectale, 38°,6. Paupières s'ouvrant et se fermant bien.
Pupilles égales, moyennement dilatées. Yeux convulsés en
haut et à gauche, sans déviation de la tête.
Paralysie faciale inférieure droite. Résolution des membres
du côté gauche qui retombent, inertes, dès qu'on les soulève;
réflexes cutanés et tendineux conservés ; sensibilité diminuée.
Du côté droit, contracture du bras en flexion et légère griffe
de la main; contracture en extension de la jambe et impossi-
bilité de provoquer le réflexe patellaire, en raison de la raideur
de l'articulation. Dans les urines, albumine; pas de sucre.
Mort le 29 janvier, au matin.
Autopsie. Cerveau gauche. Sur la face externe du cerveau,
au niveau des lobules pariétaux supérieur et inférieur, foyer
de ramollissement ancien du diamètre d'une pièce de 50 c.
environ.
Rien à la circonvolution de Brocha, ni aux ganglions.
Cerveau droit. Pas de lésions.
Bulbe et protubérance. Plancher du quatrième ventricule
paraît normal à l'oeil nu. Sur des coupes transversales de la
l'¡[J. 1 U. Loupe transmuer-
sale de la protubérance. -
Deux foyers de ramollissement
vers la ligne médiane.
protubérance, on trouve, à la par-
tie moyenne du mésocéphale, deux
foyers de ramollissement. Le foyer
gauche parait intéresser la partie
postérieure de la pyramide mo-
trice ; il est à un centimètre de la
face inférieure de la protubérance.
Le foyer droit, qui est à douze
millimètres de la face inférieure,
parait siéger dans les fibres trans-
versales. Les deux foyers sont très
rapprochés de la ligne médiane.
(1%rg. 10.)
A 1 examen histologique, après durcissement des pièces dans
le bichromate d'ammoniaque, on constate que, du côté gauche,
existe un foyer de ramollissement, très étendu, qui a détruit
tout les faisceaux constituant la moitié postérieure de la pyra-
mide motrice. Du côté droit, le ramollissement occupe à peu
près le quart postérieur de la pyramide motrice et empiète
légèrement sur les fibres transversales. Les deux foyers, en
arrière, se rejoignent; à ce niveau, leraphé et les fibres trans-
versales correspondantes n'existent plus. L'examen du bulbe
DES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES.
305
fait reconnaître que les noyaux de l'hypoglosse ne sont pas
altérés.
Dans la moelle, dégénérescence secondaire du faisceau py-
ramidal croisé, à droite, et du cordon de Türck, à gauche.
Observation IV. Embarras de la parole par glossoplégie.
Paralysie incomplète du voile du palais. Foyer de ra-
mollissement dans la protubérance (résumée).
C. L..., âgé de soixante-dix ans, peintre, entré salle Saint-
Jean-Baptiste le fit mars 1833, mort le 17 juin.
Articulation des mots très difficile; parole par instants
incompréhensible. La langue se meut très difficilement
(surtout dans les mouvements
d'extension au dehors et d'éléva-
tion) ; pas d'atrophie ni de dévia-
tion. Les lèvres se rapprochent
avec peine et le malade ne peut
ni souffler une bougie ni siffler.
Paralysie incomplète du voile du
palais; nasonnement et rejet des
aliments liquides par les fosses
nasales. Gêne de la déglutition dé-
terminant des accès de suffoca-
tion. Immobilité de la moitié infé-
rieure de la face. Contractilité
Fig. 11. Coupe f1'ansv( ! I'-
sale de la protubérance. -
Foyer de ramollissement à
gauche.
iaraaique conservée; pas a atropme musculaire, tllen au cote
des organes des sens, du facial supérieur et des muscles des
yeux. Pas de paralysie des membres.
Mort par épanchement pleural.
A l'AUTOPSIE, pas de lésions cérébrales. Rien au bulbe.
Comme seules lésions, on trouve un petit foyer de ramollis-
sement siégeant à la partie postérieure et interne de la pyra-
mide motrice gauche de la protubérance. (7 ? 11.)
Dans ces trois observations se trouve signalée une
paralysie de la langue, avec troubles dans l'articulation
des mots; dans l'Observation II, cette glossoplégie
s'accompagne de gêne de la déglutition, de paralysie
incomplète du voile du palais et d'hémiplégie portant sur
Archives, t. Vil. 20
306 PATHOLOGIE NERVEUSE. LOCALISATIONS CÉRÉBRALES.
les membres et le facial inférieur du côté gauche, en-
semble clinique qui rappelle jusqu'à un certain point
celui de la paralysie glossolabiée. Les symptômes rele-
vés dans l'Observation III rappellent encore plus ceux
de cette dernière affection, puisqu'en même temps que
la glossoplégie et la paralysie du voile du palais, il est
dit que « les lèvres se rapprochaient avec peine et
que le malade ne pouvait ni souffler, ni siffler ».
Les lésions trouvées à l'autopsie ont été : dans
l'Observation II, un foyer de ramollissement situé à
la partie pastérieure et interne de la pyramide motrice
droite; -'dans l'Observation III, un foyer de ramollisse-
ment situé dans la moitié postérieure de la pyramide
motrice gauche, se rejoignant sur la ligne médiane à
un foyer récent occupant le quart postérieur de la py-
ramide motrice droite et empiétant légèrement sur les
fibres transversales de la protubérance; dans l'Ob-
bservation IV, un foyer de ramollissemeut siégeant à
la partie postéro-interzze de la pyramide motrice gauche.
Les lésions qui donnent lieu à la glossoplégie occupent
donc, dans la protubérance, la partie postérieure et
interne des pyramides motrices : nous sommes con-
duits, par là, à regarder ce point comme étant le lieu
de passage des fibres cérébrales de l'hypoglosse, et, par
suite, du faisceaugéniculé dont l'hypoglosse fait partie.
CONCLUSIONS.
A l'aide des faits précédemment exposés, le trajet
intra-cérébral de l'hypoglosse peut être déterminé
ainsi qu'il suit :
ENGORGEMENT DU SINUS FALCIFORME SUPÉRIEUR. 307
Nées du pied de la circonvolution frontale ascen-
dante, les fibres cérébrales de l'hypoglosse suivent
le faisceau frontal inférieur, traversent la capsule in-
terne au niveau du genou, se placent dans le pédon-
cule entre le faisceau pyramidal et le faisceau que
nous avons nommé faisceau de l'aphasie, occupent
dans la protubérance la partie postéro-interne des py-
ramides motrices, s'entrecroisent et de là gagnent le
plancher du quatrième ventricule pour se mettre en
rapport avec les noyaux bulbaires.
RECUEIL DE FAITS
CAS D'ENGORGEMENT PROGRESSIF DU SINUS FALCIFORME
SUPÉRIEUR;
Par le D' N. POPOFF, médecin à l'hôpital de Saint-Nicolas,
à PétersbourD 1.
L'oblitération des sinus de la dure-mère cérébrale est pro-
duite le plus souvent par une inflammation primitive des pa-
rois ou par la propagation d'un processus morbide de quelque
partie voisine (des os du crâne, par exemple). On observe plus
.rarement une thrombose essentielle des sinus; celle-ci peut
résulter d'un état de marasme des sujets très épuisés, ou bien
elle est le prolongement d'une thrombose des vaisseaux vei-
neux avoisinants; dans quelques cas, elle est consécutive à un
1 La pièce anatomique, décrite dans cet article, m'a été fournie par
mule Séguine, à laquelle je me fais un devoir d'exprimer à cette occasion
ma profonde reconnaissance.
308 RECUEIL DE FAITS.
traumatisme avec lésion des téguments et des os du crâne.
Mais, dans tous ces cas, elle se développe promptement.
Il est bien plus rare de voir l'oblitération de la lumière des
sinus s'opérer lentement. Les parois sont épaisses, résistantes,
et protégées en partie par les os du crâne, ce qui leur permet
de supporter facilement un effort extérieur considérable; aussi,
la lumière du sinus ne paul-elle guère être oblitérée que par
un obstacle tel qu'une tumeur qui, pénétrant 'dans la cavité,
continue à s'y développer '.
C'est très rarement, comme le prouve la lecture des auteurs,
qu'on a l'occasion d'observer des faits de ce genre.
Virchow, dans une de ses autopsies, a trouvé dans la portion
pierreuse du temporal gauche une tumeur perlée qui pénétrait
dans le repli du sinus latéral; au delà de la tumeur, celui-ci
était hermétiquement bouché par une coagulation organisée,
en partie décolorée adhérente aux parois et remplie en avant
jusqu'à la veine jugulaire d'une masse puriforme brunâtre 2.
Hutchinson a a signalé dans la cavité du sinus caverneux le
développement d'un anévrisme de l'artère carotide interne
gauche qui en avait complètement oblitéré la lumière et occa-
sionné la thrombose.
C'est tout ce que j'ai pu recueillir sur ce sujet il est vrai que
la littérature fait encore mention de néoplasies cérébrales
ayant déterminé l'occlusion de la lumière des sinus ; mais, dans
ces cas-là, on constata invariablement des formations malignes
qui constituaient des modifications pathologiques dans les pa-
rois mêmes des sinns, où, par conséquent, l'oblitération s'ef-
fectuait promptement et par une manifestation secondaire.
Voilà pourquoi j'ai cru devoir publier l'observation sui-
vante, malgré l'insuffisance du tableau clinique de la ma-
ladie et l'absence totale d'un minutieux examen histologique
du cerveau.
1 On peut se convaincre à quel point les parois du sinus cèdent dilli-
cilement à l'influence d'une pression extérieure et même immédiate "n
lisant la description d'un cas intéressant donné par Kurschmann (Dpittç-
che Archiv fü,' kltnische Medicin, 187.) où la tumeur s'est formée dans
le tiers antérieur de l'os temporal droit, il côté du hinus falciforme supé-
rieur, et a sensiblement dévié la direction du sinus, sans que la circula-
tion du sang; ait été visiblement troublée.
' Virchow's Archiv, t. VIII.
1 Lancet, 1875, ne 17.
ENGORGEMENT DU SINUS FALCIFORME SUPÉRIEUR. 309
Marthe lf..., villageoise, âgée de cinquante ans, entra à l'hôpital
militaire de Nicolas, à Saint-Pétersbourg, le 3 septembre 1882.
Jusqu'à l'âge de trente ans elle avait joui d'une excellente santé,
mais depuis lors et peu après son mariage, elle eut des crises con-
vulsives, suivies d'une perte entière de connaissance ; ces accès
d'ailleurs ne se répétaient que de deux à trois fois par an. En 1813,
elle fut placée, à la suite de troubles intellectuels dans une maison
de santé, d'où, au bout de trois mois; elle sortit en apparence com-
plètement rétablie. A la guérison de sa psychose ses crises convul-
sives disparurent, mais elles furent remplacées par des maux de
tête opiniâtres, qui prirent avec le temps un caractère de plus en
plus violent. Je dois encore ajouter qu'avant son entrée à l'hôpital,
la malade était sujette à de fréquentes syncopes et présentait un
affaiblissement graduel.
Je n'ai pu avoir que des renseignements très incomplets sur son
séjour à l'hôpital. Lors de son entrée, on constata chez elle, une
faiblesse musculaire, accusée surtout dans les extrémités inférieures
et une névrite optique double, ainsi qu'un visible aliaissement des
facultés mentales. A l'hôpital, la malade souffrait constamment de
maux de tête. Plusieurs fois, le jour comme la nuit, on observa
des absences accompagnées d'excitabilité et d'hallucinations de
l'ouïe et de la vue d'un caractère alarmant et aboutissant toujours
à un profond sommeil. La malade était quelquefois surexcitée,
mais plus souvent abattue. Une lièvre continue, avec exacerbations
vers le soir, se déclara, suivie d'une prostration des forces; et le
26 mars, la malade mourut dans un état de collapsus.
L' \UTOPSOE, ne se bornant qu'à l'analyse de la cavité du crâne,
montra ce qui suit : les os de la voûte du crâne ne présentent rien
d'anormal; la face externe de la dure-mère est luisante et polie;
ses sinus et ses veines regorgent de sang, surtout dans la partie
antérieure; la face interne de cette membrane est adhérente à
l'enveloppe sous-jacente en quelques endroits. Sur la face externe
de la paroi droite du sinus falciforme supérieur, correspondant au
point de jonction du lobe frontal et pariétal, on observe une tu-
meur ovale, de la grosseur d'un pois et d'une forte consistance. La
pie-mère, surtout dans sa portion antérieure, est hypérémiée,
trouble et oedémateuse et se sépare facilement de la substance
cérébrale ; dans l'espace sous-arachnoïdien, on trouve une quan-
tité notable de liquide séreux. Les artères de la base du cerveau
sont scléreuses ; on sent un thrombus dans l'artère sylvienne
droite. La substance du cerveau est flasque et oedémateuse; les
ventricules latéraux sont distendus par un liquide séreux; l'épcn-
dyme épaissi peut être détaché par minces membranes ; il en est
de même de l'épendyme du plancher du quatrième ventricule.
Je n'eus à ma disposition que le sinus falciforme supérieur avec
la tumeur.
310 RECUEIL DE FAITS.
On constata à la coupe que la tumeur pénétrait dans le sinus et
le bouchait presque entièrement sans adhérer pourtant à sa paroi
gauche et supérieure; sa partie intérieure est trois fois plus grande
que sa partie extérieure ; elle est d'une forme ovale avec une sur-
face légèrement rugueuse. La lumière du sinus 1 l'endroit de la
tumeur est considérablement élargie relativement au reste de son
étendue.
L'examen histologique de la tumeur 1 démontré qu'elle est
formée de gros faisceaux de fibres de tissu conjonctif s'entre-
croisant en diverses directions. On observe parmi eux de nom-
breuses formations rondes de différentes dimensions consistant en
couches concentriques, très faiblement colorées parle carmin. Des
solutions peu concentrées d'alcalis et d'acides ne produisent sur
eux aucun effet marqué, tandis que des solutions plus iutenses, les
éclaircissent après un traitement plus prolongé; ces couches con-
centriques se laissent dissocier et se distinguent par leur élasticité
et leur consistance.
Ainsi, par sa structure, la tumeur peut être classée au nom-
bre de celles qu'on désigne sous le nom de tumeurs perlées,
qui, bien qu'elles présentent généralement un cas assez rare
(Ranvier2), se rencontrent néanmoins assez souvent sur la dure-
mère. (Voy. Bizzozero et Bozzolo, Ueber die Pl'1'mitivgesclt-
wülste der Dura mater. Aesterr. med. Zez'tschr., 1874, et d'au-
tres auteurs.) Des néoplasies de ce genre se développent ordi-
nairement avec lenteur; elles n'atteignent pas de grandes di-
mensions et ne se manifestent durant la vie par aucun symp-
tôme particulier; leur présence n'est constatée qu'a l'autopsie.
Ces cas diffèrent complètement de ceux que nous décrivons
dans lequels la tumeur, par sa position topographique a dû
exercer une influence marquée sur la circulation du sang dans
le cerveau. Pour bien se rendre compte de cette influence il est
indispensable de rappeler les relations anatomiques du sinus
falciforme supérieur.
Le sinus falciforme supérieur commence au foramen coecum,
à la surface interne de la voûte du crâne qu'il longe en descen-
dant jusqu'à la protubérance occipitale interne, il débouche
dans le pressoir d'Hérophile, ou bien, plus souvent, il se con-
à La tumeur a été durcie dans une solution de bichromate de potasse
à la dose de 2 p. 100; les coupes, colorées par le carmiuate d'ammoniaque,
ont été placées soit dans la glycérine, soit dans le baume de Canada,
après avoir été préalablement soumises à l'action de l'alcool absolu.
2 Manuel d'histologie pathologique, 1865, p. 275.
ENGORGEMENT DU SINUS FALCIFORME SUPERIEUR. 311 t
tinue avec les sinus latéraux ; sa lumière s'élargit progressive-
ment d'avant en arrière, de 1,5 jusqu'à 11 millimètres.
Dans le foramen ceecum, le sinus reçoit le sang des veines
nasales (ordinairement chez les enfants seulement); plus loin,
il reçoit : il les veines cérébrales supérieures, de 10 à 12 de
chaque côté, qui portent le sang de la face externe et de la
partie antérieure de la face interne des hémisphères; 9° une
rangée de veinules de la portion supérieure de la faux du cer-
veau et des régions avoisinantes de la dure-mère; 3° les veines
diploïques, qui passent en partie dans les veines extérieures et
en partie versent leur sang dans le sinus. L'une d'elles, la veine
diploïque frontale, s'unit d'un côté à la veine faciale et de l'au-
tre au sinus falciforme supérieur,
En outre, pour faciliter la répartition régulière du sang, il
existe les veines émissaires pariétales, qui établissent une com-
munication entre les systèmes veineux intra et extra-crâniens.
Supposons maintenant, comme dans le cas actuel, qu'une
tumeur développée dans les parois du sinus à l'union des lobes
frontaux et pariétaux, vienne diminuer le calibre du canal, le
sang, rencontrant un obstacle et ne pouvant passer par les
trous pariétaux situés ordinairement à l'extrémité de la suture
sagitale, c'est-à-dire derrière latumeur, s'agglomérer d'une ma-
nière anormale dans les veines qui ont accès dans le sinus en
avant de la tumeur; en d'autres termes, on observera dans les
vaisseaux des enveloppes et dans la substance du cerveau, une
stagnation du sang. Ce phénomène se traduit anatomique-
ment par l'oedème et un désordre dénutrition des parties sous-
jacentes et, au point de vue clinique, par des maux de tête et
des troubles dans les fonctions des régions cérébrales corres-
pondantes, c'est-à-dire des troubles dans la motilité et dans
l'activité intellectuelle proprement dite. (Voy. Hitzig, Ferrier
et d'autres sur les localisations cérébrales.)
Voyons maintenant jusqu'à quel point ces conditions se
réalisent dans notre cas.
Bien que l'autopsie du cerveau de M... nous ait prouvé qu'en
outre de la tumeur, il existait encore d'autres altérations pa-
thologiques (sclérose des vaisseaux, etc.), la diminution du cali-
bre du sinus que nous y avons constatée ne pouvait rester ina-
perçue dans le tableau clinique de la maladie, ce qui estévident
parla distension des veines cérébrales antérieures etl'aedème des
régions correspondantes, et je ne puis supposer qu'une irrégu-
312 REVUE CRITIQUE.
larité aussi importante dans la nutrition des lobes frontaux et
de la dure-mère, se prolongeant pendant des années, pûtrester
sans aucune influence sur l'activité du cerveau. Me basant là-
dessus, je crois que les maux de tète, les accès convulsifs et les
altérations dahs la vie psychique de la malade peuvent être
expliqués par les troubles de la circulation du sang, provoquée
par la tumeur.
Il est vrai que Wernicke en parlant du thrombose du si-
nus falciforme supérieur, ne fait mention que d'un symptôme,
celui de l'engorgement des veines extérieures de la partie an-
térieure de la tête et ajoute que des phénomènes plus sérieux
font ordinairement défaut.
Le petit nombre de cas analogues ne permet pas, à mon avis,
d'avancer catégoriquement une telle affirmation, d'autant plus
que Wernicke lui-même cite un cas de IIeubner, comme unique
en son genre, où chez un phthisique, par suite de marasme, on
constata la formation d'une thrombose du sinus falciforme su-
périeur, accompagnée d'accès épiieptiques, de délire, de som-
nolence et d'un état d'inconscience complète.
REVUE CRITIQUE
APPENDICE A L'HISTOIRE DU MÉRYCISME1 ;
Par BOURNEVILLE et SÉGLAS.
Dans les précédents numéros des Archives, nous avons con-
sacré plusieurs articles à l'histoire du mérycisme. Depuis,
nous avons pu nous procurer quelques documents renfermant
1 Lehrbuch derGehirnkrankheilen, année 1883.
'Voir le il» 16, p. 86, le n" 17, p. 246, et le n" 18, p. 376.
DU DIERYCISJfE. 313
des faits intéressants qui viennent compléter ceux que nous
avons déjà rapportés et fournir quelques éclaircissements sur
des points douteux. C'est ainsi que, parlant de l'influence de
l'imitation, nous avions cru devoir rester sur la réserve. Or,
l'observation suivante vient lever tous les doutes. Elle est due
à M. Otto Koerner, auquel elle a été communiquée par le pro-
fesseur A. Freund.
Observation IV bis. Hystérie et rumination chez une gou-
ve1'nante : transmission ci un garçon de six ans et ci une fille
de trois ans. Renvoi de la gouvernante : guérison des enfants.
Dans la famille d'un collègue, on engagea une gouvernante
hystérique et ruminante. Les enfants, un garçon de six ans, une
fille de trois ans, apprirent d'elle en peu de temps à ruminer. La
mère vit d'abord que les enfants gardaient dans les bajoues les
aliments qu'ils n'aimaient pas, et les recrachaient quand ils n'é-
taient pas surveillés. On chassa cette propension par des punitions,
on ne vit plus rien d'anormal pendant longtemps, jusqu'au jour où
la mère les surprit au moment où, ne se croyant pas surveillés, ils
étaient debout, penchés en avant, exécutaient des mouvements
avec le ventre et faisaient remonter ainsi pour la recracher une
grande partie de leur repas. Alors, on les surveilla et on fit, après
chaque repas, un examen de leurs bajoues. On découvrit alors
que les deux enfants étaient capables, jusqu'à sept heures après le
repas, de faire remonter les aliments ingérés, pour les recracher
ou les ravaler à volonté. On renvoya la gouvernante ruminante
et la mère très énergique guérit les enfants bien vite par une sur-
veillance incessante.
Ce fait montre que, fort probablement, le mérycisme a joué
un certain rôle dans la production des vomissements extraor-
dinaires, bizarres, réputés miraculeux, dont il est parlé dans les
procès de diablerie. On y trouve, en effet, rapportée l'histoire
de nonnes hystériques qui vomissaient toutes sortes d'objets.
Nous ajouterons que l'un des enfants imbéciles de Bicètre,
Carter..., doué d'un grand talent d'imitation, se met quelque-
fois en observation devant l'enfant Gren..., dont nous avons
parlé et rumine comme lui.
Nous avons dit que, dans quelques cas, la rumination était
héréditaire et qu'elle succédait parfois à des troubles de la
digestion. L'observation suivante due à M. Otto Koerner en
fournit une nouvelle preuve.
3 r4 le REVUE CRITIQUE.
Observation XVII bis. Père ruminant. Développement tar-
dif de la marche et de la parole. Vomissements fréquents. -
Constipation habituelle. - Inflammation intestinale. Début du
mérycisme à dix-sept ans. Symptômes et marche de l'affection.
Rémissions. - Traitements divers. M. N..., étudiant en philoso-
phie. Il est âgé de vingt ans, fils d'un père ayant autrefois ruminé.
Il dit qu'on ne pourrait apprendre aujourd'hui grand'chose sur la
rumination paternelle, car elle guérit spontanément déjà avant
le mariage du père. Ce dernier se rappelle avoir souvent ruminé
des aliments qui lui plaisaient beaucoup. Cela lui était très
agréable, car il avait ainsi une double jouissance. Jamais de pyrosis
dans ces moments. A côté de cela, il se portait fort bien. Le fils n'a
appris tous ces faits qu'à un moment où lui-même ruminait déjà
aussi. - Mère un peu nerveuse, soeur autrefois anémique; elle
passe actuellement pour être bien portante.
Ce M. N... a été faible dans l'enfance ; il apprit tard à parler
et à marcher; souvent malade, il vomissait facilement (chaque fois
qu'il allait en chemin de fer, par exemple); il a souffert depuis sa
jeunesse jusqu'à ce jour d'une constipation opiniâtre. Il dit que
cela vient de la mauvaise habitude, prise dans l'enfance, de ne vou-
loir aller à la selle que dans le cas d'absolue nécessité. A l'âge de
douze ans, inflammation intestinale attribuée avec certitude parle
patient à un arrêt des matières. Avant que la rumination ne parût
le malade souffrait déjà souvent de gastrite, d'éructations et de
mauvaise odeur de l'haleine.
La rumination s'est développée à l'âge de dix-sept ans, en deux
mois. Le malade était allé pendant un mois dans les hautes
montagnes et avait pris, matin et soir, un demi-litre de lait len-
tement, par gorgées, souvent avec un petit pain trempé dedans.
Cette cure ayant été continuée à la maison (dans une grande ville),
a\ec un genre de vie sédentaire, il se développa une montée
involontaire de coagula de lait nageant dans un liquide très
acide, avec ou sans éructations. D'abord, ces phénomènes se
montraient très vite après l'ingestion du lait, plus tard, seulement
une heure après, et se renouvelaient alors deux ou trois fois en
une heure.
Bientôt, mêmes phénomènes après tous les repas, surtout après
le café au lait du premier repas du matin. Le patient s'habitua
peu à peu à mâcher à nouveau les aliments remontés, quand ils
n'étaient pas trop acides; il les ravalait ensuite, quelquefois sans
se donner la peine de mastiquer à nouveau. Souvent, il ruminait si
rapidement que la soupe était déjà ruminée avant que le boeuf ne
fût entamé.
Bientôt il ruminait presque chaque fois qu'il buvait de la bière ou
du \iu. Dans le cas seulement où les liquides n'étaient pris que long-
DU MERYCISME. 315
temps après le repas, le malade n'observait qu'un peu d'éructa-
tion acide sans rumination.
La rumination se présentait immédiatement après l'ingestion de
blanc d'oeuf, de crème de lait, de graisse, de salade verte (rarement
après la salade aux concombres). Jusqu'à ces derniers temps, les
gousses des fruits, même des cerises, ainsi que les noyaux des rai-
sins et des groseilles,, remontaient régulièrement et étaient cra-
chées.
Plus tard, la maladie se montra même après l'ingestion d'ali-
ments sucrés. Le chocolat remontant dans la bouche n'avait quel-
quefois, au dire du malade, aucune acidité au goût, malgré son
odeur acide, et le malade le ravalait avec plaisir. Quelquefois la
rumination est précédée d'un sentiment de poids dans la région
épigastrique qui dure quelquefois aussi longtemps que la rumina-
tion. Dans ces cas, on observe toujours en même temps des renvois.
Quelquefois les éructations étaient si violentes et si abondantes,
que les matières ne pouvaient être gardées dans la bouche. Jamais
de nausées dans ce cas. Comme les masses ruminées avaient en
général un goût acide, l'acte n'avait rien d'agréable.
Dès que la digestion élait entravée (estomac embarrassé ou re-
froidi, surtout aussi pendant la constipation), la maladie augmen-
tait de fréquence et d'intensité. Le patient ne rumine pas quand il
a une conversation animée, surtout quand en même temps il prend
un exercice modéré. Si, en suivant une diète sévère, il attache son
attention à l'observation des règles prescrites, la maladie augmente
de suite.
Le malade fut traité par l'acide chlorhydrique avant le repas,
puis, par suite d'insuccès, par le vin de pepsine avant et l'acide
chlorby drique après le repas. Alors, la rumination s'arrêta quelque
temps pour reparaître pendant que le malade suivait encore la
médication. L'abstinence simple de mets gras, acides et sucrés, n'a
jamais servi de rien à elle seule; en employant en même temps le
bismuth et le bicarbonate de soude, on obtint pendant quelque
temps un mieux sensible.
Peu à peu, la maladie décrut d'elle-même. Le patient croit que
la cause en est dans ce qu'il ne s'intéressait plus à son affection,-
n'observait plus de diète et ne prenait plus de médicaments. Tel était
l'état des choses quand M. Koerner fit la connaissance de M. N...
en été 13t5 ? « Lorsqu'il me raconta sa maladie, je lui dis qu'un
malade de AI. Pônsgen s'était guéri en arrêtant la rumination par
la volonté et en faisant des mouvements de déglutition. Il essaya
aussi de ce moyen, mais sans grand succès. Quelquefois, quand il
réussissait, il lui semblait, comme dans le cas de Pônsgen, que les
aliments à moitié chemin étaient repoussés dans l'estomac par les
mouvements de déglutition. En juillet, je le présentai au il' V.
316 6 REVUE CRITIQUE.
Jen Vilden, qui fut assez aimable pour examiner avec moi l'esto-
mac. Le malade, vif quoique vivant un peu à l'écart, s'occupe
beaucoup de travaux d'esprit très pénibles. Il est petit, malingre.
Thorax peu développé, musculature moyenne, pannicule graisseux
faible. Langue nette. Organes thoraciques et foie normaux. Pa-
rois abdominales minces, épigastre effacé (deux heures après le
principal repas). On entend de forts gargouillements dans l'esto-
mac, pas de mouvements visibles à l'oeil nu, même après friction
de l'épigastre. »
Le matin à jeun, on dilate l'estomac avec de l'acide carbonique
(deux grammes d'acide tartrique et de bicarbonate de soude); l'é-
pigastre, auparavant effacé, se bombe fortement. Toutes les vingt
secondes environ, contractions violentes visibles et tangibles de la
région épigastrique. En frottant la région, il se forme, dans la li-
mite où la percussion dénote la présence de l'estomac, une vague
péristaltique allant rapidement de gauche à droite en décrivant
une courbe. La percussion assigne comme limite inférieure à l'es-
tomac, une ligne légèrement courbe, allant de la partie inférieure
de l'arc costal gauche a travers l'ombilic vers l'arc costal droit; là
elle rencontre la matité du foie un peu en dedans de la ligne ma-
millaire. Le bord supérieur n'est pas perculable à cause de la
fuite rapide des gaz. L'acide carbonique sort sous forme de ren-
vois violents.
L'estomac était vide le matin. Un quart de litre d'eau fut avalé à
jeun. La sonde, introduite après, reliée à une bouteille dans laquelle
le vide avait été fait, ramena un liquide clair, neutre, sans mucus
ni albumine.
Pour observer mieux la rumination, on fit prendre au malade
le blanc de deux oeufs durs, coupés en petits cubes. Au bout de
vingt minutes, pas de rumination; nous donnons une cuillerée à
thé de graine de moutarde dans un peu d'eau; des petits corps
(raisins de Corinthe, etc.), favorisent en effet chez le malade la pro-
duction de la rumination. Bientôt légère sensation de poids dans
l'épigastre qui se soulère un peu. Quelques renvois donnent du
soulagement. Il n'y eut pas de rumination. Sans aucun doute, l'es-
tomac n'avait pas atteint le degré de réplétion (voir plus bas) né-
cessaire à la production du phénomène. Lorsque plus tard, le
malade prit un premier déjeuner composé de café et de petits-
pains, et alla ensuite aux cours, le sentiment de poids, désigné
par lui du mot d'envie de ruminer, se présenta, mais la rumination
fut arrêtée par l'effort de la volonté.
Peu après, le malade quitta Strasbourg. La suite de l'observation
est prise dans les nombreuses lettres qu'il m'a écrites.
On voulut d'abord combattre les phénomènes dyspeptiques indi-
quant sûrement un catarrhe gastrique chronique; on donna du sel
DUMERYCISME. 3)7 ï
de Carlsbad, une demi-heure avant le repas une cuillerée à thé
dans un demi-verre d'eau chaude. La cure fut prolongée trois
mois, jusqu'à la fin d'octobre. On arriva ainsi à enlever aux ali-
ments ruminés leur goût acide; l'odeur acide disparut aussi. La
rumination diminua un peu de fréquence et ne se présentait plus
d'ordinaire qu'après le premier déjeûner. Le sentiment de poids
dans l'épigastre fut conservé. Les selles ne furent pas influencées
par le peu de sel pris.
Le patient abandonna le traitement environ huit jours (vers le
commencement de novembre); alors il se développa une constipa-
lion très opiniâtre. M. N... recommença à ruminer plus souvent
avec renvois acides. Il vit cette fois encore la constipation augmen-
ter chez lui la rumination.
A ce moment (fin novembre) je lui proposai, me basant sur
une observation (Observation XXXVI) faite sur un autre ruminant,
d'agir directement contre la rumination par l'ingestion de petits
morceaux de glace. Le patient, dès que le poids épigastrique pré-
monitoire s'annonçait, avalait un morceau de glace. Il dit avoir
souvent arrêté ainsi la rumination et l'avoir vu diminuer, ce qui
ne me semble pas démontré.
Au milieu de décembre, palpitations de coeur violentes. Le mé-
decin prescrivit : teint. éthérée de digitale S grammes, eau de
laurier-cerise 10 grammes, deux fois par jour 1;; gouttes. Bien-
tôt, anorexie, mauvaise haleine et rumination acide. La cure à la
glace était devenue inefficace et cette aggravation ne disparut qu'a-
près abandon de la digitale.
Depuis ce temps, le besoin de ruminer est devenu très rare, tou-
jours combattu avec succès par les mouvements de déglutition. Les
renvois, l'odeur acide disparurent; mais chaque fois que le ma-
lade déjà constipé éprouvait quelque retard dans ses selles, le be-
soin de ruminer augmentait. Tout cela avait disparu, quand je
revis le patient le 17 avril 1883.
En résumé, dirons-nous avec M. Koerner, il s'agit là d'un
malade faible, souffrant d'un catarrhe chronique de l'estomac et
d'une constipation opiniâtre, ayant un estomac peu dilaté, dont
le père rumina jadis, qui a eu du pyrosis, puis des renvois de-
venant des régurgitations habituelles et qui enfin fut atteint de
rumination. Les accidents concomitants diminuaient et dispa-
raissaient quand le catarrhe allait mieux, pour revenir avec
l'aggravation du catarrhe. La constipation augmentait la rumi-
nation. Les médicaments n'ont pas eu d'effet durable. Au bout
de trois ans, la rumination devint plus rare et s'arrêta presque
: 11 REVUE CRITIQUE.
complètement, lorsque le catarrhe eut été amélioré par le sel
de Carlsbad.
Observation XXXVI. Catarrhe gastro-intestinal chronique dans
l'enfance. Dysenterie. Constipation. - Début de la rumination
à treize ans; ses caractères. Influence des mouvements et du tra-
vail intellectuel. Guérison spontanée. (Obs. de Otto KOl : a,OEa).
Un collègue, le Dr X..., ruminait il y a douze ans. Famille en bonne
santé. Etant enfant, il eut un catarrhe gnstro-duodénal de fort lon-
gue durée et eut, dans la dixième année, vingt-cinq accès de dysen-
térie suivis de constipation opiniâtre. Les selles ne se présentaient
d'abord que tous les trois ou quatre jours, le plus souvent après de
violentes douleurs colicoïdes; plus tard elles furent plus fréquen-
tes, mais il y eut constipation habituelle jusqu'à l'établissement de
la rumination. Elle fut combattue par l'abstention des mets riches
en cellulose et en amidon, par les lavements et la gymnastique de
chambre suédoise. A l'âge de treize ans, le malade eut tellement
à travailler à l'école, qu'il eut un genre de vie absolument séden-
taire (le corps penché en avant). Il avait l'habitude de prendre des
repas très abondants, composés surtout de viande avec des condi-
ments acides. A ce moment, la rumination se développa rapidement.
Elle ne se montrait jamais qu'après le dîner de midi, une demi-
heure après et durait une heure et demie. Bientôt, le quart du re-
pas fut en partie ruminé et avalé, en partie craché, à ce qu'estime
le patient. Il prétend avoir ruminé surtoutles aliments acides (con-
combres, salades de légumes et vertes), les petits radis et le pain
noir '. La glace à la vanille, que le malade prenait souvent de
suite après le repas en grande quantité, ne fut jamais ruminée
et empêchait la rumination des autres aliments. S'il la prenait
fondue, l'effet favorable manquait, elle revenait même dans la
bouche. Les mets ruminés conservèrent toujours leur goût naturel.
Le patient n'avait pas de sensation de malaise après la rumina-
tion, mais la maladie lui était désagréable au point de vue social.
Il ruminait en se promenant dans son jardin. Il reconnut bientôt
que le mouvement musculaire exagéré diminuait le mal, mais que
la vie sédentaire et le travail de tête le faisaient durer jusque vers
minuit. Après une durée d'un an environ, la rumination disparut
peu à peu dans un voyage dans les Alpes, très fatiguant, et n'esl
plus revenu. La percussion de l'estomac dilaté par l'acide car-
bonique, faite par nous avec le Dr von den Velden, donna des li-
mites normales. On ne put constater les mouvements stomacaux,
les parois abdominales étant trop fortes. Le patient ne vomit pas,
1 Il ne faut pas trop s'attacher aux dires des malades, qui se souvien-
nent mieux des substances très acides ou ayant un fort goût, mminées,
que des autres à goût moins marqué
DU MERYCISME. 319
malgré le développement des gaz; il n'eut pas de sensations désa-
gréables de l'estomac. On peut donc admettre un certain état de
faiblesse musculaire de l'organe.
Dans le cas suivant, la rumination, après avoir été internzit-
tente, devint constante.
Observation XXII bis. Abus des fruits verts et entérite durant
l'enfance. Début du mérycisme à seize ans. 1)'tiboi-(Iiiite2-nitteît,
il devient constant. Ses caractères. - Mastication incomplète. (Ar-
main,,aud, loc. cit., p. 11). M. C... est âgé de vingt-trois ans; il
fut allai té par sa mère, qui a toujours joui d'une excellente santé, ainsi
que son père, ses grands-pères etgrandes-mères. Sa santé ne laissa
rien à désirer jusqu'à l'âge de quatre ans environ; à partir de cette
époque, jusque vers l'âge de neuf ans, il se livra sans discrétion et
sans réserve à son goût prononcé pour les fruits, surtout pour les
fruits verts, et tous les ans, vers le mois de septembre, une entérite
le retenait au lit pendant plusieurs semaines. A l'âge de neuf ans
il entra au collège ; dès lors il ne lui fut plus possible de se livrer
librement à ses instincts frugivores, et l'entérite d'automne cessa
de se manifester. Jusque vers l'âge de seize ans, il ne trouve, dans
son existence matérielle, aucune particularité digne d'être notée.
Les digestions s'exécutaient normalement; mais un soir, une demi-
heure environ après son dîner, quelques amandes qu'il avait man-
gées à son repas, remontèrent dans sa bouche spontanément, sans
efforts ; leur saveur n'étant pas altérée, il les mâcha complètement
et les avala de nouveau ; ce fut chez lui la première manifestation
du mérycisme ; il ne se souvenait pas avoir fait, ce jour-là, un re-
pas plus copieux qu'à l'ordinaire. A partir de ce moment, la ru-
mination fut établie, mais d'une manière irrégulière, c'est-à-dire
que les aliments ne remontaient dans la bouche pour être remâ-
chées, qu'après certains repas et non après chaque repas; mais peu
à peu le mérycisme s'établit définitivement, et les repas après les-
quels les aliments ne remontaient pas à la bouche, devinrent de
plus en plus rares; il ne lui est jamais arrivé, même dans les pre-
miers jours, de rejeter les aliments qui revenaient ainsi de l'esto-
mac, par la raison que jamais leur saveur n'était altérée, quoique
la régurgitation eût quelquefois lieu plus de deux heures après le
repas ; toujours il les soumettait à une seconde mastication, sans
répugnance aucune, quelquefois même avec un certain sentiment
de jouissance, et ils descendaient de nouveau dans l'estomac. Ce
qu'il y a de remarquable, c'est que cette nomelle fonction luisem-
blait si naturelle qu'il n'en fit jamais part à aucun de ses cama-
rades ni à sa famille, et que personne ne s'aperçut jamais de ces
régurgitations qui s'opéraient chez lui.
320 REVUE CRITIQUE.
Il se rappelle aujourd'hui que, depuis plusieurs années au moins,
il ne fait subir aux aliments qu'il introduit pour la première fois
dans sa bouche, qu'une mastication incomplète ; mais comme il
ne saurait dire si cette habitude existait chez lui avant la première
manifestation du mérycisme, ou bien si elle n'a été contractée
que depuis cette époque, il est difficile de se prononcer sur la ques-
tion de savoir si la mastication incomplète a joué un rôle dans la
production du mérycisme, ou bien, si, au contraire, M. C... n'a
pris que peu à peu et insensiblement l'habitude de ne mâcher qu'à
moitié ses aliments, sachant qu'ils allaient se représenter de nou-
veau sous ses dents.
Ce que je viens de dire se rapporte aux souvenirs de M. C...; ce
que je vais dire se rapporte à l'époque actuelle, à ce quej'ai observé
moi-même directement.
M. C... a un tempérament lympathico-nerveux, une constitution
assez bonne. Nous prenions nos repas ensemble depuis plusieurs
mois sans que j'aie pu m'apercevoir des phénomènes insolites qui
se passaient chez lui ; mais un jour, une demi-heure après son di-
ner, le voyant mâcher pendant plusieurs minutes sans qu'il eût
rien introduit dans sa bouche, je lui demandai la raison de ces
mouvements de la mâchoire ; il m'apprit alors qu'il remâchait les
aliments qu'il avait avalés pendant son repas, et que la même chose
se produisait après chaque repas ; il fut même très étonné d'appren-
dre que ce phénomène n'était pas normal, car il avait toujours cru
que cette fonction lui était commune avec tous les autres hommes.
A partir de ce jour, mon attention fut vivement excitée, et je ne
passai pas un seul jour sans observer les faits suivants : M. C... ne
mange pas plus copieusement que ses commensaux, il est au con-
traire très sobre. Un quart d'heure environ après le repas, la ru-
mination commence; une petite partie des aliments ingérée re-
monte dans la bouche sans aucun effort, sans secousses, et presque
à l'insu du sujet, qui ne s'aperçoit, le plus habituellement, des
contractions qui font remonter les aliments que lorsque ces derniers
sont arrivés dans la cavité buccale; je dis, le plus habituellement,
parce qu'il arrive assez souvent que les aliments ne remontent pas
spontanément; mais alors il éprouve une sensation de gêne à l'é-
pigastre qui l'engage à provoquer l'ascension des matières, ce qu'il
fait en contractant légèrement les muscles abdominaux; l'estomac
ainsi comprimé, réagit, se contracte et expulse doucement une
partie de son contenu; niais la plupart du temps, il n'éprouve point
ce sentiment de plénitude et les aliments remontent spontanément.
Ils n'ont point changé de saveur, leur odeur n'est point désagréable; -
quand ils ont été remâchés et de nouveau insalivés, ils redescendent
dans l'estomac et une autre portion, suivant le même trajet, est
soumise aux mêmes actes, et ce va-et-vient se continue pendant
DU MERYCISME. 311
un temps variable, quelquefois une heure seulement après le re-
pas, d'autres fois deux heures, quelquefois même quatre heures.
La porlion d'aliments ainsi ruminée ne dépasse pas habituellement
le quart de la quantité ingérée pendant le repas; la plus grande
partie reste habituellement dans l'estomac, et pour cette portion
la digestion se.passe comme chez tout le monde. J'ai déjà dit que
la ration alimentaire de M. C... était loin de dépasser la moyenne,
mais je le repète, parce qu'on aurait pu supposer qu'il s'agit ici
d'une régurgitation par trop pleine, hypothèse à laquelle il fau-
drait du reste renoncer en présence des faits suivants : Ce sont
surtout les aliments de difficile digestion qui reviennent dans la
bouche, et même lorsqu'ils ont été introduits les premiers. Cesont
toujours eux qui reviennent les premiers. Hier encore, voici ce que
nous observions : M. C... avait mangé d'abord de la viande de porc,
puis ensuite du boeuf rôti, et enfin des fraises; quelques minutes
après le repas, nous le priâmes de rendre dans une assiette lapre-
mière portion alimentaire qui reviendrait à la bouche; l'ayant
examinée, nous reconnûmes que c'étaient des parcelles de porc.
sans aucun mélange. Du reste, cet examen n'était pas absolument
nécessaire, car le goût de ces parcelles était parfaitement conservé,
et il m'en avaitannoncé la nature avant de les avoir rendues dans
l'assiette.
Il faut ajouter que la rumination se prolonge d'autant plus après
le repas, que la première mastication a été plus incomplète; ceci
est la loi générale, mais il faut dire aussi que lamasticationlaplus
complète n'empêche jamais le mérycisme de se produire à un cer-
tain degré ; il est diminué, mais jamais il ne peut être complète-
ment évité. Quand M. C... fume ou quand il prend du café, toutes
choses égales d'ailleurs, la rumination est diminuée. Au contraire,
s'il se met au travail immédiatement après son repas, il ne cesse
de ruminer, et c'est dans ces conditions que le mérycisme se ma-
nifeste encore quatre heures et même cinq heures après le repas.
La volonté aidée d'une attention soutenue peut quelquefois sus-
pendre le mérycisme et l'empêcher de se produire, mais il n'ob-
tient cette suspension qu'au prix d'une douleur sourde, mais très
gênante dans la région épigastrique. M. C... n'éprouve jamais
d'éructations ; son haleine n'est nullement mauvaise; les résidus
de la digestion sont expulsés régulièrement sans diarrhée ni cons-
tipation, en un mot ses selles sont tout à fait normales.
Le cas suivant a été communiqué à M. Koerner parleDLucae
(de Francfort-sur-le-Mein).
Observation XXXVII. Début du mérycisme à trente ans. Ses
symptômes. Guérison en cinq mois. X..., philologue. La mala-
AncurvHa, t. VII. ' 21 I
322 REVUE CRITIQUE.
die s'était développée au commencement de son mariage, un peu
après l'âge de trente ans, et disparut après six mois environ. 11 ne
peut indiquer de cause; l'estomac est sain et les selles régulières. A
cette époque, régulièrement après le repas du midi, quelquefois
après celui du soir, des parties d'aliments ingérés remontaient sous
forme de boules solides de deux centimètres de diamètre environ.
Il les sentait remonter dans l'oesophage et pouvait quelquefois les
repousser en avalantdes liquides. Eructations rares. Lesboulesétaient
composées de la plupart des alimentspris auparavant, qui tous avaient
conservé leur goût naturel et n'étaient pas acides. Les boules étaient
assez solides, elles ne se brisaient pas d'elles-mêmes dans la bou-
che ou à l'air; elles furent tantôt recrachées, tantôt ravalées, dans
ce cas après qu'elles eurent été remâchées ou écrasées avec la lan-
gue. Le Dr Lucae avait ordonné de l'eau dequassia et de l'absinthe
légère.
On voit donc qu'à part certains cas exceptionnels, qui se
terminent spontanément par la guérison, le mérycole vit et
meurt avec son affection.
En meurt-il ? non. Le pronostic du mérycisme est, au con-
traire, très bénin. Livré à lui-même, il ne compromet en rien
la vie, et l'on a vu des individus qui en étaient affectés, arriver
à un âge très avancé. (Oas. VI, VIII, IX.)
Cependant, lorsque le mérycisme a été précédé on s'accom-
pagne de dyspepsie, le pronostic peut avoir une certaine
gravité. « Le ruminant simple, dit M'. Koerner, atteint un
grand âge avec sa rumination, le dyspeptique maigrit, dans le
cas où il enlève, en les crachant, les aliments destinés à l'or-
ganisme et revenant de l'estomac. Dans d'autres cas, ajoute-
t-il, le malade augmente sa dyspepsie en ravalant les aliments
sans les mâcher, ce qui assombrit le diagnostic. Il en était
ainsi dans le second cas de Pônsgen où la rumination se déve-
loppa chez une dame après une diarrhée de longue durée, avec
pyrosis et renvois rances. La malade rejetait tous les ali-
ments ou les ravalait sans les remâcher quand elle était en
société. Aussi observa-t-on bientôt des phénomènes de constipa-
tion avec amaigrissement. » r
Formes. M. 0. Koerner a essayé de distinguer deux
formes : l'une simple ou idiopathique ; l'autre symptomatique
et liée à des troubles dyspeptiques. Voici les caractères sur
lesquels il s'appuie :
DU MERYCISME. 323
Mérycisme simple.
Le mérycisme succède à une forte
réplétion de l'estomac.
Il commence une demi-heure
après l'ingestion.
Conservation du goût des ali-
ments qui remontent.
Redéglutition des bouchées ali-
mentaires.
Conservation de l'embonpoint.
Mérycisme dyspeptique.
Il se montre après l'ingestion de
petites quantités d'aliments.
Il commence presque aussitôt
après l'ingestion.
Goût acide, désagréable, des ali-
ments qui remontent.
Rejet des aliments de retour.
Amaigrissement.
Cette distinction n'est pas suffisamment justifiée, car les
caractères sur lesquels elle repose peuvent s'observer dans les
deux formes. Quelquefois dans le mérycisme simple, la rumi-
nation commence aussitôt après le rejet des aliments même
donnés en petite quantité; si, en général, dans le mérycisme
simple, les aliments ont conservé leur goût, d'autres fois, ils
sont acides, etc.
Fréquence. M. R. Blanchard évalue le nombre des cas
de mérycisme connus dans la science à trente-six seulement.
Ainsi qu'on peut le voir par les faits rassemblés par nous, ce
chiffre est beaucoup trop faible. M. Bouchaud (loc. cit., p. 609)
assure que sur les cinq cent soixante-onze malades de l'asile
de Lommelet, qu'il a examinés avec soin, quatorze sont rumi-
nants : onze d'entre eux sont idiots (il y a cent idiots ou imbé-
ciles à l'asile) et les trois autres sont atteints de l'une des
formes de l'aliénation mentale (sur quatre cent soixante-onze
aliénés. En ce qui concerne les aliénés, il a relevé trois cas,
sur quatre cent soixante-onze malades. En est-il de même dans
les autres asiles ? Cela est peu probable, car, dans les ouvrages
consacrés à l'aliénation mentale, nous ne voyons pas mention-
née la rumination. Relativement aux idiots, la proportion qu'il
a constatée est plus considérable que celle qui a été observée
par nous. En effet, sur une centaine d'enfants idiots présents à
Bicètre, nous n'avons noté que cinq cas. Le tableau ci-après
donne une idée des quarante-six cas réunis par nous, sans
compter les quatorze cas de M. Bouchaud (soit en tout soixante
cas) : .. .
324 REVUE CRITIQUE.
DU MERYCISME. 325
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Asile de Lommelet. Nombre des malades ]e 10r janvier 1883 : 571 (imbéciles et idiots, 100; autres aliénés, 471)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
XIX. SUR quelques réflexes pendant l'enfance; par A. EULENBURG.
(Neurolog. Centralbl., 1882.)
Les recherches que l'auteur a entreprises sur la fréquence des
réflexes tendineux, osseux, tégumentaires, pupillaires chez les en-
fants sont consignées en un tableau dont voici l'expression abré-
gée : sur 124 enfants examinés, âgés d'un mois à cinq ans, M. Eu-
lenburg trouva 412 fois le phénomène du genou bilatéral, 3 fois le
phénomène du genou unilatéral, 23 fois le phénomène du pied,
10 fois le réflexe tibial des deux côtés, 6 fois le réflexe tibial d'un
seul côté, 124 fois les réflexes abdominaux, nasaux, cornéens et
pupillaires, 119 fois les réflexes auriculaires. P. K.
XX. SUR UNE SOURCE D'ERREUR ÉVENTUELLE dans la RECHERCHE du
phénomène du genou; par C. WESTPHAL. (Arch. f. Psych., u.
Nervenk., XII, 3.)
M. Westphal rapporte d'abord deux observations d'affection de
la moelle, caractérisées par une paralysie des quatre extrémités,
dans lesquelles le phénomène du genou, complètement absent,
semblait revenir à une période ultérieure de la maladie. Un
examen plus attentif ne tardait pas à déceler que la pression
exercée sur un pli de la peau au niveau du tendon patéllaire ou
ailleurs, déterminait une contraction isolée du triceps fémoral,
d'autres muscles entrant consécutivement en action, suivant la
force de l'incitation; on frappait en vain sur le muscle lui-même.
Or, dans la première observation, la sensibilité cutanée avait
totalement disparu; la seconde, en laquelle cette fonction était
demeurée intacte (poliomyélite), offrait les mêmes manifestations
du côté de la contractilité musculaire, mais à développement lent.
En un cas de paraplégie consécutive à une spondylite de la
dernière vertèbre dorsale, on pouvait à volonté provoquer le phéno-
mène du genou (heurt du tendon rotulien), ou la contraction
lente des muscles de la cuisse (pincement de la peau). Une inter-
prétation étant jusqu'à nouvel ordre prématurée, la conclusion
qui se dégage de ces faits, c'est qu'avant d'affirmer chez un
malade le retour du phénomène du genou préalablement absent,
328 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
il faut s'occuper des réflexes cutanés qui, ainsi qu'on le voit,
donnent aisément le change.
Une seconde partie du mémoire est consacrée à la pathogénie
des phénomènes tendineux. Résultent-ils d'une action réflexe, ou
doit-on les considérer comme issus d'une contraction produite par
l'ébranlement des tendons en état de tonus exagéré ? Les recher-
ches expérimentales entreprises, à l'instigation de M. Westphal,
par M. Munk sur des chiens, ne conduisirent à aucun résultat. Les
sections des cinquième, sixième et septième racines postérieures
(origines du crural) d'un côté, ayant entraîné la disparition du
phénomène du genou, on ne put réussir à le rappeler par l'admi-
nistration de petites doses de strychnine, bien que celle-ci provo-
quât l'hyperexcilabililé réflexe accoutumée. La seule expérience
dans laquelle l'injection hypodermique de quatre milligrammes
semblait en rapport avec le retour du phénomène en question
(percussion du tendon rotulien dénudé), ne méritait aucune
créance, l'autopsie de l'animal apprenant que l'on avait coupé
non les cinquième et sixième racines postérieures, mais seulement
quelques filets radiculaires des quatrième et cinquième. Il en
résulte toutefois qu'il suffit de faire porter l'interruption de la
conductibilité sur peu de fibres radiculaires postérieures du nerf
crural pour obtenir la disparition du phénomène du genou, et
qu'en ces conditions, l'intoxication strychnique le ramène. Mais on
ne saurait en tirer de conclusions formelles en aucun sens. Aussi,
est-ce à la critique des études de Waller, Eulenburg, Burckhardt,
Tschirjew, Gowers, Prévost que passe M. Westphal, pour termi-
ner son travail par l'exposé de son opinion personnelle sur
la genèse de ces manifestations. D'après lui, la condition fonda-
mentale des phénomènes tendineux réside dans la tonicité muscu-
laire, dans un certain degré de tension du muscle et de son
tendon. Les faits cliniques n'imposent aucunement l'hypothèse
d'un processus réflexe, ainsi que le démontre le non-parallélisme
des réflexes cutanés et des phénomènes tendineux. La section des
racines postérieures supprime le phénomène du genou, non par
interruption de l'arc réflexe, mais par anéantissement de la
tonicité musculaire. P. K.
XXI. Trois cas DE tumeurs tuberculeuses dans LE cerveau MOYEN ET
postérieur ; par HEUBNER (de Leipzig). (Arch. f. Psych. u. Nervenk.,
xn, 3.)
Observation. I. Un gros tubercule occupe la moitié gauche
de la moelle allongée d'un enfant de un an. Ce foyer est unique,
mais presque toute la section gauche de l'organe a été envahie, à
différentes hauteurs, sinon par le néoplasme, du moins par le
ramollissement, depuis le bord inférieur de la protubérance
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 329
jusqu'à la naissance de l'entrecroisement inférieur des pyra-
mides. Ma)grece)a, la paralysie se limita pendant la vie au domaine
du facial droit. D'où ce dilemne : Ou bien la moitié droite intacte
contenait à elle seule bon nombre de fibres ne subissant pas l'en-
trecroisement, ou bien la moitié presque entièrement détruite
fournissait encore le passage à un reste de fibres ininterrompues.
On constatait, en revanche, en tant que phénomènes irritatifs,
des convulsions affectant la forme de tensions musculaires passa-
gères, de rotations des yeux dans leurs orbites, nystagmus, mou-
vements forcés du système musculaire de la nuque. De ce que la
lésion est hémtlatérale, tandis que les symptômes observés se
montrent de deux côtés, M. Heubner infère qu'il s'aeit dans l'es-
pèce, non d'une simple excitation centrifuge émanée des parties
détruites, mais d'une excitation centrale réflexe; l'excitation aurait
été transmise au centre par les fibres de l'étage supérieur des
pédoncules cérébraux qui, pour Flechsig, seraient centripètes.
Observation II. Elle concerne plusieurs petits tubercules net-
tement délimités siégeant danslestubercules quadrijumeaux, la pro tu-
bérance, la moelle allongée, le cervelet. On rencontre, en outre, de la
méningite tuberculeuse le long de la scissure de Sylvius. Hydrocé-
phalie. Le sujet est un enfant de six mois ayant présenté pendant
la vie : du strabisme, des convulsions musculaires, un érythème
cutané circonscrit, de la raideur de la nuque, de la torsion de la
tête. Les questions de localisation anatomique dans leurs rapports
avec les déterminations symptomatiques sont complètement trai-
tées dans le mémoire.
Observation III. Un garçon de deux ans et demi présente suc-
cessivement des grincements de dents, des vomissements, des
douleurs dentaires dans le maxillaire supérieur droit, des convul-
sions, de l'irrégularité du pouls, de la fixité dans les deux yeux
sous forme de crises, de l'érythème facial passager, du strabisme
interne gauche, du délire : conservation constante de la motilité
des extrémités ainsi que de la réaction pupillaire. On trouve à l'au-
topsie dans le vermis supérieur du cervelet, au-dessous du tubercule
quadrijumeau postérieur, du côté droit, un tubercule solitaire.
Méningite tuberculeuse avec hydrocéphalie. P. K.
XXII. CONTRIBUTION A la pathologie DE la 310ELLE;parA.STRUEJIPELL.
(Archiv. f. Psych. u. Nervenk., XII, 3.)
Cette troisième portion du mémoire est consacrée à l'anatomie
pathologique du tabes dorsalis. La clinique nous apprend, dit l'au-
teur, que cette affections est toujours caractérisée par les mêmes
1 V. les Archive' ! de Neurologie, t. 1 ? p. 597, et II, p. 244.
330 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
symptômes, les variétés nosographiques résultant de modifications
dans l'intensité ou la succession des phénomènes. En tous cas, il est
certains éléments qu'on n'y note jamais, telles les manifestations
spasmodiques, les atrophies. L'étude anatomique de la maladie,
rapprochée du complexus symptomatique en question, permet
d'affirmer que le tabes est bien une maladie systématique. Voici
au surplus ce que démontre le microscope dans les dix observa-
tions analysées par M. Struempell.
La lésion occupe, au début, dans la moelle dorsale deux étroites
zones latérales symétriques, dans lesquelles pénètrent de préfé-
rence des fibres émanées des cornes postérieures. On trouve égale-
ment de très bonne heure, dans la moelle dorsale, une étroite
bande de sclérose médiane de chaque côté du sillon postérieur.
A un degré avancé de la maladie, les cordons postérieurs sont
affectés dans toute la hauteur de la moelle dorsale. A la
moelle lombaire, l'altération débute toujours dans l'aire moyenne
de la zone radiculaire postérieure ; il est facile d'en distinguer les
régions antérieures et postérieures indemn.'s à ce moment. Plus
tard, la plus grande portion du segment postérieur participe à la
dégénérescence; celle-ci épargne toutefois généralement une petite
surface qui apparaît comme un ovoïde ou un triangle circonscri-
vant le sillon médian postérieur. Quant à la zone antérieure des
cordons postérieurs, elle demeure presque toujours indemne, à
l'exception d'une étroite bande médiane qui se dirige de l'aire
moyenne sclérosée au sillon postérieur. La moelle cervicale est
d'assez bonne heure atteinte dans les cordons de Goll dont le seg-
ment postérieur se trouve constamment lésé avant le segment
antérieur. La zone radiculaire postérieure subit ensuite, en cette
région, l'impression anatomo-pathologique. Les cordons postérieurs
de la moelle cervicale présentent d'ailleurs invariablement deux
lacunes dans l'altération ; ainsi, à la périphérie postérieure et en
dehors des cordons de Goll (aire postéro-externe) la dégénéres-
cence ne se montre que dans les cas fort avancés, tandis qu'à la
limite antérieure et interne des cornes postérieures (aire antéro-
latérale) l'intégrité demeure toujours parfaite. Constance des
altérations dans la substance grise des cornes postérieures, ainsi que
de l'atrophie des racines postérieures (identité des fibres de ces
racines et de celles des cordons postérieurs).
Les cordons latéraux demeurent normaux dans tout leur par-
cours, quand on a affaire à un vrai tabes. Mais les cas dans lesquels
la fin de l'affection est marquée par de la paraplégie s'accompa-
gnent de lésions systématiques dans les faisceaux des pyramides.
La multiplicité des groupes de fibres qu'il est permis de distin-
guer dans les cordons postérieurs , rapprochée de ceux des
faisceaux cérébro-médullaires qui nous échappent en dépit des
phénomènes signalés du côté du nerf optique et de l'oculomotetfr,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 331 1
et de la sélection de la maladie pour tel ou tel ensemble de zones
(analogie avec les intoxications ergotiniques et saturnines),
entraine l'auteur à qualifier le tabès d'affection systématique combi-
née. Malgré cela, son autonomie est bien réelle, car du moment
où les lésions portent sur les cordons latéraux (pyramides, cer-
velet), ainsi que sur ceux des segments des eordons postérieurs
inattaqués dans le tabes, on observe un complexus symptomatique
absolument opposé, dans lequel les troubles spasmodiques et
paralytiques prédominent, alors qu'il n'existe plus de troubles de
la sensibilité.
Y a-t-il une ataxie locomotrice syphilitique ? Les récentes recher-
ches de M. Strümpell lui ont appris, du jour où il s'est occupé
davantage d'examiner les tabétiques dans celte direction, que
l'on rencontre la syphilis chez beaucoup de ces malades. Il signale
deux d'entre eux actuellement en traitement, ayant successive-
ment eu la syphilis, une ataxie évidente et, de plus, quelques symp-
tômes de syphilis cérébrale (amnésie, troubles' de la parole,
névrite optique spécifique). Mais il n'existe aucune différence
clinique ou anatomique entre le tabes ordinaire et le tabes du
syphilitique; l'homologie de toutes les observations prouverait, il
est vrai, simplement la sélection du poison pour les mêmes sys-
tèmes de fibres que tout autre élément pathogénétique, néanmoins
il y a lieu avant de résoudre cette question d'étiologie, de procéder
à de plus amples études. P. K.
XXIII. Dégénérescence SECOND \IRE DU pédoncule cérébelleux supé-
rieur; par E. MENDEL. (Neurolog. Cetxtralbl., 1882.)
Il s'agit d'une hémiplégie droite consécutive à un foyer hémor-
rhagique du pulvinar gauche, mais par suite de la pression qu'il
exeiçait sur la capsule interne. De là également la dégénérescence
secondaire en question, l'hémianesthésie et l'hémiopie passagères,
de là l'aphasie du debut. Atrophie du lobe frontal en rapport avec
la démence de l'individu, procédant non du foyer de la couche
optique, mars des altérations vasculaires pathogénétiques. Quoique
l'affection cérébrale soit unilatérale, les deux faisceaux pyrami-
daux sont dégénérés. La dégénérescence du pédoncule cérébelleux
supérieur -gauche qui émane de la dégénérescence secondaire
semblerait prouver qu'un trousseau de fibres d'ordre moteur joint
le pulvinar et la couche optique au cervelet. Peut-être le pulvinar
est-il en rapport avec la vision, et le cervelet avec l'équilibre, de
sorte que, dans ce cas, le faisceau en question serait la voie par
laquelle notre attitude et nos mouvements se régulariseraient
d'après les impressions que nous fournit le sens de la vue. 'l'elles
sont les particularités et les réflexions mises en relief par M. Men-
del. P. K.
332 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXIV. DE L'OEDÈME circonscrit COMME cause DE SYMPTOMES
D'UNE affection EN FOYER; par A. HOLLOENDER.. (Jah2b.
Psych., III, 3.)
Il est des cas dans lesquels, bien que l'examen clinique con-
clue à l'existence d'une lésion en foyer, l'autopsie ne révèle
rien de semblable. Telles les deux observations suivantes :
Observation I. Femme de cinquante-cinq ans, souffrant depuis
cinq années, de douleurs spinales sans que la démarche eût pré-
senté rien d'anormal, en proie, il y a deux ans, à une crise d'agita-
tion maniaque passagère avec désordre dans les idées. Depuis lors,
à part des absenses durant jusqu'à une demi-heure, le matin, l'état
mental était parfait quand les deux derniers mois furent marqués
par trois attaques apoplectiformes légères ne laissant pas de traces.
Bientôt une vive préoccupation la jette à la suite d'insomnies dans
un nouvel accès de manie avec délire des actes et mutisme. On cons-
tate à ce moment une obtusion psychique prononcée, la réceptivité
faisant défaut; en même temps hémiparésie droite y compris le fa-
cial inférieur, blépharoptose gauche, convulsions cloniques légères
dans le bras droit, absence de réflexes cutanés et tendineux. T. 39
Analgésie. Le lendemain, accidents pulmonaires. Mort. Le profes-
fesseur Meynert rencontre à l'autopsie des épaississements partiels
des méninges et de l'oedème cérébral consécutif à une hypérémie
qui cesse dans les masses ganglionnaires du côté gauche. La base
est occupée par une tumeur fibro-cartigalineuse de la grosseur d'un
pois, au niveau du tiers antérieur du dos de la selle turcique, sur
la partie moyenne de la protubérance. La région supérieure de la
moelle est fortement hyperémiée. Pneumonie hypostatique, ma-
rasme sénile, coeur gras.
Observation n. Il s'agit également ici d'une femme de même
âge présentant depuis trois ans des accès épileptiformes avec agita-
tion. En outre phénomènes douteux de démence paralytique. La
malade succombe à un état de mal ; entre les accès, on constate du
coma, de la parésie complète du côté droit, la suppression des ré-
flexes cutanés du même côté, l'absence de phénomène du genou
des deux côtés. On trouve à l'autopsie, outre la fragilité des mé-
ninges, un oedème ayant aplati les circonvolutions du côté gauche;
la région corticale de la corne d'Ammon (ergot de Morand) est, dé-
truite ou atrophiée par un ancien foyer de ramollissement du dia-
mètre d'une noisette, l'organe lui-même étant scléreux; adhérence
des méninges à la protubérance et à la moelle allongée; oedème
prononcé des pyramides. Pneumonie, entérite catarrhale chro-
nique.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 333
L'analyse critique de M. H... le mène à cette conclusion que
les symptômes observés doivent être rattachés à l'oedème
partiel. C'est lui qui serait le facteur des manifestations
d'ordre irritatif du paralytique dans les cas de ce genre, notam-
ment avant l'agonie. Leur intensité dépend du plus ou moins
d'infiltration de la région du cerveau. P. K.
XXV. Deux cas de la FORME DE paralysie combinée DU bras ET DE
l'épaule, DE EAB; par Oswald VIERORDT. (Neurolog. Centralbl.,
1882.)
Dans les deux observations, la discussion des symptômes conduit
l'auteur à diagnostiquer l'interruption dans la conductibilité des
racines du plexus brachial, et notamment des 50 et 61 racines
cervicales en dehors ou dans l'intérieur du canal vertébral.
' P. K.
XXVI. LES amyotrophies spinales PROTOPATHIQUES ou atrophies MUS-
CULAIRES PAR LÉSION PRIMITIVE DES CORNES ANTÉRIEURES DE LA MOELLE
ÉPIN1WE; par le Dl JORISSEN (Ann. de la Soc. méd. chir. de Liège,
1882.)
Les affections de la moelle dont les lésions sont localisées aux
cornes grises antérieures, la paralysie infantile, la paralysie spinale
de l'adulte, l'atrophie musculaire progressive, laparalysie-labio-glosso-
laryngée et peut-être aussi la paralysie générale spinale subaiguè de
Duchenne, constituent aujourd'hui un seul groupe nosologique,
celui des poliomyélites antérieures systématiques (Kussmaul, Charcot.)
M. Jorrissen passe en revue les arguments qui justifient ce rappro-
chement au point de vue anatamo-pathologique et au point de vue
clinique. Les divergences symptomatiques qui caractérisent les
poliomyélites sont dues à leur mode de début, aigu ou chronique,
à la répartition des lésions, ou bien résultent de conditions qui
échappent encore à nos investigations; elles ne sauraient toutefois
diminuer la valeur des résultats anatomo-pathologiques qui, par
leur constance, leur identité de nature et de siège, justifient large-
ment l'emploi d'une terminologie unique.
En somme, l'auteur n'apporte aucun fait nouveau à l'appui de
cette thèse. D.
XXVII. DU TRAITEMENT DE LA NÉVRALGIE SCIATIQUE; par M. GLATZ.
(Soc. méd. de la Suisse romande, 1882.)
« Notre traitement consiste dans l'application de la douche dite
« écossaise, combinée à l'électrisation par les courants de la pile, et,
331 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
ce à notre avis, il est de la plus haute importance que la douche fasse
« immédiatement suite à la séance d'électrisation. n
C'est en ces termes que le Dr Glatz formule le mode de traite-
ment qu'il a institué à Champel. Il recommande d'appliquer la
douche aussi chaude que le malade peut la supporter (55° à 60°)
pendant cinq minutes de façon à annihiler, pour ainsi dire, l'exci-
tabilité du nerf. Le courant de la pile doit être peu intense, mais
très dense (18 à 24 éléments) : l'un des électrodes est placé au niveau
de la moelle ou du plexus sacré et l'autre plus petit sur les points
douloureux. Il ressort des données cliniques et des expériences
physiologiques que la direction du courant est indifférente. Si on
veut appliquer la théorie des roues polaires (Brenner), c'est l'anode
qu'il convient d'employer comme pôle différent, le cathode se place
sur un point quelconque du corps, le sternum par exemple. D.
XXVIII. DIATHÈSE NÉVROPATHIQUE ET PHÉNOMÈNE DU GENOU;
par E. BLOCH. {Arch. f. Psych. u. Nervenk, XII, 2.)
Pour savoir dans quelle mesure l'absence du réflexe tendi-
neux rotulien (phénomène du genou) dépendait de conditions
pathologiques, l'auteur a examiné de juin en novembre ceux
des enfants fréquentant les écoles publiques qui étaient âgés de
six à neuf ans. Sur six cent quatre-vingt-quatorze élèves ren-
trant dans cette catégorie (trois cent dix-neuf garçons; trois
cent soixante-quinze filles), il'Àrl'a trouvé l'absence de ce réflexe
que cinq fois. Il s'est alors enquis de la généalogie do ces cinq
individus au point de vue névropathique. Voici le résultat des
informations obtenues.
Trois garçons n'ont pas répondu à l'incitation produite par
la percussion du tendon rotulien.
I. Enfant de huit ans. Phénomène du genou variable; tantôt
il existe, tantôt il manque; ou bien l'un des deux résultats, positif
ou négatif, se borneà l'un des côtés. Famille d'épileptiques jusqu'au
bisaïeul. Paralysie spinale spasmodique chez le père.
II. Enfant de huit ans et demi. Absence complète et per-
manente du réflexe rotulien. Le réflexe existe chez les deux frères.
Mère bien portante mais rebelle au réflexe en question. Grand-père
maternel et deux oncles du même côté atteints d'épilepsie psychique.
On note dans la famille l'adhérence héréditaire des deuxième et
troisième orteil.
III. Enfant de huit ans et demi. Pas de phénomène du genou.
Père bien portant, mais ne manifestant pas non plus le réflexe. La
grand'mère est la soeur du bisaïeul de l'enfant de l'observation I.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 335
Deux descendants de frères de ce bisaïeul ont été atteints deparalysie
spinale spasmodique.
Les éléments recueillis pour dresser l'arbre généalogique et
l'histoire pathologique des deux fillettes qui complètent cette
série ne prêtent à aucune déduction.
L'auteur dégage de l'ensemble de ces renseignements la con-
clusion que l'absence du réflexe rotulien témoigne simplement
de la névropathie héréditaire. Se transmettant à l'égal des
malformations congénitales, elle indiquerait, non pas le stade
initial du tabes, mais peut-être une anomalie innée dans les
cordons postérieurs de la moelle. P. K.
XXIX. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE l'athétose ET des névroses VASO-
motrices DES extrémités; par Martin BER,-4111tDT. (Arch. f. Pych. u.
Ne1'venk., XII, 21).
La première observation a trait à une h,émiathétose du côté droit.
Les anamnestiques, diffus, relatent d'abord trois mois de maladie
caractérisée par de l'oedème et de la difficulté de la parole, puis
une crise grave indéterminée de plusieurs semaines ayant laissé
après elle de l'hémiplégie droite et de l'aphasie. L'examen médical
proprement dit constate, dès le premier jour, une chorée posthémi-
plégique du membre supérieur droit, de l'hémianopsie du même
côté et de l'aphasie. L'administration de K. I. à doses moyennes
améliore l'aphasie et l'agraphie , et transforme la chorée en
athétose, au bout de cinq semaines. Actuellement, après trois ans
de traitement, l'aphasie et l'agraphie ont presque totalement dis-
paru ; l'hémiathétose a persisté avec l'hémianopsie, mais sans que
les efforts de la main gauche entraînent de mouvements sympathi-
ques dans l'extrémité droite.
La seconde série de faits concerne l'asphyxie locale des extrémités.
L'une des observations est remarquable par l'unilatéralité des
phénomènes. L'absence de pouls radial, cubital, humerai, rappro-
chée de l'absence d'oedème et de gangrène, rapprochée de la per-
ception évidente des cordons artériels en question ainsi que de
l'intégrité papillaire et vasculo-rétiniennc, fit supposer à l'auteur
qu'il avait affaire à la rétraction convulsive des fibres musculaires
des artères examinées. Résultat nul des hautes doses de quinine.
Amélioration par l'électrisation galvanique; courant dirigé des
vertèbres cervicales aux extrémités supérieures atteintes. P. K.
1 Voyez : Société de Psychiatrie et maladies nerveuses de Berlin. (Ar-
chives de Neurologie, t. III, p. 230).
336 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXX. Cas INSOLITE DE MYÉLITE par compression ; par KNECHT.
(Arch. f. Psych. u. Nervenk., XII, 2.)
Chez un tuberculeux de quarante-huit ans, se manifestent
successivement des douleurs irradiant de la nuque aux épaules,
de la paraplégie progressive (pieds comme cloués au sol) avec
anesthésie, analgésie, disparition des réflexes dans les deux
jambes, sans ataxie ni signe deRomberg, de la paralysie vésico-
rectale, enfin des élancements avec convulsions des membres
supérieurs. On constate presque au début de la sensibilité à la
pression au niveau de la septième, vertèbre cervicale et de la
première dorsale. L'autopsie décèle de la carie de la première
dorsale avec adhérence et exsudat caséeux de la dure-mère,
mais aucun foyer méningitique, aucune compression de la moelle.
Le microscope révéle au niveau de la région malade un semis
de foyers de ramollissement myelitiques dans toute l'étendue
transverse de l'organe central, assez uniformément répartis
dans les substances blanche et grise : infiltration et tuméfaction
de la charpente connective par de nombreuses cellules ; inté-
grité des cellules multipolaires grises et des tubes nerveux en
dehors des foyers. Suprà : faible dégénérescence des cordons de
Goll ; infrà : foyer myélitiqne dans la partie postéro-médiane
des cordons latéraux, tuméfaction de la névroglie des cordons
postérieurs jusque dans la moelle lombaire inférieure. L'affec-
tion est, en outre, remarquable par son acuité (durée totale :
trois mois; paraplégie complète en quatorze jours y compris
les altérations du tronc), par la disparition des réflexes tendi-
neux, l'absence de rigidités ou contractures dans tout le cours
de la maladie, la complication prématurée des accidents du
décubitus. L'impossibilité d'établir un diagnostic s'explique
par le mode de propagation de l'inflammation de la vertèbre
malade à la moelle au moyen des méninges infiltrées de pus, sous
la forme de myélite disséminée. Les dégénérescences secondaires
des cordons postérieurs expliquent et l'absence de réflexes ten-
dineux et celle des raideurs et contractures malgré la lésion des
cordons latéraux. La double sensation d'une seule pointe cons-
tatée ici confirmerait l'opinion du refoulement de la substance
grise allégué comme cause de ce symptôme par Schiff.
P. K.
RRVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 337
XXXI. Contributions casuistiques A LA localisation DES fonctions
du cerveau; par INECHT. (Arch. f. Psych. u. Nervenk., XII, 2.)
Trois observations avec autopsie finement détaillées :
Observation I. Paralysie des extrémités du côté droit avec
convulsions des mêmes extrémités dans le cours de la méningite.
Foyer de ramollissement dans la frontale et la pariétale ascendantes
du côté gauche. C'est là, comme le dit M. Knecht, un type
d'hémiplégie corticale; il confirme la localisation des zones motrices
des extrémités dans le tiers supérieur des deux circonvolutions ascen-
dantes, mais l'atteinte simultanée des couches blanches nuit à la
détermination fonctionnelle exacte de l'écorce.
Observation II. Affaissement et démence graduelle. Plus tard,
hémiplégie gauche suivie de contracture des muscles du cou et de
la face du côté droit. Enfin, affaiblissement de la moitié droite du
corps. Accidents du décubitus. Vaste foyer de ramollissement dans
le lobe occipital droit. Petit foyer dans le noyau lenticulaire gauche
du corps strié. La lésion a porté profondément sans que les
ganglions centraux soient intéressés; en surface, elle a atteint le
coin, le gyrus descendens d'Ecker, le lobule extrême du même au-
teur et l'extrémité la plus postérieure des 1 , 2°, 3e circonvolutions
occipitales. Confirmation des idées de Charcot et Pitres sur le rôle
de l'écorce occipitale. Les troubles de la motilité du côté droit sont
en rapport avec le ramollissement du noyau lenticulaire.
Observation III. Céphalalgie. Vomissements. Convulsions
(emprostl1otonos). Puis, paralysie de l'oculo-moteur ex terne gauche et
de la moitié droite de la langue et du voile du palais. Gliôme dans
la pointe antérieure du lobe frontal gauche. Cette tumeur de la
grosseur d'un oeuf de pigeon a détruit l'ecorce, les couches supé-
rieures de substance blanche dans le domaine de la première
frontale et les limites de la seconde; elle parait enkystée vers les
régions saines de l'organe. P. K.
XXXII. SUR l'inflammation parenchymateuse DU SYSTÈME
NERVEUX CENTRAL ET SES RAPPORTS AVEC LE GLIOME ; par
Paul MEYER et Heinrich Bayer. (Archiv f. Psych. u. Ner-
venlc., XII, 2.)
Ce titre concerne deux observations :
Dans la première, qui a trait à une femme de trente-trois
ans, il s'agit de phénomènes évidemment en rapport avec la
plus grande partie du système nerveux central, survenant sous
furme d'accès à évolution brusque et rapide, dont l'élément
périodique demeure inexpliqué, à moins qu'on ne fasse inter-
venir la prédisposition névropathique. Outre des manifestations
Archives, t. VU. 22
338 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
générales telles que céphalalgie, vertiges, abattement, phéno-
mènes fébriles, douleurs, on relève dans les deux premiers
accès des attaques parétiques de toutes formes, des élancements
dans les quatre extrémités, des sueurs, de l'anesthésie par
régions; tous accidents d'origine médullaire (pas de perte de
connaissance) indiquant la participation de tous les systèmes
de l'organe, mais ne laissant après eux qu'une sorte d'hémiplé-
gie incomplète. Le troisième accès témoigne de foyers dans la
protubérance; le quatrième, sous l'apparence d'une nouvelle
attaque hémiplégique accompagnée de tremblements inten-
tionnels dans les membres supérieurs et de symptômes oscil-
lants et inégaux comme tous ceux notés jusqu'alors, détermine
cependant une paraplégie persistante absolue. Enfin, une
dernière poussée apoplectiforme entraine par le concours de
phénomènes bulbaires une mort rapide dans le coma. La durée
totale du processus (trois mois) élimine le diagnostic de la
sclérose multiloculaire et de la dégénérescence gliomateuse
disséminée Les foyers multiples que l'autopsie et l'étude histo-
logique décèlent dans le cervelet, dans la protubérance, dans
les régions supérieures de la moelle allongée, dans les régions
cervicales, dorsales et lombaires de la moelle, présentent à la
fois les caractères de la myélite parenchymateuse ordonnée
soit dans les cordons, soit sur toute la coupe transversale de
l'organe, (foyer dorsal), à la fois les éléments de nouvelle for-
mation (cellules rondes) qu'on est accoutumé de considérer
comme appartenant au sarcome dans une névroglie épaissie et
hyperplasiée. Pour les auteurs, c'est la fibre nerveuse et non le
tissu conjonctif qui aurait été le point de départ de ces néofor-
mations ; du moins, ils se fondent sur des coupes où l'on voit le
cylindraxe se transformer en organites brillants sans qu'on
puisse préciser davantage. En un mot, participation active des
éléments nerveux au processus ; néoplasie cellulaire se renfer-
mant cliniquement dans les limites de l'inflammation subaiguë
et ne constituant pas tumeur; tels sont les arguments en faveur
de l'opinion que c'est là une forme de transition clinique et ana-
tomique entre la myélite parenchymateuse vraie et les gliomes ou
neuro-gliomes du système nerveux central. L'échelonnement des
accès et le cachet des symptômes selon la période prouvent
l'ascension des lésions de la moelle à la moelle allongée par
l'intermédiaire de la protubérance. 0
Le second fait a trait à un homme da soixante et un ans
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 339
en état de déchéance organique, ramassé sur la voie publique
après un ictus apoplectiforme. Démence, gâtisme, impossibilité
de se tenir sur les jambes ; pas de paraplégie. Tendance à
tourner la tète à droite ; pas d'hémiplégie. Mort en trois jours
sous l'influence d'une infiltration des sommets compliquée des
accidents du décubitus. Les lésions portent sur le lobe frontal
droit du cerveau. L'aspect microscopique est celui d'une encé-
phalite simple, (dilatation vasculaire) avec prolifération des
gaines lymphatiques ayant abouti par places à la dégénéres-
cence caséeuse et vitreuse des vaisseaux (réticulums englobant
des cellules granuleuses, des leucocytes, des endothéliums, des
coagulums fibrineux). Les zones récemment atteintes sont le
siège d'une néoplasie de cellules ressemblant aux cellules ner-
veuses, issues, pour les auteurs, des fibres nerveuses. Ils con-
cluent à la dégénérescence sarcomateuse des parois artérielles
(angio-sarcome) sous forme purement inflammatoire.
Ces deux cas marquent la limite qui sépare le processus
inflammatoire de la genèse des néoplasmes. L'historique de la
question termine le travail. P. K.
XXXIII. UN cas DE tubercule occupant le TIERS moyen de la frontale
ascendante; par CUVOSTECK (Jcchr61ccla f. Psych., IV, 1.)
Symptomatologie : convulsions épileptiformes et phénomènes
parétiques consécutifs du bras droit et de la branche buccale du
facial du même côté. Déviation de la langue du côté droit, dila-
tation passagère de la pupille de ce côté. Puis, les convulsions se
généralisent, elles sont accompagnées ou suivies d'agitation, de
troubles de la connaissance, de délire, de pleurs ou de rires enfan-
tins. Mort par tuberculose généralisée. P. K.
XXXIV. LE traitement galvanique DU tabès dorsal ET la réaction
anormale des nerfs cutanés SENSITIrS au courant ; par W.-B. Neftel
(Arch. f. Psych. u. Nervenh. XII, 3).
Chaque séance se compose de l'électrisation galvanique du cer-
veau suivie de celle de la moelle. Nous connaissons déjà les erre-
ments du premier procédé'. Quant à la moelle, on la galvanise de
bas en haut, de la région lombaire inférieure à la nuque, en aug-
mentant peu à peu l'intensité du courant jusqu'à ce que le malade
accuse une sensation de brûlure modérée (<2, 15, 20 élém. siem.);
on en prolonge le passage durant trois minutes. En diminuant
1 V. Archives de Neurologie, t. II, p. 242.
3t0 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
alors un peu la force, on promène lentement, mais avec une forte
pression l'anode sur tous les points de la colonne vertébrale, tan-
dis que la cathode demeure en place à la nuque. Voilà toute la
méthode sans préjudice des régimes et médications indiqués par
l'élude clinique. Les quatre observations rapportées témoignent de
résultats heureux. Pour M. Neftel, dans la plupart des cas, même
lors des stades avancés de la maladie, ce traitement enraye, ou
même fait rétrocéder le processus pathologique; mais il faut quatre
six mois de persévérance continue, sans parler des reprises sub-
sidiaires, pour obtenir des effets satisfaisants. La réaction des nerfs
de la peau offre, du reste, un moyen de contrôler l'action bien-
faisante. Chez le tabétique, l'application prolongée d'un courant
assez intense produit une sensation de brûlure au pôle positif, ce
qui est tout à fait l'inverse de l'état normal (brûlure au pôle néga-
tif) ; cette anomalie, qui persistera des semaines ou des mois, chez
un même malade, fera place, pendant le traitement, à la réaction
normale, dès que l'amélioration se fera sentir : la suppression du
traitement fait reparaître l'anomahe, qui disparaît à son tour quand
on a repris les séances d'une façon continue. P. K.
XXXV. Observation d'atrophie musculaire, articulaire ET osseuse,
névropathique, ayant par son étendue entraîné DES difformités
remarquables; par M. Senger. (Archiv f. Psych. u. Nerven/i.,
XII, 2.)
11 s'agit d'un homme de cinquante ans, maigre, névropathe,
entaché d'hérédité, affaibli pendant son enfance et jusque dans la
puberté par dès lésions suppuratives chroniques des pieds et des
jambes, (renseignements incomplets sur ce point), évoluant sans
douleur ni trouble de la santé générale. On signale à l'âge de
vingt et un ans, de la raideur et des tremblements dans les jambes,
sans modifications du côté des articulations. Deux ou trois ans
après, rigidité indolente de la colonne vertébrale; c'est dès ce
moment que se sont graduellement développées les déformations
actuelles. Elles occupent surtout les extrémités supérieures et les
mains, et sont caractérisées par de l'atrophie des muscles, des
tendons, des os, les articulations se trouvant ici en diastase du
fait de la laxité des ligaments, tandis qu'à côté elles sont devenues
rigides, ankylosées, tordues de par les contractures musculaires.
Signalons l'atrophie avec rigidité des sternocleidomastoïdiens, des
trapèzes, en opposition avec l'atrophie sans exagération de la
tonicité des pectoraux : de là l'inflexion en avant des épaules,
ainsi qu'une sorte de subluxation de l'humérus en avant. L'extré-
mité radiocubitale inférieure forme moignon, les carpes étant à
peu près à un centimètre en arrière des apophyses styloides des
deux os de l'avant-bras : flexion a angle droit de la main sur le
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 3 il
bras avec déviation vers le bord radial. Le métacarpe cintré établit
un rapprochement entre les deux éminences thénar et hypothé-
nar ; les phalanges forment une foule de zigzags dont les jamba-
ges flottent en tous sens (torsion et mobilité fantastiques des
doigts '). Nulle symptomatologie en ce qui concerne la moelle, le
cerveau, la sensibilité spéciale ou générale (réactions électriques
normales). Depuis le mois de novembre 1878, l'état est demeure
stalionnaire, à part une légère attaque d'hémiparesie gauche
bientôt disparue, et des troubles (trophiques ? )
qui ont amené la perte de l'oeil gauche. Il y a vingt-huit ans que
les lésions ont commencé à se manifester : jamais de douleur au
reste, ni d'o,téophytes sur les extrémités osseuses atteintes. La
longue durée du processus compatible avec l'existence de l'indi-
vidu, l'amyotrophie et la contracture que l'on voit dans l'observa-
tion succéder aux altérations osseuses, articulaires, ligamen-
teuses, l'immobilité des phénomènes, l'absence de caractère» géné-
raux et de réactions morbides subjectives, la conservation de toutes
les propriétés de l'élément contractile, au plus fort des pertur-
bations anatomiques, éliminent du diagnostic l'atiopliie muscu-
laire progressive (poliomyélite antérieure), les myopies ou autres
manifestations paralytiques, soit centrales, soit périphériques.
Pour M. Senger, c'est là une trophonévrose à rapprocher de l'atro-
phie concentrique de Volkmann, semblable à l'atrophie générale
sénile, dont le début devrait peut-être être cherché dans les
cellules des épiphyses et des cartilages articulaires, et le méca-
nisme, dans l'action vaso-motrice (Rupprecht). Les lux, riions déri-
vent : les unes, des modifications morphologiques des extrémités
articulaires (résorption molécule à molécule); les autres, de la
paralysie et des contractions des muscles périartieutaires (action
des antagonistes, ramollissement ou rétraction de l'appareil fila-
menteux), que, d'ailleurs, les rétractions aient accompagné ou
suivi les lésions osseuses. La solution de ces problèmes dépen-
dant d'un examen anatomique, le malade serait prêt à sacri-
fier une phalange digitale pour assurer le diagnostic. P. K.
XXXVI. Contribution a l'étude des localisations spiniles (Autopsie
' d'une ancienne paralysie infantile avec atrophie très localisée) ; z
par Hermann S.mu. (Berne, Deutsches Arch. f. Kliii. Med., 1883.
p. 360.)
Femme de vingt-cinq ans. morte plithisique, avait, à la suite d'une
paralysie atrophique de l'enfance, une atrophie considérable des
muscles des éminences thénar et hypothénar et des muscles inter-
osseux de la main droite, avec paralysie de ces mêmes muscles
¡ '1'101' photolithogT1phirs représentent l'état du malade.
34 REVUE DE PATHOLOGE NERVEUSE.
et abolition de l'excitabilité électrique pour l'un et l'autre courant.
Il y avait aussi une diminution de volume en masse du bras droit,
mais l'auteur n'ayant constaté ni lésions des muscles ni anomalies
dans le résultat de l'examen électrique pense qu'il s'agit là d'un
défaut de développement par inaction du membre, la malade s'en
servait très peu en effet, puisque la main était paralysée. Voici les
résultats de l'autopsie :
1° Un petit foyer circonscrit dont la nature histologique est mal
définie à la hauteur du premier nerf cervical au centre de la corne
antérieure droite.
2° Un long foyer allant du quatrième au septième nerf cervical
dans la partie externe et postérieure de la corne antérieure droite
consistant en un feutrage de cellules araignées.
3° Dans le territoire du quatrième et du cinquième nerfs cer-
vicaux outre le foyer du côté droit, il en existe un plus petit mais
d'un siège analogue au côté gauche.
4° A la hauteur du huitième nerf dorsal on trouve dans la corne
antérieure gauche des lésions analogues.
Dans toutes ces régions il y a disparition des grandes cellules
multipolaires de la corne antérieure malade; celte disparition
porte suitout sur le groupe postérieur latéral et, d'une façon
moins prononcée, sur les groupes médian et latéral antérieur. Elle
est très accusée dans le grand foyer n° 2.
Dans les points où les cornes antérieures sont atteintes, on voit
une diminution des fibres nerveuses partant de ces cornes et se
dirigeant vers les racines antérieures.
Le réseau conjonctif situé entre la pointe externe de la corne
antérieure et le faisceau latéral est plus accentué du côté malade;
ses mailles sont plus serrées.
Les racines motrices extra-médullaires sont un peu plus minces
du côté malade que ducôté sain; mais on n'a trouvé de lésions ana-
tomiques (augmentation du tissu conjonctif aux dépens des fibres
nerveuses) que dans le cinquième et le sixième nerfs moteurs droits
cervicaux.
Les nerfs périphériques ne présentaient une dégénération atro-
plique (prolifération conjonctive) à l'exception du cubital,quedans
leurs derniers rameaux destinés aux muscles atrophiés.
L'auteur ajoute quelques considérations sur l'atrophie des os
correspondants aux muscles paralysés, et fait ressortir les diffé-
rences qui existent au point de vue de la localisation entre son
observation et celle de Prévost et David. (Arch. de physiol., 1874.)
P. Marie.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 343
XXXVII. Contribution .1. L'ÉTUDE DES réflexes cutanés ET TENDINEUX;
par A. ScuVARZ. (Arcle. f. Psych. u Nelroenh., XIII, 3.)
D'après ce mémoire basé sur l'étude et la discussion de quinze
observations, les divers centres réflexes spéciaux sont en rapport
avec différents centres encéphaliques, et, si chaque genre de réflexes
médullaires présente une allure variée, c'est que les centres céré-
braux localement dissociés auxquels ils correspondent ne sont pas
soumis aux mêmes modifications pathologiques. L'analyse de quel-
ques faits d'épilepsie corticale, rapprochée de celle d'un grand
nombre d'observations d'hémiplégie cérébrale, amène l'auteur à
conclure que tout processus qui, d'une manière quelconque, para-
lyse les départements moteurs ou sensoriels du cerveau, paralyse
eu même temps les centres médullaires eu connexion avec eux;
l'excitation des zones corticales entraîne au contraire après elle
une hyperexcitabilité des centres réflexes spéciaux. P. K.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 23 décembre 1883. Présidence DE M. Motet.
Elections : Après élections, le bureau est ainsi composé pour
l'année 1884 : Président : M. F6mLr. ; 171ce-Pi,ésideizt : M. Dagonet ;
Secrétaire général : M. RmTi ; Secrétaires annuels 1\Il\ ! . Charpentier
et Gxnmea ; Trésorier : M. A. Voisin ; Conseil de famille : MM. Motet
etUALLYSont adjoints aux membres du bureau pour former le
conseil de famille.
M. le Président annonce à la Société que deux de ses membres
MM. Ballet et Garnier, ont déposé à l'Académie des mémoires qui
viennent d'être couronnés.
Du rôle de la profession dans le développement de l'aliénation
mentale. M. Charpentier. On est surpris, en compulsant les
nombreux travaux sur les causes de la folie, de voir combien peu
344 SOCIÉTÉS SAVANTES.
la profession a été prise en considération. Les nombreuses statis-
tiques contenues dans le recueil si riche de faits des Annales mé-
dico-psychologiques, sont muettes ou vagues à ce sujet. Pinel
(1806), Trélat ( 15;i0), Marcé (-I 86 ? ), M. Dagonet (1882)et les auteurs
des différents articles d'aliénation mentale des deux dictionnaires
de médecine, ne fournissent aucun renseignement à cet égard. Le
professeur Bail, dans ses leçons, fait remarquer combien il serait
utile pour cette question d'avoir des statistiques exactes.
Dans le projet de statistique applicable à l'étude des maladies
mentales arrêté par le congrès aliéniste international, projet pu-
blié dans les Annales de 1868, figure un tableau des causes de la
folie et qui serait parfait sans une omission : seule, la profession
n'y est pas représentée. Cependant empressons-nous de dire que
pour les professions intellectuelles, c'est-à-dire scientifiques, litté-
raires, artistiques et religieuses de nombreuses dissertations onl
été produites. Constatons aussi qu'Esquirol (1838), Benaudin
(1842), Parchappe (1846) avaient pensé 11'influence possible de la
profession et qu'un petit nombre de professions où l'on manipu-
lait des substances toxiques a fixé l'attention de Morel, Delasiauve,
Bail, Régis et Paul Moreau (de Tours) et en outre des aliénistes,
Delpecb, Grisolle, Roque, Proust et Leudet.
Pourquoi l'influence professionnelle a-t-elle si peu fixé l'atten-
tion en aliénation mentale ? Ce défaut de recherches s'explique
par plusieurs raisons dont la première tient à l'évolution scienti-
fique elle-même en aliénation mentale. Sans remonter au temps
où la folie, considérée comme le résultat d'une intervention divine
ou démoniaque, fermait la porte à la recherche de toute autre
cause, il convient de faire remarquer combien depuis notre siècle.
les esprits scientifiques se sont laissés facilement séduire par l'in-
fluence de ces causes que faute d'une autre expression, ils ont dé-
signées sous le nom de causes morales.
Les émotions pénibles, les passions dépressives, les peines de
coeur, les illusions perdues, le débordement des passions, les en-
traînements de la jeunesse, les excès de l'orgueil, de l'avarice, de
la haine, les concentrations de l'égoisme, le remords, le trauma-
tisme moral, toutes ces expressions non moins descriptives qu'é-
mouvantes ont été invoquées pour expliquer l'aliénation mentale
qui déjà n'est que trop développée lors de l'apparition de ces pré-
tendues causes. Toutefois nous ne rejetons pas la valeur partielle
de ces causes morales; nous ne rejetons que l'emploi abusif que
l'on en a fait aux dépens de causes plus scientifiques et plus utiles
à apprécier.
A notre époque, et on peut dire que c'est là sa caractéristique
en médecine mentale, une autre cause prépondérante a été mise
en relief, à savoir l'hérédité affirmée par les travaux aussi bril-
lants que nombreux de Moreau (de Tours), Morel, Falret, Lasègue.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 315 5
Legrand du Saulle, Bail, humer, Marandon de Montyel et Régis.
Certes, son influence est incontestable, mais actuellement, c'est
encore une cause mystérieuse, fatale, supérieure à nos moyens
d'action et peu faite d'ailleurs pour tenter les efforts de la théra-
peutique. Etant donnée cette prépondérance de l'hérédité, on
comprend combien peu les esprits ont été portés à rechercher les
autres causes, milieux cosmiques ou professionnels, pourtant
moins difficiles à apprécier, plus faciles à éviter, et surtout plus
capables de contribuer à des recherches efficaces au point de vue
de l'hygiène et de l'art de guérir. D'ailleurs, si héréditaire que soit
la folie, et toutes les folies ne sont pas héréditaires, cette héré-
dité ne peut-être elle-même envisagée que comme le résultat de
causes extérieures physiques, chimiques ou mécaniques ayant agi
sur les ancêtres, et à ce point de vue, ce n'est que toute justice de
subordonner l'influence héréditaire, malgré sa prépondérance à
notre époque, à ses véritables causes, milieux cosmiques au nombre
desquels figure nécessairement l'influence professionnelle.
Les considérations qui précèdent permettenldecomprendreque
si les observations démontrant l'influence de la profession sur le
développement de la folie sont peu nombreuses, ce n'est pas
que les cas en soient rares mais c'est que, n'ayant pas sollicité
l'attention des travailleurs, ils n'ont pas été recherchés.
Comme cette question n'en estencore qu'à ses origines, on nous
pardonnera donc de n'avoir pas cherché à faire un traité sur ce su-
jet et de nous être bornés à en faire une esquisse qui, si légère
qu'elle soit, pourra peut-être guider pour les recherches en ce
sens.
Quelles solzt les professions capables de contribuer au développe-
ment de l'aliénation mentale ? Quel est leur rôle dans ce développe-
ment ? C'est après nous être posés ces questions et avoir exa-
miné les solutions qu'elles comportaient, que nous nous sommes
arrêtés à un groupement de profession que nous vous demandons
la permission de vous soumettre, groupement artificiel s'il en fui,
mais qui nous a paru le plus commode pour l'exposé de la ques-
tion. Nous avons classé les professions en quatre groupes princi-
paux.
Premier groupe. Nous avons d'abord réuni en un groupe
(et c'est le moins discutable) les professions qui peuvent produire la
folie par les matières toxiques avec lesquelles l'exercice de la pro-
fession oblige l'individu à être fréquemment en contact, que ces
matières soient manipulées ou soient les produits de dégage-
ment des manipulations. Ce sont des professions exposant a des
agents chimiques nuisibles à l'économie et portant leur action
fréquemment sur le cerveau. Ce groupe comprend donc les folies
toxiques professionnelles, ou sous un autre terme, les professions
3 tG SOCIÉTÉS SAVANTES.
produisant des folies toxiques. Ce sont celles où l'individu est ex-
posé à l'action du plomb, de l'arsenic, du mercure, du phosphore,
des alcools, du sulfure de carbone, de l'oxyde de carbone, de l'in-
digo, de l'aniline et de la nitro-benzine. Des faits nettement éta-
blis démontrent d'une façon péremptoire la production possible
de la folie par l'action de ces produits manipulés et dégagés.
L'action funeste du plomb était déjà connue d'Esquirol qui
écrivait (p. 22, 1808) : La vapeur de plomb produit en Ecosse une
espèce de manie dans laquelle les mineurs se déchirent à belles
dents et que les Ecossais appellent mealle breack.
Nous ne vous ferons pas l'histoire des troubles cérébraux dési-
gnés sous le nom d'encéphalopathie saturnine ou de pseudo-para-
lysie générale saturnine, bien décrits par Grisolle, Devouges, pro-
fesseur Bail et Régis. L'alcoolisme cérébral des ouvriers qui travail-
lent les alcools, les vins, des tonneliers, "des brasseurs, des ouvriers
des docks de Londres, des dégustateurs de Bercy si récemment en-
core observé par Lancereaux chez des marchands de vernis, est
nettement établi. Delpech (Mémoire, Académie de médecine, 1856),
Hugenin (thèse 1876) ont fait ressortir les troubles intellectuels dus
au dégagement du sulfure de carbone (travail du caoutchouc); l'a-
mélioration de ces troubles, après la cessation de la profession a
été notée comme pour le plomb.
L'aliénation mentale a été citée chez les calambristes d'Almaden
(Espagne) et chez les mineurs d'ldria (Autriche), qui extraient le
mercure et par suite sont exposés à l'intoxication hydrargyrique.
Le Dr Chapuis (Ann. méd. psyc/wlo{].) l'a constaté chez des mi-
neurs californiens. M. Delasiauve a relaté des troubles mentaux dans
une famille exposée aux vapeurs de mercure provenant d'un appa-
reil que le concierge de la maison avait construit dans sa cheminée
pour extraire l'or d'alliages qui le contenaient. Marcé rapporte un
fait analogue. Oppolzer a retrouvé le mercure dans les cerveaux.
L'arsenic expose à des troubles intellectuels comme l'ont observé
M. Lancereaux (paralysie toxique) et Kirchgasser (de Cologne). Ce
dernier a observé dans les centres manufacturiers de cette ville,
vingt et un cas d'intoxication arsenicale simulant les symptômes
cérébraux de l'alcoolisme (1868) ; d'ailleurs rien d'étonnant si l'on
songe que M. Armand Gautier a pu retirer de l'arsenic du cerveau,
après des intoxications arsenicales prolongées. (Arch. p)ysiol.,
(18ï5).
Binswanger(de Berlin), Blondet ont cité des cas de fièvre des fon-
deurs (Meesing füber) avec manie chez les fondeurs de laiton, ce qui
pourrait bien mettre le zinc en cause. Imbert Gourbeyre (de Cler-
mont-Ferrand), qui a observé de près le travail des écorces
d'oranges dans cette localité, a décrit des troubles intellectuels
qu'il attribue à l'essence d'amandes amères. M. P. Moreau (de
Tours) (l8î5), a rapporté quinze observations d'aliénation par in-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 347
toxication produite par l'oxyde de carbone et en a décrit les symp-
tômes sous le nom de folie des cuisiniers. M. Leudet (Arch. méd ?
déc. 1883) et M. Proust dans son Traité en rapportent chacun deux
cas. Des troubles analogues ont été observés dans des fabriques de
papier et ont été attribués au dégagement d'acide carbonique pen-
dant la fermentation de la colle.
M. Legrand du Saulle avait déjà, en 1857, fait ressortir l'insalubrité
des atmosphères des cafés, et leur influence sur les maladies céré-
brales ; mais, entraîné par le côté moraliste, il n'avait considéré
que le consommateur, détournant son attention des patrons et
employés c'est-à-dire de l'élément professionnel. « On prétend,
dit Esquirol, dans son traité que les teinturiers qui emploient l'in-
digo sont moroses et mélancoliques; » nous ne savons si le fait a
été vérifié, mais M. Jules Bergeron (1865) (Académie de médecine) a
bien décrit les troubles intellectuels chez les ouvriers qui fabriquent
ou emploient les couleurs d'aniline et a fait également ressortir
les phénomènes de stupeur dus à la nitro-henzine.
Deuxième groupe. Si nous avons pu établir ce premier groupe
sur des faits authentiques, nous avons le regret de devoir avertir
qu'il n'en est plus de même pour les trois groupes qui suivent,
pour la raison que nous avons donnée, à savoir qu'on ne s'en est
pas occupé.
Dans un deuxième groupe, nous avons réuni toutes les profes-
sions exposant à des troubles d'ordre physique : froid brusque ou
prolongé, général ou local; chaleur, que celle chaleur soit produite
par le voisinage d'un foyer incandescent ou par les irradiations
d'un soleil ardent ou encore changements brusques de tempé-
rature, etc., transition à l'humidité, décompressions atmosphé-
riques, privation de lumière trop prolongée. On ne peut dire
que, dans ce groupe, la profession n'a rien à voir comme cause,
car il est impossible, chez un fondeur par exemple ou un boulan-
ger ou un forgeron, de séparer l'élément haute température de la
profession qui exige cet élément physique. Ce groupe comprend
donc les folies par causes physiques dans le sens propre du mot, et
non au sens des aliénistes qui rangent sous cette même dénomi-
nation, la masturbation et les maladies du coeur, la fièvre typhoïde
et l'insolation, donnant ainsi à cette expression un sens trop étendu.
Ce groupe comprend un nombre de professions plus considérable
que le premier. Nous n'avons pas besoin de les énumérer; il est fa-
cile de se les repiésenter. La plupart des aliénistes mentionnent,
il est vrai, ces influences physiques comme causes occasionnelles
de la folie, mais au peu de détails qu'ils donnent, il est facile de
voir qu'ils ne leur accordent aucune importance. Ainsi Georget
(Dict. en 30 vol., art. Folie) nous dit : «Après la retraite de Russie,
l'asile de Wilna reçut un grand nombre de Français devenus aliénés,
3 18 SOCIÉTÉS SAVANTES.
mais le froid ne peut être invoqué et il faut chercher la cause
dans le découragement. la fatigue et le défaut d'alimentation. »
Cependant, en 1862, Legrand du Saulle décrit de main de
maître les effets du froid sur le système nerveux périphérique et
central, sur la congestion cérébrale, fait entrevoir aussi la possibi-
lité de l'action du froid sur la production de la paralysie géné-
rale ; mais qu'elle réserve propos de la même influence sur les
autres folies ! Ellis rapporte une observation (Obs. 40) où l'aliéna-
tion mentale due au froid est bien démontrée; c'est, chose surpre-
nante, la seule nette que nous ayons pu trouver. Les troubles
cérébraux désignés sous le nom de The horror (Dietrich), ragle,
calenture doivent être rapportés àlabaute température ouà l'inso-
lation; les impulsions subites au suicide après insolation sont ad-
mises, et. pourtant nous ne trouvons presque rien sur l'aliénation
mentale partempérature excessive ; toutefois rappelons les troubles
cérébraux observés chez les ouvriers qui travaillent le zinc (fon-
dcurs) sui lesquels nous avons peu insisté parce que les observa-
teurs tendent à les attribuer de préférence aux températures
élevées. On voit donc que l'influence de ces causes physiques a été
peu recherchée, à plus forte raison l'influence des professions où
elles se rencontrent.
Et cependant, si les températures excessives (froid ou chaleur), si
les transitions brusques de température, si les variations brusques
et considérables de pressions atmosphériques ont pu déterminer
des congestions cérébrales, des inflammations, des hémorrhagies
cérébrales ou méningées (cela a été souvent constaté, de môme
qu'il est admis que ces lésions produisent fréquemment l'aliéna-
tion mentale), pourquoi donc ces mêmes lésions ne produiraient-
elles pas l'aliénation mentale quand elles sont causées par lefroid,
le chaud et autres conditions physiques inhérentes à un grand
nombre de professions ? Toujours la même réponse : c'est qu'on
n'a pas recherché l'aliénation mentale dans ces conditions.
Troisième groupe. Notre troisième groupe, alors même que
les deux premiers groupes eussent été mieux étudiés, ne pouvait
l'être que de nos jours; il ne pouvait fixer l'attention plus tôt.
Ce troisième groupe, plus vaste encore que le précédent, mais
où l'influence de la profession ne saute pas à l'oeil du premier
coup, où son influence paraît moins manifeste quoique bien évi-
dente, si l'esprit préparé y porte son attention, ce groupe com-
prend les professions qui, ne portant pas d'emblée leurs coups
funestes sur le cerveau, agissent en perturbant d'abord les autres
appareils de la vie de nutrition ou de relation ; ces appareils une
fois troublés retentissent à leur tour sur le cerveau et les fonctions
intellectuelles. Ici, l'action de la profession est très indirecte ;
entre elle et la folie se trouvent des maladies intermédiaires
qui masquent à première vue la relation avec la cause initiale :
SOCIÉTÉS «A VANTES. 3t0 J
profession et l'effet ultime : aliénation mentale. Toute prufcsii n
qui déterminera une maladie de l'appareil respiratoire, circula-
toire ou utérin, de la peau ou des organes des sens, sera capable à
la condition d'un retentissement de cette maladie sur le cerveau de
produire en définitive l'aliénation mentale.
Historiquement parlant, pour que ce groupe pût être constitué,
il fallait d'abord établir l'influence des professions sur les maladies
des appareils respiratoires, circulatoires, digestifs, utérins et des
sens et ceci est maintenant bien connu pour nombre de profes-
sions que nous n'énumérons pas; puis il fallait établir l'influence
des maladies de ces appareils sur la production de la folie; cette
influence est aujourd'hui connue et admise grâce aux travaux de
111LVosiu et Loiseau, sur les folies réflexes ou sympathiques, grâce
aux recherches sur les embolies cérébrales et leur origine car-
diaque, grâce aux observations nombreuses de folies liées à des
maladies de l'oreille ou consécutives à la perte de l'ouïe, ou d'un
autre sens.
Pour comprendre l'importance de ce groupe de professions
agissant par- le retentissement cérébral secondaire des maladies
d'appareils qu'elles ont primitivement développées, il faut être
bien pénétré de cette idée que la folie, maladie du cerveau, mal-
gré ses allures différentes et caractéristiques, est une maladie
comme les maladies des autres organes et que, par suite elle n'é-
chappe pas par un privilège mystérieux aux lois générales de la
pathologie, qui résultent de la solidarité organique et de l'étio-
logie. '
Quatrième groupe. - A côté de ce troisième groupe prend place
logiquement un quatrième groupe qui pourrait même n'en faire
qu'un avec le précédent.
Aujourd'hui, grâce aux travaux si bien conduits de Berthier,
Legrand du Saulle, Bail etLuys, sur les folies générales goutteuses,
rhumatismales, anémiques, ischémiques, et diabétiques, grâce
aux recherches de Morel sur l'impaludisme et les folies qui s'y
rattachent, grâce aux travaux de MM. Christian et Charcot sur les
folies consécutives aux maladies aiguës et à la fièvre typhoïde en
y joignant les recherches de Marcel Briand, il est reconnu et admis
,que l'anémie, le rhumatisme (dont la cause physique si fréquente
est l'humidité), les états pathologiques constitutionnels, les trou-
bles généraux engendrés par une nutrition languissanteouralentie
n'exercent que trop souvent une influence nuisible sur le cerveau,
pour développer les différentes folies que nous avons mentionnés;
mais bien souvent ces maladies reconnaissent comme cause la
profession ou des conditions inhérentes à la profession. Ici se
groupent les professions à retentissement indirect sur le cerveau
par des maladies générales provenant de l'encombrement, de
l'insalubrité de l'atelier ou du milieu de travail (humidité
350 SOCIÉTÉS SAVANTES.
marécage travail des mines), de l'air vicié, de la fatigue et du sur-
menage, le tout souvent greffé sur la misère ou bien encore sur
l'alcoolisme, alcoolisme tellement entré dans les moeurs de cer-
taines professions (pelits boutiquiers) qu'en abusant du sens du
mot, on pourrait l'appeler l'alcoolisme professionnel.
Nous serions incomplets si nous ne signalions d'autres modes
suivant lesquels les professions interviennent dans le développe-
ment de l'aliénation mentale, d'autant qu'en tenant compte de
ces différentes conditions on peut parfois prévenir leur funeste
influence.
Parmi les traumatismes et surtout les traumatismes cérébraux,
plaies de tête, commotion, etc., auxquelles certaines professions
exposent plus particulièrement, la folie traumatique déjà étudiée
par Eleis, mieux connue par les travaux de Lasègue, Azam, Val-
lon (1882) et surtout Sclilager (de Vienne), peut être considérée
comme une conséquence trop commune de certaines profes-
sions.
Les attitudes vicieuses ou trop longtemps prolongées détermi-
nant une inclinaison permanente et fixe de la tête comme chez
les écrivains, les bijoutiers, montrent encore un mécanisme pro-
fessionnel producteur de la folie.
Delasiauve a insisté sur cette influence comme cause de l'épi-
lepsie dans son traité où il a si bien décrit les manifestations
délirantes de la même affection.
Il en est de même de ces vertiges si fréquents dans certains
actes, tels que la flexion delà tête dans l'acte de se baisser, ou au
contraire l'élévation de la tête et des bras, attitude nécessitée par
les travaux des tapissiers, des ouvriers du bâtiment, des hommes
de peine ou des femmes de ménage dans les soins de la maison;
ces vertiges dont la relation avec les troubles cérébraux est aussi
bien démontrée font comprendre la possibilité de suspendre ou
de modifier ces conditions nécessitées par la profession, et dont
on peut méconnaître l'importance si l'on n'en est pas trop pré-
venu.
Songeons encore aux professions qui nécessitent un travail de
nuit ou un sommeil trop court.
Quand on pense à l'extrême fréquence et à la gravité des in-
somnies prémonitoires de l'aliénation mentale, opposée à l'in-
fluence bienfaitrice d'un heureux sommeil réparateur sur l'in-
tégrité des fonctions intellectuelles, on ne peut méconnaître les
dangers cérébraux que courent les individus qui, pour remplir
leur profession, veillent la nuit ou abrègent leur sommeil.
La question du sommeil nous conduit aux autres habitudes
troublées par certaines professions et aussi aux habitudes anciennes.
Dans le domaine de la pathologie cérébrale, pas un médecin
ne méconnaît l'influence des fonctions de la digestion sur l'encé-
SOCIETES SAVANTES. 351
phale ; les convulsions ducs à la présence de vers inteslinaw sont
aussi connues que l'étourdissement cérébral après un repas trop
copieux, que le caractère mélancolique des individus atteints de
maladies chroniques des voies digestives que le délire famélique
de l'inanition ou des maladies où la diète a été trop prolongée.
Souvent, à ce titre, l'influence de la profession se fait sentir
en nécessitant un trop long intervalle entre les repas, influence
encore aggravée, si, ce qui arrive trop souvent, l'alimentation du
matin est remplacée par la stimulation factice d'un breuvage al-
coolique.
Nous passons rapidement sur les professions sédentaires, si nui-
sibles aux individus que les maladies, par retentissement de nu-
trition (obésité, goutte, gravelle, diabète), menacent toujours au
point de vue cérébral. Enfin, les professions considérées dans leur
rapport avec l'âge méritent encore de fixer notre attention.
La prématuration dout nous entretenait notre collègue Dally,
est applicable aussi aux dangers cérébraux de la profession ; d'un
autre côté, si la folie a été constatée chez des travailleurs, fonc-
tionnaires, commerçants, militaires ayant quittétroptbt leurs oc-
cupations actives, les mêmes dangers sont à redouter pour les
professions prolongées à un âge trop avancé, alors que les troubles
organiques de la vieillesse rendent la profession plus pénible et
surexcitent davantage l'individu qui continue à croire que la
volonté et l'énergie suffisent pour diriger les fonctions d'organes
sénilisés. Nous n'abordons pas les professions intellectuelles, tout
a été dit et bien dit; nous n'abordons pas les professions militaires,
soucieux de décliner notre compétence dans cette question.
Messieurs, les considérations que nous venons de vous soumettre
et que nous avons appuyées soit sur des observations prises par
d'autres que par nous, soit sur des opinions reconnues vraies en
médecine, ne sont pas des considérations de pure contemplation.
Elles permettent de comprendre l'importance de l'appréciation
des fonctions cérébrales, dans le choix d'une profession, l'intérêt
qu'il ya de discerner les différents éléments toxiques, chimiques,
physiques, habituels ou morbides qui, dans les professions inter-
viennent pour agir de plus ou moins loin sur le cerveau; ces con-
sidérations viennent apporter leur concours aux autres causes
héréditaires et morales, en permettant d'éviter d'aggraver l'in-
fluence de ces causes; elles autorisent à étudier les moyens tous
les jours plus nombreux et plus sages, de diminuer les trauma-
tismes, l'encombrement, l'insalubrité des ateliers et usines, ainsi
que les troubles apportés au sommeil et au repas. ces auxiliaires
indispensables de toute dépense, c'est-à-dire de tout travail utile.
Elles permettent enfin d'apprécier le rôle moral de ces sociétés
qui se proposent d'atténuer les vices et la misère, ces compagnes
si fréquentes des professions pénibles.
352 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Telles sont, Messieurs, les impressions qui nous ont guidé pour
entreprendre cet exposé nécessairement incomplet, très heureux
que nous serions s'ils permettaient de fixer l'attention des esprits
scientifiques sur la valeur étiologique de la profession dans le
développement de l'aliénation mentale.
M. LE Président donne ensuite la parole à M. Taguet, membre
correspondant de la Société, pour la lecture de l'observation d'une
hystéro-épileptique présentant des phénomènes hypnotiques non
encore signalés.
Il s'agit d'une jeune hystérique de Bordeaux, qui voit à travers
un carton d'une certaine épaisseur, comme elle y verrait à travers
une lame de verre et distingue par réflexion sur ce même carton,
comme l'aide d'une glace, les objets qu'on lui présente. La ma-
lade est douée en outre d'une double vie, c'est-à-dire que pendant
le sommeil somnambulique, ses pensées et ses actes sont la suite
des pensées et des actes de la précédente période de sommeil ;
après le réveil, elle reprend de même la vie où elle l'avait laissée
avant de s'endormir. Enfin les membres de celte malade prennent,
quand elle est en catalepsie, des attitudes qu'on ne peut lui faire
perdre qu'en usant de la plus grande violence et encore retournent,
ils à leur position première dès que l'effort ce ,se.
M. BALLET critique le titre de la communication, qui expose
comme non encore signalés des phénomènes analogues à ceux
maintes fois décrits à la Salpêtrière. Si j'avais, dit-il, à publier cette
observation, je l'aurais intitulée : IlysLéro-épilepsie à crises COI1\ ul-
sives ; attaques de contracture; sommeil, hallucinations persistant
après le réveil. Sans insister, dit-il, je veux seulement faire res-
sortir qu'il est impossible d'accepter le terme de catalepsie appliqué
par M. Taguet à des phénomènes nullement cataleptiques. Voici
pourquoi : dans la catalepsie, il suffit du moindre effort pour
changer l'attitude des membres et ceux-ci restent alors dans la
nouvelle position, tandis que chez la malade de Bordeaux, pour
obtenir ce résultat, il faut user de violence. Ce n'est donc pas de la
catalepsie, mais de la contracture avec rigidité, c'est-à-dire un
phénomène courant. J'en arrive à la phase somnambulique et, à ce
propos, je demanderai un renseignement : L'expérience du miroir
a bien été faite à l'état de veille ?
M. TAGUET. Oui.
M. Ballet. Pour curieux qu'elle soit, des faits analogues abondent
en somnambulisme. Quand on relit Braid et tous les auteurs
modernes, on trouve rapportés un grand nombre de cas analogues
d'hyperesthésie des sens spéciaux et d'hallucinations persistant
après le réveil. Si je prends une feuille de papier, que je la dé-
chire en 450 petits morceaux et que, pendant le sommeil de cer-
taines hystériques, je leur suggère l'idée que mon portrait se
SOCIÉTÉS SAVANTES. 353
trouve sur l'un d'eux, j'aurai beau brouiller tous les morceaux, cer-
taines malades après le réveil, retrouveront le morceau qui leur
aura été présenté pendant le sommeil.
A l'état normal, une feuille de carton ne réfléchit que peu de
lumière, mais elle en réfléchit, il n'y a donc rien d'étonnant de
voir un sujet, affecté d'hyperesthésie de la vue, percevoir des rayons
réfléchis en très petit nombre et par conséquent l'image des objets.
Je veux aussi relever une expression de M. Taguet qui nous parle
de léthargie, car je ne crois pas qu'aucune des phases qu'il a dé-
crites puisse être ainsi dénommée. C'est somnambulisme qu'il au-
rait dû dire.
M. Lunier comprend très bien qu'une sensibilité extrême de la
vue permette aux uns de voir ce que les autres ne voient pas. Si
l'on fait, dit-il, sentir un objet à un chien et qu'on vienne à perdre
cet objet, il n'est pas rare que le chien, se mettant à la recherche',
finisse par le retrouver. Enfin tout le monde sait que les pigeons
voyageurs sont doués d'une très grande pénétration de la vue.
M. Voisin. Il y a à Paris, une femme qui fait retrouver aux per-
sonnes volées les objets qui leur ont été dérobés. Il y a deux ans,
ma belle-soeur, Madame Baillière, avait constaté la disparition d'un
couvert d'argent ; pressée par une amie, la femme d'un notaire, elle
consulta la somnambule en question ; celle-ci lui apprit que le
couvert avait été volé par la concierge de la maison.
Madame Baillière rentra chez elle, envoya sa concierge faire une
commission et trouva son couvert dans le tiroir d'une table placée
au fond de la loge à gauche... On me l'a raconté ! M. Taguet
devrait voir si sa malade pourrait aussi retrouver les objets volés.
M. TAGUET. Je ferai l'expérience ! .
M. LUNICn. J'ai moi-même eu sous la main une somnambule;
mais elle ne m'a jamais convaincu, car je vis dans l'intimité de
Robert Houdin qui m'a dévoilé beaucoup de trucs.
M. Motet. M. Taguet parait s'étonner de voir le somnambulisme
se développer entre deux crises et donner lieu à une double
vue. Dans les Archives de médecine de 1856 (vous voyez que c'est déjà
vieux) il trouvera l'histoire d'un malade qui chaque matin, à heure
fixe, tombait en somnambulisme à la suite d'attaques et continuait
aussitôt les actes commencés à la fin de sa précédente crise som-
nambulique. M. B.
Séance du 28 janvier 1884. - Présidence DE 11. Motet.
M. Motet. Lorsque, l'année dernière, je suis venu prendre place
ici, mes premières paroles vous ont exprimé ma reconnaissance
pour le grand honneur que vous m'aviez bien voulu faire. Choisi
par vous, je trouvais dans vos suffrages le témoignage de sym-
Archives, t. VII. 23 3
354 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pathies qui m'étaient précieuses, et dont j'avais le droit d'être
fier. Je devais tout à votre bienveillanee, je lui dois aujourd'hui
l'une des années de ma vie médicale, dont les souvenirs seront les
meilleurs. Aussi, messieurs, je vous adresse du fond du coeur mes
sincères remerciements. Je cède le fauteuil à M. Foville. Notre
excellent collègue n'accepterait pas que je fisse devant lui son
éloge; mais j'ai bien le droit de dire qu'il'a mérité la distinction
dont vous l'avez honoré. Qu'il trouve dans cette fonction, dont
vous avez, d'ailleurs, rendu les charges si légères, les devoirs si
faciles, la récompense de sa vie laborieuse, de sa carrière dans les
asiles publics d'aliénés, de sa participation si utile comme inspec-
teur général aux travaux de la commission du Sénat chargée de
la révision de la loi de 1838.
Cette année, messieurs, qui, pour moi, s'est enfuie si vite, a par
vous été bien remplie; les communications les plus intéressantes
se sont succédées, ont fourni matière à d'importantes discussions.
Je vous rappellerai le travail de M. Billod sur la conduite à tenir
quand on est consulté par un sujet qui se croit menacé de folie,
parce qu'il est issu de parents aliénés, question de déontologie que,
avec votre expérience, vous n'avez pas voulu trancher par une for-
mule absolue; la lecture de M. Féré sur les hypnotiques hysté-
riques considérées comme sujets d'expérience en médecine men-
tale ; les communications de M. Legrand du Saulle sur la question
de l'hérédité morbide devant les cours d'assises; sur l'état convul-
sif d'une jeune malade de son service; vous avez entendu l'éloge
de Parchappe par votre secrétaire général M. Ritti, et dans ces
derniers temps vous vous êtes plus particulièrement occupés de
la question des sorties des aliénés des asiles; sur ce point, M. Falret
vous a nettement exposé le titre du chapitre vous conviant, en
quelque sorte, a continuer une discussion qui reste ouverte, et enfin,
vous avez entendu M. Ballet, vous présenter sur l'étiologie de
l'ataxie locomotrice des considérations du plus haut intérêt scien-
tifique. Un'estque juste, messieurs, de se rappeler les rapports de
candidature qui vous ont été lus, et dont les auteurs, loin de se
borner à une sèche analyse, ont étudié avec le plus grand soin, ont
présenté avec des développements critiques de la plus haute im-
portance, les travaux des médecins qui sollicitaient l'honneur de
faire partie de votre compagnie.
Ace dernier titre, messieurs, la Société médico-psychologique ne
peut que se féliciter. Elle a reçu à bras ouverts des hommes jeunes,
laborieux, qui lui apportent, avec leur activité, leur ardent amour
du travail, une poussée de sève nouvelle, MM. Ballet, Feré,
Pierret, Vallon, sont aujourd'hui des nôtres, et le cordial accueil
qu'ils ont reçu de nous, leur aura prouvé en quelle estime nous
tenons leurs travaux, comme il leur aura fait pressentir que nous
comptions sur eux.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 355
A l'étranger, on tient aussi à honneur de recevoir le titre de
membre associé. Notre liste déjà longue, et sur laquelle sont
inscrits les savants les plus distingués, s'est complétée, cette an-
née, par la nomination de MM. de Castra (de Constantinople) :
Peeters (de Gheel) ; Obersteiner fils (de Vienne) ; Frigerio (de Ber-
game) ; Tesseira Brandao (de Rio-Janeiro); Milan Vassitch (de
Serbie). '
Si nous avons eu nos joies, messieurs, nous les avons payées par
un deuil eruel : nous avons perdu Lasègue, et le souvenir de
cet homme supérieur, dout vous connaissiez les rares qualités de
l'esprit et du coeur, reste vivant au milieu de nous. Disparu, nous
le cherchons toujours; il manque a notre sincère affection, comme
il manque à nus séances où il apportait, avec l'autorité de sa
parole, la lumière dans nos discussions. Vous voudrez qu'on
vous parle de lui dans un langage digne de lui; et ce sera justice
de permettre à votre secrétaire général de prononcer son éloge
dans l'une de vos séances solennelles.
L'un des fondateurs de notre Société, M. le Dr Carrière, a suc-
combé il y a quelques mois. Il s'était depuis bien longtemps
éloigné de nous, mais nous ne devons pas oublier qu'il a été
l'un des ouvriers de la première heure et non l'un des moins dé-
voués ; MM. Bonnefons(de Leyme) et M. Petit (de \antes), membres
correspondants nous ont été aussi enlevés celte année. C'étaient des
hommes de bien, des hommes de devoir; toute leur vie s'est passée
au milieu des aliénés, pour lesquels leur dévouement a été sans
bornes. Je leur adresse, en votre nom, l'expression de nos sincères
regrets. Et maintenant, messieurs, j'ai l'honneur d'appeler M.Fo-
ville à prendie place au fauteuil de la présidence.
Ce discours est suivi d'applaudissements unanimes et M. Foville
s'exprime à son tour en ces termes :
M. FO\ILLE. Messieurs et chers collègues, une excellente tradi-
tion veut que le premier acte d'un président de société, entrant
en fonction, consiste à proposer un vote de remerciements en
faveur du président sortant. C'est un devoir dont je m'acquitte
ici, avec d'autant plus de plaisir que mon honorable prédécesseur
et ami, M. le Dr Mottet a des titres tout particuliers à la recon-
naissance de la Société médico-psychologique de Paris.
La plupart d'entre vous savent, en effet, mais ceux-là même me
sauront gré de le leur rappeler que, pendant dix-sept ans de suite,
M. Motet, vient de faire partie du bureau de la Société et que son
rôle n'a jamais cessé d'y êlre fort actif.
En 1866, la Société eut à nommer deux secrétaires des séances
au lieu d'un seul. Elle confia l'un de ces postes à M. Motet; j'eus
l'honneur d'être nommé à l'autre. Pendant six années, nous nous
appliquâmes, côte à côte, à reproduire exactement l'esprit et la
356 SOCIÉTÉS SAVANTES.
lettre de vos travaux, et cette longue collaboration a laissé chez
moi, du moins, le plus agréable souvenir.
En 1873, M. Motet devint secrétaire général de la Société et il a
rempli, jusqu'à la fin de 1881, ce poste, le plus important du bu-
reau, avec le zèle et la distinction que vous savez. C'est à ce titre
qu'il a représenté officiellement la Sociélé médico-psychologique
au congrès de Londres, d'où il a rapporté l'intéressant mémoire
sur l'asile de Broadmoor, auquel le récent projet de révision delà
loi du 30 juin 1838 a donné tant d'actualité, et sur lequel le rap-
porteur de ce projet devant l'Académie de médecine, notre col-
lègue M. le Dr Blanche, s'est surtout appuyé pour recommander la
création, en France, d'un asile spécial pour les aliénés dits cri-
minels.
M. Motet n'avait plus qu'à remplir les fonctions du vice-président
et de président de la Société; il l'a fait de manière a réunir tous
les suffrages.
Nous lui devons, vous le voyez, messieurs, nos meilleurs remer-
ciements ; s'il quitte, aujourd'hui le bureau, personne ne doute
qu'il ne reste un des membres les plus assidus de nos séances et
qu'il ne continue à faire largement profiter la Société de sa grande
expérience de toutes les choses relatives à l'aliénation mentale,
et de sa compétence toute spéciale dans les questions médico-
légales.
Après avoir remercié mon prédécesseur, permettez-moi, mes-
sieurs et chers collègues, de faire appel à votre bienveillance pour
moi et pour M. Dagonet qui prend place à côté de moi, au bureau.
Nous ne négligerons rien pour maintenir à leur hauteur habituelle
les travaux de la Société médico-psychologique qui, après trente-
cinq ans d'existence, est assez heureuse pour voir réunis dans son
sein les maîtres vénérés qui nous ont donné l'exemple du travail,
les hommes du présent qui se sont efforcés de suivre la voie qui
leur avait été ainsi ouverte, et les jeunes confrères, garantie de
l'avenir, qui ne manqueront pas de maintenir et de relever encore
le rang élevé que la médecine aliéniste française n'a jamais
cessé d'occuper dans la connaissance et l'étude des maladies men-
tales.
De nombreux applaudissements accueillent les dernières paroles
de M. Foville et des remerciements sont votés par acclamation à
NI. Motet, président sortant.
F)'M;AM<tHe ! . Après discussion, il est décidé que la commission
du prix Aubanel serait élue au scrutin de liste et les noms sui-
vants sortent de l'urne : AI11. Legrand du Saulle, Magnan, Falret,
Cotard et Garuier.
M. RtrTt informe la Société qu'un groupe de médecins aliénistes
belges, désireux d'élever une statue à la mémoire de Guislain vient
SOCIÉTÉS SAVANTES. 357
d'adresser une liste de souscription à la Société médico-psycholo-
gique.
M. LEGRANO DU S 1ULLE. lais les Belges n'ont pas souscrit pour
Pinel !
Après échange d'observations, on décide que la France donnera
un nouvel exemple de générosité et la Société souscrira; mais, sur
'la proposition de M. Foville, on enverra en même temps en Bel-
gique une liste de la souscription Pinel.
M. Magnan lit deux rapports sur les candidatures de MM. Briand
etCarlier qui sont élus, le premier, membre titulaire et le second
membre correspondant.
Discussion sur les mesures proposées pour la surveillance et la
protection des aliénés soignés en dehors des établissements spéciaux.
- M. FALRET. Dans le projet de réforme de la loi de 1838 présenté
au Sénat, plusieurs points capitaux ont été négligés et en particu-
lier il n'a pas été parlé de la question soulevée à l'Académie de
médecine au sujet de la surveillance des aliénés traités à domi-
cile.
M. FOVILLE. Le point spécial, auquel fait allusion M. Falret a été
traité par le rapport de M. Blanche à l'Académie; nous pouvons
cependant remettre à l'ordre du jour de notre prochaine séance
« la surveillance des aliénés à domicile ».
M. CHR1ST1.\N demande si le nouveau projet de loi donne à l'Etat
un droit sur les aliénés traités dans leur famille.
M. LuNiER. Non, l'Etat s'occupe seulement de ceux soignés
moyennant finances chez des personnes autres que les ayant
droits, mais la commission du Sénat a l'intention d'étendre jus-
que dans les familles la surveillance de l'Etat.
M. Falret. Je ne vois vraiment pas comment l'autorité compé-
tente pourra savoir si elle a affaire à un malade ordinaire ou à
un aliéné, quand elle se trouvera en face d'une famille qui refu-
sera de la renseigner ; que) médecin se chargera d'éclairer l'auto-
rité et de violer le secret professionnel ?
M. LuNiER. Tout a été prévu : si, après trois mois de soins, une
famille ne prévient' pas l'autorité qu'un de ses membres a été
frappé de folie, son silence la rendra passible des peines appli-
cables aux auteurs d'une séquestration arbitraire. M. B.
Séance du 21 février. Présidence de M. FOVILLE.
M. Voisin. Dans le rapport lu par M. Magnan sur la candidature
de M. Briand, il a é'é dit que III. Briand avait constaté la présence de
microbes dans le sang d'aliénés atteintsdedélire aigu.Jenecroispas
358 SOCIÉTÉS SAVANTES.
que nous devions accepter cette assertion sans réserves, car, pour
ma part, j'ai eu dans mon service une femme paralytique générale
dont le sang montrait à l'autopsie des bactéries; mais cette ma-
lade avait des escharres ; on pouvait admettre une communica-
tion des escharres avec la circulation veineuse et, par suite la pré-
sence de bactéries dans le sang de la malade. A une précédente
séance et à propos de la communication de M. Taguet, un membre'
a nié la coexistence de la tuberculose dans l'hystérie ; j'ai pour ma
part, observé deux hystériques mortes dans mon service et dont
l'autopsie m'a démontré qu'une femme pouvait être à la fois hys-
térique et tuberculeuse.
M. Ballet. Il n'est jamais venu à l'esprit de personne de nier
qu'une hystérique puisse devenir tuberculeuse, tout le monde, en
effet, sait le contraire; je suis le membre de la Société auquel
M. Voisin fait allusion et j'avais simplement demandé à M. Ta-
guet si les symptômes de tuberculose constatés à un moment donné
chez sa malade, n'avaient pas été plutôt des manifestations de
fausse tuberculose, telles qu'on en trouve quelquefois chez les hys-
tériques ; j'étais porté à penser ainsi parce que dans la suite de
l'histoire de la malade rien n'autorisait à supposer qu'elle fût tuber-
culeuse.
1\I. BOUCHRREAU. Les organismes observés et décrits par M. Briand,
ne sont pas ceux que l'on rencontre dans le pus, ils sont plutôt
comparables à ceux observés dans certaines maladies infectieuses
comme par exemple la fièvre typhoïde. Puisque M. Voisin voulait
aborder ce sujet, il aurait dû avertir M. Briand de ses intentions
pour que celui-ci assiste à la séance et puisse répondre à M. Voi-
sin.
M. Voisin, à propos de l'intéressante communication lue par
M. Charpentier à la précédente séance, rapporte l'observation de
quelques ouvriers employés dans une fabrique de caoutchouc
soufflé qui furent pris d'accidents comparables à ceux de l'alcoo-
lisme aigu; leur délire était causé par l'inhalation du sulfure de
carbone.
Des mesures proposées pour la surveillance et la protection des
aliénés soignés en dehors des établissements spéciaux (suite de la
discussion). M. Falret. Est-il possible de faire une législation
ayant pour but de s'introduire dans les familles pour y violer le
secret qu'elles cachent avec tant de précautions, et donner à leurs
aliénés des soins obligatoires qu'elles demandentà leur médecin
et non pas à l'Etal ? Si cette question de principes peut être en
théorie résolue par l'affirmative, il faut avouer qu'au point de vue
pratique, il est bien difficile et presqu'impossible d'obliger une
famille à venir déclarer la folie dont est atteinte un de ses mem-
bres. Cependant, s'il y a eu des abus de commis avec la loi de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 359
1838, c'est seulement dans les familles qu'on doit aller chercher
les séquestrations arbitraires. Les parents, en effet, se faisant
toujours la plus grande illusion sur l'état mental de leur malade,
ignorent souvent la folie dont certains sont frappés; d'autres, plus
éclairés, cherchent et chercheront toujours à cacher pareil malheur
quand ils en auront été accablés. Voilà donc déjà deux grandes
causes qui rendront difficile, sinon impossible, la constatation de
l'état mental de tout individu soigné chez lui. Pour les aliénés
interdits la chose est simple, ceux-là on les connaît, mais pour les
autres il n'en est pas de même. Je sais bien que certaines lois
étrangères obligent, toute personne soignant un aliéné, à en faire
la déclaration à l'autorité. Sera-t-il bon d'introduire en France la
même mesure et enfin jusqu'à quel membre de la famille s'éten-
dra l'obligation de faire cette déclaration ? 2
M. CHRIST19N demande quel est le but de cette discussion ; avons-
nous, dit-il, mission pour élucider semblable question ?
M. LuNiER. Une société étant maîtresse de son ordre du jour peut
discuter sur les points qui l'intéressent.
M. Voisin. J'ai été une fois appelé pour juger de l'opportunité de
la séquestration d'un aliéné traité à domicile; j'ai trouvé le ma-
lade si parfaitement installé et soigné avec tant de sollicitude, que
j'ai simplement conclu à la nécessité d'une surveillance médicale ;
mais il aurait pu en être autrement.
M. Legrand du SAULLÉ. Une foule d'individus aliénés sont traités
dans les maisons de campagne aux environs de Paris, j'en ai vu
beaucoup; certains reçoivent des soins bien dévoués, mais j'ai sou-
vent regretté pour plusieurs que les pouvoirs publics n'eussent pas
d'accès près d'eux. MARCEL BRIAND.
CONGRÈS ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ DES MÉDECINS ALIÉNISTES
ALLEMANDS 1.
Session DE BERLiN. Séance du 16 mai 1883.
Le bureau se compose de MM. LOE ! in, Nasse, Westhal, ZINN.
Secrétaires : MM. TUCZEK et SCIIROETER.
M. le conseiller intime Nasse souhaite la bienvenue à l'assemblée.
Le lieu et l'époque de cette réunion sont motivés, celte année, par
' Archives de Neurologie, t. VI, p. 135.
360 . SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'exposition d'hygiène et la simultanéité des délibérations de la
Société d'hygiène publique. Comme président, il se fait l'interprète
de ses collègues pour adresser des remerciements à la direction
de l'hôpital de la Charité qui non seulement leur a prêté le local,
mais l'a préalablement décoré, comme pour un jour de fête.
M. LOElIR salue le Congrès de la part de la Société psychiatrique
de Berlin; il communique l'invitation de la municipalité à visiter
le Rieselfeld d'Osdorf et, en son nom, il convoque ses confrères à
l'inspection de l'établissement de Schweizerhof.
La mort a ravi pendant l'année qui vient de s'écouler : le profes-
seur de Rinecker (de Wurzbourg), MM. de Gellhorn (d'Uecker-
munde), Heuser (d'Eichberg), Jacobi (de Bunzlau), KOstl (de Prague),
Weyert (d'Owinsk) ; regrets unanimes de la Société, qui se lève en
leur honneur.
Invitation du curatorium à visiter, le 18 courant, l'asile de Dall-
dorf. La ville met à la disposition des congressistes des cartes pour
visiter ses établissements.
L'ordre du jour appelle le rapport du bureau sur la mise à
exécution des conclusions votées par la Société dans sa dernière
séance. En ce qui concerne l'introduction de la psychiatrie au
nombre des matières qui constituent les épreuves de l'examen d'Etal ' . 1.
une pétition a été envoyée au ministre de l'intérieur. Elle met en
relief que la psychiatrie n'est pas, à proprement parler, une spé-
cialité, qu'une certaine connaissance de sa teneur est indispen-
sable aux éléments d'une instruction médicale générale, que,
depuis quatre ans, il s'est ouvert trois nouvelles cliniques de mé-
decine mentale (Heidelberg, 1879; Bonn, Leipzig, 1882), que les
écoles supérieures de Fribourg et Koenigsberg ont institué des
leçons de clinique psychiatrique. Seules, les universités de Giessen,
Kiel, Rostock manquent d'enseignement clinique de cet ordre, et
il est probable qu'une décision favorable du ministre exercerait
une saine impulsion dans ce sens. Pour que les étudiants utilisent t
régulièrement et suffisamment les moyens d'instruction, il impor-
terait aussi qu'avec cette obligation des examens, ils fussent
astreints à fréquenter pendant six mois une clinique médico-psy-
chologique. En ce qui a trait au placement des personnes aliénées
ou suspectes d'aliénation mentale qui, pour cause de crime ou délit,
sont inculpées, accusées ou condamnées 2, les motions adoptées dans
la dernière séance ont été prises en considération et transmises a
qui de droit, conformément aux décisions de l'assemblée. Le bu-
reau a également souscrit au désir exprimé par la Société. Il a
étudié la question de l'amélioration et de l'extension des soins pré-
t Archives de Neurologie, t. VI, p. 136.
' Archives de Neurologie, t. VI, p. 139.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 361
ventifs à l'égard des épileptiques'. En l'absence de M. Pelman, rap-
porteur, empêché pour affaires de service, M. Kind est prié de
vouloir bien fournir les développements élaborés en commun avec
lui. Comme les principes relatifs aux mesures de prévoyance hospi-
talière à prendre pour les épileptiques considérés à un point de vue
psychiatrique, tel est le titre du travail, se trouvent entre les mains
de l'assemblée, M. Kind se borne il commenter par quelques
remarques la rédaction employée. Il appuie la distinction établie
entre les jeunes épileptiques et les épileptiques adultes; la puberté
forme la ligne de séparation. Les dénominations précises adoptées
dans le corps du mémoire valent mieux que l'expression plus géné-
rale de jeunes épileptiques aliénés, parce qu'une grande partie du
public auquel ces principes sont surtout destinés, ne considère pas
encore l'idiotie comme de la folie. Les jeunes épileptiques désignés
dans le groupe 1 a. (affaiblissement intellectuel, idiotie, aliénation
mentale) ne peuvent être placés que : 1° dans des asiles spéciaux
à fonder dans ce but; 2° dans des asiles d'idiots dont il relèvent,
ainsi que l'indique l'état mental de la plupart d'entre eux; 3° dans
des quartiers séparés de colonies. L'expression de jeunes épilep-
tiques sans affaiblissement intellectuel, sans idiotie, sans aliéna-
tion mentale (Ib.) pourrait tout aussi bien se fondre dans celle de
jeunes épileptiques chez lesquels le développement psychique n'a
pas encore souffert. La scolarité qu'on leur ferait subir reposerait
sur le même plan que celle des enfants arriérés, telle qu'elle existe
dans plusieurs grandes villes ; il faudrait construire pour eux des
établissements d'instruction ou plutôt d'éducation soit autonomes,
soit réunis à des asiles ou à des colonies d'idiots, toutes les fois
que les malades pourraient être préservés du contact de leurs con-
génères désignés dans le § I. a. II. Il s'agit ici des épileptiques
adultes. L'expression d'épileptiques adultes non aliénés n'est pas
appropriée, parce que l'assistance continue qui leur e<t indispen-
sable et l'incapacité où ils sont de jouir des avantages de la per-
sonnalité civile, émanent la plupart du temps de causes psychiques.
Il va du reste de soi que la teneur des propositions précédentes
peut supporter, dans chaque cas particulier, des modifications et,
que ce qui est nécessaire aujourd'hui ne l'est plus ou doit être
changé demain.
Discussion :
M. WILDERMUTII (de Stetten) affirme que, dans son établissement,
depuis seize ans, les jeunes épileptiques dont les facultés n'ont pas
pas subi d'atteinte considérable sont complètement séparés des
idiots, mais. sans habiter avec ces derniers, ils sont instruits en
commun avec eux. Les résultats sont bons; on ne constate aucun
1 Archives de Neurologie, t. VI, p. 138.
362 SOCIÉTÉS SAVANTES.
inconvénient. Il n'y a qu'un grand asile qui puisse se permettre
d'individualiser les classes. Au surplus, là différence entre l'affai-
blissement psychique peu accentué et l'épilepsie de la jeunesse est
sans grande importance, on peut même considérer le nombre des
malades absolument indemnes, au point de vue mental, comme
infiniment petit. Aussi peut-on recevoir dans les asiles d'idiots sans
inconvénients, des épileptiques jeunes si l'on prend les dispositions
que nous venons d'énoncer. Cet errement permet, mieux que la
fondation de colonies spéciales, la réception d'épileptiques psychi-
quement sains, car il est plus facile de fonder des services particu-
liers ou d'agrandir des quartiers déjà existants, dans les asiles
d'idiots.
Le Président insiste pour que l'on maintienne le § I. b. qui vise
de préférence les jeunes épileptiques des grandes villes; ceux-ci
en effet se voient exclus des écoles habituelles.
M. TIGGES. Chez lui, tous les services contiennent des épilep-
tiques ; on les répartit d'après leur état mental.
Le Président propose de ne pas voter sur les conclusions de la
commission, mais de les utiliser, de s'en servir comme d'une
boussole tandis qu'on tendra, par d'autres efforts, à une solution
définitive. C'est ainsi qu'on a agi jadis à propos de la question des
idiots.
La question des buveurs1. Le bureau a recu la communication
suivante. La Société allemande contre l'abus des boissons alcoo-
liques a été fondée, le 29 mars 1883, à Casses. Des membres de la
Société des aliénistes allemands ayant pris une part active à sa
fondation, n'y aurait-il pas heu, tout en constatant l'initiative de
notre part (Hambourg, 1876), de remettre la solution de la ques-
tion entre les mains de la nouvelle Société qui s'occupe de l'ivro-
gnerie ? Adopté.
Le surmenage des élèves dans les établissements d'instruction supé-
rieure. Cette question date de 1881. Session de Francfort2. Le bu-
reau était chargé de collecter les documents et d'y joindre le fruit
de ses observations personnelles. En conséquence, les travailleurs
ont été stimules. Or, le cercle de la question s'est agrandi. Loin
de vouloir prétendre que la statistique aille démontrer l'existence
d'un surmenage (au contraire les matériaux parvenus à notre
connaissance la mettraient plutôt en doute), l'intérêt qui s'y
attache a pris des proportions considérables. Diverses provinces
(Alsace, liesse) ont déjà recueilli des éléments ou se sont orga-
nisées pour en collecter; d'autres, telles que la Prusse, à la suite
1 Archives de Neurologie, t. V, p. 389 et t. VI, p. 136.
Archives de Neurologie, t. V, i. 391.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 363 3
des nombreuses pétitions envoyées par des Sociétés locales ou géné-
rales, pèsent l'indication de faire appel à des commissions médi-
cales. En un mot le problème se pose partout. L'attente est, par
conséquent, rationnelle. Le bureau demande simplement à ceux
des membres du congrès qui, suivant le mot d'ordre de Francfort,
ont rassemblé des notes particulières, de bien vouloir les commu-
niquer, en se conformant aux conclusions de la session de cette
époque.
Discussion :
M. WESTPHAL. La délégation scientifique, chargée des intérêts
de la médecine en Prusse, a été invitée par M. le ministre à
rédiger un rapport sur cette question, notamment en tenant
compte du rapport de l'Alsace-Lorraine. La délégation a reçu du
ministre tous les matériaux qu'il avait, mais l'insuffisance en était
telle qu'il n'y avait pas grand'chose à en tirer. La délégation a
encore reçu les résultats des opérations de révision militaire, les
statistiques des établissements d'instruction supérieure et élémen-
taire ; ces documents sont parvenus depuis peu. La délégation
travaille avant de produire son rapport.
M. ZINN propose de voter des remerciments à l'adresse du Prési-
dent qui a consacré son initiative, son talent et son infatigable
persévérance, à la création de la Société contre l'abus des boissons
spiritueuses. Adopté.
Présentation des comptes. Restant en caisse : 131 marcs 72 pfen-
nigs. Le contrôle ne laisse percevoir aucune erreur.
M. Pmrz retire sa communication, le comité de l'Exposition d'hy-
giène refusant de se dessaisir du plan en relief de l'établissement
exposé par lui.
M. Westphal prend la parole sur la paralysie progressive de la
totalité des muscles de l'oeil chez les aliénés avec présentation de ma-
lades. Cette affection encore peu connue mérite d'être étudiée
dans ses rapports avec l'aliénation mentale ; elle est en relation
avec l'atteinte de la moelle. L'auteur en met sous les yeux de ses
confrères trois cas. La paralysie progressive des muscles oculaires
s'effectua lentement et aboutit à l'immobilité absolue ou presque
absolue des deux yeux, accompagnée d'une légère blépharoptose
et de fixité de la pupille. D'autres nerfs crâniens se trouvent égale-
ment pris, comme le démontre la paralysie des muscles de la
bouche, de la langue, du voile du palais, l'atrophie commençante
du nerf optique, l'insensibilité ressortissant à la sphère de distri-
bution de la cinquième paire. Troubles de la parole se rappro-
chant de ceux de la paralysie bulbaire sans en présenter tous les
caractères. En même temps quelques signes d'altérations spinales;
absence ou diminution du réflexe tendineux rotulien, parésie
des jambes entraînant l'incapacité de- se tenir debout et de mar-
36t SOCIÉTÉS SAVANTES.
cher. Les troubles intellectuels étaient constitués par de l'affaiblis-
sement des facultés, sur lequel se greffaient des conceptions hypo-
chondriaques. Chez un quatrième malade non aliéné, actuellement
à la clinique, on notait, avec la parésie de tous les muscles des
yeux, de l'atrophie des nerfs optiques (cécité d'un côté), de la pa-
résie des extrémités inférieures, l'absence de réflexe rotulien des
deux côtés. Un cinquième qui, vers la fin de sa vie seulement, était
en proie à des troubles psychiques, perdait l'usage complet de
tous les muscles de l'oeil, des extrémités inférieures et en partie
des extrémités supérieures (parésie) ; l'autopsie de ce dernier pa-
tient révélait la dégénérescence des cordons postérieurs et laté-
raux, l'atrophie des nerfs oculo-moteurs externes, oculo-moteurs
communs, pathétiques des deux côtés. Sur trente-deux faits de
paralysie de tous les muscles de l'oeil, dont six observés par
M. Westphal lui-même, six se sont accompagnés de folie, c'est-à-
dire 19 p. 100., c'est il peu près la proportion de l'absence du phé-
nomène du genou chez les paralysés généraux de la clinique du
professeur allemand (20 p. 100). Sur ces trente-deux cas, douze
offraient des symptômes spinaux marqués, quatorze décelaient des
symptômes du côté de la parole, de la déglutition, de l'innerva-
tion du facial. Sur les six faits avec aliénation mentale, quatre se
faisaient remarquer parla présence de ces derniers symptômes.
Sur les trente-deux cas, la participation morbide du nerf optique
(cécité ou amblyopie, atrophie) apparaissait dix fois. M. Westphal
ne croit pas, vu le petit nombre de faits actuels, qu'on soit en me-
sure de décider si Il utchinson a eu raison d'attribuer le syndrome
de la paralysie oculaire progressive (ophthalmoplégie externe de
cet auteur) à la syphilis. Le gland de l'un de ses patients était af-
fecté de deux cicatrices superficielles, mais il niait obstinément avoir
jamais été infecté. Conclusions. La paralysie progressive de tous
les muscles de l'oeil, qui peut également s'allier à l'impotence des
muscles touchés par la paralysie bulbaire, est en rapport d'une
part avec une affection spinale, d'autre part avec une psychose ca-
ractérisée par les termes de démence progressive. L'anatomie pa-
thologique permet de lui attribuer l'atrophie des nerfs oculaires
correspondants (deux cas de Gowers et Blizzard) et celle des noyaux
de ces nerfs; la lésion spinale est une dégénérescence des cordons
postérieurs et latéraux de lamoelle. Le lien anatomo-pathologique
entre les lésions spinales, les lésions cérébro-bulbaires, les lésions
psychogénétiques inconnues est encore à trouver. Mais il est loi-
sible de supposer qu'il existe une certaine disposition du système
nerveux central à s'affecter en plusieurs segments à la fois, sousla
forme de disparition progressive des éléments nerveux (cellules
ganglionnaires et fibres nerveuses).
[Depuis cette communication , l'examen microscopique des
pièces du cinquième malade et l'autopsie de trois des autres, dont
SOCIETES SAVANTES. 3(;j
celui de la clinique, sont venus appuyer les propositions précé-
dentes. Il existait bien encore de nombreuses cellules nerveuses,
mais la plupart d'entre elles étaient plus petites qu'à l'état nor-
mal, elles avaient perdu une partie de leurs prolongements. Les
altérations microscopiques ressortissant aux trois autres observa-
tions se résument en : atrophie des nerf moteurs de l'oeil et de
leurs muscles (hyperplasie conjonctive, dégénérescence graisseuse),
dégénérescence grise des cordons postérieurs, dégénérescence vi-
treuse cérébro-spinale et mésocéphalique.]
Discussion :
M. Meynert, apporte un fait de son crû : Un homme de trente
ans, observé par lui plusieurs fois à sa clinique en -1$70-71, mou-
rait un an plus tard des suites d'une carie du maxillaire supérieur.
Jadis, il avait été atteint de mélancolie : tentatives de suicide ba-
roques. Pendant la durée de la dernière période d'observation, ma-
nie légère. Tous les muscles des yeux sont presque complètement
paralysés ; le patient nepeut plus lever que la paupière supérieure :
saillie assez marquée des globes oculaires.
M. TuczEK (de Marbourg) : Contribution à l'anatomie pathologique
de la démence paralytique avec démonstrations. Une première
série de préparations concerne la disparition des fibres nerveuses
à myéline dans l'écorce du cerveau des déments paralytiques,
traitée par la méthode d'Exner(acide osmique, puis ammoniaque).
L'auteur a actuellement neuf cas de paralysie générale examinés
par ce procédé dans lesquels, que la maladie fût récente ou an-
cienne, les fibres nerveuses myéliniques avaient disparu plus ou
moins complètement dans certains districts corticaux. Leur dispa-
rition est toujours des plus frappantes dans la couche laplusexterne
où, à l'état normal, on rencontre un grand nombre de fibres plus
ou moins volumineuses, tangentes et parallèles à la surface (fibres
d'association int1'( ! -Co1'tieales) *. Le lobe frontal, et surtout la troi-
sième frontale, l'insula, le gyrus rectus et les circonvolutions qui
entourent la scissure de Sylvius (frontale et pariétale ascendantes,
première temporale) constituent les régions qui recèlent ce genre
d'altérations. Malheureusement, la méthode d'Exner ne permet pas
de conserver les pièces au delà de deux mois, ce qui nuit à la pos-
sibilité de comparer ces pièces pathologiques avec des pièces
normales. En tout cas, cette destruction a été constatée à des
stades précoces de la paralysie générale, avant même que la né-
vroglie ait présenté une augmentation absolue, avant que les cel-
lules-araignées se soient multipliées, alors que le traitement au
carmin ou par d'autres systèmes montrait, sur d'autres coupes de
régions identiques du même organe, l'intégrité des autres élé-
1 Voy. les Archives de Neurologie (Revues analytiques).
366 SOCIÉTÉS SAVANTES.
mentsde l'écorce et, en particulier, des cellules. Il est à regretter
que le procédé d'Exner détruise sur la même coupe les autres élé-
ment; ! corticaux ; celui de Weigert (traitement par une solution
alcoolique de potasse, coloration par la fuchsine acide) permet
bien l'examen des cellules, mais on ne saurait s'y fier complète-
ment. L'auteur tend à croire que la déchéance des fibres d'asso-
ciation est primitive, qu'on a attribué beaucoup trop d'importance
aux cellules ; il en appelle aux phénomènes cliniques qui, pour lui,
traduisent moins des lésions cellulaires que des tioubles dans la
conductibilité des réseaux intercellulaires. Le paralytique vrai,
dit-il, exécute des mouvements isolés, émet des syllabes, des mois
détachés, produit des conceptions élémentaires, mais il est inca-
pable de coordonner, de régulariser, de parfaire en arrêtant telle
manifestation ou en corrigeant telle autre, il lui est en un mot
impossible de faire acte de processus complexe ; les foyers physio-
logiques fonctionnent encore, mais isolément, sans qu'il existe
d'activité synergique. Du moins, M. Tuczek liasarde-t-il ces vues
sous toute réserve, puisqu'il ne peut placer encore sous les yeux
de l'assemblée les attaches des fibres nerveuses en question avec
les cellules envisagées. Ce n'est pas à dire non plus que le corps
du délit de la démence paralytique soit trouvé définitivement, que
la disparition des fibres myélli1jques de l'écorce constitue la lésion
pathognomonique exclusive de celte maladie; ses relations avec le
syndrome : démence progressive méritentsimplement d'être prises
en considération.
Une seconde série de préparations met en lumière la dispari-
tion des fibres myéliniques, dans la démence paralytique, sur la
lisière de la substance blanche. Les mêmes régions sont le terrain
de ces altérations. L'écorce est alors nettement séparée de la subs-
tance blanche par une zone de dégénérescence qui coiffe cette
dernière, zone transparente ne se colorant pas par l'acide chromi-
que. On n'y trouve, sur les coupes transverses, que peu de fibres;
son tissu est composé de névroglie épaissieavec nombreuses cellules-
araignées de grandes dimensions. Maintes places paraissent coni-
ques ; ici globules granuleux et disparition absolue des libres myéli-
niques. La couche la plus externe de l'écorce contient une grande
quantité de cellules-araignées ; la substance blanche présente les
mêmes caractères ; en un mot le cerveau est atteint d'encéphalite
interstitielle : cellules nerveuses partout normales. Le malade visé
dans l'espèce, était en même temps atteint de sclérose et d'atrophie
des cordons postérieurs excessivement accusées. Laissant de côté
les rapports qui existent entre les myélites et les encéphalites in-
terstitielles, M. Tuczek insiste sur ce point que des fibres nerveuses
avaient été détruites en grand nombre et que, parmi elles, celles
qui vont d'une circonvolution à l'autre, les fibres d'association de
Meynert, avaient disparu. Les altérations concomitantes sont bien
SOCIÉTÉS SAVANTES. 367 Î
connues. Les seules observations qui se rapprochent de celle-ci
émanent de Baillarger (Annales médico-psychologiques, 1835 et
1882. Archives cliniques, 1861) ; mais il s'agit d'un simple examen
macroscopique.
Sur la proposition du président, la discussion que soulève ce mé-
moire est remise à la séance du lendemain, afin de laisser le temps
aux micrographes de prendre connaissance des pièces. Mais il
n'existe, pour l'analyse du compte rendu, aucuneraison de séparer
les idées des divers argumentateurs du travail de Tuczek. Nous
grouperons même leurs réflexions suivant un ordre basé sur l'ana-
logie qui permette de mieux retenir les considérations présentées
par les chefs d'école.
M. MENDEL (de Berlin) rend hommage aux belles préparations
de M. Tuczek qui témoignent de progrès sensibles dans l'anatomie
pathologique, mais elles prouvent, selon lui, uniquement que la
disparition des fibres nerveuses à myéline s'observe dans l'encépha-
lile corticale diffuse en général. En admettant même que cette
constalation regarde la paralysie générale seule, voudrait-elle dire
que l'atrophie des fibres fût primitive et que l'encéphalite serait
secondaire ? Les propres observations de Tuczek prouveraient le
contraire de celte manière de voir, puisqu'il a toujours trouvé le-
cellules nerveuses normales. M. Mendel espère d'ailleurs montrer
prochainement à M. Tuczek, les lésions indubitables des cellules
nerveuses de cerveaux de paralytiques. Il l'engage, en attendant,
à user de la plus grande réserve en matière d'appréciations psycho-
logiques.
Cette réserve, répond M. TUCZEK, a été ma ligne de conduite,
dans l'espèce, puisque j'ai dit que l'union anatomique des fibres
tangentes à la surface avec les cellules nerveuses ganglionnaires
était encore à montrer, que la disparition de ces fibres ne saurait
jusqu'ici être tenue pour la lésion pathognomonique de la dé-
mence paralytique. Quant à l'encéphalite, elle manque dans les
cas récents de paralysie générale, tandis qu'elle existe de concert
avec les opalinilés, les épaississements, les adhérences méningées,
soi-disant caractéristiques de la démence paralytique, dans les
autres formes de la démence, dans les affections mentales séniles,
dans les démences terminales. Pourquoi les cellules ganglionnaires
demeurent elles intactes ? On nesait. On manque également jus-
qu'ici de notions vraies relatives à la nature des cellules, à leurs
conditions de nutrition, à la conductibilité centrifuge ou centri-
pète des fibres d'association. Mais est-il défendu de rattacher les
manifestations pathologiques élémentaires à l'état anatomique dé-
couvert par lui Est-il absurde de comprendre la vie psychique,
comme un édifice dont l'ensemble se compose d'une somme énorme
de morceaux (conceptions isolées) en connexion les uns avec les
368 SOCIÉTÉS SAVANTES.
autres; tout le monde professe qu'il existe dos voies par lesquelles
un nombre quelconque d'idées élémentaires se réunissent pour
former une idée plus élevée : aussi peut-on se croire autorisé à
chercher à ce processus physiologique une base anatomique.
M. Westphal nie, lui aussi, que l'encéphalite interstitielle soit
caractéristique de la paralysie générale. Elle peut faire défaut si
complètement, qu'on ne constate aucune altération pathologique
des cellules nerveuses. C'est évidemment aux préparations histologi-
ques qu'il appartient de trancher le différend. Mais les assertions
de Mendel sont exagérées ; ni les pièces présentées par lui à la
Société de médecine, ni ses publications, ne prouvent ce qu'il
avance. Des investigations multiples, méthodiquement et abondam-
ment dirigées sur toute la surface du cerveau, en des circonscrip-
tions comparables, symétriques, sont seules en mesure de résoudre
le problème. Or, les opinions avancées par les auteurs touchant la
structure du tissu conjonctif des centres nerveux, et les théories sur
l'inflammation de ce système, dans l'axe cérébro-spinal, ont suc-
cessivement enfanté un genre différent d'anatomie microscopique
de la paralysie générale (exsudat visqueux de Rokitansky;- hyper-
génese parles noyaux de Magnan hyperplasie et hypertrophie
des cellules-araignées de Boll).
M. MENDEL maintient son opinion. L'encéphalite interstitielle est
la lésion de la paralysie générale, ce qui ne veut pas dire que
d'autres processus anatomo-pathologiques ne puissent se traduire
par le tableau clinique de la paralysie générale, mais le rapport
est exact. Il en appelle à Magnan, Mierzejewski. Lubimoff. Il a
épuisé la série des coupes recommandées par Westphal, il a mul-
tiplié ses recherches et ses points de comparaison. Les préparations
produites à la Société de médecine avaient pour but d'élucider un
étal anatomo-pathologique d'une autre ordre.
M. Binswanger a agité la même question. Depuis bien des
années, il a examiné tous les cerveaux de paralysés généraux. Dans
la paralysie générale récente, il a toujours trouvé des foyers cir-
conscrits de petites cellules ; ces foyers ne font jamais défaut, sur-
tout à labase et ils se rencontrent aussi dans lelobule paracentral,
dans le lobe occipital, parfois même en plein milieu des tissus. On
a sous les yeux une figure semblable à celle qui caractérise les
foyers leucémiques et dothiénentériques du foie (dépôts miliaires).
Quant aux cellules-araignées, leur abondance devient caractéris-
tique, mais ces processus interstitiels peuvent exister dans les
psychoses séniles, dans la démence terminale. Toutes les méthodes
de coloration de noyaux excellent pour faire ressortir les petites
cellules; l'orateur a vu chez Flechsig de ces foyers, qu'il regarde
comme propres à la paralysie générale.
M. llITZIG (de Halle) ne partage pas ce sentiment, en ce qui con-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 369
cerne ces altérations qu'il a étudiées chez Flechsig. Elles n'ont pas
une telle physionomie qu'entre diverses préparations l'on puisse
dire; cette pièce provient d'une paralysie générale, celte autre
n'en provient pas. La seconde série des coupes de Tuczek, pro-
voque de sa part cette interrogation. Est-ce un ramollissement de
l'écorce ? Il n'en a vu d'exemples que chez des chiens, à la suite
d'extirpations du lobe frontal. La substance grise de toutes les
circonvolutions se détache avec la pie-mère, la substance blanche
crénelée demeurant sur l'organe. La réponse de M. Tuczek est né-
gative.
M. WESTPHAL. souscrit jusqu'à un certain point à la relation
établie par M. Binswanger entre les groupes de petites cellules et
les manifestations cliniques de la paralysie générale. Mais l'origine
de ces désordres doit être cherchée dans des troubles circulatoires
insignifiants. Comme le dit M. Binswanger, ils se produisent en
beaucoup d'autres circonstances, par exemple dans la leucémie et
la tuberculose.
M. Binswanger fait remarquer que son jugement repose non sur
les faits de Flechsig, mais sur ses propres examens. Il est, par lui
seul, arrivé à dégager la nature interstitielle du processus. Au reste,
pour la paralysie générale, de même que pour le mal de Bright, il
est extrêmement probable que plusieurs lésions anatomiques des
plus variées entrent en jeu pour produire, par une action con-
currente, les tableaux morbides et les états cadavériques poly-
morphes de la même maladie.
M. ARNDT (de Greisswald). S'il est vrai que dans la plupart des
cas de paralysie générale, on constate un processus inflammatoire
interstitiel, d'autres témoignent de lésions parenchymateuses vé-
ritables, exclusives (dégénérescence atrophique des cellules et des
fibres nerveuses). Il a notamment observé ces altérations chez des
femmes. Dans un fait, elles dérivaient des vaisseaux calcifiés sur
une étendue plus ou moins considérable. Le parenchyme nerveux
au voisinage des canaux avait subi la transformation amyloïde.
Il est aussi des exemples de ce genre dans lesquels des néoplasmes
angiopathiques (anévrysmes) avaient probablement été le point de
départ de la paralysie générale. L'inflammation doit être écartée
dans toutes les observations; ce sont des altérations d'un genre
particulier, qui ont déterminé l'atrophie de la substance nerveuse.
11 ne manque pas non plus de pièces où la substance nerveuse a
été atrophiée primitivement, d'emblée. Si à l'atrophie s'ajoute l'm-
flammation interstitielle, c'est tardivement ; sa découverte post
mortem ne prouve par conséquent rien en faveur de la théorie
inflammatoire de Ja paralysie générale. Sans doute la paralysie
progressive peut avoir une genèse multiple, mais ce ne peut être,
eu dernier ressort, que l'atrophie du parenchyme cérébral, qui
Archives, t. VU. 12 -i.
370 SOCIÉTÉS savantes.
engendre son complexus symptomatique, quelle que soit la patho-
génie de ce dernier.
M. SMIDT (de Berlin). La méthode de Weigert fournit d'excel-
lentes préparations des fibres tangentielles. En enlevant à un para-
lysé général son lobule paracentral deux heures après la mort, on
observe une excessive abondance de ces fibres dans la couche
externe. On en voit au contraire très peu dans la même région du
cerveau d'une manie puerpérale, douze heures après la mort. Le
temps qui s'est écoulé entre la mort et l'autopsie, et le séjour plus
ou moins prolongé de l'organe dans le liquide durcissant, exercent
une grande influence sur les résultats. Les meilleurs «ont obtenus
à l'aide d'une nécropsie précoce (deux ueures après la mort) et
l'immersion du cerveau pendant six à huit semaines dans la liqueur
de Mûller. On comparera naturellement des régions symétriques.
L'hypostase ou l'oedème pie-mérien cadavérique détruisent peut-
être rapidement les libres d'association.
M. TuczEK. C'est précisément de deux à dix heures après la fin
des malades qu'il a examiné les pièces préparées par la méthode
d'Exner. C'est précisément à une technique invariable qu'il les à
soumises, c'est encore à la comparaison de régions identiques
qu'il a eu recours, tant pour les cerveaux supposés malades, que
pour les cerveaux supposés normaux ou normaux réellement. Il
est fâcheux que les préparations ainsi exécutées se détruisent vite.
Il a jusqu'à présent, trouvé le lobule paracentral intact.
M. SMIDT insiste encore sur la fragilité des fibres qui explique
les différences énormes de coloration imputables aux moindres
conditions cadavériques, voire à la position du corps.
M. Meynert (de Vienne). On a peu constaté d'altérations des
cellules nerveuses dans la substance grise. Tout ce qui regarde la
décomposition , la fonte du protoplasma peut être attribué à
l'oedème qui se forme pendant l'agonie. Posséder une petite
quantité de connaissances certaines, vaut mieux que de savoir
beaucoup de faits vagues. La poliomyélite antérieure nous servira
de terme de comparaison. Elle présente deux stades. Dans le
premier, les cellules des cornes de la moelle sont milles. Dans le
second, elles sont plus dures, plus épaisses, moins transparentes.
Pendant le premier stade, le noyau, manifestement plus dur, tombe
par son propre poids dans la masse du protoplasma; il va s'attacher
à la paroi de l'élément anatomique dont il gagne toujours le même
bord. De même, dans la paralysie générale, certaines cellules gan-
glionnaires ont un protoplasma plus mou, tuméfié, dont le noyau
va adhérer à la paroi ; d'autres, au contraire, présentent les mêmes
caractères scléreux que ceux de la poliomyélite. Tandis que les
cellules normales de la moelle se colorent complètement, les cel-
lules malades ne se colorent qu'à moitié. Enfin, au lieu de paralysie
SOCIETES SAVANTES. 37 1
générale, il faut dire paralysie progressive, et savoirque le cerveau
du paralytique aura dans certains cas, son écorce indemne ; quand
l'écorce diminue de volume, s'atrophie, on doit penser a une
atrophie fondamentale des éléments corticaux. Tuczek a raison. La
paralysie générale résulte, au fond, d'une anomalie dans l'associa-
tion des idées. Mais c'est une grosse faute que de placer l'élément
de nos pensées, de l'image commémorative dans le concours pur
desphérules ganglionnaires. La moelle a aussi un rôle (irradiation
à travers la substance grise). Les associations existent pour les
plus simples idées. Chaque perception sollicite des sensations as-
sociées, sensations musculaires, sensations émanées de l'innervation
des muscles de l'oeil, etc.. De même, chaque image commémora-
tive simple, est un complexus d'associations (rôle de la substance
blanche du cerveau); mais sa différenciation d'avec les autres
impressions réside dans la teneur des sensations accessoires qui
sont dans l'espèce éveillées; cette teneur est elle-même le résultat
de rapports qui se sont effectués dans l'esprit au moment où l'objet
a, pour la première fois, pénétré dans la connaissance. Quant
aux troubles moteurs de la démence paralytique, les uns dérivent
de l'ataxie d'origine cérébrale. Les mouvements étant éduqués par
de nombreuses associations, il suffit queles organes coordinateurs
soient lésés, pour que l'ataxie paraisse. Les autres sont des pa-
ralysies; les altérations de la substance grise en sont responsables.
Ces modifications faites, l'auteur se rallie à .\1. Tuczek.
M. Binswanger. Contribution au traitement des névroses qui résul-
tent de l'épuisement de l'économie. Il s'agit d'une partie de ces
états pathologiques compris sous les noms de maladies nerveuses
fonctionnelles, névrosisme, neurasthénie. La dénomination de né-
vroses par épuisement stéréotype le caractère principal de l'affec-
tion, en expliquant l'mertie du cerveau et en particulier des couches
corlicales. L'observateur attentif arrivera toujours, au moins à la
période d'acmé de ces états pathologiques, qui se traduisent par
des symptômes spinaux et périphériques, à déterminer les mani-
festations psychiques sous leur dépendance. Or, c'est précisément
dans le complexus mental que l'on trouve des points de repère nets
capables de servir de base à une thérapeutique rationnelle d'une
efficacité durable. Cette thérapeutique relève du psychiatre, parce
qu'il est consulté en dernière ligne, au moment où, en désespoir de
cause, après avoir essayé en pure perte l'hydrothérapie, l'électrothé-
rapie, la métallotbérapie, toute espèce de médicaments, on est
effrayépar les symptômes psychiques surajoutés aux troubles sensi-
tifs, moteurs, etvaso-moteurs. A ce moment, le malade a lui-même,
conscience desoninaptitudeau travail intellectuel, de l'impuissance
de sa volonté, dont les efforts suscitent de la céphalalgie, la sensa-
tion de pression encéphalique, de vide intra-crânien, la production
de bruits de sonnerie et de tintements, de vertiges, d'anéantisse-
372 SOCIETES SAVANTES.
ment moral; les impressions ordinaires sont modifiées, effacées,
annihilées. 11 se montre un certain degré d'hyperexcitabillté spon-
tanée pouvant aller jusqu'à l'angoisse. Souvent des conceptions
irrésistibles viennent obséder le patient. Un stade plus avancé
est constitué par l'inconscience à l'égard des manifestations mor-
bides, et la présence de troubles psychiques vrais. L'épuisement
fonctionnel de l'activité du travail psychique est le facteur premier
des symptômes ; c'est donc sur les couches corticales des hémis-
phères, toute théorie physiologique mise de côté, qu'il faut agir,
sans solliciter la réaction volontaire des sujets, sans exiger de ces
derniers des efforts toujours douloureux. Deux classes de malades
se présentent à vous. Les uns, à la suite d'affections organiques de
longue durée (génitales, maremmatiques, etc.), ou d'accidenls aigus
(accouchements difficiles ou compliqués, dysenterie, etc.), ayant
entrainé une adynamie prompte, ont perdu leurs forces. Les autres
semblent florissants de santé etsouffreut simplement d'une pertur-
bation locale de la nutrition. Aux premiers, s'adresse particuliè-
rement un traitement général, puisque l'influence de la nutrition
des éléments anatomiques de l'écorce dérive manifestement de la
oystrophie générale. Aux seconds, devrait s'appliquer la galvanisa-
tion céphalique, puisque la dystrophie paraît localisée, mais, en
réalité, le cerveau échappe à toute méthode de traitement direct
immédiat. En conséquence, la régularisation ou le relèvement
de la nutrition générale est le seul objectif à viser pour tous les
cas. On l'atteint par la méthode de Mitchell (Amérique) et Playfair
(Angleterre). Voici le plan conçu par M. Binswanger qui, entre ses
mains, a donné les meilleurs résultats :
1° Comme Playfair, il discipline les malades en les tirant de
leur milieu, pour les séquestrer dans des asiles publics et privés. Un
gardien spécial, surveillant un régime déterminé, est de rigueur;
2 Alimentation. M. Binswanger ne croit pas nécessaire de com-
mencer toujours par la diète lactée, à moins d'émaciation extrême.
Mais il faut procéder à une espèce de gavage. Un menu journalier
très chargé déterminerait du dégoût et des troubles digestifs si l'on
n'alternait les repas entre lesquels on répartit habilement chacun
des éléments, tout en variant la nature et la préparation des mets.
Le type suivant de régime alimentaire est à méditer.
A 6 h. du matin. Demi-litre de lait avec un pain à café.
8 Grande tasse de cacao (au lait).
10 Petit pain blanc beurré avec jambon cru; viande
crue, ou rôti froid hachés menu; une tasse de
bouillon avec un oeuf.
Midi Déjeuner se composant d'une assiette de soupe
(bouillie d'avoine,deriz,d'orge,etc ); rôti chaud,
légumes frais, fruits, pâtisserie; un verre devin
rouge ou demi-litre de bière de Bavière.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 373
A 3 h. du soir. Une tasse de lait avec un petit pain blanc beurré.
5 Café au lart.
7 Diner : soupe aux légumes, rôti ou fromage, ou
préparation d'oeufs, un pain blanc beurré, demi-
' litre de bière de Bavière.
Telle est l'ébauche modifiable selon l'époque de l'année, selon les
individus, pourvu qu'on ne transgresse pas la règle d'augmenter
graduellement l'ingestion alimentaire et d'exiger qu'on fasse man-
ger l'individu toutes les deux heures Des carnets, tenus par le
gardien, dont le double sera remis à la cuisinière ou au maître
d'hôtel, assureront la progression quantitative graduelle. L'autorité
el les exhortations du médecin vaincront les résistances de la pre-
mière semaine. Le surmenage stomacal semontre-t-il, on compense
l'obligation de tempérer les doses par la prescription de graisses
et notamment d'huile de foie de morue. La constipation impose
l'administration de légers laxatifs. L'assuétude a lieu au bout de six
à huil jours. Il est au surplus incontestable que la digestion ne peut
s'effectuer que par la simultanéité des autres moyens généraux
subséquents;
3° Massage. Très difficile à bien pratiquer, peu acclimaté en
Allemagne, il doit être pratiqué par un manoeuvre habile qui
l'exécutera sur le corps entier, à la manière des Français;
4° Hydrothérapie et électrisation (faradisation générale).
Lasomme des excitations cutanées produite par ces modificateurs
hygiéniques sollicite la circulation générale, le Lravnil musula're,
et,par suite, tout en dégageant les centresnerveux (action dérivative),
assure à la fois les échanges moléculaires de la périphérie, a la
fois la nutrition des organes du corps entier.
La manière de vivre est réglementée comme il suit : les première
et seconde collations se prennent au lit. Entre neuf et onze heures
du matin, massage : durée minima,une heure; moyenne, une heur.;
et demie. Puis, sommeil d'une heure, à l'abri de toute excitation
extérieure, dans le calme le plus complet. Avant le déjeuner, lever
et promenade au grand air. quand il fait beau. Sieste de deux 11
quatre heures. Promenade entre quatre et cinq heures. Entre cinq
et sept heures, bain prolongé tous lés deux jours : la température
de l'eau marquera + 27 degrés au début, on l'abaissera graduelle-
ment à + 23 degrés). Frictions consécutives ou enveloppement
hydropathique avec friction. On complète par des séances d'hydro-
thérapie et de faradisation générale, lorsque l'amélioration n'est
pas suffisante. Coucher vers sept heures. Cet ordre du jour est de
rigueur pendant les premières semaines. A l'époque de la conva-
lescence, on abrège peu à peu les périodes de séjour au lit, et l'on
permet quelque travail intellectuel (petites lectures, conversations).
Le traitement psychique proprement dit, c'est de tranquilliser l'es-
371 / SOCIÉTÉS SAVAM'ES.
prit, de détruire les inquiétudes relatives aux effets des procédés
mis en oeuvre, aux symptômes ressentis, d'éviter toutes les impres-
sions sensorielles d'origine externe, tous les efforts de conception
ou de volition. Un des premiers signes de la réussite de la cure,
c'est un ennui profond, insurmontable qui, insensiblement se change
en un calme moral, agréable, dépourvu d'excitabilité. Les neuf
observations recueillies par l'auteur ne l'autorisent pas à se pro-
noncer définitivement sur la valeur décisive et constante de lamé-
thode. Qu'on l'essaie sur une plus grande échelle, on en obtiendra
toujours la réparation des forces et le relèvement de la nutrition.
Dans certains cas, le résultat dépasse toute attente. Ainsi en fut-il
pour une dame épuisée par des accouchements répétés et cachecti-
que (malaria), qui, en cinq semaine-», regagna 18 livres, supporta
de grandes promenades, reconquit le calme et la plénitude de ses
facultés, recouvra le sommeil (nuits complètes de huit à dix heures
à la file). La guérison s'est maintenue.
Discussion :
M. JANsEN (de Kiel) préconise le massage de la tête. Avis contraire
de M. Binswanger.
M. MENDEL distingue les cas où le massage est bon de ceux où il
augmente le nervosisme. Avis concordant de M. Binswanger.
Le Président n'a pas d'expérience sur ce sujet, mais il a eu l'oc-
casion à Amsterdam, de voir des faits dans lesquels les résultats du
massage avaient été désastreux. Il ne saurait le conseiller qu'en
la présence du médecin. - 1,"est pourquoi, réplique M. Binswanger,
il faut le pratiquer dans des établissements spéciaux.
Nomination de trois uouveaux membres du Bureau ; MM. Westphal
et Nasse sont réélus par acclamation. Election de M. von Gudden.
Clôture à une heure. Visiteen commun del'Exposition d'Hygiène.
Séance du 17 mai 1883.
Un télégramme de M. de Gudden annonce qu'il accepte le choix
du Congrès.
M. L.OEHR fait quelques communications relatives à la visite des
établissements de Dalldorf et Schweizerhoff.
Ici se place la discussion concernant les présentations de pièces
de M. Tuczek. Nous l'avons analysée à la suite de la communication
de cet auteur (séance du 16 mai).
AI. Meynert. Sur les irradiations de la capsule externe dans
l'article externe du noyau lenticulaire. De très nombreuses pré-
paralio : l que l'auteur place sous les yeux de l'assemblée lui pe-
mettent d'affirmer que la capsule externe passe directement dans
SOCIETES SAVANTES. 375
tout le noyau lenticulaire. 11 est vrai que les trousseaux de fibres
sont fins. Ils suivent une direction (elle que les coupes antérieures
de Wernicke et Meynert ne pouvaient les mettre en lumière. Il faut
d'ailleurs jouer de bonheur pour rencontrer des surfaces découpes
qui révèlent la continuité cherchée, parce que les fibres en ques-
tion présentent mille zig-zags dans leur trajet. Deux coupes sont
soumises à l'examen des membres du Congrès; l'une d'elles pro-
vient du chevreuil, l'autre de l'homme. Les sections transverses des
faisceaux sonttrès obscures, le^ sections longitudinales sont claires;
les fibres obliques offrent une nuance intermédiaire. On y voit des
faisceaux clairs s'infléchir dans la substance blanche de la capsule
externe et pénétrer dans l'article externe du noyau lenticulaire.
Quant à l'importance du noyau lenticulaire, M. Meynert tend à
croire qu'il commande plus à l'extrémité supérieure qu'à l'extré-
mité inférieure. Lagrosseurrespective des deux noyaux, lenticulaire
et caudé, ne suit du reste aucune loi dans l'échelle des êtres; c'est
ainsi que, chez les animaux qui utilisent surtout les extrémités su-
périeures pour la marche, le noyau lenticulaire est presque nul
par rapport au noyau caudé, tandis que les animaux qui se servent
des membres supérieurs pour d'autres fonctions (chauves-souris)
ont un noyau lenticulaire aussi volumineux que le noyau caudé.
Chez le singe et l'homme, le développement du noyau lenticulaire
pré lomine. Les destructions du noyau lenticulaire sont très fréquem-
ment liées à l'aphasie. M, Meynert pense que les hémiplégies consé-
cutives à la destruction du noyau len tll'U lai l'e sont caraclérisées pal'
une paralysie plus marquée du membre supérieur que du membre
inférieur; la paralysie du membre inférieur serait, dans l'espèce,
plutôt secondaire, et résulterait d'oedèmes et de troubles de la nu-
trition dans le pourtour du noyau lenticulaire.
M. Mendel. Contribution (t.4.(t<6m de l'encéphale avec prépara-
tions à l'appui. Il s'agit de préparations du Ruban de Reil chez
l'homme, le chien, le singe. Coupes horizontales, verticales et trans-
versales (frontales), antéro-postérieures (sagittales). Le feuillet su-
périeur viendrait de la substance grise du plancher du troisième
ventricule et, suivant de grandes probabilités, en même temps du
noyau lenticulaire; après avoir reçu les fibres issues du tubercule
quadrijumeau antérieur, il se rendrait vers la protubérance. Le
feuillet inférieur, originaire du tubercule quadrijumeau postérieur, l',
recevrait des fibres émanées de la racine descendante du trijumeau
et celles qui, rayonnant transversalement, proviennent de la ré-
gion du noyau de l'oculomoteur commun. Un noyau gris spécial
comprenant de grosses cellules nerveuses occupe le foyer de ces
irradiations. Les deux feuillets du ruban de lieil se termineraient
mi-partie dans la formation réticulée de l'étage supérieur des pé-
doncules cérébraux (champ moteur), mi-partie dans l'olive infé-
rieure. Cette texture explique l'atrophie secondaire de l'olive du cas
376 ô SOCIÉTÉS SAVANTES.
de Meyer. Mais elle ne donne pas la clef de l'importance physiolo-
gique du ruban de Reil; seuls les faits de dégénérescence secon-
daire (ascendante et descendante) montrent qu'il contient réunies
des fibres motrices et des fibres sensitives.
Discussion : - -
M. HrrziG disserte sur la dégénérescence parfaite de l'olive et de
la couche intermédiaire de cet organe, consécutive aux foyers qui
occupent le lieu d'émergence de l'oculo-moteur commun.
M. RoLLER (de Kaiserswerth) renvoie 1 son travail sur le ruban
de Reil '. Le paragraphe intitulé : foyer du ruban de Reil latéral,
montre que ce dernier est en connexion avec la substance grise :
ses réserves sur les rapports anatomiques avec les fibres out leur
cause dans la petitesse extrême des cellules qui ne permet pas de
suivre les conducteurs nerveux.
M. MENDEL voit dans le foyer du ruban de Reil de Ruller le
noyau de substance grise décrit par lui ; les cellules n'en sont pas
aussi petites que le pense Roller. Une partie des investigateurs nie
le rapport avec les olives.
Présentation de préparations sèches d'encéphales par Mendel. La
pie-mère enlevée, un plonge l'organe dans une solution de chlo-
rure d'étain (titre 10 à 15 p. 100) additionné d'un peu d'acide
chlorhydrique, jusqu'à durcissement. On le retire au bout de trois
à quatre semaines, on lave deux ou trois fois, tous les deux ou trois
jours ; on traite par la glycérine et l'on sèche à l'air.
MM. 111moa (de Moscou) et Riciiter (de Ualldorf) préconisent à
cette occasion, l'un, la méthode de Giacomini, l'autre, son procédé
au vinaigre de bois 2. La première utilise le chlorure de zinc et
l'alcool ; elle a l'avantage de permettre l'étude micrographique :
les cellules, assez claires et tuméfiées, se colorent très bien avec les
couleurs d'aniline.
M. ! \IOELI. Etals ophthalmoscopiqups chez les aliénés. M. Urneorr a
été dans l'espèce son collaborateur. Un grand nombre de malades
(toutes filles) ont été examinées pendant plusieurs mois consécutifs
(sept mois au plus). Sur soixante-six cas de manie, lypémanie, folie
systématique, y compris des désordres aigus avec hallucinations,
on a trouvé cinq fois des 'anomalies du fond de l'oeil Dans trois
de ces cas, il y avait en même temps des affections fébriles (péri-
cardites, phthisies). La quatrième malade présentait de l'incohé-
rence maniaque grave; l'existence d'une papille étranglée, de
concert avec des vomissements, fit supposer une lésion anatomique
vos. les Archives de Neurologie, t. VI, p. 94.
'Archives de Neurologie, t. IV, p. 249 et 250.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 377
grossière comme cause de la psychose. Un seul fait. caractérisé
par une hypérémie modérée du fond de l'oeil, ressortissait à la
folie systématique chronique. Les psychoses simples n'avaient en-
gendré aucun trouble intra-oculaire. Trente-cinq cas d'affaiblis-
sement intellectuel n'en décélaient pas non plus, abstraction faite
de la démence sénile qui, comme on sait, s'accompagne souvent
d'un état trouble de la rétine. Sur trente épileptiques, quatre fonds
de l'oeil pathologiques, depuis la névrite légère, jusqu'à la papille
étranglée ; mais alors des vomissements, de l'hémiparésie, des
convulsions hémilatérales s'opposaient à ce qu'on rattachât les
anomalies oculaires à d'autres causes qu'à une altération gros-
sière de l'encéphale, l'épilepsie étant elle-même symptomatique de
cette dernière. Sur cinquante-quatre alcooliques, quatre présen-
taient un état trouble de la rétine, quinze de la décoloration des
moitiés temporales des papilles. Sur cent paralysées générales,
dix-sept offraient un fond de l'oeil trouble qui prouvait une modi-
fication morbide de la constitution de la rétine, car il n'existait ni
anomalies de construction de l'organe, ni pigmentation anor-
male ; les pupilles conservaient leurs diamètres physiologiques, les
mdlades n'étaient pas âgés ; en outre, chez plusieurs d'entre elles,
les limites de la papille étaient effacées, mais sans tuméfaction
considérable ni lésion vasculaire. Ces constatations correspon-
daient, soit au début de la maladie, soit à un stade avancé, tandis
que souvent elles manquaient complètement, même à la phase
terminale de la méningo-périencéphalite. L'autopsie n'en révélait
point l'origine anatomo-pathotogique. Somme toute, l'état trouble
de la rétine se voit de beaucoup plus fréquemment dans la para-
lysie générale que dans toute autre psychose. Sa fréquence est
le double de celle que l'on note dans l'alcoolisme, qui vient im-
médiatement après elle sous ce rapport. Très peu de patientes
montraient une rougeur nette concomitante; elle diminua du
reste chez elles pendant le temps de l'observation. Chez 12 p. 100
des paralysées générales, atrophie blanche ; chez deux d'entre elles
il n'y avait qu'une légère pâleur de la papille. Cette atrophie est-
elle la phase ultérieure d'un processus parencfnmateux ? Un ne
put arrivera le déterminer. Dans vingt types d'affections cérébrales
non paralytiques, l'examen du fond de l'oeil décela des altérations
de diverses catégories indubitables. Le phénomène du genou re-
cherché chez cent paralysées générales, manquait vingt fois. Or. sur
les douze patientes atteintes d'atrophie papillaire, six ne tradui-
saient plus le réflexe rotulien, tandis que. chez celles qui se trou-
vaient indemnes de toute affection intra-oculaire, la proportion,
dans l'absence de ce réflexe tendineux, n'était que de lo p. 100.
L'auteur rappelle, en terminant, que la réaction de la pupille,
sous l'influence de la lumière, fait plus souvent défaut chez les
paralytiques généraux dépourvus de phénomène du genou, et,
378 SOCIÉTÉS SAVANTES.
qu'elle indique une lésion des cordons postérieurs'. Il pense qu'il
n'existe aucun rapport fixe entre l'état de l'oeil et la durée, la
marche de la paralysie générale; loin de là, souvent l'atrophie pa-
pillaire ou la disparition du phénomène du genou précède de
longtemps les manifestations psychiques graves. D'autres exemples
témoignent de l'apparition des symptômes somatiques dans les
stades avancés seulement. Dans l'épilepsie, au contraire, l'ophthal-
moscopie alliée à l'examen des fonctions de la vue, fournit en quel-
ques cas, des renseignements sur le substl atum anatomique des
accès. Elle peut être d'une grande valeur pour déterminer les ma-
nifestations pathologiques de l'alcoolisme. Sil'ophthahnoscope est
impuissant à lui seul à donner le diagnostic de la paralysie pro-
gressive, il nous apprend que l'état trouble de la rétine est parti-
culièrement fréquent dans cette entité morbide.
Discussion : .'
M. UTHHOFF complète les notions de M. Moeli. Dans l'oeil nor-
mal, dit-il, trois facteurs se partagent à l'état physiologique le
phénomène de la réflexion gris blanchâtre de la lumière projetée
sur la rétine. A. Celte membrane perd sa transparence de même due
les autres milieux de ]'oei] du fait de la vieillesse. B. Un organe
pigmenté (un iris brun = stroma choroïdien pigmenté; un iris
bleu = stroma choroidien peu pigmenté) renvoie plus forlement
la lumière. C. Les limites de la papille se voient moins bien quand
il existe des anomalies très prononcées de la réfraction (hypermé-
tropie, astigmatisme); la lumière, fortement réfléchie, prend une
teinte gris-blanchâtre. Mais l'état flou des bords papillaires se
limite exclusivement à la partie interne, supérieure el inférieure
du disque. C'est après avoir tenu compte de ces conditions qu'il est
en mesure d'affirmer que, sur cent individus normaux, l'ophtlial-
moscope lui a révélé trois ou quatre anomalies ophthalmosco-
piques. Et encore faut-il en éliminer deux, parce que l'un des sujets
était buveur (décoloration unilatérale légère de la moitié tempo-
rale de la rétine) et que l'autre avait survécu à un catarrhe des sinus
frontaux (hypérémie modérée et opalescence des papilles, douleu;s s
sus-orbitarres). L'étude des psychoses simples fournit une propor-
tion centésimale tout à fait semblable. Chez les paralytiques géné-
raux au contraire, le rapport est bien plus élevé. La dilatation par-
tielle avec aplatissement des vaisseaux à quelque distance de la pa-
pille, constatée par Klein chez ces derniers, n'a pas été relevée
par lui. Les quelques petites irrégularités vasculaires(calibre) avec
anomalie de réflexion des vaisseaux du fond de l'oeil, ne sont pas
pathologiques. L'alcoolique présente une proportion respectable
dans la décoloration anormale des moitiés temporales des papilles,
Archives de Neurologie (Revues analytiques), t. VI, p. 404.
SOCIETÉS SAVANTES. 379
sans qu'il ait existé de troubles delà vue. Toutefois, ceux-ci devront
être cherchés avec plus de précision, avant qu'on soit en droit d'en
déclarer l'absence.
M. \Vrr.ucnura insiste sur la décoloration du bord temporal de
la papille chez l'épileptique (contrôle de Schleich) ; dans l'espèce,
on remarqua souvent une dilatation fusiforme des vaisseaux.
Motions proposées par le Dr S.aNDER. Le bureau de la Société
des aliénistes allemands se chargerait seul ou en s'adjoignant une
commission choisie par lui :
I. D'étudier la question de savoir si, et dans quelles circons-
tances, un trouble psychique doit être considéré comme un motif de
divorce .
II. D'examiner dans quelle mesure les gens qui ont versé leurs
cotisations à une caisse quelconque de secours sont atteints dans
leurs droits, quand une maladie mentale vient, en les frappant,
leur faire perdre le bénéfice de leurs versements antérieurs. On
sait en effet que l'aliénation mentale, comme la syphilis ou toute
maladie imputable à une faute de l'individu, enlève au patient
tout droit à l'assistance. Quel serait le moyen à employer pour
leur venir en aide à l'occasion ?
A la suite des observations présentées par le président et
M. Zinn, la Société souscrit il ces motions en substituant laformule :
« Plaise au bureau de se charger de provoquer des recherches ».
Le temps étant trop avancé pour que l'on puisse espérer
épuiser l'ordre du jour, le président demande si l'on préfère la
présentation des pièces annoncées, ou la lecture inscrite du
travail de M. Kroepelin, touchant : « l'importance de la physio-
logie expérimentale à l'égard de la Psychiatrie ». La majorité se
décide en faveur des présentations.
M. FREUSBERG (de Sarreguemines) soumet au jugement de l'as-
semblée un nouveau genre de vaisselle pour les aliénés destructeurs.
Sans odeur, et d'un prix moins élevé que les ustensiles de caout-
chouc ou de cuir en usage jusqu'alors, il est fait de carton huilé,
comprimé, revêtu d'un verni cuit au four. Cette pâte émaillee,
légère, élastique, résiste, en dépit d'un long service, aux liquides et
à la chaleur. Toute espèce d'ustensiles de ménage (pots de nuit,
timbales, assiettes, crachoirs, récipients à laver, etc.) peut être fa-
briquée à l'aide de cette substance modelable et durable. M. Adt
(de Forbach) en est le manufacturier; il a comme représentant
pour l'Allemagne, M. Castor (de Sarreguemines).
M. Arndt. Préparations provenant d'un paralytique général tabé-
tique. Les coupes ont été exécutées sur l'ensemble du système
nerveux central d'un homme ayant succombé à la forme tabétique
de la paralysie générale progressive (voy. l'observation dans les
380 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Archiv von Virchow, t. LXX111, p. 196, 1878). On constatait à l'état
frais, depuis les circonvolutions ascendantes jusqu'à la queue de
cheval, une atrophie très avancée, compliquée d'oedème très mar-
qué, avec état criblé caractéristique. Quand les pièces eurent été
durcies, suivant la manière de procéder habituelle, d'abord dans
le bichromate de potasse, puis dans l'alcool, le tissu nerveux se
présenta sous l'aspect d'une éponge, tant il était criblé de porosités
caverneuses : chaque section constituait un morceau de filigrane.
M. Arndt pense que le liquide de l'oedème s'était collecté dans les
interstices du tissu; il les avait dilatés en refoulant la substance
nerveuse (fibres et cellules) atrophiée contre les vaisseaux aux-
quels ces éléments se trouvaient intimement soudés à raison des
processus inflammatoires. Les liquides durcissants, et principale-
ment l'alcool, en provoquant l'issue du liquide de l'oedème hors des
cloisons interstitielles dilatées, avaient déterminé ces lacunes, ces
cavités, dont les parois composaient le filigrane en question : leur
caractère distinctif est de suivre le trajet des vaisseaux sanguins.
M. Sakaki (du Japon). Cerveau d'un aliéné atteint de folie systé-
matique chronique. A l'instigation de 11. Mendel, l'auteur a soumis
à l'examen microscopique l'écorce des hémisphères d'un homme
atteint de folie systématique hallucinatoire, après l'avoir traitée
successivement par l'alcool et la liqueur de Muller. Toutes les cir-
convolutions ont été étudiées après coloration à la fuchsine acide.
L'altération pathologique réside, suivant le savant micrographe,
exclusivement dans les espaces péricellulaires et adventices du
sommet des circonvolutions. Elle consiste en la présence d'une
matière jaunâtre floconneuse, qui rappelle la substance décrite
jadis par Mendel, chez les paralytiques généraux. Ces masses
jaunes ne sont ni cristallines, ni amorphes; elles paraissent com-
posées de petits treillis fins ou de membranes bien minces; leur
coloration disparait avec le temps. En certains endroits, elles
affectent la disposition en couches concentriques, à peu près
comme pour les corpuscules amyloides. Les cellules nerveuses
ganglionnaires présentent les mêmes variétés de forme qu'à l'état
normal ; les unes sont notoirement indemnes; les autres un peu
recoquillées, plus ou moins pigmentées, munies d'un gros noyau
tuméfié et de rares prolongements, ne témoignent pas pour cela
d'altérations indéniables. Elles subissent en maints segments une
compression ou une imbibition manifeste de la part des flocons en
question. Naturellement les espaces péricellulaires sont dilatés et
les cellules se trouvent reportées en dehors du centre de leur en-
clos. Les vaisseaux tantôt vides, tantôt gorgés de sang, sont
entourés de masses jaunâtres semblables, répandues dans les
espaces adventices. Tout le reste des tissus est normal. Ces lésions
s'observent dans toutes les couches de l'écorce, mais leur maximum
de développement appartient aux couches qui renferment des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 381
cellules nerveuses ganglionnaires. La pointe du lobe temporal, l'm-
sula, le gyrus rectus représentent les zones d'élection des altéra-
tions les plus accentuées. Intégrité absolue des faces latérales et
médianes des lobes frontaux, pariétaux, occipitaux, dont la face
inférieure est également indemne; même remarque pour la cir-
convolution du corps calleux. M. Sakaki suppose qu'il s'agit d'un
trouble circulatoire (stase), -ayant amené une transsudation dans
les espaces dénommés, dilatés par l'exsudat. U se défend de pré-
tendre établir un rapport entre cet état microscopique et la
psychose. En tout cas il rejette l'hypothèse, qu'on aurait sous les
yeux une substance artificielle produite par la technique employée
parce que sa présence n'est pas généralisée et qu'elle existe de
préférence sur la coupole de la circonvolution, uniquement dans
les espaces cités.
M. le Président déclare la session close aune heure. On se rend
ensuite en corps aux invitations de la municipalité et des fonc-
tionnaires consignées au procès-verbal. (Allg. Zcitsch. f. Psych.,
XL, 4.) - P. IenavaL.
ACADÉMIE DE MEDECINE
Discussion DE la nouvelle LOI sur les aliénés.
Séances des 22 janvier, 12, 19 et 26 février, 4 et 18 mars.
On sait dans quelles conditions a pris naissance le nouveau
projet de loi concernant les aliénés. La loi de 1838 qui les régit
actuellement a été l'objet, depuis plusieurs années, de nombreuses
attaques, à la suite desquelles le gouvernement a cru devoir nom-
mer une Commission chargée de la réviser. Cette Commission,
composée de sénateurs, de députés, de jurisconsultes et de méde-
cins, a élaboré un projet de loi qu'elle a demandé à l'Académie de
médecine de mettre à son ordre du jour.
L'Académie, à son tour, a nommé une Commission composée de
MM. Baillarger, Brouardel, Lunier, Luys, Mesnet et Blanche, char-
gée de lui présenter un rapport sur cette question. Ajoutons
qu'une communication faile au mois de mai dernier par M. Billod
sur les aliénés criminels n'a pas été étrangère à la décision de
l'Académie. Nous nous bornerons dans ce travail à exposer, aussi
fidèlement que possible, les opinions des différents orateurs :
382 SOCIÉTÉS SAVANTES.
MM. Blanche, rapporteur de la commission, Billod, Luys, Mesnet,
LunieF et Ball, en suivant l'ordre dans lequel ils ont pris la parole.
Le rapport de M. Blanche établit d'abord la nécessité de l'inter-
vention de la justice dans les mesures qui concernent les aliénés et
constate que dans le nouveau projet, aussi bien que dans la loi
actuelle, le rôle prépondérant appartient avec raison aux médecins.
L'orateur proteste ensuite contre les attaques dont a été l'objet
la loi de 1838, qui a rendu les plus grands services aux aliénés, et
commence l'examen « des dispositions de la nouvelle loi qui dif-
fèrent de la loi actuelle ou qui en sont le complément».
Parmi ces dispositions une des plus importantes est celle qui as-
simile aux asiles, sous le rapport de la surveillance, toute maison
où un aliéné est traité même seul, à moins que le tuteur ou les pa-
rents de cet aliéné ne demeurent avec lui. (I. 3.)
Celte mesure a pour inconvénients de froisser des sentiments de
l'ordre le plus respectable et de donner de la publicité à une des
maladies que l'on cherche le plus à tenir cachées; d'autre part,
elle peut empêcher qu'un être privé de raison ne devienne l'objet
de coupables spéculations, M. Blanche s'y rallie donc en espérant
qu'elle sera appliquée avec réserve et discrétion.
Suivent ensuite deux nouvelles dispositions d'une importance
secondaire : la première confère au Ministre de l'Intérieur le droit
de réunir, pour les asiles, les fonctions de directeur avec celles
de médecin (I. 8); la seconde énumère tous les magistrats et
fonctionnaires chargés de l'inspection des asiles et de toute mai-
son où un aliéné est traité et fixe le nombre des visites auxquelles
ils seront astreints (I. 12).
M. Blanche approuve ces deux mesures en faisant remarquer,
toutefois, que les visites de l'autorité sont toujours une cause d'é-
motions préjudiciables aux malades et qu'elles font en outre échec
à l'autorité morale du médecin. Il est donc à désirer que le
nombre de ces visites soit plutôt diminué qu'accru.
Nous arrivons maintenant à l'innovation essentielle du projet de
loi : celle qui a trait au placement des malades dans les asiles. Il
parait que les membres de la Commission sénatoriale voulaient
que l'intervention de la justice s'exerçât non plus après, mais
avant le placement. Les médecins n'ont triomphé de cette préten-
tion qu'à certaines conditions : la première c'est que, pour les
placements volontaires, il soit nécessaire de présenter au directeur
de l'asile un certificat signé de deux médecins ou un seul certificat
revêtu de deux signatures (II. 14) ;
La seconde, c'est que tous les placements des aliénés dans les
asiles, qu'ils soient volontaires ou d'office, ne seront d'abord que
provisoires ; pour qu'ils deviennent définitifs, il sera nécessaire que
la justice intervienne; le procureur de la République, assisté d'un
SOCIÉTÉS SAVANTES. 383
médecin de son choix, viendra interroger la personne placée, fera
une enquête sur sa famille, ses antécédents, etc , et adressera en-
suite un rapport à la chambre du conseil, laquelle statuera sur le
maintien à titre définitif ou la sortie de cette personne (Il. 15). En
outre, jusqu'à ce que la chambre du conseil ait fait connaitre sa
décision, le malade devra être placé dans un quartier d'observa-
tion spécial séparé des autres parties de l'établissement.
Malgré les difficultés faciles à prévoir et les abus qui, dans la
pratique, pourront résulter de l'obligation de recourir à deux mé-
decins pour contresigner un certificat d'admission, M. Blanche se
rallie à cette innovation; il demande seulement que, dans les cas
urgents, on puisse interner un aliéné avec un seul certificat, et que
lorsqu'un malade vient de lui-même solliciter son admission, le
médecin ait le droit de le recevoir, sauf à faire ensuite constater
son état mental conformément aux prescriptions légales. La loi
garde le silence sur ces deux éventualités. ·
Quant à la seconde innovation, celle qui consiste à n'admettre
les aliénés qu'à titre provisoire, pendant un laps de temps qui
pourra durer 'un mois, M. Blanche en montre les nombreux incon-
vénients (surcroit de travail pour les procureurs et les médecins,
surcroît de dépenses pour les conseils généraux, impossibilité d'an-
nexer à tous les asiles de nouvelles divisions semblables à celles
qu'ils ont déjà, pour chaque catégorie d'aliénés, etc.) et n'y découvre
aucun bénéfice soit matériel, soit moral pour les malades. Il es-
père donc que si cet article est maintenu dans son principe, il y
sera apporté de notables modifications.
Voyons maintenant ce qui concerne plus spécialement les place-
ments d'office. Ici, suivant M. Blanche, nous trouvons quelques
modifications importantes et heureuses à l'état de choses actuel :
1° les arrêtés de placement devront lire exécutés dans les quinze
jours; 2, les malades, déposés dans les hôpitaux ordinaires, ne
devront pas y séjourner plus de deux semaines; -3°tout malade
dangereux pour sa propre sûreté, sera assimilé à celui qui est dan-
gereux pour la sûreté des autres.
Ces modifications, dictées par un intérêt d'humanité, n'ont pas
besoin d'être développées. M. Blanche demande en outre qu'un
aliéné indigent, même non dangereux, puisse être placé par arrêté
du Préfet et qu'il en soit de même pour ceux qui commettent des
actes contraires à la décence publique, sans qu'il soit nécessaire de
passer par les tribunaux.
Une autre question importante est celle des .condamnés devenus
aliénés et des aliénés dits criminels. D'après la nouvelle loi : 1° les
condamnés devenus aliénés pendant leur emprisonnement, seront
conduits dans des quartiers d'aliénés annexés aux établissements
pénitentiaires. Un quartier de ce genre est actuellement annexé à
la Maison centrale de Gaillon; 2° les aliénés dits criminels, c'est-
38'l- 1 SOCIÉTÉS SAVANTES.
à-dire les inculpés ou accusés de crimes ou de délits reconnus ir-
responsables, seront mis à la disposition de l'autorité administra-
tive qui, après les vérifications nécessaires, les fera placer, s'il y a
lieu, dans un asile (III. 33).
Ici, M. Blanche voudrait que l'intervention de la justice s'exerçât
d'une façon plus directe; le rapport des experts dont les conclusions
ont été adoptées conclut ou non à l'internement : dans le premier
cas, pourquoi le placement ne s'effectuerait-il pas sans le contrôle
de l'autorité administrative ? 2
D'autre part, il peut arriver que le jury acquitte, comme aliéné,
un accusé que le tribunal considérait comme sain d'esprit et sur
lequel il n'y a pas eu d'expertise.
En pareil cas, l'accusé doit être mis immédiatement en liberté,
ce qui peut avoir de funestes conséquences pour la sécurité pu-
blique. M. Blanche demande donc que le nouveau projet de\loi
comble cette lacune en conférant au président des assises le droit
d'ordonner une expertise médicale avant que l'accusé soit rendu à
la liberté.
Actuellement, les aliénés criminels sont placés dans les asiles
ordinaires. D'après la nouvelle loi, ils seront répartis dans des
asiles d'Etat. L'orateur se déclare partisan de cette mesure :
1° pour pouvoir exercei sur ces malades, une surveillance incom-
patible avec les méthodes actuelles de traitement dans les asiles
ordinaires; 2° pour garantir plus efficacement les autres ma-
lades contre des actes de violence.
M. Blanche demande en outre que, dans ces asiles, il soit réservé
un ou deux quartiers exclusivement destinés aux condamnés deve-
nus aliénés pendant le temps de leur emprisonnement, parce que
« de tous les aliénés, ce sont les plus indisciplinés et les plus dan-
gereux ».
L'orateur aborde ensuite la question de la sortie des aliénés : la
seule modification qu'apporte la nouvelle loi aux conditions de
sortie des aliénés ordinaires est que l'interdit pourra s'adresser au
tribunal pour réclamer sa sortie, sans l'intermédiaire de son tu-
teur. Pour les aliénés dangereux, M. Blanche demande que ce soit
la justice et non le médecin qui ptenne la responsabilité de leur
sortie. Quant aux aliénés dits criminels, ils ne pourront être mis
en liberté que sur une décision de la chambre du conseil, et pour
prévenir encore davantage les catastrophes si fréquentes, causées
par la sortie de ces aliénés, l'orateur désirerait que cette nouvelle
procédure soit renforcée par l'intervention de l'autorité admi-
nistrative, qui s'exercerait par l'intermédiaire des commissions
locales et d'un conseil de direction placé à la tête du service des
aliénés. Ces dispositions devraient être appliquées aux condamnés
devenus aliénés pendant leur détention.
Il ne nous reste plus maintenant a passer en revue que quelques
SOCIETES SAVANTES. 385
dispositions d'ordre administratif plutôt que médical. La première
propose d'autoriser et de régulariser les conges temporaires et les
sorties provisoires à titre d'essai. Sans repousser absolument ces
deux mesures, M. Blanche estime « qu'elles offrent plus de mauvais
que de bons côtés ».
En cas d'évasion, l'aliéné pourra pendantquinze jours seulement
être reintégré à l'asile sans nouvelles formalités ; passé ce délai,
ces formalités devront être remplies de nouveau (V, 44).
L'article 4b empêche que, désormais, l'administrateur des biens
d'un aliéné puisse vendre son mobilier sans l'avis du médecin. En-
fin, cet administrateur pourra être nommé immédiatement et non
pas au bout de deux ou trois semaines seulement comme avec la
loi actuelle (V, 46).
En terminant, M. Blanche fait observer que le service des aliénés
n'a pas une organisation en rapport avec son importance; il de-
mande que toutes les affaires concernant ce service soient centra-
lisées au ministère de l'intérieur et qu'en tête du service soit placé
un Conseil supérieur. La commission et les attributions de ce Con-
seil sont déterminées par l'orateur, niais comme ces questions s'é-
cartent un peu de l'objet de la discussion, nous ne faisons que les
signaler ici. Nous devons toutefois faire remarquer que M. Blanche
se déclare partisan du concours pour le recrutement de tout le
personnel médical des asiles. ,
M. Billod a pris ensuite la parole. Selon M. Billod, la loi de 1838
est une des meilleures qui aient été ptomulguées, « les services
qu'elle a rendus à la société et a la cause des aliènes sont incalcu-
lables ». La seule lacune qu'y constate l'orateur, est relative aux
aliénés dits criminels, mais pour la combler il est iuutile, selon
lui, de réviser la loi. Tel a été également l'avis du Congrès inter-
national de médecine mentale, dont les membres se sont ralliés à
la proposition de M. Barbier, d'apres laquelle, à l'avenir, ce serait
une commission mixte qui serait chargée de statuer sur la sortie
ou le maintien provisoire des aliénés dits criminels, considérés
comme guéris.
AI. Billod estime que, dans un intérêt de sûreté générale, on de-
vrait étendre cette mesure aux aliénés réputés dangereux. Dans le
même ordre d'idées, l'orateur désirerait voir inscrites dans la nou-
velle loi quelques mesures administratives qui auraient pour objet
l'organisation d une surveillance spéciale, après leur sortie, des
aliénés guéris. En province, les préfets; àParis, le préfet de police
avec le concours d'un médecin, seraient investis de cette mission.
Cette surveillance devrait être nécessairement plus active pour les
aliénés évadés.
Relativement à l'administration provisoire des biens des aliénés
non interdits, M. Billod applaudit avec M. Blanche à la clause d'a-
Archives, t. VU. 23
386 SOCIÉTES SAVANTES.
près laquelle l'administrateur ne pourra plus vendre les biens d'un
aliéné placé dans un asile public sans l'avis du médecin traitant :
dans des cas bien déterminés, pour acquitter par exemple les
dettes d'un aliéné ou subvenir à sa pension alimentaire, l'orateur
voudrait, lorsque l'interdiction n'a pas été prononcée, que le pré-
sident du tribunal ait la faculté d'autoriser la vente d'un immeuble,
vente qui excède, en vertu de la loi actuelle, les pouvoirs de l'ad-
ministrateur provisoire.
Une dernière question a été traitée par M. Billod avec un grand
développement : c'est l'obligation inscrite dans le nouveau projet
de loi d'un double certificat médical d'admission. L'orateur fait
remarquer que la plupart des attaques qui se sont fait jour contre
l'ensemble de la loi de 4838, ont eu principalement pour objectif
l'article qui « en basant sur le certificat d'un seul médecin l'ad-
mission des aliénés dans les établissements publics ou privés, fai-
sait de ce médecin, faillible lui-même, une sorte d'arbitre de la
raison humaine... »
M. Billod fait observerqu'à l'époque où ces attaques ont commencé
à se produire, elles avaient jusqu'à un certain point leur raison
d'être, parce qu'au moment de la promulgation de la loi actuelle,
la médecine mentale était, pour ainsi dire, « une branche morte
de la médecine générale ». 11 n'en est pas de même aujourd'hui;
pour le prouver, l'orateur passe en revue les diverses phases par
lesquelles a passé la science des maladies mentales depuis 1838
jusqu'à nos jours et constate que, grâce aux nombreuses réformes
qui ont été opérées depuis quelques années, de notables progrès
ont été réalisés dans la diffusion de cette branche de la médecine.
M. Billod part de là pour démontrer que l'étude de l'aliénation
mentale s'impose à tous les médecins et conclut au rejet de la
double signature pour les certificats d'admission dans les asiles.
Sous les réserves que nous avons signalées au commencement de
l'analyse de son discours, concernant les aliénés criminels ou dan-
gereux, l'administration des biens des aliénés, etc., l'orateur se
prononce pour le maintien de la loi de 1838.
A M. Billod a succédé M. Luys. Cet orateur examine d'abord les
conditions morales dans lesquelles a été engendrée l'oeuvre de la
commission extra-parlementaire : des attaques aussi injustes que
passionnées, dit M. Luys, des dénonciations apocryphes, des
légendes de séquestration arbitraire ont été accueillies favorable-
ment dans les sphères les plus élevées de la société et par l'au-
torité.
Une commission a été nommée, mais là, « où il fallait une ma-
jorité de médecins, on choisit une majorité de magistrats et d'ad-
ministrateurs ».
L'élément médical a été sacrifié à l'élément juridique, aussi
SOCIÉTÉS SAVANTES. 387
peut-on dire que le projet de loi élaboré par la commission est
une véritable oeuvre de suspicion à l'égard des médecins.
Ces réserves faites, M. Luys examine le terrain de conciliation
sur lequel pourraient s'entendre les deux autorités qui se disputent
la direction des aliénés. La première préoccupation de la loi doit
être, dit l'orateur, de sauvegarder la santé des malades en leur
facilitant par tous les moyens l'entrée des asiles. A ce titre, un se-
cond certificat pour opérer le placement est une superfétation inu-
tile, il nuit à la célérité de l'admission. D'ailleurs, on comprend
difficilement que la loi refuse à un médecin le droit de diriger sur
un asile un aliéné dangereux alors qu'elle l'autorise à pratiquer
seul les plus grandes opérations où la vie est en jeu.
Pour les mêmes raisons, M. Luys n'admet pas que ce soit « l'au-
torité judiciaire aidée d'un médecin de son choix, qui décide
d'emblée l'entrée des malades, et la chambre du conseil qui
arrête les admissions définitives ». Il rejette également la créa-
tion d'asiles provisoires destinés à maintenir les malades en ob-
servation pendantunmois, pour des raisons cliniques et financières
que nous allons voir développées un peu plus loin avec beaucoup
de soin par M. Mesnet.
En revanche, l'orateur fait appel à l'autorité judiciaire pour la
sortie des aliénés, mais il ne semble prévoir qu'un cas, celui où
la justice serait d'accord avec le médecin pour s'opposer à la sor-
tie d'un aliéné présentant les apparences de la guérison, mais si
le contraire se produisait, n'y aurait-il pas là une nouvelle source
de difficultés ? Quaut aux autres dispositions de la nouvelle loi,
c'est-à-dire à la surveillance administrative des aliénés .traités à
domicile, à la création d'asiles d'Etat pour les aliénés dits crimi-
nels, au recrutement du personnel médical des asiles par la voie
du concours, etc., M. Luys se borne à les signaler comme d'excel-
lentes innovations, donnant satisfaction à des besoins nouveaux.
M. IIlEsNET, ainsi que nous le faisions remarquer un peu plus
haut, s'est principalement attaché dans son discours à l'étude des
modifications proposées par la nouvelle loi aux entrées des malades
dans les asiles et à l'examen des garanties données aux sorties.
Avant d'aborder ce sujet, M. Mesnet constate avec peine que la si-
tuation faite aux médecins par la nouvelle loi est inférieure à celle
que lui avait accordée la loi de 1838 ; il en résulte que l'aliéné perd
du même coup une partie de ses droits de malade. Tous les alié-
nistes s'accordent cependant à rendre un public hommage à la loi
de 1838.
Sous ces réserves, M. Mesnet se déclare partisan de la création
d'asiles spéciaux pour les aliénés dits criminels et des mesures
administratives et judiciaires destinées à sauvegarder l'aliéné con-
tre ses propres entraînements et contre les captations, auxquelles
388 sociétés savantes.
l'expose sa débilité. Ces considérations amènent l'orateur à s'oc-
cuper de l'innovation principale du nouveau projet de loi, c'est-à-
dire des conditions d'entrée des malades dans les asiles.
L'orateur étudie le fonctionnement d'un asile sous le nouveau
régime (Il, l;i); ilmontle que, neuf fois sur dix, l'internement s'im-
pose ; il se demande comment, dans les cas exceptionnels où le
doute est permis, le magistrat pourra mieux que le médecin, tran-
cher la question. L'intervention de la justice n'aura donc aucune
influence; or, en pratique, pour répondre à un besoin dont l'utilité
est loin d'être démontrée, on se heuitera à des difficultés presque
insurmontables. Comment imposer à tous les asiles de France la
création de nouveaux quartiers d'observation appropriés à chaque
catégorie de malades ? Si on les oblige à construire seulement un
pavillon séparé pour les malades entrants, il est facile de compren-
dre que ce pavillon ne répondra jamais aux exigences de la clini-
que, puisqu'on devra concentrer, sur un petit espace, des malades
à délires multiples et dissemblables.
L'isolement des malades à leur entrée étant reconnu impossible,
l'orateur demande s'il ne serait pas plus convenable de les répartir
immédiatement dans l'asile, tout en admettant qu'ils n'y seront
placés que provisoirement. Quel inconvénient y aurait-il à procé-
der ainsi ? La possibilité d'une séquestration arbitraire ? Mais la
production du double certificat qui parait devoir être exigée dé-
sormais à l'entrée des malades n'est-ilpas une garantie suffisante ?
L'intervention de la justice s'exercera du reste aussi bien dans ce
cas que dans l'autre. Peut-être m'objectera-t-on, ajoute l'orateur,
que certains malades peuvent guérir avant leur admission définitive
dans le grand asile, et qu'en les maintenant quelque temps dans
un quartier spécial, on leur aura évité les inconvénients inhérents
à un séjour, si court soit-il, dans un asile d'aliénés proprement dit.
Or, les alcooliques seuls sont susceptibles de guérir aussi rapide-
ment, et ce sont peut-être les malades qui souffrent le moins du
contact des aliénés. Pour ces divers motifs, M. Mesnet repousse
absolument la création dans les asiles de nouveaux quartiers dits
d'observation.
Abordant ensuite la question des sorties, l'orateur montre par
des chiffres pris à différentes périodes dans un même asile que la
majorité des malades ne séjourne pas plus de six mois dans cet
asile. Il est permis de supposer que la proportion est la même
dans les autres. « Pourquoi donc les qualifier debastilles modernes,
dont les portes se ferment sur tout venant, sans se rouvrir jamais. »
Passant ensuite en revue les différents articles de la loi actuelle
concernant cette question des sorties, l'orateur démontre qu'on ne
saurait donner plus de garanties que la loi actuelle contre les sé-
questrations arbitraires. On sait, du reste, que la nouvelle loi n'ap-
porte sur ce point aucune modification sérieuse à la loi de 1838.
SOCIÉTÉS SAVANTES. us9
Quant aux sorties à titre d'essai, l'orateur estime qu'elles pour-
ront être utiles à quelques malades dans la période de convales-
cence, mais, dans les autres phases d'évolution des maladies men-
tales elles seront « ou indifférentes ou dangereuses pour le malade
lui-même, sa famille ou la société ».
M. Lunier n'intervient, dit-il, dans la discussion que parce que
M. Luys a reproché à la commission extra-parlementaire son in-
compétence, la majorité de ses membres étant étrangers à la mé-
decine. Or, sur vingt-cinq membres pris en dehors du Parlement,
l'orateur fait remarquer que onze étaient médecins, et parmi les
membres pris dans le Parlement, trois appartenaient également au
corps médical. Si l'on ajoute que tous ces médecins avaient une
autorité incontestable comme aliénistes, on comprendra que leur
nombre ne pouvait être plus grand sans élargir indéfiniment le
cadre de la commission.
Que le rôle du médecin doive être prépondérant, M. Lunier l'ac-
corde ; mais il considère cependant comme légitime d'appeler la
magistrature à coopérer à la révision de la loi, parce que l'aliéné
n'est pas un malade ordinaire, comme le prétend M. Luys, mais un
malade d'une nature exceptionnelle qui n'a pas conscience de son
mal, que l'on ne peut traiter sans le priver de sa liberté, mesure
grave qui, à quelque point de vue qu'on se place, doit être entourée
de garanties spéciales.
M. Lunier examine ensuite les raisons qui militent en faveur de
la révision de la loi de <S3S; il reconnaît que cette loi est une des
meilleures et que les attaques souverainement injustes dont elle a
été l'objet seraient sans doute restées lettre morte si le décret de
décentralisation de 1852, en amoindrissant la situation des méde-
cins, et plus tard les lois de 1866 et de 187t, en donnant aux con-
seils généraux un droit d'intervention légitime, mais dont quel-
ques-uns ont abusé, n'avaient profondément modifié le fonction-
nement de cette loi. D'autres motifs peuvent encore être invoqués :
l'augmentation du nombre des aliénés et des asiles privés, l'ab-
sence de dispositions relatives aux aliénés criminels et à la gestion
des biens des malades placés dans les asiles privés, etc.
Ces différents points établis, l'orateur s'attache plus particuliè-
rement à l'examen des deux articles (14 et 15) qui ont été l'objet
des critiques de MM. Luys et Mesnet.
M. Luys considère comme inutile la production de deux certifi-
cats, au lieu d'un seul, pour les placements volontaires. M. Lunier
est du même avis et la commission également, parait-il, mais à la
condition qu'on adopte le système des admissions provisoires. Cette
dernière disposition est fondamentale, dit M. Lunier, mais il faut
distinguer deux choses quand on l'envisage : son principe et son
mode d'exécution.
« Le principe des admissions provisoires a été voté à l'unanimité
390 SOCIÉTÉS SAVANTES.
par la commission, parce que nous ne pouvions nous entendre
sur la question de savoir si l'intervention judiciaire interviendrait
avant ou après le placement. C'est une disposition transactionnelle
qui a été adoptée avec satisfaction et sans discussion. »
Suivant M. Mesnet, ce principe ne peut qu'amoindrir le méde-
cin, le tribunal devenant juge suprême dans la question de savoir
si l'interné est ou n'est pas aliéné.
M. Lunier et la commission ne l'ont pas entendu ainsi; au con-
traire. Actuellement en effet, le procureur de la République peut
se présenter seul dans les asiles et provoquer la sortie d'un malade,
contre l'avis du médecin. Dans le système des admissions provi-
soires, le procureur sera obligatoirement accompagné d'un méde-
cin et n'interviendra plus directement.
Quant aux moyens d'application, M. Lunier demande, comme l'a
déjà proposé M. Mesnet, que les aliénés, à titre provisoire, soient
placés, non pas dans des quartiers d'observation isolés, mais ré-
partis dans les différentes sections de l'asile, suivant la forme de
leur délire. Il est également d'avis qu'on réduise d'un mois à
quinze jours le délai accordé à l'autorité judiciaire pour notifier
se décision, et qu'on donne au procureur de la République, assisté
d'un médecin, le droit de statuer d'urgence sur le maintien du ma-
lade à titre définitif sans être obligé d'en référer dans tous les cas
à la chambre du conseil. M. Lunier ajoute, en terminant, que si
ces modifications sont adoptées par le Parlement, les admissions
à titre provisoire ne présenteront aucun des inconvénients entrevus
par MM. Luys et Mesnet et qu'elles auront le grand avantage de
faire partager à l'autorité judiciaire la responsabilité de l'interne-
ment, ce qui lui semble de toute justice.
M. B.1LL, en prenant le dernier la parole, a seulement voulu atti-
rer l'attention de l'Académie sur la question du concours appliqué
au recrutement du personnel médical de tous les asiles de France.
Il a fait remarquer avec raison que, malgré les réclamations de
l'opinion publique, malgré les voeux formulés à cet égard par le
Conseil général, les nominations des médecins des asiles de la
Seine, sauf ceux des quartiers d'hospice de Bicêtre et de la Salpê-
trière, continuaient à se faire par voie administrative. Il espère que
nous serons bientôt dotés d'une institution aussi nécessaire aux
progrès de la médecine mentale qu'à la dignité et à l'indépendance
du médecin. Comme corollaire de cette réforme et pour augmen-
ter l'importance de l'enseignement des maladies mentales, M. Bail
demande que tous les élèves soient astreints à passer un examen
relatif à la psychiatrie et soient ainsi conduits à faire un stage de
quelques mois dans les services d'aliénés.
Quant à la double signature que l'on se propose d'exiger pour
les certificats d'admission, M. Bail considère son utilité comme
SOCIÉTÉS SAVANTES. 391
absolument illusoire, au point de vue scientifique. Il préférerait
que le droit de signer des certificats fût réservé à une catégorie
spéciale de médecins. En terminant, l'orateur demande qu'à l'a-
venir, le dossier des malades placés d'office soit communiqué par
l'autorité au médecin traitant.
Après le discours de M. Bail, M. Blanche est monté à la tribune
pour résumer la discussion, répondre aux objections qui lui
avaient été présentées par les différents orateurs et lire ses conclu-
sions « modifiées de manière que les critiques formulées dans le
rapport contre le projet de loi fussent mises plus en relief». Nous
donnons ces conclusions in exte.zso :
Il La loi du 30 juin 1838, inspirée par les sentiments les plus
élevés d'humanité et de respect de la liberté individuelle, a été
un bienfait pour les aliénés. Elle a assuré la [protection de leurs
personnes et de leurs biens, en même temps qu'elle leur a procuré
les soins médicaux dont ils étaient presque complètement privés
jusque-là. Elle ne mérite pas les accusations dont elle a été l'objet,
mais on doit reconnaître que, depuis l'époque où elle a été pro-
mulguée, grâce aux progrès de la science, certains besoins se sont
produits ou se sont développés auxquels elle ne donne pas com-
plètement satisfaction.
2° Parmi les dispositions du projet de loi destinées à remplir ces
nouvelles obligations, les unes constituent des améliorations posi-
tives à l'état de choses actuel, d'autres peuvent être critiquées,
certaines, enfin, nous paraissent devoir être, dans la pratique,
d'une application très difficile et quelquefois même impossible ;
nous devons, en outre, faire remarquer que plusieurs d'entre elles
auront pour effet d'augmenter les dépenses de l'État et des dé-
partements.
3° Le principe fondamental du nouveau projet de loi est l'inter-
vention de la justice dans toutes les mesures concernant les aliénés.
Ce principe est juste.
La folie entraîne presque toujours, pour celui qui en est atteint,
la privation plus ou moins complète de sa liberté, en même temps
que l'impossibilité de gérer ses affaires et de veiller à ses intérêts.
Or, d'après les règles générales de notre droit, c'est à l'autorité
judiciaire seule qu'il appartient de suspendre ou de supprimer la
liberté individuelle ; c'est elle qui, seule aussi, a la qualité de pro-
téger les incapables.
11 y a donc double motif pour que toutes les mesures relatives
aux aliénés soient prises par la justice ou soumises à son contrôle.
C'est toutefois au médecin qu'il appartient d'indiquer et de pres-
crire ces mesures, et lui seul doit en conserver l'initiative. En effet,
les aliénés étant des malades, le médecin seul est compétent pour
392 SOCIÉTÉS SAVANTES.
apprécier la nature du mal ainsi que les mesures de traitement et
de protection qui sont nécessaires.
4° C'est par application du même principe de l'intervention de
la justice que le projet de la loi assimile à un asile, sous le rapport
de la surveillance, toute maison dans laquelle un aliéné sera traité,
même seul, à moins que ce ne soit sous la surveillance immédiate
de son tuteur ou d'un proche parent, habitant la même maison.
Cette prescription légale, toute nouvelle en France, quoiqu'elle
existe déjà dans d'autres pays, est de nature à prévenir des abus
déplorables que l'on ne peut révoquer en doute et auxquels nous
espérons qu'elle mettra fin.
5° Une autre innovation consiste dans l'obligation de présenter,
à l'avenir, pour l'admission d'un aliéné dans l'asile, deux certificats
distincts, ou un certificat signé de deux médecins, et la loi pres-
crit que ces certificats soient très détaillés et fournissent tous les
renseignements de nature à prouver la nécessité de l'internement.
(Brouardel.)
Sans doute cette prescription de la double signature semblerait
devoir ajouter une garantie de plus au respect de la liberté indivi-
duelle, mais, sans y voir une atteinte portée à la dignité du méde-
cin ni un amoindrissement de sa légitime autorité, nous déclarons
qu'elle se heurtera le plus souvent à de très grandes difficultés
dans la pratique, et que, si elle n'est pas tempérée par les restric-
tions que nous avons indiquées, elle pourra même offrir de graves
dangers.
6° En vertu d'une disposition nouvelle, tout placement d'un
aliéné dans un asile, que ce placement soit volontaire ou d'of-
fice, ne sera d'abord que provisoire et ne deviendra définitif
qu'après la sanction de la justice; c'est là un corollaire de la pensée
principale qui a présidé à la préparation du projet de loi, mais
nous avons montré combien il serait à souhaiter que le magistrat,
lors de sa visite, fût investi du droit de déclarer immédiatement le
placement définitif, droit dont il userait dans le plus grand nombre
des cas, et nous pensons, en outre, qu'il serait indispensable que le
médecin de l'asile eût toute autorité pour placer, pendant la pé-
riode provisoire, le malade dans les conditions qu'il jugerait les
plus favorables à sa sécurité et à son traitement.
'7° Quant aux placements d'office et aux placements d'urgence,
nous nous félicitons pour la sécurité publique que le projet de loi les
rende plus prompts et plus faciles, et nous voudrions, en outre, que
l'autorité publique eût désormais le droit de prendre des mesures
préventives, en profitant de tous les moyens d'information, lors-
qu'un aliéné lui est signalé comme dangereux.
8° Pour ce qui concerne les condamnés devenus aliénés pendant
qu'ils subissaient leur peine, et les aliénés dits criminels ou ceux
BIBLIOGRAPHIE. 393
considérés comme exceptionnellement dangereux, nous sommes
absolument partisans de la création d'un ou de plusieurs asiles
d'Etat, et nous ne pouvons qu'approuver toutes les garanties d'exa-
men et de contrôle que l'on exigera dorénavant pour la mise en
liberté de ces aliénés, mise en liberté que la justice pourra seule
ordonner.
9° Nous donnons aussi notre approbation à de nouvelles mesures
proposées, soit pour permettre aux interdits de présenter directe-
ment à la justice leurs requêtes à fin de mise en liberté, soit
pour garantir d'une façon plus efficace la gestion des biens et des
intérêts des aliénés.
10° Enfin, nous demandons que toutes les affaires concernant le
service des aliénés soient centralisées au Ministère de l'Intérieur, et
qu'il y soit créé, soit une direction, soit une division, assistée d'un
conseil supérieur dont nous avons indiqué la composition et les
attributions et démontré la grande utilité.
Nous ne doutons pas que ce conseil, dans l'ordre de ses travaux,
ne mette au premier rang la question du concours et ne s'em-
presse de proposer qu'il soit institué pour la nomination du person-
nel médical des asiles des aliénés, ainsi que cela existe aujourd'hui à
Paris pour les médecins des quartiers d'hospices affectés aux alié-
nés et administrés par l'Assistance Publique. Celte institution du
concours serait d'ailleurs parfaitement légitime et réalisable main-
tenant que les Facultés de médecine sont pourvues d'un enseigne-
ment officiel de l'aliénation mentale, et que, de plus, des cours
particuliers fonctionnent régulièrement, au grand profit des
élèves. Nous émettons aussi le voeu que le conseil supérieur avise
au moyen d'assurer dans toute la France, aux aliénés sortant gué-
ris des asiles, la protection qui leur est si indispensable quand ils
rentrent dans les conditions de la vie ordinaire, alors qu'ils sont
accueillis tout au moins avec méfiance, et le plus souvent repous-
sés comme des êtres incapables ou dangereux.
Chacune de ces conclusions, mise aux voix par le président, a été
adoptée à l'unanimité. G. D.
BIBLIOGRAPHIE
V. Eludes médicales du professeur Ch. LASÈGUE , 2 vol. in-8°,
Asselin et Cio, édit., 1884.
Les élèves du professeur Lasègue, sous la direction de M. Blum,
viennent de réunir dans deux volumes la plupart des mémoires
394 4 BIBLIOGRAPHIE.
qu'il a publiés et dont la plus grande partie ont trait à l'étude
des maladies nerveuses ou mentales. Cette publication sera très
appréciée des médecins qui s'occupent de ces questions, car les s
travaux de Lasègue, dispersés dans les Recueils périodiques étaient
difficiles à trouver. Nous n'avons pas à rendre compte ici de ces
études déjà connues, nous nous contenterons de rappeler les
principales par leur titre : Le braidisme, l'appétit et la soif, la
soif de l'alcool, le sommeil, le délire des persécutions, les cérébraux,
questions de thérapeutique mentale, de la responsabilité légale des
aliénés, de= délires par accès, vol aux étalages, les exhibitionnistes,
la mélancolie perplexe, la folie adeux, le vertige mental, des vertiges,
le mal de tête, de la spermatorrlcée, leçons sur la paralysie générale,
de l'épilepsie par malformation du crâne, la pathogénie de l'épilepsie,
catalepsies partielles et passagères, hystéro-épilepsie, de la toux hysté-
rique, anesthésie et ataxie hystériques, de l'anorexie hystérique, hys-
téries périphériques, névroses syphilitiques, de la chorée, alcoolisme
chronique, alcoolisme aigu, de l'alcoolisme subaigu, le délire alcoo-
lique n'est pas un délire mais un rêiie, des manifestations cérébrales
de l'alcoolisme, dipsomanie et alcoolisme, des hémiplégies, troh7honé-
vrose de Romberg, considérations sur la sciatique, de la migraine,
de l'onanisme, accidents nerveux du diabète, ergotisme convulsif
épidémique, des accidents cérébraux qui surviennent dans le cours
de la nzaladie de Bright, crétinisme, de la gymnastique médicale,
l'hydrothérapie en France. Cu. F.
VI. A Treatiseon the diseases of the nervous system; par James Ross
(2° édit.), 2 vol. in-8°, London (Churchill, édit.), 1883.
Cette seconde édition du livre de M. Ross n'est pas seulement
une réimpression, elle contient un grand nombre d'additions qui
en font, sur beaucoup de points, un ouvrage nouveau. C'est un
traité complet des maladies du système nerveux comprenant les
affections du cerveau, de la moelle, des nerfs périphériques, les
névroses. Un grand nombre de figures et des planches facilitent
l'intelligence du texte. Un certain nombre d'observations per-
sonnelles intéressantes ajoutent une note originale à ce livre
qui constitue un compendium des plus complets sur la matière.
CH. F.
VII. Du réveil du délire alcoolique chez les buveurs; par GABRIEL.
Thèse de Paris, 1884.
M. Gabriel rapporte un certain nombre de faits dans lesquels le
délire alcoolique éclate chez des buveurs à l'occasion d'affections
médicales (choléra, pneumonie, érysipèle, vertige épileptique, etc.),
BIBLIOGRAPHIE. 395
ou chirurgicales (fractures, phlegmons, etc.), ou même à la suite
d'émotions morales vives. En cherchant bien, on aurait pu trou-
ver. dans les auteurs, un certain nombre de faits intéressants du
même ordre; la thèse de M. Szerlecki (1873), par exemple, en
contient plusieurs : saignée suivie de delirium tremens dans un cas
d'érysipèle chez un buveur (Rayer), deli1'ium tremens dans une
fièvre typhoïde (Duclos), à propos d'une fièvre septicémique chez
un phtliisique (Ebers), à la suite de l'inoculation du virusrabique
(Christian). Il y aurait eu avantage, croyons-nous, à établir deux
gi oupes de faits : a) un premier groupe comprenant des alcooliques
avérés ayant déjà eu des accidents cérébraux etchez lesquels il s'agit
véritablement de réveil du délire ; b) un second groupe comprenant
les sujets qui n'ont jamais eu d'accidents cérébraux attribuables à
l'alcoolisme et chez lesquels il y a, à proprement parler, éveil du
délire. Ce dernier groupe est le plus important au point de vue
clinique, car il comprend non seulement des alcooliques avérés,
mais encore des buveurs ignorés et qui s'ignorent eux-mêmes ou
dissimulent. C'est dans ces cas qu'il appartient au médecin de dé-
masquer les habitudes antérieures, en se basant sur les caractères
du délire. Ch. F.
VIII. De l'hérédité morbide et de ses manifestations vésaniques dans
la paralysie générale, par S lurON. Thèse de Paris, 1883.
Dans son récent mémoire tendant à établir la dualité de la pa-
ralysie générale, M. Baillarger1, s'efforce de montrer que les seuls
éléments symptomatiques nécessaires de la maladie sont la dé-
mence et la paralysie, et que le délire n'est qu'accessoire. Le dé-
lire, qui devance quelquefois les phénomènes pathognomoniques
de la maladie, constitue avec l'affaiblissement musculaire la se-
conde forme dite folie paralytique. M. Sauton se rattache à cette
manière de voir; mais il semble qu'il considère le délire non
comme la manifestation caractéristique d'une forme spéciale de
la maladie, maisseulementcomme un phénomène surajouté. Et, sui-
vant lui, ce phénomènesurajoutéaux symptômes capitaux de la dé-
mence paralytique, n'apparaîtrait qu'en conséquence d'une prédis-
position %ésaniqlie, prédisposition relevant d'antécédents hérédi-
taires ou personnels. Le délire qui peut précéder l'invasion de la
paralysie générale revêt les caractères de la vésanie pure, tant que
la démence ne vient point le troubler; il peut disparaître, et la pa-
ralysie générale, bien que continuant sa marche, offre une rémis-
sion apparente. Ca. F.
Baillarger. Sur la théorie de la paralysie générale, etc. (Ann. méd.
psych. 1883.)
396 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE.
IX. Procès-verbal fait pour délivrer une fille possédée par lemalin esprit
à Louviers, publié d'après un manuscrit original et inédit de la
Bibliothèque nationale, par A. BENFT, précédé d'une introduc-
tion par B. de MORAY (Bibliothèque diabolique, publiée par le Pro-
grès médical et Delabaye et Lecrosnier, édit., 1883.)
Ce procès-verbal est des plus intéressants au point de vue de
l'hystéro-épilepsie dans l'histoire. M. Benêt a fait une oeuvre utile
en nous présentant ce document qui contient la relation ingénue,
faite par un procureur, des accidents divers éprouvés par une hys-
térique qui, en 1591, était considérée comme possédée du diable.
On retrouve dans cette histoire tous les phénomènes décrits depuis
comme appartenant à la grande névrose, jusqu'à la guérison
sous l'influence d'une émotion morale vive. La relation de ce fait
est d'autant plus importante qu'elle nous montre à l'état d'isole-
ment les phénomènes qui devaient se reproduire cinquante ans
plus tard dans la même ville, sous forme épidémique. La possession
de Françoise Fontaine peut être considérée comme un phénomène
prodromique de la grande possession de Louviers; et à ce titre
encore, elle méritait d'attirer l'attention.
Si nous louons sans réserve l'éditeur de ce livre, nous ne sau-
rions en faire autant de l'auteur de la préface démesurée qui
l'accompagne. Le nom seul de la collection dont il fait partie
« Bibliothèque diabolique », dispensait de nous expliquer pendant
vingt pages que nous étions exposés à y trouver quelques passages
légers. M. de Moray tenait absolument à faire preuve d'érudition,
il n'a réussi qu'à se montrer tant soit peu pédant. Il est parlé
de tout, et de tout le monde dans cette préface. La réunion des
noms de Cicéron, Michelet, Chateaubriand, Balzac, Zola,
Th. Gauthier, M. Patin, M. de Jouvencel, Goethe, Boccace, Renan,
Gounod, Flaubert, G. Doré, Le Corrège, Michel-Ange, Thiers, etc.,
etc., cités dans ce pot-pourri, prévient le lecteur qu'il y trouvera
une grande variété de sujets d'instruction. Serait-il indiscret de
demander à M. de Moray quels motifs secrets l'ont poussé à nous
rappeler les noms de Galli-Marié et de Pierre Petit ? Mais, nous le
répétons, le Procès-verbal mérite au premier chef l'attention de
tous ceux qui s'occupent des maladies nerveuses. CB. F.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Des hémiplégies dans le diabète sucré; par EscuDlÉ. Thèse de Pa-
ris, 1883.
Contribuzione alla patogenese della pseudo-ipertrofia musculaire ;
par Giuseppe GnnnEmso, Milan, 1883.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 1197
Etude clinique et expérimentale sur la vision mentale; par Gnoui-
GNEAU. Thèse de Paris, 1883.
Etude clinique et expérimentale sur l'acétonémie ; par DE GENRES,
Thèse de Paris, 1884.
Du rôle des anomalies congénitales des organes génitaux dans le
développement de la folie chez l'homme ; par RAFFEGEAU. Thèse de
Paris, 1884.
Essai sur la valeur séméiologique du rêve; par ARTIGUES. Thèse de
Paris, 1884.
Elude sur l'épilepsie pleurétique; par RorERT. Thèse de Pa-
ris, 1884.
Etude clinique sur une forme de contracture infantile intéressant
particulièrement les muscles adducteurs; par Simard. Thèse de Pa-
ris, 1884.
De l'hydrargyrie; par DUPRÉ. Thèse de Paris, 1884.
Elude sur la méningite tuberculeuse de l'adulte, les formes ano-
males en particulier; par CH.1NTEIESFE. Thèse de Paris, 1884.
De l'alcool, sa combustion, son action physiologique, son antidote,
(strychnine), par Jaillet. Thèse de Pans, 1884.
De la sciutique d'origine syphilitique et en particulier de la scia-
tique survenant dans le cours des accidents secondaires; par Dultois.
Thèse de Paris, 1884.
Contribution a l'élude de l'atrophie musculaire progressive (1) pc
Aran-Duchennej ; par Revercuon. Thèse de Paris, 1884.
Contribution à l'étude des spasmes du coM ; par Gautiez. Thèse de
Pans, 1884.
Contribution a l'étude des tumeurs du creux poplité et en particu-
lier des tumeurs du sciatique et des veines jumelles; par Olivier.
Thèse de Paris, 1884.
De la compression des nerfs du membre supérieur à la suite des
fractures; par l3o.m..\n.\N. Thèse de Paris, 1884.
De l'angine de poitrine rhumatismale (hypérémie du plexus car-
diaque) ; par Martinet. Thèse de Paris, 1884.
Contribution a l'élude des troubles nerveux périphériques dans les
entorses et en particulier des atrophies et des paralysies musculaires ;
par ANTELMY. Thèse de Paris, 1884.
Neglcct of eur-syanptoms in the diagatosis of diseuses of the ? : ert)0t<s
system; par G.-L. Walton. (Reiiiipr. du Joui n. of azervous and meiitcal
diseases, 188 : 3).
Possible cérébral origin of the symptoms usuully classed under
« tccilway-spiaze » ; par Walton. (Boston nzcd. and surg. Journ. 1 8b3.)
Spinal irritation ; probable cérébral origin of the symptoms some-
limes classed under this head; par WALLON. Ihid., 1883.
VARIA
Relation d'un voyage psychiatrique EN DANEllARK,
en Suède ET en 1VORWEGE (Suite) 1;
Par le Dr CLAUS (de l'asile de Sachsenberg).
IV. Hôpital Saint-Jean (Saint-Hans), près Roeskilde. Médecin en
chef, professeur STEENBERG. Cet hôpital est l'asile d'aliénés de
la commune de Copenhague; il a pour but le traitement et l'assis-
tance des aliénés curables ou non et provient de la réparation et
de l'expansion du domaine de Bistruppgaard, près Roeskilde.
Ouvert en 1816 comme hospice d'infirmes, comprenant des
aliénés, il ne renfermait au début que 64 malades de ce genre sur
175 habitants. Depuis, de nouvelle constructions en ont à ce point
étendu la capacité depuis 18h0, qu'actuellement il dispose de
800 places, dont 740 se trouvent occupées. C'est cet hôpital qui,
de concert avec le quartier cellulaire de l'hôpital général de la
capitale, suffit à tous les aliénés de Copenhague, dont la popu-
lation est de 235,000 habitants. Nous avons résumé plus haut les
prix de pensions. Disons ici que les indigents de Copenhague y
trouvent les mêmes conditions que dans tous les autres établis-
sements du Danemark, et qu'en 1881, le nombre de journées à
titre gratuit a, sur 267, i`31, été de 203.494. L'admission à la section
de thérapeutique proprement dite est refusée aux mêmes malades
qu'a Vordingborg et Aarhuus; on exclut encore les épileptiques à
moins que la névrose ne puisse être considérée comme une affec-
tion accessoire.
L'établissement est sous l'autorité du conseil municipal de
Copenhague. Le service médical est confié à un médecin en chef.
Un inspecteur est responsable du service administratif et écono-
mique. Ces deux fonctionnaires sont nommés par le conseil et
associent leurs efforts au mieux des intérêts de l'hôpital. Le
conseil nomme également les médecins-adjoints, les candidats à
l'internat dont nous avons parlé plus haut, le comptable, l'in-
tendant, le pasteur et l'organiste. Le médecin en chef à sous ses
ordres le personnel médical et les gardiens qu'il agrée ; l'inspecteur
1 V. les Archives de Neurologie, p. 278.
VARIA. 399
commande aux autres employés et serviteurs de l'établissement
qu'il choisit à peu d'exceptions près.
Les obligations du médecin en chef et celles de l'inspecteur sont
naturellement précisées avec le plus d'exactitude possible par des
instructions approfondies; cependant l'on accorde au médecin en
chef une certaine prépondérance. C'est ainsi qu'il peut, dans l'in-
térêt des malades, prendre des dispositions provisoires qui em-
piètent sur le service de l'inspecteur, à la condition de ne pas en-
freindre les ordonnances du conseil et de ne pas dépasser les
crédits communaux, sauf d'ailleurs à recourir à la sanction du
conseil. C'est ainsi que les instructions ébauchées par l'inspecteur
pour «on personnel doivent être revêtues de l'avis du médecin en
chef, avant d'être envoyées au conseil. C'est ainsi enfin que le mé-
decin en chef peut exiger de l'inspecteur, sous sa responsabilité,
le renvoi provisoire d'un employé placé sous ses ordres, en atten-
dant que le conseil en ait décidé. L'inspecteur peut il est vrai agir
de même à l'égard du médecin en chef, en ce qui concerne leper-
sonnel des gardiens, mais avec cette restriction que le médecin en
chef n'est pas obligé de souscrire àcette demande avant la décision
du conseil. De même que dans les autres établissements danois,
le médecin en chef seul reçoit et congédie les malades, tandis que
l'autorité municipale tranche les questions de solvabilité et de
réduction des pensions.
L'hôpital Saint-Jean est situé à vingt minutes à peu près de la
vieille ville de Roeskilde, qui, sur le golfe du même nom, constitue
le point de ralliement de l'ensemble des voies fei rées de Seeland
( : i,000 habitants). Les bâtiments de l'établissement, briques,
revêtus d'un enduit clair et couvert en ardoises, regardent pour la
plupart au nord et au sud.
Le quartier destiné au traitement des pychoses aiguës, ouvert
en 1860 pour 60 malades curables de chaque sexe, renferme au-
jourd'hui 60 hommes et 80 femmes; les bâtiments qui le cons-
tituent comportent un corps de logis médian cruciforme d'où
partent à angle droit deux grandes ailes latérales flanquées à leur
tour toujours sous un angle droit, de deux petites ailes latérales.
Le corps de logis médian renferme, dans la portion parallèle aux
deux grandes ailes, l'habitation du médecin en chef, le bureau de
l'inspecteur, la salle de visites : à droite et à gauche, le logement
des hommes (est), le logement des femmes (ouest); les chambres
et les cellules regardent autant que possible le sud, tandis que les
corridors sont orientés au nord. Les grandes ailes latérales dirigées
du nord au sud contiennent des chambres appliquées sur leurs
côtés extérieurs. Les deux ailes du bâtiment médian dirigées de
l'est l'ouest abritent les tranquilles de la première classe; viennent
ensuite, dans les deux grandes ailes latérales les tranquilles et les
convalescents des deuxième et troisième classes, les agités de
400 VARIA.
toutes classes ; enlin les deux petites ailes sont réservées la divi-
sion cellulaire. Dix cellules pour les hommes, autant pour les
femmes, jouissent de l'éclairage latéral : elles sont deux à deux
chauffées, du corridor, par un poêle connu sous le nom de poêle
suédois. Cinq d'entre elles, pourvues d'une grande fenêtre, sont
plus confortables que les autres. Chauffage général à la houille.
Les réfectoires et les salles de jour sont séparées, même pour les
malades de la troisième classe. Les chambres à coucher relues
dortoirs sont relégués à l'étage supérieur : chaque lit dispose de
904 pieds cubiques, chaque individu a dans les chambre : » d'habi-
tation 627 pieds cubes à son service. Ce quartier possède en outre
certains ateliers, sa salle des fêtes.
Non loin du quartier des agités, on rencontre une série d'édifices
quijouentle rôle d'autant d'hospices. L'un d'eux, construiten 1870,
aurait coûté 347,040 couronnes (c'est-à-dire 485,836 francs) pour
310 malades. 11 se compose de trois pavillons à deux étages,
formant par leur disposition respective un quadrilatère ouvert
suivant son long côté sud. De gauche a droite, cinq sections de
malades, toujours notées par des lettres. Ce sont celles : des idiots
et des gâteux complets, des semi-agités encore capables de travail,
des tranquilles, des epileptiques et des infirmes. Quelques chambres
d'isolement sulfisent aux besoins. Les aliénés de toutes classes y
sont représentés. On tient compte de l'éducation dans l'ameuble-
ment et la décoration des chambres des pensionnaires de troi-
sième classe. Chauffage à la vapeur auquel on reproche une répar-
tition inégale delà chaleur, la dessiccation de l'air, l'évaporation
odorante des matièles organiques que les aliénés ne manquent
pas d'introduire dans les bouches. L'une des ailes latérales est le
sejoli- du médecin-adjoint. Ces deux asiles-hospices renferment
puur le moment 345 femmes et 80 hommes.
Tout près de là existe la cuisine; un peu plus loin, c'est la buan-
derie : toutes deux agissent par la vapeur. A côté se trouve le châ-
teau : on y a installé une série d'ateliers pour les hommes, l'habi-
tation de l'inspecteur, de l'intendant, du comptable, différents
bureaux, l'écurie et les remises, enlin l'usine à gaz. A quelque
distance existe la glacière au voisinage de laquelle, près de la
baie, on touche au cimetière avec sa chapelle; à deux pas, la salle
d'autopsies. Un bain de plage est monté et utilisé.
A un quart d'heure de chemin environ du quartier despsychoses
aiguës, dans la direction de Roeskilde, est situé Bje7'amu.I'/¡en dont
la construction et l'installation revient pour 40. individus à
667,000 couronnes (933,800 fr.). Ouvert le 22 mars 1 6.81 , il renferme
aujourd'hui z175 malades. L'idée qui a servi de règle dans l'exécu-
tion des travaux, c'est qu'il fallait pour les aliénés incurables cons-
truire plus simplement et à meilleur marché, tout en pensant à
une transformation ultérieure possible de l'établissement en un
VARIA. 401
hôpital autonome complet. Deux pavillons séparés à deux étages,
dont le front regarde le nord, reçoivent les malades; entre eux
la cuisine et la buanderie à la vapeur, forment un troisième pavil-
lon. Le cubage de l'air atteint dans les chambres d'habitation de
202 à 214 pieds-cubes par tête, dans les dortoirs 475 pieds par lits;
deux des chambres assurent 602 à 610 pieds. Le chauffage a lieu
par les corridors (poèles simples au charbon de terre). Les dortoirs
occupent aussi les étages supérieurs. On mange dans le sous-sol.
Les aliments sont apportés de la cuisine sur un railway, dans des
wagons munis d'une double paroi à tuyaux remplis d'eau chaude.
Quatre gardiens mariés qui ont le droit d'avoir avec eux trois
enfants au plus fournissent le personnel féminin chargé du ménage
de ces pavillons et de la distribution des aliments. Chaque pavil-
lon dispose d'un certain nombre de cellules et de chambres d'iso-
lement. La moitié externe de chacun d'eux est affectée aux malades
calmes;' la moitié interne appartient aux agités et aux idiots. Des
promenades entourées d'un mur de neuf pieds de haut (agités)
ou d'une palissade à clairevoie (tranquilles), une vérandah (malades
faibles et impotents) complètent cet ensemble. Une machine à va-
peur située en avant de la cuisine, sert aux besoins journaliers et
élève l'eau d'un puits artésien. En arrière du pavillon (est) et un peu
en dehors se dressent la maison d'habitation du second médecin-
adjoint, du gardien en chef et la porterie. Bjergmarken qui cons-
titue en quelque sorte un établissement à part, et qui, étant admi-
nistré par les médecins-adjoints, possède presque son indépen-
dance médicale, est cependant relié au quartier des psychoses
aiguës, au médecin en chef par un téléphone.
Des lieux d'aisances du système des fosses mobiles - la distribu-
tion d'eau partout - des pissotièresà rinçage automatique - un
nombre convenable de baignoires (en bois ou en béton) dans les
diverses sections - la ventilation simple par les fenêtres ou par
un système artificiel d'ailleurs toujours imparfait des barres en
fer encadrées dans les fenêtres qui ferment en surplus à clef -la
fabrication du gaz dans l'hôpital à l'aide des résidus de pétrole et
de paraffine des lits en bois munis de leur pot en porcelaine z
des lits spéciàux pour les épileptiques et les gâteux : tels sont
les autres détails de l'aménagement de l'hôpital Saint-Jean.
Soixante-cinq pour cent des malades travaillent; un grand
nombre d'entre eux vont au jardin. La superficie totale de l'éta-
blissement est en effet de 36 hect. 4,056, dont 27 hect. 58 affectés
aux édifices, parc, jardins de malades et fonctionnaires, 7 h. 1,708
à la culture de fruits, pommes de terre, produits horticoles,
1 hect. 6,548 appartenant au cimetière. L'etablissement possède
six chevaux et deux équipages qui, l'été, sont une fois par semaine
à la disposition des aliénés.
Le personnel médical comprend un médecin en chef et trois
AIICUIVES, t. VII. 26
402 VARIA.
médecins-adjoints. Six élèves en médecine sont en outre annuelle-
ment admis à faire un service d'interne pendant quatre mois. La
visite du matin commence vers onze heures et dure jusqu'à une
heure et demie. Celle du soir a lieu à une heure indéterminée. On
ne prend d'observations régulières que dans le quartier des psy-
choses aiguës, notant à l'occasion les particularités marquantes
des chroniques. La thérapeutique ne présente d'ailleurs rien de
spécial : les médicaments sont fournis par la ville. C'est tou-
jours le grand nombre des mélancoliques que frappent le visiteur :
fréquentes tentatives de suicide, fréquente alimentatiou à la
sonde. On est même en train de construire un bâtiment spécial
destiné à surveiller les aliénés qui tendent à se détruire; on y
trouvera deux grandes chambres ayant chacune un gardien et cinq
malades, une petite pièce destinée à deux malades : au centre
existe une petite chambre qui, permettant d'embrasser tous les
lits d'un coup d'oeil, aura pour but la surveillance incessante de
nuit. Coût- : 22,000 courronues (30,800 fr.). La démence paraly-
tique est également très répandue.
L'usage des moyens de continuité est régi par le § 46 du règle-
mont intérieur; c'est au médecin en chef qu'en appartient la dis-
pensation et ils ne doiventêtre appliqués qu'en la présencedu gar-
dien ou de la gardienne en chef. D'autres mesures disciplinaires
telles que la privation de tabac, de promenade, de distraction,
peuvent être prises.
La nourriture est la même qu'à Vordingborg et Aarhuus : vais-
selle de porcelaine. Les pensionnaires de troisième classe portent
une veste et un pantalon bleus de toile.
Les gardiens agréés et congédiés par le médecin en chef sont
par rapport aux malades dans la proportion de 1 : 6 (quartier des
aiguës) et de 1 : 12 (chroniques). Ils ont pour uniforme une redin-
gote bleue à boutons brillants qui porte au collet les initiales
Saint H. IL La discipline est la même que dans les autres établis-
sements. Ils sont responsables des évasions des aliénés qui ont eu
lieu par leur faute; dans ce cas, une partie des dépenses de la
réintégration est payée par eux ; le reste est parfait par le pé-
cule de l'évadé ou par des ressources personnelles. Le pécule pro-
vient de l'évaluation pécuniaire des travaux taxés d'avance ; les
aliénés s'en servent pour adoucir leur sort par de menues faveurs
et, à leur départ, ils l'emportent ou la somme est remise à la
famille, selon l'avis du médecin en chef. Il n'existe pas de société
de secours des aliénés guéris; toutefois l'impôt, dit dj Rosenberg,
peut fournir chaque année 25 à 30 couronnes (35 à 42 fr.) à cinq
ou six malades qui partent.
Le temple est desservi par le pasteur de Roeskilde ; l'organiste
est également celui de la ville. La bibliothèque des malades est
contrôlée par le premier médecin-adjoint. De temps à autre des
VARIA. 403
distractions sont procurées aux aliénés : danses, navigation à
la voile, etc..
L'hôpital Saint-Jean coûte à la commune 315,365 couronnes
73 oeres (441,512 fr.).
V. Quartier cellulaire de l'hôpital municipal de Copenhague. Direc-
teur-professeur Goeiucke. Vingt-cinq cellules le constituent.
Il occupe le côté sud-ouest de l'hôpital et comporte avec le
rez-de-chaussée un étage. En entrant on a, à droite et à gauche
cinq cellules d'hommes; la disposition est la même au premier
étage (cellules de femmes). Le sous-sol en contient aussi cinq des-
tinées aux agités. Elles sont de dimensions suffisantes, prennent
la lumière par la partie supérieure d'un des côtés (fenêtre grillée)
et sont pourvues de leurs latrines. En avant des cellules existent des
corridors, mais il n'y a pas de salle de jours spéciales. C'est l'ad-
ministration centrale de l'hôpital qui veille à l'entretien de ces
pensionnaires. Eclairage au gaz. Les mêmes dispositions maté-
rielles régissant les aliénés qu'à l'hôpital Saint-Jean. Généralement
les malades ne demeurent que huit à quatorze jours : s'is ne sont
pas guéris dans ce laps de temps, on les dirige sur l'hôpital Saint-
Jean.
Le professeur Goericke a su utiliser les matériaux dont il dispose
pour un enseignement clinique. Les leçons ont lieu le dimanche.
Malheureusement on ne peut admettre que vingt à vingt-cinq
auditeurs. (<lllec. Zeitschr. f. Psych.; X. L.; I et 2.) P. KÉRAVAL.
Asiles DE la SEINE. Concours.
La question du concours pour les places de médecin des Asiles
a été souvent discutée par nous dans le Progrès médical et au Con-
seil général de la Seine. Nous n'avons pu obtenir que le rétablis-
sement du concours pour les places de médecins de Bicêtre et de la
Salpêtrière. Pour montrer que la question a été examinée avec
soin avant les discours prononcés à l'Académie de médecine, nous
reproduisons ici le passage d'un rapport que nous avons fait, en
avril 1882, comme membre de la commission administrative char-
gée d'étudier les réformes à introduire dans la loi sur les aliénés.
Après avoir conclu au recrutement des médecins adjoints par le
concours, nous avons résumé les débats relatifs aux médecins en
chef dans les pages suivantes :
Médecins chefs de service. Comment doit-on procéder à la
nomination des médecins chefs de service ? Faut-il la laisser au
ministre de l'intérieur, ou convient-il d'y procéder par un second
concours ? Telles sont les questions que le cinquième groupe s'est
posées. Deux opinions se sont produites.
4o4 VARIA.
La première a été émise par M. Herold. Dans sa pensée, les con-
ditions du concours du premier degré sont suffisantes pour que les
médecins adjoints qui auront satisfait à cette épreuve puissent,
après un certain nombre d'années de pratique dans un asile, deve-
nir médecins en chef des asiles publics de second ordre. Ce qu'il
préférerait, c'est un concours élevé, d'un degré réellement supé-
rieur, permettant de n'avoir dans les grands asiles et notamment
ceux de la Seine, que des médecins ayant donné des preuves d'une
capacité remarquable et en situation de relever par leur valeur
personnelle le niveau scientifique de la pathologie et de la théra-
peutique des maladies du système nerveux. La majorité n'a pas
été de cet avis et elle a voté pour que les médecins chefs de service
fussent nommés après un second concours. Il a été ensuite procédé
à la discussion du programme communiqué par M. A. Foville. Le
groupe a adopté à l'unanimité la première condition : Nul ne
pourra être nommé au grade de médecin en chef des asiles d'aliénés
s'il n'a subi avec succès les épreuves d'un concours ad hoc.
MM. Bail et Foville ont introduit un amendement ainsi conçu :
« A moins qu'il n'ait rempli pendant deux ans les fonctions de chef
de clinique des maladies mentales, nommé au concours dans une Fu-
culté de médecine, auquel cas, Usera dispensé de toute autre épreuve.»
Et, à l'appui, M. Bail soutient que les épreuves du concours du
clinicat équivalent à celles du concours pour lesplaces de médecin
des quartiers de Bicêtre et de la Salpêtrière.
Nous avons fait remarquer : In que l'adoption de cette proposi-
tion aurait pour conséquence de supprimer le concours pour les
places de médecins chefs de service parce que le nombre des chefs
de clinique est à peu près égal à celui des vacances qui se produi-
sent ; 2° que les chefs de clinique de médecine et de chirurgie,
bien qu'ayant subi des épreuves semblables à celles du chef de
clinique mentale, n'en sont pas moins obligés de subir de nou-
veaux concours, s'ils veulent être nommés médecins ou chirur-
giens des hôpitaux ; - 3° qu'il n'y a pas de comparaison possible
entre les épreuves du clinicat de la chaire des maladies mentales,
et celles du concours pour les places de médecin de Bicêtre et de
la Salpêtrière, car, pour ces dernières places, les épreuves ont été
établies, selon le désir de M. le préfet de la Seine, de manière à
être tout à fait équivalentes à celles du concours des hôpitaux aux-
quels sont assimilés les médecins des quartiers d'aliénés '.
1 Voici en quoi consistent les épreuves des trois concours dont il est
question :
CLINICAT DES MALADIES MENTALES.
1° Épreuve sur un cas de maladie ordinaire (10 minutes d'examen;
10 minutes d'exposition).
VARIA. 405
L'examen des épreuves exigées pour chacun de ces concours
justifie pleinement nos remarques. Le groupe a ensuite lixé les
autres conditions et s'est arrêté à la rédaction suivante :
Pourront être admis ci concourir : tous les docteurs en médecine
français, reçus depuis deux ans; tous les médecins adjoints des
asiles et tous les chefs de clinique des maladies mentales relevant
d'une Faculté de l'Etat. Ceux qui auront été nommés depuis deux
ans médecins adjoints des asiles d'aliénés recevront avant le com-
mencement des épreuves un nombre de points égal au dixième du
nombre maximum. - Pour ceux des candidats qui, en même temps
qu'ils auront rempli les fonctions de médecin-adjoint auront été chefs
de clinique, nommés au concours auprès d'une chaire de maladie
mentale dans une Faculté de l'Etat, l'avantage pourra être doublé.
Les travaux et publications scientifiques d'un candidat lui seront
comptés pour un nombre de points que le jury fera connaître avant
le commencement des épreuves et qui sera, au plus, égal au dixième
du maximum.
2° Consultation écrite sur un cas de médecine mentale (10 minutes
d'examen; le jury déterminera le temps accordé pour la rédaction).
3° Leçon clinique de 20 minutes sur deux malades aliénés (après 10 mi-
nutes d'examen pour chacun).
MÉDECINS DE BICLITRE ET DE LA SALPÊTRIÈRE.
1° Epreuve écrite (3 heures), 30 points.
2° Epreuve clinique sur un malade atteint d'une maladie ordinaire
(10 minutes d'examen; 20 minutes pour la leçon orale), 20 points.
3" Epreuve clinique sur les maladies mentales; un seul malade (20 mi-
nutes pour l'examen, 20 minutes pour la dissertation), 20 points.
4° Double épreuve écrite comprenant une consultation, après l'examen
d'un aliéné, et rapport sur un cas d'aliénation mentale (15 minutes pour
l'examen de chacun des malades; une heure et demie pour la rédaction
du rapport et de la consultation), 30 points.
50 Epreuve clinique sur deux malades aliénés (1S minutes pour cha-
cun d'eux; 30 minutes pour la dissertation), 30 points.
MÉDECINS DES HÔPITAUX.
1.0 Epreuve clinique sur un malade (10 minutes d'examen, 15 minutes
de dissertation), 20 points.
20 Epreuve orale théorique sur un sujet de pathologie (20 minutes de
réflexion; 20 minutes pour la leçon), 20 points.
30 Consultation écrite sur un malade (10 minutes d'examen; 3/4 d'heure
pour la rédaction), 20 points.
4° Composition écrite sur un sujet de pathologie (3 heures), 30 points.
5a Epreuve clinique sur deux malades (20 minutes pour l'examen des
deux malades; 30 minutes pour la dissertation), 30 points.
406 VARIA.
Un concours pour la nomination au grade de médecin en chef
des asiles sera ouvert par les soins du Ministère de l'intérieur
toutes les fois que les besoins du service le comporteront, et, chaque
fois, trois places au moins devront être mises au concours.
Les épreuves du concours seront à la fois théoriques et pratiques.
Les candidats classés les premiers par le jury en nombre égal à
celui des places mises au concours, seront nommés au grade de mé-
decin en chef des asiles d'aliénés et seront placés par ordre de pla-
cement au sur et à mesure des besoins du service.
A partir de leur nomination et même en attendant leur placement,
ils recevront le traitement appartenant à la dernière classe de leur
grade, et ils pourront être employés à faire des intérims. Ceux qui
seront médecins adjoints dans des asiles POU1'I'onl continuer à enrem-
plir les fonctions jusqu'à leur placement.
En admettant les médecins adjoints et les médecins chefs de ser-
vice à faire des remplacements, les membres du cinquième groupe
pensent mettre de la sorte l'Administration en mesure de pour-
voir aux besoins des asiles lorsque les médecins chefs de service
sont en congé ou empêchés par la maladie.
Il s'est agi, jusqu'ici, des médecins chefs de service des asiles
publics, mais, à côté d'eux, il y a : 1° les médecins des asiles pri-
vés faisant fonctions d'asiles publics et 2° les médecins des quartiers
d'hospices. Aujourd'hui, les premiers sont choisis par les proprié-
taires des asiles privés et doivent être simplement agréés par les
préfets, à moins de clauses contraires insérées dans les traités.
Les seconds sont nommés par les commissions administratives,
après ou sans concours, en vertu de la loi d'août 1851. Les
membres du cinquième groupe ont été unamimes à demander
que les médecins des deux catégories soient nommés par le même
concours que les médecins adjoints des asiles publics.
Médecins chefs de service des asiles de la Seine. - La question re-
lative au mode de recrutement du personnel médical des asiles de
la Seine a fait l'objet d'une discussion à part. Deux opinions se
sont trouvées en présence : 1° recrutement des médecins des asiles
de la Seine par un concours spécial; 2° recrutement de ces mé-
decins parmi les médecins chefs de service des asiles des dépar-
tements ayant subi le concours commun.
On sait que, actuellement, la population des asiles de ce dépar-
tement est évaluée au chiffre de 8,125; 4,125 sont traités dans
divers asiles d'autres départements, et 4,000 seulement dans les
asiles de Sainte-Anne, Vaucluse, Ville -Evrard et les deux quartiers
d'hospice de Bicêtre et de la Salpêtrière.
Le but poursuivi par le Conseil général de la Seine et par l'admi-
nistration est de restreindre de plus en plus l'envoi des aliénés de
VARIA. 407
la Seine en province. Cette oeuvre, pour être entièrement accomplie,
exige un temps et des dépenses considérables. Mais pour qu'il n'y
ait pas de doute sur ses intentions, le Conseil général a voté les
fonds nécessaires pour l'érection à Villejuif d'un nouvel asile,
devant contenir 1,200 aliénés.
De là ressort un point important : C'est que, de même que
par le nombre de ses hôpitaux et de ses hospices, par le chiffre de
ses malades et de ses infirmes, Paris a dû être pourvu d'un orga-
nisme spécial, Y Administration de l'Assistance publique, de même,
il a semblé à plusieurs membres du groupe que la population con-
sidérable des aliénés de la Seine, la multiplicité de ses asiles justi-
fiaient une organisation différente, au moins sur certains points,
de celle qui est acceptée pour la généralité des asiles de France.
Contre cette idée, on objecte la crainte de créer une oligarchie
médicale et aussi celle d'éloigner plutôt que d'attirer les jeunes
médecins vers la spécialité des maladies mentales. Ces craintes
sont-elles fondées ? Les partisans de la spécialisation du concours
ne le croient pas. En effet, cette oligarchie médicale existe dès
maintenant pour les médecins des hôpitaux de Paris, pour les mé-
decins des hôpitaux ou les professeurs des Facultés de médecine
de toutes les grandes villes. Cette suprématie d'ailleurs est juste,
puisqu'elle repose en général sur la valeur scientifique démontrée
par des concours répétés et par des publications souvent nom-
breuses.
Loin d'éloigner les candidats, le concours spécial en créerait.
Car, suivant eux, beaucoup d'anciens internes des hôpitaux qui se
font inscrire pour les concours de médecin et de chirurgien des
hôpitaux ou se feront inscrire pour celui d'accoucheur des hôpitaux
se dingerontversce concours s'ils sont assurés d'avoir des débouchés,
et cela parce qu'ils restent à Paris ou dans son voisinage, qu'ils
peuvent se tenir dans le courant scientifique, tandis que jamais,
fort probablement, ils ne prendront part à un concours qui aura
pour conséquence, s'il se termine en leur faveur, de les éloigner,
sinon définitivement, au moins pour un long temps, des asiles de
la Seine, et partant, de Paris.
Le but poursuivi par les partisans d'une spécialisation du con-
cours pour la Seine, c'est d'élever le niveau du corps médical des
asiles d'aliénés de ce département, de manière à permettre son
assimilation aussi complète que possible avec le corps des médecins
des hôpitaux de Paris.
Il convient aussi de rappeler que si, conformément à l'article 3
de la loi du 10 janvier 1 849, l'Administration de l'Assistance publi-
que avait conservé la tutelle des aliénés, elle aurait procédé pour
la nomination des médecins des asiles de Sainte-Anne, Ville-Evrard
et Vaucluse, comme elle l'a fait pour les médecins des quartiers de
Bicêtre et de la Salpêtrière, et que les chefs de service de ces asiles
408 VARIA.
seraient médecins des hôpitaux, comme l'étaient ou le sont
MM. Trélat, Archambault, Baillarger, Delasiauve, Moreau (de Tours),
J. Voisin, Bourneville, Charpentier et Deny.
L'une des objections principales formulée par M. Foville con-
siste à dire que ce système lèse les médecins adjoints et les mé-
decins chefs de service des asiles de province qui, plus préoccupés
de la pratique que des études théoriques se trouveront infériorisés
à de jeunes docteurs sortant de l'internat. Nous ne le croyons pas ;
voici pourquoi. D'abord, au sur et a mesure que les asiles de la
Seine se complèteront, il y aura un roulement assez fréquent et,
partant, des concours assez rapproches. Ils le seront encore plus
si, comme il en a été question, on diminue le nombre des malades
confiés à chaque médecin. Par conséquent, il s'écoulera un court
espace de temps entre les concours de la Seine et ceux auxquels
auront pris part les médecins des asiles de province pour être
nommés médecins adjoints ou médecins chefs de service.
Enfin, pour donner satisfaction à tous les intérêts, et surtout
pour rendre justice aux concurrents, il conviendrait d'ajouter aux
épreuves actuelles, théoriques et pratiques, des concours de Bi-
cêtre et de la Salpêtrière une épreuve nouvelle : l'examen des titres
scientifiques, en y joignant une appréciation des services rendus 1.
Grâce à cette innovation, il pourra être tenu compte, dans les
concours, d'un élément important, et on encouragera sérieuse-
ment les jeunes gens à se livrer aux recherches cliniques, aux tra-
vaux de laboratoire; en un mot,à faire acte d'initiative, au lieu de
donner le pas à ceux qui n'ont d'autres qualités que celles qu'on
acquiert par la fréquentation assidue des conlérences et qui, finis-
sant par arriver après des concours nombreux, ont perdu souvent
l'habitude des recherches et ne contribuent que médiocrement au
progrès de la science, si intimement lié au bien-être et au trai-
tement des malades.
L'assimilation que l'on a voulu établir entre les médecins des
asiles et le corps des officiers, celui des ingénieurs des ponts et
chaussées, est combattue par la minorité du groupe. En effet, pour
être logique, il faudrait l'étendre à tous les médecins des hôpi-
taux, à tous ceux qui occupent des fonctions. L'officier, l'ingénieur
vit de sa paye, il n'en est pas de même le plus souvent des méde-
cins qui reçoivent un traitement ou une indemnité plus ou moins
modiques, parce qu'on sait qu'ils ont à leur disposition la clien-
tèle, la consultation ou des travaux scientifiques. A ce compte, on
écarterait tous les médecins qui, peu fortunés, se sentent la force,
le talent nécessaires pour aspirer à des situations plus favorisées.
Adopter pour l'obtention des places de médecins chefs de
1 Voir sur ce point les rapports présentés par nous au Conseil général
de la Seine sur le service des aliénés pour 1878, 1879, 1880, 1881 et 1882.
VARIA. M9
services un système analogue à celui de l'Ecole polytechnique,
comme l'a proposé M. Ball, n'a pas été admis par le groupe. Il
serait tout au plus possible si l'on procédait d'un seul coup à la
nomination de tous les médecins, mais il a été convenu que l'on
ferait un concours chaque fois qu'il y aurait trois vacances. Se-
rait-ce le premier nommé de chaque concours qui pourrait obte-
nir les plus hautes fonctions ? Mais les concours sont très ditré-
rents. A un concours il y aura dix candidats, à tel autre, quatre,
six ou quinze. On voit qu'on ne peut pas accepter équitablement
un tel système.
Enfin, la minorité du 5° groupe, composée de M. Herold et du
rapporteur, a fait valoir la situation particulière de la Seine qui
possède, à Paris, la Faculté la plus fréquentée de France, où
existe l'émulation la plus grande, où se trouvent de nombreux
internes nommés au concours et pouvant fournir une riche pépi-
nière de candidats ; la nécessité d'avoir dans les asiles d'aliénés
de ce département des hommes dans la force de l'âge, capables
par leurs travaux scientifiques, par leur enseignement, d'aider à
un bon recrutement de tous les asiles de la France.
MM. Herold et Bourneville ont déclaré qu'ils ne verraient au-
cun inconvénient à ce qu'il fût procédé de la même façon pour
les asiles situés au chef-lieu des autres Facultés de médecine. Ces
arguments n'ont pas convaincu les membres du groupe qui, à la
majorité de trois (MM. Bail, Foville, Pilon) contre deux (11\l. He-
rold et Bourneville), ont déclaré qu'il n'y avait pas lieu d'instituer
un concours spécial pour les asiles du département de la Seine.
L'établissement du concours entraîne la suppression de la no-
mination des médecins par des préfets, conformément aux dispo-
sitions du décret du 23 mars 1852 sur la décentralisation adminis-
trative. Cette prérogative, d'ailleurs, était en réalité illusoire, car,
depuis la promulgation de ce décret, la nomination des médecins
a continué à se faire sur la présentation d'une liste dressée par
MM. les inspecteurs généraux. Hien n'a donc été changé que la
lettre; ce sont toujours les mêmes fonctionnaires qui présentent
les candidats au choix de l'autorité. Tous les médecins étant, à à
l'avenir, nommés à la suite d'un concours, il parait, en effet,
qu'au ministre seul puisse être dévolu le pouvoir de consacrer le
résultat du concours par la nomination. Enfin, le 5° groupe estime
que, dans le but de compléter les avantages du concours, il serait
bon d'établir un tableau d'avancement dressé par une commission
médico-administrative.
Depuis la publication de ce rapport, comme auparavant, le
Conseil générai n'a cessé, chaque année, de réclamer instamment
le concours spécial pour la Seine. Bourneville.
FAITS DIVERS
Asile DE BLOIS. M. le Dr Millet, médecin adjoint de l'asile de
Prémontré (Aisne), est nommé au même titre à l'asile de Blois et
maintenu dans la deuxième classe de son grade.
Asile DE Boozaar ? 111. le Dr Paul Gérente, nommé précédem-
ment par M. le gouverneur général de l'Algérie directeur-méde-
cin de l'asile de la Bouzaréa (Algérie), est assimilé aux directeurs-
médecins des asiles publics de la métropole pour prendre rang à
la suite des directeurs médecins de quatrième classe, en fonctions
au : ! 0 septembre 1883.
Asile DE LEYME. - L'établissement des aliénés de Leyme (arron-
dissement de Figeac) vient d'être le théâtre d'un drame épouvan-
table. Dans la soirée de endredi, 8 février l 884, une femme de ser-
vice commit l'imprudence de pénétrer dans la cellule d'une folle
dangereuse, sans se faire suivre de quelque gardien ou d'une autre
infirmière. Aussitôt la folle se précipite sur la porte, la ferme, et
prend la clef. Puis, elle tombe avec fureur sur la servante et lui
assène de si violents coups de poing sur la tête qu'elle finit par l'é-
tendre par terre sans connaissance et presque sans vie. Des gar-
diens et plusieurs autres personnes, accourus aux cris désespérés
de la victime, eurent la douleur d'assister à cette horrible scène,
derrière les barreaux d'une grille, sans pouvoir porter secours à la
malheureuse aussi promptement qu'ils l'auraient voulu. La porte
était en fer munie d'une grosse serrure, et la clef était enlevée.
Quand on put enfin forcer l'entrée de la loge. Il était trop tard.
L'infirmière respirait encore, mais deux heures après elle était
morte. (La Paix.)
Asile DE PRËMONTRË. M. le Dr BELLAT, ancien interne des asiles
de la Seine, est nommé médecin adjoint de l'asile de Prémontré
(deuxième classe). -
Incendie dans UN asile d'aliénés. - Dans son numéro du 29 dé-
cembre, The New-York med. Joum. nous apprend qu'un incendie
avait éclaté le jeudi précédent dans l'un des bâtiments du Lu-
natic asylllln on Ward's Island. Déjà les dégâts étaient considé-
rables lorsqu'on s'aperçut de l'accident. Grâce à l'habileté du super-
intendantde l'asile, le Dr Macdonald, les malades ont été préservés
de tout danger. La perte est évaluée à 20,000 dollars. L'asile
n'était pas assuré; l'eau a fait défaut.- Ce fait montre une fois de
FAITS DIVERS. 611 1
plus combien sont coupables les administrations hospitalières- et
l'Assistance publique de Paris n'échappe pas à ce reproche, qui
ne prennent pas, dans les asiles, Jeshùpltaux etles hospices, toutes
les précautions nécessaires contre l'incendie.
Femmes médecins dans les asiles d'aliénés. The med. Record
(de New-York) (22 décembre), nous apprend que 11 ? la doctoresse
Sarah Stockton a été nommée médecin de la division des femmes
de l'asile des aliénés de l'état d'Indiana.
L\ statue de BROC,\. - Dans une de ses dernières séances, le
conseil municipal de Paris, sur le rapport de M. Hattat, a accordé
à la Société d'anthropologie l'autorisation de faire élever la statue
de l3roca à l'angle du boulevard Saint-Germain et de la rue de
l'Ecole-de-Médecine, sur le terre-plein situé devant le pan coupé
de la nouvelle Ecole de médecine.
1 ? >srCTlON d'une statue au Dr GUISL11Y, Un Comité, qui compte
bon nombre d'illustrations médicales do la Belgique, vient de se
créer dans le but d'élever une statue au Or Guislaiu, à Gand, dans
sa ville natale. Il est inutile de rappeler la réputation universelle
de ce savant aliéniste, dont les écrits jouissent d'une autorité scien-
tifique incontestée et qui fut en Belgique un des promoteurs de la
réforme apportée au régime des aliénés. - Les personnes qui
seraient désireuses de souscrire peuvent s'adresser à M. le Dr Ingels,
médecin de l'hospice Guislatn, à Gand.
Une société neurologique A PnIL.IDBLPII1R. Le PhiladeltttC
Times annonce l'organisation d'une Société neurologique dans
cette ville. M. Kerlin est nommé président et le comité d'organi-
sation est composé de : MM. Mills, Sinkler, Chase, Eskridge et
Brubaker.
Prix concernant l'anthropologie criminelle D'tT.\LIE.-La Rivista
di discipline carcerarie, qui se publie sous le patronage de la di-
rection générale des prisons, a résolu de mettre au concours les
sujets suivants :
Première thèse. [Prix : 2,000 francs). - « Exposer les progrès
accomplis dans ce siècle (en Italie et ailleurs) dans les études
d'anthropologie criminelle, et les théories soutenues par les au-
teurs les plus autorisés; examiner les faits et les chiffres statistiques
qu'ils ont cités il l'appui de ces théories, et les soutenir ou les
combattre à l'aide d'autres faits et d'autres statistiques.»
Comme il est facile de le voir, l'importance de cette thèse ré-
side principalement dans la dernière partie, car les deux pre-
mières ne sont qu'une introduction historique. Il est donc naturel
de donner la préférence au mémoire qui contiendra la plus grande
quantité de recherches d'anthropologie criminelle.
412 FAITS DIVERS.
Nul en effet parmi ceux qui cultivent les sciences anthropolo-
giques, n'ignore que, de nos jours, une école de savants expéri-
mentalisles croit pouvoir trouver les causes déterminantes de
l'impulsion à commettre des délits dans le crétinisme, le goitre,
l'alcoolisme, la folie-des ascendants et les anomalies du corps et
spécialement du crâne; de même qu'elle croit pouvoir déterminer
quelques caractères particuliers dans la mesure du crâne et de la
face dans les erreurs de la parole et de l'écriture dans la
dynamomélrie, J'e<thésiométrie, l'algométrie, etc.
Deuxième thèse. (Pria; : 1,000 francs). - La deuxième thèse, à
laquelle est affecté un prix de 1,000 fr., consiste à exposer les règles
suivies par les anciennes législations pour définir et punir la ré-
cidive ; celles que l'on suit maintenant et à examiner surtout, en
se basant sur des faits, quelles sont les causes principales de la
récidive et les moyens pour la combattre.
Troisième thèse. (Prix : 1,000 francs). - La troisième thèse, à
laquelle est également affecté un prix de 1,000 fr., consiste à dé-
finir la volonté, à indiquer de quelle manière, à quelle époque
de la vie et sous quelles conditions internes et externes se déve-
loppe dans l'homme la faculté du vouloir, à indiquer quels sont les
moyens les plus efficaces pour augmenter l'énergie de la volonté
de manière à exercer une influence sur la formation du caractère
moral de l'homme et d'en faire un moyen de correction chez les
adultes.
Pour la première thèse, le concours est international, mais les
Mémoires ne pourront être écrits qu'en italien ou en français.
Pour les autres questions, le concours est réservé aux écrivains
italiens. Les Mémoires, originaux, inédits, anonymes, sur la pre-
mière thèse, devront être adressés franco à la direction de la Ri-
vista di discipline ea1'GCI'(l1'ic, au ministère de l'intérieur, avant
le 31 décembre 1884, et ceux sur les deux autres thèses, avant
le 30 septembre 1884. Chaque travail devra être accompagné d'une
devise répétée sur une enveloppe cachetée, dans laquelle devra se
trouver la signature de l'auteur. Les concurrents conserveront la
propriété de leurs écrits qui leur seront rendus aussitôt après que
la commission, chargée de les examiner, aura donné son avis.
Les auteurs des écrits récompensés devront les publier dans
l'espace de six mois, à dater du jour où ils auront été rendus, ou
bien les laisser publier dans la Riuislu di discipline carcerarie, si la
direction y consent. '
Dans le premier cas, l'auteur est obligé de donner cinquante
copies du mémoire publié, à la direction de la Revue; dans le
second cas, l'auteur recevra, en outre du prix fixé, cent .exem-
plaires. Le prix sera donné le jour de la publication du mémoire
récompensé. (Ann. méd. ]Jsyclwl.).
faits DIVERS. le 13
Conseil supérieur DE statistique. - Par arrêté ministériel en
date du 12 mars 1884, MM. les D13 Bertillon et Chervin sont nom-
més membres de la Commission chargée d'étudier les mesures à
prendre pour la création d'un conseil supérieur de statistique.
NÉCROLOGIE. - Le Centmlblatt sur Navenheilkunde, Psychiatrie,
etc., du 5 mars 1884, annonce la mort du Dl Frese, professeur de
psychiatrie, et directeur de l'hospice des aliénés de Saint-Péters-
bourg.
The american Journal of Neurology and Psychiatl'Y, annonce (nu-
méro 3), la mort, à 63 ans, du Dr B. WILBUII, super-inlendant de
l'asile des idiots de l'Etat de New-York, à Syracuse. Il aurait été
le premier qui se soit occupé de l'éducation des idiots aux Etats-
Unis, ayant établi la première école dans sa propre maison en
1848. Depuis 1854, il occupait la situation de médecin-directeur de
l'asile de Syracuse.
SÉQUESTRATION ILLÉGALE COMMISE PAR UN MAIRE. Nous, préfet du
Doubs, chevalier de la Légion d'honneur, vu les pièces d'enquête
desquelles il résulte :
1° Que M. Voisard, maire de la commune d'lndevillers, par lettre
en date du 30 juin 1883, a sollicité de notre prédécesseur l'inter-
nement à l'asile d'aliénés de Dôle de la femme Voisard, née
Brischoux, et a produit, à l'appui de sa requête, un certificat mé-
dical en date du 29 juin, attestant que cette femme était atteinte
de folie et qu'il était nécessaire, pour la sécurité publique, de la
placer dans un appartement spécial;
2° Qu'au vu de ces pièces, l'administration préfectorale a pris, à
la date du 10 juillet 1883, un arrêté autorisant l'admission provi-
soire de la femme Voisard à l'hospice de Bellevaux pour y être
placée en observation ;
3° Que dans la lettre susmentionnée, le maire d'indevillers a
trompé l'administration, en ne lui faisant pas connaître, d'une
part, que la femme Voisard n'habitait pas sa commune, quoiqu'en
étant originaire, mais qu'elle résidait depuis trente ans en Suisse,
avec son mari, et qu'elle ne se trouvait même pas à Iudevillers au
moment où son internement était demandé; et, d'autre part,
que le certificat médical avait été délivré par un praticien qui
n'avait pas vu cette femme, mais l'avait rédigé de confiance au vu
d'une attestation d'un médecin suisse ;
4° Qu'après être resté pendant plus de trois mois sans rien faire
usage de l'arrêté préfectoral précité, le maire d'indevillers a pro-
cédé, le 22 octobre dernier, avec l'aide de la gendarmerie requise
il cet effet et de deux autres personnes, à l'arrestation de la femme
Voisard, qui avait été attirée dans la commune à l'aide d'une lettre
mensongère à elle adressée; que cette arrestation a eu lieu entre
414 faits divers.
onze heures du soir et minuit; que le maire, pour pénétrer dans
la maison où la femme Voisard était descendue et devant le refus
d'ouvrir qui lui était opposé, a fait enfoncer les portes malgré les
cris et les protestations des habitants ; qu'il a obligé la malade à
s'habiller à la hâte, l'a fait emmener hors de la maison, l'a fait
monter sur une voiture et conduire à Besançon ;
Considérant que l'état mental de la femme Voisard ne présen-
tait à ce moment aucun danger pour la sûreté publique et la sécu-
rité des personnes; Considérant que, dans ces circonstances, le
maire d'Indevillers a gravement compromis la dignité de ses fonc-
tions en trompant l'administration; qu'il s'est associé à une ma-
noeuvre ayant pour but d'attirer la femme Voisard à lndevillers,
où elle ne résidait pas; qu'il a abusé de son autorité en requérant
illégalement la gendarmerie et en s'introduisant la nuit dans une
maison habitée;
Considérant que ces faits méritent une sévère répression ; vu la
loi du 30 juin 1838; vu la loi du 6 mai -183; sur la proposition de
M. le sous-préfet de 111onLbéliard,
Arrêtons : Art. le'. M. Voisard (Charles), maire de la com-
mune d'indevillers, est suspendu de ses fonctions. Art. 2.
M. le sous-préfet de Montbéliard est chargé de l'exécution du pré-
sent arrêté. Besançon, le 7 lévrier 1884. Le préfet du Doubs,
LEVAILLANT.
Les Epileptiques. Le Télégraphe, dans son n° du 7 février,
rapporte le fait suivant : « Au numéro 28 de la rue Mirrha habitait,
dans une chambre située au sixième étage, une jeune ouvrière,
nommée Alexandrine Brunet et à peine âgée de vingt-deux ans.
Cette jeune fille est atteinte d'une maladie terrible : elle a de fré-
quentes attaques d'épilepsie. En rentrant hier soir chez elle, elle fut
prise d'un nouvel accès ettomba sur le plancher. Elle entraîna dans
sa chute un petit poêle allumé, lequel communiqua le feu à ses
vêtements. Aux cris désespérés d'Alexandrine Brunet, les voisins
accoururent, enfoncèrent la porte et furent assez heureux pour
arracher la jeune fille à une mort épouvantable. Néanmoins, cette
malheureuse, outre ses brûlures sur tout le corps, a eu la jambe
droite carbonisée. Elle a été transportée à l'hôpital Lariboisière
dans un état désespéré. » Ce fait montre une fois de plus la
nécessité d'admettre largement dans les asiles les épileptiques,
surtout celles qui n'ont pas de famille ou qui n'ont pas d'aura
les avertissant assez à temps pour se prémunir contre les accidents.
Instabilité MENTALE.- Sous le titre de : L'escapade d'une gamine,
l'Union républicaine dcl'Eul'c raconte, dans son no du 10 février, le
fait suivant : « Samedi soir, une petite fille d'Ecardenville-sur-
Eure, nommée Marie C. B ? âgée de huit ans et demi, a quitté le
domicile de ses parents et est partie à l'aventure du côté de Pacy.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. H5 5
Elle est coutumière, parait-il, de ces escapades. A sa sortie d'Au-
theuil, elle demanda à un conducteur de voiture, qui passait, de
vouloir bien remmener avec lui. Celui-ci, voyant qu'il s'agissait
d'unegamine enfuie de chez ses parents, lui refusa une place pourla
décider à rentrer chez elle.
« Mais après avoir passé Chambra, quelle ne fut pas sa surprise
de voir que l'enfant s'était glissée dans sa voiture sans qu'il s'en
aperçut ! Il fut donc forcé de remmener à Pacy, où il la déposa à
onze heures du soir chez M. Bourgeot, à l'hôtel Saint-Lazare. L'en-
fant y passa la nuit et le lendemain matin, M. Bourgeot prévint
les autorités de ce qui s'était passé.
« Après quelques pas et démarches, les parents de l'enfant furent
informés de sa présence à Pacy et invités à venir l'y chercher.
Dans la journée, la gamine, restée en observation chez M. Bour-
geot, tenta de s'affranchir de cette surveillance par la fuite. Le
soir, arrivèrent les parents pour chercher cette luronne qui leur
avait fait passer une nuit et une journée d'inquiétude On pense,
dit la Vallée d'Eure, que cette petite fille n'aurait pas la tête bien
équilibrée pour être ainsi partie de chez elle à plusieurs reprises
et à propos de rien. »
Il s'agit là fort probablement d'un cas d'instabilité mentale,
comme on en voit un certain nombre à Bicêtre et à la Salpêtrière.
Ce sont des enfants qui ont besoin d'un traitement médical et
d'une éducation spéciale.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
PUBLICATIONS DU PROGRES MEDICAL
Bottnnsvmcn et BRICON. Manuel des injections soiss-cutanees. Un
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Bourneville et D'OLIER. Recherches cliniques et thêmpniliques sur
l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu du service des epileptiques
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Boukneville et REGNARD. Iconographie photographique de la Salpd-
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rniers volumes sont en vente Prix du volume sous carton : 30 fr.; pour
nos abonnés, 20 fr. Les volumes se vendent séparément. Il ne nous reste
plus que quelques exemplaires du tome I. (Cet ouvrage a été couronné
416 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
par l'Académie des Sciences, dans sa séance du2 avril 1883). -Nous avons
fait relier quelques exemplaires dont le texte et les planches sont montés
.suronglets; demi-reliure, tranche rouge, non rognés. Prix delà reliure : 5 fr.
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SULLY (T.). Les illusions des sens et de l'esprit. Un volume in-8"
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nationale. Prix : 6 fr.
VARiGsy (H.-C. de). Recherches expérimentales sur l'excitabilité
électrique des circonvolutions cérébrales et sur la période d'excitation
Intente du cerveau. In-8° de 139 pages. Prix : 2 fr. - Paris, 188t.
Librairie F. Alcan.
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Bastings (A.) Réforme médicale sous le double rapport scientifique et
pratique. (Essai d'élever la médecine au niveau des sciences physiques
en déterminant la cause anatomique de chaque maladie et le moyen
rationnel de la combattre). Un volume in-8" de 95 pages. Prix : 2 Ir.
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docteur John Asrmunsr et illustrée de figures intercalées dans le texte.
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2,000 figures. Chaque volume se composera de 5 fascicules de 160 pages
chacun. Prix de chaque fascicule : 3 fr. 50. Les deux premiers fascicules
sont en vente.
Kocuen (A.). De la criminalité chez les Arabes au point de vue de la
pratique nzéclico-judiciaire en Algérie. Brochure in-8° de 244 pages.
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LEGRAND du SAULL. Les hystériques. État physique et état mental.
Actes insolites, délictueux et criminels. Un volume in-8» de 625 pages.
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Brousse (A.) De l'ataxie héréditaire (Maladie de Friédreich). Bro-
chure in-8" de 100 pages.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 417 i
Mabit. - De la manie chronique à forme rémittente. Brochure in-8" de
240 pages. Prix 4 fr.
Ritti (Ant.). Éloge de L.-V. Marcê. Lu à la séance publique annuelle
de la Société médico-psychologique du 24 avril 1882. Brochure in-so de
24 pages.
Ritti (Ant.). - Traité clinique de la folie à double forme. (Folie cir-
culaire, délire à formes alternes). Un volume in-8" de 393 pages. Prix :
8 fr.
LIBRAIRIE G. MASSON, 120, boulevard Saint-Germain.
BILLOD (E.). - Les aliénés en Italie. - Etablissements qui leur sont con-
sacrés. Organisation des maladies mentales et nerveuses. Un volume
in-8- de 355 pages. Paris, 1884. Librairie G. Masson.
GowEns. (W.-R.). De l'épilepsie et autres maladies convulsives chro-
niques. Traduit de l'anglais par le D A. Carrier. Un volume in-8° de
487 pages. Prix : 10 fr. Paris, 1884. G. Masson.
MAIRET (A.). De la démence mélancolique. (Contribution à l'étude de
la peri encéphalite chronique localisée et à l'étude des localisations céré-
brales d'ordre psychique). Un volume in-8^ de 318 pages, avecll planches
lithographiées.
C-4MPAN (L.). Asile public d'aliénés de Cadillac. Compte rendu médical
de l'exercice 1881. Brochure in-8^ de 91 pages. Bordeaux, 1882. Imprimerie
Grenouilhou.
DANA (C.-L.) The asylum superintendents on the needs of the insane,
with statistic on insanity in the united States. Extrait du Journal of
nervous and mental dzsense. Brochure in-8° de 17 pages. New-York, 1882.
Putnam's sons.
Grasset (T.). De l'aniblynpie croisée et de l'hémianopsie dans les
lésions cérébrales. (Nouveau schéma du trajet présumé des fibres optiques).
Brochure in-8" de 15 pages, avec une planche hors texte. Montpellier
médical, févtier 1883. Montpellier.
BIIItCKAAI1DT (L.). Ein fall von 1VOI'Uallbheit. (Extrait du Correspon-
denz-Blatt sur sclnveiz. Aerzte Jahrg. XII (1882). Brochure in-8" de 10
pages.
FRANZOUM (F.) et CRIAI' (G.) - Relazione finale sulla epidemia di istero
demonopatie tn Verzegnis. Brochure in-8" de 5 pages. nledic., 1883.
Morselli (L.) - Recherche sperinzentali, intorno alla azione ipczotiac
sedativa pnraldeide nette malattie mentali. Communicazione preventiva
(Dall'istituto psichiatrico di torino. Brochure in-So de 19 pages. Milano,
18S3. F. Vallardi, 15, via Disciplini.
LIBRAIRIE J.-A. CHURCHILL, New Burlington street, à London.
Page (W.) Injuries of the spine and spinal cord without apparent
mechanical lesion, and ne ? -vous schock in their surgical and medico-legal
aspects. Un volume in-8° cartonné de 374 pages.
LIE;AIRIE A. DELAHAYE et E. LECROSNIER,
place de l'École-de-Médecine.
CACHER (G.). - Etude sur la syphilis pulmonaire. Volume in-8- de
101 pages. Paris, librairie A. Delaliaye et E. Lecrosnier. Prix : 3 fr.
Archives, t. VU. 27
418 X BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
CATOIS (E.-H.). - Etude sur le sycosis. Volume in-8" de 130 pages,
Paris, librairie A. Delahaye et E. Lecrosmer. Prix : 3 fr. 50.
Hetvnor (H.). Notes de clinique médicale (huitième année). Brochure
in-8" de 28 pages, Paris, librairie A. Delahaye et E. Lecrosnier. Prix : 1 fr. 50.
QuttfQUAUD (E.) De la scrofule dans ses rapports avec la phthisie
pulmonaire. Un volume in-8" de 175 pages. Prix : 3 fr. 50.
RELIQUET. De la lithotritie rapide. Brochure in-8° de 79 pages avec
28 figures intercalées dans le texte. Paris, librairie A. Delahaye et E. Le-
crosnier. Prix : 1 fr. 60.
VEIL (F.). - Etude sur la pathogénie des ascites ck/lifornes. Brochure
grand in-S" de 75 pages, Paris, librairie A. Delahaye et E. Lecrosnier.
Prix : 2 fr. 50.
VIMONT (G.). Etude sur les souffles du rétrécissement et de l'i7tsuffi-
sance de l'artère pulmonaire. Volume in-so de 200 pages. Paris, librairie
A. Delahaye et E. Lecrosnier. Prix : 4 fr.
ANNUAL report of the trustées of the State hospital loi- the insane, War-
ren, 1883. Brochure in-8" de 50 pages. Warren, Penn'a, 1884. E. Cor-
van et C».
ARIIIANGUÉ (.1.). - Casi di epilessia pseudo-gaslrica. Brochure in-8" de
12 pages. Firenza, 1883. Topografie cooperativa.
CenrErtren (W.-M ). American neurologrcal association V, Ninlh annual
meeting. Brochure in-8^ de 88 pages. - New-York, 1884. Putnam's sons.
FRENELL. De l'hydrothérapie dans le traitement du goitre exophtal-
mique Brochure in-8» de 8 pages. Nancy, 1883. Berger-Levrault.
HUGIIE9 (C.-H.). Moral (affective) Insanilrl. Psycho-sensory Insanity.
Brochures in-8" de 18 pages. New-York, 1884. Aliemst and neurologist.
JACOHI (A.). Infant fceding and infant foods. (The anniversary ad-
dress, delivered before the New-York state médical Society). Brochure
in-8» de 24 pages. Plriladelphia, au journal l'he medical News.
Marie-Girod. - Les aliénés en Savoie. Un volume in-8» de 215 pages.
Chambéry, 1884. Imprimerie Châtelain.
Millet (.1.). Des vertiges chez les aliénés. Paris, 1884. Imprimerie
de l'Etoile, 1, rue Cassette. - Résumé du mémoire qui a obtenu le prix
Esquirol en 1883.
Stillmann (Ch.-F.). Contributions to orthopoedic Surgery. An aid
to the mechanical trealment of weah ankles and inverled feel. Brochure
in-8" de 12 pages avec 16 figures dans le texte. New-York, Crawford,
Printer 49, Park Place.
Contributions to orthopoedic Surgery. A new system of surgical me-
chantes. Brochure in-go de 14 pages avec 15 figures dans le texte, Phila-
delphia, Collins, Printer, 705, Jone Street.
WINTER1VITZ (W.). Zur frage der typhus-behandluny. Brochure in-8"
de 25 pages. Wien und Leipzig, 1884. Urban et Schwarzenberg.
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
TABLE DES MATIÈRES
Académie de médecine, 381.
Acoustique (noyau externe de l'),
par Monakow. 124.
Aliénation mentale (du rôle de la
profession dans le développement
de 1'), par Charpentier, 343.
Aliéné (cerveau d'un - attemt de
folie systématique), 380.
Aliénés (projet de 101), 14, 143,381;
- (législation en Amérique), 137 ;
- (sorties des), 254. ? 63 ; -(pro
tection des - en dehors des éta-
blissements spéciaux), 357, 358;
- (inculpés), 3G(l.
Amyotropliies spinales protopathi-
ques, par dorisseu, 333.
Athétose, 3.15.
Ataxie (hémiatrophie de la langue
dans l'), 191; - (troubles uri-
naires dans l'), z24 ; - (hérédité
nerveuse dans la genèse de l'),
259.
Atrophie, musculaire. articulaire et
osseuse, névronathique, ayant,
par son étendue, entraîné des
difformités remarquables, par
Senger, 340.
Buveurs (du réveil du délire alcoo-
liqtic chez les), par Gabriel, 394.
Capsule externe (irradiations de la),
par Aleyiiei t, 374.
Cérébrale (irritation - chez les en-
fants), par J. Simon, 248; - (sy-
philos), 249.
Cérébrale (recherches sur la struc-
ture comparée de l'écorce), par
Bevan Lewis, 120.
Cérébrales (localisations), 145.
'Cérébraux (nouvelle communica-
tion concernant l'influence de la
destruction unilatérale du bulbe
sur le développement des hémis-
pbéres), par Furstner, 124.
Cerveau (nouvelles communications
sur les arrêts de développement
produits sur le - du lapin par
)'e\tirpation de zones corticales
circonscrites), ])ai- Nlonillov, 1 I-)5 ;
(sur la commotion du), par
Ttlmus. 135.
Choréiques(des paralysies chez les),
par Ollive, 276.
Colonie annexe de l'asile de Vau-
cluse, 140.
Congrès annuel de la Société des
médecins aliénistes allemands,
359.
Corde du tympan (de la voie que
suivent les fibres gustatives de la
- pour se rendre à l'encéphale),
par Erb, 124.
Démence paralytique (anatomie pa-
thologique de la), 365.
Diabète (pathogénie du- insipide),
par Flatten, 249; - (de la mort
subite et du coma dans le), par
Frerichs, 250.
Divorce, 379.
Encéphale (anatomie de 1'), par
Mendel, 375.
Examen (introduction de la psy-
chiàtrie dans les épreuves <l'),
360.
Famille névropathique (la), par Ch.
Féré, 1, 173.
Genou (sur une source d'erreur
éventuelle dans la recherche du
phénomène du), par Vestphal,
326 ; (phénomène du et dia-
thèse névropathique), par Bloch,
334.
Gliôme (inflammation parenchyma-
' teuse du système nerveux central
420
TABLE DES MATIÈRES.
et ses rapports avec le), par
Meyer et Bayer, 337.
Goitre (mort par paralysie des
cordes vocales), par Seitz, 253.
Hémiplégie homonyme de la face
et des membres dans les lésions
en foyer de la protubérance an-
nulaire, par Romlot, 276.
Hérédité morbide (de 1' ' et de ses
manifestations vésaniques dans
la paralysie générale), par Sau-
ton, 395.
Hérédité nerveuse (du rôle de l' -
dans la genèse de l'ataxie loco-
motrice progressive), par Ballet
et Landollzy, 259.
Herpès zoster (étiologie de l'), par
Erb, 245.
Hydrothérapie, 86.
Hypoglosse (trajet intra cérébral
de 1'), par Raymond et Artaud,
145, 296.
Hystérie chez l'homme, par Paster-
natzky, 245; par Lecoq, 247;
- par Walton, 253.
Hystérie (deux cas d'), par Wallon,
253.
Hystérique (tremblement - d'ori-
giue traumatique du membre in-
férieur droit), par Carafi, 247;-
(paraplégie -), 248.
Ilystéro-épilepsie chez un jeune
garçon; guérison par l'hydrothé-
rapie, par Bourneville et Bon-
naire, 86 ? 352.
Langue (de l'hémiatrophie de la-
dans le tabes dorsal ataxique),
par Ballet, 191 .
Législation des asiles d'aliénés en
Amérique, 137.
Localisations cérébrales, 145, 296,
337, 339.
Localisations spinales, 341.
Mélancolie anxieuse (perte de la vi-
sion mentale dans la), par Cotard,
289.
Méningite tuberculeuse chez une
jeune fille de dix-neuf ans, par
Liandier, 246.
Mérycisme (du), par Bourneville et
Ségalas, 101, 312.
Moelle (étude d'un cas de fausse
sclérose systématique combinée
1 de la), par Ballet et Minor, 44 ;
(blessure de la - cervicale par
une épingle à cheveux), par Viry,
249; (contribution à la patho-
logie de la), par Strumpell, H30.
Myélite (cas insolite de par com-
pression), par Knecht, 336.
Névropathique (la famille), par Ch.
Féré, 1, 173.
Névrose convulsive (cas insolite de),
par Legrand du Saulle, 127.
Névroses résultant de l'épuisement
de l'économie, 371.
Névroses vaso-motrices des extré-
mités, par Bernhardt, 335.
OEdème circonscrit comme cause
de symptôme d'une affection en
foyer, par Holloender, 332.
OEil (du trajet des fibres qui ser-
vent à rétrécir la pupille et de la
localisation du centre de l'iris et
de la contraction des muscles
moteurs de l'), par Bechtereff,
121.
OEil (paralysie progressive de la
totalité des muscles de 1' chez
les aliénés', 363.
Ophthalmoscopiques (états chez
les aliénés), 376.
Optiques (de la direction des fibres
- à partir des corps genouillés
jusqu'aux corps genouillés), par
Bechtereff, 123.
Paralysies chez les choréiques (des),
par Ollive, 276.
Paralysie combinée du bras et de
l'épaule, par Vierordt, 333.
Paralysie diphthéritique, par Da-
maschino, 248.
Paralysie générale (anatomie patlio-
logique), 379; (de l'hérédité
morbide et de ses manifestations
vésaniques dans la), 395.
Paraplégie hystérique, par Moizard,
248.
Paralysie pseudo-hypertrophique,
par Damaschino, 248.
Paralysie saturnine, 247.
Pédoncule cérébelleux supérieur
(dégénérescence secondaire du),
par mindel, 331.
Physiologie (les premières ques-
tions de la), par Luciani, 126.
Possédée (hrocns-verbal fait pour
délivrer une fille par le malin
esprit il Louvicrs), 396.
Psychiatrique (relation d'un voyage
en Danemark, en Suède et en
Norwège), par Claus, 278, 398.
TABLE DES MATIERES.
421
Réflexes (sur quelques - dans l'en-
fance), par Eulenburg, z
(cutanés et tendineux), par
Schwarz, 343.
Restiforme (corps), par Monakow,
124.
Saturnine (paralysie - des exten-
seurs de la main par intoxication
locale), par Frémont, 247.
Sciatique (traitement de la), par
Glatz, 333.
Sclérose latérale amyotrophique,
par J\Iicrzejewski et Erlitzky, 250.
Sinus falciforme supérieur (engor-
gement chronique du), par Po-
pofi, 307.
Si-Yucn-Lu (exposé des principaux
passages contenus dans le , par
Martin, 275.
Société médico-psychologique, 127,
254, 343.
Sorties des aliénés. 25t,, 265.
Surmenage dans les établissements
d'instruction, 363.
Syphilis cérébrale, par Chante-
messe, 249.
Système nerveux (des troubles uri-
naires dans les maladies du), par
Féré, 224 ; (maladies du), par
Ross, 394.
Tabes dorsal (le traitement galva-
nique du et la réaction anor-
male des nerfs cutanés sensitifs
au courant), par Neftel, 339.
Tendineux (durée latente et carac-
tère pseudo-réflexe des phéno-
mènes), par Eulenburg, 123.
Tremblements (recherches expéri-
mentales sur les - dépendants
de l'écorce du cerveau), par Pas-
ternatzky, Il-)6.
Tumeurs tuberbuleuses du cerveau,
par Heubner, 329.
Urinaires (des troubles dans les
maladies du système nerveux et
en particulier dans l'ataxie loco-
motrice), par Ch. Féré, 224.
Vision mentale (perte de la - dans
la mélancolie anxieuse), par Co-
tard, 289.
Zoster (herpès), 245; (fièvre
et exanthèmes zostériformes), par
Landouzy, 246.
TABLE
DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Arndt, 369, 379.
Artaud, 145, 296.
Ballet, 132, 191, 259, 352,
358.
Bayer, 337.
Bechtereff, 121, 123.
Bénet, 396.
Bernhardt, 335.
Binswanger, 368, 371.
131ooh, 334.
' Bonnaire, 86.
Bouchereau, 358.
Bourneville, 86, 101, 312.
Briand, 134, 275, 359.
Bubuoli, 123.
Carafi, 247.
Chantemesse, 249.
Charpentier, 343.
Christian, 28, 273, 357, 359.
Chvostek, 339.
Clans, 278, 398.
Cotard, 289.
Damaschino, 248.
Danillo, 260.
Deny, 247, 248, 249, 333, 334, 393.
Dreyfous, 253.
Erb, 124, 245, 333.
Erlitzky, 250.
Eulenburg, 123, 327.
Falret, 254,258, 265, 273, 275, 357,
358.
Féré (Ch.), 1, 130, 137, 173, 224,
246, 253, 275, 276, 177, 394, 395,
396.
Flatten, 249. '
Foville, 273, 355, 357
Frémont, 247.
Frensberg, 379.
Frerichs, 250.
Furstner.12').
Gabriel, 394.
Glatz, 333.
Heubner, 329,
Ilitzig, 376.
Holloender, 332.
Jansen, 374.
Jorissen, 333.
Kahn (T.), 245.
Kéraval, 124, 125, 126, 127, 245,
249, 327, 329, 330, 331, 333, 335,
336, 337, 339, 340, 341, 353, 381,
403.
Knecht, 336, 337,
Labitte, 258.
Landouzy, 246.
Lasègue, 393.
Lecoq, 247.
Legrand du Saulle, 127, 259, 274,
359.
Lewis (Bevan), 120.
Liandier, 246.
Loehr, 360.
Luciani, 126.
Lunier, 259,273, 353, 357.
Maestre (De la), 265, 274, 275.
Marie (P.), 154, 342.
Martin, 275.
Monde), 331, 367, 368, 374, 375,
376.
Meyer, 337.
Meynert, 365, 370, 374.
Mierzejewski, 250.
1111nor, 44, 376.
Moeli, 376.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. l'33
Dloizard, 28.
Monakow, 124, 125.
Moray (de), 396.
Mottet, 258, 2b9, 265, 353.
Neftel, 339.
Ollive, 276. ,
Pasternatzky, 126, 244.
Popoff, 307.
Raymond, 145, 296.
Ritti, 356.
Roller, 376.
Rondo ! , 276.
Ross, 394.
Sahli. 341.
Sakaki, 380.
Salifier, 379.
Sauton, 395.
Schwarz, 343.
Séglas, 101, 312.
Seltz, 253.
Senger, 340.
Simon, 248.
Sinidt, 370.
Strumpell, 330.
Taguet, 352.
Tilanus, 134.
Tuczek, 365, 367, 370.
Uthhoft, 378.
Vierordt, 333.
Viry, 249.
Voisin, 353, 357.
Walton, 253.
Westphal, 327, 363, 368, 369.
Wildermuth, 361, 379.
Archives de Neurologie T VII PL I
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE PREMIÈRE
Fig. 1. -.Coupe de la moelle au niveau de la partie supérieure du
cône médullaire.
Fig. 2. Coupe transversale à la partie inférieure de la région
lombaire..
a, Prolongement scléreux émané de la pie-mère.
Fig. 3. - Coupe transversale à la partie moyenne de la région lombaire.
a, Prolongement scléreux émané de la pie-mère.
Fig. 4, 5, 6. - Coupes transversales de la région dorsale.
426 EXPLICATION DES PL4NCHES.
PLANCHE Il
Fig. 7, 8. Coupe de la région dorsale.
a, Sclérose latérale.
b, Sclérose du faisceau de Burdach.
Fig. 9. Coupe de la région dorsale Nombreux vaisseaux coupés
transversalement.
Fig. 10. Coupe transversale de la région cervicale inférieure.
Fig. Il, 12. Coupes transversales de la moelle aux pai ties moyennes.
a, Sclérose latérale.
b, Sclérose du cordon de Goll.
Archives de Neurologie. T VII PL. II
Archives de Neurologie
T VII PL III
EXPLICATION DES PLANCHES. t27
PLANCHE lit
Fig. 13. Moitié droite d'une coupe de la moelle à la région cervi-
cale inférieure.
a, Artère. Nombreux noyaux dans la paroi de l'artère et dans la gaine
lymphatique.
Fig. 14. Coupe verticale de la région dorsale passant par le seg-
ment postérieur de la moelle.
a, Sclérose des cordons postérieurs.
b, Sclérose du cordon latéral.
c, Corne postérieure.
Fig. 15. Tube nerveux sur une coupe longitudinale. Tube variqueux.
Fig. 16. A, coupe d'un cordon latéral atteint de dégénérescence
secondaire.
B, Coupe du cordon latéral dans notre cas.
a, Tube nerveux avec cylindre-axe; hypertrophie.
L, Tube nerveux dilaté et vide.
E\I'UI UI Ihill."3K' Imp - 584.